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SOMMAIRE
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen
1. Rappels au règlement
MM. Arnaud Montebourg, Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement ; Roland Muzeau.
2. Immigration, intégration et asile. – Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 57, 160)
discussion des articles (suite)
Article 4 (suite)
Amendement n° 180 : Mme George Pau-Langevin, M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance
MM. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois ; Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. – Rejet.
Amendement n° 193. – Rejet.
Amendement n° 31 : MM. le rapporteur, le ministre.– Adoption.
Amendement n° 179 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 185 : Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 191 : Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 32 rectifié : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendements identiques nos 7 et 109 : M. Étienne Pinte, Mme Françoise Hostalier, MM. le rapporteur, le ministre, Manuel Valls, Jean-Pierre Brard, Noël Mamère. – Retrait de l’amendement n° 109.
Mme George Pau-Langevin. – Retrait de l’amendement n° 7.
Amendement n° 192 : Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 97 et 186 : MM. Noël Mamère, Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. – Rejets.
Amendement n° 33 rectifié. – Adoption.
Amendement n° 34 : MM. le rapporteur, le ministre.– Adoption.
Amendement n° 98 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 110 : Mme Françoise Hostalier. – Retrait.
Amendement n° 110 repris par M. Jean-Pierre Brard : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Brard, Mmes George Pau-Langevin, Françoise Hostalier. – Rejet.
Amendement n° 240 : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre, Étienne Pinte. – Rejet.
Amendement n° 6 rectifié avec le sous-amendement n° 272 : Mme George Pau-Langevin, M. le ministre. – Adoption du sous-amendement ; adoption de l’amendement n° 6 rectifié, modifié.
Amendements identiques nos 189 et 243 : MM. Serge Blisko, Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre, Mme Delphine Batho, MM. Noël Mamère, Éric Ciotti. – Rejet.
Amendement n° 205 : M. le ministre, Mme George Pau-Langevin. – Adoption.
Amendement n° 206 : MM. le rapporteur, le ministre, Mme Delphine Batho, M. Noël Mamère. – Adoption.
Adoption de l’article 4 modifié.
Après l'article 4
Amendement n° 8 rectifié : MM. Étienne Pinte, le rapporteur, le ministre, Mme George Pau-Langevin. – Rejet.
Amendement n° 259 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 35 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Article 2 (précédemment réservé)
Mme Françoise Hostalier, M. Noël Mamère, Mmes George Pau-Langevin, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Jean-Pierre Soisson, Serge Blisko, Patrick Braouezec, le ministre.
Amendements de suppression nos 106, 146 et 171 : Mme Françoise Hostalier, M. Patrick Braouezec, Mme Sandrine Mazetier, MM. le rapporteur, Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. – Rejet.
Amendement n° 2 : MM. Étienne Mourrut, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendement n° 229 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.
Amendements nos 23, 67 et 63 : MM. le rapporteur, Richard Mallié, Claude Bodin. – Retrait de l’amendement n° 63.
MM. le ministre, Serge Letchimy, Mme Chantal Brunel, M. Éric Ciotti. – Adoption de l’amendement n° 23 ; l’amendement n° 67 tombe.
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 107, 135, 5 rectifié, 94 rectifié et 172 : Mme Françoise Hostalier, MM. Nicolas Perruchot, Étienne Pinte, Noël Mamère, Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre, Serge Blisko, Serge Letchimy. – Adoption de l’amendement n° 107 ; les amendements nos 135, 5 rectifié, 94 rectifié et 172 tombent.
Amendement n° 24 : MM. le rapporteur, le ministre, Noël Mamère. – Adoption.
Amendement n° 173 : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l’article 2 modifié.
Après l'article 2 (amendements précédemment réservés)
Amendement n° 25 avec les sous-amendements nos 108 et 82 rectifié : M. le rapporteur, Mme Françoise Hostalier, MM. Étienne Pinte, le ministre. – Rejets des sous-amendements ; adoption de l’amendement.
Amendement n° 241 : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 77 et 130 : Mme Chantal Brunel, MM. Étienne Pinte, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 95 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 76 et 129 : Mme Chantal Brunel, MM. Étienne Pinte, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Article 3 (précédemment réservé)
MM. Jean-Claude Bouchet, Noël Mamère.
Amendement de suppression n° 147 : MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 26 : MM. le rapporteur, le ministre.– Adoption.
Amendement n° 235 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 60 et 238 : M. Claude Bodin. – Retrait de l’amendement n° 60.
MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le ministre. – Rejet de l’amendement n° 238.
Amendement n° 231 : MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 232 : MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 27 : MM. le rapporteur, le ministre, Noël Mamère. – Adoption.
Amendements identiques nos 174 et 234 : MM. Serge Blisko, Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le ministre, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu. – Rejet.
Amendements nos 66, 210, et 57 rectifié : MM. Claude Bodin, le rapporteur. – Retrait de l’amendement n° 210.
MM. Charles de la Verpillière, le rapporteur, le ministre, Serge Blisko, Mme Marylise Lebranchu, M. Hervé Féron. – Rejet de l’amendement n° 66 ; adoption de l’amendement n° 57 rectifié.
Amendement n° 233 : MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 28 rectifié : MM. le rapporteur, le ministre.– Adoption.
Adoption de l’article 3 modifié.
Après l'article 3 (amendements précédemment réservés)
Amendement n° 255 : MM. le ministre, le rapporteur, Mme George Pau-Langevin, M. Éric Ciotti. – Adoption.
Amendement n° 29 avec le sous-amendement n° 187 : M. le rapporteur, Mme George Pau-Langevin, M. le ministre. – Rejet du sous-amendement ; adoption de l’amendement.
Article 5
MM. Noël Mamère, Hervé Féron, Mme George Pau-Langevin, MM. Serge Blisko, Jean-Pierre Soisson.
Amendement de suppression n° 149 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre, Serge Blisko. – Rejet.
Amendement n° 244 : MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 190 : Mme George Pau-Langevin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l’article 5.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
(La séance est ouverte à quinze heures.)
J’en citerai quelques-uns qui se rapportent précisément aux mesures de durcissement du regroupement familial. S’agissant des conditions d’application du contrat d’accueil et d’intégration, le décret en Conseil d’État est « en attente de publication », selon le document du Sénat. Il en va de même pour la rémunération minimale pour l’étudiant étranger complétant sa formation et exerçant un emploi en relation avec sa formation, pour les conditions d’appréciation de l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, pour les conditions d’application de la dérogation accordée à l’étudiant étranger admis à suivre une formation en vue de l’obtention d’un diplôme au moins équivalent au mastère ainsi que pour la carte de séjour « compétences et talents ». Et la liste se poursuit.
Monsieur le ministre de l’immigration, vous qui avez cédé à la facilité de vouloir faire la leçon à un parlementaire, retirez au moins vos propos selon lesquels nous sommes « mal informés ». Mais peut-être est-ce le Sénat, devant lequel le Président de la République aime à se produire, qui perd la tête ?
En tout état de cause, veuillez nous éclairer sur cette liste que je remets à M. le président de la commission des lois pour que nous ayons des réponses précises sur chacun des dix-huit décrets en attente.
Il est inacceptable que la représentation nationale soit réunie pour voter un texte alors que les mesures réglementaires relatives à la loi précédente ne sont toujours pas mises en œuvre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cela dit, la plupart des décrets que vous évoquez ont été publiés. Le décret relatif au contrat d’accueil et d’intégration a ainsi été publié en décembre 2006, le décret concernant la carte de séjour « compétences et talents », en mars 2007 ; le décret concernant la Commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour ainsi que le décret relatif à l’assistance au transit dans le cadre des mesures d’éloignement par voie aérienne ont eux aussi été publiés. Je tiens à votre disposition la liste complète.
Alors que nous nous apprêtons à discuter du tristement célèbre amendement Mariani, qui veut obliger les candidats au regroupement familial à passer par la « case test génétique de filiation », permettez-moi, monsieur le président, de relayer deux appels solennels.
Le premier émane de chercheurs, de professeurs, médecins, d’anciens parlementaires, de membres du comité consultatif national d’éthique, ayant contribué à l’élaboration des lois sur la bioéthique, lesquelles, je vous le rappelle, admettent la mise en œuvre de tests génétiques ayant pour finalité l’identification d’une personne et la détermination d’une filiation seulement sur saisine judiciaire. Tous nous demandent, monsieur le ministre, de ne pas persévérer dans la voie ouverte par cet amendement, qui n’est pas digne de notre pays et de son peuple.
Selon Axel Kahn et Didier Sicard, lier filiation et regroupement familial serait une « régression radicale » car cela reviendrait à réduire le lien de filiation à la seule dimension biologique et à réintroduire un délit de bâtardise.
Ils nous exhortent à ne pas établir de distinction entre les droits fondamentaux des enfants légitimes et illégitimes. Considérations éthiques, me direz-vous ? Entendez plutôt Claude Huriet dénoncer un texte aux grandes implications : « On balaye aujourd’hui les considérations éthiques au nom de la lutte contre la fraude à l’immigration ? Demain, ce sera pour protéger l’ordre public. Jusqu’où ? »
Il s’agit de ne pas renoncer à nos valeurs, d’éviter toute discrimination, et de garantir à chacun, y compris aux immigrés, le respect le plus élémentaire des droits de l’homme : les immigrés ne sont pas des criminels, fussent-ils sans papiers. Ceux qui les soutiennent – associations, professeurs, citoyens, élus de la République – ne sont aucunement coupables d’un délit de solidarité. Tel est le message fort contenu dans le second appel dont je me fais l’écho, celui que huit maires de gauche du département des Hauts-de-Seine vous ont adressé, monsieur le ministre. Ils sont indignés par les mises en garde et les menaces à peine voilées de poursuites judiciaires dont ils ont été l’objet de la part du préfet. Sachez qu’ils sont déterminés, tout autant que nous, à résister aux méthodes inhumaines employées et au projet de société xénophobe qui est en train de se dessiner.
Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures vingt.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 180.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 7.
L’un des problèmes majeurs dont nous avons débattu hier réside dans ce qu’on appelle dans la loi le délai anormalement long de traitement de la demande, qui engendre des séparations familiales douloureuses et injustifiées.
Pour les conjoints de Français, la mention de l’obligation de délivrance du visa « dans les meilleurs délais » est insuffisante, d’autant que s’ajoutent aux délais de traitement de la demande les délais pour obtenir un rendez-vous, délais qui, dans certains consulats, peuvent atteindre jusqu’à quatre semaines. S’ajoutera maintenant le délai dû à la formation sur la connaissance de la langue française et des valeurs de la République.
Une délégation de couples mixtes m’a récemment confié le cas d’une personne dont le conjoint marocain attend depuis dix-huit mois la réponse du consulat de Fès, au Maroc, pour la rejoindre en France. Voilà une situation insupportable. Afin que les conjoints puissent se rejoindre le plus rapidement possible, il faut donc encadrer les délais dans lesquels les consulats doivent statuer.
Selon le texte du projet de loi, un décret précisera le délai dans lequel naît la décision implicite de rejet de la demande de visa. La formulation retenue pose réellement la question du respect des individus. Les silences de l’administration sont autant d’insultes au bon sens. Selon l’adage bien connu, qui ne dit mot consent, lequel s’applique la plupart du temps à l’administration, notamment pour l’exercice du droit de préemption. En l’absence de réponse dans un délai de deux mois, l’accord est réputé acquis. Dans le cas présent, c’est apparemment le contraire. Si le demandeur n’a pas de réponse au bout d’un certain temps – quoique très incertain, selon le témoignage de notre collègue –, cela signifie que sa demande est refusée. Je trouve, dans tous les cas, la méthode tout à fait irrespectueuse des personnes.
Par ailleurs, monsieur Pinte, deux mois ne peuvent pas suffire pour effectuer le parcours de formation et d’évaluation.
Voilà pourquoi ces amendements ne me semblent pas souhaitables. Avis défavorable.
L’Assemblée devrait être sensible à la situation intolérable des conjoints de nos compatriotes et de nos compatriotes eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables à ces deux amendements ainsi qu’à un autre qui sera examiné ultérieurement, dans la mesure où ils permettent d’encadrer enfin le dispositif.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, le texte en discussion relève parfois du domaine réglementaire. Mais, en l’occurrence, ces amendements nous donnent l’occasion de préciser la procédure et d’exprimer notre préoccupation à l’égard de nos concitoyens et de leurs conjoints.
Pour en revenir à notre sujet, dès lors qu’il s’agit de principes fondamentaux, il faut savoir surmonter les clivages. Nous connaissons la fidélité à ses convictions de M. Pinte, que nous connaissons mieux que Mme Hostalier, puisqu’il siège parmi nous depuis plus longtemps.
Monsieur le ministre, il paraît que le Président de la République dit qu’il faut aller vite : par exemple, la réforme des régimes spéciaux doit être réglée avant le mois prochain. Et, pour un sujet simple, deux mois ne suffiraient pas ! Pourtant, la volonté politique doit l’emporter sur l’administration, qui doit s’aligner. Elle est au service de la volonté politique, c’est son rôle. Or, alors qu’il s’agit des libertés fondamentales, vous mettez en avant le prétexte de la bureaucratie ! Hélas, le cas n’est pas unique : je pense aux certificats de nationalité.
Nous avons été nombreux, du temps de la défunte Union soviétique, (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)...
Alors, mes chers collègues, plutôt que l’esprit de discipline, d’obéissance et d’alignement sur le Gouvernement, écoutez la voix de votre conscience, telle qu’elle s’exprime par l’intermédiaire de Mme Hostalier et de M. Pinte.
Nous verrons d’ailleurs tout à l’heure, lorsque sera examiné cet amendement crapuleux sur le test ADN, si vous êtes capable de le jeter aux orties et de reconnaître devant la représentation nationale que votre rapporteur a fait une erreur, mais que vous voulez, quant à vous, respecter les valeurs républicaines, comme vous le demandez à ceux qui sollicitent le regroupement familial.
Ces amendements permettent de sortir enfin de l’hypocrisie et vous fournissent l’occasion de montrer que vous souhaitez que les familles divisées, séparées par un exil subi pour des raisons économiques, voire politiques, puissent se réunir et que soit favorisé dans notre pays, en vertu des valeurs qui sont les nôtres, ce que l’on appelle le « vivre ensemble ». Au lieu de cela, vous nous proposez encore et toujours des barrières qui sont autant de formes d’apartheid déguisé et de ségrégation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En conséquence, je proposerai donc à la représentation nationale un sous-amendement à l’amendement n° 6 rectifié, qui sera examiné ultérieurement, pour remplacer les mots « deux mois » par les mots « quatre mois ». Je vous prouve ainsi ma volonté d’avancer. Un délai de quatre mois me semble un engagement raisonnable, qui doit pouvoir être tenu.
Cela étant, je suis favorable à la contre-proposition du Gouvernement.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Par ailleurs, nous devrions tous convenir que, si le délai n’a pas été respecté, le visa est de droit.
L’engagement de M. Estrosi figure au Journal officiel, mais il n’a toujours pas été tenu. Comme vous avez prononcé votre promesse mezza-voce, hors micro, je souhaiterais que vous la renouveliez à haute et intelligible voix afin qu’elle soit consignée au Journal officiel – ce qui n’est pas encore une garantie, l’exemple de M. Estrosi en témoigne.
Je suis saisi d’un amendement n° 192.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 97.
Les demandeurs de regroupement familial viennent bien souvent de pays extrêmement pauvres, aux régimes autoritaires voire tyranniques. Leurs conditions de vie sont telles qu’il leur sera difficile de se rendre dans les consulats ou les bureaux de l’Alliance française pour y apprendre le français. Dans la mesure où le Gouvernement ne veut pas que la représentation nationale définisse les conditions de l’exemption, nous souhaitons que son champ soit le plus large possible et que l’on précise dans le texte au moins certains cas de dispense, notamment en raison de la distance géographique, de la situation politique du pays ainsi que de la situation économique et personnelle du demandeur.
Il faudrait aussi lier cet amendement à ce que nous avions dit lorsque le Gouvernement avait fixé la liste des pays dits « sûrs » : on sait bien qu’un bon nombre ne le sont pas. Certains Algériens qui, mariés à des Français, doivent, suivant les conditions que vous avez fixées, retourner dans leur pays pour obtenir un visa de long séjour, risquent ainsi de ne jamais revenir en France parce qu’ils seront retenus contre leur gré, pour des raisons politiques ou autres. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Dans d’autres cas, les raisons ne sont pas religieuses mais politiques. Demandez ainsi à un Kurde de Syrie ce qui lui arrivera s’il revient dans ce pays, qui, comme chacun le sait, n’est pas particulièrement démocratique ? Je pourrais parler aussi des juifs syriens ou des juifs iraniens, qui ont subi des tortures et des emprisonnements inacceptables. Nous devons adopter l’un ou l’autre de ces amendements pour protéger les demandeurs de regroupement familial qui risquent des problèmes et la prison s’ils retournent dans leur pays demander un visa de long séjour.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à monsieur le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à monsieur le rapporteur, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Il vous sera difficile de rejeter cet amendement. Vous refusez que l’évaluation et la formation se fassent dans le pays d’accueil parce qu’il y a déjà le CAI, que vous avez institué par la loi de 2006 et dont l’évaluation n’a pas encore été faite. Et vous n’attendez même pas d’en connaître l’impact pour proposer quelques mois plus tard, pour des raisons purement idéologiques, un autre système qui consiste à demander aux conjoints de Français de retourner dans leur pays pour obtenir un visa de long séjour ! Pourquoi ne pas étendre le champ du CAI à cette nouvelle disposition ?
En ce qui concerne l’amendement n° 98, l’avis de la commission est défavorable. En effet, bien que l’évaluation et la formation du ressortissant étranger ne soient pas payantes en elles-mêmes, il ne saurait être question d’inscrire la gratuité dans la loi du fait que les frais de visa sont de 99 euros – je réponds par la même occasion à une question qui m’a été posée sur le sujet.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour le soutenir.
…je retire l’amendement n° 110.
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
On peut en conclure que ce qu’a dit M. Mariani et ce que n’a pas dit M. Hortefeux ne sont que promesses de Gascon ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Votre amendement, madame Hostalier – je le répète –, est excellent : il est donc très important que l’Assemblée puisse se prononcer sur lui. Je note seulement que nombre de nos collègues, qui siègent sur vos bancs, ont l’habitude de déposer des amendements pour se donner bonne conscience et de les retirer ensuite, n’ayant pas le courage d’assumer leurs opinions. En reprenant votre amendement et donc en soutenant votre propre texte, je vous donne l’occasion de ne pas avoir de remords.
Du reste, monsieur le rapporteur, vous le savez si bien que c’est la raison pour laquelle vous organisez des tests ADN, prenant en considération le fait qu’il existe des pays où l’état-civil est inexistant ou peu fiable. Vous reconnaissez donc que dans ces pays il ne sera pas possible à l’ambassade de France d’organiser des formations.
De plus, le présent projet de loi n’annule pas les dispositions existantes qui prévoient la formation en France. Celle-ci demeurant plutôt la règle – le projet de loi ajoute la possibilité de se former à l’étranger –, je ne vois pas pourquoi, s’il n’est pas possible pour des raisons matérielles ou d’ordre public d’organiser la formation dans le pays d’origine, vous n’accepteriez pas que le conjoint puisse la suivre en France.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
L’amendement n° 240 prévoit en effet que « lorsque la demande de visa émane d’un étranger dont le mariage a été célébré à l’étranger et dont le conjoint de nationalité française a dû retourner en France, l’évaluation de son degré de connaissance de langue et des valeurs de la République n’est pas requise ».
En guise d’argumentation, je me contenterai de donner deux exemples – je pourrais en donner bien d’autres, venant de recevoir des représentants de la CIMADE, organisme que M. Mariani évoque régulièrement.
Le 4 mars 2004, Mme S., ressortissante malienne, a épousé à Bamako M. S., citoyen français. Dans le courant du mois, Mme S. a déposé une demande de visa en qualité de conjointe de Français pour rejoindre son mari en France. Un an plus tard – le 5 avril 2005 –, alors qu’elle n’a toujours pas obtenu de visa, les autorités consulaires justifient de la longueur de l’attente par toutes les vérifications devant être effectuées lors de la transcription de l’acte de mariage. Aujourd’hui encore, après trois ans d’attente, Mme S. est toujours retenue au Mali, faute d’avoir reçu son visa en qualité de conjointe de Français. Or cette séparation est d’autant plus douloureuse que, le 9 novembre 2004, elle a donné naissance à un enfant, qui est privé jusqu’à ce jour de son père, ce qui est contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à la Convention internationale des droits de l’enfant.
Second exemple : le 16 août 2005, M. B. a épousé à Istanbul Melle D., de nationalité française, mariage transcrit le 2 juin 2006 par le consulat général de France. Le 8 juin 2006 M. B. a déposé une demande de visa en qualité de conjoint de Français, mais le 20 octobre 2006, les services consulaires l’informaient que son dossier avait été transmis à la sous-direction de la circulation des étrangers au ministère des affaires étrangères, alors même que toutes les vérifications avaient déjà été effectuées en vue de la transcription du mariage. À ce jour, c’est-à-dire deux ans et demi plus tard, M. et Mme B. sont toujours séparés.
Ce que je pense, c’est que l’amendement est mal rédigé, car il peut recouvrir quasiment tous les cas ! Il est vrai en effet qu’un problème existe lorsqu’un citoyen français doit retourner brusquement chez lui. Peut-être, monsieur le ministre, ce problème pourrait-il être résolu dans le cadre des décrets d’application. En tout cas, je ne saurais émettre un avis favorable à cet amendement qui n’a pas été examiné en commission et dont la rédaction, je le répète, n’est pas assez précise.
Monsieur Braouezec, vous proposez, en fait, de créer une nouvelle catégorie d’exceptions alors même que nous cherchons à établir un régime général.
De fait, votre proposition aurait dû prendre en compte le sous-amendement que le Gouvernement a déposé et qui porte à quatre mois le délai prévu.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement, n° 272, présenté par le Gouvernement, qui porte de deux à quatre mois le délai maximal de traitement de la demande.
Nous pouvons estimer que l’amendement et le sous-amendement ont déjà été examinés.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
(Le sous-amendement est adopté.)
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 189.
Les exemples donnés par nos collègues montrent bien, en effet, que ces délais peuvent atteindre des années, que les enquêtes prévues – ainsi que l’a souligné M. Pinte – sont redondantes, sans intérêt puisque la situation des couples en question est connue, les individus concernés eux-mêmes sont connus. Bien plus que de les ennuyer, on est en train de mettre en difficulté ceux qui ont commis la « sottise » de se marier à un étranger.
Je souhaite attirer votre attention sur les difficultés extrêmes que peuvent vivre les familles concernées, et qui vous mettront vous-mêmes dans l’embarras, à moins que vous n’ayez des œillères et un cœur de pierre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Imaginez que le conjoint étranger retourne dans son pays d’origine et que son conjoint français resté en France tombe malade. Celui qui est parti ne peut plus rentrer pour s’en occuper. Sachez que les Français qui se marient avec un étranger ne sont pas tous jeunes et en bonne santé.
On est donc en train de créer pour ces personnes des obstacles insupportables et cruels – je ne crains pas d’employer le terme – en essayant d’accroître leurs difficultés. Nous constatons tous les jours le cas de gens totalement « coincés », les uns à l’étranger, les autres ici en train d’attendre un conjoint qui mettra des mois voire des années à venir parce qu’un consulat est débordé, parce qu’une enquête consulaire ne peut être menée.
Je vous adjure par conséquent de revenir à l’esprit de la loi de 2006. M. Mariani n’a tout de même pas changé…
J’irai dans le même sens que Serge Blisko. Vous nous présentez l’aller-retour comme une opération tout à fait naturelle, ne posant aucun problème et se réalisant sans turpitude à l’encontre des intéressés. Or ce n’est pas le cas et Serge Blisko l’a bien montré. En effet, certains couples vivaient depuis plus de six mois ensemble – car on peut être marié depuis six mois mais avoir vécu plus longtemps ensemble – et vous allez casser cette structure familiale en prétendant que cet aller-retour n’est qu’une simple formalité alors que le conjoint étranger ne pourra revenir en France qu’après tout une procédure administrative.
À quoi cela sert-il ? Pourquoi cette suspicion vis-à-vis d’une personne que l’on va renvoyer dans son pays d’origine alors qu’elle est mariée depuis plus de six mois à un Français ou à une Française et au sujet de laquelle on va encore mener des enquêtes, à laquelle on va demander de repasser des tests linguistiques, des tests sur les valeurs républicaines ? alors que, j’insiste, elle vivait en France dans une situation sans doute tout à fait normale et légitime !
Quelle est la situation ? Nous nous trouvons dans le cas de personnes qui se marient en France – il peut s’agir d’un coup de foudre…
Nous sommes donc dans le cas d’une personne de nationalité étrangère qui se marie en France alors qu’elle bénéficie d’un visa touristique – elle y réside donc forcément depuis moins de trois mois –, ou bien qui se marie sans visa parce que, tout simplement, elle peut être de nationalité américaine, auquel cas elle n’a pas besoin de visa pour séjourner en France pour une durée de moins de trois mois.
Or l’article 4, s’il est voté en l’état, oblige dans un premier temps cette personne à retourner dans son pays d’origine pour demander un visa de long séjour au consulat français, puisqu’un tel visa constitue la « porte d’entrée » normale. Il l’oblige ensuite, une fois qu’elle est revenue en France, à reprendre la voie classique et à se présenter à la préfecture pour obtenir un titre de séjour.
Pour être honnête – et j’en ai fait part au Gouvernement –, je considérais qu’il y avait une étape de trop. C’est pour cette raison, monsieur Blisko – je poursuis mon raisonnement –, que je suis opposé à vos amendements et que je propose un amendement n° 205 qui présente l’avantage d’innover et qui dessine la piste que le Gouvernement et l’administration doivent explorer à moyen terme. Il s’agirait pour la personne concernée de retourner dans son pays d’origine et de passer au consulat de France pour retirer un visa de long séjour qui vaudra en même temps titre de séjour pour un an. Autrement dit, cette personne se rend au consulat et, une fois en France, elle est en règle et n’a pas à repasser par la « case préfecture » pour demander un titre de séjour d’un an.
Voilà, monsieur Blisko, pourquoi je m’oppose à l’amendement que vous présentez tout en reconnaissant qu’il soulève un vrai problème. L’amendement n° 205 évite donc une démarche administrative, tout en préservant la logique selon laquelle les conditions de séjour sont vérifiées par le consulat français dans le pays d’origine, lequel consulat délivre, le cas échéant, les visas de long séjour.
Je rappelle néanmoins qu’il est exact – il n’est pas question de le nier – qu’en 2006, le Parlement avait souhaité une simplification des démarches afin de faciliter la vie des conjoints de Français. Ainsi avait-il adopté des dispositions permettant – à titre exceptionnel – que le visa de long séjour puisse être délivré en France par l’autorité administrative compétente.
J’ai dit ce matin que ce système – dont je ne conteste pas la générosité – se révélait « impraticable ».
Plus sérieusement, ce dispositif donnait lieu à des allers et retours incessants entre préfectures et consulats, et se révélait donc, je répète, impraticable. C’est pour cela que nous proposons de revenir à la règle de droit commun : le visa de long séjour ne pouvant être demandé et obtenu qu’à l’étranger.
Cela dit, sur le fond, je suis très favorable à toutes les expérimentations. Quand une expérience marche, eh bien, il faut l’appliquer gaiement et à fond ; en revanche, si jamais elle ne donne rien, il faut sans doute revenir en arrière.
En fait, si M. Mariani reconnaît l’existence du problème et propose une simplification des démarches – ce qui pourrait être une bonne chose –, mais cela ne concerne que celles qui ont lieu en France. Son amendement ne résout absolument pas la question du retour dans le pays d’origine.
Ce matin, nous avons interrogé à trois reprises M. le ministre sur le fait que le Parlement était invité par le Gouvernement à défaire ce que le législateur avait fait en 2006 et qui avait donné lieu à une circulaire en mars 2007. Vous nous avez répondu qu’il était évident que cette disposition votée en 2006 était inapplicable ; vous dites maintenant qu’elle est « impraticable ».
De deux choses l’une. Soit le Gouvernement dispose d’une évaluation de la mesure votée par le Parlement en 2006 et nous aimerions dès lors en prendre connaissance. Soit la volonté du Gouvernement est simplement de revenir sur ce que le Sénat avait voté avec beaucoup de bon sens et, dans ce cas, vous placez dans des situations juridiques inextricables les conjoints non-expulsables de ressortissants français et, une fois de plus, vous fabriquez des catégories d’étrangers sans-papiers, alors qu’ils ont vocation à rejoindre la communauté nationale.
D’autre part, le ministre Hortefeux nous a expliqué ce matin qu’on ne pouvait pas multiplier les fonctionnaires dans les consulats. Nous allons donc nous retrouver une fois encore dans des situations inextricables.
Le ministre de l’immigration nous dit que le dispositif de la loi de juillet 2006 était très généreux. Or, aujourd’hui, vous souhaitez restreindre une disposition pourtant conforme à la Convention européenne des droits de l’homme et au droit de vivre en famille,…
Pour notre part, nous pensons, comme les sénateurs, que doit être maintenue la disposition de juillet 2006 qui autorisait la délivrance par l’autorité administrative compétente d’un titre de séjour à un conjoint de Français régulièrement établi dans notre pays depuis six mois et marié depuis six mois. Tous les aménagements que vous proposez à ce sujet ne sont que des bricolages et des sparadraps sur une jambe de bois.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 189 et 243.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Il a déjà été défendu par M. le rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
(L’amendement est adopté.)
Je suis saisi d’un amendement n° 206.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Plutôt que de faire du bricolage avec des solutions transitoires, monsieur le rapporteur, acceptez donc que soit accordé un visa long séjour à tout ressortissant étranger marié à un Français et vivant depuis six mois dans des conditions régulières !
(L’amendement est adopté.)
(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d’un amendement n° 8 rectifié.
La parole est à M. Étienne Pinte, pour le défendre.
C’est la raison pour laquelle je propose que la saisine du procureur de la République intervienne dans le délai d’un mois suivant le dépôt de la demande de transcription, étant entendu que les intéressés sont informés de cette saisine et des motifs qui y ont présidé.
Il est indispensable de clarifier le plus rapidement possible la situation des demandeurs, sachant que les maires sont déjà obligés, lorsqu’il y a doute, de saisir le procureur de la République dans les plus brefs délais.
L’obligation de motiver la décision du procureur en matière de transcription se justifie pleinement. Instituer une autre motivation en amont sera plutôt source de contentieux supplémentaire.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Pour le soutenir, la parole est à Mme Mamère. (Rires et exclamations sur tous les bancs.) Voilà ce qui arrive, à force d’entendre parler de regroupement familial ! Veuillez excuser ce lapsus, monsieur Mamère.
Notre amendement tend, purement et simplement, à revenir à la loi de juillet 2006, c’est-à-dire à supprimer tous les bricolages – je maintiens mon expression – que nous propose M. le rapporteur. Il convient, en effet, de revenir à des conditions beaucoup plus décentes en matière de regroupement familial.
Voilà pourquoi nous proposons, après notre collègue M. Pinte, de permettre l’attribution automatique du visa de long séjour à toute personne vivant depuis plus de six mois avec son conjoint sur le territoire français.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à Mme Françoise Hostalier.
Il est, d’abord, discriminatoire et risque d’être déclaré anticonstitutionnel. Des dispositions équivalentes votées par l’Assemblée nationale lors de l’examen d’un projet de loi précédent ont été rejetées à deux reprises par le Sénat au motif qu’ « il n’y a pas lieu d’établir de discrimination s’agissant des ressources entre la situation des familles étrangères et celle des familles françaises. Par conséquent, s’il est considéré qu’un revenu égal au SMIC permet à une famille française de vivre dans des conditions acceptables, il en est de même pour une famille étrangère. »
À l’heure actuelle, plus de 17 % des ressortissants français, ce que l’on ne peut que déplorer, vivent avec moins que le SMIC. On ne peut exiger des familles étrangères qu’elles aient toutes un revenu nettement supérieur.
De plus, cet article, apparemment amendé, me semble extrêmement complexe à mettre en œuvre. J’en veux pour exemple le montant du SMIC, lequel déterminera le niveau de ressources exigibles. Ce montant peut, en effet, évoluer entre le moment où la demande de regroupement familial a été déposée et celui où la réponse sera apportée, ne serait-ce qu’en raison des délais imposés, même si nous avons essayé de les raccourcir. De même, qui instruira les dossiers et procédera aux vérifications ? Si cela revient, une fois de plus, à nos services consulaires, cela posera de sérieux problèmes.
Par ailleurs, quels justificatifs accepter ? S’agira-t-il uniquement des bulletins de paye, ou faudra-t-il présenter des déclarations sur l’honneur, voire diverses attestations de ressources ?
La mise en œuvre de la mesure de façon transparente et, surtout, équitable, ne pourra être que très compliquée. Aussi, je crains que cet article ne pose de graves problèmes.
En fin de compte, instituer un revenu plancher exclura du regroupement familial les catégories de personnes qui, pourtant, ont le plus besoin d’en bénéficier. J’y reviendrai à l’occasion lors d’un amendement que je présenterai.
Depuis la loi de 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, une personne migrante souhaitant être rejointe par sa famille dans le cadre du regroupement familial doit justifier de revenus au moins équivalents au SMIC. Cependant, contrairement aux avis émis à deux reprises par le Sénat, vous voulez rendre encore plus difficile le regroupement familial en modulant le niveau de ressources exigibles en fonction de la taille de la famille, ce qui est contraire à des droits fondamentaux et ce qui empêchera de nombreux demandeurs de regroupement familial de voir leur famille les rejoindre.
Mme Hostalier vient d’évoquer les raisons du rejet par le Sénat de la disposition que vous aviez essayé d’introduire en 2003. Il n’est pas inutile d’y revenir, en citant à nouveau la Haute assemblée : « Dans la mesure où le montant du SMIC mensuel est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour les Français, il semble raisonnable de considérer que les étrangers atteignant ce niveau ont des ressources suffisantes. » Dois-je rappeler que la majorité au Sénat est de droite ?
En 2006, une nouvelle tentative a été effectuée, que le Sénat a de nouveau rejetée, cette fois à l’unanimité des groupes de droite et de gauche, estimant « qu’il n’y a pas lieu d’établir de distinction, s’agissant des ressources, entre la situation des familles étrangères et celle des familles françaises » – motif qui laisse d’ailleurs apparaître de manière subreptice la question de la ségrégation. La Haute assemblée poursuivait ainsi : « Par conséquent, s’il est considéré qu’un revenu égal au SMIC permet à une famille française de vivre dans des conditions acceptables, il en va de même pour une famille étrangère. »
Cet argument du Sénat, fondé sur des raisons économiques, nous servira à l’occasion de l’examen du fameux amendement relatif au test ADN. Il est, en effet, impossible aujourd’hui d’exiger d’une famille française ce que vous voulez exiger d’une famille étrangère,...
Déjà que les personnes concernées sont fragilisées par les conditions de vie qu’elles ont connues dans un pays pauvre et par l’élément de stress et de déstabilisation que constitue leur séparation d’avec leur famille, voilà que vous voulez ajouter une condition d’ordre économique alors, je le répète, qu’il s’agit de populations vulnérables, telles parfois que des retraités ou des personnes handicapées ! Décidément, vous allez trop loin.
Vous devez d’ailleurs savoir, puisque vous n’êtes pas censés ignorer la loi, que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, institution qui a été créée par la majorité à laquelle vous appartenez, a estimé, en décembre 2006, que la condition de ressources appliquée à des personnes handicapées constituait non seulement une atteinte au droit de ces personnes à mener une vie familiale normale, mais encore une discrimination indirecte et que « si la règle posée par l’article L. 411-5 répond à un objectif légitime, […] elle s’avère en revanche injustifiable dans le cas des travailleurs handicapés bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé ».
Sans vouloir à tout prix vous embarrasser avec des exemples, je crois tout de même utile d’éclairer la représentation nationale sur la situation catastrophique imposée à certains demandeurs de regroupement familial. L’exemple que je vais citer à cet égard a été donné par une association qui a l’estime et le respect de notre rapporteur, je veux parler de la CIMADE : « Monsieur S., Sénégalais, présent en France depuis 1977 a été reconnu handicapé par la COTOREP avec un taux d’invalidité de 80 %. En 2002, il a sollicité un regroupement familial en faveur de son épouse et de ses deux filles mineures. Un refus lui a été opposé au motif que ses ressources sont inférieures au SMIC. En effet, la préfecture indique que les ressources du demandeur font “apparaître une ressource moyenne mensuelle nette de 817,92 euros inférieure au SMIC mensuel net qui est alors d’un montant de 820,44 euros”.
« C’est donc parce qu’il lui manque trois euros par mois – trois euros ! – que M. S. ne peut faire venir sa famille auprès de lui, alors que son invalidité rend la présence de ses proches indispensable.
« Un recours gracieux est adressé à la préfecture montrant que les ressources de M. S. ont augmenté. Celle-ci décide pourtant de maintenir sa décision, refusant de prendre en compte les éléments survenus postérieurement à sa réponse.
« Un recours contentieux est alors déposé devant le tribunal administratif qui, après presque cinq ans de procédure – que valent les malheureux quatre mois que vous nous avez concédés comme le fait du prince ? –, reconnaît à M. S. le droit de faire venir son épouse et ses enfants, en estimant que la décision de la préfecture porte une atteinte disproportionnée à son droit de vivre en famille. Malheureusement – ce n’est ni Love Story ni une série de TF 1 –, M. S. ne connaîtra pas cette joie puisqu’il est décédé peu de jours avant que le tribunal ne rende sa décision. Il était hospitalisé depuis plusieurs mois, car sa perte d’autonomie rendait son maintien à domicile difficile en l’absence de proches pouvant l’aider dans les actes de la vie quotidienne. »
Voilà quelle est votre vision du monde et du vivre ensemble ! Voilà comment vous traitez des étrangers qui ont beaucoup travaillé pour notre pays et qui veulent simplement que leur famille les rejoigne quand, comme le disait Montaigne cité tout à l’heure par M. Brard, « ils sont empêchés de leur corps » et encore plus en difficulté.
Exiger un revenu au moins égal au SMIC peut sembler raisonnable. C’est oublier que, très souvent, ces gens aident des personnes âgées ou gardent des enfants à domicile, font le ménage dans les bureaux ou travaillent dans les cafés, mais ni à temps complet ni « officiellement », pour s’assurer un complément de revenu. Ceux-là ne pourront donc pas vivre en famille.
Et quand bien même ils gagneraient le SMIC, cela ne serait encore pas suffisant. Vous exigez que l’étranger gagne plus et vive plus confortablement que le Français. Par conséquent, un simple SMIC n’est pas acceptable ; il faut qu’il gagne 1,2, 1,3 ou 1,5 SMIC ! Vous avez de bons rapports avec le patronat. Peut-être pourriez-vous lui suggérer d’attribuer une prime en fonction de la taille des familles. Nous ne serions pas contre et il y aurait une certaine cohérence. En tout cas, vous ne pouvez pas tirer argument de l’insuffisance des salaires pour empêcher les gens de vivre en famille.
Je partage tout à fait les propos de M. Mamère. Il est en effet très choquant que des gens ayant travaillé en France et qui, à la suite d’un accident du travail, sont devenus handicapés ou invalides – et ne perçoivent donc pas un SMIC complet –, se voient privés de leur famille, alors que c’est précisément leur état qui rend nécessaire la présence de leurs proches auprès d’eux. Les associations qui s’occupent du sida notamment s’inquiètent de ce que des personnes malades vivant avec des allocations ne peuvent pas être aidées par des membres de leur famille.
Pour toutes ces raisons, cet article est insupportable. Encore une fois, vous devriez vous interroger sur les conséquences des textes que vous proposez !
En outre, cela a déjà été dit, on ne voit pas comment les retraités qui, au terme d’une vie de travail en France, aspirent à un peu de bonheur, pourront bénéficier du regroupement familial avec une pension équivalant à 70 % ou 60 % du SMIC. Il en sera de même pour ces personnes, que nous recevons tous dans nos permanences, qui ont été victimes d’un accident de la vie et perçoivent une allocation COTOREP inférieure au SMIC. Outre la souffrance du handicap, elles se verraient interdire le bonheur d’avoir leurs proches auprès d’elles par cette mesure très contraignante. Mme Pau-Langevin a évoqué le sida. Pour ma part, je travaille beaucoup avec la CATRED, qui rencontre tous les jours de telles situations. Les démarches nécessaires pour demander un regroupement familial sont déjà assez difficiles aujourd’hui. Une telle mesure est scandaleuse !
Lors de la réunion du groupe de l’UMP, monsieur le ministre, nous vous avons fait part de notre souhait d’aller plus loin et, pour ce faire, d’utiliser d’autres voies, en particulier en envisageant les conditions dans lesquelles une révision des dispositions constitutionnelles pourrait être décidée. Je ne suis pas certain, par exemple, que le Conseil constitutionnel trouverait acceptables les amendements de certains de mes collègues, en particulier celui de M. Mallié portant les conditions de ressources de 1,2 SMIC à 1,5 SMIC, ou celui du rapporteur tendant à passer d’un SMIC ou 1,2 SMIC à 1,3 SMIC.
Je crois qu’il faudra établir des règles beaucoup plus strictes si nous voulons véritablement limiter le regroupement familial…
En tant que législateur – certes plus jeune que M. Soisson –, je suis profondément choqué qu’on puisse considérer aujourd’hui le Conseil constitutionnel, non plus comme le gardien de la loi fondamentale ou comme un observateur sagace des dérives auxquelles, dans la nuit, une assemblée trop pressée pourrait se laisser aller, mais comme un risque, un frein, un obstacle. J’ai même eu l’impression qu’on voulait supprimer ce gêneur à l’occasion d’une prochaine révision constitutionnelle ! Pour ma part, je ne crois pas un instant que le Conseil constitutionnel, souhaité par le général de Gaulle, qui, pendant cinquante ans, a su protéger et délimiter le domaine de la loi, puisse être considéré comme un risque pour le législateur. Si le garde-fou de sa jurisprudence vous embarrasse, c’est qu’effectivement votre projet de loi n’est pas bon. Il frise l’anticonstitutionalité et c’est une raison supplémentaire pour supprimer l’article 2, à défaut de retirer tout le projet de loi, parfaitement inutile.
En l’évoquant, je souhaite en appeler – j’espère encore ! – sinon au cœur, du moins à la raison des parlementaires. Je veux bien comprendre, même si je ne la partage pas, la logique purement idéologique des articles 1er et 4 : vous souhaitez écarter certains ressortissants étrangers pour protéger l’identité nationale. Convenez que l’article 2 – cela a été dit par un certain nombre de nos collègues – ne vise que les plus démunis, les plus pauvres. Cela montre le caractère de ce texte. Et si vous voulez prouver le contraire, supprimez cet article.
Je ne vois pas pourquoi – ce qui serait contraire à tous les traités européens – on exigerait davantage d’un ressortissant étranger. Monsieur Soisson, il ne s’agit pas de 1,2, ou de 1,3 voire de 1,5 SMIC ! Le seul chiffre qui vaille, c’est 1 ! En effet, un homme vaut un homme, une femme vaut une femme. À partir du moment où l’on considère que les Français peuvent vivre avec le SMIC sur notre territoire, puisqu’on ne l’augmente pas, on peut aussi considérer qu’une famille étrangère qui n’a jamais eu de problème avec les lois de la République peut vivre décemment, de la même façon qu’un Français, sur notre sol. Si vous me démontrez le contraire, je voterai cet article, mais vous n’y parviendrez pas.
Chacun doit comprendre l’objectif de ce texte : il s’agit de faire en sorte que les familles qui arrivent sur notre territoire soient le plus autonomes possible. A cette fin, nous avons instauré une obligation linguistique. Une deuxième obligation concerne les revenus. Au 1er juillet, le SMIC s’élevait à 1 005 euros net ; 1,2 SMIC représente donc 1 206 euros. Quant au salaire médian d’un ouvrier qualifié, il est de 1 320 euros. Un revenu de 1,2 SMIC me paraît être un minimum pour qu’un famille nombreuse étrangère puisse financer son installation.
Qui peut sérieusement imaginer qu’un étranger résidant en France peut y accueillir sa femme et ses quatre enfants alors que son revenu est seulement égal au SMIC ? (« Qu’en est-il des Français ? » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame Pau-Langevin, je comprends la sincérité de votre comparaison, mais cette dernière ne tient pas : les familles françaises peuvent mobiliser des réseaux très importants de solidarité familiale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) pour l’accès au logement, pour l’accès à l’emploi, pour la garde des enfants. Qui peut nier que la garde des enfants repose pour une grande majorité de familles sur la solidarité familiale ?
Il faut garder le sens de la mesure. Pour cela, le Gouvernement propose de retenir comme plafond 1,2 SMIC. C’est le maximum que l’administration imagine être en droit de pouvoir exiger d’un candidat au regroupement familial.
M. Bodin propose 1,5 SMIC, M. Mallié et M .Goasguen proposent 2 SMIC et le rapporteur, lui, propose 1,33 SMIC. Nous devons réfléchir ensemble à trouver le bon équilibre. En tout cas, aller trop loin reviendrait à méconnaître les dispositions constitutionnelles protégeant le regroupement familial.
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour défendre l’amendement n° 106.
Quant aux réseaux de solidarité, les étrangers en disposent autant que les Français, n’en déplaise à la droite qui fait l’éloge des uns tout en considérant les autres comme une menace communautariste, une menace pour l’identité nationale. Il est heureux que ces réseaux de solidarité entre les étrangers vivant sur notre territoire existent car ils permettent à un certain nombre de travailleurs étrangers privés d’emploi de ne pas se retrouver mendiants ou SDF.
Il faut bien mesurer la signification de l’article 2 et ce à quoi il renvoie. Cet article est discriminatoire. Les arguments de M. le ministre ne reposent sur rien. Si un Français peut faire vivre sa femme avec le SMIC ou un peu moins, pourquoi un étranger ne pourrait-il pas, avec la même somme, faire vivre la sienne ? Pourquoi n’en serait-il pas capable ? D’ailleurs, il a souvent dû faire preuve d’astuces pour subvenir à ses besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le premier aveu, c’est M. Soisson qui l’a fait et il concerne les intentions réelles de ce projet de loi. Selon lui, ce texte est un premier pas pour limiter « véritablement le regroupement familial ». Les intentions du projet de loi sont donc claires : il s’agit de limiter drastiquement le regroupement familial et en aucun cas d’en accélérer la possibilité, comme M. Mariani semble le prétendre pour justifier son amendement sur les tests ADN.
Le deuxième aveu nous a été fait par M. le ministre et concerne sa vision de la politique familiale. Il est intéressant que le ministre de l’identité nationale – titre qui laisse encore songeur – renvoie les familles françaises à la solidarité familiale et en aucun cas à la solidarité nationale. Et même s’il est à la mode de remettre en cause le contrat social français, tous les socles de notre « vivre ensemble », de tels propos sont tout à fait étonnants.
Hier, le Président de la République renvoyait la prise en charge de la dépendance aux ressources respectives des familles. Aujourd’hui, nous venons d’entendre un ministre de la République nous expliquer que, désormais, les familles françaises devront, pour continuer à vivre, recourir uniquement et exclusivement à la solidarité familiale. Si elle n’existe pas, tant pis pour elles !
Le Gouvernement a proposé une modification de ce dispositif afin de mettre en œuvre l’engagement pris par le Président de la République pendant la campagne électorale selon lequel un candidat au regroupement familial devait disposer d’un travail lui permettant de faire vivre sa famille sans recourir aux prestations sociales. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Si un revenu équivalent au SMIC doit pouvoir permettre à un couple avec un enfant de mener une vie familiale dans des conditions acceptables, ces ressources ne permettent pas à une famille très nombreuse de pouvoir vivre dans de bonnes conditions. En effet, la taille d’une famille – qu’on le veuille ou non – a, hélas, une incidence directe sur son niveau de vie, donc sur ses conditions de vie.
Certains considèrent qu’il n’y aurait pas lieu d’opérer une distinction entre les familles françaises et les familles étrangères. Il s’agit en réalité d’une distinction entre les familles déjà présentes sur le territoire – qu’elles soient françaises ou étrangères – et celles qui aspirent à s’installer sur notre territoire.
Pour toutes ces raisons, l’article 2 du projet de loi présenté par le Gouvernement me semble pleinement justifié et j’émets donc un avis défavorable à l’ensemble des amendements qui nous sont soumis. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Étienne Mourrut, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
Avec l’article 2, le Gouvernement revient sur la règle qui prévalait jusqu’ici, à savoir l’exigence d’un revenu minimum égal au SMIC indépendamment du nombre de personnes composant la famille. Les arguments du ministre de l’immigration nous ont paru bien vagues. Comme notre collègue Mazetier, nous doutons de sa volonté de solidarité, laquelle revient à laisser les gens se débrouiller. C’est du reste ce que le Président de la République a laissé entendre hier lorsqu’il a parlé de la nécessité de recourir aux assurances privées pour financer une partie de la solidarité, aujourd’hui battue en brèche.
Vous estimez que si les familles françaises peuvent s’entraider, c’est très bien, mais lorsqu’il s’agit de familles étrangères, vous les accusez immédiatement de communautarisme – M. Braouezec l’a fort justement fait remarquer.
Nous souhaitons revenir à la loi en vigueur. C’est parce que vous voulez limiter le regroupement familial et élever des barrières que vous nous proposez d’aménager les conditions de revenu minimum. En fait, comme nous n’avons cessé de le répéter, les uns et les autres, vous voulez tout simplement empêcher les plus pauvres d’accéder au regroupement familial. Vous ne voulez pas d’une certaine couleur de l’immigration, pas plus que vous ne voulez de pauvres dans notre pays, qu’ils soient français d’origine ou qu’ils soient étrangers.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 23.
Il a semblé à la commission des lois que la baisse de niveau de vie induite par une famille nombreuse dépassait largement 20 % comme le montrent les exemples des pays qui pratiquent une telle modulation. En Allemagne, les ressources exigées augmentent de 208 euros par enfant, et même de 278 euros pour les enfants de plus de quatorze ans.
Nous vous proposons une solution qui nous semble tout à fait raisonnable. Pour une famille de moins de six personnes, on ne pourra exiger plus de 1,2 fois le SMIC, mais à partir de six personnes, il sera possible d’exiger jusqu’à 1,33 le SMIC, soit 1 336 euros nets par mois.
Pourquoi ? Il faut vivre avec son temps : nous sommes au XXIe siècle, à l’époque de la mondialisation, où les échanges entre les pays sont facilités – Dakar est à quatre heures d’avion de Paris et Tunis à deux heures de Malte. Il est donc important d’ouvrir les yeux car l’Europe et notre système social font trop souvent figure d’eldorado, grâce notamment à la télévision par satellite.
Dès lors il me semble normal qu’une famille avec six enfants puisse au moins disposer de deux SMIC pour prétendre au regroupement familial. Les prestations sociales ne doivent entrer en ligne de compte – car c’est l’état d’esprit qui règne – pour faire venir sa famille.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux autres amendements ?
Quant à l’amendement n° 23 de la commission qui propose d’aller jusqu’à 1,33 SMIC pour les familles les plus nombreuses, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Concernant la modification des conditions de ressources, je comprends, sur le plan du droit, que l’éventualité d’une censure du Conseil constitutionnel ait pu être évoquée, notamment par M. Soisson.
Au plan de la solidarité – et je reprends les propos de M. Mamère –, je considère qu’il ne faut surtout pas créer une République à deux vitesses, notamment pour ceux qui sont Français et qui vivent en France. Nous nous intéressons en effet à un Français dont le conjoint est étranger. Et nous créons une discrimination entre Français. Il ne faut pas donner à penser qu’il s’agit d’une discrimination entre Français et étrangers.
Procédons à une analyse complète. Si l’on ajoute aux conditions de revenus l’obligation d’avoir un logement décent, la personne qui souhaite faire venir son conjoint va cumuler les handicaps. Au demeurant, il est de la responsabilité de l’État d’assurer au peuple français des conditions de logement décentes. N’oublions pas que l’échec patent de la politique d’intégration au cours de ces dernières années est, en partie, dû à la discrimination par l’habitat parce qu’on a laissé se développer des ghettos urbains, justement là où se trouvent les familles dont nous parlons.
Nous devons faire preuve de sagesse en considérant l’accumulation de ces handicaps. Il faut donc revenir à 1 SMIC, ce qui, de mon point de vue, serait la moindre des choses, en tout cas la plus respectueuse.
Quelqu’un a parlé tout à l’heure de parcours du combattant. Or vous instaurez un double parcours, en France et à l’extérieur de la France. Songez à la difficulté de sortir du pays et faire mille kilomètres pour faire établir des papiers dans de mauvaises conditions, de plus avec un test dont la charge financière incombe aux demandeurs eux-mêmes. Et sur le sol français, vous créez un deuxième niveau de discrimination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C’est déjà beaucoup d’exiger d’une famille étrangère qui s’installe sur le territoire français qu’elle dispose d’un niveau de revenu égal au SMIC. Une fois installée, et dès qu’elle aura des papiers, elle bénéficiera des prestations familiales. On ne peut tout de même pas demander à une famille étrangère beaucoup plus qu’à une famille française. Je voterai donc contre ces amendements.
(L'amendement est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
Je suis saisi de cinq amendements, nos 107, 135, 5 rectifié, 94 rectifié et 172, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour défendre l’amendement n° 107.
Le texte qui nous est proposé ne prend pas en compte la question spécifique des travailleurs handicapés, ou, de façon plus générale, des populations particulièrement vulnérables – retraités, malades ou invalides – dont le niveau de ressources est bien souvent inférieur au SMIC et qui ont encore plus besoin que d'autres d'être entourés de leurs proches.
La HALDE, haute autorité dont personne ne peut mettre la moralité en doute, dans une délibération de décembre 2006, a estimé que la condition de ressources appliquée à des personnes handicapées constituait non seulement une atteinte au droit de ces personnes à mener une vie familiale normale, mais encore une discrimination indirecte et que « si la règle posée par l'article L. 411-5 répond à un objectif légitime [...] elle s'avère en revanche injustifiable dans le cas des travailleurs handicapés bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé ».
Aussi mon amendement n° 107 propose-t-il de compléter l’alinéa 2 par la phrase : « Cette condition de ressources n'est pas opposable au demandeur retraité ou qui, en raison de trouble de santé invalidant ou d'un handicap, rencontre des restrictions dans l'accès à une activité professionnelle rémunérée. »
Chacun conviendra de la nécessité d’amender le texte dans le sens que nous proposons : les conditions de ressources sont parfois difficilement remplies par les personnes atteintes d’un handicap. Même si des mesures ont été prises pour améliorer leur situation, il est nécessaire de ne pas opposer la condition de ressources « au demandeur qui, en raison d’un handicap, rencontre des restrictions dans l’accès à une activité professionnelle rémunérée », comme le précise mon amendement n° 135.
Il est important, me semble-t-il, que nous puissions tous nous retrouver sur cette affaire.
Cet amendement avait fait l’objet d’un sous-amendement n° 270, déposé par M. Goulard.
Ainsi rectifié, l’amendement n° 5 va tout à la fois plus loin et moins loin que les deux précédents en proposant de compléter l’article 2 par l’alinéa suivant :
« Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l’allocation adulte handicapé ou d’une pension d’invalidité d’un taux supérieur à un minimum fixé par décret. »
En effet, bon nombre de personnes handicapées qui perçoivent l’allocation adulte handicapé ont des ressources inférieures au SMIC si elles ne perçoivent que cette allocation. C’est le cas de l’immense majorité des bénéficiaires de l’AAH, qui se verraient privés de leur droit au regroupement familial, sauf si le préfet fait usage de son pouvoir d’appréciation.
Comme l’a rappelé Françoise Hostalier, la HALDE s’est émue de cette situation et a estimé dans un avis du 11 décembre 2006 que la condition de ressources était discriminatoire lorsqu'elle était appliquée à des personnes handicapées titulaires de l’AAH.
C’est pourquoi l’amendement n° 5 rectifié vise à supprimer la condition de ressources pour le bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé pour l’exercice du regroupement familial. Qui plus est, contrairement aux amendements précédents, il propose d’étendre la dispense de la condition de ressources aux titulaires d’une pension d’invalidité dont le taux sera déterminé par décret.
Comme si cela ne suffisait pas, vous ajoutez une autre discrimination touchant cette fois des populations encore plus vulnérables, à savoir les handicapés et les retraités. La HALDE, comme l’a justement souligné notre collègue Étienne Pinte, s’est opposée à la mesure que vous aviez proposée dans la loi du 24 juillet 2006. Vous y revenez aujourd’hui, comme vous êtes revenus, avec la question du SMIC, sur des mesures votées à l’unanimité au Sénat en 2003 et en 2006. Tout ça pour ça ! Tout ce bruit à l’Assemblée nationale pour des dispositions touchant au plus dix mille familles, et encore !
Il y a déjà beaucoup de discriminations dans notre pays : elles se sont violemment exprimées lors des émeutes de novembre 2005, et cela risque de se reproduire à cause du sentiment d’humiliation de nos compatriotes issus de l’immigration, qui se sentent comme étrangers de l’intérieur, bien qu’étant aussi Français que vous et moi.
Les dispositions que vous proposez, s’agissant de personnes que leur état physique ou leur situation économique rend encore plus vulnérables, sont inacceptables. Nous ne pouvons donc que nous rallier aux amendements précédents et vous demander, au nom même des valeurs républicaines que vous prétendez défendre et voulez inculquer aux candidats au regroupement familial, d’accepter l’amendement n° 94 rectifié.
Je profite de la défense de notre amendement n° 172, qui va lui aussi dans le sens des précédents, pour dire combien est choquante la politique réservée aux étrangers retraités, invalides ou handicapés : d’un côté, vous refusez le regroupement familial au nom de l’insuffisance des ressources ; de l’autre, vous refusez également le bénéfice de la prestation du fonds de solidarité à celui qui retourne dans son pays d’origine !
Cela devrait vous inciter à la réflexion : pourquoi n’acceptez-vous pas que les vieux travailleurs vivant seuls dans des foyers qui ressemblent de plus en plus à des maisons de retraite bénéficient des prestations du fonds national de solidarité lorsqu’ils rentrent dans leur pays ? La situation que vous créez est inacceptable car, je le répète, vous leur refusez cela aussi, en considérant qu’ils n’ont qu’à mourir tout seuls en France.
Cependant, les dispositions proposées divergent. Aussi le Gouvernement préfère-t-il s’inspirer des préconisations de la HALDE. Dans cet esprit, il est défavorable aux amendements nos 107, 135, 94 rectifié et 172, mais favorable à l’amendement n° 5 rectifié comme l’avait proposé M. Goulard dans son sous-amendement.
Le montant des retraites des catégories les plus modestes, même avec une carrière complète, est très souvent inférieur au SMIC, autrement dit aux conditions de ressources que vous exigez. Vous allez donc empêcher un retraité de faire venir son conjoint au motif qu’il ne dispose pas de revenus suffisants. Cette mesure discriminatoire est d’une dureté extraordinaire, et de surcroît, pardonnez le terme, totalement médiocre vis-à-vis des personnes âgées. Vous nous faites vivre dans un monde d’une dureté infinie, que d’ailleurs vous ne pourrez pas maintenir longtemps car vous serez condamnés par tous les tribunaux, et vous exposez la France à une condamnation pour discrimination par la Cour européenne des droits de l’homme. Je vous demande de vous ressaisir et de considérer la situation des retraités, des personnes handicapées et des invalides !
Il y a deux ans, monsieur le ministre, nous avons institué le régime social des indépendants pour que des personnes qui ont travaillé pendant de nombreuses années sans pouvoir cotiser puissent racheter des années de cotisation et bénéficier au moins du minimum vieillesse. Toutefois, celui-ci ne pouvant égaler le SMIC, ces personnes ne pourront pas prétendre au regroupement familial. Ainsi, dans ma circonscription de Martinique, environ 900 artisans taxis ne percevront pour minimum vieillesse que la moitié du SMIC. Le régime social des indépendants leur permettra de tenir le coup, sans parler de la couverture maladie. Mais pour bénéficier du regroupement familial, il faut avoir moins de soixante-cinq ans, ce qui constitue une discrimination.
Vous avez eu raison, madame Hostalier, de présenter un tel amendement et je salue publiquement votre courage.
Nous avons tout à l’heure évoqué l’exemple présenté par la CIMADE d’une personne handicapée qui n’a pas pu faire venir son épouse parce que ses revenus étaient inférieurs de trois euros au seuil requis. Dans quel monde vivons-nous ? Trois euros, quand vous donnez 13 milliards aux plus riches ! Vous allez finir par vous casser la figure à force de marcher sur une seule jambe !
(L’amendement est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le rapporteur.
Je suis saisi d’un amendement n° 24.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Aussi, afin de rendre la loi plus intelligible, l’amendement n° 24 vise-t-il à retenir cette formule. La situation est ainsi parfaitement claire : pour obtenir le regroupement familial, le demandeur doit respecter les règles qui régissent la vie familiale en France – la monogamie, l’égalité des sexes, le respect des droits de l’enfant et l’obligation d’assiduité scolaire.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
Cet amendement de repli correspond à des situations de vulnérabilité extrême pour lesquelles le regroupement familial s’impose de lui-même. Nous ne disposons pas de statistiques, mais nous avons l’impression qu’un peu d’humanité permettrait de traiter un certain nombre de cas douloureux, dans le respect des personnes, et d’éviter des situations de crise telles que celles qui ont été décrites tout à l’heure.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je vous rappelle que ces étrangers sont autorisés à faire venir en France leur conjoint et leurs enfants sous réserve de disposer de ressources stables et suffisantes ainsi que d’une assurance maladie. Pour l’appréciation de la condition de revenu, les mêmes ressources sont exigées que dans le cadre de la procédure du regroupement familial : des ressources atteignant un niveau au moins égal au salaire minimum de croissance, hors prestations sociales.
Dans la mesure où l’article 2 du projet de loi modifie la condition de revenu exigée des demandeurs du regroupement familial, il était donc nécessaire d’en faire de même pour les titulaires d’une carte de résident de longue durée-CE qui souhaitent faire venir leur famille en France. Il s’agit donc d’un amendement de coordination avec l’article 2.
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour soutenir le sous-amendement n° 108.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Chantal Brunel, pour soutenir l’amendement n° 77.
(Ces amendements sont adoptés.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Chantal Brunel, pour soutenir l’amendement n° 76.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 76 et 129.
(Ces amendements sont adoptés.)
Conformément à l’engagement présidentiel, ce texte témoigne d’une démarche cohérente et pragmatique. En effet, ce nouveau volet législatif est le fruit d’une action qui aura permis, en l’espace de quatre années, de rénover, de réformer, d’adapter, d’équilibrer notre politique d’immigration, en la traitant sous ses différents aspects et en l’articulant autour de principes forts : justice et humanité, réalisme et fermeté.
Notre action est fortement empreinte de pragmatisme en ce qu’elle s’appuie sur un véritable retour d’expérience. En légiférant par étapes, selon une logique claire allant de la maîtrise des flux de l’immigration à l’intégration, les parlementaires et le Gouvernement ont, à la lumière des faits, le recul nécessaire pour procéder au réajustement de certaines dispositions. C’est notamment le cas de l’article 2 relatif au renforcement de la condition de ressources exigée pour le regroupement familial.
Dans le prolongement de l’article 2 et de l’article 1er, consacré à la préparation du parcours d’intégration, l’article 3, qui s’attache à l’intégration familiale, constitue un point essentiel. La création du contrat d’accueil et d’intégration pour la famille, par lequel les parents s’obligent à suivre une formation sur leurs droits et devoirs, n’a rien d’idéologique, mais résulte au contraire de l’observation d’une réalité quotidienne.
Dans le Vaucluse, où l’immigration familiale a été importante, les élus locaux, les acteurs sociaux, les responsables éducatifs connaissent en effet toute la difficulté de l’intégration des familles et surtout tous les dangers de leur non-intégration. Le défi de l’intégration est celui de la cohésion même d’une communauté humaine, au sens large du terme. Le contraire de l’intégration, c’est la ghettoïsation urbaine, sociale, économique, intellectuelle et culturelle ; c’est le développement de zones de non-droit où les repères familiaux, les codes sociaux, les principes de mixité, de parité et d’égalité des chances volent en éclat. Les premières victimes de l’échec en ce domaine sont les familles elles-mêmes et tous ceux qui aspirent à vivre paisiblement, à éduquer leurs enfants dans le respect des lois, à s’élever par le travail et les études.
Nombreux sont ceux d’entre nous qui, dans l’exercice de leur mandat, rencontrent, chaque semaine ou presque, des parents démunis face à des enfants qu’ils ne maîtrisent pas, des mères ou des jeunes filles enfermées dans des chemins communautaires dont elles ne sortiront jamais. Parfois, les parents sont d’autant plus dépassés que, arrivés en France à l’âge adulte, ils se heurtent aux barrières de la langue et de l’écriture. Pour certaines démarches, ils doivent s’en remettre à leurs enfants, lesquels deviennent alors l’interface entre les institutions, les administrations et la famille. De telles situations peuvent évidemment poser le problème de l’autorité et de la responsabilité parentale vis-à-vis des siens et de la société. C’est cela, l’échec de l’intégration.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser sacrifier une nouvelle génération. Aussi, l’obligation d’une connaissance minimale de notre langue, des valeurs républicaines, des devoirs et des droits des parents est-elle une condition préalable à l’immigration et constitue-t-elle un réel progrès dans la conception même du parcours d’intégration. Acquérir un bagage minimum, adhérer au contrat d’accueil et d’intégration ne constitue pas un renoncement de la famille à sa culture d’origine, mais une ouverture sur son pays d’accueil et une acceptation des fondements sociaux et politiques de ce dernier. Il s’agit là d’une démarche indispensable.
Depuis des années, les élus, les travailleurs sociaux, les animateurs et les éducateurs se battent sur le champ de l’intégration : alphabétisation, soutien scolaire, dispositif d’animation, aide à la réalisation de projets personnels et professionnels, politique de la ville. À n’en pas douter, les outils se sont étoffés et améliorés au fil du temps. Pourtant, force est de constater que leurs chances de succès restent aléatoires et qu’ils nécessitent une incroyable mobilisation de toutes les énergies face à des situations parfois irrattrapables. D’une part, ces dispositifs interviennent en aval de l’installation sur notre territoire, d’autre part, ils relèvent de l’adhésion volontaire des familles, ce qui implique l’existence d’une volonté forte pour aller à la rencontre des parents, leur rappeler leurs obligations envers leurs enfants, les persuader du bien-fondé de telle ou telle mesure, les convaincre de l’utilité de tel ou tel dispositif, les encourager dans telle ou telle voie.
L’article 3 du projet de loi, à l’instar des articles 1er et 2, a d’abord la vertu de l’anticipation, de la préparation. Il ne s’agit plus de courir après l’objectif d’intégration, mais de créer les conditions de sa réussite.
Il présente ensuite l’avantage d’instituer de véritables sanctions en cas de non-respect des stipulations du contrat d’accueil et d’intégration pour la famille. La possibilité de mettre sous tutelle les allocations familiales, qui participent de l’exercice même de la responsabilité parentale, apparaît parfaitement justifiée lorsque cette responsabilité fait défaut ou lorsque le contrat d’accueil est manifestement ignoré. À ce titre, je me réjouis des amendements présentés par notre rapporteur, Thierry Mariani, et adoptés en commission : ils donnent de la portée au dispositif de l’article 3 et sont gages d’efficacité.
Les sanctions prévues révèlent l’esprit du projet de loi, son caractère répressif, inquisitorial et discriminatoire, comme l’ont déjà illustré les articles que nous avons déjà examinés. En effet, les familles qui ne respectent pas le contrat d’accueil et d’intégration pour la famille risqueront la suspension ou la mise sous tutelle des allocations familiales, ce qui sera vécu comme une authentique punition. Loin de favoriser l’intégration de ces familles, de telles mesures risquent au contraire d’accentuer leur exclusion économique et sociale et de distendre leurs liens avec les institutions françaises. C’est une indéniable atteinte au vivre-ensemble.
En cas de non-respect des stipulations du contrat, le président du conseil général pourra demander la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l’enfant, saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ou saisir l’autorité judiciaire aux fins de versement des prestations familiales à un délégué aux prestations familiales. Ces dispositions ne s’appliquaient jusqu’à présent qu’en cas d’absentéisme scolaire, de troubles portés au bon fonctionnement d’un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale ; le non-respect du contrat d’accueil et d’intégration pour la famille constituera désormais un quatrième cas d’application.
Mais si nous élaborons la loi, c’est le juge qui dit le droit. En outre, certaines institutions comme la HALDE, instituée par votre majorité, ont été amenées à produire un avis. Or les dispositions de l’article 3 représentent incontestablement une violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe les discriminations, et de son article 8, qui garantit le respect de la vie privée et familiale et s’oppose à une conception aussi intrusive de l’action de l’État. S’agissant du droit français, citons l’affirmation du principe d’égalité par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 janvier 1990 ; la Cour de cassation a eu l’occasion d’appliquer cette jurisprudence en censurant l’exclusion du bénéfice des allocations familiales au seul motif que l’enfant serait entré hors du regroupement familial. Saisie de cette même question, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, relevant l’application combinée des articles 14 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avait qualifié cette exclusion de « discriminatoire » – tout comme, d’ailleurs, la défenseure des enfants, qui avait au surplus dénoncé une violation de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Ces deux autorités administratives indépendantes ont en outre demandé l’application de la recommandation adressée à la France, en juin 2004, par le comité de suivi des droits des enfants des Nations Unies, qui avait souligné la nécessité d’accorder de plein droit les prestations familiales dès lors que les parents séjournent régulièrement en France.
Enfin, je le répète, votre projet viole manifestement les dispositions issues de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 3 et en réclamerons la suppression.
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Claude Bodin, pour soutenir l’amendement n° 60.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour défendre l’amendement n° 238.
Avant de réformer une nouvelle fois le regroupement familial, le ministre de l’immigration aurait été bien inspiré de veiller à ce que la procédure se déroule dans des conditions normales et respectueuses de la dignité des personnes. Il n’est pas acceptable que les délais moyens de traitement des demandes atteignent dix-huit mois dans certains départements alors que le délai légal est de six mois. Outre une séparation extrêmement difficile à supporter pour les familles, ces délais abusifs peuvent faire courir des risques à certaines personnes, notamment les conjoints de réfugiés.
Enfin, il n’est pas tolérable que les consulats de France mettent si souvent en doute l’authenticité des actes d’état civil provenant de certains pays – Haïti, Congo, Comores, Guinée – et refusent, sur ces motifs, la délivrance d’un visa malgré l’accord donné au regroupement familial par les autres administrations françaises, à commencer par l’ANAEM.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur.
N’oublions pas que nous avons institué, avant l’élection présidentielle, des conseils en charge de ces dossiers et qu’il reviendra désormais aux maires de désigner les familles qui s’intègrent mal ! La législation forme un tout. On ne peut pas considérer les lois de façon séparée, en tranches de saucisson. Or, en rapprochant ce projet de loi de textes déjà adoptés, on s’aperçoit que vous laissez la main libre à des responsables locaux sans instaurer la moindre garantie. C’est la porte ouverte à l’arbitraire ! En informant les présidents de conseils généraux de la conclusion des contrats, vous ne ferez que politiser encore un peu plus un dossier qui s’en passerait bien.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 174.
Nous sommes totalement opposés à cet alinéa dans la mesure où nous allons, encore une fois, punir les plus fragiles, ceux qui ont peut-être besoin de plus d’attention, ceux qui sont très éloignés des modèles que nous souhaiterions voir le plus largement développés dans notre pays et même au-delà. Cette sanction est excessive et totalement contraire aux engagements internationaux de la France et notamment à la Convention des droits de l’enfant, comme cela a été exposé à plusieurs reprises. La suppression en tout ou en partie des allocations familiales ne saurait trouver sa cause dans le non-respect d’une clause d’un contrat d’accueil et d’intégration. Il me paraît évident que nous nous situons dans deux champs différents. Puisque le CAIF ne fonctionne pas, veillons à ce que ces familles soient intelligemment prises en charge par les services sociaux, sans brandir en permanence des bâtons à l’égard des plus vulnérables ! Ces mesures exceptionnelles, quand elles sont employées, sont révélatrices d’une grave carence éducative et familiale. Tel ne paraît pas être le cas ici puisqu’on ne saurait affirmer que le non-respect pour diverses raisons – matérielles, pratiques ou techniques – du contrat d’accueil est une carence de l’éducation familiale. C’est un échec qu’il convient d’examiner avec la famille.
En cas de non-respect par les parents du contrat d’accueil et d’intégration, les mesures prévues à l’article L. 222-4-1 du CASF s’appliquent. Elles consistent à demander la suspension de tout ou partie du versement des prestations familiales afférentes à l’enfant, à saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale et à saisir l’autorité judiciaire aux fins de versement des prestations familiales à un délégué aux prestations familiales. Je rappelle que les mesures susmentionnées s’appliquent traditionnellement en cas d’absentéisme scolaire, de trouble porté au bon fonctionnement d’un établissement scolaire ou de tout autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale. Vous prévoyez d’ajouter un quatrième cas d’application de ces mesures lié au non-respect du contrat d’accueil et d’intégration familial. Le projet de loi prévoit ainsi de mettre en œuvre des mesures qui n’ont aucun rapport avec le supposé manquement constaté.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable à ces amendements.
Vous créez ici un régime spécifique tendant à suspendre les prestations familiales quand bien même le non-respect du contrat n’aurait aucune conséquence sur la scolarisation des enfants, sur leur réussite à l’école. Si le non-respect du contrat entraîne demain des problèmes de scolarisation ou d’éducation des enfants, le droit commun permettra de le constater. Les procédures existent aujourd’hui pour n’importe quelle famille. Vous mettez ici le doigt dans un engrenage à nos yeux particulièrement dangereux.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Claude Bodin, pour soutenir l’amendement n° 66.
Le respect du contrat d’accueil et d’intégration pour la famille a un caractère obligatoire. Sa violation doit donc entraîner nécessairement des sanctions qui doivent être mises en œuvre de façon rapide et efficace. En conséquence, l’intervention du préfet ne doit pas être seulement une possibilité, mais une obligation.
La parole est à M. Charles de la Verpillière, pour soutenir l’amendement n° 57 rectifié.
Ce dispositif ne me paraît pas être le plus efficace pour remédier à des carences éducatives qui peuvent être graves. Il fait se succéder deux contrats et les mesures curatives ne pourront être prises que dans un troisième temps et fait intervenir une autorité décentralisée – le président du conseil général – dans un processus que l’État aura engagé en concluant le premier contrat : le contrat d’accueil et d’intégration. L’État doit, au contraire, aller jusqu’au bout du processus concernant l’entrée et le séjour des étrangers en France.
Je propose donc par l’amendement n° 57 rectifié de confier au seul préfet la mise en œuvre des mesures prévues aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles, à savoir : demander la suspension ou la délégation des prestations familiales, saisir le procureur de la République en cas d’infraction pénale.
Simultanément, le préfet informera le président du conseil général afin, seulement si c’est utile, de coordonner l’action des services de l’État et des services du département dans l’intérêt des enfants.
Le dispositif s’avère assez simple : dans un premier temps, il y a le constat du préfet, ensuite, une information et une liaison avec le président du conseil général avant de porter l’affaire devant le juge civil.
La question a naturellement été posée à l’Association des départements de France, présidée par M. Claudy Lebreton. Celle-ci n’a pas fait de remarque particulière sur ce sujet. Je comprends donc votre souci et votre démarche. À la vérité, la responsabilité de l’État est tout de même davantage engagée que celle du président du conseil général.
Comme M. Thierry Mariani, j’ai également évolué sur cette position. Je m’en remets, en conséquence, à la sagesse de l’assemblée.
Au-delà de cette analyse qui mériterait d’être approfondie, je mets à nouveau en garde – Mme Lebranchu s’est également exprimée sur ce point – sur le monde extraordinairement dur et sans aucune échappatoire dans lequel vous voulez enfermer ces familles.
Puisqu’on m’appelle beaucoup « docteur » cet après-midi, je vous dirai, monsieur Bodin, que vous développez une pathologie : l’obsession de la punition, de la sanction. Ce serait un monde impitoyable où la moindre erreur, la moindre non-application d’une loi complexe – le débat de ce soir montre que nous-mêmes parlementaires ne sommes pas très sûrs de nous – entraînera une sanction de ces familles, avant même une intervention des services sociaux, non prévue dans ce dispositif, qui au demeurant surchargera les services préfectoraux ou départementaux de tâches qu’ils n’ont pas vocation à accomplir.
Mme Lebranchu l’a parfaitement expliqué, il ne s’agit pas de sanctionner des erreurs que toutes les familles, qu’elles soient étrangères ou françaises, peuvent commettre. Le fait de ne pas envoyer ses enfants à l’école peut être sanctionné quelle que soit la nationalité de la famille. En revanche, le non-respect d’un contrat d’accueil peut être dû à une maladie d’un des membres de la famille, à un problème d’emploi du temps ou d’éloignement géographique, l’absence de moyen de locomotion ne permettant pas de se rendre sur le lieu de formation. Pourrait-on essayer de comprendre avant de sanctionner ?
Il ne s’agit pas d’excuser mais, avant de passer à un système où préfet, procureur et président du conseil général sont là avec leurs ciseaux pour couper les allocations familiales, il faut se demander ce qui se passe exactement dans cette famille. C’est d’un élémentaire bon sens de ne pas se lancer avant une enquête sérieuse.
Je ne pense pas que le préfet puisse prendre une telle mesure. S’il le faisait sans en référer au président du conseil général, ce serait forcément dans le cas d’une procédure judiciaire en cours : il n’a aucune autorité, me semble-t-il, pour supprimer une prestation servie par le conseil général. Il faudrait donc être plus précis. Sinon, on aura un texte inapplicable.
On n’arrive pas à m’expliquer ce qu’est le contrat, je pense que c’est un stage. Je regrette mais, lorsque vous êtes employé d’un commerce ou d’un certain nombre de sociétés de nettoyage et que vous devez être au travail de cinq heures à neuf heures du matin à tel endroit, vous ne pouvez être au stage à huit heures. Comme on l’a connu ici, dans l’enceinte même de l’Assemblée nationale, vous aurez plein de gens qui auront tellement peur de perdre leur boulot qu’ils n’iront pas au bon endroit au bon moment. Et, sans chercher à savoir pourquoi, le préfet ou le président du conseil général supprimerait une allocation ? C’est discriminant et humiliant !
Dans un certain nombre de procédures, les gens avaient tellement peur de ne pas comprendre, de prendre des risques, qu’ils ne se sont pas rendus aux convocations. Et, pour cela, ils ne recevraient plus d’allocations familiales et les enfants seraient en difficulté ? Je crois qu’il faut faire attention à ce que nous sommes en train de faire.
Il me semble que c’est une erreur de proposer à des familles un contrat avec d’éventuelles sanctions, parce qu’on stigmatise les parents concernés en les désignant comme de mauvais parents potentiels. Or il y a très rarement de mauvais parents, il est très rare que des parents baissent les bras d’un seul coup. Il y a des parents en difficulté, qui ne savent plus comment faire avec leurs enfants ou leurs adolescents, et il faut aborder ce problème avec la plus grande humilité. Qui, dans cette enceinte, peut assurer que, demain, il n’aura pas de problème avec son propre enfant ? Il est si difficile d’exercer la fonction parentale… Plutôt que de stigmatiser ces gens comme de mauvais parents potentiels, ce qui ne fait que rajouter à la difficulté de l’enfant, il vaudrait mieux donner des moyens à l’éducation nationale, aux services sociaux ou aux fédérations d’éducation populaire, de façon à créer, comme cela commence à se pratiquer sur le terrain, partout où des enfants sont accueillis, un espace où les parents puissent venir en toute confiance exprimer leurs difficultés du moment. Les professionnels, travaillant en réseau, mobiliseront alors ceux qui pourront répondre à ces parents qui ont besoin d’accompagnement et non pas de sanctions et de stigmatisation.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le défendre.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
(L’article 3, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. le ministre, pour le défendre.
Cela a été dit par plusieurs intervenants, le taux de chômage de la communauté immigrée légale en France est un peu moins de trois fois supérieur à celui de l’ensemble de la communauté nationale. Si l’on veut le réduire significativement, il faut impérativement prendre une telle initiative. Tel est l’esprit de l’amendement n° 255.
Cela dit, quand on parle du taux de chômage des étrangers, il faut faire la part des choses. Vous avez l’air d’insinuer que, s’ils sont au chômage, c’est un peu de leur faute. Or il y a différentes situations. Un certain nombre d’ouvriers sont au chômage parce qu’à partir d’un certain âge, ils sont licenciés, ou parce qu’ils ne sont plus aptes à travailler en raison de leur état de santé ou n’ont plus la force de faire ce pour quoi on les a fait venir. Vous avez aussi des étrangers, parfois jeunes, qui sont diplômés mais qui sont au chômage parce que, de manière tout à fait injustifiée, on n’a pas confiance en eux pour exercer les emplois que leur niveau de qualification leur permettrait d’exercer. Par conséquent, quand vous annoncez que le taux de chômage des étrangers est de 20 %, ce n’est peut-être pas faux mais cette formulation globalisante ne tient pas compte de la diversité des situations.
Si l’on veut véritablement lutter contre ce phénomène, il y a des mesures diversifiées à prendre et le bilan de compétences en soi n’est pas la panacée. Cela dit, cela ne fait pas de mal et nous pourrons voter cet amendement, mais, honnêtement, le problème est beaucoup plus complexe que vous ne voulez le dire.
Naturellement, le groupe UMP se réjouit de cet amendement du Gouvernement. Il traduit à lui seul toute la philosophie qui nous inspire dans ce texte : favoriser l’intégration des étrangers, leur donner les chances de s’intégrer à la communauté nationale et avoir les conditions d’un épanouissement personnel. Rendre obligatoire un bilan de compétences nous paraît essentiel pour lutter contre les disparités à l’emploi qui s’opposent aujourd’hui à l’intégration des étrangers.
(L’amendement est adopté.)
Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement, n° 187.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 29.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement est adopté.)
C’est une extension de la loi CESEDA. Il s’agit de préciser les modalités d’évaluation de l’insertion de l’étranger dans la société française, condition exigée depuis la loi du 24 juillet 2006 pour obtenir une carte de séjour temporaire sur le fondement des liens personnels et familiaux – catégorie de carte de séjour dont, reconnaissez-le, les contours restent assez flous.
La loi du 24 juillet 2006 prévoit qu'une carte de séjour temporaire est délivrée aux personnes étrangères qui justifient de liens personnels et familiaux, au regard de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ces liens, de leurs conditions de vie et de leur insertion sur le territoire français. Votre projet de loi ajoute que cette insertion doit être évaluée en fonction de leur connaissance des « valeurs de la République ».
Les textes sur l'immigration que nous avons précédemment été amenés à examiner dans cette enceinte prenaient déjà le problème à l'envers en subordonnant l'accès à une carte de résident à une intégration réussie dans la société française, au lieu de considérer, comme nous le faisons, que c’est justement l'accès à une carte de résident qui permet cette intégration.
De la même façon, le texte que vous nous proposez est incohérent puisqu’il faudra d'abord connaître les valeurs de la République pour pouvoir être régularisé et avoir la possibilité de suivre, dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration, une formation aux valeurs de la République ! Il y a bien une contradiction avec les articles précédents, qui imposent qu’on apprenne la langue et les valeurs de la République dans le pays d’origine.
Nous avons déjà souligné à plusieurs reprises au cours du débat qu’on ne savait pas bien ce que recouvrait la notion de « valeurs de la République ». La dernière loi sur l'immigration comportait une notion voisine : les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », que le Conseil Constitutionnel avait jugée trop large et sur laquelle il avait émis une réserve d'interprétation dans sa décision du 20 juillet 2006. C’est pourquoi vous parlez désormais de « principes essentiels ».
L'absence de précisions de cette notion totalement floue et subjective ne fera que renforcer l'inégalité de traitement et le risque d'arbitraire. Des demandes de régularisation pourront aisément être rejetées au motif d’un défaut d'insertion des intéressés, les laissant dans la clandestinité et anéantissant du même coup leurs possibilités d'intégration. On voit bien, là encore, que derrière l’apparence très généreuse de la notion de « valeurs de la République », on renforce l’arbitraire et la discrimination. Voilà pourquoi cet article 5 n’a absolument pas sa place dans notre droit et doit être retiré. C’est la position que nous défendons.
Vous aviez déjà inventé de soumettre à un véritable parcours du combattant des enfants qui ne demandent qu’à faire valoir leurs droits d’enfant, c’est-à-dire tout simplement rejoindre leur famille – on devrait plutôt parler d’un « parcours du combattu », qui passe dès seize ans par une évaluation des connaissances, appréciées de façon arbitraire. Connaître un peu, beaucoup, passionnément la langue française, bien réciter les valeurs de la République : autant d’épreuves pour organiser la sélection économique. Cela ne suffisait pas : voici qu’arrive le test ADN…
Je propose que vous utilisiez la culture et la langue françaises, que nous revendiquons, pour leur expliquer ce que vous leur proposez. Vous, les représentants de la République ; vous, les bons Français de pure souche, plus blancs que blancs, vous les beaux parleurs, vous les beaux penseurs, vous qui savez : enseignez-leur la langue française, la langue de Molière et de Hugo ! Enseignez-leur nos valeurs, celles que nous partageons sans toujours les mettre en pratique. Enseignez-leur donc la culture de ce pays qui les accueillera bras ouverts, après qu’ils auront satisfait aux contrôles de connaissance, suivi le stage de formation, subi le test ADN : mais que d’embûches pour un accueil !
Enseignez-leur Albert Einstein, le plus universel : « Le nationalisme est une maladie infantile, c’est la rougeole de l’humanité ». Enseignez-leur Malraux : « L’humanisme, ce n’est pas dire "ce que j’ai fait, aucun animal ne l’aurait fait", c’est dire "nous avons refusé ce que voulait en nous la bête" ». Enseignez-leur Jaurès : « Quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le Droit Humain ». C’est bien de Droit Humain qu’il s’agit, car à travers ce projet de loi dans sa globalité, à travers l’article additionnel qui va suivre, c’est la convention internationale des droits de l’enfant qui est bafouée, ce sont les droits de la famille, c’est le Droit Humain qui est piétiné ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Imprégnez-vous vous-même d’abord de cette culture française. J’aime mon pays, et j’aime la langue française quand elle est la langue de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la langue qui porte qualité, honneur et humanisme, ces valeurs inscrites dans notre histoire par la plume de nos grands hommes.
Mes chers collègues, quelle que soit votre place sur ces bancs, vous ne pouvez pas voter cet article additionnel sans manquer à la dignité. Noël Mamère le disait nauséabond, et c’est vrai qu’il ne sent pas bon : il sent le dérapage malheureux. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Inutile de nier l’évidence, monsieur le ministre : le test ADN a pour but de ficher…
Ils seront comptés comme on compte les bêtes, ils seront triés. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Honte et déshonneur pour la République ! (Mêmes mouvements.)
Vous nous dites, monsieur le ministre, que d’autres pays en Europe agiraient déjà de la sorte : et alors ? Ce n’est pas un argument. Qu’y a-t-il de honteux à être plus réfléchi et plus humaniste que d’autres ? L’Assemblée nationale française se grandirait aux yeux du monde en repoussant aujourd’hui une proposition aussi terrible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Encore une fois, la France est un grand pays ; la littérature française est réputée. Il n’y a pas si longtemps, on parlait français dans beaucoup de pays – pensez aux romans russes – parce que la langue, la littérature et les valeurs françaises étaient universellement respectées.
Lors des dernières guerres, des étrangers sont venus de partout apporter leur contribution à la défense de la République et à ce qu’incarne la France à travers le monde. Comment pouvez-vous donc être aussi frileux, douter à ce point quel les gens aient véritablement envie de vivre dans ce pays, d’y rester, d’y travailler, d’y fonder une famille, parce qu’ils adhèrent d’une façon ou d’une autre à ce que représente ce pays ?
Si vous saviez le nombre de vétérans d’Afrique – je le sais, parce que le phénomène était du même ordre aux Antilles, même s’il s’agit de départements français – de la guerre de 14 et de celle de 39-45, qui ont appris à leurs enfants La Madelon, et pleins d’autres choses de ce genre, qui, sans être des « valeurs de la République », sont un peu de notre France de tous les jours. Arrêtez donc de penser que les étrangers qui viennent en France ne comptent dans leurs rangs que des profiteurs qui n’adhèrent pas à ces valeurs. Et je ne pense pas qu’un M. Lambda sera à même d’évaluer cette adhésion à coup d’examens.
Ce n’est pas par ce type de loi, par des QCM, comme on l’a dit, que vous parviendrez à susciter la moindre adhésion aux valeurs de la République : c’est en nous conduisant comme une société juste, humaine, respectueuse des droits de la personne et des droits de l’enfant. C’est comme cela que vous ferez respecter les valeurs de la République.
Mais il y a quand même quelque chose de très choquant, et Mme Pau-Langevin y a fait allusion, avec un sens de la mesure dont on n’a pas toujours fait preuve sur d’autres bancs de cette assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Projetez-vous par l’imagination un petit peu plus tôt dans notre histoire, et pensez à ces étrangers qui sont venus combattre pour la France, certains dans des régiments de la Légion étrangère, d’autres dans des unités régulières. Auriez-vous exigé d’eux qu’il maîtrise la langue française ? Il suffit d’entendre d’anciens légionnaires très âgés s’exprimer à la télévision pour mesurer combien leur français est parfois difficile à comprendre. Auriez-vous soumis les dizaines de milliers d’étrangers qui se sont engagés en 1939 pour défendre la France contre l’invasion allemande à des tests de français, auriez-vous pris leur empreinte génétique avant de les juger dignes d’être versés dans les unités de première ligne ?
Telle est la vérité, mes chers collègues, en dépit de vos ricanements, qui ne trahissent pas un respect excessif de tous ceux qui sont morts pour notre liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Eh oui ! Et vos ricanements, vos rires, votre attitude, vos examens, vos tests génétiques n’y pourront rien. Ce sang, qu’ils ont versé pour vous, qu’ils verseraient encore demain, vous voulez l’examiner pour y rechercher la preuve de la tricherie et de la fraude.
Cette étroitesse d’esprit, cette méconnaissance de notre histoire, de ce qu’est l’histoire de la France…
Je rappellerai encore au docteur Blisko par une phrase que j’ai retenue de la présentation du projet de loi par M. Hortefeux : « Être français, ce n’est pas être blanc ou noir, chrétien ou musulman. C’est défendre les valeurs de la République ». Nous sommes quelques-uns ici qui nous battrons pour défendre les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Avant d’en venir aux amendements, je vous indique que, sur le vote de l’article 5, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi d’un amendement n° 149.
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Dans la mesure où les conditions d’une vie familiale normale, dont le respect doit justifier l’attribution d’une carte de séjour, sont celles qui prévalent en France, il est logique de tenir compte des efforts d’intégration faits par le demandeur d’une carte de séjour, et notamment de sa connaissance des valeurs de la République.
Je vous rappelle que la notion de « valeurs de la République » n’est pas une nouveauté dans le code de séjour des étrangers, puisqu’elle a déjà été citée à l’article 311-9. Compte tenu de la nature de ces valeurs – égalité entre les sexes, laïcité, interdiction de toute forme de discrimination –, le législateur peut légitimement estimer qu’une personne les ignorant n’a pas fait la preuve d’une insertion satisfaisante dans la société française.
J’ajouterai enfin un mot à titre personnel : tous les débats peuvent donner lieu à des tirades évoquant à la Libération, telle ou telle guerre, Valmy ou je ne sais quoi. J’ai trouvé comique, pour ma part, d’entendre M. Blisko faire référence à la Légion étrangère. Je pensais en effet au premier rapport que j’ai présenté, lors de mon premier mandat à l’Assemblée nationale. Mme Guigou était alors ministre de la justice et, à l’époque, vous refusiez d’accorder la nationalité française aux légionnaires blessés au combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’était à l’époque une proposition de la droite. Nous sommes tous très satisfaits, certes, qu’on valorise aujourd’hui la Légion étrangère, mais à l’époque, même un légionnaire blessé au combat n’avait pas droit à une procédure dérogatoire.
Monsieur Blisko, étant l’élu d’une circonscription qui abrite un régiment de la Légion étrangère, je vous rappelle que, lorsqu’un légionnaire s’est engagé, la première chose que fait la Légion étrangère est de l’envoyer à Castelnaudary, où la première chose qu’on lui fait est de lui apprendre le français car, pour commander des troupes, il faut un minimum de connaissance du français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avis défavorable, donc. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’ai cité les étrangers qui se sont portés volontaires dès le 1er septembre 1939 pour défendre la France face aux Allemands et qui ont été versés immédiatement dans des régiments de marche de volontaires étrangers. La situation était alors très différente de ce qu’elle est aujourd’hui, et on ne leur proposait pas d’apprentissage du français. Mieux encore, monsieur Mariani, et c’est là un point d’histoire peu connu, l’engagement dans cette Légion étrangère valait alors naturalisation automatique pour les survivants.
En 1940, le gouvernement de Pétain a immédiatement supprimé cette mesure. Je le sais parfaitement bien, parce que mon père, qui était au 23e régiment de marche des volontaires étrangers, a été français, puis dénaturalisé au bout de quelques semaines, en 1940. Je tenais à vous dire que la France n’a pas toujours traité ses volontaires étrangers comme elle le fait aujourd’hui à Orange et comme vous nous le décrivez, monsieur Mariani. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi ces cris ? C’est l’histoire. Ne pouvez-vous même pas regarder notre propre histoire ?
En outre, il n’y a pas, et c’est heureux, que ceux qui meurent dans les guerres : il y en a encore beaucoup d’autres. On n’a pas examiné leur niveau de français ou fait passer de test génétique pour connaître leur degré de consanguinité lorsqu’on a mis les Polonais dans les mines, les Italiens dans la sidérurgie et d’autres encore aux travaux agricoles. C’est allé très vite, et c’était très dur.
Tout cela, ainsi que votre difficulté à connaître ou à analyser notre propre histoire, montre bien que vous êtes sur la pente fatale de l’enfermement et du refus de l’étranger. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera donc, bien évidemment, contre l’article 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
L’amendement n° 244 propose donc de remplacer le deuxième alinéa de l’article 5 par une phrase qui correspond pratiquement à la position que vous venez d’indiquer, monsieur le ministre, et qui devrait donc vous permettre, en toute logique, d’émettre un avis favorable : « L’accueil de l’étranger dans la société française se fera par une présentation des éléments fondant la démocratie de la République ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
Il semble que les débats portant sur des sujets tels que celui que nous examinons ce soir, et notamment sur les valeurs de la République, se révèlent tout de suite difficiles. Nous nous apercevons en effet qu’il est difficile de définir ce dont nous parlons et que l’évocation de certains souvenirs historiques provoque, je ne sais pourquoi, une sorte de drame absolu, comme s’il y avait sur certains bancs de l’Hémicycle une volonté d’oublier ce qui n’est autre que notre histoire commune.
Lorsque le docteur Blisko a cité le film Indigènes, il n’a pas repris ce terme à son compte en traitant quiconque d’« indigène », mais il a évoqué un film qui existe, et qui a d’ailleurs été tellement important que le Président de la République lui-même en a été ému et a rectifié certaines injustices de notre système.
Certes, il est aujourd’hui de mode de nous dire que cela n’a pas existé, que l’on ne regrette rien et qu’il n’y aura pas de repentance, mais nous n’allons pas réécrire l’histoire et trouver d’autres mots pour désigner des catégories juridiques qui ont été définies avant nous et hors de nous.
Il faut une instance officielle qui définisse bien de quoi nous parlons. Puisqu’il s’agit des valeurs de la République, un décret en Conseil d’État me semble fournir les garanties suffisantes pour savoir ce que nous allons demander à ces étrangers et pour que cela ne soit pas laissé à l’appréciation, voire à l’arbitraire de tel ou tel.
Au lieu de vouloir exiger des seuls étrangers qu’ils connaissent ces valeurs, je suis, pour ma part, étonnée que, dans les écoles – j’ai eu tout de même trois enfants et j’ai bien vu ce qui leur était enseigné –, on apprenne si peu l’éducation civique (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…
(L'amendement n'est pas adopté.)
(Il est procédé au scrutin.)
L'article 5 est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, no 57, relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile :
Rapport, no 160, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République,
Avis, no 112, de M. Philippe Cochet, au nom de la commission des affaires étrangères.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton