Recrutement (suite)
Modalités du dégagement des hommes en surnombre.
M. le président ouvre la discussion sur la question de savoir par quelles modalités sera dégagé le surnombre des hommes en sus de l’effectif minimum.
Deux systèmes sont en présence : libération anticipée, congés et permissions.
M. Treignier combat le premier de ces deux systèmes qui porte atteinte au principe de l’égalité et ouvre la porte à l’arbitraire et au favoritisme.
M. de Montebello fait observer que le système des congés portera également atteinte à l’égalité ; en effet si on accord de droit ces congés au gré des hommes qui nécessairement le demanderont tous aux mêmes époques – moissons – vendanges – on désorganisera l’armée, et si on se réserve de donner satisfaction aux demandes, c’est l’inégalité et c’est l’arbitraire.
D’un côté, c’est l’instabilité des effectifs et de l’autre ce sont les inconvénients que redoute précisément M. Treignier.
La libération anticipée par contre sauvegarde la permanence des effectifs et si on objecte au système des catégories qu’il porte encore, quoique très atténuée, une atteinte à l’égalité, on n’a qu’à le remplacer par le tirage au sort qui exclut tout favoritisme.
M. Paté estime qu’il serait profitable de profiter du surnombre pour donner plus de permissions à l’ensemble du contingent.
M. Jaurès Si quelque chose fait apparaître l’erreur initiale du projet qui établit la permanence des effectifs c’est bien ce fait qu’on est obligé de libérer le surnombre et qu’on n’y parvient pas, quel que soit le système envisagé. Celui de M. Paté ne se concilie pas avec la fixité des effectifs, si on bloque les permissions à l’époque des moissons, p. ex., et il devient illusoire et inutile si on éparpille les permissions sur toute l’année. Il est, il est vrai impossible de ne pas introduire les permissions dans la loi, puisque le gouvernement lui-même a offert 3 mois et un peu plus tard 3 mois ½ de permissions, mais si on veut que les ouvriers et les paysans puissent travailler, trouver du travail, pendant leurs permissions, il faut que celles-ci soient bloquées en une période unique [mot barré]. On ne trouve pas à s’occuper dans l’industrie pour un mois. Dès lors, vous êtes obligés de grouper les permissions en un seul bloc et que devient alors la permanence de vos effectifs , que devient votre instruction militaire dans les unités ? Quant à la libération anticipée, ce n’est pas l’arbitraire par individu, c’est l’arbitraire par catégorie et je vous défie de justifier le choix de ces catégories par de bonnes raisons. Le premier apache venu reconnaîtra deux enfants pour être libéré : ce sera le ridicule jeté sur la famille et sur l’armée. Ce n’est d’ailleurs pas par ce procédé qu’on relèvera la natalité française. Vous faussez la conception du devoir militaire. L’impôt militaire n’est pas basé sur la famille, mais sur l’individu, il est personnel au premier chef, et vous allez aboutir à des inégalités sociales monstrueuses. Vous n’accorderez le bénéfice de la libération anticipée qu’aux familles dont les enfants survivent. Vous ne tenez aucun compte de la peine qu’a pu coûter l’instruction des enfants morts peut-être un jour avant l’entrée du fils aîné sous les drapeaux. C’est au moment où les enfants arrivés à l’âge d’homme ne coûtent plus rien à leurs parents que vous songez à dégrever la famille.
Quant au tirage au sort, il ne se concevrait qu’avant l’incorporation, afin que chacun sache dès lors à quoi s’en tenir. Vous faites une armée dans laquelle chaque soldat va guetter la loterie. Votre loi, quel que soit le système envisagé pour dégager le surnombre, soulèvera des protestations si unanimes qu’elle ne tiendra pas un an.
M. de Montaigu se déclare partisans du tirage au sort avant l’incorporation pour dégager le surnombre.
Adoption du principe de libération anticipée.
Le principe de la libération anticipée mis aux voix est adopté par 13 voix contre 3 et 5 abstentions.
M. Jaurès fait observer que dès l’an prochain, l’effectif sera dépassé, pour la cavalerie, de toute la hauteur d’un contingent. On pourra donc libérer tout de suite tous les cavaliers de 2 ans. Conçoit-on la libération anticipée par arme ou sur l’ensemble de l’armée ?
M. le Gal Legrand Sur l’ensemble.
Amendement de M. Treignier.
M. Treignier dépose un amendement.
M. le président consulte la commission sur le principe de libération anticipée opposé au principe de congés et permissions.
Adoption du principe de la libération anticipée.
Par 13 voix contre 3 (5 abstentions) le principe de la libération anticipée est adopté.
M. Joseph Reinach En présence des deux modalités envisagées, celle de M. Treignier et la nôtre, je me résignerais à me rallier à celle de M. Treignier, tout en regrettant d’abandonner l’idée des avantages à réserver exclusivement aux familles nombreuses, mais je tiens surtout à la libération anticipée.
Après un échange d’observations, et une déclaration du Gal Legrand affirmant que le tirage au sort aurait lieu avant l’incorporation, la libération anticipée par le procédé du tirage au sort est mise aux voix.
Adoption de la libération anticipée par tirage au sort avant l’incorporation.
A la majorité de 7 voix contre 2 elle est adoptée.
Suspension de séance.
La séance est suspendue pour permettre l’écriture d’un texte ferme, s’inspirant du texte de MM. Reinach et Montebello et de celui de M. Treignier.
Reprise de la séance.
À la reprise de la séance, le rapporteur lit une nouvelle rédaction de l’amendement de M. Treignier.
Amendement de M Seydoux relatif aux familles nombreuses.
M. Seydoux propose une modification à ce texte ; il faut absolument faire quelque chose pour les familles nombreuses.
M. Joseph Reinach appuie les observations de M. Seydoux.
M. Rognon fait observer que le principe du tirage au sort a été adopté.
Adoption de l’amendement de M Seydoux relatif aux familles nombreuses.
Par 10 voix conte 6, la modification proposée par M. Seydoux est adoptée.
Suppression du § relatif aux soldats qui renonceront à la libération anticipée.
Le § relatif aux soldats qui renonceront à la libération anticipée est supprimé par 8 voix contre 7.
M. Pierre Goujon demande que son abstention soit constatée.
M. Bougère développe un amendement ainsi conçu :
Adoption de l’amendement de M Bougère relatif aux frères appelés à servir ou servant ensemble.
Lorsque deux frères sont appelés ou servent ensemble sous les drapeaux, si l’un deux s’engage pour sans prime pour quatre ans, dans une arme à cheval ou s’il rengage de façon à accomplir quatre ans de service effectif, il a le droit de faire bénéficier le frère qu’il désigne d’un renvoi dans ses foyers, après que ce dernier aura accompli deux années de service.
Cet amendement est adopté par 10 voix contre 3.
La Commission examine un amendement qu’elle repousse.
M. Driant demande que les soldats actuellement au Maroc et qui auront en septembre accomplis deux ans de service puissent rentrer en France sur leur demande.
M. le Gal Legrand dit qu’il soumettra cette question au ministre de la Guerre en lui demandant de l’étudier avec bienveillance.
La Commission examine d’autres amendements qu’elle repousse.
Amendement de M Jaurès tendant à créer des compagnies de complément.
M. Jaurès saisit la commission d’un amendemt ainsi conçu : « Dans les compagnies à effectif non renforcé une compagnie par bataillon sera transformée en compagnie de complément. Elle fournira aux trois autres compagnies le nombre d’hommes nécessaire pour atteindre l’effectif minimum. Cette compagnie ne pourra descendre au dessus de 30 hommes. Elle sera mobilisée avec les autres, avec le même effectif de guerre. »
M. le Gal Legrand combat cet amendement qui aurait pour résultat de bouleverser l’instruction dans le bataillon et qui rendrait très difficile la mobilisation de la compagnie de faible effectif.
M. Jaurès soutient cet amendement ; il rappelle qu’il se justifie par des raisons analogues à celles qui ont présidé à la création de batteries de complément, dans la loi des cadres.
Ce qui est possible pour l’artillerie doit l’être plus encore pour l’infanterie. La compagnie faible aura tous ses cadres en officiers et S/officiers ; elle sera employée et entraînée dans un bataillon dont trois compagnies sur quatre auront un effectif d’hommes de l’active très élevé. On pourrait ainsi libérer 50 000 h de plus.
M. Paté appuie les observations du Gal Legrand.
M. Driant demande comment se fera l’inston des cadres dans la compagnie faible !
M. Georges Leygues repousse l ‘amendement ; il faut augmenter les effectifs et non les diminuer.
Rejet de l’amendement de M Jaurès tendant à créer des compagnies de complément.
L’amendement mis aux voix est repoussé.
M. Paté fait observer qu’il faudra ajouter à l’art. 6 une disposition qui édictera que les jeunes gens non pourvus du brevet d’aptitude militaire feront trois ans intégralement. (assentiment)
Adoption de l’article 20.
L’article 20 (réduit à un seul§) est adopté.
Suppression de l’article 21.
L’art. 21 est supprimé par l’amt de M. Dutreil.
Adoption des articles 22 et 23.
Les art. 22 et 23 sont adoptés (nouv. texte).
Le président,
Le Hérissé