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Document E3904
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (Refonte).


E3904 déposé le 11 juillet 2008 distribué le 16 juillet 2008 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0419 final du 2 juillet 2008, transmis au Conseil de l'Union européenne le 2 juillet 2008)

Ce document a été présenté par MM. Guy GEOFFROY et Régis Juanico, rapporteurs, au cours de la réunion de la Commission du 12 novembre 2008.

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Dans le cadre du « paquet social » de juillet dernier, la Commission européenne a présenté, sur la base de l’article 137 du traité instituant la Communauté européenne, relatif à la politique sociale, une proposition de directive visant à refondre la directive 94/45/CE du 22 septembre 1994 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs.

Initialement adoptée sans le Royaume-Uni, en raison de son opt out sur le domaine social, par les 11 autres Etats membres d’alors, sur la base de l’article 2 de l’Accord sur la politique sociale annexé au Protocole n° 14 sur la politique sociale du Traité de Maastricht, la directive 94/45/CE a été ultérieurement étendue à cet Etat membre par la directive 97/74/CE du 15 décembre 1997.

Ultérieurement, la directive 2006/109/CE lui a apporté l’adaptation technique liée à l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie au 1er janvier 2007, qui a fait passer de 25 à 27 le nombre des Etats membres.

Pour la Commission chargée des affaires européennes, l’examen de ce texte est marqué par un élément spécifique au domaine social au niveau communautaire, la prise en considération des résultats du dialogue social.

En effet, l’article 138 du traité instituant la Communauté européenne prévoit que la Commission européenne doit consulter les partenaires sociaux au niveau européen avant de présenter une proposition dans ce domaine, pour qu’ils puissent envisager, éventuellement, un accord.

La Commission a ainsi lancé le 20 février dernier la consultation. Dès avril, la réponse a été négative.

Néanmoins, il est clairement apparu qu’au-delà des divergences de fond, le refus de la Confédération européenne des syndicats (CES) était essentiellement motivé par des raisons de calendrier, le temps restant pour négocier étant insuffisant.

En cas d’échec ultérieur, la reprise de la procédure en vue d’une directive n’eût pas été envisageable, à une période aussi proche de la fin du mandat du Parlement européen comme de la Commission européenne.

Dans ces circonstances, les partenaires sociaux ont accepté la proposition qui leur a été adressée par la Présidence française à l’occasion de la réunion informelle des ministres chargés du travail et des politiques sociales de Chantilly, les 10 et 11 juillet derniers, de poursuivre la négociation, sur le fond.

Une telle procédure n’est pas prévue par les textes, mais elle présente clairement l’avantage d’associer les partenaires sociaux à l’élaboration d’un texte qu’ils seront chargés ensuite de mettre en œuvre.

La CES, Businesseurope , l’UAPME et le CEEP, sont ainsi parvenus le 29 août dernier à un accord, fondé sur huit amendements à la proposition initiale de la Commission européenne. Un complément commun lui a ensuite été apporté le 2 octobre suivant.

La Commission européenne a donné son assentiment. Le 4 septembre, le Commissaire à l’emploi, aux affaires sociales et à l’égalité des chances, M. Vladimir Spidla, s’est félicité de cet accord.

Pour ce qui concerne la France, le sujet a été évoqué lors de la réunion du Comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales (CDSEI) du 26 septembre dernier. Les organisations syndicales nationales ont accueilli favorablement cet avis conjoint des partenaires européens, la CGC souhaitant néanmoins une représentation permettant la présence du personnel d’encadrement au groupe spécial de négociation.

Ainsi revient-il tout naturellement au législateur européen de suivre au plus près cet accord qui constitue, sous réserve de quelques éventuelles adaptations mineures, le socle de la future directive.

Telle est d’ailleurs la position du Gouvernement, qui y est favorable, ainsi que l’a indiqué lors de son audition le 22 octobre dernier par la Commission, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, M. Xavier Bertrand.

L’objectif partagé est de disposer rapidement d’une nouvelle directive qui favorise le développement des comités d’entreprise européens, de manière à ce qu’ils soient pleinement reconnus comme lieux d’échange et de dialogue.

I.– le comité d’entreprise européen a été mis en place dans plusieurs centaines d’entreprises ou groupes de dimension européenne

A.– La directive 1994/45/CE prévoit une procédure de négociation qui incite à mettre en place des comités d’entreprise européens, sans cependant créer d’obligation

Le dispositif de la directive 1994/45/CE est articulé autour de quelques points clefs, sachant que le contrôle de leur mise en œuvre par les entreprises concernées incombe aux Etats membres.

En premier lieu, l’éventuelle création d’un comité d’entreprise européen (CE européen) concerne les entreprises et groupes réputés de dimension communautaire, car établis de manière importante dans au moins deux Etats membres. Celles-ci et ceux-ci sont plus précisément définis selon trois catégories :

– d’abord, les entreprises de dimension communautaire, à savoir celles qui emploient au moins 1.000 salariés dans les Etats membres et au moins 150 salariés dans au moins deux Etats membres ;

– ensuite, les groupes de dimension communautaire, à savoir les groupes d’entreprises employant au moins 1.000 salariés dans les Etats membres, avec une entreprise mère contrôlant au moins deux entreprises de 150 salariés ou plus dans deux différents Etat membres ;

– enfin, les multinationales de pays tiers, à savoir les entreprises ou groupes d’entreprises ayant leur siège en dehors de l’Union européenne, qui remplissent les mêmes conditions d’implantation dans deux Etats membres différents et d’effectifs.

Le contrôle d’une entreprise est défini comme le pouvoir d’exercer une influence prédominante. Cette dernière est présumée lorsqu’il y a, de manière directe ou indirecte, soit détention de la majorité du capital, soit disposition de la majorité des voix attachées aux parts émises, soit capacité à nommer plus de la moitié des membres du conseil d’administration, de direction ou de surveillance.

En deuxième lieu, la directive ne crée aucune obligation de mettre en place un CE européen, mais se limite à prévoir une procédure de négociation qui aboutit en principe à un tel résultat :

– il n’y a d’abord aucune obligation, pour les partenaires sociaux, de négocier. Ils exercent librement leur droit d’initiative. Ce droit de demander l’ouverture de la négociation appartient concurremment à la direction centrale de l’entreprise ou du groupe, laquelle a la responsabilité des conditions et moyens de cette négociation, et aux salariés (la demande doit alors émaner d’au moins 100 salariés relevant de 2 Etats membres différents) ;

– un groupe spécial de négociation est alors constitué. Il comprend entre 3 et 18 membres désignés ou élus selon les modalités fixées par les Etats membres. Ceux-ci bénéficient des mêmes protections que les représentants des salariés prévus par les législations nationales ;

– sa mission est de fixer avec la direction centrale, par un accord écrit, soit le champ d’application, la composition, les modalités de mise en œuvre, la compétence et la durée du mandat du ou des futurs CE européens, soit les modalités d’une procédure alternative, d’information ou de consultation des travailleurs. Le choix offert aux partenaires sociaux est souple et n’implique pas nécessairement in fine la création du CE européen ;

– s’il est décidé de créer un CE européen, les partenaires sociaux disposent d’une grande autonomie. La seule obligation a trait aux principaux éléments de base qui doivent être examinés lors de la conclusion de l’accord : les entreprises et établissements concernés ; la composition du CE européen, le nombre de ses membres, la répartition des sièges et la durée du mandat ; les attributions, ainsi que la procédure d’information et de consultation du CE européen ; le lieu, la fréquence et la durée de ses réunions ; les ressources financières et matérielles à lui allouer ; la durée de l’accord et la procédure pour sa renégociation ;

– si une procédure, alternative, d’information et de consultation des travailleurs est choisie, l’accord correspondant prévoit les modalités de réunion des représentant des travailleurs pour procéder à un échange de vues sur les informations qui leur sont communiquées. Ces informations portent notamment sur les informations transnationales qui les concernent ;

– en tout état de cause, il n’ y a aucune obligation de conclure, car à la majorité des deux tiers, le groupe spécial de négociation peut décider soit de ne pas ouvrir de négociation, soit d’annuler les négociations déjà en cours.

En troisième lieu, soit en cas d’échec des négociations entamées à l’initiative des travailleurs (aucun accord n’a pu être conclu dans un délai de trois ans suivant leur demande), soit en cas de refus de la direction centrale d’ouvrir les négociations dans un délai de 6 mois suivant leur demande, soit, encore, si la direction centrale et le groupe spécial de négociation décident de l’appliquer, un « régime subsidiaire » intervient.

Ce régime subsidiaire est détaillé par l’annexe à la directive, qui fixe la composition, les moyens et les missions du CE européen parfois qualifié de « légal ».

Il prévoit notamment un CE européen comprenant entre 3 et 30 membres, avec le cas échéant un comité restreint de 3 membres, ainsi qu’une réunion par an pour l’information et la consultation sur l’évolution et des activités de l’entreprise ou du groupe et, enfin, une information du comité restreint ou du CE européen en cas de circonstances exceptionnelles affectant « considérablement » les intérêts des travailleurs (délocalisation, fermeture d’entreprise ou d’établissement, licenciements collectifs).

En quatrième lieu, les obligations de la directive 94/45/CE ne s’appliquent pas aux entreprises qui avaient conclu avant son entrée en application, au 22 septembre 1996, un accord dit d’anticipation, prévoyant déjà des modalités d’information et de consultation transnationale des salariés, dès lors que cet accord est applicable à l’ensemble des salariés. A l’expiration de tels accords, deux solutions sont offertes : soit leur reconduction ; soit l’application des dispositions de la directive.

Lors de leur échéance, les partenaires sociaux peuvent décider de renouveler ces accords. Ce n’est qu’à défaut de renouvellement que s’applique la directive.

B.- Un succès certain : 880 comités d’entreprise européens actifs recensés en octobre 2008

1) Les CE européens ne concernent qu’une minorité des entreprises et groupes potentiellement concernés, mais une majorité des salariés correspondants

Selon les données de la base de l’Institut d’études des syndicats (European Trade Union Institute - ETUI), 880 comités d’entreprise européens actifs étaient recensés en octobre dernier, alors qu’ils étaient 49 en 1994, créés sur une base volontaire, avant l’élaboration de la directive.

Ils concernent 19.000 représentants et 15 millions de salariés.

Sur ces 880 CE européens recensés en octobre 2008, la majorité (59 %) est présente dans plus de 10 pays et un gros quart (28 %) concerne entre 5 et 10 pays, ce qui montre la prédominance des grands groupes. En outre, 27 CE européens concernent également un Etat candidat, la Turquie ou la Croatie.

D’autres données confirment que les CE européens sont davantage présents dans les très grandes structures : 42 % d’entre eux relèvent des entreprises ou groupes de plus de 10.000 salariés et 17 % des entreprises ou groupes dont l’effectif est compris entre 5.000 et 10.000 personnes.

Pour ce qui concerne les pays d’implantation des quartiers généraux, on constatait sur les 870 CE européens recensés en juin dernier (10 ont été créés depuis) la présence, au premier rang, des Etats-Unis, avec plus de 132 entreprises ou groupes, puis de l’Allemagne (127), avant le Royaume-Uni (110) et la France (92). Viennent ensuite la Suède (60) et les Pays-Bas (55).

Dans les secteurs d’activité concernés, dominent nettement la métallurgie (330) et la chimie (190).

En dépit de ce succès, seule une minorité des quelque 2300 entreprises et groupes concernés dispose cependant d’un CE européen.

Selon des données un peu plus anciennes, 1.441 sociétés n’avaient pas en 2007 de CE européen, soit 65 % des entreprises ou groupes potentiellement concernés.

Il s’agit certes d’une majorité d’entreprises et de groupes, mais d’une minorité de salariés, 9,5 millions de salariés sur 25, soit 38 % seulement des travailleurs concernés.

Par ailleurs, on constate dans l’examen de la proportion des entreprises et groupes potentiellement concernés qui ont un CE européen, un certain retard de ceux d’origine allemande.

Selon les mêmes données portant sur 870 CE européens, la comparaison du nombre des entreprises ou groupes entrant dans le champ de la directive avec celui des CE européens effectivement constitués fait ressortir que la proportion de CE européens était plus importante pour les entreprises dont le quartier général est en Belgique (51 %, à raison de 38 sur 74) et en Suède (50 %, à raison de 60 sur 120), puis en France (44 %, à raison de 92 sur 210), en Finlande (44 % également, avec 27 sur 61) et en Autriche (44 %, avec 20 sur 45), ainsi qu’en Norvège (43 %), puis viennent ensuite les Pays-Bas (42 %, à raison de 55 sur 131), le Royaume-Uni (42 % également, avec 110 sur 260), avant l’Italie, le Danemark et le Japon (41 %).

Les entreprises et groupes américains ne sont pas très éloignés de ces niveaux, avec 38 %, tandis que les entreprises et groupes allemands accusent un certain retard (23 %, à raison de 127 sur 548).

2. Un fonctionnement effectif

A l’automne 2007, une enquête menée par une société spécialisée dans l’organisation des CE européens a permis d’établir, à partir des réponses de 77 d’entre eux, quelques traits essentiels de leur fonctionnement. Il en est ainsi ressorti que :

– les deux tiers des CE européens n’ont qu’une réunion plénière annuelle, conformément aux prescriptions subsidiaires, et un quart se réunissent deux fois par an ;

– les réunions durent en général un jour (44 % des cas) ou deux jours (45 %), et dans 40 % des cas, se tiennent dans le même pays ;

– dans 89 % des cas, les représentants des salariés se retrouvent la veille pour une réunion préparatoire d’une demi journée (52 % de ces 89 %) ou d’une journée (43 %) ;

– 40 % ont entre 21 et 30 représentants, 8 % en ont entre 31 et 40 et 6 % plus de 41 ;

– 73 % des CE européens ont un comité restreint qui se réunit dans les deux tiers des cas, une ou deux fois par an, notamment pour discuter les sujets urgents ;

– 87 % des représentants des salariés indiquent rester en contact, en dehors des réunions, par Intranet ou téléconférences ;

– 64 % des entreprises proposent des formations aux représentants du personnel, notamment sur les compétences du CE européen, les langues, la finance et l’environnement communautaire ;

– 50 % de réunions se déroulent dans plus de 4 langues, mais à l’opposé, un tiers dans une seule langue ;

– enfin, 48 % des dirigeants interrogés estiment que les différences culturelles ont un impact sur le fonctionnement des réunions.

II.– Le dispositif résultant de la proposition de la Commission et de l’accord des partenaires sociaux européens : Un renforcement et une clarification du rôle du comité d’entreprise européen pour assurer son développement et sa pleine reconnaissance comme lieu d’échange et de dialogue social

A.- Des aménagements et des clarifications opportuns

1.- Des contentieux liés à certaines incertitudes du texte actuel sur l’information du comité d’entreprise européen

La rédaction de la directive 94/45/CE manquant à certains égards de précisions, des contentieux se sont noués sur la portée des dispositions relatives à l’information du CE européen.

Plusieurs affaires ont été portées devant la Cour de Justice. Celle-ci a ainsi précisé :

– dans l’arrêt Bofrost du 29 mars 2001 (affaire C-62/99), les informations indispensables à l’ouverture des négociations en vue de la création d’un CE européen ou d’une procédure d’information et de consultation des travailleurs, à propos des données sur la structure ou l’organisation d’un groupe ;

– dans l’arrêt Kühne & Nagel du 13 janvier 2004 (affaire C-440/00), que cette obligation d’information s’étendait également au nombre de travailleurs et à leur répartition dans les Etats membres, ainsi qu’aux dénominations et adresses des représentants des salariés qui pourraient participer à la création d’un groupe spécial de négociation ;

– dans l’arrêt ADS Anker du 15 janvier 2004 (affaire C-349/01), que les Etats membres étaient tenus d’obliger les directions centrales établies sur leur territoire à communiquer aux entreprises du groupe établies dans d’autres Etats membres les informations demandées par celles-ci et indispensables à l’ouverture des négociations.

2. L’affaire « Vilvoorde » en 1997 et l’arrêt Gaz de France de la Cour de cassation du 16 janvier 2008, en France

C’est à propos du comité de groupe européen de Renault, créé en 1993 par accord volontaire antérieur à l’intervention de la directive 94/45/CE, et du contentieux relatif au projet de fermeture de l’usine Renault de Vilvoorde en Belgique, que la question des prérogatives du CE européen et de leurs effets a été portée devant la justice.

Confirmant une décision du juge des référés du tribunal de Nanterre du 4 avril 1997, la Cour d’appel de Versailles a, dans un arrêt du 5 mai 1997, dégagé « l’effet utile » de la consultation du CE européen ou de toute instance équivalente, en subordonnant à cette consultation la mise en œuvre de la mesure de restructuration annoncée.

Plus récemment, l’arrêt Gaz de France , du 16 janvier 2008, de la Cour de cassation, a confirmé, à propos de la fusion GDF Suez, cette importance et cette spécificité du rôle du CE européen.

La Cour de cassation a, en effet, confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Pau établissant le bien fondé de l’ordonnance de référé du président du TGI de Paris qui reportait la réunion du conseil d’administration de Gaz de France tant que le comité d’entreprise européen n’aurait pas donné son avis sur le projet de fusion, et le suspendait ainsi.

Il a également reconnu le droit de ses membres à bénéficier, sur la dimension européenne du projet, d’une information plus complète que celle remise à une instance nationale, telle que le comité consultatif des comités mixtes à la production.

3.- Des lacunes bien identifiées

D’une manière plus générale, au-delà de ces cas particuliers, plusieurs lacunes ont été perçues dans la directive 94/45/CE :

– le droit relatif à l’information et à la consultation du CE européen est apparu incomplet, en cas de restructuration ;

– la teneur des informations à communiquer, incertaine ;

– l’articulation avec les autres directives en matière de consultation et d’information des travailleurs, insuffisante.

On rappellera que plusieurs textes sont déjà intervenus dans de dernier domaine :

– la directive « dite Vilvoorde » 2002/14/CE du 11 mars 2002 relative à l’information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou établissements situés dans la Communauté ;

– la directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs ;

– la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements.

4.- Une proposition de directive très technique, mais essentielle et respectueuse du principe de subsidiarité

Par rapport au dispositif de 1994, les principaux apports prévus par la proposition présentée par la Commission sont les suivants.

En premier lieu, des précisions sont apportées sur la notion d’information et de consultation des travailleurs et de leurs représentants. Les notions de « moment, façons et contenus appropriés » de la consultation sont notamment intégrés.

En deuxième lieu, les responsabilités entre les différents niveaux de d’information et de consultation sont définies de manière plus précise, avec :

– la clarification de la compétence du CE européen, qui a trait aux questions de nature transnationale, définies comme celles concernant l’ensemble de l’entreprise ou du groupe, ou au moins deux entreprises ou établissements situés dans deux Etats membres ;

– l’introduction d’une articulation entre les niveaux national et transnational d’information et de consultation des travailleurs, qui doit être prévue par l’accord constitutif du CE européen.

En troisième lieu, différents éléments visent à sécuriser les modalités de mise en place des différents comités, de manière à rendre leur constitution plus aisée et à en accroître le nombre :

– la responsabilité des directions locales et de la direction centrale dans la transmission de l’information nécessaire à l’ouverture des négociations en vue d’établir un CE européen, notamment sur la structure et les effectifs du groupe, est précisée ;

– est prévu un droit des organisations de salariés et d’employeurs d’être informées du début des négociations comme de la composition du groupe spécial de négociation ;

– sont également prévus le droit du groupe spécial de négociation de se réunir hors la présence de représentants de la direction centrale et la possibilité de bénéficier d’une formation ;

– la composition du groupe spécial de négociation est également prévue pour être modifiée, en posant le principe de la représentation proportionnelle du nombre des travailleurs dans chaque Etat membre, avec un représentant par tranche de 10 % des travailleurs dans un Etat comptant au moins 50 travailleurs ;

– la proposition de directive prévoit les dispositions relatives au maintien et à la révision des accords en vigueur.

En troisième lieu, on observe que plusieurs améliorations sur les dispositions relatives au CE européen sont retouchées, de manière à ce que :

– celui-ci reflète mieux la composition de l’entreprise ou du groupe, selon les activités, les catégories, le sexe et la durée du mandat ;

– soit affirmée la capacité de ses membres à représenter collectivement les intérêts des travailleurs des groupes européens et des entreprises européennes, ce qui n’était pas le cas jusque-là, et à prévoir, en contrepartie, une obligation pour ceux-ci de rendre compte aux salariés qu’ils représentent ;

– ceux-ci disposent des moyens nécessaires à leur mission et à renforcer leur faculté d’appel à des compétences extérieures.

En quatrième lieu, le statut des représentants du personnel est amélioré, afin de mettre ceux-ci en mesure de suivre des formations sans perte de salaire et le rôle des organisations syndicales dans l’ouverture de la négociation reconnu.

En cinquième lieu, le contenu des prescriptions subsidiaires, qui s’appliquent en l’absence d’accord, est modifié afin de renforcer la portée du droit d’information et de réunion. Dorénavant, les droits correspondants, notamment celui de réunion, s’appliqueraient non seulement en cas de circonstances exceptionnelles, mais aussi en cas de décision susceptible d’affecter considérablement les intérêts des travailleurs, ce qui couvre notamment les restructurations. De même, les précisions sur l’effectif du CE européen seraient supprimées, avec en contrepartie l’adoption du même système de représentation que pour le groupe spécial de négociation. Le plafond des membres du comité restreint serait, pour sa part, porté de 3 à 5.

En sixième lieu, la proposition de directive renforce la portée du principe de subsidiarité puisqu’elle précise, comme on l’a déjà vu, les compétences du CE européen, limitée aux questions transnationales, de même que l’articulation, définie prioritairement par accord au sein de l’entreprise, entre les niveaux national et transnational d’information et de consultation des travailleurs, et l’articulation avec l’application des autres directives européennes précitées qui prévoient des éléments sur la consultation et l’information des travailleurs.

B.- Un accord des partenaires sociaux européens dont l’équilibre doit être respecté

1.- Les partenaires sociaux ont donc défini, dès le 29 août dernier, un accord pour apporter quelques amendements à la proposition de la Commission

Respectant l’esprit du traité, la réunion informelle des ministres chargés du travail et des politiques sociales de Chantilly, des 10 et 11 juillet derniers, a invité les partenaires sociaux européens, à savoir la CES, Businesseurope , l’UAPME et le CEEP.

Ceux-ci sont parvenus le 29 août dernier à un accord, fondé sur huit amendements à la proposition de la Commission européenne.

Ces huit amendements sont d’ampleur variable.

Les deux premiers précisent les notions d’« information » des travailleurs et de « consultation » des travailleurs.

Celui sur la consultation est très important, car il représente un point d’équilibre issu d’un compromis entre les partenaires sociaux : d’une part, il prévoit que l’objet de la consultation est de permettre aux représentants des salariés d’exprimer un avis sur les « mesures proposées », ce qui implique une intervention en amont d’un problème ; d’autre part, il indique que cet avis intervient sans préjudice des responsabilités de la direction.

Un troisième amendement précise d’une manière plus claire que la proposition initiale, que les experts qui peuvent assister le groupe spécial de négociation ou le CE européen peuvent comprendre des représentants des organisations syndicales au niveau européen.

Le quatrième amendement indique que les membres du CE européen doivent avoir les moyens de représenter collectivement les employés à l’échelle européenne, et non seulement d’exercer les droits prévus par la directive, ce qui renforce la représentativité des membres du CE européen.

Le cinquième amendement rend facultative la formation reçue sans perte de salaire.

Le sixième amendement introduit une souplesse en évitant toute obligation de concomitance entre le processus d’information et de consultation du CE européen et celui des instances nationales, lorsque sont envisagées des décisions susceptibles d’entraîner des modifications importantes dans l’organisation du travail ou dans les contrats de travail.

Les deux derniers amendements sont relatifs aux accords en vigueur :

– le premier ouvre une « fenêtre d’opportunité » en permettant la conclusion ou la révision d’accords, sous le régime actuel de la directive 94/45/CE, dans les deux ans suivant l’adoption de la future directive ;

– le second supprime l’obligation de renégociation des accords existants en cas de modification substantielle dans la structure de l’entreprise ainsi que d’absence de clause d’adaptation et d’une demande en ce sens des salariés, ces trois éléments étant cumulatifs.

Le 2 octobre suivant, une lettre des partenaires sociaux à la présidence française a indiqué qu’il convenait de compléter le dispositif relatif aux accords en vigueur de manière à ce qu’il couvre tous les cas de figure et de manière à ce que le considérant relatif à l’information des travailleurs précise bien que cette procédure ne ralentit pas le processus de décision dans les entreprises.

2.- Quelques points encore en débat

Dans de telles circonstances et face à un accord des partenaires sociaux européens, les points en débat sont en nombre réduit.

C’est d’ailleurs le sens du projet de rapport présenté dès le 23 septembre dernier par le rapporteur du Parlement européen, M. Philip Bushing-Matthews (PPE, Royaume-Uni).

Au vu des actuels travaux préparatoires au Conseil, notamment de la réunion du Conseil « emploi, politique sociale, santé, consommateurs » du 2 octobre dernier et des amendements actuellement prévus au Parlement européen, dans la perspective de la réunion, le 17 novembre prochain, de la Commission emploi et affaires sociales, seuls quelques éléments appellent des observations.

En premier lieu, la suppression du seuil de 50 salariés pour la composition du groupe spécial de négociation comme pour l’allocation des sièges du CE européen est envisagée. Il s’agit de répondre à une demande de plusieurs Etats membres qui contestent le dispositif prévu, considéré comme avantageant les grands Etats membres. Le principe de représentation selon le nombre de salariés employés dans chaque Etat membre étant acquis, cette suppression ne pose pas de difficulté, car son adoption ne modifierait pas l’équilibre d’ensemble de la future directive.

En deuxième lieu, la question de définition de ce qui relève du niveau transnational et, par conséquent, du CE européen n’est pas définitivement réglée. La proposition de la Commission, qui n’est pas affectée par l’accord entre les partenaires sociaux au niveau européen, qualifie comme tel « ce qui affecte au moins deux entreprises ou deux établissements situés dans deux Etats membres différents ». Deux amendements proposés par M. Jan Cremers (PSE, Pays-Bas) au nom de son groupe, tendent, l’un dans les considérants, l’autre dans le dispositif, à compléter cette définition et à qualifier également de transnational « ce qui excède les pouvoirs des instances de décision dans un seul Etat membre dans lequel les employés concernés sont affectés ». Cette définition extensive du transnational, puisque chaque élément peut être considéré comme ayant des répercussions sur le tout, n’est pas des plus souhaitables, car elle tend à modifier la répartition des compétences entre les instances représentatives du personnel communautaires et les instances nationales telles que le principe de subsidiarité conduit assez naturellement à les concevoir.

En troisième lieu, le régime applicable pendant la période de transition avant l’entrée en vigueur de la future directive, est encore perfectible. Les modifications qui doivent y être apportées sont uniquement techniques, dans la mesure où le principe de l’ouverture d’une « fenêtre d’opportunité » de deux ans pour inciter les partenaires sociaux à conclure sous le régime actuel des accords en vue de la création d’un CE européen n’est pas mis en cause.

En quatrième lieu, enfin, un amendement présenté par M. Jan Cremers (PSE, Pays-Bas) au nom de son groupe, propose d’aborder la question de la sanction juridique du non respect des obligations d’information et de consultation du CE européen ou de toute instance équivalente mise en place en application de la directive. Les jurisprudences précitées, Vilvoorde et Gaz de France sont mentionnées dans l’exposé des motifs.

Il s’agit indéniablement d’une initiative de poids qui mérite une grande attention. Néanmoins, elle ne saurait trouver sa place dans le dispositif de la future directive. Cette question de la sanction juridique, et plus largement des sanctions, en cas de non respect d’une obligation par l’une des parties, relève indéniablement de la compétence des Etats membres en application du principe de subsidiarité. Elle interfère, en effet, avec ce qui constitue le cœur des systèmes juridiques et juridictionnels des Etats membres. En revanche, dès lors que celui-ci fait clairement référence au principe de subsidiarité et au plein respect de la compétence des Etats membres, elle peut faire l’objet d’un considérant.

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L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

M. Jacques DESALLANGRE . Je me demande si l’amendement qui rend facultative la formation reçue sans perte de salaire s’applique aux employés.

M. Guy GEOFFROY , rapporteur. Il concerne bien les employés et fait l’objet d’un accord des partenaires sociaux.

M. Jacques DESALLANGRE . Quelle est la structure chargée de vérifier la procédure et quels sont le fondement et la procédure prévue pour la sanction ?

M. Guy GEOFFROY , rapporteur. En cas de difficulté, les employeurs, comme les salariés, peuvent saisir la justice selon les procédures nationales, les plus adaptées au problème soulevé. Nous avons pu voir un exemple intéressant de cette procédure avec la fusion entre Gaz de France et Suez. La Cour de cassation a confirmé l’annulation de la tenue d’un conseil d’administration, faute de saisine préalable et régulière du comité d’entreprise européen.

Le Président Pierre LEQUILLER . J’aimerais avoir quelques précisions sur ce qui se passe en Allemagne ainsi que sur la composition du groupe spécial.

M. Guy GEOFFROY , rapporteur. Il n’y a pas de différences entre l’Allemagne et la France au regard des règles européennes, mais au niveau national la co-gestion peut induire des attitudes spécifiques. Le groupe spécial de négociation est constitué au cas par cas, en fonction des circonstances, démarche pragmatique adaptée à la variété des multinationales œuvrant sur le territoire européen.

M. Jacques DESALLANGRE . Ce nouveau texte contient toujours des incitations plus que des obligations. En quoi constitue-t-il un progrès par rapport à 1994 ?

M. Guy GEOFFROY , rapporteur. Par rapport à 1994 nous sommes passés à une deuxième étape, où nous allons le plus loin possible, en tenant compte de la compétence des Etats membres, pour créer, d’une certain manière, une quasi obligation de fait. Le précédent texte ouvrait des portes mais également de nombreuses opportunités pour les fermer.

Sur proposition des rapporteurs, la Commission a ensuite adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

– Vu l'article 88-4 de la Constitution,

– Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (refonte) (COM [2008] 419 final/n° E 3904),

– Vu les propositions des partenaires sociaux européens adressées à la Présidence française en date des 29 août et 2 octobre 2008,

Considérant que l’objectif de développer le comité d’entreprise européen comme lieu d’échange et de dialogue social exige une refonte des actuelles dispositions relatives au comité d’entreprise européen ;

Considérant que la proposition de directive précitée modifiée selon les propositions des partenaires sociaux européens, telles qu’elles résultent du dialogue social, constituent le socle d’un futur accord entre Etats membres au sein du Conseil comme entre le Conseil et le Parlement européen ;

1. Approuve la proposition de directive précitée modifiée selon les propositions conjointes des partenaires sociaux au niveau européen, sans préjudice de quelques adaptations techniques ou mineures, notamment sur le seuil de 50 salariés et la période de transition entre les règles actuelles et futures, dès lors qu’elles n’en modifient pas l’équilibre ;

2. Se félicite de ce que celle-ci respecte le principe de subsidiarité, en clarifiant notamment ce qui relève du dialogue social européen et ce qui relève des organismes assurant la représentation du personnel au niveau des Etats membres ;

3. Estime que ce même principe de subsidiarité s’oppose en particulier à l’insertion dans son dispositif de toute précision sur la sanction applicable en cas de non respect des obligations qu’elle prévoit. »