Ce document a été présenté par M. Hervé GAYMARD , rapporteur, au cours de la réunion de la Commission du 27 mai 2009. * * * Les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), c’est-à-dire, selon l’article 182 du Traité instituant la Communauté européenne, les « pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières », font l’objet d’un régime d’association avec l’Union européenne défini dans la quatrième partie du Traité. Contrairement aux régions ultrapériphériques( 1), les PTOM ne font pas partie de l’Union européenne mais bénéficient de relations privilégiées avec elle. Il existe à ce jour 21 PTOM, dont la liste est annexée au Traité, représentant une population d’un million d’habitants. Seuls quatre d’entre eux ont une population supérieure à 150 000 habitants : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Mayotte et les Antilles néerlandaises. La Commission européenne a publié en juin 2008 un Livre vert sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer, lançant le débat sur le futur régime d’association des PTOM après 2013. Mme Annick GIRARDIN et moi-même avons été chargés d’un rapport d’information, qui sera présenté à l’automne prochain. Je souhaite aujourd’hui simplement faire une communication d’étape sur un point particulier, lié aux relations entre l’Union européenne et les PTOM français du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna) : l’éventuelle introduction de l’euro dans ces territoires. J’ai pu aborder ce sujet avec les principaux responsables politiques et économiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française lors de la mission que j’y ai effectuée en février dernier, dans le cadre de la préparation du rapport. L’euro est déjà utilisé dans deux PTOM français, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte( 2), qui utilisaient auparavant le franc et sont donc passés directement du franc à l’euro. Il n’est utilisé dans aucun autre PTOM. I. Après le passage à l’euro en métropole, les trois collectivités françaises du Pacifique ont conservé le franc CFP Je rappelle tout d’abord que le franc CFP a été créé en 1945 pour être utilisé en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. De 1949 à 1998, le Franc CFP a été rattaché au franc français par le biais d'une parité fixe mais ajustable, qui n'a jamais été modifiée. Le protocole N°13 annexé au Traité de Maastricht a pris en compte la volonté de la France et des trois collectivités de conserver un régime monétaire particulier, puisqu’il prévoit que : « La France conservera le privilège d'émettre des monnaies dans ses territoires d'outre-mer selon les modalités établies par sa législation nationale, et elle sera seule habilitée à déterminer la parité du franc CFP ». L’émission est assurée par l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM). L’Etat garantit la convertibilité du franc CFP par rapport à l’euro sur la base d’une parité fixe de 1000 francs CFP pour 8,38 euros, qui traduit l’ancienne parité franc CFP-franc et la parité irrévocable franc-euro( 3). II. Le débat dans les collectivités : pas d’unanimité en faveur de l’euro Si le thème du passage à l’euro a fait l’objet de réflexions et de travaux préparatoires en 2003-2004, il a peu été évoqué depuis. Lors de la réunion annuelle du comité des signataires de l’accord de Nouméa qui s’est tenue à Paris le 8 décembre 2008, l’Etat a demandé la constitution de groupes de travail avec les élus et les représentants socio-professionnels pour dresser un bilan objectif de l’euro et a indiqué qu’il engagerait des démarches similaires en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. La première réunion du groupe de travail sur l’euro s’est tenue en ma présence à Nouméa en février dernier. Depuis le passage à l’euro en métropole et le succès de celui-ci en tant que monnaie internationale, les milieux économiques des trois collectivités se sont prononcés en faveur de son introduction. Au plan politique, la situation est plus contrastée. En Nouvelle-Calédonie, les formations politiques non indépendantistes sont favorables à l’euro, tandis que les partis indépendantistes, tout en étant ouverts à la discussion, s’interrogent sur l’impact qu’aurait l’introduction de l’euro sur l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie, en particulier en matière d’aides publiques. Les interlocuteurs que j’ai rencontrés ont également évoqué la dimension politique et identitaire de la monnaie. Les non indépendantistes voient dans l’adoption de l’euro un moyen de se rapprocher de la métropole et de l’Union européenne, tandis que les indépendantistes soulignent que l’accord de Nouméa classe la monnaie dans les compétences régaliennes, sur lesquelles les électeurs auront à statuer lors du référendum sur l’accès à la pleine souveraineté prévu entre 2014 et 2018 ; ils insistent également sur l’importance des signes identitaires figurant sur la monnaie. En Polynésie française, ce sont au contraire les indépendantistes qui sont favorables à l’euro, car ils estiment nécessaire le rattachement à une monnaie forte avant d’accéder à l’indépendance. Enfin, les autorités de Wallis-et-Futuna ont indiqué qu’elles suivraient l’avis des deux autres collectivités. III. Les conditions juridiques d’un passage à l’euro Afin de lancer la procédure, un accord des trois collectivités serait nécessaire car il est exclu de maintenir le franc CFP dans l’un des territoires seulement. La France présenterait ensuite une demande auprès des institutions de l’Union européenne. La procédure serait celle de l’article 111, alinéa 3 du Traité, déjà utilisée pour l’introduction de l’euro à Monaco, San Marin et au Vatican : décision du Conseil à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission européenne et après avis de la Banque centrale européenne, puis négociation d’une convention monétaire entre la Communauté et la France. Il m’a été indiqué, au cours d’un entretien à la Direction générale des affaires économiques et financières, que la Commission européenne ne verrait pas d’obstacle à la mise en œuvre de cette procédure et que la BCE n’y serait pas opposée. Il ne serait pas nécessaire de modifier le Traité, la France pouvant renoncer unilatéralement à son privilège d’émission du franc CFP. Les institutions européennes demanderaient l’application des normes communautaires en matière monétaire et financière : règles liées directement à l’euro et à la politique monétaire, prévention du faux monnayage, activité et contrôle des établissements de crédit, lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme …etc. En matière financière, la plupart de ces normes sont déjà applicables aux territoires français du Pacifique. Enfin, il m’a été indiqué que l’Union européenne demanderait très probablement la conclusion d’un accord sur la fiscalité de l’épargne. IV. L’euro serait-il bénéfique à long terme pour ces collectivités ? Au-delà des questions politiques et identitaires, la réflexion sur l’intérêt économique de long terme des collectivités doit être au centre du débat. Il convient tout d’abord de souligner qu’elles profitent déjà des avantages de l’euro (crédibilité, relations avec les pays de la zone euro) à travers la parité fixe du franc CFP. De nombreux interlocuteurs rencontrés lors de mon déplacement ont justifié leur soutien au passage à l’euro par leur crainte d’une dévaluation du franc CFP et donc d’une dépréciation de leur épargne : cela semble cependant très improbable, la problématique étant différente de celle du franc CFA. La question décisive à mon sens est celle de la zone monétaire optimale, que la théorie économique définit à partir de différents critères. Il convient avant tout de prendre en compte la structure du commerce extérieur des territoires. En Nouvelle-Calédonie, le nickel représente 96 % des exportations. Il est facturé et réglé en dollars et les exportations se font majoritairement vers la zone asiatique (Japon, Taiwan, Chine). La clientèle touristique est essentiellement japonaise et australienne. En Polynésie française, plus de 60 % des exportations (essentiellement les perles) sont à destination de la zone asiatique (Japon et Hong-Kong), tandis que le tourisme provient essentiellement de la zone Asie-Pacifique et d’Amérique du Nord. L’Union européenne est le premier fournisseur des deux territoires (43 % des importations pour la Nouvelle-Calédonie et 45 % pour la Polynésie française). En effet, seules les marchandises importées de l’Union européenne sont exemptées de droits de douane. Les tarifs douaniers et quotas d’importation définis par les collectivités ne favorisent pas l’insertion économique régionale. Il est cependant légitime de se demander si ces territoires n’auraient pas intérêt à mieux s’intégrer dans leur environnement régional et si l’euro serait alors la meilleure solution monétaire, par rapport à un panier de monnaies reflétant la structure des échanges commerciaux. Enfin, il convient de prendre en compte le risque inflationniste du passage à l’euro dans ces collectivités qui connaissent déjà une inflation importante (+3,7 % en Nouvelle-Calédonie en 2008). M. Christian de Boissieu, dans un rapport qu’il a rédigé en 2003 sur l’avenir monétaire de la Nouvelle-Calédonie, écarte la possibilité d’un effet inflationniste et conclut que le passage à l’euro est le seul scénario crédible, essentiellement en raison de la fragilité du franc CFP à long terme. Ce rapport mériterait toutefois d’être réactualisé, alors qu’il est aujourd’hui évident que le passage à l’euro a eu un effet inflationniste dans les pays de la zone euro. La décision du passage à l’euro appartient bien entendu aux trois collectivités. Plus que les considérations d’ordre politique et identitaire, la question de leur intérêt économique de long terme devrait être déterminante. Un vrai débat permettant d’apprécier toutes les conséquences d’un changement de régime monétaire est donc absolument nécessaire. * * * Un débat a suivi l’exposé de M. Hervé GAYMARD , rapporteur. « Le Président Pierre LEQUILLER . Je veux saluer la qualité de l’exposé du rapporteur en rappelant que ce travail important et approfondi se poursuivra en collaboration avec Mme Annick GIRARDIN , selon une tradition désormais bien établie au sein de notre Commission de rapports élaborés conjointement entre un membre de la majorité et un membre de l’opposition. M. Michel DELEBARRE . Bien que peu familier des questions très pertinemment abordées par notre rapporteur, son exposé me laisse surtout le sentiment que l’urgence aujourd’hui est de ne rien faire. Après tout, la décision du passage à l’euro relève des pays et territoires d’outre-mer eux-mêmes, sans que rien ne presse puisqu’ils bénéficient, grâce à l’arrimage du franc CFP sur l’euro au moyen d’une parité fixe, d’un filet de sécurité efficace et pérenne. Il me semble même hasardeux de lancer un débat qui touche inéluctablement à des sentiments profonds liés à l’identité et à l’avenir de territoires attachés à leur autonomie. M. Hervé GAYMARD , rapporteur. Il est vrai que nos compatriotes d’outre-mer se prononceront en toute liberté, et que la décision relève d’eux et d’eux seuls. Mais je crois que nous pouvons apporter une contribution utile en éclairant par nos travaux les différents aspects de cette question, dont je remarque qu’ils ne sont pas toujours abordés. En outre, je rappelle que les milieux économiques de ces territoires ont eux-mêmes sollicité Paris, notamment via la lettre adressée par les trois Chambres de commerce au Président de la République que j’ai évoquées tout à l’heure. M. Michel HERBILLON . Je remercie le rapporteur pour ce passionnant voyage dans l’espace et dans le temps. Mais je continue de m’interroger sur quelques aspects fondamentaux. - Pourquoi l’euro n’a-t-il pas été introduit dans les pays et territoires d’outre-mer en 2002 ? La question a-t-elle alors été posée, et quels arguments ont conduit à maintenir le franc CFP ? - Quelle est l’opinion du rapporteur sur l’issue du débat qu’il nous a brillamment exposé ? Quels arguments ont le plus de chance de prévaloir, entre un intérêt économique débattu et des sentiments identitaires profonds qui soulèvent des émotions qui vont très au-delà de la seule pertinence commerciale de l’intégration dans la zone euro ? M. Hervé GAYMARD , rapporteur. L’introduction de l’euro en 2002 n’a jamais été réellement discutée. Au fond, les choses se sont déroulées de manière presque automatique : seuls les deux territoires qui disposaient déjà du franc français, Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon, sont passés directement à l’euro. Cela découle directement d’un fait qui demeure : les positions restent extrêmement diverses et parfois fluctuantes. Les milieux économiques sont eux-mêmes partagés, de nombreux chefs d’entreprise que j’ai pu rencontrer au cours de ma mission faisant preuve d’un réel scepticisme sur la pertinence économique de l’introduction de l’euro dans une zone reliée naturellement à son environnement proche. Derrière se posent également des questions redoutables. Bien entendu, la trame de fond est tissée du lien entre les territoires et la mère patrie, que pourrait distendre, pour beaucoup, l’usage prolongé d’une monnaie différente. Pour autant, le monde et les convictions ont changé, avec la rupture du lien automatique entre souveraineté et monnaie. L’euro, l’introduction hier du dollar américain dans un Etat aussi jaloux de son indépendance que le Zimbabwe, montrent sans ambiguïté que battre monnaie n’est plus un critère décisif de souveraineté. Et derrière encore se profilent de réels enjeux politiques. Je pense ainsi à la question essentielle de la structure des ressources fiscales de ces territoires, adossées sur les tarifs douaniers qui favorisent les importations de produits européens dont la pertinence économique, aux antipodes, est pour le moins discutable. Revoir ces droits de douane, afin de mieux intégrer ces économies dans la zone pacifique, impliquerait de trouver d’autres ressources, en particulier de fiscalité directe, qui soulèvent des difficultés politiques dont chacun peut bien mesurer l’ampleur. C’est précisément parce que ce débat est extraordinairement complexe que je suis convaincu que nous pouvons, par nos travaux, apporter un éclairage utile à nos compatriotes. M. Jean-Claude FRUTEAU . Merci pour cette intervention passionnante, sur un sujet qui n’est a priori pas très attirant. Je suis cependant déçu, car à la lecture de la convocation, je pensais qu’on allait débattre de l’avenir des relations entre les PTOM et l’Europe… M. Hervé GAYMARD , rapporteur. Oui, la question de l’euro n’est qu’une partie de ce sujet plus vaste. M. Jean-Claude FRUTEAU . Il est dommage que cette question de l’euro soit traitée isolément. J’ai un intérêt particulier pour la question des PTOM, car en 2001, jeune député européen, j’ai été chargé d’un rapport sur la décision d’association à l’Union européenne. J’ai donc pu voir in situ ce qui se passait dans ces territoires dits résiduels – et ce terme n’est pas péjoratif. Je dois dire que j’ai un peu d’amertume à constater que cette question se posait déjà il y a dix ans… Concernant la question de la monnaie, je partage le point de vue de notre collègue Hervé GAYMARD : cette question doit être traitée par rapport à l’intérêt de ces territoires, et ce avec la plus grande attention : n’oublions pas qu’ils sont peuplés par nos concitoyens, qui vont s’exprimer dans quelques jours lors des élections européennes. L’importance de la question identitaire dans ces territoires appelle respect et prudence : les habitants des PTOM ne doivent pas avoir le sentiment que nous voulons décider à leur place. L’équilibre social est fragile, notamment depuis les accords de Matignon et de Nouméa ; n’oublions pas que cette question économique est avant tout sans doute là-bas perçue comme une question identitaire. M. Hervé GAYMARD , rapporteur. Je suis entièrement d’accord. Lorsque la question d’un éventuel passage à l’euro a été posée au président de la République, celui-ci a répondu que la décision appartiendrait aux citoyens de ces territoires. L’exécutif ne demandera de passage à l’euro que si les populations de ces territoires en font la demande dans toutes leurs composantes - on est pour l’instant assez loin du compte. En outre, le passage à l’euro nécessite d’être en conformité avec les règles financières de l’Union européenne et de conclure un accord sur la fiscalité de l’épargne. Si les banques du Pacifique se conforment déjà aux règles financières, une évolution dans d’autres domaines sera sans doute nécessaire. M. Philippe Cochet. Merci pour cette présentation passionnante. Vous l’avez dit, cette opération est une opération « à tiroirs ». Quel est l’agenda ? Par ailleurs, qui pilotera au niveau de l’Union européenne ? M. Hervé GAYMARD , rapporteur. Il n’y a pour l’instant aucun agenda dans les collectivités concernées, où ce sujet n’est pas présent dans les débats électoraux quels qu’ils soient. En ce qui concerne la procédure, c’est celle prévue à l’article 111 : l’Etat fait la demande, le Conseil statue à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission européenne, la BCE donne un avis. La durée de la procédure serait environ de deux ans. M. Bernard DEFLESSELLES . Quelle est la position, sur cette question, de la Commission européenne dans le Livre vert ? Comment la Commission appréhende-t-elle ce sujet à l’horizon de 2013 et de la refonte des relations entre l’Union et les PTOM ? M. Hervé GAYMARD , rapporteur. Je parle sous le contrôle d’Annick GIRARDIN , avec laquelle je vais rendre un rapport dans quelques mois. Le Livre Vert ne contient rien sur cette question. En réalité, il s’agit plus d’un livre Blanc que d’un livre Vert ; c’est un catalogue fort intéressant, de questions posées à la France, aux Pays-Bas, à la Grande-Bretagne, au Danemark et à leurs territoires. Les Etats concernés avaient jusqu’à octobre 2008 pour produire leurs réponses, que nous avons, mais il n’y a pas encore de position officielle de la Commission pour l’instant. Les PTOM sont une catégorie résiduelle – et ce, encore une fois, sans caractère péjoratif - et n’ont pas tous le même statut. En matière de nationalité, par exemple, leurs habitants sont dans nos territoires des ressortissants européens, mais ce n’est pas le cas dans tous les PTOM, du fait des différentes règles de nationalité. Aujourd’hui, l’essentiel des relations entre l’Union et ces territoires relève des programmes du FED ; mais est-ce vraiment légitime, quand on sait que la Nouvelle- Calédonie en bénéficie alors que son PIB/habitant est supérieur à celui de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande ? Ne faudrait-il pas refonder le partenariat et se concentrer sur des sujets précis, comme par exemple l’environnement ? M. Gérard VOISIN . Comment le passage à l’euro a-t-il été ressenti à Saint-Pierre et Miquelon ? Mme Annick GIRARDIN . Avant de vous répondre, je souhaiterais rappeler qu’il est important que la commission se soit saisie de ce sujet, et ce au moment particulier où vont se tenir les Etats généraux de l’outre-mer. Je suis certaine que cette question va être évoquée. Pour ce qui concerne le passage à l’euro à Saint-Pierre et Miquelon, il s’est fait tout naturellement, dans la mesure où la monnaie en cours était le franc. Cela ne signifie pas qu’il ne pose pas de problème, dans la mesure où la région est dominée par le dollar canadien et le dollar américain : les effets de change sont à l’origine de grandes difficultés pour l’économie de la pêche, ainsi que pour le tourisme qui a ainsi dire quasiment disparu à Saint-Pierre. Je voudrais rappeler qu’en effet, la question identitaire est cruciale dans nos territoires. Ne plus avoir de beurre Président à Saint-Pierre et Miquelon signifierait ne plus être Français… Nous n’avons pas toujours l’expertise et le recul nécessaires pour distinguer nos besoins économiques de nos besoins identitaires, mais des deux logiques, il est clair que l’économique vient après, et ce, je pense, dans tous les territoires d’outre-mer. M. Thierry MARIANI . Je souhaite poser quatre questions et faire une remarque qui semblera sans doute impertinente. Y’a-t-il eu débat sur cette question dans les instances territoriales ? Existe-t-il une réflexion sur la mise en place d’une monnaie commune dans le Pacifique ? Que se passera-t-il si l’on ne passe pas à l’euro ? La convergence est-elle réellement nécessaire pour un passage à l’euro ? Elle ne semble pas établie pour le Monténégro et le Kosovo qui ont pourtant adopté l’euro. Enfin, pourquoi uniquement prendre en compte l’intérêt de ces territoires, eu égard à leurs spécificités, et ne pas s’interroger sur l’intérêt de l’ensemble de la communauté nationale ? M. Hervé GAYMARD , rapporteur. S’il y a eu de nombreux débats, il n’y a pas eu de prise de position officielle des assemblées délibérantes de ces territoires. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie mènent toutefois un travail de consultation sur la question, diligenté par les Hauts-Commissaires. Concernant la monnaie pacifique, il n’y a aucun projet actuellement : alors que coexistent grandes devises et monnaies insulaires, les dollars sont la monnaie pacifique de fait. Quid si ces territoires ne passent pas à l’euro ? Deux options : le statu quo, ou un panier de monnaies, défini par rapport à un périmètre économique pertinent. Je pense qu’il faudrait absolument que des économistes se penchent sur cette question du panier de monnaies, qui pourrait peut-être être la solution la plus favorable au développement économique de ces territoires. Sur la question de la convergence, il me semble que le passage à l’euro au Monténégro et au Kosovo est le résultat du droit de suite du Deutsche Mark. Enfin, je ne crois pas que la question du passage à l’euro se pose en fonction des intérêts de la métropole, mais bien de ceux des territoires concernés. Avant de terminer, je souhaiterais ajouter que la question de Mayotte sera un autre volet important de notre rapport, dans la mesure où son changement de statut en département aura de vraies implications. Nous devrons aussi nous interroger sur la question de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin. M. Jean-Claude FRUTEAU . Il ne faut pas perdre de vue que la Réunion est une région ultrapériphérique de plein exercice, ce qui rend les comparaisons difficiles avec les autres territoires. » La Commission a ensuite pris acte du Livre vert. (1) Les départements français d’outre-mer, les Açores, Madère et les îles Canaries
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