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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 8 juillet 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Explications de vote

M. Roland Muzeau, M. Francis Vercamer, M. Benoist Apparu, M. Alain Vidalies

Vote sur l'ensemble

2. Modernisation des institutions de la Ve République

M. François Fillon, Premier ministre

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Question préalable

M. Arnaud Montebourg

M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Noël Mamère, M. Marc Laffineur

Discussion générale

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Jérôme Chartier

M. Manuel Valls

M. Patrick Braouezec

M. Hervé de Charette

M. Didier Migaud

M. Dominique Perben

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Richard Mallié

Mme Sylvia Pinel

M. Christian Vanneste

M. Julien Dray

M. Bernard Cazeneuve

Présidence de M. Marc Le Fur

M. Benoist Apparu

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Motion de renvoi en commission

M. Noël Mamère

M. Jean-Pierre Brard, Mme Catherine Lemorton, M. Benoist Apparu

3. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Rénovation de la démocratie sociale
et réforme du temps de travail

Explications de vote
et vote sur l’ensemble d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (nos 969 rectifié, 992, 999).

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, il n’est plus temps de revenir sur le détail des dispositions constituant le texte dont nous avons débattu. Je voudrais cependant rappeler quelques points de repère avant que nous ne procédions au vote.

Premièrement, je veux remercier l’ensemble des groupes et tous les parlementaires qui sont intervenus pour le climat qui a présidé à la tenue de nos débats – des débats certes marqués par des convictions bien tranchées de part et d’autre, mais également, quoi qu’ait pu dire la presse, par une ambiance courtoise et une volonté d’écoute propice à la compréhension des points de vue de chacun. Je remercie également Jean-Paul Anciaux, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour le travail que nous avons conduit conjointement et qui a permis de faire évoluer ce texte de façon importante.

Deuxièmement, je veux rappeler que si l’examen de la deuxième partie de ce texte, portant sur la réforme du temps de travail, a marqué les esprits, il ne faut pas oublier pour autant le titre Ier du projet de loi, relatif à la démocratie sociale et à la représentativité. En adoptant ce texte, nous accomplirons un acte important dans l’histoire sociale de notre pays, dans la mesure où les dispositions qu’il contient vont modifier radicalement la manière dont la représentation syndicale s’effectue dans les entreprises par le biais de la désignation des représentants des syndicats. Il s’agit de dispositions attendues par l’ensemble des syndicats, qu’ils soient ou non signataires de la position commune, et j’ai le sentiment que nous avons contribué à l’élaboration de ce qui constituera une œuvre importante de cette législature.

Enfin, pour ce qui est des dispositions relatives au temps de travail, je souhaite rappeler les trois principes essentiels qui ont guidé la rédaction de ce projet de loi par le Gouvernement, puis le travail des commissions et de notre assemblée. Il s’agit d’abord de la volonté de donner la priorité à la négociation dans les entreprises par rapport à toute autre forme d’accord ; ensuite, de la confiance que nous accordons – à la différence de nos collègues de l’opposition – au dialogue interne et à l’échange entre l’employeur et les salariés ; enfin, de la volonté partagée – sur le principe, si ce n’est sur les modalités d’application – de prendre en compte à la fois les impératifs tenant à la vie personnelle des salariés et les besoins des entreprises sur le plan économique.

Grâce au concours de tous, nous sommes parvenus dans une large mesure à respecter ces principes. Je suis heureux, monsieur le ministre, d’ouvrir ce dernier moment du débat et je souhaite vivement que l’Assemblée vote le texte issu de nos discussions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe du Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, en présentant ce projet de loi, le Gouvernement traduit l’un des engagements forts de la campagne présidentielle. Ce texte répond aux besoins des entreprises car il facilite le dialogue social, tandis qu’il assouplit et simplifie les dispositions du code du travail relatives aux heures supplémentaires et aux conventions de forfait.

Ce qui nous a différenciés de nos collègues de l’opposition tout au long des débats, c’est que nous faisons confiance aux salariés et aux partenaires sociaux en les associant davantage aux décisions qui les concernent, notamment au plus près du terrain, c’est-à-dire dans leurs entreprises. Nous observons depuis une quinzaine d’années un mouvement continu en faveur de l’accord, renvoyant la loi et le règlement à leur fonction de base : édicter la norme. Je rappelle qu’un grand syndicat ouvrier a une propension de ratification de plus de 80 % des accords d’entreprise qui lui sont soumis.

Durant le débat, j’ai observé que l’opposition est restée dans une posture archaïque (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…

M. Philippe Meunier. C’est normal, elle ne sait pas faire autrement !

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. …se cantonnant à son credo : la loi plutôt que l’accord ; l’accord éventuel de préférence en négociant au plus haut niveau avec les professionnels de la négociation, plutôt qu’avec les délégués syndicaux ou les représentants élus du personnel dans l’entreprise. J’en veux pour preuve la rédaction des amendements qui nous ont été présentés, qui avaient pour seul objet d’empêcher toute modification du code du travail que nous proposions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

J’ai le sentiment qu’aujourd’hui, nous nous situons à un tournant historique des relations sociales dans notre pays. Grâce à l’adoption de cette loi, les lignes vont bouger. Notre modèle social va enfin évoluer, comme évolue l’ensemble de notre environnement : la société, l’entreprise, les conditions de travail…

M. Jean Roatta. Eh oui !

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis. …et même le syndicalisme, n’en déplaise à certains, abandonnent la culture du conflit et de la lutte pour l’obtention d’avantages sociaux dans le cadre de négociations « gagnant-gagnant ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires économiques, qui se préoccupe du devenir des entreprises, donc du devenir des salariés, qui sont la première force de l’entreprise, donne un avis très favorable à l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux remercier tous ceux qui ont participé à ce débat serein et de qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), qui a fait apparaître deux conceptions différentes. Certains ont exposé une position traditionnelle, le principe du « travailler moins pour travailler tous », tandis que d’autres, se fondant sur l’exemple de ce qui se fait dans d’autres États, estiment que pour travailler tous, il faut travailler plus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Une deuxième différence sépare la majorité de l’opposition, la première considérant, d’une part, que la démocratie au niveau de l’entreprise permettra certainement de revitaliser le dialogue social et, d’autre part, que le fait de cantonner la démocratie au niveau des branches explique le faible taux de syndicalisation. Le transfert de la négociation au sein de l’entreprise mobilisera, nous semble-t-il, beaucoup plus les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l’ensemble du projet de loi, pour lesquelles chaque orateur disposera de cinq minutes.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Roland Muzeau. « Notre histoire sociale est suffisamment jalonnée de projets menés à la hussarde, sans concertations, qui se sont soldés par de retentissants échecs, pour qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec l’idée d’un État qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre pays. » Cette phrase a été prononcée le 19 avril par M. Sarkozy. Un mois plus tard, l’UMP, à la hussarde et sans concertation, manifestait une exigence, celle de livrer les salariés à de futurs horaires de travail qui les ramènent plusieurs décennies en arrière.

La trahison n’est qu’une question de temps, dit-on. En l’occurrence, un mois vous aura suffi, mes chers collègues !

M. Jean-Pierre Brard. C’est inouï !

M. Roland Muzeau. Après une négociation interprofessionnelle de plusieurs mois en vue de modifier les règles actuellement applicables en matière de représentativité syndicale, de dialogue social et de financement du syndicalisme, la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME étaient parvenus, le 9 avril dernier, à une position commune que d’aucuns n’hésitaient pas à qualifier d’historique.

Ce texte appelait à une réforme fondant la représentativité des syndicats sur le vote des salariés de l’entreprise et prenant en compte cette audience électorale pour la validation des accords collectifs. Comme les débats l’ont souligné, les principales carences portaient sur la durée trop longue de sa mise en œuvre et surtout sur l’absence de dispositions concrètes concernant l’expression de plus de quatre millions de salariés des TPE. Le texte de la position commune ne conditionnait pas l’extension des possibilités de déroger au droit du travail. Il stipulait qu’à titre expérimental, le contingent des heures supplémentaires au sein de l’entreprise pouvait être déterminé sur la base d’un accord signé par des syndicats représentant une majorité absolue de salariés. Cet accord devait respecter les dispositions du code du travail et de la convention collective, notamment en ce qui concerne les taux de majoration des heures supplémentaires et les droits des salariés aux repos compensateurs.

Lors de la réunion des organisations du 16 mai dernier avec vous, monsieur le ministre, la CGT et la CFDT vous avaient expressément demandé que le projet de loi gouvernemental reprenne à la lettre ce point de la position commune ; c’est également ce que ces syndicats ont dit à M. Copé et au groupe UMP. Le représentant du MEDEF avait confirmé l’interprétation du texte et s’était associé à cette demande.

Or, bien que le Président de la République et le Gouvernement ne cessent de louer les mérites du dialogue social, votre décision a été de passer outre la position commune approuvée par les deux confédérations représentant une majorité de salariés et d’imposer en catimini, dans le texte relatif à la représentativité syndicale, une réforme en profondeur de la durée du travail.

Le Gouvernement a décidé arbitrairement d’ajouter toute une série de graves dispositions fort éloignées des principes pourtant âprement négociés entre partenaires sociaux. Avec ma collègue Martine Billard, nous avons fait la démonstration que votre texte conduisait aux 48 heures par semaine, à la suppression des jours fériés hors 1er mai pour les forfaits-jours, à 17 jours de travail supplémentaires, soit un samedi sur trois. Il signifie également la monétisation du repos compensateur quand il en reste, les jours RTT qui s’évaporent, et la porte ouverte à tous les abus pour certains employeurs à qui vous offrez désormais un outil de dumping social dans la sphère économique. L’avis des CE, des délégués du personnel, la consultation de l’inspection du travail, tout cela disparaît largement. La hiérarchie des normes est inversée, l'ordre public social remis en cause, la Charte européenne à nouveau bafouée comme notre Constitution.

À plusieurs reprises dans nos débats vous avez, monsieur le ministre, été pris en flagrant délit de mensonge (« Eh oui ! » sur les bancs de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) avec un aplomb qu'apprécieront les partenaires sociaux pour vos futures rencontres. Votre réforme vise à faire mentir cette célèbre phrase qui veut qu'entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.

Votre texte ne maintient la durée légale hebdomadaire du temps de travail de 35 heures qu'à titre d'anecdote. Il va à l’encontre de l'intérêt des salariés, invités à tout sacrifier – santé, sécurité et vie familiale – pour quelques hypothétiques euros de plus.

En généralisant la négociation de gré à gré entre employeur et salarié, en tirant un trait sur la reconnaissance du lien de subordination qui caractérise les relations de travail, vous condamnez notre pays à connaître l'une des plus graves régressions sociales de son histoire. La clef de voûte du droit du travail que représente la durée légale du travail n'aura plus demain pour limite que les seuils sociaux européens, portés à 60 ou 65 heures par le projet de directive.

M. le président. Monsieur Muzeau, même si l’on se doute de votre vote, il va falloir l’annoncer.

M. Roland Muzeau. Je conclus, monsieur le président.

En proposant de faire de la réforme des 35 heures le bouc émissaire de vos propres échecs économiques, non seulement vous mentez aux Français mais, de plus, vous pérennisez un système qui joue contre les salaires et l'emploi. Pendant près d'un siècle, notre pays a prouvé qu'il était possible tout à la fois de baisser le temps de travail et d'augmenter les salaires et la productivité – c’est une des plus élevées au monde.

Monsieur le ministre, ce sont ces réalités-là que nous portons, pour un vrai progrès social, une société moderne respectant ses concitoyens et ses salariés et ne cédant pas à cette fuite en avant dans le toujours plus de « moins-disant social ».

En conséquence, vous l'aurez compris, le groupe GDR, communiste, vert, ultra-marin unanime votera contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons donc au terme d'un débat riche, passionnant et, comme le soulignait le président de la commission, de qualité, sur deux sujets qui le sont tout autant : la rénovation de la démocratie sociale et l'organisation du temps de travail dans l'entreprise. D'un côté, il s'agit de donner au dialogue social les moyens d'une nouvelle légitimité, pour gagner en efficacité. De l'autre, il s'agit d'adapter le temps de travail aux réalités des entreprises, de leur rythme de production, aux évolutions des marchés sur lesquels elles sont positionnées.

Nous avons, sur ce point, avancé un certain nombre de réserves. Il est évidemment nécessaire que notre législation laisse des espaces de liberté pour organiser, au mieux des besoins de l'entreprise, le temps de travail au sein de celle-ci.

Nous avons rappelé cependant notre préférence pour une organisation du temps de travail régulée, d'abord dans le cadre des accords de branche, de manière à assurer aux salariés les garanties indispensables sur leurs conditions de travail, tout en fixant un cadre équitable qui permette les conditions d'une compétition et d'une concurrence loyale entre les entreprises d'un même secteur d'activité.

Nous avons également rappelé notre attachement à ce que le salarié, qui travaille davantage, gagne effectivement plus. L'accomplissement d'heures supplémentaires doit se traduire par une progression réelle de sa rémunération. C’est essentiel en ces temps d'inquiétude récurrente sur le pouvoir d'achat.

Sur ces différents points, et sur d'autres, comme la prise en compte de la question de la pénibilité des métiers exercés dans l'entreprise, ou du volontariat du salarié, nous avons pu avoir un échange qui a permis, soit de clarifier un certain nombre de dispositions de ce projet de loi, soit de prendre acte de nos différences.

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allons donc, vous avez retiré presque tous vos amendements !

M. Francis Vercamer. La commission et le Gouvernement ont accepté notre proposition de limiter, en l'absence d'accord collectif, à 235 le nombre maximal de jours travaillés dans le cadre des forfaits-jours, et ce alors même qu’un cadre peut actuellement se voir imposer jusqu'à 282 jours travaillés.

Il appartiendra aux partenaires sociaux, dans les entreprises, par accord collectif, de décider du nombre maximal de jours travaillés. Nous faisons confiance au dialogue social pour fixer au mieux des intérêts des salariés et des entreprises les règles du temps de travail.

La gauche de l'hémicycle voit et dénonce dans ce texte une dérive idéologique. C’est sans doute la raison pour laquelle elle s'est cru autorisée à dériver elle-même dans le sens d'une critique caricaturale de ce projet de loi. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Ce texte constitue une avancée réelle en ce qui concerne le rôle des organisations syndicales et la place du dialogue social, que ce soit dans l'entreprise, dans les branches professionnelles, et au niveau interprofessionnel.

Le Nouveau Centre est particulièrement attaché à la vitalité de la négociation collective et fait confiance à la capacité d'innovation des partenaires sociaux, pour engager en profondeur un travail de rénovation de notre législation du travail.

Ce projet de loi, en transcrivant les dispositions établies par la position commune du 10 avril dernier, est une étape décisive franchie vers un dialogue social fondé sur de nouvelles légitimités, grâce à l'adoption de nouveaux critères de représentativité.

Soucieux de mieux voir pris en compte les effectifs des adhérents des organisations syndicales, le Nouveau Centre est satisfait de l’adoption de deux de ses amendements, l'un qui vise à mieux concilier engagement syndical, représentation des salariés et vie professionnelle, l'autre qui étend la validation des acquis de l'expérience aux responsabilités exercées dans le cadre syndical.

C'est donc parce que ce texte modernise les fondements mêmes de la démocratie sociale dans notre pays, et pose ainsi les conditions d'une présence plus significative des partenaires sociaux tant dans la réforme de notre législation du travail que dans son application, que le Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de donner la parole à l’orateur suivant, je vais d’ores et déjà annoncé le scrutin.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe de l’UMP.

M. Benoist Apparu. Le 18 septembre 2007, devant la presse sociale, Nicolas Sarkozy présentait publiquement les modalités du nouveau dialogue social.

M. Jean-Pierre Brard. Courtisan !

M. Benoist Apparu. Voici ce qu’il a déclaré à cette occasion : « Le Gouvernement tirera toutes les conséquences des négociations. Quand il y aura eu accord, la loi le consacrera. Là où il n'y aura pas eu accord, l'État prendra ses responsabilités. Si l'accord est un mauvais accord,…

M. Roland Muzeau. Qui en décide ?

M. Benoist Apparu. …l'État se réserve le droit de le dire ».

Cette méthode, c'est celle que nous avons, depuis lors, scrupuleusement respectée, notamment pour la position commune du 10 avril dernier. Les partenaires sociaux avaient reçu une commande sur deux points : des règles de représentativité plus démocratiques et un assouplissement des 35 heures.

Sur le premier point, les partenaires sociaux ont pleinement répondu à l'objectif fixé par le Gouvernement, et nous en avons donc respecté l'esprit et l'équilibre.

M. Maxime Gremetz. C’est faux !

M. Benoist Apparu. Sur le second point, l'article 17 de la position commune ne répond clairement pas aux objectifs fixés par le Gouvernement. Pour paraphraser le président de la République,…

M. Jean-Pierre Brard. Courtisan !

M. Benoist Apparu. …je dirai que l'article 17 n’est pas un bon accord, que l'État n'a pas manqué de le dire et qu’il en a donc tiré toutes les conséquences.

Personne ne peut raisonnablement affirmer qu'il ne connaissait pas les règles du jeu, personne ne peut prétendre qu'il a été pris en traître.

M. Maxime Gremetz. Si !

M. Benoist Apparu. Tout a toujours été transparent sur la méthode comme sur nos intentions.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Non !

M. Benoist Apparu. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP attend ce texte depuis longtemps et l'assume à 100 %.

Ce texte donnera aux syndicats une assise démocratique qui renforcera leur légitimité et leur capacité à négocier. Ce texte répond également aux besoins des entreprises, au plus près de leurs réalités économiques en matière de temps de travail. Et c'est cela, la différence fondamentale entre vous et nous, entre le texte de Martine Aubry et celui de Xavier Bertrand, entre le dogmatisme et le pragmatisme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Le dogmatisme, c'est vouloir que toutes les entreprises d'une même branche soient soumises au même contingent d'heures supplémentaires, et ce indépendamment de leurs besoins réels. Le pragmatisme, c'est s'appuyer sur la réalité pour légiférer.

Prenons un exemple concret, l'industrie du plastique, chère à M. Bertrand. Dans la plasturgie, il y a des entreprises qui n'ont pas besoin d'heures supplémentaires au-delà du contingent actuel de 130 heures. Mais il y a également des entreprises qui ont besoin de ces heures supplémentaires pour se développer. Nous voulons précisément leur donner la possibilité de le faire sans entrave. C'est aussi simple que cela ! C'est ça le pragmatisme et c'est ça que vous refusez !

Nous voulons répondre aux besoins particuliers de chaque entreprise en respectant les prescriptions qui protègent la santé des salariés en matière de repos hebdomadaire, des 48 heures hebdomadaires ou du repos quotidien. Alors, chers collègues de l'opposition, arrêtez de faire peur aux Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ils n’ont pas besoin de nous pour avoir peur !

M. Benoist Apparu. Arrêtez de faire croire que nous mettons en péril la santé des salariés. C'est faux !

Le contingent d'heures supplémentaires fixé par décret sera de 220 heures, c'est-à-dire l'équivalent de 4 heures supplémentaires par semaine.

Sur les forfaits-jours, c'est la même chose : vous agitez le chiffon rouge de 282 jours par an ou de 3 055 heures de travail par an. Là encore, je veux rétablir la vérité. Vous savez très bien que la loi Aubry II est muette sur ce sujet et n'interdit en rien les 282 jours et les 3 055 heures.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est faux !

M. Benoist Apparu. Nous souhaitons promouvoir la valeur travail et donner plus de souplesse aux entreprises. C'est pourquoi le groupe UMP votera avec enthousiasme ce projet de loi.

Enfin et sous forme de conclusion, je voudrais rendre un hommage tout particulier à notre rapporteur qui, dans cette matière très aride et très complexe, a su naviguer comme un poisson dans l'eau (Exclamations et rires),…

M. Jean Glavany. Nous n’avons pas mordu à l’hameçon !

M. Benoist Apparu. …et éclairer nos débats avec compétence et précision. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe SRC.

M. Alain Vidalies. Ce projet de loi sur la rénovation de la démocratie sociale et la réforme du temps de travail restera dans notre histoire sociale comme celui de la trahison des partenaires sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et de l’émiettement des règles d'organisation du temps de travail.

Alors que les deux principaux syndicats de salariés et le MEDEF étaient parvenus à un accord, le Gouvernement a décidé de ne pas le respecter, au seul motif qu'il ne correspondait pas à ses objectifs.

M. Patrick Roy. C’est scandaleux !

M. Alain Vidalies. Nous connaissons maintenant votre conception de la démocratie sociale. Les partenaires sociaux ont le droit de négocier mais le résultat est fixé d'avance par le Gouvernement et l'UMP. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous avez réussi l'exploit de sortir les syndicats de salariés de la table des négociations pour les envoyer dans la rue.

M. Patrick Roy. Scandaleux !

M. Alain Vidalies. Votre jubilation d'avoir fait un bon coup en profitant de la division syndicale s'est manifestée par les déclarations provocatrices du Président de la République devant le conseil national de l'UMP.

Quand le Président de la République, sous les clameurs des dirigeants de l'UMP, tente d'humilier les syndicats, les Français comprennent que le temps de l'évocation, pendant la campagne électorale, de Blum ou de Jaurès est révolu et qu'est venu le temps de la revanche sociale.

M. Patrick Roy. Scandaleux !

M. Alain Vidalies. Même sur la première partie du texte concernant la démocratie sociale, vous avez montré votre véritable visage. Vous avez ainsi durci les conditions de calcul des effectifs dans les entreprises, ce qui aboutira mécaniquement à moins de délégués du personnel et à moins de comités d'entreprise.

Vous avez, une nouvelle fois, repoussé l'entrée en vigueur de l'accord UPA. Ainsi, depuis sept ans, un accord sur le financement du dialogue social signé par toutes les organisations syndicales de salariés et les représentants patronaux de 800 000 entreprises artisanales ne peut entrer en application par la seule obstruction du Gouvernement et de l'UMP. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Sur le temps de travail, le fil rouge de votre réforme est la priorité donnée à l'accord d'entreprise. Le principe de faveur qui permettait aux salariés de bénéficier des dispositions plus favorables d'un accord de branche est abandonné au profit de l'application obligatoire de l'accord d'entreprise, même s’il est plus défavorable.

Avec ce projet de loi, on passera directement à une hiérarchie des normes inversée puisque, pour la première fois, vous affirmez la supériorité totale de l'accord d'entreprise.

Vous êtes parfaitement conscient de la conséquence immédiate de ce bouleversement, à savoir l'émiettement, l'atomisation des règles d'organisation du temps de travail. Les règles sociales vont ainsi devenir un élément de concurrence entre les entreprises d'une même branche. Que pourront faire les salariés d'une entreprise soumis au chantage d'un alignement par le bas sur un accord accepté dans une entreprise voisine ? (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Alain Vidalies. Il n'y aura alors guère de négociation possible puisque c'est leur emploi qui sera en cause. Avec votre projet, le dumping social sera au rendez-vous et la négociation d'entreprise s'effectuera toujours sous la contrainte des accords socialement les plus défavorables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Pour être sûrs que cette déréglementation s'imposera dans les accords d'entreprise, vous avez décidé d'annuler, purement et simplement, au 31 décembre 2009, tous les accords existants pour imposer une nouvelle négociation dans un cadre contraint.

Vous avez décidé d'augmenter considérablement le nombre de salariés qui seront soumis au forfait-jours et au forfait-heures. En ouvrant ce dernier aux salariés « qui disposent d'une autonomie dans l'exercice de leurs fonctions », vous avez choisi une formule tellement vague que nul ne mesure l'ampleur des dégâts.

Pour le forfait-jours, votre projet de loi aboutit à passer de 218 jours à 282 jours travaillés et, contrairement à certains commentaires de presse, votre amendement sur les 235 jours ne constitue pas un plafond puisqu'il pourra toujours être dépassé par un accord d'entreprise.

Le pire est peut-être dans la remise en cause du repos compensateur. Je rappelle que ce repos compensateur n'est pas une mesure d'aménagement du temps de travail mais une mesure de protection de la santé des salariés.

M. Patrick Roy. Très juste !

M. Alain Vidalies. Les dispositions sur le repos compensateur que vous avez supprimées remontaient à une loi de 1976, et cela n'a rien à voir avec les 35 heures.

Vous êtes fiers du bon coup politique que vous avez fait sur le dos des syndicats, mais, en réalité, ce texte restera comme un mauvais coup contre la démocratie sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), comme un mauvais coup contre les conditions de vie personnelle et familiale des salariés, comme un mauvais coup contre la protection de la santé des travailleurs. Voilà pourquoi le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera résolument contre son adoption. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote est strictement personnel.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’ensemble du projet de loi est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

BIBARD_13_0993

Modernisation des institutions
de la Ve République

Discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi constitutionnelle

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (n° 993, n° 1009).

La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, dans treize jours, nous serons devant le Congrès. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce n’est pas un sujet de rigolade, mais un sujet sérieux qui mérite qu’on en discute avec sérénité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comme le prévoit l'article 89 de la Constitution, votre assemblée et le Sénat doivent, au préalable, voter un texte en des termes identiques. C'est d'ores et déjà le cas pour un grand nombre de dispositions. Au terme d'un débat digne, bien que souvent passionné, l'Assemblée nationale et le Sénat se sont en effet accordés sur de très nombreux éléments du texte.

Sur les nouvelles méthodes de travail du Parlement, avec le partage de la maîtrise de l'ordre du jour, l'examen en séance publique du texte adopté en commission, l'instauration de délais minima entre le dépôt d'un texte par le gouvernement et l'examen de celui-ci en séance publique.

Sur l'augmentation du nombre de commissions permanentes des assemblées.

Sur le plafonnement dans la Constitution du nombre de députés et de sénateurs.

Sur le principe du renforcement de l'obligation d'assortir tous les projets de loi d'études d'impact.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

M. le Premier ministre. Sur l'autorisation par la loi de la prolongation des opérations militaires au-delà de quatre mois et l’information du Parlement lors de l'engagement des troupes.

Sur l'encadrement du recours à l'article 16.

Sur la possibilité pour le Président de la République d'intervenir devant le Parlement réuni en Congrès.

Sur le principe d'une limite du cumul des mandats du Président de la République dans le temps.

Sur l'inscription dans la Constitution d'une trajectoire vertueuse des finances publiques.

Sur l'obligation de ratifier expressément les ordonnances.

Sur le principe de l'extension du principe de la parité aux responsabilités professionnelles et sociales.

S’agissant de l'instauration d'une exception d'inconstitutionnalité, nous sommes, je le crois, très proches d'un vote conforme. Ce qui est possible pour un justiciable américain depuis 1803 le sera enfin pour un justiciable français. Ce droit est d’ailleurs ouvert dans presque tous les pays européens. Je précise à l'intention des parlementaires alsaciens-mosellans, que je sais vigilants à cet égard, que l'exception d'inconstitutionnalité ne saurait déboucher sur une remise en cause du droit local dont l'existence fait partie de notre histoire juridique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J'ajouterai un autre point d'accord qui, j’en suis certain, fera l'unanimité : c'est l'hommage appuyé qu'il faut rendre à votre rapporteur, le président Jean-Luc Warsmann. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Avec un sens aigu des responsabilités, il a été l'artisan d'un consensus qui tient compte des préoccupations de chaque chambre.

Au nom de ce nécessaire consensus, nous devions et nous devons tous faire un pas vers l'autre. Le Gouvernement au premier chef.

Le texte que vous retrouvez en deuxième lecture diffère sensiblement du projet de loi initial déposé sur votre bureau voici plusieurs semaines.

Nous avons renoncé au plafonnement du nombre de ministres dans la Constitution.

Nous avons accepté de réduire le délai au terme duquel votre autorisation était requise pour prolonger les opérations extérieures.

Nous avons donné notre aval au droit de veto des commissions parlementaires, qui formuleront désormais, à la majorité des trois-cinquièmes, un avis sur les nominations opérées par le Président de la République.

Avec l’aide des rapporteurs, nous nous sommes efforcés de dégager des compromis sur l’encadrement du droit de grâce du chef de l’État et sur l’exercice de son droit de message devant les chambres.

Nous avons considérablement augmenté les délais minima dont doit disposer le Parlement pour examiner les textes. Notre projet initial proposait un mois devant la première chambre et quinze jours devant la seconde. Votre assemblée proposait six et trois semaines, le Sénat huit et cinq. Je crois qu’un accord est possible autour de six et quatre semaines. L’essentiel, c’est que le Parlement a été entendu dans son souhait de disposer du temps nécessaire pour optimiser son travail en commission et tirer le meilleur parti des nouvelles règles d’examen instaurées par la réforme.

Enfin, le Gouvernement a été attentif à vos débats sur les équilibres au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Sur ce sujet, nos convictions sont claires : il faut renforcer l’indépendance de cette institution, mais, en même temps, il faut éviter l’écueil du corporatisme qui viderait de son sens le principe selon lequel la justice est « rendue au nom du peuple français ».

Pour autant, avec la Garde des sceaux, nous avons été à votre écoute quant à la composition du Conseil supérieur de la magistrature lorsqu’il statue en formation disciplinaire. Grâce au travail de vos rapporteurs, nous avons réussi à concilier les préoccupations des uns et des autres, en ménageant l’ouverture de l’institution et la parité en matière disciplinaire. Le compromis que nous avons trouvé est satisfaisant, et je vous propose de l’entériner.

Le Gouvernement n’a pas seulement retouché sa première mouture pour répondre à vos recommandations, il s’est également montré, par la voix de Rachida Dati et de Roger Karoutchi, résolument ouvert à plusieurs de vos propositions.

Vous avez, mesdames et messieurs les députés, nourri le débat à travers la référence aux langues régionales, l’extension de la parité au-delà de la vie politique, le renforcement de l’obligation d’instaurer des études d’impact pour tous les projets de loi, la mise en exergue de l’évaluation des politiques publiques par le Parlement.

L’opposition a, elle aussi, été entendue : sa suggestion d’introduire dans la Constitution un mécanisme novateur dans notre tradition juridique – le référendum d’initiative populaire – a notamment été retenue.

En réalité, ce sont plus de vingt modifications réclamées par la gauche et soutenue par la majorité qui ont été adoptées de façon consensuelle.

Quant au Sénat, nous lui devons la notion de pluralisme et de respect des groupes politiques minoritaires, le renforcement du défenseur des droits des citoyens et la référence à la francophonie dans notre Constitution.

M. Manuel Valls. Très bien !

M. le Premier ministre. La Haute assemblée nous a en outre donné l’occasion d’avoir un débat stimulant sur l’enrichissement de l’article 34 de la Constitution.

Le Sénat a tenu à y faire figurer des principes comme l’indépendance des médias, les Français établis hors de France, ou l’exercice des mandats électoraux. En droit pur, une telle clarification ne s’imposait pas dans le corps de la Constitution. Mais le Gouvernement a été sensible à la volonté du Sénat de mettre ces principes en valeur. Dans la mesure où ces mentions ne modifient pas les champs respectifs de la loi et du règlement, je souhaite qu’elles soient maintenues.

Mesdames et messieurs les députés, au cours de ces débats, nous avons pris la mesure de ce qui nous rapproche, mais aussi de ce qui nous distingue. Toutes les opinions, quel que soit le banc dont elles émanent, sont respectables. Mais, aujourd’hui, il faut avoir le courage de se rassembler autour de l’essentiel. Et l’essentiel, c’est la revalorisation du rôle du Parlement que consacre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Sur la plupart des points que je viens d’évoquer, nous avons travaillé ensemble de manière constructive. Il faut aller au bout de cette démarche, et, pour cela, il reste des dissonances à harmoniser entre les deux chambres.

Il y a d’abord l’encadrement de l’article 49, troisième alinéa. Je reste attaché à cet outil essentiel du parlementarisme rationalisé. Mais, la vérité – vous le savez bien –, c’est que son usage a été progressivement dévoyé pour le transformer en outil de lutte contre l’obstruction parlementaire.

L’article 49, troisième alinéa, doit rester un instrument préventif, en évitant une banalisation excessive dédiée au seul confort du gouvernement. C’est pourquoi le Gouvernement a proposé une limitation de son usage à un seul texte par session et aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Cette proposition a été supprimée par le Sénat, certains nous reprochant de ne pas aller assez loin, tandis que d’autres nous demandent de la supprimer purement et simplement.

Entre ces deux extrêmes, la solution initiale que la Gouvernement avait proposée constitue le meilleur compromis, et c’est celui que je vous propose d’adopter.

Ensuite, il y a le droit pour les assemblées de voter des résolutions. Vous avez souhaité le supprimer ; les sénateurs ont voulu le restaurer.

M. Hervé de Charette. Ils ont eu raison !

M. le Premier ministre. Il y a ceux qui redoutent qu’un tel outil, mal encadré, fragilise les mécanismes de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement prévus par l’article 49 de la Constitution.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !

M. le Premier ministre. Et il y a ceux qui ne voient pas pourquoi le Parlement français serait privé d’un instrument dont sont dotés la plupart des parlements des pays développés.

Là encore, le Gouvernement privilégie une solution de compromis. Il laisse clairement au Parlement la faculté d’exercer son droit de résolution, mais en confiant au gouvernement l’appréciation du risque de mise en cause de sa responsabilité politique.

Faut-il laisser au Conseil constitutionnel le soin de trancher un éventuel désaccord à ce sujet ? Je ne le crois pas. Cette appréciation n’a rien de juridique. Par ailleurs, le conflit peut être résolu très simplement : il suffira que l’auteur de la résolution litigieuse dépose une motion de censure dans les formes prévues par l’article 49 de la Constitution. À cet égard, nous ne faisons que reprendre la solution qui avait été imaginée en 1959 lors de l’élaboration de votre règlement, et qui avait été, in fine, annulée par le Conseil constitutionnel faute de point d’accroche dans la Constitution.

La troisième dissonance entre votre assemblée et le Sénat, c’est la composition de la commission chargée de donner un avis sur certaines nominations opérées par le Président de la République. Sur ce sujet, un accord semble proche, puisque votre rapporteur a œuvré avec beaucoup de finesse et de talent à l’élaboration d’un compromis original et pragmatique. Celui-ci conserve la réunion des deux commissions compétentes – ce que vous aviez voté en première lecture –, tout en ménageant la spécificité de chacune des assemblées.

Les modalités de ratification des traités d’élargissement de l’Union européenne sont encore un point d’achoppement entre les deux assemblées. En première lecture, vous aviez manifesté votre attachement au référendum pour les élargissements les plus importants, en avançant l’idée d’un seuil de population. Cette idée était originale et non dépourvue de logique, mais elle n’a pas été comprise par tous, certains y voyant à juste titre une sorte de stigmatisation qu’ils souhaitaient éviter.

Les sénateurs ont préféré revenir au texte du Gouvernement, c’est-à-dire à l’article 89, qui offre au Président la possibilité de choisir entre le référendum ou la voie du congrès. Aujourd’hui, un consensus se dessine autour d’une solution intermédiaire. Le référendum resterait de droit pour tout élargissement. Mais une majorité qualifiée de parlementaires pourrait autoriser le Président, s’il le juge utile, à emprunter la voie du congrès pour lui demander de ratifier, à la majorité qualifiée, le traité d’adhésion.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le Premier ministre. Cet amendement nous paraît tenir compte des différentes sensibilités qui se sont exprimées sur ce sujet. Le Gouvernement y sera favorable.

M. Pierre Lellouche. C’est sage !

M. le Premier ministre. Sur la question du mode de scrutin sénatorial, nous n’avons pas pu trouver de compromis. Dès lors, il nous a paru plus sage d’en rester au droit actuel, qui n’interdit pas d’envisager une réforme et un rééquilibrage de ce mode de scrutin.

M. Marc Dolez. À la Saint-Glinglin !

M. le Premier ministre. Sur ce sujet, des propositions ont été formulées il y a quelques années. Le Gouvernement considère qu’il s’agit d’une bonne base de travail, qui est susceptible de recueillir un consensus. Mais reconnaissez que ces propositions ne sont pas du ressort de la Constitution.

Enfin, je voudrais insister sur un dernier sujet introduit par votre assemblée : il s’agit du dualisme juridictionnel, autrement dit de la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif.

L’idée de votre chambre était de permettre à la loi de déroger aux règles d’attribution des contentieux à l’un ou l’autre des ordres de juridiction. Le Sénat a supprimé cette disposition à la quasi-unanimité. Je me permets de vous demander de ne pas y revenir, afin de permettre la convergence entre les deux assemblées et d’assurer ainsi la bonne fin de la révision constitutionnelle. Nous pourrions débattre longuement du sujet sur le fond, car je sais que la position de votre assemblée était nourrie d’une véritable analyse de votre rapporteur. Mais je pense qu’il convient d’aller à la rencontre de la position du Sénat, quitte à ce que la réflexion et la discussion soient reprises par la suite en évaluant ce que sont les besoins d’une bonne administration de la justice.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, la démarche constructive qui nous a mutuellement guidés jusqu’à présent, et je vous propose de la prolonger au cours de cette deuxième lecture. Nos débats sont désormais concentrés sur les dispositions les plus sensibles, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue l’objectif central vers lequel nous devons tendre et auquel il nous faut aboutir : il s’agit de donner des droits nouveaux au Parlement afin de moderniser notre démocratie.

Au regard de cet objectif, il revient à chacun d’entre vous de répondre à des questions simples : vais-je me saisir de ces droits ou vais-je y renoncer ? Vais-je contribuer à un compromis historique ou vais-je me réfugier dans des objections politiques ? Chacun est maître de sa réponse, mais chacun doit bien en mesurer les conséquences. Dire non à ce projet, ce sera dire oui au statu quo, et cela probablement pour de longues années, car les révisions constitutionnelles d’une telle ampleur sont rares.

Dire non, ce sera en définitive – quelles que soient les raisons, et il peut y en avoir de bonnes – choisir l’immobilisme institutionnel, plutôt que le renouveau politique. J’ai la conviction que la majorité se sent en mesure d’assumer ce renouveau. Je souhaite sincèrement que l’opposition puisse trouver la force de se rallier à ce mouvement de modernité qui transcende les clivages. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Avec le Président de la République, nous vous proposons de donner plus de souffle à notre démocratie : l’enjeu est suffisamment élevé pour que nous soyons capables de nous rassembler et d’aller de l’avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nous avons donc à nouveau rendez-vous avec la révision constitutionnelle que nous proposent le Président de la République et le Gouvernement. Nous avons passé cinquante heures à approfondir ce texte en première lecture, puis le Sénat l’a examiné. Tous ceux qui veulent réviser la Constitution ont à présent une responsabilité : ils doivent faire en sorte que, dans quelques jours, sorte de notre assemblée un texte que le Sénat puisse voter en l’état. Ainsi, le 21 juillet, nous serons en mesure de constituer la majorité des trois cinquièmes permettant de concrétiser cette révision.

C’est dans cet esprit de responsabilité et avec le souci de rechercher une solution équilibrée et consensuelle que je vous propose de travailler. Même sur ce qui paraissait le plus difficile – qu’on songe au débat sur la mention des langues régionales dans la Constitution, qui avait donné l’impression, amplifiée par la presse, que les deux chambres avaient des positions bien différentes –, il me semble que nous pouvons construire des positions consensuelles. Nous vous les proposerons au fur et à mesure de ces débats, et je suis persuadé que, si nous y tenons, le Sénat y donnera un écho favorable.

Mes chers collègues, nous devons rester fidèles aux lignes directrices de la révision constitutionnelle. La première consiste à revaloriser le rôle du Parlement en lui permettant de voter des lois moins nombreuses et de meilleure qualité. C’est une avancée considérable, qui vise à rendre obligatoire l’élaboration d’études d’impact avant toute nouvelle loi.

M. René Couanau. Enfin !C’est très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. À l’avenir, les gouvernements seront obligés de soupeser une loi avant de nous la soumettre, de la justifier, de faire connaître son rapport qualité-prix et de rechercher s’il n’y a pas d’autre solution pour atteindre le même objectif. Monsieur le Premier ministre, l’un de vos prédécesseurs, Alain Juppé, avait tenté d’introduire cette obligation, mais comme il l’avait fait sous forme de circulaire, elle n’avait pas tenu. En lui donnant un ancrage constitutionnel, nous sommes assurés d’avoir des lois de meilleure qualité.

Il est également indispensable d’intégrer dans la Constitution des délais minimaux si nous voulons effectuer un travail utile et constructif, et, surtout, si nous voulons procéder à toutes les auditions qui enrichissent tant le travail parlementaire.

Autre avancée, l’augmentation du nombre de commissions permanentes. Le passage de six commissions à huit est attendu, notamment par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et par la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, attendent. Le fait de pouvoir se dédoubler leur permettra de mieux se consacrer aux champs de leurs compétences.

Je pense également à l’obligation qui sera désormais faite – et je remercie le Gouvernement pour son soutien – de ratifier les ordonnances de manière expresse. Des centaines de parlementaires, sur tous les bancs, ont déploré l’utilisation massive des ordonnances par les gouvernements, d’autant que cette pratique n’était pas conditionnée par une ratification expresse. C’est ainsi qu’au détour d’un amendement technique retouchant une ordonnance, on pouvait ratifier sans s’en rendre compte une ordonnance entière. Là aussi, nous garantissons des lois de meilleure qualité.

Le premier objectif est de voter moins de lois. Je suis en effet persuadé que le travail de parlementaire doit évoluer, de manière à consacrer beaucoup plus de temps à l’évaluation et au contrôle des politiques publiques.

M. Gilles Carrez. Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. À un moment où nos finances publiques connaissent tant de difficulté, il est vital – c’est même le premier devoir que nous avons envers nos concitoyens – que nous consacrions beaucoup d’énergie pour veiller à ce que chaque euro dépensé dans une politique publique le soit à bon escient et que le rapport qualité prix pour nos concitoyens soit le meilleur possible.

Quant à l’initiative concernant l’ordre du jour du Parlement, elle représente une avancée historique. En effet, si nous nous entendons tous pour rétablir le texte de l’Assemblée nationale, ce que je crois possible, nous allons mettre une super priorité dans les mains de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, en lui permettant de consacrer jusqu’à une semaine sur quatre le travail dans l’hémicycle à l’évaluation et au contrôle de l’action du Gouvernement.

Le deuxième objectif, qui n’est pas que symbolique, est la définition du rôle du Parlement dans notre Constitution. Nous allons en effet inscrire dans le rôle du Parlement, en écho à ce qu’a fait le Sénat, le fait d’évaluer les politiques publiques.

L’introduction dans notre Constitution d’un nouveau rôle donné à l’opposition en matière de contrôle me semble aller dans le bon sens. Je l’ai dit en première lecture, je le répète avec la même conviction et la même sincérité : quel que soit le gouvernement, si l’on veut que le Parlement puisse effectuer un travail d’évaluation et de contrôle pointu, objectif et sans être limité par le fait majoritaire, il faut donner à l’opposition un poids de présence supérieur au poids minoritaire qu’elle représente dans l’hémicycle. Là aussi, la révision constitutionnelle répond aux objectifs que nous nous étions fixés, et l’initiative que vous avez annoncée il y a quelques instants, monsieur le président de l’Assemblée, va dans la même direction.

La possibilité que nous ouvrons dans la Constitution pour un gouvernement d’organiser un débat sur un thème particulier est un progrès. Tout le monde le sait, certaines politiques publiques sont très peu législatives, je pense par exemple à la politique en matière d’éducation nationale. Grâce à la révision constitutionnelle, le ministre de l’éducation pourra venir présenter sa politique en matière d’éducation nationale, cette déclaration pouvant être suivie d’un débat, voire, le cas échéant, d’un vote. C’est, là aussi, un renforcement du pouvoir du contrôle du Parlement.

La discussion systématique en cas d’intervention des forces armées et l’autorisation en cas de renouvellement de cette intervention est un autre élément de renfort de ce contrôle qui était attendu depuis des décennies.

Vous avez également évoqué, monsieur le Premier ministre, l’introduction des résolutions. Je n’ai aucune honte à avouer que j’ai fait partie et que je fais toujours partie de ceux qui pensent que les résolutions ne doivent pas être dévoyées. Je considère qu’un des atouts de la Ve République est d’avoir très nettement clarifié les modes de mise en cause de la responsabilité d’un gouvernement. Je ne voudrais pas que l’on se retrouve, demain, dans la situation d’une République précédente, où le vote d’une résolution permettrait de mettre en cause l’action d’un ministre ou d’un gouvernement réformateur. Vous allez proposer, monsieur le Premier ministre, au nom du Gouvernement, un amendement qui apportera des garanties dans ce sens. Je le voterai évidemment avec grand plaisir.

Toutes ces dispositions sont autant d’outils très concrets qui nous permettront à l’avenir de porter à un niveau jamais atteint le travail d’évaluation et de contrôle du Parlement.

Le troisième objectif de cette révision, objectif que nous avons à l’esprit depuis le début du débat, c’est le renforcement des droits de nos concitoyens. En votant la révision constitutionnelle, nous allons permettre à nos concitoyens de saisir le Conseil supérieur de la magistrature. Nous allons ainsi concrétiser un objectif que beaucoup d’entre nous et de nos prédécesseurs avaient eu.

Nous constitutionnalisons un défenseur des droits, ce qui permettra de réels progrès.

Nous permettrons aux justiciables de soulever l’exemption d’inconstitutionnalité, disposition favorable à l’État de droit.

Nous avons introduit, grâce à un vote quasi unanime, un référendum d’initiative conjointe. Je pense que ces termes de « référendum d’initiative conjointe » conviennent mieux que le référendum d’initiative populaire. Dans un certain nombre de situations, cela peut permettre de renforcer le dialogue entre le Parlement et la population.

Nous avons également eu de multiples débats en matière de référendum sur l’élargissement de l’Union européenne. Sans la révision constitutionnelle, que se passerait-il si demain, en 2010, en 2014, un Président de la République venait à signer un traité d’élargissement de l’Union européenne permettant l’intégration, que sais-je, du Montenegro par exemple ? Première solution, l’application de l’article 88-5, avec un référendum. Seconde solution, si le Gouvernement fait ce choix, dépôt d’un projet de loi devant l’Assemblée nationale autorisant le Gouvernement à procéder à la ratification par voie parlementaire – vote par l’Assemblée, vote par le Sénat, nécessité de recueillir les trois-cinquièmes des votes au Congrès. Si les majorités sont obtenues, alors, comme cela a été utilisé pour la Croatie, il pourrait être procédé à l’élargissement sans avoir recours au référendum. L’état du droit actuel consiste en ces deux voies.

Après de multiples discussions, le choix des uns et des autres, et en premier chef celui du Président de la République, a été de faire en sorte que les deux voies apparaissent matériellement dans l’article 88-5 de la Constitution, afin notamment que les observateurs étrangers puissent constater que la Constitution française contient bien toujours l’alinéa relatif au référendum, auquel beaucoup d’entre nous sont attachés, mais également la voie parlementaire. C’est ainsi que, après plusieurs réunions, un amendement a très légèrement, d’un trait de plume, aménagé le droit actuel : il propose de vérifier, avant de réunir le Congrès, que la majorité des trois-cinquièmes est réunie dans chacune des deux assemblées. Cette voie constituera une troisième solution pour ratifier un éventuel futur projet de loi d’élargissement. Je crois que cette solution devrait pouvoir recueillir un consensus.

M. Jean Glavany. Cause toujours !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Elle s’inscrit dans la ligne du droit actuel.

M. Jean Glavany. Tu parles !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Chacun pourrait s’y rallier. Parce que le mot qui importe aujourd’hui, c’est bien celui de rassemblement.

M. Pierre Lequiller. Tout à fait !

M. Jean Glavany. Rassemblez vos troupes !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je sais, on peut estimer que le projet de loi n’est pas parfait.

M. Jean Glavany. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Certains auraient sans doute préféré que sur tel ou tel point, il aille un peu ou beaucoup plus loin. Mais, mes chers collègues, au moment de voter le 21 juillet, nous devrons avoir à l’esprit la comparaison entre ce qui existe aujourd’hui et ce qui existera si nous votons cette réforme. Qu’il s’agisse de la revalorisation du rôle du Parlement, du pouvoir de contrôle, ou du vote de lois de meilleure qualité, nous faisons des pas en avant.

M. Jean Glavany. Tu parles ! mode d’élection du Sénat, audiovisuel, droit de vote des étrangers…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mes chers collègues, nous avons réalisé ce travail avec un grand esprit d’ouverture durant tous ces débats. Nous continuerons à faire de même durant cette lecture. J’espère que le texte qui sortira de l’Assemblée nationale pourra recueillir l’accord et l’appui du Sénat et qu’ainsi, tous ensemble, nous allons construire une dynamique qui permettra qu’au Congrès, le 21 juillet prochain, cette révision recueille les trois-cinquièmes des suffrages exprimés.

M. Jean Glavany. Non ! jamais de la vie !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cette révision marque un approfondissement, une revalorisation et une nouvelle dynamisation des institutions de la Ve République auxquelles nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe du Nouveau Centre.)

M. Bernard Roman. Vive la VI!

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le débat revenant devant l'Assemblée nationale est, pour nous socialistes, l'occasion de rappeler la constance et la fidélité des positions que nous avons prises dans la discussion depuis qu'elle est ouverte.

Nous avons dit, sans varier, que nous étions disponibles pour un compromis dans lequel nous pourrions retrouver les valeurs démocratiques, les procédures démocratiques, les objectifs démocratiques que nous défendons depuis des années.

Nous avons dit, sans varier, que même si cette réforme n'était pas la nôtre, que nous ne l'aurions certainement pas faite comme cela, il était néanmoins possible que nous puissions nous y retrouver, pourvu que vous accomplissiez les efforts nécessaires pour venir vers nous.

M. Benoist Apparu. Et vice-versa !

M. Arnaud Montebourg. Je disais d’ailleurs, dans cet hémicycle, au cours de la première lecture, que, tout au long de notre travail de constituant, nous avons veillé à garder une chance que nos propositions puissent être reprises par les vôtres, que nos positions puissent se rencontrer sans perdre de vue ce qu’elles pourraient apporter de meilleur à la République, à la France et aux Français.

Nous avons été nombreux à dire qu’il était possible d'accepter un progrès insuffisant à nos yeux pourvu qu'il nous fasse avancer vers une réforme plus large et qu’il ne contienne aucun recul.

Nous avons multiplié les occasions publiques de dialogue dans l'hémicycle, au sein de la commission des lois à plusieurs reprises, à Matignon devant vous, monsieur le Premier ministre.

Nous vous avons tendu la main…

M. André Wojciechowski. La gauche !

M. Arnaud Montebourg. …nous vous avons présenté nos revendications, avec la même patience, le même goût de construire, et bien au-delà des graves désaccords qui nous opposent sur de nombreux autres terrains.

Nous n'avons reçu en échange, monsieur le Premier ministre, que des fins de non recevoir.

Nous avons défendu avec force la séparation des pouvoirs, là où nous déplorons chaque jour, dans les pratiques actuelles du pouvoir et du régime, la confusion et la concentration des pouvoirs sur la tête d'une seule et même personne.

Quand nous demandons des garanties pour l'opposition dans l'exercice de ses droits au sein des assemblées parlementaires, garanties qui équilibreraient la surpuissance du fait majoritaire, lui-même accélérateur de l'hyperprésidentialisme actuel, on nous répond : « on verra plus tard ».

Quand nous demandons des garanties sur la justice, pour assurer l'indépendance et la protection des magistrats par rapport aux intérêts partisans de l'exécutif, Mme la garde des sceaux nous répond : « nous avons besoin de contrôler les parquets et les magistrats », tout cela sur fond de dénonciation par les syndicats de magistrats de « caporalisation » dangereuse – je les cite – de l'appareil judiciaire.

M. Marc Dolez. Où est Mme la garde des sceaux d’ailleurs ?

M. Arnaud Montebourg. Quand nous demandons des garanties de pluralisme et de représentativité à l’intérieur d’un Sénat immobilisé et moins réformateur encore que la Chambre des Lords, on nous répond par un durcissement de la protection des intérêts des sénateurs (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et l’installation d’un sanctuaire antidémocratique en béton armé pour les sénateurs de votre majorité.

M. Bernard Roman. C’est inacceptable !

M. André Wojciechowski. Procès d’intention !

M. Arnaud Montebourg. Quand nous demandons des contreparties sur la monopolisation médiatique du temps de parole audiovisuel par le Président de la République, et maintenant ses collaborateurs, on nous claque la porte au nez. De surcroît, le pouvoir annonce la prise de contrôle par l'Élysée, de France Télévisions, célébrant les vertus de l'ORTF retrouvée, contre l’avis de 71 % des Français. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Cochet. Hors sujet !

M. Arnaud Montebourg. Le contrôle des médias publics plus le quasi-monopole du temps de parole, pardonnez-moi, c’est la violation de nos règles constitutionnelles du pluralisme – nous serions presque dans une ambiance quasi poutinienne. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Pierre Lellouche. Ne soyez pas si excessif, vos propos y gagneront en intérêt !

M. Philippe Cochet. C’est lamentable, monsieur Montebourg !

M. Dominique Le Mèner. C’est en effet d’une stupidité sans nom !

M. Jean Glavany. Si vous réagissez, c’est qu’on a visé juste !

M. Arnaud Montebourg. Il n’y a rien d’indélicat dans ce que je viens de dire, mesdames, messieurs de la majorité.

M. Pierre Lellouche. Vous versez dans la caricature !

M. le président. Poursuivez, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je le répète, le quasi-monopole du temps de parole plus le contrôle des médias publics, cela n’existe pas dans une démocratie pluraliste, contemporaine et européenne normalement constituée. Est-ce que cette formulation vous convient mieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Noël Mamère. Très juste !

M. Arnaud Montebourg. Quand nous demandons des garanties sur le charcutage électoral que vous vous apprêtez à faire, destiné à réduire une opposition qui vous semble vous gêner, qu'elle vienne d’ailleurs de vos propres rangs, comme le disait M. Grand (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),

M. Richard Mallié. Mais pour qui vous prenez-vous ?

M. Arnaud Montebourg. …ou qu’elle vienne de la gauche, vous nous répondez par des manipulations sur les futures circonscriptions des députés des Français de l’étranger, que vous inventez pour la circonstance.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Oh ! jamais !

M. Jean Glavany. Charcutage et tripatouillage…

M. Arnaud Montebourg. Quand nous demandons la simple mise en œuvre des propositions du comité Balladur, on nous regarde avec les yeux du meilleur soupçon en nous reprochant presque d'être des balladuriens gauchistes !

M. Pierre Lellouche. Balluduriens gauchistes, c’est intéressant !

M. Arnaud Montebourg. Excusez cet oxymore. (Sourires.)Nous pouvons de temps en temps plaisanter.

Là où nous attendions de l'esprit d'ouverture dont vous vous prévalez tant, nous n'avons eu en récolte que sectarisme et esprit systématique de fermeture !

Au lieu de vous saisir des propositions venues de la gauche, des propositions ambitieuses, rénovatrices, de notre système politique, vous avez décidé, à chaque fois, en commission, au Sénat et dans cet hémicycle, de nous claquer la porte au nez et de vous enfermer dans la négociation avec votre majorité sénatoriale !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Oh non !

M. Arnaud Montebourg. Ce choix stratégique, monsieur le Premier ministre, est tout le problème du cheminement de cette réforme, car vous avez décidé de vous appuyer sur la majorité la plus immobiliste du Sénat, qui vous éloigne de plus en plus des valeurs démocratiques que la France et les Français ont dans le cœur, et que vous auriez pu, par ce texte, servir !

Votre alliance avec les conservateurs du Sénat (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) a placé votre réforme dans une impasse. Comment faire une réforme avec des conservateurs qui pensent qu’il ne faut jamais réformer ?

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Arnaud Montebourg. Le Sénat – pardonnez-moi, mes chers collègues : je ne veux injurier personne – est le triangle des Bermudes qui a englouti la quasi-totalité des réformes démocratiques depuis 1958. Souvenez-vous de 1969, messieurs les gaullistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il est l’angle mort de la réforme,…

M. Richard Mallié. Vos camarades sénateurs vont être contents !

M. Arnaud Montebourg. …dans lequel vous vous êtes précipité à tort, monsieur le Premier ministre, car réformer avec des anti-réformateurs, c’est comme construire l’Europe avec des pays qui ne veulent que la déconstruire ou ramer sur une barque avec une corde attachée à un arbre !

M. Philippe Cochet. Ou être socialiste !

M. Arnaud Montebourg. Votre choix stratégique est donc celui de l’enfermement dans le conservatisme sénatorial, et il ne produira rien d’autre que ce qu’il est en train de se produire : une non-réforme, pour ne pas dire – je vais citer quelques exemples – une anti-réforme.

Les premiers effets de ce choix ne se sont pas fait attendre, car, en plus des divisions qui traversent votre majorité à l’Assemblée nationale, voici que sont apparus des conflits à l’intérieur de ce concours de conservatisme qui s’organise entre votre majorité sénatoriale et votre majorité à l’Assemblée nationale.

En plus de ces conflits, vous avez trouvé des sénateurs en butte à ce projet, que vous avez choisi de soutenir plutôt que de contredire. Dans le processus de réforme, ils auront le dernier mot et chercheront inévitablement à faire plier la partie la plus réformatrice de votre majorité. L’entonnoir du Sénat s’est mis à fonctionner comme un étau dans lequel votre réforme risque bien de disparaître, courant juillet. Vous me permettrez d’étayer les regrets que j’exprime au nom des socialistes sur le contenu de la réforme qui nous est revenue du Sénat.

Il y a d’abord les dispositions dont nous jugeons qu’elles accroissent indûment les pouvoirs ou l’influence du Président de la République sur le système politique, que nous avons rejetées depuis le début du débat et qui ont malheureusement été adoptées définitivement. C’est le cas de la possibilité, pour le Président de la République, de s’exprimer devant le Congrès. Cette disposition n’est plus en discussion, puisqu’elle a été adoptée. Mais elle constitue à nos yeux un empiétement du pouvoir du Président de la République sur les compétences du Premier ministre et du Gouvernement, compétences que nous défendons avec obstination – malgré vous-même, monsieur le Premier ministre.

Il y a également la possibilité, pour les ministres démissionnaires, de retrouver leur siège au Parlement sans retourner devant les électeurs, laquelle augmente de fait les pouvoirs du Président de la République. Cette disposition lui permet en effet – en dehors de la condamnation, que nous pourrions tous émettre, d’une forme de retour au tourniquet de la IVe République – de révoquer ses ministres, sans aucune sanction électorale, de les changer, de disposer d’eux à sa convenance, comme de hochets dont il userait selon les desiderata de sa gestion personnelle du Gouvernement. Qu’y a-t-il au bout du chemin ? Une diminution conséquente du pouvoir des ministres, au profit de l’Élysée et de son cortège infini de collaborateurs. Par cette disposition, les ministres sont appelés à se faire progressivement neutraliser, même s’ils subsisteront en droit. En revanche, les collaborateurs du Président de la République, ordonnés autour du secrétaire général de l’Élysée – lequel s’exprime chaque semaine dans les médias audiovisuels, alors qu’il n’est pas responsable devant le Parlement, et qu’il n’a pas vos compétences, définies par la Constitution, monsieur le Premier ministre –, acquièrent et captent peu à peu le pouvoir constitutionnellement dédié au Gouvernement, dont, encore une fois, nous défendons la compétence malgré vous-même.

M. Pierre Lellouche. Vous êtes trop bon !

M. Arnaud Montebourg. C’est une nécessité démocratique ; ce n’est pas de la bonté, mon cher collègue !

Mme Marylise Lebranchu. Et toc !

M. Jean Glavany. Belle répartie !

M. Arnaud Montebourg. Nous avons également exprimé beaucoup d’inquiétudes sur la réforme de l’article 16, qui concentre tous les pouvoirs entre les mains du Président de la République, sur sa seule décision personnelle. En effet, Mme la garde des sceaux a fait part dans cet hémicycle d’une interprétation baroque à nos yeux, mais inquiétante, parce que souple, libre et dénuée de limite sur l'usage qui pourrait en être fait, notamment en cas de terrorisme. De sorte que cette réforme censée encadrer l'article 16 ne l'encadre pas, mais revitalise au contraire l'usage d’un article inutile, dangereux, à ne pas confier à n’importe quelles mains.

De même, le pouvoir de nomination du Président de la République n'est nullement encadré, puisqu'il faut convaincre les trois cinquièmes des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat pour obtenir qu'une décision soit reconsidérée. Nous avons fait les comptes : il nous faudra convaincre plus de cinquante parlementaires, députés ou sénateurs, de l’UMP pour prétendre bloquer la moindre nomination. Autant dire que cela n’aura jamais lieu.

M. Jean-Christophe Lagarde. Aujourd’hui !

M. Arnaud Montebourg. Mais il y a plus grave. Si la gauche venait à accéder aux responsabilités, elle serait en position de subir le veto permanent du Sénat, à raison de la place qu'il a acquise dans ce dispositif, alors même que ce même veto serait rigoureusement inaccessible à l’opposition lorsque vous êtes aux responsabilités. C’est une disposition injuste, dissymétrique, exclusivement tournée contre la gauche, jamais accessible ni utilisable contre vous-mêmes.

Ce simple fait suffirait à nous détourner de la naïveté qui aurait pu nous amener à considérer, à nous autres parlementaires socialistes, que votre réforme constitue un moindre progrès. Elle organise la protection ad vitam aeternam des intérêts de la droite – et nous en sommes désolés – dans le dispositif institutionnel. C'est la raison pour laquelle nous sommes contraints de la combattre.

Nous avons dit, en initiant ce débat, que tout ce qui augmenterait les pouvoirs du Président devrait être combattu et que tout ce qui les limiterait serait soutenu. Fidèles à notre parole, nous sommes contraints de combattre les dispositions que vous nous présentez.

Passons des pouvoirs du Président à ceux que ce texte accorderait au Parlement. On me permettra de dire et de répéter, comme nous n’avons cessé de le faire, depuis le début de cette discussion, que l'opposition ne peut pas raisonnablement se reconnaître dans cette réforme.

C'est un texte fait par la majorité, pour la majorité et qui, dans ses aspects positifs, n'accorde de surcroît de pouvoir, dans le cadre du fait majoritaire, qu'aux députés appartenant à la majorité. En vain nous avons demandé avec patience et obstination qu’il apporte des droits supplémentaires à l'opposition. Nous souhaitions ainsi le droit, pour soixante députés ou autant de sénateurs, ou pour un groupe parlementaire, de constituer une commission travaillant sur pièce et sur place, sans avoir à demander l’autorisation du Gouvernement ou du palais de l’Élysée. Il ne nous a pas été accordé. Nous avons eu de vagues promesses, des déclarations apaisantes, mais ce droit ne s’est pas concrétisé.

Par ailleurs, nous nous battons pour obtenir un temps de parole paritaire entre la majorité et l’opposition dans cet hémicycle. Mais, depuis le début de la discussion, cinquante heures n’ont pas suffi vous convaincre le président de la commission. Cette disposition, M. le président Accoyer s’est engagé à inscrire dans le règlement intérieur, mais celui-ci est élaboré par la majorité et c’est elle qui voudra bien l’octroyer, dans sa bonté ou sa générosité, aux pauvres députés de l’opposition. Autant dire que nous n’avons aucune garantie. Pourtant, rien ne vous empêche, monsieur le Premier ministre, de l’inscrire dans la Constitution.

D’ailleurs, comment croire à de telles promesses, puisque le temps de parole de l’exécutif augmente de 250 % à l’extérieur des hémicycles, dans les médias, au moment même où nous nous battons pour obtenir la parité du temps de parole dans les hémicycles. Et quand nous demandons un rééquilibrage ou des contreparties, on nous répond d’aller nous faire voir ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Debré. Que ne l’avez-vous réclamé à Mitterrand ?

M. Arnaud Montebourg. Non, c’est vrai, le Gouvernement ne l’a pas dit dans ces termes, mais nous n’en étions pas loin, quand Mme Alliot-Marie est montée à la tribune.

M. René Couanau. Ce n’est pas le mot qu’elle a utilisé !

M. Arnaud Montebourg. Chaque fois, le rapporteur et le ministre nous ont renvoyés à l’hypothétique réforme du règlement intérieur ou à des lois organiques. Or le premier ne relève que de votre pouvoir majoritaire ; quant aux deuxièmes, elles ne relèvent que du regard conservateur des sénateurs de votre majorité.

Pire, et j’insiste sur ce point, le droit d'amendement, qui est actuellement garanti par la Constitution, fait l'objet, après le passage du texte au Sénat, d'atteintes supplémentaires, malgré les apaisements et les déclarations renvoyant à une future réforme du règlement intérieur.

M. Bernard Roman. Scandaleux !

M. Jean Glavany. C’est une terrible régression démocratique !

M. Arnaud Montebourg. Le texte constitutionnel est pour nous inacceptable en ce qu'il fait dépendre de votre seule volonté l’exercice, pour les députés de l’opposition, du droit imprescriptible pour un parlementaire, je n’ose dire sacré, d'amender et de faire librement la loi. Nous ne pouvons pas l’accepter. Tout ce qui a été dit à ce sujet depuis le début de la discussion est confirmé par la volonté sénatoriale d’araser le droit d’amendement et de le faire dépendre d’un règlement intérieur que la majorité fera seule et sans nous.

Mme Marylise Lebranchu. Exactement !

M. Arnaud Montebourg. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, l'un des vice-présidents de l'Assemblée, qui appartient à votre majorité et présidait les débats quand nous avons examiné, la semaine dernière, le projet de loi portant réforme du temps de travail, a déclaré à cette tribune qu’il souhaitait, pour lutter contre les amendements du groupe socialiste, qu’il jugeait excessifs – mais il n’a pas à s’arroger le contrôle du droit d’amendement –, que la réforme institutionnelle puisse intervenir au plus vite. N’est-ce pas une forme de lapsus ?

Mme Marylise Lebranchu. Quelle révélation !

M. Arnaud Montebourg. La réforme institutionnelle n’est-elle faite que pour empêcher les socialistes de déposer des amendements sur tel texte ou sur tel autre ? J’ai cité les déclarations du vice-président Laffineur. Je regrette ces déclarations, mais s’il s’agit d’un lapsus, il devra les rectifier très vite dans le compte rendu.

Quant au contrôle de l’envoi de forces armées hors de nos frontières, disons-en un mot, si vous le permettez, monsieur le Premier ministre. Ce texte aura montré que vous n’avez pas été capable d’aligner le contrôle qui s’exerce dans notre pays sur celui des Parlements de toutes les autres puissances militaires européennes. Pas de vote, pas de débat, pas de communication des accords militaires secrets de coopération ou d’assistance techniques, qui existent depuis quarante ans et justifient que l’on déclenche l’envoi de troupes dans certains pays, en général des pays africains avec lesquels nous avons des liens historiques. Même cela ne nous a pas été octroyé ! Malheureusement, le domaine réservé du Président de la République a encore de beaux jours devant lui.

Va-t-on alors avancer l'argument que les citoyens pourraient se reconnaître dans cette réforme ?

Le référendum d'initiative populaire, qui ne reprenait pas même la proposition du comité Balladur, a été passé au laminoir du Sénat, qui rend impossible sa mise en œuvre ou décourage toute forme de militantisme civique, qu'un tel dispositif pourrait susciter, s'il était généreux et ouvert.

Certes, les justiciables pourront désormais saisir le Conseil supérieur de la magistrature et le Conseil constitutionnel. C’est un point positif. Pourtant, la composition de ces deux organes juridictionnels reste et restera toujours aussi politisée et partisane.

Mme Élisabeth Guigou. On ne perd rien pour attendre !

M. Arnaud Montebourg. D’ailleurs, cela posera quelques problèmes, au regard des garanties d'indépendance que toute juridiction qui peut être saisie par des justiciables doit offrir, eu égard à nos engagements européens.

Alors, que reste-t-il de positif dans ce que vous nous avez proposé ? Cela mérite d’être recherché, car l’exercice relève de l’honnêteté intellectuelle des uns et des autres. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Répartition des compétences entre le Président de la République et le Premier ministre en matière de défense nationale : nous en sommes réduits à trouver des avancées dans cette réforme là où il n'y a finalement que maintien du statu quo.

Mme Élisabeth Guigou et Mme Marylise Lebranchu. Exactement !

M. Arnaud Montebourg. Nous nous réjouissons que l’on ait préservé l’actuel article 8 de la Constitution !

Suppression des irrecevabilités opposées par les présidents des assemblées aux amendements empiétant sur le domaine du règlement : là encore, l'avancée réside dans le maintien du statu quo. Et nous sommes obligés de nous en réjouir : belle entrée dans la modernité ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean Glavany. Nous nous réjouissons de la stabilisation de la dégradation !

M. Arnaud Montebourg. Ratification expresse des ordonnances : voilà une disposition qui était nécessaire, mais qui reste homéopathique au regard de la crise de la loi, de la légitimité de celle-ci, et de la façon dont on continuera à user et à abuser des ordonnances, au détriment des compétences qu’exercent tous les parlementaires, quel que soit leur groupe.

Mme Marylise Lebranchu. Il fallait le dire !

M. Arnaud Montebourg. Rétablissement du droit de résolution des assemblées : enfin ! Très bien ! Néanmoins, la version du Sénat permet au Gouvernement de s'opposer à ces résolutions, dès lors qu'elles risquent de mettre en cause « directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement. » Et M. Warsmann, président de la commission des lois, a proposé que ce soit le gouvernement qui décide de bloquer ces résolutions, au cas où elles risqueraient de le mettre, directement ou indirectement, en cause. En somme le gouvernement décidera si le Parlement a ou non le droit de s’exprimer sur tel ou tel sujet, comme en matière de commission d’enquête.

Mme Marylise Lebranchu. C’est scandaleux !

M. Arnaud Montebourg. Délais minimums entre le dépôt d'un projet et sa discussion par les assemblées : le Sénat a décidé d'imposer des délais plus longs que ceux qui avaient été retenus par l'Assemblée nationale en première lecture. C’est très bien !

Mme Marylise Lebranchu. Quand même !

M. Arnaud Montebourg. Nous nous en réjouissons. C’est un point positif. Mais que de temps il a fallu pour acquérir, pour décrocher le pompon du délai supplémentaire. Quelle avancée ! En outre, les exceptions prévues sont si nombreuses – projets de loi de finances, de financement de la sécurité sociale, projets relatifs aux états de crise – que l’essentiel dépendra finalement du bon vouloir du Gouvernement.

Ah ! Voici un point très positif : l’augmentation du nombre de commissions permanentes dans les assemblées, lequel passe de six à huit. Cette disposition constitue une avancée, mais excusez-moi, ce n’est tout de même pas la Révolution française ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Brigitte Barèges. Heureusement !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il se prend pour Robespierre !

M. Jean-Christophe Lagarde. Robespierre est de retour !

Mme Brigitte Barèges. Ce serait plutôt Saint-Just !

M. Jean Glavany. Ce n’est même pas mai 1968 !

M. Arnaud Montebourg. Possibilité de s’opposer à la procédure accélérée : très bien ! Néanmoins, la conférence des présidents de deux assemblées pourra conjointement s’y opposer. Bref, il y a un certain nombre d’avancées, qui sont de l’ordre du détail, même s’il s’agit de détails nécessaires et utiles. Ce projet, monsieur le Premier ministre, n’est pas à la hauteur de la crise démocratique qui frappe le pays.

M. Pierre Lellouche. Le PS l’est encore moins !

M. Arnaud Montebourg. Je ne lui reconnais qu’un avantage : il constitue un outil astucieux destiné à faire croire qu’il y a une réforme. Mais sur tous les points que je viens d’énumérer, peut-on sérieusement et honnêtement le qualifier ainsi ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Bernard Roman. C’est une réformette !

M. Arnaud Montebourg. Nous qui avons donné une chance à ce processus, en assumant la discussion publique avec vous, en cherchant à vous convaincre plutôt qu’à vous combattre, nous avons le sentiment d’avoir épuisé notre salive (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et d’avoir été menés en bateau jusqu’au port du plus complet conservatisme.

Mme Marylise Lebranchu. En effet !

M. Arnaud Montebourg. Les astuces, le talent du Gouvernement en matière d’enrobage et de maquillage, son sens de la mise en scène et de la décoration ne suffiront pas à dissimuler l’énorme malentendu qui subsiste entre le pays et ceux qui le dirigent.

Les Français veulent davantage de démocratie, de délibérations et de contre-pouvoirs, mais vous leur donnez tout le contraire : …

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas vrai !

M. Arnaud Montebourg. …le renforcement de l’absolutisme présidentiel, qu’il s’exerce en droit ou en fait, de façon directe ou indirecte. Plus les difficultés économiques et sociales s’accroissent, plus les Français ont besoin de démocratie pour les exprimer et les faire entendre. Ils ne pourront pourtant pas se reconnaître dans une réforme qui leur ferme, à eux aussi, la porte au nez.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Mais non !

M. Arnaud Montebourg. Cette déception et ce malentendu viendront s’ajouter à d’autres, plus graves et plus lourds encore. Chacun l’aura compris, cette réforme est faite par le pouvoir pour le pouvoir et pour assurer le maintien au pouvoir de ceux qui l’exercent.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Arnaud Montebourg. C’est la raison pour laquelle nous vous la laisserons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Marc Laffineur. Monsieur le président, j’ai été mis en cause par l’orateur !

M. le président. En effet. Si c’est pour un fait personnel, mon cher collègue, je vous donnerai volontiers la parole, mais en fin de séance, comme le prévoit notre règlement.

M. Marc Laffineur. M. Montebourg est un menteur ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Bernard Roman. Ça suffit !

M. Jean Glavany. Et vous parlez de mise en cause ? Prenez garde ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous avons entendu, de la part de M. Montebourg, un discours très différent de celui qu’il tenait en première lecture.

M. Jean Glavany. Forcément !

Mme Marylise Lebranchu. Et heureusement !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous n’étions de toute façon pas dupes de l’ouverture dont le Parti socialiste prétendait faire preuve dans ce débat. D’emblée, son bureau politique avait posé cinq conditions, qui devaient toutes être respectées pour que les parlementaires socialistes votent le texte. En réalité, chacun l’a compris, ceux-ci ne se préoccupent pas du débat constitutionnel. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Comme on l’a encore vu ce matin, leur attention se porte ailleurs, vers un congrès qui ne se tiendra pas à Versailles, mais plutôt à Reims. Aujourd’hui, les masques commencent à tomber.

Je le reconnais : si le Nouveau Centre devait écrire une constitution, il ne s’agirait pas de ce texte. Mais la gauche n’a-t-elle pas, pendant des décennies, et à juste titre, d’ailleurs, dénoncé les excès de la Ve République – hypertrophie du pouvoir exécutif et quasi-disparition du pouvoir parlementaire ? Certes, ce projet n’est pas la panacée, comme l’a dit M. Montebourg. Mais il a fait l’objet, au cours de la navette, d’un certain nombre d’améliorations, plusieurs demandes formulées par les députés – y compris socialistes – ayant été acceptées par la majorité et le Gouvernement.

Vous nous dites maintenant que ce texte est inutile ; mieux vaudrait le jeter aux orties et s’occuper d’autre chose ! En fait – et je m’adresse maintenant à l’opposition comme à la majorité –, à l’issue de cet examen en deuxième lecture – dont j’espère qu’il permettra une réunion du Congrès assez rapidement –, la question qui se posera à chacun d’entre nous n’est pas de savoir si ce texte est parfait, mais s’il est utile et s’il fait avancer les choses. En tant que parlementaires, préférons-nous un ordre du jour partagé avec le Gouvernement ou, comme c’est le cas aujourd’hui, un ordre du jour intégralement imposé par ce dernier ?

M. Pierre Lequiller. Et voilà !

M. Jean-Christophe Lagarde. Préférons-nous avoir une part de responsabilité ou subir la toute-puissance gouvernementale permise par la dérive des institutions de la Ve République, ou par leur pratique ?

Vous avez évoqué l’envoi des troupes et les interventions militaires extérieures. À ce sujet, le dispositif prévu dans le texte n’est pas parfait, je le reconnais. Mais le système actuel est encore plus simple : le Gouvernement ne nous informe de rien, ne nous demande rien, ne nous fait voter sur rien ! Le trouvez-vous préférable ?

Pourquoi les groupes parlementaires refuseraient-ils l’extension des droits dont ils disposent, aujourd’hui bien contraints ? Est-ce pour éviter de devoir vous accorder sur les sujets que vous inscririez à l’ordre du jour de l’Assemblée ?

Aujourd’hui, les nominations effectuées par le Président de la République ou par les présidents des deux assemblées ne font l’objet d’aucun contrôle. Le texte en instaure un, qui permet aux parlementaires de la majorité comme de l’opposition de débattre et d’adopter un avis sur ces nominations ; c’est un progrès indéniable. Personne n’imagine, en effet, que le Président de la République ou celui de l’Assemblée puisse passer outre l’avis de la majorité, quand bien même elle n’atteindrait pas les trois cinquièmes. Mais vous, vous préférez qu’il n’y ait pas de contrôle, afin de pouvoir continuer à critiquer les nominations du Président de la République – curieusement, on ne critique jamais celles décidées par président de l’Assemblée, pourtant sans débat ni audition.

M. Manuel Valls. Cela viendra ! (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous déplorez que le Gouvernement puisse s’opposer aux résolutions que nous proposerions ; il est vrai qu’il n’a pas aujourd’hui à se donner cette peine, puisqu’elles nous sont purement et simplement interdites !

Le référendum d’initiative citoyenne sera impossible, dites-vous. Je ne le crois pas, malgré les modifications introduites par le Sénat, sur lesquelles il nous faudra revenir. Le texte proposé peut permettre aux citoyens de s’investir dans le processus législatif, et c’est vous, monsieur Montebourg, qui voulez leur fermer la porte au nez. De même, en votant contre ce projet, vous les privez de la possibilité de se défendre contre des lois inconstitutionnelles.

Le « tout ou rien » n’est pas une politique. Au Nouveau Centre, nous préférons un texte porteur d’avancées à un recul dont vous savez, en votre for intérieur, qu’il accroîtra encore la toute-puissance non de ce seul Gouvernement, mais des gouvernements futurs, et affaiblira un peu plus le Parlement. C’est pourquoi nous voterons contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas ,pour le groupe SRC .

M. Jean-Jacques Urvoas. Le général de Gaulle le disait le 31 janvier 1964 : « Une révision, c’est un esprit, des institutions et une pratique. » Ce sont autant de raisons pour nous de voter cette motion, afin de condamner, pour la deuxième fois, le texte que vous nous soumettez.

Une révision, c’est d’abord un esprit.

M. Yves Nicolin. De l’esprit, vous en manquez !

M. Jean-Jacques Urvoas. En l’espèce, l’esprit de votre projet ne correspond pas à notre attente. Nous jugeons la Ve République épuisée par la concentration des pouvoirs, la dévalorisation du Parlement et l’irresponsabilité présidentielle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dans la mesure où vous bénéficiez d’une conjonction positive de facteurs, vous auriez pu tenter de vous attaquer à ces maux. Il aurait alors fallu de l’audace, un peu de courage et beaucoup d’imagination.

M. Yves Nicolin. Vous, vous n’en avez pas !

M. Jean-Jacques Urvoas. Mais vous refusez d’aller à l’essentiel, vous contentant de proposer un catalogue de mesures disparates, au point que le professeur Avril, lors de son audition devant la commission, jugeait que le texte aurait pu s’intituler « projet de loi portant diverses mesures d’ordre constitutionnel ».

Mme Marylise Lebranchu. Exact !

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est pourquoi nous persistons à y voir une occasion manquée.

Une révision, c’est aussi des institutions. Nous connaissons les malfaçons qui altèrent notre loi fondamentale : la prépondérance de l’exécutif est devenue excessive dans ses moyens et dans ses effets.

M. Jean-Christophe Lagarde. Raison de plus pour voter la réforme !

M. Jean-Jacques Urvoas. Le Parlement est constamment abaissé, contesté dans sa représentativité, bridé par le Gouvernement, étiolé par la mise à l’écart de l’opposition. Une révision d’ampleur aurait dû avoir pour ambition de desserrer, sans dommages pour la stabilité de nos institutions, l’étau dans lequel est pris le parlementarisme ; d’imaginer des pistes nouvelles pour écarter les logiques institutionnelles et politiques qui, depuis trop longtemps, étouffent, notamment, la voix de l’Assemblée nationale.

Hélas, sans surprise, votre texte nous revient du Sénat avec un lot de reculades ; il est aux antipodes de nos attentes. Il aurait fallu être particulièrement naïf, il est vrai, pour attendre du Sénat un progrès démocratique ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Une révision, c’est enfin une pratique. Dans ce domaine, les textes ne suffisent pas. C’est d’ailleurs la spécificité du droit constitutionnel : le jeu y compte autant que les règles. C’est pourquoi les parlementaires socialistes se sont fixé une ligne de conduite : tout faire pour que la démocratie progresse.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout faire pour que rien ne change !

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est d’ailleurs en partie la modestie des avancées opérées, au regard des nombreux refus opposés à nos propositions, qui a justifié notre vote négatif en première lecture. Et pour le moment, nous n’avons pas cru déceler de signe nous permettant d’espérer des modifications significatives. Estimant que le chemin que vous nous proposez d’emprunter n’est pas de nature à corriger les vices qui affectent notre constitution, nous allons voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

M. Noël Mamère. La position exprimée par le groupe de la gauche démocrate et républicaine sera exactement identique à celle qu’il avait adoptée en première lecture, car le passage par le filtre du Sénat n’a fait qu’affaiblir un peu plus un texte qui s’apparente à un vulgaire bricolage.

Tout à l’heure, M. le Premier ministre nous mettait en garde contre le risque de manquer une occasion historique de réformer le Parlement et de lui donner plus de pouvoir. Mais c’est son gouvernement qui a manqué une occasion historique de réformer les institutions, en permettant, par exemple, une plus juste représentation des forces politiques qui composent notre pays. Vous avez manqué le rendez-vous de la vitalité démocratique, et vous avez surtout permis, en refusant de réformer le Sénat, le maintien d’une citadelle au fronton de laquelle est inscrit « bâtiment interdit à la gauche ». Tant que ce verrou sera maintenu, on ne pourra pas parler de réforme des institutions.

Pour ce qui nous concerne, en commission des lois comme en première lecture, nous avons exprimé des critiques et formulé des propositions, notamment sur le droit de vote des étrangers, cruellement absent de cette réforme des institutions, alors même que d’autres pays de l’Union européenne – en particulier l’Espagne – s’apprêtent à le rendre possible.

Rien sur la proportionnelle, rien sur la limitation du cumul des mandats, et rien de pertinent sur le contrôle de la politique de défense et de la politique étrangère de notre pays : notre collègue Montebourg a raison de qualifier cette pseudo-réforme de purement décorative. Comme beaucoup de réformes engagées depuis quelques mois, elle vise à faire diversion pour masquer les renoncements du Président de la République et du Gouvernement sur les sujets essentiels. Je pense en particulier à la question du pouvoir d’achatou à ce qui a été adopté tout à l’heure par un vote solennel : un recul, une régression qui, en matière de temps de travail et de relations entre salariés et entreprises, nous ramène au XIXe siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.–Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous pouvez toujours protester et lancer des cris d’orfraie, la réalité, c’est qu’aujourd’hui, texte après texte, on veut nous faire voter dans l’urgence des lois de circonstance, souvent inspirées de faits divers, sous l’empire d’une sorte de tyrannie de l’émotion. Qui plus est, nous sommes face à un régime qui est en train de détricoter des décennies de conquêtes sociales, obtenues de haute lutte. Voilà la réalité !

Ne croyez pas que les Français tomberont dans le panneau des illusions que vous leur tendez. Votre réforme n’est qu’un mirage, destiné à faire croire que l’on va donner plus de pouvoir au Parlement. Or celui-ci demeure, hélas ! une armée des ombres (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) au service d’un gouvernement qui, finalement, décide seul de notre destin.

C’est la raison pour laquelle nous voterons avec détermination la question préalable défendue par notre collègue Montebourg. La position des députés de la Gauche démocrate et républicaine reste ferme : comme en première lecture, nous nous opposerons, en deuxième lecture et au Congrès, à ce projet de réforme qui n’est qu’un trompe-l’œil !(Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Laffineur. Je remercie Jérôme Chartier de me laisser la possibilité d’intervenir au nom du groupe UMP dans ces explications de vote.

Cela fait vingt ans que nous espérons tous, dans notre for intérieur, un renforcement des pouvoirs du Parlement. Aujourd’hui, les propositions du Président de la République répondent à notre vœu. Au reste, elles tirent les conséquences du quinquennat. Cette occasion, il n’est donc pas possible de ne pas la saisir, car l’opportunité d’accroître les pouvoirs du Parlement – et ceux de l’opposition – ne se représentera pas avant des décennies.

Parmi les avancées contenues dans le projet de loi, je rappellerai le partage de l’ordre du jour – qui est un fantastique avantage pour les parlementaires –, le contrôle des nominations, pour une République plus impartiale, ou le renforcement du contrôle du Parlement sur les institutions européennes.

M. Montebourg, qui m’a d’ailleurs mis en cause en m’attribuant des propos que je n’ai jamais prononcés, ne nous a pas convaincus. Bien entendu, le groupe UMP ne votera pas la question préalable, car nous croyons à la fantastique opportunité de renforcer le rôle du Parlement qui nous est offerte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Vous avez tenu ces propos, monsieur Laffineur : ils sont cités entre guillemets dans Le Figaro ! Assumez-les ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la question préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

La question préalable est rejetée.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la question de la modernisation des institutions de la Ve République ne se serait sans doute pas posée si celle-ci n’avait pas changé de visage depuis 1958.

Pour de nombreux constitutionnalistes comme pour la majorité des acteurs politiques, qui n’osent pas le dire, la Ve République des origines est morte. De régime parlementaire rationalisé, elle est peu à peu devenue présidentialiste, en raison de la pratique institutionnelle. Ce présidentialisme fut consacré par l’élection au suffrage universel du Président de la République, puis par le passage au quinquennat, sans qu’un juste rééquilibrage des pouvoirs n’accompagne les réformes successives.

Le régime hybride voulu par le général de Gaulle – mi-parlementaire, mi-présidentiel – n’est plus une réalité depuis bien des années. Le déséquilibre entre les pouvoirs est si important que l’on peut considérer aujourd’hui que la France est progressivement devenue une démocratie fictive.

Ce déséquilibre, nous sommes nombreux, sur tous les bancs de cet hémicycle, à le déplorer depuis des décennies. Nous avons été nombreux à réclamer que notre démocratie se modernise, à souhaiter que l’on rende sa légitimité et sa force au pouvoir législatif, tout en assumant pleinement l’héritage gaulliste, celui d’un exécutif fort et stable, capable de gouverner le navire France.

Les concepteurs de la Ve République voulaient garantir l’indispensable stabilité gouvernementale, pour mettre fin aux excès insupportables de la IVRépublique. Cinquante ans après, force est de constater qu’ils y sont parvenus. Mais nous savons tous aussi que nous avons remplacé les excès de la IVe par d’autres excès, tout aussi pervers. La conjugaison d’un mode de scrutin exclusivement majoritaire à deux tours et d’un arsenal constitutionnel anti-Parlement à la disposition permanente du Gouvernement a progressivement privé le Parlement du pouvoir de peser réellement sur le cours des décisions importantes. En réalité, que ce soit sous les majorités de droite ou sous celles de gauche, dans 99 % des cas, le Gouvernement décide et le Parlement exécute !

C’est si vrai que, depuis des années, nombre d’acteurs politiques répètent à l’envi que le rôle essentiel du Parlement n’est plus de légiférer, mais de contrôler l’action du Gouvernement. Je ne nie pas que le contrôle de l’action gouvernementale est une mission essentielle qui nous incombe – mission qui est d’ailleurs à peu près aussi importante dans les faits qu’elle est inexistante dans nos travaux. Pour autant, nous ne partagerons jamais la conception selon laquelle le Parlement ne légifère qu’à la marge, au fallacieux prétexte que le Gouvernement doit pouvoir gouverner, ce qui reviendrait à dire qu’il doit avoir les mains libres.

Dans tous les pays de l’Union européenne, dans tous les États occidentaux, les gouvernements gouvernent et négocient leurs projets de loi avec leurs majorités parlementaires. Nous savons tous que cela ne se passe pas ainsi dans notre pays. La culture de la négociation législative n’est pas celle des gouvernements successifs de la Ve République, et cela est dû au déséquilibre des pouvoirs au sein de nos institutions. C’est si vrai, si profondément ancré dans les esprits, que si, par extraordinaire, le Parlement vote une disposition contraire aux souhaits du Gouvernement, on parle immédiatement de crise ou de conflit, là où un pays démocratiquement mûr ne verrait que le cours normal du débat législatif. Ainsi, alors que, dans le débat constitutionnel actuel, l’exécutif se plie, pour une fois, à l’exercice normal de la démocratie en modifiant profondément son texte originel, sans les inutiles crispations habituelles, son attitude est injustement raillée et critiquée.

C’est pourtant ainsi qu’une démocratie, où les pouvoirs d’un gouvernement fort sont équilibrés par ceux du Parlement, devrait toujours fonctionner, permettant aux lois communes d’être plus justes et mieux acceptées, car mieux comprises par les citoyens. Ce n’est que si l’essentiel de sa politique était remise en question que nous devrions considérer que la responsabilité du Gouvernement peut être mise en cause. Au lieu de cela, il y a quelques mois, un gouvernement précédent s’est offert le ridicule de « dégainer », comme on dit, l’article 49-3 sur un texte aussi peu fondamental que celui traitant du téléchargement sur internet.

Pour stabiliser l’exécutif, notre Constitution a versé dans ses propres excès, qui consistent dans l’hypertrophie de l’exécutif et la très grande marginalisation du Parlement. Lorsqu’on a la chance d’être, comme nous aujourd’hui, constituants, on doit toujours avoir à l’esprit cette merveilleuse formule de Montesquieu, qui constate sans détours que « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

M. Jean-Pierre Brard. Montesquieu disait mieux !

M. Jean-Christophe Lagarde. Le comité dirigé par Édouard Balladur ne dit pas autre chose, lorsqu’il écrit dans son rapport : « Les institutions de la Ve République ne fonctionnent pas de manière pleinement satisfaisante. Et en dépit des nombreuses révisions constitutionnelles intervenues ces dernières années [...] les institutions peinent à s’adapter aux exigences actuelles de la démocratie. » Quand on connaît le sens de la litote d’Édouard Balladur, on mesure la sévérité de ce constat.

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce rapport recommande d’encadrer davantage l’exercice des attributions que le Président de la République tient de la Constitution elle-même, de renforcer le Parlement, d’améliorer la fonction législative, de desserrer l’étau du parlementarisme dit « rationalisé », de revaloriser la fonction parlementaire, de doter les groupes minoritaires de droits garantis, de renforcer le pouvoir et les moyens de contrôle du Parlement. Telles sont, pour le comité, les grandes lignes du nécessaire rééquilibrage de nos institutions.

Les modifications qui ont été apportées à la Constitution depuis 1958 ont bouleversé de façon majeure l’équilibre institutionnel de départ. Mais elles n’ont jamais revêtu l’ampleur du projet de révision constitutionnelle qui nous est proposé aujourd’hui. En effet, celui-ci est d’une importance majeure ; il s’agit même de la plus importante révision depuis 1962.

Depuis cette date, la légitimité d’un Président de la République élu au suffrage universel n’a, à l’évidence, plus rien à voir avec celle d’un Président de la République élu par un vaste collège de grands électeurs. L’adoption du quinquennat, en 2000, a renforcé le caractère présidentiel du régime politique de notre République, puisque l’élection présidentielle et les législatives sont désormais concomitantes. À ce propos, je me disais tout à l’heure, en écoutant Arnaud Montebourg – qui faisait partie de la majorité socialiste qui a instauré le quinquennat à l’origine de la dérive présidentialiste qu’il dénonce jour après jour, et qui a refusé d’en assumer les conséquences en renforçant les pouvoirs du Parlement – …

M. René Couanau. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. …je me disais donc qu’Arnaud Montebourg était beaucoup plus exigeant avec François Fillon et Nicolas Sarkozy qu’il ne le fut avec Lionel Jospin et ses amis.

M. Jean-Pierre Brard. Il a le droit à l’erreur !

M. Jean-Christophe Lagarde. En effet, cette importante réforme qu’est le quinquennat n’a pas été menée jusqu’au bout. Cette révision a profondément modifié l’équilibre de nos institutions. Du Président arbitre, nous sommes passés au Président partisan, d’un présidentialisme limité par la possible cohabitation à un présidentialisme totalement affranchi de tout contre-pouvoir.

Le projet de loi constitutionnelle que propose le Gouvernement tire les conséquences de la réforme du quinquennat, ce que les gouvernants de l’époque n’avaient pas voulu faire. Force est de constater que le Président de la République actuel est le premier à proposer un tel rééquilibrage. Combien de ses prédécesseurs ont critiqué les dérives présidentialistes du régime, pour finir par se lover dans ce costume institutionnel et embrasser le rôle du monarque républicain ?

M. Jean-Pierre Brard. C’est de l’idolâtrie !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mitterrand est sans doute le plus célèbre d’entre eux, et c’est celui qui aura gardé ce costume le plus longtemps, monsieur Brard.

C'est donc l'actuel chef de l'État qui a fait, dans ce domaine, des propositions. Le Nouveau Centre n'aurait certes pas réformé la Constitution de la sorte s'il en avait eu le pouvoir. Ce texte n'est pas celui que nous aurions écrit. Nous y retrouvons toutefois certaines de nos propositions : un exécutif fort, certes, mais un parlement responsable ; une démocratie stable, bien évidemment, mais respectueuse du pluralisme.

La navette parlementaire a permis au texte d'enregistrer des avancées appréciables. Nous nous apprêtons à moderniser nos institutions, en donnant notamment plus de place aux citoyens qui pourront, appuyés par leurs parlementaires, non seulement obtenir un référendum de leur propre initiative mais également voir garanti le respect de la Constitution lorsqu’il s’agit de lois qui s’appliquent à eux.

Nous voulions un exécutif stable : votre projet garantit cette exigence. Nous voulions des droits nouveaux pour le Parlement : certains ont été retenus par nos assemblées, qu'il s'agisse d'un meilleur contrôle de l'ordre du jour parlementaire, de la limitation du 49-3, de l'encadrement des nominations individuelles par le chef de l'État ou par les présidents des assemblées, du droit de résolution, du droit d'initiative parlementaire élargi, ou encore de l'obligation, pour la première fois dans notre histoire, d'informer le Parlement et de débattre des interventions militaires extérieures, ce qui met fin à une détestable exception française à travers le monde, qui faisait de nous le seul pays démocratique où l'exécutif pouvait envoyer mourir de jeunes Français à la guerre sans même s'en expliquer.

M. Jean-Pierre Brard. Cela continuera !

M. Jean-Christophe Lagarde. De même, la possibilité pour le Parlement d'être assisté par le Conseil d'État ou la Cour des comptes donnera plus de force aux propositions parlementaires, évitant ainsi qu'il nous soit régulièrement répondu par le Gouvernement que ce que nous avons fait est mal fait, mal écrit, mal compris, voire mal pensé. Nous apprécions par ailleurs que notre constitution s'apprête enfin à reconnaître le rôle et l'importance des langues régionales dans notre pays.

Le Nouveau Centre souhaitait que notre loi fondamentale oblige à la responsabilité en matière budgétaire car, depuis au moins trois décennies, les gouvernements qui se succèdent dépensent en laissant la facture aux suivants. Le résultat est que nous avons alourdi à hauteur de près de 1 300 milliards d'euros, rien que pour le budget de l'État, les charges qui pèseront pendant des décennies sur la tête de nos enfants. C'est chose faite, puisque, pour la première fois dans la Constitution, il est affirmé la nécessité de concilier les deux exigences de la pluriannualité budgétaire et de l'objectif d'équilibre des comptes publics. C'est plus qu'un progrès : si, nous, parlementaires, savons nous en saisir, ce sera une vraie révolution dans les politiques budgétaires de la France.

Ainsi, la réforme proposée nous paraît, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, aller dans le bon sens. Toutefois, pour qu’elle puisse emporter notre adhésion, nous souhaitons l’améliorer encore.

Alors qu’un rééquilibrage est nécessaire pour que le Parlement maîtrise mieux son ordre du jour et retrouve ses droits, nous ne comprenons pas le choix du Sénat de revenir en arrière et de refuser un partage équitable de l'ordre du jour avec le Gouvernement. Nous souhaitons sur ce point que notre Assemblée rétablisse ce qu'elle avait voté en première lecture. Le rôle du Parlement ne saurait être renforcé si celui-ci ne peut décider de l'organisation de son travail. Il ne s'agit pas d'empêcher le Gouvernent d'agir, bien au contraire, puisque celui-ci gardera la primauté pour les textes majeurs, mais de sortir le Parlement de l'infantilisation dans laquelle il est placé.

Cela vaut également dans le domaine des affaires européennes, qui dictent aujourd'hui l’essentiel de notre législation, ainsi que dans le domaine des interventions militaires et des affaires étrangères. Il faut, comme le font du reste la plupart des parlements européens, que notre parlement puisse suggérer des orientations au Gouvernement et non pas seulement répondre aux décisions de celui-ci.

Nous voulons évidemment depuis longtemps que nos institutions, à commencer par le Parlement, respectent le pluralisme, qu'il s'agisse de son mode d'élection, qui n’est pas d’ordre constitutionnel, ou du droit des groupes qui le composent. Nous nous réjouissons que les nominations du Président de la République et des présidents des assemblées soient enfin soumises à l'avis du Parlement qui pourra s'y opposer. Nous nous réjouissons également de l'introduction de certains droits pour les groupes parlementaires qui composent nos assemblées et font vivre le pluralisme dans le débat démocratique.

Nous voulions que notre constitution reconnaisse le pluralisme et la diversité des courants d'opinion comme ferments de notre démocratie : c'est en passe d’être réalisé.

Nous nous sommes battus, au Nouveau Centre, contre l'instauration d'un bipartisme réducteur, éloigné de la conception française du débat et de la démocratie, et pour que les groupes aient des droits qui leur soient reconnus au Parlement : nous nous réjouissons des avancées en la matière, notamment de l’engagement du président Bernard Accoyer relatif aux commissions d’enquête. Nous regrettons toutefois l'obstination de la commission des lois de l'Assemblée nationale à refuser aux groupes parlementaires la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel, disposition sagement introduite par nos collègues sénateurs. Cela demeure pour nous un point de blocage puissant à l'adhésion unanime de notre groupe au texte qui nous est soumis.

L'élargissement de la saisine du Conseil, qui, je l'espère, deviendra Cour constitutionnelle, va dans le sens d'une plus grande transparence de nos institutions et d'un plus grand respect de la hiérarchie des normes par le contrôle démocratique, parlementaire et citoyen, avec l'introduction de l'exception d'inconstitutionnalité. Allons dès lors jusqu'au bout de la logique : si les citoyens peuvent demain se protéger contre l'inconstitutionnalité d'une loi, au nom de quoi voudrait-on empêcher un groupe parlementaire de le faire en amont ?

Nous souhaitons également que le Parlement dispose d'un plus grand nombre de commissions. Un des instruments dont le législateur constitutionnel de 1958 s'est servi pour le corseter était en effet de limiter à l’excès le nombre de celles-ci, de façon à leur interdire de travailler dans le détail. D'autres parlements, ceux d'Allemagne, de Grande-Bretagne ou d'Espagne, notamment, ont deux à trois fois plus de commissions que le nôtre et ils travaillent mieux. Si le projet de loi propose d'augmenter leur nombre, nous souhaitons, comme le montrent nos amendements, aller un peu plus loin que lui dans ce domaine.

Vous l'avez compris, madame la garde des sceaux, fidèle aux idées institutionnelles que l'UDF a toujours défendues, le Nouveau Centre est prêt à soutenir ce projet de loi s'il conserve ses avancées en matière d'impartialité de l'État et de pluralisme politique, notamment en ce qui concerne les droits de l'opposition et des groupes, qui sont des droits nouveaux et significatifs donnés aux parlementaires. Nous veillerons à la cohérence de nos débats et au respect des engagements du Gouvernement en deuxième lecture.

Nous avons œuvré ensemble pour moderniser nos institutions et les rendre plus démocratiques. Il est de notre responsabilité d'aller jusqu'au bout de cette démarche pour que cette réforme soit une réforme utile, qui sortira la démocratie française de sa léthargie, redonnera des pouvoirs et des droits aux citoyens, imposera la responsabilité budgétaire aux gouvernants et permettra le partage des décisions afin de les légitimer aux yeux de nos concitoyens.

Si le Gouvernement respecte ses engagements et si une majorité des trois cinquièmes est réunie à Versailles, nous aurons, mes chers collègues, plus de responsabilités et plus de pouvoirs. Nous donnerons surtout la possibilité à notre démocratie d’être un peu moins virtuelle et d’entrer réellement dans le monde de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Quel découpage électoral avez-vous promis au Nouveau Centre pour obtenir un discours à ce point idolâtre ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ne sommes pas à Montreuil !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jean-Pierre Brard. Un autre idolâtre !

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le débat sur la révision de la Constitution entre dans une nouvelle phase avant son aboutissement espéré au Congrès. L'enjeu reste le même : il est de modifier, en l'équilibrant davantage, la règle commune qui régit notre fonctionnement et définit les relations entre les pouvoirs. Il n'y aura ni vainqueurs ni vaincus à l’issue de cette révision constitutionnelle : seule la citoyenneté sortira gagnante. En revanche, si le projet échoue, nous serons tous perdants : le Parlement, le renouveau de la vie politique et le citoyen.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Jérôme Chartier. Pouvons-nous arrêter une minute de raisonner en termes manichéens et regarder ce texte sans passion inutile ni a priori ? Ce n'est pas en termes de succès ou d'échec du Président de la République, du Gouvernement ou de la majorité qu'il faut situer le débat, mais uniquement en termes de gain pour la démocratie.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas un discours, c’est un prêche !

M. Jérôme Chartier. Nous sommes en deuxième lecture d'un texte que trois éléments clefs caractérisent : la diversité des questions abordées, le renouveau du Parlement et la transparence des méthodes de gouvernance.

En ce qui concerne la diversité des questions, quelle révision, jusqu’à présent, a touché – je cite à dessein un grand nombre de sujets qui restent aujourd'hui en débat – au droit de grâce, au nombre maximum de parlementaires, monsieur Roatta, au statut des anciens présidents de la République, aux pouvoirs de nomination, aux procédures parlementaires, au patrimoine constitué par les langues régionales, au défenseur des citoyens ou défenseur du droit, aux modalités de saisine du Conseil constitutionnel, au Conseil supérieur de la magistrature – je salue la présence de M. Dominique Perben, ancien garde des sceaux – ou encore à la francophonie ?

Nous pouvons tous le reconnaître, ce débat constitutionnel n'a éludé aucun sujet. C'est là son premier intérêt, auquel, madame la garde des sceaux, le second colle immédiatement : l'esprit constructif du Gouvernement, et ce depuis le départ.

M. Jean-Pierre Brard. Le départ de qui ? (Sourires.)

M. Jérôme Chartier. Pas le vôtre, monsieur Brard, car vous nous manqueriez.

Mes chers collègues, le chef de l'État annonçait lui-même dans son discours sur les institutions prononcé à Épinal – qu’on appelle aussi discours d'Épinal, sans doute en hommage au président Philippe Séguin – que tout n'était pas ficelé au départ : les réflexions de la commission Balladur comme le nombre d'amendements adoptés au cours de la discussion ont montré à cet égard l'ouverture de l'exécutif et l'apport considérable du Parlement : il ne faut pas le nier. C’est pourquoi ceux qui cherchent encore des motifs pour justifier un vote politicien, en reprochant à ce texte d’être la réforme du Président et du Premier ministre, se trompent : c'est vrai, cette réforme est portée par le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement, mais elle a été également enrichie de façon significative par un parlement plein de convictions et de détermination.

En effet, le débat est sorti, sur bien des points, des sentiers battus et c'est tant mieux. Je me réjouis, par exemple, qu'un compromis semble être trouvé sur les langues régionales.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Jérôme Chartier. Leur reconnaissance au titre patrimonial ne peut pas et ne doit pas porter atteinte à la langue de la République. C'est un exemple de rapprochement de points de vue, monsieur le rapporteur. Le travail accompli par le Gouvernement, par vous-même et par le rapporteur du texte au Sénat, a permis d'imaginer un contenu qui serait adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Mes chers collègues, le groupe de l’UMP – c’est de sa responsabilité – veillera à ce que cette version commune aux deux assemblées puisse trouver une issue favorable dès cette lecture.

Le renouveau du Parlement est indéniablement le fil directeur de cette révision. Certains ont critiqué ce texte en y cherchant un renforcement des pouvoirs du Président – on l’a entendu tout à l’heure : c'est totalement faux, si on veut bien regarder la réalité des dispositions en discussion. Ainsi, le droit de parole, qui s'ajoute au droit de message, n'est pas exactement ce qu'avait souhaité initialement le Président, convenons-en. En quoi, du reste, ce droit porte-t-il atteinte à nos droits de parlementaires ? En revanche, comment ignorer toutes les dispositions du projet de loi constitutionnelle qui desserrent les contraintes pesant sur les assemblées ? Soyons réalistes : depuis que je siège à l'Assemblée, j'entends, comme vous, comme beaucoup, la complainte du résigné ou du désabusé. Chacun connaît le spleen du parlementaire, qui cherche à faire avancer une idée mais est bloqué ou enserré par les procédures et sent sur lui le poids de l'exécutif. Eh bien, ce poids, le projet de révision l'allège : il n’est qu’à citer les mesures relatives à l’article 49-3, à l’ordre du jour, au nombre de commissions, qui passe à huit, ou à l’examen du projet de loi dans le texte issu de la commission. Cette réforme, qui reconnaît et valorise le travail des commissions, est indispensable : plutôt que des hémicycles déserts, comme aujourd'hui, il vaut mieux des commissions qui travaillent et des parlementaires actifs et impliqués dans leur mission de législateur et de contrôleur de l'action et des réformes.

M. Didier Migaud. C’est vrai.

M. Jérôme Chartier. Mes chers collègues, allons-nous passer à côté de tout cela ? Cette réforme est une occasion unique de moderniser les procédures. Allons-nous refuser les délais de réflexion entre le dépôt d'un texte et son examen en séance, que toutes les majorités successives ont toujours réclamé ? Allons-nous protester contre la limitation du recours à l'urgence ? Allons-nous dénigrer le contrôle des opérations militaires et la référence à l'évaluation législative ? Non, nous ne devons pas renoncer à ces efforts pour une action politique transparente.

Reconnaissons-le au moins : nous sommes tous convaincus que la transparence et le débat sont la marque de la richesse de la démocratie et non d'un affaiblissement de l'État. Instaurer un « défenseur des droits », comme l'appelle le Sénat – ne nous arrêtons pas au nom, dont nous débattrons –, est une excellente chose. Moderniser le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature est très souhaitable. Quant à établir une exception d'inconstitutionnalité, c'est admettre une démocratie juridique et donner la possibilité au citoyen d'être un acteur du droit. Affirmer, enfin, le pluralisme ou imposer une transparence dans le découpage des circonscriptions ou un contrôle des nominations, n'est-ce pas faire régresser, partout, le risque d'arbitraire ?

Alors, je vous le demande : allons-nous vraiment accepter de passer à côté de tout cela ?

Naturellement, chacun peut regretter tel ou tel point de compromis et j'ai, moi aussi, quelques regrets parmi de nombreux points de satisfaction.

Ainsi, je pense que le retour en grâce des résolutions qui, tordant le cou aux lois mémorielles, bénéficient d’une rédaction améliorée prenant appui sur une disposition de 1959 que n’auraient pas renié les créateurs de la Constitution, est une bonne chose. J’ai cependant un regret : le fait que la jurisprudence ne soit pas assouplie en ce qui concerne le lien – aujourd’hui encore trop sévère – entre le texte débattu et l’amendement. Mais notre débat est le fruit d’un compromis et le Sénat a lui-même consenti des efforts.

Chacun, ici, connaisseur du travail parlementaire et des institutions de la Ve République, sait que nous sommes parvenus à un compromis centré sur l’essentiel. En effet, les détails ne doivent pas occulter l’ensemble, c’est-à-dire le formidable vecteur de modernisation des institutions que représente ce texte. Seulement, certains détails n’en sont pas et c’est la raison pour laquelle je réaffirme ici mon attachement au régime concordataire qui, s’il est un héritage de l’histoire pour la plupart des Français, reste un patrimoine vivant autant qu’un symbole pour l’Alsace et la Moselle.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Jérôme Chartier. Je suis heureux que de nombreux orateurs aient pris la parole, ces derniers jours, pour marquer leur attachement au concordat, à son rôle et à sa place totalement reconnus par la commission Stasi sur la laïcité, ce qui montre que l’on peut être attaché à la laïcité et veiller à ce que cet héritage de l’histoire demeure dans le patrimoine et dans les coutumes de l’Alsace et de la Moselle.

M. René Couanau. Il faut l’étendre à la Bretagne !

M. Jean-Pierre Brard. Quelle confusion !

M. Jérôme Chartier. Alors, mes chers collègues, après avoir rappelé les principales mesures de ce projet et au moment où nous abordons à nouveau un débat qui promet d’être passionnant, je vais dire oui. Oui à une démocratie plus sereine, plus respectueuse des droits du Parlement, plus soucieuse de décisions partagées et publiques. Oui à ce qui vient limiter les pouvoirs sans discussion du chef de l’État : le droit de grâce, les nominations, ainsi que la présidence du Conseil supérieur de la magistrature qu’il n’exerçait déjà plus de fait et qu’il n’exercera plus formellement. Oui à un nouveau partage des pouvoirs en faveur du Parlement, à un débat plus équilibré, plus respectueux du dialogue entre Gouvernement et parlementaires, plus reconnaissant des droits de l’opposition et des pouvoirs de contrôle.

À l’aube de ce débat en deuxième lecture, chacun d’entre nous va pouvoir mesurer les progrès que représente ce projet. Le refuser serait incontestablement laisser passer une chance et, si ce texte n’est pas adopté, je crains, pour ma part, que ce refus ne soit en réalité une régression. Car quiconque refuse de progresser dans son autonomie et ses responsabilités n’en sort véritablement indemne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque le débat sur la révision de notre constitution a été lancé voilà maintenant près d’un an, l’espoir était grand qu’il débouche sur la modernisation tant attendue de nos institutions. À gauche comme à droite, nous étions nombreux à considérer qu’il était temps de rééquilibrer les pouvoirs. Depuis des années, en effet, rien n’est devenu plus consensuel que de déplorer sur tous les bancs l’effacement du Parlement, rien n’assure mieux les suffrages que de revendiquer une meilleure reconnaissance du citoyen, tant il est vrai que notre régime souffre d’une grave crise de confiance – Jean-Jacques Urvoas vient de le rappeler avec force.

Résultats de la réflexion collective d’éminents spécialistes de tous bords, les conclusions du comité Balladur, mis en place par le Président de la République, ont donc été accueillies avec l’attention qu’elles méritaient, et c’est avec l’ambition de participer à la construction de cette maison commune que l’ensemble des députés du groupe socialiste a abordé la discussion de votre projet loi, en mai dernier.

Avec de nombreux collègues, j’ai voulu croire à cette démarche alors même que d’autres commençaient à douter très sérieusement de la volonté qui animait le Gouvernement. Nous avons donc pris la liberté d’affirmer notre conviction que l’importance de la tâche – donner des pouvoirs nouveaux de contrôle et d’initiative au Parlement – justifiait de faire vivre jusqu’au bout l’espoir d’un consensus, d’un compromis.

Plusieurs dispositions du projet pouvaient, en effet, concourir utilement à renforcer les droits du Parlement et du citoyen : le partage de l’ordre du jour, l’encadrement de la procédure d’urgence, la reconnaissance du statut de l’opposition, la création d’un référendum d’initiative populaire. Toutes ces mesures devaient faire l’objet d’un débat dépassant les clivages partisans.

Aujourd’hui, hélas, c’est cette même liberté et ce même souci d’objectivité qui me conduisent à constater que le compte n’y est pas et que la chance historique risque fort de tourner en lamentable gâchis. Je vous le dis : le Gouvernement, la majorité en porteront seuls la redoutable responsabilité. À l’occasion de la première lecture à l’Assemblée, vous auriez dû prendre et construire – parce qu’il s’agissait de votre responsabilité –, avec nous, des engagements suffisamment forts pour qu’ils puissent s’imposer jusqu’au Sénat et à sa majorité conservatrice. Vous portez la responsabilité de ne pas l’avoir fait !

M. Arnaud Montebourg. Bien sûr !

M. Manuel Valls. À l’ouverture du débat parlementaire, mon groupe a souhaité apporter sa pierre à l’édifice, non pas en posant des conditions mais en affirmant des exigences pour rénover notre démocratie et en ouvrant des réflexions sur certaines avancées. Or pas une d’entre elles n’a été réellement débattue, alors même qu’elles constituent des conditions essentielles de la modernisation de nos institutions.

À notre époque, où l’accès aux médias est un enjeu décisif, il n’est pas acceptable que l’un des acteurs politiques – le premier d’entre eux en l’occurrence – y dispose d’un droit d’entrée illimité. S’il est légitime qu’il puisse s’y exprimer en toute liberté lorsqu’il parle au nom de tous les Français, cette latitude ne doit pas être étendue lorsqu’il y parle en qualité de chef de la majorité – c’était encore le cas il y a quelques jours devant le conseil national de l’UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Manuel Valls. Cette exigence est aujourd’hui d’autant plus grande que – Arnaud Montebourg le rappelait il y a un instant – les déclarations récentes du Président de la République ont provoqué de graves inquiétudes quant à l’indépendance du service public de l’audiovisuel.

Pourtant, toutes nos propositions tendant à encadrer le temps de parole présidentiel ont été balayées par les parlementaires de la majorité. Seul le président de l’Assemblée et Édouard Balladur ont osé relayer, timidement mais courageusement, notre revendication. Hélas ! Leurs initiatives se sont heurtées, comme les nôtres, au mur de l’indifférence.

En ce qui concerne le collège électoral du Sénat, le constat est encore plus amer. Avec peine, nous avions pu convaincre l’Assemblée qu’il fallait, au minimum, que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population ». C’est bien le moins lorsque l’on sait son déficit actuel de représentativité. Seulement voilà, c’était déjà trop ! Or la majorité des sages de la Haute assemblée ont jugé que cette humble avancée pourrait – un jour lointain, dans dix ans ou vingt ans peut-être – menacer le monopole dont ils jouissent depuis plusieurs générations ! Une telle frilosité en dit beaucoup sur le sens du compromis qui les anime.

Ce conservatisme étriqué les a encore conduits à refermer d’autres portes ouvertes par notre assemblée. Parmi elles, le sort réservé au référendum d’initiative populaire – dont se félicitait à l’instant le Premier ministre – est l’un des plus problématiques. Sa suppression pure et simple aurait été une provocation trop voyante pour ne pas être sans risque. Il a donc été assorti de conditions qui rendent son application tout à fait impossible.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous les supprimerons !

M. Manuel Valls. Pourtant, sa mise en place offrirait un moyen idéal pour restaurer la confiance dans le bon fonctionnement de nos institutions. Trop souvent, nos concitoyens ont le sentiment d’être les soldats inconnus de la République. Il est grand temps qu’ils puissent s’associer aux prises de décisions en dehors des échéances électorales. Pour lutter contre la défiance croissante envers les supposées élites, il était urgent d’ouvrir un nouveau droit qui rappelle qu’en République la seule élite qui vaille est celle des citoyens rassemblés.

Non, décidément, votre projet de loi n’est pas sorti grandi de la navette parlementaire ! Et si notre commission des lois a eu la sagesse de rétablir de nombreuses dispositions – je rends hommage à son président et rapporteur, qui a souvent cherché le compromis –, tout reste à faire dans cet hémicycle pour que le Sénat ne soit pas, selon la juste formule d’Arnaud Montebourg, ce « triangle des Bermudes » dans lequel viennent s’échouer la plupart des révisions constitutionnelles.

Assurée de pouvoir exercer son droit de péage, la majorité sénatoriale a de nouveau profité de l’occasion pour défendre ses privilèges et accroître ses prérogatives, disposant ainsi d’un véritable droit de veto. Ce faisant, elle donne plus encore raison à ceux qui estiment qu’une modification ambitieuse de la Constitution et du collège électoral du Sénat ne pourra être conduite à l’avenir que par le recours à l’article 11.

À l’heure où commence la seconde lecture du projet de loi, reste-t-il encore, mes chers collègues, quelques motifs d’espérer un consensus qui permette l’adoption de ce texte ? Plusieurs appels pressants ont été lancés, ces derniers jours, pour sensibiliser le Président de la République et le Gouvernement sur les risques d’un échec.

Mais le Gouvernement ne donne plus aucun signe d’ouverture. Occupé à redécouper les circonscriptions électorales et à tripatouiller les modes de scrutin pour les régionales, il nous laisse bien peu d’espoir d’être entendus au sujet d’un point pourtant capital qui figure au dernier alinéa de l’article 9 du texte. Sachant quelle est la majorité des Français qui vivent à l’étranger, prévoir leur représentation, parmi les 577 députés actuels, par douze députés spécifiques, sans scrutin proportionnel, avec un découpage électoral impossible sinon ridicule, revient à retrancher autant de sièges sur les bancs de la gauche. Une manœuvre aussi grossière et malhonnête pourrait suffire, à elle seule, à justifier notre opposition au texte.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Cela figurait dans vos propositions !

M. Manuel Valls. Monsieur le secrétaire d’État, discuter de cette question en même temps que nous discutons de la réforme de notre Constitution, montre bien que vous n’avez pas entendu notre appel.

Il est vrai que le Gouvernement est, par ailleurs, fort occupé à gérer les divisions et les équilibres internes à sa majorité. La question du référendum relatif à l’adhésion de la Turquie est, à cet égard, tout à fait symbolique et il a fallu toute l’imagination du rapporteur pour trouver une solution en attendant la prochaine. Avec une franchise qui l’honore, un député de l’UMP – dont je tairai le nom pour ne pas m’attirer les foudres de M. Laffineur – a reconnu qu’à droite, « personne ne veut de la Turquie, mais qu’on n’ose pas l’inscrire dans la Constitution et qu’on va de compromis bancal en compromis bancal ».

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Pas du tout !

M. Manuel Valls. Ainsi donc marche la révision constitutionnelle, cahin-caha et droit dans le mur ! Trop peu sûre de sa propre cohésion, la majorité ne veut plus prendre le risque de se briser en pratiquant des ouvertures vers l’opposition, en cherchant le compromis historique indispensable pour réformer le texte fondamental. Qui peut encore croire, dans ces conditions, aux chances d’aboutir à un projet partagé ?

Le Gouvernement semble, en tout cas, y avoir lui-même renoncé – disons-le clairement. Loin de chercher les voies d’un large consensus, il reconnaît désormais publiquement miser sur l’abstention d’une vingtaine de parlementaires et sur le débauchage d’un plus faible nombre encore. De tels petits calculs ne sont pas ceux que l’on attend d’un pouvoir conscient de l’importance de sa responsabilité.

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

M. Manuel Valls. Là où l’on pouvait espérer dégager des lignes claires pour le plan de notre maison commune, tout se termine dans le gribouillage.

M. Arnaud Montebourg. Bravo !

M. Manuel Valls. Ce n’est pas une affaire de troc et encore moins une affaire de générations – que M. Copé l’entende – mais de conviction !

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Manuel Valls. Ce spectacle n’est pas fait, hélas, pour renforcer la confiance de nos concitoyens en leurs institutions. Il pourrait, bien au contraire, contribuer à aggraver la défiance qui mine notre démocratie depuis déjà trop longtemps. Et c’est là, aujourd’hui, notre principal motif d’inquiétude. Nous sommes trop soucieux du bon fonctionnement de notre régime pour voir sombrer, sans appréhension, l’opportunité de l’amender.

Il n’était pas encore trop tard pour déjouer les pronostics. Le pouvoir disposait encore du temps nécessaire pour prendre des initiatives fortes et spectaculaires qui inversent la tendance. C’était en tout cas l’espoir qui était le nôtre. Vous n’avez pas répondu à cette attente et l’intervention du Premier ministre, de ce point de vue, est des plus claires : vous seuls portez la responsabilité de l’échec de votre réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici ce soir face au projet de loi constitutionnelle revu et corrigé par la Haute assemblée. Corrections, ajouts et amendements, qui, loin de l’améliorer, l’ont rendu plus conservateur encore, qu’il s’agisse du rétablissement de l’usage du 49.3, de celui du droit de grâce tel quel, du retrait de la présence parlementaire à la commission censée cadrer certaines nominations présidentielles, de la pseudo-avancée en matière de fixation de l’ordre du jour, du refus brutal de constitutionnaliser les langues régionales et j’en passe. Tout cela nous renvoie à un statu quo ne pouvant pas dignement faire office de réforme ou, du moins, de cette réforme qu’essaie de nous vendre, bon an mal an, un gouvernement avide de faire passer ses lois plus rapidement encore.

Nous étions déjà très critiques lors de la première lecture. Ce que nous amorçons aujourd’hui, avec cette deuxième lecture, signe une fin de non-recevoir aux préalables que nombre d’entre nous, dans cet hémicycle, avions tenté de fixer fin mai. S’en remettre à la sagesse des sénateurs, comme vous l’avez fait ces dernières semaines, nous a renvoyés à une vision totalement archaïque des institutions, celles-ci devenant, pour le moins, anachroniques dans le concert des démocraties européennes : un président de plus en plus omnipotent, mais irresponsable politiquement, et un chef du Gouvernement responsable, mais impuissant.

Or cette réforme qui favorise le tout-présidentiel ne peut se faire sans qu’un certain nombre de contre-pouvoirs, essentiels à une vie démocratique saine, ait un véritable poids constitutionnel et une existence indépendante du pouvoir politique. Il devrait en aller ainsi des citoyens, de la presse et de la justice. Sans cet équilibre démocratique indispensable, la garantie de séparation des pouvoirs n’est pas établie. Mais ces contre-pouvoirs sont évidemment absents du texte que vous nous présentez. Et c’est même tout le contraire.

Loin de nous rassurer, les annonces du Président de la République à propos de la réforme de la future ex-ORTF nous remplissent d’effroi quant au régime qui est en train de se dessiner.

Alors, madame la ministre, nous sommes, certes, habitués à voir balayer nos amendements d’un revers de main par les commissions et un gouvernement qui, coûte que coûte, veut faire passer ses réformes. Nous sommes coutumiers des textes revenus du Sénat avec cette lourdeur conservatrice incapable de tenir compte de l’évolution de la société. Nous sommes tout autant habitués aux tractations politiques et politiciennes de couloirs pour que chacun arrive à ses fins. Mais là, madame la ministre, nous ne pouvons nous accommoder de ces habitudes qui nient le débat parlementaire.

D’abord, parce que cette prétendue modernisation des institutions est, à bien des égards, dans sa forme comme sur le fond, un leurre, un trompe-l’œil, une tromperie, pour ne pas dire une fourberie, qui ne fait plus illusion. À tel point, d’ailleurs, que la majorité des trois cinquièmes ne vous est pas encore acquise, les pires difficultés pour la réunir semblant venir de votre propre camp. Ensuite, parce qu’il s’agit de notre constitution, qui, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises en première lecture, ne signifie rien d’autre que les règles que nous nous fixons tous ensemble pour que, justement, les principes du « vivre-ensemble » résonnent en tous de la même manière. Mais surtout, parce que cette réforme est révélatrice des dysfonctionnements récurrents de la politique menée par votre gouvernement : vous êtes sourds au dialogue, qu’il soit politique ou social, sourds aux problèmes que rencontrent nos concitoyens, sourds aux conséquences déjà désastreuses des réformes menées depuis plus d’un an.

La place que vous réservez aux citoyens est d’ailleurs révélatrice : ils n’apparaissent que pour vous servir, en dernière instance, par d’improbables instruments qui ne peuvent en aucun cas s’apparenter à des initiatives populaires. Mais j’y reviendrai, car, vous vous en doutez, cette question me tient à cœur.

Si les Français ne vont pas dans votre sens, votre gouvernement sait malgré tout parvenir à ses fins. Il en était ainsi le 4 février dernier, lorsque le Parlement réuni en Congrès a été convoqué à Versailles pour ratifier le traité de Lisbonne et gommer un vote citoyen récalcitrant à l’Union européenne telle qu’elle est en train de se construire, mais certainement pas à l’Europe à laquelle les Français sont profondément attachés. Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre lors de la niche parlementaire que j’ai présentée en janvier dernier au nom du groupe GDR, qui entendait établir le principe selon lequel tout traité ayant fait l’objet d’un référendum devait repasser par la même procédure pour être validé définitivement.

Mais les Français se seraient trompés ! Ils n’auraient pas compris l’enjeu du débat ! Qu’à cela ne tienne ! Dans ces cas-là, le peuple doit être pris par la main, ou plutôt, repris en main, afin qu’il entende la voix de la raison, votre voix, la seule qui compte, celle qui détient la vérité, votre vérité, que vous ne cessez d’ériger de manière dogmatique afin d’éteindre tout discours quelque peu constructif ne vous convenant pas. Je ne compte plus le nombre de références à cette vérité proclamée haut et fort depuis le début de la législature, lors des questions d’actualité ou des débats parlementaires. Ces chiffres souvent tronqués, ces données transformées, ces réalités revisitées et qui, martelées tant et tant de fois, deviendraient des vérités indiscutables, inéluctables, annihilant tout principe d’opposition.

Le droit d’initiative populaire tel que voté par les députés n’avait de populaire que le nom, tant les garde-fous visant justement à empêcher toute réelle capacité d’initiative étaient importants : un dixième des citoyens, un cinquième des membres du Parlement... Autant de conditions rendant inaccessible cette initiative, la faisant plus ressembler à un référendum d’initiative parlementaire qu’autre chose. Mais les sénateurs, de peur de se faire déborder sans doute, l’ont encore plus bordé. Et à en croire certaines rumeurs, ce droit populaire, à peine consenti, est déjà complètement dévoyé en étant instrumentalisé par le pouvoir politique au motif qu’il serait le seul moyen de faire passer le fameux amendement refusant l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

Peut-être est-il ici utile de rappeler les fondements d’une initiative réellement populaire : elle est, dans une démocratie moderne et respectueuse de sa population, une procédure par laquelle un groupe de citoyens peut obtenir par pétition l’organisation d’un vote au Parlement ou un référendum sur un projet de loi, une révision constitutionnelle, ou une demande d’abrogation d’une loi. Elle peut éventuellement être encadrée, régulée en fonction du poids que l’on entend accorder au peuple souverain. Mais elle ne peut en aucun cas être un outil d’instrumentalisation du peuple en fonction des intérêts politiques d’un gouvernement qui ne saurait faire accepter ses idées autrement. Or, votre proposition révèle très clairement que les parlementaires n’accepteront l’initiative citoyenne qu’à la condition que les élus décident eux-mêmes de l’objet de cette initiative, voire de son devenir.

Ce débat était censé replacer le citoyen au cœur des institutions. Mais rappelons qu’il a d’abord été oublié pour mieux être récupéré, parce que dérangeant. Cette stratégie est symptomatique et révélatrice de votre politique, de votre manière de faire et surtout de votre mode de gouvernance, aux antipodes d’un réel débat démocratique. Au contraire, alors que la seule question qui devrait prévaloir était celle de savoir comment en finir avec le divorce de plus en plus marqué entre les citoyens et leur République – ce dont nous ne pouvons nous accommoder –, nous voilà en train d’essayer de colmater des brèches, de boucher des fissures.

Or, c’est l’ensemble des facettes politiques, de l’architecture institutionnelle à la participation citoyenne, dans toutes ses dimensions, qui doit être pris en compte pour redonner sens et goût au politique, à la chose politique, à ce qui fait et doit faire sens collectivement. Voilà ce qui devrait fixer notre ligne de conduite et notre mission. Nous en sommes évidemment très loin, tout comme nous sommes très loin des préalables indispensables qui auraient dû participer de ce projet de loi constitutionnelle, et sans lesquels toute discussion, toute volonté de modernisation des institutions ne peut réellement être prise au sérieux.

Il en va ainsi de l’inscription du mode de scrutin proportionnel, seul garant du pluralisme politique ; de la réforme du Sénat dont on voit bien la capacité d’inertie et de blocage institutionnels ; de la question du cumul et de la durée des mandats, qui constituent aujourd’hui un obstacle à un renouvellement de la classe politique, transformant petit à petit une fonction en un métier ; de la question, qui en est le corollaire, du statut de l’élu ; du droit de vote des étrangers, reconnaissance indispensable du rôle qu’ils jouent depuis des décennies dans la vie économique et sociale de notre pays ; enfin du pluralisme des médias, seul garant d’une vie démocratique non inféodée à un pouvoir politique. Ce sont autant de points que nul ne peut omettre, voire éviter, comme vous l’avez fait pendant les longues heures de débats auxquelles nous avons participé.

Et ces questions, loin d’être des lubies, sont fondamentales. Leur prise en compte révélerait de votre part, une véritable volonté de réconcilier les citoyens avec la politique en se donnant les moyens d’une représentation nationale plus équilibrée, reflet de la diversité, de la jeunesse et de la vivacité de la société française du XXIsiècle.

Madame la ministre, il serait grand temps que le Gouvernement se ressaisisse et se souvienne que la Constitution, c’est d’abord l’établissement de règles et de procédures démocratiques touchant à la séparation des pouvoirs, au respect et au renforcement des contre-pouvoirs, à la diversité des expressions publiques, à la valorisation de la citoyenneté.

Il est par ailleurs troublant de voir à quel point vous maniez l’art et la manière de créer les conditions de votre réforme avant qu’elle ne soit votée, adoptée et décrétée. Que dire, en effet, des rendez-vous à la chaîne que M. Marleix organise place Beauvau, avec une partie des acteurs politiques, en vue de redessiner la carte des circonscriptions, quand le Parlement planche sur la création d’une commission censée encadrer ce processus ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne sais pas si c’est vrai, mais en tout cas, moi, je n’ai jamais été invité !

M. Patrick Braouezec. Que dire encore de cette « réforme » des comptes rendus de séances qui est, en ce moment, l’objet d’une large mobilisation du personnel de l’Assemblée nationale ? Personnel qui loin d’être empreint, pour reprendre vos termes, monsieur le président, « d’un excès de conservatisme, pour ne pas dire de corporatisme », se soucie principalement de l’avenir des comptes rendus, qu’ils soient analytiques ou intégraux, et ce dans le respect de ce que nous impose la Constitution afin que ce service d’intérêt public bénéficie au plus grand nombre. L’article 33 de la Constitution rappelle d’ailleurs à juste titre que « le compte rendu intégral des débats est publié au Journal officiel ». Or l’objet de cette réforme est de redistribuer les forces vives de ce service vers les commissions, répondant ainsi clairement à la révision constitutionnelle qui prévoit le passage du nombre de ces dernières de six à huit. Soit dit en passant, cette évolution se fera au détriment de la qualité du compte rendu de la séance publique, pourtant essentiel à nous-mêmes, députés, mais aussi aux journalistes, aux magistrats, aux avocats, aux fiscalistes, aux historiens, et évidemment aux citoyens.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Patrick Braouezec. Ces deux exemples sont révélateurs d’une stratégie politique violant l’esprit de la réforme avant qu’elle ne soit définitivement adoptée.

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

M. Patrick Braouezec. Permettez-moi alors de m’interroger sur le rôle de nos assemblées et sur notre rôle de députés, élus au suffrage universel direct, quand le droit de veto sénatorial reste insurmontable et que le mode d’élection des sénateurs ne peut être remis en cause. Il est tout de même aberrant que l’amendement voté ici et consistant à faire en sorte que le Sénat représente enfin les collectivités territoriales en fonction, ou en tenant compte, de leur population soit « tombé ». Cela en dit long sur son incapacité à se démocratiser. Le Sénat continuera à ne représenter que lui-même, c’est-à-dire à sur-représenter les zones rurales et dépeuplées. On aurait pu attendre de la Haute assemblée qu’elle ne se fasse pas seulement la gardienne des vices originels de la VRépublique.

En contrepoint, et au plus profond de notre France contemporaine, la décision du petit conseil municipal de Chevaigné, commune d’Ille-et-Vilaine, de voter, le vendredi 27 juin, une motion refusant de désigner les délégués pour l’élection des sénateurs, dont il dénonce les privilèges, et demandant par la même occasion un référendum sur la suppression du Sénat, est à mes yeux assez exemplaire. Que répondez-vous à ces élus ?

M. Richard Mallié. Qu’il y a des sénateurs communistes !

M. Patrick Braouezec. Madame la ministre, voilà autant de préalables et de questions qui attendent de réelles réponses, et qui ne peuvent être évincés et évités, comme malheureusement vous l’avez fait jusqu’à présent.

Vous n’êtes pas en position de force. Remettez-vous-en à la sagesse du peuple ou, pour le moins, à celles et ceux qui le représentent le mieux ! Et je pense que nous sommes suffisamment nombreux pour que notre voix, nos propositions soient enfin entendues et fassent l’objet d’un véritable débat parlementaire.

Nous pensons que l’urgence n’est pas dans le vote sur ce texte constitutionnel qui ne répond pas à l’attente des Français. Il est encore temps pour vous de faire marche arrière et de proposer un vrai débat public et parlementaire sur une réforme constitutionnelle contemporaine digne de l’attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette.

M. Arnaud Montebourg. Où en est M. de Charette avec cette réforme ?

M. Hervé de Charette. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier le groupe UMP de m’avoir donné un temps de parole dans la discussion générale, puisque cela me permet de dire à cette tribune pourquoi je suis plus que réservé s’agissant de cette réforme constitutionnelle telle qu’elle se présente aujourd’hui à nous.

M. Jean-Pierre Brard. M. de Charette a de la constance dans les convictions.

M. Hervé de Charette. La France, depuis longtemps, a pratiqué une sorte d’errance constitutionnelle, recherchant pendant des générations quel régime politique pourrait bien lui convenir : l’Empire, la monarchie constitutionnelle, la République, les régimes d’Assemblée... Nous avons tout essayé !

Depuis 1958, à l’initiative du général de Gaulle, mais aussi par un consensus de toutes les grandes formations politiques françaises, notre pays, en adoptant la Constitution de la VRépublique, s’est doté d’un système institutionnel original, nourri de l’expérience accumulée, et qui a tout de suite plu aux Français, malgré les critiques des juristes spécialistes de droit constitutionnel.

En voulant, par une sorte de manie réformatrice mal placée, revisiter l’ensemble de notre Constitution, je crois donc que l’on se fourvoie. La force de la démocratie trouve sa source, non dans le caractère changeant des institutions qui la font vivre, mais dans leur stabilité et, ce point est capital, dans la force et le caractère démocratique des pratiques qui l’accompagnent. Dans notre République laïque, si quelque chose doit être sacré, c’est bien la permanence et la force de nos institutions. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je désapprouve l’idée même d’une révision générale.

Voilà pourquoi je combats une prétendue modernisation qui nous amène insensiblement mais certainement vers une sorte de VRépublique bis dont nul ne sait aujourd’hui où sera son point d’équilibre. Elle ressemble au vent du désert, dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va. C’est d’ailleurs bien le vent du désert intellectuel.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est vrai !

M. Hervé de Charette. La vacuité de nombre des modifications qui nous ont été proposées, la médiocrité de leur rédaction, la confusion qu'elles introduisent dans le texte original de la Constitution, font qu'au terme de cette réforme, la Constitution française, qui avait en 1958 quelque chose de la force de style du code civil napoléonien, aura perdu l'essentiel de cette force au profit, si j'ose dire, d'une banalisation verbeuse dont, je crois, l'espérance de vie sera faible. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Excellemment formulé !

Mme George Pau-Langevin. C’est dur !

M. Hervé de Charette. Je vois que cela vous réjouit, madame !

Je ne suis pourtant pas opposé à l'évolution du texte constitutionnel.

M. Jean-Pierre Brard. Non !

M. Hervé de Charette. Celui-ci a connu, en cinquante ans, trois grandes réformes qui, toutes, ont fait polémique, mais qui, toutes, ont été positives : l'élection du Président de la République au suffrage universel, la possibilité donnée à l'opposition de saisir le Conseil constitutionnel et la réduction à cinq ans du mandat présidentiel. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît l’importance et la nécessité d’une réforme qui améliore le travail parlementaire et renforce les pouvoirs du Parlement. C'est donc cela, et uniquement cela, qu'aurait dû proposer la réforme constitutionnelle, sur laquelle un large consensus national aurait alors été naturel. Il est, en tout cas, très clair que j’approuve et que j'approuverai la plupart des dispositions qui tendent à cet objectif.

Mes chers collègues, les institutions ne valent que par l'usage qu'on en fait. Et force est bien de reconnaître qu'il y a de la marge pour améliorer le fonctionnement de notre pratique démocratique. Les exemples ne manquent pas.

Ainsi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nos forces armées sont engagées depuis des années dans deux pays difficiles : l'Afghanistan et la Côte d'Ivoire. Qu'attend-t-on pour en débattre au Parlement et délibérer sur le maintien des choix anciens ? Faut-il vraiment réviser la Constitution pour cela ? Ne suffirait-il pas que l'exécutif renonce aux pratiques abusives de ses prédécesseurs ?

De même, la distinction entre la loi et le règlement, qui figure dans les articles 34 et 37 de la Constitution, est pratiquement tombée en désuétude. Le Gouvernement et le Parlement ne pourraient-ils réfléchir aux modalités pratiques d'un retour à cette nécessaire distinction qui est l'une des conditions sine qua non d'un travail législatif utile ?

Enfin, chacun dit vouloir revaloriser le Parlement : que vaut-il mieux pour cela ? Donner aux commissions le pouvoir de négocier avec l'Élysée quelques nominations, ou mettre un terme au cumul des mandats qui empêche le développement de vraies carrières parlementaires ?

S’agissant de l’article 49-3 ou encore de l’ordre du jour du Parlement, pourquoi faut-il changer la Constitution, alors que vous aviez, depuis un an, tout le loisir de modifier les pratiques gouvernementales et que vous ne l’avez pas fait ?

M. Arnaud Montebourg et M. Manuel Valls. C’est une bonne question !

M. Hervé de Charette. J’ai été, pendant cinq ans, membre de la conférence des présidents, j’ai vu ce qu’était l’ordre du jour. Qu’est-ce qui empêche le Gouvernement de décider que l’ordre du jour restera désormais entre les mains du bureau et de la conférence des présidents ?

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, j'entre dans le débat qui commence avec la volonté d'user de ma responsabilité d'élu pour dire ce que je crois bon pour le pays et pour voter, au terme de ce débat et au vu de ses résultats, selon la liberté et les devoirs qui sont les nôtres. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Arnaud Montebourg. Quelques applaudissements sur les bancs gaullistes !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis a été largement modifié et complété par les deux assemblées, malheureusement pas obligatoirement dans le bon sens.

Je m’exprimerai sur le seul mode d’organisation de la discussion des textes au Parlement, dont je pense qu’il peut constituer effectivement un enjeu majeur pour le rééquilibrage des pouvoirs, même si je suis de ceux qui pensent – je le dis après Hervé de Charette – que si les textes sont importants, la pratique et nos comportements peuvent l’être tout autant. Sans attendre d’ailleurs des initiatives du Gouvernement, si le Parlement le voulait davantage, un meilleur équilibre entre les pouvoirs serait déjà possible. Sortir d’une culture de démission et de soumission serait tout aussi utile qu’un nouveau texte, tel que celui qui nous est proposé.

Je veux retenir votre attention sur trois sujets : la discussion, en séance, du texte adopté par la commission saisie au fond, l’organisation de la discussion des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, le droit d'amendement du Parlement.

L'article 16 du projet nous est présenté, à juste titre, comme un élément essentiel du renforcement du Parlement. Il porte sur les délais minima dont doit disposer chaque chambre pour examiner un texte et il en organise un nouveau mode de discussion, qui placerait les commissions du Parlement au cœur du travail législatif. D'une certaine manière, il « renverse la charge de la preuve ». Je veux dire qu'il obligerait le Gouvernement à justifier sa position en séance, en cas de désaccord avec la commission, s'il souhaite obtenir le rétablissement des dispositions d'origine.

Dans ces conditions, pourquoi assortir ce principe d'exceptions aussi importantes que les projets de loi constitutionnelle, de finances et de financement de la sécurité sociale ? Ces projets – et je pense particulièrement au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale – seraient écartés en raison de leur « caractère particulier ». Deux objections sont avancées : ils sont « au cœur des prérogatives du Gouvernement dans la conduite de l’action publique » et, surtout, leur discussion est encadrée dans des délais constitutionnels qui ne peuvent être modifiés si l'on veut que ces textes puissent entrer en vigueur au 1er janvier de leur année d'application.

À mes yeux, ces objections ne tiennent pas. Il ne s'agirait en aucun cas de remettre en cause ni l'initiative gouvernementale dans ces domaines ni la nécessité d'un vote dans un temps contraint. Je suis convaincu, de même que le président de la commission des finances du Sénat – il a eu l’occasion de le dire –, que le respect de ces impératifs est parfaitement compatible avec la procédure qui deviendrait de droit commun : une discussion, en séance, sur la base du texte adopté par la commission saisie au fond.

Ma deuxième observation porte sur la discussion des PLF et PLFSS. Il est désormais admis qu'une approche globale des finances publiques est indispensable à leur pilotage à moyen terme. L'instauration du PLFSS a constitué une avancée puisque, avec le projet de loi de finances, il permet au Parlement de se saisir de près des deux tiers du champ des finances publiques. Mais le débat fragmenté que nous avons rend difficile, pour les parlementaires et pour l'opinion publique, une bonne appréhension de nos finances publiques, notamment en ce qui concerne l'évolution des prélèvements obligatoires. Il me paraîtrait bien préférable que les dépenses continuent à figurer dans deux textes distincts et qu’en revanche, on procède à l'examen, dans un même temps, des dispositions relatives aux recettes. Ce mode de discussion présenterait plusieurs avantages. Il permettrait d'avoir une meilleure vision des prélèvements obligatoires et une plus grande cohérence du débat parlementaire, qui verrait la fin du chevauchement des mesures fiscales et sociales ayant une incidence sur le budget de l'État et sur celui de la sécurité sociale.

À ce propos, je tiens à souligner l'attention que portent nos commissions des finances et des affaires sociales, à l'Assemblée et au Sénat, à la question de la maîtrise des dépenses fiscales et de celles dues aux exonérations de cotisations sociales. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé, avec Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et Yves Bur, un amendement tendant à ce que toutes les mesures de cette nature adoptées hors lois de finances et de financement de la sécurité sociale fassent l'objet d'une prorogation explicite en lois de finances et de financement de la sécurité sociale, au vu d'un récapitulatif documenté.

Ma troisième et dernière observation a trait à ce qui nous est proposé à l'article 18. Le projet initial prévoyait que le droit d'amendement s'exercerait en séance ou en commission selon les conditions et les limites fixées par les règlements des assemblées, dans un cadre déterminé par une loi organique. À ce stade, en deuxième lecture, la référence aux limites a été supprimée. Il n'en reste pas moins que les conditions du droit d'amendement des parlementaires, droit fondamental, seraient fixées dans les règlements des assemblées, dans le cadre ou non d'une loi organique, selon que l'on retient la rédaction du Sénat ou celle proposée par la commission des lois de l'Assemblée. J’y vois là – je vous demande, monsieur le président, d’y prêter attention – un recul par rapport à la situation existante et une tentation de restreindre le droit d’amendement, au prétexte d’une obstruction parlementaire, dont on voudrait faire croire qu’elle caractérise nos débats. D’une part, il n’en est rien, ou c’est tout à fait exceptionnel, et c’est faire du Parlement sa caricature que de le présenter comme irresponsable et désordonné.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Didier Migaud. Le dépôt d'amendements en masse est, de fait, rarissime. D’autre part, il est l'une des manifestations politiques de l'opposition dans un débat et il appartient aux parlementaires eux-mêmes de définir de quelle manière ils entendent s'exprimer. Pour répondre à quelques situations dérangeantes pour une majorité, il est proposé d'édicter une règle générale qui reviendrait évidemment à restreindre le pouvoir de discussion des assemblées, alors que le Gouvernement a tous les moyens constitutionnels de faire face à ces situations d'exception.

M. Arnaud Montebourg et M. Manuel Valls. Très bien !

M. Bernard Roman. Excellent !

M. Didier Migaud. Le pouvoir d'amendement est déjà suffisamment contraint…

M. Arnaud Montebourg. Suffisamment !

M. Didier Migaud. …pour que l’on n’en rajoute pas.

Je regrette, d'ailleurs, qu'il n'ait pas été donné suite aux initiatives, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, qui tendaient à redonner à nos assemblées une pleine capacité d'amendement en matière financière, en abrogeant l'article 40 de la Constitution. Cette modification aurait été la marque d'une vraie revalorisation du Parlement qui se serait vu reconnaître à la fois pouvoir et responsabilité.

Le droit d'amendement est essentiel à un bon équilibre entre l'exécutif et le législatif. Le texte que vous nous proposez, loin de l'affirmer, est en recul par rapport à la situation actuelle ; ce n’est pas le moindre de ses paradoxes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Perben.

M. Dominique Perben. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où nous nous apprêtons à modifier notre loi fondamentale – la Constitution –, il faut se poser un certain nombre de questions. Et d’abord, la question fondamentale : à quoi doit servir une constitution ? Il me semble qu’elle doit d’abord servir à rendre possible l’expression de la volonté populaire. Mais je pense que les modes de scrutin ne doivent pas y figurer, car il faut laisser à la vie démocratique la possibilité de les adapter en fonction de l’évolution d’une société politique. La sagesse des Constituants de 1958 avait été de ne pas préciser dans la Constitution les modes de scrutin eux-mêmes.

Ensuite, une constitution – c’est fondamental, je le répète – doit assurer la stabilité du Gouvernement pour assurer la stabilité de l’action politique dans laquelle les citoyens doivent pouvoir se retrouver. Cette constance dans l’action politique n’est possible que grâce à la stabilité gouvernementale.

Enfin, et c’est bien entendu lié – cela a été le grand apport de la Constitution de 1958 –, il faut faire en sorte que le choix des électeurs soit respecté dans la durée, jusqu’à l’élection législative suivante. Souvenons-nous de ce que nous avons lu sur la IVRépublique : qu’est-ce qui avait provoqué un climat de suspicion entre l’opinion publique, les institutions et la République ? Les majorités se dégageaient au moment des élections législatives, puis, en cours de mandat, celles-ci se modifiaient. C’est un risque considérable, que nous devons bien sûr écarter.

Ces trois éléments furent les apports principaux de la Constitution de 1958.

Mais une constitution doit aussi apporter autre chose : la possibilité d’un vrai débat entre les différents éléments des institutions républicaines. Elle doit permettre de faire avancer ce que j’appellerai les débats de société, les questions de fond qui se posent à l’action politique.

Or, nous le savons tous, quelle que soit notre étiquette politique, notre pays a un très profond besoin de réformes. Il a aussi besoin – et je crois que nous en sommes tous d’accord – de faire dialoguer entre eux ses acteurs économiques, sociaux, culturels, et toutes celles et tous ceux qui, par exemple, à travers les mouvements associatifs donnent de la dynamique, de l’initiative à notre société.

Notre pays a besoin de bouger en profondeur. Et nous devons le reconnaître, depuis un certain nombre d’années, il a trop souvent donné l’impression d’être enfermé dans les conservatismes et les fausses certitudes.

Qu’est-ce qu’une démocratie apaisée ? Nous avons tous, plus ou moins, utilisé cette expression. C’est une démocratie où le jeu ne consiste pas à faire se succéder des majorités également impuissantes à régler les problèmes, mais, au contraire, une démocratie qui permet de traiter les sujets de fond, de conduire les réformes indispensables. J’évoquerai des sujets qui, depuis une vingtaine d’années, ont confronté les majorités successives aux mêmes difficultés.

C’est notamment le cas de la réforme universitaire, mise en œuvre l’année dernière, qui constitue un progrès substantiel, grâce à la dynamique impulsée par l’élection présidentielle. Mais convenons que, depuis vingt ans, nous avions, les uns et les autres, rencontré de grandes difficultés à traiter ce sujet. Mais je peux aussi citer la question de l’école, celle de la sécurité sociale ou des déficits publics.

Au fond, en parlant de « démocratie apaisée », je fais remarquer qu’il y eut une impuissance institutionnelle qui fut celle de la IVe République. Mais prenons garde à ne pas nous laisser enfermer dans une autre forme d’impuissance, celle d’une société bloquée que les institutions républicaines ne permettraient pas de modifier en profondeur.

Depuis 1958, la Ve République a connu deux grands changements : d’une part, l’élection du Président de la République au suffrage universel en 1962, d’autre part, l’instauration du quinquennat. Nous n’en avons peut-être pas pris d’emblée la mesure, mais l’institution du quinquennat a profondément modifié, presque autant que la réforme de 1962, l’équilibre des institutions. Or, c’est aujourd’hui une évidence. C’est la raison pour laquelle nous attendons tous, depuis un certain nombre d’années, un rééquilibrage de nos institutions pour intégrer cette évolution de la Ve République. Il est nécessaire de donner au Parlement une plus grande autonomie dans son fonctionnement et une plus grande capacité à dialoguer avec la société, ce qui implique nécessairement qu’il dispose d’un pouvoir d’initiative accru. Les deux assemblées ne doivent pas seulement accueillir des projets gouvernementaux, mais être des lieux d’initiative, de débat et de réflexion.

Une fausse solution, je le dis tout net, serait d’introduire la proportionnelle dans le mode d’élection de cette Assemblée. Ce serait une erreur considérable. C’est le type même de la fausse solution. La bonne solution réside dans le renforcement du Parlement.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Dominique Perben. L’ordre du jour partagé et l’examen en séance publique du texte adopté en commission sont au cœur de la réforme.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. En effet !

M. Bernard Roman. Ce n’est rien si le Sénat n’est pas réformé !

M. Dominique Perben. Pour avoir proposé un certain nombre de textes à l’Assemblée et au Sénat, je sais que nous avons là une occasion unique de modifier notre mode de fonctionnement en donnant au Parlement le pouvoir et l’autonomie dont il a besoin pour nourrir le débat politique et nouer un meilleur dialogue avec l’ensemble de la société. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le débat sur la réforme de nos institutions, je souhaite à nouveau évoquer la rénovation du Conseil supérieur de la magistrature et, à travers elle, l'indépendance de la justice, qui constitue l'un des piliers de l'État de droit, qui doit garantir à tout justiciable de pouvoir accéder à un juge impartial.

Je veux solennellement rappeler l'impérieuse obligation qui est la nôtre de franchir une nouvelle étape et de faire accomplir un nouveau progrès à notre pays : la démocratie et la justice ne doivent pas seulement être des principes inscrits dans les textes, mais des réalités quotidiennes pour nos concitoyens. Et dans notre réflexion de constituant, à condition de partager cette volonté de mieux garantir constitutionnellement l'indépendance de la justice, nous devons répondre aux questions relatives à la composition et à la définition des compétences du CSM, même si cet enjeu central s'accompagne d'autres exigences, telles que l'octroi des moyens institutionnels, administratifs et budgétaires, lui permettant d'exercer pleinement ses missions.

Dans notre débat constitutionnel, vos questionnements et vos prudences, illustrent la défiance dans laquelle vous tenez l'ordre judiciaire, qui contribue pourtant, avec le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, au maintien du pacte républicain et de la cohésion sociale. C'est pour briser cette défiance, point d'ancrage de tant de difficultés, de crises et de confusion, que nous aurions souhaité de la part du Gouvernement une solution plus juste et plus équilibrée, à la hauteur d’un double enjeu : redonner confiance à l'institution judiciaire, en lui assurant les moyens de remplir sa mission constitutionnelle de gardienne de la liberté individuelle, conformément à l'article 66 de la Constitution, tout en la préservant, dans l'intérêt des justiciables, du corporatisme et de la politisation. Force est de constater, avec regret et déception, que le texte proposé est loin de répondre aux objectifs annoncés.

La double présidence du CSM confiée au premier président de la Cour de cassation et au Procureur général traduit une volonté d'affaiblir sa place institutionnelle, en compromettant le principe constitutionnel d'unité du corps judiciaire et en générant des difficultés pratiques, notamment en termes de fonctionnement et de cohérence. Nous avons proposé que la présidence plénière soit confiée à un des membres non-magistrat, élu par les deux formations réunies en séance plénière, pour préserver l'unité de l'institution judiciaire et renforcer son indépendance. Nous sommes attachés au principe de la formation plénière du CSM, qui existe de fait et manifeste une grande utilité pour coordonner les jurisprudences en matière de nominations entre les formations du siège et du parquet, pour donner les avis de l'article 64. Mais dans l'esprit de votre projet, la formation plénière ne peut pas s'autosaisir, ce qui est très dommageable, car les avis spontanés du CSM au cours des années passées ont présenté beaucoup d'intérêt. Avec votre réforme, il ne serait, en quelque sorte, autorisé à s'exprimer que sur sollicitations de l'exécutif. Par ailleurs, il paraît invraisemblable que les membres du CSM ne puissent pas tous appartenir à la formation plénière, en vertu de l'utilité coordinatrice de cette dernière.

En outre, en ces temps d'hyperprésidentialisation, il est devenu inacceptable de continuer à faire du Président de la République le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. C'était une illusion lors de l'écriture en 1958 de la Constitution ; cela s'est révélé une fiction dans la pratique et même une grave inconséquence aujourd'hui. C'est dans cet esprit et par souci de cohérence, que nous proposons que ce soit désormais le CSM qui assume ce rôle.

De même, nous ne pourrons pas utiliser le mot « réforme » en l'absence d'une réelle volonté politique de rénover la composition du CSM et de garantir un pluralisme effectif de ses membres. La réforme prive toujours le CSM du pouvoir de nomination et ne permet pas d'éviter le risque de politisation. L'extension de l'avis simple à la nomination des procureurs généraux doit être appréciée à l'aune de la pratique de ces dernières années où l'exécutif n'a pas suivi, sur chaque nomination importante du parquet, les avis défavorables du CSM. Le pouvoir exécutif garde donc la main sur la procédure de nomination et le garde des sceaux peut assister aux séances des formations du CSM : où est le progrès ? Où est le changement ?

Nous continuons à demander que la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du parquet puisse rendre des avis conformes, d'autant que le procureur de la République est progressivement devenu, après les réformes successives, le seul arbitre d'une grande partie du contentieux pénal. À ce titre, son impartialité et son objectivité n'en sont que plus déterminantes.

Dans votre projet, les magistrats seront minoritaires, ce qui constitue une double exception par rapport à nos voisins européens et par rapport aux autres organes professionnels disciplinaires. D'une part, cette conception est isolée au niveau européen. Votre projet est en totale contradiction avec les nombreux textes européens qui consacrent au moins la parité, au plus, la majorité. Le respect de ces recommandations a d'ailleurs fait partie des critères d'adhésion à l'Union européenne de la Bulgarie et la Roumanie ! D'autre part, cet article fait de la magistrature le seul corps français à être sanctionné par une minorité de ses membres. Ainsi, tous les organes équivalents sont composés d'une majorité des membres du corps concerné.

À la lumière de tous ces éléments, nous vous demandons la parité, seule à même d’assurer le nécessaire équilibre qui sied à cet organe et qui assure, aux yeux des citoyens son indépendance.

Quant aux personnalités extérieures, notre déception est grande, leur mode de désignation n'offrant pas toutes les garanties d'impartialité nécessaires.

« Nos concitoyens soupçonnent la justice d'être parfois soumise à l'influence du Gouvernement et de ne pas suffisamment garantir le respect des libertés individuelles ». Cette citation est de Jacques Chirac dans sa lettre de mission du 21 janvier 1997 à la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche. Pensez-vous sincèrement, plus de dix après, que la réforme proposée est à la hauteur des enjeux et des exigences d'une société démocratique ?

À l’occasion de cette deuxième lecture, nous pouvons encore corriger la réponse négative à cette interrogation ; nos amendements vous y aideront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cela faisait longtemps qu'un projet de loi n'avait pas suscité autant de débats, autant de concertation et autant de travail.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Oui !

M. Richard Mallié. L'importance que nous portons à notre rôle de constitutionnaliste s'est vérifiée à l’aune des heures passées à débattre et aux nombreux amendements qui ont été déposés sur ce texte.

Le projet de loi constitutionnelle revient aujourd'hui en deuxième lecture dans notre assemblée, et comme l'a si bien dit le Premier ministre, cette réforme permettra de donner plus de souffle à notre démocratie.

Il est indéniable qu'une telle réforme est nécessaire, au-delà des partis, des alternances et des législatures. Ce projet de loi permet surtout d'accroître les compétences du Parlement avec le droit de veto pour les parlementaires sur les nominations les plus importantes effectuées par le Président, la reconnaissance aux parlementaires de leur pouvoir d'évaluation des politiques publiques, mais aussi le partage de l'ordre du jour et l'augmentation du nombre de commissions permanentes.

Comme vous devez vous en douter, je souhaite surtout m'exprimer sur l'article 33 du projet de loi.

M. Jean Roatta. Très bien !

M. Richard Mallié. Ce projet de loi prévoyait initialement de rendre le référendum pour tout nouvel élargissement non plus automatique, mais simplement facultatif. Il devenait donc une simple option, au choix du Président de la République.

Cependant, il nous est apparu indispensable que les Français soient consultés sur un tel sujet. Soit l'on amène progressivement les citoyens à une Europe dont ils ne veulent pas, ce qui a conduit au résultat du référendum de 2005 ; soit on s'efforce de les convaincre en les associant à la construction européenne. C'est dans cette perspective que nous avons, avec cinquante-deux de nos collègues, proposé un amendement visant à soumettre systématiquement à un référendum l’adhésion des pays dont la population représente au moins 5 % de la totalité de la population de l'Union européenne. Adopté par notre assemblée, cet amendement n'a pas survécu à la navette parlementaire, car il a été supprimé par les représentants des collectivités territoriales.

Nous avons donc travaillé sur une alternative, tout en gardant à l'esprit que toutes les adhésions n'ont pas la même importance pour les Français et, surtout, les mêmes conséquences pour les institutions de l'Union. En effet, il semble évident qu'on ne peut soumettre à référendum l'entrée dans l'Union de certains pays lorsqu'elle ne représente, sur le plan européen voire national, qu'un enjeu modeste. La question se pose différemment pour des adhésions qui modifieraient l'équilibre politique de l'Union ou auraient une grande importance pour notre pays.

C'est également la raison pour laquelle nous ne pouvons rester dans la situation actuelle comme le proposaient certains. En effet, l'immobilisme n'a jamais permis de résoudre les problèmes.

Aussi, avons-nous, avec Frédéric Lefebvre, Patrick Devedjian et quelque quatre-vingt-dix députés de la majorité – et j’aperçois Jean Roatta – élaboré un amendement qui tend à faire consensus au sein de la majorité. Le principe de ce texte est que le référendum reste automatique pour toute nouvelle adhésion. Toutefois, si une large majorité des deux chambres le décide aux trois cinquièmes, la procédure qui s'appliquera sera celle de l'article 89-3.

M. Jean Roatta. Très bien !

M. Richard Mallié. Le Président de la République pourra choisir entre le référendum et la voie parlementaire. J'ai bon espoir que nous serons entendus sur ce sujet, car il est plus que jamais nécessaire de rapprocher les Français de l'Europe en leur laissant la possibilité de s'exprimer sur son avenir et de décider de ses frontières.

Mme Marie-Josée Roig et M. Jean Roatta. Très bien !

M. Richard Mallié. Pour conclure, je souhaite exprimer mon incompréhension vis-à-vis du comportement de certains parlementaires de l'opposition. En effet, depuis le début de la Ve République, l'opposition a toujours réclamé, souvent de façon légitime, davantage de pouvoirs pour notre Parlement. Aujourd'hui, à l'heure où des évolutions sont possibles, nos collègues socialistes appellent – semble-t-il – à voter contre le texte. C'est un déni pur et simple du travail que l'on peut faire dans cette assemblée.

Il serait temps de sortir de cette politique politicienne qui nuit tant à l’image des parlementaires dans leur ensemble. Cela me paraît tout à la fois regrettable pour notre République et injuste pour le Parlement français.

Mon vote sera bien évidemment favorable à ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l'histoire constitutionnelle de notre pays s'accélère. Force est de constater que la Ve République est à bout de souffle : les gardiens du temple sont de moins en moins nombreux, les fondations sont atteintes, le socle vacille et le mythe s'effondre. C'est bien à sa fin programmée que nous assistons désormais. Ce projet de loi constitutionnelle n'est probablement que la dernière tentative pour sauver ce qui peut l'être et conserver une République qui n'aura dès lors de cinquième que le nom.

De ce point de vue, cette réforme est d'abord et avant tout l’expression d’un conservatisme puisqu'il s'agit de tenter de conserver une VRépublique usée, fatiguée, profondément dénaturée par vingt-deux révisions et une pratique institutionnelle toujours plus éloignée de la volonté du pouvoir constituant originel. De Gaulle lui-même n’aimait-il pas répéter qu'une Constitution, c'est « un esprit, des institutions, une pratique » ? Eh bien, mes chers collègues, il faut bien admettre que l'esprit comme la pratique d’aujourd’hui – et à plus forte raison de demain –n'ont plus rien à voir avec l'esprit et la pratique de 1958.

Le temps est donc venu de sortir de la crise de régime que nous traversons et de mettre enfin en phase l'esprit et la pratique de nos institutions avec les attentes démocratiques actuelles. Cinquante après, il n'est plus possible de se contenter une nouvelle fois de changer la République : il nous faut changer de République. La vraie rupture, mes chers collègues, aurait été celle-là.

Rappelons-nous qu’aux termes de l'article 28 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui sert de préambule à la Constitution du 21 juin 1793 , « Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations suivantes ». J'appartiens à une génération qui refuse l'héritage de 1958 et le culte aveugle de la Ve République ; j'appartiens à une génération qui entend adapter les institutions aux exigences démocratiques et citoyennes de son époque. Aussi n'est-ce pas à une quelconque modernisation des institutions de la Ve République que nous devrions nous atteler, mais plutôt à la création des institutions de la VIe République. Le Président de la République et son Gouvernement ont fait un autre choix : vous l'avez compris, ce n'est pas celui qu'auraient souhaité les radicaux de gauche. Comme mes collègues Gérard Charasse et Jean-Michel Baylet l'ont rappelé en première lecture, ici même et à la tribune du Sénat : le plus vieux parti de France réclame une VIe République présidentielle.

Peut-on revaloriser le Parlement, rééquilibrer les pouvoirs et démocratiser le régime, sans changer de République, en se contentant de suivre une logique d'ajustements et de réglages ?

Reste que toute amélioration du régime existant constitue naturellement un progrès tant celui-ci est à bout de souffle et en bout de course. Et, même si nous nous opposons à ce projet de loi constitutionnelle, force est de reconnaître que nombreuses de ses dispositions, après une première lecture dans les deux assemblées, contribuent à améliorer le système actuel. Le nier serait faire preuve d'irresponsabilité politique et d'un manque certain de discernement et d'ambition. II est toujours dangereux sur un texte qui engage l'avenir de nos institutions d'opter pour une grille de lecture partisane, inspirée de la seule actualité et inscrite dans le court terme – et ce disant, je m'adresse aussi bien à mes partenaires de l'opposition et mes collègues du groupe SRC qu'à la majorité dans son ensemble. Il faut savoir se projeter dans l'avenir, imaginer l'opposition d'aujourd'hui devenir la majorité de demain et vice-versa. II faut oublier les questions de personnes et surtout ne pas personnaliser les institutions. Bref, il faut prendre de la hauteur et se livrer à un exercice de conceptualisation pas toujours facile, j'en conviens, surtout par les temps qui courent. Mais quand il s'agit de la Constitution, l'exercice est indispensable.

C'est ainsi que les radicaux de gauche considèrent comme une avancée toutes les mesures qui permettent d'améliorer l'expression du pluralisme politique et de conférer de nouveaux droits aux minorités politiques et parlementaires. Une démocratie moderne ne peut se contenter d'une bipolarisation gauche-droite trop affirmée et organisée exclusivement autour de deux grands partis politiques. Les Français ne se retrouvent pas dans le dualisme simplificateur gauche-droite, a fortiori lorsqu'il se double du clivage très réducteur entre deux grands partis politiques, lesquels ne sauraient incarner à eux seuls la majorité pour l'un et l'opposition pour l'autre.

De la même façon, la vie parlementaire doit pouvoir s'organiser autour de plusieurs groupes politiques de la majorité et de l'opposition, ce qui implique des groupes minoritaires de la majorité et des groupes minoritaires de l'opposition, mais également, le cas échéant, des groupes n'appartenant ni à l'une ni à l'autre. Plus il y aura de groupes et mieux se portera notre démocratie parlementaire car elle n'en sera que plus représentative et donc plus légitime. Chacun d'entre eux doit pouvoir disposer de droits spécifiques. Ce fut l'objet d'un amendement des parlementaires radicaux de gauche défendu en première lecture et adopté par le Sénat. Nous veillerons à ce qu'il soit conservé en deuxième lecture par notre assemblée. Il permettra à n'en pas douter un progrès de notre démocratie parlementaire. Un petit progrès certes, mais un progrès tout de même qui, s'il venait à se combiner avec l'introduction d'une dose de proportionnelle pour les élections législatives, comme nous le proposons à nouveau, changerait la physionomie de notre assemblée et l'exercice du travail parlementaire. Cela permettrait d'atténuer les effets désastreux du quinquennat associé à la simultanéité des élections présidentielle et législatives, qui ont eu pour résultat de laminer les petits partis, du moins tous ceux qui n'ont pas l'espoir de voir l’un de leurs représentants au second tour de l'élection présidentielle.

Animés d’un état d'esprit responsable et pragmatique, les radicaux de gauche entendent améliorer au maximum la situation existante, qui ne satisfait plus personne ou presque. Ils veulent pousser le plus loin possible la logique de revalorisation du Parlement, aujourd’hui parfois trop timide. Ils proposent également un encadrement plus strict de l’article 49, alinéa 3, dont l’usage par le Gouvernement serait limité aux seuls projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale. Ils ont aussi déposé un amendement visant à faire référence dans la Constitution à la possibilité pour le Parlement de créer des commissions d'enquête dans le cadre de ses missions de contrôle et d'évaluation de l'action du Gouvernement, tout en renvoyant aux règlements des deux assemblées le soin d'inclure leur création dans les droits spécifiques de tous les groupes parlementaires. Là encore, l'avancée serait indéniable pour l'exercice de notre démocratie et permettrait un bien meilleur contrôle de l'exécutif.

Cette deuxième lecture peut encore être l'occasion d’apporter de nombreuses améliorations à cette réforme qui, à défaut de rompre avec le régime actuel, est susceptible de le remettre en cause, à condition toutefois que nous poursuivions le travail d'amendement entamé à l'Assemblée et continué au Sénat, sans pour autant revenir sur certaines dispositions adoptées. C'est ainsi que les députés radicaux de gauche proposeront également de mieux encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République, de donner au moins deux présidences de commissions permanentes de chaque assemblée à d'autres groupes que le groupe majoritaire, de supprimer l'instauration de députés des Français de l'étranger qui n'a aucun sens, tout comme l'inscription dans la Constitution d’un nombre maximal de députés et de sénateurs.

Nous veillerons également au maintien dans la rédaction finale de la mention de la parité professionnelle et sociale entre les hommes et les femmes. Nous souhaiterions également voir conservée la disposition visant à limiter le nombre des membres du Conseil constitutionnel aux neuf membres nommés, disposition que nous avions proposée à cette assemblée et qui a été acceptée au Sénat. Rien ne nous semble en effet justifier la présence à vie des anciens présidents de la République au sein d'une institution aussi puissante, dont il faudra d’ailleurs bien un jour revoir le fonctionnement et certaines des prérogatives. Nous souhaiterions aussi le statu quo s’agissant de l'adhésion de nouveaux États à l'Union européenne. Les radicaux de gauche ne pourront pas accepter une mesure discriminatoire à l'égard de la Turquie, grand pays laïque qui aura toute sa place dans l'Union européenne dès qu'il répondra à tous les critères de Copenhague.

Enfin, nous défendrons à nouveau un amendement ayant pour objectif de rappeler que le principe de laïcité qui fonde notre République n'a qu'une seule définition, celle contenue dans la loi de 1905. Il n'y a ni laïcité positive ni laïcité négative et les radicaux de gauche s'opposeront à toute tentative future de modifier la composition du Conseil économique et social, qui viserait à y introduire des représentants des cultes et des courants spirituels.

Mes chers collègues, pour les radicaux de gauche, la Ve République fait déjà figure d'Ancien régime. Toutefois, s'il venait à être adopté, ce projet de loi constitutionnelle, avec ses indéniables avancées mais aussi ses imperfections et insuffisances, modifiera en profondeur la Constitution de 1958. Le nouveau texte qui en résulterait ferait alors office de transition constitutionnelle car les jours de la Ve République sont comptés : la VIe est en marche, elle est inévitable.

À cet égard, elle sera la priorité de l'actuelle opposition dès qu'elle redeviendra majoritaire, et les radicaux de gauche prendront alors toute leur part dans sa construction.

M. Gérard Millet. Ce n’est pas pour demain !

M. Christian Vanneste. Il faudra les trois cinquièmes !

Mme Sylvia Pinel. En attendant cette VIe République, les radicaux de gauche devront se prononcer sur ce texte de transition à l'issue de sa deuxième lecture, puis devant le Congrès. Nous n'écartons à ce jour aucune option. Du sort de certains de nos amendements et la rédaction finale issue de nos travaux dépendra notre vote.

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le signe d'une démocratie solide est évident : soit elle n'a pas de Constitution – la tradition suffit –, soit elle n'en a pas changé. La France en est à sa quatorzième Constitution et encore l’a-t-elle modifiée vingt-trois fois déjà. Si c’est d'une main tremblante que l’on doit modifier la loi, c'est une secousse convulsive qui doit saisir cette même main lorsqu'elle s'approche de la Constitution, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une Constitution qui fonctionne bien mieux que celles qui l’ont précédée.

Il faut des circonstances exceptionnelles, des changements importants dans la société et dans le monde ou encore une impossibilité de conserver le texte précédent pour se résoudre à modifier notre texte fondamental. L'origine de la réforme qui nous est proposée tient cependant tout entière dans la modification précédente : l'instauration du quinquennat. La coïncidence du quinquennat législatif avec le quinquennat présidentiel, dont il semble totalement dépendre, ne peut que renforcer le déséquilibre institutionnel déjà trop important entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Il aurait été sans doute plus opportun de résoudre cette difficulté en instituant un régime clairement présidentiel qui aurait mieux séparé les pouvoirs et permis au Parlement d'être autre chose que la chambre d'enregistrement des projets de loi gouvernementaux. Cette solution n'a pas été retenue. On en reste donc à une addition de demi-mesures et de faux-semblants qui risquent d'affaiblir la VRépublique, sans accroître le pouvoir réel du Parlement.

Certes, une plus grande maîtrise de l'ordre du jour et une plus grande importance donnée au travail en commission vont dans le bon sens. Il faut saluer l'esprit de la réforme qui tend à permettre au Parlement de consacrer plus de temps aux études d'impact de la loi, au contrôle de son application et moins au rituel des débats dans l'hémicycle. Il faut également se féliciter de l'introduction du référendum d'initiative populaire, qui a le mérite de constituer une synthèse entre la modernisation de nos institutions et le respect de l’esprit de celui qui les a fondées.

Malheureusement, force est de constater que l’ensemble des propositions n'atteignent pas l'objectif visé – quand elles ne favorisent pas l'évolution contraire.

C'est ainsi que l'on pouvait s'inquiéter de trois types de réformes dont certaines ont heureusement été amendées au Sénat.

En premier lieu, dans le but de parvenir à un plus grand consensus, certaines dispositions portent atteinte à l'esprit de la Ve République. Au premier rang de celles-ci figurait la limitation de l'usage du 49-3, qui représente pourtant une protection légitime à l’encontre de l'obstruction excessive à laquelle l'opposition ou une partie de la majorité peuvent être tentées de se livrer. Le Sénat a heureusement corrigé le texte issu de l'Assemblée. Mais on peut regretter la reconnaissance de droits spécifiques pour les groupes d'opposition – comme si le Parlement n’était pas avant tout composé d’élus qui ne dépendent d'aucun mandat impératif et qui sont avant tout les représentants des Français, et notamment de ceux qui les ont élus, avant d'être les membres d'un groupe. De la même façon, la possibilité pour un ministre démissionnaire de retrouver son siège au Parlement affaiblit l'exigence de la cohésion gouvernementale et celle de la responsabilité des membres de l'exécutif. Contrairement à ce qui se dit ici ou là, notamment au plus haut niveau, ce n’est pas au Gouvernement d'exprimer la diversité de la majorité dans l'espace médiatique ; c'est au Parlement, lieu du débat, d'exprimer la richesse des opinions, quand le Gouvernement doit être le lieu de la décision et de l'action.

En second lieu, d'autres propositions ne peuvent que susciter l'inquiétude et éveiller les soupçons quant aux objectifs véritables de la réforme. Le retour des résolutions, après le vote du Sénat, en fait partie.

Le Parlement a pour vocation de voter la loi. Il doit en voter moins et les voter mieux. À cette fin, il doit prendre le temps de l'élaboration, de la mesure de l'impact, du débat serein en commission et du contrôle de l'application de la loi. Les résolutions, qui devront être très encadrées pour ne pas mettre en difficulté le Gouvernement, correspondent à une dévaluation du travail parlementaire. Il s'agit de combler le vide créé par une diminution du temps consacré au vote de la loi par des débats stériles suivis de vœux pieux. C'est le procédé bien connu de la catharsis ! Si on va libérer notre énergie, on va surtout nous faire perdre notre temps quand nous devons élaborer la loi avec le plus grand sérieux possible.

De la même façon, le souhait de voir les Français de l'étranger représentés spécifiquement à l'Assemblée nationale ne pouvait que dénaturer profondément le rapport personnel entretenu par un député envers ses électeurs. Il n'aurait conduit qu'à une introduction malheureuse de la proportionnelle ou à une représentation absurde de la moitié d'un continent par une seule personne. Il faut à tout prix éviter la proportionnelle ! J’aurais aimé que le mode de scrutin soit inscrit dans la Constitution et que l’on entérine le mode de scrutin uninominal, pourquoi pas à un tour, comme le souhaitait Édouard Balladur.

M. Jean-Pierre Brard. On pourrait l’ajouter dans l’Ancien Testament ! (Sourires.)

M. Christian Vanneste. Enfin, si le but réel de la réforme était de renforcer le rôle du Parlement, la venue du Président de la République devant celui-ci aurait été écartée. Le Président peut dissoudre une partie du Parlement – l'Assemblée nationale – et ne doit pas engager sa responsabilité. C'est là une situation d'inégalité qui est en contradiction avec le respect dû au pouvoir législatif, auteur de la loi, et par-là même supérieur dans toute démocratie, au plan des principes, au pouvoir exécutif. Devant le Parlement, c'est le Premier ministre qui représente l'exécutif ; ou alors, il faut en venir au régime présidentiel.

De la même manière, le renforcement du pouvoir de contrôle et d'évaluation du Parlement passe par la création d'un organisme ad hoc sur le modèle de la NAO britannique. Le recours à la Cour des comptes paraît de ce point de vue un palliatif bien insuffisant.

Je crois que la réforme de la Constitution que nous allons examiner passe malheureusement à côté de l'essentiel. Peut-être est-il encore temps d'en atténuer les aspects les plus regrettables et d'en satisfaire l'ambition déclarée mais non vérifiée : l'amélioration du travail parlementaire et du rôle du Parlement dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez cette formule populaire désormais célèbre, souvent revendiquée : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ».

M. Christian Vanneste. La formule est de Cocteau !

M. Michel Piron. Après la catharsis, ce n’est pas mal !

M. Julien Dray. Nous allons essayer d’appliquer ce proverbe à la réforme constitutionnelle : « Il n’y a pas de bonne volonté, mais des preuves de bonne volonté ».

Lorsque nous avons engagé ce qui était revendiqué comme étant l’une des œuvres majeures du début du quinquennat sarkoziste, vous nous aviez dit que vous alliez écouter l’opposition.

Mme Marie-Josée Roig. C’est ce qu’on a fait !

M. Julien Dray. Mieux, le Président de la République avait dit : « je vais être celui qui va limiter ses propres pouvoirs ».

M. Jean-Pierre Brard. Quel farceur !

M. Julien Dray. Mais ce qui s’est réellement passé pendant la discussion est bien différent. Nous avions revendiqué, sans esprit partisan, deux principes : une plus grande transparence dans les décisions prises et un rééquilibrage démocratique des institutions de la Ve République au profit de la délibération collective, c’est-à-dire du Parlement.

Contrairement à ce que vous prétendez régulièrement sur les ondes, monsieur Karoutchi, nous n’avons pas changé. Nous n’avons pas rajouté des conditions aux conditions, chargé la barque.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Oh que si !

M. Julien Dray. Nous avions posé cinq réponses et nous attendions des réponses claires. Et si tel avait été le cas, nous aurions accepté, sans esprit partisan, de participer avec vous à la réforme constitutionnelle.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Vous n’en vouliez pas !

M. Julien Dray. Vous avez fait semblant de discuter, vous avez essayé de débaucher tel ou tel (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)...

M. Jean-Pierre Brard. Des noms !

Mme Marie-Josée Roig. Quel vilain mot !

M. Julien Dray. En tout cas les gazettes en font état.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. N’oubliez pas, monsieur Dray, que nous vous voulions au Gouvernement ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Exact !

M. Julien Dray. Monsieur Brard, je vous rassure : ce n’est pas la question posée pour l’instant, ni pour aujourd’hui ni pour demain.

M. le président. Monsieur Dray, ne commencez pas à répondre à M. Brard !

M. Julien Dray. Au final, nous sommes loin du rééquilibrage démocratique des institutions de la Ve République et d’une plus grande transparence.

Qui plus est, on ne peut pas discuter aujourd’hui d’une réforme constitutionnelle sans aborder ce qui est en train de se passer dans l’univers médiatique. C’est pourquoi notre revendication d’une plus grande transparence dans la répartition des temps de parole n’était pas anodine au regard de ce qui s’est produit par la suite. En effet, Nicolas Sarkozy nous a appris, au détour d’une de ses déclarations – c’est sa méthode : énoncer des principes comme des évidences –, que c’est lui qui nommerait désormais le président des chaînes publiques, expliquant que nous étions en la matière dans le non-dit, et que dorénavant la décision sera assumée. Et d’ajouter : puisque je nomme les chefs des grandes entreprises publiques, je vais en faire de même pour les médias. Certains journalistes trouvent qu’il a raison : « Bon sang, mais c’est bien sûr, pourquoi n’y avais-je pas pensé ? »

M. Benoist Apparu. Ils ne sont pas nombreux !

M. Julien Dray. Mais la réalité, c'est que les entreprises ne sont pas de la même nature. Et si nous avons mis en place, en 1981, la Haute autorité de la communication audiovisuelle, précurseur du CSA, c’est parce que l’ORTF cadenassait totalement l’information. À n’en pas douter, vous devez être nostalgiques de cette époque ; en tout cas, vous faites tout pour y revenir.

Il nous paraissait important que vous donniez un signe, dans cette réforme, sur l’équilibre des temps de parole. Cela aurait donné le sentiment que vous aviez compris la nécessité de respecter le pluralisme. Or à quoi assistons-nous aujourd’hui ? Regardez la presse de ce jour : sujet numéro un : Nicolas Sarkozy ; sujet numéro deux : Nicolas Sarkozy ; sujet numéro trois : Nicolas Sarkozy.

M. Jean-Pierre Brard. Vous oubliez Carla !

M. Benoist Apparu. Est-ce notre faute si vous n’arrivez pas à vous faire entendre !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. On ne le voit pas tous les jours !

M. Julien Dray. Voilà la réalité : la presse est soumise aujourd’hui à des pressions. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il va falloir que vous vous expliquiez sur ces questions. Des journalistes affirment, sans s’attirer aucune remarque, que la décision n’a pas été prise dans la rédaction ou par la direction de la chaîne, mais ailleurs ; ce n’est pas rien. Et ce n’est pas rien non plus d’entendre des ministres le revendiquer en privé.

Oui, cette réforme constitutionnelle nous permettait de voir dans quel état d’esprit vous vouliez travailler. Nous avons maintenant la réponse : derrière l’habillage, il y a la volonté de conforter les pouvoirs entre les mains d’un seul homme et de trouver tous les alibis qui lui permettront de faire croire que ce n’est pas lui qui contrôle et décide tout.

Voilà pourquoi, nous avons peu d’espoir dans la discussion qui s’ouvre. Notre « non » sera à la fois un non sur la méthode, sur la forme et sur le fond. Peut-être trouverez-vous, au détour des couloirs, ces trois cinquièmes que vous n’avez pas encore pour faire adopter votre réforme constitutionnelle. Mais, comme moi, vous savez qu’elle ne sera pas la grande œuvre constitutionnelle que vous espériez. En tout cas, pour ce qui concerne la reconstruction démocratique des institutions de la Ve République, il faudra compter sur l’opposition plutôt que sur la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve.

M. Bernard Cazeneuve. Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, les parlementaires socialistes se sont souvent interrogés sur les raisons de l’ostracisme dans lequel une certaine pratique de la Ve République place le Parlement dès qu'il s'agit de politique étrangère et de défense.

Dans le cadre de la révision constitutionnelle qui nous est proposée, je souhaite donc intervenir plus particulièrement sur ce point, traité notamment dans l'article 35 de notre Constitution.

Nous attendons en effet que ce projet de loi constitutionnelle apporte des changements significatifs. Selon une logique déjà en place dans la plupart des grandes démocraties, le Parlement doit bénéficier d'une information de qualité et être associé aux décisions qui concernent les opérations extérieures de nos armées.

Il y a aujourd'hui à l'égard des assemblées une méfiance qui n'a plus lieu d'être. Les représentants de la nation ne sont pas moins soucieux de notre sécurité que les membres de l'exécutif. Il n'est pas acceptable qu'ils soient, encore aujourd'hui, informés par la presse de l'envoi de nos forces sur les terrains extérieurs. Ce nécessaire renforcement du Parlement apparaît donc comme une mise à niveau de notre démocratie, face à nos voisins et alliés qui ont depuis longtemps engagé ces avancées sans pour autant affaiblir leurs forces.

Le sujet est d'autant plus important que les opérations extérieures se sont multipliées. Elles sont aussi de plus en plus longues et de plus en plus coûteuses – un milliard d'euros pour l'année 2009. Comme l’a rappelé le ministre de la défense, ces dépenses ont été évaluées à 880 millions d'euros pour l'année 2008. Or seulement 475 millions d'euros avaient été programmés dans la loi de finances. Le contrôle du Parlement est donc plus que jamais indispensable, tant pour éviter l'enlisement de nos troupes que celui de nos finances publiques.

À l’issue de la première lecture devant les deux assemblées, le Gouvernement devra, en cas d'envoi de forces sur le théâtre d’opérations extérieures, en informer le Parlement dans les trois jours. Et, à l'initiative du Sénat, il devra également, par le vote d'une loi non amendable, obtenir l'accord des assemblées pour toute prolongation des opérations extérieures au-delà de quatre mois.

Une véritable réflexion s'impose sur les interventions qui devront faire l'objet de cet agrément. Il ne s'agit pas pour le Parlement de se prononcer sur des accords humanitaires ou sur des opérations qui nécessitent à la fois confidentialité et rapidité. Il en est de même pour certaines opérations qui ne mobilisent que quelques militaires, comme la mission d'observation de l'ONU au Sinaï.

En revanche, lorsqu'il s'agit d’envoyer des militaires en corps constitués à des fins opérationnelles, il est indispensable que les élus du peuple puissent prendre leur responsabilité et se prononcer par un vote. Un groupe de travail pourrait cependant être constitué, afin de déterminer quelles interventions seront concernées et quel sera le point de départ du délai de trois jours.

Afin que les dispositions de cet article soient réellement effectives, il est nécessaire de compléter le dispositif en précisant que, si besoin est, le Parlement se réunit en session extraordinaire. Personne ne souhaite ici entraver la capacité d'action et de défense de la France. Mais si de graves circonstances l'exigent, le Parlement ne devrait pas être écarté au seul motif qu'il n'est pas en session. Il est donc souhaitable qu’il puisse être convoqué en session extraordinaire par le Président de la République si cela est nécessaire.

Dans les cas où les opérations extérieures se prolongeraient dans le temps, les assemblées doivent y être associées de manière régulière. Nous demandons donc le renouvellement de six mois en six mois de l’autorisation donnée par le Parlement d’engagement des forces. En effet, la première autorisation ne doit pas être un blanc-seing entre les mains du Gouvernement. Le Parlement doit, tout en restant responsable, avoir la possibilité d'éviter l'enlisement de nos troupes.

Je souhaite enfin insister sur la nécessaire information du Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaires.

Nos interventions militaires à l'étranger, à l'exception de celles auxquelles nous participons en vertu d'un mandat international, se fondent souvent sur des accords de défense signés avec des pays tiers. La plupart d'entre eux ont été conclus avec des pays africains dans le contexte particulier de leur accession à l'indépendance.

Ces accords ne sont pas anodins puisqu’ils légitiment juridiquement et politiquement l'engagement de nos troupes et déterminent le caractère de nos interventions. Ce fut notamment le cas au Rwanda, en Côte-d'Ivoire et plus récemment au Tchad.

D'ailleurs, la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale s'est unanimement prononcée pour considérer que les accords de défense devraient désormais être transparents et connus du Parlement. Il serait d’autant plus étonnant qu’on n’accède pas à cette demande au sein de la représentation nationale aujourd’hui que le Président Sarkozy s'est lui-même engagé publiquement « à rendre publics tous nos accords de défense » le 28 février dernier devant le Parlement – il est vrai qu’il s’agissait du Parlement sud-africain !

M. Arnaud Montebourg. Ici, on attend toujours !

M. Bernard Cazeneuve. Bien entendu, cela n'interdira pas de prendre ensuite toutes les précautions qui s'imposent pour que l'information du Parlement se déroule dans des conditions respectueuses du principe de confidentialité. Cela implique également un dialogue avec ces pays ; nous souhaiterions savoir s'il est engagé.

Je conclurai sur l'impérieuse nécessité de nos propositions : il s'agit non seulement de nous mettre au niveau des grandes démocraties qui, depuis longtemps, contrôlent l'envoi de troupes par leur gouvernement, mais aussi d’instaurer un système de contrepoids, à un moment où la pratique actuelle du pouvoir les rend indispensables.

En effet, notre exécutif est de moins en moins bicéphale, puisque le Premier ministre se voit marginalisé et dépossédé de services actuellement concentrés au sein du secrétariat général de la défense nationale. En outre, le Président de la République présidera seul le conseil national de sécurité et de défense et le coordinateur des services de renseignements sera placé sous sa seule autorité, sans même que soit mentionnée la délégation parlementaire aux renseignements nouvellement créée.

Ce « bunker institutionnel » – comme d’aucuns ont pu appeler ces structures constituées autour du Président et échappant à tout contrôle – porte en germe de préjudiciables déséquilibres. Dans un contexte de personnification du pouvoir, le Parlement est un nécessaire contrepoids, capable d'assurer l'équilibre de nos institutions. Ce qui est aujourd’hui nouveau, c'est que les militaires eux-mêmes appellent de leurs vœux ce renforcement salutaire de nos assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, dernier orateur inscrit.

(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. Benoist Apparu. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, toutes les réformes que nous avons engagées depuis le début de cette législature sont la traduction des promesses que nous avons faites aux Français il y a un peu plus d'un an. La modernisation des institutions n’est pas la moindre.

Tout notre système politique est basé sur la Constitution de 1958.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une lapalissade !

M. Benoist Apparu. Ce texte régit la totalité du processus décisionnel de notre pays. Chacun a conscience qu’il est temps d’en revoir certains mécanismes,…

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi ?

M. Benoist Apparu. …d'autant que la pratique présidentielle a considérablement changé depuis l'instauration du quinquennat par Jacques Chirac et Lionel Jospin.

M. Jean-Pierre Brard. Et depuis l’arrivée de Napoléon !

M. Benoist Apparu. Évidemment, l'importance d'une telle réforme exige que chaque décision, chaque amendement fasse l'objet d'une réflexion intense et de nombreuses discussions. C'est d’ailleurs ainsi qu'en 1958, les constituants étaient parvenus à un équilibre.

Aujourd'hui, nous partageons probablement tous le même constat…

M. Michel Piron. Il faut rationaliser !

M. Benoist Apparu. Les règles institutionnelles ne correspondent plus aux réalités de la pratique du pouvoir. Le rôle du Parlement a évolué et ses relations avec le Gouvernement se sont pacifiées. Il faut donc rééquilibrer les institutions au profit du Parlement et mieux encadrer les pouvoirs du Président et de l'exécutif. C’est l’objet même de ce texte.

Évidemment, il ne suffit pas de le dire. On ne peut réviser la Constitution sans la plus large adhésion possible. Au-delà de la majorité des trois cinquièmes requise au Congrès, notre rôle est d'obtenir le plus large consensus possible, comme l’avaient fait nos prédécesseurs, qui avaient eu le courage et l'intelligence de dépasser les clivages traditionnels pour instaurer une République de stabilité et de souplesse. Aujourd'hui, notre devoir est le même : mettre entre parenthèses nos querelles partisanes au profit du texte suprême. Chacun en a conscience, il ne s’agit pas de choisir telle ou telle orientation économique ou sociale, mais de dessiner ce qui fera le paysage de notre vie politique pour les prochaines années.

Sur ce texte, plus que sur tout autre, le compromis est donc primordial. Nous avons fortement progressé en ce sens, la majorité ayant répondu favorablement à plusieurs demandes de l’opposition,…

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Tout à fait !

M. Benoist Apparu. …comme le référendum d'initiative populaire, le veto des trois cinquièmes sur les nominations, le refus de tout accroissement des pouvoirs du Président, les résolutions, les droits de l’opposition, le contrôle des opérations extérieures, la limitation du nombre de ministres ou le délai d’examen des textes. Bref, sur toute une série de domaines, nous avons tendu la main à l’opposition, et nous continuerons à le faire tout au long de ce débat, jusqu’au Congrès, pour qu’un consensus se dégage dans cet hémicycle.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

M. Benoist Apparu. Il nous appartient à tous de poursuivre dans ce sens, et j’espère, comme on a pu l’entendre sur les ondes le week-end dernier, que d’autres initiatives renforceront cette volonté de la majorité.

Les dispositions que l'opposition a proposées et que la majorité a acceptées sont autant de richesses qui viennent compléter et renforcer le projet de loi constitutionnelle. Cette révision ne peut être la propriété d'une seule famille politique, non plus que le fruit d'une seule idéologie. En ce qui nous concerne, nous ne l’avons jamais considérée ainsi.

Aussi, ceux qui dénoncent aujourd’hui le manque de dialogue devraient regarder les choses en face : le Gouvernement et la majorité ont fait des concessions majeures ; toute personne un tant soit peu honnête peut prendre conscience des modifications apportées.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

M. Benoist Apparu. Au moment où un équilibre peut être trouvé, j'en appelle, moi aussi, à la responsabilité de chacun. À l'issue de nos discussions, chacun devra faire son choix, et voter. J'espère qu'à cet instant, notre foi en la République sera la plus forte – plus forte en tout cas que la règle de l'opposition systématique.

M. Jean-Pierre Brard. Qui ne vous menace pas !

M. Benoist Apparu. Je ne comprendrais pas pourquoi certains de nos collègues, qui passent leur temps à dénoncer le présidentialisme renforcé,…

M. Jean-Pierre Brard. La monarchisation !

M. Benoist Apparu. …ne votent pas un texte qui tend précisément à le limiter.

À la veille de ce rendez-vous historique, le seul constat à faire est qu’il est nécessaire de réformer nos institutions, et la seule question qui vaille est de savoir si notre Constitution sera meilleure, ou moins bonne, après cette révision. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Voilà un dilemme intéressant, qui nous fait beaucoup progresser ! Notre collègue est un héritier de M. de La Pallice !

M. Benoist Apparu. Il est parfois bon de rappeler les évidences, monsieur Brard !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier l'ensemble des orateurs. La majorité de ceux qui se sont exprimés a manifesté la volonté d'être au rendez-vous d'une réforme qui changera en profondeur le fonctionnement de notre démocratie, en ayant à l'esprit les enjeux de cette deuxième lecture.

Le Parlement débat de ce projet depuis deux mois ; il y a consacré une centaine d'heures en séance publique. Je tiens à saluer le travail de la commission des lois, et en particulier celui de votre rapporteur, le président Warsmann, qui, tout au long de ces deux lectures, a recherché le consensus afin que le Congrès puisse adopter la révision constitutionnelle le 21 juillet prochain.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

Mme la garde des sceaux. En première lecture, l'Assemblée nationale puis le Sénat ont apporté des améliorations substantielles au texte du Gouvernement. Je vois dans la qualité des travaux parlementaires et la richesse de vos débats une preuve supplémentaire du bien-fondé de notre projet.

Beaucoup de choses ont été dites durant cette discussion générale. C’est légitime, chacun ayant abordé la question institutionnelle avec son expérience, ses priorités et ses propositions.

Je voudrais, après nombre d'entre vous – notamment Benoist Apparu –, saluer la lucidité et même la prescience du général de Gaulle qui avait su concevoir une constitution qui s’est révélée à la fois durable et forte. En effet, la Constitution de la VRépublique a suffisamment fait ses preuves pour ne pas être dénaturée ou démantelée. Ce projet s'inscrit dans son cadre : le Président de la République est et reste élu par le peuple, le Gouvernement est et reste responsable devant le Parlement. L'héritage du général de Gaulle est ainsi préservé et respecté, mais, monsieur de Charrette, il est rénové. En effet, l'instauration en 1962 de l'élection présidentielle au suffrage universel et l'adoption en 2000 du quinquennat ont accru la prédominance du pouvoir exécutif sur le législatif. Contrairement à ce que M. Dray feint de croire, il n'est pas question d'accentuer celle-ci.

Monsieur Lagarde et madame Pinel, vous avez insisté sur la nécessité de moderniser notre démocratie. À cet égard, madame Pinel, je vous remercie d'avoir reconnu que des progrès avaient été accomplis lors de l'examen par les deux assemblées. Je salue votre sens de l'intérêt général et votre esprit de responsabilité. Je partage votre attachement, ainsi que celui de M. Lagarde, à la modernisation de notre démocratie pluraliste.

Pour restaurer un équilibre, presque tous les orateurs ont insisté sur la nécessité de moderniser et de revaloriser les pouvoirs du Parlement. Je vous propose de passer des mots aux actes, en tentant d'échapper à la surenchère, qui est souvent l'antichambre de l'immobilisme – à cet égard, je me permets de rappeler à Arnaud Montebourg que ceux qui veulent tout changer sont parfois ceux qui, en réalité, se préparent à ne rien changer ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement et M. Jean-Christophe Lagarde. Exactement !

M. Camille de Rocca Serra. Notamment sur le cumul des mandats !

Mme la garde des sceaux. J’admets aussi qu’il a, tout comme Manuel Valls, reconnu des aspects positifs à cette réforme, comme le partage de l'ordre du jour, la reconnaissance d'un statut de l'opposition ou le référendum d'initiative populaire. Alors, au-delà des postures, passons ensemble aux actes !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Très bien !

Mme la garde des sceaux. Le Gouvernement est prêt à entendre tous les arguments : il l'a démontré en acceptant de très nombreux amendements, y compris de l'opposition. Cependant, j’invite chacun à faire preuve de bon sens et de responsabilité : aller beaucoup plus loin, ce serait ruiner l'équilibre du texte ; aller moins loin, ce serait en ruiner l'ambition. Il faut avoir conscience, monsieur Braouezec, que la surenchère est une posture facile et souvent confortable.

M. le président Warsmann l’a excellemment dit, il ne s'agit pas de revaloriser le Parlement pour le plaisir, mais pour améliorer la qualité de la loi et de nos politiques publiques. Or, il l’a rappelé, de même que Jérôme Chartier et Christian Vanneste, les outils pour atteindre ce grand objectif sont nombreux : étude d'impact, délais minimaux d'examen des textes, ratification expresse des ordonnances, plus grande maîtrise de son ordre du jour par le Parlement, temps réservé pour le contrôle et l'évaluation – vous y avez à juste titre insisté, monsieur Chartier. À ce propos, je remercie M. Cazeneuve d'avoir reconnu des améliorations dans le contrôle des opérations militaires extérieures.

Je tiens à souligner les avancées sur la reconnaissance de droits spécifiques aux partis et aux groupes non majoritaires. Sur ce point, le présent projet permettra d'inscrire dans la Constitution une pratique que – comme vous en conviendrez aisément, M. Migaud – nous avons déjà commencé à mettre en œuvre.

Voilà le projet ambitieux, équilibré et enrichi de vos réflexions que nous vous proposons. Il reste bien entendu à harmoniser les rédactions des deux assemblées. Votre commission des lois propose de nombreux amendements en ce sens ; je salue à nouveau le travail du président Warsmann, qui a rappelé tout à l’heure la responsabilité qui est la vôtre de voter ce texte dans un esprit de compromis et d'équilibre afin d'en permettre son adoption par les deux chambres.

Je constate que, sur plusieurs points, nous approchons de ce compromis, même si des ajustements et des précisions sont toujours possibles, voire nécessaires. Le Gouvernement sera favorable aux amendements qui permettront d'atteindre cet objectif : ainsi le partage de l'ordre du jour – pour lequel, je le répète, monsieur Lagarde, la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale a notre préférence –…

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

Mme la garde des sceaux. …ou la constitutionnalisation des langues régionales, à laquelle, monsieur Braouezec, nous sommes favorables. Autant d'ajustements qui montrent notre volonté d'écoute et d'enrichissement du texte.

S'agissant de l'élargissement de l'Union européenne, je comprends le souci, qui s’est largement exprimé au sein de votre assemblée – notamment par la voix du questeur Mallié –, de veiller à ce que les élargissements à venir ne puissent intervenir contre la volonté populaire. Cependant, il faut aussi éviter la stigmatisation d'un pays, quel qu'il soit.

M. Jean Roatta. Tout à fait !

Mme la garde des sceaux. Le Gouvernement sera donc ouvert à votre proposition sur ce point.

Voilà les grandes lignes du compromis que nous pouvons dessiner ensemble. Un compromis n’a rien de honteux, bien au contraire ; mais pour qu’il y en ait un, il faut que des avancées soient faites de part et d'autre.

Je m'adresse aujourd'hui à vous dans un double esprit de responsabilité historique et de cohésion nationale. Comme le Premier ministre tout à l'heure, je veux souligner, avec solennité, le caractère exceptionnel du présent texte. Aujourd'hui, chacun est invité à bien peser ses responsabilités. Ceux qui diront « non » aux droits nouveaux accordés au Parlement devront motiver leur refus.

M. Arnaud Montebourg. C’est fait !

M. Benoist Apparu. Pas très bien !

M. Arnaud Montebourg. Ce projet est une régression ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la garde des sceaux. Ceux qui le feront au nom du statu quo devront expliquer pourquoi ils ont si peu confiance en leur assemblée, et ceux qui le feront au nom du changement pourquoi ils n'ont pas saisi l'opportunité de faire un pas en direction de leur objectif.

M. Arnaud Montebourg. Parce qu’il y a des régressions et parce que c’est dangereux !

Mme la garde des sceaux. La Constitution, mesdames et messieurs les députés, n'est pas la propriété d’un camp politique ; elle appartient à la France. Pour être adoptée, cette réforme aura besoin de réunir une majorité de femmes et d'hommes capables de se rassembler autour d’un compromis dont le succès pourra être revendiqué par chacun, et dont la réalisation sera l'œuvre de tous, dans le seul intérêt de la nation.

Si le Congrès adopte cette révision, notre vie politique sera profondément rénovée. Le Parlement jouera pleinement son rôle. Nous aurons franchi une étape majeure dans la modernisation de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici donc parvenus à la dernière phase de discussion parlementaire du projet de loi de modernisation des institutions voulu par le Président de la République. À l’instar de nos concitoyens, nous sommes nombreux sur les bancs de cet hémicycle à vouloir une véritable réforme de la Constitution et pas simplement des aménagements ou un toilettage. Nous sommes nombreux, dois-je vous le rappeler, à considérer que les mérites de la Constitution de la Ve République, dont la stabilité n’est pas le moindre, ne font pas disparaître pour autant l’absence de considération, voire une forme de mépris, du texte constitutionnel pour la vie parlementaire.

Sous la Ve République, le Parlement a bien souvent vu son rôle réduit à celui d’une chambre d’enregistrement – c’est malheureusement le cas actuellement. Il s’est trouvé soumis devant le bon vouloir de l’exécutif, impuissant devant les volontés présidentielles, écrasé pour tout dire par un texte constitutionnel, dont les rédacteurs conservaient de la vie parlementaire le souvenir traumatisant d’une IVe République malade de son instabilité chronique, de ses combinaisons partisanes, et désarmée face à la guerre d’Algérie. Mais nous savons que les régimes parlementaires ne ressemblent pas tous à la IVe République : majoritaires en Europe, ils sont stables, pluralistes, et bénéficient d’une large légitimité démocratique.

Réformer la Constitution est donc une urgence, reconnaître le Parlement est une nécessité. Mais une véritable réforme de la Constitution exige une rédaction à plusieurs, un effort d’intelligence et d’ouverture qui tienne compte à la fois de la majorité politique qui l’initie et de l’opposition, qui fasse que la loi commune ne soit pas le fruit d’un coup de force, et que la méthode et l’esprit qui président une telle démarche soient exemplaires.

Le Président de la République a choisi la voie parlementaire et non le référendum. Ce choix annonçait-il une valorisation du rôle du Parlement ? On pouvait croire que le temps du débat et de la prise en compte sérieuse des propositions des parlementaires serait au rendez-vous. Or il n’en est rien. D’abord, ce fut la mise en place d’un comité présidé par M. Balladur et composé d’experts, de hauts fonctionnaires et de quelques parlementaires. Des compétences reconnues, certes, mais le Parlement est riche également de talents et d’expériences, d’idées et de projets. Dès lors, il eût été si simple et si sage de mettre sur pied une commission parlementaire associant majorité et opposition pour conduire les travaux de réforme !

Peut-être s’agissait-il de s’affranchir des contraintes partisanes pour mener à bien une réflexion originale et élaborer des propositions courageuses ? Si les travaux du comité ont donné lieu à des auditions publiques de qualité, qui ont permis d’enrichir et d’approfondir la réflexion sur notre démocratie, il n’en demeure pas moins paradoxal, lorsque l’on dit vouloir rétablir le Parlement dans ses prérogatives, de commencer par se passer de ses services. Cette méthode qui consiste à déposséder les parlementaires de leur mission est une pratique chaque jour plus répandue pour des résultats sans surprises.

Si l’on n’attendait pas du comité qu’il fasse œuvre révolutionnaire, on n’escomptait pas non plus une copie si conforme aux souhaits présidentiels. Les quelques audaces du comité, telles que l’introduction d’une dose de proportionnelle ou la limitation des mandats, ont disparu du projet gouvernemental comme s’il s’agissait d’une question secondaire.

En ce qui concerne le débat parlementaire lui-même, l’opposition a-t-elle été associée à la réflexion ? À aucun moment. A-t-elle pesé dans le texte qui nous parvient du Sénat ? Jamais. Votre méthode de gouvernement est, à cet égard, éclairante. Sans chercher à le dissimuler, elle contredit le discours de façade – assez hypocrite, d’ailleurs – de revalorisation du rôle du Parlement que vous tentez péniblement de promouvoir devant la représentation nationale et l’opinion publique. Cette petite musique qui annoncerait une autre ère pour notre assemblée est pure diversion.

M. Michel Voisin. Quelle tristesse !

M. Noël Mamère. Depuis un an, pas moins de quatre-vingt-dix-sept textes ont été promulgués. Vous semblez tirer fierté d’une telle production de lois nouvelles pourtant toutes aussi mal rédigées et examinées au fil de l’actualité, sous la tyrannie de l’émotion. Le Parlement siège désormais en continu alors que la session unique, mise en place par Philippe Séguin en 1995, devait au contraire limiter le nombre des séances.

M. Michel Voisin. Ça, c’est vrai !

M. Noël Mamère. Les sessions extraordinaires sont devenues la règle ; à cela s’ajoute l’organisation chaotique d’un ordre du jour surchargé. Le calendrier parlementaire est modifié quasi quotidiennement, interdisant toute réflexion sur des textes découverts au dernier moment et discutés quelques jours après leur publication.

Vous imposez au Parlement un rythme frénétique et privilégiez, loin de l’intérêt général, des préoccupations tactiques et médiatiques. La pratique de l’urgence est symbolique de cette dérive organisée. Elle limite l’examen des projets à une seule lecture par chambre. Là où les navettes parlementaires doivent permettre d’élaborer des textes aboutis, vous choisissez la législation de l’à-peu-près, au risque du n’importe quoi.

Mme la garde des sceaux est coutumière de l’exercice. La multiplication des textes sur le thème de la récidive est symptomatique de l’affaiblissement de la construction législative : après les lois de décembre 2005 sur la récidive, de mars 2007 sur la délinquance, la ministre a présenté son projet sur les peines planchers en août 2007 et celui sur la rétention de sûreté en février 2008. On attend le prochain, qui ne saurait tarder…

L’urgence, votre arme préférée, prive d’oxygène la représentation nationale et vise à mettre au pas un Parlement où vous disposez d’une très large majorité. Dans ces conditions, aucun travail de réflexion et de préparation n’est possible. De ce point de vue, la session extraordinaire commencée ce 1er juillet est caricaturale. Elle comporte trois projets majeurs : la réforme des institutions, la modernisation de l’économie, la démocratie sociale et le temps de travail. S’y ajoutent une vingtaine d’autres textes législatifs en cours d’examen et d’approbations d’accords internationaux, sans oublier la tenue d’un congrès. Le résultat est connu d’avance : des textes votés aux forceps, la recherche du vote conforme entre les deux assemblées afin d’en finir au plus vite, le tout dans la torpeur estivale.

Cette année, vous avez mis à rude épreuve votre propre majorité, vous avez même été obligés d’exercer de formidables pressions pour faire voter vos textes (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais parfois votre majorité s’essouffle, résiste ou implose ! Ce fut le cas de manière spectaculaire – et je pense que vous ne me contredirez pas – pendant le débat sur les OGM, lors de l’adoption de la motion de procédure défendue par mon collègue André Chassaigne.

M. Benoist Apparu. Pourquoi ne devrions-nous pas vous contredire ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais pour qui prenez-vous les députés, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère. La dénonciation du poids des lobbies dans le débat avait déjà mis mal à l’aise nombre de parlementaires de la majorité, avant même que le débat ne suscite les craintes que ressent à juste titre aujourd’hui la population. Après l’adoption de la motion, il a fallu un coup de force et un rappel à l’ordre pour que le texte puisse être adopté.

M. Benoist Apparu. Tandis que Greenpeace ne fait pas de lobbying, c’est connu !

M. Noël Mamère. Le texte que nous discutions en ce moment a été rejeté, faut-il le rappeler, par la commission des affaires étrangères. Pour le projet de loi de modernisation de l’économie, la majorité UMP a déposé trois fois plus d’amendements que la gauche, qui désapprouve pourtant ce texte. C’est le seul moyen pour les députés de votre majorité, soumis à une discipline de fer (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) de « voler » un peu de temps d’expression pour montrer leur malaise. C’est un fait, les « godillots » commencent à traîner les pieds ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je vois que le mot ne vous plaît guère, et pourtant en parlant de « godillots », je reste très modéré !

M. Michel Voisin. Des insultes ?

M. Claude Bodin. Ça dérape !

M. le président. Allons, mes chers collègues, nous écoutons M. Mamère !

M. Noël Mamère. En ce qui concerne le texte que nous examinons, nous avons assisté ces derniers jours à une sorte de marchandage au sein même de la majorité parlementaire : le 49-3 maintenu par le Sénat contre le référendum pour l’entrée de la Turquie dans l’Union adopté à l’Assemblée… C’est un dialogue interne non pas à la majorité, mais à l’UMP !

Ce n’est pas au cours d’une discussion réduite à peau de chagrin que les points de vue contraires peuvent converger, que des compromis peuvent naître. Dès lors, on peut entendre et même lire que le meilleur argument, l’essentiel de la force de conviction du Gouvernement réside dans le redécoupage électoral qu’il entend effectuer et dans son pouvoir de nomination : c’est là son argument le plus sûr pour convaincre les quelques parlementaires récalcitrants dont le vote permettrait l’adoption de ce texte.

M. Michel Voisin. Mais arrêtez-le !

M. Benoist Apparu. Nous ne faisons que respecter une obligation constitutionnelle, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Rien dans la réforme de la Constitution ne semble remédier aux maux d’un régime où le Parlement est sans cesse écrasé, méprisé, où le pouvoir présidentiel n’a de limites que celles fixées par celui qui l’exerce. Vous nous dites que le texte vise à réhabiliter le rôle du Parlement. Permettez-moi de m’interroger. Sous les apparences d’un rééquilibrage des pouvoirs, dont le Premier ministre semble être le grand perdant, cette réforme ne s’attaque pas à l’omniprésence présidentielle. Elle lui offre même une scène supplémentaire, avec la possibilité qui lui est désormais offerte de venir s’exprimer devant le Parlement (« Ça se fait partout ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Un Parlement muet, un Parlement aux ordres, qui pourra débattre une fois l’intervention finie et sans possibilité de vote.

Un Parlement qui aura désormais la maîtrise de l’ordre du jour, nous dit-on, mais personne n’est dupe : transférer quelques prérogatives de l’exécutif à sa majorité parlementaire, ce n’est en aucun cas réhabiliter le Parlement ! Autoriser un véritable débat sur les priorités des textes soumis à discussion, c’eût été permettre que l’opposition n’assiste pas impuissante, lors de la conférence des Présidents,…

M. Jean-Pierre Brard. N’assistât point ! Imparfait du subjonctif !

M. Noël Mamère. …à l’enregistrement des désirs gouvernementaux. Car la vraie réforme, mes chers collègues, se niche dans la place accordée à l’opposition parlementaire.

Dans un système marqué depuis plus de quarante ans par la bipolarisation des forces politiques et ce que l’on appelle le « fait majoritaire »…

M. Jean-Pierre Brard. Tout est là !

M. Noël Mamère. …et dans lequel, comme dans toutes les démocraties parlementaires européennes, le rôle du Parlement est moins de fabriquer la loi que de contrôler le Gouvernement et d’évaluer les politiques qu’il conduit, tout le monde s’accorde à penser que l’on ne revitalisera le Parlement que si l’on donne de véritables marges de manœuvre en son sein à l’opposition.

À l’article 22, le texte se contente de réserver « un jour de séance par mois » à un ordre du jour « fixé par les groupes parlementaires qui n’ont pas déclaré appartenir à la majorité qui soutient le Gouvernement ». Un jour de séance par mois, c’est là une « avancée » un peu ridicule, convenez-en.

M. Michel Voisin. C’est mieux que rien !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Cela n’existait pas avant !

M. Noël Mamère. Mais surtout, elle ne porte pas sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le contrôle que doit exercer le Parlement sur l’action du Gouvernement. Si l’on voulait vraiment dynamiser le travail parlementaire, il faudrait ouvrir aux membres de l’opposition un véritable droit d’initiative sur les différentes procédures de contrôle qui existent généralement dans les systèmes politiques modernes, notamment la création de commissions d’enquête, l’audition de ministres et de responsables administratifs de la conduite des politiques publiques, ou encore la saisine de la Cour des comptes. Il faudrait que les présidences des commissions qui examinent les propositions et projets de loi soient constitutionnellement réparties à la proportionnelle des groupes parlementaires…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il y a déjà un président issu de l’opposition ! Et cela non plus, cela n’existait pas avant !

M. Noël Mamère. Il faudrait que soit instauré un principe d’égalité entre la majorité et l’opposition dans la répartition des temps de parole. Bref, il faudrait reprendre l’ensemble des voies d’intervention du Parlement sur la politique gouvernementale et instaurer des procédures qui, sans le mettre nécessairement en danger, obligent le Gouvernement à s’expliquer ou même à rendre des comptes. En l’état, la réforme constitutionnelle n’avance pas d’un iota dans cette direction.

Les pouvoirs présidentiels seront désormais encadrés, annonce-t-on. La réforme prétend instaurer un contrôle parlementaire sur les nominations présidentielles – c’est l’objet de l’article 4. Elle prévoit à cet effet qu’un certain nombre d’emplois, dont on ignore aujourd’hui la liste – on sait simplement qu’en sont exclus les postes jusqu’à présent constitutionnellement pourvus en Conseil des ministres – ne pourront être pourvus qu’après avis public d’une commission mixte paritaire issue des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. L’avis public, en la matière, est assez anecdotique. Une vraie transparence exigerait que les postes à pourvoir fassent l’objet d’auditions publiques. La seule éventualité d’une audition publique, comme le montrent les exemples étrangers, serait sans doute suffisante pour freiner des nominations de complaisance.

M. Benoist Apparu. C’est ce qu’on va faire !

M. Noël Mamère. Et puis, parce qu’ici comme ailleurs, de prétendues avancées masquent des reculs ou des silences, il aurait sans doute été utile de définir précisément le champ des nominations présidentielles avant de prévoir leur contrôle. La majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour un avis négatif rend par ailleurs la procédure somme toute assez peu ouverte et peu démocratique.

En l’état des textes, la liste des emplois pourvus en Conseil des ministres et exigeant donc la signature du président de la République est notamment établie par décret en Conseil des ministres, autrement dit à la discrétion du Président de la République ! On se souvient peut-être que François Mitterrand, à la veille de la première cohabitation, avait utilisé ce moyen pour accroître considérablement le nombre d’emplois publics dépendants de la signature présidentielle. Votre texte ne met pas fin à cette possibilité pour le Président de la République.

Les avancées apparentes se révèlent, quand on les examine de plus près, d’une portée limitée. La réforme constitutionnelle prétend, dans son article 13, permettre un meilleur contrôle du Parlement sur les opérations militaires extérieures. Ainsi, le Parlement devra dorénavant être informé de ces opérations « dans les délais les plus brefs » – c’est-à-dire bien après les médias – et cette information pourra donner lieu à un débat – ce qui est déjà possible aujourd’hui –, étant précisé que ce débat ne pourra être suivi d’un vote. Bien sûr, le plus important n’est pas là, mais dans l’alinéa qui suit : « La prolongation de l’intervention au-delà de quatre mois est autorisée en vertu d’une loi. Aucun amendement n’est recevable. »

L’expérience prouve que ce type de disposition est relativement inefficace pour assurer un véritable contrôle parlementaire sur des opérations militaires.

En réalité, sauf à se payer de mots, la question du contrôle parlementaire doit se poser bien en amont de l'intervention des forces militaires à l'étranger, comme l’avait d'ailleurs envisagé le rapport du comité Balladur. II faut, car ce n'est pas le cas la plupart du temps, que les accords de défense et les engagements d'assistance militaire souscrits par la France soient systématiquement transmis au Parlement pour information et que ce dernier puisse alors en juger  à froid.

En lançant le processus de révision de la Constitution, dans un discours du 12 juillet 2007 à Épinal, Nicolas Sarkozy expliquait à ses auditeurs que « dès lors que le Président gouverne », ce dernier doit être « responsable ». Mais comment organiser cette responsabilité ? Comment et devant qui doit-elle être engagée ? La réponse pour Nicolas Sarkozy était simple : il fallait que le Président « puisse s'exprimer au moins une fois par an devant le Parlement pour expliquer son action et pour rendre compte de ses résultats ».

L'idée est assez curieuse : généralement, on rend compte de son action ou de ses résultats devant ceux qui vous ont mandaté pour agir. Ainsi, un Premier ministre dans un régime parlementaire rend compte de son action – et rend des comptes – devant le Parlement. Or, en France, le Président de la République ne doit rien au Parlement ; il a d'ailleurs été élu avant les élections législatives. Pourquoi faudrait-il alors qu'il se présente devant lui ? En réalité, cette disposition aurait du sens si le Président de la République devenait constitutionnellement et explicitement le chef de l'exécutif – ce qu'avait proposé le comité Balladur.

Mais alors, puisque nous restons dans un régime parlementaire, il devrait être responsable au sens constitutionnel du terme, devant l'Assemblée nationale, autrement dit prendre le risque de subir sa censure. C’est difficile à imaginer. Pourquoi, en effet, la légitimité élective des députés l'emporterait-elle sur celle, de même nature, du président de la République ? Mais alors, si le vrai chef de l'exécutif ne peut pas être renversé par l'Assemblée nationale, nous sommes, non plus dans un régime parlementaire, mais dans un régime présidentiel et il faut l'assumer. Dans ce cas, il faut augmenter considérablement les pouvoirs du Parlement, assurer sa totale indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, et supprimer le droit de dissolution de l'Assemblée nationale par le Président de la République. Solution que personne ne souhaite véritablement...

D'où la curieuse idée de Nicolas Sarkozy, à l’article 7 : le Président de la République, quand il le souhaitera, viendra vanter son action devant les parlementaires, puis s'en retournera tranquillement à l'Élysée, son devoir de communication accompli, tandis que « hors sa présence » les parlementaires pourront débattre mais... pas voter. La responsabilité politique selon Nicolas Sarkozy se résume donc à cela : un président tout puissant qui, sans prendre le moindre risque et en conservant l'arme ultime de la mise au pas des députés – le droit de dissolution –, daigne venir expliquer sa politique devant les parlementaires, relayé par des médias parfois bienveillants (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), avec notamment un service public sous contrôle. La presse n’est-elle pas actuellement tenue par des amis du Président ? On se demande vraiment dans ces conditions où est le rééquilibrage annoncé des institutions...

M. Claude Bodin. Et cela redérape !

M. Noël Mamère. La présence du Président de la République devant le Parlement n'obéit en rien à un souci pédagogique. Il s’agit tout simplement pour lui de marquer clairement devant la représentation nationale et l'opinion le fait qu'il conduit la politique de la nation. C'est bien sûr le cas dans la pratique, mais au prix de l'abandon de fait du principe de responsabilité politique. Accepter que le Président de la République s'exprime ainsi devant le Parlement a pour conséquence d'officialiser une pratique démocratiquement déviante – le découplage entre l'exercice du pouvoir d'État et la responsabilité politique des gouvernants. C'est un pas supplémentaire vers un principe d'irresponsabilité des gouvernants. C'est accepter symboliquement le dévoiement présidentialiste de nos institutions.

M. Philippe Cochet. Rien que ça !

M. Noël Mamère. Le projet de réforme entend limiter les usages de l'article 49-3, ce coup de massue de l'exécutif contre le Parlement. Dans l'esprit des constituants de 1958, l'utilisation de l'article 49-3 devait rester exceptionnelle et réservée à un gouvernement ne disposant que d'une majorité relative ou fragile. Au fil des années, elle est devenue une arme « banalisée » à la disposition des gouvernements, même lorsqu'ils disposent du soutien d'une forte majorité.

Avec la consolidation du « fait majoritaire », la question de la suppression du 49-3 est donc posée. D'autant que le gouvernement Jospin, bien que s'appuyant sur une majorité plurielle et en n'utilisant jamais cet article de la Constitution, a apporté la preuve que l'on pouvait parfaitement gouverner sans brutaliser de la sorte l'Assemblée nationale et qu'après tout, gouverner c'était aussi convaincre sa propre majorité...

C'est donc seulement en apparence que la réforme, dans son article 23, limite les usages possibles de ce fameux article 49-3, en disposant qu'il ne peut plus être utilisé que pour les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale. Mais, et c'est là que le bât blesse, le texte du Gouvernement précise dans le même mouvement, que, « en outre » le Premier ministre « peut recourir à cette procédure pour un autre texte par session ». De deux choses l'une : ou bien l’on considère que l'article 49-3 demeure utile en cas de majorité relative ou instable et alors il ne faut absolument pas restreindre les utilisations de cet article ; ou bien l’on considère que le texte est inutile compte tenu de l'existence de majorités claires, que gouverner c'est aussi convaincre sa propre majorité ou en constituer une autour de soi, et alors il faut effectivement restreindre très fortement les utilisations possibles de l'article 49-3.

La voie médiane qu’on nous propose n'a aucun sens parce qu'elle ne limite rien. Depuis dix ans, cet article n'a été utilisé qu’à trois reprises : deux fois par Jean-Pierre Raffarin, en février 2003 sur le mode d'élection des députés européens et des conseillers régionaux, puis en juillet 2004 sur la loi relative aux responsabilités locales ; une fois par Dominique de Villepin, en janvier 2006 sur la loi relative à l'égalité des chances. Autant de gouvernements assurés d'une majorité totalement hégémonique à l'Assemblée. Autrement dit, dans sa formulation actuelle, la réforme ne changera rien.

La réforme prétend également améliorer le travail législatif. La seule disposition importante est dans l'article 17 : la discussion des projets de loi en séance publique portera dorénavant sur le texte adopté – et éventuellement amendé – par la commission parlementaire qui en a été saisie.

Cette disposition, qui répond à une revendication ancienne de parlementaires attachés au bon fonctionnement de notre assemblée, risque non pas d'améliorer le travail parlementaire, mais de limiter le droit d'amendement de chaque élu du peuple, d'enfermer la production de la loi dans une opacité regrettable et d'autoriser ainsi une diminution drastique des temps de débat en séance.

On pourrait se réjouir de l'instauration d'un délai entre le dépôt d'un texte et sa discussion. Mais malheureusement, là encore, le Gouvernement pourra s'affranchir de cette disposition en déclarant l'urgence sauf si – article 20 – « la conférence des présidents de chacune des deux Assemblées s'y oppose », ce qui n'est pas l'hypothèse la plus probable, vous en conviendrez...

Le changement est en fait homéopathique. Bref, cette réforme constitutionnelle ne bouleverse pas le travail parlementaire, et se situe même en très net retrait par rapport aux propositions du comité Balladur. Les lacunes de ce texte sont immenses. Elles sont aberrantes même lorsqu'on prétend construire une démocratie moderne, en phase avec son opinion.

Quelques droits nouveaux sont accordés à l'opposition, mais dans un esprit étroit et en décalage avec la réalité, calqué sur une vision bipolaire de la vie politique, que nos concitoyens ne souhaitent guère. Le pluralisme nécessaire à toute représentation démocratique aurait pu connaître une avancée significative, avec une modification des modes de scrutin. D’une part, avec l'introduction d'une dose de proportionnelle pour l'élection des députés. D'autre part, avec un changement du mode de scrutin sénatorial qui assure aujourd'hui à la droite une majorité pour des décennies, rendant illusoire toute possibilité d'alternance. Sur ces deux points, votre copie mérite un zéro pointé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Voisin. Quelle horreur !

M. Noël Mamère. Le droit de vote des étrangers aux élections locales, qui a été voté par cette assemblée, est une exigence. L'opinion est prête pour cette avancée démocratique. La participation aux élections locales et européennes des ressortissants de l'Union crée une injustice en droit avec les étrangers non communautaires qui n'est pas tolérable. Votre frilosité sur le sujet ne nous fait pas honneur. Il est hypocrite de s'y opposer sous le fallacieux prétexte qu'il doit être adossé à la nationalité, puisque ce n'est plus le cas depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht.

Les petits toilettages et autres rafistolages de la Constitution ne sauraient donc nous satisfaire, tant il est vrai que les propositions que vous avez formulées ne contribuent pas aux rééquilibrages que vous avez annoncés. Ils confortent en fait la prééminence du Président de la République et de l'exécutif sur le Parlement. Et, lorsque le Parlement bénéficie de vos largesses, ce sont en fait des transferts de compétences et de pouvoirs à la majorité parlementaire.

Dans la situation d'ambiguïté politique ou constitutionnelle où nous sommes – ni vraiment dans un régime présidentiel, ni plus complètement dans un régime parlementaire –, nous étions en droit d'attendre un peu plus de clarté. Et, pour tout dire, un peu plus de courage.

Il y a effectivement quelques timides avancées, par exemple l'élargissement de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature. Ce sont, si je puis dire, des avancées à la périphérie, qui ne modifient pas l'économie de ce projet et qui en font tout simplement un leurre nouveau, que vous proposez aux Français.

Je vous entends déjà crier au scandale et nous expliquer que nous n'avons pas saisi une « occasion historique » de réformer la Constitution, que nous ne voulons pas saisir l'opportunité « historique » de renforcer les pouvoirs du Parlement.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vrai !

M. Noël Mamère. Le texte soumis à discussion présente encore trop de zones d'ombres, de renvois à des textes ultérieurs, d'omissions injustifiables. C'est pourquoi, chers collègues, je vous propose de le renvoyer en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Benoist Apparu. Sans avoir expliqué pourquoi !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

M. Jean-Pierre Brard. Je me dois en effet d’expliquer pourquoi Noël Mamère nous a convaincus qu’il fallait renvoyer ce texte en commission.

M. Guy Geoffroy. Brard, lui, a compris !

M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes dans les faux-semblants. Toutes les cartes sont en effet sur la table mais pas dans cet hémicycle. Monsieur le secrétaire d’État, en vous regardant tout à l’heure, je vous imaginais chez vous le dimanche, l’aspirateur à la main, avec un bonnet et un tablier pour vous protéger de la poussière. Cet aspirateur, vous ne cessez de le manier en ce moment, dans les recoins du Sénat et de l’Assemblée, pour aspirer les parlementaires récalcitrants (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ceux-là mêmes que vous voulez amener à voter favorablement votre texte.

M. Marc Francina. La sénatrice Voynet, par exemple !

M. Jean-Pierre Brard. C’est en cela que je dis que toutes les cartes ne sont pas à disposition ici et que cet état de fait justifie le renvoi en commission du texte.

Tous les arguments ont été développés. Tout a été dit sur le discours du trône, où la Rolex remplacera les diamants de la couronne d’Elisabeth II (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) lorsque le Président de la République comparaîtra devant des parlementaires muselés.

M. Jean-Marie Demange. Lamentable !

M. Claude Bodin. C’est un envieux !

M. Franck Gilard. Appelez une infirmière !

M. Jean-Pierre Brard. Nous n’ignorons rien de ce qui se trame dans les coulisses. Pour faciliter les adhésions non spontanées, des contreparties seront données s’agissant notamment de découpage électoral. Après la hache pour le gros œuvre, le Gouvernement passera aux ciseaux et à la haute couture pour découper des circonscriptions sur mesure aux parlementaires qui auront courbé l’échine ou, plus exactement, qui auront démontré qu’ils n’en ont pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Noël Mamère a bien dit que le Parlement n’était qu’une chambre d’enregistrement. Pourquoi n’avez-vous donc anticipé la réforme constitutionnelle sur tous les textes dont nous discutons depuis des mois ? Hier soir, alors que notre excellente collègue Chantal Brunel, dans un moment de sincérité, s’était exprimée en faveur des salariés, en situation d’inégalité face à leurs employeurs, vous lui avez imposé le supplice de voter contre son propre amendement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Benoist Apparu. Elle n’avait pas d’amendement !

M. Jean-Pierre Brard. Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, je vous admire.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Oui !

M. Jean-Pierre Brard. J’admire votre sens du sacrifice…

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Bien !

M. Jean-Pierre Brard. …et votre abnégation.

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Merci !

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes des soldats ! Et Mme Dati est montée tout à l’heure à la tribune pour défendre un point de vue auquel elle ne peut pas croire.

M. Jean-Marie Demange. Il fait son cinéma !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Karoutchi, quand un ministre de votre gouvernement ose dire franchement ce qu’il pense, il lui arrive ce qui est arrivé à Mme Kosciusko-Morizet : il lui faut s’humilier pour garder son portefeuille ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. On l’a promue !

M. Jean-Pierre Brard. Vos pratiques relèvent de l’illusionnisme, et ce texte sort tout droit d’un magasin de farces et attrapes…

M. Franck Gilard. Dont vous êtes le représentant le plus comique !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Cela n’a rien à voir avec la réforme constitutionnelle, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Et, puisque vous en ouvrez la possibilité, pourquoi ne soumettez-vous pas votre projet de loi à référendum comme l’eût fait le général de Gaulle en son temps et comme il le fit en 1962 ?

C’est qu’en homme madré et plein d’expérience, vous savez, monsieur Karoutchi, que, sous la Ve République, les citoyens répondent plus à celui qui a posé la question qu’à la question qui est posée. Et vous savez donc que votre texte serait jaugé à l’aune du contexte dans lequel il s’inscrit plutôt qu’à l’aune de son contenu, ce qui laisse peu de doute sur le résultat.

Pour que toute la clarté soit faite (« Enfin ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) sur la manière dont, sans qu’on sache trop comment, on tire les ficelles en coulisses, ce texte doit être renvoyé en commission. Faute de quoi, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, vous prenez le risque du Congrès !

M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Vous aussi !

M. Jean-Pierre Brard. Sachez que la conviction des parlementaires invertébrés que vous allez faire plier dans les conditions que l’on sait est bien fragile ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous n’éviterez peut-être pas qu’en dernier ressort ils se déterminent davantage par rapport au contexte qu’au texte, et qu’un ultime réflexe de prudence les amène à ne pas vous suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe SRC.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la motion de renvoi en commission défendue par Noël Mamère se justifie pleinement. Il a recensé de manière exhaustive les raisons de fond ; je m’attacherai, quant à moi, au nom du groupe socialiste, à la forme.

Une course contre la montre est engagée depuis la première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, alors que le projet n’a été présenté en Conseil des ministres que le 23 avril 2008. L’exécutif veut faire adopter une révision constitutionnelle de plus de quarante articles en trois mois : cela se passe de commentaires.

Madame la garde des sceaux, vous nous avez déclaré il y a quelques instants à cette tribune que la Constitution n’appartenait pas à un clan politique, mais à la France. Pourquoi, dans ce cas, nous imposer cette révision à marche forcée, sinon pour éviter que la majorité des trois cinquièmes nécessaire à son adoption soit hypothéquée par l’élection de sénateurs de l’opposition en septembre ?

Vous craignez que votre réforme ne soit plus celle de votre majorité, voilà la vérité ! Bloquée par la date de convocation des grands électeurs sénatoriaux et par l’ouverture du musée du château de Versailles aux visiteurs, vous voulez passer en force, comme à votre habitude. Nous ne pouvons accepter cette méthode, et les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche voteront la motion de renvoi en commission.

M. le président. Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. Bernard Debré. On va peut-être éviter Versailles !

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe UMP.

M. Benoist Apparu. Mes chers collègues, je me contenterai de quelques mots rapides, car, depuis plusieurs semaines, tout a été dit.

M. Jean-Pierre Brard. Mais non !

M. Benoist Apparu. M. Mamère a tellement dévoyé la motion de renvoi en commission qu’il en a oublié de la défendre – et M. Brard n’a pas fait mieux. Se bornant à énoncer des principes généraux, il ne nous a pas expliqué ce qui pouvait justifier ce renvoi, et j’ai donc du mal à en comprendre le sens.

La commission a bien travaillé ; elle est parvenue à un texte équilibré.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Tout à fait !

M. Benoist Apparu. Il est donc temps d’entamer la discussion des articles afin que nous puissions ensemble tenter une nouvelle fois d’atteindre le compromis que tout le monde appelle de ses vœux pour réformer notre Constitution. Comme vous vous en doutez, le groupe UMP ne votera pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la motion de renvoi en commission.

M. Yves Nicolin. Mais où sont les socialistes ? (« Où sont les socialistes ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc Francina. Ils ne sont que deux !

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

La motion de renvoi en commission est rejetée.

M. le président. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)