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le 22 novembre 2004

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N° 1930

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 novembre 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SENAT APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, de programmation pour la cohésion sociale,

Zone de Texte: Voir le Tome 2
TOME 1 Voir le tome 2

PAR Mme Françoise de PANAFIEU

ET M. Dominique DORD,

Députés,

--

Voir les numéros :

Sénat : 1re lecture : nos 445 (rect) (2003-2004), 31, 32, 39, 33, 34, 37 et T.A. 20 (2004-2005).

Assemblée nationale : 1re lecture : no 1911, 1920 et 1928.

TOME 1 3

INTRODUCTION 17

I.- LES MESURES DE MOBILISATION POUR L'EMPLOI 19

A. LA RÉNOVATION DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI 19

1. Le bilan : des intervenants multiples, une coordination insuffisante 19

a) Les rapports de M. Dominique Balmary et de M. Jean Marimbert : un système éclaté, un rôle de l'Etat à réaffirmer, une action territoriale à développer 20

b) La mise en œuvre du PARE : le bilan d'une première coopération de grande ampleur entre l'ANPE et l'UNEDIC 23

2. Les mesures du projet de loi 26

B. LA RELANCE DE L'APPRENTISSAGE 27

Taux d'emploi des 15-24 ans 28

Taux de chômage harmonisé en Europe chez les moins de 25 ans 29

1. L'amélioration du statut de l'apprenti 30

a) L'état des lieux 31

b) Le dispositif proposé 32

2. Une incitation financière à la relance de l'apprentissage 33

3. Le système de financement de l'apprentissage et sa réforme 34

a) L'état des lieux avant la réforme 34

_ La taxe d'apprentissage 34

_ La collecte de la taxe d'apprentissage 36

_ La réforme du financement des centres de formation d'apprentis 40

b) Les grands axes de la réforme proposée 41

_ Le principe de l'intermédiation obligatoire des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA) : plus de transparence 41

_ La simplification du barème de répartition 42

C. LA RÉFORME DES INSTRUMENTS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI 43

1. L'accent mis sur les jeunes les moins qualifiés 43

a) L'instauration d'un droit à l'accompagnement 43

b) Le ciblage du contrat jeune en entreprise vers les moins qualifiés 44

2. Les dispositifs destinés aux demandeurs d'emploi de longue durée : un nouveau départ 44

a) Le bilan des dispositifs existants 44

_ Une évaluation insuffisante 45

Une efficacité moyenne des stages et contrats non-marchands au service de l'emploi 45

_ La tentation permanente d'une utilisation conjoncturelle des contrats aidés 46

_ Les « effets d'aubaine » pour les employeurs 46

b) Les lignes de force de la réforme 46

_ La simplification 46

_ La priorité au retour à l'activité et à l'emploi marchand 47

_ L'enrichissement des contenus en formation et l'impératif d'accompagnement 48

_ Une gestion souple et déconcentrée 48

c) Les nouveaux contrats aidés dans l'échelle des coûts salariaux et des revenus 49

_ Les coûts : entre incitation et « effets d'aubaine » 49

_ Les revenus : rendre attractif le retour à l'activité 51

d) Les effectifs concernés 54

D. UN NOUVEAU CHAMP POUR LE DIALOGUE SOCIAL : LA GESTION DE L'EMPLOI ET LE RECLASSEMENT 55

1. Restructurations, licenciements, reclassement : des thèmes trop sensibles pour être l'objet du dialogue social ? 56

2. Employeurs et salariés : des préoccupations différentes, mais pas nécessairement antagonistes 57

3. Les conditions incertaines et inégales du départ de l'entreprise pour les salariés 57

4. La réglementation du licenciement économique n'est pas l'alpha et l'oméga du droit du travail, ni de la politique de compétitivité 59

5. Les mesures proposées : moins d'inégalités pour les salariés, moins d'insécurité juridique pour les entreprises et un appel à la négociation 59

II.- LES DISPOSITIONS EN FAVEUR DU LOGEMENT 61

A. UN MARCHÉ TENDU 61

1. La demande de logements est en forte croissance 62

2. L'offre de logements est aujourd'hui en panne 63

a) De moins en moins de constructions de logements locatifs sociaux 63

b) Le parc privé : vacance, vétusté, voire insalubrité 64

c) Des loyers en forte hausse 65

B. UN ENVIRONNEMENT LÉGISLATIF ET RÈGLEMENTAIRE EN PLEIN BOULEVERSEMENT 66

1. La loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat : débloquer du foncier et stimuler le parc privé 67

a) La règle des 15 kilomètres 67

b) La clarification des procédures de modification et de révision des plans locaux d'urbanisme 67

c) La création d'un nouveau dispositif d'amortissement fiscal de l'investissement locatif 67

2. La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine : un « plan Marshall » pour les zones prioritaires de la politique de la ville 68

a) Les dispositions de la loi 68

b) Quel premier bilan tiré de la mise en place de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ? 69

3. La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales 69

4. Des mesures de simplification du droit attendues 70

a) La réforme du régime des aides personnelles au logement 71

L'aide personnalisée au logement (APL) 71

L'allocation de logement sociale (ALS) 72

Rapprocher les modalités de versement des différentes aides 72

Le versement en tiers-payant 73

La fusion des fonds 73

b) Le conventionnement direct avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) 74

5. Le projet de loi « habitat pour tous » 75

C. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION POUR LA COHÉSION SOCIALE RELATIVES AU LOGEMENT 76

D. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT 77

III.- LA PROMOTION DE L'ÉGALITÉ DES CHANCES 81

A. L'ÉGALITE DES DÉBUTS DE LA VIE 81

1. De trop nombreuses situations d'échec 81

2. Un plan ambitieux d'accompagnement des enfants et des jeunes 83

a) Les équipes de réussite éducative au profit des écoliers 83

b) Les plates-formes de réussite éducative au profit des collégiens 84

c) Les internats de réussite éducative 84

B. L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES ENFIN AU CœUR DES DÉBATS 85

1. Encore trop d'inégalités entre les femmes et les hommes malgré des efforts réels 85

2. L'ouverture de nouvelles pistes pour assurer une meilleure égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 86

C. L'ÉGALITÉ TERRITORIALE : LA RÉFORME DE LA DOTATION DE SOLIDARITÉ URBAINE 88

D. UN ACCUEIL ÉGALITAIRE DES ÉTRANGERS : LE NOUVEAU SERVICE PUBLIC DE L'ACCUEIL DES ÉTRANGERS 89

1. L'expérimentation d'un service public de l'accueil des nouveaux migrants 90

2. La consécration législative de ce dispositif aux termes du présent projet 91

a) La création de l'Agence nationale pour l'accueil des étrangers et des migrations 91

b) Le contrat d'accueil et d'intégration 91

c) Les programmes régionaux d'intégration des populations immigrées 91

TRAVAUX DE LA COMMISSION 93

I.- AUDITION DES MINISTRES 93

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 119

III.- EXAMEN DES ARTICLES 121

AVANT LE TITRE IER 121

TITRE IER MOBILISATION POUR L'EMPLOI 121

Chapitre ier Service public de l'emploi 121

Article 1er Définition du service public de l'emploi et création des maisons de l'emploi 121

Article 1er bis Codification de la définition des missions locales 146

Article 2 Réglementation de la publicité et de la diffusion des offres d'emploi 147

Après l'article 2 149

Article 3 Autorisation et réglementation de l'activité de placement 149

Article 3 bis (nouveau) Coordination 153

Article 4 Sanction pénale du non-respect de l'obligation de gratuité 154

Article 5 Autorisation à l'ANPE de créer des filiales et de prendre des participations 154

Article 6 Activation des dépenses de l'assurance chômage 156

Article 7 Réforme du régime des sanctions administratives à l'encontre des demandeurs d'emploi 159

Article 8 Organisation et procédures du contrôle de la recherche d'emploi 168

Chapitre ii Insertion professionnelle des jeunes 171

Section 1 Actions en faveur des jeunes éloignés de l'emploi 171

Avant l'article 9 171

Article 9 Réforme du contrat jeune en entreprise et instauration d'un droit à l'accompagnement vers l'emploi pour les jeunes en difficulté 171

Article 10 Réforme du contrat d'insertion dans la vie sociale 180

Article 11 Non-remplacement des emplois jeunes rompus avant terme 183

Section 2 Amélioration du statut de l'apprenti 184

Article 12 A Suppression de dispositions du code du travail caduques relatives aux contrats d'apprentissage conclus avant le 1er juillet 1972 185

Article 12 Conclusion d'un contrat d'apprentissage pour une durée comprise entre six mois et un an 186

Après l'article 12 194

Article additionnel après l'article 12 Constitution d'équipes tutorales d'apprentissage 196

Après l'article 12 197

Article 12 bis (nouveau) Modification du régime de rémunération des apprentis 198

Après l'article 12 bis (nouveau) 201

Article 12 ter (nouveau) Obligation pour les personnels dispensant des enseignements techniques et pratiques d'effectuer périodiquement des stages pratiques en entreprise 201

Après l'article 12 ter (nouveau) 203

Article 12 quater (nouveau) Obligation de délivrance d'une carte d'apprenti par les centres de formation 204

Article 13 Etablissement d'une nouvelle dérogation à la limite d'âge de vingt-cinq ans pour signer un contrat d'apprentissage 205

Article additionnel après l'article 13 Information du maître d'apprentissage assumant pour la première fois la responsabilité de la formation d'un apprenti 211

Article additionnel après l'article 13 Possibilité pour les apprentis de suivre des modules complémentaires au cycle de formation 212

Après l'article 13 212

Article 13 bis (nouveau) Assouplissement du régime fiscal des apprentis 212

Après l'article 13 bis (nouveau) 214

Article additionnel après l'article 13 bis (nouveau) Institution d'un régime dérogatoire pour la délivrance d'une autorisation de travail préalablement à la conclusion de contrats en alternance avec les jeunes étrangers accueillis par les services de l'aide sociale à l'enfance 214

Article additionnel après l'article 13 bis (nouveau) Suppression de la période d'essai en cas de conclusion d'un contrat à durée indéterminée et prise en compte de la durée du contrat d'apprentissage pour le calcul de la rémunération et de l'ancienneté du salarié 215

Section 3 Modernisation et développement de l'apprentissage 216

Avant l'article 14 216

Article 14 Suppression des deux motifs d'exonération au titre de la taxe d'apprentissage 217

Article 15 Institution d'un crédit d'impôt au bénéfice des entreprises employant des apprentis 226

Après l'article 15 231

Article 16 Conclusion de contrats d'objectifs et de moyens entre l'Etat, les régions, les organismes consulaires et les organisations représentatives d'employeurs et de salariés visant au développement de l'apprentissage 231

Article 16 bis (nouveau) Création du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage 238

Article additionnel après l'article 16 bis (nouveau) Evaluation du dispositif relatif aux contrats d'objectifs et de moyens visant au développement de l'apprentissage 241

Après l'article 16 bis (nouveau) 242

Article 17 Création d'un état annexe au budget des conseils régionaux consacré au financement de la formation professionnelle des jeunes 242

Section 4 Transparence de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage 245

Article 18 Obligation de l'intermédiation des organismes collecteurs pour les versements obligatoires au titre de la taxe d'apprentissage 245

Article 19 Précisions relatives au régime d'habilitation des organismes collecteurs Régime de la collecte outre-mer 249

Article 20 Réforme de la procédure de contrôle financier et administratif par l'Etat des organismes collecteurs et interdiction des pratiques de courtage pour ces organismes 251

Article 21 Etablissement d'un contrôle administratif et financier sur les établissements bénéficiaires et les organismes gestionnaires de la collecte et interdiction du courtage pour les établissements bénéficiaires et organismes gestionnaires de centres de formation d'apprentis 257

Article additionnel après l'article 21 Mesures réglementaires 261

Article 22 Modification du mécanisme de répartition de la fraction de la taxe dite « hors quota » ou du « barème » 262

Section 5 Dispositions diverses 265

Article 23 Dispositions de coordination dans le code du travail 265

TITRE IER MOBILISATION POUR L'EMPLOI (SUITE) 266

Chapitre iii Mesures en faveur du retour à l'emploi des demandeurs d'emploi de longue durée et des bénéficiaires de minima sociaux 266

Article 24 Suppression de plusieurs dispositifs de stages et contrats aidés 266

Article 25 Création des contrats d'accompagnement dans l'emploi 268

Article 26 Aménagement du contrat initiative-emploi 283

Après l'article 26 294

Article 27 Coordination 294

Après l'article 27 294

Article 28 Coordination pour l'outre-mer 295

Article additionnel après l'article 28 Conditions du maintien d'une fraction de l'allocation de parent isolé aux bénéficiaires de cette allocation titulaires de contrats d'avenir et de contrats insertion - revenu minimum d'activité 295

Article 29 Création du contrat d'avenir 296

Article 30 Prise en compte du contrat d'avenir dans la législation relative au revenu minimum d'insertion 305

Article 31 Procédure de délégation de compétences régionales ou départementales aux communes 306

Article 31 bis (nouveau) Procédure de délégation de compétences régionales ou départementales aux établissements publics de coopération intercommunale 308

Article 32 Information des représentants du personnel sur les contrats d'avenir 308

Article 33 Réforme du contrat insertion-revenu minimum d'activité 308

Après l'article 33 319

Article 33 bis (nouveau) Elargissement de la faculté de distribuer des chèques d'accompagnement personnalisé 319

Article 33 ter (nouveau) Terminologie 320

Article additionnel après l'article 33 ter (nouveau) Introduction des performances en matière d'insertion des publics en difficulté dans les critères d'appréciation des candidatures aux marchés publics 320

Chapitre IV Développement des nouvelles formes d'emploi, soutien à l'activité économique, accompagnement des mutations économiques 321

Article 34 Prolongation du bénéfice de l'exonération prévue dans le cadre du dispositif d'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise 321

Article 35 Institution d'une réduction d'impôt au bénéfice des tuteurs de chômeurs ou de titulaires de minima sociaux créant ou reprenant une entreprise 324

Article 36 Compétence des maisons de l'emploi en matière de reclassement des salariés 327

Article 37 Recours au travail temporaire pour des personnes ayant des difficultés d'insertion ou envers lesquelles l'employeur assure une formation complémentaire 330

Article 37 bis (nouveau) Consécration législative des ateliers et chantiers d'insertion 332

Article additionnel après l'article 37 bis (nouveau) Création d'un statut des éducateurs et aides familiaux employés par des associations gestionnaires de villages d'enfants 333

Article 37 ter (nouveau) Etablissement d'une période de travail de nuit à titre dérogatoire pour les activités de production rédactionnelle et industrielle et de distribution dans les médias et les métiers du spectacle 334

Article 37 quater (nouveau) Institution d'une obligation de négociation collective portant sur une formation économique à titre facultatif 337

Avant l'article 37-1 338

Article 37-1 Abrogation des dispositions de la loi de modernisation sociale précédemment suspendues 339

Article 37-2 Négociations obligatoires sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et pérennisation des « accords de méthode » 343

* 351

Article 37-3 Procédures applicables en cas de proposition de modification du contrat de travail pour motif économique 353

Article 37-4 Conventions de reclassement personnalisé 367

Après l'article 37-4 371

Article 37-5 Délais applicables aux actions en contestation de la régularité de la procédure de consultation et de licenciement pour motif économique 372

Article 37-6 Obligations de revitalisation des bassins d'emploi 374

Article 37-7 Intervention en cas d'opération en bourse et ordre du jour du comité d'entreprise 378

Article 37-8 Date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives aux licenciements 381

Article 37-9 (nouveau) Rapport au Parlement 383

Après l'article 37-9 (nouveau) 384

Chapitre V Dispositions de programmation 384

Article 38 Programmation des mesures de mobilisation pour l'emploi 384

Après l'article 38 388

Article 38 bis (nouveau) Rapport au Parlement 388

TITRE II DISPOSITIONS EN FAVEUR DU LOGEMENT 388

CHAPITRE IER Plan pour l'accueil et l'hébergement d'urgence 390

Avant l'article 39 390

Article 39 Programmation des places d'hébergement d'urgence et de logement temporaire 391

chapitre ier bis (nouveau) Plan pour l'habitat adapté 408

Avant l'article 39 bis (nouveau) 408

Article 39 bis (nouveau) Programmation des places en maisons relais 408

Division additionnelle avant l'article 39 ter 409

Article 39 ter (nouveau) Prise en compte par la commission d'attribution de la priorité d'attribution aux personnes rencontrant des difficultés de logement 409

Article 39 quater (nouveau) Modification de la composition de la commission d'attribution 410

Après l'article 39 quater (nouveau) 411

Article 40 Accès prioritaire aux logements locatifs sociaux pour les personnes hébergées dans des logements temporaires 412

Avant l'article 41 412

Chapitre II Dispositions relatives au parc locatif social 414

Article 41 Programmation de la construction de logements locatifs sociaux hors zones urbaines sensibles 414

Article 42 Prise en compte de la programmation dans les conventions de délégation des aides à la pierre aux collectivités territoriales 429

Article 42 bis (nouveau) Aménagement des dispositions relatives à la délégation du contingent préfectoral d'attribution de logements sociaux 432

Article 42 ter (nouveau) Modification de la durée et des objectifs du programme national de rénovation urbaine 434

Article 43 Augmentation de la durée d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements financés au titre de la programmation 435

Après l'article 43 443

Article 44 Régime des aides de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) 443

Article 45 Statut et financement des établissements publics fonciers d'Etat 446

Article 45 bis (nouveau) Rapport annuel sur la politique de cession foncière et immobilière de l'Etat 456

Article 46 Création d'une taxe spéciale d'équipement affectée aux établissements publics fonciers 457

Avant l'article 47 460

Article 47 Protocole d'accord entre le bailleur et l'occupant en vue du rétablissement du bail 461

Après l'article 47 473

Article additionnel après l'article 47 Versement trimestriel de l'APL 473

Article 48 Respect du délai entre la saisine de la commission de la section départementale des aides publiques au logement et l'assignation en vue de l'expulsion 474

Article 49 Notification au préfet des assignations au titre des demandes reconventionnelles 475

Après l'article 49 476

Article 49 bis (nouveau) Mise en cohérence de la loi n° 84-595 du 12 juillet 1974 définissant la location-accession avec le nouveau prêt social de location-accession 476

Chapitre III Mobilisation du parc privé 481

Article additionnel avant l'article 50 Protocole d'accord d'apurement des dettes locatives 482

Article 50 Programmation financière des aides supplémentaires de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH) 482

Article 50 bis (nouveau) Disposition relative au versement direct de l'aide au logement au bailleur 491

Après l'article 50 bis (nouveau) 492

Avant l'article 51 492

Article 51 Dispositif d'amortissement fiscal en faveur des investissements très sociaux 492

Après l'article 51 498

Article 51 bis (nouveau) Exonération sous condition d'impôt sur les sociétés pour les unions d'économie sociale 499

Article additionnel après l'article 52 Composition du conseil d'administration de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat 501

Article additionnel après l'article 52 Locations meublées 502

Article additionnel après l'article 52 Exception à la règle de surface minimale pour les chambres de service 502

Article additionnel après l'article 52 Assurance pour détérioration de logement 503

Article additionnel après l'article 52 Généralisation de la prescription quinquennale en matière de loyer et charges 503

Article 52 ter (nouveau) Utilisation des fichiers fiscaux par les collectivités territoriales dans le cadre de la lutte contre la vacance des logements 505

Article 53 Simplification du droit par ordonnance en matière de lutte contre l'habitat indigne 507

Après l'article 53 519

Chapitre IV (Nouveau) Dispositions relatives au surendettement 520

Article 53 bis (nouveau) Intégration des dépenses de logement, de nourriture et de scolarité dans le « reste à vivre » 526

Article 53 ter (nouveau) Priorité aux créances des bailleurs dans les procédures de surendettement 527

Article 53 quater (nouveau) Non-facturation des frais d'inscription au fichier des incidents de paiement 528

TITRE III PROMOTION DE L'ÉGALITÉ DES CHANCES 528

Chapitre Ier A Disposition fiscale 528

Article 54 A (nouveau) Relèvement du pourcentage et du plafond pris en compte pour la réduction d'impôt au titre des dons à des organismes caritatifs 528

Après l'article 54 A 530

Chapitre Ier Accompagnement des élèves en difficulté 530

Article 54 B (nouveau) Définition des missions et des modalités de mise en œuvre des dispositifs de réussite éducative 530

Article 54 Compétence des caisses des écoles en matière éducative, culturelle, sociale et sanitaire en faveur des enfants relevant de l'enseignement du premier et du second degré 533

Article 55 Compétence des groupements d'intérêt public en matière éducative, culturelle, sociale et sanitaire en faveur des enfants relevant de l'enseignement du premier et du second degré 537

Article 56 Programmation des crédits consacrés par l'Etat à la mise en place des dispositifs de réussite éducative 538

Chapitre II Promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 540

Article 57 Droit à un entretien pour orientation professionnelle des salariés au moment de la réintégration dans leur emploi à l'issue d'un congé de maternité ou d'un congé parental 540

Article 58 Prise en compte des périodes d'absence des salariés pendant un congé parental d'éducation à temps plein pour la détermination des droits à ancienneté 543

Chapitre III Soutien aux villes en grande difficulté 546

Article 59 Modification des modalités de calcul de la dotation de solidarité urbaine (DSU) 546

Article 59 bis (nouveau) Coordination rédactionnelle 559

Article 59 ter (nouveau) Exonérations de cotisations sociales patronales pour l'emploi de salariés résidant en zone urbaine sensible et travaillant pour des associations implantées en zones de redynamisation urbaine ou en zones franches urbaines 561

Article 59 quater (nouveau) Clause d'embauche locale 562

Article 59 quinquies (nouveau) Abrogation de l'article 45 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville 563

Article 59 sexies (nouveau) Harmonisation des conditions d'octroi des exonérations d'impôt sur le revenu et les sociétés et des exonérations sociales 563

Article 59 septies (nouveau) Harmonisation des conditions d'octroi des exonérations de taxe professionnelle et des exonérations sociales 564

Chapitre IV Accueil et intégration des personnes issues de l'immigration 566

Article 60 Création d'une Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations 568

Article 60 bis (nouveau) Suppression dans le code du travail des peines prévues en cas de non respect du monopole de l'Office des migrations internationales 571

Article 60 ter (nouveau) Substitution dans l'ensemble du code du travail de la référence à la nouvelle Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations à celle de l'Office des migrations internationales 572

Article 61 Consécration de la création du service public de l'accueil au bénéfice de tous les étrangers, du contrat d'accueil et d'intégration et des programmes régionaux d'intégration des populations immigrées 573

Article 62 Exigence d'une connaissance suffisante de la langue française ou d'un engagement à l'acquérir pour la délivrance à un étranger d'une autorisation de travail 576

Article 63 Détermination des missions et du statut juridique du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations 579

Article 64 Détermination des modalités de reprise par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) des personnels de l'association Service social d'aide aux émigrants (SSAE) 583

Article 64 bis (nouveau) Dispositions de coordination dans le code du travail 584

Article 65 Accès de droit au bénéfice de la francisation émanant de personnes dont le prénom avait préalablement fait l'objet, à leur insu, d'une francisation à l'initiative de l'autorité administrative 585

Après l'article 65 587

TITRE IV DISPOSITIONS TRANSITOIRES 588

Article 66 Entrée en vigueur des dispositions du projet de loi 588

INTRODUCTION

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, qui prévoit 12,8 milliards d'euros sur cinq ans (2005 - 2009), traduit la volonté du gouvernement de mettre en place un dispositif d'action en faveur de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances.

C'est avec cet objectif que le 30 juin 2004, Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, entouré de Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville, Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, et Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, a présenté vingt programmes d'action permettant de traiter simultanément les trois problèmes majeurs que sont le chômage, le manque de logements et l'inégalité des chances. Notre nation, malgré sa richesse et ses atouts, laisse trop d'entre nous au bord du chemin ; et trop de nos concitoyens cumulent ces handicaps. L'une des ambitions de ce projet de loi est de prendre en compte dans leur globalité ces différentes problématiques.

C'est une loi de programmation. Dès 2005, 1,146 milliard d'euros lui seront affectés. Puis, chaque année, après évaluation et bilan, les crédits nécessaires seront reconduits.

C'est surtout une loi de motivation ! A une logique d'épuisement des enveloppes budgétaires se substitue une volonté, une logique d'efficacité, qui demande la mobilisation de tous.

Le premier volet du projet de loi concerne les mesures de mobilisation pour l'emploi. Elle s'articulent sur quatre axes : le renforcement de l'effort collectif en direction des demandeurs d'emploi grâce à la rénovation du service public de l'emploi ; une politique dynamique et volontariste visant à l'insertion professionnelle des jeunes ; une relance des dispositifs tournés vers nos concitoyens éloignés de l'emploi, avec la création du contrat d'avenir s'adressant aux titulaires de minima sociaux et des mesures en faveur de la création d'entreprise par ces personnes ; des mesures visant à promouvoir, par le dialogue social, la gestion prévisionnelle de l'emploi et le reclassement des salariés, tout en améliorant la sécurité juridique des procédures de licenciement.

Le second volet réunit les mesures en faveur du logement pour faire face au retard de construction de logements locatifs sociaux, à l'augmentation des loyers du secteur privé locatif, au foncier difficilement accessible, au surendettement des familles, à la crise de confiance des bailleurs... Le projet de loi s'atelle à relancer la production de logements locatifs sociaux (500 000 sur cinq ans), afin de combler le retard et de rééquilibrer le marché. Par ailleurs, il augmente, réorganise et pérennise les places d'accueil d'urgence. Enfin, il propose des mesures destinées à détendre le marché privé.

Le troisième et dernier volet s'attaque aux sources même de l'inégalité. Il conjugue des mesures s'adressant tant aux territoires (nouvelle péréquation de la dotation de solidarité urbaine) qu'aux individus : dispositifs de réussite éducative dans le système scolaire, accompagnement et personnalisation des aides, accueil et intégration des étrangers...

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, présenté en conseil des ministres le 15 septembre 2004, voté en première lecture au Sénat le 5 novembre, constitue la traduction législative de ce plan.

Il permettra de répondre au souhait du Président de la République qui s'exprimait sur ce sujet le 30 septembre dernier à la Maison de la Mutualité : « Il n'y a pas de fatalité. Si nous le voulons, nous pouvons briser le cercle vicieux de l'exclusion, du chômage, des discriminations. Ce ne sera pas facile. Cela exigera un engagement collectif probablement sans précédent. Mais aujourd'hui un certain nombre de conditions sont réunies, et même beaucoup de conditions sont réunies pour y parvenir. »

*

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné, le 19 octobre 2004, Mme Françoise de Panafieu en tant que rapporteure du présent projet de loi. Suite à la modification apportée au projet par la lettre rectificative adressée par le Premier ministre le 20 octobre, la commission a désigné, le 25 octobre 2004, M. Dominique Dord comme rapporteur des articles 37-1 à 37-9 insérés par cette lettre.

Les rapporteurs ont procédé à plus de quarante auditions.

La commission a examiné le présent projet au cours des cinq réunions qu'elle a tenues le mardi 9 novembre, où elle a procédé à l'audition des ministres, le mardi 16, le mercredi 17 et le jeudi 18 novembre. Elle a consacré 14 heures et 25 minutes de réunion à l'examen du présent projet.

Au cours de ses réunions, la commission a examiné 425 amendements et en a adopté 129, dont 96 à l'initiative de ses rapporteurs (85 présentés par Mme Françoise de Panafieu et 11 par M. Dominique Dord), 14 déposés par des membres du groupe UMP, 12 par des membres du groupe UDF, 2 par des membres du groupe socialiste, 3 par des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains et 2 de députés n'appartenant à aucune groupe.

I.- LES MESURES DE MOBILISATION POUR L'EMPLOI

Le titre Ier du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale est légitimement consacré à la question de l'emploi, qui depuis vingt ans, est en tête des préoccupations des Français et illustre de toute évidence les limites rencontrées par les politiques publiques menées jusqu'à présent, malgré l'ampleur des moyens qui y sont consacrés.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale regroupe un ensemble de réformes très profondes couvrant un très large spectre : aussi bien les acteurs des politiques de l'emploi que leurs instruments, aussi bien les mécanismes de soutien public que la réglementation des relations du travail - autour de la question des licenciements économiques - qui constitue aussi un élément essentiel de la politique de l'emploi.

A. LA RÉNOVATION DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI

Les huit premiers articles du projet comportent des mesures de rénovation du service public de l'emploi. Le bilan peu flatteur qui est fait dans des rapports administratifs récents de l'organisation de celui-ci justifie l'inscription de telles mesures en tête du projet. La réussite du plan de cohésion sociale reposera aussi sur une meilleure adaptation des administrations pour la prise en charge de ceux qui demandent les plus grands efforts d'insertion sociale et professionnelle.

1. Le bilan : des intervenants multiples, une coordination insuffisante

La question de l'organisation et des moyens de l'efficience de ce que l'on appellera le « service public de l'emploi » a suscité récemment plusieurs rapports de grande qualité :

- une instance d'évaluation du Commissariat général du plan présidée par M. Dominique Balmary a rendu en 2003 un rapport intitulé « Politique de l'emploi et opérateurs externes » ;

- M. Jean Marimbert a présenté en janvier 2004 un rapport sur le rapprochement des services de l'emploi.

D'autres travaux plus ponctuels apportent également des éclairages intéressants : ainsi de l'insertion portant sur l'ANPE dans le rapport public 2000 de la Cour des comptes et du développement consacré au « projet d'action personnalisé pour un nouveau départ » (PAP-ND) dans le deuxième bilan de l'application de la loi relative à la lutte contre les exclusions (loi du 29 juillet 1998) rendu par l'inspection générale des affaires sociales (1).

a) Les rapports de M. Dominique Balmary et de M. Jean Marimbert : un système éclaté, un rôle de l'Etat à réaffirmer, une action territoriale à développer

Le rapport de M. Marimbert relève à titre liminaire que « la France a le dispositif d'intervention sur le marché du travail le plus éclaté d'Europe ». C'est bien la multiplication des intervenants dans la politique de l'emploi qui impose aujourd'hui une clarification du périmètre et des missions du « service public de l'emploi ».

Les organismes chargés d'une mission dans le domaine de l'emploi ou y intervenant n'ont cessé de se multiplier depuis l'époque du « monopole d'Etat » en la matière qui a caractérisé l'après Seconde guerre mondiale : l'assurance chômage a été créée en 1958, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) en 1966, l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) en 1967, le réseau d'accueil et d'orientation des jeunes (missions locales et PAIO-permanences d'accueil, d'information et d'orientation) en 1982, l'Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) en 1987... Depuis 1986, des établissements publics et des organismes paritaires agréés ou conventionnés à cette fin peuvent concourir à l'activité de placement ; de même, les collectivités locales peuvent effectuer des opérations de placement au bénéfice de leurs administrés. Par ailleurs, les services traditionnels « centraux » en charge de la politique de l'emploi - ministère du travail, ANPE... -ont constamment externalisé des activités, qu'il s'agisse de tâches de gestion administrative de procédures confiées notamment au CNASEA, ou de prestations ponctuelles aux demandeurs d'emploi et aux entreprises (conseil, formation, évaluation, accompagnement...) confiées à des opérateurs privés (ou associatifs).

Bref, aussi bien les donneurs d'ordres de la politique de l'emploi que ses opérateurs sont devenus de plus en plus nombreux. Du côté des donneurs d'ordres, les collectivités locales, chargées de nouvelles responsabilités par la décentralisation, et les grandes entreprises, dans le cadre de leurs opérations de reclassement, se sont ajoutées à l'Etat. Pour ce qui est des opérateurs, il convient de distinguer le noyau dur des grands organismes - ANPE, UNEDIC, AFPA, CNASEA -, les multiples organismes publics ou associatifs dont des aspects de la politique de l'emploi constituent la raison sociale - APEC, AGEFIPH, PAIO... - et les prestataires ponctuels.

Le mouvement d'éclatement des intervenants répond à diverses préoccupations : de moyens ; de mobilisation de compétences externes ; de volonté de développer des partenariats (avec les collectivités locales : réseau des missions locales et des PAIO ; avec les partenaires sociaux et les associations de personnes handicapées : AGEFIPH...). Il n'a pu être contrecarré, malgré les recommandations récurrentes de création d'un grand organisme national de l'emploi présentes dans une succession de rapports administratifs (depuis celui de M. François-Xavier Ortoli, commissaire général du plan, en 1966). En 2002, selon le rapport de M. Balmary, Etat et ANPE réunis ont ainsi injecté plus de 700 millions d'euros sur le « marché de l'offre de services » (c'est-à-dire hors grands organismes du noyau dur) ; plusieurs milliers d'organismes participent à la politique de l'emploi.

Les recommandations des deux rapports se rejoignent assez largement dans leur esprit :

_ Les enjeux de pilotage et d'évaluation

M. Balmary considère que l'ANPE a mis en place une gestion administrative satisfaisante de ses relations avec ses prestataires externes (ce qui est moins le cas des services de l'Etat), mais qu'au-delà, des progrès doivent être faits pour assurer une meilleure remontée des informations (sur les demandeurs d'emploi) vers le service public de l'emploi, une plus grande professionnalisation des opérateurs, la mise en place d'instruments d'évaluation de ces opérateurs et des politiques.

Avec les opérateurs permanents publics ou parapublics, les relations, qualifiées le plus souvent de « partenariat », sont moins formalisées et un effort considérable est à faire du côté su service public de l'emploi, qui doit parvenir à préciser ce qu'il attend de chacun de ces « partenaires », l'incidence que ces résultats peuvent avoir sur les subventions accordées, les obligations de remontée d'information et d'évaluation...

S'inscrivant dans la perspective de la suppression du monopole légal de l'activité de placement, le rapport de M. Marimbert souligne de même que les expériences les plus intéressantes d'ouverture aux opérateurs privés de l'activité de placement chez nos voisins, comme celles qu'il étudie en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, sont caractérisées par une volonté « d'inscrire l'apport attendu des initiatives privées dans le cadre d'une véritable stratégie publique d'animation du marché du travail » ; dans ces pays, l'Etat conserve la responsabilité de l'architecture du système qu'il met en place, fixe des objectifs aux opérateurs et en assure le suivi ; de manière générale, l'abrogation du monopole de placement a été perçue dans les pays concernés comme renforçant la nécessité d'un solide système de pilotage et d'évaluation.

_ La nécessité d'une coordination renforcée des acteurs

Le rapport de M. Marimbert fixe l'objectif : mettre en place « une chaîne articulée de services orientés vers le retour à l'emploi » en s'inspirant des évolutions chez nos partenaires européens. Faute d'une simplification radicale des structures qui n'apparaît guère envisageable à l'auteur (pour toutes sortes de raisons évidentes d'attachement de l'Etat comme des partenaires sociaux à conserver un rôle important dans la politique de l'emploi, de différence de statut des personnels, etc.), cet objectif doit être atteint que par le « rapprochementopérationnel » des acteurs, pour lequel il suggère diverses pistes techniques :

- développer la pratique de la concertation et du suivi stratégique entre l'Etat et les partenaires sociaux, sans créer nécessairement de nouvelle instance ad hoc, mais en réformant celles qui existent et en systématisant les contacts entre le ministre en charge de l'emploi et les instances gestionnaires de l'UNEDIC ;

- instituer un véritable « partenariat stratégique » ANPE-UNEDIC impliquant une coopération très étroite, voire des moyens communs dans certains domaines comme l'informatique.

S'agissant des « commanditaires » d'actions d'aide à la recherche d'emploi, le rapport de M. Balmary relève que leur multiplication offre à l'ANPE l'opportunité de se placer aussi comme prestataire concurrentiel au service de collectivités locales ou de groupes industriels, mais impose une mise en cohérence :

- s'agissant de la gestion de la politique de l'emploi « sur le terrain », l'absence de coordination pourrait multiplier les doublons dans les services offerts, tout en compliquant les démarches des demandeurs d'emploi qui devront identifier le bon interlocuteur pour tel ou tel service ;

- plus généralement entre les interventions dans les domaines voisins de l'emploi, de la formation professionnelle, de l'appui au développement économique et de l'action sociale.

_ Le rôle central de la puissance publique

Coordination renforcée, pilotage, suivi ne signifient pas nécessairement rôle prédominant de l'Etat. Le rapport de M. Balmary envisage notamment l'hypothèse d'un Etat régulateur qui se bornerait à organiser une « concurrence praticable » sur un marché de l'aide au retour à l'emploi où interviendraient de nombreux commanditaires et de nombreux opérateurs, mais l'écarte.

Le contraste entre l'éclatement du dispositif opérationnel des politiques de l'emploi et le caractère central de la question de l'emploi dans le champ politique plaide pour un rôle majeur de l'Etat et de son bras armé, l'ANPE. Le rapport préconise un renforcement du statut de l'agence en tant « maître d'œuvre délégué » de la politique nationale de l'emploi. Il préconise :

- que le point d'équilibre quantitatif atteint en matière d'externalisation par l'ANPE de ses tâches ne soit pas dépassé ; la poursuite de l'externalisation à l'agence pourrait la priver du socle de compétences dont elle a besoin pour apprécier la qualité des prestataires ;

- que les contrats de progrès Etat-ANPE définissent l'équilibre entre les activités de l'ANPE pour le compte de l'Etat et ses activités au service d'autres commanditaires ;

- que l'ANPE reste chargée de la délivrance des prestations aux demandeurs d'emploi financées par l'Etat (et soit chargée de celles qui restent gérées par les services de l'Etat) ;

- que soit réaffirmée l'obligation d'inscription à l'agence pour tout chômeur désireux de bénéficier de prestations d'aide à l'insertion professionnelle, financées ou non par l'Etat (monopole de prescription de l'ANPE).

Symétriquement, s'agissant de l'AFPA, le rapport de M. Marimbert insiste sur la nécessité que l'Etat définisse la « feuille de route » de l'association pour les prochaines années dans le contexte de d'achèvement de la régionalisation de la formation professionnelle.

_ Le cadre territorial

La politique de l'emploi a connu un mouvement continu de « territorialisation », qui s'est manifesté notamment avec :

- la création en 1982 du réseau d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes s'appuyant sur les collectivités locales ;

- la faculté ouverte en 1986 aux communes de développer une activité de placement pour leurs administrés, qui avait déjà donné lieu à plus de 1 700 conventions avec l'ANPE en 2000 ;

- les expériences de programmation régionales engagées depuis 1998 pour la gestion des crédits d'Etat affectés aux différents contrats et stages aidés.

Ce mouvement se heurte cependant à certaines limites : l'hétérogénéité des degrés de déconcentration selon les organismes (ANPE, UNEDIC, AFPA) et de leurs découpages territoriaux, ainsi que le déphasage temporel de leurs procédures budgétaires, rendent difficile leur coopération.

Les deux rapports insistent sur la nécessité de poursuivre la territorialisation des politiques de l'emploi, que justifient les situations très différentes de l'emploi selon les bassins (taux de chômage très variables, réactions très variables aux chocs économiques, métiers porteurs très divers...).

b) La mise en œuvre du PARE : le bilan d'une première coopération de grande ampleur entre l'ANPE et l'UNEDIC

Les deux principaux organismes de la politique de l'emploi, l'ANPE et l'UNEDIC, ont développé depuis 2001 une forme de coopération d'une ampleur sans précédent. Elle mérite un coup de projecteur particulier car le premier bilan qu'on peut en tirer éclaire aussi les liens inévitables qui existent entre l'organisation du service public de l'emploi et les services, plus ou moins individualisés, plus ou moins suivis, plus ou moins ciblés, qu'il peut offrir aux demandeurs d'emploi.

La coopération entre ANPE et assurance chômage remonte à la mise en place à partir de 1982 d'une gestion informatisée partagée de la liste des demandeurs d'emploi (dite GIDE : gestion informatisée des demandeurs d'emploi) qui n'a d'ailleurs pas toujours donné pleine satisfaction aux deux institutions, car leurs demandes sont différentes : les ASSEDIC sont surtout préoccupées de mettre à jour mensuellement leur fichier pour établir les allocations, tandis l'ANPE a besoin d'un suivi au jour le jour pour ne pas proposer inutilement des emplois à des personnes ayant en fait déjà retrouvé un emploi... Depuis 1996, l'assurance chômage se charge de l'inscription des demandeurs d'emploi, mais l'ANPE a développé sur la base de la liste commune son propre système informatique de gestion de celle-ci.

Depuis le 1er juillet 2001, l'ANPE met en œuvre le projet d'action personnalisé pour un nouveau départ (PAP-ND) instauré dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE) par la convention d'assurance chômage de janvier 2001. Les modalités de cette intervention sont définies dans des conventions tripartite Etat/UNEDIC/ANPE et bipartite UNEDIC/ANPE du 13 juin 2001. En application de cette dernière, l'assurance chômage abonde le budget de l'ANPE pour financer 3 650 emplois qui y sont créés en application de la convention, ainsi que les prestations que l'UNEDIC s'est engagée à offrir aux demandeurs d'emploi, qui sont servies par l'agence. Parallèlement, un protocole Etat-ANPE a prévu un suivi personnalisé des bénéficiaires du RMI dans les agences de l'emploi pour lequel 30 postes ont été créés.

Le deuxième bilan de l'application de la loi relative à la lutte contre les exclusions par l'IGAS revient sur la mise en œuvre du PAP-ND.

Ce programme avait une portée très large, puisqu'il visait l'ensemble des demandeurs d'emploi indemnisés ainsi que les allocataires du RMI inscrits à l'ANPE.

En termes quantitatifs, l'ANPE a fait face : 5,9 millions d'entretiens PAP, dont 3,7 millions de premiers entretiens, ont été réalisés en 2002, pour un « stock » initial de demandeurs d'emploi visés de 3,4 millions. Cette réussite « quantitative » doit déjà être saluée : dans l'insertion qu'elle a consacrée à l'ANPE dans son rapport public 2000, la Cour des comptes, rendant compte de l'application des conventions successives entre l'ANPE et l'AFPA dans les années 1990, relevait que les objectifs chiffrés fixés (en termes de nombre de stagiaires adressés par l'ANPE à l'AFPA ou de nombre de prestations d'évaluation effectuées par cette dernière) étaient loin d'avoir été tenus.

Pour revenir au PAP-ND, l'inspection générale est plus dubitative sur le bilan qualitatif, jugé « malaisé à établir, a fortiori pour les publics en difficulté ». Le rapport s'interroge sur l'absence de discrimination des demandeurs d'emploi : le PAP-ND les vise tous, qu'ils soient ou non objectivement éloignés de l'emploi, ce qui explique l'effet quantitatif susmentionné, mais aurait privé d'efficacité les entretiens effectués : « Faute d'informations préalables sur le demandeur d'emploi, l'entretien qui permet d'établir un diagnostic sur l'employabilité se révèle être un exercice compliqué dans le délai imparti (...). Le conseiller chargé d'élaborer le projet ne dispose d'informations ni sur la situation du demandeur (...) ni sur le type de parcours suivi avant l'entrée en PAP ». En termes d'organisation, il est également relevé que « compte tenu de l'importance des flux (...), le suivi individualisé par le conseiller du service prescripteur du parcours vers l'emploi (...) était difficilement réalisable » ; de fait, les conseillers des agences locales pour l'emploi qui ont réalisé les entretiens n'ont pas assuré le suivi des prestations d'accompagnement et de formation des intervenants extérieurs, dont le contrôle par l'ANPE apparaît essentiellement administratif ; la prescription de ces prestations elle-même aurait été souvent moins conditionnée par l'analyse des besoins des chômeurs que par les moyens disponibles.

Le rapport conclut par des recommandations en termes d'identification préalable des publics en difficulté, de suivi renforcé de leur parcours et d'évaluation.

Ces constats sur l'identification et le « ciblage » insuffisants (ou inexistants) des « publics prioritaires » rejoignent ceux de la Cour des comptes retracés dans le rapport public 2000 précité : elle avait noté que les différents contrats de progrès entre l'Etat et l'ANPE ont défini des publics prioritaires de l'action de l'agence et fixé des objectifs quantitatifs en la matière, mais que le plus souvent il n'existe pas de bilan disponible de ces opérations, les indicateurs qui devaient être suivis (par exemple, le nombre de jeunes reçus en entretien dans les six mois de leur inscription à l'agence) n'existant tout simplement pas dans les applications de l'ANPE...

Les réflexions sur les structures du service public de l'emploi apparaissent donc inséparables de celles sur l'évaluation, le traitement différencié, individualisé, le suivi des demandeurs d'emploi.

Les pays européens qui ont procédé à des réformes dans la période récente ont d'ailleurs pris en compte simultanément ces différentes dimensions. Pour prendre l'un des exemples de réformes les plus profondes, les Pays-Bas (2) ont mis en place un système de notation chiffrée « objective » de la distance à l'emploi des demandeurs entrant dans le système qui détermine la nature des prestations d'aide au retour à l'emploi qui leur seront proposées. Parallèlement, l'organisation administrative a été revue : l'activité de placement, mais aussi la notation susmentionnée et enfin la constitution des dossiers de demande d'allocations relèvent d'un guichet unique (dit « structure intégrée emploi et revenus ») ; tandis que les personnes jugées proches de l'emploi restent gérées par cette structure, ce sont ensuite les organismes d'assurance chômage ou d'aide sociale, dont l'Etat a repris le contrôle, qui prescrivent les prestations d'aide au retour à l'emploi pour les publics en difficulté ; enfin, ces prestations sont assurées par des opérateurs privés assurant un service global « de réintégration ». Dans un paysage où interviennent plusieurs institutions, le système de notation a pour intérêt de donner une base objective à leurs relations : répartition du suivi des demandeurs d'emploi, selon leur score, entre l'organisme de placement et celui d'indemnisation ; évaluation des résultats des prestataires privés... Il s'agit également de renforcer le volet préventif de l'intervention vis-à-vis des chômeurs en repérant immédiatement ceux dont l'insertion est problématique.

2. Les mesures du projet de loi

Caractérisées par la multiplicité des intervenants, les politiques françaises de l'emploi sont confrontées à de lourds enjeux de coordination, de pilotage et de prise en compte du cadre territorial. La réforme qui est proposée vise à mieux identifier ces intervenants et leur donner des outils de coordination et d'ancrage territorial. Elle apportera aussi une clarification juridique en supprimant ou ajustant des règles pas ou mal appliquées.

Le projet de loi organise en premier lieu la fin du monopole du placement dont bénéficie l'ANPE et qui n'est pas respecté dans les faits, en ouvrant, tout en les encadrant, les activités de placement aux opérateurs privés. En contrepartie de la fin de son monopole, l'ANPE se verra accorder la possibilité de prendre des participations ou de créer des filiales pour l'exercice de ses missions. Ces filiales pourront fournir des services payants (pour les entreprises, pas pour les demandeurs d'emploi).

Par ailleurs, le service public de l'emploi (SPE), notion juridique incertaine jusqu'à présent, recevra une consécration législative et son périmètre sera élargi en distinguant trois cercles :

- le « noyau dur » formé de l'Etat (à travers le ministère chargé de l'emploi), de l'ANPE, de l'UNEDIC et de l'AFPA ;

- les organismes participant au service public de l'emploi : sont visés nommément tous les prestataires de services intervenant dans le domaine, notamment les nouvelles agences privées de placement, les entreprises et associations d'insertion et les entreprises de travail temporaire ;

- les collectivités territoriales, qui concourent au SPE.

Des modalités de coordination et de pilotage du SPE seront instituées. Le projet de texte prévoit notamment la conclusion d'une convention pluriannuelle tripartite entre l'Etat, l'ANPE et l'UNEDIC - à laquelle l'AFPA sera également associée suite à un amendement adopté par le Sénat - qui fixera des objectifs, des critères d'évaluation et des modalités de coordination et de partage des informations. La mise en place d'un dossier unique par demandeur d'emploi constitue l'un des premiers objectifs opérationnels. La convention nationale sera déclinée territorialement.

La création de maisons de l'emploi a pour objectifs principaux la coordination des acteurs locaux du service public de l'emploi et la conduite d'actions de prévision des besoins de main-d'œuvre au niveau local. Elles pourront aussi permettre la mutualisation des moyens des différents services pour une amélioration du service rendu aux entreprises et aux demandeurs d'emploi. Le gouvernement souhaite mettre en place 300 maisons de l'emploi d'ici 2006, soit par création de structures nouvelles, soit par labellisation et développement des structures existantes.

Le projet de loi propose également de donner une base légale générale et pérenne aux mesures d'activation des dépenses de l'assurance chômage décidées par les gestionnaires de celle-ci.

Enfin, il est proposé une réforme mesurée du régime des sanctions administratives applicables aux demandeurs d'emploi. La perception des allocations de chômage a toujours eu pour contrepartie des obligations ; c'est aussi le cas chez nos voisins européens. Les très faibles taux de sanction que l'on relève en France conduisent à s'interroger sur l'effectivité d'un contrôle qui est pourtant nécessaire si l'on veut éviter des dérives trop faciles vers la stigmatisation générale des demandeurs d'emploi.

Les ajustements envisagés visent à rendre plus effectif le régime disciplinaire qui existe déjà, en levant des ambiguïtés juridiques sur les pouvoirs des différentes administrations et en clarifiant les obligations des demandeurs d'emploi, mais aussi en prévoyant une meilleure graduation des sanctions et en garantissant les droits des personnes concernées à travers l'instauration d'une procédure contradictoire.

B. LA RELANCE DE L'APPRENTISSAGE

La très grande médiocrité des performances françaises pour l'accès à l'emploi des jeunes n'est malheureusement plus à démontrer, comme le rappellent les tableaux ci-après : la France est dans le peloton de queue de l'Europe tant pour le taux de chômage des jeunes que pour leur taux d'emploi (le rapport de ceux qui sont en emploi à l'ensemble de la population). De très nombreux jeunes sortis du système scolaire sans qualification, ou faiblement qualifiés, ne parviennent pas à accéder à l'emploi, même dans des conditions précaires. Ces difficultés sont encore aggravées pour ceux qui sont discriminés par leur origine étrangère ou leur habitat dans un quartier « sensible ».

Comme l'observe à juste titre M. Michel Camdessus dans le rapport dont il a dirigé la rédaction (3), où il appelle à un sursaut, la jeunesse est la principale victime de la difficulté d'adaptation de notre modèle social : elle paie déjà le prix de la précarité ; elle paiera demain celui de la dette publique accumulée depuis vingt ans.

C'est donc à juste titre que le plan de cohésion sociale se veut particulièrement ambitieux pour l'emploi des jeunes.

Le gouvernement estime à environ 800 000, sur les cinq ans du plan de cohésion sociale, le nombre de jeunes qui sont soit déjà sortis du système scolaire, soit appelés à en sortir, sans aucune qualification. L'objectif est de les faire accéder à l'emploi par trois voies :

- 350 000 à travers l'affirmation d'un droit à formation (ils bénéficieront le cas échéant d'un dispositif aidé) ;

- 350 000 par une formation en alternance ;

- 100 000 par la création d'une filière d'entrée dans la fonction publique en alternance.

Taux d'emploi des 15-24 ans

En %

1999

2000

2001

2002

2003

Allemagne

46,2

46,1

46,5

45,4

44

Autriche

56,3

52,6

51,4

51,6

51

Belgique

28,2

29,1

29,7

29,4

27,4

Danemark

65,5

66

62,3

63,5

59,6

Espagne

30,4

32,3

33,5

33,3

33,4

Finlande

40

41,1

41,8

40,7

39,6

France

26,4

28,2

29,3

29,9

30,6

Grèce

26,8

27,1

26,1

26,6

25,5

Irlande

50,4

51

50,3

49,7

48

Italie

25,8

26,5

26,3

25,8

25,2

Pays-Bas

62,7

68,7

70,4

70,1

68

Portugal

43,1

42,5

43

42,1

38,8

Royaume-Uni

56,7

56,7

56,7

56,3

55,5

Suède

35,4

36,9

44,2

42,8

41,3

Union européenne

38,7

40

40,6

40,5

39,7

Zone euro

35,7

37

37,2

37

36,4

Source : Eurostat.

Taux de chômage harmonisé en Europe chez les moins de 25 ans

En %

Déc. 2000

Déc. 2001

Déc. 2002

Déc. 2003

Juin 2004

Allemagne

8,1

9,1

10,8

10,6

11,1

Autriche

5,4

6,3

6,7

7,1

6,9

Belgique

16,8

17,4

20,1

22

22,3

Espagne

21,8

21,3

22,9

22,7

22,6

France

19,1

19,8

20,2

21,4

21,6

Grèce

27,6

27,9

25,9

27,1

n.d.

Hongrie

11,3

11,1

13,3

12,8

12,8

Italie

28,9

27,6

27,3

27

n.d.

Pays-Bas

7,1

5,5

5,8

7,5

8,8

Pologne

38,1

41,5

41,9

40,2

39,3

Portugal

8,8

9,9

12,9

15,1

14,4

République tchèque

17,6

16,9

16,9

19,7

20

Royaume-Uni

11,8

12

11,8

11,7

n.d.

Suède

9,5

12,4

12,3

14,3

16,3

Zone euro

15,6

16,0

16,8

17,2

17,5

Source : Eurostat.

La relance de l'apprentissage constitue l'un des enjeux majeurs du projet de loi de programmation, parmi les mesures touchant à la fois la question de l'emploi des jeunes et la refonte du système de formation professionnelle, entendu au sens large.

Comme l'annonce l'exposé des motifs du projet de loi : « De l'avis unanime, l'apprentissage apporte une réponse très adaptée, d'une part, au besoin de qualification puis d'insertion des jeunes, d'autre part, à la demande des entreprises de recruter des salariés qualifiés et rapidement employables ».

Au regard de cet objectif, le projet déploie des moyens ambitieux. Pas moins de onze articles consacrés à cette seule question dans la version initiale, et dix-sept à l'issue de la première lecture au Sénat. C'est que le projet se fonde autour d'un axe triple :

- d'une part, une relance que l'on peut dire qualitative de l'apprentissage, qui vise l'amélioration du statut de l'apprenti (articles 12 A à 13 bis) ;

- d'autre part, un dispositif - pour partie contenu dans le projet de loi de finances pour 2005 - d'incitation financière au développement de l'apprentissage dans les entreprises (articles 14 à 16 bis) ;

- enfin, la poursuite d'une vaste entreprise de réforme du système de financement de l'apprentissage (articles 17 à 22).

Naturellement, ces trois volets, dissociés pour les besoins de l'analyse, présentent, pour partie, des aspects communs.

1. L'amélioration du statut de l'apprenti

L'apprentissage a une longue histoire derrière lui. Procédé de formation assez fréquent au sein des corporations sous l'Ancien Régime, il permettait aux maîtres compagnons de transmettre leur savoir-faire professionnel - l'abolition des corporations avec la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 allant mettre fin à cette organisation strictement professionnelle.

Au XIXe siècle, l'apprentissage n'est pas réglementé : les abus sont nombreux de la part des employeurs. C'est ainsi qu'apparaît, avec une loi du 22 février 1851, le contrat d'apprentissage.

La loi Astier du 25 juillet 1919 marque le début de l'intervention directe de l'Etat en matière d'apprentissage : elle confie aux communes le soin d'organiser des cours professionnels ouverts aux jeunes de 14 à 17 ans employés dans l'industrie. C'est la loi de finances du 13 juillet 1925 qui crée la taxe d'apprentissage, cependant que la loi du 10 mars 1937 porte organisation de l'apprentissage dans les entreprises artisanales.

Dans les années soixante, les partenaires sociaux s'efforcent de donner à l'apprentissage un nouvel essor : l'objectif sera atteint avec la loi du 16 juillet 1971, qui vise à répondre aux besoins de main-d'œuvre qualifiée, à assurer à l'apprenti une formation générale de base et à promouvoir l'enseignement technologique jusque-là peu développé. L'apprentissage est alors en perte de vitesse, comme le souligne le rapporteur du texte pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Chazalon : « Selon un rapport sur la formation professionnelle pendant le VIe Plan, en 1968-1969, sur 368 434 contrats d'apprentissage en cours, 21 % concernent le secteur agricole, 46 % le secteur des métiers et 23 % celui de l'industrie et du commerce. Si cette évolution se poursuit, l'apprentissage apparaîtra sinon comme une survivance du passé, du moins comme un moyen de formation professionnelle limité aux seuls secteurs de l'artisanat et du petit commerce. Son sort serait, par conséquent, lié à l'avenir de ces formes d'activité économique ».

Mais ces inquiétudes n'empêchent pas le rapport de se clore par une note plus optimiste : « Inséré dans le contexte industriel ou commercial actuel, recourant aux méthodes nouvelles d'enseignement complétées par le précieux concours de certains milieux professionnels et artisanaux animés par la fierté de la bonne exécution du travail, l'apprentissage rénové apportera au jeune apprenti une formation professionnelle de qualité tout en l'acheminant vers l'épanouissement de sa personnalité »...

Une longue série de lois consacrées à l'apprentissage allait suivre. Aujourd'hui, la situation est souvent décrite comme quantitativement plus favorable : pourtant, le nombre d'apprentis est inférieur à celui de la fin des années soixante.

a) L'état des lieux

On assiste à un essor quantitatif de l'apprentissage en France à partir de 1993. L'évolution est dans un premier temps importante, puis tend à se ralentir, comme le montre le schéma ci-après. En 2002, l'évolution est négative (- 0,1 %) avec 363 748 apprentis.

Les effectifs des apprentis

Les effectifs

1996

1998

2000

2001

2002

Au 1er janvier de chaque année

291 171

337 720

359 988

364 171

363 748

Evolution par rapport à l'année n-1

6,9 %

1,8 %

1,2 %

- 0,1 %

Base 100 en 1996

100

116

124

125

125

Source : « L'apprentissage en France : données physico-financières 2002 », Comité de coordination, novembre 2002.

Pour 2003, cette évolution semble se stabiliser. Mais cette progression globale dissimule des évolutions très contrastées.

- Les évolutions sont très différentes selon les secteurs d'activité. Ainsi, en 2002, les entrées en contrat d'apprentissage baissent plus nettement dans l'artisanat alimentaire que dans l'hôtellerie-restauration et le bâtiment. Il faut noter que les établissements industriels réalisent 22 % des embauches en contrat d'apprentissage. C'est un peu moins qu'en 2001. Mais, dans ce secteur où, depuis dix ans, l'emploi a globalement baissé, ce repli ne doit pas masquer la progression des entrées sur longue période (4).

- Les évolutions affectent différemment les filles et les garçons : les jeunes filles restent largement minoritaires dans l'apprentissage, dont elles ne représentent que 30 % des effectifs, même si leur part varie en fonction du diplôme préparé : elles représentent en 2003 25 % des effectifs de niveau V (en baisse d'un point) mais 38 % aux niveaux IV (plus deux points), II et I (plus un point) et 41 % au niveau III.

- Les évolutions par niveaux de formation sont différenciées également. Ainsi, en 2003, seul le niveau V de formation (CAP, BEP) perd des effectifs au profit des formations de niveau baccalauréat et post-baccalauréat.

- L'apprentissage affecte aussi différemment les entreprises selon leur taille, comme le montre le tableau suivant.

Embauche des apprentis par taille d'entreprise (flux)

Nombre total de salariés dans l'entreprise

Nombre d'apprentis recrutés (en %)

%

Taille de l'entreprise

0

8,9

45,6

0 - 4 salariés

1 à 4

36,7

5 à 9

20,7

54,4

5 salariés ou plus

10 à 49

18,9

50 et plus

14,8

Total

100

100

Source : DARES.

Il convient enfin de dire un mot de l'insertion des apprentis : une étude publiée en janvier 2004 par la DARES montre une forte insertion dans l'emploi deux ans et demi après la fin du contrat d'apprentissage : c'est ainsi qu'en mars 2002, soit 27 mois après la fin prévue du contrat, 82 % des jeunes ont un emploi. Il convient de noter qu'aller jusqu'au terme du contrat et obtenir le diplôme préparé sont des éléments favorables à une réussite ultérieure. De plus, les femmes réussissent globalement moins bien leur insertion sur le marché du travail bien qu'elles aient un niveau de formation plus élevé à l'entrée en contrat et un taux de succès à la qualification préparée proche de celui des hommes.

b) Le dispositif proposé

La revalorisation du statut de l'apprenti proposée par le présent projet prend en compte les différents éléments de cette situation. L'objectif affiché est ambitieux - 500 000 apprentis d'ici quelques années -, pour permettre, notamment, aux apprentis de répondre aux besoins importants en matière de reprise d'entreprises qui ne manqueront pas de se faire sentir dans les quinze prochaines années.

Mais cet objectif n'est pas seulement quantitatif.

L'objectif recherché est également de « sécuriser » les contrats, qui trop souvent donnent lieu à des ruptures (de l'ordre de 25 % tous secteurs confondus), ruptures qui interviennent généralement au début du contrat. Elles sont fréquemment liées à une mauvaise orientation de l'apprenti, comme le précise l'exposé des motifs du projet, et c'est aussi la raison de l'annonce de mesures de portée réglementaire destinées à remédier à ces situations : « rendre systématique l'évaluation des compétences du futur apprenti lorsqu'il commence son contrat d'apprentissage en cours d'année scolaire », établir un « entretien formalisé [destiné à] permettre un premier bilan dans les deux mois suivant la conclusion du contrat d'apprentissage » ainsi que des « actions permettant d'améliorer le déroulement de la formation, telles que la mise en place d'une charte de qualité ou l'instauration de formations destinées aux nouveaux maîtres d'apprentissage », notamment.

Il reste que le projet comportait, dès l'origine, deux mesures d'ordre législatif : l'une permettant la conclusion d'un contrat d'apprentissage pour une durée inférieure à un an pour compléter une formation d'un niveau supérieur ou à la suite d'un premier contrat d'apprentissage dans un but de spécialisation ; l'autre permettant la signature de contrats d'apprentissage après l'âge de vingt-cinq ans dans des cas de reprise ou de création d'entreprise.

On le verra, le Sénat a enrichi cette construction, en consacrant dans la loi l'existence d'une carte de l'apprenti permettant l'accès à des rémunérations tarifaires ou en y introduisant un dispositif de rémunération et un régime fiscal plus équitables.

Au total, on retrouve maintenant dans la loi l'inspiration qui avait fait le succès du Livre blanc consacré par M. Renaud Dutreil à l'apprentissage en 2003 (5).

Par l'ensemble de ces mesures, il importe de revaloriser le statut de l'apprenti, mais aussi d'en améliorer l'image, qui est encore trop souvent « floue et renvoie toujours aux jeunes de 16 à 18 ans chez le garagiste, la coiffeuse ou au restaurant », à l'heure pourtant où « l'apprenti-ingénieur de 23 ans, et celui qui après le bac prépare un BTS de génie civil, deviennent représentatifs d'un nouvel apprentissage qui ne renie d'ailleurs pas l'ancien mais en assure la continuité » (6).

2. Une incitation financière à la relance de l'apprentissage

Le présent projet se double d'un dispositif très global de relance financière, qui sera décrit de manière détaillée dans les articles qui l'organisent, mais dont il convient d'annoncer dès maintenant l'économie générale.

Ce dispositif se compose pour l'essentiel d'un crédit d'impôt, au bénéfice des entreprises qui emploient un apprenti depuis au moins six mois. Ce crédit, prévu à l'article 15 du projet, s'élève à 1 600 euros par apprenti, et 2 200 euros par apprenti si celui-ci bénéficie par ailleurs de la procédure nouvelle d'accompagnement personnalisé et renforcé. Au total, le budget prévoit des crédits à cet effet pour un montant global de 472 millions d'euros.

En revanche, l'article 14 du projet (ainsi que des décrets qui le compléteront) procède à la suppression d'exonérations au titre de la taxe d'apprentissage, pour un montant de 123 millions d'euros en 2005, au titre de la simplification et d'une réforme d'ensemble du système de financement de l'apprentissage. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit la création d'une contribution au développement de l'apprentissage de 0,06 % de la masse salariale brute en 2005, pour un montant total de 197 millions d'euros.

Au total, le crédit d'impôt représente donc une somme d'un montant supérieur à celui de ces charges nouvelles. Il doit favoriser l'embauche d'apprentis dans des entreprises où, traditionnellement, il n'y était que peu recouru, les grandes entreprises en particulier.

Par ailleurs, il est prévu que les sommes nouvelles résultant de la suppression des exonérations soient affectées au développement de l'apprentissage, par la voie d'un nouveau fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage, créé par l'article 16 bis. Ces sommes nouvelles seront affectées, via le fonds, à des actions tendant au développement quantitatif ou qualitatif de l'apprentissage, en fonction des objectifs et des moyens fixés par les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens prévus à l'article 16. Ces contrats sont passés entre l'Etat, la région, les chambres consulaires et les représentants des organisations représentatives d'employeurs et de salariés, notamment, afin de décider de la mise en œuvre d'actions tendant à favoriser le développement de l'apprentissage.

3. Le système de financement de l'apprentissage et sa réforme

Il importe, avant de retracer les grandes lignes de ce troisième axe de la réforme proposée, de dresser un état des lieux du système actuel.

a) L'état des lieux avant la réforme

Il y a lieu, après avoir brièvement décrit le fonctionnement de la taxe d'apprentissage ainsi que du système de collecte de cette taxe, de présenter la première réforme du financement de l'apprentissage telle qu'elle était esquissée dans la loi de modernisation sociale de 2002.

_ La taxe d'apprentissage

La taxe d'apprentissage a été instituée par la loi du 13 juillet 1925. Aux termes de l'article 224 du code général des impôts, elle est définie comme « une taxe dont le produit est inscrit au budget de l'Etat pour y recevoir l'affectation prévue par la loi ».

Cette taxe est assise sur la masse salariale brute, pour un taux de 0,5 % (sauf dans les départements d'Alsace-Moselle, où s'applique un taux réduit de 0,2 %, correspondant à la fraction de la taxe spécifiquement réservée au développement de l'apprentissage et dénommée « quota »).

La taxe d'apprentissage est composée de deux parties :

- l'une appelée « quota », fraction de la taxe obligatoirement affectée au développement de l'apprentissage ; elle représente 40 % du montant de la taxe ;

- l'autre est appelée, par opposition, « hors quota », définie de manière résiduelle donc à hauteur de la part restante, 60 % : cette part est affectée au financement des premières formations technologiques et professionnelles.

La répartition de cette deuxième partie de la taxe, dite « hors quota », est effectuée selon un « barème de répartition » des dépenses effectuées par les entreprises au titre de cette obligation. Ce barème est établi en fonction de l'activité principale de l'entreprise qui procède au paiement de la taxe. C'est la raison pour laquelle cette part est aussi appelée, par commodité de langage, « part du barème ».

Il convient d'insister sur le fait que la spécificité de la taxe d'apprentissage est liée au fait qu'elle n'est perçue directement par l'Etat que de manière résiduelle. En effet, il est possible pour les entreprises de se libérer de leur obligation en versant tout ou partie de la taxe (dans certaines conditions) directement à des établissements bénéficiaires - centres de formation d'apprentis ou établissements techniques ou professionnels - ou à des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA).

Une entreprise peut ainsi se libérer de son obligation en procédant à un certain nombre de versements, que l'on peut donc dire indifféremment libératoires ou exonératoires.

S'agissant de son obligation au titre de la part dite « quota », il faut, au nombre des dépenses libératoires, citer :

- un versement de péréquation de 10 % au Trésor public ;

- le concours financier obligatoire au centre de formation d'apprenti (CFA) ou à la section d'apprentissage (SA) formant l'apprenti que l'entreprise emploie dans le même temps ;

- les subventions à des CFA, SA ou à certaines écoles d'entreprises.

Mais d'autres dépenses sont imputables sur la part dite « hors quota », ou « barème », et sont donc dites exonératoires ou libératoires à cet autre titre. Pour s'en tenir aux principales dépenses :

- les subventions aux CFA, SA et certains autres établissements également ;

- la part pour frais de chambres de commerce et d'industrie ou de chambres d'agriculture ;

- les frais de stage en milieu professionnel.

_ La collecte de la taxe d'apprentissage

L'obligation des entreprises étant ainsi définie, il s'avère que plus de 80 % de la taxe d'apprentissage transite, au total, par le système de collecte de la taxe d'apprentissage.

Les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage

Ce système de collecte se compose des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA). Le nombre des OCTA a profondément évolué à la suite de la réforme du financement de l'apprentissage contenue dans la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale. Celle-ci a en effet procédé, entre autres modifications, comme on le verra, à une réduction du nombre des OCTA à hauteur de 75 %, le nombre total passant de 560 à environ 150 (147).

Une grande partie de l'appareil de collecte résultant de l'ancienne réglementation (notamment les organismes consulaires départementaux et les organismes agréés par les préfets de département) a ainsi disparu, le 28 février 2003 s'agissant de la collecte, le 30 juin 2003 s'agissant de la répartition.

Mais subsistent toujours, comme on le verra plus loin, les organismes collecteurs habilités au titre d'une convention-cadre de coopération conclue avec le ministère de l'éducation nationale, de l'agriculture et/ou des sports.

Par ailleurs, sont habilités à collecter les versements des entreprises donnant lieu à exonération de la taxe d'apprentissage les chambres consulaires régionales, au nombre de 60, ainsi que les organismes qui répondent à des formes statutaires limitativement énumérées et qui ont fait l'objet d'un agrément, dans le cadre d'un arrêté ministériel (12 organismes) ou préfectoral (36 organismes).

Le montant de la collecte

Au total, pour l'année 2003 (année précédant la mise en œuvre de la réduction du nombre des OCTA), la collecte par 517 organismes s'élève à 1 346 millions d'euros, montant en progression de 14,15 % par rapport à l'année 2002.

Il est naturellement possible de calculer le niveau moyen de la collecte par organisme (de l'ordre de 2,603 millions d'euros), mais cet indicateur est peu probant eu égard aux fortes disparités entre les différents établissements : les OCTA d'Ile-de-France qui totalisent près de 15 % de l'appareil national de collecte concentrent environ la moitié de la collecte totale.

Les organismes agréés, qui constituent 43,13 % des OCTA, collectent 32,49 % du montant total, ce résultat étant stable par rapport à l'année précédente.

Les organismes habilités à collecter la taxe d'apprentissage au titre d'une convention-cadre de coopération avec les ministères en charge de l'éducation nationale ou de l'agriculture, qui représentent 6,77 % des OCTA en 2003, collectent 16,80 % du montant total.

Le Fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage

Le Fonds national de péréquation de la taxe d'apprentissage a été créé par la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997.

Ce fonds est destinataire de la part de la taxe d'apprentissage prévue au premier alinéa de l'article L. 118-2-2 du code du travail, devant être obligatoirement acquittée au Trésor public, soit, avant la réforme proposée, directement par les entreprises, soit par l'intermédiaire d'un OCTA.

Ces sommes sont réservées aux fonds régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue, dans le but de compenser partiellement les inégalités de collecte entre les régions. L'objectif est de favoriser les CFA n'atteignant pas le minimum de ressources par apprenti tel qu'il a été défini dans la nouvelle rédaction de l'article L. 118-2-2 résultant de l'adoption de la loi de modernisation sociale, et qui assurent en majorité des formations d'apprentis conduisant à l'adoption d'un certificat d'aptitude professionnelle ou d'un brevet d'études professionnelles ou équivalent, ou encore aux centres de formation des apprentis qui accueillent des apprentis sans considération d'origine régionale.

Le décret du 24 avril 2002 a fixé à 10 % du montant total du produit de la taxe cette part (ce taux était de 8 % depuis 1997), ce taux étant applicable à compter de la campagne de collecte de la taxe d'apprentissage de 2003, assise sur les salaires de l'année 2002.

Les inconvénients du système

Le système de la collecte doit aussi être caractérisé de manière qualitative : avant la réforme initiée en 2002, ce système souffre de nombreux maux, par-delà le nombre excessif de collecteurs : « des circuits de collecte et de répartition opaques, une gestion des ressources de toutes natures des CFA et sections d'apprentissage non optimale » (7).

La complexité du système est allée de pair avec une opacité, ouvrant la voie à la multiplication des pratiques frauduleuses. Cette dérive a été régulièrement dénoncée, encore en 1999 par le rapport de Mme Nicole Péry consacré, plus généralement, à l'ensemble du financement de la formation professionnelle (8).

· Les avancées en matière de transparence réalisées par la loi de modernisation sociale

Il importe de distinguer entre les mesures relatives au système de collecte de la taxe d'apprentissage, et celles liées directement à la réforme du financement des CFA.

La réforme du système de collecte de la taxe d'apprentissage

Ces avancées recouvrent des thèmes assez différents. Elles résultent des dispositions de la loi de modernisation sociale, de celles du décret n° 2002-597 du 24 avril 2002, ainsi que de deux arrêtés du 30 juin 2003, publiés au Journal officiel des 12 et 14 août 2003, le premier fixant la composition du dossier de demande d'agrément, le second déterminant les règles de plafonnement des frais de collecte et de gestion des OCTA.

Plus encore, une circulaire de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle relative à la nouvelle organisation de la collecte de la taxe d'apprentissage en date du 4 août 2003 précise les conditions de mise en œuvre de la réforme, synthétisées par les points suivants.

La modification des règles d'habilitation, laquelle relève désormais des échelons administratifs nationaux et régionaux

Le nouvel article L. 118-2-4 du code du travail procède à une définition des organismes habilités à collecter les versements pouvant donner lieu à exonération de la taxe d'apprentissage : les syndicats, groupements professionnels ou associations à compétence nationale soit ayant conclu une convention-cadre de coopération avec un ministre (chargé de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de l'agriculture ou de la jeunesse et des sports), soit agréés par arrêté ministériel (ministre chargé de la formation professionnelle, du budget et, le cas échéant, compétent pour le secteur d'activité considéré) ;  les chambres consulaires régionales ainsi que leurs groupements régionaux ;  les syndicats, groupements professionnels ou associations, à vocation régionale, agréés par arrêté du préfet de région.

L'article L. 118-2-4 du code du travail, complété par les décrets du 12 avril 1972 et du 24 avril 2002, subordonne en outre l'habilitation à collecter la taxe à plusieurs conditions : consacrer une partie de l'activité de l'organisme à des actions destinées à favoriser les premières formations technologiques et professionnelles, notamment l'apprentissage ;  avoir mis en place, ou s'engager à mettre en place, une commission composée de représentants d'organisations syndicales de salariés et d'employeurs chargés d'émettre un avis sur la répartition des sommes collectées ;  justifier d'un montant estimé de collecte annuelle ;  assurer un suivi comptable des fonds collectés dans deux comptes séparés, l'un au titre du « quota », l'autre au titre du « hors quota ».

Les opérations de collecte

Celles-ci obéissent, aux termes de la circulaire du 4 août 2003 précitée, aux principes suivants : les organismes collecteurs doivent inviter les assujettis à s'acquitter par leur intermédiaire des versements pouvant donner lieu à exonération de la taxe d'apprentissage. A cet effet, les organismes adressent aux entreprises assujetties un bordereau d'appel de collecte des versements complémentaires dont les entreprises se seraient déjà acquittées auprès des établissements bénéficiaires ou auprès du Trésor public. Ce bordereau ne doit comporter aucun élément relatif à l'offre de formation, notamment du collecteur. Il ne doit pas davantage comporter d'éléments relatifs aux établissements susceptibles de recevoir des fonds, dans le respect du principe de libre affectation et de neutralité des organismes collecteurs.

La gestion des fonds une fois ceux-ci collectés

Le nouvel article L. 118-2-4 du code du travail et les dispositions complémentaires de l'article 7 du décret du 12 avril 1972 modifié rappellent l'obligation de la tenue d'un suivi comptable des fonds collectés dans deux comptes séparés, l'un au titre du « quota », l'autre du « hors quota ».

Concernant les intérêts générés par les placements réalisés grâce à des fonds collectés, ceux-ci sont soumis aux mêmes conditions d'utilisation que les sommes dont ils sont issus, mais ils sont destinés à couvrir les frais de collecte et de gestion.

Le plafonnement des frais de collecte et de gestion résulte de l'article 7 du décret. L'arrêté du 30 juin 2003 relatif au plafonnement des frais de collecte et de gestion est applicable à compter de la collecte assise sur les salaires de l'année 2003. Il précise le taux et la nature des dépenses ainsi visées.

Les opérations de répartition

L'article 7 du décret précité prévoit l'obligation pour les organismes collecteurs de procéder aux reversements des concours financiers au titre du « barème » aux établissements bénéficiaires au plus tard le 30 juin de chaque année.

L'interdiction de recourir à un tiers pour collecter ou répartir des versements exonératoires de la taxe d'apprentissage

Cette interdiction est posée désormais par l'article L. 119-1-1 du code du travail. Mais celui-ci précise que la collecte peut être déléguée dans le cadre d'une convention conclue après avis du service chargé du contrôle de la formation professionnelle.

Les obligations d'information des organismes collecteurs relatives aux opérations de collecte et de répartition

Les organismes collecteurs sont désormais soumis à plusieurs obligations de cette nature :  faire connaître au préfet de région et au président du conseil régional le montant des concours qu'ils entendent attribuer aux centres et sections d'apprentissage implantés dans la région avant le 30 juin de l'année au cours de laquelle la taxe est répartie (article R. 119-3 du code du travail) ;  informer le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle des sommes collectées auprès des entreprises de la région ainsi que de leurs intentions d'affectation avant le même 30 juin (article 7 du décret du 12 avril 1972 modifié) ;  informer le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle des montants collectés et lui fournir un état des concours versés et de leurs bénéficiaires au plus tard le 1er août de l'année au cours de laquelle la taxe est versée (article 7 du décret du 12 avril 1972 modifié) ;  informer le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle par un rapport de l'affectation des sommes ainsi collectées (article L. 910-1 du code du travail) ;  informer le conseil régional du montant de la taxe d'apprentissage qu'ils ont collecté dans la région ainsi que du concours qu'ils ont apporté aux centres et établissements de la région autorisés à les recevoir, au plus tard le 1er août de l'année au cours de laquelle la taxe est versée (obligation de l'article R. 119-3 antérieure à la réforme) ;  informer le service du contrôle territorialement compétent de l'état de la collecte et de la répartition au titre de la taxe d'apprentissage.

_ La réforme du financement des centres de formation d'apprentis

Trois mécanismes nouveaux encadrent la péréquation, aux termes de la rédaction nouvelle de l'article L. 118-2-2 du code du travail.

La priorité de l'affectation à certains CFA

Les ressources affectées par le fonds national aux CFA et SA ayant conclu une convention avec la région ou avec l'Etat sont affectées par priorité à ceux qui n'atteignent pas un montant minimum de ressources par apprenti, et aussi à ceux qui dispensent des formations à des apprentis sans considération d'origine régionale.

La détermination obligatoire des coûts réels de formation dans chaque section d'apprentissage

Il est prévu la détermination obligatoire dans la convention portant création d'une structure, pour la durée de la convention, des coûts réels de formation pour chaque section d'apprentissage. La notion de coûts réels renvoie à l'ensemble des charges, y compris les charges d'amortissement des immeubles et des équipements, qui étaient à l'origine des disparités les plus importantes.

Le plafonnement des ressources annuelles issues de la péréquation pour les CFA

Un plafonnement des ressources issues de la péréquation de la taxe d'apprentissage est prévu : les ressources annuelles d'un CFA perçues du fonds national de péréquation ne peuvent être supérieures au coût unitaire réel défini par la convention multiplié par le nombre d'apprentis. Si les ressources annuelles d'un CFA se trouvent être supérieures, les sommes excédentaires sont reversées au fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue.

Conséquence de cette mesure : il est précisé à l'article L. 118-2 que le montant du concours obligatoire au titre du quota pour les entreprises employant des apprentis est au moins égal, dans la limite de la fraction de la taxe réservée à l'apprentissage, au coût par apprenti fixé par la convention de création du centre de formation d'apprentis ou de la section d'apprentissage.

b) Les grands axes de la réforme proposée

La réorganisation du système de financement de l'apprentissage a été réelle ; elle n'est pas, pour autant, suffisante. C'est ce qui motive le présent projet, destiné à la fois à simplifier les mécanismes et à les rendre, partant, plus transparents. Le présent développement vise à en retracer les principales lignes, le détail des modifications proposées figurant dans les analyses consacrées à chaque article.

_ Le principe de l'intermédiation obligatoire des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA) : plus de transparence

Le principe de l'intermédiation obligatoire conduit naturellement à un renforcement des procédures de contrôle des OCTA, ceux-ci voyant leur importance au sein du système de financement renforcée.

Le principe de l'intermédiation obligatoire

Aujourd'hui, dans la plupart des cas, est ouverte aux entreprises une double voie : le financement direct (qu'il s'agisse de versements au Trésor public ou à tout organisme), ou le passage par un OCTA. Or cette multiplication des circuits de financement engendre l'illisibilité des flux (il y en a en effet autant que de versements à des organismes différents).

Il en résulte une grande difficulté à connaître les ressources effectivement mises à la disposition des établissements.

Par ailleurs, on ne peut cacher l'existence de pertes financières, au fil de ces circuits complexes. Pertes pour des raisons pratiques parfois, mais pertes également liées à des pratiques de démarchage d'organismes divers (les « courtiers »), dépêchés par les établissements de formation ou les OCTA pour faire en sorte que les fonds des entreprises leur soient affectés par préférence à d'autres organismes. En contrepartie, sont reversés aux courtiers des frais : cet argent, qui provient de la collecte, en constitue clairement un détournement.

Cette situation motive la proposition figurant à l'article 18 visant à rendre obligatoire le versement des fonds, dans tous les cas de figure, à un OCTA. Cependant, ce que les professionnels appellent dans leur jargon l'« ordre impératif », que l'on peut matérialiser par l'appellation de fléchage, à savoir le choix, au moment du versement des fonds, des organismes de formation qui en seront bénéficiaires, subsiste.

Le renforcement des procédures de contrôle

Conséquence de cette mesure : dès lors que les OCTA sont présentés comme un pivot du système, leur rôle en devient d'autant plus déterminant C'est la raison pour laquelle il est important de renforcer les contrôles. Les articles 20 et 21 y concourent.

L'un des éléments du renforcement de ce contrôle consiste dans l'établissement d'un « droit de suite ». Aujourd'hui, l'inspection en charge du contrôle de la formation professionnelle contrôle les organismes collecteurs sans pour autant disposer d'un tel droit auprès des centres de formation. Il est de ce fait difficile de contrôler, sur le terrain, le bon usage des fonds répartis. Le présent projet institue un tel droit.

_ La simplification du barème de répartition

Le barème de répartition préside à la répartition de la deuxième fraction de la taxe d'apprentissage, celle qui est dédiée, de manière générale, aux premiers enseignements technologiques et professionnels. C'est l'article 1er de la loi n° 71-578 du 16 juillet 1971 qui prévoit pour les employeurs une possibilité de s'exonérer de la taxe par ce type de dépenses. Or cette possibilité d'exonération repose, notamment, sur le respect de barèmes de répartition fixés par arrêté ministériel.

Le mécanisme du barème se présente comme particulièrement complexe, ce qui, aux dires du ministère, favorise entre OCTA les pratiques d'échanges entre catégories de barème. De plus, il renchérit le coût de la gestion administrative de la taxe d'apprentissage pour les employeurs. Enfin, il contribue à l'illisibilité des flux financiers réels de la taxe d'apprentissage.

C'est la raison pour laquelle l'article 22 du projet supprime la référence au barème pour la répartition et y substitue un mécanisme de répartition uniquement assis sur des taux fixes déterminés en fonction du niveau des formations dispensées par les établissements.

Ces principales mesures constituent autant d'avancées supplémentaires dans la voie, souhaitée par tous, d'une rationalisation et d'une clarification du système de financement de l'apprentissage.

C. LA RÉFORME DES INSTRUMENTS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

L'intervention de l'Etat sur le marché de l'emploi passe traditionnellement par la législation et la réglementation, naturellement, mais aussi par des interventions budgétaires dont certaines ont une portée générale, comme les allègements de charges sur les bas salaires, tandis que d'autres, prenant la forme d'exonérations de charges ou d'aides, sont ciblées sur des territoires, des secteurs, des « publics ».

Les actions orientées vers ce qu'il est convenu d'appeler les « publics prioritaires » correspondent essentiellement à ce que l'on appelle communément les emplois aidés. Le projet de loi réforme profondément ces interventions ciblées.

1. L'accent mis sur les jeunes les moins qualifiés

L'échec des politiques visant à l'intégration professionnelle des jeunes peu et surtout non qualifiés est patent à travers les chiffres du chômage. Cet échec justifie que le volet du plan de cohésion sociale consacré à l'emploi des jeunes soit particulièrement étoffé.

Comme on l'a vu, la relance de l'apprentissage, voie royale d'insertion dans l'entreprise, constitue l'un des éléments forts du présent projet de loi. Ce projet réforme également les autres outils existants, qui doivent être renforcés et réorientés vers les jeunes les moins qualifiés et les plus éloignés de l'emploi (articles 9 à 11).

a) L'instauration d'un droit à l'accompagnement

Il est proposé d'instituer un régime nouveau d'accompagnement des jeunes en difficulté, à la charge de l'Etat, dont la mise en œuvre relèvera des permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) et des missions locales. Ce dispositif, que le Sénat a profondément remanié, se distinguera du programme TRACE (trajectoire d'accès à l'emploi) :

- par l'affirmation mobilisatrice d'un droit à l'accompagnement ;

- par la désignation de référents pour accompagner les jeunes les moins qualifiés ;

- par son ancrage territorial et la volonté de tenir compte des réalités locales de l'emploi. L'Etat pourra donc conclure des contrats d'objectifs et de moyens avec les régions, les autres collectivités territoriales et, le cas échéant, les partenaires sociaux, sur la base d'un diagnostic territorial.

Par ailleurs, le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) est aménagé : il sera repris en charge par l'Etat et le plafonnement de la durée du contrat à deux ans sera supprimé afin de prendre en compte les besoins de suivi des jeunes les plus éloignés de l'emploi.

Ces mesures s'accompagnent d'un effort budgétaire important : dès 2005, les moyens consacrés par l'Etat à l'accompagnement des jeunes en difficulté vont quasiment doubler, passant de 192 à 373 millions d'euros.

b) Le ciblage du contrat jeune en entreprise vers les moins qualifiés

Le projet comporte également une réforme du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprises (SEJE), ou contrat jeune en entreprise, institué en 2002 : le montant du soutien de l'Etat aux employeurs sera désormais modulé en fonction du niveau de formation du jeune recruté, au bénéfice des moins qualifiés. Par ailleurs, la limite d'âge sera repoussée pour les jeunes les plus en difficulté.

Le contrat jeune en entreprise, outil remarquable d'insertion directe dans l'entreprise et l'emploi durable (en contrat à durée indéterminée) de jeunes dont le parcours scolaire a été chaotique, a rencontré un vrai succès : 160 000 contrats ont été passés en deux ans (juillet 2002-juin 2004). Ce succès s'explique par la simplicité d'usage de la formule. Le projet propose de le cibler plus vers les jeunes les moins qualifiés sans le complexifier à l'excès.

2. Les dispositifs destinés aux demandeurs d'emploi de longue durée : un nouveau départ

Les articles 24 à 33 du présent projet comportent une réforme d'ensemble des dispositifs spécifiques de stages et contrats de travail aidés qui sont destinés aux demandeurs d'emploi de longue durée et plus généralement aux personnes les plus éloignées de l'emploi.

a) Le bilan des dispositifs existants

Les dispositifs existants de stages ou de contrats aidés, en particulier ceux qui sont orientés vers l'emploi non marchand, ont été l'objet de divers rapports : la Cour des comptes a ainsi traité des contrats emploi-solidarité (CES) dans ses rapports publics 1996 et 1998, puis des contrats emploi consolidé (CEC) et des stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) et stages d'accès à l'entreprise (SAE) en 2002. Le Commissariat général du plan s'est également penché sur les CES et les CEC (9).

Des constats convergents ressortent de ces travaux. On ne présentera ici que les plus généraux, les observations plus spécifiques relatives, en particulier, à l'opportunité d'une fusion des dispositifs CES et CEC étant retracées dans le commentaire des articles 24 et suivants du présent projet.

_ Une évaluation insuffisante

Les critiques sur l'insuffisance du contrôle du respect de leurs engagements, notamment de formation, par les employeurs des bénéficiaires des contrats aidés, l'absence de suivi individualisé de ces bénéficiaires ou encore la faiblesse des travaux d'évaluation de l'efficacité des mesures sont récurrentes dans les développements consacrés en 2002 par la Cour des comptes aux contrats emploi consolidé et aux stages financés par l'Etat.

Une efficacité moyenne des stages et contrats non-marchands au service de l'emploi

Plusieurs études sur le devenir des titulaires des différents types de contrats aidés ont démontré la supériorité des formules orientées vers l'emploi marchand (contrats initiative-emploi-CIE) sur les CES et les SIFE. Une des dernières publiées donne les résultats suivants.

Situation des bénéficiaires des politiques de l'emploi trois ans après en être sortis

(en %)

Situation en mars 2003 des anciens bénéficiaires de :


Emploi

Emploi aidé


Chômage


Formation


Inactivité


Total

- SIFE

48,6

8,9

31,2

3,2

8,1

100

- CES

38

21,4

28,7

1,8

10,1

100

- CIE

74,3

2

15,1

0,6

8

100

Source : DARES, « Premières synthèses », n° 32.1, 8/2004.

En 2003, trois ans après être sortis de ces dispositifs, 74 % des anciens titulaires de contrats initiative emploi avaient un emploi (non aidé), contre 49 % des anciens stagiaires SIFE et 38 % des ex-contrats emploi solidarité.

Si l'on regarde à l'accès à l'emploi de ces personnes selon leur âge et leur qualification, on s'aperçoit que ces facteurs pourtant déterminants dans les chances de trouver un travail le sont moins que la nature du dernier contrat : les taux d'accès à l'emploi des ex-CIE appartenant aux catégories d'âge et de diplôme les moins favorables restent supérieurs à ceux des ex-CES ou SIFE : 54 % des ex-CIE de plus de 50 ans ont un emploi non aidé, contre 43 % des ex-CES de 30 à 49 ans ; sont dans la même situation 71 % des ex-CIE dont le niveau de formation est inférieur au bac, contre 48 % seulement des ex-CES bacheliers ou plus...

Les résultats décevants des « contrats non-marchands » pour l'insertion à terme dans l'emploi ne doivent faire oublier qu'ils répondent aussi à un objectif plus général d'insertion sociale. Les enquêtes sur les bénéficiaires montrent que ces dispositifs sont appréciés pour apporter un statut social, des conditions de travail satisfaisantes (moins difficiles que celles d'un emploi « ordinaire » non qualifié, qui peuvent être rédhibitoires pour des personnes souffrant de problèmes de santé) et de nouvelles relations sociales.

_ La tentation permanente d'une utilisation conjoncturelle des contrats aidés

La tentation apparaît grande pour les administrations d'utiliser stages et contrats aidés comme des moyens conjoncturels de « dégonfler » la courbe du chômage, ce qui, au demeurant, explique sans doute le peu de préoccupation quant à leur efficacité à terme pour la réinsertion professionnelle des bénéficiaires.

Ainsi, l'instance d'évaluation du Commissariat général du plan évoque-t-elle « l'utilisation contracyclique » des CES en mettant en lumière la forte corrélation qui a existé dans les années 1990 entre les variations du chômage et celles du nombre de ces contrats, manifestement utilisés pour atténuer la brutalité des dégradations de l'emploi.

Cette utilisation conjoncturelle inavouée des contrats aidés va à l'encontre de la volonté affichée de les recentrer sur les publics les plus en difficulté qui s'est manifestée avec la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, puis les mesures prises depuis 2002 par le gouvernement actuel. La Cour des comptes conclut à propos des contrats emploi consolidé : « Quel est l'objectif vraiment recherché par l'Etat avec un tel dispositif : vise-t-il un effet sur la demande d'emploi ou l'insertion professionnelle et sociale des publics les plus en difficulté »

_ Les « effets d'aubaine » pour les employeurs

Dans tout système d'aides publiques se pose toujours la question des « effets d'aubaine », de ceux qui en bénéficient alors qu'ils auraient de toute façon employé des personnes même sans réduction du coût du travail. Ce type d'effets existe pour les employeurs privés comme pour les employeurs publics ou associatifs. S'agissant des CEC, la Cour des comptes estime ainsi que « le dispositif offre à une bonne partie des employeurs (collectivités territoriales, établissements publics de soins, enseignement, maisons de retraite) une facilité de gestion leur permettant d'obtenir le personnel nécessaire à l'exercice de leur activité dont la charge est supportée par un budget qui ne devrait normalement pas contribuer à leur financement ».

b) Les lignes de force de la réforme

La réforme proposée est inspirée des constats faits sur les limites des dispositifs en vigueur.

_ La simplification

Sept dispositifs orientés vers les « publics prioritaires » (hors dispositifs spécifiques aux jeunes ou aux DOM) coexistent actuellement :

- le contrat emploi-solidarité (CES) ;

- le contrat emploi consolidé (CEC) ;

- le contrat initiative-emploi (CIE) ;

- le contrat insertion-revenu minimum d'insertion (CI-RMA) ;

- le stage d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE) individuel ;

- le SIFE collectif ;

- le stage d'accès à l'entreprise (SAE).

Quatre dispositifs les remplaceront, dans une logique à double entrée selon le secteur d'emploi (marchand ou non-marchand) et le statut de titulaire d'un minimum social (RMI, ou allocation de solidarité spécifique-ASS ou allocation de parent isolé-API suite à un ajout du Sénat) ou non. Les chômeurs de longue durée sont ou non, selon leur histoire personnelle et les ressources de leur foyer, de leur conjoint, allocataires ou non d'un minimum social, mais ce critère de distinction est opportun car la présence d'une allocation d'existence permet de « monter » des dispositifs de contrats aidés fondés sur l'« activation » de cette allocation, convertie en aide à l'employeur.

Les nouveaux contrats

Emploi dans le secteur marchand

Emploi dans le secteur
non marchand

Non titulaires
de minima sociaux

Contrat initiative-emploi (CIE)

Contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE)

Allocataires du RMI,
de l'ASS ou de l'API

Contrat insertion-revenu minimum d'activité
(CI-RMA)

Contrat d'avenir

Le dispositif du CI-RMA institué l'an dernier sera recentré sur le secteur marchand et harmonisé avec les autres : suppression de son assiette sociale dérogatoire (ce qui permettra d'améliorer la couverture sociale des bénéficiaires) et élargissement de son accès aux titulaires de l'ASS et de l'API.

_ La priorité au retour à l'activité et à l'emploi marchand

La priorité étant le retour à l'activité, il est prévu que tous les dispositifs reposent à l'avenir sur un contrat de travail, ce qui conduit à supprimer les simples stages (SIFE et SAE).

Le constat de l'efficacité plus grande, en termes de retour à l'emploi, des dispositifs orientés vers le secteur marchand (voir supra) a conduit le gouvernement à privilégier, depuis deux ans, les mesures favorisant l'intégration dans l'emploi marchand, comme par exemple le « contrat jeunes » (« soutien à l'emploi des jeunes en entreprise »-SEJE).

Sans remettre en cause les possibilités d'intégration dans des collectivités ou des associations, plus adaptées à certains publics, le présent projet s'inscrit dans cette logique. Les dispositifs orientés vers l'insertion dans l'emploi marchand, CIE, CI-RMA, entreprises d'insertion, seront les principaux bénéficiaires des moyens supplémentaires dégagés pour le plan de cohésion sociale.

_ L'enrichissement des contenus en formation et l'impératif d'accompagnement

L'insuffisance de la dimension formation dans certaines des formules de contrats aidés existantes est souvent mise en avant, que cette insuffisance découle de la nature du contrat ou, plus souvent, de l'absence d'application effective des préconisations concernant la formation. Dans son insertion consacrée aux contrats emploi consolidé dans le rapport public 2002, la Cour des comptes observait ainsi que les directives ministérielles en matière de « professionnalisation » des CEC, prévoyant de mettre en place des certifications des compétences acquises, de refuser l'accès à de nouveaux contrats aux employeurs en cas de carence quant à leurs obligations en l'espèce, etc. ont été « largement perdues de vue » ; de 1996 à 2001, l'accès à des formations professionnelles ne semble avoir concerné que 11 à 13 %, selon les années, des CEC.

Le besoin de formation est d'ailleurs fortement ressenti par les personnes en difficulté, même si ce n'est pas le seul problème : invités à identifier la principale raison pour laquelle ils se trouvent encore au chômage alors qu'ils percevaient déjà un minimum social dix-huit mois auparavant, des allocataires ou ex-allocataires du RMI mettent en avant le défaut de formation adéquate dans 27 % des cas, devant les problèmes de santé (15 %) et l'absence de véhicule ou de permis de conduire (12 %). On notera toutefois que les allocataires ou ex-allocataires de l'ASS insistent d'abord sur l'effet rédhibitoire de l'âge (33 %), plutôt que sur le problème de la formation (14 %) (10).

Les dispositifs nouveaux ou réformés seront centrés sur la définition d'un projet professionnel et comporteront un volet accompagnement et/ou formation obligatoire (sauf pour les CIE). Dans le dispositif « contrat d'avenir », une personne physique devra être désignée en tant que référent pour le suivi de chaque bénéficiaire.

_ Une gestion souple et déconcentrée

Le plan de cohésion sociale fait le choix de la gestion locale et de la souplesse :

- les contrats d'avenir seront gérés par les communes, les intercommunalités et/ou les départements (dans des conditions qui justifieraient une clarification) ;

- les CAE et CIE seront du ressort des services de l'Etat mais à l'échelle régionale, la prime de l'Etat étant modulée notamment au regard des conditions économiques locales ; leur gestion devrait être confiée à l'ANPE.

L'affirmation du rôle de l'échelon régional de l'Etat (préfet de région) s'inscrit dans la droite ligne de la démarche engagée en 1998 de « globalisation » et de « territorialisation » de la politique de l'emploi, qui a consisté à attribuer aux directions régionales du travail des « enveloppes » couvrant les différents stages et contrats aidés par l'Etat (SIFE, SAE, CES, CEC, CIE). Dans ces enveloppes de moyens, les différents dispositifs sont restés distincts (ce n'est pas une vraie fongibilité), mais on a mis en place un exercice de programmation avec pour objet de prendre en considération l'ensemble des moyens disponibles au niveau de chaque région et d'arbitrer selon les régions des répartitions différentes - et ajustables en cours d'année - de ces moyens entre les programmes. Puis l'adoption en 2001 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances a conduit à des expérimentations de fongibilité plus grande, avec la délégation à certaines régions de moyens globaux couvrant plusieurs politiques.

Quant au rôle nouveau reconnu aux communes et intercommunalités pour la gestion des contrats d'avenir, il répond à une préconisation du rapport de M. Marimbert qui, s'interrogeant sur la départementalisation du RMI-RMA, privilégie une coopération de gestion entre communes et départements (plutôt que le développement par les départements de services sociaux redondants des centres communaux d'action sociale). Cela étant, la juxtaposition de compétences très voisines des différents niveaux de collectivités - en particulier de compétences départementales et désormais communales, avec les contrats d'avenir, vis-à-vis des allocataires du RMI - imposera un effort important de coordination institutionnelle que le texte s'efforce d'ailleurs de mettre en place.

c) Les nouveaux contrats aidés dans l'échelle des coûts salariaux et des revenus

_ Les coûts : entre incitation et « effets d'aubaine »

La détermination du degré d'aide permettant d'assurer l'embauche des publics visés sans générer trop d'« effets d'aubaine » et d'exclusion vis-à-vis des autres demandeurs d'emploi est l'éternel problème des politiques de contrats aidés.

Les aides prévues pour les nouveaux contrats

CIE

Exonération de droit commun « Fillon » (223 €/mois sur la base de 26 h/semaine) + aide Etat modulable (niveau moyen : 259,50 €/mois)

CI-RMA

Exonération de droit commun « Fillon » + aide forfaitaire égale au RMI individuel (417,88 €/mois)

CAE

Exonération de charges (267 €/mois sur la base de 26 h/semaine) + aide Etat modulable (niveau moyen : 479,40 €/mois)

Contrat d'avenir

Exonération de charges (267 €/mois pour 26 h/semaine) + aide forfaitaire égale au RMI individuel (417,88 €/mois) + aide Etat dégressive (330 €/mois la première année) + aide forfaitaire pour embauche en CDI (1 500 €) en fin de contrat

Afin de ne pas désorganiser le fonctionnement actuel des contrats aidés, dans lequel les employeurs sont habitués à un certain niveau de soutien public et donc de coût résiduel, le présent projet retient des modalités d'aide qui, dans le cadre des modulations prévues, permettra d'assurer une certaine continuité avec la situation actuelle. Comme on peut le constater sur le tableau ci-après, les nouveaux dispositifs permettront d'assurer un allègement du coût du travail (par rapport à un SMIC avec l'allègement de charges de droit commun « Fillon » (11)) de l'ordre de 20-30 % pour les contrats dans le secteur marchand et pouvant approcher 80 % dans le secteur non marchand, ce qui est dans la continuité des formules en vigueur, dont certaines sont également présentées dans le tableau.

Coût du travail dans les différents dispositifs rapporté au « droit commun » :
SMIC avec allègement « Fillon »

En % du coût d'un SMIC mensuel avec allègement « Fillon » pérenne (26 % du SMIC) pour le même horaire


Durée hebdomadaire

Durée hebdomadaire

20 h

26 h

30 h

34 h

CI-RMA en vigueur : secteur marchand

54

70

77

82

CI-RMA après réforme

46

59

64

68

CIE en vigueur (avec prime de 330 ou 500 €)

63 ou 76

CIE après réforme (sur la base d'une prime fixe de 260 €)

67

74

78

80

CI-RMA en vigueur : secteur non marchand

43

55

61

65

Contrat d'avenir (avec prime dégressive (12)) :

- 1ère année

22

- 2e année

32

- 3e année

43

CES en vigueur :

- collectivités locales (65 % de subvention)

33

40

- associations (80 % de subvention)

20

27

- associations d'insertion (95 % de subv.)

8

15

CAE (sur la base d'une prime fixe de 479 €)

34

48

54

59

Hypothèses sur les charges : cas d'une entreprise de 10 salariés et plus, hors zone versement transport ; taux de cotisations accidents du travail : 2,2 % ; nouvelles contributions à la CNSA prises en compte hors cotisations sociales. Montants du SMIC et du RMI applicables au 2e semestre 2004.

_ Les revenus : rendre attractif le retour à l'activité

S'agissant des revenus nets que les différentes formules de contrats peuvent générer pour leurs bénéficiaires, la question est celle de l'équilibre entre une attractivité suffisante du retour à l'activité par rapport aux minima sociaux et la nécessité de maintenir un écart raisonnable entre ces revenus et ceux que peut apporter un emploi « normal » peu qualifié à plein temps, donc un SMIC à trente-cinq heures hebdomadaires.

Revenus nets de cotisations (et CSG) apportés par les différents dispositifs

(en €)

En €

Durée hebdomadaire

20 h

26 h

35 h

Personne isolée

RMI

418

Pour comparaison : RMI net du « forfait logement »

368

SMIC + prime pour l'emploi (PPE)

551

711

950

CI-RMA en vigueur + PPE

680

840

(1 079)

CI-RMA réformé et autres nouveaux contrats + PPE

551

711

950

Couple (dont un seul bénéficie d'un contrat de travail) avec deux enfants

RMI

878

SMIC + allocations familiales (pour enfant de 3 à 11 ans : ni PAJE, ni majorations pour âge) + PPE

676

836

1 075

CI-RMA en vigueur + PPE

1 152

1 312

(1 551)

CI-RMA réformé ou contrat d'avenir + PPE

1 023

1 183

(1 422)

Pour comparaison : CI-RMA ou contrat d'avenir net du « forfait logement »

899

1 059

(1 298)

Source : commission des affaires sociales.

Note : l'horaire « plein » de 35 heures correspond à la situation limite pertinente pour les comparaisons de revenus avec un « smicard », mais il convient de rappeler qu'il est impossible au moins pour les CI-RMA, qui sont obligatoirement à temps partiel, et les contrats d'avenir, de 26 heures hebdomadaires, d'où les données entre parenthèses.

Par ailleurs, la présentation « pour comparaison » de données nettes du « forfait logement » permet de tenir compte des conditions de cumul de l'aide personnalisée au logement (APL) avec le RMI : les bénéficiaires de l'APL voient leur RMI réduit d'un montant forfaitaire dit « forfait logement » ; il faut en tenir compte pour comparer leurs ressources avec celles de salariés. Il en est de même de la prime pour l'emploi, crédit d'impôt réservé aux titulaires de revenus d'activité.

L'analyse des revenus dont peuvent bénéficier, selon les cas, les allocataires de minima sociaux, les bénéficiaires des différents contrats aidés et les « smicards » classiques conduit à plusieurs remarques :

- Le CI-RMA réformé, comme l'ensemble des nouveaux contrats aidés, sera rémunéré sur la base du SMIC horaire, avec application des assiettes et taux normaux de cotisations sociales. Par rapport au dispositif actuel du CI-RMA, cela entraînera un moindre revenu net à horaire égal pour les bénéficiaires : l'assiette sociale dérogatoire actuelle qui caractérise le CI-RMA (la partie du revenu qui correspond au RMI « activé » n'est pas assujettie) engendre des cotisations plus faibles pour l'employeur, mais aussi pour le salarié ; le passage à une assiette sociale normale permettra à ce dernier de se constituer des droits sociaux plus avantageux (dans les branches contributives : vieillesse et chômage), mais signifie une perte proche de 80 euros sur le revenu net mensuel. Par ailleurs, le dispositif de l'article L. 262-12-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction actuelle entraîne presque automatiquement le versement d'un RMI résiduel égal au « forfait logement », soit 50 euros par mois (puisqu'est maintenu un droit au RMI après déduction de l'aide à l'employeur, qui est justement égale au RMI individuel diminué de ce forfait), phénomène qui disparaîtra avec le relèvement de l'aide à l'employeur par le présent projet.

Le calibrage des nouveaux contrats sur la base de 26 heures hebdomadaires (retenues pour le contrat d'avenir) plutôt que 20 (qui devaient être la norme pour le CI-RMA dans le projet de loi initial instituant ce dernier, avant de devenir un plancher suite au débat parlementaire) contrebalancera la perte d'attractivité liée au changement d'assiette sociale : un CI-RMA actuel de 20 heures hebdomadaires donne, complété de la prime pour l'emploi (33 €/mois), un revenu mensuel net de 680 euros ; un CI-RMA réformé ou un contrat d'avenir de 26 heures donneront, PPE incluse, un revenu de 711 euros. Ce montant apparaît attractif pour une personne isolée qui, sinon, percevrait seulement une allocation de RMI de 418 euros (réduits à 368 euros si elle perçoit l'APL).

- S'agissant de couples et de familles, la hiérarchie des différents revenus peut se révéler plus surprenante.

Comme on le sait, le RMI est une prestation « familialisée » dont le montant dépend du nombre de membres dans le foyer bénéficiaire. Dans le cas de couples et de familles, le dispositif du CI-RMA comme celui du contrat d'avenir prévoient de conserver au foyer la part « familiale » du RMI, c'est-à-dire la différence entre l'allocation due à une personne isolée, « recyclée » en aide à l'employeur, et l'allocation due au foyer : par exemple, pour un couple avec deux enfants, cette part représentera 878 euros (RMI du foyer) moins 418 euros (RMI individuel), soit 460 euros. Ce montant continuera donc d'être versé à une famille de quatre personnes dont l'un des membres passe un CI-RMA ou un contrat d'avenir et sera donc cumulé avec la rémunération, égale au SMIC horaire, versée au titre du contrat.

De son côté, un travailleur payé au SMIC avec un conjoint inactif et deux enfants bénéficiera quant à lui de prestations familiales, mais d'un montant bien plus modeste que cette part « familialisée » du RMI : il recevra 113 euros d'allocations familiales pour deux enfants (de trois à onze ans : s'y ajoutent en deçà le prestation d'accueil du jeune enfant-PAJE, au-delà des majorations d'allocations).

Cet écart de montants explique que le revenu d'un « smicard » travaillant 35 heures par semaine et percevant les allocations familiales pour ses deux enfants, ainsi que la prime pour l'emploi (55 euros/mois), puisse à 1 075 euros être inférieur à celui d'un allocataire du RMI ayant passé un contrat d'avenir ou un CI-RMA de 26 heures hebdomadaires, qui recevra 1 183 euros (674 euros pour 26 heures au SMIC, complétés de 49 euros de prime pour l'emploi et 460 de part familialisée du RMI). Dans la mesure où il convient de déduire de ce montant celui du « forfait logement » (la perception par cette famille de l'APL entraînera une diminution supplémentaire de son RMI résiduel, à hauteur de 124 euros), les deux revenus ressortent en fait quasiment au même niveau, mais pour des temps de travail très différents.

- La question se pose de l'opportunité de décalquer le dispositif décrit ci-dessus de conservation de la « part familialisée » dans le cas de l'allocation de parent isolé (API).

Le Sénat a en effet étendu aux titulaires de cette allocation l'accès aux contrats d'avenir et aux contrats - insertion revenu minimum d'activité (CI-RMA). Or, l'API étant supérieure au RMI individuel (530,39 euros pour une femme enceinte, majorés de 176,80 euros par enfant à charge, contre 417,88 euros pour le RMI), on peut s'interroger sur l'attractivité du retour à l'activité proposé à travers le CI-RMA ou le contrat d'avenir.

Par exemple, une femme avec un enfant de moins de trois ans perçoit 707,18 euros d'API par mois ; tant que son enfant a moins de trois mois, elle pourra y ajouter l'allocation pour jeune enfant, ce qui portera ses ressources à 868,84 euros.

Avec un contrat d'avenir, elle percevra environ 873 euros (26 heures hebdomadaires au SMIC, nettes des cotisations et de la CSG, complétées par la prime pour l'emploi et l'allocation pour jeune enfant). Compte tenu des contraintes et des coûts (même s'ils sont partiellement couverts par les prestations de prise en charge des coûts de garde) que représente le retour à l'activité pour le parent isolé d'un jeune enfant, on peut se demander si le différentiel est suffisant pour rendre le contrat d'avenir attractif.

La transposition du mécanisme de cumul de la « part familialisée » conduirait, dans le cas précité, à un revenu net d'environ 1 000 euros (26 heures nettes hebdomadaires au SMIC, la prime pour l'emploi et un différentiel d'API maintenu de 288,90 euros).

d) Les effectifs concernés

Le tableau et le graphique ci-après, extraits de documents budgétaires, retracent l'évolution des entrées dans les différents dispositifs existants depuis 1999 et les perspectives pour 2005. Le plan de cohésion sociale devrait s'accompagner d'une relance de ces mesures, qui ont connu un déclin numérique régulier ces dernières années (l'effet de relance est sous-estimé sur le graphique, car les CI-RMA, dont 31 000 environ sont anticipés pour 2005, ne sont pas pris en compte).

Stages et contrats destinés aux personnes éloignées de l'emploi : entrées annuelles

1999 (réalisé)

2000 (réalisé)

2001 (réalisé)

2002 (réalisé)

2003 (réalisé)

2004 (prévision)

2005 (PLF)

SIFE-SAE

183 200

158 600

144 390

132 266

116 943

91 490

-

CIE

157 000

140 300

90 870

52 735

63 955

96 102

230 000

CES-CEC

450 600

405 200

341 606

336 238

280 302

188 437

Contrats d'avenir

-

-

-

-

-

-

185 000

Total

795 800

707 500

576 866

521 239

461 200

376 029

415 000

Source : « bleu » budgétaire « Emploi et travail ».

NB : le CI-RMA n'est pas pris en compte (la programmation budgétaire pour 2005 correspond à environ 31 500 contrats).

graphique
Note : pour le graphique, il est admis que les 230 000 contrats « fongibles » prévus en 2005 se répartissent en 115 000 CIE et 115 000 CAE (non marchands).

D. UN NOUVEAU CHAMP POUR LE DIALOGUE SOCIAL : LA GESTION DE L'EMPLOI ET LE RECLASSEMENT

Les mesures d'« accompagnement des mutations économiques » des articles 37-1 à 37-9, pour s'en tenir aux mots ajoutés dans l'intitulé de l'un des chapitres du projet de loi de cohésion sociale par la lettre rectificative du 20 octobre, constitueront, le rapporteur l'espère, le point de départ d'un dialogue social fructueux.

Elles représentent pour le moment le point d'aboutissement d'un processus commencé en janvier 2002 avec la promulgation de la loi de modernisation sociale (13).

Quelques articles de cette loi sont rapidement apparus comme particulièrement inappropriés, soit qu'ils multiplient sans frein (et sans aucune efficacité) les obligations procédurales préalables aux licenciements, soit qu'ils s'ingèrent inutilement dans le fonctionnement interne des organes de direction des entreprises, posant notamment problème au regard du droit boursier.

La loi du 3 janvier 2003 (14)en a donc suspendu l'application pour dix-huit mois, avec une possibilité de prolongation supplémentaire d'un an de cette suspension, s'il était déposé entre-temps un projet de loi « définissant, au vu des résultats de la négociation interprofessionnelle engagée (...), les procédures relatives à la prévention des licenciements économiques, aux règles d'information et de consultation des représentants du personnel et aux règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi » (anciennement « plan social »).

Les partenaires sociaux, au niveau national, et le gouvernement étaient donc invités à prendre leurs responsabilités.

Une négociation interprofessionnelle s'est ouverte en avril 2003. L'espoir de la voir déboucher a conduit la représentation nationale à prolonger de six mois le délai de suspension de la loi de modernisation sociale (par la loi du 30 juin 2004 (15)). Le constat des difficultés rencontrées dans ces négociations a amené le gouvernement, après consultation des différentes organisations, à annoncer cet été qu'il élaborerait un projet de loi en octobre en l'absence d'accord.

1. Restructurations, licenciements, reclassement : des thèmes trop sensibles pour être l'objet du dialogue social ?

Au cours de la négociation qu'ils ont conduite pendant plus d'un an, les préoccupations des partenaires sociaux sont apparues assez divergentes, les représentants des employeurs mettant en avant les questions de procédures et de sécurisation juridique et ceux des salariés celles d'emploi et de reclassement. Cependant, cette négociation a pu aller assez loin sur des thèmes très importants tels que la gestion prévisionnelle de l'emploi, l'information des représentants des salariés et le renforcement des obligations de moyens en ce qui concerne les reclassements, mais d'autres sujets sont apparus comme trop sensibles, en particulier ceux touchant aux procédures et à la définition du licenciement économique.

Peut-être le blocage du dialogue sur des sujets soit procéduraux, comme les conditions de fixation de l'ordre du jour du comité d'entreprise, soit assez symboliques, comme l'introduction explicite dans la définition du licenciement économique de notions par ailleurs dégagées par la jurisprudence, peut-il surprendre.

Cependant, même si on peut la juger excessive, la dureté des positions des partenaires sociaux des deux bords sur ce type de questions est compréhensible. On peut à cet égard prendre l'exemple de la « jurisprudence La Samaritaine » (16) : dans quelle mesure l'insuffisance d'un plan social, constatée par le juge, doit-elle entraîner la nullité des licenciements économiques « connexes » (17) et le droit pour les salariés à être réintégrés dans l'entreprise et à percevoir des indemnités conséquentes ? On comprend que les syndicats de salariés soient particulièrement attachés au droit à réintégration comme sanction suprême des employeurs indifférents à leurs obligations légales. On comprend aussi que le risque d'être condamnés à réintégrer des salariés en leur reversant en outre plusieurs années de salaires à titre de réparation soit perçu par les employeurs comme un élément d'insécurité juridique et de risque financier excessifs. Il convient toutefois d'observer que cette jurisprudence concerne un nombre limité de cas et, par définition, ne saurait concerner les plus de 98 % d'entreprises comptant moins de cinquante salariés et, partant, dispensées de l'obligation de plan de sauvegarde de l'emploi en cas de licenciement collectif.

Pourtant, le rapporteur en est convaincu, la prévention et la gestion des licenciements économiques constituent des sujets sur lesquels le dialogue social peut être fécond, car les préoccupations fondamentales des employeurs et des salariés, s'inscrivant dans des champs différents, ne sont pas nécessairement antagonistes et peuvent même, parfois, se rejoindre.

2. Employeurs et salariés : des préoccupations différentes, mais pas nécessairement antagonistes

D'un côté, les employeurs souhaitent réduire l'insécurité juridique et l'imprévisibilité du coût des licenciements ; il s'agit de réduire les risques financiers liés à des procédures souvent complexes et incertaines, donc des jurisprudences parfois inattendues, avec des décisions de justice définitives arrivant des années après les faits.

Du point de vue des salariés, la clarté des règles, la sécurisation, la prévisibilité peuvent aussi être des objectifs souhaitables, pour autant qu'elles ne servent pas de prétexte à une restriction excessive des possibilités de recours. Les conditions dans lesquelles le départ de l'entreprise est aujourd'hui indemnisé et accompagné sont aujourd'hui profondément incertaines et profondément inégales.

3. Les conditions incertaines et inégales du départ de l'entreprise pour les salariés

Ces conditions sont profondément incertaines car elles dépendent des moyens que l'entreprise voudra et pourra consacrer aux salariés dont elle supprime l'emploi : cette évidence économique a été entérinée par la jurisprudence et même la loi (par l'article 112 de la loi de modernisation sociale, toujours en vigueur), selon laquelle la validité d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée au regard des moyens de l'entreprise.

Ces conditions sont également profondément inégales pour la même raison, mais aussi parce qu'elles dépendent de la taille de l'entreprise (l'obligation de plan de sauvegarde de l'emploi joue à partie de cinquante salariés, celle de congé de reclassement à partir de mille...) et, bien évidemment, de l'ancienneté et de la nature du contrat de travail du salarié. S'agissant de l'incidence de la taille des entreprises, le tableau ci-après montre que des garanties jouant à partir de cinquante salariés concernent potentiellement seulement un peu plus de la moitié des salariés et que celles jouant à partir de trois cents ou mille n'en concernent qu'une minorité.

Répartition des effectifs salariés selon la taille des entreprises
(industrie, commerce et services)

Classes d'effectifs
(nombre de salariés)

Effectifs dans les entreprises
concernées

(en millions)

En % du total

1-9

2,724

20,0

10-19

1,229

9,0

20-49

1,796

13,2

50-249

2,436

17,9

250 et plus

5,436

39,9

Source : ACFCI, à partir du fichier SIRENE de l'INSEE (2003).

Plus encore que dans la taille de l'employeur, la première inégalité objective entre salariés se situe sans doute entre ceux qui bénéficient d'un contrat à durée indéterminée et les travailleurs temporaires qui, par définition, ne sont pas concernés par les procédures de licenciement économique et sont les premiers, par le non-renouvellement de leur contrat ou de leur mission, à servir de variable d'ajustement des entreprises.

Le tableau ci-après relatif à la rotation de la main d'œuvre nous indique que :

- près de 40 % des salariés présents dans une entreprise « moyenne » au début d'une année en sont sortis à la fin de l'année ;

- plus de la moitié de ces sorties sont dues à des fins de contrats à durée déterminée (sans compter les fins de missions d'intérim, non décomptées en l'espèce puisque les intérimaires ne sont pas salariés de l'entreprise d'accueil) ;

- d'autres salariés démissionnent ou sont licenciés pour « cause personnelle », mais que moins d'un salarié sur cent en place subit dans une année un licenciement économique, qui constitue donc le motif le moins fréquent de départ de l'entreprise ; selon les années, les licenciements économiques représentent 1,5 à 3 % des départs des entreprises.

Ce tableau montre aussi la difficulté, pour ceux qui sont en dehors de l'entreprise, à accéder à l'emploi stable : 20 à 30 % des embauches seulement sont effectuées en contrat à durée indéterminée.

La rotation de la main d'œuvre

Taux pour 100 salariés présents en début d'année (%)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Taux d'entrée

36,7

37,7

37,7

42,3

43,5

40,9

37,9

- dont en CDI

7,0

8,1

9,3

12,1

12,6

11,1

9,7

% de CDI dans les embauches

21,5

24,5

27,4

32,3

31,7

29,8

28,4

Taux de sortie, dont :

35,7

35,5

36,7

38,2

41

40,3

38,2

- fin de CDD

21,2

19,9

19,5

19,3

21,6

21,6

20.1

- licenciement économique

1

0,8

0,8

0,6

0,6

0,7

0,8

- autre licenciement

1,6

1,6

1,7

1,8

2

2,3

2,5

- démission

5,2

6,1

7,1

9,3

9,3

8,1

7

Source : DARES.

Champ : entreprises du secteur privé de 10 salariés et plus.

4. La réglementation du licenciement économique n'est pas l'alpha et l'oméga du droit du travail, ni de la politique de compétitivité

Le licenciement économique est donc loin d'être la première manière d'être exclu de l'entreprise et de rentrer dans le chômage.

Le nombre d'entrées à l'ANPE pour motif de licenciement économique, fin de convention de conversion et de plan d'aide au retour à l'emploi anticipé (qui donne la meilleure approximation statistique du nombre de licenciements économique) est d'environ 200 000 à 300 000 par an. Il a connu une nette augmentation de 2000 à 2003, mais est en voie de stabilisation depuis 2002.

Un cinquième environ des licenciements économiques s'inscriraient dans un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Le nombre des PSE, après une forte augmentation en 2003, apparaît en 2004 en net recul.

Evolution du nombre de licenciements économiques et de plans de sauvegarde de l'emploi

2000

2001

2002

2003

2004 (prévision)

Nombre de licenciements économiques

250 000

245 000

305 000

322 000

325 000

Evolution par rapport à l'année précédente

- 14 %

- 2 %

+ 24 %

+ 4 %

+ 1 %

Nombre de plans de sauvegarde de l'emploi notifiés à l'administration

890

1 053

1 086

1 495

1 155

Evolution par rapport à l'année précédente

- 24 %

+ 18 %

+ 3 %

+ 38 %

- 29 %

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Sans relativiser les drames que vivent les salariés licenciés et plus généralement les bassins d'emploi touchés par de lourdes restructurations, il convient de ne pas exagérer l'enjeu « quantitatif » et donc économique des licenciements économiques et des plans de sauvegarde de l'emploi.

La législation en la matière ne doit donc pas être vue comme l'alpha et l'oméga des droits des salariés, ni de la politique de l'emploi, a fortiori de la politique de compétitivité économique.

5. Les mesures proposées : moins d'inégalités pour les salariés, moins d'insécurité juridique pour les entreprises et un appel à la négociation

Le texte proposé par le gouvernement rend compte de l'engagement de responsabilité qu'il avait pris en cas d'échec de la négociation. Il traduit aussi la volonté de ne pas laisser perdre les acquis d'une négociation qui a permis de dégager des points d'accord ou de rapprochement. Il faut donc prendre ce texte pour ce qu'il est : l'occasion d'acter quelques avancées et un point d'équilibre qui a nécessairement vocation à évoluer par le dialogue.

Partant justement du constat des acquis de la négociation interprofessionnelle et des accords de méthode expérimentaux, le projet de loi fait en premier lieu le pari de la possibilité de développer le dialogue social en matière de gestion de l'emploi : c'est pourquoi il est proposé d'instaurer une obligation de négocier sur la gestion prévisionnelle de l'emploi dans les entreprises de trois cents salariés et plus et de pérenniser la possibilité de passer des accords de méthode sur la conduite des procédures de licenciement collectif, voire, ce qui constitue une innovation, l'anticipation des plans de sauvegarde de l'emploi.

Le gouvernement propose également d'abroger définitivement les articles suspendus de la loi de modernisation sociale, mais de rendre opérationnel un principe posé par cette loi, l'obligation pour les entreprises de contribuer à la revitalisation des bassins d'emploi affectés par leur restructuration, en rectifiant les malfaçons de son article 118.

Le texte va enfin dans le sens de moins d'insécurité juridique pour les entreprises et moins d'inégalités de traitement pour les salariés. A ces fins, il tend à :

- préciser la notion de modification du contrat de travail susceptible de fonder, en cas de refus par le salarié, un licenciement économique ;

- préciser les conditions du décompte des salariés concernés pour savoir s'il y a lieu de déclencher un plan de sauvegarde de l'emploi ;

- fixer clairement les délais de recours concernant les procédures collectives de licenciement ;

- clarifier les règles relatives à la fixation de l'ordre du jour du comité d'entreprise ;

- concilier le droit boursier et le droit à l'information des représentants du personnel ;

- permettre à l'ensemble des salariés de bénéficier d'une convention de reclassement personnalisé, afin de généraliser et de rendre plus égal l'accès aux actions d'évaluation et de formation en vue du reclassement.

II.- LES DISPOSITIONS EN FAVEUR DU LOGEMENT

Le volet logement du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a pour objectif, sur une période de cinq ans (2005-2009), de lutter contre la crise du logement en France. Les Français rencontrent en effet aujourd'hui de plus en plus de difficultés pour trouver un logement adapté à leurs besoins et compatible avec leurs revenus.

Les causes de cette crise sont connues :

- une production insuffisante pendant la dernière décennie (50 000 logements locatifs sociaux produits par an, en moyenne, alors que le besoin était de 80 000) ;

- une inadaptation du parc de logements aux caractéristiques et aux besoins de ses destinataires ;

- des dysfonctionnements au sein du marché locatif privé ;

- des dysfonctionnements du système de financement et de production de logements (des procédures parfois lourdes, un foncier très coûteux, etc.).

A côté d'un programme visant à renforcer le dispositif d'accueil et d'hébergement d'urgence, le volet « logement » du plan de cohésion sociale poursuit deux objectifs : relancer fortement la production de logements locatifs sociaux et prendre des mesures susceptibles de détendre le marché privé.

Comme le souligne le Conseil économique et social dans son avis sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale « l'insuffisance et l'inadéquation de l'offre au regard des besoins et des ressources des ménages grippe la chaîne du logement. Dans un tel contexte, les familles les plus défavorisées se trouvent confrontées à une absence de solution de logement. Elles vont alors grossir les rangs de ceux qui se réfugient dans les structures d'hébergement temporaire ou, pire encore, dans l'habitat indigne, soit comme occupants sans titre, soit comme locataires surexploités par des bailleurs sans scrupules, soit encore en accédant à la propriété dans des copropriétés dégradées ».

A. UN MARCHÉ TENDU

Si l'accès à un logement décent et indépendant constitue un droit fondamental, la mise en œuvre effective de ce droit reste problématique. Le contexte actuel de tension sur le marché du logement a des conséquences préoccupantes sur la situation des plus pauvres, signalées par de nombreux acteurs (Conseil économique et social, Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, Fondation abbé Pierre).

Alors que le décalage qui se creuse entre l'offre et la demande de logements, les difficultés s'aggravent pour les plus pauvres. Les possibilités de choix du logement ou de sa localisation s'avèrent de plus en plus contraintes et les trajectoires résidentielles sont marquées par des ruptures ou des processus de relégation dans des quartiers dévalorisés, sans espoir de mobilité. La plupart des ménages pauvres disposent néanmoins d'un logement et sont majoritairement locataires. En 2002, le parc locatif HLM accueillait le tiers des ménages pauvres, contre moins de 20 % en 1988. De même, en 2002, le parc locatif privé accueillait 25 % des ménages pauvres, contre 19 % en 1988.

graphique

Source : Comptes du logement 2002

1. La demande de logements est en forte croissance

Jusqu'à l'année 2001, la demande en logements sociaux était connue au travers de l'enquête nationale logement. Les derniers résultats disponibles sont donc ceux de l'enquête 2001-2002. De 1978 à 1992, le nombre des ménages inscrits sur des fichiers des organismes HLM n'a cessé de croître (passant de 745 000 en 1978 à 915 000 en 1992) sans, pour autant, que ces chiffres reflètent l'ensemble de la demande, l'enquête ne faisant pas apparaître ni les demandes de décohabitation, ni celles des personnes logées en foyer, en caravane, hébergées gratuitement ou sans domicile fixe.

Lors de la dernière enquête effectuée fin 2001, le nombre de demandeurs s'était notablement accru puisqu'à cette date, 1 042 000 ménages avaient déposé ou renouvelé dans l'année une demande de logements HLM. 28 % des demandeurs habitaient l'agglomération parisienne, 36 % les grandes agglomérations de province, 28,5 % des petites agglomérations et 7,5 % des communes rurales. Cette répartition est plus conforme à celle du parc HLM existant qu'à celle de la population.

Sur 100 demandes, 55 avaient été déposées par un ménage avec enfants, 25 par une personne seule et 20 par un couple sans enfant, la grande majorité des demandes étant déposée soit directement auprès d'un organisme HLM (62 %) soit auprès des services de la mairie (44 %). Par ailleurs, un certain nombre de demandes (une sur six environ) est déposé auprès de plusieurs services administratifs.

Fin 2001, un tiers des demandes avait plus d'un an, mais il y avait plus de demandes anciennes dans l'agglomération parisienne que dans le reste du pays : plus de 40 % des demandes avaient plus d'un an dans l'agglomération parisienne contre 30 % en province. Un ménage demandeur sur 6 (soit 170 000 ménages) avait déjà refusé un logement qu'on lui proposait, dans la moitié des cas à cause du quartier où il se trouvait. Les refus étaient un peu plus rares dans l'agglomération parisienne (12 % contre 18 % en province). La moitié des demandeurs inscrits habitait déjà un logement HLM. Il s'agit donc pour eux d'une demande de mobilité à l'intérieur du parc.

2. L'offre de logements est aujourd'hui en panne

a) De moins en moins de constructions de logements locatifs sociaux

_ La situation globale est contrastée

En métropole, la situation actuelle est très contrastée. Après une baisse de 2000 à 2002, le nombre global de logements construits a considérablement augmenté en 2003, en raison notamment de l'attrait suscité pour l'investissement privé dans la pierre, du fait notamment de la faiblesse des taux d'intérêt et de la mise en place du dispositif d'investissement locatif « Robien ». Début 2004, l'activité immobilière reste dans son ensemble très dynamique. Fin juin 2004, les autorisations de construire et les mises en chantier progressent respectivement de 18,6 % et de 10,3 % sur les douze derniers mois par rapport à la période comparable de l'année précédente. Sans que l'on observe de signes d'inflexion sur les deux types d'habitat, on note la progression de l'individuel et la bonne orientation confirmée du collectif sur la période récente. Globalement, le nombre de mises en chantier devrait se situer en 2004 au-dessus de 330 000 logements.

_ La construction de logements locatifs sociaux est historiquement basse

Parallèlement, on constate un niveau historiquement bas de la production de logements locatifs sociaux depuis 1997, la baisse étant constante depuis le milieu des années 1990. Alors que près de 80 000 logements locatifs sociaux étaient financés en 1994, ils n'étaient plus que 38 000 en 2000.

Total logement financés PLA et PLUS, PLAI et PLUS CD

Neuf

Acquisition

Total

1994

66 275

13 378

79 653

1995

48 901

11 640

60 541

1996

41 603

10 233

51 836

1997

45 272

10 129

55 401

1998

37 176

9 300

46 476

1999

33 932

8 895

42 827

2000

29 329

8 707

38 036

2001

37 193

10 458

47 651

2002

32 546

11 910

44 456

2003

32 554

11 212

43 766

Source : ministère délégué en charge du logement et de la ville

Etat du parc des logements sociaux dans les zones urbaines sensibles (ZUS)

- 1 025 000 logements sociaux sont situés en zones urbaines sensibles sur un total de 3 800 000 logements sociaux sur l'ensemble du territoire français (soit 26,97 %).

- 61,3 % des ménages de ZUS sont locataires de HLM (14,6 % pour la France entière).

- 31,2 % des logements sociaux sont situés dans des immeubles de 20 logements ou plus, 30,2 % se trouvent dans des immeubles de 10 à 20 logements, la part du logement individuel étant seulement de 17 % dans les ZUS, contre 57 % au niveau national.

- 65 % des logements des ZUS ont été construits durant la période de 1949-1974 (période des grands ensembles) contre un tiers des résidences principales au niveau national.

- Les logements de trois et quatre pièces représentent 61,3 % des résidences principales en ZUS.

- Le taux de vacance moyen des logements sociaux en ZUS est de 8,7 % et concerne plus particulièrement le parc construit entre 1949 et 1974. Il peut atteindre jusqu'à 20 %, notamment dans les sites où le marché du logement est peu tendu et dans les cités de quartiers en difficulté ou à l'image très dégradée (contre 3 % au niveau national au 1er janvier 1998).

Source : INSEE, recensement général de la population (1999)

b) Le parc privé : vacance, vétusté, voire insalubrité

En 2002, les logements ne disposant pas d'eau ou d'installation sanitaire appartenaient pour l'essentiel à des propriétaires privés, bailleurs ou occupants, et près de 50 %, contre 46 % en 1996, des logements sans confort de base étaient occupés par leurs propriétaires, essentiellement des personnes âgées ou de condition modeste.

Evolution du confort des résidences principales

Enquête logement 1984

Enquête logement 1988

Enquête logement 1992

Enquête logement 1996

Enquête logement 2002

Effectifs

%

Effectifs

%

Effectifs

%

Effectifs

%

Effectifs

%

Logements sans eau ou avec eau seulement

1 604

7,9

1039

4,9

655

3,0

388

1,7

199

0,8

Logements avec eau n'ayant pas à la fois WC et installations sanitaires

1 446

7,1

1000

4,7

714

3,2

546

2,3

412

1,7

Total logements sans confort de base (1)

3 050

15,0

2 039

9,6

1 369

6,2

934

4,1

611

2,5

Logements avec eau, WC et installations sanitaires, sans chauffage central

3 089

15,2

3 267

15,4

3 092

14,0

3 576

15,4

1 697

6,9

Logements avec ces trois éléments de confort + le chauffage central

14 226

69,9

15 950

75,0

17 670

79,8

18 776

80,7

22 201

90,6

Total des logements "confortables"

17 315

85,0

19 217

90,4

20 762

93,8

22 352

96

23 898

97,5

Ensemble des résidences principales

20 364

100

21 256

100

22 131

100

23 286

100

24 509

100

(1) Sont qualifiés de logements « sans confort de base », les logements n'ayant pas à la fois eau, WC et installations sanitaires.

source : Ministère délégué au logement et à la ville - enquête logement 2001-2002- INSEE

c) Des loyers en forte hausse

En 2002, selon le rapport sur les comptes du logement 2002, les locataires ont acquitté 47,8 milliards d'euros de loyers. Le montant global des loyers est en hausse de 5,3 % en 2002, contre 3,6 % en 2001. Cette progression s'explique par une forte augmentation du prix des loyers (2,7 % contre 1 % en 2001), supérieure de 0,7 point à celle de l'inflation.

L'indexation des loyers sur l'indice du coût de la construction (ICC) explique en grande partie la hausse des loyers du secteur libre. Dans le secteur libre, les prix des loyers ont augmenté de 2,8 % en 2002, après avoir baissé de 0,3 % en 2001. Cette hausse résulte essentiellement des révisions de loyers en cours de bail.

L'augmentation de l'indice du coût de la construction s'accélère (+ 3,6 % en 2002 après + 2,5 % en 2001 et + 1,1 % en 2000). Les ménages les plus modestes, et plus particulièrement ceux qui sont logés dans le parc locatif privé, sont donc pénalisés. Le taux d'effort brut (montant du loyer rapporté au revenu global) des ménages à bas revenus est passé de 31,7 % en 1988 à 50,8 % en 2002.

Ainsi, sous l'effet concordant de la hausse des loyers, mais également du fait de la dégradation de l'impact solvabilisateur des aides au logement, se loger pèse de plus en plus lourd dans le budget des ménages pauvres. Selon le rapport de Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, entre 1988 et 2002, les loyers des ménages pauvres ont augmenté de près de 80 % alors que leurs revenus n'augmentaient que de 30 %.

Durant cette période, l'impact solvabilisateur des aides au logement est demeuré fort dans le secteur social, puisqu'il ramène le taux d'effort des ménages pauvres en dessous de celui des autres ménages. La situation est inverse dans le parc privé, où le taux d'effort net des ménages pauvres est supérieur de huit points à celui des autres ménages.

Parallèlement, les évolutions des loyers dans le parc privé ont pour conséquence une pression très forte sur le parc social, qui, s'il accueille de plus en plus de ménages pauvres, est loin de pouvoir répondre à cette demande croissante.

Ces remarques soulignent combien il importe d'améliorer l'ensemble de la chaîne du logement et non un seul de ses pans. La construction de logements locatifs sociaux, si elle ne s'accompagne pas du développement d'un parc à loyers maîtrisés dans le secteur privé, ne suffira pas à satisfaire la demande des ménages français.

B. UN ENVIRONNEMENT LÉGISLATIF ET RÈGLEMENTAIRE EN PLEIN BOULEVERSEMENT

Pour tenter de remédier à cet engorgement et à ce grippage de la chaîne du logement et afin de desserrer les tensions du marché locatif, le gouvernement utilise aujourd'hui plusieurs leviers d'action :

- la mobilisation du foncier : suite au rapport établi par M. Pierre Pommellet, le ministre chargé de l'équipement a confié à M. Dominique Figeat une mission de mobilisation des actifs fonciers du ministère et des établissements publics dont il assure la tutelle et de promotion des projets d'aménagement qui en conditionnent la valorisation dans de bonnes conditions. L'objectif est d'accroître l'offre foncière d'origine publique destinée à des projets de territoire, en vue notamment de la réalisation de logements. Priorité sera d'abord donnée à l'Ile-de-France, où la pénurie de logements s'avère particulièrement critique.

l'accroissement de l'effort en faveur du locatif social : la baisse du taux du livret A, intervenue au 1er août 2003, permettra en 2004 la réalisation d'un programme de 90 000 logements sociaux, dont 58 000 PLUS et PLAI et 32 000 PLUS.

la remise sur le marché des logements vacants constitue toujours une priorité donnée à l'ANAH dont les crédits ont permis, en 2003, de remettre 20 600 logements sur le marché (dont 7 700 conventionnés).

- la volonté du Gouvernement est aussi de développer le logement intermédiaire en redéfinissant plafonds de ressources et de loyers, zonage, caractéristiques des financements, pour favoriser ce segment de marché et compléter ainsi l'offre globale, afin d'améliorer le fonctionnement de la chaîne du logement.

Par ailleurs, dans le même objectif, un certain nombre de dispositions législatives ont été votées au cours des trois dernières années.

1. La loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat : débloquer du foncier et stimuler le parc privé

En vue de remobiliser le foncier bloqué par certaines dispositions de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat a modifié plusieurs dispositions qui avaient contribué au gel du foncier dans des communes où la pression foncière aurait pourtant dû conduire à construire de nouveaux logements.

a) La règle des 15 kilomètres

La loi SRU avait institué une règle à l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme qui limitait, en l'absence de schéma de cohérence territoriale (SCOT), les possibilités de développement des communes situées à moins de 15 kilomètres des agglomérations de plus de 15 000 habitants. La loi a assoupli cette règle qui avait « gelé » la constructibilité de nombreux terrains autour des agglomérations. La règle ne s'applique plus aujourd'hui qu'aux agglomérations de plus de 50 000 habitants et à proximité du littoral. Elle ne s'applique également plus aux terrains dont l'urbanisation était prévue (zone NA ou AU) avant l'entrée en vigueur de la règle (1er juillet 2002). Enfin, les possibilités de dérogation sont étendues.

b) La clarification des procédures de modification et de révision des plans locaux d'urbanisme

La nouvelle loi a également précisé les conditions d'utilisation des procédures de modification et de révision des plans locaux d'urbanisme, très souvent mal interprétées, ce qui conduisait auparavant les communes à retarder, voire annuler, des projets d'urbanisation.

c) La création d'un nouveau dispositif d'amortissement fiscal de l'investissement locatif

Le dispositif instauré par l'article 91 de la loi n° 2000-1208 précitée a vocation à créer une offre locative d'au moins 50 000 logements par an, dont 40 000 dans le neuf et 10 000 dans l'ancien.

Les bons résultats de la construction neuve enregistrés en 2003 - plus de 314 000 logements mis en chantier - sont vraisemblablement dus, pour une grande part, à la mise en œuvre de ce dispositif.

2. La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine : un « plan Marshall » pour les zones prioritaires de la politique de la ville

a) Les dispositions de la loi

Cette loi met en place un programme national de rénovation urbaine (PNRU) entre 2004 et 2008 dans les 751 zones urbaines sensibles, qui sont les quartiers prioritaires de l'action du ministère de la ville.

L'article 6 de la loi n° 2003-710 précitée prévoit que le programme national de rénovation urbaine vise à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine sensible et, à titre exceptionnel, après avis conforme du maire de la commune ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et accord du ministre chargé de la ville et du ministre chargé du logement, ceux présentant des caractéristiques économiques et sociales analogues.

Il comprend des opérations d'aménagement urbain, la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition et la production de logements, la création, la réhabilitation et la démolition d'équipements publics ou collectifs, la réorganisation d'espaces d'activité économique et commerciale, ou tout autre investissement concourant à la rénovation urbaine.

Son objectif est d'améliorer rapidement des conditions de vie des habitants grâce à un effort dans le domaine du logement, de l'habitat et de l'environnement urbain. Ce programme touche donc toutes les facettes de l'urbanisme et de l'habitat de ces quartiers.

Le programme est doté d'objectifs précis : la démolition de 200 000 logements locatifs sociaux ; la construction de 200 000 logements locatifs sociaux, par remise sur le marché de logements vacants ou par production de logements neufs ; enfin, la réhabilitation ou la restructuration en profondeur de 200 000 logements locatifs sociaux.

La loi prévoit que l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs devront mettre en œuvre le programme national dans leurs zones urbaines sensibles, dans le cadre de programmes d'action locaux, tout en veillant à respecter le programme local de l'habitat (PLH). La mise en œuvre de ces programmes d'action locaux fera l'objet de conventions avec l'Etat et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Une Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) est en effet chargée du financement de ce programme, qui représente 30 milliards d'euros d'investissement sur 5 ans. L'Agence disposera de 5,5 milliards d'euros de crédits sur cinq ans, soit 1,2 milliard par an. Ses ressources proviendront pour moitié du budget de l'Etat, qui s'est engagé a versé 2,5 milliards d'euros sur les 5 prochaines années, dont 465 millions d'euros dès 2004. La loi dispose d'ailleurs qu'aucune dotation annuelle de l'Etat ne pourra être inférieure à cette somme. Ces crédits seront complétés par une contribution de l'Union d'économie sociale du logement (18) pour 55 millions d'euros en 2004 et une contribution de 35 millions d'euros des organismes HLM. La Caisse des dépôts et consignations participera également par l'octroi de prêts aidés et la mobilisation de ses ressources propres.

b) Quel premier bilan tiré de la mise en place de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ?

Fin septembre 2004, 49 projets de rénovation urbaine ont été examinés par le comité d'engagement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine et plus de 250 sont en préparation. Ces projets concernent des interventions dans 68 quartiers, dont 39 sont identifiés comme quartiers d'intervention prioritaire. Ces 49 projets représentent un montant total prévisionnel de 5,5 milliards d'euros de travaux, dont 1,7 milliard sera subventionné par l'ANRU. Les délibérations du comité d'engagement de l'Agence permettent d'établir le bilan suivant au 1er octobre 2004 

Bilan de la mise en place de
l'Agence nationale pour la rénovation urbaine

Construction de logements sociaux

20 800 logements

Démolition de logements sociaux

24 000 logements

Réhabilitation de logements sociaux

58 600 logements

Source : ministère délégué au logement et à la ville

3. La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, adoptée le 30 juillet 2004 par le Parlement, va quant à elle profondément et durablement modifier la mise en œuvre de la politique locale du logement.

L'article 61 de la loi prévoit la possibilité pour l'Etat de déléguer ses compétences en matière de financement des aides à la pierre aux départements ainsi qu'aux communautés urbaines, communautés d'agglomération, syndicats d'agglomération nouvelle et communautés de communes, dès lors que ces groupements sont dotés d'un document stratégique en matière de logement, formalisé dans un programme local de l'habitat (PLH). Cette nouvelle possibilité va constituer une nouvelle étape dans la prise de responsabilité des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans le domaine de la politique de l'habitat.

En effet, jusqu'à présent, le programme local de l'habitat permettait la définition d'une politique territorialisée de l'habitat, mais sa réalisation était subordonnée pour une part importante à l'obtention des financements de l'Etat. Dorénavant, la conclusion d'une convention de délégation de compétences d'une durée de six ans permettra la mise en œuvre de cette politique à l'initiative et sous la responsabilité directe de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Ainsi, l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui aura opté pour la délégation de compétences, attribuera, au nom et pour le compte de l'Etat, les aides publiques (investissement et prestations d'ingénierie associées) en faveur de :

- la construction, de l'acquisition, de la réhabilitation, de la démolition de logements locatifs sociaux ;

- la rénovation de l'habitat privé ;

- la création de places d'hébergement ;

- la location-accession.

Il s'agira concrètement pour l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) d'accorder aux maîtres d'ouvrage, dont les projets portent sur une des opérations énumérées ci-dessus, une subvention, de leur notifier la décision attributive de subvention et de leur verser les crédits correspondants. L'Etat s'engagera quant à lui à allouer chaque année à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) les crédits nécessaires à l'exercice de la compétence déléguée.

En déléguant aux collectivités territoriales les plus proches des marchés locaux de l'habitat la possibilité d'exercer la responsabilité de la mise en œuvre des politiques nationales, dans un cadre conventionnel, les nouvelles dispositions législatives doivent permettre, à partir d'une meilleure appréciation des réalités locales, d'apporter une réponse plus appropriée aux besoins en logements des populations éprouvant des difficultés pour se loger.

Parallèlement, l'article 65 transfère aux départements la responsabilité de la gestion des fonds de solidarité pour le logement (FSL), qui sont chargés d'apporter des aides aux ménages qui éprouvent des difficultés pour assumer leurs charges de loyer. Cet article élargit par ailleurs leurs missions au règlement des impayés de factures d'eau, d'énergie et de téléphone.

4. Des mesures de simplification du droit attendues

Enfin, dans le cadre du projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, dont le texte définitif a été adopté par l'Assemblée nationale le 9 novembre 2004, deux dispositions sont particulièrement intéressantes et devraient venir en soutien du plan de cohésion sociale.

a) La réforme du régime des aides personnelles au logement

L'article 12 de ce projet de loi vise en effet à permettre au gouvernement d'harmoniser par ordonnance, dans un délai de 12 mois, les différents régimes d'aide personnelle au logement, en rapprochant les régimes des deux types d'aides.

Actuellement, deux dispositifs coexistent : l'aide personnalisée au logement (APL) et l'allocation de logement, qui se décompose en allocation de logement familiale (ALF) et allocation de logement sociale (ALS).

_ Le régime des aides personnelles au logement

Au cours de dernières années, on a déjà assisté à l'unification des barèmes de l'allocation de logement et de l'APL en secteur locatif en janvier 2001 et à l'harmonisation des ressources prises en compte dans le calcul des différentes aides en février 1997.

Mais des différences perdurent :

- l'allocation de logement est une prestation sociale. Son régime est défini par les articles L. 542-1 à L. 542-9 et L. 831-1 à L. 831-7 du code de la sécurité sociale. L'aide personnalisée au logement (APL) est quant à elle régie par les articles L. 351-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

- l'allocation de logement s'adresse à des publics ciblés, en fonction de caractéristiques familiales ou sociales, alors que l'aide personnalisée au logement (APL) s'applique avant tout dans un parc de logements déterminé, quelle que soit la situation familiale des occupants.

L'aide personnalisée au logement (APL)

L'APL touche les accédants à la propriété et les locataires du parc de logements conventionnés, c'est-à-dire des logements financés avec des prêts locatifs aidés (PLA), auxquels ont succédé, le 1er janvier 2000, les prêts locatifs aidés d'intégration (PLA-I), les prêts locatifs à usage social (PLUS), les prêts locatifs sociaux (PLS) et, pour l'accession sociale, les prêts aidés pour l'accession à la propriété (PAP) ou les prêts conventionnés (PC).

L'APL peut également s'appliquer aussi aux logements conventionnés à l'occasion de l'attribution de subventions à l'amélioration par l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH), ainsi qu'aux logements acquis, même sans travaux et conventionnés, lorsqu'ils appartiennent à des organismes HLM ou à des sociétés d'économie mixte.

L'allocation de logement familiale (ALF)

L'ALF est attribuée aux personnes isolées, aux couples ayant des personnes à charge ainsi qu'aux jeunes ménages sans personne à charge et mariés depuis moins de cinq ans, logés dans des logements non conventionnés.

L'allocation de logement sociale (ALS)

L'ALS est attribuée, sous condition de ressources, à toute personne qui ne répond ni aux critères de l'APL, ni à ceux de l'ALF et est logée dans un logement non conventionné.

_ Le financement des aides personnelles au logement

Trois fonds financent actuellement les aides personnelles au logement

Fonds finançant les aides personnelles au logement

Type d'allocations

Nom du fonds

Financement

ALF

fonds national des prestations familiales (FNPF)

- cotisations d'allocations familiales des employeurs

- 1,1 point de contribution sociale généralisée (CSG)

ALS

fonds national d'aide au logement (FNAL)

- budget de l'État

- cotisation des employeurs

APL

fonds national de l'habitation (FNH)

- contributions des deux autres fonds

- budget annexe des prestation sociales agricoles (BAPSA)

- budget de l'État

_ Les principales modifications envisagées par ordonnance

Rapprocher les modalités de versement des différentes aides

Il s'agit d'aligner le point de départ du décompte de la rétroactivité de l'allocation de logement sur celles des autres prestations familiales et de l'APL.

Selon les termes de l'article L. 351-3-1 du code de la construction et de l'habitation, l'allocation personnalisée au logement est due à partir du premier jour du mois civil suivant l'entrée dans les lieux. Or, pour l'allocation de logement, les articles L. 542-2 et L. 831-4-1 du code de la sécurité sociale prévoient un régime différent puisque l'allocation est due « dans la limite des trois mois précédant celui au cours duquel la demande est déposée ». Cette rédaction ambiguë va être alignée sur la rédaction retenue pour l'APL.

Le versement en tiers-payant

L'APL est versée exclusivement en tiers payant. Si l'allocation de logement peut être versée en tiers payant à la demande de l'allocataire, seuls les organismes HLM et les sociétés d'économie mixte implantés dans les départements d'outre-mer disposant d'un parc d'au moins dix logements peuvent bénéficier de ce mode de paiement.

La liste va être compléter afin d'élargir cette possibilité à d'autres bailleurs sociaux. Cette mesure favorisera également le locataire, qui n'aura plus à débourser la part du loyer prise en charge par l'allocation de logement, et le bailleur, en limitant les risques d'impayés.

La fusion des fonds

Le fonds national des prestations familiales centralise l'ensemble des opérations relatives aux prestations familiales servies par les caisses d'allocations familiales, par les organismes du régime de sécurité sociale dans les mines, ainsi que celles relatives aux prestations familiales servies au titre du régime des salariés agricoles. Il ne contribue donc pas seulement au financement de l'ALF et son existence ne peut être remise en cause.

En revanche, le fonds national de l'habitat bénéficie d'une redistribution des deux autres fonds finançant les aides au logement, complété par une contribution de l'État et du BAPSA. La fusion du fonds national des aides au logement et du fonds national de l'habitat en un fonds unique alimenté par le budget de l'État et les cotisations sociales des employeurs et régi par le code de la construction et de l'habitation, participerait à l'amélioration de la lisibilité des aides au logement, d'autant que depuis la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003, ces deux fonds sont rassemblés dans une ligne budgétaire unique.

La suppression de l'abattement forfaitaire pour l'aide personnalisée au logement

L'article R. 351-6 du code de la construction et de l'habitation prévoit un abattement forfaitaire sur le revenu net des couples dont les deux membres ont exercé une activité professionnelle au cours de l'année de référence, productrice de revenus au moins égal, pour chacun d'entre eux, à douze fois la base mensuelle de calcul des allocations familiales en vigueur au 1er juillet de l'année de référence. L'ordonnance devrait supprimer cet abattement afin de simplifier la gestion du dispositif, d'autant plus que son faible montant - 76 euros par an - a peu d'incidence sur les allocataires.

b) Le conventionnement direct avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH)

L'article 14 de ce projet de loi vise en effet à permettre au gouvernement de simplifier par ordonnance, dans un délai de 12 mois, les procédures conduisant au conventionnement des logements locatifs privés par cette Agence, afin d'en mettre un plus grand nombre sur le marché locatif.

_ Simplification de la signature des conventions

Selon le droit actuellement en vigueur, pour obtenir le versement d'une subvention d'amélioration de son logement, un bailleur est obligé de conclure une convention avec l'ANAH et, quand il souhaite conventionner le logement pour augmenter le taux de sa subvention, il doit également passer un engagement avec l'Etat. Dans ce cadre, son locataire bénéficie par ailleurs du versement de l'aide personnalisée au logement (APL).

Il s'agit donc d'alléger ce système de double conventionnement : il n'y aurait désormais qu'une seule et unique convention, passée entre l'Agence et le propriétaire, qui définirait l'ensemble des conditions et obligations à respecter par les parties.

_ Contenu des nouvelles conventions

Selon le projet d'ordonnance, ces conventions uniques fixeraient notamment :

- les travaux d'amélioration qui incombent aux bailleurs ;

- les caractéristiques techniques des logements après amélioration ;

- le montant maximum des loyers ;

- le cas échéant, les obligations des bailleurs à l'égard des organismes chargés de la liquidation et du paiement de l'aide personnalisée au logement ;

- les conditions de la révision de la convention, ainsi que sa durée, qui ne pourrait, comme actuellement, être inférieure à neuf ans ;

_ Entrée en vigueur des conventions

En outre, le projet d'ordonnance prévoit que les conventions entreraient en vigueur dès leur signature alors qu'aujourd'hui, elles ne sont applicables qu'après leur publication au bureau des hypothèques. Une telle disposition permettra aux propriétaires de mettre leur bien en location immédiatement après la signature de la convention alors qu'actuellement, la formalité d'enregistrement au bureau des hypothèques peut allonger le déroulement de la procédure d'environ quatre mois.

_ Périmètre du conventionnement

Le projet d'ordonnance prévoit également que les logements pourront être conventionnés sur l'ensemble du territoire alors qu'aujourd'hui, seuls les logements situés dans le périmètre d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) ou d'un programme social thématique (PST) peuvent être conventionnés.

_ En cas de délégation de gestion des aides à la pierre à une collectivité

Le projet d'ordonnance prévoit que lorsqu'une collectivité locale sera délégataire de la gestion des aides à la pierre, le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou du conseil général signera, au nom de l'ANAH, la nouvelle convention unique avec les propriétaires qui souhaitent conventionner leur logement.

5. Le projet de loi « habitat pour tous »

Le volet logement de la future loi de cohésion sociale doit être complété par une autre loi dite « Habitat pour tous », dont les contours ne sont pas encore entièrement connus. Ce projet est annoncé pour l'année prochaine par M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Selon les informations fournies à votre rapporteur, le travail d'élaboration du projet n'est pas suffisamment avancé pour en présenter aujourd'hui les principales dispositions. Toutefois, il s'articulera autour des quatre thèmes suivants :

- L'accession à la propriété : l'objectif est de relancer la vente de logements HLM à leurs locataires en mettant en place notamment un dispositif d'accession progressive par l'achat de parts de sociétés civiles immobilières (« SCI de capitalisation ») ;

- L'urbanisme et le foncier : des dispositions viseront à favoriser la mobilisation du foncier pour l'habitat notamment social comme par exemple, l'obligation de réaliser au moins 20 % de logements sociaux sur les terrains vendus par l'Etat ou ses établissements publics en vue de la construction de logements ou le relèvement du plafond de majoration de la valeur locative des terrains permettant le calcul de la taxe foncière sur les propriétés non bâties afin d'inciter les propriétaires à libérer du foncier ;

- Les rapports locatifs : un dispositif de retour au droit commun des logements loués sous le régime de la loi de 1948 sera mis en place ;

- Les procédures d'attribution des logements dans le secteur HLM : le dispositif d'attribution des logements sociaux sera amélioré, par un renforcement du rôle conféré à la commission de médiation et le statut des offices publics et OPAC sera refondu et modernisé.

C. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION POUR LA COHÉSION SOCIALE RELATIVES AU LOGEMENT

Le volet logement du plan de cohésion sociale se décline au travers de trois programmes consacrés chacun à un segment particulier du parc social, compris dans son acception la plus large : résoudre la crise du logement par le rattrapage des retards en matière de logement locatif social (programme 12), par la mobilisation du parc privé (programme 13) et par le renforcement de l'accueil et de l'hébergement d'urgence (programme 14).

Les programmes de construction de logement locatifs sociaux (article 41), de création de places d'hébergement (article 39) ou de rénovation de l'habitat privé (article 50) constituent la traduction législative des trois grands volets de politiques du logement de l'Etat. Mais, au-delà de la programmation, le titre II du projet de loi vise également à améliorer un certain nombre de dispositions législatives existantes et à créer de nouveaux dispositifs.

Le chapitre Ier, relatif au logement temporaire et à l'hébergement d'urgence, se compose de deux articles. Le premier prévoit la programmation en faveur de l'hébergement et du logement temporaire (article 39). Le second (article 40) précise les règles relatives aux attributions des logements locatifs sociaux, afin que les personnes hébergées, ou logées dans des structures temporaires, puissent être mieux prises en compte dans la procédure d'attribution.

Le chapitre II concerne l'offre locative sociale, la prévention des expulsions et l'urbanisme. Il comporte neuf articles. S'agissant de la construction de logements locatifs sociaux, l'article 41 prévoit la programmation en faveur du parc locatif social, avec la réalisation, d'ici 2009, de 500 000 nouveaux logements locatifs sociaux. L'article 42 vise à mieux coordonner les dispositions de programmation de l'article 41 avec le dispositif de délégation de compétence de gestion des aides à la pierre prévu par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. L'article 43 prévoit un allongement à 25 ans, contre 15 actuellement, de la durée d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties au bénéfice des nouveaux logements locatifs sociaux construits entre 2005 et 2009. L'article 44 a une portée purement technique et vise à préciser les conditions d'attribution des subventions de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Dans le domaine de l'urbanisme, afin de débloquer le foncier, l'article 45 crée une nouvelle catégorie d'établissements publics d'Etat, les établissements publics fonciers. L'article 46 les autorise à percevoir une taxe spéciale d'équipement (TSE) dans la limite d'un plafond fixé à 20 euros par habitant.

Enfin, s'agissant de la prévention des expulsions, l'article 47 améliore la protection des occupants du parc social en instance d'expulsion dans le cadre de protocoles d'accord signés entre le bailleur et l'occupant. L'article 48 est une disposition technique visant à améliorer la prévention des expulsions dans le secteur locatif social. L'article 49 permet l'élargissement des procédures de prévention des expulsions aux demandes reconventionnelles.

Le chapitre III, relatif au parc locatif privé, comporte quatre articles. L'article 50 est un article de programmation en faveur de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). L'article 51 améliore le dispositif d'amortissement fiscal « Robien » pour les logements mis à disposition des organismes oeuvrant pour le logement des personnes défavorisées, en augmentant la déduction forfaitaire autorisée. L'article 52 exonère de contribution sur les revenus locatifs (CRL) les logements vacants remis sur le marché. L'article 53 est une disposition d'habilitation du Gouvernement à simplifier par ordonnance les dispositions relatives à la lutte contre l'habitat insalubre et à la police des immeubles menaçant ruine.

D. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

Concernant le chapitre Ier, relatif au logement temporaire et à l'hébergement d'urgence, les sénateurs ont sorti les maisons relais du dispositif d'hébergement et créer une division additionnelle tendant à insérer un chapitre intitulé « plan pour l'habitat adapté ». Ce nouveau chapitre contient les mesures relatives aux maisons relais et à l'attribution des logements locatifs sociaux.

S'agissant de l'attribution des logements locatifs sociaux, les sénateurs ont ajouté un article additionnel précisant que la commission d'attribution exerce sa mission dans le respect de l'objectif de mixité sociale et de l'accueil des publics prioritaires et intégrant, avec voix consultative, un représentant des associations d'insertion et de logement des personnes défavorisées au sein de la commission.

Dans le chapitre II relatif à l'offre locative sociale, à la prévention des expulsions et à l'urbanisme, ils ont tenu à préciser que les collectivités qui ont conclu une convention de délégation avec l'Etat doivent être systématiquement associées à la définition et à la mise en oeuvre locales des programmes prévus par le projet de loi en faveur de la construction sociale et de l'habitat privé. Ils ont également aménagé les dispositions issues de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales concernant le contingent préfectoral d'attribution de logements locatifs sociaux, en réduisant le délai au terme duquel le préfet peut récupérer son contingent, en cas de non application des dispositions du plan départemental pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD).

Sur proposition du gouvernement, les sénateurs ont également adopté un article additionnel prolongeant de trois ans le programme national de rénovation urbaine.

Ils ont aussi adopté différents amendements techniques à l'article 43 relatif à l'allongement de la durée d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux, notamment afin de ne pas faire peser sur les collectivités locales le poids financier de cette mesure et d'étendre cette mesure aux logements réhabilités grâce à une aide de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) et loués par une association à des personnes très défavorisées.

Ils ont également allongé le bénéfice de l'abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties dans les zones urbaines sensibles jusqu'en 2009.

A l'article 44 relatif aux règles applicables aux aides délivrées par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ils ont apporté diverses précisions techniques, en prévoyant la possibilité pour le préfet de subdéléguer ses compétences de délégué territorial de l'Agence et la possibilité de délégation la gestion des subventions de l'Agence à des organismes de rénovation urbaine, comme les groupements d'intérêt public (GIP).

Les sénateurs ont ensuite clarifié la rédaction de l'article 45 relatif au statut respectif des établissements publics d'aménagement et des établissements publics fonciers (EPF) d'Etat et précisé que les établissements fonciers devront accorder la priorité aux opérations destinées à la réalisation de logements. Ils ont également prévu la consultation préalable des établissements publics de coopération intercommunales et des communes de plus de 20 000 habitants.

Ils ont prévu le dépôt annuel d'un rapport du gouvernement au Parlement indiquant les opérations de cession des actifs fonciers et immobiliers de l'État.

Les sénateurs ont par ailleurs apporté quelques corrections rédactionnelles à l'article 46 relatif à la taxe spéciale d'équipement de ces nouveaux établissements publics fonciers et exonéré les organismes HLM et des sociétés d'économie mixte et les locataires de ces organismes du paiement de cette taxe.

S'agissant du protocole d'accord entre le bailleur social et le locataire en situation de défaut de paiement du loyer, prévu à l'article 47 du projet de loi, ils ont précisé que les fonds de solidarité pour le logement (FSL) peuvent intervenir dans le plan d'apurement de la dette locative et donné la possibilité d'allonger la durée totale du plan d'apurement, jusqu'à cinq ans si nécessaire. Ils ont ouvert la possibilité d'un accompagnement social dans le cadre du protocole d'accord.

S'agissant du chapitre III relatif à l'habitat privé, ils ont notamment apporté une précision visant à garantir les crédits correspondant à l'activité régulière de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat. Les sénateurs ont également, sur proposition de la commission des finances, exonéré les unions d'économie sociale de l'impôt sur les sociétés. Ils ont, en outre, autorisé, sous conditions, les organismes HLM à faire de la gestion, en qualité de syndics et d'administrateurs de biens, de certains logements vacants.

Pour les collectivités territoriales et leurs groupements, le Sénat a également ouvert la possibilité d'utiliser les fichiers fiscaux relatifs aux logements vacants. Enfin, les sénateurs ont précisé la rédaction de l'article 53.

Après l'article 53, ils ont introduit un nouveau chapitre III bis relatif au surendettement et visant à :

- intégrer les frais de loyer, de nourriture et de scolarité dans le calcul du « reste à vivre » par la commission de surendettement ;

- donner la priorité au remboursement des créances locatives sur celles des établissements de crédit dans le cadre des procédures de remboursement des dettes ;

- interdit la facturation par les organismes de crédits aux personnes surendettées concernées des frais afférents à l'inscription au fichier de la Banque de France (FICP).

III.- LA PROMOTION DE L'ÉGALITÉ DES CHANCES

Troisième titre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, troisième pilier pourrait-on dire - et pas le moindre.

L'ambition qui anime les deux très vastes précédents chantiers est encore présente, au service d'une valeur - l'égalité - mais aussi d'un objectif - donner à chacun une chance.

La multiplicité des thèmes abordés ne doit pas être trompeuse. Le souffle qui anime chacun des domaines visés en fait aussi la cohérence. La cohésion est toujours la ligne directrice, qu'il s'agisse de l'égalité fondamentale des débuts de la vie que recouvre le thème de l'éducation, de l'égalité de la vie professionnelle entre les femmes et les hommes, qui, fort heureusement, est de plus en plus d'actualité, mais aussi de l'égalité territoriale concernant la politique de la ville, redynamisée avec la réforme de la dotation de solidarité urbaine et enfin, de l'égalité des personnes accueillies et intégrées, aux termes de la consécration législative d'un dispositif ambitieux de service public de l'accueil des étrangers.

A. L'ÉGALITE DES DÉBUTS DE LA VIE

L'objectif poursuivi par ce premier chapitre est le suivant : aider les élèves en situation de fragilité, qu'elle soit psychologique, sanitaire ou sociale de manière générale.

Il convient donc, au sein du système scolaire, de parvenir à repérer les besoins d'enfants qui souffrent d'un accompagnement insuffisant, quelle qu'en soit la raison, par leur entourage direct.

Sans doute existe-t-il déjà un certain nombre de dispositifs d'alerte, de « veille éducative », dans certaines communes. Mais le présent projet est destiné à aller plus loin encore : par-delà le repérage, à mettre en œuvre une action aussi personnalisée que possible, destinée à permettre non seulement l'accompagnement de l'enfant mais aussi, le cas échéant, celui de sa famille.

C'est l'objet des programmes 15 et 16 du plan de cohésion sociale, ainsi que des articles 54 B à 56 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

1. De trop nombreuses situations d'échec

Le point de départ de l'analyse résulte de l'observation d'un certain nombre de situations marquées par le cumul des difficultés. L'exemple des zones urbaines sensibles (ZUS), ces territoires définis par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en est révélateur. Ces 751 zones sont en effet marquées par les caractéristiques suivantes ces dernières années (19) : le nombre des familles y a baissé ; la proportion des familles nombreuses y est plus élevée qu'ailleurs ; la population étrangère est sur-représentée ; 61 % des ménages sont locataires en HLM ; on y dénombre 27 % de ménages pauvres, c'est-à-dire trois fois plus que dans le reste de l'espace urbain ; environ 20 % de la population active est au chômage ; en 1999, plus de 17 % des 15-24 ans non-diplômés résident en ZUS ; 45 % des ZUS font l'objet d'un « point noir bruit », cette proportion atteignant 69 % en Ile-de-France ; près de 42 % des communes ayant une ZUS sont exposées aux risques industriels, contre 21 % pour les autres communes de leur unité urbaine ; 52 % des ménages dans les ZUS déclarent être victimes, à titre individuel ou collectif, de dégradation et de vandalismes, contre une proportion de 26 % sur les autres territoires.

Sans doute ce tableau ne doit-il pas être noirci à l'excès. Comme le conclut cette analyse : « La jeunesse de leur population, leur diversité culturelle et souvent leur créativité sont autant d'atouts (...) ». L'accumulation est néanmoins troublante.

La situation des zones d'éducation prioritaires (ZEP) n'est pas plus encourageante. Mises en place en 1982, ces zones ont pour objectif d'affecter des moyens supplémentaires vers des zones géographiques particulièrement difficiles pour offrir aux établissements scolaires qui s'y trouvent de mener une pédagogie mieux adaptée à leur public. Un établissement classé en ZEP bénéficie d'environ 10 % de ressources par élève en plus. Une étude menée en 2001 par Dominique Goux et Eric Maurin pour le compte du centre de recherche du Crest de l'Institut nationale de la statistique et des études économiques a montré le peu d'influence sur la réussite des élèves de ces zones, en particulier au regard d'autres facteurs plus déterminants, telle l'influence du logement sur le milieu scolaire.

On peut se demander si ces politiques ne gagneraient pas à être davantage ciblées. L'expérience des Job Corps menée aux Etats-Unis depuis 1964 peut le laisser supposer : il s'agit d'un programme destiné aux jeunes de 16 à 24 ans en situation d'échec scolaire. Environ 60 000 jeunes sont couverts chaque année par ce programme, aux résultats très positifs en termes d'insertion.

Autre exemple américain : l'association Big Brothers Big Sisters, qui organise un tutorat pour de jeunes américains âgés de 10 à 16 ans appartenant à des familles monoparentales : cette association, créée au début du XIXe siècle, regroupe aujourd'hui plus de 500 agences locales réparties sur tout le territoire des Etats-Unis, et supervise environ 75 000 tutorats. Les résultats en sont plutôt positifs, même si ce système est onéreux. Mais au pays de John Rawls et des « justes inégalités » (20), on n'hésite pas à adopter un programme dès lors qu'il améliore la condition des plus défavorisés, même si le coût d'une telle intervention dépasse largement ses bénéfices pour l'ensemble de la société. Qu'en serait-il en France ?

Les auteurs d'un livre intitulé « Le chômage, fatalité ou nécessité ? » (21), qui y développent cet exemple américain, insistent, s'agissant du cas français, sur le fait qu'il convient de bien cibler les populations, de ne pas négliger les moyens mis en œuvre et d'impliquer le milieu familial.

Plus encore, ils soulignent l'importance de l'action envers les jeunes enfants : « Il existe des périodes critiques du développement durant lesquelles les voies principales qui régulent les possibilités d'agir et de comprendre sont mises en place et peuvent être modulées. La motivation, la capacité à apprendre, la maîtrise des relations sociales s'acquièrent dès les premières années et conditionnent les perspectives futures des enfants ». En insistant sur le rôle du milieu familial à la fois sur la réussite scolaire et le devenir d'adultes, ils démontrent que les politiques éducatives ne peuvent se passer de l'intervention familiale.

Le présent projet tend à se faire l'écho de l'ensemble de ces préoccupations.

2. Un plan ambitieux d'accompagnement des enfants et des jeunes

Face à cette situation le plan de cohésion sociale propose la mise en œuvre de trois outils, dénommés dispositifs de réussite éducative.

a) Les équipes de réussite éducative au profit des écoliers

La création des équipes de réussite éducative répond à l'objectif du programme 15, intitulé « Accompagner les enfants en fragilité ».

Parce que les difficultés sociales et économiques sont dans certains quartiers plus nombreuses qu'ailleurs, les questions éducatives sont également plus difficiles. Il convient donc de prévoir un accompagnement spécifique de l'éducation des enfants, et cela dès leur plus jeune âge. Plus tôt les difficultés sont repérées, plus il sera aisé d'y apporter des remèdes. A cet effet, il est proposé la création d'équipes de réussite éducative.

Le programme 15 se fonde sur les exemples menés avec succès à l'étranger, qu'il s'agisse de l'exemple britannique, avec les programmes « City Challenge » et « Educative Action Zones », ou de l'exemple américain avec le « Perry Preschool Program » : non seulement ce dernier programme a remporté un grand succès en matière sociale, mais il a contribué également à la réalisation d'économies en matière d'aide sociale et éducative. Il a permis de mettre en évidence, notamment, que l'évaluation des systèmes éducatifs ne doit pas seulement être fondée sur les connaissances acquises, mais aussi sur certaines dimensions de la personnalité qui sont aussi importantes pour l'insertion dans la société et sur le marché du travail.

Les équipes de réussite éducative associant l'ensemble des personnels de la petite enfance, permettront donc un accompagnement tant des enfants que des parents. L'objectif est de créer environ 750 équipes au sein de 900 zones ou réseaux d'éducation prioritaire, pour environ 7 000 écoles primaires.

b) Les plates-formes de réussite éducative au profit des collégiens

Les plates-formes de réussite éducative sont aux collégiens ce que les équipes de réussite éducative sont aux élèves des écoles maternelles et primaires.

Les plates-formes ont donc également vocation à regrouper l'ensemble des professionnels compétents dans le soutien sanitaire et social des collégiens, qu'il s'agisse des services sociaux et sanitaires de l'éducation nationale, de l'aide sociale à l'enfance ou des centres de pédopsychiatrie. Elles sont destinées à soutenir les collégiens en difficulté ainsi que leurs familles.

c) Les internats de réussite éducative

Troisième pilier des dispositifs de réussite éducative, ces internats sont également le prolongement direct des plates-formes : ils accueilleront des élèves des collèges repérés sur les plates-formes et considérés comme devant recevoir un tel accueil.

L'objectif auquel l'ouverture des internats répond était évoqué, notamment, dans le rapport intitulé « L'internat scolaire public, les leçons du terrain », publié en juillet 2002 par le ministère de l'Education nationale : le ministère insistait à la fois sur les possibles défaillances du cadre familial, et sur les risques de décrochage scolaire présentés par certains enfants.

Or aujourd'hui ces structures sont insuffisamment nombreuses en milieu urbain, où précisément se posent majoritairement les problèmes éducatifs, sanitaires et sociaux auxquels ils doivent remédier. Selon une étude de l'INSEE, plus de 5 % des élèves sont internes dans les départements ruraux, tandis que moins de 2 % le sont dans des départements urbains (22).

Il est prévu de créer une trentaine d'internats, trois dans chacune des régions Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, et un dans chacune des autres régions.

Les internats accueilleront les collégiens les plus en difficulté. Ils dispenseront un enseignement général, mais également un enseignement pré-professionnel et organiseront en outre des activités ludiques et culturelles. La mixité sociale y sera favorisée : les internats abriteront des centres de loisirs de proximité pour d'autres adolescents du voisinage.

Au cours de la première lecture au Sénat, l'ensemble de ces dispositifs de réussite éducative ont reçu une définition commune (article 54 B) : ils sont définis comme menant « des actions d'accompagnement au profit des élèves du premier et du second degré et de leurs familles, dans les domaines éducatif, scolaire, périscolaire, culturel, social ou sanitaire ».

Le Sénat a par ailleurs réorganisé leurs modalités de création en les confiant à un établissement public local d'enseignement, à la caisse des écoles, à un groupement d'intérêt public ou à toute autre structure juridique adaptée.

B. L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES ENFIN AU CœUR DES DÉBATS

L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est désormais au cœur des débats contemporains et il convient de s'en féliciter.

1. Encore trop d'inégalités entre les femmes et les hommes malgré des efforts réels

Il est essentiel aujourd'hui de favoriser l'égalité professionnelle dans toutes ses facettes, de la préparation de la vie professionnelle à sa rupture et aux situations de précarité qui peuvent intervenir.

Cela commence par l'éducation. A cet égard, une démarche interministérielle a été entreprise, ces dernières années, de façon à promouvoir l'égalité entre filles et garçons, dans le cadre d'une convention signée le 25 février 2000 par les ministères en charge de l'emploi et de la solidarité, de l'éducation nationale, de l'agriculture et le secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Un avenant signé le 8 mars 2002 a prorogé la convention jusqu'au 25 février 2006. L'action menée vise à permettre une diversification des choix d'orientation : trop souvent, les filles font ce choix d'orientation sous l'influence de stéréotypes attachés aux rôles sociaux et suivent ainsi majoritairement des filières littéraires, économiques et tertiaires.

C'est aussi la raison pour laquelle a été reconduit en 2004 le prix de la vocation scientifique et technique des filles, qui vise à récompenser financièrement des filles de terminale faisant le choix d'une orientation vers des filières scientifiques et techniques.

Au plan directement professionnel, les inégalités sont encore grandes également. Une récente étude de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, en date de juillet 2004, relève que si, au cours de la période 1992-2002, l'emploi féminin a été plus dynamique que l'emploi masculin, le nombre d'emplois occupés par les femmes s'étant accru de 13 % contre 7 % pour celui des hommes, en revanche, le marché de l'emploi semble globalement continuer à fonctionner sur un modèle segmenté, où la répartition des emplois entre les femmes et les hommes reste assez peu diversifiée.

Elément révélateur de la subsistance d'inégalités, les écarts de salaires entre les hommes et les femmes restent importants : le salaire des femmes cadres est aujourd'hui de 24 % inférieur à celui des hommes ; dans les professions intermédiaires, cette différence s'élève à - 14 %, et chez les employés elle est de - 9 %, pour un total de - 20 %.

C'est aussi pour ces raisons que le service public de l'emploi définit, depuis trois ans, un objectif chiffré afin de diminuer la surreprésentation des femmes parmi les chômeurs de longue durée : en 2002 et 2003, cet objectif, qui visait à réduire d'un point la part des femmes dans le chômage de longue durée a été atteint, même si en 2003, les femmes demeurent surreprésentées dans le chômage de longue durée au regard de leur part dans la population active.

En outre, en 2004, dans le cadre du plan « Objectif 100 000 emplois », destiné à répondre aux difficultés de recrutement dans chaque région, le service public de l'emploi a engagé des actions en faveur d'un certain nombre de professions où règne encore une discrimination trop importante à l'égard des femmes, tels les secteurs du BTP, de la métallurgie, des transports, de l'industrie automobile ou encore de la sécurité.

2. L'ouverture de nouvelles pistes pour assurer une meilleure égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Le 24 juillet 2002, la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, Mme Nicole Ameline, a présenté en conseil des ministres vingt-cinq propositions pour relancer la politique en matière d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes.

De plus, le 19 décembre 2002, une table ronde s'est tenue à l'initiative de Mme Nicole Ameline et sous la présidence du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. François Fillon, pour initier un large dialogue : dans ce cadre, l'Etat et les partenaires sociaux ont décidé de se réunir périodiquement pour faire le point sur l'état de la négociation collective en la matière. Une nouvelle table ronde s'est tenue le 15 juillet 2003, et de multiples réunions de travail ont eu lieu avec les partenaires sociaux au deuxième semestre 2003.

C'est ainsi que l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation professionnelle tout au long de la vie comporte un article sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'accès à la formation professionnelle, dont s'inspire l'une des dispositions du présent projet tendant à favoriser la mise en œuvre d'un droit à la formation au retour d'un congé parental.

Par ailleurs, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie et au dialogue social a prévu, dans le cadre des négociations obligatoires sur la formation professionnelle, la détermination d'un objectif de progression du taux d'accès des femmes aux différents dispositifs de formation et des modalités d'atteinte de cet objectif.

Plus encore, un tableau de bord composé d'un choix d'indicateurs permettant un suivi régulier de la prise en compte de l'égalité professionnelle dans l'ensemble des secteurs socio-économiques a été élaboré par l'Etat en concertation avec les partenaires sociaux.

Aux mêmes fins, un accord national interprofessionnel sur le thème de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a été conclu le 1er mars 2004. Cet accord porte sur de nombreux sujets : orientation, recrutement, formation professionnelle continue, promotion et mobilité, égalité salariale.

Les deux mesures proposées dans le présent texte en sont inspirées, qu'il s'agisse de l'organisation d'un entretien en vue de l'orientation professionnelle des salariés à l'issue d'un congé de maternité ou d'un congé parental (article 57) ou des conditions dans lesquelles la période d'absence des salariés dont le contrat de travail est suspendu pendant un congé parental d'éducation à plein temps notamment est prise en compte pour le calcul des droits à ancienneté en vue, notamment, de la formation (article 58).

Il faut encore relever l'existence, depuis le 28 juin 2004, d'un label égalité lancé par la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, destiné à valoriser tout organisme qui a mis en œuvre des actions exemplaires en matière d'égalité professionnelle.

Ce label sera élaboré en concertation avec les partenaires sociaux et délivré après avis d'une commission de labellisation pour une durée de trois ans.

Enfin, une étude est en cours aujourd'hui sur la corrélation entre mixité professionnelle, performance de l'entreprise et croissance économique. Elle est menée conjointement par la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

C'est au sein de ce contexte général que doivent être appréciées les mesures contenues dans le présent projet de loi de programmation.

C. L'ÉGALITÉ TERRITORIALE : LA RÉFORME DE LA DOTATION DE SOLIDARITÉ URBAINE

L'article 59 du présent projet de loi propose, d'une part, d'augmenter le montant de la dotation de solidarité urbaine (DSU) sur la période 2005-2009 et, d'autre part, de réformer ses modalités de répartition afin de la recentrer sur les communes les plus en difficultés.

La dotation de solidarité urbaine a été instituée par la loi n° 91-429 du 13 mai 1991 (23) et a pour objet de « contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées » (24). Elle répond ainsi aux exigences posées par le dernier alinéa de l'article 72--2 de la Constitution qui dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

En effet, l'égalité des chances passe par l'égalité entre les territoires. Or certaines communes cumulent un potentiel fiscal faible et de lourdes charges budgétaires en raison des besoins de leur population, souvent jeune et défavorisée, en matière d'équipements collectifs et d'aide sociale. Leur budget, nécessairement contraint, ne leur permet souvent pas de faire face à leurs charges de fonctionnement et encore moins d'investir. Or, les projets menés dans le cadre de la politique de la ville prévoit toujours que un cofinancement de la commune à hauteur d'au moins 20% du coût total, ce que bloque de nombreux dossiers.

Les zones urbaines sensibles concentrent aujourd'hui les familles les plus fragilisées économiquement et socialement, ce qui explique que le Gouvernement ait choisir de concentrer ses efforts sur ces zones. Toutefois, la réforme ne s'appliquera pas aux villes de plus de 200.000 habitants, dans la mesure où les écarts de richesse entre quartiers permettent déjà une certaine péréquation au sein de la communes, ou, au moins, une redistribution en faveur des quartiers défavorisés.

Une « clause de sauvegarde » est malgré tout prévue par le projet de loi : toutes les villes sont assurées de recevoir une dotation au moins équivalente à celle dont elles ont bénéficié en 2004. 

Enfin, la dotation de solidarité urbaine recevra un versement supplémentaire de 120 millions d'euros par an, afin de porter, en 2009, son montant à 1,2 milliard d'euros, contre 630 millions aujourd'hui.

Les sénateurs ont apporté de nombreuses modifications visant à :

- moduler le prélèvement prévu au profit de la dotation de solidarité urbaine pour les années 2005 à 2009, dans le cas où le montant de l'accroissement de la dotation globale de fonctionnement des communes et de certains de leurs groupements serait inférieur à 500 millions d'euros ;

- corriger une erreur rédactionnelle, qui aurait conduit à supprimer le bénéfice de la DSU pour toutes les communes autres que celles disposant d'une zone franche urbaine ;

- permettre aux communes aujourd'hui éligibles à la dotation de solidarité urbaine de continuer de percevoir une dotation calculée en application du présent article, au moins égale à la dotation perçue l'année précédente, augmentée de 5 %, pour les années 2005 à 2009 ;

- interdire que les communes éligibles à la majoration de dotation de solidarité urbaine fassent l'objet d'une revalorisation négative de la dotation générale de fonctionnement ;

Ils ont ensuite inséré un certain nombre d'articles additionnels après l'article 59 visant principalement à harmoniser et simplifier les différents régimes d'exonérations fiscales et sociales existants en zones urbaines sensibles, zones de redynamisation urbaine et zones franches urbaines.

D. UN ACCUEIL ÉGALITAIRE DES ÉTRANGERS : LE NOUVEAU SERVICE PUBLIC DE L'ACCUEIL DES ÉTRANGERS

Le dernier volet du projet de loi destiné à favoriser l'égalité des chances concerne la constitution d'un grand service public d'accueil des étrangers.

Celle-ci prend place, plus généralement, au sein de la politique d'intégration, facteur de cohésion sociale, qui demande à être refondée - souci exprimé par le Président de la République dès le 14 octobre 2002 lors d'un discours à Troyes.

Cette vaste politique concerne donc des domaines assez divers, qu'il s'agisse de la politique d'hébergement spécialisé des demandeurs d'asile, de la lutte contre les discriminations ou de l'accueil des nouveaux immigrants.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale pérennise et prolonge un service public de l'accueil des nouveaux migrants qui avait commencé à être créé.

1. L'expérimentation d'un service public de l'accueil des nouveaux migrants

Dès 1998, un dispositif expérimental d'accueil des nouveaux migrants a été lancé. Il était fondé sur l'action de l'Office des migrations internationales, à l'occasion des examens médicaux liés à l'introduction en France, mais en étant, pour l'essentiel, réservé aux bénéficiaires du regroupement familial.

Dans son rapport pour l'année 2001, le Haut conseil à l'intégration avait proposé la création d'une agence regroupant les moyens de l'Office des migrations internationales et du Service social d'aide aux émigrants. Cette proposition avait été reprise par un rapport de la Cour des comptes de 1994. Par ailleurs, le Haut conseil avait aussi proposé la création d'un contrat d'accueil destiné à tout nouvel immigrant.

C'est au regard de ces propositions que le gouvernement a décidé, lors du comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, la création d'une Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, qui voit le jour avec le présent projet. Mais deux décrets relatifs à des questions statutaires et indemnitaires avaient déjà été publiés en janvier 2004.

Un certain nombre de mesures ont donc accompagné l'annonce de cette création, avant même qu'elle ne soit inscrite dans la loi. C'est ainsi qu'a été rétablie la « taxe OMI » perçue, aux termes de la loi de finances pour 2003, à l'occasion de l'entrée en France de certaines catégories d'étrangers, et créée une taxe relative aux certificats d'hébergement par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Par ailleurs, dans la perspective de la généralisation du service public de l'accueil des nouveaux immigrants, six nouvelles plates-formes d'accueil régional ont été créées en 2004 : on en dénombre désormais seize. Dans les départements de faible immigration, existent des équipes mobiles de l'agence. L'objectif est d'assurer la couverture de la totalité des régions au cours de l'année 2005.

Dès juillet 2003, le contrat d'accueil et d'intégration a été proposé aux nouveaux immigrants. Ce lancement a eu lieu dans douze départements. On dénombrait au 31 décembre 2003 plus de 8000 signataires, cependant que la généralisation était entreprise dès 2004 avec un passage à 45 000 nouveaux contrats et doit concerner en 2005 tous les nouveaux arrivant soit plus de 100 000 personnes.

Parallèlement, les efforts de financement des formations se sont accrus. En 2004, les crédits qui y étaient consacrés s'élevaient à 33 millions d'euros : aux termes de projet de loi de finances pour 2005, 20 millions d'euros supplémentaires sont prévus, et c'est une somme de 12 millions d'euros qu'il convient de rajouter encore, aux termes du présent projet de loi de programmation pour la cohésion sociale en 2006 : à cette date, le total sera donc porté à 65 millions d'euros par an.

2. La consécration législative de ce dispositif aux termes du présent projet

C'est donc un dispositif dont l'élaboration est déjà bien engagée que vient consacrer le présent projet.

a) La création de l'Agence nationale pour l'accueil des étrangers et des migrations

L'article 60 du projet procède à cette création, par l'intégration à l'Office des migrations internationales du Service social d'aide aux émigrants (SSAE).

b) Le contrat d'accueil et d'intégration

Inscrit dans la loi (article 61), ce nouveau contrat voit donc désormais assurée la perspective de sa généralisation.

c) Les programmes régionaux d'intégration des populations immigrées

Ces programmes, qui existent déjà dans certaines régions, doivent constituer un outil au service d'une politique d'intégration cohérente dans les différentes collectivités territoriales. Ce cadre de programmation aura vocation à engager les services de l'Etat notamment en ce qui concerne les plans départementaux d'accueil des nouveaux immigrants, mais aussi plus généralement pour l'ensemble des actions relatives aux résidents étrangers installés durablement dans le pays. Leur existence est désormais consacrée à l'article 61 du projet.

Un certain nombre d'autres dispositions viennent en outre enrichir cette construction :

- les articles 63 et 64 tirent les conséquences de l'existence de ces nouveaux dispositifs : l'article 63 regroupe ainsi dans le code de l'action sociale et des familles la mention faite aux deux établissements publics administratifs de l'Etat que sont l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations et le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations ; l'article 64 aménage les modalités d'intégration du Service social d'aide aux émigrants (SSAE) à la nouvelle Agence ;

- l'article 62 rend nécessaire une connaissance suffisante de la langue française ou l'engagement à l'acquérir après l'installation en France pour les étrangers entrés en France en vue d'y exercer une profession salariée ;

- l'article 65 permet de résoudre une question plus ponctuelle, destinée à permettre de droit la francisation des prénoms des personnes ayant acquis ou recouvré la nationalité française dont les prénoms avaient été francisés par l'administration française, en particulier après la guerre, mais dont l'acte de naissance porte encore mention du ou des prénoms d'origine - sous la réserve que la preuve soit apportée de l'utilisation de ces prénoms.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DES MINISTRES

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville, et M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale au cours de sa séance du mardi 9 novembre 2004.

Le président Jean-Michel Dubernard a accueilli les ministres en pronostiquant que le plan de cohésion sociale présenté aujourd'hui constituera certainement, en matière de politique sociale, l'un des temps les plus forts de la législature.

Le projet de loi de programmation examiné aujourd'hui traduit les engagements de ce plan. Il comporte des mesures législatives dans de très nombreux domaines : l'organisation des services de l'emploi, l'accompagnement des jeunes sans qualification, la relance de l'apprentissage, la simplification des contrats aidés dans le cadre de la politique de l'emploi, l'accompagnement des restructurations, le logement, le surendettement, la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes au travail et l'accueil des étrangers.

Ce plan a aussi le mérite d'engager financièrement l'Etat pour cinq ans : il prévoit, par exemple, la mise en place de 300 maisons de l'emploi, l'entrée d'un million de titulaires des minima sociaux en contrats d'avenir ou encore la construction de 500 000 nouveaux logements sociaux.

Face à la variété des thèmes concernés par la cohésion sociale, il va falloir dégager aujourd'hui les principales lignes de force de ce projet et mettre en lumière les grands débats qu'il justifie.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, a tout d'abord précisé que le projet de loi adopté par le Sénat n'est qu'un des éléments du plan de cohésion sociale conçu par les six ministres concernés. Ce plan conjugue ambition, en raison de la nature du sujet traité, et humilité dans le contenu des sujets traités.

Par exemple, il ne prévoit pas une grande réforme fiscale mais se contente d'apporter une aide financière aux villes en difficulté. Il ne réforme pas l'institution scolaire mais apporte une aide aux enfants en difficulté dès la maternelle. Le diagnostic social de la France révèle l'attribution d'un pourcentage élevé du PIB en faveur des actions de protection sociale mais, en regard, des taux de performance très faibles. Le RMI par exemple avait été conçu pour 300 000 bénéficiaires, il concerne aujourd'hui entre 1,1 et 1,2 million de personnes et le taux de sortie en est très faible.

Le plan de cohésion sociale tire les conséquences d'un système à bout de souffle. En matière de logement conventionné, la production a été réduite de moitié et dans le même temps le nombre de logements insalubres a été multiplié par trois. Le taux de logements vacants est en forte hausse dans les quartiers déshérités et les écarts de niveau de vie se creusent. Le programme aura une durée de vie de cinq ans. Il est adossé au plan de rénovation urbaine mis en œuvre il y a dix-huit mois et qui vise à casser les ghettos et à améliorer la qualité de vie dans les cités. Sur le même modèle, le plan de cohésion sociale comprend une vingtaine de programmes contenus dans le projet de loi.

Le domaine de la cohésion sociale est si complexe que les arbitrages lui ont toujours été défavorables au cours des dernières années : c'est pourquoi il faut désormais une action forte, lisible, durable, ce à quoi répond une loi de programmation. Il s'agit à la fois de réparer les blessures sociales et de préparer l'avenir en s'appuyant sur une ressource principale qui est la ressource humaine, à savoir les 4 millions de personnes en difficulté. La France a le taux d'activité le plus faible d'Europe, particulièrement chez les jeunes et les plus de 50 ans. Elle va devoir affronter le choc démographique des années 2007 à 2012 qui va se traduire par une surchauffe de l'emploi et un déficit de main-d'œuvre.

Le plan comporte plusieurs axes. Tout d'abord celui de l'emploi, pour lequel beaucoup de structures existent ; mais celles-ci manquent de transparence dans le domaine de la prévision des besoins et de l'accompagnement. Il faut réactiver et optimiser le fonctionnement et le rôle des associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC), de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), des missions locales, des collectivités locales et des partenaires sociaux. La France a le plus faible taux de personnel pour accompagner les demandeurs d'emploi et c'est la raison de la création des maisons de l'emploi qui seront, selon des formules adaptées, à la disposition des élus locaux. Il faut également simplifier les contrats aidés et les rendre adaptables quant à la durée et aux taux de financement. Un nouveau dispositif géré au plus près des besoins et mêlant emploi et formation est constitué par les contrats d'avenir. Ils sont prévus pour une durée de deux plus une année avec l'objectif d'une sortie beaucoup plus rapide à chaque fois que c'est possible. Le taux de sortie visé devrait atteindre 67 %. Ils s'adressent aux bénéficiaires des minima sociaux.

Le second axe vise le problème des jeunes car les jeunes de seize à vingt-quatre ans connaissent un taux de chômage de 60 %, ce qui est intolérable. Trois dispositifs sont proposés :

- La relance de l'apprentissage est engagée, avec une formule permettant de concilier l'intérêt de l'enseignement des lycées technologiques et professionnels et celui des centres de formation d'apprentis, sous le contrôle d'un tuteur présent à toutes les étapes et jusqu'à la fin du contrat ; la reprise d'un certain nombre de mesures du Livre blanc de 2003 consacré à l'apprentissage confèrent en outre aux apprentis un véritable statut.

- L'accès par l'alternance aux trois fonctions publiques pour les jeunes très éloignés de l'emploi, pour lesquels un tiers des postes seront réservés, est encouragé.

- La prise en compte du problème du logement, qui connaît une crise aussi grave qu'en 1954 tant en ce qui concerne la quantité que la qualité, et de l'hébergement d'urgence. La production des logements locatifs sociaux s'élevait en 1999 à 38 430 logements alors que la France sait produire jusqu'à 80 000 logements locatifs sociaux par an. Il faut aussi réhabiliter le parc des logements privés vacants qui compte 2 millions de logements. L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) a mis en route un programme de réhabilitation et de remise sur le marché de 40 000 logements par an. Il faut ensuite relancer l'accession sociale à la propriété et doubler ou même tripler la production de logements locatifs sociaux de 1999, pour atteindre un rythme de 120 000 logements conventionnés par an. Le déblocage de 210 millions d'euros par l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) dans le cadre de la convention passée avec l'Etat est une avancée significative.

La politique de rénovation urbaine mise en place il y a dix-huit mois fonctionne bien, avec des commandes de travaux pour un coût de 6,250 milliards d'euros en 2004 ; 70 % des conventions de rénovation urbaine seront signées avant fin 2004 et la réfection des quartiers pourrait finalement s'élever à 20 ou 30 milliards d'euros. Le présent projet de loi prévoit une augmentation du programme de rénovation urbaine qui va atteindre 40 milliards d'euros dont 4 milliards à la charge de l'Etat.

Il s'agit également de rétablir une véritable égalité des chances. Sans prétendre au grand soir de la fiscalité locale, il faut venir en aide aux 130 ou 140 villes orphelines. La dotation de solidarité urbaine (DSU) doit être multipliée par deux, soit une augmentation de 600 millions d'euros. Il faut en finir avec ces villes où résident un très grand nombre de jeunes et qui sont totalement déficitaires.

Ce projet de loi comprend en outre des mesures concernant l'enseignement qui ont pour objectif de corriger certains dysfonctionnements sociaux perturbant gravement la scolarité des enfants. Des crédits d'un montant de 500 000 euros seront dégagés pour permettre dans certaines zones comme celles éligibles à la DSU ou constituant des zones d'éducation prioritaire (ZEP) de mettre en place des cellules d'accompagnement pour épauler les parents ayant des difficultés à jouer leur rôle éducatif. Ces équipes devraient rassembler un représentant des parents d'élèves, un élu local, un élu du département et un représentant des caisses d'allocations familiales.

Concernant l'égalité des chances, il convient de saluer la signature de chartes pour favoriser la lutte contre les discriminations dans le milieu professionnel. Plusieurs entreprises se sont mobilisées pour faciliter l'intégration des jeunes issus de l'émigration et il convient de s'interroger pour savoir si le Parlement souhaite encadrer plus étroitement ce dispositif novateur.

Quant aux articles de ce projet de loi de programmation qui traitent des plans sociaux dans les entreprises, il convient de souligner qu'ils résument les points de consensus qui sont apparus entre les partenaires sociaux. Jusqu'ici les mesures d'accompagnement des plans sociaux étaient l'apanage des grandes entreprises alors que les autres salariés étaient souvent mis devant le fait accompli d'une fermeture de leur usine sans pouvoir bénéficier de congés de conversion. Les points d'accord entre partenaires sociaux sont aujourd'hui importants, ils concernent la nécessité de prévoir la dégradation économique de l'entreprise, d'assurer une formation pour reconvertir les salariés et de mettre en place des congés de conversion d'une durée de huit mois. En revanche aucun accord n'a pu être trouvé sur la définition de la mutation économique qui autorise des mesures de reclassement du personnel. Le gouvernement n'a pas voulu définir dans ce projet de loi la notion de mutation économique et juge préférable de laisser le soin à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation de fixer des critères objectifs en la matière.

En conclusion ce projet de loi repose sur l'idée fondamentale qu'il ne peut exister de développement économique durable sans une dimension sociale. Les personnes sont au cœur du système économique et doivent rester la pierre angulaire de toutes les politiques. Un pays développé comme la France ne peut se satisfaire du nombre croissant de laissés pour compte du système économique et notre système social doit gagner en efficacité pour réinsérer ces personnes.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre pour cette présentation synthétique et a tenu à souligner que le texte n'est pas aussi complexe que certains ont voulu le dire et a une cohérence interne : il affirme une ambition certaine, celle d'œuvrer à la cohésion sociale pour en finir avec la marginalisation de nombreux quartiers.

A la demande de M. Gaëtan Gorce, qui a souhaité que la discussion des articles du projet de loi en commission ne se poursuive pas le mercredi 17 novembre après-midi comme prévu, car le budget de l'emploi est discuté à ce moment-là en séance publique, le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que cette réunion est avancée au mardi 16 novembre à 21 h 30, la date des autres réunions demeurant inchangée.

Après l'exposé du ministre, Mme Françoise de Panafieu, rapporteure, s'est félicitée de l'aspect global de ce texte qui traite à la fois des questions d'emploi, de logement et d'égalité des chances, soulignant qu'elle a organisé quarante auditions et que ses interlocuteurs ont trouvé très positif que l'ensemble des aspects de l'insertion sociale soit traité dans ce texte.

Concernant l'emploi, il est urgent de faire coopérer l'ANPE et l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) afin de fédérer leurs efforts pour la réinsertion des chômeurs. Il convient en effet de déplorer des aberrations telles que la non-compatibilité des logiciels entre ces deux structures qui ont pourtant une mission commune.

La création de maisons de l'emploi est une mesure novatrice et les expériences menées dans certaines villes comme Rueil-Malmaison ou la région Rhône-Alpes prouvent l'efficacité d'une fédération des initiatives pour l'emploi. Certaines interrogations sont apparues cependant en raison de la flexibilité laissée à ces futures structures sans que l'on sache si ces maisons de l'emploi seront des structures nouvelles ou s'il sera possible de fédérer des organismes existant. De même, il faut se demander ce qu'il en sera de leur structure juridique : pourront-elles être organisées sous la forme d'un groupement d'intérêt public ?

En ce qui concerne le service public de l'emploi, qui reçoit enfin sa consécration législative, il y a une interrogation sur l'échelon intermédiaire entre la maison de l'emploi et le niveau national. Plusieurs interlocuteurs ont souligné l'importance de l'échelon régional, notamment pour les formations des demandeurs d'emploi : comment seront coordonnées les actions de l'Etat, des régions et de l'ANPE et des acteurs de l'alternance ? Ne faut-il pas imaginer un instrument de coordination régionale ?

La question du contrôle des demandeurs d'emploi est un sujet très sensible. La définition de l'emploi convenable est particulièrement délicate, mais l'idée que la contrepartie de l'indemnisation doit consister en une recherche active d'emploi est bien mieux admise. Il y a aussi un agacement évident chez les gestionnaires de l'assurance chômage, patronat et syndicats, quant au traitement fait par les services de l'Etat à leurs signalements de situations douteuses. On ne peut que se demander si le dispositif proposé peut évoluer pour concilier encore mieux le respect des droits des demandeurs d'emploi - on peut penser à une procédure collégiale - et plus d'efficacité et de reconnaissance de l'action des services des ASSEDIC.

La réforme des contrats aidés et leur inscription dans une programmation ambitieuse sont réellement appréciées par la plupart des personnes auditionnées. Un effort important de simplification est opéré. Mais ne faut-il pas aller plus loin, même si l'on n'atteint pas le contrat unique d'insertion ? Il existe trois grandes familles de dispositifs d'insertion : ceux que l'Etat pilote et finance à des degrés divers, qui peuvent être mis en œuvre par des collectivités locales, comme le contrat d'avenir ; ceux que gèrent les partenaires sociaux, comme les contrats de qualification devenus de professionnalisation, qui bénéficient principalement mais pas uniquement aux jeunes ; ceux que des collectivités territoriales, notamment des régions, envisagent de lancer de leur côté. Pourrait-on imaginer, par exemple, que le principe d'activation des minima sociaux qui caractérise les RMA et contrats d'avenir puisse s'appliquer à tout contrat dès lors qu'il répondrait à certaines prescriptions en matière d'accompagnement, de formation et de suivi individualisé ?

S'agissant du contrat d'avenir, il faut prêter attention à ce que le dispositif que l'on établira soit opérationnel, afin d'atteindre l'objectif d'un million de personnes qui en bénéficieront. A cet égard, on peut s'interroger sur le dispositif de pilotage associant départements et communes ou intercommunalités, sans désigner de collectivité « chef de file ». Sans la désignation d'une collectivité compétente et responsable, on peut craindre de grosses difficultés juridiques : que se passera-t-il là où de grosses communes, des agglomérations, seront en désaccord avec le département sur la manière d'orienter et de gérer le dispositif ?

Par ailleurs, la convention de contrat d'avenir devra être signée par cinq personnes : l'autorité attribuant l'aide, c'est-à-dire le maire ou le président du conseil général ; le représentant de l'Etat ; l'employeur ; le titulaire du contrat ; enfin, même s'il n'est pas nommé, le représentant de la collectivité qui verse le minimum social qui sera activé. Ne faut-il pas trouver un dispositif plus simple ?

S'agissant de l'apprentissage, le projet présenté affiche un objectif ambitieux et prometteur : 500 000 apprentis d'ici quelques années, ce qui représente un réel progrès pour l'emploi des jeunes. Il faut saluer le travail réalisé par le Sénat concernant la rénovation du statut de l'apprenti qui prévoit notamment la création d'une véritable « carte d'apprenti », au même titre que pour tout étudiant, et qui aménage les modalités de rémunération de l'apprenti ou la fiscalité qui y est applicable.

L'incitation à l'apprentissage se veut également financière. Les interlocuteurs ont manifesté leur scepticisme face aux dispositions envisagées. L'économie générale du dispositif - un crédit d'impôt venant en contrepartie de la suppression des exonérations au titre de la taxe d'apprentissage et de la création d'une contribution au développement de l'apprentissage par le projet de loi de finances pour 2005 - est bien comprise au plan macroéconomique. Mais qu'en sera-t-il au plan microéconomique, dans chaque entreprise ? Quel chiffrage et quelles estimations ont pu être réalisés ? Ne doit-on pas craindre que le nouveau crédit d'impôt soit à l'origine de certaines inégalités parmi les bénéficiaires ?

Par ailleurs, la suppression des exonérations au titre de la taxe d'apprentissage ne va-t-elle pas engendrer de la part des entreprises, comme le craint le Conseil économique et social dans son avis du 31 août 2004, des transferts financiers au détriment de la formation tout au long de la vie ?

L'annonce d'un dispositif de financement de l'apprentissage plus simple et plus transparent est accueillie par tous de manière favorable. Les lois de 1996 et 2002 ont eu des effets positifs mais la méthode utilisée ici se caractérise par une réelle ambition : conclusion de contrats d'objectifs et de moyens au service d'un développement qualitatif et quantitatif de l'apprentissage, établissement du principe de l'intermédiation obligatoire des organismes collecteurs de taxe d'apprentissage pour tout versement avec maintien du principe de libre affectation, renforcement des contrôles sur l'ensemble de ces sommes et établissement d'un droit de suite au profit des corps d'inspection jusque dans les organismes bénéficiaires - sans même évoquer davantage ici la réforme du mécanisme dit du barème.

Des questions demeurent quant à la spécificité des contrats d'objectifs et de moyens. Quelle est la philosophie propre à l'établissement de ces contrats ? Comment adapter ces mesures relatives à l'apprentissage à la réalité des besoins en emploi des entreprises ?

M. Jean-Paul Anciaux, qui fut rapporteur de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie, sera certainement amené, compte tenu de son expérience en la matière, à interroger le ministre sur la coordination entre l'enseignement professionnel et l'apprentissage et il développera donc la prise en compte par le présent projet de cet aspect de la formation des jeunes.

En matière de logement, l'intérêt majeur de ce projet de loi réside dans le fait que l'ensemble des segments du secteur social du logement est concerné, de l'hébergement d'urgence jusqu'au parc privé. Il faut saluer la programmation des crédits sur cinq ans, visant à créer 500 000 nouveaux logements d'ici 2009, qui sera complétée par le programme national de rénovation urbaine tel qu'il a été prévu par la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Quelle sera la contribution respective des multiples partenaires qui interviennent pour financer le logement social, collectivités locales, mouvement HLM, 1 % logement, Caisse des dépôts et consignations ? Comment convaincre les collectivités locales de travailler de concert sur ce sujet ?

Ce projet de loi s'inscrit par ailleurs dans un contexte législatif foisonnant pour le logement social : la future loi de programmation pour la cohésion sociale doit être complétée d'une autre loi dite « habitat pour tous », dont les contours ne sont pas encore entièrement connus. Par ailleurs, la loi sur les libertés et responsabilités locales, adoptée le 30 juillet 2004, va profondément et durablement modifier la définition et la mise en œuvre de la politique du logement, puisqu'elle sera désormais déclinée au niveau territorial. Enfin, l'Agence nationale de rénovation urbaine, créée en 2004 pour mettre en œuvre le programme national de rénovation urbaine, distribue également des aides à la construction, à la rénovation et à la démolition de logements locatifs sociaux. Comment s'articuleront les dispositions du projet de loi et celles des autres textes ? N'y a-t-il aucun risque de multiplication des guichets et d'incohérences ?

S'agissant de l'accueil d'urgence et de l'hébergement, le texte distingue clairement l'accueil d'urgence et l'hébergement d'insertion et favorise la création de places pérennes. Comment envisager de meilleures conditions d'accompagnement des personnes logées en hébergement d'urgence et comment accueillir les ménages qui ne peuvent prétendre accéder au logement social parce qu'ils sont, soit en attente d'une régularisation administrative de leur situation, soit en situation irrégulière ?

Quant au logement locatif social, le gouvernement entend utiliser plusieurs moyens dans ce secteur : la construction de nouveaux logements dans des conditions de financement favorables, la poursuite du programme de rénovation urbaine, la production d'une offre foncière suffisante et la solvabilisation des ménages. Pourquoi le projet de loi ne comporte-t-il pas de programmation de crédits destinés à la réhabilitation des logements locatifs sociaux, la dégradation matérielle du parc précédant toujours une dégradation sociale des quartiers ?

L'exonération prévue de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant 25 ans, au lieu de 15, sera-t-elle intégralement compensée par l'Etat et strictement limitée aux opérations menées à bien au titre du programme ? Concernant la mobilisation du foncier, même si aucune disposition n'apparaît dans le projet de loi, qu'en est-il de la mise sur le marché de terrains publics, actuellement détenus par quelques grands ministères (équipement, défense...) ?

S'agissant enfin de l'amélioration du parc privé, les dispositions de programmation des aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) sont très importantes pour l'avenir du logement locatif en France. En effet, à côté des bailleurs sociaux, notre pays doit disposer d'un parc locatif privé plus dynamique, mieux entretenu. Il convient de se féliciter du message adressé par ce projet de loi aux bailleurs privés qui seront ainsi incités à réinvestir dans le secteur de la location intermédiaire, voire sociale. La crainte des impayés conduit certains propriétaires à refuser de louer leur logement à des ménages modestes : ne pourrait-on imaginer, lorsque les logements font l'objet d'un conventionnement avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, la mise en place d'un système de garantie pour les propriétaires qui acceptent de loger des ménages sous conditions de ressources et plafond de loyers ? L'affectation d'une partie du produit de la contribution sur les revenus locatifs à une caisse de garantie ne serait-elle pas envisageable ?

Concernant l'égalité des chances en matière d'éducation, il est urgent de revaloriser l'image de l'apprentissage qui doit retrouver ses titres de noblesse. Il est en effet indispensable de trouver des solutions adaptées pour éviter que des jeunes sortent sans qualification du système scolaire et n'aient d'autre solution que de percevoir des minima sociaux.

En conclusion, ce texte doit être salué pour son ambition et son originalité, mais sa réussite dépendra largement de la capacité à mettre en œuvre une véritable programmation financière. Cet aspect est particulièrement délicat compte tenu de la situation des finances publiques mais l'impératif de la cohésion sociale exige un effort sans précédent en la matière.

M. Dominique Dord, rapporteur, a indiqué qu'il a la charge des dispositions contenues dans la lettre rectificative qui sont consécutives à la suspension de la loi de modernisation sociale, tout en étant directement en phase avec l'objet même du projet de loi de programmation. Le licenciement économique est au cœur des relations sociales et il en est le sujet le plus difficile car le plus conflictuel. Le projet de loi propose donc de renforcer la sécurité des salariés tout en permettant l'adaptation des entreprises.

Dans ce but, il convient que les entreprises puissent anticiper au maximum les situations susceptibles de déboucher sur des licenciements économiques. A cet égard, l'obligation de réunir tous les trois ans les partenaires sociaux dans l'entreprise est une proposition qui doit être saluée et qui n'a fait l'objet d'aucune objection lors des auditions des rapporteurs.

Il convient également de favoriser autant que possible le dialogue au cours des procédures de licenciement économique. La généralisation de l'accord de méthode, expérimenté en application de la loi du 3 janvier 2003, va en ce sens. Concernant la définition du licenciement économique, il est souhaitable que la jurisprudence de la Cour de cassation soit confortée par les travaux préparatoires et les débats de la présente loi. En matière de reclassement, le projet de loi propose une avancée importante en donnant aux salariés des plus petites entreprises le même type de protections que celles dont bénéficient les salariés des plus grandes entreprises. Par ailleurs, en dépit de la polémique sur les délais de recours concernant les procédures de licenciements, le projet de loi propose un compromis raisonnable en fixant ce délai à un an.

Les partenaires sociaux ont compris qu'il n'y avait pas de volonté de revanche de la part du gouvernement. Les dispositions du projet de loi de programmation sont équilibrées et établissent une juste mesure entre les multiples revendications sociales. Il ne sera pas proposé de remettre en cause le fruit de ce dialogue entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Toutefois, trois questions restent posées :

- Concernant les accords de méthode, des accords de branche sont-ils envisageables afin de couvrir les PME et, dans l'affirmative, selon quelles modalités ? Par ailleurs, les accords de méthodes doivent-ils avoir une durée de vie illimitée ou peut-on prévoir leur renégociation de manière périodique, par exemple tous les cinq ans ?

- Concernant le bilan et le mode d'évaluation, le Sénat a ajouté un article au projet de loi qui va dans le bon sens. Quelle est l'appréciation du gouvernement à son sujet ?

- Dans les conventions de reclassement personnalisé, l'Etat ne sera pas le seul partenaire à s'engager. Comment inciter l'employeur et l'assurance chômage à s'engager ?

M. Georges Mothron, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a indiqué qu'il fondera son rapport sur les enseignements de son expérience de député élu dans une banlieue parisienne très urbanisée et de maire d'une ville de 100 000 habitants dont le territoire possède des zones urbaines sensibles (ZUS), des zones d'éducation prioritaires (ZEP) et des zones où le taux de logement social dépasse les 40 %. Ce rapport sera inspiré de la vie de tous les jours et soutiendra le projet de loi de programmation dont les dispositions marquées par une grande homogénéité constituent une réponse attendue depuis longtemps par ceux qui cherchent à éviter une explosion sociale dans les cités.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, a fait valoir que le projet de loi est marqué par un grand volontarisme. Alors que les lois du marché ne peuvent pas tout régler, il est du devoir des pouvoirs publics de s'impliquer dans le travail de cohésion sociale. La commission des finances souhaite avant tout ne pas créer de nouvelles procédures administratives ou de nouvelles structures qui s'ajoutent à celles existantes. Il convient de donner aux acteurs locaux non pas des moyens supplémentaires mais le maximum de souplesse et des instruments dont l'utilisation peut être facilement adaptée aux situations locales.

En réponse aux rapporteurs et rapporteurs pour avis, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, a donné les éléments d'information suivants :

- Le gouvernement a choisi la souplesse au risque même d'inquiéter les partenaires sociaux. Ainsi, le projet de loi de programmation n'impose-t-il aucune forme juridique aux maisons de l'emploi qui peuvent donc être constituées sous la forme d'une association, d'un groupement d'intérêt public ou même de manière immatérielle par une mise en réseau électronique. Il en va de même des dispositifs de réussite éducative, qui peuvent être constitués par la caisse des écoles, un groupement d'intérêt public, un établissement public local d'enseignement ou toute autre structure. Toutefois le gouvernement a choisi d'être plus directif en matière de contrats d'avenir car tous les dispositifs antérieurs ont échoué. Pour être efficace, il convient de forcer l'engagement écrit d'une collectivité territoriale financeur, de l'Etat, d'un employeur et d'un salarié bénéficiaire ; quant à l'option sur la gestion entre le département et le niveau communal, elle vise à garantir la mise en œuvre des contrats d'avenir même en cas de blocage d'une collectivité. Le gouvernement sera cependant pragmatique : si au bout de six mois d'application il s'aperçoit qu'il est nécessaire de faire évoluer le mécanisme, il le proposera. Mais sans attendre il est indispensable de mettre en place cette procédure afin d'arrêter de créer des emplois publics précaires ou dégradés qui perpétueraient les échecs passés.

- La suggestion de M. Dominique Dord, rapporteur, relative aux accords de méthode de branche est intéressante ; de même, la proposition relative à la limite de durée de ces accords est à étudier.

- S'agissant du reclassement, il se fait évidemment avec l'accord des partenaires sociaux par l'intermédiaire d'une convention nationale des partenaires sociaux. Il convient de rappeler que la négociation interprofessionnelle a dégagé de nombreux points d'accord ; elle a essentiellement échoué sur la définition du licenciement économique. L'efficacité du reclassement exige en outre la mobilisation de tous les acteurs dans le bassin de reconversion. Une mission a été constituée afin d'étudier la possibilité de créer dans chaque ville quelque chose ressemblant à une caisse d'intégration locale, sur le modèle italien. Il est essentiel de faire jouer les mécanismes d'anticipation et de mobiliser les acteurs publics et privés.

- Concernant l'apprentissage, la disposition du projet de loi de finances pour 2005 portant création d'une contribution au développement de l'apprentissage, dont le taux doit passer de 0,06 % à 0,18 % de la masse salariale en trois ans, est proposée en accord avec les entrepreneurs ; elle rencontre les besoins des entreprises. Son taux restera inférieur à celui en vigueur en Allemagne. Il faudra compléter l'effort financier par un rapprochement avec l'enseignement professionnel. L'objectif est d'aboutir à 500 000 apprentis, mais les besoins des entreprises existent à hauteur de 600 ou 700 000 apprentis. L'opération bénéficiera aux entreprises, notamment aux petites entreprises de moins de six salariés qui profiteront des mécanismes d'exonération.

- Le Sénat a effectué un travail remarquable : le projet de loi a dû être rédigé rapidement et le Conseil économique et social a accepté de travailler durant l'été ; hors de son examen par le Sénat, 250 amendements ont été adoptés.

- La forme que devra revêtir la maison de l'emploi reste à déterminer : il y aura sans doute un modèle différent pour chaque ville ou pour chaque pays.

- Le dossier unique du demandeur d'emploi sera bien imposé dans le cadre de la convention nationale. Il faut mettre fin à une certaine gabegie et à la multiplicité des « back offices » administratifs.

- Enfin, s'agissant des contrats aidés, on pourrait effectivement aller jusqu'au bout de l'activation.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville, a apporté les précisions suivantes :

- Dans le domaine de la politique du logement, tous les leviers d'action sont utilisés, qu'il s'agisse du projet de loi ou de dispositions spécifiques, dont la plus récente est le nouveau barème du prêt à taux zéro (PTZ).

- Le financement des opérations mobilise tous les acteurs : l'Etat, les bailleurs sociaux et les organismes collecteurs du 1 % logement, par le biais de la convention passée avec l'Union d'économie sociale pour l'habitat (UESL), le but étant d'aboutir à la territorialisation des objectifs. Dès l'adoption de la loi, une convention sera signée avec les bailleurs sociaux, représentée par l'UESL. La Caisse des dépôts et consignations a par ailleurs accepté de déconcentrer ses prêts. La négociation relative aux conventions de délégation des aides à la pierre sera conduite avec les collectivités locales.

- La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ne vient pas contrarier cette nouvelle politique de logement.

- En sus des dispositions « logement » de ce projet de loi, le gouvernement déposera bientôt un projet de loi « habitat pour tous ». Si le plan de cohésion sociale est une réponse adaptée, d'autres actions sont nécessaires, notamment en ce qui concerne l'accession à la propriété, l'urbanisme et le foncier. A titre d'exemple, est-il nécessaire de durcir les pénalités prévues à l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, pour les communes qui ne veulent absolument pas construire de logement social ? Faut-il à l'inverse renforcer les incitations destinées aux maires bâtisseurs ? Ces modifications appellent une concertation préalable. Sur le foncier, l'Etat doit montrer l'exemple : ainsi, une convention a été conclue afin de récupérer les terrains auprès d'organismes publics, particulièrement auprès de Réseau ferré de France (RFF). Cependant, cela ne suffit pas. Il reste à déterminer le prix d'équilibre social de la cession de ces terrains.

- S'agissant de la réhabilitation, les dispositifs existants mobilisent déjà des crédits d'un montant significatif qui permettent la réhabilitation de 40 000 logements. Il faut maintenir l'effort. L'investissement sera accompagné par des crédits bonifiés à 2,95 % de la Caisse des dépôts et consignations.

- L'exonération de la taxe foncière sur le bâti, portée de 15 à 25 ans, sera compensée intégralement par l'Etat, conformément à un amendement voté au Sénat.

- Concernant l'habitat privé, le problème central est de rendre confiance aux bailleurs privés. Il existe certes des mécanismes d'assurance en cas d'impayés mais les organismes concernés font du « scoring » (le coût de l'assurance est plus élevé pour les bailleurs louant sous condition de ressources et de plafond de loyer), ce qui n'est pas acceptable. Il faudrait effectivement mutualiser le risque locatif sans alourdir le dispositif par de nouvelles taxes.

- L'article 59 du projet de loi procède à une réforme en profondeur de la dotation de solidarité urbaine.

M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a souligné que 472 millions d'euros sont budgétés au profit du crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage. Même si l'on prend en compte la création de la contribution au développement de l'apprentissage, le solde s'élève encore à environ 280 millions d'euros. Au plan microéconomique, une entreprise de moins de dix salariés peut voir ses coûts augmenter de 380 euros, mais l'existence d'un crédit d'impôt de 1 600 euros lui permet de rester « gagnante ». Enfin, même les entreprises qui ne paient pas d'impôt sont, au total, bénéficiaires.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, a expliqué que le gouvernement souhaitait renforcer les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). Ainsi l'article 40 du projet accorde une priorité en matière de logements sociaux pour les personnes en CHRS. Des places en maisons relais sont créées de manière pérenne : 4 000 places sont créées en CADA, ce qui permet d'éviter l'hébergement en hôtel, formule à la fois inhumaine et très coûteuse ; 1 800 places seront créées en CHRS. A terme, l'objectif est de disposer d'environ 100 000 places, chiffre auquel s'ajoutent 6 000 places d'hiver. L'effort financier annuel atteint 768 millions d'euros en 2005 et 3 938 millions d'euros sur cinq ans.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, a apporté les précisions suivantes :

- Concernant le statut de l'apprenti, le Sénat a adopté, entre autres, le principe d'une carte d'apprenti ouvrant droit à réductions tarifaires. Cette disposition avait été écartée par le Conseil d'Etat, qui avait considéré qu'elle ne relevait pas de la loi.

- Dès la fin du mois de juillet, les négociations sur le contrat de travail de l'apprenti ont été entamées. Elles portent à la fois sur la rémunération de l'apprenti et les « à-côtés ». Le nouveau Fonds de développement et de modernisation de l'apprentissage devrait financer des actions d'amélioration des conditions de vie.

- Depuis 1983, différentes lois ont renforcé la compétence de la région en matière d'apprentissage. C'est pourquoi l'Etat va signer des contrats d'objectifs et de moyens avec ces collectivités. Ces conventions porteront sur cinq objectifs : l'adaptation de l'offre, la personnalisation de l'offre, l'amélioration des conditions de vie, le préapprentissage et le programme de mobilité européenne.

- S'agissant des dispositions relatives à la taxe d'apprentissage, les entreprises seront gagnantes grâce au mécanisme du crédit d'impôt, qui procurera un gain évalué à 472 millions d'euros. Il s'agit plus que d'une simple compensation. Le mécanisme du crédit d'impôt permet de s'adapter à chaque employeur. Il pénalise les entreprises qui ne jouent pas le jeu. A titre d'exemple, en 2005 une entreprise de 70 salariés compensera ses coûts nouveaux par la présence d'un seul apprenti.

- Les risques évoqués par la rapporteure sur le financement de la formation tout au long de la vie doivent être relativisés. La possibilité d'imputation de certaines dépenses d'apprentissage sur la participation au titre de la formation professionnelle continue préexistait au présent projet. En outre, les partenaires sociaux ont eux-mêmes prévu que les fonds de la formation professionnelle continue puissent financer certaines dépenses de fonctionnement en matière d'apprentissage, aux termes de la loi du 4 mai 2004 ;

- Le gouvernement a également le souci de la souplesse nécessaire de la gestion. A ce titre, les 2 000 référents prévus sont des équivalents temps plein, les missions locales préférant souvent des prestataires. Ces missions locales pourront d'ailleurs porter juridiquement les maisons de l'emploi.

M. Denis Jacquat a tout d'abord souligné l'importance des emplois aidés. Outre qu'ils participent grandement à la vie sociale, ils redonnent à leurs titulaires un rythme de vie, les réintègrent dans la société, leur permettent de disposer d'un peu d'argent avant de les ramener vers un emploi stable. Toutefois, l'expérience de ce type d'emplois dans les zones sensibles a montré que leur efficacité dépend largement de la simplicité et de la rapidité de la procédure les entourant ainsi que du coût différentiel de ces emplois. Il faut que celui du contrat d'accompagnement dans l'emploi soit le plus bas possible : à cet égard, le passage du coût mensuel, pour les chantiers d'insertion, de 21 euros à 125 euros et le caractère dégressif de l'aide de l'Etat peuvent laisser craindre une certaine frilosité des associations et collectivités employeurs. Le même constat avait d'ailleurs été dressé lors du débat sur la création du revenu minimum d'activité au profit du secteur non marchand et l'expérience a montré que ces craintes étaient fondées.

Par ailleurs, la mise en place d'un dispositif de faillite personnelle sur le modèle de celui existant en Alsace-Moselle montre que les expérimentations locales peuvent être riches d'enseignement et méritent d'être généralisées. Il en va sans doute de même pour le préapprentissage, parfois décrié, qui fonctionne déjà très bien dans cette même région. Enfin, s'agissant du logement, il importe de prêter une attention particulière à la mobilisation des crédits nécessaire à la réhabilitation des logements, question sensible pour les bailleurs ; il s'agit de traiter le problème du « vacant diffus ».

M. Maxime Gremetz a d'emblée souligné que la réunion d'aujourd'hui ne lui permettrait guère de rendre compte des multiples questions soulevées lors de la soixantaine d'auditions qu'il a réalisées à l'instar des rapporteurs et qu'il se contentera de trois observations à caractère général, réservant les questions pour le débat en séance :

- Si l'on ne peut que se réjouir de la programmation de 12,8 milliards d'euros sur cinq ans, force est de constater le mauvais départ pris dans cette démarche puisque seul 1 milliard d'euros est prévu pour l'année 2005. La montée en charge du plan de cohésion sociale ne semble que virtuelle.

- On évoque parfois à l'occasion de ce texte le retour à l'emploi. Il s'agit là d'un terme impropre et mieux vaudrait parler de retour à l'activité. On ne peut en effet invoquer le développement de l'emploi quand, dans le même temps, on favorise les licenciements individuels et collectifs, on allège les procédures et on réduit le rôle et le droit des salariés et de leurs représentants. Avant de modifier la législation, mieux vaudrait réfléchir aux bornes posées par la jurisprudence, y compris constitutionnelle, en supprimant par exemple les mécanismes de consultation et les possibilités de suspension introduites en 1973. La réintégration ordonnée par les juges des salariés de Wolber et de Michelin, cinq ans après la disparition de leur entreprise, devrait inciter à la prudence sur ce point.

- Sur le logement, on se doit de rappeler les engagements pris par le gouvernement, dans le cadre du programme quinquennal de rénovation urbaine, de procéder à 200 000 démolitions, 200 000 reconstructions et 200 000 réhabilitations. Il faut comparer ces objectifs avec les chiffres effectivement constatés cette année à savoir 23 000 démolitions et 21 000 reconstructions. Sans doute faut-il savoir faire preuve d'un peu d'utopie mais il convient de ne pas négliger la recommandation de Marx selon laquelle point trop n'en faut.

En conclusion, si l'on ne peut qu'être d'accord avec certains des objectifs affirmés, même si le texte a été aggravé au dernier moment par les dispositions contenues dans la lettre rectificative, on ne peut qu'être incrédule sur la réalité de ces objectifs et plus encore sur celle des moyens proposés. Aussi le groupe des député-e-s communistes et républicains proposera-t-il une série d'amendements porteurs de mesures concrètes.

M. Francis Vercamer a souhaité, en ce jour du quinzième anniversaire de la chute du mur de Berlin, que le plan de cohésion sociale du gouvernement apporte davantage de cohésion sociale dans notre pays que la réunification n'en a apporté en Allemagne. Ce plan est assurément intéressant en terme de solidarité. Règle-t-il pour autant le problème de fond, celui de l'éloignement croissant entre un monde économique qui paye le montant exigé par la solidarité et un monde parallèle qui vit de celle-ci ? Par exemple, on ne discerne pas dans ce texte la création de véritables passerelles qui permettraient à l'issue d'un parcours d'insertion de revenir dans l'emploi durable. Sans doute faut-il procéder à des réformes plus profondes, comme celles que défend le groupe UDF, telles qu'un transfert des charges sociales de la masse salariales sur la valeur ajoutée. Il est indispensable que les entreprises s'impliquent.

S'agissant des discriminations, voici vingt ans qu'elles existent et l'on constate malheureusement que le problème n'est toujours pas réglé. Il est tout à fait dommage que le texte ne reprenne pas l'expérience menée par l'ANPE de curriculum vitae (CV) anonymes, alors que l'on sait bien que les CV sont actuellement un facteur majeur de discrimination et que leur anonymisation a par exemple permis au Québec d'éradiquer toute discrimination.

M. Patrick Roy a tout d'abord protesté contre les conditions d'examen du projet de loi alors que le texte adopté par le Sénat vient seulement d'être distribué. De même, il n'est pas normal que sur des sujets aussi vitaux, son examen soit mené au pas de charge. A titre d'exemple, on peut regretter que la convocation aux auditions de la rapporteure datée du 3 novembre pour une réunion le 4 ne parvienne que le 5 ou le 6.

M. Maxime Gremetz a indiqué n'avoir pas reçu cette convocation.

M. Patrick Roy a considéré qu'au-delà de ces méthodes de travail, on doit regretter l'unanimisme qui règne sur ce texte dont le gouvernement explique qu'il n'a pas vocation à tout résoudre et dont on a effectivement le sentiment qu'il ne résoudra rien, voire qu'il aggravera les problèmes. Alors qu'il devait aborder l'ensemble du champ des politiques concourant à la cohésion sociale, on note l'oubli de nombreuses questions fondamentales : par exemple la santé et l'école en sont totalement absentes.

Au-delà des discours d'auto-congratulation entendus jusqu'à présent, le gouvernement et la majorité seraient bien inspirés de se demander si leur exercice du pouvoir depuis deux ans et demi ne joue pas un rôle majeur dans le fait que la misère n'a jamais été aussi forte en France.

M. Denis Jacquat s'est insurgé contre ce dernier propos, le jugeant « nul ».

M. Gaëtan Gorce a jugé ce commentaire déplacé et demandé à M. Denis Jacquat de le retirer.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que le projet de loi a été déposé dès le 15 septembre sur le bureau du Sénat et adopté le vendredi 5 novembre, ce texte modifié étant immédiatement disponible en version papier provisoire ou sur les sites des assemblées. La liste des auditions a été envoyée à tous les commissaires et affichée sur la porte de la salle de la commission.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, a donné les éléments d'information suivants.

- Le secteur non marchand bénéficiera de deux dispositifs. La mise en place du contrat d'accompagnement dans l'emploi sera par nature longue puisqu'elle fera l'objet de négociations site par site entre les élus locaux et les services de l'Etat. La durée moyenne de ce contrat se situera entre 18 et 24 mois et le taux d'accompagnement sera défini localement avec beaucoup de souplesse en fonction des moyens disponibles.

- Si l'incrédulité de M. Maxime Gremetz ne porte que sur le niveau des moyens affectés, c'est sans doute qu'il approuve le projet sur le fond.

- L'enveloppe de 12,8 milliards d'euros constitue un cap majeur qui se décline en programmes annuels à hauteur de 3 milliards d'euros.

- Le démarrage du dispositif était à l'origine prévu pour mars-avril 2004 en raison du grand nombre de consultations à effectuer. Il s'avère qu'y a une avance de cinq mois sur le calendrier prévu et on peut dès lors envisager pour la première année des crédits à hauteur de 2 milliards d'euros.

- Le contrat d'avenir est bien entendu un enjeu crucial qui mérite toute l'attention. L'articulation avec la formation est particulièrement complexe et c'est la raison pour laquelle il faudra du temps avant de trouver un rythme de croisière.

- Le prêt à taux zéro est d'ores et déjà lancé et requiert 1 milliard d'euro.

- Une loi de programmation est nécessaire afin de verrouiller les étapes successives.

- L'objectif poursuivi est le retour à l'emploi.

- L'idée d'une TVA sociale, telle que celle en place au Danemark, proposée par le président de la commission des finances du Sénat, mérite d'être expertisée. Elle ne couvrira jamais, de toute façon, toutes les dépenses sociales. Il n'y a pas d'interdit quand le nombre de chômeurs est ce qu'il est.

- Les mesures concernant le logement ne sont opérationnelles que depuis neuf mois et elles ont déjà permis la reconstruction de 21 000 logements sociaux et 23 000 démolitions, ce qui constitue des résultats tout à fait remarquables. A cet égard les différents chiffres avancés pour la démolition, la reconstruction et la réhabilitation sont parfaitement fongibles.

- Le programme qui est chiffré à 40 milliards d'euros est copiloté par les partenaires sociaux et l'Etat.

- En ce qui concerne les plus démunis, il est faux de dire que ce gouvernement a accru leur nombre alors que le précédent gouvernement avait supprimé l'aide personnalisée au logement (APL) en cas d'impayés de loyers et rendu possible 165 000 expulsions par an.

- La santé fait à l'évidence partie de la cohésion sociale et le gouvernement complètera son plan en ce sens.

M. Maxime Gremetz s'est interrogé sur la sincérité des mesures annoncées, quand, dans le même temps, le Premier ministre annonce la fin accélérée du dispositif emplois jeunes.

M. Bernard Perrut a souligné la prise de conscience et la volonté qui sous-tendent ce projet. Les maîtres mots en sont la souplesse, l'adaptation aux nécessités du terrain et l'objectif d'égalité des chances dont l'Etat est garant sur l'ensemble du territoire. Les maisons de l'emploi doivent être davantage envisagées comme une manière de travailler plutôt qu'en termes de structure. En ce qui concerne les trois volets du plan, plusieurs questions se posent :

- Comment identifier les besoins en termes d'emploi aux différents niveaux ?

- Comment associer les branches professionnelles, et à quel niveau, à la gestion prévisionnelle des emplois ? Il est clair que le bassin constitue un territoire pertinent du point de vue économique et social. La territorialisation des politiques de l'emploi est importante.

Il reste beaucoup à faire dans le domaine des réseaux d'accueil car sur le terrain on se heurte parfois à des refus d'unifier les guichets de l'ANPE et des missions locales.

- Selon quels critères seront recrutés les 7 500 référents appelés à travailler dans ces maisons ?

- Comment seront pris en compte les acteurs de l'insertion par l'activité économique dans le cadre des nouveaux contrats aidés ?

Les dispositions relatives à l'apprentissage sont importantes et prennent en compte les besoins des chefs d'entreprises. Mais la question se pose d'assurer davantage de mixité pour l'accès aux différentes filières. L'égalité des chances doit être assurée pour les jeunes avec un regard particulier à destination des femmes, quel que soit leur âge.

Les missions locales voient leur existence reconnue dans le code du travail au sein du service public de l'emploi. Il s'agit là d'un élément très fort même si on aurait pu aller plus loin et les promouvoir en qualité de quatrième pilier du service public de l'emploi. Il existe en effet des conventions entre l'ANPE et ces missions. La question se pose de l'articulation entre le dispositif proposé dans ce projet et les initiatives développées par ailleurs au sein de plusieurs régions en matière d'emploi. Il est nécessaire, afin que s'exerce la cohésion sociale, que l'Etat soit garant de l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire.

Les nouvelles formes de contrats aidés, comme le contrat d'avenir, sont difficiles à comprendre et à mettre en œuvre en raison de leur complexité et du grand nombre de signatures qu'ils requièrent. Les contrats jeunes en entreprises se sont développés, mais quel est leur avenir ?

Après avoir dressé le constat de l'augmentation inquiétante de la misère et de l'exclusion depuis plusieurs années et souligné qu'en dépit des bonnes intentions affichées par ce projet de loi, la question importante demeure celle des moyens qui lui seront effectivement accordés, Mme Muguette Jacquaint a posé les questions et formulé les observations suivantes :

- Qu'en est-il des centres d'hébergement d'urgence, dont on déplore aujourd'hui un manque criant, alors qu'un nombre croissant de femmes est victime de violences, auxquelles il est important d'apporter un réel accompagnement psychologique et social ?

- S'agissant du logement locatif social, est-il envisagé de mettre en place des dispositifs plus coercitifs afin que certaines communes ne puissent plus continuer à refuser la construction de ces logements sur leur territoire, car il s'agit là d'un impératif de solidarité et non seulement de cohésion sociale ?

- Des précisions pourraient-elles être apportées concernant les modalités d'application effective des différentes dispositions législatives visant à lutter contre les discriminations, auxquelles est aujourd'hui confronté un nombre important de jeunes en raison de leur origine ou de leur sexe, ce qui constitue une exclusion inadmissible en matière d'emploi ?

- Plusieurs associations locales œuvrant actuellement dans le domaine de l'insertion par l'activité économique ont également fait part de leurs inquiétudes quant aux modalités selon lesquelles elles seront prises en compte dans les dispositifs d'insertion prévus par le projet de loi.

- Enfin, comme l'ont regretté plusieurs associations familiales, le versement de l'aide personnalisée au logement (APL) d'un montant minime, parfois moins de 15 euros par mois, n'est pas toujours effectué, en raison de charges administratives jugées trop élevées, alors qu'il s'agit pourtant d'un droit, ce qui est profondément incompréhensible pour les familles concernées. Il serait donc souhaitable que l'APL puisse leur être versée à la fin de l'année afin de leur permettre de faire face à la croissance des charges locatives, liée notamment à l'augmentation des tarifs de l'électricité et prochainement du gaz.

Concernant le problème de l'apprentissage, M. Georges Colombier a tout d'abord souligné l'intérêt présenté par l'introduction, lors de la lecture au Sénat, du préapprentissage, parmi les objectifs des contrats d'objectifs et de moyens, prévus par l'article 16 du projet de loi, entre l'Etat, les régions, les organismes consulaires et les organisations représentatives d'employeurs et de salariés. Cela permettra d'accroître les chances de réussite de la formation et de réduire les risques de rupture des contrats d'apprentissage ensuite. Dès lors, de quelle façon peut-on assurer un meilleur financement de ces dispositifs ? Serait-il par exemple opportun d'affecter une part des dépenses effectuées au titre de la formation professionnelle continue aux dispositifs de préapprentissage ?

En outre, si les apprentis sont souvent majeurs en droit, ils restent néanmoins dépendants de leur famille. Or cette réalité est inégalement reconnue par les centres de formation d'apprentis (CFA). Il semble donc nécessaire que des dispositions soient envisagées afin d'améliorer la formation des familles concernées qui doivent être à même de soutenir effectivement l'apprenti.

Après avoir salué la qualité de ce projet de loi réaliste, M. Jean-Paul Anciaux a formulé les observations suivantes :

- Si la création de maisons de l'emploi est une idée excellente, il convient néanmoins de veiller à ce qu'elles ne rencontrent pas les mêmes difficultés que les guichets uniques d'accueil, d'information et d'orientation, qui se rapprochent de celles-ci et qui ont été mis en place dans certains territoires. Par exemple, une maison de l'emploi et de la formation a été créée dans la ville d'Autun depuis plus de dix ans et a permis de réunir différents acteurs, parmi lesquels l'ASSEDIC, l'ANPE, le centre d'information et d'orientation (CIO), le centre de validation des acquis de l'expérience, ainsi que des antennes de l'Association nationale de la formation professionnelle des adultes (AFPA) et des groupements d'établissements scolaires (GRETA).

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette expérience et en premier lieu l'idée qu'il n'est sans doute pas suffisamment efficace de fédérer au sein d'une structure virtuelle l'ensemble des acteurs. Il paraît de surcroît essentiel que les maisons de l'emploi s'appuient sur une analyse des besoins locaux et réalisent un véritable travail de terrain au sein des bassins d'emploi. Par ailleurs, si le concept est bon, sans doute serait-il préférable de procéder d'abord à la labellisation, au suivi et à l'évaluation de ces structures avant que de procéder à la signature d'une convention de financement. Qu'en est-il enfin des modalités de labellisation des structures actuelles ?

- S'agissant de l'apprentissage, plusieurs dispositions de ce projet de loi vont incontestablement dans le bon sens et notamment la réforme de ses modalités de financement ainsi que l'amélioration du statut des apprentis et du tutorat. Le dispositif actuel pêche toutefois en amont par une insuffisante adaptation de l'orientation professionnelle. A cet égard, un partenariat avec le ministère de l'éducation nationale pourrait permettre de renforcer l'information des élèves à ce sujet. Il est par ailleurs préférable de parler non pas d'apprentissage mais de formation professionnelle initiale par alternance et il faut souligner qu'il existe actuellement un problème de répartition sur le territoire des moyens entre l'apprentissage et l'enseignement professionnel et technique. Associer ces deux filières permettrait, par exemple, d'éviter des doublons en matière d'équipement. La courbe démographique va, de plus, s'inverser en 2006 et engendrer des besoins importants dans les entreprises.

- Il convient par ailleurs de rappeler que le dispositif proposé prévoit deux types de contrats aidés, dans les secteurs marchand et non marchand, qui s'inscrivent dans le cadre d'une démarche graduée de formation et d'insertion dans la vie professionnelle.

- S'agissant du logement étudiant, il serait utile d'avoir des précisions sur la mise en œuvre des préconisations du rapport de janvier dernier sur le logement étudiant et les aides personnelles au logement concernant la réhabilitation de 70 000 logements étudiants et 50 000 constructions nouvelles : en effet, compte tenu des difficultés qui semblent être rencontrées aujourd'hui sur le terrain, ces objectifs pourront-ils être atteints ?

- Enfin, quelles sont les attentes personnelles du ministre concernant l'introduction de la possibilité de conclure des contrats d'apprentissage pour des personnes de plus de 25 ans dans l'optique d'une création ou d'une reprise d'entreprises ?

M. Michel Liebgott a regretté le « dérapage » verbal de M. Denis Jacquat à l'issue de l'intervention de M. Patrick Roy, mettant les propos tenus sur le compte d'un agacement provoqué par l'absence de politique social du gouvernement. Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale que le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, présente aujourd'hui à la commission ne peut faire oublier que la politique sociale a été absente des préoccupations gouvernementales depuis 2002. Dès l'exercice 2003, une part importante des crédits en faveur de l'action sociale a été gelée. Récemment, l'Union nationale interprofessionnelle des œuvres et organismes sanitaires et sociaux (UNIOPSS), n'hésitait pas à affirmer qu'elle venait de vivre « deux années effrayantes ».

Deux politiques sont possibles, l'une à dominante sociale, l'autre fondée sur le tout économique. Le gouvernement a choisi cette dernière voie en privilégiant la logique de l'offre. Le résultat est là : 400 000 chômeurs supplémentaires et, pour la première fois depuis 1993, l'emploi recule avec 70 000 emplois en moins en un an. La situation est grave. Sur l'examen de ce texte, le gouvernement a demandé l'urgence ; de fait, elle est absolue. Les faits sont têtus. La politique d'emplois aidés menée par le gouvernement de M. Lionel Jospin a été vigoureusement critiquée par l'actuelle majorité. Il n'empêche, celle-ci a indéniablement contribué à relancer, grâce au retour à l'activité, de nombreuses personnes en situation précaire.

Ces dispositifs ne servent donc pas à rien, comme certains tentent de le faire croire, ainsi ce juge au tribunal correctionnel de Nancy qui ose répondre à un jeune prévenu l'informant qu'il a obtenu un contrat emploi solidarité (CES) dans une collectivité locale après avoir raté son certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'électricien - le compte rendu d'audience est rapporté par le Républicain Lorrain du 25 octobre 2004 - : « C'était pas assez intello pour vous, le CAP, c'est ça, [ironise le juge]. Tenez, reprenez votre papier [il lui tend du bout des doigts]. Un CES, comme vous dites, c'est rien du tout. Ca sert à employer les bons à rien. C'est du social ! C'est fait pour les handicapés sociaux comme vous ! Voilà ce que vous êtes devenu. A vingt et un ans, bravo ! Belle ambition ! » ; et, après que le prévenu lui a indiqué qu'il avait également occupé un poste d'éclairagiste sous le régime des intermittents du spectacle, le juge d'ajouter : « C'est un métier, ça, intermittent du spectacle ? [pouffe le président]. Pour moi, c'est une tentative de devenir fonctionnaire, nuance ! ».

Par ailleurs, tout en étant prêt à entendre le ministre, comment faire confiance à un gouvernement qui a annoncé la création de contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) qui n'ont jamais vu le jour, qui a lancé à grand renfort de publicité le revenu minimum d'activité (RMA) dont, un an après son entrée en vigueur, on ne compte pas plus de 150 titulaires sur le plan national ? Comment dès lors croire le ministre lorsqu'il affirme que la dotation de solidarité urbaine augmentera suffisamment pour financer les dispositions prévues dans le projet de loi dès l'année prochaine, et non en 2009, comme cela est plus vraisemblable ? En conclusion, le désir de croire aux propositions du ministre se heurte à un scepticisme naturel, partagé d'ailleurs par une partie importante de la majorité qui ne croit pas elle non plus à ce texte ou bien, ce qui est différent, ne souhaite pas qu'aboutissent les propositions qu'il contient.

M. Marc Bernier a salué la possibilité prévue à l'article 13 du projet de loi de conclure un contrat d'apprentissage pour des personnes de plus de vingt-cinq ans souhaitant reprendre ou créer une entreprise. La France sera en effet confrontée, dans les prochaines années, à un important choc démographique. Il convient d'encourager, y compris financièrement, tout moyen permettant d'y faire face.

Aux différents intervenants, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, a apporté les précisions suivantes :

- Un amendement permettant la reconnaissance légale des bassins d'emploi serait effectivement le bienvenu. Quant à la taille de ces derniers, il serait souhaitable qu'elle tienne compte des réalités géographiques. On peut raisonnablement estimer que les bassins d'emplois correspondent au ressort de trois agences locales pour l'emploi c'est-à-dire qu'ils réunissent, grosso modo, une population de 300 000 personnes.

- Il appartiendra au référent de définir, par anticipation, le profil des demandeurs d'emplois qui correspondent le mieux aux besoins des entreprises en privilégiant une approche fondée sur une confiance mutuelle entre tous les acteurs concernés. Les référents seront donc recrutés en fonction de leurs compétences et les jeunes seniors ont toute leur place dans ce dispositif.

- Concernant le respect des structures existantes, le gouvernement s'est engagé sur ce point. En contrepartie, il n'acceptera pas, le cas échéant, que certaines administrations refusent de mettre en œuvre la nouvelle politique de synergie. D'ores et déjà, il est expressément prévu que le futur directeur général de l'ANPE devra avoir le profil pour se conformer et mener à bien cette feuille de route.

- Il convient d'observer qu'un dispositif existe pour prendre en charge, de manière confidentielle, les jeunes femmes en danger.

- Sur la question des discriminations, il est bien évident que la politique passée de la France en la matière était notoirement insuffisante et que, en conséquence, le pays ne dispose pas, à l'heure actuelle, de tous les outils nécessaires pour combattre le fléau. La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, actuellement en cours de discussion au Parlement, constituera une forme importante de réponse à ce « cancer » qui ronge la France. D'autre part, le gouvernement a décidé d'engager des discussions avec les entreprises publiques et privées qui doivent aboutir à l'engagement des acteurs économiques en faveur de contrats de bonne conduite prenant la forme de chartes de la diversité. Le gouvernement s'accorde deux ans pour mener à bien cette mission. Ce délai passé, si aucun résultat satisfaisant n'est obtenu, il reviendra au Parlement de légiférer.

- En matière de construction de logements sociaux, autant le gouvernement sera conciliant avec les collectivités locales qui ont engagé un plan dont la réalisation a pris du retard, autant il sera d'une extrême rigueur envers celles qui manifestement « traînent les pieds ». Sur ce point, il convient de reconnaître les effets positifs des obligations posées par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

- Sur la question de savoir si les maisons de l'emploi doivent prendre la forme d'une structure en tant que telle ou bien si elles peuvent simplement prendre la forme d'accords entre différentes administrations, sans autre existence matérielle, le gouvernement n'a pas encore arrêté de décision. Une chose est sûre, ces maisons de l'emploi ne doivent pas être « bidon ».

- La formation initiale en alternance dans le cadre de l'Education nationale est bien évidemment une des priorités de ce gouvernement. Si la problématique n'apparaît pas dans le projet de loi, c'est que le gouvernement a souhaité que le grand débat sur l'école aille à son terme et embrasse toutes les questions relevant, comme cette dernière, du champ de l'éducation nationale. Il n'en demeure pas moins que l'importance de la formation dans la cohésion sociale n'a pas échappé au gouvernement ; en témoigne la réunion de ce matin à l'hôtel de Matignon où les recteurs réunis autour du Premier ministre ont évoqué la question. D'ores et déjà, les régions ont mis des moyens importants à la disposition des lycées techniques et professionnels. L'objectif est désormais de développer au mieux ce type de formation depuis le CAP jusqu'au diplôme d'ingénieur.

Enfin, on peut regretter que l'intervention de M. Michel Liebgott ne comporte aucune question mais constitue en réalité un prélude au discours qu'il prononcera en séance publique. Il s'est ensuite étonné de ce que le député ait pu déplorer l'absence d'une politique de relance de la consommation de la part du gouvernement, alors même que celui-ci a décidé la plus forte augmentation du SMIC depuis sa création. Le gouvernement socialiste avait quant à lui limité l'évolution du SMIC et ponctionné les crédits destinés à la construction des logements sociaux pour financer sa politique. Face à un sujet transversal et qui touche aussi fortement au fondement même du pacte républicain, on pourrait espérer un plus grand soutien de la part de l'opposition, comme cela a d'ailleurs été le cas au Sénat où le groupe socialiste a voté en faveur des mesures sur le logement. M. Jean-Louis Borloo a rappelé que déjà, lors de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, il avait été taxé d'« illusionniste », de « Harry Potter » de la politique. Mais aujourd'hui, tout le monde constate que les promesses d'hier ont été tenues et que ce qui naguère était considéré comme une utopie fonctionne.

En réponse aux différents intervenants, Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, a donné les éléments d'information suivants :

- L'insertion par l'activité économique a donné des résultats probants. Aujourd'hui, 1 000 entreprises d'insertion, 900 associations intermédiaires et 1 600 chantiers d'insertion existent. En outre, le projet de loi de programmation fait passer la capacité d'accueil dans les entreprises d'insertion de 11 000 à 15 000 postes sur trois ans, relève l'aide à l'accompagnement des associations intermédiaires et crée un accompagnement spécifique des chantiers d'insertion, qui ont reçu une base légale lors de la discussion au Sénat.

- Le programme d'insertion par l'activité économique représente une dépense de 66 millions d'euros pour 2005 et 428 millions sur la période d'application du plan de cinq ans.

- Concernant l'hébergement d'urgence, le dispositif actuel comprend 20 000 places d'accueil d'urgence complétées par 30 000 places de CHRS et 15 000 places de CADA. Le plan de cohésion sociale améliorera l'hébergement. Le gouvernement souhaite tout d'abord ne plus faire systématiquement appel à l'hôtel. Des crédits supplémentaires sont également inscrits pour les cinq ans à venir : 2 500 places ont été créées en 2003 et sont pérennisées pour les cinq prochaines années. D'autres places sont créées : 5 500 places d'hôtel ne seront donc plus nécessaires à terme.

- La priorité de l'hébergement d'urgence sera donnée aux femmes victimes de violences conjugales ou d'abandon familial.

En réponse aux différents intervenants, M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, a donné les éléments d'information suivants :

- Un des objectifs des contrats d'objectifs et de moyens, mais aussi du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage, est la personnalisation des parcours de formation. D'ores et déjà, il est demandé aux tuteurs dans les centres de formation d'apprentis d'associer les familles.

- Un autre objectif de ces contrats et du fonds est l'innovation pédagogique, qui recouvre le préapprentissage permettant de fournir une formation initiale de qualité. Il bénéficiera de l'intervention du fonds national de développement et de modernisation en raison du coût des mesures. Les financements du fonds seront fournis contrat par contrat, pour tenir compte des spécificités de chaque métier.

- La parité entre les hommes et les femmes relève également de l'innovation pédagogique. C'est une priorité encore réaffirmée récemment par le Chef de l'Etat. Il faut permettre à des branches professionnelles de se féminiser davantage, ce qui peut avoir un coût.

- La reprise d'entreprises est le troisième front de l'innovation pédagogique : 500 000 petites entreprises qui doivent changer de patrons dans les quinze ans à venir doivent pouvoir le faire en toute sécurité. Le contrat de professionnalisation est un outil disponible ainsi que le contrat d'apprentissage pour les professions très réglementées exigeant des diplômes spécifiques car la formation initiale qu'il offre est particulièrement bien adaptée. Le financement de ces dispositifs sera assuré par l'Etat comme il est prévu.

- Concernant les rapports avec l'Education nationale, à la rentrée 2005, la classe de troisième de découverte professionnelle offrira trois heures de découverte pédagogique des métiers aux collégiens. La mise en place des maisons de l'emploi permettra, en outre, d'associer les services d'orientation et d'information.

- La loi relative aux responsabilités et libertés locales du 13 août 2004 a renforcé la place des plans régionaux de développement des formations professionnelles dans lesquels l'Etat jouera un rôle actif. Ils combineront lycées professionnels et centres de formation d'apprentis au moyen des campus des métiers et de l'installation des CFA dans les locaux des lycées.

- Concernant les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), le Sénat les a intégrées dans le code du travail. Certains amendements allaient plus loin. Le gouvernement y a été défavorable parce qu'il s'agissait de placer les missions locales dans le « premier cercle » du service public de l'emploi qui regroupe les organismes bénéficiant d'un monopole.

- Les contrats jeune en entreprise sont un succès : le nombre de 200 000 contrats sera approché à la fin de l'année 2004, et il s'agit de contrats à durée indéterminée. Le plan de cohésion sociale accroît l'aide au chef d'entreprise quand il embauchera des jeunes sans qualification.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 9 novembre 2004.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier, président, a souligné la durée exceptionnelle - plus de trois heures - et la qualité des échanges avec les cinq ministres présents, tous les nombreux députés présents qui le souhaitaient ayant pu s'exprimer longuement.

M. Françoise de Panafieu, rapporteure, estimant que le débat a été très complet et la discussion nourrie, n'a pas souhaité redévelopper son point de vue et a proposé de renvoyer la suite du débat à l'examen des amendements en commission, en accord avec M. Dominique Dord, rapporteur.

M. Maxime Gremetz a souhaité que la discussion générale se poursuive la semaine prochaine en commission.

M. Georges Colombier, président, a rappelé que la commission examinera les amendements mardi 16 novembre à 16 h 15 et 21 h 30, mercredi 17 novembre à 9 h 30 et jeudi 18 novembre à 9 h 30.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

La commission a examiné les articles du présent projet de loi au cours de ses séances des 16, 17 et 18 novembre 2004.

 

Voir le Tome 2

1 () IGAS, rapport n° 2003 040, 3/2003, Jeannine Barberye, Charles de Batz, Jean-Patrice Nosmas et Roland Ollivier.

2 () Voir sur cette expérience : DARES, revue « Travail et emploi » n° 99, 7/2004, « Le "profiling" des demandeurs d'emploi aux Pays-Bas », par Philippe Herbillon.

3 () « Le sursaut. Vers une nouvelle croissance pour la France », Documentation française, 2004.

4 () Ces informations sont extraites de l'article de Ruby Sanchez intitulé « L'apprentissage : légère baisse des entrées en 2002 », Premières informations et premières synthèses de la DARES, mars 2004, n° 13.1.

5 () « Moderniser l'apprentissage : 50 propositions pour former plus et mieux », Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

6 () « L'apprentissage en France, enjeux et développements », Centre inffo, 2004.

7 () Selon l'expression de l'annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2005.

8 () « La formation professionnelle : Diagnostics, défis et enjeux » ; contribution du secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, 1999.

9 () Voir le compte-rendu de cette étude dans la revue du « Centre d'études de l'emploi, 5/2002, par Bernard Simonin.

10 () DREES, Etudes et résultats, n° 320, 6/2004, par Anne Belleville-Pla. Il s'agit d'une étude sur les trajectoires professionnelles de bénéficiaires de minima sociaux : 5 000 personnes qui percevaient un minimum social en décembre 2001 ont été interrogées début 2003 sur leur situation.

11 () Le SMIC avec allègement « Fillon » bénéficiant aux entreprises et aux associations, mais pas aux collectivités locales, il constitue une référence imparfaite pour les comparaisons de coûts s'agissant des contrats aidés non-marchands. On le retiendra par simplicité.

12 () Il est à noter que le Sénat a adopté un amendement visant à supprimer la dégressivité de l'aide aux contrats d'avenir dans le cas où ils sont passés dans le secteur de l'insertion par l'activité économique.

13 () Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.

14 () Loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques.

15 () Loi n° 2004-627 du 30 juin 2004 modifiant les articles 1er et 2 de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques et relative au recouvrement, par les institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage, des prestations de solidarité versées entre le 1er janvier et le 1er juin 2004 aux travailleurs privés d'emploi dont les droits à l'allocation de retour à l'emploi ont été rétablis.

16 () Du nom de l'arrêt rendu le 13 février 1997 par la chambre sociale de la Cour de cassation saisie par cette société.

17 () On emploiera volontairement ce terme flou puisque le débat juridique tranché par la Cour de cassation au regard du texte législatif a justement porté sur la nature du lien entre la procédure de licenciement économique et les licenciements eux-mêmes : la nullité de la première devait-elle entraîner celle des seconds ?

18 () UESL, gestionnaire du 1% Logement.

19 () Ces informations sont issues d'une étude de la Délégation interministérielle à la ville de septembre 2004.

20 () John Rawls, « Théorie de la justice », Gallimard, 1984.

21 () Pierre Cahuc et André Zylberberg, « Le chômage, fatalité ou nécessité ? », Flammarion, 2004.

22 () « Analyse du recensement de 1999 », INSEE Première, n° 787, juillet 2001.

23 () Loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes.

24 () Article L. 2334-14-1 du code général des collectivités territoriales.


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