Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux de la session > Compte rendu intégral de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 23 juillet 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Accord sur le siège du Bureau international des poids et mesures

2. Accord entre la France et le comité international des poids et mesures relatif au siège du Bureau international des poids et mesures

3. Convention sur la protection internationale des adultes

4. Convention contre la torture

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants

M. Jean Glavany, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Discussion générale

M. Christian Bataille

M. François Rochebloine

Mme Marie-Louise Fort

M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants

M. Jean Glavany, rapporteur

Article unique

5. Règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007

M. Michel Bouvard, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Discussion générale

M. Frédéric Lefebvre

M. Pierre-Alain Muet

6. Droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire

M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale

Discussion générale

Mme Colette Le Moal

M. Frédéric Lefebvre

Mme Delphine Batho

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Accord sur le siège du Bureau international des poids et mesures

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (nos 961, 1052).

Je rappelle que la Conférence de présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

2

Accord entre la France et le comité international des poids et mesures relatif au siège du Bureau international des poids et mesures

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Comité international des poids et mesures portant amendement de l'accord du 25 avril 1969 relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (nos 1041, 1052).

Je rappelle que la Conférence de présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

3

Convention sur la protection internationale des adultes

Vote sur un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes (nos 1035, 1053).

Je rappelle que la Conférence de présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d’examen simplifiée.

Conformément à l’article 107 du règlement, je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

4

Convention contre la torture

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (nos 960, 1044).

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants des Nations Unies.

Est-il besoin de rappeler que la torture constitue l'une des violations les plus abominables des droits fondamentaux de l'homme ? En causant des blessures à la fois physiques et psychologiques, l'acte de torture anéantit la dignité de l'être humain et porte atteinte aux valeurs et principes qui fondent la démocratie et l'état de droit dans nos sociétés.

Certes, plusieurs textes internationaux adoptés sous l'égide des Nations unies proclament l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants : ainsi la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels du 10 décembre 1984.

Or, malgré l'existence de ces textes, le recours à la torture et aux mauvais traitements persiste – comme nous le montre l’actualité – notamment, à l’encontre des personnes privées de liberté, considérées comme des personnes vulnérables, précisément compte tenu de leur privation de liberté.

Le texte le plus abouti dans la lutte contre la torture est assurément la Convention de New York du 10 décembre 1984 qui a marqué une étape décisive en posant le principe de l'interdiction absolue de la torture en toutes circonstances. Cette convention met à la charge des États parties l'obligation de poursuivre et de punir les auteurs d'actes de torture, de permettre aux victimes de saisir la justice et de rendre effective la règle de la compétence quasi-universelle. Cette compétence dérogatoire permet à un État partie de poursuivre un auteur présumé d'actes de torture, du seul fait de la présence de celui-ci sur son territoire, même si les faits ont été accomplis par un étranger, sur un étranger et à l'étranger. Elle constitue sans conteste une avancée majeure contre l'impunité, et en faveur des droits des victimes. Au-delà, elle donne un signal fort en faveur de l'universalité des droits de l'homme – question elle aussi d’actualité.

Cette convention a par ailleurs prévu la mise en place d'un comité contre la torture chargé d'examiner, d'une part, les rapports périodiques présentés par les parties et, d'autre part, les communications individuelles, ou « plaintes », présentées par les particuliers qui estiment être victimes de l'État dont ils relèvent au motif que ce dernier ne respecterait pas ses obligations conventionnelles.

Le protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants constitue une avancée majeure en matière de protection des droits de l'homme. Il vient renforcer la panoplie des instruments normatifs élaborés sous l'égide des Nations unies dont le dernier en date est la convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, dont la ratification a été autorisée par votre assemblée le 12 juin dernier – voilà encore un sujet que l’actualité nous rappelle régulièrement.

L'apport principal de cet instrument est qu'il contribue davantage à lutter, de façon préventive – ce qui est une novation –, contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Je voudrais insister sur le fait qu'il s'agit du premier instrument, à vocation universelle, instituant un mécanisme de visites préventives des lieux de privation de liberté destiné à rendre plus effective l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

À cet effet, le protocole prévoit deux mécanismes indépendants, d’une part, au niveau international et, d’autre part, au niveau national.

Au niveau international, l'article 2 du protocole crée un sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant : le sous-comité au Comité contre la torture des Nations unies créé par l'article 17 de la convention du 10 décembre 1984. Le sous-comité peut visiter les lieux de privation de liberté dans les États parties et fournit à ces dernier, ainsi qu'aux mécanismes nationaux de prévention créés au niveau national, toute aide et assistance « afin de renforcer la protection des personnes privées de liberté ». Par la ratification de cet instrument, la France pourra jouer un rôle actif au sein de ce sous-comité.

Conformément aux articles 6 et 7 du protocole, le sous-comité fut institué à l'issue de la réunion des États parties qui s'est tenue le 18 décembre 2006.

Au niveau national ensuite, le protocole, dans son article 17, impose aux États parties l'obligation de mettre en place, un an au plus tard après son entrée en vigueur, un ou plusieurs mécanismes nationaux indépendants de prévention de la torture et autres peines.

Mesdames et messieurs les députés, comme vous le savez, la France a mis en œuvre par anticipation le volet « mécanisme national de prévention » du protocole. En effet, par la loi du 30 octobre 2007, instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Gouvernement s'est mis en conformité avec le protocole.

Conformément aux exigences du protocole, le contrôleur général est une institution indépendante. Son indépendance est consacrée par la loi qui précise qu'il bénéficie d'une immunité juridictionnelle, qu'il exerce un mandat non renouvelable et qu'il ne peut être mis fin à ses fonctions qu'en cas d'empêchement. De même, il dispose de toute liberté pour recruter des contrôleurs et des collaborateurs et il gère librement son budget.

Par ailleurs, les personnes privées de liberté étant par principe vulnérables, le contrôleur général dispose d'une compétence couvrant tous les lieux de privation de liberté où il peut effectuer des visites soit à l’improviste, soit de façon programmée. Sont concernés les établissements pénitentiaires, les locaux de police et de gendarmerie, les zones d'attente et les locaux de rétention administrative, les centres éducatifs fermés, les locaux disciplinaires dans les enceintes militaires, les locaux de rétention douanière, ainsi que les établissements hospitaliers où se trouvent des personnes enfermées contre leur volonté. Le Gouvernement a ainsi fait le choix de créer une autorité unique chargée d'effectuer des visites dans tous les lieux de privation de liberté donnant à ce dispositif plus de cohérence et de visibilité.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut être directement saisi par « toute personne physique, ainsi que toute personne morale s'étant donnée pour objet le respect des droits fondamentaux », mais également se saisir de sa propre initiative. Il n'y a donc aucune restriction à la saisine de cette institution par les victimes elles-mêmes ou les associations de défense des droits de l'homme.

Si lors de ses visites le contrôleur découvre des faits susceptibles d'être qualifiés d'infraction pénale, il a la possibilité de saisir le procureur de la République ainsi que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire. Il peut même, en dehors du rapport annuel qu'il remet au Président de la République et au Parlement, rendre publics ses rapports de visite, après avoir fixé un délai de réponse à l'administration concernée.

Ainsi, mesdames et messieurs les députés, le protocole facultatif à la convention contre la torture, dont le projet de loi autorisant la ratification vous est soumis aujourd'hui, marque un pas important vers une meilleure prévention des actes de torture et, par le fait, vers plus de respect de la dignité et de l'intégrité de la personne humaine.

En autorisant la ratification de ce protocole par la France, vous réaffirmerez le caractère central de l'intégrité de la personne humaine dans le dispositif de protection des droits de l'homme. Vous rappellerez aussi la responsabilité particulière de notre pays, patrie des droits de l'homme. Enfin, vous permettrez à notre pays d'occuper la place qui est la sienne dans le dispositif des Nations unies, mis en place par le protocole facultatif, celui du sous-comité international de prévention de la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Telles sont, mesdames et messieurs, les principales observations qu'appelle le protocole facultatif à la convention contre la torture qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Jean Glavany, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, mes chers collègues, s’il est, par définition, très difficile d’évaluer précisément le nombre des personnes victimes d’actes de torture ou de traitements inhumains ou dégradants, la seule existence, de par le monde, de plusieurs centaines d’associations non gouvernementales luttant contre la torture, les exécutions sommaires, les disparitions forcées et tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant suffit à témoigner de l’ampleur de ce phénomène.

L’organisation Amnesty International indique avoir recueilli des informations sur des cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans quatre-vingt-un pays en 2007. L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture – ACAT – a dressé une impressionnante carte des pays qui pratiquent la torture, dont un exemplaire est annexé à mon rapport. Figurent parmi eux de nombreux pays au régime autoritaire, mais aussi de grandes démocraties, comme le Brésil, l’Inde et les États-Unis.

M. François Rochebloine. C’est vrai !

M. Jean Glavany, rapporteur. Le constat établi par ces ONG est d’autant plus préoccupant qu’il révèle une nette recrudescence, au cours de ces dernières années, des pratiques de torture dans le monde entier, sous le quadruple effet de la lutte contre le terrorisme, de la pratique des assurances diplomatiques – garanties orales dont se contentent certains États pour expulser des individus vers des pays où ils savent que se pratique la torture –, de la pression des opinions publiques – qui, en raison notamment de la lutte contre le terrorisme, se montrent moins sévères à l’égard de ces pratiques – et de mécanismes dits de « restitution » que, selon un récent rapport du Conseil de l’Europe, la CIA aurait utilisés pour transférer des prisonniers vers des prisons secrètes situées notamment sur le territoire de l’Union européenne.

Il est de notre devoir de démocrates et de défenseurs des droits de l’homme de rappeler que l’on ne combat pas le terrorisme avec les armes du terrorisme ; des images comme celles qui ont été prises dans les prisons d’Abou Ghraïb ou de Guantanamo renforcent, au contraire, le terrorisme. La communauté internationale s’honore donc de lutter avec vigilance et détermination contre la torture.

Tout instrument visant à renforcer les moyens de lutter contre de telles pratiques est donc utile. Le protocole facultatif se rapportant à la convention de lutte contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, signé le 18 décembre 2002 à New York, dont le présent projet de loi, adopté par le Sénat le 12 juin 2008, vise à autoriser l’approbation par la France, est particulièrement précieux, dans la mesure où il organise l’articulation entre un sous-comité de la prévention à vocation universelle, qu’il crée, et des mécanismes nationaux de prévention, dont chaque État partie doit se doter.

Aussi, avant même de déposer le présent projet de loi, la France a enrichi son corpus législatif d’une loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité qui a vocation à constituer le mécanisme français de prévention de la torture.

Avant d’en venir plus en détail au contenu de ce protocole facultatif – même si je serai bref, pour éviter de répéter ce qu’a excellemment dit M. le secrétaire d’État –, je vais rappeler le cadre international de lutte contre la torture et les autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ceux-ci sont interdits à la fois en temps de guerre par le droit humanitaire, c’est-à-dire par les conventions de Genève de 1949, et en temps de paix par le droit international classique.

Après que la torture a été déclarée illégale par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, puis interdite par convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, la convention des Nations unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants – dite « convention contre la torture » – est le premier instrument international contraignant qui porte exclusivement sur la lutte contre cette forme de violation des droits de l’homme ; cent quarante et un États y sont actuellement parties.

Pour veiller au respect des principes qu’elle pose, la convention contre la torture de 1984 crée un Comité contre la torture, composé de dix experts indépendants élus par les États parties à la convention. Le protocole additionnel que nous examinons aujourd’hui vise à compléter ce dispositif en instituant un sous-comité de la prévention, appelé à collaborer avec le comité contre la torture.

Un organe chargé de la prévention de la torture existe également en Europe depuis 1989. Créé par la convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants adoptée en 1987 par le Conseil de l’Europe, le comité européen pour la prévention de la torture est chargé d’effectuer des visites dans tous les lieux de détention sur le territoire des États parties et de faire des recommandations.

Par rapport à ce dispositif européen, le présent protocole à la convention de lutte contre la torture présente l’avantage d’être universel et d’articuler un organe international voisin du comité européen et des dispositifs nationaux propres à chaque État partie.

Adopté à New York le 18 décembre 2002, le protocole est entré en vigueur en juin 2006. Trente-cinq États y sont actuellement parties : trente-trois autres, dont la France, ont signé le protocole sans l’avoir encore ratifié – mais ce sera chose faite tout à l’heure. On est encore loin des quelque cent quarante États qui sont parties à la convention contre la torture de 1984, mais ce protocole n’est que facultatif. Le fait que près de la moitié des États parties à la convention l’aient signé, et ce moins de six ans après son adoption, constitue un signe encourageant de l’intérêt de la communauté internationale pour la lutte contre la torture. Toutefois, l’absence de grands pays parties, comme l’Inde, ou parties et signataires, comme les USA, le Brésil, la Russie et la Chine, est inquiétant et sonne peut-être comme une confirmation implicite du constat dressé par les ONG.

Afin de ne pas répéter ce qu’a dit le ministre, je ne m’attarderai que sur le volet national du protocole. C’est notamment pour mettre en œuvre de manière anticipée ces stipulations que la France a institué, par une loi du 30 octobre 2007, un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Considérablement améliorée au cours de son examen parlementaire, cette loi respecte pour l’essentiel les exigences du protocole.

On peut certes s’interroger sur le choix de la création d’une autorité indépendante unique, en charge du contrôle de tous les lieux de privation de liberté, dont le nombre est évalué à 5 800, alors que ceux-ci sont très divers – établissements pénitentiaires, locaux de garde à vue, dépôts des tribunaux, centres de rétention, cellules de retenue des douanes, par exemple – et présentent des spécificités qui auraient pu justifier de prévoir des organes spécialisés.

La loi présente par ailleurs deux dispositions en contradiction avec les stipulations du protocole : elle n’accorde pas les immunités et privilèges nécessaires à l’exercice des fonctions des collaborateurs du contrôleur général, pourtant exigées par le protocole, et elle prévoit des cas dans lesquels les autorités peuvent demander le report de la visite d’un lieu de privation de liberté par le contrôleur, alors que le protocole n’ouvre cette possibilité que pour s’opposer à une visite du sous-comité de la prévention, mais pas à celle d’un mécanisme national de prévention.

On peut aussi juger trop faible le budget annuel de 2,5 millions d’euros qui lui a été accordé pour 2008. Mais enfin, le contrôleur, après quelques mois de valse-hésitation, a été mis en place et, le 11 juin dernier, a été nommé à ce poste M. Jean-Marie Delarue, dont les compétences sont unanimement reconnues.

Je ne peux pourtant passer sous silence le fait que, à peine créé, ce nouvel organe apparaisse condamné à une existence brève puisqu’il semblerait que, une fois ce mandat achevé, soit dans six ans, ses compétences soient susceptibles d’être confiées au défenseur des droits des citoyens, institution dont la création est prévue par la révision constitutionnelle qui vient d’être adoptée par le Congrès. Il est regrettable que le sort d’un organe aussi important que le contrôleur général des lieux de privation de liberté apparaisse si incertain seulement quelques mois après sa création.

Alors que l’institution d’une autorité unique chargée de contrôler l’ensemble des lieux de privation de liberté pouvait être critiquée, l’idée de la fusionner avec d’autres organes aux missions fort éloignées des siennes est encore plus contestable.

Je pense que la France doit donc non seulement ratifier le protocole facultatif, mais aussi faire en sorte que son mécanisme national de prévention soit irréprochable. Il nous appartient de faire preuve de la plus grande vigilance sur ce point. C’est pourquoi la commission des affaires étrangères, sur proposition de son rapporteur, a adopté le projet de loi de ratification. (Applaudissements.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe socialiste approuve la convention contre la torture et autres traitements dégradants. Ce texte revêtant une dimension éthique particulière, nous nous félicitons que, comme l’a souhaité notre rapporteur, sa ratification soit accompagnée d’un débat.

La torture a fait l’objet de multiples condamnations. Intimement liées au passé de l’humanité, ces pratiques dégradantes pour l’homme restent malheureusement d’actualité et sont le quotidien de nombreux peuples. Cette actualité universelle concerne les États-Unis, l’Europe, la France, ainsi que la Chine, la Russie et l’Arabie. Il faut garder à l’esprit cette réalité et considérer que nous devons relever collectivement ce défi, quelles que soient nos appartenances.

Notre approbation de la convention contre la torture a valeur d’engagement pour aujourd’hui, mais notre vote exprime aussi un jugement sur un passé d’errements moraux et il traduit une attente : celle de l’abolition une fois pour toutes de la torture et des traitements dégradants, plus de deux siècles après la proclamation de la première déclaration des droits de l’homme, qui en mettait la pratique et le principe hors la loi.

Pourquoi torturait-on ? Pourquoi, malheureusement, torture-t-on encore ? La réponse à cette question n’est pas simple affaire de curiosité historique. Les arguments utilisés hier pour justifier le recours à de telles méthodes sont en effet toujours ceux des tortionnaires d’aujourd’hui. Officielle et légale pendant des siècles, la torture était reconnue, disait-on, pour accélérer les procédures et ainsi obtenir rapidement les aveux d’un suspect ou d’un prisonnier de guerre. Les déclarations ainsi acquises visaient, selon les tortionnaires, à préserver des vies humaines ou à protéger la société. L’Église catholique, la justice des pouvoirs monarchiques, les régimes totalitaires ont ainsi créé des services spécialisés usant communément de la torture, sans autre justification principale que la cruauté.

Dans Situations, Jean-Paul Sartre définissait ainsi cette pratique : « La torture est d’abord une entreprise d’avilissement. Quelles que soient les souffrances endurées, c’est la victime qui décide en dernier recours du moment où elles sont insupportables et où il faut parler. » Les noms d’organismes policiers ou religieux – Inquisition, Tcheka, Gestapo, Milice – sont autant de références qui ont douloureusement marqué la mémoire des hommes.

La torture, de façon paradoxale, s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Elle a été intégrée dans l’éventail des mesures policières et judiciaires d’États, de nos États, pourtant démocratiques. Les situations de crise politique et internationale aiguë ont parfois débordé le cadre démocratique. Le recours à la torture a été le fait de la France, en particulier pendant les guerres coloniales, et, plus récemment, des États-Unis pour, dit-on, réduire le terrorisme d’Al-Qaida. Ce recours et cette légitimation de l’innommable ont été, ici et là, justifiés par la raison d’État et une prétendue efficacité policière. Il s’agit surtout de manquements aux valeurs fondatrices de nos démocraties, qui ont dangereusement réactualisé des principes propres aux monarchies médiévales et aux dictatures.

Ces comportements sont inacceptables. L’évolution des mœurs politiques et morales paraissait avoir relégué ces pratiques à d’autres époques, les plus obscures de l’histoire.

La montée en puissance d’un nouvel ordre libéral et démocratique à partir de la Révolution anglaise du XVIIe siècle, à partir de l’Indépendance des États-Unis, à partir de la Révolution française au XVIIIe siècle, s’était en effet accompagnée d’une nouvelle approche laïque et tolérante de la politique. Elle avait conduit à réduire, puis à abolir le recours à la torture comme régulateur de conflits sociaux et des dissidences. Le siècle des Lumières, le siècle de Voltaire, a été celui des premières condamnations et des premières mesures abolitionnistes. La « question » a été supprimée en France à la veille de la Révolution, entre 1780 et 1788 – autrement dit il y a peu de temps. La déclaration des droits de l’homme de 1792 a solennellement confirmé cette suppression. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que l’Inquisition et ses méthodes ont été définitivement abolies.

Le désastre moral du XXe siècle européen, l’accession au pouvoir de dictatures liberticides et criminelles a brutalement ramené l’Europe deux cents ans en arrière. Pire, la technologie a porté l’enfermement, le crime politique et la torture à une échelle jusque-là inconnue. L’effondrement des régimes totalitaires a heureusement créé les conditions d’un sursaut moral. Après la seconde guerre mondiale, conséquence du traumatisme provoqué par les pratiques policières et la conception raciale du pouvoir par l’Allemagne hitlérienne, et du génocide de populations juives et tziganes, un appareil conventionnel international a été adopté, Le nouveau droit développé par les Nations unies à partir de 1945 intègre la condamnation de la torture. Plus près de nous, le Conseil de l’Europe, pour les pays qui en sont membres, a également développé son appareil conventionnel. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui s’inscrit dans cette logique conventionnelle qu’il prolonge et complète.

La France a accepté de placer ses actes de gouvernement sous la tutelle morale et juridique de ces traités qui condamnent la torture. À ce titre, elle reconnaît le contrôle effectué par le CPT, Comité européen pour la prévention de la torture et des peines et traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe. J’appelle votre attention sur le dernier rapport établi le 10 décembre 2007 par le CPT sur la situation carcérale en France. Ce document condamne un certain nombre de faits et signale des problèmes nous appelant à corriger de mauvais comportements. La Cour européenne des droits de l’homme, dont la jurisprudence est admise par notre pays, a également, en différentes occasions, condamné la France pour des mauvais traitements concernant des détenus, par des décisions des 27 août 1992, 28 juillet 1999, 1er avril 2004 et 24 octobre 2006. Ces actes et décisions signalent des carences, un déficit démocratique. Ils viennent nous rappeler la nécessité de ne pas baisser la garde. Signer et ratifier des accords internationaux ne suffit pas. Ces organismes internationaux nous aident à rester vigilants, Il faut tenir compte de leurs avis et recommandations, au lieu de les rejeter orgueilleusement d’un revers de la main.

Je souhaiterais, de façon plus solennelle, attirer votre attention sur un dossier qui nécessiterait, près de cinquante ans après ces événements, une prise de conscience et une reconnaissance. Et celle-là ne relève pas que de nous-mêmes. Je veux parler de la torture pratiquée par certaines forces de l’ordre françaises en Algérie. Au-delà des faits qui sont dégradants pour notre pays et éthiquement révoltants, il y va de l’avenir de nos institutions, potentiellement altérées par une amnistie et donc un oubli porteurs de graves incertitudes. Les témoignages vérifiés existent, qu’ils soient le fait de témoins, de victimes ou d’historiens, notamment dans le livre d’Henri Alleg, La Question. Pourtant, la torture qui a été pratiquée en Algérie n’est toujours pas considérée comme un crime imprescriptible par la justice française. Cette situation, justifiée par la raison d’État, le souci de la paix civile, autorise toutes les dérives. L’impunité est ainsi offerte aux acteurs de cette guerre sale. L’un d’entre eux, le général Aussaresses, a publiquement justifié l’usage de la torture à la télévision et dans un livre. La revendication ultérieure par la majorité UMP du rôle positif de la colonisation française en Afrique du nord s’inscrit dans cette logique de l’oubli collectif.

M. Patrice Martin-Lalande. Voilà une polémique vraiment désagréable !

M. Christian Bataille. On peut légitimement craindre pour demain d’autres dérives, moralement comme politiquement dommageables. L’amnistie conduit tout naturellement à l’oubli sélectif, puis à la réhabilitation de ce passé sombre, qui porte gravement atteinte au socle des valeurs républicaines, à nos valeurs. Une boîte de Pandore a été ouverte. Elle légitime de façon perverse les pratiques de torture au nom d’objectifs présentés comme nobles, évoqués depuis la nuit des temps : préserver des vies humaines, lutter contre le terrorisme.

Le débat de ce jour me conduit, mes chers collègues, à rappeler ici avec gravité que les méthodes utilisées par la France dans ses anciennes colonies sont périlleuses pour nous-mêmes. Il faut également souligner qu’elles ont été revendiquées et parfois prises comme modèle par des dictatures latino-américaines. Un film documentaire de Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française, l’a récemment rappelé. Les États-Unis, aujourd’hui démocratie revendiquée, ont eux aussi dérapé et pratiqué la torture ou des formes de torture dans la prison d’Abou Ghraib ou dans le centre de détention de Guantanamo. Notre amnésie officielle décrédibilise les critiques venues de France adressées à des gouvernements étrangers, coupables du crime de torture. Les démocraties se doivent d’être exemplaires, et ne peuvent être qu’exemplaires si elles veulent être écoutées et entendues par des régimes pratiquant sans états d’âme torture, traitements dégradants et peine de mort, Le respect des principes et des valeurs démocratiques ne souffre pas d’exception. Le recours à des mesures dérogatoires, au nom de la raison d’État, finit par pervertir l’esprit des lois.

La défense des droits de l’homme et celle de la démocratie constituent deux des éléments constitutifs de l’identité républicaine. Les socialistes y sont particulièrement attachés. Nous condamnons de façon résolue les violations de ces droits et tout ce qui, de près ou de loin, justifie torture et traitements dégradants. C’est pourquoi notre groupe s’est mobilisé après la publication du rapport du CPT sur les prisons françaises. Plusieurs députés ont interpellé le Gouvernement et nous avons déposé en 2004 une proposition de loi visant à créer un poste de contrôleur général des prisons. Les députés socialistes ont participé, dans cet esprit, à deux débats importants concernant l’un la création d’un poste de contrôleur général des lieux de privation de liberté, l’autre la rétention de sûreté. Nous avons, par ailleurs, protesté après la décision de réduire les subventions accordées à l’Observatoire international des prisons, l’OIP. Par ailleurs, le groupe socialiste participe activement à l’adoption de conventions internationales visant à renforcer la condamnation de la torture, la protection des victimes et, plus généralement la défense des droits de l’homme. Nous avons, par exemple, demandé l’examen en séance publique de la Convention d’adhésion au Pacte international visant à abolir la peine de mort.

Nous avons demandé également, à l’occasion de l’adoption de la Convention sur les personnes disparues, la prise en compte de cas concrets. Je souhaite en particulier rappeler ici celui de l’opposant tchadien Oumar Mahamat Saleh, dont on est sans nouvelles depuis le mois de janvier. Est-il encore prisonnier ou a-t-il succombé à de mauvais traitements ? Le Président de la République, si pressant pour exiger « quoi qu’ils aient fait » le retour de compatriotes mis en examen à N’Djamena après voir été accusés d’enlèvement d’enfants est, en l’occurrence, resté bien discret.

M. Patrice Martin-Lalande. Il agit !

M. Christian Bataille. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner aujourd’hui une information sur la situation exacte de M. Oumar Mahamat Saleh ? La France a-t-elle entrepris des démarches qui seraient actuellement en cours ? Par ailleurs, avec des groupes de gauche, les socialistes ont déposé au cours de la législature précédente une demande de création de commission d’enquête sur la participation de militaires français à la répression en Amérique du Sud.

M. Patrice Martin-Lalande. Et sur la participation des communistes ?

M. Christian Bataille. Cette demande aurait, si elle avait été acceptée, permis de savoir, de vérifier les effets collatéraux redoutables d’une amnistie persistante sur la torture pratiquée en Algérie par des soldats égarés. Mais, ici encore, cette demande a été rejetée par les députés de droite alors qu’ils ont par ailleurs reconnu, par un vote, des effets bénéfiques à la colonisation.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bataille.

M. Christian Bataille. Il y a là un « deux poids, deux mesures » que, pour notre part nous refusons.

Sous réserve de ces remarques et des questions que je vous ai posées, monsieur le secrétaire d’État, le groupe socialiste approuve la convention contre la torture et les traitements dégradants soumise au vote de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré toute l’estime et l’amitié que je porte à M. le secrétaire d’État, je regrette – et ne suis sans doute pas le seul dans ce cas – l’absence de Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme auprès de M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

« Qu’as-tu fait de ton frère ? » L’interpellation biblique adressée à Caïn retentit à travers les temps. Malheureusement, notre débat d’aujourd’hui donne une nouvelle occasion de constater qu’elle conserve toute sa force : en effet, dans de trop nombreux pays, la pratique de la torture est couramment admise et utilisée ; elle est une forme de la violence politique ; bien plus, elle demeure un moyen ordinaire de constitution de la preuve dans les procès pénaux. Le rapport d’Amnesty International fournit, année après année, de trop nombreux exemples de tels comportements. Qu’il me soit permis de rendre hommage à cette organisation et à toutes celles qui, à l’image de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture – l’ACAT –, agissent sans désemparer pour la défense des victimes.

C’est en effet la défense de la personne humaine qui est le fondement le plus solide de l’action contre la torture. Comme le rappelle notre rapporteur, Jean Glavany, la définition juridique de la torture est une question en partie subjective, qui dépend aussi des conceptions philosophiques et religieuses de chacun. Mais, il le reconnaîtra sûrement avec moi, l’affirmation de la dignité de la personne humaine est un impératif moral qui préexiste à toute définition. Les souffrances, les blessures physiques et morales, l’asservissement durable que crée la relation entre le torturé et le bourreau en appellent immédiatement à la conscience. Aucune considération politique, philosophique ou religieuse ne saurait justifier de telles pratiques, et la solidarité avec les victimes s’impose à tout homme droit.

C’est pourquoi je m’inquiète de voir que la guerre contre le terrorisme a donné à la torture, pour certains, une nouvelle justification, au nom de l’efficacité et de la proportionnalité de la réponse à une menace collective d’ampleur inédite. C’est l’occasion de rappeler à quel point le recours à la torture se nourrit de la bonne conscience : faut-il vraiment reconnaître des droits à des personnes dont on a des raisons solides de penser qu’elles n’ont pas un grand respect de la vie des autres ? Pour ma part, je pense fermement que oui, parce que la torture avilit le bourreau, même si celui-ci prétend agir au nom de la justice.

Je relève également avec regret que de grands pays comme les États-Unis, la Chine, la Russie, ont refusé de signer le protocole dont nous débattons aujourd’hui : y aurait-il une sorte d’immunité de la puissance ? Je déplore que plusieurs pays, signataires de ce protocole, tolèrent dans leurs pratiques internes des actes qu’ils condamnent par leurs engagements internationaux.

Et puisqu'on a cité nommément le Brésil, comment ne pas saluer ici la mémoire du frère Tito de Alencar, dominicain brésilien, qui devait se suicider durant l'été 1974 dans un couvent français à l'âge de 29 ans, n'ayant pu surmonter les séquelles des tortures atroces qu'il avait subies lors d'un emprisonnement dans son pays ?

Ce drame d'une vie brisée a marqué les esprits. Il fut longuement décrit et analysé en particulier sur un plan psychanalytique, fournissant, s'il en était besoin, une justification à la démarche de prévention qui fonde le protocole dont nous sommes appelés aujourd'hui à autoriser la ratification. Les pratiques tortionnaires sont, non pas des accidents localisés, mais bien au contraire des événements derrière lesquels il arrive de trouver les pires des crimes, comme l'a d'ailleurs fort bien précisé le psychanalyste Jean-Claude Rolland, qui a vu dans la torture le début d'un génocide.

Même s'ils n'aboutissent pas toujours à une issue aussi fatale, les actes de torture infligent toujours en effet, à leurs victimes, des lésions profondes et souvent irréversibles ; les secours reçus peuvent en atténuer les conséquences, mais ne peuvent pas en effacer complètement la marque.

Il faut donc tout faire pour empêcher que ne se créent ou que persistent les conditions qui donnent naissance à la pratique de la torture.

Il faut viser la protection des personnes autant et plus que l'examen des législations : l'effort de prévention ne porte pas seulement sur les situations d'exception, même s'il apparaît plus immédiatement nécessaire en de telles circonstances.

Il faut prévoir l'intervention d'autorités indépendantes aux différents niveaux de la responsabilité politique : c'est ce que propose le protocole de 2002, prévoyant à la fois la création d'inspections internationales et l'institution de procédures nationales. Je me suis félicité en son temps de la nomination d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté : comme je l'ai déjà déclaré en commission des affaires étrangères, je considère en effet qu'il est essentiel de respecter la dignité des personnes détenues et de ne pas ajouter à une peine légitime la sanction illégitime d'un emprisonnement dans des conditions dégradantes.

J'ai noté, comme nos collègues rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, qu'il était envisagé de confier les tâches de ce contrôleur général au Défenseur des libertés créé par la réforme constitutionnelle. Comme eux, je m'interroge sur les modalités de la succession entre les deux autorités et je souhaiterais être assuré de ce que l'agrégation de la compétence spécifique de contrôle des lieux de détention au vaste champ d'intervention du Défenseur des libertés n'est pas contraire à la lettre ou à l'esprit du protocole de 2002.

La logique de prévention explique aussi, sans doute, la disposition a priori surprenante qui préserve de poursuites pénales les personnes qui, par de fausses déclarations, auraient déclenché à tort l'intervention d'une autorité nationale ou internationale d'inspection. Cette disposition me semble prendre tout son sens dans les pays où le respect du principe de légalité n'est pas encore pleinement assuré, et où la perspective de poursuites pénales peut dissuader la dénonciation de faits de torture. Elle est de toute évidence moins adaptée à l'état de notre droit et de notre société. La France a publié une déclaration interprétative rappelant l'existence en droit français du délit de dénonciation calomnieuse. Je souhaiterais cependant savoir si la seule existence de cette déclaration suffît à contrarier la jurisprudence qui admet désormais l'effet immédiat des règles contenues dans les traités internationaux.

Je souhaiterais savoir également si les auteurs de fausses déclarations intentionnelles peuvent voir leur responsabilité civile engagée à ce titre.

J'ai noté, par ailleurs, que le système européen de prévention des actes de torture, confié au Comité européen de prévention des actes de torture, demeurait à l'écart de la procédure à double niveau – international et national – prévue par le protocole additionnel. Je souhaiterais avoir des informations complémentaires sur les activités de ce Comité sur le territoire national.

Même si l'accumulation de procédures sur la base d'instruments juridiques différents peut créer une impression de confusion, je crois que la multiplication des contrôles, en accroissant la menace d'un appel efficace à l'opinion internationale, est de nature à favoriser la disparition de la torture.

Avec Jean-Étienne de Linarès, délégué général pour la France de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, je conclurai en disant que « nous luttons contre la torture parce que nous le devons aux victimes ». Le vote positif du groupe Nouveau Centre sur le projet de loi de ratification est une manière d'honorer cette dette d'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort.

Mme Marie-Louise Fort. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a à peine une semaine nous avons assisté à la diffusion du premier enregistrement vidéo de l’interrogatoire d’un détenu de Guantanamo. Cet enregistrement, réalisé en 2003, montre un adolescent de seize ans – son jeune âge m'a particulièrement surprise –, dans un état de détresse absolu, devant des enquêteurs canadiens venus l'interroger.

Cet homme, aujourd'hui âgé de vingt et un ans, est encore à ce jour à Guantanamo. Sans préjuger du fond – que venait faire un jeune de quinze ans de nationalité canadienne au fin fond de l'Afghanistan en 2002 ? –…

M. Richard Dell'Agnola. Tuer un GI…

Mme Marie-Louise Fort. …je souhaite faire de cette image un exemple pour illustrer mon propos de cet après midi.

Je ne reviendrai pas sur les éléments techniques de ce protocole facultatif que notre collègue rapporteur, Jean Glavany, a fort bien décrit. Je souhaite en revanche revenir sur certains points qui me paraissent importants.

La communauté internationale tente depuis de nombreuses années maintenant de lutter contre ce phénomène de la torture : la convention de New-York contre la torture date de 1984. Le protocole facultatif que nous nous proposons de ratifier aujourd'hui a été adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2002, la France l'a signé trois ans plus tard, le 16 septembre 2005.

La notion même de torture, de traitements inhumains ou dégradants recouvre des définitions extrêmement disparates selon les États et ce, malgré les efforts de la communauté internationale de donner des définitions les plus larges et complètes possible.

Le cas de ce jeune homme de Guantanamo ou les images dégradantes que nous avons tous vu de la prison irakienne d'Abou Ghraib sont évidemment des exemples marquants et nets de cas de pratiques particulièrement dégradantes et humiliantes.

Pour ces images rendues publiques et largement diffusées combien sans diffusion dont nous n'aurons jamais connaissance ? Les tortionnaires d'Abou Ghraïb ont été poursuivis, condamnés à des lourdes peines. Combien d'autres sont en liberté, capables de recommencer ?

De même, si ces actes sont pratiqués par de nombreux pays au régime autoritaire – ce qui, hélas ! ne surprend guère – de grandes démocraties comme les États-Unis ou le Brésil sont régulièrement accusées d'avoir recours à de telles pratiques.

Les différents organismes internationaux s'accordent tous pour dire que le phénomène est en augmentation, même s'il est extrêmement difficile à quantifier. Là encore, est-il vraiment en augmentation ou disposons-nous d'outils plus efficaces pour en rendre compte ? Notre conscience politique accrue nous rend-elle plus sensible à ces phénomènes qu’auparavant ? Autant de questions auxquelles il est très difficile de répondre.

Un tel état des lieux rend d'autant plus inquiétant le sondage réalisé en 2008 dans dix-neuf pays, dont fait état notre collègue rapporteur dans son rapport : si 57 % des sondés se déclarent en faveur de l'interdiction absolue de la torture, 35 % y sont favorables si cela peut sauver des innocents et 9 % défendent même son utilisation par l'État.

Force est de constater que les pays confrontés directement de manière frontale et brutale au terrorisme sont les plus concernés : en Inde, en Turquie ou aux États-Unis une majorité de citoyens considère que la torture peut être employée dans le but de sauver des vies innocentes – 44 % des Américains, 59 % des Indiens, 51 % des Turcs.

Cette réalité des faits épargne les pays Européens : dix-neuf des vingt-sept pays de l'Union ont signé ou ratifié le Protocole facultatif. Parmi les États de l'Union signataires, il faut noter la présence de l'Espagne, pays pourtant durement et très régulièrement touché par le terrorisme qu'il soit international – attentat de Madrid – ou basque, les derniers attentats de ce week-end en témoignent.

Le Royaume-Uni fait aussi partie des États ayant ratifié le protocole, et c'est dans le respect de celui-ci que les autorités britanniques ont considérablement renforcé leur législation anti-terroriste, à la suite des attentats meurtriers de Londres.

Notre continent fait, une fois encore, figure d'une exemplarité certaine en la matière. Il est important de le souligner et nos concitoyens doivent en avoir bien conscience.

Je l'ai indiqué lors de l’examen en commission et je souhaite le redire ici : j'ai, comme un certain nombre d’entre vous, visité des centres de rétention et je tiens à dire que les gens y sont traités dans le respect de leurs droits. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je ne dis pas que ces centres sont des endroits agréables, je dis que les personnes retenues y sont traitées avec humanité et respect, c'est leur situation individuelle ou familiale qui est dramatique.

Notre pays a certes des progrès à faire. En effet, les rapports réguliers sur l'état de nos prisons sont inquiétants et nécessitent des efforts considérables de modernisation. Le Gouvernement s'y attelle mais cela prendra du temps.

Le principal apport de ce protocole facultatif que nous nous apprêtons à ratifier est l'établissement d'un « système de visites régulières » des lieux où la torture ou tout autre type de traitement inhumain ou dégradant est susceptible de se produire. C'est la démarche de prévention qui est favorisée.

La France n'a d'ailleurs pas attendu la ratification de ce protocole pour s'y conformer puisque, par la loi du 30 octobre 2007, elle a institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le premier contrôleur général, Jean-Marie Delarue a été nommé le 11 juin dernier pour six ans.

Avant de lancer des polémiques inutiles sur la pérennité à terme du poste en question, attendons qu'il se mette au travail et jugeons par la suite du meilleur mode d'action et de compétences pour garantir à chacun le respect de ses droits.

Je souhaite rappeler ici quelques vérités au regard de la carte fournie avec le rapport. Force est de constater que peu d’États sont exempts de ces pratiques. Notre Europe paraît bien isolée… Mais, tout de même, quelle fierté ! C'est tout à l'honneur de notre pays et de la politique que nous menons aujourd'hui. Si nous ne devions discuter qu'avec les pays « fréquentables », nous ne discuterions plus avec grand-monde.

M. François Rochebloine. Il ne faut tout de même pas exagérer !

Mme Marie-Louise Fort. Nous le savons aujourd'hui, car les otages libérés de Colombie nous l'ont dit : la France est entendue et attendue.

Sans jamais transiger avec les principes, nous n'oublions pas que derrière chaque responsable politique il y a des peuples, des causes à défendre : derrière Khadafi, il y avait les infirmières bulgares ; derrière notre intervention en Afghanistan, il y a les petites filles et les femmes afghanes ; derrière Bachar el-Assad, il y a les espoirs de paix dans une région ravagée par la guerre et la haine ; derrière la présence française à l'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin, il y a la liste des dissidents politiques confiée par nos collègues européens au Président de la République.

De cela mes chers collègues, nous devons être fiers, sans occulter les difficultés, sans faire de concessions à nos principes, sans sombrer dans les querelles franco-françaises permanentes dont nous sommes si friands et que relaye avec délectation la presse.

Nous avons la chance de faire partie de cet îlot de paix, de stabilité et de démocratie. Notre continent est la preuve que les choses sont possibles : c'est cela notre message au monde.

Mes chers collègues, la ratification de ce protocole facultatif contre la torture est nécessaire : non seulement elle permet une meilleure prévention de ces comportements, mais elle a aussi valeur d'exemplarité à l'heure où ce phénomène semble s'amplifier à travers le monde.

En conclusion, permettez-moi de citer Valentina Siropulo, l’une des infirmières bulgares libérée après plusieurs années de torture. « Pour moi, la France est la patrie de la démocratie... C'est un modèle que tous les autres pays du monde devraient suivre. », a-t-elle déclaré devant la commission d’enquête parlementaire. La France, pays des droits de l'homme, ne peut s'affranchir de ses responsabilités : le groupe UMP dont je me fais ici la porte-parole votera la ratification de ce protocole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Quelques rapides éléments de réponses aux questions qui, au-delà de nos points d’accord, m’ont été posées sur ce texte.

Monsieur le rapporteur, sur la question de l’autorité unique, c’est bien la diversité des contrôles qui permettra d’asseoir l’autorité du contrôleur ; la multiplication des autorités, à l’inverse, affaiblirait leur pouvoir. Mais il est permis d’en débattre...

Vous vous êtes également interrrogé sur la possible disparition du contrôleur général après la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle. Je ne peux préjuger de ce qu’il en sera lorsque la discussion aura lieu, mais l’esprit de la réforme n’est certainement pas de diminuer le contrôle des libertés fondamentales.

Plus concrètement, vous vous êtes inquiété de la possibilité pour les autorités responsables de demander un report de la visite du contrôleur ; il faut préciser que l’usage de cette pratique sera fortement encadrée et limitée à des cas tout à fait exceptionnels, justifiés entre autres par des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale, à la sécurité publique ou à des catastrophes nationales, autrement dit à des situations extrêmes où l’intérêt général commandera le report du contrôle. Je rappelle par ailleurs que l’Assemblée nationale pourra toujours juger de la pertinence d’éventuelles décisions de ce type à l’occasion du rapport du contrôleur général.

Vous avez également posé la question de la protection des collaborateurs du contrôleur, seul à disposer d’une immunité. Le décret du 12 mars 2008 précise que les fonctionnaires, praticiens hospitaliers et magistrats d’État lui ayant apporté leurs concours en cette qualité disposent de garanties sur le déroulement de leur carrière, y compris naturellement lorsque ce concours a pris fin. Il n’est pas possible de décider à leur encontre de mesures défavorables en matière de notation ou d’affectation. Des garanties sont donc prévues ; je tenais à vous le préciser, monsieur le rapporteur, tout en vous remerciant de la qualité de votre rapport.

Monsieur Bataille, je vous rappelle que le général Aussaresses a été condamné par les tribunaux français. Cette décision a été déférée à la Cour européenne des droits de l’homme, qui ne s’est pas encore prononcée sur la légalité de cette condamnation. On ne saurait donc nous taxer d’immobilisme comme vous laissez entendre.

À propos du Tchad, ayant accompagné le Président de la République lors de son voyage, je peux témoigner qu’il a fait preuve d’une écoute particulièrement attentive à l’égard des familles des disparus, et qu’il s’est montré particulièrement insistant auprès des autorités tchadiennes. Il nous manque encore des informations concernant l’une de ces personnes ; c’est la raison pour laquelle la commission d’enquête sur le Tchad doit déposer son rapport sur ces disparitions. La France a délégué un expert indépendant, et nous restons naturellement vigilants sur cette affaire.

Monsieur Rochebloine, vous avez évoqué à raison le risque de fausses déclarations. L’objet de la déclaration française est précisément de permettre dans ces cas des poursuites pénales et une action civile. Les fausses déclarations peuvent en effet avoir des conséquences dramatiques sur les personnes qui en feraient l’objet, ce qui justifie les poursuites.

J’aurais tout comme vous souhaité la présence de Rama Yade ; malheureusement, à la demande de Bernard Kouchner, elle représente la France au sommet de l’UE-ASEAN à Singapour et ne peut donc être parmi nous cet après-midi.

Je vous confirme également que l’intégration des missions du contrôleur dans le champ d’intervention du futur défenseur des libertés se fera, si elle doit avoir lieu, dans le respect du protocole. Je précise à ce propos, en complément de ce que j’ai dit à M. Glavany, que les différents États ayant déjà adopté des dispositions internes pour se mettre en conformité avec le Protocole ont choisi des systèmes très divers, sans que l’on puisse affirmer que tel mode d’organisation est plus ou moins adéquat que tel autre. Au-delà de leur diversité, tous respectent l’esprit d’un texte sur lequel nous sommes tous d’accord.

Enfin, madame Marie-Louise Faure, je ne peux que saluer la qualité de votre intervention et le soutien argumenté que vous apportez à ce texte. Quant au cas de Omar Khadr, ce ressortissant canadien mineur au moment de son arrestation et toujours détenu à Guantanamo sans jugement, vous connaissez la position française : nous estimons qu’il doit être déféré dans les plus brefs délais à la justice des mineurs canadienne. Un rapport sénatorial a été déposé en ce sens.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les quelques éléments de réponse que je voulais apporter à vos interventions constructives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Glavany, rapporteur. Je vous remercie de ces explications, monsieur le ministre, pour vos explications. Toutefois, sur la question du contrôleur des lieux de privation de liberté, j’entends faire la part entre le débat politique et le droit. Je reconnais que l’avenir de l’institution après le premier mandat de six ans relève du débat politique, tout comme les moyens budgétaires. En revanche, la question de l’immunité des collaborateurs et celle des exceptions au droit de visite relèvent, disons-le clairement, du droit. Vos commentaires pourraient donner satisfaction, à ceci près que vous parlez de garanties alors que le protocole que nous ratifions parle, quant à lui, d’immunité. Il y a donc un décalage dans le droit entre ce que nous ratifions et la loi interne que nous avons adoptée il y a quelques mois. Même chose pour les reports des visites : vous parlez de cas exceptionnels là où le protocole ne prévoit aucune exception. Là encore, il y a un décalage et je tenais à appeler votre attention sur ce point.

Article unique

M. le président. Je mets aux voix l’article unique du projet de loi dans le texte du Sénat.

(L'article unique est adopté.)

5

Règlement des comptes
et rapport de gestion pour 2007

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 (n° 1066).

La parole est à M. Michel Bouvard, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Michel Bouvard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner les conclusions de la CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007.C’est la première fois qu’un projet de loi de règlement fait l’objet d’une CMP. Je ne suis pas certain que la revalorisation de la loi de règlement doive se mesurer à l’existence d’une CMP chaque année…

En première lecture, le Sénat a en effet jugé utile de compléter ce projet de loi par deux articles additionnels et de supprimer un article ajouté par l’Assemblée nationale. La CMP a donc été saisie de trois articles et est parvenue à un accord sur chacun d'entre eux. J’en remercie nos collègues sénateurs et singulièrement le rapporteur du Sénat, Paul Girod, dont c’est aujourd’hui la dernière séance en tant que parlementaire.

Le premier de ces articles ne posait pas de difficulté particulière : il vise à améliorer l'information du Parlement sur le coût des grands programmes d'armement. L'article 104 de la loi de finances pour 2007 prévoit en effet une information du Parlement sur le coût des grands programmes d'armement. Cependant, cette information ne s'applique pas aux programmes en cours. Afin de remédier à cette lacune, le Sénat a prévu que serait désormais communiqué chaque année au Parlement l'échéancier remis à jour des programmes d'armement. C'est une amélioration de l'information du Parlement, et la CMP a donc adopté la rédaction du Sénat sans la modifier.

La CMP a ensuite examiné les deux modifications que le Sénat proposait d'apporter aux conditions de transmission des observations de la Cour des comptes. En premier lieu, il réduisait de trois à deux mois le délai laissé au Gouvernement pour répondre aux référés de la Cour, afin d’accélérer la transmission des référés au Parlement. Votre CMP a maintenu cette disposition, en considérant qu'un délai de deux mois est suffisant pour garantir le caractère contradictoire des contrôles de la Cour.

En second lieu, le Sénat avait prévu que toutes les observations de la Cour des comptes seraient transmises au Parlement. Actuellement, la Cour n'est en effet tenue de transmettre au Parlement que les observations adressées aux ministres. Pour les autres observations, la transmission n'est qu'une faculté laissée à la discrétion du Premier président. La CMP a considéré qu'une transmission systématique de toutes les observations de la juridiction financière serait excessive. Les observations que la Cour émet suite à ses contrôles sont en effet nombreuses : en 2007, le Procureur général a émis cinquante-deux communications, et les présidents de chambre ont transmis 220 lettres – ce qui posait le problème de leur traitement par les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat. Ces observations sont surtout d'une importance très variable. Il est donc justifié d'en extraire les plus intéressantes pour les transmettre au Parlement. En outre, une obligation de transmission de toutes les observations de la Cour risquerait de faire disparaître l'actuelle hiérarchie, particulièrement utile, entre les différentes suites que la juridiction peut donner à ses contrôles.

La CMP a donc modifié la disposition votée par le Sénat, afin de donner aux commissions parlementaires la possibilité de demander que leur soient transmises les observations dont elles souhaitent avoir connaissance, sans pour autant que cette transmission soit systématique.

Enfin, le troisième article examiné par la CMP concerne la récapitulation des mesures fiscales et relatives aux cotisations sociales adoptées en cours d'année. En première lecture, afin de concrétiser une proposition de la mission d'information sur les niches fiscales, animée notamment par le président et le rapporteur général de notre commission des finances, l'Assemblée nationale a créé une annexe au projet de loi de finances qui récapitule l'ensemble des mesures fiscales adoptées en cours d'année.

Il s'agit de donner au législateur financier l'information nécessaire à la consolidation des mesures fiscales, en lui donnant le détail de l'objet, de la durée d'application et du coût des mesures votées en cours d'année. Il disposera ainsi de toutes les informations nécessaires pour supprimer ou modifier les mesures votées en cours d'année. En particulier, toutes les mesures votées sans limitation dans le temps pourront être, en loi de finances, limitées à une durée déterminée. Un dispositif similaire est proposé en matière de cotisations sociales par la création d'une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Contre l'avis du Gouvernement, le Sénat a supprimé cet article en opposant deux arguments : un argument juridique d’abord, selon lequel seule la LOLF pourrait créer une annexe au projet de loi de finances ; un argument d'opportunité ensuite, le Sénat ayant considéré que ces annexes sont « une variante moins vertueuse en termes de gouvernance » qu'un dispositif constitutionnel de validation en loi de finances ou de financement des dispositions fiscales votées en cours d'année.

La CMP a jugé infondé le raisonnement suivi par le Sénat. La LOLF fait en effet la distinction entre, d’une part, les annexes explicatives – les « bleus » –, dont elle définit le contenu et qui, par conséquent, ne peuvent pas être créées ou modifiées par une loi de finances ou une loi ordinaire, et, d’autre part, les annexes générales – les « jaunes » – destinées, comme le précise la loi organique, « à l'information et au contrôle au Parlement », qui sont « prévues par les lois et règlements » et peuvent donc être créées ou modifiées par une loi de finances ou une loi ordinaire. Or nous sommes bien dans ce dernier cas.

L'article 10 du projet de loi de règlement prévoit précisément une annexe jaune et non une annexe bleue. Elle peut donc parfaitement être créée par une loi ordinaire ou par une loi de règlement – ce qui est le cas – sur le fondement du dernier alinéa de l'article 37 de la LOLF, lequel dispose que « la loi de règlement peut également comporter toutes dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ».

En outre, la CMP a considéré que les deux annexes proposées sont d'autant plus justifiées que le dispositif constitutionnel de validation a été abandonné lors de la révision constitutionnelle. Comme il y a peu de chances que l’on s’aventure vers une nouvelle révision dans les mois ou les années qui viennent, il était prudent de pouvoir adopter les dispositions prévues par la loi de règlement. Elles donneront en particulier au législateur financier, au moment où il proroge l'état du droit fiscal en votant l'article 1er de la loi de finances, qui autorise la perception des impôts – ce dont nous n’avons peut-être pas toujours conscience –, toutes les informations nécessaires pour supprimer ou modifier les mesures votées en cours d'année. En conséquence, la CMP a rétabli l'article 10 dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Telles sont, mes chers collègues, les grandes lignes des travaux de la CMP. Je vous invite aujourd'hui à voter l'ensemble du projet de loi de règlement pour 2007, compte tenu des modifications adoptées par la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l’examen du projet de loi de règlement devient un temps important du débat parlementaire au cours duquel le Gouvernement rend des comptes et justifie de ses résultats. Votre assemblée a d’ailleurs, une fois de plus, fait montre de la plus grande vigilance au cours de cet exercice en organisant un nombre important d’auditions des différents ministres sur l’exécution de leurs crédits.

Ce regard en arrière est primordial car il nous permet de mieux éclairer le chemin de l’avenir. Et c’est bien là tout le sens du chaînage vertueux souhaité par la LOLF, dans lequel s’enchaînent discussion du projet de loi de règlement, débat d’orientation des finances publiques et présentation du projet de loi de finances pour l’année suivante.

Cette année, et pour la première fois, monsieur Bouvard, la procédure d’examen du projet de loi de règlement est allée jusqu’à la réunion d’une commission mixte paritaire.

M. Michel Bouvard, rapporteur et M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Eh oui !

M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Plutôt que d’y voir le signe d’un désaccord entre les deux assemblées, nous y voyons…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Un dialogue !

M. Michel Bouvard, rapporteur. Approfondi ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique. …la volonté, chaque fois plus aboutie, de mettre en place les outils d’une meilleure information du Parlement. En effet, les trois articles qui restaient en discussion à l’issue de vos travaux tendent tous à améliorer votre capacité d’évaluation et de contrôle de l’action publique,…

M. Michel Bouvard, rapporteur. C’est vrai ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique. …ce en quoi le Gouvernement vous soutient pleinement.

Sans revenir dans le détail des différents dispositifs admirablement présentés par votre rapporteur, je souhaite vous préciser que le Gouvernement reçoit favorablement les conclusions de votre commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le secrétaire d’État, la majorité se sentait cet après-midi des pieds de plomb, mais lorsque nous avons su que c’était vous qui alliez être parmi nous, nous sommes entrés dans l’hémicycle avec le cœur léger ! (Sourires.)

Ce projet de loi de règlement que nous allons voter aujourd’hui est le résultat d’une année entière de réformes de structure, au terme de laquelle nous pouvons aller fièrement devant les Français pour leur dire que notre majorité a fait le travail nécessaire pour réformer durablement et structurellement notre économie. L’UMP a d’ailleurs décidé de lancer une caravane de l’été 2008 pour expliquer aux Français et leur dire la vérité sur notre politique économique.

M. Michel Bouvard, rapporteur. Sur la loi de règlement ! (Sourires.)

M. Frédéric Lefebvre. Si Michel Bouvard est si attaché à la loi de règlement, c’est parce qu’il sait qu’elle traduit l’exécution du budget !

M. Michel Bouvard, rapporteur. C’est la réalité !

M. Frédéric Lefebvre. André Santini a clairement rappelé que notre commission des finances et les autres commissions avaient bien travaillé et auditionné les ministres. Dieu sait si nous avons, les uns et les autres, déploré de ne pas passer assez de temps sur la loi de règlement, le fait étant que, le plus souvent, nous discutons des projets de loi de finances initiale sans nous soucier de l’exécution des budgets.

Le déficit pour l’année 2007 s’élève à 38,4 milliards d’euros, soit une amélioration de 3,6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, ce chiffre ne tenant évidemment pas compte de la vente d’une part du capital d’EDF. La vérité est là, et elle méritait d’être rappelée. J’ajoute que les dépenses stricto sensu ont diminué en volume, donc augmenté moins vite que l’inflation. Du jamais vu depuis des dizaines d’années dans notre pays !

Avec la loi TEPA, nous avons engagé 14 milliards d’euros en année pleine pour amortir la crise économique internationale, soutenir l’emploi et distribuer du pouvoir d’achat grâce au travail. Ce choix est celui qui donnera des résultats durables. Je me plais à souligner que la gauche est unanimement silencieuse quand je dis cela…

M. Jean-Louis Idiart. C’est la preuve que nous ne sommes pas la gauche la plus bête d’Europe : nous écoutons !

M. Frédéric Lefebvre. La vérité est aussi que le travail a été revalorisé et qu’il est mieux rémunéré, le nombre heures supplémentaires ayant augmenté de 40 % entre le premier trimestre 2007 et le premier trimestre 2008. Là encore, c’était du jamais vu dans notre pays.

Cette loi de règlement est celle du courage, et je le dis devant André Santini car il en a fallu pour tenir les engagements pris sur la réduction du nombre des fonctionnaires, qui s’est faite dans le dialogue.

La vérité est que 2007 a été l’année du début d’une rupture économique et politique car, avec ce projet de loi, c’est la seconde fois que nous examinons en mode LOLF l’exécution de l’année qui vient de s’écouler. C’est la preuve que lorsque la gauche et la droite travaillent en accord pour améliorer les procédures du Parlement, nous obtenons des résultats. Il est dommage que sur la réforme des institutions, nous n’ayons pas vu la même gauche moderne voter selon ses idées, comme pour la LOLF sur laquelle Didier Migaud s’était beaucoup investi pour que les discussions se déroulent dans de bonnes conditions.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il faut une volonté réciproque !

M. Jean-Louis Idiart. C’était la même gauche !

M. Frédéric Lefebvre. Je voudrais souligner la détermination de Gilles Carrez et de Michel Bouvard à vouloir baisser les dépenses fiscales. Il est en effet normal qu’elles augmentent au même rythme, et non trois à quatre fois plus vite que les crédits normaux. Soit nous fixons une règle générale pour toutes les dépenses publiques, soit nous ne faisons rien. Je me félicite donc que la CMP ait pu trouver un compromis, comme vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, sur l’amendement important de Gilles Carrez et de Pierre Méhaignerie, visant à donner au législateur financier l’information nécessaire à la validation des mesures fiscales et relatives aux cotisations sociales adoptées en cours d’année. Cet amendement concrétise une proposition de la mission d’information sur les niches fiscales.

Il est une autre proposition, j’ai eu l’occasion de le dire au ministre du budget, qui nous tient à cœur, à Didier Migaud, à Pierre Méhaignerie, à Gilles Carrez comme à moi-même : je veux parler du plafonnement global des niches fiscales. Je pense que nous aurons rendez-vous à la rentrée pour discuter des modalités permettant de mettre en place ce plafond global.

Enfin, cette loi de règlement marquera l’histoire, car c’est la première fois, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, qu’une loi de règlement nécessite une CMP. C’est bien le signe d’une vraie réforme.

Mes chers collègues, avec cette avancée majeure, le groupe UMP votera avec enthousiasme cette loi de règlement qui traduit l’exécution parfaite, et meilleure que prévue, des budgets des différents ministères de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous sommes au dernier jour de la session, je commencerai mon propos par des appréciations positives : ce sera une sorte de cadeau pour notre départ en vacances ! Mais je vous rassure, monsieur le secrétaire d’État, j'ai un plan en deux parties.

M. Michel Bouvard, rapporteur. In cauda venenum ! (Sourires.)

M. Pierre-Alain Muet. Alors que, l'an dernier, le Gouvernement avait expédié en quelques heures le débat sur la loi de règlement, reconnaissons qu'un progrès important a été réalisé cette année. Conformément à l'esprit de la LOLF, notre assemblée a examiné l'exécution budgétaire de plusieurs missions dans le cadre des commissions élargies, ce qui marque un réel début de rééquilibrage entre le temps considérable que nous consacrions au débat sur le projet de budget et la peau de chagrin octroyée à la loi de règlement.

Au titre des points positifs, je salue également l'article 10 de cette loi de règlement qui a été heureusement réintroduit par la CMP et qui reprend les propositions du rapport d'information de la commission sur les niches fiscales. M. Woerth, évoquant les niches fiscales, avait parlé à juste titre d’un « mitage » de l’impôt sur le revenu, sentiment que nous sommes nombreux, me semble-t-il, à partager sur ces bancs.

Je voudrais également saluer le remarquable travail de la Cour des comptes et souligner à quel point ses rapports sont précieux pour notre débat. Le débat politique ne peut que gagner en clarté lorsqu'une institution indépendante établit un diagnostic qui rend lisibles des comptes publics qui ne sont pas toujours très transparents et dont les concepts sont souvent mouvants au cours du temps.

Pour l'ensemble des administrations publiques, le fait d'avoir inscrit dans un traité européen des objectifs de dette et de déficit fait que nous utilisons heureusement des concepts stables, comparables avec ceux des autres pays européens, et à peu près non manipulables. Dans le domaine du budget de l'État, il nous manque encore des concepts reconnus et suffisamment stables dans le temps pour que nous puissions nous appuyer également sur des données incontestables.

Un résultat en tout cas est incontestable : la dégradation de nos finances publiques en 2007. C'est vrai pour l'ensemble des administrations publiques et pour les comptes de l'État.

Le déficit des comptes publics est passé de 2,4 % en 2006 à 2,7 % en 2007 et la dette a continué à croître, preuve que la France n’est toujours pas dans la situation d’un déficit stabilisant.

Depuis 2002, notre pays ne s'est jamais éloigné de la frontière des déficits excessifs, ni même, je viens de le dire, du déficit qui stabiliserait la dette. Comme le dit fort justement notre rapporteur général Gilles Carrez – je le cite –, « la France ne doit pas rester le seul pays européen dont le déficit frôle les 3 % du PIB. À un niveau aussi élevé, le déficit ne fait qu'entretenir l'inquiétude de nos compatriotes, qui se demandent de quoi demain sera fait. » Il est vrai que la confiance des ménages se situe à un niveau particulièrement bas – les études de l’INSEE le démontrent. Je crois d’ailleurs que le problème de croissance que connaît notre pays trouve en partie son origine dans ce manque de confiance des ménages.

Ce maintien d'un déficit élevé a une double origine.

La première est que, en dépit des discours sur la maîtrise des dépenses tenus par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002, la part de l’ensemble des dépenses publiques dans le PIB s'est constamment accrue depuis cette date. Elle était de 51,6 % du PIB en 2001, elle est passée à 52,6 % en 2007. Dans ce domaine, force est de constater que c'est la gauche qui a été le bon élève puisque nous en avons moins parlé que vous, mais nous l'avons fait ! Cette part a été abaissée de 54,5 % en 1996 – c'était son point culminant depuis que la statistique existe – à 51,6 % en 2001, point le plus bas des quinze dernières années – c’était une époque où les déficits et la dette ont été réduits !

La seconde raison est naturellement à rechercher du coté des recettes, et l’on ne peut s'empêcher de revenir sur la légèreté, pour ne pas dire l'irresponsabilité, dont votre gouvernement a fait preuve il y a tout juste un an en dilapidant 15 milliards d'euros dans le paquet fiscal. Bien sûr, en 2007, le paquet fiscal n'a qu'une faible part dans le creusement du déficit – 1 milliard –, mais il pèsera sur la suite de votre mandature.

Mme Marylise Lebranchu. C’est grave pour l’avenir !

M. Pierre-Alain Muet. Comme le montrent à la fois le rapport de la Cour des comptes et celui de Gilles Carrez, rapporteur général, sur les 20 ou 14 milliards d'euros de recettes spontanées de 2007 par rapport à 2006 – selon qu’on mesure en termes bruts ou nets –, la plus grande partie, 12 milliards, a été dépensée en allègements d'impôts, dont 4,4 pour la baisse de l'IR programmée en 2006 et 1 pour le paquet fiscal. Par rapport à la loi de finances initiale, les mesures nouvelles ont fait passer les allégements d'impôts de 6 à 12 milliards. Quand on connaît la situation de nos finances publiques, on ne peut qu’y voir une politique à tout le moins désinvolte, au pire irresponsable !

Je ne peux que souscrire à la proposition du rapporteur général qui invite, monsieur le secrétaire d’État, votre majorité à ne plus prendre de mesures tendant à diminuer les recettes fiscales tant que le déficit restera à ce niveau. Que ne l’a-t-il fait l’an dernier au moment où vous décidiez 14 ou 15 milliards de dépenses supplémentaires ! Le rapport Pébereau, longuement discuté pendant la campagne présidentielle, avait pourtant rappelé, à juste titre, que la situation des finances publiques de la France n’autorisait aucune baisse des prélèvements tant que le déficit n’était pas réduit. Il est vrai qu'à la même époque, un candidat avait, dans un moment d'égarement, évoqué une baisse de quatre points du taux des prélèvements obligatoires…

Mais le résultat est là. La France est mal armée pour affronter les conséquences de la crise financière et du choc pétrolier dont les effets réels sur l'économie sont encore, nous le savons tous, malheureusement devant nous.

La France est mal armée, car sa croissance est faible par rapport à celle de ses partenaires européens. En 2007, elle a été de 2,2 %, chiffre qui reste dans la fourchette des prévisions et dont le Gouvernement s’est félicité, mais qui, comme celui de 2006, est à rapporter aux performances de nos partenaires de la zone euro – 2,9 % en 2006 et – 2,6 % en 2007.

La France est mal armée aussi parce qu’elle n’a pas mis à profit cette période de forte croissance pour réduire sa dette et ses déficits, comme l’ont fait tous les autres pays européens.

M. Michel Bouvard. Comme on aurait dû le faire sous Jospin !

M. Pierre-Alain Muet. On l’a fait sous Jospin. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, en 1997, l’audit a montré que le déficit était de 3,5 % du PIB. Nous l’avons ramené à 1,5 % en 2002.

M. Michel Bouvard. Le déficit, pas la dette !

M. Pierre-Alain Muet. Cette période 1997-2002 fut la seule, en vingt-cinq ans, où la dette a baissé en pourcentage du PIB.

M. Michel Bouvard. En valeur relative, pas en valeur absolue !

M. Pierre-Alain Muet. En valeur relative, certes. Cela dit, mon cher collègue, quand on appartient à une majorité qui a augmenté la dette de huit points en pourcentage du PIB, on est mal placé pour donner des leçons !

M. Philippe Boënnec. Ce n’est pas le même contexte !

M. Pierre-Alain Muet. Quoi qu’il en soit, nous avons besoin de réduire la dette de notre pays.

La France est mal armée pour faire face à la crise internationale, car son déficit extérieur n’a cessé de se creuser depuis 2004. Je trouve profondément choquant d’entendre, dans nos débats de politique économique, la majorité souligner le rôle que les 35 heures auraient pu jouer en la matière, quand on sait que, de 1997 à 2002, la France a continuellement amélioré sa compétitivité : notre inflation était plus faible que celle de nos partenaires, notre excédent extérieur a toujours été considérable, compris entre un et deux points de PIB, c’est-à-dire entre 15 et 25 milliards d’euros. Depuis 2004, la France connaît un véritable effondrement de ses comptes extérieurs qui, en 2007, atteignent un déficit record de 39 milliards d’euros !

Face à l’accélération de l’inflation, il y avait une urgence, à laquelle vous avez tourné le dos : le pouvoir d’achat. Aujourd’hui, une bonne partie des salariés, et particulièrement les plus modestes, souffrent d’une baisse de leur pouvoir d’achat. Ce facteur pèsera sur la croissance de cette année comme sur celle de l’année suivante.

La conclusion qui s’impose à l’examen de la situation financière de l’année 2007, c’est que, pour remettre notre pays sur le chemin de la confiance et de la croissance, vous devriez changer radicalement de politique économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Droit d’accueil pour les élèves
des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire (n° 1068).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de l’examen du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.

Le texte final est l’exemple même de ce que la coproduction législative, chère au président Jean-François Copé, permet d’obtenir lorsque le Gouvernement et le Parlement sont déterminés à travailler ensemble.

Sur neuf points au moins, des améliorations très substantielles ont en effet été apportées par le Sénat et l’Assemblée nationale, acceptées par le Gouvernement puis confirmées par la commission mixte paritaire qui s’est réunie hier.

En premier lieu, il est désormais clair que le droit à l’accueil, dont le principe est consacré à l’article 2, ne saurait être un substitut à l’obligation pour l’éducation nationale de remplacer les enseignants absents.

M. Christian Eckert. On verra !

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas écrit !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Je vous renvoie à l’article 2.

En deuxième lieu, le pourcentage d’enseignants grévistes à partir duquel les communes devront intervenir a été substantiellement relevé : de 10 % par commune dans le projet de loi initial, le pourcentage est passé à 20 % par école au Sénat, pour finalement être porté à 25 % dans le texte adopté par l’Assemblée nationale et validé par la commission mixte paritaire.

En troisième lieu, la contrepartie financière que l’État versera aux communes a été augmentée et mieux définie. L'article 8 prévoit qu'il sera tenu compte du nombre d'élèves accueillis, mais également, si ce critère est plus favorable, du nombre d'enseignants ayant effectivement fait grève. De plus, un forfait minimal pourra être versé à toute commune ayant organisé le service.

En quatrième lieu, les conditions d'établissement par le maire de la liste des personnes susceptibles d'assurer l'accueil ont été précisées. Un amendement de la commission mixte paritaire à l'article 7 bis prévoit qu'elles devront présenter les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants. Par ailleurs, la liste sera communiquée à l'inspecteur d'académie pour que celui-ci consulte le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.

En cinquième lieu, un article 8 bis a été introduit dans le projet de loi pour traiter la question essentielle de la responsabilité. S'agissant, d’une part, de la responsabilité administrative, l'État sera substitué à la commune. S'agissant, d’autre part, de la responsabilité pénale du maire, un amendement voté à l'Assemblée nationale et repris par la commission mixte paritaire prévoit que l'État devra accorder sa protection au maire lorsque celui-ci fera l'objet de poursuites pénales.

En sixième lieu, les conditions d'intervention des établissements publics de coopération intercommunale ont été clarifiées. Un amendement à l'article 9 adopté par la commission mixte paritaire permettra aux établissements publics de coopération intercommunale, lorsqu’ils sont déjà en charge du fonctionnement des écoles et des activités périscolaires, de mettre en œuvre la présente loi sans avoir à modifier leurs statuts.

En septième lieu, à l'initiative de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, suivie par la commission mixte paritaire, un service d'accueil sera également mis en place dans les écoles privées sous contrat en cas de grève des enseignants. Mais, et ceci mérite d’être souligné, ce sont les organismes de gestion et non les communes qui s'en chargeront, aux termes des articles 9 bis A et 9 bis.

En huitième lieu, des dispositions spéciales introduites aux articles 5 et 9 permettront, dans les villes de Paris, Lyon et Marseille, d'impliquer les maires d'arrondissement et les présidents des caisses des écoles.

En neuvième lieu, enfin, l'ensemble de ce dispositif fera l'objet, à la fin de sa première année d'application, d'une évaluation sous la forme d'un rapport présenté par le Gouvernement.

Au total, mes chers collègues, c'est un projet de loi très sensiblement amélioré que je vous propose d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Mesdames et messieurs les députés, le rapporteur de la commission mixte paritaire, Charles de la Verpillière, vient de rappeler les grandes lignes de la loi sur l'accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire qui devrait être votée ce soir par le Parlement. Il a également souligné l'intensité et la qualité du travail parlementaire effectué au cours des dernières semaines, et jusqu'à ces derniers jours dans le cadre de la commission mixte paritaire.

Pour ma part, je voudrais d'abord rappeler l'esprit du texte et en souligner rapidement la portée.

Comme vous le savez, mesdames et messieurs, le Président de la République avait souhaité que nous mettions fin à cette contradiction qui veut que dans notre pays la liberté de travailler ne bénéficie pas de la même reconnaissance que la liberté de faire grève légitimement reconnue aux fonctionnaires. Pour y parvenir, le Président a voulu créer un droit à l'accueil des écoliers pendant le temps scolaire obligatoire.

Ce droit à l'accueil pendant tout le temps scolaire obligatoire va d'abord s'imposer à l'État lui-même, qui s'engage à moderniser la politique du remplacement pour assurer la continuité de l'enseignement en cas d'absence des professeurs et en dehors des situations de grève.

Mais ce droit à l'accueil vaut aussi en cas de grève et s'il n'a jamais été envisagé de remplacer les enseignements suspendus à l'occasion des mouvements sociaux, en revanche, la loi pose le principe de l'accueil des enfants les jours de grève. En dessous de 25 % de grévistes, c'est l'État qui se charge de l'accueil. À partir de 25 %, c'est la commune qui l'organise.

Le texte va également contribuer à la modernisation du dialogue social au sein de l'éducation nationale puisqu'il crée une obligation de négociation pour l'employeur, c'est-à-dire l’État, et les organisations syndicales, avant tout dépôt de préavis de grève.

À partir du 1er septembre, les enfants seront donc accueillis pendant le temps scolaire obligatoire, même en cas de mouvement social à l'éducation nationale. Ainsi, les familles n'auront plus à rechercher, dans l'urgence, des solutions de garde pour leurs jeunes enfants, voire à cesser leur activité professionnelle ces jours-là.

La loi que vous vous apprêtez à voter constitue une avancée majeure car elle protège la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève. Les familles ne s'y sont d'ailleurs pas trompées puisqu’elles plébiscitent le texte à près de 80 %.

Aujourd'hui, je crois que nous pouvons tous être satisfaits du travail accompli, et même en être fiers, car les échanges que nous avons eus ont été décisifs pour faire progresser le texte et répondre à l'ensemble des interrogations qui s'étaient exprimées.

M. Frédéric Lefebvre. Un travail exemplaire entre le Gouvernement et le Parlement !

M. le ministre de l’éducation nationale. Je vous remercie, monsieur Lefebvre, de le confirmer.

Au terme du processus législatif, je tiens donc à remercier tout particulièrement le rapporteur, Charles de la Verpillière, et la rapporteure pour avis, Françoise Guégot, pour leur volonté farouche d'améliorer et de faire aboutir ce texte. Nous avons bien travaillé et je leur en suis très reconnaissant. Au-delà, ce sont bien sûr tous les députés qui ont contribué à l'élaboration de cette loi que je tiens à remercier, sans oublier la commission des lois et son président, ici présent.

Le texte adopté par la commission mixte paritaire porte d'ailleurs très distinctement la marque de votre contribution. Trois points, au moins, méritent d'être mis en exergue pour souligner à quel point l’apport de l’Assemblée nationale a été dans cette affaire décisif.

Vous avez d'abord souhaité que l'État se substitue à la commune pour assurer la protection juridique du maire en cas de faits non intentionnels ayant causé un dommage à un enfant et survenus dans le cadre de sa mission d'organisation et de contrôle de l'accueil. Je veux à nouveau saluer le travail de Jacques Pélissard et de Frédéric Lefebvre, qui a été décisif sur ce sujet.

Vous avez ensuite souhaité que le dispositif de financement dont bénéficieront les communes pour l'exercice de cette nouvelle compétence soit juste et équitable. Dans cette perspective, vous avez institué une forme de « filet de sécurité », ce sont les termes utilisés, qui garantit une rémunération minimale pour les communes dans l'hypothèse où le nombre d'élèves accueillis serait très inférieur à ce que prévoyait la commune. Cette disposition a d'ailleurs été saluée, je le rappelle, par l'Association des maires des grandes villes de France, ce dont nous pouvons nous féliciter.

Enfin, vous avez tenu à étendre le dispositif à l'enseignement privé sous contrat pour que ses élèves bénéficient du même droit que leurs camarades du public. Le texte précise que, dans le privé, 1'accueil est assuré par des organismes gestionnaires et non par les communes, ce qui me paraît être une disposition tout à fait raisonnable.

Tout au long de la discussion, vous avez veillé à ce que cette loi n'impose ni norme nouvelle ni contrainte superflue. Je crois que nous y sommes parvenus et que la réflexion de l'Assemblée nationale a permis de prolonger encore le travail accompli. Le texte qui est à présent soumis à votre vote est donc équilibré ; il donne, je le crois sincèrement, satisfaction à l'ensemble des parties concernées.

En vous invitant, mesdames, messieurs, à voter en faveur du texte de loi issu de la commission mixte paritaire, je tiens à vous renouveler tous mes remerciements et à vous dire ma fierté de contribuer, avec vous, à faire une nouvelle fois de l'école un lieu de progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Colette Le Moal.

Mme Colette Le Moal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons instaure un droit nouveau dans notre pays : celui, pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques et privées sous contrat, d’être accueillis lors des mouvements de grève dans l’éducation nationale.

Nous voilà arrivés au terme d’un débat passionnant et passionné sur un sujet qui nous tient tous profondément à cœur puisqu’il touche à l’éducation de nos enfants.

Je tiens à vous rendre hommage, mes chers collègues, pour l’important travail de proposition effectué au sein des deux assemblées, grâce à des amendements qui ont progressivement aidé le texte à prendre en compte, le plus possible, la réalité du terrain et les préoccupations des acteurs concernés. En revanche, je regrette que l’école devienne parfois prétexte à des prises de position caricaturales ou qu’elle soit instrumentalisée pour exacerber des clivages partisans. (« C’est en effet regrettable ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La question qui nous est directement posée à travers l’examen de ce texte est pourtant simple : que doit-on faire pour aider les parents d’élèves qui se retrouvent dans des situations difficiles, lorsqu’ils sont confrontés à des mouvements de grève dans l’éducation nationale ?

M. Jean-Louis Idiart. Et tous les mercredis, comment font-ils ?

Mme Colette Le Moal. Je considère que le texte soumis aujourd’hui à notre approbation apporte une solution adaptée à cette question, puisqu’il se situe à la confluence de trois exigences : assurer l’intérêt des enfants, préserver la liberté des parents et garantir les droits des enseignants. Il répond ainsi à l’intérêt de tous les acteurs de la communauté éducative.

Il ménage d’abord celui des élèves, qui prendront conscience que l’obligation scolaire doit être respectée tous les jours, y compris les jours de grève.

Il sert ensuite celui des parents et, en premier lieu, des plus modestes. Car si, pour les autres, il existe bien souvent un moyen de s’arranger, qu’en est-il pour les familles isolées qui ne peuvent pas faire appel à des grands-parents ou à des amis, pour les familles monoparentales ou pour celles dont les revenus ne permettent pas de payer une nourrice ? Les parents se retrouvent obligés de s’organiser dans l’urgence, en utilisant des journées de congés et de RTT, au détriment du service de leur entreprise. Parce que nous ne sommes pas tous sur un pied d’égalité face à une grève dans les écoles, le texte met fin à une injustice sociale.

M. Robert Lecou. Il est bon de le rappeler !

Mme Colette Le Moal. Le projet de loi répond enfin à l’intérêt des enseignants, qui auront la possibilité de faire valoir leurs revendications avant de sacrifier une journée – ou plus – de salaire.

J’ai entendu dire, lors des débats, que le texte que nous examinons remettait en cause le droit de grève. Ce n’est pas vrai, et tout le monde le sait dans cet hémicycle.

M. Christian Eckert. Parlez en votre nom propre et non pour les autres !

Mme Colette Le Moal. Le Conseil constitutionnel l’a confirmé lors de l’adoption du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports, qui a institué un service minimum. Que les enseignants décident de faire grève, c’est leur droit. Néanmoins, un droit ne peut en éclipser un autre, en l’occurrence, celui, pour les parents, de travailler.

Mme Isabelle Vasseur. Eh oui !

Mme Colette Le Moal. En garantissant une négociation entre les organisations syndicales et l’État, préalable au dépôt d’un préavis de grève, le texte offre la possibilité aux enseignants de faire valoir leurs revendications dans le cadre d’un dialogue social rénové. C’est pourquoi nous nous félicitons de cette disposition.

Je veux maintenant vous remercier, monsieur le ministre, au nom du groupe Nouveau Centre, pour avoir repris l’amendement d’Yvan Lachaud visant à étendre le dispositif du service d’accueil aux élèves des écoles maternelles et primaires privées sous contrat. Le texte initial ne concernait que les élèves des écoles publiques, ce qui posait un problème d’équité. Je me félicite donc de l’adoption de cet amendement qui permettra à 900 000 élèves de bénéficier du nouveau droit accordé aux familles. De plus, la charge de l’accueil reposera sur les organismes de gestion de ces établissements, auxquels l’État versera une compensation financière, ce qui allégera l’organisation du droit d’accueil pour les communes.

Je salue également votre attitude attentive et constructive, tout au long des débats, qui a permis d’améliorer le texte initial, par exemple en prenant en compte les craintes exprimées par les maires et leur représentant, M. Pélissard.

En soutenant l’amendement cosigné par Yvan Lachaud, qui porte à 25 % le seuil d’enseignants grévistes pour le déclenchement du service d’accueil, vous laissez la possibilité aux nombreuses écoles de cinq classes de se répartir les élèves entre les quatre autres classes, ce qui évitera qu’on ne sollicite trop souvent les communes pour organiser le droit d’accueil.

Adoptés respectivement au Sénat et à l’Assemblée nationale, les amendements qui accordent la protection de l’État au maire, lorsque ce dernier fait l’objet de poursuites pénales pour des faits liés à l’organisation du service d’accueil et n’ayant pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions, ont permis de rassurer les élus locaux.

Le montant de la compensation financière accordé par l’État aux communes qui organisent le droit d’accueil devait être précisé. Les maires des communes rurales craignaient en effet de ne pas disposer des moyens nécessaires pour assurer ce service. La compensation ne pourra être inférieure à un montant égal à neuf fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire par enseignant ayant participé au mouvement de grève, ce qui nous semble être une garantie raisonnable.

Enfin, le groupe Nouveau Centre sera particulièrement attentif à l’évaluation du service d’accueil qui interviendra l’année prochaine, notamment pour apprécier les difficultés éventuellement rencontrées par les communes. Cependant, nous ne doutons pas de l’efficacité de ce dispositif.

Tout l’enjeu du texte était de concilier le droit de grève des enseignants et le droit au travail des parents. Vous y êtes parvenu, monsieur le ministre. C’est pour cette raison que le Nouveau Centre apportera son soutien à votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’éducation nationale. Merci !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité ne boude pas son plaisir – je le dis devant M. Geoffroy qui connaît bien le sujet et qui a beaucoup travaillé sur le texte – d’aborder, en fin de session, un texte si important et si symbolique, qui atteste du volontarisme du Gouvernement, incarné par vous-même, monsieur le ministre.

Ce texte est attendu par les parents d’élèves depuis des années : personne n’avait le courage de légiférer en la matière. Il n’était pas facile de trouver le cadre législatif dont nous avions besoin.

Les orateurs qui m’ont précédé, qu’il s’agisse du rapporteur ou de Mme Le Moal, ont rappelé les progrès qu’apporte le texte. Ceux-ci sont extrêmement importants. Citons le compromis, trouvé grâce au président de la commission des lois, concernant les conditions de sélection du personnel qui sera chargé d’assurer l’accueil des élèves. La solution qui a été trouvée sécurisera les parents d’élèves. Elle apportera également aux élus la certitude que leur responsabilité ne sera pas engagée.

C’est là un des sujets qui suscitait des inquiétudes sur tous les bancs, à droite comme à gauche. Jacques Pélissard, qui regrette de ne pas pouvoir être parmi nous ce soir, s’en est fait l’écho. Nous pouvons être fiers d’avoir avancé ensemble sur cette question et d’avoir trouvé un point d’équilibre, preuve du travail exemplaire mené conjointement par le Gouvernement et le Parlement. Et M. Pélissard a reconnu que le dispositif retenu était nécessaire pour que les élus puissent appliquer le nouveau droit d’accueil, attendu par les parents d’élèves.

Les débats n’ont pas été simples, le droit d’accueil ayant été difficile à accepter, d’un certain côté de l’hémicycle. Mais j’écoute en ce moment les discussions qui animent le parti socialiste – je pense notamment à certaines mises en garde contre les « réflexes pavloviens ». (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Idiart. C’est mal de regarder par le trou de la serrure !

M. Frédéric Lefebvre. Il faut croire que ce texte arrive à point nommé. Grâce aux progrès réalisés au cours des débats à l’Assemblée et au Sénat, il offrira aux socialistes la possibilité de renoncer à ce type de réflexes !

Souvent, au cours de la discussion, M. Goasgen est intervenu à bon escient.

M. Claude Goasguen. Ainsi que mon collègue du Sénat, M. Baylet !

M. Frédéric Lefebvre. J’espère que nous allons tous voter, de manière unanime, ce texte qui offre un nouveau droit aux parents d’élèves. Certains d’entre vous ne siégeaient pas à la commission mixte paritaire. Mais le président de la commission des lois et les deux rapporteurs m’en sont témoin : nous avons eu des échanges, au cours de nos travaux, sur la question de la responsabilité pénale. J’ai été particulièrement heureux de constater que les représentants du parti socialiste au Sénat ont reconnu les avancées qui avaient été réalisées. Il se trouve que le sénateur socialiste qui a salué les progrès apportés par le Parlement et le Gouvernement se nomme M. Lagauche. On peut donc affirmer que Lagauche soutient l’équilibre que nous avons trouvé sur cette question ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Tian. La droite aussi !

M. Frédéric Lefebvre. N’est-ce pas une bonne nouvelle pour nous tous ? Il était sans doute difficile aux socialistes de nous soutenir avant la commission mixte paritaire, avant la discussion au Sénat et avant que Jacques Pélissard ait pris en main la question délicate de la responsabilité des élus. Mais, dès lors que nous avons avancé tous ensemble, et que nous avons trouvé un équilibre permettant d’encadrer le dispositif, tout en préservant les maires des risques liés à la responsabilité administrative et, le cas échéant, à la responsabilité pénale, chacun se grandirait en votant ce texte.

Pour notre part, à l’UMP, nous ne boudons pas notre plaisir. Beaucoup de textes importants ont été votés depuis un an, qu’il s’agisse du projet de loi instaurant un service minimum dans les transports ou du projet de loi portant réforme portuaire, qui règlent des questions pendantes depuis tant d’années dans notre pays. Ils demandaient du courage.

Aussi le groupe UMP est-il particulièrement heureux de la présence, dans l’hémicycle, d’un ministre qui a fait preuve de courage et d’écoute, et nous a permis d’aboutir à un texte qui marquera la première année du Gouvernement Fillon. Nous tenions à vous le dire, monsieur le ministre. Chacun de nous prendra ses responsabilités pour voter en conscience l’instauration d’un droit attendu par les Français. Je pense particulièrement aux parents d’élèves les plus modestes, qui n’ont pas la possibilité de faire garder leurs enfants,…

M. Jean-Louis Idiart. Comment font-ils le mercredi ?

M. Frédéric Lefebvre. …lorsque leur famille ne peut pas les aider, parce qu’ils n’ont pas des revenus suffisants pour affronter les difficultés auxquelles les soumet l’exercice du droit de grève.

Les enseignants pourront continuer de faire grève s’ils le souhaitent, mais les parents d’élèves seront préservés des nuisances qu’elle occasionnera et bénéficieront d’un véritable droit d’accueil : c’est une grande avancée que nous allons voter avec grand plaisir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’éducation nationale. Bravo, monsieur Lefebvre !

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le ministre, chers collègues, dans quelques heures, les télévisions et les radios diront que l’Assemblée a définitivement adopté la loi sur le service minimum à l’école en cas de grève. (« Eh, oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Tian. Il s’agit d’un service d’accueil !

Mme Delphine Batho. Les parents qui, pour certains, prennent la route des vacances, se diront qu’ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Peut-être pas au volant… (Sourires.)

Mme Delphine Batho. …et qu’à la rentrée leurs enfants seront, quoiqu’il arrive, accueillis dans les écoles.

Puis viendra, le mardi 2 septembre, la rentrée des classes avec son lot d’imprévus et de mauvaises surprises. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Avec la réduction du nombre d’enseignants et la nouvelle organisation du temps scolaire liée à la semaine de quatre jours, il y aura fatalement des aléas et des désorganisations. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Mme Catherine Lemorton. Eh, oui !

Mme Delphine Batho. Comme par malchance, dans telle ou telle école, un enseignant sera absent. Sera-t-il remplacé, puisque ce projet substitue à une exigence de remplacement des instituteurs absents une simple obligation d’accueil ? Les enfants n’auront donc pas classe, et ce, pour une durée indéfinie que l’article 2 du texte ne limite pas.

Aux parents qui protesteront, qui exigeront un remplaçant, on répondra que tout cela est parfaitement légal, puisque c’est inscrit dans la loi sur le service d’accueil. Aux élus qui demanderont des explications auprès des rectorats, on opposera la notion d’absence « imprévisible »,…

M. Christian Eckert. Très juste !

Mme Delphine Batho. …notion qui donnera lieu à de doctes explications de texte par les recteurs. On dissertera sur la signification des termes de ce fameux article 2 et notamment sur cette « impossibilité de remplacer » un enseignant, derrière laquelle l’administration pourra se réfugier pour manquer à ses obligations.

M. le ministre de l’éducation nationale. Que fait-elle aujourd’hui ?

Mme Delphine Batho. En fait, on constatera tout simplement que le droit à l’éducation a été remplacé par un droit à la garderie.

M. le ministre de l’éducation nationale. Mais non !

Mme Delphine Batho. Les absences non remplacées étaient déjà fréquentes, il est vrai, mais vous en faites désormais la norme avec cet article 2.

M. Robert Lecou. Vous n’avez pas compris la loi !

Mme Isabelle Vasseur. Vous n’avez rien compris au texte !

M. le ministre de l’éducation nationale. J’ai dit le contraire, madame Batho !

Mme Delphine Batho. Voilà la vocation de ce texte.

M. Robert Lecou. Vous dites n’importe quoi !

Mme Delphine Batho. Présenté comme une arme anti-grève, il doit en fait servir à autre chose : gérer la pénurie d’enseignants que vous organisez vous-même.

Monsieur Darcos, franchement : bravo ! Dans un magnifique tour de passe-passe législatif, pendant que le service minimum accapare l’attention et requiert la mobilisation de votre majorité tambours battants, trompettes sonnantes et banderoles déployées contre le droit de grève, vous inscrivez dans le texte, avec cet article 2, un permis de non-remplacement des instituteurs absents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de l’éducation nationale. Pas du tout, cela n’a rien à voir !

M. Jean-Louis Idiart. Mme Batho a raison !

Mme Delphine Batho. Voilà votre calcul, voilà votre recette pour faire face aux conséquences du manque d’enseignants !

Je vous l’accorde, les réductions de postes sont plus subtiles dans le primaire que dans le secondaire, mais elles n’en seront pas moins douloureuses. La démographie scolaire est pour vous un argument à géométrie variable. Elle sert à justifier les 11 200 suppressions de postes, auxquelles s’ajouteront 13 500 autres dans le secondaire, tandis que, dans le primaire, l’arrivée de 37 000 élèves supplémentaires ne donne lieu qu’à 700 créations de postes, soit un enseignant pour 53 élèves. Il y aura donc plus d’enfants devant moins d’enseignants dans les écoles.

M. le ministre de l’éducation nationale. Il y aura 900 élèves de moins et non pas 37 000 de plus !

Mme Delphine Batho. Cet article 2, qui révèle le véritable dessein poursuivi par le Gouvernement, est en lui-même une première raison d’appeler l’Assemblée nationale à rejeter ce texte.

J’en viens à la raison d’être officielle de ce projet : les 0,37 jour d’absence par an et par enseignant dans le primaire pour cause de grève. Tout au long du débat, le groupe socialiste a montré que votre dispositif de service d’accueil en cas de grève est inapplicable et inacceptable.

Nous voterons contre ce texte car son objectif essentiel est de détourner un conflit social dans l’éducation – que vous prenez la responsabilité de provoquer, de faire durer, de ne pas résoudre – pour diriger le mécontentement en cas de grève vers les élus locaux.

M. Robert Lecou. Parlez-en aux familles et vous verrez bien !

Mme Delphine Batho. La manœuvre est cousue de fil blanc et je le dis avec force : les élus locaux ne sont pas plus rassurés aujourd’hui qu’hier. Monsieur le ministre, je vais vous lire le communiqué de l’Association des maires ruraux de France en date du 18 juillet dernier : « Si certaines améliorations ont été apportées par l’Assemblée nationale sur le dispositif de service minimum d’accueil dans les écoles, l’Association des maires ruraux de France constate amèrement que le problème demeure inchangé pour la plupart des communes rurales.

« Faute de personnels suffisants, celles-ci seront bien souvent dans l’incapacité matérielle d’assurer un service d’accueil pourtant devenu obligatoire, sauf à recruter n’importe qui pour faire du gardiennage avec tout ce que cela impliquera en termes de responsabilité non seulement juridique mais également politique en cas de problème.

« C’est pourquoi l’Association des maires ruraux de France défend l’idée d’un système facultatif pour les communes de moins de 3 500 habitants. Faute d’une telle inflexion, le législateur prendrait le risque de placer en toute connaissance de cause les maires ruraux dans l’illégalité. »

Voilà donc pour ce qui concerne 89 % des communes de moins de 3 000 habitants dotées d’écoles primaires. Que dire des autres, notamment des villes de banlieue ? Je pense ici au témoignage de notre collègue François Pupponi expliquant, chiffres à l’appui, les difficultés supplémentaires que vous allez créer.

Établir la liste des personnels susceptibles d’assurer le service d’accueil ; veiller à ce qu’ils aient les « qualités requises pour encadrer », pardon, qu’ils aient les « qualités nécessaires pour accueillir », selon le dernier amendement de la CMP qui, d’ailleurs, ne rassurera pas les parents et n’allégera pas la responsabilité des élus ;…

Mme Isabelle Vasseur. Arrêtez donc de dramatiser !

M. Frédéric Lefebvre. Pavlov n’est pas mort !

Mme Delphine Batho. …vérifier le nom de chaque personne auprès de l’autorité académique afin que l’on s’assure que cette personne ne figure pas sur le fichier des délinquants sexuels ; informer chaque personne dont le recrutement est envisagé que son nom va figurer sur la liste qui va être soumise au conseil d’école ; faire valider la liste par le conseil d’école ; récupérer les informations envoyées par l’académie sur le nombre d’enseignants déclarés grévistes ; requérir, la veille de la grève, les personnes chargées du service d’accueil en nombre suffisant et organiser le dispositif ; informer les familles de la mise en place du service d’accueil ; enfin, notifier à l’académie les éléments nécessaires au calcul de la modique compensation financière de l’État. Voilà la liste précise des charges nouvelles qui vont peser sur les maires et qui sont inscrites noir sur blanc dans ce texte. Vous avouerez qu’elle est longue ! Sans parler de la responsabilité pénale qui s’y ajoute, problème que votre texte n’a pas résolu.

Ce lourd fardeau porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales inscrit dans la Constitution.

M. le ministre de l’éducation nationale. Bien sûr que non !

Mme Delphine Batho. Dans tout ce débat, vous n’avez été guidés que par un esprit de revanche à la suite des résultats des dernières élections municipales. (« Oh ! » sur plusieurs sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Idiart. Eh, oui ! C’est chez vous un réflexe pavlovien !

Mme Delphine Batho. L’adoption du fameux amendement modifiant la loi PLM ainsi que de nombreuses interventions de nos collègues de la majorité nous ont même laissé penser, un instant, que le service minimum d’accueil n’avait vocation qu’à être un tract de l’UMP en vue des municipales de 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Robert Lecou. C’est petit !

Mme Delphine Batho. Cette loi n’est en fait qu’une loi d’affichage, comme l’a démontré votre méthode. En effet, dans un premier temps, vous avez tenu un discours d’apaisement. Vous ne juriez alors que par l’expérimentation volontaire des communes et le dialogue social, la loi n’étant envisagée que comme ultime recours si ce dialogue échouait.

M. Robert Lecou. Que faites-vous de l’équité pour tous ?

M. Jean-Louis Idiart. Ce texte va provoquer la pagaille dans toutes les communes !

Mme Delphine Batho. C’était le temps, désormais révolu, où le Président de la République, lui aussi, ne jurait que par le dialogue social et publiait, le 19 avril, une tribune dans un grand quotidien du soir dont le titre résumait tout : « Pour des syndicats forts. » « Notre histoire sociale est suffisamment jalonnée de projets menés à la hussarde, sans concertation, et qui se sont soldés par de retentissants échecs,…

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. Parlez-vous des 35 heures ?

Mme Delphine Batho. …pour qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec l’idée d’un État qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre pays », écrivait ainsi un certain Nicolas Sarkozy.

En un délai record, vous avez tourné le dos à ces engagements. Est alors venu le temps de l’offensive au pas de charge, avec la déclaration présidentielle du 15 mai au soir, l’inscription à l’ordre du jour d’un texte à examiner selon la procédure d’urgence, sans aucune des concertations promises, discuté lors d’une session extraordinaire expéditive,…

M. Jean-Louis Idiart. Respectez le droit du Parlement, chers collègues de la majorité !

Mme Delphine Batho. …le tout accompagné de déclarations va-t-en guerre sur les grèves dont il ne faut plus s’apercevoir.

La rupture consistait-elle à mener des expérimentations ? Moins de 10 % des communes ont volontairement mis en place le service minimum : vous obligerez donc les 90 % de communes récalcitrantes par la loi.

M. Frédéric Lefebvre. En fin de session, ce sont les socialistes qui assurent le service minimum !

Mme Delphine Batho. La rupture, était-ce le dialogue social ? Vous l’avez délibérément écarté et méprisé. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lecou. C’est faux !

Mme Delphine Batho. Chassez le naturel, il revient au galop. À mille lieux de la modernité proclamée, vous avez été rattrapés par vos vieux démons et les méthodes datées du passage en force et de la brutalité qui conduisent à l’impasse.

Chacun l’aura compris, ce projet de loi fait partie d’une panoplie. Après le paquet fiscal de l’été 2007 (« Ah ! »sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Robert Lecou. Il ressort !

M. Christian Eckert. En fait, cela vous dérange !

Mme Delphine Batho. …voilà l’esprit de confrontation sociale de juillet 2008.

Temps de travail, chômeurs et enseignants, tout ce que vous êtes en train de faire a un sens. Il y a dans l’ordre du jour que vous avez choisi, nous vous le reconnaissons sans peine, une cohérence idéologique marquée. Et dans cette offensive tous azimuts, il vous fallait coûte que coûte une victoire, un trophée symbolique dans l’éducation.

M. Frédéric Lefebvre. Il va falloir que nous vous envoyions le rapport Lecou, madame Batho !

M. Robert Lecou. Très juste !

Mme Delphine Batho. Vous-même, monsieur le ministre, l’avez revendiqué ici, en conclusion de nos débats, en affirmant votre volonté de « fâcher les personnels ».

Chacun l’a bien compris, cette frénésie législative estivale, dont le service d’accueil fait partie, cette volonté d’affrontement, vise à créer des foyers d’agitation pour détourner l’attention, pour vous éviter de rendre des comptes, pour masquer votre échec éducatif, votre échec économique, votre échec majeur sur le pouvoir d’achat. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Chers collègues, il faudra plus que les provocations d’une session extraordinaire pour faire oublier aux Français leurs conditions de vie !

M. Robert Lecou. Pensez-vous seulement aux familles ?

Mme Delphine Batho. Je vais conclure. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Lefebvre – si prévisible, j’allais dire : pavlovien, mais je n’ose pas –…

M. Frédéric Lefebvre. J’aime quand vous êtes timide comme ça !

Mme Delphine Batho. …pratique la provocation, sans doute pour se faire un nom. Je ne lui donnerai donc pas le plaisir de lui répondre, sauf pour souligner qu’il a défendu une sorte de nouvelle pensée unique, celle où ressortent, dès que l’on exprime un désaccord avec votre politique, les caricatures, la vieille rengaine des procès en archaïsme, en corporatisme, en sectarisme. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Isabelle Vasseur. Croyez-vous ce que vous dites ?

Mme Delphine Batho. En fait, monsieur Lefebvre, comme vos collègues de la majorité, vous rêvez d’une opposition qui passerait son temps à être d’accord avec vous. Vous aimez l’opposition quand elle est courbée ou, plutôt, vous voudriez qu’il n’y ait plus d’opposition.

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !

Mme Isabelle Vasseur. En fait, elle est assez inexistante !

Mme Delphine Batho. Si vous étiez aussi sûrs de votre politique, de vos résultats, de l’adhésion des Français à votre action, auriez-vous besoin à ce point de nier à l’opposition le droit d’être l’opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Robert Lecou. Vous n’avez qu’à être une opposition digne de ce nom !

M. Charles de La Verpillière, rapporteur. La Constitution garantit les droits de l’opposition !

Mme Delphine Batho. Cette loi trompe les parents, oublie l’intérêt des enfants, accable les élus locaux. C’est notre devoir d’élus du peuple de le dire. Et vos sommations et vos provocations n’y changeront rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

7

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir à vingt et une heures trente :

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)