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SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE
1. Lutte contre la récidive. – Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence (nos 63, 65)
discussion générale (suite)
Mme Marylise Lebranchu,
MM. Jean-Pierre Decool,
Gérard Charasse,
Christian Vanneste,
André Wojciechowski,
Philippe Goujon.
Clôture de la discussion générale.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
motion de renvoi en commission
Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Serge Blisko, Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois ; Michel Hunault, Christophe Caresche, Noël Mamère, Jacques Alain Bénisti. – Rejet.
Rappel au règlement
M. Arnaud Montebourg.
discussion des articles
Avant l'article 1er
Amendements nos 95 et 96 : MM. Noël Mamère, Michel Hunault, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Retrait de l’amendement n° 96.
M. Manuel Valls. – Rejet de l’amendement n° 95.
Amendement n° 54 rectifié. – Retrait.
Article 1er
MM. Dominique Raimbourg, Christophe Caresche, Arnaud Montebourg.
Amendements de suppression nos 17 et 36 : MM. Noël Mamère, Michel Vaxès, le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Marylise Lebranchu. – Rejet.
Amendement n° 1 : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Adoption.
Amendement n° 18 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Arnaud Montebourg. – Rejet.
Amendement n° 19. – Rejet.
Amendements nos 49 et 88 rectifié : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet de l’amendement n° 49.
MM Christophe Careshe, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet de l’amendement n° 88 rectifié.
Amendement n° 48. – Rejet.
Amendement n° 37 : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 89 : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Noël Mamère. – Rejet.
Adoption de l’article 1er modifié.
Rappel au règlement
M. Manuel Valls, Mme la garde des sceaux.
Article 2
MM. Dominique Raimbourg, Christophe Caresche, Mmes la garde des sceaux, Marylise Lebranchu, MM. Michel Hunault, Jacques Alain Bénisti.
Amendements de suppression nos 20 et 38 : MM. Noël Mamère, Michel Vaxès, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Julien Dray. – Rejet.
Amendement n° 21 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Christophe Caresche. – Rejet.
Amendement n° 22 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mmes la garde sceaux, Marylise Lebranchu. – Rejet.
Amendement n° 92. – Rejet.
Amendement n° 23. – Rejet.
Amendement n° 2. – Adoption.
Amendement n° 91 rectifié. – Rejet.
Amendement n° 24. – Rejet.
Amendements nos 25 et 51. – Rejets.
Amendements identiques nos 50 et 90 : MM. Michel Hunault, Christophe Caresche, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Julien Dray. – Rejet.
Adoption de l’article 2 modifié.
Après l'article 2
Amendement n° 93 : MM. Christophe Caresche, Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. – Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2. Ordre du jour des prochaines séances
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Cela étant dit, j’ai beaucoup admiré la façon dont vous avez réussi à réécrire un texte qui – soyons clairs ! – visait à instaurer des peines automatiques. J’imagine à quel point cela a été complexe et vous avez dû beaucoup travailler pour obtenir un texte sur les peines plancher qui semble acceptable du point de vue constitutionnel.
On ne peut pas continuer à opposer la majorité, qui prendrait soin des victimes et lutterait contre la récidive, et l’opposition, qui considérerait la récidive comme quelque chose de normal, qui serait laxiste…
Je ne fais pas partie de ceux qui rejettent a priori la nécessité de la prison lorsque les faits sont graves, mais laisser entendre qu’il suffirait de doubler les peines ou de créer des peines plancher pour la récidive, comme vous le proposez aujourd’hui, pour qu’il n’y ait plus de récidivistes, est une erreur et je crois même que c’est une faute. Au lieu de lutter directement contre la récidive, vous nous demandez, avec ce texte, de sévir davantage une fois qu’une deuxième victime aura été frappée. C’est la récidive elle-même que nous devons refuser !
Ayant eu l’honneur de présider une commission chargée d’élaborer un projet de loi pénitentiaire, je sais que nous devons nous soucier en priorité du sens de la peine, et faire de la privation de liberté un dernier recours. Je me souviens de ce constat très intéressant que faisaient les associations de victimes : elles expliquaient qu’il fallait aider la société à passer d’une demande de vengeance à une demande de justice. C’est ce qu’il y a de plus important. Or, chaque fois que l’on brandit de tels textes, on fait davantage appel à un sentiment de vengeance qu’à un sentiment de justice.
Je ne crois pas que la peur de « prendre davantage » fasse reculer quelqu’un. Si un jeune, ou un moins jeune, a une pulsion, ou tout simplement l’envie de faire, ce n’est pas la peur de perdre une année qui le fera reculer. Cela l’incitera même plutôt à fuir et risque de favoriser un comportement très dangereux pour échapper à l’arrestation. Tout cela est compliqué, dangereux, lourd…
Peut-être nous rendrons-nous compte, à l’heure du bilan, qu’il n’y a pas moins de violence. En fait, je sens que vous signez ce soir le constat d’échec de la politique que vous avez menée pendant cinq ans. Vous baissez les bras et c’est dommage, car, ensemble, nous pourrions faire de grandes choses afin que la justice maintienne un climat apaisé sur le territoire de la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pour autant, le texte n’instaure pas de peines automatiques. Le juge conserve la possibilité d’aménager les conditions d’application de la peine privative de liberté, comme nos collègues sénateurs l’ont utilement précisé à l’article 1er. La décision du juge dépend donc de l’infraction en cause et de l’attitude de son auteur. L’échelle des peines minimales proposées me semble également conforme au principe de proportionnalité et de nécessité de la sanction.
Par ailleurs, pour les infractions les plus graves commises en récidive, le projet de loi élargit les conditions actuelles dans lesquelles l’excuse de minorité pouvait être écartée. Dans un contexte où la délinquance des mineurs est de plus en plus violente et de plus en plus fréquente, et où 30 % d’entre eux récidivent dans les cinq ans, il était urgent de modifier le dispositif. Entre seize et dix-huit ans, ces grands adolescents seront jugés comme des majeurs pour les crimes les plus graves, ce qui représente une dissuasion utile. Cela empêchera également leur instrumentalisation par des majeurs, dans le cadre d’actions en bande.
Le volet consacré à l’injonction de soins constitue un vecteur essentiel de réinsertion. Elle est désormais obligatoire pour tous les condamnés en suivi socio-judiciaire. En cas de refus, des sanctions seront applicables, notamment la révocation du sursis ou de la liberté conditionnelle. En effet, notre pays ne pouvait plus laisser des délinquants, notamment sexuels, sortir de prison sans traitement adéquat. L’incarcération doit permettre d’isoler les criminels et de protéger les victimes. Mais elle doit également jouer un rôle de traitement et de réinsertion, pour éviter que les crimes ne puissent se reproduire.
En vue de nourrir le débat démocratique, j’aimerais vous soumettre deux propositions.
La première concerne les moyens réels engagés pour appliquer les mesures. Le nombre de peines de prison ferme augmentera mécaniquement, et la population carcérale ne pourra que croître. Dans un pays comme la France, où les capacités d’accueil des prisons sont largement dépassées, où les tribunaux sont engorgés, quels moyens seront débloqués pour que ces mesures utiles soient appliquées ? La question se pose aussi à propos du suivi psychologique. La capacité d’accompagnement actuelle est largement déficitaire en la matière. L’embauche de psychologues supplémentaires, en particulier spécialisés dans les crimes sexuels, est-elle envisagée ?
Ma seconde proposition concerne les peines encourues par les mineurs pour des infractions légères, effectuées dans la primo-adolescence. Ne peut-on pas imaginer une plus large diffusion des travaux d’intérêt général ? Participant à la vie de la cité, les jeunes délinquants pourraient ainsi trouver une activité utile et créatrice de lien social.
Permettez-moi enfin d’aborder brièvement un sujet quelque peu périphérique : je souhaite que les tribunaux implantés en zone rurale puissent être maintenus. Véritables lieux de justice de proximité, ils sont également très importants pour l’architecture judiciaire nationale. À cet égard, en étroite collaboration avec Françoise Hostalier, députée de la quinzième circonscription du Nord, je confirme le souhait des habitants des Flandres de bénéficier encore des services du tribunal d’Hazebrouck, menacé de disparition.
L’ancien ministre de l’intérieur souhaite un durcissement des peines, après cinq années qui se soldent, en somme, par un échec. Si l’insécurité avait reculé, si la sécurité ne restait pas, à juste titre, une préoccupation des Français et si les atteintes aux personnes n’avaient pas augmenté alors que la majorité actuelle était déjà au pouvoir, personne ne jugerait utile de débattre aujourd’hui de ce sujet.
Dans ma courte intervention, je voudrais, au nom des radicaux de gauche du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, pointer trois sujets.
Nous n’avons pas encore changé de République. Les magistrats, dont vous avez été, madame la ministre, conservent leur libre arbitre que l’on appelle conscience, dès lors qu’il s’exerce au nom du peuple. À ce titre, ils peuvent moduler les peines et se montrer plus ou moins sévères selon l’environnement du délit. Quel est donc ce signal que vous leur envoyez, en encadrant plus encore leur travail ? Quel est ce signal que, à travers eux, vous envoyez à tous les justiciables potentiels, pour leur indiquer qu’ils ne seront plus jugés par un magistrat, par une femme ou par un homme qui est aussi mère ou père de famille, responsable associatif, engagé dans la cité, bref citoyen, mais par une grille dont vous voulez décider dans cet hémicycle ?
Je souhaite comme vous, madame la ministre, une justice plus réactive et plus proche. Mais – le savez-vous ? – je suis également parlementaire de l’Allier, élu du sud du département, à Cusset, où se trouve, comme je vous l’ai écrit, le tribunal le plus important du département, que vous envisagez de supprimer. Quel signal d’une justice plus proche envoyez-vous aux magistrats, aux avocats, aux officiers ministériels, aux élus et finalement à tous les citoyens en souhaitant, d’un côté, une justice plus proche, mais en prévenant, de l’autre, que c’est au chef-lieu du département, à soixante kilomètres de là, que les choses se passeront désormais ? La justice rapide, celle qui est utile dès lors que l’on souhaite donner toute sa valeur à la sanction, ne s’accommodera pas de cette situation. Je tiens vous le dire, car je veux, ici même, prendre date.
Je vous entends déjà me répondre, reprenant l’antienne de la campagne électorale, que la gauche serait laxiste.
Il y a cependant deux choses que nous ne pouvons admettre.
La première, c’est que la privation de liberté ne soit plus l’exception. Je m’inquiète de l’explosion des gardes-à-vue, qui constituent souvent un moyen de pression et, au final, dénaturent à tout coup le travail de la police. De plus, elles sapent le concept de monopole de la violence légitime auquel, comme vous, je suis plus qu’attaché. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour vous rappeler – comme le Conseil constitutionnel le fera sans doute – l’article 37 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
La deuxième règle de base, c’est que l’on ne peut pas, en République, créer une loi sans en mesurer les effets. Or ceux de l’augmentation de la population pénale et de l’incarcération, en particulier chez les jeunes, sont hélas connus. Alain Peyrefitte, qui n’était ni radical ni socialiste,…
Telles sont, madame la ministre, les questions que se posent les députés radicaux du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Si vos réponses ne nous laissaient pas entrevoir un gouvernement qui s’amende, nous voterions immanquablement contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Grâce à l’action déterminée des gouvernements, depuis 2002, un mouvement de décrue continu de la délinquance a été engagé dans notre pays.
De ce fait, dans de nombreux quartiers, on assiste à l’instauration d’un ordre paradoxal où c’est la victime qui a peur des représailles et le coupable qui vit l’esprit tranquille, sans crainte de la peine. Tout à l’heure, notre collègue Guy Geoffroy a évoqué cette peur. Ainsi, on pourrait imaginer la création d’un délit spécifique de harcèlement social qui protégerait effectivement les citoyens. À nos yeux, la liberté des victimes est en effet plus importante que celle des délinquants à laquelle certains, à gauche de l’hémicycle, semblent si attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La délinquance est souvent le fait de multirécidivistes que le renforcement des sanctions pénales encourues ne suffit pas à décourager, dans la mesure où la peine n’est jamais sûre. Le but de ce nouveau projet de loi est de mettre fin à cette situation.
La peine a aussi, selon Durkheim, une vocation collective : elle doit réparer une blessure faite à la conscience collective, c’est-à-dire à notre foi commune en certaines valeurs. Faute de cette réparation et de cette foi commune, il n’y a plus de République. Ainsi, le mal réside dans le simple fait que moins de 42 % des peines prononcées sont réellement effectuées et le sont tardivement. Au tribunal de Bobigny, le délai moyen d’une décision judiciaire excède seize mois !
Il faut que le rôle des psychologues et des psychiatres soit défini plus clairement. Il n’est plus possible aujourd’hui de renouveler des catastrophes judiciaires comme l’affaire d’Outreau ou le cas Bodein. Il faut en finir avec ce « rugby » judiciaire, qui consiste, pour le législateur, à laisser carte blanche au magistrat qui, lui-même, s’en remet au psychologue ou au psychiatre.
Nos concitoyens sont exaspérés de voir que des délinquants déjà condamnés le sont à nouveau pour des faits semblables. Leur première condamnation, jamais ou insuffisamment appliquée, n’a pas empêché une nouvelle infraction, ce qui nourrit un sentiment d’impunité chez les délinquants et un sentiment d’insécurité chez les victimes.
En troisième lieu, l’augmentation et l’aggravation des actes de délinquance commis par des mineurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents justifient une nouvelle adaptation du régime de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, adaptation qu’ont d’ailleurs décidée plusieurs pays européens, notamment l’Angleterre.
Il y a cinq ans, la loi d’orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002 a créé les centres éducatifs fermés. Une étude montre qu’à la sortie des centres d’éducations renforcés, le taux de récidive des mineurs est de 10 %...
Enfin j’évoquerai, le problème majeur de la surpopulation carcérale, qui tient davantage à l’insuffisance de la construction qu’à l’excès des condamnations. En effet, la France a un taux de population carcérale de 91,8 pour 100 000 habitants, loin derrière l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre – où le taux s’élève à 142,7 pour 100 000 – sans parler de l’Estonie, qui compte 327,4 prisonniers pour 100 000 habitants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Par ailleurs, les peines alternatives doivent être réellement mises en œuvre.
Je conclurai en précisant que la prévention de la récidive implique une meilleure prise en charge sociale, éducative et sanitaire de la personne, non seulement durant la détention, mais aussi à l’issue de celle-ci. Or le nombre de juges de l’application des peines ainsi que celui des agents des services d’insertion et de probation de l’administration pénitentiaire est notoirement insuffisant et devrait être renforcé alors que le manque de moyens est flagrant. Je salue donc votre volonté affichée d’engager la réforme des prisons pour l’automne.
Accroître la certitude de la peine, adapter la loi à l’évolution de la société, augmenter les moyens de la chaîne judiciaire, tels sont les trois objectifs que poursuit votre politique, madame la ministre. Le texte que nous examinons traite des deux premiers d’entre eux et je souhaite que l’excellent rapporteur de la commission des lois puisse veiller à son application rapide et complète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il ne faudrait pas mettre la charrue avant les bœufs. En effet, le dispositif des peines plancher se traduira d’abord par une augmentation exponentielle du nombre de détenus.
Une étude prospective a permis d’évaluer à 10 000 le nombre de détenus supplémentaires que générerait chaque année l’application de ce projet de loi. Les maires qui siègent ici connaissent bien les délais nécessaires à la passation du moindre marché public : alors, pour ce qui est de la construction de bâtiments publics, on peut estimer que les premières prisons nécessaires à la mise en œuvre de ce texte ne seront prêtes qu’en 2012 – sous réserve que votre loi prévoie bien les moyens correspondants !
L’article 3 du projet de loi est relatif à l’excuse de minorité. Il serait opportun de mettre en place une réponse systématique à tout acte de délinquance des mineurs sur le modèle de la politique pénale en vigueur à Mulhouse, en Alsace, où est appliqué un système de réponses graduées en fonction de l’acte commis et de la personnalité des mineurs. Une automaticité de la sanction ne réglerait rien. Il faut faire confiance à des juges qui travaillent en bonne intelligence avec des éducateurs spécialisés proches du terrain. Ces juges n’hésitent pas à recourir à l’incarcération, même pour des mineurs, lorsque la gravité d’un acte de délinquance l’impose.
L’injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judicaire est rendue obligatoire par ce projet de loi, mais cette disposition nous ramène à la question des moyens. En effet, depuis 1998 le suivi socio-judiciaire existe à titre de peine complémentaire. Or ce suivi repose sur des médecins coordonnateurs qui le gèrent, alors que le secteur public manque de médecins.
Il faudrait ainsi organiser une coordination entre les autorités sanitaires et judiciaires, ce que ne prévoit pas la loi.
Madame la ministre, nos concitoyens sont inquiets, ils vous regardent en face, ils veulent une justice en laquelle ils puissent avoir confiance, ils l’attendent. En pensant aux sentiments des victimes, je voterai votre projet, mais je vous demande la plus grande vigilance pour que ce texte ne soit pas une loi de plus, une loi pour rien.
Après le temps des élections vient pour nous le temps de l’action : nous y sommes.
Ce texte complète notre code pénal en traitant des situations les plus préoccupantes, même s’il ne règle pas – hormis par les aspects dissuasifs de son dispositif – la question de la réitération, ni celle de la très forte augmentation de la délinquance des mineurs de dix à treize ans, pour lesquelles nous attendons la remise à plat de l’ordonnance de 1945.
Le principe fondamental de l’individualisation de la peine sera-t-il pour autant bafoué par ce projet ? Absolument pas, car la peine plancher n’est en aucun cas une peine automatique.
Le nombre des détenus va-t-il considérablement augmenter – certains annoncent jusqu’à 10 000 détenus supplémentaires ? Il n’en sera rien et le rapporteur du texte s’est expliqué sur les hypothèses de Pierre Victor Tournier.
Faut-il encore préciser, mes chers collègues, que, depuis 2000 et les travaux des deux commissions d’enquête parlementaires sur la prison, des progrès sans précédent ont été réalisés : le parc pénitentiaire a été modernisé et sa capacité augmentée…
Afin de limiter encore la récidive, reste l’impérieuse nécessité de trouver des solutions pour les personnes qui, en fin de peine, sont toujours dangereuses pour la société parce qu’elles refusent de se soigner – notamment les délinquants sexuels. La systématisation de l’injonction de soins, introduite par ce projet de loi et le placement sous surveillance électronique répondront, en partie, à cette nécessité. Je dis « en partie », car nous savons bien – et vous l’avez déjà anticipé, madame la ministre – qu’il nous faudra aller plus loin et développer des hôpitaux-prisons.
Auteur d’un rapport sénatorial consacré à cette question, je pense que nous devons, comme dans bien d’autres domaines, nous inspirer de ce qui marche chez nos voisins.
Il se trouve que les exemples hollandais et allemand ont pour point commun la possibilité de retenir en milieu fermé les personnes dangereuses, après l’exécution de leur peine.
C’est donc en m’inspirant du dispositif néerlandais – il concilie des objectifs de sécurité avec la prise en charge sanitaire des personnes et fait une large place à l’expertise et à l’évaluation de la dangerosité – que je préconise la création, dans les quinze hôpitaux-prisons qui seront ouverts d’ici à 2011, d’une unité accueillant, pendant la durée de leur peine, les délinquants dangereux atteints de troubles mentaux. Ils pourraient y rester au-delà de ce délai si leur état le nécessitait, sur décision de l’autorité judiciaire, pour une durée limitée et après avis de deux experts.
Quelques chambres particulièrement sécurisées seraient prévues dans chaque unité hospitalière spécialement aménagée, ce qui répondrait concrètement, sans moyens financiers importants, et à très court terme, à l’attente de nos concitoyens de protéger la société des risques que lui font courir les prédateurs récidivistes les plus dangereux.
Consensuelle, puisque adoptée à l’unanimité par la commission des lois du Sénat, en juin 2006, cette solution pourrait prendre place dans la loi pénitentiaire que vous nous annoncez. Avec le projet de loi relatif au contrôle général des lieux privatifs de liberté, nous comptons d’ailleurs beaucoup sur ce dernier texte pour assurer une rupture salutaire et laver la prison de l’accusation d’être une école de la récidive.
Votre projet de loi consacré à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ne trouvera tout son sens et n’aura des effets durables que s’il s’accompagne d’un effort considérable de prévention sociale et de suivi socio-judiciaire, d’une valorisation des expertises, du recrutement de psychologues – comme dans les commissariats – et de médecins coordonnateurs. En effet, nous ne devons jamais perdre de vue que notre mission est de permettre à ces délinquants de retrouver leur dignité perdue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Le président Warsmann et M. Geoffroy ont également parfaitement résumé l’esprit du projet de loi s’agissant des mineurs. Ceux-ci doivent être mis face à leurs responsabilités lorsqu’ils violent la loi. La limite leur sera clairement rappelée. Les lois votées sont évidemment faites pour être appliquées, et je veillerai à ce qu’elles le soient.
J’ai écouté tous les orateurs avec beaucoup d’attention pendant la discussion générale, et je vais maintenant leur répondre.
Monsieur Marie-Jeanne, je tiens à vous rassurer, ce projet de loi n’instaure pas de peines automatiques : il préserve l’individualisation de la peine. Je tiens également à vous dire que le Gouvernement poursuivra son effort immobilier en faveur des prisons. S’agissant de la Martinique, dont vous avez évoqué la situation, 80 places nouvelles seront livrées fin juillet 2007 pour le centre pénitentiaire de Ducos et 150 places supplémentaires seront créées en 2011.
Monsieur Caresche, je vous remercie d’avoir rappelé que M. Tournier, chercheur au CNRS, avait envisagé plusieurs scénarii, dont l’un précise que la loi entraînerait une baisse du nombre de détenus de 8 500.
Monsieur Hunault, comme vous, je pense aux victimes, qui ne comprennent pas qu’une personne condamnée puisse à nouveau commettre des faits graves. En ce qui concerne la situation des prisons, dont je sais qu’elle vous préoccupe, je prendrai en compte vos propositions pour l’élaboration du projet de loi pénitentiaire qui sera soumis au Parlement à l’automne. L’un des objectifs de ce projet est de faire en sorte que la France prenne en compte les standards du Conseil de l’Europe. Nous poursuivrons également le programme immobilier pour créer 13 200 nouvelles places supplémentaires d’ici à 2012.
Monsieur Bénisti, je vous remercie très sincèrement d’avoir qualifié le projet de loi d’humain, de novateur et de courageux. Comme vous, je pense que la question du suivi des mineurs délinquants est un sujet crucial, sur lequel nous avons d’ailleurs beaucoup travaillé au cours de la législature précédente. Nous devons en effet accompagner les mineurs lorsqu’ils sortent des établissements pénitentiaires pour mineurs et des centres éducatifs fermés. Cette question doit d’ailleurs faire prochainement l’objet d’une instruction adressée aux services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse. Si l’on constate une baisse importante de la récidive chez les mineurs qui sortent de CEF, il est dommage que personne ne soit là pour les prendre en charge à leur sortie.
Par ailleurs, le délai moyen d’exécution est passé de 7,2 mois en 2004 à 6,8 mois en 2005 et les chiffres de 2006 et de 2007 sont également encourageants. Cette réduction devra être poursuivie.
Monsieur Braouezec, je veux vous préciser que le projet de loi ne remet en cause aucun des principes fondamentaux de la justice des mineurs, principes qui sont au nombre de trois : primauté de l’éducatif, atténuation de la responsabilité pénale et juridictions spécialisées.
Monsieur Dupont-Aignan, comme vous, j’ai conscience des besoins de la justice, mais il faut également moderniser son fonctionnement pour qu’elle soit plus efficace. C’est pourquoi j’ai engagé un grand chantier de développement des nouvelles technologies au sein de toutes les juridictions. Actuellement, les juridictions ne sont pas équipées de logiciels, mais d’outils informatiques de saisie. À compter du 1er janvier 2008, elles seront toutes dotées de matériels qui permettront la numérisation et la dématérialisation des procédures, nécessaires à l’amélioration du traitement judiciaire. Les greffiers seront ainsi recentrés sur leurs missions.
Monsieur Mamère, vos propos me paraissent excessifs. Vous parlez de surenchère médiatique, alors que je propose simplement un projet de loi dissuasif qui crée un cadre juridique pour juger les récidivistes.
Monsieur Blanc, vous avez raison de dire que nous ne pouvons nous résigner face à la récidive. C’est un élément essentiel de ce texte, qui renforcera la préservation de la paix publique.
Monsieur Raimbourg, vous déplorez que, actuellement, les mineurs récidivistes ne bénéficient pas d’un traitement spécifique. Tel est précisément l’objet du projet de loi, qui adapte la réponse pénale à l’âge de l’auteur et à la nature de l’infraction commise. J’ai d’ailleurs envoyé, dès mon arrivée, une circulaire d’action publique à tous les parquets afin qu’à chaque infraction corresponde une réponse pénale.
Madame Fort, votre connaissance des sujets relatifs à la lutte contre la délinquance donne un écho particulier à vos propos. Dissuader, c’est prévenir. Prévenir clairement les délinquants de ce qu’ils encourent, c’est prévenir la délinquance.
Madame Batho, je refuse votre constat d’impuissance – mais vous savez sans doute de quoi vous parlez. Vous appelez de vos vœux une politique pénale adaptée pour les mineurs. Tel est précisément l’objet de la circulaire que je viens d’évoquer. Les mineurs comprennent s’ils sont sanctionnés dès leur première infraction. S’ils ne le sont pas, ils ne comprennent pas lorsqu’ils sont jugés pour cinquante affaires.
Monsieur Dray, comment pouvez-vous parler de « spectacle » alors que notre action est essentielle pour notre pays ? Vous qui connaissez si bien ces problèmes, je m’étonne que vous ne souscriviez pas à nos objectifs : lutter contre la délinquance et, surtout, nous donner les moyens législatifs de sanctionner la récidive.
Les CEF, qui sont à ce jour au nombre de 29, seront près de 50 à la fin de 2008, ce qui représente 500 places. J’ai souhaité – et ils sont financés – que cinq d’entre eux soient dédiés à la pédopsychiatrie afin que les mineurs atteints de troubles du comportement puissent être suivis par des pédopsychiatres, des infirmières et des psychologues.
Monsieur Pinte, le délai moyen entre les faits et la condamnation est de 9,8 mois en matière correctionnelle. On peut toujours faire mieux, mais cela ne justifie pas de renoncer à traiter la récidive. Nous avons d’ailleurs créé, dans la loi du 5 mars 2007, la procédure de présentation immédiate pour les mineurs délinquants.
Monsieur Lambert, vous ne pouvez pas à la fois dénoncer un texte d’affichage et le qualifier de liberticide. Ce texte donne un nouvel élan au suivi judiciaire, qui est une mesure efficace et reconnue comme telle, mais qui est trop rarement prononcée. Il faut donc la développer et nous y consacrerons les moyens nécessaires.
Monsieur Diefenbacher, je vous remercie de votre hauteur de vue et de votre soutien. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce texte adresse effectivement un message fort aux délinquants d’habitude.
Monsieur Montebourg, pour juger, il faut des lois. Comptez sur moi pour ne pas faire de lois inutiles. Mais quand une loi est utile, attendue par l’opinion publique, je n’entends pas y renoncer au motif que la justice n’œuvrerait pas avec une célérité suffisante. D’ailleurs, je constate une contradiction dans vos positions : vous appelez de vos vœux la célérité de la justice, mais vous êtes hostiles à toute procédure rapide. (« Et voilà » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Myard, le projet maintient l’alternative classique entre les mesures éducatives et les sanctions pénales à l’égard des mineurs. L’emprisonnement ne sera donc pas une solution automatique ; d’autres mesures sont envisagées.
Madame Lebranchu, j’ai été particulièrement attentive à vos propos. Je ne partage évidemment pas votre vision défaitiste…
Comme vous, je considère qu’aider les victimes est une priorité. C’est pourquoi j’ai décidé la création d’un juge délégué aux victimes afin d’aider celles-ci dans leur parcours judiciaire. Mais cela ne signifie nullement que cette loi soit une loi de vengeance : c’est simplement une loi dissuasive.
Nous nous rejoignons en revanche sur la nécessité d’une loi pénitentiaire. Vous aviez ouvert le chantier en 2001 et vos travaux, très riches, nous seront très utiles pour l’élaboration du projet de loi qui sera soumis au Parlement à l’automne. Je vous rends hommage pour ce que vous aviez alors réalisé, de même que pour la création des centres de placement immédiat pour les mineurs, qui répondaient à un réel besoin.
Monsieur Vanneste, vous avez souligné l’action déterminée contre la récidive entreprise depuis trois ans, et que parachève le présent projet de loi. Vous souhaitez plus de certitude de la peine, une meilleure adaptation de la loi à l’évolution de la société et plus de moyens pour la chaîne judiciaire. Nous partageons les mêmes objectifs et j’aurai à cœur de les mettre en œuvre.
Monsieur Charasse, le projet de loi respecte la convention internationale des droits de l’enfant. L’ordonnance de 1945 est conforme aux principes internationaux. Le projet de loi ne remet nullement en cause les principes que j’ai évoqués tout à l’heure, et je tiens à rappeler que les principes posés par l’ordonnance de 1945 vont bien au-delà de la convention internationale des droits de l’enfant.
Monsieur Decool, le projet de loi n’aura aucun effet mécanique d’augmentation sur la population carcérale.
Monsieur Goujon, vous avez souligné l’importance des hôpitaux-prisons. Nous devons effectivement mieux traiter les délinquants qui souffrent de maladies mentales afin d’éviter qu’ils ne constituent une menace pour la société. À cet effet, nous allons créer 709 places en unités hospitalières spécialement aménagées d’ici à 2011, ce qui me semble répondre à vos attentes légitimes.
Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Serge Blisko.
Permettez-moi, madame la ministre, de vous exposer les raisons qui motivent cette attaque un peu rude. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous débattons aujourd’hui d’un texte d’affichage qui vient d’abord répondre à une promesse électorale. J’en veux pour preuve que vous n’avez pas jugé bon d’effectuer d’abord une étude d’impact. La frénésie législative amorcée lors de la législature précédente a repris de plus belle, et nous en voyons les résultats : en l’occurrence, aucune évaluation préalable de l’existant n’a été effectuée, et les décrets d’application des lois précédentes ne sont toujours pas publiés.
Pas d’étude d’impact, disais-je, mais en revanche un impact certain, quelles que soient les discussions byzantines sur le nombre de détenus. Soit le texte est censé faire diminuer la population carcérale – mais je n’ai pas eu, jusqu’à présent, l’impression que ce serait le cas – ; soit il est inutile, car cette population restera stable ; soit, comme toutes les études rapides le montrent,…
Selon une étude indépendante, 32 000 places devraient être créées pour répondre à l’augmentation du nombre de détenus engendrée par votre texte. La population carcérale s’élève aujourd’hui à 60 000 détenus. M. Dray disait cet après-midi que nous pourrions prochainement atteindre le chiffre de 100 000 personnes incarcérées, dans des conditions de détention qui, vous l’imaginez, ne feront que se dégrader.
L’efficacité du caractère dissuasif des peines plancher n’est guère convaincante. Pensez-vous que celui qui veut voler une voiture renoncera à son acte parce qu’il risque une peine de trois ans de prison au lieu de deux ? En réalité, la personne qui s’apprête à commettre un tel acte n’est pas dans cet état d’esprit, mais au contraire dans l’immédiateté de l’action et l’absence de réflexion. Les subtilités du code pénal constituent la moindre de ses préoccupations, a fortiori s’il est mineur et sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants ! Celui qui vole agit ainsi parce qu’il pense qu’il ne sera pas pris. Il n’évalue pas, à l’année près, la durée de l’emprisonnement qu’il encourt.
En ce qui concerne les conditions d’application des peines susceptibles de favoriser la réinsertion, c’est le grand désert : pas assez de travail en atelier, de formation générale ou professionnelle, pas assez d’activités socio-culturelles, de formation à la citoyenneté, de responsabilisation des détenus, d’aménagement des peines en milieu ouvert ; pas assez, enfin, de libérations conditionnelles, par peur de votre part et par manque de moyens. Alors qu’il est indispensable que les libérations conditionnelles fassent l’objet d’un suivi rigoureux, le travail remarquable des – trop rares – juges de l’application des peines pâtit de l’insuffisance d’encadrement, de moyens pour la protection judiciaire de la jeunesse et pour les conseillers d’insertion et de probation. Vous parlez de recruter, mais qu’attendez-vous pour le faire, quand ces personnels, qui ploient sous une charge de travail démesurée, se trouvent actuellement dans l’incapacité d’effectuer l’intégralité de la mission qui leur est confiée ? Ainsi, ils n’ont évidemment pas le temps de voir chaque détenu lors de son arrivée et d’entrer en contact avec les familles, comme ils devraient le faire.
Il en sera ainsi tant que nous aurons des prisons surpeuplées, tant que notre pays, que son état de développement devrait faire figurer parmi les plus avancés pour ce qui est des conditions pénitentiaires, restera au contraire la honte de l’Europe de ce point de vue. Dans les maisons d’arrêt du Mans, de Bonneville, de Béthune, de Saint-Denis de la Réunion ou de Nouméa, le taux d’occupation dépasse les 200 %, et les détenus dorment par terre sur des matelas ! Est-ce de cette manière que vous entendez faire de la réinsertion et de la réadaptation ?
Nous avons eu récemment un débat biaisé sur la question de la grâce présidentielle du 14 juillet. Indépendamment du bien-fondé de la décision qui a été prise de ne pas accorder de grâce cette année, chacun sait à quel point la situation est tendue dans les prisons.
Aujourd’hui, que nous annoncez-vous ? Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ! Pensez-vous que vous allez améliorer le fonctionnement de prévention, de la justice, de l’administration pénitentiaire, de l’insertion, de la probation, en vous passant d’un recrutement massif de fonctionnaires ? Pensez-vous que la façon dont vous traitez les services publics va améliorer, ou au contraire aggraver la situation catastrophique que nous connaissons actuellement ?
À cet égard, les peines plancher sont récusées, y compris par les professionnels de l’administration pénitentiaire.
Je veux maintenant aborder la question de la généralisation de l’injonction de soins prévue par les articles 5 à 10, et qui a été intégrée au texte une semaine seulement avant sa discussion au Sénat. Introduire des dispositions aussi importantes que la généralisation de l’injonction de soins par une lettre rectificative une semaine avant son examen en séance n’est pas sérieux.
Nous savons que la santé, plus particulièrement la santé mentale, ne fait pas partie des priorités du Président de la République. Sous la législature précédente – début 2007, pour être précis – nous avons pu en prendre la mesure, avec les revirements successifs de M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, concernant le volet « santé mentale » initialement ajouté au projet de loi sur la délinquance. Devant les critiques très vives de l’amalgame fait entre délinquance et santé mentale, ce texte fut ajouté à une ordonnance sans aucun rapport – un rattachement d’ailleurs censuré par le Conseil Constitutionnel. Sans revenir plus longuement sur l’impréparation des dispositions relatives à la santé mentale et le peu de considération témoignée aux professionnels de ce secteur, je constate que nous nous trouvons devant le même cas de figure aujourd’hui : impréparation, absence de concertation, confusion et manque total de réalisme sur les conditions d’exercice de la psychiatrie publique, en particulier en milieu pénitentiaire.
Permettez-moi de vous rappeler l’émoi suscité, il y a quatre mois, par les a priori philosophiques préoccupants exprimés par M. Sarkozy, qui déclarait alors que la délinquance sexuelle relevait de la génétique. Je vais vous citer exactement les termes qu’il avait employés…
Aujourd’hui, vous avez une autre solution que la détection précoce à nous proposer : quand vous ne savez plus quoi faire, le médical devient la réponse à tout – ce qui justifie la proposition consistant à généraliser l’injonction de soins. Cessez donc de simplifier à l’extrême : quand il s’agit de trouver une solution à une question aussi délicate, il faut au contraire en examiner tous les détails.
La mise en œuvre de l’injonction de soins nécessite l’intervention de médecins-experts et de médecins coordinateurs. Avez-vous, madame la ministre, ouvert un débat public sur la psychiatrie pénitentiaire et consulté ces médecins ? Je crains bien que non, malheureusement. Je sais que le ministère de la santé a tout au plus reçu des représentants de la Fédération française de psychiatrie et que les médecins psychiatres se sont élevés contre ce projet de loi.
Vous proposez d’étendre l’injonction de soins alors même que nous ne disposons d’aucunes données, en particulier d’aucun bilan portant sur les premiers essais d’injonction de soins à visée thérapeutique et de prévention du passage à l’acte criminel ou délictuel, des essais pratiqués à la suite de la loi Guigou de 1998. En l’absence de bilan portant sur les expériences déjà menées dans ce domaine, les dispositions dont vous proposez la mise en œuvre risquent fort d’être inefficaces.
Ce projet de loi propose une psychiatrisation de la justice. J’aimerais, tout d’abord, rappeler que le taux de pathologies psychiatriques est 20 fois plus élevé en prison qu’au sein du reste de la population. Il faut sans doute commencer par se demander ce qui fait que certaines personnes se retrouveront en institution psychiatrique tandis que d’autres iront en prison ou passeront d’un type d’enfermement à l’autre. C’est là une question extrêmement difficile qui mérite que l’on y consacre beaucoup d’attention et de soin – autre chose, en tout cas, que quelques effets de tribune ou une simple lettre rectificative rédigée à la va-vite.
Le champ d’application de l’injonction de soins, tel qu’il figure dans l’exposé des motifs de la lettre rectificative, nous paraît trop large : « homicide, tous crimes ou délits sexuels, enlèvement et séquestration, pédopornographie, corruption de mineurs… »
On mêle ainsi des situations très différentes : le délit sexuel n’est pas de même nature lorsqu’il est commis en bande, à l’issue d’une soirée ou d’un raid prédateur, par des mineurs par exemple, ou dans le cadre conjugal. Ce sont des champs judiciaires extrêmement différents. L’auteur d’un enlèvement et d’une séquestration peut-il faire l’objet d’un quelconque suivi thérapeutique ? Quelqu’un parmi vous est-il en mesure de me répondre ? Moi, je l’ignore. Quant à la corruption de mineurs, incrimination relativement rare, appelle-t-elle une injonction de soins ? C’est la première fois qu’une telle réponse est proposée pour pareil délit.
Je suis atterré devant une telle méconnaissance de la psychiatrie. Nous sommes dans le règne de la confusion. La définition du champ de l'injonction de soins proposé dans ce texte vise d’abord ce qui effraie l'opinion publique, mais qui ne relève pas nécessairement d'une action thérapeutique. Vous répondez à l’inquiétude – légitime – de l’opinion publique, peu informée, malheureusement. Mais vous ne faites en aucun cas un travail de législateur complet et argumenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La Fédération française de psychiatrie, fortement opposée à ce projet de loi, est très claire : « Les psychiatres soulignent que, moins de un homicide sur 20 et moins d'une agression sexuelle sur 50 sont commis par un malade mental. » On voit bien ce qui se noue ici : vous allez traiter les 49 ou les 19 autres personnes comme des malades mentaux alors qu’ils ne le sont pas. La genèse de leurs actes, de leurs crimes est très différente. Elle est certainement psychologique, sociale, circonstancielle ou liée à la prise de toxiques divers. Mais ce n’est pas une maladie mentale au sens classique du terme.
Devant des actes, notamment pénaux, qui sortent de l’ordinaire, nous avons tendance à parler de folie. Mais dire que c’est fou ne veut pas dire que la personne qui a commis cet acte est en situation d’aliénation mentale. Cela signifie simplement que cela sort de l’ordinaire, de la norme admise. Je n’ouvrirai cependant pas ici un débat sur la norme, laquelle a beaucoup varié au cours de siècles et des civilisations. Ce que nous jugeons aujourd’hui totalement anormal était considéré, il y a encore quelques années, comme tout à fait banal, chez nous ou dans d’autres cultures.
L'erreur est que vous vous centrez exclusivement sur l'acte. Vous prétendez respecter l’individualisation de la peine. Mais ce n’est pas vrai : vous ne parlez que de l’acte ou d’articles du code pénal ; vous ne vous préoccupez que de ce que le condamné a fait et non de ce qu'il est. Intéressez-vous aussi à ce prévenu, à celui que vous allez condamner à être soigné. Il y a, à mon sens, une erreur absolue et régressive dans le choix de votre angle d'approche.
Encore une fois, tout acte que vous qualifiez d’anormal ne relève pas de la psychiatrie. La FFP rappelle ainsi qu'« une prise en charge thérapeutique ne saurait se concevoir pour l'ensemble des troubles du comportement, elle doit rester centrée sur les soins des troubles mentaux, et ne peut être considérée comme le principal moyen de prévenir la récidive des crimes et délits. » Certaines choses échappent au traitement. Les troubles mentaux ne font pas l’ensemble des actes pénaux. Vous ne pouvez pas vous décharger sur la psychiatrie : les comportements déviants ont également une origine sociale et circonstancielle. Demain, des personnes soignées pendant des années et considérées comme guéries pourront récidiver.
Dans les enquêtes psychologiques et psychiatriques, les juges qui ont affaire à un criminel interrogent les experts sur l’évaluation de la dangerosité. Voici ce que le docteur Cyril Manzanera, dans une étude sur l'expertise psychiatrique pénale en date du 11 juillet, note très justement en matière d'évaluation de la dangerosité : « [...] la justice d'une société contemporaine, portée par ses peurs et son insécurité, sollicite l'expert bien au-delà de sa compétence de psychiatre en lui demandant d'élargir son approche à une analyse [pas seulement psychiatrique mais également ] psycho-criminologique, en oubliant alors que la criminologie est par essence multidisciplinaire associant notamment un regard social, environnemental et culturel, sans parler d'une ouverture indispensable au droit pénal et à la pénologie. » Voilà ce qu’on attendait de ce texte : un travail sur l’expertise psychiatrique.
Aujourd’hui, on demande à l’expert psychiatre de se prononcer sur la dangerosité. Demain, on l’interrogera sur le risque de récidive. Il est ainsi obligé de rentrer dans une démarche prédictive qui ne relève pas de sa fonction. Aura-t-il raison ou tort à 90 %, 95 % ou 60 % ? Il doit simplement poser un diagnostic. Il n’est pas censé dire ce que sera la personne dans trois ou cinq ans. Nul ne peut savoir si elle se remettra à voler ou à reprendre de la drogue.
Les attentes de la société vis-à-vis de la psychiatrie sont fortes, trop fortes. Elles nous interpellent, comme le disait Mme Lebranchu. Que peut-on faire pour celui qui ne relève pas de la psychiatrie ? Que peut-on faire pour celui qui refuse de se soigner ? Si l’on en croit M. Goujon, il sera enfermé.
En fait, le consentement sera en quelque sorte « arraché » au condamné, ce qui sera contre-productif. Ce texte, confond dangereusement sanctions et soins. En effet, le condamné ne bénéficiera de son sursis ou de sa liberté conditionnelle que s'il se soumet à l'injonction thérapeutique. Soyons clairs, les soins seront subis, dans de nombreux cas. À défaut d’être accepté par les malades avec enthousiasme, si vous imposez ce suivi thérapeutique à tous, nos psychiatres se retrouveront face à des condamnés sans volonté réelle de se soigner, ou qui dissimuleront pour pouvoir sortir plus vite. Or cela ne peut conduire qu’à l’échec du traitement.
Il est primordial de revenir aux fondamentaux et de distinguer le processus judiciaire du processus thérapeutique.
Nombre de mes collègues ont souligné le manque de moyens de la justice et de la psychiatrie. Comme le souligne le rapport de la commission des lois du rapporteur de votre majorité, M. Guy Geoffroy, « les principales difficultés d'application du suivi socio-judiciaire concernent la désignation des médecins coordonnateurs et la pénurie de médecins psychiatres dans certains départements ou de médecins psychiatres formés au traitement des délinquants sexuels ».
J’en veux pour preuve, madame la garde des sceaux, la petite controverse qui vous oppose à l’association nationale des juges d’application des peines. Vous avez indiqué lors de votre audition qu’il y aurait environ 200 médecins coordonnateurs en France. Mais d'après l'ANJAP, il y en aurait un peu moins de 100. Où sont passés les 100 médecins coordonnateurs de différence ? Il faudra sans doute les chercher sur tout le territoire. Quand on connaît le désert médical en général et plus spécifiquement le désert de la psychiatrie publique dans un certain nombre de départements, on peut être sûr qu’il ne sera pas facile de mettre en œuvre le « plan ambitieux » que vous avez annoncé d’ici à mars 2008. Il est vrai que ce sera une période électorale et qu’on peut donc faire des promesses qui n’engageront que ceux qui y croiront. Il est si simple de promettre des « plans ambitieux » sans ligne budgétaire correspondante. Soyez certains que, sur ce point aussi, nous serons vigilants.
Nous souhaitons d’abord que la loi Guigou du 17 juin 1998 soit étudiée et que son impact soit mesuré. Nous souhaitons également qu’on en revienne à deux textes fondamentaux qui vous ont peut-être échappé. Le suivi thérapeutique existe en effet depuis cinquante ans en France. Une loi de 1954, intitulée, si mes souvenirs sont bons, « loi sur les alcooliques dangereux », obligeait les personnes en état d’ivresse à se soigner. La sanction la plus redoutée en cas de non-respect du traitement – au demeurant très sévère – pour parvenir à un sevrage alcoolique était le retrait du permis de conduire, qui pouvait se révéler professionnellement très préjudiciable pour certains.
Puis, la loi du 31 décembre 1970, qui visait la toxicomanie, a fait pour la première fois allusion à l’ « injonction thérapeutique ».
Ces deux lois ont été appliquées avec bonheur et succès au début, précisément parce qu’on avait prévu les moyens de les mettre en œuvre. Certes, en 1954, ceux-ci étaient un peu frustes. Ainsi, les médecins étaient à la fois spécialistes du permis de conduire et de l’alcoolisme. Mais, à partir des années 70, ces moyens sont devenus plus sophistiqués. Au fil des ans, ces dispositifs ont connu des difficultés, faute de personnel, de lieux de thérapie, de crédits et d’évaluation. En outre, le nombre de personnes et de juges qui y avaient recours ne cessait de croître.
Ces deux lois de santé publique et de prévention pénale générale sont aujourd’hui largement tombées en désuétude. Nous sommes peu à avoir professionnellement vécu les années 50. Mais nous sommes nombreux à avoir vu que beaucoup de jeunes, dans les années 70, ont pu être soignés avec quelques résultats. Il est vrai que les juges, alors en nombre suffisant, étaient en mesure d’expliquer aux jeunes que, s’ils ne se faisaient pas soigner, ils iraient en prison. Aujourd’hui, nous sommes très loin de cela en matière de toxicomanie.
Nous aurions pu examiner ces deux dispositifs, nous aurions pu comprendre comment ils avaient fonctionné, puis cessé de fonctionner, avant de nous lancer dans une nouvelle aventure avec ce texte, et plus particulièrement ses articles 5 à 9, qui restent très problématiques.
En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), on aurait souhaité une approche qualitative plus que quantitative. Malheureusement, l’effet d’affichage est là. Vous voulez remplir les prisons, augmenter les durées de détention. Bref, faire du chiffre. C’est une tentation chez vous depuis 2002. Et quand les chiffres ne correspondent pas à votre attente, vous faites une autre loi. C’est une sorte d’antienne. Et, depuis 2002, nous nous réunissons deux fois par an pour faire une loi qui sera, celle-là, définitive, dure, qui rassurera la population et contraindra les délinquants à rentrer dans le rang. Pourtant, nous savons bien que les taux de récidive ne sont pas liés à la loi. Ils varient très fortement selon l'âge, la formation, le milieu social de la personne, son passé judiciaire et, surtout, les conditions de sortie, en particulier l'existence d'une insertion professionnelle. En cela, le travail des conseillers d'insertion et de probation est fondamental.
Vous le savez si vous visitez les prisons, les personnes incarcérées appartiennent de plus en plus à une population jeune, marginalisée, pauvre, socialement, économiquement et culturellement désinserée. Mais quelle place est donnée à la prévention dans ce projet de loi ?
De plus, votre refus de recourir obligatoirement à une enquête de personnalité dans certaines affaires pour les récidivistes montre le peu de cas que vous faites de l'individualisation de la peine. Il n’y a que votre crainte du Conseil constitutionnel qui vous ait conduite à réaffirmer ce principe.
En raison notamment de son impréparation, du manque de concertation préalable, du manque de moyens mais aussi pour des questions de fond, du fait de la confusion opérée entre psychiatrie, médecine et justice, le groupe socialiste demande le renvoi pour étude en commission de ce projet de loi. Il en a bien besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Tout ceci se fait dans un cadre que vous ne pouvez pas ignorer puisque vous avez lu le texte comme tout le monde. Ce cadre, c’est une expertise préliminaire à la décision du juge, suite à laquelle ce dernier peut très bien ne pas décider d’injonction thérapeutique, même si l’expertise le lui recommande. En sens inverse, grâce à un amendement du Sénat qui a été accepté par le Gouvernement et sur lequel la commission des lois de notre assemblée n’a pas souhaité revenir, il est prévu qu’en cas de refus de soins par le justiciable, le juge peut estimer que cela ne constitue pas une raison suffisante pour l’empêcher de prononcer un sursis avec mise l'épreuve. De même, le juge peut décider que certains éléments du comportement, de la volonté ou de la capacité du justiciable interdisent que l’on s’appuie sur un refus de sa part pour le priver des droits auxquels il peut prétendre.
J’espère, à l’issue de cette démonstration, que nous n’aurons pas besoin de trop nous attarder sur les articles 5 à 9. De ces articles découlent la philosophie et la lettre du texte, dont vous vous êtes éloigné, monsieur Blisko, malgré la pertinence de vos propos.
Je ferai remarquer, en conclusion, que, si vous avez cité le rapport de la commission, vous avez omis – sans doute pour nous faire gagner du temps – les deux paragraphes qui suivent votre citation et qui témoignent du souci de la commission, partagé par tous ici, que le dispositif des articles 5 à 9 ne soit pas mis en place sans que l’État débloque les moyens correspondants. Le Gouvernement s’est engagé à faire passer de 202 aujourd’hui à 500 le nombre de médecins coordonnateurs, décision sans laquelle le texte perdrait en effet de sa substance. Mais je fais confiance au Gouvernement. Les engagements qu'il a pris seront confirmés par la garde des sceaux au cours de l’examen de ces articles et des amendements.
C’est, entre autres, la raison pour laquelle la commission ne peut pas donner un avis favorable à la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’ai écouté Serge Blisko avec beaucoup d’attention et je m’associe aux propos du rapporteur sur la sensibilité qu’il témoigne à propos du problème des prisons. Mais, pendant sa demi-heure d’intervention, il n’a jamais employé le mot « victime ». Or, je crois que les victimes et l’augmentation de la délinquance sont au cœur de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous oubliez la question de la dissuasion et remettez en cause ce que l’on apprend lorsque l’on étudie le droit, à savoir que la peine est un facteur de dissuasion pour les délinquants.
Ce texte est un signal en direction des récidivistes, pour qu’ils cessent leurs agissements. Nous devons donc aider le Gouvernement. J’ai cru un moment, monsieur Blisko, que vous étiez le porte-parole de la Fédération française de psychiatrie. Nous ne sommes pas là pour être les porte-parole des fédérations, mais pour essayer de trouver les meilleures solutions permettant de lutter contre la récidive.
Au cours de la discussion générale, des chiffres objectifs ont été cités. Le rôle du législateur est de faire en sorte que la loi nous permettre de répondre à une situation inadmissible : l’augmentation de la délinquance par des auteurs de crimes et délits qui pensent pouvoir récidiver en toute impunité.
Le projet du Gouvernement est un projet équilibré. Mme la garde des sceaux, lorsqu’elle a été auditionnée par la commission des lois et lors de la discussion générale, a laissé la porte ouverte aux amendements susceptibles d’améliorer le texte. Notre devoir aujourd’hui, c’est non seulement de le voter, mais aussi de l’améliorer. Vous avez posé à propos des prisons une vraie question, sur laquelle nous reviendrons quand nous examinerons les amendements avant l’article 1er. La situation dans les prisons est en effet inquiétante, car nous savons qu’elle favorise la récidive, notamment dans les cas de sortie sèche.
La meilleure chose à faire, ce n’est donc pas de renvoyer ce texte en commission, mais c’est de s’atteler à son amélioration et d’y travailler sur-le-champ. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous considérons, nous, que ce texte a été fait dans la précipitation, qu’il témoigne de beaucoup d’impréparation et qu’il comporte – nous aurons l’occasion de le démontrer tout au long du débat – de nombreux points qui restent flous.
J’illustrerai ce manque de clarté par un exemple dont nous reparlerons à propos des articles 1er et 2. Il s’agit de la notion de nouvelle récidive, qui n’existe pas actuellement dans le droit pénal. Telle qu’elle est exprimée dans le texte, on ignore s’il s’agit d’une nouvelle récidive pour un crime ou délit identique ou assimilé, ou bien s’il s’agit d’une nouvelle récidive pour un autre crime. Cela montre bien que le texte n’est pas suffisamment précis et qu’un certain nombre d’éléments peuvent prêter à confusion.
Je veux aussi vous dire, madame la ministre, que le fait que les conséquences de ce texte ne soient pas évaluées pose un problème majeur. Je ne mets pas en cause le travail de M. Tournier, qui est excellent, mais lorsque vous proposez une disposition qui aura pour conséquence soit de diminuer la population carcérale de 8 000 détenus, soit de l’augmenter de 10 000, c’est bien qu’il y a un problème. Il n’est pas acceptable de devoir miser sur la chance avec 8 000 détenus en moins, ou sur la malchance avec 10 000 détenus supplémentaires ! Comment peut-on légiférer à partir d’une évaluation aussi floue ?
Il y a 12 millions d’habitants à Paris et en région parisienne. Mais savez-vous combien il y existe de centres fermés ? Un seul, où sont enfermés six mineurs de seize à dix-huit ans.
Nous savons bien que la réponse qui doit être apportée à la délinquance des mineurs consiste non pas à aggraver la répression,…
Le juge est privé de toutes ses capacités d’individualisation des peines, depuis l’introduction, par la loi de 1998, de l’injonction de soins, pour laquelle c’est l’expert psychiatre qui décide et non le magistrat. Et, bien que la loi n’ait jamais été évaluée, vous avez étendu en décembre 2005 l’injonction de soins au suivi socio-judiciaire. Cette confusion est inacceptable, et vouloir médicaliser la délinquance, les délits et les infractions est contraire aux principes du droit.
Nous ferions bien de regarder au-delà de nos trottoirs et de nos frontières. Il y a, en Europe, un pays qui s’appelle l’Allemagne et qui procède de la manière exactement contraire à celle que veut nous imposer ce gouvernement 100 % à droite et 100 % conservateur.
Mais le problème de notre pays, c’est que les détenus ne sont pas considérés comme des citoyens. Et ce n’est pas la gauche ni l’opposition qui le disent : c’est le président Canivet ! C’est dans ce sens que nous devons nous battre si nous voulons rétablir la citoyenneté à tous les étages de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous nous parlez ensuite des décrets des précédentes lois qui ne sont pas encore publiés. Je vous signale que certains l’ont été mais que, pour ce qui concerne la loi de mars dernier, que vous avez prise comme exemple, il est encore un peu tôt.
Monsieur Blisko, pour le cas où vous ne le sauriez pas, apprenez qu’un vol de véhicule ne s’effectue pas par opportunité : c’est un acte préparé, pensé. On appelle cela la préméditation. En matière pénale, la préméditation est sanctionnée et les textes sur ce point existent depuis quarante ans. Si vous voulez changer les choses, il faudra vous y prendre autrement.
Vous voulez changer les techniques policières. Les services de police vont être ravis de l’apprendre ! Car quel est le rapport avec le texte sur la récidive que nous discutons aujourd’hui ?
Vous dénoncez l’insuffisance de formation professionnelle pour les délinquants. Je vous rappelle que nous discutons ce soir de multirécidivistes qui, plus que d’une formation, ont besoin d’une reconstruction psychologique et sociale, avec une approche des repères et des valeurs.
Il me semble aussi que vous faites une confusion entre la détection précoce dans un cadre psychiatrique et l’injonction thérapeutique pour les délinquants sexuels ou ceux qui sont dépendants d’un opiacé quelconque.
Comme certains de vos collègues, vous faites une confusion entre le rapport sur la prévention de la délinquance et le rapport de l’INSERM, rédigé par les pontes de la médecine française et qui préconisait effectivement un dépistage systématique dès l’âge de trois ans. Tous les pédopsychiatres sont d’accord pour reconnaître que l’éducation d’un enfant se fait entre zéro et trois ans et que les troubles du comportement doivent être traités pendant la période œdipienne, soit entre trois ans et six ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
S’agissant du refus de soins, le texte est très clair. Un grand nombre de délinquants souffre de troubles du comportement, qui nécessitent des soins, notamment psychiatriques. C’est la raison pour laquelle l’application de la mesure est reportée à mars 2008, afin de pouvoir recruter les professionnels concernés.
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Avant que la discussion article par article ne s’engage, beaucoup de députés, de l’opposition comme de la majorité et quels que soient les désaccords, ont placé notre débat sur le traitement de la récidive en regard des questions budgétaires et des moyens de la justice. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je me félicite d’ailleurs que Mme la ministre soit montée à la tribune et nous ait répondu (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) – cela avait été plus difficile avec Mme Lagarde il y a quelques jours.
Nous avons progressé de façon sensible sur un certain nombre de réponses, et je veux insister sur le fait que, dans le cheminement de notre débat sur la récidive, la question budgétaire doit rester à notre esprit parce qu’elle est décisive si nous voulons agir concrètement en matière de lutte contre la violence, surtout lorsque celle-ci est de nature récidiviste.
Cela dit, je m’interroge.
En quelques minutes, Mme la ministre a annoncé 13 200 places de prisons supplémentaires avant 2012. Cela représente déjà un demi-milliard d’euros supplémentaires.
Et lorsque nous avons entendu Mme la ministre annoncer, avec bonne foi, la création de juges délégués des victimes dans la centaine de ressorts que comptent les tribunaux de grande instance en France, alors qu’à l’ENM le nombre de créations de poste diminue, nous nous sommes demandé comment ces miracles budgétaires pouvaient s’opérer sous nos yeux en temps réel ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons d’abord examiner les amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.
La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 95.
Face à la surpopulation dans les prisons françaises, cet amendement vise à préciser dans le projet de loi que le garde des sceaux présentera, chaque année, au Parlement, un rapport sur l’état de nos prisons et sur les mesures qui auront été prises en matière d’insertion.
Je répète que la France a déjà été épinglée par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Notre situation n’est pas en conformité avec la convention internationale des droits de l’enfant que, pourtant, nous avons ratifiée. Et nos prisons françaises n’ont jamais été aussi dégradées depuis 1945.
Même si l’on peut vouloir tordre le cou aux chiffres, il y a des réalités qui s’imposent avec le principe des peines plancher : les prisons seront encore plus surpeuplées quand ce projet de loi sera mis en application et la situation deviendra ingérable. Dans certaines prisons françaises, l’atmosphère est déjà particulièrement détestable, et vous prenez le risque d’y mettre le feu. Il sera extrêmement difficile de faire face aux conséquences du projet de loi.
Cet article additionnel avant l’article 1er prévoit donc que le garde des sceaux présente un rapport au Parlement et qu’il s’engage sur un certain nombre d’orientations de sa politique pénitentiaire.
Je sais bien que Mme la ministre va nous répondre que sa loi pénitentiaire est à l’étude, mais nous préférons, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, obtenir d’ores et déjà des engagements noir sur blanc de sa part. Au moins, pour une fois, les promesses n’engageront pas seulement ceux qui les écoutent.
La situation des prisons doit être entre nous un sujet non pas d’opposition, mais de consensus. J’ai en mémoire les travaux des commissions parlementaires sur les prisons, notamment celle présidée par Laurent Fabius puis par Louis Mermaz, dont les conclusions avaient donné lieu à un rapport adopté à l’unanimité. Au cours de la précédente législature, nous nous sommes également retrouvés, au-delà des clivages politiques, pour dénoncer la situation préoccupante des prisons françaises.
Madame la garde des sceaux, votre projet de loi suscite des interrogations quant aux conséquences qu’il aura sur le nombre de détenus dans les prisons françaises. Je rappelle les chiffres : actuellement, près de 61 000 personnes sont incarcérées pour une capacité de 48 500 places. Cette situation dramatique a été dénoncée par un certain nombre d’organismes, notamment par le Conseil de l’Europe.
Madame la garde des sceaux, quand j’ai rédigé cet amendement, je voulais attirer votre attention en proposant que, chaque année, le Gouvernement présente un rapport à la représentation nationale et explique la politique pénitentiaire, afin de nous permettre d’agir et d’améliorer la situation.
Or, depuis la rédaction de cet amendement, vous vous êtes engagée, au nom du Gouvernement, sur deux projets de loi. Le premier vise à créer un contrôleur général indépendant des lieux de privation de liberté. S’agissant du deuxième, vous nous avez indiqué que vous alliez travailler à l’élaboration d’une loi pénitentiaire qui reprendra les rapports du Conseil de l’Europe, notamment, et les grandes lignes de la charte pénitentiaire.
Afin que cet amendement ne soit pas une source d’opposition entre la représentation nationale et le Gouvernement, ou entre les différents partis représentés dans cet hémicycle, je vous demande de nous confirmer l’engagement du Gouvernement sur le travail de préparation de cette loi pénitentiaire, et d’accepter d’y associer l’ensemble de la représentation nationale. En outre, au-delà des constats, des rapports parlementaires, de la dénonciation, je souhaite que nous nous engagions, Gouvernement et représentation nationale, à donner à l’administration pénitentiaire les moyens de replacer l’homme au cœur des préoccupations, pour que la seule sanction soit la privation de liberté et non pas les humiliations permanentes constatées dans les prisons. Enfin, tout ce qui concerne la réhabilitation, la formation des détenus pour lutter contre les sorties « sèches », doivent être des éléments qui contribuent à rendre plus exceptionnelle la récidive. C’est ce qui, je crois, pourrait nous réunir ce soir.
Elle n’est pas insensible à ces questions de fond, et je voudrais redire aux auteurs de ces deux amendements combien nous sommes tous d’accord sur le constat, sur l’analyse et sur les voies à suivre pour dégager des solutions.
Il n’y a pas, je crois, de plus grande cause que celle de la dignité humaine, y compris celle des personnes qui sont privées de liberté et pour lesquelles la peine à laquelle elles sont condamnées est une punition suffisante − je confirme en cela ce que disait Michel Hunault. Mme la garde des sceaux nous l’avait dit au moment de son audition et l’a redit depuis, cette question est au cœur du projet de loi pénitentiaire qui sera présenté à l’automne. Pour éviter que nos travaux ne soit redondants avec ce grand débat qui se déroulera ici même et dont nous aurons largement à nous préoccuper à ce moment-là, la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements, tout en souhaitant que leurs auteurs puissent les retirer après que le Gouvernement leur aura confirmé ses intentions.
Monsieur Mamère, retirez-vous le vôtre ?
Je veux bien que des rapports annuels permettent de mieux connaître la situation : on ne peut que s’en réjouir. Mais, si je me réfère à mon tour aux travaux de M. Tournier, une fois que j’ai écarté le premier scénario, auquel vous ne croyez pas, et le second, puisqu’il présuppose que, les peines plancher ne se révélant aucunement dissuasives, les magistrats seront portés à utiliser systématiquement la marge de manœuvre prévue par le projet de loi, ce qui impliquera qu’il n’y ait aucun changement − hypothèse à laquelle vous ne croyez pas davantage, sinon vous n’auriez pas présenté cette loi −, je suis bien obligé de conclure qu’il faut travailler très sérieusement sur les conséquences que votre loi aura sur l’augmentation du nombre des détenus dans les prisons françaises, ce qui justifiait d’ailleurs la motion de renvoi en commission.
Madame la ministre, j’imagine que vous disposez depuis un certain temps déjà de statistiques précises sur le nombre de personnes écrouées au 1er juillet 2007. Pour honorer vos engagements et répondre le plus précisément possible aux amendements qui ont été déposés, je vous demande de bien vouloir nous communiquer ces chiffres dans le courant de la soirée. Nous en avons besoin pour étayer nos arguments et mieux comprendre où vous voulez aller, car, permettez-moi de vous le dire, vos propos ou ceux de M. le rapporteur sur les statistiques publiées par M. Tournier sèment une grande confusion ou, plutôt, confortent la thèse selon laquelle ce texte va provoquer une véritable explosion dans nos prisons.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Hunault, pour le soutenir.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Ce texte va à l’encontre du principe d’individualisation des peines et de la pratique actuelle des tribunaux et des cours d’assises, qui sont d’ores et déjà extrêmement sévères en matière de récidive. Il paraît donc tout à fait inutile.
Je veux aller plus loin, cependant. Vous savez que, en cour d’assises, au moment du délibéré, la cour et le jury doivent répondre à diverses questions, très précisément définies par le code de procédure pénale. Vous ne prévoyez pas, dans votre texte, que des questions puissent être posées à la cour et au jury sur l’application des peines plancher. Ainsi, ce texte n’aura aucun caractère contraignant pour eux. Autant dire que l’article 1er n’est qu’une déclaration d’intention. Nous affirmions que, par certains aspects, ce projet de loi était un texte d’affichage : nous en avons là la preuve flagrante. Le président de la cour d’assises n’a pas, formellement, la possibilité de demander à la cour s’il faut ou non déroger aux peines plancher.
J’ai posé, tout à l’heure, dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, une question qui me paraît extrêmement importante : que recouvre pour vous la notion de nouvelle récidive, que vous introduisez dans le code pénal ? S’agit-il d’une récidive qui concerne un crime ou un délit assimilé, ou s’agit-il d’une nouvelle récidive, par rapport à un autre crime ou un autre délit ? Le texte n’est pas clair à cet égard. On peut comprendre que la nouvelle récidive s’applique à l’état de récidive et non pas à l’un des délits ou à l’un des crimes. Il y a là une importante source de confusions : il faudrait la clarifier, au moins dans les débats. Selon les cas, ce ne serait pas du tout la même situation qui serait visée. Si vous avez une interprétation extensive de cette nouvelle récidive, elle concernera des délinquants qui auront commis en récidive des crimes et des délits de natures différentes.
Enfin, dans son article 132-8 qui, à ma connaissance, n’est pas abrogé par votre texte, le code pénal actuel ne prévoit que deux peines pour les crimes commis en récidive : la perpétuité ou trente ans. Or vous prévoyez des peines plancher pour des crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion. Cela veut dire que vous sortez de la notion de récidive et que les peines plancher risquent de s’appliquer à des délinquants qui ne sont pas en état de récidive. Là encore, les ambiguïtés ou les confusions de ce texte n’ont été levées ni par le travail du rapporteur ni par les amendements. Il serait bon de le faire à présent.
En tout état de cause, l’article 1er est un article déclamatoire, d’intention, mais qui n’a aucune portée normative et n’exercera aucune contrainte sur les cours d’assises.
En cinq ans, sur les 97 000 peines en partie ou totalement fermes qui ont été prononcées, on a noté un surcroît de 17 000 peines. Les taux d’occupation excèdent parfois les 100 %, voire les 200 % dans certains établissements pénitentiaires, comme l’ont rappelé des orateurs de toutes sensibilités. Il y a aujourd’hui, dans les prisons françaises, 50 000 places et 63 000 écrous, il n’y a pas eu de décret de grâce, pas de loi d’amnistie, plus de libérations conditionnelles, et la tolérance zéro, qui est un choix politique, va s’appliquer.
Le Premier ministre a donc affirmé que, s’il fallait construire des prisons, il en construirait. Aussi demandons-nous à Mme la garde des sceaux quel format pénitentiaire le Gouvernement s’apprête à privilégier. Quels sont les quantités, les budgétisations en jeu ? Cette question recoupe celle qu’a posée notre collègue Manuel Valls, qui voudrait savoir où nous en sommes, ou M. Hunault, qui aimerait qu’on nous le dise tous les ans. Nous aimerions obtenir réponse à ces questions. Où en sommes-nous, au 1er juillet 2007 ? Quel est le nombre d’écrous par rapport au nombre de places ? Comment allez-vous faire pour gérer ce surcroît d’emprisonnements ?
Surtout, vers quel format pénitentiaire nous dirigeons-nous ? Regardons, en effet, ce qui se passe aux États-Unis d’Amérique, où l’emprisonnement, comme M. Fenech le faisait remarquer, est massif, puisque c’est tout de même l’équivalent d’une ville de deux millions d’habitants qui y est enfermée dans les établissements pénitentiaires : dans ce pays, la violence n’a nullement diminué.
Si nous transposions ce format-là à la société française, ce sont 400 000 détenus que nous aurions alors à dénombrer, ce qui coûterait d’ailleurs en investissement, sans même parler de fonctionnement, 12 milliards d’euros.
La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 17.
Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, il faut savoir regarder au-delà de notre pays. En effet, plusieurs expériences ont été conduites en la matière, en particulier depuis 1997 dans le Territoire du Nord en Australie. Or, en 2001, le principe des peines plancher y a été aboli en raison à la fois des nombreux suicides enregistrés en prison et de l’engorgement des établissements pénitentiaires. Faut-il rappeler également que la Grande-Bretagne est en passe d’abandonner ce système ? Quant aux États-Unis, où l’on criminalise une partie de la population, notre collègue, M. Fenech, ferait bien de relire certaines études portant sur le système carcéral américain : pour un blanc, on y compte huit noirs emprisonnés. Comme l’a excellemment souligné mon collègue M. Montebourg, ce sont près de deux millions de personnes qui sont emprisonnées aux États-Unis, et je ne sache pas que la violence ait été affaiblie par la politique inspirée par M. Bush ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En outre, les peines plancher s’appliqueraient dorénavant aux majeurs comme aux mineurs dès l’âge de treize ans, c’est-à-dire que l’on appliquerait aux mineurs des dispositions prévues pour les majeurs ! C’est l’exact contraire de ce qui se passe dans d’autres pays, par exemple en Allemagne, où la situation est tout de même meilleure à cet égard.
Contrairement, enfin, à presque tous les exemples étrangers, le système proposé aurait vocation à s’appliquer quel que soit le préjudice découlant de l’infraction et donc de la gravité des faits commis. Pour cette raison également, nous estimons que l’article 1er doit être supprimé.
Je reviendrai, en conclusion, sur la demande que j’ai formulée tout à l’heure puisque, contrairement à mon collègue M. Hunault, j’ai maintenu avant l’article 1er mon amendement tendant à ce que Mme la garde des sceaux veuille bien nous tenir informés de la situation dans les prisons françaises. Après mes collègues, je lui demande donc qu’au cours de la soirée nous soyons informés de l’état de nos prisons au 1er juillet 2007, car nous ne pouvons pas discuter d’un texte aux conséquences aussi graves en termes de politique pénale sans avoir en notre possession les chiffres permettant d’éclairer nos débats.
L’examen des statistiques de votre ministère, madame la garde des sceaux, prouve en effet que, contrairement à ce que laisse penser un tel dispositif, les magistrats ne prononcent pas de peines trop légères en cas de récidive en matière criminelle : avec les jurés, ils prononcent des peines plus sévères que les peines plancher prévues par cet article. Ainsi, quand la peine plancher prévue est de dix ans, le quantum moyen prononcé est de quinze ans et sept mois, contre treize ans et neuf mois pour une peine plancher de sept ans, et quinze ans et neuf mois pour une peine plancher de cinq ans.
Le Gouvernement prétend que cet article serait utile parce qu’il serait de vertu dissuasive. Sans revenir sur les explications que nous avons déjà données, je rappellerai simplement que toutes les législations et toutes les expériences étrangères ont montré qu’il n’en était rien. Le durcissement de la peine n’a jamais entraîné une baisse de la délinquance. Les exemples outre-manche sont à cet égard probants, et c’est du reste l’un des arguments essentiels qui a justifié l’abolition de la peine de mort. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est pour ces raisons que nous demandons la suppression de l’article 1er, sachant que si nous n’étions pas entendus nous défendrions un amendement de repli.
La première est fondamentale. Contrairement à ce que les auteurs de ces amendements prétendent, le dispositif de l’article 1er, comme d’ailleurs celui de l’article 2, à l’occasion duquel je ne reprendrai donc pas mon argumentation, n’enfreint pas le principe de l’individualisation des peines. Je sais bien que nous pourrions en parler des heures entières puisque nous n’avons pas tous ici la même lecture du texte, mais c’est bien ainsi que le projet de loi doit selon nous se comprendre : le juge a toujours, quoi qu’on en pense, la possibilité de prononcer une peine inférieure au minimum prévu par la loi.
Dois-je d’ailleurs faire remarquer que, d’ores et déjà, l’article 132-18 du code pénal, qui a été évoqué par certains, prévoit des peines minimales non pas à la première récidive, mais pour tout premier crime ?
Ma dernière remarque me permettra de faire le lien entre l’article 1er et les articles 2 et 3 à propos de l’excuse de minorité, car celle-ci joue de manière ordinaire par rapport aux peines minimales, sauf limitations définies à l’article 3. Les peines minimales sont, en effet, divisées par deux pour les mineurs en ce qui concerne tant les crimes, objet de l’article 1er, que les délits, sujet de l’article 2. C’est pour moi une occasion de plus pour réaffirmer ce que l’on a eu tendance à trop oublier au cours de la discussion générale, à savoir que le principe de l’atténuation de responsabilité pénale jouera toujours pour la première infraction et la première récidive. Ce n’est qu’à la deuxième récidive que le principe est inversé. Je ne voulais pas manquer cette occasion de le rappeler.
La question que je serais tentée de poser à cet égard, après l’argumentation de M. le rapporteur, qui n’a d’ailleurs pas répondu à nos questions (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), c’est que, si l’on compte à peu près 11 000 détenus supplémentaires depuis quelques années, n’est-ce pas que les juridictions ont été sévères et même très sévères en moyenne, comme vient de le rappeler mon collègue ? Or, dans le même temps où, en France, des peines de privation de liberté sont prononcées en nombre – je parle d’actes graves, et non de vols de portables dans la rue, forme de délinquance qui, nous l’avons tous reconnu, a diminué –, vous êtes tous d’accord pour dire que les actes de violence augmentent. Plus on incarcère, plus les atteintes aux personnes augmentent ! Je ne comprends pas ce que l’on y a gagné.
Sans aller jusqu’à penser que la société est en train d’exploser totalement, il n’en reste pas moins que les incarcérations sont beaucoup plus nombreuses alors qu’elles se font, madame la ministre, dans des conditions extrêmement difficiles. Les parlementaires qui ont visité nos établissements le savent, nos prisons sont beaucoup plus criminogènes qu’avant. Dans ces conditions, soit les privations de liberté sont sans effet, soit leur effet criminogène est lié aux conditions d’incarcération, mais, en tout cas, une vraie question nous est posée ce soir : pourquoi, avec plus de 10 000 détenus en plus, doit-on déplorer beaucoup plus de violence ? Et ce constat, ce n’est pas aux États-Unis ou ailleurs qu’on peut le faire, c’est en France.
Aussi, la loi pénitentiaire ne doit pas seulement viser à créer de nouvelles places de prison ou à améliorer les conditions de détention des détenus, même si cela est indispensable en termes de dignité, seule et unique façon de lutter contre la récidive. Il s’agit aussi de se demander pourquoi le fait d’incarcérer beaucoup plus n’empêche pas que les violences augmentent, ce qui est désespérant. C’est cette question qui nous est posée à tous.
La France est extrêmement répressive, et de plus en plus chaque année. Or, malgré le nombre croissant de personnes privées de liberté, il y a de plus en plus de violences, d’atteintes aux personnes. C’est une question qui nous est posée à tous, pas seulement à l’Assemblée nationale. Nos magistrats sont durs, et personne ici ne peut leur faire de reproche.
L’effet qu’auront les peines planchers ne peut pas être estimé à la simple lecture des textes. Je ne vais pas reprendre la démonstration qui a été faite : elles n’en auraient pas. Souvenez-vous, lorsque nous avons voulu faire diminuer le nombre des détentions provisoires avec la loi sur la présomption d’innocence – que vous avez votée, vous ou vos prédécesseurs –…
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à le M. le rapporteur, pour le soutenir.
Le Sénat a inséré aux articles 1er et 2, à l’initiative de Robert Badinter, une disposition extrêmement importante et positive qui rappelle que, pour les mineurs, seules les sanctions pénales prononcées par le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs sont prises en compte pour l’établissement de l’état de récidive légale. Nous avons considéré que cette disposition trouverait mieux sa place dans l’ordonnance de 1945, c’est-à-dire à l’article 3. L’amendement n° 1 tend donc à supprimer cette disposition dans l’article 1er, l’amendement n° 2 faisant de même à l’article 2, ce qui permet dans le même temps de rectifier une erreur de rédaction qui aurait eu des conséquences incongrues. L’essentiel est que la disposition proposée par Robert Badinter, acceptée par le Sénat avec l’accord du Gouvernement, soit bien reprise, probablement mieux écrite et mieux à sa place.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Hunault, pour défendre l’amendement n° 49.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’amendement, extrêmement important, que je propose ici a été déposé au Sénat par M. Zocchetto. Il tend à élargir la capacité du juge à déroger en cas de nouvelle récidive. Dans la première récidive, le juge peut déroger en raison de la personnalité, des circonstances de l’infraction et des capacités de réinsertion du prévenu. Mais en cas de nouvelle récidive, ces capacités sont restreintes aux seules capacités de réinsertion ; ni la personnalité du délinquant ni les circonstances ne peuvent être prises en compte. Nous sommes là au cœur du sujet de l’individualisation. Si, en première récidive, le juge conserve une liberté, en cas de nouvelle récidive, il n’aura plus la capacité de déroger. De fait, la plupart des personnes qu’il aura à juger ne pourront pas présenter de garanties de réinsertion. Par conséquent, il sera tenu, dans la quasi-totalité des cas, d’appliquer la peine plancher. Dans les faits, la rédaction du texte rend pratiquement impossible l’application de l’individualisation de la peine pour le juge. Il faudra que le Conseil constitutionnel se prononce sur ce point.
Voilà pourquoi M. Zocchetto, élu compétent et respecté, avait présenté cet amendement. Pour le refuser, vous avez utilisé un argument spécieux : en cas de nouvelle récidive, la personnalité de l’auteur de l’infraction serait en quelque sorte contenue dans l’acte de nouvelle récidive. Ce n’est pas sérieux ! C’est au juge de l’apprécier, la loi n’a pas à fixer les critères d’appréciation de la personnalité. Que vous le vouliez ou non, il y a bien dans votre texte une forme de suspicion envers les magistrats. Voilà pourquoi cet amendement est important et pourquoi nous le représentons après que vous l’ayez repoussé au Sénat.
Pour ce qui est de l’avis de la commission sur l’amendement n° 88 rectifié, dans l’esprit du texte, nous ne pouvons pas – et nous ne voulons pas – considérer la deuxième récidive comme la première. Laisser penser à l’auteur d’une infraction qu’il sera traité de la même manière – voire qu’il se verra infliger la même sanction – que pour la première récidive, c’est encourager la première, puis la deuxième, puis la multirécidive. Les garanties prévues pour la première récidive ne peuvent donc pas jouer dans la deuxième, à l’exception des garanties d’insertion ou de réinsertion. Nous pouvons donner des exemples, qui ne sont pas seulement théoriques, que ces garanties exceptionnelles pourront tout à fait être réunies par le juge à l’appui d’une décision de ne pas appliquer la peine minimale. Avis défavorable.
Un régime spécial est également prévu pour une récidive aggravée, caractérisée par trois faits de même nature ou assimilés. Pour une personne qui est ancrée dans la délinquance, puisqu’elle répète trois fois les mêmes faits, intégrer les mêmes critères dans le pouvoir d’appréciation ferait disparaître le régime différencié. Aujourd’hui, le juge doit motiver sa décision au regard de l’infraction, de la personnalité et du quantum de la peine. Mais si la personne commet à nouveau des faits pour lesquelles elle a déjà été condamnée, elle ne peut plus bénéficier du sursis simple. Le magistrat n’a pas à se justifier de nouveau au regard de la personnalité, puisque c’est un élément qui fait déjà partie de la deuxième infraction. Nous avons donc un régime simple avec trois critères et un régime aggravé avec un critère, qui intègre les faits précédents. Le passé pénal devient de fait un élément de personnalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Hunault, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.
L’article 1er est contraire, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, bien que vous vous en défendiez, au principe de l’individualisation de la peine
Lors de l’exposé de la question préalable, j’ai fait état des inquiétudes très sérieuses de tous les professionnels. Permettez-moi d’y ajouter celle du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, M. Cotte. Il souligne que la nécessité de motiver la décision sur la base de garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion reviendra en pratique à n’accorder ce bénéfice qu’à une infime partie de prévenus, compte tenu notamment des difficultés pour une majorité d’entre eux de présenter, lors de leur jugement un projet suffisamment solide, notamment en termes d’emploi, dans un environnement social et économique qui n’est pas particulièrement favorable pour les personnes ayant le statut d’ancien détenu.
Le critère de « garanties exceptionnelles » nous semble excessivement restrictif. Il s’avère dans les faits incompatible avec le principe de l’individualisation de la peine.
J’ai écouté les propos tenus par M. le rapporteur. Madame la ministre, j’ai lu attentivement les arguments que vous avez développés devant le Sénat. Ils ne me convainquent pas davantage que ceux de M. le rapporteur.
Le rapporteur de la commission des lois du Sénat a reconnu, en séance, avec beaucoup de sagesse, que les garanties exceptionnelles d’insertion et de réinsertion n’étaient pas faciles à appréhender pour les magistrats et que la commission, au terme de ses travaux, n’avait pas réussi à déterminer ce qu’il fallait entendre par « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion ».
Je citerai les propos tenus par notre collègue sénateur M. Badinter. Ils se suffisent à eux-mêmes. Comment voulez-vous, disait M. Badinter, que les magistrats et les jurés, au moment où ils vont prononcer une peine criminelle très lourde, puissent déterminer s’il y aura, à la sortie de prison, c’est-à-dire six, sept, dix ou quinze ans plus tard, des garanties exceptionnelles d’insertion ? C’est impossible. Aucun jury de cour d’assises n’est en mesure de le savoir. En fait, les seuls qui pourront justifier de garanties exceptionnelles de réinsertion à leur sortie seront des fils de famille, ceux dont les parents pourront affirmer devant la cour d’assises, que dans dix ans ils assureront à leur fils, à la sortie de prison, les garanties d’une réinsertion grâce aux moyens dont ils disposent. Ces propos méritaient d’être rappelés.
Mes chers collègues, pensez-vous qu’un tel clivage social soit acceptable pour la justice de notre pays. L’amendement de la commission des lois du Sénat n’a pas été adopté, le Gouvernement y étant défavorable. Nous le regrettons. L’amendement prévoyait que la garantie de réinsertion ne pouvait être le seul critère retenu, tant il niait le principe de l’individualisation des peines. Il retenait également les circonstances de l’infraction et la personnalité de son auteur. C’est bien la preuve que le Gouvernement n’a nullement l’intention que le principe de l’individualisation s’applique en cas de deuxième récidive.
Faisons simple et retenons pour la deuxième récidive la notion de « garanties suffisantes », qui seront plus faciles à définir pour le magistrat. Pour que cet amendement puisse être adopté, il suffit que vous acceptiez que les peines plancher ne soient pas des peines automatiques.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.
De ce fait, en cas de nouvelle récidive un certain nombre de personnes se retrouveront condamnées beaucoup plus lourdement pour des crimes bien moins graves que ceux commis par d’autres délinquants qui ne sont pas en état de récidive. Des peines très lourdes seront prononcées en cas de récidive pour des vols simples par exemple, alors que des condamnations moins lourdes le seront pour des primo-délinquants ayant commis des crimes bien plus graves.
Cette disposition sur la nouvelle récidive est une machine à condamner sans discernement.
Vous avez également décidé d’appliquer ce mécanisme aux mineurs. Notre amendement n° 89 vise à faire en sorte qu’en cas de nouvelle récidive les possibilités de déroger aux peines plancher pour le juge tiennent compte de la personnalité et des circonstances de l’infraction. Ces éléments sont extrêmement importants pour les mineurs. Ce sont des adultes en devenir. Le juge doit avoir la possibilité d’apprécier en fonction de la personnalité, des circonstances de l’infraction, s’il doit ou non appliquer les peines plancher en cas de nouvelle récidive. Des condamnations extrêmement lourdes seront prononcées pour des mineurs. Elles ne respecteront pas le principe de la proportionnalité de la peine.
L’amendement mentionne « l’état de récidive légale ». Or, l’« état de récidive légale », c’est la récidive. Il y a eu une première infraction et l’on est en état de récidive légale lorsqu’une seconde infraction est commise dans le champ de la première. Cet amendement décrit exactement le droit pénal actuel, aussi bien pour les majeurs que pour les mineurs.
Cet amendement est encore plus surprenant et atteste d’une erreur dans la rédaction car l’exposé sommaire mentionne le contraire : « Il est proposé de retenir, y compris en cas de nouvelle récidive,… » Vous avez probablement voulu parler de la nouvelle récidive – la deuxième et les suivantes – et non pas de l’état de récidive légale.
La commission a émis un avis défavorable pour deux raisons. Premièrement, nous sommes dans le droit actuel et il n’est probablement pas nécessaire de le réécrire. Deuxièmement, si on le réécrivait on rentrerait dans le débat que nous venons d’avoir.
En instituant les peines plancher, comme l’a fort bien souligné notre collègue Caresche, vous augmenterez les peines infligées aux mineurs, vous les jetterez en prison, alors que beaucoup d’efforts devraient être entrepris en matière de réinsertion, de politique sociale et éducative. Nous savons qu’en la matière votre gouvernement et ceux qui l’ont précédé ont singulièrement réduit les crédits.
L’amendement n° 89 vise à adopter une véritable politique pénale en direction des mineurs, afin de ne pas les considérer comme un concentré d’adulte. Il faut mener des actions particulières à leur égard car leur personnalité est en développement. On ne peut pas, d’un côté, augmenter la politique répressive et, de l’autre, réduire les efforts en matière de lutte contre le chômage, les ghettos, les discriminations de toutes sortes, qui sont aussi l’une des causes de la délinquance des mineurs et de la récidive.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
M. Montebourg a demandé, il y a quelques minutes, des éclaircissements budgétaires à propos des annonces qui nous ont été faites.
J’ai également demandé à Mme la garde des sceaux de nous fournir des éléments sur les statistiques mensuelles concernant les personnes écrouées au 1er juillet 2007 et en termes de budget. Il me semble nécessaire d’obtenir ces renseignements, pour faciliter l’examen des articles et amendements suivants.
En effet, les parlementaires doivent connaître les conséquences budgétaires de l’adoption des mesures que vous nous proposez.
En ce qui concerne les statistiques relatives aux prisons, la direction de l’administration pénitentiaire communique régulièrement. Vous pouvez vous adresser à elle pour obtenir toutes les précisions qui vous intéressent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
L’article 2 aggrave encore la situation. En effet, en matière de deuxième récidive – de récidive sur récidive – le tribunal ne peut prononcer qu’une peine d’emprisonnement. L’article ne prévoit pas, me semble-t-il, de possibilités de dérogation à l’obligation de prononcer une peine d’emprisonnement ferme.
La possibilité de dérogation offerte au juge est trop restrictive, dans la mesure où elle ne peut être argumentée qu’à partir de circonstances exceptionnelles de réinsertion.
Il est probable, madame la ministre, monsieur le rapporteur, qu’en matière délictuelle, votre projet ait des conséquences importantes sur le nombre de détenus dans les prisons françaises. Le scénario dissuasif que vous évoquez n’est pas crédible. Vous aurez inévitablement des condamnations à des peines d’emprisonnement plus importantes, lesquelles augmenteront encore la population carcérale : plusieurs milliers de détenus supplémentaires qui s’ajouteront à ceux qui sont actuellement détenus, et qui ne sortiront pas du fait de la suppression de la grâce présidentielle. Certes, le principe de la grâce était extrêmement contestable, mais il n’en est pas moins vrai qu’en la supprimant, vous ne contribuez pas à désengorger les prisons.
Quels sont les moyens que vous allez mettre en œuvre pour faire face à la surpopulation carcérale générée par votre projet de loi ? Vous annoncez la création de 13 000 places en 2012 : ce n’est donc pas pour demain. En attendant, des risques de tensions sont à prévoir. Comment allez-vous gérer cette situation, madame la garde des sceaux ?
Il est en outre évident que les 13 000 places que vous annoncez ne seront pas suffisantes, car elles ne permettront pas d’absorber le surplus de détenus. Et je crains qu’avec votre loi pénitentiaire et la mise en place d’un contrôleur général, vous ne vous débarrassiez à bon compte du problème. Le contrôleur général des prisons aura la responsabilité de constater les problèmes. J’ai le sentiment que sa mission se bornera à cela : constater que vous avez, dans un premier temps en tout cas, contribué à augmenter de façon insupportable la population carcérale.
D’autant que, je vous le rappelle, le Sénat et l’Assemblée avaient, sous l’avant-dernière législature, produit deux rapports d’excellente qualité, permettant d’élaborer une loi pénitentiaire, qui avait recueilli un large consensus et qui fut approuvée, madame la garde des sceaux, par l’une de vos collègues du Gouvernement .
J’ai remis le projet de loi à M. Perben, lors de son arrivée au ministère en mai 2002. Il a reconnu lui-même l’urgence du problème et m’a fait savoir qu’il avait des échos positifs sur le texte. Or, entre 2002 et 2007, il ne s’est rien passé alors que tout était prêt. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ne vous esclaffez pas, chers collègues, ce n’est pas drôle car il n’est pas aisé de présenter des bilans. Et je ne hurlerai pas de rire, le jour où vous serez dans cette situation. Ce genre de réactions n’est pas digne en démocratie !
Cela dit, nous avions prévu un programme de construction de places de prison, doté des moyens nécessaires en novembre 2001. Le Gouvernement qui a succédé au nôtre – même si je l’avoue, j’aurais préféré rester (Sourires ) – a changé de politique. Au lieu d’utiliser les crédits budgétaires prévus, ce gouvernement a décidé de ne pas faire appel à l’agence que nous avions créée, mais de recourir au privé pour la construction des établissements. Beaucoup de temps a été perdu. M. Bédier, alors chargé du dossier, a délibérément fait perdre deux ans et demi de ce seul fait, sans parler des difficultés ultérieures, que je ne rappellerai pas par respect pour les personnes. Alors, ne dites pas que, seule la droite, construit des établissements pénitentiaires. Nous avions, à l’époque, décidé de construire des places dans des prisons neuves, y compris pour les mineurs, et de fermer les établissements vétustes, impossibles à réhabiliter, comme ceux de Lyon, de Nancy ou du Mans, par exemple. La situation est aujourd’hui tout à fait différente, puisqu’il faudra faire face à un afflux de 10 000 détenus supplémentaires. Mais nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions.
J’en viens à l’article 2. Gardons à l’esprit, sur tous les bancs, que devant une peine trop lourde à prononcer, certains magistrats renonceront finalement à en prononcer une, par manque de preuves, par exemple. Il faut le dire et, du reste, nous le savons tous. Nous avons tous visité des prisons, rencontré des juges d’application des peines, des avocats, des éducateurs. Tous nous ont expliqué que c’est parfois seulement après la troisième infraction commise, qu’un délinquant témoignait d’une réelle volonté de réinsertion, qu’il était prêt à faire de réels efforts et que le magistrat en tenait compte : désormais, cela ne sera plus possible.
Mme la garde des sceaux a pris l’engagement devant la représentation nationale de faire adopter une loi pénitentiaire et de créer un organisme indépendant, chargé de contrôler les prisons. Mme Lebranchu a été garde des sceaux. Elle a été la première à associer l’ensemble de la représentation nationale – toutes tendances politiques confondues – afin d’élaborer un texte.
S’agissant du plan carcéral, je veux bien vous concéder que, sous le gouvernement Jospin, des études préparatoires et des rapports parlementaires ont été publiés. Mais le plan lui-même, c’est le précédent gouvernement qui l’a lancé. Il a même nommé un ministre chargé des prisons.
Autre sujet rabâché par l’opposition : la politique de la tolérance zéro aux États-Unis n’aurait pas eu les résultats escomptés. Les rapports internationaux montrent pourtant qu’en quinze ans, il y a eu une baisse de 40 % des premiers délits et de 60 % des récidives.
Je suis saisi de deux amendements, nos 20 et 38, tendant à supprimer l’article 2.
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 20.
Monsieur Bénisti, au lieu de vous livrer à des exagérations sur la politique pénale américaine, lisez donc les ouvrages de Loïc Wacquant, qui, chiffres à l’appui, permettent de mieux cerner vos contrevérités.
À cet égard, madame la garde des sceaux, nous ne voulons pas des chiffres approximatifs que vous avez avancés. Nous attendons des précisions, dès demain après-midi.
Quant aux aménagements de peine, comme l’a souligné Christophe Caresche, ils seront très compliqués à mettre en œuvre par les juges car ceux-ci ne disposeront pas du temps nécessaire : les récidives sont jugées en comparution immédiate. De surcroît, comme vous avez fixé le reliquat à purger à un an, les demandes de mise en liberté ou de semi-liberté aboutiront très difficilement.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Enfin, avec votre texte, la motivation va devenir exceptionnelle alors qu’elle devrait être la règle, pour les victimes et pour les délinquants. Des personnes seront condamnées pour la première fois ou pour une récidive, sans jamais que la sanction qui leur est infligée ne soit motivée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
S’agissant de la motivation, vous disiez que l’on suspectait les juges, ce que vous faites vous-même. Je vous renvoie à l’article 485 du code de procédure pénale : toute décision doit être motivée. C’est la mission élémentaire de tout magistrat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Notre amendement n°22 est de repli.
Votre réponse pose problème puisque, d’un côté, vous nous dites que toute décision doit être motivée, tandis que, de l’autre, vous nous soumettez un texte qui prévoit de motiver les raisons qui conduisent à ne pas appliquer la peine plancher.
Monsieur Hunault, nous nous étions tous mis d’accord pour dire que la privation des libertés, c'est-à-dire l’incarcération, devait être l’ultime recours. Ainsi, il fallait supprimer les peines plancher, les minima, pour que les magistrats puissent avoir toute latitude pour trouver des réponses appropriées afin que les personnes concernées par ces actes puissent avoir une chance d’être réinsérées.
Je cite avec plaisir Mme Boutin, qui, alors qu’elle menait une délégation du groupe UMP, avait considéré qu’un encadrement excessif des peines était générateur de difficultés à l’intérieur des prisons et de problèmes de réinsertion.
À l’époque, vous étiez d’accord sur ce point. Or aujourd’hui, vous en rajoutez.
Je le répète, madame la ministre, si la motivation est obligatoire pour tout le monde, je ne vois pas pourquoi on la spécifie dans un cas.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Manuel Valls, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Manuel Valls, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 25.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Michel Hunault, pour défendre l’amendement n° 50.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir cet amendement.
Je précise que nous sommes prêts à retirer cet amendement si le président de la commission s’engage à ce qu’un rapport soit fait sur l’application de cette loi dans un délai de six mois.
Je vous demande donc de retirer l’amendement n° 93.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Suite de la discussion du projet de loi, n° 63, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs :
Rapport, n° 65, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelle, de la législation et de l’administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 18 juillet 2007, à une heure dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton