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Assemblée nationale

Commission élargie

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 26 octobre 2011

Présidence de M. Yves Censi,
vice-président de la Commission des finances,
et de M. Sébastien Huyghe,
vice-président de la Commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à seize heures vingt-cinq.

projet de loi de finances pour 2012

Justice

M. Yves Censi, président. Monsieur le garde des sceaux, M. Sébastien Huyghe, vice-président de la Commission des lois et moi-même sommes heureux de vous accueillir. Le président de la Commission des finances, M. Jérôme Cahuzac, retenu ailleurs, vous prie d’excuser son absence.

Nous sommes réunis en commission élargie afin d’examiner les crédits de la mission Justice pour 2012. Cette année, les débats seront chronométrés, ce qui nous incitera à respecter la durée prévue, qui, pour la mission « Justice », a été fixé à trois heures.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Pour la première année, j’ai l’honneur d’être rapporteur spécial sur la mission « Justice », laquelle constitue une prérogative régalienne et se trouve au cœur du quotidien des Français. En 2012, le budget de la justice, en hausse pour la huitième année consécutive, augmente de 4 % en crédits de paiement, les autorisations d’engagement s’élevant à 9,8 milliards, et les crédits de paiement à 7,42 milliards.

Je me félicite que le Gouvernement continue à en faire une priorité, alors que la dépense publique est plus que jamais contenue. Depuis 2002, les gouvernements successifs ont eu à cœur de rattraper le retard français de la justice, dont le budget passera de 1,6 % du PIB en 2002 à 2,6 % pour 2012, ce qui nous rapproche de la moyenne de l’OCDE.

En 2010 et 2011, les réformes ont été nombreuses : loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, du 5 juillet 2011 relative au droit et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, et du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Le budget proposé se caractérise par un vaste programme d’investissements pour le parc judiciaire, surtout pénitentiaire, qui fait appel au partenariat public-privé, et par une politique d’emploi ambitieuse, particulièrement saillante dans un contexte général de diminution des effectifs publics.

Pour l’immobilier judiciaire, le rythme est plus soutenu que l’an dernier. Aux investissements de 175 millions qui permettront d’achever les regroupements décidés dans le cadre de la réforme judiciaire, s’ajoute une enveloppe complémentaire de 190 millions, qui financera de nouvelles opérations de rénovation. Pour l’immobilier pénitentiaire, l’État consent un effort considérable, en vue d’accroître le nombre de places de prison – le Président de la République a fixé l’objectif de 80 000 places – et de mettre le parc carcéral aux normes prévues par la loi pénitentiaire, notamment en matière d’encellulement individuel. Ces investissements sont inscrits à hauteur de 1,85 milliard dans le nouveau programme immobilier. En trente-cinq ans, le nombre de détenus a été multiplié par deux et demi, passant de 26 300 à 64 900.

La mission « Justice » est la seule à connaître des créations de postes, qui se montent à 515 équivalents temps plein ; 285 postes de greffier sont créés, ce qui est considérable. En tout, le ministère compte 6 625 emplois de plus qu’en 2002.

Si le budget de 2012 est à la fois généreux et ambitieux, quelques questions se posent. Sur le programme « Justice » judiciaire, la gestion des ressources humaines semble complexe. La charge de travail varie fortement d’une juridiction à l’autre. Le nombre d’affaires par magistrat ou par fonctionnaire peut aller du simple au double, voire au triple. Les redéploiements d’effectifs ne sont peut-être pas assez nombreux. Le ministère profitera-t-il du grand nombre de départs à la retraite pour mener une politique volontariste ? Si l’on veut rendre des postes plus attractifs, pourquoi ne pas utiliser le levier indemnitaire ou l’attribution de bonifications d’ancienneté, comme on le fait pour l’outre-mer ?

Le 1er juin 2011, la France disposait de 56 358 places opérationnelles pour 64 971 détenus, soit un taux d’occupation moyen des établissements de 115,3. La construction de nouvelles places de prison est donc une nécessité, même si, depuis vingt-cinq ans, les plans de construction se sont enchaînés. L’administration s’est appuyée sur la gestion privée. Le nouveau programme immobilier sera réalisé uniquement via des partenariats public-privé. La Cour des comptes estime que les dépenses de loyers correspondant aux investissements passeraient en 2017 de 25 à plus de 263 millions. La question de la soutenabilité budgétaire se pose-t-elle pour les PPP ? La hausse significative des dépenses obligatoires de l’administration sous forme de loyers ne va-t-elle pas provoquer l’éviction d’autres dépenses du programme ?

L’administration pénitentiaire devra assumer, à compter de 2012, l’extraction de détenus entre les palais de justice et les centres de détention, mission coûteuse en personnel jusque-là assurée par les forces de police et de gendarmerie. L’enveloppe de 250 emplois supplémentaires prévue à cet effet est-elle suffisante ? Ne faut-il pas changer les méthodes de travail des magistrats, en recourant par exemple à la visioconférence pour limiter le nombre d’extractions judiciaires ?

Depuis 2009, la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a recentré son intervention auprès des mineurs délinquants. Dans le cadre de la RGPP, son organisation connaît une modernisation profonde, qui l’oriente davantage vers les mineurs ayant commis des actes de délinquance. Cette année, après avoir diminué pendant trois années consécutives, les crédits de paiement du programme augmentent de 4,6 %, comme le reste de la mission, mais une réforme aussi importante ne se fait pas sans quelques grincements de dents des personnels, particulièrement de ceux qui sont chargés de la fonction éducative. La création de 60 postes d’éducateur est-elle suffisante au regard de la mise en route de nouveaux centres éducatifs fermés ? Comment la PJJ initiera-t-elle la généralisation des mesures judiciaires d’investigation éducative ?

M. Sébastien Huyghe, président et rapporteur pour avis de la Commission des lois, pour l’administration pénitentiaire et la protection judicaire de la jeunesse. Je vous prie d’excuser l’absence du président de la Commission des lois, qui ne peut être présent.

Je ne peux que me féliciter de l’évolution des crédits ouverts pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse dans le projet de loi de finances pour 2012. L’évolution des crédits amorcée depuis le début de la législature prouve que l’exécution des décisions de justice pénale est une priorité du Gouvernement et de la majorité parlementaire.

Les crédits de l’administration pénitentiaire augmentent de 44 % en autorisations d’engagement et de 7,4 % en crédits de paiement, afin de poursuivre l’agrandissement et la rénovation du parc immobilier, ainsi que la mise en œuvre de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. De même, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmentent de 4,6 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement, ce qui permettra non seulement d’achever la reconcentration des moyens de la PJJ sur la prise en charge des mineurs faisant l’objet d’une mesure pénale, mais aussi d’ouvrir vingt centres éducatifs, afin d’appliquer la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Le Gouvernement a déposé un amendement visant à réduire les crédits de la mission « Justice » de 20 millions d’euros, imputés à parts égales entre les programmes « Justice judiciaire » et « Administration pénitentiaire ». La mesure s’inscrit dans le plan d’économies de 1 milliard annoncé fin août par le Premier ministre et dicté par la situation de nos finances publiques.

Pour ce qui concerne l’administration pénitentiaire, la baisse de 10 millions d’euros représente une diminution globale des crédits de 0,2 %. Si l’amendement est voté, la hausse des crédits passera de 44,1 % à 43,8 % en autorisations d’engagement et de 7,4 % à 7 % en crédits de paiement. La hausse restant importante, je ne suis pas défavorable à l’amendement.

J’émets cependant une réserve sur l’imputation de la réduction des crédits au sein du programme « Administration pénitentiaire ». La baisse s’imputerait à hauteur de 9,5 millions pour le programme immobilier et de 0,5 million pour l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP). Il serait problématique que celle-ci voie diminuer de 1,8 % les crédits prévus pour 2012, alors que la formation tant initiale que continue revêt une importance particulière. Peut-on répartir la réduction des crédits d’une manière moins défavorable à l’ENAP ?

À cette réserve près, les crédits de l’administration pénitentiaire et de la PJJ prévus dans le PLF pour 2012 ne pouvant qu’être pleinement approuvés, je me contenterai de poser cinq questions sur les évolutions liées au fonctionnement et aux missions de ces deux acteurs essentiels du service public de la justice.

Commençons par l’administration pénitentiaire.

Depuis la fin de l’année 2010, un nouveau programme immobilier a été engagé pour prendre la suite du programme « 13 200 », dont les derniers établissements doivent être livrés en 2014 ou en 2015. L’objectif du nouveau programme, qui prévoit l’ouverture de vingt-sept établissements et la fermeture de trente-six autres devenus inadaptés, est de porter la capacité d’hébergement de nos établissements pénitentiaires à 70 000 places en 2017. Depuis, le chef de l’État a annoncé que le projet de loi de programmation pour l’exécution des peines, que nous examinerons sous peu, porterait la capacité du parc pénitentiaire à 80 000 places. Comment ce nouvel objectif se traduira-t-il sur le plan budgétaire ? Quel est le calendrier prévu ?

Fin 2010, il a été décidé de transférer progressivement la compétence des extractions judiciaires à l’administration pénitentiaire, ce qui doit s’accompagner du transfert de 800 emplois en trois ans de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice ». Depuis le 1er septembre, c’est-à-dire depuis presque deux mois, l’administration pénitentiaire assure les extractions judiciaires dans deux régions, l’Auvergne et la Lorraine. Pouvez-vous dresser un premier bilan ? Comment se passent sur le terrain les relations avec les forces de police et de gendarmerie lorsque l’administration pénitentiaire ne peut assurer des extractions par manque de moyens ou en raison du profil du détenu ? Enfin, le nombre de 800 emplois devant être transférés de l’administration pénitentiaire vers la mission « Sécurité », fixé par un arbitrage interministériel fin 2010, suffira-t-il pour que l’administration pénitentiaire assume sa charge dans de bonnes conditions sur l’ensemble du territoire ?

Troisièmement, début 2011, l’affaire de Pornic a révélé des difficultés concernant la continuité du suivi des personnes placées sous main de justice, notamment lors de la transition entre milieu fermé et milieu ouvert. Les travaux et déplacements que j’ai effectués pour préparer la discussion budgétaire m’ont permis de constater que, si des efforts réels ont été accomplis dans ce domaine, il faut encore résoudre des difficultés, notamment de communication entre les services de l’application des peines des tribunaux et les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Quelles orientations le ministère a-t-il retenues pour améliorer la continuité du suivi des personnes placées sous main de justice ?

Les effectifs des SPIP, qui ont pourtant augmenté de 75 % depuis 2002, sont fréquemment invoqués pour expliquer qu’ils peinent à assurer le suivi des condamnés. Récemment, un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des services judiciaires vous a été remis sur leur organisation et leurs éventuels besoins en personnels. Quelles en sont les conclusions et quelles suites envisagez-vous de lui donner ?

J’en viens à la protection judiciaire de la jeunesse. La loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et la justice des mineurs a élargi les cas de placement sous contrôle judiciaire, donc les possibilités de placement en centre éducatif fermé (CEF) pour les mineurs de treize à seize ans. Afin de mettre ces dispositions en application, le Gouvernement prévoit de créer vingt CEF. Quel est l’impact budgétaire de cette mesure et quel est l’état d’avancement des travaux ?

Si tout le monde ou presque reconnaît le bien-fondé des principes qui fondent l’action éducative dans les CEF, on manque de données objectives sur leur efficacité en termes de prévention de la récidive et de réinsertion. Le ministère va-t-il effectuer un suivi régulier du devenir des jeunes qui sont passés par ces centres, ce qui permettrait de mesurer leur efficacité ?

Les personnels des CEF que j’ai rencontrés posent la question de l’« après-CEF ». Souvent, les professionnels de la PJJ, qui peinent à trouver pour les mineurs une solution adaptée, formulent des propositions dans l’urgence et par défaut. Pour remédier à cette difficulté, il serait souhaitable de construire pour les mineurs délinquants un parcours de prise en charge par la justice, fondé sur la progressivité, et élaboré conjointement par le juge des enfants et par les services de la PJJ. Dès l’audience, un mineur placé en CEF sous contrôle judiciaire serait informé par le magistrat que, si le placement se passe bien, on envisagera une mesure éducative comme un placement en foyer, suivi d’un retour dans la famille accompagné d’une mesure d’activité de jour. Un tel parcours – qui nécessiterait, non une mesure législative, mais seulement une volonté commune des magistrats et des services de la PJJ – améliorerait la lisibilité des mesures et anticiperait les transitions, souvent difficiles et insuffisamment préparées, entre les différentes structures. Que pensez-vous de cette proposition ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la Commission des lois, pour la justice et l’accès au droit. Je suis heureux d’assurer, cette année encore, la fonction de rapporteur pour avis du budget de la mission « Justice ». Continuellement en hausse depuis 2002, il progresse cette année de 4 % en crédits de paiement, le programme « Justice judiciaire » augmentant de 0,7 % et le programme « Accès au droit et à la justice » de 7,7 %.

Le budget intègre la réforme de la garde à vue, de l’hospitalisation sous contrainte, de la carte judiciaire et du rôle des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels. Au cours de mes déplacements dans les juridictions – j’ai rédigé un rapport d’information budgétaire sur leur fonctionnement –, j’ai mesuré, outre le dévouement des personnels de justice, notamment des magistrats, les difficultés qu’ils rencontrent.

Les premières portent sur les effectifs des fonctionnaires des services judiciaires et sur leur régime indemnitaire. Je me réjouis que vous ayez prévu de recruter 90 magistrats par concours exceptionnel et de porter de 105 à 180 le nombre de postes d’auditeur de justice offerts au concours. Il faut croire que j’ai été entendu sur ce point.

Je me félicite aussi que l’on compte désormais par magistrat 0,92 greffier et, toutes professions réunies, 2,5 fonctionnaires, preuve que l’équipe qui les entoure a été étoffée. Cependant, est-il opportun d’améliorer à nouveau le régime indemnitaire des magistrats sans rien prévoir pour les greffiers ? Plus généralement, quelles sont les perspectives indemnitaires des fonctionnaires du ministère de la justice, qui souffrent d’un manque de reconnaissance ? Quelles sont les perspectives d’intégration des greffiers, qui se sentent parfois déclassés, dans le nouvel espace statutaire ?

Depuis 2006, l’effectif des fonctionnaires de catégorie C diminue, ce qui est préjudiciable au fonctionnement des juridictions. L’exécution, la gestion des archives, la numérisation et le rangement des scellés nécessitent du personnel technique. J’entends dire qu’à Nanterre plus personne n’assure la distribution du courrier ou le transfert des dossiers entre le parquet et les services de l’instruction.

Venons-en à la situation des juridictions et à certaines fonctions spécifiques.

Comment les juges d’instance feront-ils face au surcroît d’activité induit par la révision systématique des mesures de protection des majeurs d’ici à 2014, et à la suppression des juridictions de proximité, qui ramènera vers eux le petit contentieux civil au-dessous de 4 000 euros ?

Certaines des personnes que j’ai auditionnées s’interrogent sur la répartition des tribunaux d’instance spécialisés par le décret du 23 août 2011 dans le contentieux du surendettement. Est-il exact que le tribunal d’instance de Villejuif a été choisi pour traiter, dès le 1er septembre 2011, l’ensemble des procédures de surendettement et de rétablissement personnel de tout le département de Val-de-Marne sans recevoir de moyens supplémentaires ?

Qu’en est-il du recrutement de cent nouveaux juges de l’application des peines, prévu par la loi pénitentiaire dont j’ai été le rapporteur ?

Dans la suite logique de la réforme de la garde à vue, les crédits de l’aide juridictionnelle augmentent fortement. Dans le même temps, une contribution de 35 euros est exigée du demandeur en justice à compter du 1er octobre 2011, dont le montant global attendu se monte à 84 millions. Les avocats ont dénoncé l’impréparation de la mesure. Les timbres n’ont pas toujours été faciles à trouver, et la question des timbres électronique est posée. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier ? Par ailleurs, l’institution de la taxe a un effet pervers : l’exemption que procure toute demande d’aide juridictionnelle a fait sensiblement augmenter le nombre de dossiers.

La maîtrise des frais de justice, qui représentent encore 470 millions, est essentielle.

Les associations d’aide aux victimes voient diminuer leurs crédits. J’ai déposé en septembre 2011 une proposition de loi visant à pérenniser leur financement, en instituant un prélèvement en cas de condamnation. Peut-on explorer cette piste ?

Compte tenu des efforts imposés à tous les ministères, on peut comprendre que le Gouvernement dépose un amendement portant un coup de rabot de 20 millions, mais j’ai moins de mal à admettre les restrictions imposées à la justice pénitentiaire qu’à la justice judiciaire, car le fonctionnement courant des juridictions pose nombre de difficultés. Faut-il vraiment réduire de 500 000 euros les crédits pour charge de service public de l’École nationale de la magistrature, qui doit effectuer des recrutements complémentaires, compte tenu de l’augmentation du nombre d’auditeurs ?

M. Yves Censi, président. Monsieur le garde des sceaux, selon une étude de la direction de l’administration pénitentiaire, parue cet été, 60 % des détenus sortants sont condamnés dans les cinq ans qui suivent leur libération, et, dans les mêmes délais, 78 % des mineurs ont de nouveaux ennuis avec la justice. L’absence d’aménagement de peine semble aggraver le risque de récidive, qui augmente également avec la durée d’enfermement. Quelles actions comptez-vous mener pour développer les aménagements de peine ?

Les centres éducatifs fermés constituent une réponse à la lutte contre la délinquance des jeunes. La loi du 10 août 2011 sur le jugement des mineurs élargit les conditions de placement en CEF. Le projet de budget de la justice pour 2012 prévoit l’ouverture de vingt centres, en plus des quarante-quatre qui existent aujourd’hui. Sans remettre en cause leur existence, je m’interroge sur leur coût, qui se monte à 120 000 euros par an. Compte tenu du taux d’encadrement des mineurs délinquants, une journée coûte 663 euros dans ces centres contre 111,5 euros dans les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDe). Comment justifier que les premiers soient cinq fois plus chers que les seconds ? Sont-ils réellement efficients ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le budget de 2012, comme ceux qui l’ont précédé depuis 2002, et plus particulièrement depuis 2007, vise à donner plus de moyens à la justice, afin de rattraper un retard historique. Cela dit, un amendement du Gouvernement, qui ne peut s’affranchir de la crise financière actuelle, prévoit de réduire l’augmentation de 4 % prévue pour les crédits de la justice car, si les missions de mon ministère constituent une priorité, il doit, comme les autres, lutter contre la crise.

Le ministère de la justice affichera des créations nettes d’emplois en 2012, comme c’est le cas depuis 2007. Le budget triennal pour 2011-2013 prévoyait que le ministère serait autorisé à créer 200 emplois en 2012 ; ce sont finalement 515 emplois qui seront créés, sans compter les 250 emplois transférés du ministère de l’intérieur au titre de la reprise progressive des missions d’extraction judiciaire. Ces moyens supplémentaires doivent être mis au service d’un effort de modernisation des méthodes et de l’organisation du ministère, afin d’assurer une plus grande efficacité collective au service des justiciables.

Le budget de la mission « Justice » donnera au ministère les moyens de mettre en œuvre les réformes adoptées cette année, qu’il s’agisse de l’introduction des citoyens assesseurs dans les juridictions correctionnelles et les juridictions d’application des peines, de la réforme de l’hospitalisation sans consentement ou de celle de la garde à vue. Pour chaque réforme, le Gouvernement s’est efforcé de mobiliser les moyens nécessaires à une exécution effective et rapide des peines prononcées par les juridictions. Ainsi, les crédits relatifs au bracelet électronique augmenteront de 20 %, afin de permettre à l’administration pénitentiaire d’atteindre l’objectif de 12 000 bracelets.

Ce budget ouvre aussi des autorisations d’engagement à hauteur de plus de 1,8 milliard d’euros au titre des investissements prévus dans le cadre du nouveau programme immobilier, et pour renforcer la prise en charge des mineurs délinquants : 60 emplois d’éducateur seront ainsi créés au profit des vingt nouveaux centres éducatifs fermés. Sur ces points, le budget de 2012 annonce le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines que le Président de la République m’a demandé de soumettre au conseil des ministres, puis au Parlement, dans les prochaines semaines.

Je remercie le rapporteur spécial, M. Alain Joyandet, pour sa présentation rapide mais exhaustive. Sa nouveauté dans la fonction lui a permis de faire litière des considérations historiques, et d’être ainsi plus bref que ses collègues, que M. le vice-président Yves Censi a laissé s’exprimer plus longtemps.

Dans son rapport, M. Joyandet pose plusieurs questions fondamentales au sujet de l’organisation du service public de la justice. La première d’entre elles concerne les différences entre les juridictions quant à la charge de travail, différences qui, selon le référé adressé à la chancellerie par le premier président de la Cour des comptes, peuvent aller du simple au double ou au triple. Si l’activité d’une juridiction n’est pas forcément quantifiable, les différences restent indéniables.

Depuis 2009 au moins, le Gouvernement s’efforce, à l’issue des dialogues de gestion avec les cours d’appel, de mieux localiser les emplois de magistrat et de fonctionnaire, en tenant compte des postes disponibles et, surtout, des règles statutaires. Mais le caractère inamovible des magistrats du siège, par exemple, gêne la mobilité des personnels. Néanmoins, 223 redéploiements – dont 190 au sein d’une même cour d’appel – ont été réalisés en 2010, et 49 – dont 32 à l’intérieur d’une même cour d’appel – en 2011. La localisation est encore loin d’être idéale. Aussi un groupe de travail, composé de magistrats et de représentants d’organisations syndicales, a-t-il été créé pour y réfléchir. Il fonctionne très bien, mais la question qu’il traite se heurtera toujours aux contraintes statutaires de la magistrature et aux effets des nominations décalées, pour les magistrats comme pour les fonctionnaires : compte tenu de la procédure de validation par le Conseil supérieur de la magistrature, une nomination proposée en février, et annoncée plusieurs mois plus tôt pour respecter la transparence, ne devient effective qu’en juillet ou septembre, si bien qu’au total elle prend pratiquement un an. De surcroît, on ne peut muter les gens contre leur gré. Néanmoins, la localisation s’améliore.

Les extractions judiciaires concernent, pour l’essentiel, le transfert des détenus devant les juges ou les tribunaux. Il a été décidé en 2010 que ces missions, nombreuses et difficiles, seraient désormais assurées par l’administration pénitentiaire, après l’avoir été par la police et la gendarmerie. À cette fin, 800 emplois seront transférés du ministère de l’intérieur à l’administration pénitentiaire d’ici à 2014. Ce chiffre me semble toutefois insuffisant, pour une raison simple : utiliser des policiers ou des gendarmes pour extraire des détenus peut désorganiser une brigade ou un commissariat, mais cela reste possible ; en revanche, on ne peut demander aux personnels qui surveillent les prisonniers de quitter leur poste. Cette difficulté s’est constatée dès la mise en œuvre de l’expérimentation dans les deux régions concernées, d’autant que la prison d’Aurillac et le palais de justice de Riom, par exemple, sont si éloignés l’un de l’autre que toute opération d’extraction prend une journée entière. Les agents de l’administration pénitentiaire qui assureront cette tâche ne feront donc pratiquement rien d’autre : il faudra une tout autre organisation, y compris dans les méthodes de travail des magistrats. Les extractions doivent être regroupées quand c’est possible, et n’être utilisées qu’en l’absence de tout autre moyen technique ; ainsi les visioconférences, qui ont augmenté de 35 % en un an, avaient permis de réduire le nombre d’extractions de 10 % en 2008.

Les expérimentations ont vite révélé que la méthode à suivre n’était pas de proratiser les effectifs en fonction du nombre de transferts réalisés dans chaque région. L’ensemble des postes transférés ont donc été utilisés pour les deux régions concernées ; mais le problème est que les personnels correspondants ne sortiront de l’École nationale d’administration pénitentiaire, à Agen, qu’en mars prochain. Jusqu’à cette date, et à titre d’expérimentation, l’administration pénitentiaire continuera d’affecter tous les personnels disponibles – équipes régionales d’intervention et de sécurité ou réservistes – sans toucher aux effectifs des personnels pénitentiaires. C’est sur cette base, et non sur celle de l’arbitrage initial, que seront évalués les besoins réels.

Des réunions ont eu lieu, tant au niveau national qu’au niveau régional. Les préfets de région ont ainsi rappelé les principes de la nouvelle organisation aux directeurs départementaux de la sécurité publique et aux colonels commandant les groupements de gendarmerie. Je rappelle que le code de procédure pénale, qui n’a pas été modifié, permet aux tribunaux de procéder à des réquisitions en cas de besoin. En attendant la mise en place de la nouvelle organisation, les tribunaux s’efforcent d’anticiper les dates des extractions en informant la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), laquelle, en cas de manque d’effectifs, fait appel aux forces de police et de gendarmerie. L’expérimentation est en ce sens utile pour évaluer les besoins.

S’agissant du programme immobilier, l’objectif est de créer 80 000 places supplémentaires dans les prisons d’ici à 2017, conformément aux annonces du Président de la République et aux orientations du futur projet de loi de programmation. Ces places ne sont pas toutes identiques : les prisons destinées aux peines courtes, par exemple, seront plus simples à construire que d’autres.

L’objectif sera atteint grâce à l’achèvement de programmes antérieurs – notamment le programme « 13 200 », qui touche à son terme –, au maintien en activité d’établissements dont la fermeture était prévue et à la création de nouveaux établissements. Le ministère prendra directement en charge la transformation des anciens établissements, et les nouvelles constructions seront réalisées via des partenariats public-privé. L’avantage de ces derniers est qu’ils permettent de mener rapidement à bien plusieurs projets à la fois ; leur inconvénient est qu’ils mobilisent, pendant toute leur durée, l’essentiel des ressources publiques – il faut bien payer ceux qui ont investi. Reste que, sur le nombre de places de prison, notre pays doit combler son retard par rapport à ses voisins. À cet égard, s’ils ne constituent peut-être pas en eux-mêmes la formule idéale, les PPP permettent des réalisations plus rapides.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Merci pour vos réponses, monsieur le garde des sceaux. Je veux revenir sur un point que je n’ai pas abordé tout à l’heure, ayant strictement respecté mon temps de parole.

S’agissant des affectations de personnels, est-il possible d’utiliser des moyens indemnitaires ou d’attribuer des bonifications d’ancienneté pour favoriser le volontariat dans les régions où celui-ci demeure insuffisant ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le régime indemnitaire est déjà utilisé à cette fin. Le problème est que les régimes indemnitaires des fonctionnaires et des greffiers font actuellement l’objet d’une refonte. Si les greffiers sont gagnants au départ, ils le sont moins à l’arrivée. Les discussions portent davantage sur le régime indemnitaire commun que sur les éventuelles différenciations entre les juridictions. Je demanderai cependant à mes services d’engager des négociations avec les syndicats sur les moyens d’intéressement des personnels.

Certains postes sont difficiles à pourvoir, pour des raisons qui tiennent, par exemple, au prix des logements. C’est par exemple le cas à Compiègne, où nul ne s’est porté candidat, ou à Montargis, où il a fallu un an pour trouver un candidat au poste de procureur.

M. Yves Censi, président. Je vous rappelle, chers collègues, que vous ne disposez chacun que de deux minutes pour poser vos questions.

M. Patrice Verchère. Le budget que vous nous présentez, monsieur le garde des sceaux, illustre la priorité donnée à la justice, et répond ainsi aux préoccupations légitimes des Français.

Alors que des efforts substantiels sont demandés aux autres ministères, celui de la justice est l’un des rares à voir ses crédits augmenter, et ce à hauteur de 4 %. Il atteindra ainsi 7,42 milliards d’euros en 2012, soit une hausse de 19 % depuis 2007.

Cette progression continue traduit la volonté du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité de replacer les missions de la justice au cœur de notre société, et vise à combler les retards accumulés dans le passé. Nous devons nous en féliciter.

Des difficultés sont apparues cette année quant à l’exécution des peines. Quelles sont les avancées prévues par le budget de 2012 en ce domaine ?

Les nombreuses réformes engagées nécessitent des moyens humains supplémentaires ; or plusieurs rapports ont fait état d’un manque de personnels, notamment de greffiers. Des créations de postes sont-elles prévues ?

Enfin, la délinquance des mineurs augmente, tant par sa fréquence que par la violence des actes commis. Quelles sont les réponses envisagées par le ministère ?

M. Dominique Raimbourg. N’ayant que deux minutes pour poser sept questions, j’irai vite.

Je me félicite de l’augmentation du budget de la justice, mais mon satisfecit s’arrêtera là, puisque les retards historiques dont vous avez parlé tiennent aux demandes croissantes dont la justice fait l’objet. M. le rapporteur spécial a ainsi souligné que le nombre de détenus avait été multiplié par 3,5. À quand un véritable plan de rattrapage ?

Pour le coup, vous annoncez un plan de rattrapage en matière d’exécution des peines. Pourquoi vous cantonner à ce domaine, et ce, semble-t-il, à la demande du Président de la République, dont les initiatives en matière de justice n’ont pas été des plus heureuses jusqu’à ce jour ?

On se plaint de la délinquance des mineurs, mais le nombre de postes dédiés à la protection judiciaire de la jeunesse est en diminution de 106 équivalents temps plein travaillé, alors que l’on annonce l’ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés. En d’autres termes, selon mes informations, le nombre d’encadrants par centre passera de 27 à 24, quand le nombre de mineurs, lui, augmentera quant à lui de 10 à 12. Dans ces conditions, l’efficacité des CEF est-elle garantie ?

Par ailleurs, vous dites attendre 215 emplois de la simplification des procédures, mais le projet de loi en la matière n’est toujours pas voté. Votre optimisme n’est-il pas excessif ?

Quand disposerons-nous d’une évaluation du coût des PPP sur l’ensemble de leur durée ?

Quant aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, cette année a été marquée par d’importantes difficultés. Quel est le ratio ?

Enfin, pourquoi la mesure de l’activité de l’administration pénitentiaire n’inclut-elle pas un ratio de la surpopulation pénale ?

M. Michel Hunault. Je n’ai pas de question à vous poser à ce stade, monsieur le garde des sceaux : nous débattrons du présent budget dans l’hémicycle.

L’exercice est convenu : la majorité se félicite, comme je le fais moi-même, de l’augmentation du présent budget dans une période difficile, et l’opposition juge que l’on n’en fait jamais assez.

Tout au long de la législature, le groupe Nouveau Centre a apporté son soutien et sa contribution à un certain nombre de réformes. Je souhaite que celles-ci soient appliquées. Qu’il s’agisse de la carte judiciaire, des avoués ou des magistrats, des besoins existent, qui justifient les créations de postes annoncées. L’accès au droit est en effet une question importante.

Vous vous êtes rendu vendredi dernier à Nantes pour la Convention nationale des avocats. Répondre aux besoins croissants de l’aide juridictionnelle est un défi.

Nous avons voté des réformes, qui concernent par exemple la protection des droits – en application de la Convention européenne des droits de l’homme – ou la garde à vue, réformes dont l’application suppose des moyens, notamment budgétaires. Je vous demande donc d’y veiller, main dans la main avec les magistrats et les professionnels du droit, notamment avec les avoués.

Enfin, je le répète, l’accès de nos concitoyens à la justice doit être amélioré.

M. Marc Dolez. Limiter l’intervention des porte-parole des groupes à deux minutes sur un sujet de cette importance est à mes yeux inacceptable : nous ne manquerons pas de le signaler à la Conférence des présidents.

Les chiffres tels qu’ils sont présentés masquent mal le fossé qui sépare les discours de la réalité. On nous parle ainsi de crédits en augmentation, mais jamais les juridictions, les établissements pénitentiaires et les services de la protection judiciaire de la jeunesse n’ont été dans une situation aussi difficile. Quant à la prétendue augmentation des effectifs, il s’agit d’un trompe-l’œil puisque, si tant est qu’elle soit avérée, elle ne rattrape pas les retards accumulés au cours des années précédentes, et ne permet pas davantage d’appliquer les réformes que vous avez fait voter. Enfin, il y a un manque criant de fonctionnaires dans les juridictions.

Ma première question portera sur l’immobilier. En ce domaine, l’essentiel du budget est consacré à la création de nouvelles places de prison, mais les investissements pour 2012 ne concerneront qu’un nombre restreint de tribunaux. Combien d’entre eux sont concernés, et quels sont les crédits prévus pour l’entretien des bâtiments ?

La protection judiciaire de la jeunesse étant le secteur sacrifié du ministère, avec 632 éducateurs en moins depuis 2008, comment celle-ci peut-elle assumer sa mission ?

Enfin, les 336 millions d’euros de crédits de paiement prévus pour l’aide juridictionnelle incluent-ils les 85 millions d’euros attendus de la taxe de procédure de 35 euros, que combattent l’ensemble des syndicats d’avocats et de magistrats ?

M. Yves Censi, président. Je rappelle que c’est la Conférence des présidents qui a fixé la nouvelle procédure, cher collègue : je crains donc que vos protestations ne soient vaines.

M. Marc Dolez. Nous ferons valoir à la Conférence des présidents qu’il vaut mieux revenir à l’ancienne formule.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. M. Huyghe m’a interrogé à propos des centres éducatifs fermés. Les vingt centres supplémentaires seront créés en transformant des unités éducatives d’hébergement collectif : la PJJ a organisé dès cet été, avec les directeurs interrégionaux, une étude de faisabilité pour sélectionner les établissements susceptibles de devenir des CEF. L’opération est en cours de lancement à Bures-sur-Yvette, Laon, Épinay-sur-Seine, Aix-en-Provence, Angoulême, Villeneuve-d’Ascq, Épernay, Marseille Chutes-Lavie, Saint-Genis-les-Ollières et Pluguffan. Ce choix répond en particulier aux besoins importants en matière de placement dans la direction interrégionale d’Île-de-France et d’outre-mer et dans celle du Sud-Est. Une seconde liste de douze établissements est actuellement à l’étude.

Le coût d’investissement est évalué à 30 millions d’euros, et les autorisations d’engagement sont d’ores et déjà ouvertes dans le projet de loi de finances pour 2012. Outre les opérations immobilières, la mise en place de ces nouveaux centres nécessite la création de 60 postes d’éducateurs.

Je précise, monsieur Dolez, qu’aucun poste d’éducateur n’a été supprimé à la protection judiciaire de la jeunesse depuis 2008. Au contraire, leur nombre s’est accru de 17 %. En revanche, d’autres postes ont pu être supprimés, notamment dans les fonctions support.

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est du jésuitisme !

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Vous pouvez critiquer, mais vous ne pouvez nier la vérité ! Il est facile de vérifier que le nombre d’éducateurs de la PJJ a augmenté : ils sont payés tous les mois, et s’ils ne l’étaient pas, vous le feriez savoir !

S’agissant du prix de journée en centre éducatif fermé, il est vrai qu’il est relativement élevé : plus de 600 euros par personne. Cela tient au fort taux d’encadrement.

Bien que nous ayons affaire à un public très difficile, nous avons choisi de lui éviter la prison « sèche », afin de rester fidèle à la conception française de la justice pour les mineurs – une justice qui donne la primauté à l’éducatif sur le répressif. Des moyens importants sont donc consacrés à la formation dans les CEF.

Mais il faut aussi des gardiens, car il s’agit tout de même d’établissements pénitentiaires : en cas d’échec, l’étape suivante est l’établissement pour mineur, puis la prison. Nous avons en effet essayé de diversifier les modes de placement des mineurs afin d’offrir au juge la palette la plus large possible.

Ce public difficile nécessite donc un encadrement important : éducateurs, psychologues et enseignants à plein temps, directeurs, chefs de service, personnel doublé la nuit. Les frais d’équipement sont également importants. Tout cela explique l’ampleur du coût de fonctionnement de ces centres.

L’expérience en est encore à ses débuts, et nous essayons d’en évaluer les résultats. Une enquête a ainsi été réalisée dans sept centres éducatifs fermés, ce qui a permis d’en améliorer notablement le fonctionnement. Une autre, en cours de finalisation, est destinée à mesurer l’impact du séjour en CEF dès la sortie du mineur, et six mois après celle-ci. Enfin, une troisième étude est en projet, afin de procéder à l’évaluation comparée de l’impact sur la réitération des différentes décisions de justice concernant les mineurs délinquants.

La continuité du parcours éducatif des mineurs sortant de CEF est une préoccupation majeure. Des travaux permettant de prévenir toute rupture dans le suivi éducatif ont donc été initiés. Une circulaire du 13 novembre 2008 définit les modalités précises d’audiences et d’échanges pendant la durée du placement afin de préparer au mieux la sortie de chaque mineur. L’ordonnance du 2 février 1945 prévoit d’ailleurs qu’à l’issue du placement « le juge des enfants prend toute mesure permettant d’assurer la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion durable dans la société ».

Les mineurs sortant de CEF peuvent aussi faire l’objet d’un suivi renforcé par le trinôme judiciaire réunissant le parquet, le juge des enfants et le service éducatif. Les services de la PJJ se sont récemment réorganisés afin de garantir à la fois la mise en œuvre sans délai des décisions du magistrat, la qualité de la prise en charge, le caractère pluridisciplinaire des équipes et la continuité de l’action éducative, au sein de chaque unité éducative mais aussi entre les unités de plusieurs établissements.

La continuité de la prise en charge éducative à la sortie d’un CEF ne peut s’envisager uniquement en termes de placement. Les modalités d’un accompagnement renforcé en milieu ouvert font donc actuellement l’objet d’une réflexion. À cet égard, l’affaire de Pornic a marqué les esprits, car elle touchait aussi bien à la question du suivi des personnes incarcérées qu’à celle de l’agrément donné aux familles d’accueil.

J’ai rappelé à l’administration pénitentiaire la nécessité d’une affectation nominative des dossiers de prise en charge par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, sous la responsabilité d’un cadre de ce service. Un choix a été fait il y a quelques années, celui de placer les SPIP dans le cadre de l’administration pénitentiaire plutôt que dans celui de la pure administration judiciaire. Il faut donc donner une nouvelle orientation à l’administration pénitentiaire, qui va devoir modifier ses métiers et se tourner vers le milieu ouvert, ce qui ne correspond pas à sa tradition. J’ai demandé au nouveau directeur de veiller à doter les SPIP des moyens dont ils ont besoin. L’utilisation de l’informatique, notamment le système « APPI », devra être automatique et vérifiée régulièrement.

J’en viens aux questions de M. Garraud.

Est-il opportun d’améliorer à nouveau le régime indemnitaire ? J’observe tout d’abord que, sur les 90 postes de magistrat mis au concours, tous ne sont pas pourvus. Ensuite, les magistrats ont toute liberté pour fixer la date de leur départ à la retraite, si bien que l’on ne sait pas combien vont partir chaque année. L’estimation effectuée lors du recrutement des auditeurs de justice peut être juste ou non et, souvent, elle ne l’est pas. Cela explique que l’on puisse manquer de magistrats même lorsque l’on crée de nombreux postes. Le mode de fonctionnement des carrières dans la magistrature est donc peu compatible avec une bonne gestion des ressources humaines.

Nous avons essayé, dans le cadre du budget qui nous est alloué, d’améliorer le régime indemnitaire. Ainsi, la prime modulable versée aux magistrats va passer de 9 à 12 %, ce qui représente un effort relativement important. Les greffiers ne sont pas oubliés, puisqu’une enveloppe de 3,4 millions d’euros leur a été spécialement dévolue en 2011 et qu’une autre enveloppe de 1,05 million est prévue en 2012, afin d’augmenter leurs primes à l’occasion de la mise en place dans leur corps du nouvel espace statutaire.

Nous menons depuis plusieurs années une politique de promotion sociale qui permet aux personnels de catégorie C de passer le concours pour devenir greffiers. Le problème est que l’on commence à manquer d’agents dans cette catégorie. En outre, nous devons veiller à éviter tout déclassement de la fonction de greffier, faute de voir ce dernier accomplir un travail relevant de la catégorie C. Il faut non seulement que l’équipe formée par le magistrat et le greffier puisse bien fonctionner, mais aussi qu’elle bénéficie du soutien des fonctionnaires de catégorie C pour la réalisation de travaux simples, ne nécessitant pas des connaissances juridiques poussées. Nous n’allons pas payer des gens titulaires d’un master 2 pour faire des photocopies ou classer des dossiers !

D’ailleurs, pourquoi n’a-t-on plus recours, pour effectuer ces tâches, aux personnes condamnées à un travail d’intérêt général ? Il est pour le moins paradoxal que la justice soit la seule administration à ne pas en accueillir, ni, d’ailleurs, à recourir à des emplois aidés.

L’important est de permettre aux greffiers de faire leur métier. Ils n’ont jamais été aussi nombreux à s’y préparer, puisque l’école de Dijon accueille 800 élèves. Les candidats sont de très haut niveau : la plupart sont titulaires d’un master 2, alors qu’il y a encore quelques années, on passait le concours après avoir obtenu le DEUG. Ainsi, de nombreux greffiers sont plus diplômés en droit que les magistrats qu’ils assistent…

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis. Cela dépend !

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Bien entendu, je ne parle pas du premier président de la Cour de cassation, ni de certains juges d’instruction…

Vous avez par ailleurs évoqué l’augmentation de la charge de travail du juge d’instance. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la répartition des contentieux, j’ai confirmé que la situation des juridictions d’instance ferait l’objet d’un examen attentif en lien avec les chefs de cour et de juridiction, dans le cadre des dialogues de gestion actuellement en cours. Nous en tirerons toutes les conséquences en termes de localisation des emplois et donc d’augmentation des effectifs dans les tribunaux d’instance où cela sera justifié. Des transferts depuis les TGI vers les tribunaux d’instance sont en effet envisageables puisque les juges de proximité siégeront désormais dans les formations collégiales civiles des TGI, libérant ainsi des emplois de magistrat. Il pourra également être mis fin aux tâches annexes qui étaient jusqu’à présent confiées aux juges d’instance, comme la participation aux sessions d’assises ou aux audiences correctionnelles.

La prochaine législature devra par ailleurs être l’occasion d’examiner l’hypothèse d’une fusion des juridictions de première instance, car la coexistence de juridictions d’instance et de grande instance pose des problèmes d’organisation et manque de souplesse.

En ce qui concerne la répartition des tribunaux spécialisés dans le contentieux du surendettement, prévus par le décret du 23 août 2011, vous avez affirmé que le tribunal de Villejuif était, dans le département du Val-de-Marne, le seul qui n’ait pas bénéficié dans ce cadre de moyens supplémentaires. Le choix des tribunaux d’instance concernés a été effectué à partir des propositions des chefs de cour et de juridiction. Dans le Val-de-Marne, le président du TGI de Créteil a désigné le tribunal d’instance de Villejuif et prévu le redéploiement d’effectifs depuis le tribunal de grande instance. Un magistrat du siège, deux greffiers et un adjoint administratif de la deuxième chambre civile seront ainsi attribués au tribunal de Villejuif, qui bénéficie donc bien de moyens supplémentaires.

Le groupe de travail sur l’exécution des peines a élaboré trente et une recommandations autour de deux grands axes : évaluation de la charge de travail des services d’application des peines et pilotage de ces services. Nombre de ces mesures pouvaient être mises en œuvre immédiatement : elles ont fait l’objet de la circulaire ministérielle du 7 octobre 2011, qui a notamment diffusé les tableaux de bord destinés à la modélisation du rapport d’activité des juges d’application des peines afin de mesurer l’activité du service dans chaque tribunal. Cette circulaire a également repris les préconisations destinées à améliorer la communication entre les différents acteurs de la chaîne pénale : promotion de l’ensemble des instances de dialogue déjà existantes, organisation de réunions thématiques entre le parquet et le service de l’application des peines ou entre ce dernier et les services du tribunal pour enfants.

Le groupe de travail a par ailleurs estimé que la charge d’activité des magistrats compatible avec la nécessité de rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables était de 700 à 800 dossiers par juge de l’application des peines. Nous en avons tenu compte lors des travaux préparatoires au projet de loi de programmation sur l’exécution des peines, qui sera présenté dans quelques semaines au Parlement.

Plusieurs questions ont été posées sur l’aide juridique.

Du point de vue pratique, tout d’abord, il est exact que l’on ne trouve pas partout des timbres à 35 euros, mais à partir du 1er janvier 2012, la contribution pourra être réglée par voie électronique. En attendant, il est nécessaire de recourir à des timbres en papier.

Il manquait 85 millions d’euros, sur un coût total de 103 millions, pour financer l’intervention des avocats consécutive à la réforme de la garde à vue. Après avoir examiné différentes voies possibles, le Gouvernement a tranché en faveur d’une contribution reposant sur la solidarité entre justiciables. Certains proposaient de taxer tous les actes, y compris les actes notariés, mais il nous a semblé qu’il y avait eu suffisamment de discussions entre avocats et notaires cette année, et qu’il était préférable de ne pas lancer un nouveau chantier de cet ordre. De son côté, le rapport de Mme Pau-Langevin et de M. Gosselin sur l’aide juridique et l’accès au droit a présenté plusieurs pistes, dont celle d’une taxe sur les actes juridiques – notamment sur ceux soumis à la procédure d’enregistrement ou d’immatriculation au registre du commerce – et d’une contribution à la charge des assureurs.

S’agissant de la première hypothèse, la question était de savoir s’il était légitime de taxer l’activité économique – celle des entreprises, mais aussi celle des particuliers, notamment quand ils vendent ou achètent un bien immobilier – pour financer l’intervention de l’avocat en garde à vue. Techniquement, les droits d’enregistrement sont actuellement partagés entre communes, départements et État. Ajouter une tranche d’imposition additionnelle affectée au Conseil national des barreaux aurait inutilement accru la complexité de ce prélèvement et réduit sa lisibilité.

Quant à taxer les assureurs, cela serait indirectement revenu à taxer les contrats d’assurance, et donc les assurés, ce qui aurait posé à peu près les mêmes questions que le droit finalement créé.

Dès lors qu’il avait été décidé de financer la réforme de la garde à vue par une taxe affectée, il était sain que cette taxe ait un rapport avec la dépense considérée. De ce point de vue, le droit de timbre était la moins mauvaise des solutions.

La justice a un coût, il faut l’assumer et l’organiser pour prendre en compte les facultés contributives de chacun !

En termes d’organisation, la contribution pour l’aide juridique – qui ne doit pas être confondue avec le droit de timbre sur appel – sera affectée au Conseil national des barreaux et gérée par la profession. Le produit attendu est estimé à 86 millions d’euros compte tenu du nombre de procédures annuelles enregistrées, déduction faite du nombre de bénéficiaires exonérés – notamment les attributaires de l’aide juridictionnelle.

Sur les premiers mois d’application de la réforme de la garde à vue, la dépense liée à l’intervention de l’avocat reste dans les limites de ce qui avait été prévu : il n’y a pas lieu de craindre, à ce stade, une insuffisance de financement. Par ailleurs, rien ne permet d’affirmer que la mise en place de la contribution aura pour effet d’augmenter de façon significative le nombre de demandes d’aide juridictionnelle. Le cas échéant, les bureaux d’aide aux victimes seraient à même de traiter ces demandes supplémentaires. Le nombre de bureaux d’aide juridictionnelle dans lequel le délai de traitement moyen est supérieur à deux mois est d’ailleurs redescendu à cinq ; il devrait être de douze en 2012.

Répondant à M. Verchère, je préciserai que nous allons créer cette année 370 nouveaux emplois de greffier, après en avoir créé 399 en 2011. L’École nationale des greffes n’avait d’ailleurs jamais connu de recrutements aussi importants : cette année, 774 greffiers stagiaires y sont entrés, et ils seront autant l’année prochaine.

Ces recrutements massifs vont permettre d’augmenter le ratio entre nombre de magistrats et nombre de greffiers, de façon à parvenir à une proportion de 1 pour 1. Aujourd’hui, ce taux est d’environ 0,92 : nous avons donc déjà notablement progressé.

La délinquance des mineurs, qui marque beaucoup les gens, connaît une aggravation en termes tant de fréquence que de violence des actes. Lorsque l’on visite des établissements pénitentiaires, on rencontre de nombreux jeunes, mais peu de mineurs. Nous avons en effet, et c’est une bonne chose, réduit le nombre de mineurs incarcérés en prison : alors qu’ils étaient plus de 1 000, ils sont désormais moins de 800, notamment grâce à la création des CEF. Je précise, monsieur Dolez, que les crédits attribués à la PJJ augmenteront de 1,98 % en 2012 pour atteindre 773 millions d’euros. Cela devrait permettre d’assurer une meilleure prise en charge des délinquants et surtout d’éviter la récidive. C’est en effet le vrai problème s’agissant des mineurs : il ne suffit pas de les suivre au moment de leur placement, mais aussi après. Le placement est destiné à rompre avec l’état de délinquance ; par la suite, le suivi permet de maintenir cette rupture.

Je rappelle que la loi du 10 août 2011 a permis d’apporter un certain nombre de réponses pénales plus efficaces et plus visibles, notamment avec le tribunal correctionnel pour mineurs. De son côté, le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, a eu l’occasion de préciser le contenu du principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à la justice des mineurs, en s’appuyant sur les lois de 1906 et de 1912 ainsi que sur l’ordonnance de 1945. Cette décision est capitale en ce qu’elle permettra à la prochaine législature de rédiger un code pénal des mineurs, dont nous avons le plus grand besoin.

Je répondrai maintenant à M. Raimbourg.

Je suis d’accord avec lui : nous avons lancé un véritable plan de rattrapage…

M. Dominique Raimbourg. Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit !

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Les crédits ont en effet augmenté de 19 % depuis 2007, et de 63 % depuis 2002.

En ce qui concerne l’évaluation des partenariats public-privé, je crois avoir déjà répondu. Les établissements construits selon cette procédure sont récents, et la direction de l’administration pénitentiaire travaille sur la comptabilité analytique afin de comparer les coûts. J’y suis très favorable, car nous devons savoir qui paye quoi. Si des services entiers sont transférés au contractant privé, cela doit se traduire sur les effectifs, au moins dans l’établissement concerné – quitte à les redéployer.

Les SPIP ont eu recours aux moyens existants lors de leur création, ce qui explique la forte présence des travailleurs sociaux. Ces derniers sont nécessaires, mais nous avons aussi besoin d’équipes pluridisciplinaires, entre autres de personnes ayant des connaissances en criminologie.

Le nombre de conseillers d’insertion et de probation a fortement augmenté : il est passé de 1 300 à 2 671 entre 2002 et 2011. Un rapport conjoint de l’inspection générale des services judiciaires et de l’inspection générale des finances a d’ailleurs jugé le niveau des effectifs globalement satisfaisant. Il préconise toutefois de mettre en place des équipes mobiles afin de faire face à des pics d’activité. Naturellement, nous en tiendrons compte.

M. Raimbourg a réclamé des indicateurs pour mesurer la surpopulation carcérale. Le phénomène est réel – il existe environ 58 000 places en prison pour 65 000 personnes incarcérées –, mais il se manifeste très inégalement sur le territoire. En Loire-Atlantique, la surpopulation est très forte – nous allons d’ailleurs construire un nouveau centre à Nantes –, mais à Marseille, par exemple, il y a des places libres.

Nous devons trouver les moyens de réduire cette surpopulation. C’est le premier objectif de la loi pénitentiaire. Si nous y parvenons, nous pourrons alors appliquer les autres dispositions de la loi – ce qui est impossible si des détenus doivent dormir par terre, comme cela a pu arriver à Nantes.

Mme George Pau-Langevin. Ou en Guyane !

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Dolez, les opérations immobilières du ministère de la justice concernent tout d’abord, c’est vrai, le pénitentiaire, mais plus de 1 300 visent les palais de justice – la plus grosse opération, qui est nécessaire compte tenu de l’évolution du fonctionnement de la justice judiciaire, concernera le palais de justice de Paris. Ce sont 135 millions d’euros de crédits qui seront consacrés à ces opérations. De 2009 à 2011, l’investissement de la carte judiciaire s’est élevé à 330 millions d’euros.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le garde des sceaux, vous avez déclaré dans la presse que l’année prochaine serait la première de la mise en œuvre du projet stratégique national (PSN) 2012-2014, visant notamment à optimiser l’emploi des moyens humains dans la magistrature. Dans ces conditions, pourquoi le nombre de personnels de la PJJ diminuera en 2012 par rapport à 2011, passant de 8 837 personnes à 8 395 ? Il est vrai que cette baisse ne concerne pas les éducateurs spécialisés, et c’est fort heureux. Mais pouvez-vous nous assurer qu’elle n’aura aucune incidence sur les actions éducatives menées par la PJJ, notamment dans les établissements publics d’insertion de la défense – EPIDe – dont nous avons voté la semaine dernière l’extension aux jeunes de seize à dix-huit ans ?

Je me réjouis par ailleurs que des moyens supplémentaires – 30 millions d’euros – soient alloués aux centres éducatifs fermés, ce qui permettra d’en créer vingt supplémentaires. Toutefois, où en est ma proposition de les transformer en plateformes de réinsertion des multirécidivistes, prolongeant de six mois la période de reconstruction sociopsychologique par une seconde période vouée à la formation et à l’apprentissage d’un métier ?

Je vous enverrai mon rapport sur les CEF, monsieur le garde des sceaux, où chacun s’accorde à reconnaître que six mois, c’est trop court pour remettre sur le droit chemin un délinquant désocialisé, désœuvré et en perte d’identité.

M. Bernard Gérard. Au cours de l’examen du texte sur la participation des citoyens à la justice pénale, nous avons voté le renforcement des évaluations de dangerosité : vous avez alors annoncé la création d’un centre national d’évaluation à Lille – sujet qui me tient à cœur compte tenu du drame qui s’est déroulé dans cette ville. Où en est ce dossier ?

Par ailleurs, quels moyens seront affectés au renforcement, qui a été adopté, de l’usage du bracelet électronique ?

M. Yves Nicolin. Monsieur le garde des sceaux, pourriez-vous faire un point sur la situation du centre pénitentiaire de Roanne qui, ouvert en décembre 2008, a fait récemment l’objet de manifestations de la part de personnels ?

Le tribunal de Roanne manque également de psychiatres, ce qui allonge les délais des demandes d’aménagement de peine.

Enfin, quelles actions avez-vous développées ou allez-vous développer pour rattraper les pays anglo-saxons qui règlent l’immense majorité de leurs conflits par le biais de la médiation, laquelle est une alternative à l’action en justice ?

M. Serge Blisko. En dépit des efforts déjà accomplis en matière de modernisation des places de prison, il en reste encore beaucoup à réaliser pour que les règles pénitentiaires européennes soient appliquées dans leur totalité et que l’objectif raisonnable de 95 % d’encellulement individuel, inscrit dans la loi pénitentiaire de 2009, soit atteint. Or nous sommes encore loin du compte – on a évoqué le chiffre de 400 matelas par terre !

C’est pourquoi nous sommes opposés au programme immobilier visant à atteindre les 80 000 places. Compte tenu de la loi pénitentiaire, des alternatives à l’incarcération et du programme très justifié d’augmentation de la présence des SPIP auprès des personnes en sursis avec mise à l’épreuve (SME), il n’est pas utile de prévoir plus de 60 000 à 62 000 places de bonne qualité, telles qu’elles ont été définies. Il faut rappeler qu’une place de prison coûte aujourd'hui entre 80 000 et 100 000 euros, ce qui surenchérit le programme. Alors que, comme vous l’avez noté, monsieur le garde des sceaux, Paris aura bientôt un beau palais de justice, qui coûtera 250 millions d’euros, est-il besoin de dépenser autant d’argent pour l’enfermement ?

De plus, la volonté du Président de la République de multiplier les places de prison va à l’encontre du développement du bracelet et des actions que la PJJ, notamment, peut mener en matière d’alternative à la prison, laquelle doit prendre le pas sur la construction de 15 000 places supplémentaires.

Mme George Pau-Langevin. Monsieur le garde des sceaux, ce débat laisse les parlementaires sur leur faim car nous devons nous contenter de la portion congrue.

La hausse du budget de la justice profite en grande partie à la pénitentiaire. Or l’augmentation du nombre de places de prison a un impact évident sur l’accès au droit, dont le budget ne prévoit aucun crédit en relation avec les nouvelles missions que nous avons votées.

Le budget de l’accès au droit, nous dit-on, permettrait de pallier les nouvelles sujétions liées à la garde à vue, alors même que vous n’avez pas retenu les préconisations que M. Gosselin et moi-même avions faites pour élargir l’assiette finançant l’aide juridictionnelle. Vous avez déclaré que ces préconisations ne vous semblaient pas justes, mais est-il juste que ce soient des justiciables entamant des procédures de divorce ou faisant des réclamations pour leur loyer ou l’obtention d’une allocation handicapée qui financent la garde à vue ? Il aurait été plus juste de faire payer les compagnies d’assurances !

Par ailleurs, s’il est vrai qu’on ouvre des maisons de justice et du droit (MJD), c’est également une manière de faire reposer l’accès au droit en partie sur les collectivités territoriales, qui sont déjà taxées en matière de politique de la ville puisque les crédits dédiés à celle-ci sont asséchés.

Si vous avez créé des postes de greffiers, vous avez supprimé des agents de catégorie C, si bien que les greffiers se trouvent obligés de faire eux-mêmes des photocopies, ce qui, comme vous l’avez vous-même observé, est une anomalie.

M. Yves Censi, président. Je tiens à rappeler que, en vertu de la Constitution, le Gouvernement prend la parole lorsqu’il le souhaite.

De plus, l’objet des commissions élargies est d’obtenir des réponses du Gouvernement.

Enfin, la procédure actuelle a été proposée par tous les groupes, y compris le vôtre, madame Pau-Langevin : vous n’avez pas à la remettre en cause à chaque prise de parole.

Mme Sylvia Pinel. Alors que ce budget devrait être une priorité, la justice connaît de graves difficultés de fonctionnement.

Quels moyens prévoyez-vous pour accélérer l’activité judiciaire, raccourcir les délais de jugement ou éviter l’inexécution des peines – 80 000 peines n’ont pas été appliquées cette année ? Que répondez-vous aux forces de l’ordre exaspérées par le décalage entre l’action qu’elles mènent pour lutter contre une délinquance croissante et l’absence de sanctions dont peuvent bénéficier des délinquants parfois dangereux, qui commettent des délits à la chaîne, puisque les sanctions ne sont ni systématiques ni suffisamment rapides ?

De même, plutôt que de se fixer comme principale priorité budgétaire le programme immobilier pénitentiaire pour satisfaire les dernières annonces du Président de la République, ne serait-il pas plus judicieux de développer les peines alternatives à la prison pour désengorger les centres de détention ? Le système judiciaire prévoit pourtant de nombreuses dispositions alternatives qui permettraient d’y parvenir, dispositions insuffisamment utilisées par manque de moyens. Que comptez-vous faire pour les développer ? Je pense notamment, pour la justice des mineurs, aux centres éducatifs renforcés, aux centres éducatifs fermés et aux foyers ouverts, dont plus de la moitié a fait l’objet d’une fermeture depuis 2008, ce qui a pour triste conséquence le placement en détention d’un trop grand nombre de mineurs, avec tous les effets contre-productifs qu’un tel placement peut engendrer.

Pourquoi ne pas pérenniser ce qui fonctionne ? Il faut, pour éviter de porter atteinte régulièrement à la justice des mineurs, la doter des moyens nécessaires. Or la PJJ est depuis dix ans une grande sacrifiée des arbitrages budgétaires et elle devra encore supporter l’année prochaine une diminution de ses effectifs – moins 106 ETP –, alors même qu’elle manque déjà de magistrats, de personnels de greffe et d’éducateurs, si bien qu’à l’heure actuelle une décision d’assistance éducative attend entre trois et cinq mois avant d’être appliquée et une peine prononcée près de dix mois pour être exécutée. Comment la baisse considérable du budget des services judiciaires pourrait-elle permettre de remédier à cette situation ?

Enfin, monsieur le garde des sceaux, pensez-vous que ce budget permettra à la France de ne plus être classée au trente-septième rang des pays du Conseil de l’Europe pour la part de PIB consacrée à la justice ?

M. François Rochebloine. Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi d’appeler votre attention sur la situation de la maison d’arrêt départementale de La Talaudière, dans le département de Loire, dont nous espérons la prochaine réhabilitation ou reconstruction.

Je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir répondu favorablement à mon invitation et effectué une visite complète de cet établissement l’été dernier. Vous avez ainsi pu constater directement l’état des locaux qui, sans être très anciens, posent de vrais problèmes quant à la sécurité, aux conditions de travail des personnels pénitentiaires et aux conditions de détention des personnes incarcérées, non conformes au principe de dignité.

Cette maison d’arrêt n’étant plus aux normes, il convient ou de la moderniser ou de la reconstruire.

De plus, les riverains immédiats de l’établissement subissent depuis de très longues années d’importantes nuisances en raison des parloirs sauvages.

Monsieur le garde des sceaux, la décision de réhabilitation ou de reconstruction sur un autre site a-t-elle été prise ? Si oui, quels en seraient les coûts respectifs et à quelle date débuteraient les travaux ?

Votre visite a été appréciée de tous : elle a permis des échanges de qualité. À ce titre, elle a suscité beaucoup d’espoir du côté des personnels.

M. Marcel Bonnot. Le budget de la justice, qui s’élève à 7,42 milliards d’euros, a des objectifs ambitieux.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, quelle jauge vous a permis de fixer le montant des crédits à 422 millions d’euros, d’autant que la prestation des avocats se trouve accrue dès la première heure de garde à vue et pendant toute la durée de celle-ci ?

Il ne faudrait pas que l’accès au droit, désormais garanti pour chacun, entraîne la création d’une sorte de sécurité sociale sur le dos de la corporation des avocats.

En outre, une contribution pour l’aide juridique a été instaurée pour tous les justiciables, donnant lieu à l’acquittement d’un timbre de 35 euros, payé, suivant ses ressources, par celui qui appréhende une procédure devant le tribunal de grande instance. À combien les ressources dégagées par cette contribution sont-elles estimées ? Sera-t-elle affectée en partie à l’indemnisation des avoués ? Quelle est la part de l’État ? Est-elle suffisante pour faire face à l’exigence financière engendrée par la loi du 14 avril 2011 sur la réforme de l’aide juridictionnelle ?

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le garde des sceaux, quel est le montant des crédits prévus pour la rénovation du parc immobilier pénitentiaire, notamment pour le centre de Mende ? Mme Alliot-Marie avait conservé cette prison pour des raisons d’aménagement du territoire mais, faute d’entretien, elle risque de disparaître.

Par ailleurs, les prisons ouvertes concernent en France moins de 1 % des détenus, contre 34 % au Danemark, 32 % en Finlande et 24 % en Suède. La moyenne de l’Union européenne s’élève à 6 %. Jean-Marie Bockel avait beaucoup œuvré sur le sujet. Quelles sont les réflexions engagées à ce sujet ?

La France, enfin, est régulièrement condamnée en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme pour délai non raisonnable par la CEDH. Quel montant atteint la totalité de ces condamnations ? Quelles réponses envisagez-vous d’apporter à cette situation ?

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le garde des sceaux, vous m’avez tenu informée, le 30 août dernier, de la répartition des effectifs dans les juridictions de la Guyane et des créations de postes à Cayenne et à Saint-Laurent-du-Maroni. Je tiens à saluer ici cette avancée.

Vos avez précisé que le nombre de fonctionnaires prévus s’élevait à 81 : 69 postes étant actuellement pourvus, je présume que le rattrapage sera réalisé en 2012.

La création de la cour d’appel de Cayenne a été actée pour le 1er janvier 2012. Quand entrera-t-elle effectivement en fonctions pour répondre aux besoins des justiciables et des professionnels de la justice ?

Prévoyez-vous un effort pour l’aide juridictionnelle en Guyane, compte tenu du taux élevé d’affaires dans lesquelles les justiciables y ont recours ?

Le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly a été épinglé par l’Observatoire international des prisons : il n’y a que 532 places pour 665 détenus. De plus, les syndicats dénoncent régulièrement le manque de surveillants. Quand annoncerez-vous la création d’un centre de rétention à Saint-Laurent-du-Maroni ? Surtout, quand mettrez-vous en place les services de justice dans l’ouest de la Guyane, à Saint-Laurent précisément, services qui font à l’heure actuelle cruellement défaut ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Je souhaite revenir sur la protection judiciaire de la jeunesse. Vous avez affirmé que son budget augmentait de 1,2 % : l’honnêteté devrait vous conduire à rappeler que, de 2008 à 2011, il a baissé continûment de 6 %. De plus, cette augmentation ne compense pas l’inflation, qui s’élève à 2 %. Enfin, vous transformez plusieurs établissements de placement éducatifs actuellement gérés par la PJJ en CEF – vous consacrez à cet objectif 30 millions d’euros. L’augmentation que vous avez évoquée ne se traduit donc pas en moyens supplémentaires pour la PJJ.

S’agissant des personnels, vous ne cessez de confier, à longueur de textes, des missions supplémentaires à la PJJ – c’est une marque de reconnaissance – et vous souhaitez toujours plus d’éducateurs dans les établissements de réinsertion scolaire. Or, dans le même temps, vous supprimez 130 équivalents temps plein travaillé. Ainsi, sur la période 2007-2012, vous aurez supprimé 7 % des 9 000 agents de cette administration, soit quelque 650 postes. Alors que vous affirmez vouloir améliorer la qualité du traitement de la délinquance des mineurs, comment réussirez-vous à réduire les délais de prise en charge et à renforcer la réinsertion des mineurs – tel est l’objectif – tout en supprimant des agents – je n’ai pas dit : « éducateurs » – dont c’est précisément la compétence ? Comment ferez-vous mieux avec, au total, moins de personnels ?

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le garde des sceaux, j’ai déjà posé, il y a un an et demi, à M. Jean-Marie Bockel la question de l’inadaptation des moyens, en nombre de magistrats, dans les tribunaux administratifs pour traiter rapidement des recours relatifs à des projets publics importants en termes de création d’activités et d’emplois.

Le département du Loir-et-Cher offre trois exemples.

Le premier concerne l’ancien site Giat Industries de Salbris, où 600 emplois se sont évaporés du fait des procédures qui ont traîné en longueur durant cinq ans, aboutissant au retrait de l’investisseur. À Dhuizon, Pierre et Vacances attend depuis quatre ans et demi de pouvoir créer un village de vacances. Enfin, à Romorantin, Unibail s’est désengagé après avoir attendu quatre ans, de recours en recours, une décision lui permettant de réaliser le projet de Carré des Marques.

Monsieur le garde des sceaux, l’État doit assurément faire des économies : nous en sommes tous persuadés. Toutefois, les économies que l’État réalise, d’un côté, en nombre de magistrats, économies qui retardent le traitement des dossiers, ne les perd-il pas, de l’autre, en même temps que les collectivités locales, en termes d’emplois, de chômage et d’assistance ? Les pertes engendrées par la disparition de projets créateurs d’activités et d’emplois sont bien plus lourdes pour la collectivité nationale que ne sont importantes les économies réalisées par le ministère de la justice.

M. Jacques Valax. Première observation : nous sommes passés du trente-cinquième au trente-septième rang des pays du Conseil de l’Europe pour la part de PIB consacrée à la justice.

Ma deuxième observation est tirée du rapport sur le budget de la justice de M. Jean-Paul Garraud, rapporteur spécial, qui note la persistance, l’aggravation parfois, des difficultés quotidiennes rencontrées par les magistrats et les fonctionnaires des services judiciaires.

Troisième observation : l’USM « dénonce un budget de la justice en trompe-l’œil, en réalité en baisse en ce qui concerne les services judiciaires et la protection judiciaire de la jeunesse, malgré quelques recrutements qui demeurent insuffisants pour faire face aux nouvelles charges nées de lois adoptées en cours d’année 2011 ».

Enfin – quatrième observation –, s’agissant de l’accès au droit et à la justice, si le budget de l’aide juridictionnelle, après des années de baisse, est de nouveau en hausse, c’est au détriment des budgets du développement de l’accès au droit, de l’aide aux victimes et de la médiation – médiation dont on parle beaucoup mais qui demeure le parent pauvre de la justice : depuis dix ans, rien n’a été fait pour son développement.

Quant à la contribution complémentaire de 35 euros, que je dénonce et dont je prétends qu’elle est contraire au principe du libre accès à la justice, je suis certain qu’elle servira à abonder les fonds de l’aide juridictionnelle. Et ce ne sont pas les quelques explications que vous nous avez données qui ont pu me rassurer.

En ce qui concerne le transfert des charges d’escorte et de garde des palais de justice, le rapport de l’USM évalue à 1 000 le nombre d’agents nécessaires – il y est même question de 2 000 à 3 000 ETPT. Or vous avez affirmé que 250 agents suffiraient. Qu’en est-il exactement ? Peut-être vos services pourront-ils me répondre sur le sujet.

Quel sera le nombre de greffiers en 2011 et 2012 ?

M. Jean-Michel Clément. Je partage la préoccupation de M. Michel Hunault relative à l’application des lois que nous votons, et ce ne sont pas les chiffres dont nous débattons aujourd'hui qui nous rassureront en la matière.

L’augmentation du budget de la justice traduit son recentrage général sur la justice pénale au détriment implicite de la justice civile et de la justice judiciaire.

Les parents pauvres du budget sont les procédures autres que les procédures pénales. Or les indices des documents budgétaires ne nous permettent pas d’apprécier la qualité de cette justice autrement qu’en en ressentant, au quotidien, les méfaits sur la vie de nos concitoyens. Je pense notamment à la justice familiale et aux procédures de tutelle, qui ne peuvent pas être appliquées conformément aux lois et aux décrets existants.

Vous avez évoqué le juge de proximité, monsieur le garde des sceaux. Mais ce n’est pas lui qui réglera la situation. Nous sommes face à un dysfonctionnement majeur. Par-delà les chiffres, je le répète, il y va de la qualité de la justice !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier a évoqué le coût de cette lenteur pour le budget de l’État, remarquant qu’il nous manque un indicateur en la matière.

Il faut savoir en effet que, trop souvent, parce que la justice ne peut pas rendre ses décisions en temps utile, nos concitoyens sont victimes de cette lenteur sur le plan économique, notamment lorsque la vie des entreprises est en jeu, si bien qu’ils demandent réparation financière à l’État. Cette lenteur fait donc deux victimes : l’entreprise et l’État. Les documents budgétaires nous masquent ce coût, qu’il conviendrait à l’avenir d’identifier.

M. Philippe Goujon. Où en est le regroupement des services centraux du ministère – je fais allusion à différents projets, notamment dans le 5e arrondissement de Paris et à Bagnolet ?

Par ailleurs, nous avons voté des lois en vue de lutter contre des désordres préoccupants pour nos concitoyens – attroupements dans les halls d’immeubles, racolage passif, vente à la sauvette –, ce qui conduit à de nombreuses interpellations. Or les jugements rendus montrent que la justice a des difficultés à appréhender ces contentieux. Qu’en est-il exactement ?

M. Laurent Hénart. Monsieur le garde des sceaux, disposez-vous d’éléments d’appréciation des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), qui ont été installées dans plusieurs villes afin de permettre une concentration des compétences sur certaines affaires particulièrement techniques et complexes ?

Puisqu’il s’agit de petites unités, la défaillance d’un poste de magistrat ou d’agent administratif suffit pour nuire au bon fonctionnement de l’ensemble de la structure. Une attention particulière pourrait-elle être portée à ces nouvelles unités, notamment en termes de moyens humains ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Martin-Lalande, je ne peux vous répondre, pour la simple raison que le budget des juridictions administratives relève, non du ministère de la justice, mais du vice-président du Conseil d’État. Soyez toutefois assuré que je transmettrai à ce dernier les questions que vous avez posées.

Au total, quelque 250 000 personnes sont placées sous main de justice en France, parmi lesquelles 175 000 exécutent leur peine en milieu ouvert. Il est donc erroné de prétendre que l’on ne fait que du carcéral ! La population écrouée est de 64 000 personnes. Il est vrai que l’on compte 85 000 personnes qui ont été condamnées, mais dont la peine n’a pas été exécutée ; encore faut-il préciser qu’il s’agit de condamnations à de courtes peines.

Il convient d’adapter le système pénitentiaire à ces courtes peines : les besoins ne sont pas les mêmes suivant que les gens sont condamnés à trois mois ou à trois ans de prison. L’une des ambitions du programme de 80 000 nouvelles places est de différencier les établissements pénitentiaires, afin de répondre aux particularités individuelles. L’exécution des peines a été diversifiée grâce au placement sous bracelet électronique, qui concerne aujourd’hui 12 000 personnes ; cela impose toutefois une surveillance spécifique, qui peut être compliquée à mettre en œuvre, notamment pour les délinquants sexuels.

La protection judiciaire de la jeunesse est-elle, comme vous l’affirmez, le parent pauvre de la justice ? J’admets que vos critiques soient recevables, même s’il convient de noter, premièrement, que l’on essaie cette année de mettre un terme à des coupes certes nombreuses et, deuxièmement, que l’on n’a jamais touché au cœur du métier, notamment aux effectifs des éducateurs. Il reste que des suppressions de postes ont touché les fonctions de support, ce qui a imposé une réorganisation territoriale des services. En 2012, cent quarante emplois de soutien seront supprimés, tandis que cent dix postes d’éducateur seront créés, dont soixante pour les centres éducatifs fermés – soit un solde négatif de trente emplois.

Monsieur Gérard, outre le Centre national d’évaluation de Fresnes, un deuxième centre vient d’être créé au sein du nouvel établissement pénitentiaire de Réau, et la décision d’en ouvrir un troisième dans le Nord a été prise. La direction de l’administration pénitentiaire travaille sur plusieurs scénarios : celui qui semble actuellement privilégié consisterait à transformer le quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Lille-Sequedin en centre national d’évaluation à l’occasion de l’ouverture de la maison centrale de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, prévue pour 2013.

Monsieur Nicolin, vous avez raison, il convient de développer la médiation. Mais quand on le propose dans un texte, il serait bon de voter celui-ci ! Il faut savoir que 60 % du temps des juridictions est occupé par le traitement du contentieux familial, dont une part importante pourrait être réglée par la médiation : ce n’est pas nécessairement au juge d’intervenir dans la vie d’un couple.

M. Yves Nicolin. Il faudrait aussi développer la médiation économique…

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Commençons déjà par la médiation sociale !

Le centre de détention de Roanne semble effectivement aller mal. J’irai le visiter après les élections professionnelles.

Il est également vrai que cette région manque de psychiatres. Il s’agit toutefois d’un problème national, que le ministère de la justice ne pourra régler seul.

L’objectif de 80 000 places est-il nécessaire ? M. Blisko et Mme Pinel ont tenu à ce sujet des propos contradictoires. Il est vrai que l’on n’a pas besoin de 80 000 places identiques, dans des maisons d’arrêt, mais il convient de différencier les places suivant les peines à accomplir. Il est également vrai que, même si l’on mène ce programme à bien, on restera à un niveau inférieur à celui de l’Espagne ou de l’Angleterre. Il est tout aussi vrai que des peines ne sont pas exécutées et que l’on doit y remédier. Mais, pour ce faire, il existe d’autres solutions que la prison : on peut notamment augmenter le nombre de placements sous bracelets électroniques – même si l’on atteindra bientôt, pour des raisons techniques, le maximum. Il reste que Mme Pinel a raison : il faut davantage de places.

Madame Pau-Langevin, le budget consacré à l’accès au droit et à la justice augmentera de 7,1 % en 2012, ce qu est bien. Néanmoins, on constate que le recours à un avocat lors de la garde à vue est, pour l’instant, plus modeste que prévu. Il faut voir comment les choses évolueront et attendre la décision du Conseil constitutionnel sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité concernant la garde à vue dont il a été saisi. Je pense toutefois que les mesures qui ont été prises permettront d’assurer le bon fonctionnement du service.

On a en effet supprimé de nombreux emplois de catégorie C dans les services judiciaires. Je pense que l’on peut difficilement aller plus loin. Je tiens, comme vous, à préserver la spécificité des missions des greffiers. Je suis persuadé qu’il faudra demain repenser leur rôle dans les juridictions et, pour les affaires de première instance, comme la vérification de la gestion des comptes de tutelle ou les injonctions de payer, peut-être modifier la répartition des compétences entre magistrats d’instance et greffiers, comme cela se fait en Allemagne. En tout cas, laissons-nous la possibilité de le décider, et faisons en sorte que les autres tâches puissent être remplies par d’autres fonctionnaires.

Madame Berthelot, la situation en Guyane est bien délicate. Nous essayons de l’améliorer. Je viens de proposer la nomination d’un nouveau procureur à Cayenne. L’installation d’une cour d’appel à Cayenne – demande ancienne – sera effective au début du mois de janvier ; j’y assisterai. Je proposerai au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) un candidat pour le poste de procureur général. Je sais que la formation du siège du CSM est en train de procéder à la sélection du candidat au poste de premier président de la cour d’appel de Cayenne.

S’agissant de la délicate affaire de Saint-Laurent-du-Maroni, je ne vous promettrai pas la création d’un tribunal de grande instance. En revanche, nous essayons d’établir une présence constante de la justice ; on dispose d’ores et déjà d’un greffe détaché renforcé, comprenant deux fonctionnaires et deux magistrats, un vice-président et un vice-procureur.

Mme Chantal Berthelot. Ils ont quitté les lieux !

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. De nouvelles personnalités viennent d’être nommées, qui arriveront sous peu. Je vous promets que, lorsque j’irai à Cayenne pour l’installation de la cour d’appel, je me rendrai aussi à Saint-Laurent-du-Maroni.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, la maison d’arrêt de Mende doit recevoir 57 prisonniers ; 357 970 euros ont été prévus pour la sauvegarde du bâtiment, 53 000 euros pour la sécurité incendie et 51 000 euros pour le système d’interphonie.

Monsieur Rochebloine, on ne réhabilitera pas l’établissement de La Talaudière : on construira une nouvelle prison sur un terrain disponible. Si vous ne parvenez pas à trouver un terrain disponible, je pourrai vous en montrer un.

Monsieur Valax, vous savez fort bien que le budget de la justice est en hausse ! Il est en outre erroné de prétendre que tout est destiné au pénal. Sur ce point, l’USM s’est trompée – j’en ai d’ailleurs discuté avec M. Régnard.

Monsieur Goujon, deux sites seront en réalité conservés : la place Vendôme et un autre. On parle de ce projet depuis des années. L’objectif est de réaliser des économies, le ministère de la justice utilisant des locaux dont les loyers sont extrêmement élevés. Parmi les nombreuses propositions qui ont été faites, j’étais pour ma part favorable à celle du président Giscard d’Estaing d’installer nos services dans l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde. Cet avis n’a pas été partagé. Une mission a donc été confiée par le ministère et par France Domaine à un cabinet, qui a sélectionné cinquante-deux sites, parmi lesquels nous en avons retenus quatre : deux à La Défense, un dans le 15e arrondissement de Paris et un autre vers la porte de la Chapelle. Les négociations sont en cours.

Mme George Pau-Langevin. Et le projet d’une installation à la porte de Bagnolet ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Personne ne voulant y aller, je ne l’ai pas retenu. Quoique je ne sois pas spécialiste des questions immobilières, je trouve fort curieux que ces locaux n’aient pas trouvé preneur depuis trente ans. Je me dis qu’il doit bien y avoir une raison…

Monsieur Hénart, les juridictions interrégionales spécialisées font du très bon travail. Si certaines ont démarré tardivement, comme à Lyon, toutes fonctionnent correctement aujourd’hui. À Marseille, la JIRS est même devenue indispensable.

J’entends veiller à ce que ces juridictions disposent des outils nécessaires à leur bon fonctionnement, notamment en termes de profils de postes pour les magistrats, d’assistants spécialisés et de fonctionnaires détachés d’autres ministères, ainsi que de moyens techniques spécifiques, qui seront financés notamment grâce au fonds de concours géré par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT). À ce jour, les JIRS ont traité 1 843 procédures.

M. Yves Censi, président. Monsieur le garde des sceaux, nous vous remercions pour la précision de vos réponses.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures cinquante-cinq.

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