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Document E4020
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'application du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante et abrogeant la directive 86/613/CEE.


E4020 déposé le 15 octobre 2008 distribué le 16 octobre 2008 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0636 final du 3 octobre 2008, transmis au Conseil de l'Union européenne le 3 octobre 2008)

Ces deux documents (E 4020 et E 4021) ont été présentés par Mme Valérie ROSSO-DEBORD , rapporteure, au cours de la réunion de la Commission du 5 mai 2009.

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La Commission européenne a présenté, le 8 octobre 2008, le paquet sur la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

Pour réaliser cet objectif partagé, la communication de la Commission européenne « Redoubler d’efforts pour mieux concilier vie professionnelle, vie privée et vie de famille » et le rapport sur les progrès accomplis par les pays de l’Union européenne dans la concrétisation des « objectifs de Barcelone » relatifs à l’offre de structures d’accueil de l’enfance, ont été accompagnés de deux propositions de directives.

Celles-ci s’inscrivent dans une perspective sociale et de garantie effective de l’égalité entre les femmes et les hommes, conformément aux valeurs partagées de l’Union européenne comme de la France. Leur objet est tant de veiller à la neutralité de la maternité vis-à-vis de l’emploi que d’assurer la santé et la sécurité de la femme enceinte comme de l’enfant à naître puis du jeune nourrisson.

La première de ces directives porte essentiellement sur le congé maternité, qu’elle vise à allonger, ainsi que sur la protection dans l’emploi des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes.

La seconde est relative à l’application du principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans l’exercice d’une activité indépendante, et concerne notamment les « conjoints aidants », c’est-à-dire ceux qui participent à l’entreprise ou l’exploitation familiale.

I. Des dispositions favorables et opportunes sur l’allongement du congé maternité et le renforcement de la protection des salariées lors de la maternité, si l’on excepte la suppression proposée de toute obligation d’un congé prénatal

La proposition de directive sur le congé maternité et la protection des femmes dans la période qui suit l’accouchement, qui concerne les salariées, prévoit plusieurs aménagements à la directive 92/85/CEE du Parlement européen et du Conseil concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, actuellement en vigueur.

Cette dernière précise que ce congé doit avoir une durée minimale de 14 semaines continues, dont deux semaines obligatoires avant ou après l’accouchement, et être rémunéré au moins au niveau des prestations de maladie. En outre, les femmes ne peuvent être licenciées pendant leur congé de maternité en raison de leur grossesse ou de la naissance d’un enfant.

Il s’agit d’une durée et d’une indemnisation minimales, que les Etats membres peuvent dépasser. C’est d’ailleurs ce que font la plupart d’entre eux, comme le montre le tableau figurant en annexe.

Avec un congé de 16 semaines continues dont 6 semaines avant l'accouchement et 10 semaines après celui-ci, pour les naissances de rang 1 et 2, et 26 semaines continues dont 8 semaines avant et 18 semaines après l'accouchement, pour les enfants de rang 3 ou plus, la France se situe au dessus de ce minimum. Sur prescription médicale, en outre, la salariée peut reporter une partie de son congé prénatal sur le postnatal, dans la limite de 3 semaines. Les cas des naissances prématurées et des naissances après la date prévue font par ailleurs l’objet de dispositions spécifiques.

Cette durée du congé, qui correspond à la période d’indemnisation, est de plus complétée par l’interdiction totale d’emploi des femmes pendant une période de huit semaines au total avant et après l’accouchement, et en aucun cas pendant les six semaines suivant l’accouchement, interdiction prévue à l’article L. 224-1 du code du travail. C’est une protection contre la renonciation « spontanée » au congé maternité.

Pour ce qui concerne l’indemnisation, l’indemnité journalière de repos est déterminée par le code de la sécurité sociale. Elle est égale au gain journalier net (salaire brut diminué de la part salariale des cotisations sociales et diminué de la CSG), dans la limite du plafond mensuel de la sécurité sociale (plafond identique en matière d’assurance maladie). Cette indemnité est ensuite soumise aux prélèvements sociaux (CSG et CRDS). Pour leur part, les fonctionnaires bénéficient du maintien de leur traitement.

Pour l’essentiel, la proposition de la Commission européenne prévoit six mesures.

La première d’entre elles tend à allonger la durée minimale européenne du congé maternité, qui passerait donc de 14 semaines actuellement, dont obligatoirement 2 avant ou après l’accouchement, à 18 semaines, dont 6 obligatoirement après l’accouchement. Cet allongement est conforme à la durée prévue par l’OIT en 2000, dans le souci de préserver la santé de la mère comme de l’enfant. Dans treize Etats membres (Bulgarie, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Royaume-Uni), le congé de maternité dure d’ores et déjà dix-huit semaines ou plus.

La deuxième mesure vise à assouplir le régime du congé maternité, en supprimant toute mention d’une faculté d’un congé prénatal. L’argument avancé est celui de la liberté de choix de la salariée concernée pour la partie non obligatoire du congé maternité.

La troisième proposition vise à améliorer l’indemnisation du congé maternité, en posant le principe que la prestation « adéquate » doit assurer des revenus au moins équivalents au dernier salaire mensuel ou d’un salaire mensuel moyen, tout en laissant cependant aux Etats membres la faculté de plafonner celui-ci à un montant néanmoins au moins égal à la prestation de maladie.

La quatrième vise à améliorer la protection contre le licenciement, en intégrant les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes dans l’affaire C 460/06, Paquay, interdisant de préparer, pendant le congé de maternité, un licenciement notifié après le retour de l’intéressée au travail.

La cinquième mesure vise à donner le droit, pour les femmes reprenant le travail après un congé de maternité, de demander de modifier ses rythmes et horaires de travail. L’objectif est leur assouplissement. L’employeur est tenu d’examiner ces demandes mais pas de les accepter. Il s’agit de tenir compte de la corrélation positive existant entre le taux de natalité et la qualité des structures permettant de concilier travail et vie privée (structures de garde des enfants et horaires de travail flexibles, par exemple).

Enfin, la sixième vise à appliquer au cas de la maternité le renversement de la charge de la preuve et la protection contre les rétorsions sur le modèle de ce qui est applicable en cas d’atteinte aux dispositifs de lutte contre les discriminations, notamment du fait du sexe, dans l’emploi.

Ces mesures peuvent faire l’objet d’un accueil favorable, à l’exception d’une seule : celle qui concerne le congé prénatal.

Le maintien de cette faculté d’un congé prénatal pour les Etats membres apparaît, en effet, essentiel, car c’est l’une des conditions de la protection de la santé de la mère comme de l’enfant à un moment crucial de la grossesse. Face à un tel impératif de santé publique, l’argument de la liberté de choix de la femme salariée ne tient pas. En effet, 6% des naissances sont en France prématurées.

Il faut éviter tout risque d’avoir des accouchements sur le lieu de travail.

Pour ce qui concerne l’allongement à 18 mois de la durée du congé maternité, la modification du droit français à opérer apparaît moins lourde que prévue à l’origine, puisqu’en pratique, l’actuel congé de 16 semaines ne concerne qu’un tiers des salariées concernées.

Sur le fond, cette proposition de directive a fait l’objet d’un accueil différencié des partenaires sociaux européens, comme l’ont indiqué MM. John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), et Philippe de Buck, directeur général de BusinessEurope, lors de leur audition sur l’Europe sociale par la Commission, le 10 mars dernier. La CES y est favorable. BusinessEurope est réservé et avance l’argument de ne pas créer de dispositif qui, en dépit de ses bonnes intentions, se retournerait contre l’emploi des femmes.

Cette proposition de directive fait également l’objet d’importants débats entre les Etats membres, notamment la question du niveau de l’indemnisation, parfois assez faible au-delà d’une certaine durée de congé, comme au Royaume-Uni. Par ailleurs, certains Etats membres tels que l’Allemagne, l’Espagne et les pays du Nord souhaiteraient avoir une vision plus large, étendue au congé parental. L’argument est que la prolongation du congé de maternité, de 14 à 18 semaines, ne renforce les inégalités hommes/femmes et que l’inclusion d’un congé parental permettrait légalement au père de prendre congé après une naissance.

A l’opposé, la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen propose un minimum de 20 semaines.

Deux éléments plaident en faveur du point d’équilibre de 18 semaines proposé par la Commission européenne.

D’abord, la durée de 18 semaines a été définie par l’OIT. C’est une norme internationale sur laquelle on peut s’appuyer à défaut d’autre base consensuelle, pour définir un accord entre les Etats membres.

Ensuite, sur le congé parental, la question a été confiée aux partenaires sociaux pour qu’ils actualisent l’accord cadre de 1995 repris par la directive 96/34/CE. Il n’y a pas lieu de s’immiscer dans le dialogue social européen.

II. Des mesures également opportunes à quelques réserves près, pour les femmes du secteur des activités indépendantes

La proposition de directive concernant l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante et abrogeant la directive 86/613/CEE, concerne, d’une part, les travailleuses indépendantes et, d’autre part, les « conjoints aidants ». Cette expression désigne le conjoint d’un travailleur indépendant qui contribue régulièrement aux activités de l’entreprise familiale sans en être un associé ou un salarié, comme c’est souvent le cas pour les exploitations agricoles ou les autres petites entreprises familiales. Ce dispositif s’applique également aux activités libérales.

Actuellement, la directive 86/613/CEE préconise différentes mesures pour assurer le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, pour les personnes exerçant une activité indépendante et leur conjoint ni salarié ni associé participant de manière habituelle l’activité indépendante, de même que pour la protection de la maternité.

D’une part, elle prévoit une adhésion facilitée des conjoints aidants à un régime social. Elle crée, en effet, l’obligation pour les Etats membres dans lequel existe un système contributif de sécurité sociale pour les travailleurs indépendants, de permettre aux conjoints non protégés par ce même régime, d’adhérer à un régime sur une base volontaire et contributive.

D’autre part, elle enregistre l’engagement des Etats membres d’examiner les initiatives favorisant la reconnaissance du travail fourni par les conjoints.

En outre, pour ce qui concerne spécifiquement la grossesse et la maternité, elle impose aux Etats membres un examen des conditions dans lesquelles tant les travailleurs indépendants féminins et que les conjointes des travailleurs indépendants peuvent avoir accès à des services de remplacement ou à des services sociaux, ou bénéficier de prestations en espèces (sécurité sociale ou système de protection sociale publique) durant leur interruption d'activité.

Enfin, elle fixe les conditions d’une mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes de manière à mettre fin aux discriminations selon le sexe, notamment en ce qui concerne la création et l’extension d’une entreprise ou d’une activité indépendante. Toute personne qui s'estime lésée par la non-application du principe de l'égalité de traitement dans les activités indépendantes doit ainsi pouvoir faire valoir ses droits.

Par rapport à ce dispositif, la Commission européenne propose plusieurs aménagements.

En premier lieu, elle prévoit un renforcement des droits des conjoints aidants, en rendant obligatoire les mesures nécessaires pour qu’ils puissent bénéficier d’un niveau de protection au moins égal à celui des travailleurs indépendants, sur une base volontaire. On passerait ainsi du principe de l’affiliation facultative à un régime de sécurité sociale à celui de l’affiliation toujours facultative mais permettant de bénéficier des mêmes conditions que celles destinées aux indépendants. En outre, est prévue une extension du dispositif avec son application, malheureusement floue dans ses termes, au « partenaire de vie ».

La Commission européenne observe que dans dix-huit Etats membres, la protection sociale accordée aux conjoints aidants ne tient pas compte de leur contribution à la marche de l’exploitation. Le risque est donc que des conjoints aidants ayant travaillé des décennies durant dans l’entreprise familiale se retrouvent sans revenu ni protection en cas de divorce ou de décès du travailleur indépendant.

Le cas en France est souvent cité en exemple, puisque le conjoint dispose nécessairement d’un statut. Les règles correspondantes s’appliquent tant en cas de mariage que de PACS. L’article L. 121-4 du code de commerce, tel qu’il résulte de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, prévoit l’obligation d’opter pour l’un des trois statuts suivants :

– celui de conjoint collaborateur, avec pour l’essentiel et selon les informations communiquées, une protection sociale obligatoire limitée à certains des régimes applicables au travailleur indépendant du secteur d'activité correspondant : assurances vieillesse de base et (sauf la plupart des professions libérales) complémentaire obligatoires, assurances invalidité décès et, pour les professions agricoles, assurance accidents du travail et maladies professionnelles. La maladie et la maternité (prestations en nature) restent couvertes au titre d'ayant droit du conjoint. Par ailleurs, les conjoints collaborateurs ont droit à des prestations en espèces de maternité ;

– celui du conjoint associé (protection sociale du travailleur indépendant) ;

– celui du conjoint salarié (protection sociale d’un salarié).

En matière de maternité, la durée du congé est, pour le cas général, de 16 semaines, 10 semaines et 5 jours ou 8 semaines selon le cas. Les conjoints collaborateurs sont à 8 semaines dont 1 obligatoire, selon les informations communiquées. Ces différences sont le résultat d’une approche empirique, au cas par cas.

En deuxième lieu, la Commission européenne propose un renforcement des mesures applicables en cas de maternité. Les Etats membres seraient tenus de prendre les dispositions pour que les femmes exerçant une activité indépendante et les conjointes aidantes puissent, sur leur demande, bénéficier du même congé de maternité que celui des travailleuses salariées. Pour les législations de dix-neuf pays de l’Union européenne, c’est déjà le cas. A cette différence de taille cependant qu’il s’agit d’un régime facultatif et non d’un régime d’affiliation obligatoire pour les femmes concernées.

Sur le plan financier, l’alternative suivante est proposée : soit le versement d’une indemnité d’un niveau au moins équivalent à celle perçue en cas d’interruption d’activité pour raison de santé, soit toute autre allocation appropriée dans la limite d’un plafond ; soit l’accès à des services de remplacement temporaires ou à d’éventuels services sociaux nationaux.

En troisième lieu, la proposition de directive prévoit des dispositions sont d’actualisation ou de coordination pour tenir compte, notamment, de l’intervention des différentes directives publiées depuis 2000 en matière de lutte contre les discriminations selon le sexe et de défense des droits. Sont notamment prévues des éventuelles mesures d’action positive.

L’amélioration de fond par rapport aux règles actuelles concerne la période de grossesse et de maternité.

Dans l’ensemble, on peut donc souscrire à l’objectif de cette proposition de directive.

Néanmoins, son examen n’a que débuté au sein du groupe des questions sociales et il apparaît que plusieurs Etats membres sont réticents. Tel est, entre autres, le cas de l’Allemagne qui conteste, contre l’avis du service juridique du Conseil, la base juridique de l’article 141 du traité, sur le principe de l’égalité de traitement dans le cadre professionnel entre les femmes et les hommes, et juge préférable le recours à l’article 308 sur les actions nécessaires à la réalisation de l’un des objectifs de la Communauté. Sur le plan de la procédure, ce n’est pas neutre puisque l’article 308 implique l’unanimité du Conseil et la simple consultation du Parlement européen, alors que l’article 141 n’exige que la codécision et la majorité qualifiée.

Sur le fond, cette proposition de directive appelle, en l’état, trois réserves.

D’abord, elle ne va pas assez loin sur la question de l’affiliation des professions indépendantes et des conjoints aidants. En effet, le principe de l’affiliation à un régime social ne doit pas rester facultatif et volontaire. Il doit devenir obligatoire pour l’ensemble des pays de l’Union. Il en va non seulement de la réalisation des objectifs sociaux de l’Union européenne, mais également de la lutte contre le dumping social entre les Etats membres.

Ensuite, sur la question du congé maternité, la proposition de la Commission européenne s’inscrit mal dans le contexte de la spécificité des professions indépendantes qui se traduit par l’autonomie de l’organisation de l’activité. Par conséquent, la référence au congé maternité prévue pour les salariées n’apparaît pas pertinente pour les femmes exerçant des activités indépendantes et pour les conjoints aidants. Tel est d’ailleurs l’opinion exprimée au niveau européen par l’organisation représentative des PME, l’UAPME.

Enfin, pour ce qui concerne le transfert des dispositifs anti-discriminations dans l’emploi, la proposition de directive prévoit d’appliquer dans les relations professionnelles de la personne considérée et de son conjoint les notions de « harcèlement » et de « harcèlement sexuel ». Si l’on comprend bien l’objectif de cette insertion, on doit néanmoins s’interroger sur la pertinence d’aborder ainsi, par le droit social, la question de la violence conjugale qui est en fait une question de droit civil dès lors que l’infraction est commise non seulement dans le cadre du travail, mais plus généralement de la vie quotidienne. De tels comportements conduisent en effet d’une manière logique à la dissolution de la communauté de vie. Or, ce sont là questions de droit civil et, le cas échéant, de droit pénal qui priment sur le droit du travail (c’est la relation personnelle qui est dans ce cas précis à l’origine de la relation de travail et non l’inverse) qui relèvent de la compétence des Etats membres et non de celles de l’Union européenne, conformément au principe de subsidiarité.

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Un débat a suivi l’exposé de Mme Valérie ROSSO-DEBORD , rapporteure.

« Le Président Pierre LEQUILLER . Cette proposition de directive est intéressante car, en matière de droit social, la France se trouve souvent en position de donner des leçons. Cette proposition de directive sur le congé de maternité est en l’occurrence plus ambitieuse que notre droit social national. Même si dans les faits, la durée du congé de maternité atteint souvent dix-huit semaines, il n’en reste pas moins que juridiquement, il n’est que de seize semaines pour les deux premiers enfants.

M. Marc LAFFINEUR . Cette proposition de directive va effectivement dans le bon sens. Donner l’exemple en matière de droit social fait partie de la culture européenne. L’harmonisation constitue donc un progrès. Je souhaiterais des explications sur certaines données du tableau figurant en annexe du rapport. On peut en effet constater des écarts importants entre la durée totale des congés de maternité et leur répartition entre les différents moments de ces congés. Ainsi, en Grande-Bretagne, il est indiqué que le congé total est de cinquante deux semaines dont deux après la naissance, l’employeur ne rémunérant que les six premières semaines à raison de 90 % du revenu de référence.

Mme Valérie ROSSO-DEBORD , rapporteure. D’une manière générale, plus le congé est long, moins la rémunération est importante. Il faut, par ailleurs, faire la distinction entre les périodes de congé obligatoires et les périodes facultatives. Il y a de la souplesse pour permettre aux femmes de choisir. En Grande-Bretagne, l’indemnisation va decrescendo avec la durée du congé. Au total, si l’on prend en considération la durée du congé et le niveau de l’indemnisation, la France se situe à un niveau correct. Sur le tableau, les colonnes du milieu retracent les périodes obligatoires.

Le Président Pierre LEQUILLER . Ce tableau est effectivement très parlant.

Mme Odile SAUGUES . Ce sujet social pourrait réconcilier M. Jacques MYARD avec l’Europe car il répond à l’attente de nos concitoyens. Souvent, il est arrivé à l’Europe de tirer le droit social vers le bas comme dans le cas de la durée de travail des transporteurs routiers. En ce domaine, si la réglementation européenne a constitué un progrès pour les transporteurs de certains pays, elle a constitué en France une régression. Je m’interroge sur deux points : quel sera le temps nécessaire pour que cette mise à niveau sociale intervienne ? Tous les pays auront–ils des ressources suffisantes pour assurer une rémunération correcte pendant le congé de maternité ?

Mme Valérie ROSSO-DEBORD , rapporteure. La directive sur le congé maternité devra être transposée dans les deux ans après son adoption. Elle contient, en tout état de cause, un élément important pour la santé publique, à savoir que les femmes ne seront pas obligées, sous la contrainte, à renoncer à leur congé de maternité. Elles seront à l’abri des risques de pression. Elles pourront par ailleurs reporter une partie de leur congé prénatal, si tel est le cas, et il est fondamental de maintenir cette faculté d’un congé prénatal dans la future directive.

M. Jérôme LAMBERT . Je me réjouis de l’orientation de cette directive. On peut rappeler qu’il y a plus d’une quinzaine d’années, l’Union européenne a déjà adopté une directive sur une durée minimale de congé de maternité. A l’époque, en France, l’opinion était que ce texte faisait régresser le droit social, car il instituait une durée et des droits inférieurs à ceux en vigueur en France. Il renforçait cependant les droits des femmes dans certains Etats membres, ce qui constituait déjà un progrès. Aujourd’hui, ce texte montre le chemin accompli depuis quinze ans par l’Union alors que le droit social en France a stagné. Si notre pays n’est pas à la traîne, il est, néanmoins, maintenant porté par le droit européen.

M. Marc LAFFINEUR . Les choses peuvent être analysées d’une autre façon. On pourrait dire que nous étions en avance et que l’Europe nous rattrape. C’est parce que la naissance et la petite enfance se passent bien en France que le congé de maternité n’a pas besoin d’être allongé. Nous avons un droit social et une médecine de bons niveaux. Avoir trente semaines de congé de maternité ne constituerait peut être pas un progrès.

Mme Odile SAUGUES . D’autant que toutes les femmes ne le souhaiteraient pas. Certaines préfèrent réintégrer leur vie professionnelle rapidement.

Le Président Pierre LEQUILLER . On constate que dans certains nouveaux Etats membres, les régimes de congé de maternité sont plus généreux alors que certains pays qui ont une réputation sociale comme la Finlande, n’ont finalement pas un régime très favorable.

M. Pierre FORGUES . La durée des congés de maternité dans ces pays est vraisemblablement un héritage des régimes communistes.

Le Président Pierre LEQUILLER . Dans cette période d’élections européennes où l’on reproche à l’Europe de ne rien faire, il est intéressant de noter qu’elle a des propositions concrètes pour les citoyens.

Mme Valérie ROSSO-DEBORD , rapporteure. De telles dispositions sur le congé de maternité doivent également être replacées dans un contexte global d’accompagnement des enfants et des modes de garde. Cet ensemble – congé de maternité, indemnisation, mode de garde – constitue la supériorité du système français et explique que le taux d’activité des femmes en France soit élevé. Par exemple, si l’on compare avec l’Allemagne qui a un congé de maternité d’une durée similaire et un même taux d’indemnisation de 100 %, on peut constater que le taux d’activité des femmes est nettement inférieur, du fait notamment des carences dans les modes de garde.

M. Jérôme LAMBERT . Il n’existe, en effet, pas de structures appropriées en Allemagne.

Mme Odile SAUGUES . De plus, travailler pour une femme est culturellement moins accepté.

M. Gérard VOISIN . S’agissant du congé de maternité des travailleurs indépendants, il s’agit effectivement de corriger une inégalité. Il y a un vide juridique et il me semble nécessaire, dans la mesure où l’on va vers une harmonisation des régimes, de durcir le paragraphe trois de la proposition de conclusions qui est un peu frileux.

M. Pierre FORGUES . C’est vrai qu’il existe une inégalité, conséquence du statut libéral et du principe de la liberté d’organisation du travail.

Mme Valérie ROSSO-DEBORD , rapporteure. Il est vrai que les salariés et les travailleurs indépendants ne bénéficient pas d’un même niveau de protection sociale. Cependant, il y a pour eux, en France, un régime obligatoire qui n’existe pas dans d’autres pays. De plus, il faut tenir compte du fait que les régimes des travailleurs indépendants reposent sur un principe de liberté et que toute amélioration des prestations signifie une augmentation importante des cotisations. Ce sont des régimes autonomes.

M. Bernard DEFLESSELLES . Il faudrait durcir la directive en terme de calendrier et indiquer dans la proposition de conclusions que le législateur européen doit examiner cette proposition de directive le « plus vite possible » ou « sans délai ».

Mme Valérie ROSSO-DEBORD , rapporteure. Cette idée de délai est à retenir.

Le Président Pierre LEQUILLER . Nous retenons cette idée d’une adoption des directives et d’une amélioration du droit dans les meilleurs délais. »

Puis la Commission a adopté les conclusions suivantes :

« La Commission chargée des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la Directive 92/85/CEE du Conseil concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (COM [2008] 637 final/E 4021),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante et abrogeant la directive 86/613/CEE (COM [2008] 636 final/E 4020),

Considérant que le renforcement de la protection sociale est nécessaire à la consolidation de l’Europe sociale et, plus spécifiquement, de notre modèle social français,

Considérant que tant l’objectif de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale que la protection de santé des femmes au travail et des jeunes enfants, notamment pendant la période qui précède l’accouchement comme durant celle qui le suit, et que le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes exigent au niveau communautaire des mesures nouvelles, spécifiques et adaptées,

1. Souscrit aux orientations des propositions de directive précitées en ce qu’elles améliorent, dans des délais qui devront être brefs, les règles applicables aux salariées, notamment en période de maternité, ainsi que la protection sociale des femmes exerçant des activités indépendantes et des conjointes ou conjoints aidants, c’est-à-dire participant à l’exercice de l’activité ou de l’entreprise familiale ;

2. Estime néanmoins indispensable de maintenir le droit à un congé prénatal, afin de ne pas menacer leur santé ni celle de l’enfant à naître ;

3. Demande un renforcement réel, dans les meilleurs délais, de la protection sociale des femmes exerçant des activités indépendantes et des conjoints aidants grâce au principe de l’obligation d’affiliation et non plus de la seule faculté d’affiliation à un régime social, dans le respect de la spécificité des activités indépendantes qui repose sur une large autonomie d’organisation du travail et sur des relations entre conjoints qui relèvent avant tout du droit civil, lequel est de la compétence des Etats membres, conformément au principe de subsidiarité. »

ANNEXE : REGIME APPLICABLE AUX SALARIEES

Pays Durée totale Répartition pré et postnatale Indemnisation
Autriche 16 semaines 8 semaines avant la naissance, 8 après 100 % des gains moyens
Belgique 15 semaines 1 semaine avant la naissance, 9 après Dépend du service public fédéral « sécurité sociale »
Bulgarie 315 jours 45 jours avant la naissance, 95 après Rémunération pendant 135 jours à concurrence de 90 % du revenu moyen, le reste du congé est rémunéré comme une prestation de sécurité sociale
Chypre 16 semaines pas d’information 75 % des gains moyens de l’année calendaire précédente
Rép. tchèque 28 semaines Néant Rémunération : 69 % du revenu moyen annuel, plafonnée
Allemagne 14 semaines 6 semaines avant la naissance, 8 après 100 % des derniers gains
Danemark 18 semaines Néant Selon la plupart des conventions collectives, 100 % du salaire
Estonie 140 jours Néant, mais la prestation de maternité deminue si le congé de marternité est entamé moins de 30 jours avant le terme prévu 100 % des gains moyens de l’année calendaire précédente
Grèce 17 semaines 7 semaines avant la naissance, 9 après 100 % du salaire mensuel précédent
Espagne 16 semaines transférables au partenaire 6 semaines après la naissance pour la mère 100 % de l’assiette
Finlande 105 jours ouvrables 2 semaines avant le terme prévu La rémunération dépend des gains antérieurs (elle est réduite 57 jours ouvrables après la naissance) ; le montant journalier minimal est de 15,20 euros sauf stipulation contraire selon les conventions collectives
France 16 semaines 2 semaines avant, 6 après 100 % des gains du trimestre précédent, plafonnée
Hongrie 24 semaines Recommandation : 4 semaines avant la naissance 70 % du salaire antérieur (prestation de maladie)
Irlande 42 semaines 2 semaines avant la naissance, 4 après Rémunération à raison de 80 % des gains, plafonnée, durant un semestre
Italie 5 mois 2 mois avant la naissance, 3 après Rémunération : 80 % de la rémunération journalière moyenne du mois précédant le congé
Lituanie 126 jours calendaires Oui 100 % des gains moyens
Luxembourg 16 semaines 8 semaines avant l’accouchement, 8 après 100 % des gains moyens
Lettonie 112 jours 2 semaines avant l’accouchement, 2 après 100 % des gains moyens
Malte 14 semaines 4 semaines avant la naissance, 6 après Rémunération intégrale
Pays Bas 18 semaines (dont une partie peut être prise par le père) 4 semaines avant la naissance, 6 après Rémunération intégrale
Pologne 120 jours 8 semaines après la naissance 100 % des gains moyens
Portugal 126 jours 6 semaines après la naissance 100 % du traitement de base
Roumanie 7 semaines avant l’accouchement, 7 semaines après, puis jusqu’aux 18 mois de l’enfant 42 jours après l’accouchement Allocation de maternité sur la base de 85 % du revenu moyen
Suède 105 jours 2 semaines avant ou après l’accouchement Rémunération à raison de 80 % du gain durant 390 jours, puis allocation minimale durant 90 jours
Slovénie 28 semaines 28 jours avant le terme prévu 100 % des gains moyens
Slovaquie 52 semaines 14 semaines Rémunération : 55 % de l’assiette journalière, plafonnée à 15.000 SKK (500 euros environ)
Royaume-Uni 52 semaines 2 semaines après la naissance L’employeur rémunère les 6 premières semaines à raison de 90 % du revenu antérieur, ensuite, rémunération forfaitaire (151 euros environ)

Source :Commission européenne.