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Document E3647
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Livre vert - Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine.


E3647 déposé le 3 octobre 2007 distribué le 3 octobre 2007 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0551 final du 25 septembre 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 27 septembre 2007)

Ce Livre vert a été présenté par M. Gérard VOISIN , rapporteur, au cours de la réunion de la Délégation du 8 juillet 2008.

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Dans l’Union européenne, plus de 60 % de la population vit en milieu urbain. Les villes sont le moteur de l’économie européenne. Elles attirent l’investissement et l’emploi. Elles sont indispensables au dynamisme de l’économie. Les zones urbaines constituent désormais le cadre de vie de l’immense majorité de nos concitoyens, auxquels il faut offrir une qualité de vie aussi élevée que possible. C’est pourquoi une réflexion commune sur la question de la mobilité urbaine est aujourd’hui nécessaire.

Les villes européennes sont toutes différentes, mais elles font face à des défis similaires et sont à la recherche de solutions partagées. Face à cette problématique, les collectivités locales ne peuvent rester isolées, sans coopération ni coordination au niveau européen. C’est tous ensemble, et à tous niveaux, qu’ils soient local, régional, national ou européen, que nous devons lancer la réflexion sur cet enjeu capital : la mobilité urbaine.

La Commission a présenté, le 25 septembre 2007, un Livre vert intitulé « Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine », qui, tout en tenant compte de ces considérations, expose une stratégie globale destinée à permettre aux villes de relever cinq défis :

- la congestion ;

- la pollution ;

- la hausse incessante des flux de transport de marchandises et de voyageurs ;

- l’accessibilité aux zones urbaines ;

- la sûreté et la sécurité des transports.

A l’évidence, la consultation ainsi ouverte à l’occasion de ce Livre vert a suscité un très vif intérêt, comme en témoignent les 450 contributions qui ont été reçues par la Commission.

Certes, la présentation de ce Livre vert était très attendue, puisqu’il avait été annoncé en 2006, lors de l’examen à mi-parcours du Livre blanc sur la politique des transports.

Mais, d’une part, il fait suite à une première consultation d’experts à laquelle la France – par l’intermédiaire du GART (Groupement des Autorités responsables de transports) – a d’ailleurs pris une part active. D’autre part, et surtout, la présentation du Livre vert revêt d’autant plus d’importance que l’Union est confrontée à une nouvelle donne énergétique marquée par la hausse considérable du prix du baril du pétrole et le risque d’une raréfaction de cette énergie. Dans le même temps, l'Union européenne a manifesté sa volonté de jouer un rôle moteur et exemplaire dans la lutte contre le réchauffement climatique, à travers notamment le plan énergie-climat qui doit être adopté à la fin de cette année.

Pour ce qui est de la France, l’intérêt de cette consultation tient aussi à ce qu’elle s’est déroulée parallèlement aux travaux du Grenelle de l’environnement, dont les préoccupations coïncident avec les options stratégiques de la Commission.

Au surplus, la présidence française de l’Union se trouvera confrontée aux problématiques soulevées par le Livre vert, non seulement parce que les questions touchant à l’énergie et à l’environnement figurent au rang de ses priorités, mais aussi parce qu’au cours de l’automne, la Commission devrait présenter au Conseil le Plan d’actions – mentionné dans le Livre vert – lequel aura pour objet de « recenser une série d’actions et d’initiatives concrètes pour une mobilité urbaine améliorée et durable », selon les termes mêmes de la Commission.

Comme un très grand nombre de ses interlocuteurs, le rapporteur accueille favorablement la réflexion engagée par la Commission.

Pour autant, il constate que, malgré l’approbation très large dont bénéficie le principe de la démarche de la Commission, le Livre vert soulève diverses interrogations touchant à sa compatibilité avec le principe de subsidiarité, à ses omissions ou encore à la pertinence des options avancées.

C’est pourquoi le rapporteur, tout en affirmant la nécessité de relever les défis de la mobilité, insistera néanmoins sur les écueils qu’il importe d’éviter, en particulier celui d’épouser des solutions en trompe-l’œil.

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I. Le souhait de la Commission de promouvoir une politique intégrée des transports urbains

Ce n’est certes pas la première initiative de la Commission dans le domaine des transports urbains. Mais au regard des propositions antérieures de la Commission( 1), le Livre vert marque toutefois un infléchissement notable de par la stratégie globale qu’il expose, dont le principe est largement approuvé.

A. Une stratégie globale

Cette stratégie repose sur trois piliers :

- la lutte contre la congestion des villes ;

- la protection de ces dernières contre les nuisances environnementales ;

- la promotion de leur développement économique.

1) Lutter contre la congestion des villes : « pour des villes fluides »

Tout en convenant de l’impossibilité de formuler une solution unique pour réduire la congestion, la Commission préconise, notamment, deux séries d’orientations possibles :

- le développement des modes alternatifs à la voiture individuelle, qu’il s’agisse des modes de transport dits doux, tels que la marche ou le vélo, ou des transports collectifs. Il serait nécessaire de prévoir des connexions efficaces entre les différents modes de transport pour faciliter les déplacements ;

- l’optimisation du recours à la voiture individuelle, à travers l’incitation au covoiturage, lequel tend effectivement à se développer, du fait de la hausse du prix de l’essence.

La Commission évoque également le rôle que peut jouer l’instauration des péages urbains qui, d’après elle, ont contribué de façon positive à assurer la fluidité du transport, jugement que ne partage nullement le rapporteur, au vu de l’échec qu’il a pu constater du système fonctionnant à Londres.

2) La protection de l’environnement des villes : « pour des villes moins polluées »

La Commission constate que, malgré les diverses réglementations qui ont, entre autres, renforcé les normes d’émission européennes applicables aux émissions polluantes des véhicules, la situation des villes au plan écologique demeure insatisfaisante. La Commission l’impute, de façon partiale, selon le rapporteur, aux difficultés rencontrées par les autorités locales à se conformer aux exigences imposées en matière de qualité de l’air, alors qu’il eût été opportun d’examiner également les obstacles dans la mise en œuvre rapide – et à grande échelle – des alternatives au pétrole.

Outre le recours à de nouvelles technologies – tels que les convertisseurs et les filtres à particules – ou la mise en application de la « conduite écologique »( 2), la Commission voit dans les restrictions de la circulation une voie à envisager. Ces restrictions, qui touchent déjà certains centres-villes, pourraient intervenir à travers des zones vertes urbaines. Celles-ci peuvent revêtir plusieurs formes : piétonisation, restriction d’accès, limitation de vitesse ou encore péages urbains.

3) Promouvoir le développement économique des villes

La Commission considère que les villes ne pourront faire face à une augmentation constante des flux de fret et de passagers qu’en recourant de façon accrue aux systèmes de transport intelligents( 3) , en vue d’améliorer la mobilité et l’accessibilité.

Sur le premier point, ces systèmes pourraient faciliter la gestion de connections entre les réseaux à l’interface des zones urbaines.

Quant à l’accessibilité, il s’agit d’abord de favoriser des infrastructures de qualité, permettant d’établir de bonnes connections vers les aéroports, les gares et les ports ainsi que vers les terminaux de fret intermodaux.

En second lieu, il importe de mettre des transports collectifs attractifs à la disposition des usagers mais qui, en outre, soient fréquents, rapides, fiables et confortables.

B. Une stratégie largement approuvée

Certaines réactions – en particulier celles des Etats membres – soulignent le manque d’originalité des réflexions engagées par la Commission, au motif que les solutions avancées sont déjà envisagées, mises en œuvre ou susceptibles de l’être à bref délai.

Pour autant, même en Allemagne ou au Royaume-Uni, défenseurs orthodoxes du principe de subsidiarité, le principe de la démarche de la Commission n’en est pas moins salué.

Ainsi, le Gouvernement fédéral d’Allemagne indique-t-il que l’intégration des modes de transport doux (marche et vélo) dans la stratégie globale de la planification du transport et de l’urbanisme n’est pas encore une pratique courante en Allemagne.

De façon plus générale, le Gouvernement fédéral

« salue la proposition consistant à considérer la mobilité urbaine dans le cadre d’une approche intégrée des politiques de la ville et tenant compte des différents domaines, tels que la planification urbaine, l’économique, le social, l’environnement et les transports ».

Quant au Royaume-Uni, c’est de façon plus indirecte que les autorités britanniques plaident en faveur d’une approche intégrée. En réponse à la dernière question posée par le Livre vert sur l’opportunité d’apporter un soutien européen ciblé pour le financement du transport urbain propre et énergétiquement efficace, les autorités britanniques indiquent que :

« Le soutien de l’Union devrait être accordé à des activités impliquant un ensemble de mesures – et pas seulement la réduction des émissions – qui ont un impact dans le long terme ».

Il convient de noter également que l’attention apportée par le Gouvernement britannique au projet des ecotowns (villes écologiques) est de nature à renforcer son soutien à une approche intégrée. En effet, ces villes devraient être conçues de telle façon que, dès le départ, elles s’inscrivent dans une perspective de développement durable et de prise en compte du changement climatique, en favorisant le développement des transports collectifs et la marche à pied notamment.

Mais au delà, certaines personnalités que le rapporteur a rencontrées lors de son déplacement à Londres, lui ont déclaré que le Livre vert pouvait marquer un tournant de la politique poursuivie jusqu’à présent au Royaume-Uni. Alors que les transports y ont été considérés comme un parent pauvre du développement économique, la lutte contre le changement climatique – qui est l’un des thèmes abordés par le Livre vert – impose de modifier le cours qui a prévalu au Royaume-Uni, compte tenu précisément de la part prise par les transports dans les émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, les autorités françaises comme les organisations professionnelles se sont également prononcées en faveur d’une politique intégrée de la mobilité urbaine. Même si c’est pour critiquer le fait que la démarche de la Commission ne satisfait pas pleinement à une telle exigence, la réponse des autorités françaises affirme clairement que :

« Une approche fragmentée, ciblée sur certains aspects tels que le transport modal, les technologies propres, les services d’information, serait très insuffisante. Ces mesures doivent être envisagées dans le cadre d’une réflexion globale intégrant transport et urbanisme ».

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II. LES LIMITES DU LIVRE VERT

Ces limites tiennent à l’invocation du principe de subsidiarité et aux lacunes dont le Livre vert n’est pas exempt.

A. L’invocation du respect du principe de subsidiarité

1) Une très large compétence des Etats membres : un postulat consensuel

Tant pour les Etats membres que pour la Commission, les questions évoquées par le Livre vert sont, en grande partie, régies par le principe de subsidiarité.

Ø Les autorités françaises déclarent ainsi, en préambule, que :

« S’agissant d’un domaine où les autorités locales ont une part essentielle des responsabilités, les propositions que pourra faire la Commission suite à la publication du Livre vert sur la mobilité urbaine devront naturellement laisser une large place à la subsidiarité ».

Dans le même esprit, un communiqué de plusieurs associations d’élus et du Groupement des autorités responsables des transports (GART), publié dans le cadre de la préparation du Livre vert :

« … réaffirme que les transports publics urbains constituent un service d’intérêt général soumis au principe de subsidiarité ».

Ø Le Bundesrat, selon des termes presque identiques, a souligné dans ses recommandations du 10 décembre 2007 :

« ... la compétence originaire des communes dans les questions de mobilité urbaine. C’est pourquoi le Bundesrat attend de la Commission qu’elle veille au respect du principe de subsidiarité ».

Ø Pour leur part, les autorités du Royaume-Uni indiquent également que, dans la plupart des questions abordées par le Livre vert, les autorités locales détiennent une compétence de principe. En outre, les contextes locaux sont si variés qu’il apparaît difficile d’envisager que des solutions contraignantes puissent être imposées au plan communautaire.

Ø C’est d’ailleurs un constat analogue qu’établit la Commission :

« L’Union européenne doit jouer un rôle moteur pour permettre le changement, sans imposer d’en haut des solutions qui risquent d’être inadaptées à la diversité des situations locales ».

Dans ce contexte, le rôle de la Commission est, selon l’expression de Mme Anne Houtman, Directrice à la DG Transport, d’être une « boîte à outils ».

A ce titre – comme le rappellent les Etats membres et les organisations professionnelles – la Commission doit – entre autres – promouvoir l’échange des bonnes pratiques, concourir à la définition de normes communes et à l’harmonisation des normes ou encore accorder un soutien financier.

2) Les interprétations contradictoires de l’étendue de la compétence des Etats membres

Comme dans de nombreux autres cas, l’application du principe de subsidiarité à certaines propositions du Livre vert est l’objet de divergences entre Etats membres.

Il en est ainsi de la question de savoir si les villes doivent se doter d’un plan de mobilité urbaine. A la différence des autorités françaises, qui plaident en faveur de la généralisation en Europe des plans de déplacements urbains, les autorités allemandes et britanniques y sont opposées, au nom du principe de subsidiarité et de celui de la liberté de décision des autorités locales. Ce dernier principe, rappellent les autorités allemandes, s’oppose à ce que des mesures contraignantes soient proposées par la Commission.

B. La démarche jugée insuffisante et insatisfaisante de la Commission

D’une part, le Livre vert comporte des omissions ou des thèmes insuffisamment abordés. D’autre part, des réserves sont émises quant à l’adéquation des outils envisagés par la Commission à l’objectif de promotion d’une nouvelle culture de la mobilité urbaine.

1) La définition et le traitement restrictifs des thèmes abordés par le Livre vert

S’agissant de l’objectif de villes plus fluides, la Fédération nationale de transports de voyageurs regrette que le Livre vert n’ait pas mentionné le rôle que le transport par autocars peut jouer – en tant que transport collectif – dans les modes alternatifs à la voiture individuelle et dans la réduction de la congestion.

Quant au transport de marchandises, la Fédération nationale des Transports routiers (FNTR), tout comme le GART, reproche à la Commission de l’avoir à peine évoqué, alors que les enjeux en ce domaine, sont loin d’être négligeables. Il s’agit notamment du dynamisme économique des villes, puisque 99 % des vêtements et des médicaments, selon les informations communiquées par la FNTR, sont livrées par camions. Sont également concernées des questions telles que le développement du transport ferroviaire, fluvial et maritime, la mise en place d’espaces logistiques urbains ou encore le développement de solutions durables pour la desserte capillaire, c’est-à-dire celle des lieux dont l’accès est le plus délicat.

Pour ce qui est de l’amélioration de la mobilité et de l’accessibilité, certains interlocuteurs du rapporteur lui ont fait observer que la Commission n’avait pas suffisamment insisté sur les conséquences du renchérissement du prix du pétrole. Quant au GART, il aurait souhaité que la Commission traite davantage la question de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite et celle des seniors. Le GART rappelle, en effet, que la loi française du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit la mise en accessibilité des réseaux de transport public.

2) Les réserves quant à l’adéquation des solutions envisagées aux fins poursuivies par le Livre vert

Pour les autorités françaises – mais aussi pour le GART – le Livre vert ne procède pas de façon satisfaisante à une articulation des différentes politiques publiques et, plus particulièrement, entre le transport et l’urbanisme, alors qu’une telle articulation est la clef de l’aménagement durable des territoires. A cet égard, le GART rappelle que l’un des axes forts du Plan Espoir Banlieue présenté par Mme Fadela Amara, Secrétaire d’Etat à la politique de la ville, réside précisément dans la prise en compte des implications sociales des questions liées au désenclavement et à la desserte des banlieues et dans l’imbrication étroite de ces orientations avec celles du Grenelle de l’environnement.

Un second dysfonctionnement résulterait de la vision déformée de la Commission au sujet de la mobilité urbaine. Car, d’une part, elle ne parviendrait pas réellement à aller au delà du dilemme entre transports collectifs et voiture individuelle et donc à promouvoir des systèmes plus diversifiés, lesquels sont la base même de l’intermodalité, c’est à dire la possibilité d’utiliser le plus rationnellement les modes de transport.

D’autre part, le GART fait observer que la Commission risque d’inverser les objectifs du transfert modal en conférant un caractère prioritaire à l’utilisation de véhicules propres, alors que le véritable changement de comportements, susceptible d’améliorer la mobilité urbaine, passe par un usage réduit de la voiture individuelle.

Enfin, ce sont les modalités d’attribution des fonds structurels qui sont critiquées. D’un côté, la Fédération nationale des transports routiers regrette que, du fait de la lourdeur de la procédure de confection des dossiers, les petites entreprises – qui constituent la quasi totalité (97 %) des entreprises de transport routier de marchandises – sont défavorisées.

De l’autre, l’UTP met en cause l’absence de cohérence dont souffrent les choix de la Commission puisque, selon elle, les fonds structurels sont investis essentiellement au profit du transport routier dans les nouveaux entrants et non dans les transports collectifs, ce qui n’est pas réellement de nature à favoriser le report modal.

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III. RELEVER EFFICACEMENT LES DEFIS DE LA MOBILITE URBAINE

Pour faire face aux différents défis, le rapporteur juge nécessaire que l’Europe agisse avec circonspection sans céder aux effets de mode.

Parallèlement, il faudra que la présidence française fasse avancer plusieurs dossiers.

A. Faire face à la nouvelle donne énergétique sans céder aux effets de mode

1) La nouvelle donne énergétique, un défi majeur

Le fait que l’Union soit confrontée à une hausse durable du prix du pétrole et au risque de la raréfaction de cette énergie, selon l’opinion désormais dominante, impose à l’évidence – du moins une révision, sinon une adaptation – des comportements des habitants et des entreprises.

Certes des changements dans les pratiques sont déjà intervenus antérieurement à l’actuel choc pétrolier. C’est ainsi, par exemple, que l’autopartage, qui consiste à louer un véhicule pour une période déterminée, est apparu en France à la fin des années 90.

Mais il n’en reste pas moins que le renchérissement rapide du pétrole est de nature à favoriser de profondes mutations, qu’il s’agisse du recours accru au vélo, ou au covoiturage, cette pratique pouvant profiter tant aux particuliers qu’aux entreprises( 4). De même, les constructeurs marquent ils un regain d’intérêt pour la voiture « propre », comme le montre le projet de coopération avec Mitsubishi sur la voiture électrique, annoncé récemment par le groupe PSA( 5).

De même encore, tant certaines propositions du Grenelle de l’environnement que le projet britannique d’ecotowns visent il à lutter contre l’étalement urbain et à promouvoir un urbanisme durable.

2) Eviter de céder aux effets de mode

Si le rapporteur est parfaitement conscient de l’importance de la dimension écologique dans l’approche de la mobilité urbaine, il considère toutefois que ce serait une grave erreur de perdre de vue le rôle joué par les transports dans la vie économique d’un pays.

C’est pourquoi il estime indispensable d’éviter de préconiser, sans examen approfondi, un développement systématique des transports collectifs, d’une part, et, d’autre part, de s’opposer à la généralisation des péages urbains, aucune de ces deux solutions ne contribuant, à ses yeux, à réduire la congestion.

Sur le premier point, les transports collectifs représentent en France un coût important pour les entreprises, à travers le versement transport qu’elles acquittent( 6). Pour cette raison, le rapporteur considère que les transports collectifs ne doivent être développés que là où existe un flux significatif de passagers, en vue de répondre efficacement aux besoins des usagers.

Or tel n’est pas toujours le cas, comme le montre une récente étude consacrée au tramway parisien( 7), dont les conclusions sont les suivantes :

- en dépit de l’amélioration qu’il représente par rapport à la situation antérieure, le tramway n’a pratiquement pas entraîné de report modal. Seulement 2 ou 3 % de ses usagers sont d’anciens usagers de la voiture ;

- la mise en circulation du tramway s’est accompagnée d’un rétrécissement de la voierie des boulevards des Maréchaux, où la congestion automobile a augmenté ;

- si le remplacement des autobus par le tramway a entraîné une réduction de CO2, en revanche les allongements des parcours et les réductions de vitesse des véhicules qui utilisaient auparavant les boulevards des Maréchaux génèrent des augmentations de rejets de CO2 estimés à plus de 3 000 tonnes par an.

Quant aux péages urbains, le déplacement qu’il a effectué à Londres a permis au rapporteur de constater qu’ils ne constituent nullement une solution inévitable évoquée par certains de ses interlocuteurs.

Car, d’une part, si la première année de sa mise en place en février 2003, le péage urbain a entraîné une réduction de la congestion et du trafic de respectivement 30 % et 21 %( 8), l’impact en termes de congestion n’est aujourd’hui plus que de 10 %.

D’autre part, tout en soulignant les difficultés à en mesurer l’impact sur la qualité de l’air, les scientifiques du King’s College rencontrés par le rapporteur, lui ont déclaré que le péage urbain n’est pas un instrument de lutte contre le réchauffement climatique, mais d’abord un moyen de lutter contre la congestion.

Enfin, si les recettes qui en sont tirées sont positives – 213 millions de livres – il convient néanmoins de noter qu’elles sont étroitement subordonnées au paiement des amendes (55 millions de livres) et que 85 millions, soit 40 % des recettes, sont alloués à la rémunération de l’entreprise gestionnaire du système – Capita – qui sera remplacée en novembre 2009 par IBM. Le système s’avère donc très onéreux, comme le dénonce l’association opposée aux péages routiers (National Alliance against Tolls)( 9).

Comme le rapporteur l’a déclaré à plusieurs de ses interlocuteurs, il serait opportun que, pour lutter contre la congestion, la Commission agisse en amont en promouvant un urbanisme intelligent, qui repose sur une relation à très long terme entre urbanisme et mobilité, à défaut de laquelle le recours au péage urbain apparaît comme un pis aller qui sanctionne une politique laxiste en matière d’urbanisme. A cet égard, le rapporteur regrette que la Commission ne se soit pas penchée sur le cas de la ville de Tokyo, dont le centre n’est pas congestionné, non seulement parce qu’il existe un bon maillage de transports collectifs, mais surtout parce que, du fait de la législation, nul ne peut posséder un véhicule ni rouler dans Tokyo, sans apporter la preuve de disposer d’une place de parking.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur se félicite que les autorités françaises – au nom du principe de subsidiarité – se soient opposées à la généralisation des péages urbains.

B. La Présidence française de l’Union européenne doit faire avancer certains dossiers

La Présidence française pourrait agir dans deux directions :

- obtenir du Conseil que le Plan d’actions qui sera présenté à l’automne par la Commission prévoie certaines mesures prioritaires ;

- faire avancer la discussion de certains textes.

1) Agir sur le contenu du Plan d’actions

La Présidence française pourrait tirer profit du Conseil informel qui se tiendra à La Rochelle au début du mois de septembre prochain – et dont une journée sera consacrée à la mobilité urbaine – pour obtenir un large appui sur des points qui mériteraient de figurer dans le Plan d’actions, tels que :

- la création d’un Observatoire de la mobilité urbaine : celui ci remédiera au fait que la base Eurostat est dépourvue de données sur la mobilité urbaine. En outre, beaucoup considèrent qu’un tel Observatoire pourrait permettre une collecte et une diffusion rapides des bonnes pratiques ;

- la généralisation des plans de déplacements urbains (PDU) : dans le souci, partagé par le rapporteur, de mieux intégrer le transport de passagers et de marchandises dans la planification urbaine, la Présidence française pourrait, comme l’ont proposé les autorités françaises dans leur réponse au Livre vert, demander à l’Union européenne de rendre obligatoire l’élaboration de PDU. En France, la loi de solidarité et renouvellement urbain du 13 décembre 2000 impose aux agglomérations de plus de 100 000 habitants d’élaborer un PDU. Celui ci définit les principes de l’organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement, avec l’objectif de mettre en place un usage coordonné de tous les déplacements et de prévoir les modes les moins polluants ;

- le développement des travaux de normalisation technique : en ce qui concerne l’information et la billetterie électronique, il serait souhaitable que les travaux engagés soient encouragés par des actions de recherche et de développement.

Il conviendrait également que soit exploité au plan européen les travaux sur l’interopérabilité des systèmes de transports intelligents, menés dans le cadre du projet européen FRAME, qui ont fait l’objet de déclinaisons nationales dans plusieurs Etats membres.

Ce travail de normalisation est nécessaire pour permettre de concrétiser l’idée de mobilité urbaine au plan européen. En outre, ce serait également un moyen de valoriser une filière industrielle performante.

2) Mener à bien la discussion de certains textes

Le rapporteur estime que la Présidence française aurait tout intérêt à faire avancer la discussion des propositions de directive sur les véhicules propres et les sanctions transfrontières. Ces textes s’inscrivent parfaitement dans les objectifs affichés par le Livre vert.

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Devant les fortes attentes exprimées à l’égard de la Présidence française – en particulier, celle de montrer que les préoccupations de la vie quotidienne des citoyens européens sont prises en compte par l’Europe – l’adoption par le Conseil d’un plan d’actions ambitieux pourrait être l’un des moyens d’y parvenir. Non seulement, sont en jeu la vie quotidienne et le cadre de vie des citoyens européens, mais également l’idée d’un modèle européen de villes à taille humaine et vivables, qui est à préserver.

Face à ces questions aux multiples implications, un effort commun permettra d’encourager la recherche de solutions innovantes et ambitieuses en matière de transport urbain, pour nous permettre d’avoir des villes plus fluides, plus sûres, moins polluées, plus accessibles.

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La présentation de M. Gérard VOISIN , rapporteur, a été suivie d’un débat.

M. Jacques MYARD s’interrogeant sur la pertinence du Livre vert au regard du principe de subsidiarité a déclaré approuver la position du Bundesrat. Le rôle de la Commission doit se limiter à l’échange des expériences et ne saurait aller jusqu’à proposer la création d’un Observatoire de la mobilité urbaine. Il a considéré qu’une telle initiative fossilisait la construction européenne.

M. Gérard VOISIN a répondu qu’il existait sur le même modèle un observatoire de la sécurité qui n’est pas contesté et que la création d’un tel Observatoire était importante d’un point de vue écologique et humain, dans la mesure où il concerne les différents aspects de la mobilité et participe de la prise de conscience que toutes les formes de transport doivent pouvoir être utilisées.

M. Michel HERBILLON , Président, a demandé les raisons de l’échec du péage urbain à Londres et comment les Japonais ont, quant à eux, réussi à résoudre leurs problèmes de transports urbains.

M. Gérard VOISIN a indiqué que la fluidité en surface de la circulation au Japon est due à ce que le problème a été résolu en sous-sol avec l’obligation – instituée depuis 20 ans – de détenir une place de parking en achetant un véhicule. S’agissant du péage urbain de Londres, il a sans doute contribué à la défaite électorale du maire Ken Livingstone, si bien que son successeur a décidé de ne pas aggraver la situation, car si les amendes étaient source de revenus, celles-ci bénéficiaient pour une large part à la société chargée de la gestion du système, laquelle va d’ailleurs être remplacée par IBM. Le péage urbain a dans un premier temps entraîné une baisse du trafic de 21 %, mais finalement le gain, en termes de congestion, a été réduit à 10 %. La complexité du système s’oppose à ce que sa généralisation puisse être recommandée. Le péage urbain est certes un instrument susceptible d’être utilisé dans la lutte contre la congestion mais pas contre le réchauffement climatique.

A M. Jacques MYARD qui faisait observer que le tramway pouvait faire l’objet de nombreuses critiques, M. Gérard VOISIN a indiqué qu’en effet, au-delà du coût de ce mode de transport, une étude récente a confirmé que les gains environnementaux ont été quasiment nuls et a renvoyé à sa communication pour les autres inconvénients : absence de report modal dans la mesure où seulement 2 à 3 % des usagers sont des anciens usagers de la voiture, rétrécissement de la voirie des boulevards des maréchaux, où la congestion a augmenté, hausse des rejets de CO2 du fait de l’allongement des parcours des véhicules qui utilisaient auparavant les boulevards des maréchaux.

M. Jacques MYARD est revenu sur le statut de l’Observatoire de la mobilité urbaine, estimant que sa création pouvait à la rigueur se justifier s’il s’agissait de promouvoir les échanges entre les Etats membres mais que la Commission européenne ne devait pas entrer en ligne de compte.

M. Gérard VOISIN a répondu qu’en tout état de cause, la création d’un tel Observatoire était en marche et qu’il faudrait en formaliser l’existence.

Le Président Michel HERBILLON a fait remarquer qu’il serait nécessaire d’intégrer dans les moyens de transports urbains, la navette fluviale qui assure aujourd’hui la liaison entre la gare d’Austerlitz à Maisons-Alfort, avec un projet d’extension vers l’Ouest parisien. Selon une étude récente, le temps de transport y est inférieur à celui mis en bus avec une pollution moindre. Sur le plan de l’environnement, il s’agit d’un moyen de transport complémentaire.

M. Gérard VOISIN a indiqué que la question de la navette fluviale avait été abordée dans sa communication et que toute mobilité urbaine inclut également les ports et les aéroports.

M. Jacques MYARD a fait valoir que s’il n’était pas précisé que l’Observatoire de la mobilité urbaine était un lieu d’échanges et d’information entre Etats membres, il voterait contre la proposition de conclusions. M. Gérard VOISIN a maintenu sa version initiale sur laquelle M. Jacques DESALLANGRE s’est abstenu.

Puis la Délégation a approuvé , sous réserve d’une modification proposée par M. Jacques MYARD , les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Considérant le Livre vert de la Commission « Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine » (E 3647 COM[2007] 551 final)

1. Se félicite que la Commission ait engagé une réflexion et ouvert une consultation sur des questions touchant conjointement à la politique de la ville, à l’aménagement du territoire, au rôle qu’y jouent les transports, et sur les différents défis qui doivent être relevés en vue d’améliorer la mobilité urbaine ;

2. Considère que, si la hausse du prix du pétrole et sa raréfaction imposent une révision des comportements, il importe toutefois de veiller à ce que les solutions susceptibles d’y être apportées – en particulier le développement des transports collectifs – soient mises en œuvre avec circonspection et ne portent pas préjudice à l’économie tout entière ;

3. Juge indispensable que les Etats membres et leurs autorités locales s’attachent à mieux intégrer en amont les exigences de la mobilité dans la planification urbaine, plutôt que d’instaurer des péages urbains, dont l’efficacité n’est pas avérée ;

4. Demande que la Présidence française de l’Union européenne obtienne du Conseil :

a) l’insertion des mesures suivantes dans le Plan d’actions qui lui sera présenté par la Commission :

- création d’un Observatoire de la mobilité urbaine ;

- généralisation des plans de mobilité urbaine dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants ;

- développement des travaux de normalisation technique concernant l’information et la billetterie électronique ;

- exploitation des travaux sur l’interopérabilité des systèmes de transport intelligent.

b) la discussion et l’adoption :

- de la proposition de directive sur les voitures propres ;

- de la proposition de directive sur les sanctions transfrontières . »

(1) Comme, par exemple, le règlement dit OSP (Obligations de service public), relatif aux transports publics de voyageurs.
(2) La conduite écologique permet d’économiser le carburant à travers des changements d’habitude de conduite.
(3) Ces systèmes visent à intégrer les technologies de l’information et de la communication aux infrastructures de transport, ainsi qu’aux véhicules.
(4) Benoît Hopquin, La voiture et après ?, Le Monde, 24 juin 2008.
(5) Stéphane Lauer, Avec un baril à 140 dollars, la voiture électrique devient une nécessité, Le Monde du 17 juin 2008.
(6) Les personnes physiques ou morales – publiques ou privées – sont assujetties au versement transport lorsqu’elles occupent plus de neuf salariés, dans une zone où est institué le versement. En 2006, le produit du versement transport s’est élevé à 5,32 milliards d’euros.
(7) Rémy Prud’homme, Martin Koning et Pierre Kopp, Paris : Un tramway nommé désir, Transports, janvier février 2008, p. 28 et ss.
(8) Encore faut-il noter que ces évolutions sont dues à l’augmentation, avant même la mise en place du péage, de la capacité de transports de la ville – et notamment des bus – comme alternatives à la voiture.
(9) Cette association est à l’origine d’une pétition auprès du Premier ministre qui avait reçu près de 2 millions de signatures, permettant ainsi l’abandon du projet de péage routier national.