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Séance du 2 juillet 1913

  • Recrutement (suite)

    Amendements relatifs à l’incorporation de la classe à 20 ans

    Audition de MM. Puech et Noulens

    Motion de M. Jaurès relative à la libération de la classe 1910

    Motion de M. Reinach relative à la libération de la classe 1910

    Rejet de la motion de M. Jaurès relative à la libération de la classe 1910

    Adoption de la motion de M. Reinach relative à la libération de la classe 1910

    M. Garat nommé rapporteur des propositions de loi de MM. Thalamas et Pédoya sur l’état des sous-officiers

    Projet relatif à la nomination des sous-lieutenants

    Lecture par M. Driant de son rapport

    Présidence de M. Le Hérissé

    Recrutement (suite)

    Amendements relatifs à l’incorporation de la classe à 20 ans

    La discussion reprend aux amendements relatifs à l’incorporation de la classe à 20 ans.

    M. le président fait connaître à la commission que le ministre de la Guerre est à la disposition de la commission pour être entendu, mais qu’il estime ne devoir être entendu qu’après que les amendements auront été discutés par elle. Il se déclare toutefois favorable au principe de l’incorporation à 20 ans.

    M. Jaurès J’aurais compris que le gouvernement attendit que la commission en eut délibéré, s’il n’avait pas pris position, mais il a d’abord combattu l’amendement de M. Escudier, comme une réforme dangereuse. Quelles sont les explications de ce changement ? À mon avis, si le gouvernement a changé d’attitude, ce n’est pas pour des raisons de fond. Il cherche à renvoyer la classe et ne voulant pas revenir sur des mesures prises, il prend un détour. Or, je ne saurais, pour ma part, me prononcer sur l’incorporation des jeunes hommes tant que la question du maintien de la classe sous les drapeaux ne sera pas résolue. Je demande qu’on invite le gouvernement à décider dès maintenant qu’il libérera la classe, quoi qu’il advienne, quoi que nous décidions au sujet de l’âge d’incorporation. On nous a dit : 3 classes sont nécessaires dont 2 instruites et avec l’incorporation à 20 ans, vous allez avoir 2 classes de conscrits !

    Tant que je ne serai pas certain, en me prononçant sur la question de l’âge d’incorporation de n’être pas influencé par le souci de libérer la classe, je considérerai que ma question n’est pas libre et comme on nous a dit qu’une incorporation anticipée augmenterait la morbidité et la mortalité, je ne veux pas avoir de cadavres sur la conscience. Je ne veux pas faire de la vie de uns, la rançon de la liberté des autres. Je demande donc que le gouvernement soit invité à décider dès maintenant la libération de la classe.

    M. Joseph Reinach Les observations de M Jaurès peuvent à bon droit s’adresser au projet de M. Noulens, mais non au nôtre. Il faut qu’il soit nettement entendu que notre amendement ne conduit pas à la libération de la classe 1910. Si vous maintenez l’incorporation à 21 ans, vous libérerez en novembre 49 000, si vous décidez, comme nous vous le demandons, l’incorporation à 20 ans, et dans les termes où nous le faisons – vous ne libérerez pas la totalité de la classe 1910. Il faut en effet prendre les plus minutieuses [ ?? manque un mot ??] pour que cette classe incorporée à 20 ans soit sélectionnée.

    M. le président fait connaître que MM. Puech et Noulens, auteurs d’amendement désirent être entendus.

    Audition de MM. Puech et Noulens

    MM. Puech et Noulens sont introduits.

    M. Joseph Reinach poursuit ses observations. La préoccupation qui est celle de M. Jaurès a été également la nôtre et c’est pour cela que nous avons prévu tout une série de dispositions. Nous avons notamment admis un 3e ajournement et nous avons introduit dans la loi la Con de réforme qui n’existe qu’en vertu d’un décret. Nous sommes prêts à accueillir une disposition autorisant les jeunes gens qui ne voudraient pas être incorporés à 20 ans à demander leur ajournement.

    Nous ignorons quel sera la chiffre de la classe à 20 ans incorporée, nous savons seulement qu’elle subira des déchets importants et comme nous maintenons d’autre part la permanence des effectifs, il en résultera que la classe 1910 tout entière ne sera pas libérée. L’amendement de MM. Puech et Noulens, par contre, ne peut jouer si on maintient la permanence des effectifs, puisqu’il prévoit le renvoi global de la classe.

    M. Puech Notre amendement diffère des autres quant à la date d’incorporation, mais nous accepterions celle de novembre, puisqu’on nous fait valoir que les Allemands, en ce qui concerne le trou d’octobre à boucher, étaient logés à la même enseigne que nous. En ce qui concerne le renvoi global de la classe 1910 je dirai ceci : il y a le plus grand intérêt à libérer la totalité de cette classe en décembre, au plus tard en janvier. Je n’établis aucune solidarité entre deux idées, mais la solution qui consisterait à ne libérer qu’une partie de la classe nous paraît être la pire de toutes. Il vous manquera en octobre 137 000 h. Vous aurez à ce moment 210 000 jeunes de 20 ans, vous pourrez en incorporer au moins 50 % sans danger. Il vous resterait donc 30 000 h à trouver et je vous rappelle qu’à cet effet nous avons présenté un autre amendement facilitant les engagements de 3 ans, dits devancements d’appel.

    M. Noulens Si l’État-Major accepte la date de novembre nous nous y rallions volontiers ; nous entendions seulement faciliter l’application de la réforme.

    Avec notre amendement, les calculs s’établiraient ainsi :

    Classe 1911 : 200 000 h

    Classe 1912 : 200 000 h

    Classe 1913 : 150 000 h soit 550 000 h auxquels il faut ajouter 33 000 rengagés, 90 000 permanents, 4 000 algériens, 3 000 h des vielles colonies, 50 000 ajournés = 685 000 h. Il manque donc 40 000 h pour atteindre 712 000 h et nous les obtiendrons par engagements ou rengagements, en versant 500 F de prime ce qui coûtera 40 à 50 millions et ce qui n’est pas trop cher pour éviter cette inégalité de conserver 40 000 h de la classe 1910.

    M. André Lefèvre Nous serions tous d’accord sur l’incorporation à 20 ans si elle ne présentait pas des inconvénients. Présente-t-elle ces inconvénients ? Le seul moyen de le savoir scientifiquement serait de se livrer à une expérience. On pourrait, p. ex., provoquer un certain nombre de devancements d’appel pendant quelques années. La morbidité est beaucoup plus élevée à 20 ans qu’à 21. Beaucoup d’hommes n’ont pas atteints leur développement à 20 ans. D’autre part, les petits hommes ont terminé le développement plus tôt et dès lors les petites races pourraient être incorporées plus tôt. D’après les statistiques la morbidité chez les engagés qui, eux, sont sélectionnés est à peu près égale à celle des appelés qui n’ont pas fait l’objet de cette sélection. Je considère la sélection du Conseil de révision comme illusoire. Vous aurez des mécomptes sur les hommes de 20 ans, si vous maintenez la sélection par les Conseils de révision. On nous dit : la France est le seul pays qui incorpore à 21 ans. C’est exact, mais la France est aussi le seul pays qui incorpore 80 % de son contingent. J’ajoute que vous retardez la date d’incorporation jusqu’aux environ de décembre et dans de casernes à peine achevées.

    Si vous réalisez l’incorporation à 20 ans et que vous reconnaissiez ensuite des dangers, vous serez dans une impasse. Trouverez-vous en effet une classe qui veuille faire 4 ans pour boucher le trou ? Il n’y a qu’une méthode, celle de l’expérience.

    Motion de M. Jaurès relative à la libération de la classe 1910

    M. le président donne lecture d’une motion de M. Jaurès présente la motion suivante [sic] : "La commission de l’armée considérant que les raisons d’abord données par le gouvernement pour le maintien de la classe n’existent plus, de son propre aveu ; considérant que la question de l’incorporation à 20 ans ne pourra être examinée par la Chambre en toute liberté d’esprit que si la libération de la classe est préalablement décidée, invite le gouvernement à décider dès maintenant la libération de la classe de 1910."

    M. Augagneur appuie la motion de M. Jaurès. L’incorporation de la clase de 20 ans est d’une importance sociale considérable. L’accroissement de la morbidité aura pour conséquence un affaiblissement qui pèsera sur toute la vie des jeunes gens incorporés. L’unanimité des médecins s’est prononcée contre. Il ne faut pas trop faire état de statistiques portant sur le devancement d’appel. Ce sont en effet plutôt les hommes des professions libérales qui devancent l’appel, or ces hommes sont en général plus développés à âge égal et moins fatigués. Je considère que cette incorporation anticipée est une des mesures les plus imprudentes qu’on puisse prendre. Je voterai la motion de M. Jaurès. Il ne faut pas que le désir de libérer une classe pèse sur votre décision. Un médecin militaire devrait en outre être entendu au préalable.

    M. Roblin Dans une nation bien organisée, il faut maintenir la balance égale entre la production industrielle et la production agricole, or, en incorporant la classe à 20 ans, vous allez faire pencher la balance vers l’industrie, c'est-à-dire vers les villes, vous allez enlever une armée de service agricole aux familles de paysans.

    M. Painlevé est comme MM. Jaurès et Augagneur de cet avis qu’il ne faut pas faire peser sur la décision de la commission la responsabilité du renvoi de la classe 1910 subordonnée à l’incorporation à 20 ans. Une cloison étanche doit être établie entre ces deux ordres de préoccupation. L’honorable membre estime que si on adopte l’incorporation à 20 ans, il conviendra d’admettre les ajournements une 3e fois et procéder à une sélection extrêmement rigoureuse. Les craintes exprimées par M. Roblin ne lui semblent pas fondées : un homme libéré plus tôt retournera plus volontiers chez soi. Au point de vue économique, l’appel à 20 ans est un palliatif insuffisant, mais c’est un palliatif ??de changer de la loi ??. Quoi qu’il en soit, il se prononce contre ce principe.

    M. Bougère s’associe aux observations de M. Roblin.

    Motion de M. Reinach relative à la libération de la classe 1910

    M. le président donne lecture d’une motion de M. Joseph Reinach ainsi conçue : « La commission de l’armée décide de ne statuer sur l’incorporation à vingt ans qu’après avoir entendu les représentants du service sanitaire du ministère de la Guerre. »

    M. Jaurès fait observer que la motion de M. J. Reinach n’est nullement en contradiction avec la sienne.

    Rejet de la motion de M. Jaurès relative à la libération de la classe 1910

    La motion de M. Jaurès est mise aux voix. À la majorité de 13 voix contre 6 elle n’est pas adoptée.

    Adoption de la motion de M. Reinach relative à la libération de la classe 1910

    La motion de M. Joseph Reinach est adoptée à l’unanimité.

    M. Garat nommé rapporteur des propositions de loi de MM. Thalamas et Pédoya sur l’état des sous-officiers

    M. Garat est nommé rapporteur de la proposition de loi de M. Thalamas sur l’état des sous-officiers et de M. le général Pédoya ayant même objet.

    Projet relatif à la nomination des sous-lieutenants

    Lecture par M. Driant de son rapport

    M. Driant donne lecture de son rapport sur le projet relatif à la nomination des sous-lieutenants.

    Le président,

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