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Assemblée nationale

Commission élargie

Commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administration générale
de la République

Commission des affaires étrangères

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 25 octobre 2011

Présidence de Mme Béatrice Pavy, suppléant
M. Jérôme Cahuzac,
président de la Commission des finances,
de M. Jean-Luc Warsmann,
président de la Commission des lois
et de M. François Rochebloine,
vice-président de la Commission
des affaires étrangères

La réunion de la commission élargie commence à dix-sept heures.

projet de loi de finances pour 2012

Immigration, asile et intégration

Mme Béatrice Pavy, présidente, suppléant M. Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances. Monsieur le ministre, je suis très heureuse de vous accueillir au nom de la Commission des finances, avec mes collègues François Rochebloine, de la Commission des affaires étrangères, et Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012.

Comme vous le savez, la procédure de la commission élargie est destinée à privilégier les échanges entre les ministres et les députés et, pour cela, elle donne la priorité aux questions et, naturellement, aux réponses que vous leur apporterez. Cette année, les débats seront chronométrés afin de respecter les durées arrêtées par la conférence des présidents – soit deux heures trente pour la mission « Immigration, asile et intégration ». Je rappelle à nos collègues que les rapporteurs disposeront de 5 minutes chacun et les autres députés de 2 minutes. Les auteurs de questions disposeront en outre, le cas échéant, d'un droit de suite.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous accueillir au nom de la Commission des lois, avec laquelle vous avez maintenant l’habitude de travailler. Le sujet qui nous réunit cet après-midi est très suivi par notre commission. Les dotations de votre mission augmentent de 12 %, ce qui atteste de la priorité qu’on lui accorde dans un contexte budgétaire très tendu.

L’année dernière, j’avais notamment interrogé votre prédécesseur sur le renforcement des moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile. Le travail a été fait, mais ce renforcement a-t-il été suffisant pour ramener les délais dans des limites acceptables et éviter des attentes aussi fâcheuses pour les intéressés que pour l’application des textes.

Une autre question est celle de la coordination entre les différents pays européens qui subissent l’afflux d’immigrants. Celui-ci pose de nombreux problèmes et nous conduit à accueillir ces personnes dans des conditions très difficiles.

Mme Béatrice Pavy, présidente, rapporteure spéciale de la Commission des finances. Dans la période d’austérité budgétaire que nous traversons, les dotations de la mission « Immigration, asile, intégration » devraient progresser de plus de 12 % par rapport aux prévisions pour 2011. Les crédits atteindraient ainsi 632 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent environ 160 millions d’euros mobilisés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) au-delà des financements qu’il reçoit du budget de l’État. L’ensemble des moyens consacrés par plusieurs ministères à la politique de l’immigration représente au total un peu plus de 4,3 milliards d’euros en 2012

Quant à la mission, l’augmentation de ses moyens correspond pour près de 120 % à un rebasage nécessaire des crédits d’asile, régulièrement dépassés par la croissance forte et continue de la demande.

Le budget pour 2012 prolonge le renfort accordé à l'OFPRA, qui instruit les demandes d'asile, en maintenant l'emploi de 30 officiers de protection supplémentaires jusqu'au 15 décembre au lieu du 30 juin pour déstocker les dossiers en instance prolongée – on en compte encore 14 000 en septembre 2011. Il prévoit également le recrutement de nouveaux rapporteurs pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), dont le nombre aura déjà presque doublé depuis la fin 2010. Ces dispositions ont été prises afin de réduire les délais de traitement des demandes d'asile, qui ont dérivé, sous les afflux massifs de ces dernières années, pour atteindre en moyenne plus de 20 mois. Cela retarde la reconnaissance de situations qui justifient une protection et pèse lourdement sur les dépenses de prise en charge des demandeurs. Au rythme actuel des demandes d'asile, le renfort accordé à l'OFPRA ne lui permettra cependant de commencer à résorber son stock qu'à compter du milieu de l'année prochaine – à condition que la demande ne s'accélère pas encore. En attendant, les délais de traitement continuent à s'allonger.

Par ailleurs, l'activité de la CNDA ayant fortement augmenté grâce au doublement de ses équipes, mais aussi du fait de la hausse du nombre des décisions prises par l'OFPRA, cela nécessite une plus grande mobilisation des moyens de défense de l'Office devant la Cour. Or, celui-ci dit avoir atteint ses limites.

Ne serait-il pas dès lors envisageable d'accroître un peu plus ses moyens pour accélérer la reconquête du stock des dossiers en instance et maintenir sa capacité à accompagner les contentieux ? Ne faudrait-il pas pérenniser une partie an moins de ces renforts pour tenir compte d'une demande d'asile qui apparaît durablement soutenue ?

En second lieu, on assiste à une augmentation non négligeable du nombre des dossiers enregistrés dans les DOM-COM, qui étaient 2 541 en 2010 et atteignaient déjà le nombre de 1 680 à la fin du premier semestre de 2011. La pression serait particulièrement sensible à Mayotte et en Guyane. Quels moyens mettez-vous en œuvre pour que l’éloignement géographique n'aggrave pas les délais d'instruction de ces demandes ? Accessoirement, pouvez-vous préciser les délais moyens constatés à ce jour et le nombre des dossiers en instance ?

Ma troisième question concerne les dotations allouées aux dispositifs d'hébergement d'urgence et à l'allocation temporaire d'attente (ATA) dont peuvent bénéficier les demandeurs d'asile qui n'ont pu avoir accès aux centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA). Elles sont substantiellement rebasées par le projet de loi de finances pour 2012, avec une augmentation de 127 %, soit près de 91 millions d'euros, pour l’hébergement d’urgence, et de 66 %, soit presque 90 millions, pour l’ATA. Malgré cet effort budgétaire, les prévisions s'inscrivent très en deçà des consommations constatées en 2011 : les dépenses d'hébergement d'urgence financées par le programme 303 de la mission pourraient atteindre 135 millions et celles relevant de l'ATA, 137 millions, hors report de charges de 2010 sur 2011. Le différentiel est conséquent, malgré les économies attendues à tous les niveaux du dispositif.

Comment espérez-vous contenir ces dépenses au niveau proposé pour 2012, notamment pour ce qui concerne les nuitées hôtelières ? Comment sera financé le reliquat de 130 millions de prestations de l'ATA avancées par Pôle emploi ?

Quatrième question. Pour simplifier et accélérer cette étape, la compétence du traitement de l'admission au séjour des demandeurs d'asile a été donnée aux préfets du département chef-lieu de la région, ce qui en fait l'unique porte d'entrée de la région. Les modalités du premier accueil et de l'accompagnement des demandeurs d'asile ont été réformées en conséquence en adossant des plates-formes uniques à ces départements « points d'entrée ». Cette réorganisation a cependant favorisé une concentration des populations concernées sur lesdits départements, dont certains se sont trouvés débordés par les besoins de prise en charge sur leur territoire. Une circulaire du 24 mai 2011 a donc engagé les préfets de ces points d'entrée à « impulser des mécanismes de mutualisation de l’ensemble des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile (...) afin de les répartir de manière équilibrée entre les départements d'une même région ».

J'ai personnellement constaté, à l'occasion de diverses rencontres, que cette régionalisation de la prise en charge est loin d'être aboutie – voire concrètement engagée. Je relève par ailleurs que le pourcentage des orientations vers les CADA effectuées au niveau national pour soulager les territoires les plus chargés est en diminution entre 2010 et 2011, alors que c’est le seul mécanisme permettant une péréquation interrégionale.

Quelles mesures prendrez-vous pour réaliser une véritable mutualisation de l'ensemble des capacités d'accueil des demandeurs d'asile, tant pour les places de CADA que pour les dispositifs d'hébergement d'urgence dédiés ? Comment pourrait-on mobiliser l'ensemble du territoire national en vue d’une répartition plus équilibrée de la prise en charge, quels que soient les points d'entrée ?

En cinquième lieu, le dispositif d'aide au retour volontaire tel qu'il est conçu, a été accepté comme une alternative par un tiers environ des personnes faisant l'objet d'une décision d'éloignement du territoire. Il apparaît cependant que les deux tiers des bénéficiaires en 2010 et plus de la moitié encore au premier semestre 2011 sont des ressortissants communautaires, qui pourront de plein droit revenir en France. On peut donc s'interroger sur l'efficacité d'une aide qui ne favorise en rien le retour durable dans le pays d'origine.

Comment l'utilisation de ces fonds pourrait-elle être optimisée ? Ne devrait-on pas les employer plutôt à des actions d'insertion, ou les réorienter vers les actions développées dans le cadre des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire ?

Où en est, par ailleurs, la mise en place d'un régime européen commun du droit d'asile ?

Enfin, à quel niveau se situe la France en matière de prise en charge des demandeurs d'asile ?

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères. Ayant assisté il y a quatre ans, en ma qualité de rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, à la création de la mission « Immigration, asile et intégration », je me réjouis des effets positifs de cette initiative et des progrès réalisés au cours des dernières années.

Il est vrai que l'augmentation de près de 50 % de la demande d'asile entre 2008 et 2010 a en partie caché l'amélioration très nette de l'efficacité de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile mais, sans les progrès considérables réalisés, le système n'aurait pas supporté cette hausse de la demande.

L'asile n'est d'ailleurs pas le seul domaine où les choses se soient améliorées. Les nombreuses réformes réalisées par le Conseil de modernisation des politiques publiques dans les domaines d'action du Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration sont déjà presque intégralement mises en œuvre.

Ma première question porte sur l'OFPRA : afin de lui permettre de réduire les stocks constitués en 2009 et 2010, il a été autorisé à recruter trente officiers de protection contractuels pour dix-huit mois à compter du 1er janvier 2011. La demande d'asile étant restée très dynamique cette année, il est prévu que ces contrats puissent être prolongés jusqu'à la mi-décembre 2012. Votre ministère a complété directement cet effort au moyen de dix agents supplémentaires depuis février dernier.

Le directeur général de l'OFPRA nous a indiqué que de nouveaux arbitrages venaient d'être rendus, qui lui permettraient de maintenir son plafond d'emplois à 440 équivalents temps plein (ETP) fin 2012 – alors qu'il aurait dû retomber à 410 –, et même à recruter des personnes supplémentaires. Comment le financement de ces postes sera-t-il assuré, alors que la subvention pour charges de service public de 34,35 millions inscrite au budget 2012 semblait à peine suffisante ?

Ma deuxième question concerne les aides au retour. Cet été, vous avez relevé de 28 à 30 000 l'objectif du nombre d'éloignements exécutés en 2011, en préconisant un recours plus fréquent aux retours volontaires, aidés par l'OFII. Vous avez notamment souhaité que cette solution soit systématiquement proposée aux déboutés du droit d'asile dans les centres d'accueil. Avez-vous pu observer les premiers effets de cette nouvelle orientation ? Le niveau des aides financières au retour vous paraît-il optimal ?

Ma dernière question porte sur les conditions de fonctionnement des nouveaux centres de rétention du Mesnil-Amelot, que j'ai visités début octobre. La fermeture de l'ancien centre de rétention administrative (CRA), devenu vétuste, et la construction d'une nouvelle structure – en l’espèce, ce sont d’ailleurs deux structures qui ont été construites – étaient nécessaires. Les nouveaux centres semblent bien conçus ; ils offrent toutes les garanties nécessaires aux personnes retenues, et de bonnes conditions de travail aux policiers.

Le CRA n° 2 a ouvert début août, le CRA n° 3 à la mi-septembre, avec un certain retard dû à des malfaçons et des choix malheureux. Leur bon fonctionnement se heurte néanmoins à des difficultés de trois types.

D'abord, l'hôpital de Meaux n'ayant pas été en mesure de fournir une seconde équipe médicale, celle du CRA n° 2 doit assurer aussi la prise en charge sanitaire des retenus du CRA n° 3, de sorte que les deux centres ne peuvent pas fonctionner à plus de la moitié de leur capacité. Quand ce problème sera-t-il résolu ?

Par ailleurs, deux salles d'audience ont été aménagées à quelques centaines de mètres des CRA, mais elles ne sont pas encore en service. C’est que le ministère de la justice ne veut pas, semble-t-il, assumer le coût de fonctionnement, bien qu'il s'agisse d'une antenne du tribunal de grande instance de Meaux. Ce problème est-il en voie de résolution ? Cache-t-il d'autres réticences, comme on en connaît par exemple à Roissy, où la salle d'audience de la zone d'attente n'a jamais été utilisée et devra être largement modifiée ?

Enfin, la Cimade, qui assure la mission d'aide à l'exercice des droits des retenus au CRA n° 2, a refusé de remplir cette fonction au CRA n° 3. Une solution temporaire a été trouvée, qui a consisté à réquisitionner le barreau de Meaux. Un nouvel appel d'offres a été lancé pour le lot constitué par les deux centres du Mesnil-Amelot. Le barreau de Meaux et la Cimade ont présenté des propositions : avez-vous choisi ? Le recours à des avocats, qui est une procédure inédite, a-t-il donné des résultats satisfaisants ? Si tant est que cette formule soit adoptée, pourra-t-elle être mise en place sur l’ensemble du territoire ?

M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Ce budget démontre que le Gouvernement sait concilier les efforts nécessaires au redressement des finances de l'État avec la revalorisation des moyens indispensable pour atteindre ses priorités.

L'an prochain, les dotations consacrées à la mission « Immigration, asile et intégration » progresseront de plus de 12 %, ce qui est remarquable dans un contexte budgétaire aussi contraint. Cette augmentation résulte principalement, d’une part, de la revalorisation indispensable des crédits alloués à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et à l'allocation temporaire d'attente ; et d’autre part, de recrutements destinés à renforcer les moyens de l’OFPRA et de la CNDA. Ceux-ci continueront ainsi de bénéficier du concours de 30 officiers de protection supplémentaires en 2012, et le nombre de rapporteurs à la Cour aura doublé en deux ans, passant de 70 en 2009 à 135 à la fin de cette année, auxquels s'ajouteront encore 15 rapporteurs en 2012. Je me félicite de ces efforts : si la demande d'asile ne recule pas en 2012, seule la réduction des délais d'instruction permettra de maîtriser les dépenses liées à l'accueil des demandeurs.

La France reste ainsi fidèle à sa tradition d'accueil et d'intégration. Dans le même temps, elle fait preuve de fermeté dans la lutte contre l'immigration clandestine. Les résultats dans ce domaine sont positifs, comme le démontre notamment la hausse du nombre d'éloignements effectifs, qui pourrait atteindre le nombre record de 30 000 cette année.

Le contrat d’accueil et d’intégration, qui a permis la mise en place de parcours d’intégration individualisés, et sa généralisation depuis la fin de 2006, est un succès. Les crédits qui lui sont consacrés ont logiquement augmenté. Néanmoins, ne faudrait-il pas réserver le bénéfice du bilan de compétences aux étrangers qui ont manifesté le souhait de travailler ? Pour les 39 % de bénéficiaires de ce bilan qui ne souhaitent pas travailler, il s’agit peut-être d’une dépense inutile.

Par ailleurs, le fait que les demandes d’asile adressées à la France se poursuivent, faisant de notre pays le deuxième pays d'accueil derrière les États-Unis, alors que la demande d'asile tend à baisser au niveau mondial, n’est-il pas le signe d'une attractivité supérieure de notre pays liée peut-être à la durée de nos procédures d'instruction ? Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d'accorder, dans votre action, la même priorité et la même visibilité à la réduction des délais d'examen des demandes d'asile qu'aux éloignements effectifs ? La réduction des délais me semble en effet essentielle : tout en permettant au demandeur de bonne foi de bénéficier d'une décision rapide qui le place sous la protection de l'État, elle permet aussi de maîtriser les dépenses liées à l'accueil des demandeurs et, à terme, de réduire l'attractivité de notre pays pour des filières qui détournent la procédure d'asile à leur profit.

S’agissant enfin de l'éloignement, pouvez-vous nous donner une évaluation des premiers effets de la réforme du contentieux de l'éloignement opérée par la loi du 16 juin 2011, entrée en vigueur le 18 juillet dernier ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Vous l’avez noté, madame Pavy, les crédits sont en augmentation, ce qui s’explique notamment par le fait que les dotations allouées à l’allocation temporaire d’attente sont rebasées par le projet de loi de finances. En outre, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, le Parlement devra se prononcer sur le versement à Pôle emploi des 120 millions qui ont été annoncés pour cette politique. Par ailleurs, nous mettons en place certains moyens techniques de gestion afin de rationaliser les coûts des CADA ou des CHRS, lesquels sont très différents selon les structures. Il n’est évidemment pas exclu que nous rencontrions des difficultés d’exécution, mais nous les traiterons comme à l’habitude. L’État finit toujours par payer ce qu’il doit !

L’ancien CRA du Mesnil-Amelot a été fermé pour être modernisé, mais deux nouveaux centres ont été ouverts respectivement en août et en septembre. La Cimade a accepté de s’occuper du CRA 2, mais pas du CRA 3 qui a été confié, par convention, au barreau de Meaux pour une période de trois mois. Il faudra évidemment trouver une solution pérenne à ces difficultés de gestion.

La circulaire du 24 mai 2011 a pour objet d’assurer une meilleure répartition sur le territoire des demandeurs d’asile. Il sera désormais possible d’avoir des domiciliations dans tous les départements, mais nous devons affirmer la règle selon laquelle c’est aux pouvoirs publics de répartir les demandeurs d’asile, de façon équilibrée, en fonction des disponibilités. Nous éviterons ainsi les regroupements par affinités qui affectent certains départements plus que d’autres.

Cela dit, le problème est d’abord celui de la masse des demandeurs d’asile. Nous assistons, en effet, à un phénomène très préoccupant et je pense, comme Éric Diard, que les imperfections de notre système rendent attractive la demande d’asile chez nous. Du fait de la longueur des délais de réponse – ils étaient encore de deux ans au premier semestre –, les demandeurs d’asile ont le temps de s’installer sur notre territoire. Et il est plus facile de reconduire ceux qui sont déboutés dans leur pays d’origine au terme de quelques mois qu’après deux ou trois ans passés ici. Nous devons régler cette situation. C’est pourquoi, après avoir augmenté de trente unités les effectifs de l’OFPRA et de la CNDA l’année dernière, le Gouvernement vous proposera un amendement visant à créer soixante emplois supplémentaires – dont une moitié servira à pérenniser les trente emplois de l’année dernière, l’autre moitié sera répartie entre l’OFPRA et la CNDA.

S’agissant des délais, le vice-président du Conseil d’Etat, qui assure la tutelle juridique de l’OFPRA et de la CNDA, m’a récemment assuré que, au milieu de l’année 2012, le total des délais requis par ces deux institutions serait inférieur à un an, ce qui nous placerait dans une situation comparable à celle des pays européens les plus performants. Je note que les pays les plus sollicités par les demandeurs d’asile sont évidemment ceux qui ont des délais longs. Durant les neuf premiers mois de cette année, le nombre des demandes d’asile a encore augmenté de 11 %. Cette situation remet en cause le droit d’asile lui-même. L’Union européenne en convient, et elle proposera, en 2012, une harmonisation des règles en la matière. C’est aussi l’opinion du Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, M. Guterres, qui constate que l’afflux des demandes porte préjudice à ceux qui ont de vraies raisons de demander le droit d’asile. Celui-ci est trop souvent détourné pour constituer un canal d’immigration.

Afin de rationaliser les procédures, nous allons, avec le ministre des affaires étrangères, augmenter le nombre des pays dits sûrs. Le pouvoir de décision en la matière appartient au conseil d’administration de l’OFPRA, mais nous sommes à sa disposition pour lui fournir tous les éléments sur les pays dont nous suggérons qu’ils soient reconnus comme sûrs.

Le nombre de demandes d’asile augmente fortement outre-mer – 30 % environ cette année. En Guyane, les demandeurs sont surtout des Péruviens, des Equatoriens, des Haïtiens, et à Mayotte, principalement des Comoriens et des Malgaches. L’OFPRA se rend régulièrement en Guyane et à Mayotte. Quant à la CNDA, elle compte utiliser prochainement les nouveaux outils prévus par la loi du 16 juin dernier, la visio-conférence notamment, pour accélérer l’examen des dossiers.

M. Jean-Claude Guibal. La mission « Immigration, asile et intégration » se compose de deux programmes : le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». Cette mission est dotée de 632 millions de crédits, en augmentation de 12,1 % pour ce qui concerne les autorisations d’engagement et de 12,6 % pour les crédits de paiement. Cela devrait permettre de mieux maîtriser les dépenses afférentes, voire de faire des économies sur les budgets à venir.

Le premier axe du programme « Immigration et asile », dont le montant s’établit au total à 560 millions, est la lutte contre l’immigration irrégulière – 85,4 millions en crédits de paiement. L’objectif de 30 000 éloignements réalisés est maintenu.

Par ailleurs, le budget prévoit la poursuite du déploiement des systèmes d’information utiles pour lutter contre l’immigration irrégulière. Ainsi, le système VISABIO, qui permet de savoir si un ressortissant étranger a demandé et obtenu un visa, continuera à être déployé sur le territoire national, dans les services de police et de gendarmerie.

Le chantier de rénovation des centres de rétention administrative sera achevé en 2012. Leur capacité totale sera de 2 063 places en 2012. Des mesures de rationalisation permettront de réaliser des économies dans les dépenses d’escorte des étrangers placés en rétention – je pense à l’utilisation de la visio-conférence pour les présentations devant l’OFPRA.

Le second axe du programme 303 concerne l’accueil des demandeurs d’asile – 408 millions d’euros, dont 80 millions supplémentaires pour l’hébergement et l’allocation d’attente, afin de tenir compte de la hausse de la demande d’asile depuis 2008.

Parallèlement, des mesures sont prises pour réduire les délais de traitement des demandes. Les moyens humains de l’OFPRA et de la CNDA seront renforcés, afin de réduire le délai moyen d’examen des dossiers. On estime qu’une réduction d’un mois de ce délai moyen permet une économie annuelle de 10 à 15 millions sur les dépenses d’accueil des demandeurs.

D’autres mesures permettront de mieux maîtriser l’évolution de la demande d’asile, notamment en dissuadant les demandes infondées. La loi du 16 juin dernier a prévu, par exemple, le traitement selon une procédure particulière des dossiers des demandeurs qui dissimulent des informations à l’administration, ou fournissent sciemment des informations fausses ou tronquées.

Le programme « Intégration et accès à la nationalité française » est doté de 71,6 millions en crédits de paiement. Des mesures ambitieuses sont prévues pour assurer l’intégration des étrangers par la maîtrise de la langue française. Pour la phase de première intégration, d’une durée de cinq ans, le niveau recherché sera calé sur le niveau A1 du référentiel linguistique européen, plus élevé que le niveau actuel. À compter du 1er janvier 2012, on exigera des postulants à la nationalité française le niveau B1, c’est-à-dire celui atteint par un élève à la fin de sa scolarité au collège.

Monsieur le ministre, les budgets inscrits à cette mission ont-ils pour objet de faire face à une demande croissante de la part des migrants, ou au contraire de se donner les moyens de mieux maîtriser cette demande ? Plus généralement, s’inscrivent-ils à terme dans une politique d’évolution de notre code de la nationalité pour mieux prendre en compte les conséquences de la mondialisation sur les flux migratoires ?

Mme Sandrine Mazetier. Comme vous l’avez fait remarquer, madame la présidente, nous n’examinons que moins de 15 % des budgets consacrés à la politique transversale en matière migratoire. Pour le dernier projet de loi de finances de la législature, il eût été plus normal d’examiner l’ensemble de ces budgets !

Je concentrerai mon propos sur quelques points. Sachant que notre temps de parole serait extrêmement limité, j’ai en effet adressé au ministre, la semaine dernière, au nom du groupe socialiste, une série de questions.

Monsieur le ministre, quel est le coût du caractère erratique de la politique que vous menez depuis le début de la législature ? En 2007, était créé un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement, qui a été absorbé, en fin d’année dernière, par le ministère de l’intérieur. Entre temps a été créé un ministère d’état major, avec des fonctionnaires de catégorie A, ce qui pèse sur les finances publiques. Il reste des traces du ministère de l’immigration d’ailleurs, puisque le ministère de l’intérieur est aujourd’hui le seul à disposer de deux secrétaires généraux.

Dans la lettre de mission adressée au ministre de l’immigration en 2007, il était rappelé que le cœur du projet présidentiel en la matière était de reconnaître l’intérêt pour la France et pour les pays d’origine d’autoriser un certain nombre d’immigrés à s’installer en France. Quant à votre prédécesseur, M. Hortefeux, on lui donnait pour objectif de faire en sorte que l’immigration économique représente 50 % du flux total des entrées à fin d’installation durable en France. Malgré les moyens impartis et l’affichage donné à cette politique, jamais ce taux n’a été atteint durant la législature. Au printemps dernier, vous avez donc unilatéralement décidé, monsieur le ministre, de baisser le nombre de titres de séjour pour motif professionnel – sans consulter ni la ministre de l’économie de l’époque, qui s’en était émue, ni le ministre de l’emploi, ni les partenaires sociaux. Je ne vois d’ailleurs pas très bien en quoi une telle décision pourrait limiter les flux qui sont restés constants durant la législature. L’immigration familiale serait-elle désormais privilégiée ? Nous n’avons rien contre, mais si tel est le cas, assumez-le clairement !

J’en viens au coût erratique des messages contradictoires que vous adressez. Dans la politique transversale, un peu plus de 4 milliards d’euros sont consacrés à la politique migratoire, dont près de 2 milliards affectés à l’accueil et la formation des étudiants étrangers. Or, au printemps dernier, vous avez publié une circulaire empêchant les étudiants étrangers de travailler à l’issue de leurs études – je rappelle que plus de 40 % des étudiants en doctorat sont étrangers. La Conférence des présidents d’université, les grandes écoles et plusieurs grands employeurs se sont élevés contre cette circulaire.

Je voudrais aussi vous interroger sur le coût systématiquement minoré de votre politique d’éloignement. Dans le projet annuel de performances que vous nous présentez, le coût unitaire d’un éloignement est estimé à un peu plus de 1 300 euros, alors qu’il est évalué à dix fois plus dans un rapport de l’Inspection générale de l’administration, qui dépend pourtant de vous, et à vingt fois plus par la Commission des finances du Sénat, du temps où celui-ci avait encore une majorité de droite.

Je terminerai par la non-prise en compte de l’impact de la loi du 16 juin relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Dans la mesure où cette loi allonge la durée de rétention, nous devrions observer une augmentation du budget d’accompagnement social, des dépenses sanitaires et de prise en charge de la santé des personnes retenues.

Je veux enfin souligner qu’il est désastreux que le temps de parole des intervenants soit limité à deux minutes pour ce dernier budget de la législature. Cela ne me semble pas de nature à éclairer ni la représentation nationale ni les Français !

Mme Béatrice Pavy, présidente. Vous avez pris six minutes.

M. Michel Hunault. Monsieur le ministre, ma question portera sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre les filières d’immigration clandestine. Les trafics en tous genres prospèrent sur le dos de populations entières. Comment envisagez-vous de renforcer la lutte contre ces filières non seulement au plan national, mais également au plan européen car le problème dépasse largement le cadre de la France ?

M. Patrick Braouezec. Je déplore que nous examinions ces crédits en commission élargie, alors qu’une séance se tient dans l’hémicycle.

Si le projet de budget pour 2012 témoigne d’un effort de transparence, cela ne signifie pas pour autant une hausse réelle des crédits consacrés à l’asile et ne peut cacher une réalité beaucoup moins satisfaisante. Le budget consacré à l’asile passe de 296 millions en 2011 à 376 en 2012, soit 80 millions en plus. Mais si l’on analyse le budget 2010, on constate que cette augmentation ne permettra pas de traiter correctement les problèmes spécifiques à l’asile. En effet, la différence entre les crédits votés dans le budget 2010 et les 410 millions de crédits effectivement consommés est de 124,6 millions. L’augmentation de 80 millions n’est donc qu’un effet d’annonce de plus. Elle ne concerne que les prévisions budgétaires, et non les crédits réellement consacrés à l’accueil des demandeurs d’asile. Les associations intervenant dans ce domaine ne cessent d’ailleurs d’alerter les pouvoirs publics sur le nombre de demandeurs d’asile qui rejoignent les personnes à la rue, sans cesse plus nombreuses.

Pourquoi le ministère, qui admet que le CADA est le dispositif le mieux adapté aux personnes en quête de protection, entérine-t-il une baisse réelle du budget consacré aux CADA, et cela derrière une augmentation toute relative des budgets alloués aux mesures d’urgence ? Ce projet de loi de finances prévoit une nouvelle diminution des crédits CADA de près de 5 millions d’euros, après une baisse de 4 millions en 2011. Cette baisse aura des incidences sur les missions premières des CADA, elle touchera l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile, ainsi que l’emploi qui, avec le nouveau taux d’encadrement, enregistrera la suppression de 500 à 700 ETP.

Des suppressions avaient déjà eu lieu, s’agissant des postes d’accompagnement dans les dispositifs d’hébergement d’urgence. Le texte prévoit un ETP pour dix à quinze résidents, au lieu de un pour dix résidents. De même, la part des personnels socio-éducatifs diminue.

Pour faire baisser le nombre des demandes d’asile, la tentation est grande de dissuader les étrangers d’en déposer une. Pour ce faire, en amont de l’OFPRA et de la CNDA, les préfets jouent un rôle important. En effet, les demandeurs d’asile doivent obligatoirement se rendre dans les préfectures pour faire enregistrer leur demande. Tous les préfets ne sont pas forcément compétents pour cette tâche, et des débordements ont eu lieu. Expérimentée d’abord dans deux régions, puis étendue à dix-sept autres, la « régionalisation » de l’admission au séjour consiste à confier à un ou à deux préfets la compétence d’autoriser ou non les demandeurs d’asile à séjourner dans une région donnée. Cela a pour conséquence de rallonger le délai et de placer les demandeurs d’asile dans des situations inégalitaires. Pourquoi cette réforme s’est-elle faite à effectifs constants ?

S’agissant de l’action 01 du programme 303, « Circulation des étrangers et politique des visas », il semble que le Gouvernement ait trouvé là le moyen de récupérer de l’argent sur le dos des migrants. Ainsi le montant du droit de visa de régularisation est-il passé de 220 euros à 340 euros pour « renforcer son caractère pédagogique » ! Mais le but réel est le financement de ce budget par les migrants eux-mêmes.

J’en viens au programme 104 : « Intégration et accès à la nationalité française ». Ǎ partir du 1er janvier 2012, les étrangers qui souhaiteront déposer une demande de naturalisation, par décret ou par mariage, devront faire concrètement la preuve qu’ils ont, à l’oral, une maîtrise de la langue française équivalente à celle d’une personne ayant été scolarisée jusqu’en fin de classe de troisième. Je vous renvoie, monsieur le ministre, au débat que nous avons eu récemment sur une télévision. Mais combien de nationaux n’ont pas aujourd’hui le niveau de troisième ! Ce nouveau dispositif aura un fort impact réducteur, et il commencera par exclure tous ceux, et surtout toutes celles, qui n’ont pas, ou peu, été scolarisés dans leur pays d’origine.

Je rappelle que le taux d’acceptation des demandes de naturalisation est certainement déjà tombé en dessous des 50 % alors qu’il était au-dessus de 70 % en moyenne ces trente dernières années.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Avant d’entendre la réponse de M. le ministre aux orateurs des groupes, je tiens à préciser que les temps de parole ont été fixés en Conférence des présidents et que personne n’a manifesté son désaccord à ce moment-là. Quant à moi, je dois faire respecter cette organisation.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je voudrais commencer par corriger un oubli : j’ai omis tout à l’heure de répondre à M. Diard sur les questions d’éloignement. La loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, que vous avez votée cette année, permet en effet de reconduire plus facilement à la frontière les personnes en situation irrégulière. C’était d’ailleurs l’un des buts recherchés. J’ai ainsi fait passer à 30 000 l’objectif de 28 000 reconduites à la frontière, qui avait été fixé par mon prédécesseur, et si le rythme est maintenu au cours des mois qui viennent, nous aurons reconduit cette année dans leur pays d’origine 30 000 étrangers se trouvant chez nous en situation irrégulière.

Aux orateurs de gauche qui ont proposé des dépenses supplémentaires, je rappelle que le Gouvernement tient à la maîtrise des finances publiques et développe tous les moyens permettant de rationaliser la dépense, de la limiter à ce qui est nécessaire.

Mme Sandrine Mazetier. Deux secrétaires généraux pour un ministère, est-ce une économie !

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je vous répondrai tout à l’heure.

M. Guibal a évoqué l’intérêt de VISABIO. Cette année, 50 % des visas sont biométrisés et vingt-deux consulats supplémentaires seront en mesure de distribuer des visas avec biométrie. Pour vérifier notamment si les personnes détentrices de visas sont bien celles auxquelles ils ont été accordés, 150 bornes de lecture ont été installées dans les différents services de police sur l’ensemble du territoire.

Vous êtes revenu sur l’importante question de l’hébergement. Je précise qu’entre le 10 octobre et le 10 novembre, l’OFII se rend systématiquement dans les CADA afin d’inciter les personnes déboutées de leur demande de droit d’asile à rentrer volontairement dans leur pays d’origine. Le même travail sera fait dans les CHRS de la région Île-de-France au cours du prochain mois de décembre.

S’agissant de la maîtrise du français, le Gouvernement renforce ses exigences. Des critiques ont été exprimées : quitte à passer pour un naïf, je trouve normal que quelqu’un qui prétend à la nationalité française sache parler français. Il est également important que les personnes venant chez nous pour une durée variable soient en possession d’un minimum de connaissances – différents niveaux sont envisagés. Ce sera le moyen pour elles de réussir leur insertion et celle de leurs enfants dans notre société.

Vous vouliez savoir, monsieur Guibal, si cette décision relevait d’une politique volontariste de l’État. Oui, le Gouvernement souhaite que les personnes immigrées se trouvant sur notre sol s’intègrent mieux et soient en mesure d’adopter nos règles, nos coutumes, notre façon de vivre. Je rappelle que près d’un quart des étrangers non ressortissants de l’Union européenne se trouvant dans notre pays sont actuellement au chômage, notamment parce qu’ils ne peuvent pas s’adapter facilement aux métiers même si un certain nombre d’actions sont conduites, y compris avec des soutiens financiers de la part du ministère de l’intérieur.

Madame Mazetier, vous avez dénoncé le coût de notre politique en matière d’immigration, celui-ci tenant, selon vous, à son caractère erratique. C’est vrai, nous avons deux secrétariats généraux. Vous devriez néanmoins vous féliciter que la structure ministérielle ait été simplifiée car cela permet d’économiser trente emplois. Le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration est en fait une sorte de direction générale réunissant deux directions se consacrant l’une à l’immigration et à l’intégration, l’autre traitant du budget, de la gestion des ressources humaines et de l’organisation territoriale. Je vois mal comment nous pourrions nous passer de cette structure qui a fait ses preuves.

Vous avez par ailleurs dénoncé notre décision de réduire l’immigration de travail. Cette décision n’est pas aussi unilatérale que vous le prétendez. C’est un décret pris conjointement avec le ministre du travail, qui a réduit le nombre des secteurs d’activité en tension. En outre, ce décret a été soumis à l’appréciation des organisations syndicales qui ont pu faire valoir leur point de vue.

M. Alain Vidalies. Même le MEDEF était contre !

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Le MEDEF appréciera que vous preniez ses avis en compte. Mais la Fédération du bâtiment a confirmé qu’il était plus facile aujourd’hui de trouver sur le territoire les personnes dont elle avait besoin. Pourquoi devrions-nous importer des chômeurs ? Nous avons déjà 2,7 millions de demandeurs d’emploi et, chaque année, 110 000 actifs supplémentaires arrivent sur le marché du travail. Et nous avons les moyens d’ajuster l’offre à la demande : j’ai récemment visité, dans l’Oise, un centre de formation performant, qui faisait la démonstration qu’un demandeur d’emploi pouvait être réorienté vers un autre métier, le maîtriser et redémarrer ainsi dans la vie professionnelle.

S’agissant des étudiants et de la circulaire que j’ai co-signée avec Xavier Bertrand, je veux être très clair. L’arrivée d’étudiants est un élément important de l’immigration légale : cela représente 60 000 autorisations de séjour. La France est fière d’accueillir des étudiants qui viennent se former chez elle, de leur ouvrir l’accès à sa culture. Cela étant, les étudiants doivent étudier. Il n’est pas acceptable que les études fournissent un prétexte pour arriver de façon clandestine sur le marché du travail. Cela nous a conduits – c’est l’objet d’une circulaire conjointe avec le ministre de l’enseignement supérieur et le ministre des affaires étrangères – à rationaliser les relations avec les universités étrangères et à privilégier les formations de niveau supérieur, master ou doctorat. Cette circulaire a été contestée par un certain nombre de directeurs de grandes écoles et de présidents d’université. Il est vrai que des problèmes se sont posés : nous les réglons de façon pragmatique. Et, contrairement à ce que vous tentez de faire croire, il n’y a pas de diminution du nombre de passages du statut d’étudiant à celui de travailleur salarié – ce nombre a augmenté au contraire de 1 500 cette année.

Du reste, la fameuse circulaire ne fait que paraphraser, voire reproduire, une loi de la République datant de 2006, qui dispose que les étudiants étrangers auront le droit, au terme de leurs études, d’avoir un emploi pendant six mois afin de se familiariser avec la pratique professionnelle qui correspond à leur formation, cet emploi pouvant être pérennisé. Pour autant, la France n’entend pas siphonner les élites des pays en voie de développement. Après la polémique que certains ont cru bon de développer, j’ai d’ailleurs reçu un nombre important de messages d’encouragement de la part d’étudiants ou de professionnels étrangers me demandant de tenir bon.

S’agissant du coût de la politique d’éloignement, les deux milliards que vous avez mis en avant n’ont aucun fondement. Le coût réel est de l’ordre de 400 millions.

Mme Sandrine Mazetier. Ces deux milliards figurent dans le programme 150 au titre de l’accueil et de la formation d’étudiants étrangers. Or, la circulaire du 31 mai contredit cet objectif.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Le coût individuel d’une reconduite forcée est de l’ordre de 6 000 euros, tandis que celui d’un départ volontaire est moins onéreux. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous essayons, avec l’OFII d’encourager les départs.

Vous avez ensuite évoqué l’insuffisance, selon vous, des crédits destinés aux centres de rétention, au motif que la durée de rétention a été portée de 32 à 45 jours. Je le répète, 45 jours est le délai maximal qui n’est utilisé que sous le contrôle du juge. Une autorisation du juge est d’ailleurs nécessaire pour aller au-delà de cinq jours. La durée moyenne de séjour reste de neuf à dix jours. Nous avons simplement voulu disposer du temps nécessaire pour délivrer les laissez-passer consulaires dans les pays insuffisamment organisés sur le plan de l’état civil.

M. Hunault a justement insisté sur la nécessité de lutter contre les filières de l’immigration. Ce sont en effet des filières criminelles ; et souvent à plusieurs titres : il y a l’introduction clandestine de personnes sur le territoire, et les sujétions imposées à ces personnes ensuite. Les opérations menées par la police ou la gendarmerie mettent souvent un terme à des situations insupportables. À Strasbourg, une filière organisait la vente de jeunes filles : 120 000 euros si elles étaient suffisamment habiles pour cambrioler, avec obligation pour elles de rembourser le prix de l’achat en un an !

Cette cruauté justifie qu’on se consacre avec beaucoup de vigueur à la lutte contre ces filières. En un an, les interpellations de passeurs et le démantèlement de filières ont augmenté de 10 % : 5 800 passeurs ont été interpellés et 183 filières démantelées.

M. Braouezec a regretté que les budgets destinés aux CADA soient en diminution. C’est parce que nous nous efforçons de rationaliser : le nombre de places demeure identique. Il reste que les CADA sont insuffisants pour accueillir tous les demandeurs d’asile et que les CHRS doivent prendre le relais, ce qui ne va pas sans poser de problèmes pour l’accueil de populations relevant traditionnellement de ces structures.

M. François Rochebloine, vice-président de la Commission des affaires étrangères. À combien estimez-vous, monsieur le ministre, le nombre de personnes en situation irrégulière sur notre territoire ? De quels pays viennent-elles ?

S’agissant de l’aide au retour, on sait que les Roms qui en font la demande ont tendance à revenir très rapidement en France. Quel est votre sentiment ?

M. Jacques Valax. Vous avez indiqué que les demandes d’asile dans leur ensemble avait augmenté d’environ 11 %. Or, les chiffres figurant dans le rapport font apparaître que les délais de traitement allaient augmenter en 2012 de 40 % – 130 jours contre 90 jours il y a deux ans et 125 jours l’année dernière. Comment expliquez-vous cette différence ?

La suppression du ministère de l’immigration permet d’économiser trente postes, nous avez-vous dit. Ne pourrait-on envisager une sorte de transfert puisque l’OFPRA a besoin de personnels supplémentaires ?

M. Jean-Claude Bouchet. Ce rendez-vous annuel est assurément utile, tant les questions de l’immigration, de l’asile de l’intégration préoccupent nos concitoyens.

La France accueille tous les ans de 300 à 400 000 nouveaux arrivants, quelque 200 000 personnes entrant de façon légale et autour de 150 000 de façon illégale. Le seul regroupement familial permet à presque 100 000 inactifs de s’installer durablement en France chaque année.

Dans ces conditions, notre pays doit maîtriser ses coûts migratoires, et cela suppose une lutte sans merci contre l’immigration illégale. Tout pays souverain a le droit de définir les modalités de venue et de résidence de populations étrangères sur son territoire. Les candidats à l’immigration qui ne se conforment pas à nos règles n’ont pas vocation à demeurer en France. Dès lors, nos concitoyens attendent de l’État qu’il s’évertue à faire respecter les règles posées par le législateur, en refoulant les étrangers en situation irrégulière ou en appliquant les décisions d’éloignement les concernant.

Que les étrangers en situation irrégulière aient commis ou non des actes hautement répréhensibles comme ceux qui ont récemment bouleversé l’opinion publique, la France ne doit pas tolérer qu’on bafoue les règles qu’elle a établies en matière d’entrée et de séjour des étrangers.

Grâce à la maîtrise des flux migratoires, nous permettons aux étrangers que nous accueillons de mieux s’intégrer, de s’approprier notre mode de vie et nos valeurs.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les crédits de cette mission seront suffisants pour permettre de lutter efficacement contre l’immigration clandestine ?

M. Daniel Goldberg. Mes questions porteront d’abord sur Mayotte, nouveau département français. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner un chiffrage, même approximatif, du budget consacré par notre pays à la lute contre l’immigration irrégulière à Mayotte ? Mme Isabelle Debré, membre de l’ancienne majorité sénatoriale, l’avait estimé à 70 millions d’euros par an. Par ailleurs, le nouveau centre de rétention administrative devait faire partie des opérations retenues en 2011. Il ne verra finalement le jour qu’en 2014. Des crédits de paiement sont prévus à hauteur de 4 millions d’euros. L’engagement de 2014 sera-t-il tenu ? Dans son rapport, Mme Pavy précise que ce centre sera censé accueillir 60 personnes. Monsieur le ministre, prendrez-vous des engagements en ce sens ? Enfin, quels moyens donnera-t-on aux consulats de Moroni et d’Anjouan pour permettre une immigration de court séjour en direction de Mayotte ? Revoir la politique des visas éviterait les phénomènes déplorables que nous condamnons par ailleurs.

Je souhaiterais également vous interroger sur les procédures de naturalisation. Dans le bleu budgétaire, je note une contradiction entre les chiffres qui sont donnés page 77 et ceux qui figurent page 89 : dans le premier cas, on parle d’un délai de traitement de 331 jours, puis, suivant que les décisions sont favorables ou défavorables, d’un délai de 156 ou de 222 jours. Par ailleurs, il est fait état d’une durée d’examen des dossiers entre le moment où l’on donne le récépissé au demandeur et le jour où la décision est prise. Or, un délai important s’écoule entre le moment où l’étranger souhaite faire sa demande de naturalisation et celui où il peut déposer son dossier. Il faudrait donc mesurer la période qui s’étend entre la déclaration d’intention de l’étranger et la décision – favorable ou non – pour avoir une juste appréciation de cet indicateur. Ce serait intéressant, y compris dans le cadre de la procédure déconcentrée mise en place en 2010.

S’agissant enfin de la lutte contre les filières clandestines et ceux qu’on appelle à présent les facilitateurs – on parlait sous votre prédécesseur d’aidants –, les conjointes qui auront aidé par exemple le père de leurs enfants en situation irrégulière, verront-elles toujours leur demande de naturalisation ajournée ? Seront-elles considérées comme les facilitateurs dont vous venez de dénoncer le comportement ?

M. Bernard Carayon. Le fait de se maintenir de manière irrégulière sur notre territoire constitue un délit horriblement coûteux pour l’ensemble des contribuables. Vous avez estimé à 400 millions, monsieur le ministre, le coût des retours et des reconduites. Il est vrai que les estimations vont de un à neuf en la matière. Pouvez-vous préciser le coût des interpellations, gardes à vue et présentations au juges, le coût de la rétention en zone d’attente, le coût de la rétention en CRA ou LRA, les surcoûts dus aux recours, le coût des retours forcés ou aidés, les investissements pour les nouveaux locaux, et le coût de fonctionnement des CRA et LRA, qui constituent autant d’éléments du coût global des retours et des reconduites ?

Par ailleurs, quel est le coût relevant de la demande d’asile dans la mesure où un quart seulement des demandes aboutit ? Quel est le coût d’hébergement des déboutés ? Le coût d’investissement pour les demandeurs d’asile ? Le coût des activités de l’Office liées à l’immigration irrégulière ? Les coûts ministériels ? Le coût des plates-formes d’accueil ?

S’agissant des coûts liés au travail illégal, quel est celui des interpellations des étrangers sans titre de travail ? À combien s’élève le montant des amendes pour l’emploi d’étrangers sans titre non recouvrées ?

À combien estime-t-on la fraude à l’identité, qui touche tous les supports documentaires ? Dans les coûts sécuritaires, quelle est la part des frais de personnel liée à la délinquance d’origine étrangère ? Quelle part est imputable à la délinquance d’origine étrangère ?

Enfin, existe-t-il des subventions d’État accordées directement aux associations d’aide aux migrants en situation irrégulière ? Autrement dit, encourage-t-on le recours à des pratiques condamnées par la loi et condamnables par la morale républicaine ?

M. Jean-Pierre Dufau. En 2008, le Gouvernement avait fixé pour objectif l’accueil de 90 % des demandeurs d’asile en CADA pour 2011. Or, cet objectif a dû être revu à la baisse, à 70 % puis à 40 % . C’est l’aveu d’un échec ou d’une mauvaise appréciation. Le nombre de places en CADA est inchangé – 21 689 places. Cela signifie donc que deux tiers des demandeurs d’asile sont exclus des CADA, ce qui pose le problème de l’égalité de l’accès au droit. Vous mettez en avant la politique de rotation dans les places. Mais cela ne peut constituer une réponse à l’engorgement des centres. Face à cette situation, vous réduisez en outre les crédits de 199 à 194 millions, après une baisse équivalente l’année précédente. Drôle de façon de prendre en compte la réalité des faits !

Qualitativement, le décret du 20 juillet 2011 aggrave la situation, puisque vous diminuez le taux d’encadrement des accompagnants des demandeurs d’asile, qui passe de un pour dix à un pour quinze. Les personnels socio-éducatifs passeront à 50 %, contre 60 % antérieurement.

Bref, la politique mise en œuvre est mauvaise, tant quantitativement que qualitativement. Le budget est insuffisant, bien en deçà des objectifs, et très préoccupant quant aux conséquences qu’il aura sur les demandeurs d’asile.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Rochebloine, par définition, on ne peut faire le recensement des irréguliers. Je peux dire cependant que le nombre des bénéficiaires de l’aide médicale d’État s’élève à 210 000. Cela nous donne une indication intéressante, mais non exhaustive. Quant à la proportion de personnes en situation irrégulière quittant notre territoire de façon volontaire avec le bénéfice de l’aide au retour, elle est de l’ordre de 30 %.

Monsieur Valax, l’augmentation de 11 % du nombre des demandeurs d’asile porte sur les neuf premiers mois de l’année 2011 et ne peut donc pas correspondre aux indications figurant sur des documents qui traitent de périodes antérieures.

Monsieur Bouchet, on peut distinguer plusieurs types de regroupements familiaux. Au total, 80 000 personnes bénéficient chaque année d’une procédure ou d’une autre, 50 000 du fait d’un regroupement pour rejoindre un conjoint français, 15 000 pour rejoindre un conjoint étranger installé régulièrement sur notre territoire, et 15 000 au titre des liens personnels et familiaux. S’agissant du regroupement familial, qui permet à des conjoints étrangers de se retrouver sur notre territoire, le législateur a rendu la procédure plus rigoureuse, en prenant en compte notamment la réalité des ressources et les conditions de logement. De ce fait, le nombre des autorisations de séjour à ce titre a diminué en quelques années de 25 000 à 15 000. Pour les autres procédures, nous avons encore des progrès à faire.

Vous m’avez demandé si les crédits prévus pour lutter contre l’immigration illégale étaient suffisants : oui, ils le sont. L’an prochain, l’objectif de reconduite à la frontière de personnes en situation irrégulière sera, comme pour cette année, de l’ordre de 30 000.

Pour répondre à M. Goldberg, qui m’a interrogé sur Mayotte, 5 000 clandestins ont été renvoyés aux Comores en deux ans, ce qui traduit l’importance des flux. Le centre de rétention de Mayotte sera livré avant la fin 2014. Il permettra bien l’hébergement de 60 personnes.

Je ne puis vous répondre dans le détail sur les délais de la naturalisation, n’ayant pas de documents sous les yeux. Je puis cependant vous dire de façon certaine qu’ils se sont beaucoup raccourcis grâce à la procédure déconcentrée.

En ce qui concerne les aidants au regard de l’accès à la nationalité, la pratique est d’ajourner de trois à cinq ans les décisions en vue d’une naturalisation.

Je suis dans l’incapacité de répondre à toutes les questions de M. Carayon, mais je les juge très pertinentes. Il est légitime que la Commission des finances se les pose. Je m’efforcerai de vous apporter des réponses précises. Pour l’heure, je peux vous indiquer que le coût d’une journée de CADA s’élève à 25 euros et celui d’une journée en hébergement d’urgence à 15 euros. Quant à l’allocation temporaire, elle s’élève à 11 euros par jour et par personne.

Mme Béatrice Pavy, présidente. C’est moins cher à Paris qu’en province.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je précise que le ministère de l’intérieur n’accorde de subventions qu’à des associations qui gèrent par convention des établissements, qu’il s’agisse de CADA ou de CRA.

Enfin monsieur Dufau, les personnes hébergées en CHRS bénéficient aussi de l’allocation temporaire.

M. Lionnel Luca. Paradoxalement, ma question rejoint celle posée tout à l’heure par Mme Mazetier. Lors de sa campagne électorale, le président de la République avait clairement exprimé sa volonté de limiter le regroupement familial, voire de le réduire, au profit d’une immigration professionnelle. Cette politique a été mise en œuvre comme prévu au début du quinquennat. J’aimerais connaître ses résultats. La décision de réduire l’immigration professionnelle, prise cette année pour les raisons que vous avez rappelées, conduit à s’interroger sur le regroupement familial. N’est-ce pas une relative impossibilité de le réduire qui amène à se retourner contre l’immigration professionnelle ? Vous avez donné le nombre de 80 000 regroupements familiaux. Pensez-vous que l’on puisse en autoriser moins, notamment dans la dernière catégorie, celle des 15 000 personnes qui entrent en France au titre des liens personnels et familiaux, notion qui permet un certain nombre de fraudes ?

M. Étienne Pinte. Ma première question porte sur la circulaire du 31 mai concernant la maîtrise de l’immigration professionnelle, qui concerne en particulier les étudiants. Je reçois moi-même, depuis plusieurs années, des étudiants étrangers. Les uns ont la double nationalité, les autres non. Les premiers pourront donc rester sur le territoire national, mais pas les autres. N’est-ce pas quelque peu absurde ?

Le Québec ne fait pas de distinction entre ces deux catégories de personnes. Je crains donc que les étudiants souhaitant poursuivre leurs études en français ne se détournent de notre pays au profit du Québec, à moins qu’ils ne demandent la double nationalité.

C’est en tant que représentant de notre Assemblée au conseil d’administration de l’OFPRA que je vous poserai ma deuxième question. Il y a actuellement 21 000 places en CADA. Les demandeurs d’asile qui, faute de place, ne peuvent être accueillis dans un CADA le sont en CHRS, en centre d’hébergement d’urgence (CHU) ou à l’hôtel. Il n’est pas acceptable qu’il y ait ainsi deux catégories de demandeurs d’asile – ceux qui peuvent bénéficier d’un accompagnement spécifique dans les CADA et les autres. Le Gouvernement envisage t-il d’augmenter le nombre de places en CADA ?

Mme Béatrice Pavy, présidente. Il me semble que cela rejoint la question de M. Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. En effet. Je ne vous avais pas interrogé sur les CHRS, monsieur le ministre, mais sur les CADA.

M. Alain Vidalies. Permettez-moi de vous interroger, monsieur le ministre, sur la situation des mineurs étrangers. En la matière, il y a beaucoup d’écrits et peu d’actes – mais il est vrai que les réponses sont particulièrement délicates à mettre en œuvre. Un premier problème tient au fait que certaines collectivités locales se retrouvent seules à financer la prise en charge des mineurs étrangers, dont la répartition sur le territoire n’est pas égalitaire. Dans la mesure où cette question se pose à l’ensemble du pays, il appartient à l’Etat d’y apporter une réponse.

Le second problème est celui du traitement de ces enfants étrangers, notamment roumains. La situation juridique n’est plus la même depuis la décision du Conseil constitutionnel : un accord avec la Roumanie avait prévu de raccourcir les délais de procédure, le procureur prenant seul les décisions, sans intervention du juge des enfants ; mais le Conseil constitutionnel a jugé que cela n’était pas conforme à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Quelles réponses pouvez-vous nous apporter, tant sur le financement de la protection de ces enfants que sur la nature des démarches entreprises, notamment avec les pays d’origine, pour permettre d’assurer leur retour dans le respect de leurs droits ?

M. Serge Janquin. Je vous interrogerai également sur les migrants mineurs. Il me semble que la question de la détermination de l’âge en cas d’incertitude mérite d’être abordée avec un peu plus d’humanité. Mais je voudrais surtout appeler votre attention sur la charge indue qui pèse sur certaines collectivités locales. Ce n’est pas parce que l’on est point d’entrée, point de sortie ou point de regroupement que l’on doit supporter toute la charge de ces enfants inégalement répartis sur le territoire national. Le président du conseil général du Pas-de-Calais vous a écrit pour vous dire le poids de cette dépense pour le département. Si la « jungle » de Calais a été fermée, elle a essaimé tout le long de l’autoroute À 26, et parmi ces migrants se trouvent un grand nombre d’enfants. Le département ne dispose pas des structures et du personnel suffisants pour les accueillir tous. J’ai cru comprendre que l’Etat entendait assumer cette mission de répartition, mais qu’en même temps, vous nous disiez qu’il fallait se rendre à la raison – ils sont groupés par pays sources. Qu’en est-il exactement ?

En tout état de cause, la prise en charge d’une politique d’Etat relève de la solidarité nationale, ou d’une forme de mutualisation, ou d’une combinaison des deux. On ne peut laisser les collectivités territoriales exposées à des risques financiers imprévisibles. J’attends une réponse précise et des engagements.

M. Henri Plagnol. Vous l’avez dit à plusieurs reprises, une meilleure maîtrise de la langue française est une des conditions d’une meilleure intégration. Le rapport relève des progrès, s’agissant des signataires du contrat d’accueil et d’intégration. C’est ce dispositif qui permet –depuis la loi du 20 novembre 2007 – qu’une formation linguistique soit dispensée aux membres de la famille, notamment aux parents qui bénéficient du regroupement familial. En revanche, bien peu est fait pour les personnes ayant migré avant l’adoption de la loi, si bien que les mères de famille, et surtout les enfants, n’ont pas accès à la langue française quand elle n’est pas leur langue maternelle. Ils arrivent donc à l’école avec un handicap, comme vous l’avez souligné ici même en répondant à une question d’actualité.

Cette question n’est pas du seul ressort de votre ministère. Mais puisque nous butons à la fois sur des problèmes sociaux et sur des problèmes financiers, pourquoi ne pas ériger l’accès des tout-petits – avant l’entrée en maternelle – à l’alphabétisation en langue française en cause nationale, en s’appuyant sur les nombreuses associations qui œuvrent déjà sur le terrain ? La bataille pour l’intégration des enfants est la clé de l’intégration des nouvelles générations.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous cherchez, nous dites-vous, à faire la distinction entre vrais et faux étudiants. Pourquoi donc avoir procédé à des contrôles d’identité à l’entrée de l’université du Havre ? Par définition, ce n’est pas à l’université que vous trouverez de faux étudiants ! Je ne comprends pas cette opération, qui a suscité beaucoup d’émoi parmi les professeurs et les étudiants de l’université.

Par ailleurs, j’ai été contrôlé hier après-midi, à la descente de l’avion, rentrant de Tunisie où j’avais participé à la surveillance des élections. Comment sont choisis les avions qui feront l’objet d’un contrôle à la passerelle ? Je suis allé trois fois en Tunisie dans les deux derniers mois : à chaque fois, j’ai été contrôlé de la sorte à mon retour, ce qui ne se produit pas quand je reviens d’un autre pays.

Que deviennent d’ailleurs les personnes qui ne sont pas en situation régulière ? Combien sont-elles ? Comment cela se passe t-il lorsqu’elles souhaitent demander l’asile ?

Enfin, une immigration nouvelle nous arrivera dans les prochaines semaines avec les complices des régimes de Moubarak, Kadhafi ou Ben Ali. Sur quelle base accepterez-vous éventuellement de leur donner l’asile politique ? Certains ont-ils déjà été admis sur le territoire ? C’est évidemment plus facile lorsqu’on a de l’argent, qu’on maîtrise la langue française, voire qu’on possède une résidence en France !

Vous avez insisté sur la lutte contre la traite des êtres humains. Je vous félicite pour le travail qui a été accompli. Les victimes font-elles l’objet d’un traitement particulier par votre ministère ? Si oui, pouvez-vous nous en dire plus ?

M. François Loncle. Il y a en effet un double contrôle à Roissy, et ceux qui reviennent de pays du sud ont été témoins de scènes insupportables. Peut-être sont-elles dues au désordre souvent dénoncé dans la gestion des aéroports de Paris, mais elles donnent un image déplorable de notre pays aux gens qui arrivent pour la première fois en France : des files sont bloquées sur plusieurs dizaines de mètres, parfois sur la passerelle, en pleine chaleur parfois. Du temps de Mme Alliot-Marie, il m’est arrivé de téléphoner au ministère pour débloquer une situation insoutenable.

Il existe une incohérence dans la politique d’accords de gestion concertée des flux migratoires. Certains de ces accords bilatéraux ont été signés avec des pays plus qu’autoritaires, dont les dirigeants spolient leurs peuples –la république du Congo, le Gabon de la famille Bongo ou la Tunisie de M. Ben Ali. Or, vous ne faites pas de différence entre le traitement des pays démocratiques et celui de ces pays où les gens souffrent. Du reste, vous n’appliquez même pas ces accords : le plus ambitieux, signé avec la Tunisie de Ben Ali, prévoyait la venue régulière de 9 000 Tunisiens par an : vous n’avez délivré que 2 700 titres de séjour ! Dans son article 3, la France s’engageait à proposer son dispositif d’aide au retour volontaire aux ressortissants tunisiens en situation irrégulière faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Mais en pleine crise avec l’Italie, vous avez fait geler les demandes au retour volontaire, puis baisser le montant de l’aide. C’est déplorable.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Luca, je vous ai donné tout à l’heure le nombre des regroupements familiaux à proprement parler – qui concernent la venue en France de personnes de nationalité étrangère rejoignant un étranger qui séjourne régulièrement dans notre pays. Il est tombé de 25 à 15 000. S’agissant du rapprochement familial, entre une personne de nationalité étrangère et un conjoint français, on peut se montrer plus rigoureux dans le cadre du droit en vigueur. Je m’y efforce. Pour aller plus loin, .il faudrait modifier la loi.

L’immigration professionnelle avait en effet été considérée en 2007 comme l’un des éléments susceptibles de permettre d’accorder davantage d’autorisations de séjour. La situation de l’emploi dans notre pays et une analyse plus précise du marché du travail nous ont conduits à infléchir notre position. Nous nous sommes aperçus que la moitié des 30 secteurs dits en tension ne l’étaient pas, et qu’on pouvait parfaitement trouver sur le marché du travail français des personnes aptes à répondre aux offres d’emploi proposées. C’est vrai – pour l’essentiel – pour le secteur informatique, mais aussi pour les maçons.

Monsieur Pinte, vous avez critiqué une inégalité entre les étudiants possédant la double nationalité et les étudiants de nationalité étrangère. Je connais votre engagement et votre sensibilité aux problèmes humains. Mais il y a une grande différence entre ces deux catégories de personnes : certaines sont françaises, et il est donc normal de leur permettre de travailler en France ; s‘agissant des autres, le pouvoir régalien est libre d’exercer ses compétences.

Je reviens par ailleurs sur une idée reçue. Désormais, le Canada réduit lui aussi ses possibilités d’immigration. J’ai rencontré il y a quelques semaines mon homologue canadien, et j’ai été très surpris de le voir s’aligner sur une politique encore plus restrictive que la nôtre, celle du Royaume-Uni.

Il y a une différence, monsieur Dufau, entre le CADA et le CHRS. Nous ne sommes pas restés inactifs, puisque nous avons aujourd’hui 21 000 places de CADA, contre 5 200 en 2001. Globalement, nous constatons cependant un engorgement du dispositif d’accueil, qui tient notamment à nos mauvaises performances en matière de traitement des demandes d’asile. La bonne solution consiste donc, comme nous le faisons cette année encore, à poursuivre les créations d’emplois à l’OFPRA et à la CNDA pour accélérer les délais de traitement.

M. Vidalies et M. Janquin ont évoqué la délicate question des mineurs étrangers, dont l’accueil représente une charge importante pour certaines collectivités locales, d’autant que la répartition géographique est inégale. Le ministère de la justice a ouvert une concertation avec les départements pour faire en sorte qu’elle devienne plus égalitaire. Là encore, la solution consiste à rechercher avec les pays d’origine les moyens de traiter le sort de ces mineurs isolés. Ainsi, de nombreux mineurs roumains, souvent exploités à des fins de délinquance dans des conditions sordides, sont présents sur notre territoire. Il s’agit de rendre ces enfants à leurs parents, ou à un service de protection de la jeunesse dans leur pays. Il est vrai que ces services n’étaient pas au niveau il y a quelques années, mais la Roumanie possède un système de protection de l’enfance conforme aux normes internationales. C’est la raison pour laquelle un magistrat roumain s’installera bientôt à Paris pour traiter ces situations, tandis qu’un magistrat français sera présent en Roumanie pour organiser les retours. Je précise que si j’ai parlé de rendre ces enfants à leurs parents, c’est que certains de ces enfants sont volés. De véritables mafias sont ici à l’œuvre, et nous devons mettre un terme à leurs agissements.

M. Plagnol est intervenu sur un thème qui m’est cher, celui de la langue. Le ministère y consacre 60 millions d’euros par an. Il est essentiel que les très jeunes enfants apprennent le français. Les sociologues et les experts en sciences de l’éducation que j’ai rencontrés ont été quasi unanimes pour dire que si la langue française n’était pas acquise aux alentours de deux ans, une sorte d’illettrisme définitif se créait.

M. Jean-Pierre Dufau. Vous pensez qu’un enfant qui ne parlerait pas une langue à l’âge de deux ans ne puisse plus l’apprendre par la suite ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Ce sont des personnes faisant autorité dans leur discipline qui le disent.

Mme Sandrine Mazetier. Nous serions curieux de savoir quels sont ces experts.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je vous indiquerai les ouvrages sur le sujet ainsi que les méthodes développées, notamment au Canada et en Allemagne. Chacun pourra en tout cas convenir, quel que soit l’âge sur lequel on s’accorde, qu’il est important d’acquérir au plus tôt la connaissance de la langue. Nous travaillons en ce sens, pour le bien de ces enfants, car cela facilitera leur éducation.

M. Jean-Pierre Dufau. Avec cette théorie, on ne pourrait plus apprendre une langue étrangère après trois ans !

Mme Sandrine Mazetier. Par cohérence, vous devriez être favorable, monsieur le ministre, à la scolarisation dès deux ans.

M. Henri Plagnol. Ces querelles sont stériles. L’apprentissage de la langue française est essentiel pour l’intégration des enfants.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. C’est dans le même esprit qu’est organisé un enseignement du français pour les parents, de façon que ceux-ci puissent accompagner les enfants dans leur scolarité. Ces actions d’ouverture de l’école aux parents bénéficient cette année à quelque deux mille parents. J’ai assisté il y a quelques mois, en compagnie de Luc Chatel, à l’une de ces séances dans le Val d’Oise. C’était très émouvant. Il n’y avait que des femmes dont l’objectif était d’ailleurs non seulement de pouvoir ultérieurement suivre la scolarité de leurs enfants, mais aussi de devenir des femmes libres dans notre société, capables grâce à la connaissance de notre langue de se débrouiller dans la vie quotidienne et d’accéder à un emploi.

M. Jacques Alain Bénisti. Certains crédits des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) sont spécifiquement affectés à ces actions.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Lecoq, pourquoi des contrôles d’identité ont-ils été organisés aux portes de l’université du Havre ? Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’ils ne peuvent avoir lieu que sur décision judiciaire : il faut une réquisition du procureur de la République.

Les contrôles aux passerelles d’avion sont organisés à l’initiative des services locaux de la police de l’air et des frontières. Les raisons peuvent en être diverses. Mais en toute hypothèse, les personnes ne sont jamais refoulées dans l’avion. Et dès qu’une demande d’asile est formulée, elle est instruite ; du reste, l’administration n’a pas compétence en matière d’octroi d’asile. Seule une juridiction peut accorder l’asile politique.

En ce qui concerne les personnes pouvant arriver de certaines dictatures récemment renversées, sachez que le droit s’applique à tous d’égale façon. Si ces personnes formulent une demande d’asile politique, celle-ci sera examinée. Et c’est l’OFPRA, dans un premier temps, la CNDA, ensuite, qui décideront, sans la moindre intervention du pouvoir politique.

En matière de lutte contre la traite des êtres humains, nous aidons les associations d’aide aux victimes. Diverses dispositions, dont l’une de caractère législatif, ont été prises dans le cas de la prostitution, afin de délivrer une autorisation de séjour tenant compte des risques encourus par les personnes.

Monsieur Loncle, les files d’attente dans les aéroports sont en effet regrettables. Il y a dans les ces lieux un problème général de gestion des foules, puisque le problème se retrouve au niveau des portiques également. C’est d’ailleurs pourquoi nous développons, pour les voyageurs réguliers, notamment de l’Union européenne, des documents biométriques. Cela libère les policiers qui peuvent se consacrer davantage aux autres contrôles.

Il est vrai qu’un accord avait été signé avec la Tunisie en 2008, prévoyant d’une part que des Tunisiens viennent en France, d’autre part que notre pays aide des actions de développement et de formation en Tunisie. Cette aide devait avoir une contrepartie en matière de lutte contre l’immigration irrégulière de la part de la Tunisie. Nous l’attendons toujours. Pour notre part, nous avons beaucoup fait. Lorsque je me suis rendu en Tunisie après la « révolution du jasmin », j’ai constaté que divers centres de formation professionnelle avaient été ouverts dans le domaine du bâtiment, de la mécanique, des métiers de la mer, grâce aux financements du ministère de l’intérieur français. Nous avons également accueilli en France des stagiaires tunisiens dans certaines professions, en lien notamment avec le tourisme. Enfin, une autre action est en cours, très intéressante en ce qu’elle conjugue les intérêts des deux pays : nous accueillons en France des aides-soignants et des infirmiers tunisiens. Ces personnes, au niveau de formation très élevé, trouvent ainsi un emploi, en même temps que nous répondons à nos besoins en personnels de santé.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que tous ceux qui ont participé au débat. Nous en avons terminé avec cette commission élargie. Les trois commissions concernées vont maintenant procéder au vote des crédits de la mission.

Mme Sandrine Mazetier. Il était prévu que la commission élargie dure deux heures trente. Il reste donc encore vingt minutes. Le groupe SRC pouvait, en proportion de sa représentation, compter sur 20 % du temps de parole, soit trente minutes. Or, nous n’avons pu nous exprimer que vingt minutes. Par ailleurs, des collègues qui participent actuellement au débat dans l’hémicycle souhaitaient prendre part aux différents votes sur les crédits, à l’issue de la commission élargie. Ils ne le pourront pas parce que nous abordons ces votes plus tôt que prévu.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Nous avons donné la parole à tous ceux qui le souhaitaient. Le ministre a pris le temps de répondre à chacun.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-neuf heures quinze .

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