Présidence de M. Le Hérissé, Président
Audition de M. le Président du conseil et de M. le ministre de la Guerre
La séance est ouverte à 2 heures.
Sont présents : MM. Le Hérissé, Paté, Garat, Braibant, Jaurès, Lachaud, Driant, Adigard, Treignier, Lannes de Montebello, Gourd, Seydoux, Forest, Augagneur, Roblin, Gallois, Vandame, Joseph Reinach, Noël, le général Pédoya, Girod, Leygues, Dutreil, Fournier-Sarlovèze, Lorimy, Bénazet.
L’ordre du jour appelle l’audition de M. le Président du conseil et de M. le ministre de la Guerre.
M. Barthou, Président du conseil, ministre de l’Instruction publique et des Beaux arts et M. Étienne, ministre de la Guerre, sont introduits ainsi que M. le directeur du service de santé auxiliaire et M. le sous-chef d’État-major général de l’armée, commissaires du gouvernement.
(les explications fournies par M. le Président du conseil et par M. le ministre de la Guerre et relatives à l’incorporation à vingt ans ont été recueillies par la sténographie ainsi que l’échange de vues auxquel [auquel] ces explications ont donné lieu).
M. le Président du conseil et de M. le ministre de la Guerre quittent la salle de séance de la commission.
Reprise de la discussion
Incorporation à vingt ans
M. le Président donne la parole à M. Augagneur sur la question de l’incorporation à vingt ans.
Motion préjudicielle de M. Augagneur
M. Augagneur dépose une motion préjudicielle par laquelle il demande à la commission de maintenir ses décisions antérieures en ce qui concerne l’incorporation à 20 ans. Les médecins du corps de santé militaire sont, à une immense majorité, opposés à l’incorporation à 20 ans. Il préfère quant à lui, la loi de trois ans au système de l’incorporation à 20 ans, qui constituerait une grave imprudence.
M. Jaurès explique que la commission, ayant eu en mains tous les documents, a, par deux votes, écarté l’incorporation à 20 ans. Il demande à ses collègues quelles sont les raisons de fond nouvelles, qui soient de nature à faire revenir la commission sur ce vote. Malgré leur incorporation sélectionnée, malgré les précautions, malgré des motifs d’opportunité politique, ce sont, au fond, des raisons sociales, économiques qui justifient l’incorporation à 20 ans.
M. Forest remarque qu’il s’est produit, effectivement, depuis le dernier vote un fait nouveau. La question ne se pose plus de la même façon. Nous avons admis que des engagements volontaires pourront être contractés : c’est la porte ouverte au système de l’incorporation à 20 ans.
L’honorable membre ajoute que, dans ces conditions, après avoir voté « contre » l’incorporation à 20 ans il votera aujourd’hui « pour ».
M. Joseph Reinach rappelle qu’il a toujours été partisan de l’incorporation à 20 ans du moment qu’il ne s’agissait pas de l’incorporation de la totalité de la classe. L’amendement qu’il avait déposé donnait, à ce point de vue, la quasi certitude que la classe incorporée serait sérieusement sélectionnée.
Si M. Augagneur voulait étudier un ensemble de dispositions assurant un sélectionnement réel de la classe, la question se poserait peut-être d’une façon différente. Je voudrais que la commission de l’armée, avant de statuer sur la motion Augagneur, présentât, tout de suite, deux ou trois dispositions garantissant ce sélectionnement.
Rejet de la demande d’audition par la commission déposée par Thierry Cazès et Houbé, députés
M. le Président fait connaître que leurs collègues, MM. Thierry Cazès et Houbé demandent à être entendus par la commission.
(La commission décide de ne pas entendre MM. Thierry Cazès et Houbé.)
M. Bénazet dans la suite de la discussion, de mande à la commission de se mettre en face du problème. Elle est en présence de trois décisions fermes de la Chambre : le principe du service de trois ans – l’égalité du service militaire pour tous – la fixation des effectifs de l’armée française au chiffre de 672 000 hommes environ. Depuis, la question de l’incorporation à 20 ans s’est posée. Cette question se présente de deux façons. Ou bien on peut envisager l’incorporation à 20 ans, après décision des conseils de révision et faculté de reculer l’incorporation à 21 ans, ou ben on peut envisager l’incorporation à 21 ans avec la possibilité de contracter des engagements volontaires à 20 ans. Ce qu’il ne faut pas, c’est rejeter, définitivement, l’incorporation à 20 ans. À n’envisager que la question médicale seule, M. Augagneur est-il certain que l’ossature des jeunes gens est plus formée à 21 ans qu’à 20 ans. Or, des médecins ont affirmé que cette ossature n’était bien formée qu’à 23 ou24 ans. Pourquoi, dans ces conditions, l’incorporation à 21 ans plutôt qu’à 23 ou 24 ?
M. Painlevé dit qu’il reste fidèle à la théorie qu’il a adoptée et qu’il n’est pas convaincu par les statistiques imparfaites qui ont été présentées. En raison des opinions très diverse qui ont été manifestées, il est impossible de conclure en prenant pour base les statistiques. Il est, par conséquent, préférable de ne considérer que le point de vue social, économique. M. Painlevé explique qu’il y a lieu de séparer ces deux questions, celle de l’incorporation à 20 ans d’une part, celle du renvoi de la classe, d’autre part. Il faut que sur cette question du renvoi de la classe, le gouvernement prenne une attitude ferme car il y a, selon M. Painlevé, une question préjudicielle qui fausse tout le débat.
Projet de résolution de MM. Reinach et Bénazet
M. le Président donne lecture d’un projet de résolution présenté par M. Joseph Reinach et par M. Bénazet et qui est ainsi conçu : « La commission décide de ne statuer qu’après s’être prononcée sur les amendements qui ont pour objet de modifier la composition des conseils de révision. »
M. le Président fait observer que la discussion ne peut porter d’abord que sur la motion de M. Augagneur dont la portée est plus large.
M. Lachaud rappelle que la commission a adopté son amendement qu’il avait présenté et qui donne un pouvoir d’appel au médecin expert chargé de faire la révision. Il ajoute que, sur la question de l’incorporation à 20 ans, 95 % des médecins militaires s’y sont montrés défavorables. À la séance qui s’est tenue le 19 juin dernier au Val-de-Grâce, un professeur a déclaré que l’incorporation à 20 ans serait une faute, qu’elle aurait pour conséquence un déchet colossal. Sans doute, on invoque le système allemand, mais il convient de remarquer que des jeunes allemands ont sur des français du même âge un an ou un an et demi d’avance. Si on incorpore 50 % du contingent à 20 Ans, on arrivera à un désastre et l’on aura plus de 50 000 hommes réformés.
M. Augagneur croit, comme M. Painlevé, que les statistiques – bien qu’elle paraissent, a priori, défavorables au principe de l’incorporation à 20 ans – n’ont pas une véritable valeur scientifique. Selon lui, l’homme n’est parfaitement formé qu’à 24 ou 25 ans. C’est par nécessité sociale que l’incorporation est faite à 21 ans : il est inutile de faire pis et rejeter dans la vie des gens qui seront affaiblis pour toute la vie par un service prématuré. Le travail, trop tôt, à l’usine est déjà une plaie qui mine la race. Il ne faut pas lui imposer une nouvelle cause de déchéance. C’est une question de vitalité qui se pose alors pour le pays. Elle est plus grave que la question même de la loi de trois ans.
M. Lannes de Montebello fait observer que si M. Augagneur dit vrai, il faudrait, dans ce cas, interdire tout engagement à 20 ans. Or il est certain que des jeunes gens peuvent contracter cet engagement.
M. Augagneur C’est une exception.
M. Lannes de Montebello ajoute qu’on ne peut pas établir de rapprochement entre le vie à l’usine et la vie à la caserne : celle-ci est plus saine que celle-là.
M. Lorimy dit qu’il apporte, sur la question des engagements seulement, l’appui de son expérience. Il a pu constater que des engagés volontaires de 18, 19 et 20 ans examinés tranquillement avaient dû être réformés par la suite ; ils avaient des crachements de sang et des palpitations.
M. Vandame demande à la commission de faire abstraction de ses votes antérieurs * principe de la loi de 3 ans, désir de libérer la classe, adoption de l’amendement de M. Daniel Vincent – et l’on ne doit se placer qu’au point de vue purement militaire ou social. Or, au point de vue militaire, on aura, avec l’incorporation à 20 ans une classe d’hommes instruits et deux classes de recrues. Il n’y a donc aucun intérêt à adopter l’incorporation à 20 ans. Certes, on peut recourir aux engagements individuels, mais ce ne doit être là qu’une question d’espèce. L’honorable membre ajoute qu’il est partisan de la possibilité et non de l’obligation. En votant contre l’incorporation à 20 ans, il est d’accord avec nombre de commandants d’unités.
Motion de M. Fournier-Sarlovèze
M. Fournier-Sarlovèze propose que le principe de l’appel de la classe à 21 ans soit maintenu. Toutefois, les conseils de révision convoquent les gens de 20 et de 21 ans. On les examine suivant la méthode établie par la méthode de M. Lachaud. Parmi les jeunes gens déclarés « bons », ceux de 20 ans peuvent demander leur incorporation. Le sursis de « droit » pour les jeunes gens de 20 ans, tel est l’objet de la motion que M. Fournier-Sarlovèze demande à la commission d’adopter.
M. Jaurès dit qu’à son sens la motion de M. Augagneur est seule préjudicielle. Elle doit avoir la priorité sur celle de M. Reinach et sur celle de M. Fournier-Sarlovèze.
Clôture de la discussion
La clôture est prononcée.
M. le Président donne lecture de la motion préjudicielle de M. Augagneur : « La commission maintient ses votes antérieurs repoussant l’incorporation à 20 ans. »
Explications de vote
M. Driant explique son vote et dit que la commission ne peut se déjuger d’autant plus que le gouvernement n’a pas répondu à cette objection « que l’incorporation à 20 ans laisserait deux classes sans être instruites ». Il votera, par conséquent, « contre » l’incorporation à 20 ans.
MM. Girod et le général Pédoya s’associent à cette déclaration et demandent qu’elle figure au procès-verbal.
Adoption de la motion préjudicielle de M. Augagneur
M. le Président met aux voix la motion préjudicielle de M. Augagneur qui est adoptée par 16 voix contre 5 et 4 abstentions.
M. le Président dit que la commission, par le vote qu’elle vient d’émettre, maintient ses décisions antérieures.
Article 7
Article 7
Amendement de M. Brousse relatif à la naturalisation des étrangers incorporés en France
M. le Président donne lecture de cet article qui a été réservé par le Chambre et fait connaître que M. Emmanuel Brousse a déposé un amendement (N° 192) concernant la naturalisation des étrangers incorporés en France.
M. Vandame combat cet amendement qui, dans sa première parti, a déjà satisfaction et qui, dans la seconde, soulève une question de réciprocité entre nations.
Rejet de l’amendement de M. Brousse relatif à la naturalisation des étrangers incorporés en France
L’amendement n’est pas adopté.
Article 8
Article 8
Amendement de M. Reinach relatif à l’inscription des étrangers devenues français sur les tableaux de recensement
M. Joseph Reinach propose la suppression, dans le 1er § de cet article, les mots : « réintégration ou déclaration faite conformément aux lois ».
Le 1er § serait ainsi rédigé : « Les individus devenus français par voie de naturalisation sont portés …(le reste sans changement) ».
Adoption de l’amendement de M. Reinach
Cette modification est adoptée.
Adoption de l'amendement de M. Garat portant à 35 ans la limite au-delà de laquelle la durée du service militaire des étrangers inscrits sur les tableaux de recensement ne pourra être prolongée
M. le Président donne lecture d’un amendement de M. Garat tendant à porter, dans les 2e et 3e §, à 35 ans, au lieu de 30 ans, la limite au-delà de laquelle la durée du service militaire des étrangers inscrits sur les tableaux de recensement ne pourra être prolongée.
M. Garat explique la portée de son amendement qui tend à faire disparaître une anomalie entre étrangers et français, au détriment de es derniers. Son amendement combat l’envahissement des étrangers en France, pour les carrières libérales principalement, en particulier pour les médecins ou le Barreau. À Paris, par exemple, le dixième des médecins est étranger.
L’amendement de M. Garat est adopté.
Article 10
Article 10 (conseils de révision)
Amendement de MM. Théodore Reinach et Messimy portant article additionnel et relatif à la composition des conseils de révision
M. le Président fait connaître qu’un amendement de MM. Théodore Reinach et Messimy se place avant cet article (amendement N° 225). Il concerne la composition des Conseils de révision.
M. Lachaud rappelle qu’il a déposé un amendement (N° 119) sur le fonctionnement des Conseils de révision, amendement qui tend à créer, à côté de ces Conseils, une commission médical militaire, constituant une commission d’appel pour les cas douteux.
M. le général Pédoya déclare qu’il y a trop de civils dans les conseils de révision et trop de militaires dans les conseils de réforme. Il ajoute que trop souvent, dans l’examen des jeunes gens, se mêlent des préoccupations d’ordre électoral.
M. le Président et plusieurs membres protestent contre les paroles de M. le général Pédoya.
M. Braibant demande s’il n’y pas lieu de supprimer les intendants dans les conseils.
M. le Président fait observer que les intendants, représentants du ministère public, commissaires du gouvernement ne peuvent être supprimés.
Plusieurs membres demandent le maintien du statu quo.
Rejet de l’amendement de MM. Théodore Reinach et Messimy et maintien du statu quo
Le « statu quo » est maintenu, à la majorité de 10 voix contre 5.
Article 12
Article 12
Allocation aux soutiens de famille
Cette allocation est fixée à 1 fr. 25. Elle sera majorée de 0,50fr. pour chacun des enfants âges de moins de seize ans.
« La même allocation sera due, etc … »
M. le rapporteur fait observer que la commission, pour généraliser la rédaction, a supprimé le mot « mariés ».
M. le général Pédoya demande si cette allocation sera due en temps de guerre.
M. Augagneur dit que la question ne se pose pas, les municipalités, en pareil cas, intervenant elles-mêmes.
Article 13
Article 13
Amendement de M. André Lefèvre tendant à se substituer aux article 13 et 14
M. le rapporteur donne lecture d’un amendement de M. André Lefèvre qui tend à se substituer aux articles 13 et 14. Cet amendement, dans la partie A, établit des cours de 1ère, 2e et 3e année, du régiment, et suivant certaines règles. La partie B prévoit l’ouverture de concours entre les soldats incorporés en vue de l’admission aux écoles.
M. Lannes de Montebello dit que la partie A de l’amendement de M. A. Lefèvre pourrait être disjointe mais qu’il en approuverait la partie B, sur laquelle il estime qu’on peut se mettre d’accord.
(M. le général Legrand, commissaire du gouvernement, dont la présence est demandée par M. le Président, est introduit.)
La discussion reprend sur l’amendement de M. A. Lefèvre.
M. le général Pédoya a la parole sur la partie B, ainsi conçue :
« Chaque année, entre les soldats incorporés, un concours est ouvert, pour l’admission aux écoles militaires d’infanterie et de cavalerie, d’artillerie et du génie. Après six mois de service à la caserne, les candidats admis entrent aux écoles. LA durée des études y est de 18 mois ; à leur sortie, les élèves sont nommés sous-lieutenants et accomplissent en cette qualité, leur troisième année de service.
« À leur libération, ils sont nommés officiers dans la réserve, et doivent conserver leurs fonctions pendant un temps fixé par le ministre de la Guerre au moment du concours.
« À l’expiration de ce temps, ils peuvent renoncer à leur grade. Ceux qui le conserveront seront astreints annuellement à des périodes d’exercices fixées par le ministre de la Guerre.
« Celui-ci pourra également autoriser, chaque année, un certain nombre de sous-lieutenants à rester dans l’armée ; il ne pourront être nommés lieutenants qu’après un séjour dans une école d’application. »
Sous-amendement de le général Pédoya
M. le général Pédoya dit que la durée de 18 mois, prévue au 1er §, lui semble exagérée. Il propose, à la place, la solution suivante :
1ère année : à la fin de la 1ère année, les soldats passent un concours.
2e année : Ils accomplissent les 6 premiers mois comme sous-officiers. Pendant le second semestre, ils suivent les cours spéciaux.
3e année : S’ils subissent avec succès les examens institués à la fin de leur 2e année, ils sont nommés aspirants.
M. Dutreil se rallie à cet amendement.
M. Jaurès craint que le supplément de service de 6 mois qu’impose aux futurs officiers de réserve l’amendement de M. le général Pédoya ne constitue, à leur égard, une sorte de pénalité.
M. le général Pédoya dit qu’il est nécessaire que les sous-officiers viennent sur le terrain des manœuvres.
M. le rapporteur demande si la nomination au grade d’aspirant ne pourrait pas intervenir après les manœuvres.
M. le général Pédoya répond que la chose n’est pas possible. Il ajoute que l’officier de complément a à enseigner ce qu’il doit faire en temps de guerre et non ce qui doit se faire en temps de paix.
M. Augagneur propose que les jeunes gens, après leur première année, fassent 6 mois d’école, 6 mois de service comme sous-officiers, et un an comme aspirant.
M. Jaurès remarque quelle part d’inconnu soulève le problème. Vous parlez de recrutement des officiers de réserve, alors que les réserves elles-mêmes ne sont pas organisées S’il est entendu que les officiers de réserve vont prendre place au régiment avec la fonction effective de sous-officiers, je me demande à quel résultat paradoxal vous aboutirez : vous aurez des sous-officiers de cadre, de carrière, que vous allez dessaisir de la part la plus active de leur commandement au profit d’officiers de réserve auquel vous donnerez un rôle de premier ordre. Les régiments seront submergés d’officiers de réserve et les sous-officiers seront dépouillés de leurs véritables fonctions.
M. le général Legrand, commissaire du gouvernement, fait observer qu’il y a, actuellement, mieux qu’un commencement d’organisation des réserves et la nomination d’officiers de réserve n’occasionnera pas de perturbations dans le service des sous-officiers de compagnie.
M. Jaurès signale le danger d’un recrutement des officiers de réserve exclusivement par la voie du concours. La part légalement réservée à l’élément, qui n’est pas ??l’élément ?? d’école, doit être déterminée. Et il ne l’est pas dans l’amendement de M. le général Pédoya.
M. le commissaire du gouvernement dit qu’en effet la porte ne doit pas être fermée aux sous-officiers de réserve. Mais il estime que le pourcentage ne peut être déterminé dans un texte de loi. Il faut laisser au ministre
de faire selon les ressources et selon les besoins.
M. Jaurès reconnaît que cette détermination est difficile à établir, mais qu’on peut, au moins, prendre des précautions et qu’il y a lieu de garantir un minimum par la loi.
M. le commissaire du gouvernement fait observer que la fixation même d’un minimum présente des inconvénients. Si une catégorie, si une source vient à faiblir, vous ne pourrez prendre davantage sur la seconde parce que vous serez tenus par la rigidité de votre proportion.
M. Vandame dit qu’il préfère le texte par M. le général Pédoya à celui de M. Augagneur. Avec le système de M. Augagneur, vous auriez une double série de sous-officiers pendant 6 mois et vous en seriez privés pendant 6 autres mois.
Adoption du sous-amendement de le général Pédoya modifié par un sous-amendement de M. Treignier
La commission décide d’inverser, dans l’amendement de M. le général Pédoya, la partie relative à l’accomplissement de la seconde année. Elle accepte l’addition des mots ci-après : « et sont comptés à la suite » proposés par M. Treignier et elle adopte successivement les paragraphes suivants de l’amendement :
« Les jeunes gens appelés ou engagés non visés à l’article précédent qui désirent obtenir le grade de sous-lieutenant de réserve subissent à la fin de leur première année les épreuves d’un concours institué par arrêté ministériel. Ils sont classés par ordre de mérite et désignés dans la limite des besoins comme élèves officiers de réserve.
« Durant le premier semestre de leur deuxième année de service, ils suivent des cours spéciaux.
« Durant le deuxième semestre de cette deuxième année, ils remplissent les fonctions de sous-officiers dans le commandement effectif de la troupe et sont comptés à la suite. S’ils subissent avec succès les examens institués à la fin de leur deuxième année de service, ils sont nommés aspirants et accomplissent en cette qualité le restant de leur service dans l’armée active. Dans le cas contraire, ils continuent à servir comme sous-officiers jusqu’à l’expiration de leur troisième année de service ou de leur engagement.
« À la fin de leur troisième année de service, le ministre de la Guerre, sur la proposition des chefs des chefs de corps désigne un certain nombre d’aspirants pour suivre des cours spéciaux dans les écoles d’aspirants officiers de l’armée active.
Adoption de l’amendement de M. Augagneur relatif pourcentage de poste d’officiers de réserve réservé aux sous-officiers des corps de troupe
M. Augagneur, à propos de ce dernier paragraphe, fait observer que les officiers démissionnaires de l’armée active et les officiers en retraite seront une nouvelle source de recrutement des officiers de réserve. Ne peut-on pas établir que les sous-officiers auront une part minima assure dans ce recrutement, un tiers, par exemple des vacances à pourvoir ?
La commission adopte la rédaction suivante
« En aucun cas le nombre d’officiers de réserve provenant des sous-officiers de réserve des corps de troupe ne pourra être inférieur au tiers des vacances annuelles. »
Article 19
M. le Président donne lecture de l’ensemble du texte nouveau qui est mis aux voix et adopté.
M. Joseph Reinach rappelle qu’à la dernière séance de la commission, vendredi, il a expliqué les raisons qui ont justifiées le dépôt de son amendement ainsi conçu :
« Lorsque l'effectif prévu pour les diverses unités à l'article 2 de la présente loi, majoré de 6 0/0 au 15 novembre et de 4 0/0 au 15 avril de chaque année, se trouvera dépassé, le Ministre de la Guerre est autorisé à mettre en congé renouvelable, sur leur demande, en attendant leur passage dans la réserve, aux deux dates énoncées, et jusqu'à concurrence du nombre en excédent de l'effectif ci-dessus, les militaires ayant accompli au moins deux ans de service, qui ont obtenu le certificat de bonne conduite et qui appartiennent aux catégories suivantes :
« 1° Les militaires classés comme soutiens indispensables de famille, qui sont les fils uniques ou les aînés des fils, ou, à défaut de fils ou de gendres, les petits-fils uniques ou les aînés des petits-fils de femmes actuellement veuves ou de femmes dont les maris ont été légalement déclarés absents ou interdits, ou de pères aveugles ou entrés dans leur 70e année ;
« Les militaires classés comme soutiens indispensables de famille, qui sont aînés d'orphelins de père et de mère, ou aînés d'orphelins de mère et dont le père a été légalement déclaré absent ou interdit ;
« 2 Les militaires classés comme soutiens indispensables de famille qui, soit au moment de leur comparution devant le conseil de révision, soit postérieurement, ont deux frères ou sœurs vivants, ou plus, légitimes ou reconnus;
« 3° Les militaires classés comme soutiens indispensables de famille et n'appartenant pas aux deux catégories ci-dessus ; 4° Les militaires non classés comme soutiens de famille qui, soit au moment de leur comparution devant le conseil de révision, soit postérieurement, ont deux frères ou sœurs vivants, ou plus, légitimes ou reconnus.
« Les militaires visés aux alinéas 2°, 3° et 4° ci-dessus sont classés d'après l'ordre décroissant des frères ou sœurs vivants.
« Dans chacune des catégories et subdivisions de catégories établies par le présent article, sont classés, à l'effet d'être envoyés d'abord en congé, les militaires appartenant à des familles qui paient moins de dix francs de cote personnelle et mobilière.
« La désignation des militaires à envoyer en congé aura lieu sur l'ensemble de l'armée, sans distinction d'arme ni de corps, en commençant par les plus âgés dans chacune des catégories et subdivisions de catégories établies ci-dessus. // Les demandes de congé devront être formulées par les intéressés, deux mois au moins avant chacune des deux dates énoncées au paragraphe premier du présent article. Elles indiqueront à quelles catégories et sous-catégories appartiennent les militaires qui formulent ces demandes. Elles seront transmises directement au Ministre de la Guerre par les chefs des différentes unités.
« Les militaires du service auxiliaire peuvent être envoyés en congé renouvelable aux mêmes dates, dans les mêmes conditions et proportions que les militaires du service armé.
Ii Toutefois, les militaires ci-dessus qui, après deux ans de service, n'auraient pas, par suite de permissions accordées en dehors des dimanches et jours fériés, accompli au moins vingt-trois mois de présence effective sous les drapeaux, seront tenus de les accomplir avant d'être envoyés en congé.
« Les militaires envoyés en congé en vertu des dispositions qui précèdent peuvent, à tout moment, être rappelés au corps par décision du Ministre de la Guerre. »
Amendement de M. J. Reinach relatif aux congés
M. Joseph Reinach développe les conclusions de son amendement, qui n’est pas en contradiction avec celui de M. Daniel Vincent, adopté par la Chambre. L’honorable membre dit que son amendement constitue, en quelque sorte, un dégrèvement à la base.
M. Bénazet fait observer que le vote de l’amendement Vincent a donné 47 000 hommes de plus que ne le demandait l’État-major, mais il est impossible de loger, en octobre prochain, ces 47 000 hommes. Il faut donc recourir aux congés accordés « logiquement », c'est-à-dire, suivant les bases indiquées dans l’amendement de M. Reinach.
M. Jaurès pense que la confusion est là. Il est étrange, tout d’abord, que l’administration de la Guerre ne puisse pas loger 3 classes, après les avoir demandées. Quant aux congés, ce qu’on décore ainsi de ce nom, ce ne sont, au fond, que des dispenses et l’amendement que propose M. J. Reinach est la première porte ouverte introduite dans la loi, la première brèche par laquelle le peuple sait que d’autres privilèges passeront. C’est pour fermer ces portes que la Chambre a voté l’amendement Vincent. Il ne peut, sur ce point, y a voir d’équivoque. On a parlé, à la séance de vendredi, de l’assimilation qu’on pourrait faire, à ce point de vue entre la loi en discussion et celle sur l’inscription maritime : l’orateur ne croit pas qu’il y ait lieu d’exhumer cette loi. Dans tous les pays, les lois de recrutement naval forment une législation spéciale, en raison des particularités de chacun d’eux. Il y a là une inégalité que la tradition justifie et qui tend, d’ailleurs, à s’atténuer. Mais c’est là un cas à part et on ne peut l’évoquer pour expliquer la dérogation proposée par M. Reinach au système de l’organisation de la nation armée. La Chambre l’a compris : elle a manifesté sa volonté de n’accepter aucune dérogation en repoussant les motions de M. Breton et de M. Delachenal sur les familles nombreuses et sur les soutiens de famille. Il est au moins singulier que la commission paraisse s’obstiner à revenir sur ce point. La commission, par son Président, par son rapporteur, a accepté l’amendement Vincent. Le gouvernement s’est associé à son adoption, le ministre de la Guerre en particulier, qui, il y a quelques instants encore, m’a répondu qu’on ne pouvait revenir sur ce vote. Il y a là une sorte de question préalable et l’on ne devrait même pas discuter sur ce point, et, si l’on revenait sur le vote de l’amendement de M. Vincent, en adoptant, à la commission, celui de M. Reinach, je me demande quelle serait la situation du Président et du rapporteur de la commission.
M. Bénazet répond que l’amendement Vincent ne reproduit qu’un vote de principe. Est-ce une raison, pour la Chambre, de méconnaître les réalités évidentes. Et c’en est une que de savoir comment on logera ce quarante et quelques milliers d’hommes que donne, en surnombre, l’amendement Vincent, si on ne recourt pas au mécanisme des congés tel qu’il est envisagé dans l’amendement de M. Reinach. Or, sur la question seule du logement de ces hommes, M. Jaurès n’a pas répondu. Il y a lieu, pour lui, de proposer une solution.
M. le rapporteur répond à M. Jaurès qui a demandé quelle serait la situation du rapporteur au cas où l’amendement Reinach serait adopté. M. Paté dit que la Chambre a voté l’amendement de M. Vincent, qu’elle a repoussé la motion de M. Breton. J’estime, ajoute-t-il, que les familles nombreuses sont intéressantes, certes, mais j’estime aussi qu’on ne peut pas revenir sur le vote de l’amendement Vincent. Au gouvernement de chercher le moyen de loger les 40 000 hommes en surnombre. Quant à la commission, elle ne doit pas se déjuger : elle doit repousser l’amendement de M. J. Reinach.
M. le Président dit que, mis en cause par M. Jaurès, il s’associe aux paroles de M. le Rapporteur. Il ne lui paraît possible, quant à lui, de faire accepter la loi par le pays qu’en sauvegardant le principe de l’égalité absolue. Il lui serait, en tout cas, impossible de monter à la tribune pour défendre l’amendement de M Reinach.
M. J. Reinach rappelle que son amendement a été accepté, en principe, pendant 3 mois par le gouvernement. Une fois encore, conclut-il, il n’y a aucune incompatibilité entre l’amendement de M. Vincent et le mien.
Rejet de l’amendement de M. J. Reinach
Ordre du jour de la commission
M. le Président met aux voix l’amendement de M. Reinach, qui est repoussé par 13 voix contre 5. La commission décide de tenir ce soir, à neuf heures, une seconde séance.
La séance est levée à sept heures et demie.