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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 8 octobre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Grenelle de l'environnement

Question préalable

M. Serge Letchimy

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Yves Cochet, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jean Dionis du Séjour, M. Alain Gest

Discussion générale

M. Serge Poignant

M. Jean-Paul Chanteguet

M. André Chassaigne

M. Jean Dionis du Séjour

M. Michel Piron

M. Jean-Jack Queyranne

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Jérôme Bignon

Mme Geneviève Fioraso

M. Serge Grouard

M. Maxime Bono

M. Yves Albarello

Mme Annick Le Loch

Mme Fabienne Labrette-Ménager

Mme Geneviève Gaillard

M. Alfred Almont

M. Victorin Lurel

M. Christian Estrosi

Mme Catherine Quéré

M. Yanick Paternotte

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Grenelle de l'environnement

Suite de la discussion
d'un projet de loi de programme

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (nos 955, 1133, 1125).

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, ce n’est peut-être pas la coutume de débuter une question préalable en saluant une démarche. Je le fais avec d’autant plus de liberté que bon nombre d’entre nous sont conscients de l’urgence et de la gravité de la situation sur le plan environnemental. Je salue la démarche et le processus du Grenelle de l’environnement. Je le dis sans parti pris.

Je considère que cette longue, patiente et vaste concertation – cette mobilisation nationale à laquelle beaucoup d’entre nous ont participé – est un hommage aux centaines de militants, d’associations, d’experts, d’élus. Elle est aussi une réponse à ces cris lointains restés si longtemps inaudibles dans ce monde qui, pudiquement, prend conscience du désastre.

Ce processus s’inscrit d’ailleurs dans la logique du travail de codification effectué au niveau européen depuis de nombreuses années, dont certaines dispositions sont mises en œuvre dans ce texte. Il prolonge aussi des initiatives parlementaires passées, prises notamment par les socialistes, à l’instar du plan national de l’environnement de 1990 qui a, entre autres, donné naissance à la loi sur l’eau.

Dans le même esprit, je salue l'action engagée par la présidence française et l'UICN pour protéger la biodiversité dans l’outre-mer et sur l'île de la Réunion. Enfin, je souligne que les discussions en commission, entre membres de la majorité et de l’opposition, se sont déroulées dans un climat constructif et respectueux. Il y a eu des ouvertures importantes, même si elles ont été peu nombreuses, monsieur le rapporteur.

Cependant, monsieur le ministre d’État, permettez que s’engage un vrai débat sur ce sujet essentiel. Si nous approuvons tous l'idée du Grenelle et son ambition, nos approches divergent. Nous n'avons pas écrit le même scénario pour dénouer un drame beaucoup plus profond et durable que votre majorité ne l'estime. Vous savez pourquoi ? Parce que, après avoir étudié votre texte, j'ai la conviction qu'il est loin d’avoir fait le bon diagnostic. Vous voulez panser le mal. Nous aussi, mais en nous attaquant plus profondément à sa source.

S'il s'agit de sauver la planète, de sauver l'homme et de sortir, par une approche globale, d'une spirale suicidaire, il faut d'abord prendre conscience que nous sommes prisonnier d'un système économique destructeur des ressources et de l'environnement, au détriment des droits des générations futures.

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. Serge Letchimy. Dans ce système, l’empreinte écologique de l'homme excède la capacité régénératrice de la planète. Ce seul constat et cette seule prise de conscience auraient dû nous engager vers une réelle rupture, et même mieux : vers une vraie révolution, vers un nouvel ordre économique et social, tant sur le plan national que mondial. Or ce que j'entends ici et là semble renvoyer à un constat a minima. Votre texte donne le sentiment que nous ne serions que face à une simple crise écologique.

Chers collègues, l'actualité devrait nous inviter à plus d'ambition, à plus de hauteur de vue. Il s'agit, non pas d'une simple crise écologique, mais d'une crise beaucoup plus profonde. Il s'agit d'une crise morale, d'une crise des valeurs, de l'absence avérée d'éthique dans une société rongée par un mal qui porte un nom : le capitalisme ultralibéral mondialisé qui ne sera aucunement contrarié par le catalogue des mesures que vous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je le dis avec d’autant plus d’aisance et de facilité que le Président de la République l’a lui-même affirmé avec les mêmes mots que moi. Nous sommes face à une profonde crise intellectuelle, incapables d'inventer un nouveau mode de développement respectueux des équilibres naturel.

Monsieur le ministre d’État, au moment de préparer cette intervention, mon esprit a été d’emblée envahi par une phrase très simple, un peu énigmatique, que je connaissais depuis longtemps et qui a soudain revêtu une signification surprenante. C'est celle d'un humaniste, un des grands poètes du XXe siècle. Elle dit ceci : « La faiblesse de beaucoup d'hommes est qu'ils ne savent devenir ni une pierre ni un arbre. » Elle a été écrite par Aimé Césaire. Il voyait déjà à quel point le monde occidental, dans ses choix de développement et dans l'intensification du capitalisme, se coupait de la pierre et de l'arbre, se coupait en fait de la vie, et entamait une rupture aveugle, orgueilleuse qui allait mettre rapidement en péril les grands équilibres naturels à la base du vivant et de l'existence de notre planète.

Quelques décennies plus tard, cette faiblesse occidentale s'est répandue via la mondialisation économique ; elle s'est amplifiée jusqu'à nous mettre en face d'une catastrophe qui menace désormais jusqu'à la survie de millions d'hommes.

Le moindre petit tour d'horizon de notre planète prend des allures de cauchemar : la banquise a fondu de 40 % en quarante ans. Cette fonte entraîne une augmentation inexorable du niveau des océans ainsi qu'une perturbation des courants marins pouvant conduire à des changements climatiques extrêmes : cyclones, tornades, sécheresses, etc.

À cela s'ajoute un choc biologique sans précédent qui risque de mettre en cause tous les équilibres du vivant en raison de l'effondrement accéléré et massif de la biodiversité, d’une ampleur jamais connue sur terre. Les gênes, les espèces et les écosystèmes sont des horlogeries d'une infinie complexité. La moindre rupture provoque des réactions en chaîne, parfois spectaculaires, parfois insidieuses, et qui menacent toutes les formes de vie sur terre, donc la survie même de nos humanités. L'extinction massive des abeilles en est l'un des signes apparents et inquiétants.

Comme le vivant ne connaît pas d'exception, l'espèce humaine, ses cultures et ses civilisations font partie de l'écosystème terre. Ainsi, ces effondrements qui interagissent entre eux retentissent en direct sur l'état de la plupart des sociétés du monde, pouvant aller jusqu'à provoquer guerres, famines, déplacement de populations comme au Darfour. Le XXIe siècle sera celui de l’errance dramatique de peuples entiers. Il faudrait être singulièrement insensé pour s'en croire à l'abri et ne pas tenir compte d'un droit inaliénable : le droit au développement. Ce qui n'est pas durable dans d'autres pays du monde est une menace pour tous ! Ce qui s'effondre et disparaît dans la biodiversité d’autres pays, disparaît pour tous et nous affaiblit tous !

De mon point de vie, c’est aussi à ce niveau-là qu'il fallait placer le débat pour mieux comprendre nos propres réalités et la nature des solutions. Car même si tout cela paraît relever d'évidences élémentaires, les aveuglements et les obstinations ne cèdent pas d'un pouce. Nous savons que l'engagement de l'humanité en faveur d’une meilleure prise en charge de son destin écologique – comme lors du sommet de Rio 92 ou des nombreuses initiatives antérieures – a été ralenti, voire arrêté par l'OMC, en 1995 à Marrakech. Nous savons qu'en refusant de signer le protocole de Kyoto, les États-Unis ont tenté d'enterrer une législation mondiale qui aurait pu permettre d'accéder plus rapidement à une salutaire prise de conscience collective. Quand Georges Bush père déclarait superbement « Notre mode de vie n'est pas négociable », il n'exprimait pas seulement une absurdité personnelle, mais distillait béatement l'égoïsme suicidaire du monde capitaliste occidental.

Le marché érigé en sanctuaire pour cette divinité païenne qu'est devenue la croissance a influencé, voire contrarié, tous les modes de régulation qui auraient pu conduire à cette législation sociale et environnementale dont nous avons besoin de manière urgente et tragique à l'échelle mondiale.

Pendant ce temps, ce sont les plus faibles qui endurent : ceux qui ne sont responsables d'aucune industrialisation massive, d'aucun saccage de ressources naturelles, d'aucune pollution chimique, et qui émettent le moins de gaz à effets de serre. C'est un drôle de conte de fées où les destructeurs et les pollueurs ne sont pas les premiers payeurs ! Permettez-moi d'avoir une pensée fraternelle pour l'Afrique.

C'est dire, monsieur le ministre d’État, à quel point ce qui nous occupe aujourd'hui ne relève pas d'une simple problématique française ! Étant dans le vivant, nous sommes d'emblée à l'échelle du monde. À l’instar de chaque peuple, chaque État, chaque nation, la France et les outre-mer doivent prendre leur part de responsabilité – je dis bien de responsabilité, car c'est le maître mot en la matière !

Face à de telles indécences et d'aussi tragiques bouleversements, cette responsabilité doit s'exprimer de la manière la plus haute, la plus vaste, la plus ambitieuse et la plus noble. La question de la responsabilité environnementale impose ainsi une autre gouvernance mondiale qui devrait aller jusqu'à subordonner le commerce et les échanges aux accords internationaux sur l'environnement. Ainsi que le formule Alain Lipietz, il faut « aller jusqu'à la création d'une organisation mondiale de l'environnement. »

M. Yves Cochet. et Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. Serge Letchimy. C'est bien là, en effet, une exigence majeure que la France devrait proclamer et défendre à la tête de la gouvernance européenne. Elle devrait initier un mouvement mondial démocratique pour la responsabilité écologique planétaire. À mi-parcours de la présidence française, nous ne pouvons que constater que rien n'a été significativement engagé. Cela risque, monsieur le ministre d’État, d'être comptabilisé comme une carence politique de la présidence de l'Union.

L'impératif de survie qui est le nôtre demande une autre économie, d'autres manières de vivre au quotidien, d'autres rapports sociaux. Il faut même plus qu'un simple Grenelle pour se montrer digne de l'enjeu ! Il faut une véritable re-fondation de nos cultures politiques, économiques et sociales.

La divine croissance répond d'abord à un besoin du capital, non aux besoins de la planète et de ses populations. Entre des concentrations indécentes de richesse, elle génère plus de pauvres et plus de pauvreté. Elle détruit la notion même d'emploi pour favoriser des mises sous exploitations mobiles de personnels corvéables et précaires. Elle sacrifie l'environnement et les équilibres naturels sur l'autel du profit maximal.

Alors quand, pour lutter contre les hystéries du capitalisme, on parle de le refonder, le simple bon sens de l'écologie politique ne peut que conduire à répondre : non merci ! Il faut surtout refonder l'idée même de l'homme, de manière horizontale, dans le respect du vivant ; il faut mettre toutes les logiques économiques, culturelles et sociales au service de cette approche.

Vous voyez déjà, monsieur le ministre d’État, les limites, les aveuglements, les timidités du texte que vous nous proposez. Une loi qui ne s'attaque pas avec résolution au fondement du mal est une loi qui renonce à son rôle historique. Évitons le risque de demeurer à l'étiage d’un programme qui ne serait qu'un gage de bonne conscience. Méfions-nous aussi de ce prétendu réalisme qui guide votre politique. Il n'y a de réalisme que là où le réel s'affole et où s'ouvrent de nouveaux horizons.

Examinons dans le détail les renoncements du texte. Monsieur le ministre d’État, vous prenez le risque d'un rendez-vous raté. C'est pour l’éviter que je veux vous indiquer les contradictions, les manquements, voire les renoncements de votre texte. Tel que je vous connais, je sais que vous partagez cette analyse, même si vous êtes tenu au silence. Ce texte mi-orientation mi-programmation est flou tant sur le calendrier que sur les moyens, comme s'il ne s'agissait que d'un simple retard à rattraper ou qu'il n'était question que de mieux mettre en œuvre des directives européennes.

Prenons quelques exemples purement techniques.

S’agissant de l’efficacité du parc automobile, vous reculez sensiblement sur les émissions moyennes de dioxyde de carbone pour l’ensemble des véhicules particuliers.

Sur la recherche, comme l’a dit M. Quintreau, du Conseil économique, social et environnemental, les crédits ne sont pas au rendez-vous. Sur le plan social, le texte fait l’impasse sur les conséquences relatives aux mutations techniques et économiques, notamment le pouvoir d’achat des plus démunis. Or vous savez que le coût de l’énergie pénalise les ménages, particulièrement les plus défavorisés, aggravant ainsi l’inégalité sociale. On estime à 300 000 le nombre de personnes ne pouvant plus payer le chauffage en France ou ayant des difficultés à le faire. En l’absence de mesures d’accompagnement, les bailleurs privés ou public feront directement supporter la facture des rénovations thermiques par le budget des ménages, ce qui ne fera qu’augmenter le taux d’effort locatif, notamment dans le logement social. Si la responsabilité sociale avait été pour vous au cœur du développement durable, la mise en place d’un système de péréquation sociale, avec un effet redistributif, aurait constitué une bienheureuse évidence.

Le texte révèle d’autres insuffisances, à commencer par la question de la formation liée aux mutations technologiques, question elle aussi soulevée par le CESE. Elle est certes abordée dans le texte, mais sans financement et sans un projet partagé alors que, dans le secteur du bâtiment, la main d’œuvre manque déjà et que l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, prévoit un besoin de 440 000 salariés qualifiés d’ici à 2012.

Autre hésitation, peut-être rattrapée en commission : le renversement de la charge de la preuve, impliquant le fait que ce ne sont plus aux solutions écologiques de prouver leur intérêt mais aux projets non écologiques de prouver qu’il n’était pas possible de faire autrement.

La fixation d’objectifs, et non de limites, en matière de pollution, n’est pas satisfaisante non plus : l’objectif se substitue à l’obligation, alors que l’urgence est évidente. Les exemples du chlordécone, du paraquat aux Antilles ou du Cruiser – en vente en France mais interdit en Allemagne – sont éloquents quant au caractère irréversible du mal.

Mme Delphine Batho. Très juste !

M. Serge Letchimy. On s’accommode, on s’arrange… C’est aussi, d’ailleurs, le climat ambiant, puisque l’Europe vient de remonter les seuils des limites maximales résiduelles pour certaines substances autorisées, notamment le fénoxycarbe. Sur les agrumes, le nouveau taux sera de quarante fois supérieur à ce qui était autorisé ! (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

On s’accommode, on s’arrange... Pour le professeur Jean Jouzel, le réchauffement des vingt prochaines années est joué. Ce qui se joue maintenant, c’est notre comportement et nos décisions – lesquelles doivent être courageuses au cours des vingt prochaines années – pour le climat de la seconde partie du XXIe siècle. Je veux éviter de noircir le tableau, mais nous devons collectivement comprendre que nos plus sombres adversités sont nos meilleures occasions, et que le plus obscur des passages est toujours un passage qu’il ne faut pas hésiter une seconde à emprunter s’il conduit à une lumière plus grande.

Or, monsieur le ministre d’État, malgré votre bonne volonté, le système vous a rattrapé. Votre audace s’est essoufflée. Certes, vous tracez des perspectives dans les énergies renouvelables, mais vous laissez en place toutes les ambiguïtés et tous les dangers sur le nucléaire, exclu du débat. D’ailleurs, en contradiction avec le Grenelle, le chef de l’État a pris la décision de construire un nouvel EPR. Il y a sans doute de l’espoir dans la recherche, mais vous la maltraitez. Il y a sans doute un oxygène envisageable dans une nouvelle politique urbaine, mais vous ne vous souciez pas véritablement de l’étalement urbain non contrôlable et non contrôlé.

Je vois bien, dans vos dispositions, une mise en évidence de la biodiversité, mais je ne vois pas, en revanche, les moyens véritables qui seraient affectés à sa préservation et à sa valorisation, tant sur le plan budgétaire que sur celui de la gouvernance. Je vois bien une trame verte et bleue, véritable corridor écologique salvateur, mais il demeure non opposable au tiers.

Mme Delphine Batho. Absolument !

M. Serge Letchimy. Je vois des outils de politiques territoriales, énergétiques et climatiques aussi disparates qu’éclatés dans la hiérarchie du droit de l’aménagement et de l’urbanisme, donc utilisables de manière aléatoire. Je vois l’esquisse d’une gouvernance, mais réduite à sa plus maigre acception et à sa plus étroite géographie, alors que c’était l’occasion d’initier une « éco-citoyenneté » de responsabilité, fondée sur des territoires pertinents, sur l’intelligence humaine, sur le terroir patrimonial et sur un savoir-faire enrichi.

Quant à la question du transport – responsable en France de 35 % des émissions de gaz à effet de serre –, elle est traitée par un catalogue inabouti de moyens qui n’ont absolument rien à voir avec l’importance des chantiers nécessaires pour inverser une quelconque tendance. Sur ce sujet, on observe d’ailleurs un déplorable revirement de stratégie par rapport à la déclaration du Président de la République en octobre 2007 : la route et l’avion, deux grands pollueurs, n’étaient censés devenir que des solutions de dernier recours.

Autre élément d’importance : l’absence de toute référence aux services environnementaux. Il s’agit d’un manque criant, car il repose sur la méconnaissance des gains proprement économiques du développement durable. En effet, il ne suffit pas seulement de chiffrer ce que coûte la protection ou la réhabilitation de tel ou tel site. Il faut surtout chiffrer ce que va nous coûter sa disparition ou sa dégradation : c’est ce coût qu’il faut inscrire au bilan budgétaire pour avoir une vision financièrement juste de nos choix ou de nos absences de choix. J’insiste lourdement sur ce point, car il nous faut intégrer cette révolution mentale : la protection de l’environnement n’est pas un coût, elle n’est pas une dépense, elle est un gain de richesse. S’il y avait un vrai bouclier à créer, monsieur le ministre d’État, ce serait non pas un bouclier fiscal mais un bouclier environnemental : voilà ce dont nos finances ont besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Annick Girardin. Très bien !

M. Serge Letchimy. À tout cela s’ajoute bien sûr une problématique d’ensemble : celle des incohérences globales de la politique gouvernementale, dont une grande partie des mesures va à l’encontre des conclusions et de l’esprit du Grenelle.

Votre texte, monsieur le ministre d’État, occulte par ailleurs deux dimensions qui sont loin d’être anecdotiques. La première est la question de l’équité sociale, qui est pour nous un enjeu politique majeur. La seconde est la question culturelle. En clair, c’est l’exigence d’une démocratie reconsidérée et d’une gouvernance inédite et territorialisée. D’ailleurs, le grand absent du texte est la décentralisation. Le problème de fond qui nous est posé, c’est celui d’un mode de développement qui serait aussi riche des patrimoines locaux, des savoir-faire singuliers, de ces histoires, de ces traits culturels innombrables, et ce au cœur même de la richesse et de la matière vive de la nation. Il ne saurait y avoir de développement durable sans respect de la diversité des terroirs, des cultures et de leurs génies singuliers. Pas de développement sans une démarche écologique appliquée à la diversité même de la nation ; donc, pas de développement durable sans gouvernance locale adaptée à des réalités différentes, permettant une optimisation de leurs ressources culturelles et humaines. La gouvernance ne s’arrête pas seulement aux ONG et aux associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Annick Girardin. Très bien !

M. Serge Letchimy. L’environnement et la biodiversité se vivent et se défendent au quotidien, à l’échelle de chacun et au plus près de chaque réalité. On ne saurait évacuer la nécessité que les citoyens, les acteurs locaux et leurs institutions s’approprient une part de la conception et de la mise en œuvre d’une politique écologique. L’énergie du général est dans le particulier. L’équilibre du sommet est donné par la base. Pour répondre à des enjeux d’une telle globalité, il faut reconnaître, valoriser et optimiser la personnalité géographique de chaque aire territoriale. Votre projet, monsieur le ministre d’État, court le risque d’être ressenti par les collectivités locales comme un impératif vertical laminant les fondements de toute initiative, tout en demandant à ces collectivités de conséquentes mobilisations pécuniaires.

L’autre question vitale est la suivante : dans la mise en œuvre des mesures indispensables, comment, à l’inverse, faire sauter le verrou culturel ? Un terroir, une histoire, un savoir-faire et une culture sont des expériences précieuses. Il y a là des connaissances et des ouvertures au réel et au monde, mais aussi des fermetures, des raideurs, des traditionalismes parfois paralysants. Quelle rôle la fiscalité peut-elle jouer en ce sens ? L’« éco-conditionnalité » des aides publiques n’est pas suffisamment ambitieuse ; l’urgence écologique, qui était une ambition collective du Grenelle, est écartée, aussi un amendement socialiste propose-t-il de la rétablir ; la contribution énergie-climat est ajournée ; une TVA modulable en fonction de l’intérêt écologique n’est pas évoquée. Faute de moyens, vous nous invitez à une politique de recul.

Enfin, avant de vous parler des pays outre-mer, je me permets, monsieur le ministre d’État, de sensibiliser la représentation nationale aux mécanismes inhérents aux quotas de CO2 transférables initiés depuis les États-Unis. Dans un contexte de libéralisme, les quotas transférables peuvent être en fait un système immoral pour les pays sous-développés. Ces derniers seront amenés à réduire leur pollution au profit des pays du Nord, ceux-là mêmes qui ont la capacité de négocier des achats de CO2. Cela va dans le sens contraire de la solidarité mondiale envers les plus faibles. Je rappelle que les États-Unis émettent 25 % des gaz à effet de serre, contre 2,5 % pour l’ensemble de l’Afrique. En l’absence d’obligation quant à l’affectation des sommes et d’une régulation draconienne, un droit à polluer est un risque majeur, qui représente des milliards d’euros pour l’ensemble des pays de l’Union. Une affectation, qui irait pour moitié au financement de la transition vers une économie sobre en carbone, et pour une autre partie au soutien des pays en voie de développement pour la réduction des gaz à effet de serre, la lutte contre la déforestation et l’adaptation aux impacts du réchauffement est indispensable. Je souhaite que ce message soit porté au plus haut niveau européen.

Vous me permettrez, monsieur le ministre d’État, d’exprimer un regret : ni vous, ni le président de la commission, ni le rapporteur n’avez prononcé dans cet hémicycle le mot « outre-mer ». Je le regrette profondément, mais je sais que vous y êtes attaché : je vous excuse donc. Mais comprenez bien l’importance du sujet. J’ai choisi de vous parler des pays outre-mer en des termes inédits, et peut-être en marge de l’orthodoxie de nos débats. Faut-il rappeler que les pays de l’outre-mer constituent une richesse écologique environnementale considérable ? Pour eux-mêmes d’abord, en raison de la puissance de l’endémisme des espèces et de l’incroyable richesse de la biodiversité ; pour la France, ensuite, et pour le monde, dont ils contiennent respectivement 80 % et 8 % de la biodiversité. En outre, au-delà du rayonnement géopolitique de la France, les pays outre-mer offrent une richesse maritime incommensurable avec 11 millions de kilomètres carré, soit 97 % des surfaces maritimes françaises.

Mais je ne suis pas ici pour mener je ne sais quel chantage à la richesse verte, chantage auquel certains m’opposeraient, je suppose, la contribution de la France à l’équilibre social de nos territoires. Il ne s’agit pas de cela. Je veux poser ce problème en termes de survie pour vous, pour nous et pour eux, nos enfants de demain, qu’ils soient métropolitains, martiniquais, africains, polonais, australiens ou que sais-je encore. Du fait de cette richesse, nous sommes au cœur des équilibres naturels du monde, nous en sommes l’un des piliers essentiels. Ce patrimoine exceptionnel nous donne des responsabilités et des devoirs tout aussi exceptionnels.

Ma revendication est celle d’un droit tout simple : le droit à la construction d’une conscience collective locale ; le droit à l’élaboration endogène d’une capacité d’action, de conception et de résistance, face aux catastrophes climatiques et aux effondrements écologiques ; le droit à la construction d’une résilience capable de nous permettre d’utiliser les crises à venir comme des espaces de renouveau ; le droit de ne pas se retrouver sans initiative et sans responsabilité, donc sans intelligence et sans génie, dans le chahut de la mondialisation ; le droit de pouvoir forger une conscience collective nourrissant toutes nos consciences individuelles et capable d’instaurer cette culture du risque qui nous fait cruellement défaut ; le droit de nourrir l’ambition de la responsabilité et de la dignité dans un développement nécessairement endogène, tout en restant ouvert aux fluidités du monde.

J’invite à l’émergence d’une véritable ingénierie de la technique du savoir et du travail autour des mutations économiques liées aux modifications climatiques. J’invite à une stratégie de gestion des espaces maritimes faisant de l’outre-mer un pôle national de référence pour l’exploration de l’infinie richesse de la biodiversité marine. J’invite à une exploitation juste et équilibrée de la pharmacopée traditionnelle, de ses valeurs, de ses usages susceptibles d’assurer les retombées nécessaires au développement de ces pays et de les protéger de la « bio-piraterie ». J’invite ces pays à être des terres d’excellence en matière d’énergie renouvelable, de multimodalité des transports, y compris des transports maritimes, dans une stratégie de coopération régionale affirmée et constructive. J’invite à une expérimentation permettant, sous un terme acceptable, l’instauration d’une politique assumée de développement durable, dans une dynamique fondée sur les richesses naturelles intrinsèques de chaque pays – et je remercie la commission d’avoir accepté un amendement en ce sens.

Si nous voulons sortir du système de l’habitation, du commerce triangulaire, de l’assistanat, de la société de consommation, lesquels créent autant de richesses matérielles que de misères morales et mentales, autant de luxe que d’exclusion sociale, autant d’enrichissement sans fin que de dépressions psychosociales, faisant de nos terres des terres d’« éco-suicide », de suicide moral et de suicide physique, nous devons briser les limites ordinaires, nous devons envisager autre chose : un espace de conscience initiateur et responsable, où la diversité n’est pas le contraire de l’unité, mais sa plus sûre richesse.

C’est par de tels processus de mise en responsabilité optimale que les pays d’outre-mer pourront quitter le « mal-développement » pour devenir des terres d’initiative et d’intelligence. Il n’y a pas d’épanouissement économique et social harmonieux sans vivification culturelle.

Contre les effondrements et les mutations à venir, rien ne vaut une culture du risque, nourrie de son terroir, faisant corps avec elle, disposant des moyens de sa conception et de sa mise en œuvre. Quand on a tout oublié, c’est la culture qui reste. Quand on doit innover pour agir, agir en innovant, c’est la responsabilité qui prime. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

De sa lutte contre le nazisme, le poète René Char avait rapporté une majestueuse pensée qu’il a consignée dans Fureur et mystère : « Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté. » Et ce qu’il mettait dans l’idée de beauté, c’était, sans aucun doute, la justice, l’équité, l’amour et le respect de l’autre, le respect de la diversité, le droit à la liberté, à la responsabilité. Il avait compris que, face aux atteintes majeures, il n’y a pas de compromis, pas d’hésitation ou de demi-mesure. Le péril est tellement grand, les enjeux tellement déterminants, qu’il ne s’agit pas de laisser un peu de place à l’écologie. Il faut, monsieur le ministre, viser à une véritable refondation écologique, à une nouvelle forme d’installation de l’homme, de ses cultures, de ses civilisations, de ses politiques, dans la plénitude horizontale des choses vivantes. Il faut des audaces, des ruptures. Et il faut du courage.

Ce qui frappe, dans ce texte, ce sont les contradictions entre l’urgence écologique – on l’a signalé pour le transport –, le calendrier et les moyens budgétaires, autant d’éléments aggravés par l’absence d’une approche transversale et territoriale. Nous savons que cette politique aura des conséquences non négligeables sur les collectivités locales qui supporteront les charges financières d’une situation exceptionnelle. Comment envisager de se contenter d’un psittacisme législatif, alors que le danger se précise ?

Au regard des défis que je viens de rappeler, au regard de ce que furent les 268 engagements issus du Grenelle, au regard de nos attentes, ce texte peut-il être suffisant ? Catalogue incomplet de bonnes intentions, il demeure trop éloigné d’une véritable loi d’orientation et, par ses carences, porte les limites d’une fausse loi de programmation. Face à la gravité de la situation, à l’ampleur du défi climatique et énergétique, cette loi ne permet pas de définir un cadre politique et législatif susceptible d’ordonner l’ensemble de la politique gouvernementale. C’est pourquoi je vous demande de voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Non !

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir parfaitement respecté votre temps de parole. Chacun, je l’espère, s’inspirera de votre exemple.

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur Letchimy, j’ai eu l’occasion, dans des fonctions antérieures de ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, de constater que vous aviez le goût de la cohésion sociale. Je vous remercie d’avoir commencé comme vous l’avez fait. Vous vous êtes ensuite évadé vers de grands sujets stratopolitiques mondiaux. (Sourires.) Vous avez parlé de la gouvernance mondiale de l’environnement : vous soutenez, nous soutenons, le Gouvernement soutient cette idée, lancée en son temps par Jacques Chirac. Nous n’avons eu de cesse que de vouloir imposer, contre vents et marées, ce gouvernement mondial de l’environnement, dans le cadre de l’ONU. Mais il ne suffit pas de le dire et cela ne se fait pas tout seul : cela se fait avec les autres. Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avons parcouru le monde pour en parler. Nous étions encore au Brésil, il y a peu, pour tâcher de trouver de nouveaux alliés. Nous progressons. Ce gouvernement est une absolue nécessité, comme le regroupement de diverses institutions qui, vous le savez, sont parfois émiettées, quand elles ne sont pas concurrentes.

Ce que vous avez dit sur l’outre-mer m’a touché, monsieur Letchimy. Dans mon intervention liminaire, pour montrer que le mouvement est déjà lancé, j’ai évoqué la montagne de Kaw. Je rappelle que Nicolas Sarkozy, candidat à la présidence de la République, s’était déclaré favorable à une mine, et que le Président élu, dans le cadre des engagements qu’il avait pris, a finalement dit non au projet. Vous le savez, du point de vue social et économique, le choix n’était pas si évident. Il en est de même pour le projet d’université de l’environnement, que nous menons, sur place, avec nos amis brésiliens. Ce texte sur le Grenelle et celui qui suivra sont extrêmement attentifs au sujet, à telle enseigne que nous approuvons et défendons votre proposition sur l’expérimentation, qui est d’ailleurs assez similaire à celle du rapporteur Christian Jacob.

Je suis allé à l’île de la Réunion pour recevoir l’ensemble de l’outre-mer français, à l’occasion de la conférence de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Sur les questions de biodiversité, l’outre-mer français se sent abandonné depuis longtemps. J’ai promis que, dans ce cadre-là, nous ne céderions pas sur les sujets de biodiversité, car le Grenelle ne se contente pas de prendre acte des nouvelles raretés, il découvre les nouvelles abondances. Or, s’il est un endroit au monde où un grand État peut faire en sorte qu’une partie de son territoire soit autonome du point de vue énergétique, protège sa biodiversité et soit socialement, démocratiquement et écologiquement exemplaire, c’est bien l’outre-mer français.

L’outre-mer est situé au milieu de la mer et des océans. D’une certaine manière, la France a tourné le dos, non pas à la mer et aux océans, grâce à ses marins et à sa littérature, mais à la connaissance intime de ce que ce milieu peut apporter à l’homme en matière scientifique, pour la santé, pour la pharmacopée ou pour l’énergie. Nous sommes au tout début de la découverte réelle de ce qui couvre 80 % de notre planète. C’est pour cela que, du point de vue de la biodiversité, la véritable avant-garde de notre pays, c’est l’outre-mer.

Je suis allé deux fois à la Réunion pour signer, avec le président Vergès et Nassimah Dindar, la première convention technique opérationnelle baptisée GERRI – Grenelle de l’environnement à la Réunion – Réussir l’innovation –, qui a fixé comme objectif une autonomie énergétique de 50 % dans les douze ans. Du reste, vous le savez bien, monsieur Letchimy, puisque vous faisiez partie du groupe de travail. Aujourd’hui, la nouvelle technologie française, ce sont les éoliennes qui se penchent en moins de dix minutes lorsque le vent se lève. C’est dans les DOM-TOM que l’on découvre la possibilité de puiser de l’eau à 5 degrés pour en finir avec les climatisations infernales. C’est une avant-garde technologique et de progrès. Croyez-moi, sur ce point, nous serons toujours derrière vous.

Pardonnez-moi de vous dire que tout cela est bien la preuve que ce texte mérite un débat à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Yves Cochet. Notre collègue Letchimy a placé le débat à la bonne altitude. Vous-mêmes, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, aviez dépeint le panorama assez vaste de votre ambition, qu’avait d’ailleurs brossé le Président de la République, le 25 octobre 2007, mais notre collègue Letchimy a donné plus d’ampleur encore, si besoin était, à cette perspective. Comme le Président de la République, il a parlé de révolution dans notre mode de vie, dans notre façon d’habiter la planète. Cela comporte des contraintes pour les uns et des facilités pour les autres, mais il est très important qu’elles soient égalitaires, quels que soient les territoires. L’humanité doit comprendre qu’elle n’est pas seule. À côté de l’espèce humaine, il est d’autres espèces, animales ou végétales. Le monde inerte, lui-même, est lourdement pollué par nos activités. Pour employer un mot à la fois poétique et très précis, nous sommes dans un écoumène, c’est-à-dire dans un lieu en tant qu’il est habité par l’espèce humaine. Nous ne pouvons donc pas conserver une attitude ingénue vis-à-vis de ce que nous faisons des lieux qui nous sustentent.

M. Letchimy a eu raison de dire qu’il faudrait non seulement inverser la charge de la preuve, mais, d’une certaine manière, subordonner nos décisions quotidiennes, économiques, sociales, réglementaires, administratives, politiques, à une vision plus vaste. Cette vision plus vaste, c’est précisément celle de l’humanité qui est dans une écosphère dont elle ne peut sortir : lorsqu’elle devient aveugle à cette écosphère, elle commet des bêtises, comme nous le voyons actuellement. Peut-être, avec cette loi Grenelle, allons-nous essayer de réparer, si vous nous aidez, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mais, au vu des discussions qui ont eu lieu en commission, je crains que cela ne suffise pas. C’est le deuxième argument qui me fait plaider en faveur de la question préalable.

M. Letchimy a également évoqué ce que j’appellerai le service public de la nature. On ne se rend pas compte que, même du strict point de vue quantitatif, en termes de PIB, d’euros ou de dollars, il existe un service public de la nature dont, à l’échelon global, planétaire, l’évaluation monétaire serait supérieure au PIB mondial. C’est d’ailleurs l’un des défauts de la loi, qui n’établit aucun lien direct avec le rapport Stern. Celui-ci ne concerne que le dérèglement climatique, mais, de ce seul point de vue, on pourrait déjà engranger plusieurs points de PIB, alors qu’on risque de les perdre si l’on fait le business as usual.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Mais nous parlons du rapport Stern !

M. Yves Cochet. C’est vrai, vous en parlez un petit peu, mais il n’y a pas que le dérèglement climatique. La catastrophe écologique concerne bien d’autres choses, et cela représente beaucoup plus que le PIB. Encore ne peut-on pas tout quantifier, comme je le disais lors des débats sur la loi Responsabilité environnementale. M. Letchimy a cité René Char : en effet, la beauté n’est pas quantifiable – et heureusement –, mais il faut toujours y penser.

Vous avez également évoqué, avec raison, le système des quotas échangeables entre le Nord et le Sud, avec le mécanisme de développement propre, qui rappelle ce que pratiquait autrefois certaine religion : la vente d’indulgences. Cela permet de polluer autant qu’on veut, et de racheter cela par de la neutralité carbone. Ce n’est pas en achetant des indulgences qu’on va réduire l’empreinte écologique de l’humanité – notamment celle de la France – sur la planète.

Enfin, vous avez également eu raison de parler de la spécificité de certains territoires. La France, ce n’est pas que la métropole. Il y a d’autres territoires, notamment marins. M. Letchimy en a grandement et bien parlé. Pour toutes ces raisons, j’appelle à voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Yves Le Déaut. M. Letchimy a excellemment dit que le réchauffement et le changement climatique sont le grand défi du XXIe siècle. Il y a, comme il l’a dit, urgence écologique à agir. En effet, on n’a jamais vu, dans l’histoire de la biosphère, des changements comme on en a connu ces cent dernières années. Tout a un effet immédiat. Ce qui se passe un jour à Shanghai, nous le ressentons dès le lendemain. Enfin, en raison de l’inertie des énormes masses d’eau qui constituent les mers et les océans, ce que nous faisons aujourd’hui, nous le paierons demain, et très cher.

Nous nous accordons donc sur le constat, sur la démarche du Grenelle de l’environnement et sur les points qui sont abordés dans ce texte. Nous allons pourtant voter la question préalable, car il ne suffit pas, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, de dresser un catalogue d’intentions. Si elles ne se traduisent pas en actes, nous n’aurons pas traité le sujet avec l’urgence écologique qui s’impose.

J’en viens au texte lui-même. Tout d’abord, la taxe carbone est abandonnée au profit d’une taxe dite « climat-énergie », dont « l’État étudiera la création en vue d’encourager les comportements sobres en carbone et en énergie », précise le projet de loi. Attendra-t-il que le Parlement ne puisse plus se prononcer pour l’étudier ? Pourtant, il va de soi que l’instauration d’une telle taxe est, à terme, inéluctable. Nous aurions donc dû en débattre à l’occasion de l’examen de ce texte, pour s’assurer que son coût n’échoira pas aux plus modestes. En effet, elle doit remplacer des prélèvements existants plutôt que s’y ajouter.

Animé d’une bonne intention, M. le ministre évoquait les quatre millions de logements sociaux, et plus particulièrement les 800 000 d’entre eux qui sont les plus dégradés, en indiquant qu’il financerait leur rénovation en « amorçant la pompe ». Avec quels prêts à taux privilégié, quel calendrier et quels crédits le ferez-vous alors même que le budget du logement diminuera de 6% en 2009, comme le rappelait M. Hollande cet après-midi, sans parler de celui que vous consacrez à la politique des territoires ?

En présentant l’article 19, vous annoncez que l’État consacrera un milliard d’euros à la recherche. En tant que représentant du Parlement au comité opérationnel Recherche, je peux vous dire qu’un tel montant sur quatre ans est bien insuffisant pour relancer la filière solaire, développer la filière biomasse de deuxième génération et rattraper notre retard !

Vous avez été tancé sur le bonus-malus, vous êtes resté flou sur la construction d’autoroutes et vous n’avez pas précisé les conditions d’affectation des prêts à taux zéro. Vous avez refusé de vous engager sur les suppressions des incitations fiscales à polluer, ou encore sur l’extension de la taxe « transport » à d’autres régions que la seule Île-de-France. Vous avez également refusé des amendements proposés par la mission que j’ai présidée – et dont Mme Kosciusko-Morizet était la rapporteure – visant à affecter une part du produit de la TIPP aux transports en commun et aux fret et autoroutes ferroviaires. Vous avez enfin refusé d’accorder aux grandes agglomérations le pouvoir d’interdire l’accès à leur centre-ville aux véhicules les plus polluants.

M. Brottes l’a dit : au fond, le Grenelle n’est pas soluble dans le capitalisme. Il vous fallait faire des choix, mais vous vous êtes arrêté au milieu du chemin. C’est parce que vous n’avez pas répondu aux questions du financement et de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement que nous voterons la question préalable de M. Letchimy. Comment pouvez-vous nous assurer que vous tiendrez vos engagements alors que vous avez déjà abandonné plusieurs propositions contenues dans le Grenelle initial, que vous en avez repoussé d’autres aux calendes grecques et que vous n’avez pas su trancher sur les sujets qui fâchent ? Vos intentions sont bonnes, monsieur le ministre, mais nous voterons cette question préalable parce qu’il vous fallait passer des principes aux actes. Hélas, vous vous êtes contenté de l’accord de votre seule majorité alors que le sujet méritait d’aboutir à un consensus national. Or, la crise écologique de demain sera plus grave que la crise économique d’aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous avons, nous aussi, été sensibles à la courtoisie du discours de M. Letchimy, ainsi qu’à sa dimension poétique – une qualité rare dans cet hémicycle. Oui, la beauté sauvera le monde !

Au fil des débats en commission, les centristes ont soutenu les amendements liant nouvelle gouvernance et enjeux environnementaux dans les territoires ultramarins. J’espère, monsieur le ministre, que le débat nous permettra de concrétiser ces progrès.

Hélas, j’ai ensuite entendu des discours plus banals. Cessez donc d’utiliser le capitalisme ultralibéral comme bouc émissaire en le rendant seul responsable de la dégradation de l’environnement ! (« Et pourtant ! » sur les bancs du groupe SRC.) Peut-on imaginer bilan écologique plus catastrophique que celui des pays de socialisme réel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Tchernobyl !

M. François Grosdidier. La mer d’Aral !

M. Jean Dionis du Séjour. Faut-il en effet vous rappeler Tchernobyl ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC.  Et que dire des Etats-Unis ?

M. Jean Dionis du Séjour. M. Letchimy, quant à lui, a posé le problème central de notre débat : celui de la croissance. De nombreux écologistes prônent la décroissance – une école de pensée fondée sur la sobriété qui remet en question notre conception du progrès. Le discours est intéressant, mais il me semble tirer ses racines idéologiques dans le malthusianisme. Souvenez-vous de ce pasteur protestant du XVIIIe siècle qui, constatant que la croissance des ressources naturelles était bien plus lente que celle de la population, prétendait qu’il fallait plafonner celle-ci – qui n’était, à l’époque, que d’un milliard d’êtres humains. Vous connaissez la suite…

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas ce que nous défendons !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous préférons une autre idée : le découplage d’une nouvelle croissance avec la consommation d’énergie. Cette thèse optimiste et respectable est fondée sur les percées technologiques qu’a réalisées l’humanité à chaque fois qu’elle était au pied du mur.

M. François Brottes. Au pied du mur, vive la crise !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous y croyons ; elle est d’ailleurs l’un des fondements du présent texte.

Le débat entre ces deux courants de pensée exige que nous soyons humbles, à l’écoute les uns des autres. Cependant, il faut avant tout l’ouvrir ! C’est pourquoi je ne voterai pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe UMP.

M. Alain Gest. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’intervention de M. Letchimy. Elle commençait d’ailleurs très bien : il a eu raison de saluer la démarche même du Grenelle de l’environnement, car elle est sans précédent et c’est ce gouvernement qui, le premier, en a eu l’initiative. Vous avez également eu raison de saluer le travail effectué par les associations, à qui le Grenelle a donné la parole. Elles attendent de nous que nous nous décidions au plus vite sur ce texte, qui reprend l’essentiel de leurs propositions, afin de pouvoir les mettre en œuvre.

Mme Claude Darciaux. Hélas, ce texte est une coquille vide !

M. Alain Gest. Et c’est encore à raison que vous avez souligné l’esprit très constructif des débats en commission des affaires économiques. Son excellent président, M. Ollier, a conduit dix-neuf réunions de travail depuis le mois de juillet afin que nous puissions être à la hauteur de ce texte et des attentes de nos concitoyens.

Hélas, la suite fut moins bonne. Vous avez plusieurs fois invoqué l’urgence écologique : vous avez de nouveau raison, mais cette urgence ne nous autorise pas à attendre le renouvellement des cultures politiques que vous espérez. Au contraire, elle exige que nous allions vite.

Puis votre discours est devenu doctrinal (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC), au point qu’il aurait pu faire une bonne motion au congrès de Reims ! Vous avez appelé à la rupture : je constate que les propos du Président de la République ont fait école… La seule évocation de l’urgence aurait suffi à justifier mon vote contre votre question préalable, pour que nous passions plus vite au débat.

Pourtant, j’ai été comme M. Dionis séduit par la sincérité de votre discours, même si je ne partage pas vos convictions. C’est pourquoi je m’étonne, alors que votre formation politique accepte désormais l’économie de marché (Rires sur les bancs du groupe UMP), que votre approche se fonde avant tout sur votre hostilité à l’ultralibéralisme. Voilà qui ne me paraît pas être à la hauteur de l’enjeu.

Plusieurs députés du groupe SRC. Cela vous gêne !

M. Alain Gest. Il va de soi que le problème écologique ne se limite pas à la France, mais nous avons cherché, sous l’impulsion du Président de la République, à produire un texte exemplaire. Songez que nous sommes l’un des rares pays signataires du protocole de Kyoto à respecter ses engagements en matière d’émission de gaz carbonique – entre autres grâce à l’énergie nucléaire, que vous critiquez !

Vous avez ensuite énuméré de prétendus « renoncements » qui, à mon sens, s’apparentent davantage à des procès d’intention. Un seul exemple : la commission a souhaité rétablir le principe du renversement de la charge de la preuve.

Quant à l’outre-mer, le ministre a parfaitement répondu. Nous sommes tous convaincus qu’il s’agit d’une formidable vitrine environnementale.

Plusieurs députés du groupe SRC. L'outre-mer n’est pas une vitrine !

M. Alain Gest. À écouter les orateurs socialistes, on croirait qu’ils souhaitent retarder le débat, voire repousser le vote du texte. Est-ce parce que vous craignez que nos concitoyens ne s’aperçoivent que l’environnement, un sujet sur lequel vous croyez détenir le monopole, est désormais porté par l’UMP ?

Plusieurs députés du groupe SRC. On verra cela !

M. Alain Gest. C’est pourtant bien la mise en œuvre du Grenelle que les Français attendent, et c’est bien la majorité qui s’en charge, de même qu’elle a créé le premier poste de ministre de l’environnement et qu’elle a voté la charte de l’environnement, aujourd’hui dans la Constitution.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la question préalable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Serge Poignant, premier orateur inscrit.

M. Serge Poignant. Nous voici au terme de la première phase du Grenelle de l’environnement voulu par le Président de la République dès son élection, et initié par le Gouvernement au cours de l’été dernier. Je tiens d’emblée à féliciter le ministre de l’écologie, de l’énergie et du développement durable, M. Borloo, ainsi que ses secrétaires d’État, Nathalie Kosciusko-Morizet, Dominique Bussereau et Hubert Falco.

Monsieur le ministre, madame, vous êtes parvenus à instaurer un dialogue inédit entre les différentes parties – État, collectivités territoriales, professionnels, organisations syndicales, associations et organisations non gouvernementales, sans oublier les parlementaires, au point que d’autres pays s’intéressent aujourd’hui de près à cette méthode.

Au terme de nombreuses rencontres, tables rondes et autres groupes de travail, plusieurs orientations ont émergé. Les députés et sénateurs ont été associés au processus en amont, notamment via un groupe de suivi du Grenelle auquel j’ai régulièrement participé. À ce titre, je tiens à remercier le président de la commission des affaires économiques, M. Ollier, qui a initié une coproduction législative avant-gardiste, avant même la réforme du travail parlementaire. Il a su instaurer une ambiance très constructive en commission.

Permettez-moi également, monsieur le ministre, de citer Christian Jacob, notre non moins remarquable rapporteur de la commission des affaires économiques, qui a beaucoup travaillé dans le même esprit sur ce texte, et avec qui j'ai sincèrement apprécié de collaborer. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Avec ce projet de loi, avec la mise en place d'une véritable stratégie de développement durable, le chantier ne sera pas terminé, car nous savons tous que d'autres textes législatifs et réglementaires viendront le compléter. Je les appelle de mes vœux le plus rapidement possible, monsieur le ministre, mais puissions-nous d'ores et déjà nous retrouver massivement autour de ce premier projet de loi, disons « fondateur », que nous avons majoritairement souhaité.

Mon propos se voudra global sur l'appréciation de ce projet de loi d’orientation et de programme, car je vous propose d’entendre plusieurs de mes collègues qui aborderont plus particulièrement l’un ou l’autre des domaines. La plupart de ces collègues ont d'ailleurs participé à quatre ateliers de travail au sein du groupe UMP, apportant ainsi leur contribution à la « coproduction » chère au président Jean-François Copé et au président de la commission des affaires économiques Patrick Ollier, que je salue.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie.

M. Serge Poignant. J'insisterai néanmoins sur quelques points qui me paraissent devoir être soulignés.

Tout d'abord, oui, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, il y a urgence à agir dans la lutte contre le changement climatique, comme il y a urgence à économiser notre énergie. Oui, il y a urgence à lutter contre la dégradation de la biodiversité et de la qualité de nos eaux. Oui la dimension environnementale doit être prise en compte comme une composante de notre politique de santé.

C'est véritablement une nouvelle économie qu'il nous faut construire sur ces bases. C'est une prise de conscience et des comportements responsables de chacun de nos concitoyens qu'il nous faut inciter, mais aussi une obligation qu'il nous faut prendre comme une opportunité pour nos entreprises.

Merci monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d’État, de bien préciser à l'attention de l'ensemble de nos collègues que ce projet, tout en répondant aux impératifs de l'écriture législative et après passage en conseil d'État, répond fidèlement aux engagements du Grenelle qui relèvent d'un texte d'orientation et de programme.

Merci également de bien vouloir prendre acte de la volonté des députés de s'assurer du contrôle de l'application de cette loi par des évaluations régulières des mesures prises et des réajustements, si nécessaire, pour la meilleure atteinte possible des objectifs affichés.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

M. Serge Poignant. Mes collègues seront d'autant plus attentifs aux résultats obtenus qu'en période de déficit budgétaire, les mesures fiscales qui accompagnent et accompagneront ultérieurement ce texte doivent l'être le plus judicieusement possible.

Nous pensons, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, que le pouvoir d'achat du consommateur trouvera un écho très positif dans l'absolue nécessité d'économiser l'énergie, qu'elle soit domestique ou dans les transports, l'impact sur les émissions de dioxyde de carbone en étant une conséquence très significative.

Nous pensons que les entreprises s'engageront résolument dans un processus de développement durable et y trouveront une réelle opportunité de nouvelle croissance. Nous attirons toutefois votre attention sur la lisibilité qu'il faut leur donner et sur le nécessaire soutien à leur démarche de compétitivité durable, notamment pour les PME-PMI.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Absolument !

M. Serge Poignant. Je me dois également d'appeler votre attention monsieur le ministre, sur une demande, largement partagée par mes collègues, de prise en compte de la diversité de nos territoires – et je n'oublie pas nos régions, départements et collectivités d'outre-mer, monsieur Letchimy. Une possible modulation de l'écotaxe poids lourds pour les transporteurs des régions périphériques en est un exemple.

Des plans d'action territoriaux près des plans d'actions nationaux seront largement proposés par mes collègues. Je crois qu'il nous faudra trouver les niveaux pertinents d'intervention, mais surtout donner la bonne boîte à outils, notamment en urbanisme, aux collectivités qui s’engageront.

Permettez-moi d'insister sur quelques notions, dont nous discuterons au cours de la présentation des amendements et qui conditionneront le niveau des résultats à obtenir dans le bâtiment : formation des professionnels, certification des installateurs, certification d'écomatériaux, définition et contenu des diagnostics de performance énergétique, information fiable des consommateurs et suivi d'expertise au sein de l'ADEME, pour ne prendre que ces exemples.

Je ferai une dernière remarque générale, au nom de nombre de mes collègues : soyons résolument volontaristes, tout en veillant au contexte de concurrence internationale que nous connaissons tous. Soyons convaincants et ayons un rôle moteur en Europe, pour avancer au même rythme et avec les mêmes règles que nos voisins européens.

Enfin, et pour me limiter dans le temps, j'ai noté que vous n'aviez pas souhaité, dans l'ensemble du texte, rentrer dans des détails de listes qui, je vous l'accorde, ne sauraient être exhaustives, et parce que ce projet est un projet de loi d'orientation. Pourtant, et mes collègues seront nombreux à intervenir sur cette question, vous avez listé le contenu des 2000 kilomètres de lignes ferroviaires à grande vitesse qui seront lancées d'ici à 2020. Merci de nous informer sur le niveau de préparation et d'arbitrage de ces projets,

Monsieur le ministre d'État, vous nous avez déjà permis, ce dont je me félicite, d'avoir avec vous et avec vos collaborateurs de très larges discussions sur tous ces sujets auxquels je vous sais tant attaché. Nous allons les poursuivre au cours de la présentation de nos amendements pour aboutir au meilleur texte possible.

Mais, d'ores et déjà, soyez assurés de la volonté du groupe UMP de partager pleinement vos objectifs des trois fois 20 %, et même d'aller plus loin sur la part des énergies renouvelables, à savoir 23 %. Nous partageons vos priorités affirmées dans les secteurs du bâtiment et des transports en termes d'économie d'énergie et de lutte contre l'effet de serre.

Nous partageons pleinement votre engagement à prévenir la perte très dangereuse de notre biodiversité quand on sait que 16 000 espèces sont en voie de disparition dans le monde et qu'une espèce animale sur quatre est également en voie de disparition.

Oui, il nous faut construire une nouvelle économie conciliant protection de l'environnement, protection de la santé, progrès social et croissance économique, et je pèse bien tous ces mots.

Oui, il nous faut nous assurer de nouvelles formes de gouvernance dans une société en pleine mutation.

Oui, il nous faut soutenir d'indispensables efforts de recherche dans tous les domaines du développement durable.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Tout à fait !

M. Serge Poignant. Monsieur le ministre d'État, la France montrera l'exemple avec l'adoption de cette loi, tant en Europe que dans le monde. Le Parlement vous apportera tout son soutien, à vous et au Président de la République, qui a très justement fait de la lutte contre le réchauffement climatique l'une de ses priorités.

La France et l'Europe devront peser de tout leur poids dans les engagements mondiaux à venir, dans les indispensables accords à obtenir à Poznan en 2008 et à Copenhague en 2009, répondant ainsi à la feuille de route de Bali, dessinée fin 2007.

À l'échelle française, ce projet de loi est un projet majeur. Nicolas Hulot l’a bien compris – je l’ai cité tout à l’heure – et vous-même avez déclaré qu’il avait cristallisé un processus au-delà des appartenances politiques. Monsieur le ministre d'État, chaque député UMP s'honorera en votant ce texte. J'ose espérer que, sur tous ces bancs, une grande majorité de nos collègues partagera cet engagement majeur de notre pays, je le répète à dessein, apportant ainsi concrètement leur contribution à la vie future sur cette planète, aux générations qui nous suivront et envers lesquelles nous devons tous être comptables aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, nous le savons tous aujourd'hui, la disparition de la biodiversité constitue la plus grande problématique environnementale actuelle, après le réchauffement climatique. La biodiversité est une dimension essentielle du vivant et elle s'exprime par la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des écosystèmes.

Elle est un enjeu vital pour les sociétés humaines, par les biens et services qu'elle procure, qu'il s'agisse des grands services écologiques : l'épuration de l'air, celle de l'eau, la régulation du climat, la pollinisation, la régénération de la fertilité des sols et toutes sortes de biens primaires, nécessaires tant à l'agriculture qu'à l'industrie, auxquels s'ajoutent de multiples autres services.

Aujourd'hui, il y a urgence, parce que notre capital naturel, celui de la planète, disparaît à un rythme incompatible avec le développement durable. Notre santé, notre bien-être, dépendent étroitement des écosystèmes dont nous jouissons, le plus souvent gratuitement. Si rien n'est fait pour corriger la tendance actuelle, plus de 10 % des espaces naturels seront détruits au niveau mondial d'ici à 2050, du fait de l'urbanisation ou de la conversion en terres agricoles.

Notre responsabilité à nous, Français, est grande. En effet, la richesse de la biodiversité française est mondialement reconnue, qu’il s’agisse de ses écosystèmes terrestres ou marins. Mais cette biodiversité s’effondre, dans le monde comme en France. Un oiseau sur huit, un mammifère sur quatre, un amphibien sur trois sont menacés ; mais ce sont aussi des espèces ou sous-espèces végétales en sursis, des vertébrés qui ont disparu et des zones humides détruites. Hubert Reeves et d'autres grands scientifiques parlent d'une sixième grande extinction d'espèces, après la cinquième, et la plus célèbre : celle des dinosaures.

Nous le constatons, les espaces naturels et ruraux reculent devant l'étalement urbain et le développement des infrastructures, si consommateurs d'espaces. Aujourd'hui, ces espaces sont morcelés, pollués, détruits par une exploitation intensive, ou abandonnés à la fermeture et à l’homogénéisation des milieux.

Face à ces enjeux, les participants au Grenelle de l'environnement n'ont pas manqué de faire des propositions pertinentes en vue d'arrêter la perte de biodiversité comme, par exemple, la création d'une trame verte et bleue maillant l'ensemble du territoire, et la nécessité d'assigner aux PLU des objectifs chiffrés de lutte contre la régression des surfaces agricoles et naturelles,

Au-delà des bonnes intentions reprises dans ce projet de loi de programme, nous devons nous interroger et vous interroger, monsieur le ministre, sur les points sur lesquels ce texte est muet et nous devons vous faire part de nos réflexions et de nos questionnements.

Tout d’abord, nous devons noter que de nombreux objectifs sont pour le moins peu réalistes. Peut-on, en effet, imaginer un instant que la trame verte et bleue sera élaborée d'ici à 2012 ? Que l'inventaire des ZNIEFF – les zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique – marines et terrestres sera mis à jour d'ici à 2010 ? Et que, pour préserver la biodiversité marine, 10 % des eaux placées sous la souveraineté de l'État d'ici à 2012 en métropole, et d'ici à 2020 dans les départements d'outre-mer, seront couverts, soit par des aires marines protégées, soit par le réseau Natura 2000 ou des parcs naturels marins ?

Nous devons aussi noter que la responsabilité et le rôle de l'État ne sont pas clairement affirmés. En effet, il nous paraît pour le moins surprenant de ne pas rappeler, dès l'article 1er que c'est à l'État, compte tenu des engagements européens et internationaux de la France vis-à-vis de la convention sur la diversité biologique, signée à Rio de Janeiro en 1992, d'élaborer sa stratégie nationale pour la biodiversité, ce qu'il a fait dès 2004. De même, il est pour le moins inquiétant de ne pas préciser à l'article 21 que l'élaboration de la trame verte et bleue se fait sous la responsabilité de l'État.

Quant aux financements que l'État pourra mobiliser pour mettre en œuvre cette nouvelle politique, nous voyons bien qu'ils seront réduits à leur plus simple expression, puisque, à l'article 23, est évoquée une augmentation du budget de 20 millions d’euros par an entre 2008 et 2013, c’est-à-dire 0,1 % du budget du ministère du développement durable. L'État, n'ayant pas les moyens de cette politique ambitieuse, suggère donc de faire preuve d'imagination et d'engager une négociation pour développer des solutions nouvelles de financement pour la biodiversité. On le voit bien, ce sont avant tout les collectivités territoriales, et en particulier les régions, qui seront appelées à financer ces politiques, et donc, à supporter de nouveaux transferts de charge.

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais, devant vous, m'étonner que, dans ce projet de loi, vous n'affirmiez pas l'urgente nécessité de donner une valeur, un prix à la biodiversité. En effet, si nous voulons mieux protéger nos écosystèmes, il nous faut inventer une nouvelle économie, dans laquelle le capital naturel sera une valeur qu'il faut rémunérer.

Dans certains pays – c'est le cas aux États-Unis – la législation protège, par exemple, les zones humides, et les entreprises dont les infrastructures empiètent sur ces espaces doivent acheter des crédits environnementaux auprès des banques spécialisées, crédits qui servent à financer des projets de restauration des milieux naturels.

Comme l’ont déclaré les experts de l'Union mondiale pour la nature lors de la cérémonie d'ouverture des travaux de son quatrième congrès à Barcelone, dimanche dernier, il ne reste que peu de temps pour remédier à la grave crise actuelle de disparition des espèces animales et végétales sur terre.

« Il y a urgence », comme l’a indiqué le président de l’UICN – l’union internationale pour la conservation de la nature – à faire face à ces défis du XXIe siècle que sont les « menaces effrayantes du changement climatique et la dégradation des écosystèmes ».

Souhaitons, monsieur le ministre, que ces appels soient entendus par tous les responsables politiques de la planète ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l'ouverture du débat parlementaire sur ce projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement était attendue par l'ensemble des parties prenantes ayant œuvré pendant plus d'un an, à la fois pour faire émerger une véritable prospective environnementale pour les décennies à venir, et pour que les législateurs que nous sommes constituent une force de proposition.

Malheureusement, je dois avouer que nous ne nous attendions pas à un texte ressemblant à un ensemble de vœux pieux, tenant plus du morceau de littérature qu'à une véritable base législative. La surprise est même amère et douloureuse quand, à la lecture de l'écrit, on ne retrouve que peu d'objectifs chiffrés, aucune norme ni réglementation nouvelle réellement contraignante, aucun financement à la hauteur des besoins recensés, et aucun engagement ferme de la France à porter de nouvelles exigences environnementales aux niveaux international et européen.

M. Jean Roatta. C’est une catastrophe !

M. André Chassaigne. Certes, les Grenelle II et III sont présentés par anticipation comme porteurs des mesures opérationnelles, mais nous faut-il pour autant, selon une expression bien de chez moi « acheter un âne dans un sac » ? (Sourires.) C’est que vous n’avez pu vous défaire de vos vieilles habitudes idéologiques, de vos présupposés libéraux, qui sont pour vous comme des versets des saintes écritures auxquels il ne faut jamais déroger !

M. Serge Grouard. C’est un spécialiste qui parle !

M. André Chassaigne. Le Président de la République, dans un de ses discours grandiloquents, dont ses conseillers ont le secret, avait pourtant promis un respect absolu des engagements du Grenelle de l'environnement, annonçant la prise en compte législative de l'ensemble des attentes de la société civile. Nous voilà dix mois plus tard. Nous avons vécu, depuis, l’épisode de « l’avec ou sans OGM » qui nous a déjà donné l’avant-goût de l’abandon en rase campagne.

Mme Geneviève Gaillard. Eh oui !

M. André Chassaigne. Les paroles se sont progressivement envolées et, désormais, les écrits fleurent bon le minimalisme environnemental.

En définitive, c'est une écologie Canada Dry que l'on nous propose d'adopter aujourd'hui. Nous nous retrouvons pour débattre d'un texte boiteux, qui a la couleur supposée de l'écologie, le goût de l'écologie, mais qui est bien loin de répondre aux véritables enjeux écologiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, le fantasme d'une révolution écologique guidée par le marché et à coût zéro pour l'État imprègne l'ensemble de ce texte. Pensé au « Palais », stratosphère de l'État, relooké à Matignon, édulcoré boulevard Saint-Germain, idéalisé avenue de Ségur,…

M. Christian Jacob, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Quelles connaissances géographiques !

M. André Chassaigne. …ce rêve désormais incarné du libéralisme écologique s'apparente aujourd’hui à un véritable hold-up environnemental, voire à un fiasco en gestation, expression d’un renoncement à toute ambition écologique résolue, faute d'être soutenu par des politiques publiques efficaces. Le fil du texte égrène pour chaque domaine la volonté permanente du législateur de laisser au capitalisme, qui a si bien fait ses preuves, le soin illusoire de résoudre, grâce à sa fameuse main invisible, l'ensemble des problèmes environnementaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, il n’y a pas seulement dans Le Guépard de Visconti que l’on fait croire que tout va changer pour que tout puisse rester en l'état. Le Président de la République nous en a récemment donné l'exemple en criant sa colère contre un capitalisme financier, devenu immoral, qu'il faudrait rétablir dans sa version originelle, celle du capitalisme parfait, pur, fluide, contribuant, par son seul fait, au bonheur des peuples et à la santé de la planète ! Quelle hypocrisie ! Ce texte participe de la même logique : faire croire que le capitalisme, soudainement moralisé et teinté de responsabilité environnementale, sauvera le monde ! Quel tour de passe-passe démagogique ! Quelle tentative de mystification alors que l’on sait que, seule, une profonde remise en cause du modèle libéral peut servir l’intérêt écologique général ! Quant au tout petit renvoi « dionisien » au socialisme dit réel…

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui ! Cela vous embête !

M. André Chassaigne. …avec ses effets effectivement immondes sur l’environnement, c’est non seulement un argument au ras des petites fleurs, mais surtout le lamentable aveu d’une terrible impuissance ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Dionis du Séjour. Ressaisissez-vous, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Je prendrai, pour appuyer mon intervention, quelques exemples particulièrement signifiants dans ce projet de loi.

Le premier concerne évidemment la lutte contre le changement climatique. L'article 2 précise que seul «l'assujettissement de nouveaux secteurs d'activité à un système d'échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre » sur un marché évidemment libre et non faussé pourrait servir la réduction des émissions de C02 ! Quelle belle idée, alors que le bilan des mécanismes d’échanges actuels n’a pas été dressé ! Créons toujours davantage de droits échangeables ! Spéculons toujours plus sur la tonne de dioxyde de carbone ! Boursicotons avec le climat ! Voilà une proposition tout droit issue des cercles de pensée ultralibéraux qui voient dans les échanges de droits à polluer des paradis spéculatifs à même de satisfaire les appétits des actionnaires et de renforcer l'hégémonie financière des multinationales et des fonds de pensions. Un ancien expert de l’ADEME a intitulé son récent ouvrage : Le climat, otage de la finance. Ne pourrions-nous pas reproduire ce titre en constatant que c’est le Grenelle qui est aujourd’hui l’otage de la finance ? Je m'étonne encore que le Gouvernement, suivant les textes saints, n'ait pas proposé un système international d'échange de quotas de droits à perte de biodiversité, voire un système de libre-échange de droits à dégazage sauvage, ou alors un système de droits à transport routier polluant pour le transport de denrées alimentaires. Rétroactivement, il aurait même pu nous soumettre aujourd'hui l'idée d'un système international d'échanges de quotas de dissémination volontaire d'OGM ; …

Mme Geneviève Gaillard. Très bien !

M. André Chassaigne. …la France aurait alors pu spéculer en revendant des quotas de maïs Monsanto 810 aujourd'hui non autorisés !

M. Daniel Paul. Très bien !

M. André Chassaigne. Mais il n'est jamais trop tard ! Peut-être s’agira-t-il, dans un ultime effort, de la cerise sur le gâteau des projets de loi Grenelle II ou III ?

Un exemple similaire pourrait illustrer le secteur du bâtiment, qui, par le seul jeu du marché, doit opérer sa révolution en termes de consommation énergétique, sans le moindre engagement de l'État en faveur de programmes de construction de logements sociaux écologiquement performants, sans le moindre système de contrôle public du respect des nouvelles normes, sans que soit créée une opposabilité, gage d'une mise en œuvre effective.

Et la liste continue avec le secteur des transports. Là, le libre jeu du marché doit nous assurer le bien-être du fret ferroviaire avec le soutien à la création d'«opérateurs fret » privés. Mais qui peut croire que des opérateurs privés viendront se positionner spontanément sur un secteur fret de proximité, peu rentable à court terme, et circulant sur des voies abandonnées par l'État à moins que les collectivités territoriales, comme ce n'est bien évidemment jamais le cas, ne soient mises exceptionnellement à contribution ? Quant aux futures «autoroutes ferroviaires», elles seront certainement juteuses pour des opérateurs privés, mais elles priveront l'essentiel du territoire d'une véritable relance du fret ferroviaire de proximité.

M. Daniel Paul. Très bien !

M. André Chassaigne. Pour les futures lignes à grande vitesse, le Gouvernement, sans même oser l'annoncer clairement dans ce texte, nous prépare l'éclatement du réseau ferré national avec le remède miracle du recours au partenariat public-privé. Voilà une façon innovante d’envisager le transport du XXIe siècle !

La philosophie reste identique lorsqu'on nous propose de mettre en place une « fiscalité verte », tout en allégeant la fiscalité directe pour les plus riches, pourtant seule à même de compenser les inégalités de revenus. Envisager, ne serait-ce qu'envisager, monsieur le ministre d’État, de taxer le couple de smicards avec ses deux enfants pique-niquant sur le bord de la route des vacances avec des couverts jetables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) tout en préparant la suppression de l'impôt sur la fortune du millionnaire habitué du Ritz, quoi de plus charitable pour une droite en mal de sensation écologique ? Cela reviendrait à faire peser sur les plus modestes la contribution la plus lourde, alors qu'ils sont contraints d'acheter des produits bon marché, à fort impact environnemental. Cette attitude déplorable tient en une vision caricaturale et étriquée des problématiques de consommation.

Le même principe vaut toujours pour le volet agricole du projet de loi. Le développement de l'agriculture biologique doit passer spontanément de 2 % de la surface agricole utile actuellement à 6 % en 2012 et à 20 % en 2020. Pour être plus précis, il s'agit d'installer ou de convertir près de 24 000 exploitations agricoles en agriculture biologique en seulement trois années, soit près de 8 000 annuellement. Un défi colossal, quand on peine aujourd'hui à atteindre un seuil de 300 ! Ce défit est certes à relever, mais il est clairement inaccessible si on limite, comme vous le faites, l'effet de levier à l'unique proposition gouvernementale de doublement du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique. Pourtant les solutions existent : doper prioritairement les aides à l'installation dans ce secteur…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. C’est ce que l’on fait !

M. André Chassaigne. …augmenter celles liées à la conversion et au maintien, encourager la création de filières de commercialisation qui garantiraient des prix rémunérateurs pour ces exploitants. Mais il eût fallu pour cela que l'État passe nettement à la vitesse supérieure dès le budget pour 2009.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. C’est fait !

M. André Chassaigne. Ce n'est pas le cas, car cela irait sans doute à contre-courant de la libre concurrence.

À ce titre, je ne doute pas que M. le ministre de l'agriculture sera présent dans l'hémicycle pour défendre cette partie du texte après sa brillante intervention devant les éleveurs le 3 octobre dernier au sommet de l'élevage de Clermont-Ferrand, intervention durant laquelle pas une fois, je dis bien pas une fois, le projet de loi dont nous discutons n'a été évoqué ! Sans doute, se fera-t-il ici le chantre de l'élevage français durable, puisqu'il a renoncé – nous n'en doutons pas – à négocier en sous-main une libéralisation durable des marchés agricoles avec Mme Fischer-Boel.

Au chapitre « gouvernance », concept éminemment libéral, la traduction d'une plus grande responsabilité environnementale des entreprises tient en quelques mots, sans véritable application pratique. Il se pourrait en effet que l'État mette à l'étude « l'obligation de faire figurer dans un rapport destiné à l'assemblée générale des actionnaires des informations environnementales et sociales ». Sans mauvais esprit, mes chers collègues, cela me fait penser au sketch d'un Coluche qui croquait à merveille les fausses prudences journalistiques. On s'autorise à penser, dans les milieux autorisés, qu'un accord secret avec les actionnaires pourrait être conclu en ce sens, qui « pourrait inclure l'activité des filiales », qui « pourrait comprendre des informations relatives à la contribution de l'entreprise au développement durable.» Quel courage politique, quel sens de l'engagement !

Quant à la participation des salariés à la veille environnementale au sein des entreprises, l'article 46 prévoit que « Le Gouvernement engagera une procédure de consultation, de concertation et de négociation sur la possibilité de… ». À croire que ce texte a été tout bonnement rédigé par les instances représentatives patronales ! Mais peut-être ne suis-je pas loin de la vérité…

En lien avec l'information des consommateurs, l'article 2 prévoit également qu'une des lignes directrices sera «l'amélioration de l'information sur le coût écologique des échanges». Je ne manquerai pas alors de demander au Gouvernement de soutenir divers amendements que je présente, au nom des députés communistes et républicains, dont l'un vise, par exemple, à mettre en place un étiquetage environnemental des produits alimentaires mentionnant la distance parcourue entre le lieu de production et le lieu de vente au consommateur final, puisque l’on parle du coût écologique des échanges !

Le marché, tout le marché, rien que le marché, nous voyons tous les jours ce que cela donne avec les faillites bancaires en cascade. C'est pourtant ce que l'on nous propose aujourd'hui pour résoudre les problématiques environnementales.

Le Gouvernement veut persévérer dans l'erreur en nous assénant le principe d'une écologie politique soluble dans un libéralisme sans entrave. Nous veillerons à y opposer tout au long des débats parlementaires le principe d'une écologie sociale, indissociable d'un dépassement du capitalisme.

Dans une logique constructive, en tant que députés communistes, nous souhaitons porter à travers nos amendements un rééquilibrage utile bien que nous partions d'une base rédactionnelle très éloignée de notre vision de la société du XXIe siècle. Déjà, le travail en commission nous a permis, monsieur le rapporteur, d'apporter des améliorations notables à ce texte avec, par exemple, dans le domaine du transport ferroviaire, l'affirmation du rôle de l'État dans la régénération des voies ; dans le domaine de l'eau, l'inscription d'un second objectif visant à garantir un approvisionnement durable en eau de bonne qualité et assurant l'engagement de l'État en faveur d'actions visant à limiter les prélèvements et consommations ; ou encore l’intégration de l'objectif de qualité pour les productions agricoles et sylvicoles ; et enfin l’ajout des écosystèmes dans l’entête du titre II. Nous reconnaissons ces avancées.

Pour autant, je ne peux me satisfaire du rejet devenu quasi mécanique, monsieur le président de la commission, sous le prétexte de l’article 40, de très nombreux amendements qui portaient pourtant sur des enjeux essentiels comme l'installation agricole sous signe de qualité, le soutien aux collectivités s'engageant en faveur de repas biologiques, ou l’aide aux ménages les plus modestes pour agir sur leurs choix de consommation. Mais il est sans doute plus facile de débloquer en une journée 3 milliards d’euros pour renflouer une banque au nom de la confiance dans le marché !

M. Yves Albarello. C’est pitoyable !

M. André Chassaigne. Aussi, le sens de mon implication et de celle des députés communistes et républicains dans ce débat parlementaire portera une double exigence : d’abord, celle de déconstruire une vision dogmatique et inadaptée de politiques environnementales fondées sur un capitalisme soudainement propre à revêtir un habillage verdâtre. Nous prendrons également soin de renforcer très fortement avec nos amendements les apports environnementaux de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre d’État, la loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement doit devenir un texte fondateur d’une nouvelle société française. La France en a besoin. C’est pourquoi, compte tenu des enjeux, les députés centristes ne vous négocieront ni vous mégoteront leur soutien. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au nom du groupe Nouveau Centre, je veux affirmer dès le début de mon intervention que les députés centristes voteront cette loi. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Autant être clair d’entrée, nous vous soutenons parce que nous soutenons l’objectif stratégique de ce texte, qui est de désengager notre pays le plus rapidement possible de la dépendance des hydrocarbures.

Nous vous soutenons aussi, parce que, pour atteindre ce but, le Grenelle de l’environnement ouvre des chantiers majeurs comme l’amélioration de l’efficacité énergétique de nos bâtiments et la transition de nos modes de transport du « tout automobile » à une approche faisant une place première au transport collectif urbain et au ferroviaire.

Nous soutenons l’objectif stratégique pour notre pays, nous soutenons la dynamique et les chantiers impulsés par cette loi, tel est le cœur des raisons de notre approbation.

Ce projet de loi fixe enfin, par et dans la loi, la volonté nationale de désengager notre économie du « tout pétrole ». Cela est justifié pour des raisons d’indépendance nationale et de géopolitique, le pétrole pas cher étant concentré dans les zones les plus dangereuses du monde – Irak, Arabie Saoudite – pour des raisons écologiques, car notre pays doit participer au défi mondial qu’est la réduction des gaz à effet de serre, et, enfin, pour des raisons économiques, le déséquilibre entre la demande et l’offre de pétrole amenant le pétrole à des prix toujours plus élevés menaçant directement nos équilibres commerciaux et notre compétitivité économique.

Cette volonté de désengagement des hydrocarbures n’est d’ailleurs pas nouvelle pour notre pays, elle a trente-cinq ans, depuis exactement le premier choc pétrolier de 1973.

Notre pays a su trouver, notamment avec le développement de son parc électronucléaire, des réponses à la hauteur des défis qu’il devait relever. Nous avons le devoir impérieux de continuer dans les traces de nos aînés pour nous désintoxiquer du pétrole, même si nos réponses doivent être différentes.

La société des hydrocarbures abondants et à bas prix telle que nous l’avons connu est donc en voie de disparition accélérée. Certains, et je pense ici à notre collègue Yves Cochet, affirment que nous avons déjà atteint le pic pétrolier et que la production mondiale de pétrole aurait déjà commencé à baisser. Ce qui est sûr, c’est que, sous le double effet d’une croissance forte dans les pays émergents et d’une gestion a minima de l’offre dans les pays producteurs, nous sommes déjà rentrés dans l’ère du pétrole très rare et très cher.

Le Grenelle de l’environnement, c’est d’abord l’histoire de la transition, et, j’ose le dire à nouveau, de la désintoxication de notre pays de sa dépendance aux hydrocarbures. Ceux-ci sont tellement omniprésents dans notre vie quotidienne – transports, chauffage, vêtements – qu’il sera dur de « faire mourir en nous le vieil homme ».

J’ai pu, de manière incidente, le mesurer lorsque j’ai proposé dans un amendement que l’Assemblée nationale fasse un geste dans ce sens en renonçant à son parc de voitures et de chauffeurs à la demande. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Que n’avais-je pas fait !

Il est clair que, pour réussir cette transition à la fois douloureuse et passionnante à vivre, l’on ne peut pas compter uniquement sur les effets de l’augmentation du prix des hydrocarbures, car son évolution est trop aléatoire, irrégulière et heurtée – ce sont les fameux chocs pétroliers, extrêmement difficiles à digérer pour nos sociétés.

Alors, oui, l’ensemble des leviers dont dispose l’État – réglementaires, budgétaires, fiscaux – doivent être mobilisés au service de cette mutation d’intérêt général. C’est la justification profonde du Grenelle.

Cette révolution de nos comportements de producteurs et de consommateurs à laquelle nous appelle le Grenelle peut être une opportunité. C’est une chance, en effet, de pouvoir envisager un système économique plus sobre, plus durable, plus respectueux de notre environnement.

J’entends souvent dire qu’il est trop tard pour être pessimiste. Cela me paraît être une évidence, il faut agir maintenant. Des études récentes ont montré que le trou constaté dans la couche d’ozone il y a quelques années était en passe de se résorber, grâce en partie à l’action menée à un niveau international pour bannir les aérosols responsables. Preuve s’il en fallait, que nous avons les moyens d’inverser des tendances lourdes qui nous semblaient irrésistibles.

Au nom de mes collègues du groupe Nouveau centre, je tiens à revenir aussi sur le processus de concertation qui a abouti à ce projet de loi.

Monsieur le ministre, vous avez été avec vos collègues Nathalie Kosiuscko-Morizet et Dominique Bussereau, les artisans, pour reprendre votre belle expression, de cette conférence des parties prenantes de l’environnement.

Collectivités territoriales, syndicats, entreprises, associations, tous se sont réunis au sein de plusieurs groupes de travail. Beaucoup de choses ont été dites, beaucoup de problèmes ont été soulevés, bon nombre de propositions ont émergé. Nous tenons à saluer le caractère innovant de votre démarche. Elle a abouti notamment à donner la place qu’elles méritent aux grandes associations mobilisées pour la défense de l’environnement.

Enfin, la société française reconnaît, par le Grenelle, le capital d’engagement pour la cause environnementale et d’expertise que constituent les adhérents de ces associations que je salue ici. Il y a là une percée majeure en termes de démocratie dans notre pays, et celle-ci doit être pérennisée avec pour vocation le suivi de l’exécution du Grenelle et, en conséquence, les corrections nécessaires de trajectoire. Ce sera l’objet de l’un de nos amendements principaux.

De manière plus générale, ce Grenelle a déclenché au sein de toute la société française un effort d’imagination et de propositions sans précédent, le Nouveau Centre tient à vous en féliciter.

Cette démarche est un modèle en termes de concertation. Des gens qui ne se parlaient jamais, militants écologistes et agriculteurs ou chasseurs, se sont rencontrés, se sont écoutés et se sont parlé.

Cette confrontation a été longue, elle a été difficile mais elle a été féconde. Après quelques mois, il en est ressorti une liste de 273 engagements faisant l’objet d’un consensus entre toutes les parties prenantes. Il faut être sacrément de mauvaise foi pour nier la filiation entre ces 273 engagements et le texte qui nous est soumis aujourd’hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Ces engagements sont largement repris dans votre projet de loi, et c’est ce qui lui donne une force politique rare. Nous verrons bien quelle sera la position de l’opposition par rapport à ce texte. En tout cas, cette force politique, les centristes la saluent, eux qui ont toujours tenu à développer une culture du consensus.

Au nom de mes collègues centristes, je fais le vœu que cet esprit du Grenelle anime nos débats et nous permette notamment de changer nos regards respectifs les uns sur les autres.

Les députés centristes tiennent ainsi à saluer l’apport du mouvement écologiste, de ses très nombreuses associations et de ses adhérents. Ils ont été, reconnaissons-le, à l’avant-garde de ce mouvement de fond qui est aujourd’hui devenu la défense de notre environnement. Que ce soit sur l’eau – pensons à René Dumont et à son verre d’eau de la campagne de 1974 –, sur les déchets, sur le réchauffement climatique, les écologistes ont eu souvent raison avant les autres. Gardons en mémoire, au moment de démarrer nos discussions, cet apport incontestable.

Au mouvement écologiste lui-même d’être à son tour dans les mêmes dispositions d’écoute, de rigueur, et d’humilité intellectuelle, notamment pour ce qui fait encore débat entre nous, je veux parler du débat sur le nucléaire et du débat sur la croissance.

À ce moment de mon intervention, je voudrais dire un mot sur les sujets qui ne sont pas abordés dans ce texte, ce qui est normal puisque c’est un texte de consensus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Geneviève Gaillard. On n’avancera jamais !

M. Jean Dionis du Séjour. Le premier sujet est évidemment le nucléaire. C’est un thème sur lequel nous devons être sérieux. Aujourd’hui, aucun texte, ni la loi d’orientation sur l’énergie ni le Grenelle, ne précise comment nous remplacerons le parc actuel de nos cinquante-huit centrales qui sont appelées à s’arrêter entre 2010 et 2030. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si vous avez des solutions à proposer, je les écouterai avec intérêt, mes chers collègues ! Nous devons connaître le calendrier et le rythme. Aujourd’hui, seul l’EPR de Flamanville est annoncé. Quid du reste ? Il faudra regarder ce problème en face.

La deuxième question, bien plus philosophique, qu’a évoquée dans sa question préalable Serge Letchimy, concerne le type de croissance que nous souhaitons pour notre pays. Je l’ai mentionné tout à l’heure, les écologistes ont une réflexion poussée sur ce sujet. Décroissance positive, sobriété... Ce sont des idées nouvelles, que nous ne devons pas balayer d’un revers de main même si, très clairement, nous n’y sommes pas favorables aujourd’hui.

Nous préférons mettre en avant la possibilité d’une nouvelle croissance, une croissance en termes de biens et de services rendus à nos concitoyens découplée d’une croissance de la consommation d’énergie. C’est un terrain neuf, à défricher, auquel nous devons réfléchir ensemble, animés de l’esprit du Grenelle.

Aujourd’hui, c’est le temps du Parlement, seul dépositaire de la légitimité démocratique pour légiférer. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous respectiez cette légitimité en ne sacralisant pas trop le texte du Grenelle. Acceptez qu’il soit modifié et amélioré par les apports des représentants du peuple. Les centristes prendront toute leur part dans ces travaux et, au nom de notre groupe, je voudrais maintenant vous présenter les deux lignes forces de nos amendements.

Il s’agit d’abord de doter le Grenelle de l’environnement d’une gouvernance à moyen et long terme. C’est un chantier prioritaire pour assurer la réussite du Grenelle.

Il y a certes des choses dans le texte. Il est prévu que la stratégie nationale de développement durable est élaborée par l’État, que le Gouvernement rend compte chaque année de la mise en œuvre de cette stratégie devant le Parlement. Mais tout cela est beaucoup trop faible par rapport à l’enjeu que sont pour le Grenelle le suivi de son exécution et la modification permanente des objectifs fixés, en fonction des événements géopolitiques et des percées technologiques à venir qui bouleverseront nécessairement ce projet de loi.

Que restera-t-il des objectifs du Grenelle si nous vivons à nouveau une crise géopolitique profonde comme un basculement politique en Arabie Saoudite ?

Que resterait-il des objectifs du Grenelle, comme la fin de la construction des autoroutes, si les projets en cours sur les voitures à moteur électrique – le projet Volt, le projet israélien, les projets français – venaient à déboucher sur une véritable révolution technique et économique ?

M. Yves Cochet. Il n’y aura pas assez de lithium !

M. Jean Dionis du Séjour. L’art d’éclairer le moyen et le long terme – connaissant bien le secteur informatique, je peux vous en apporter le témoignage – est un art difficile, surtout pour l’État, structuré autour de son suivi annualisé de ses lois de finances.

Nos cimetières sont remplis de gens illustres qui ont prévu l’inverse de ce qui s’est finalement passé. Nous devons avoir un travail pertinent et incessant sur la mise à jour des objectifs du Grenelle et, évidemment, sur son exécution car si les mesures contenues dans ce texte de cinquante articles sont certes ambitieuses, elles sont également hétérogènes, en termes d’objectifs, de délais ou de moyens. Ici, nous avons 2020, là 2012 ou 2015, ici, une augmentation de 20 %, là de 25 %. Ici nous avons des prêts à taux zéro, là des crédits d’impôt, et là encore une étude sur les conditions de financement.

Cet ensemble, si on ne le fait pas vivre, flétrira bien vite et perdra en force et en compréhension. Grenelle n’aura été qu’un beau bouquet de roses et ne durera que ce que durent les roses, l’espace d’un matin, pour reprendre le beau poème de François Malherbe.

À nous de faire du Grenelle un bel arbre qui s’enracinera profondément et poussera droit et haut. C’est loin d’être évident, et permettez-moi de prendre un exemple un peu cruel.

Regardez aujourd’hui le cas des biocarburants de première génération. Loi d’orientation sur l’énergie en 2005, loi d’orientation agricole en 2006, rien n’était trop beau pour les biocarburants. À l’unanimité, sauf Cochet,…

M. Yves Cochet. Merci de le rappeler !

M. Jean Dionis du Séjour. …nous tous, socialistes, centristes, UMP, en avons rajouté une couche par rapport aux objectifs européens. Là où l’Europe disait 7, on disait 10, poussés par un puissant mouvement d’opinion publique en leur faveur.

Dans la foulée, un système de défiscalisation a été mis en place pour permettre aux industriels de se lancer dans la construction d’unités de production nécessitant des millions d’euros d’investissements. Ce sont aujourd’hui des usines mort-nées ou en danger de mort. Sous l’influence d’un mouvement d’opinion publique aussi fort mais d’orientation inverse, c’est en effet ce qui s’annonce avec la baisse progressive de la défiscalisation jusqu’à disparition complète en 2012, sans aucune contrepartie. Pourtant, un rapport récent de l’ADEME reconnaît bien les vertus environnementales et énergétiques des biocarburants de première génération. Voilà un exemple où il a manqué de gouvernance à moyen terme. Nous paierons cher cette facture.

Je vous en supplie, mes chers collègues, ne réitérons pas les mêmes erreurs de fond. À cet instant un peu solennel où nous démarrons les travaux du Grenelle, une question doit nous obséder. Pour reprendre une chanson d’un de mes compatriotes lot-et-garonnais, Francis Cabrel, est-ce que ce monde est sérieux ? Avons-nous décidé d’être sérieux avec le Grenelle de l’environnement ? Avons-nous décidé d’être sérieux en matière énergétique et environnementale ?

Si oui, donnons-nous les moyens de suivre pas à pas, très précisément, l’avancée de la mise en œuvre de cette loi et l’atteinte de ces objectifs.

Pour répondre à ce besoin de gouvernance à moyen et long termes, le groupe Nouveau Centre fait trois propositions : d’abord, l'instauration de la conférence des parties prenantes du Grenelle de l'environnement comme comité de suivi permanent de son exécution ; ensuite, l'installation pour chaque enjeu prioritaire, comme le réchauffement climatique, d'une haute autorité scientifique chargée de d'authentifier la mesure des phénomènes et de certifier la performance des nouvelles technologies à venir ;…

M. François Brottes. On ne peut qu’être d’accord avec une telle proposition.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Jean Dionis du Séjour. … enfin, une loi triennale d'exécution et d'actualisation du suivi des objectifs du Grenelle.

La seconde ligne de force des propositions du Nouveau Centre sera de soigner la cohérence entre les objectifs et les propositions de ce projet de loi, et les moyens budgétaires et fiscaux dans nos lois de finances annuelles ou à trois ans.

Monsieur le ministre d’État, au nom des députés centristes, j'ai commencé à vous apporter notre soutien plein et entier. Les centristes n'ont qu'un objectif au travers de leurs propositions et amendements : enraciner le Grenelle dans le temps pour garantir son succès. C'est cet état d'esprit qui nous animera pendant toute la durée de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Vous me permettrez de concentrer mon propos sur deux thématiques de ce texte : l’urbanisme et l’habitat.

Je souhaiterais saluer, tout d’abord, l’approche synthétique qui a été adoptée avec la prise en considération du lien entre habitat et transports en commun. C’est un lien qui, à mes yeux, en appellera un autre, entre habitat-transports, d’un côté, et lieux d’activités et de services, marchands ou non marchands, de l’autre.

S’agissant de l’urbanisme, vous savez qu’il nous reste un gros travail à faire. Quoi qu’il en soit, le texte qui nous est présenté est incontestablement une invitation forte à repenser l’urbanisme à l’aune d’enjeux environnementaux de plus en plus manifestes. Je tiens donc à saluer la hiérarchisation des objectifs ambitieux, parfois même très ambitieux, qu’appellent les articles sur la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments.

On me permettra de rappeler, à ce sujet, notre cruel besoin d’ingénierie, problème qui méritera toute notre attention lors de la phase opérationnelle et la constitution de nouvelles filières.

Cette hiérarchisation des objectifs porte aussi sur une distinction entre bâtiments publics, auxquels s’impose un devoir d’exemplarité, et bâtiments privés, avec un fort impact social ; je pense notamment au parc HLM et aux objectifs de remise à niveau en termes de consommation d’énergie de quelque 800 000 logements.

La hiérarchisation nécessaire est encore celle des moyens qu’il faudra répartir entre l’habitat ancien et les constructions nouvelles. Je rappelle qu’un rapport relativement récent du conseil national de l’habitat, paru il y a un an et demi ou deux, rapport excellent qui a le mérite de ne faire que dix propositions – par les temps qui courent, c’est peu, mais cela a le mérite d’être lisible –, indique que, si l’habitat génère 40 % de notre consommation d’énergie, 80 % de ces 40 % concernent l’habitat ancien. Or il y a là non seulement une exigence environnementale, mais, de toute évidence, également une exigence sociale, puisque les charges des locataires, notamment des plus fragiles, en dépendent.

Plus largement, le développement, monsieur Tourtelier, ne se réduit pas, en effet, à la croissance quantitative – Jean Fourastié l’avait déjà dit dans les années soixante –, mais il la présuppose, pour pouvoir la requalifier de durable. C’est pourquoi cette notion de développement doit tous nous interroger dans le triple rapport que chacun entretient à soi – c’est sa dimension personnelle –, aux autres – c’est sa dimension sociale – et au monde, qui n’est pas seulement à transformer, comme l’affirmait Marx, mais aussi à regarder : c’est la beauté du monde qu’à juste titre certains d’entre nous ont évoquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.

M. Jean-Jack Queyranne. Je peux en témoigner en tant que représentant des régions, le Grenelle de l’environnement a suscité beaucoup d’espoir. La démarche était inédite et l’exercice réussi. Il fallait répondre à l’urgence écologique, en mobilisant les forces vives de notre pays autour de propositions partagées, et le consensus qui en a résulté a fait l’objet d’engagements fermes de la part du Président de la République.

Un an après, vous nous proposez de traduire ces engagements dans la loi, mais force est de constater que, au fil des mois, le consensus s’est effrité. Sa mise en application n’a pas résisté à la machine à délaver du Gouvernement, actionnée par Bercy. Vous en avez été victime vous-même, monsieur le ministre d’État, avec le vote précipité d’une loi pro-OGM en contradiction avec les principes retenus par le Grenelle. Par ailleurs, votre bonus-malus pour les véhicules automobiles était une bonne idée ; il a même eu un effet indirect sur le marché automobile, mais vous n’avez pu en obtenir l’extension.

Pire, le Président de la République a annoncé, sans concertation préalable, la construction d’un nouveau réacteur EPR, alors que le Grenelle donnait la priorité aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables, et préconisait le débat public avant toute décision de cette importance. Quant au ministre de l’agriculture, n’a-t-il pas autorisé la vente du Cruiser, pesticide interdit dans de nombreux pays européens, et dont les ravages sur les abeilles sont malheureusement bien connus ?

Autant vous dire qu’un an après, le sentiment qui prédomine associe déception et inquiétude, et les travaux de la commission des affaires économiques sont loin de nous rassurer.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous auriez pu venir y assister ; vous auriez été rassuré !

M. Jean-Jack Queyranne. La majorité parlementaire a enclenché la marche arrière sur de nombreux sujets. La trame verte ne serait plus opposable aux projets d’urbanisation. La taxe poids lourds, dont l’instauration pourrait intervenir en 2011, serait soumise à des mesures compensatoires, ce qui la rendrait inopérante pour le transport du fret de la route vers le rail. Enfin, la réglementation imposant la construction de bâtiments plus économes en énergie serait affaiblie au profit du chauffage électrique.

Sur tous ces sujets, les lobbies qui veulent détricoter les engagements du Grenelle ont trouvé une écoute favorable dans les rangs de la majorité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Où avez-vous vu cela ? C’est faux !

M. Jean-Jack Queyranne. Aussi, monsieur le ministre d’État, serait-il judicieux que le débat en séance publique permette au Gouvernement de s’opposer aux amendements et de maintenir le texte initial.

M. Christian Jacob, rapporteur. Il faut venir en commission, monsieur Queyranne ! Vous n’étiez présent à aucune réunion.

M. Jean-Jack Queyranne. Les régions sont des acteurs majeurs du développement durable. Elles ont pris de l’avance sur l’État en anticipant les évolutions dans de nombreux domaines : les énergies renouvelables, la formation aux nouveaux métiers, la préservation de la biodiversité avec leurs parcs naturels régionaux, le développement de l’agriculture biologique et des repas bio. Elles ont fait la preuve de leur compétence, et rien ne pourra être entrepris sans leur concours. Elles pouvaient légitimement escompter que leur rôle soit reconnu. Or le projet qui nous est soumis reste marqué du sceau du jacobinisme dont souffre notre pays, et ce au détriment d’une dynamique de développement durable dans les territoires.

C’est donc une question d’efficacité. La confusion prédomine dans la répartition des responsabilités, alors que le rôle de chef de file des régions devrait être reconnu pour l’élaboration des plans Climat, pour le développement des énergies renouvelables, comme sur les principaux thèmes de la biodiversité.

Les régions souhaitent aussi que le Grenelle soit l’affirmation d’une vraie ambition pour les transports publics. Aujourd’hui, l’engagement financier des régions représente le double de la compensation versée par l’État au titre du transfert de la compétence d’autorité organisatrice des transports express régionaux. Les investissements qu’elles réalisent sur le réseau comme sur le matériel sont colossaux. La fréquentation progresse de 10 % par an, ce qui témoigne d’une très forte demande, et ce alors que le prix des carburants pèse de plus en plus sur le budget des ménages.

Les régions sont en complète opposition avec le projet qui prévoyait initialement, en ce qui concerne la rénovation du réseau ferré, que l’action de l’État se ferait en complément de leur propre effort. Cette rédaction a heureusement – il faut en rendre hommage à M. Ollier – été revue par la commission, qui a rétabli la responsabilité de l’État.

Néanmoins les engagements financiers ne sont pas à la hauteur, comme le montrent les nombreux incidents survenus sur le réseau. Les régions sont contraintes d’y suppléer. Par exemple, la région Midi-Pyrénées a contracté un engagement de 500 millions d’euros pour assurer la circulation des trains à la vitesse normale. L’effort financier de l’État doit être doublé, et les régions participant au financement devraient en contrepartie et à due concurrence obtenir une réduction sur les péages ferroviaires dont elles ont la responsabilité.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Jack Queyranne. Je souhaite également insister, pour terminer, sur la nécessité d’assurer un modèle de financement viable pour les TER afin de répondre à l’évolution de la demande. Nous demandons la création d’une dotation spécifique qui pourrait notamment s’appuyer sur l’extension du versement transport. Nous souhaitons aussi être associés à l’élaboration du schéma national des transports, qui ne peut relever de l’autorité exclusive de l’État.

Le débat qui s’engage appelle une meilleure perception des enjeux du développement durable. Au moment où notre pays connaît une sérieuse panne de croissance, il convient de remettre en cause nos modes de production et de consommation. Le développement durable sera créateur de richesses, donc de technologies et d’emplois ; encore faut-il que les décisions soient à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés. Il est maintenant indispensable de passer de la parole aux actes. C’est l’objet du présent débat, et nous pourrons juger sur pièce à l’issue de nos discussions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Il est des sujets qui peuvent fédérer et appeler au consensus. C'est le cas de la défense de notre planète pour stopper sa dégradation continue. Pour autant, il ne faut pas se voiler la face. Devant l'amorce d'une mutation à grande échelle concernant tous les domaines, de l'économique à l'institutionnel, il convient de rappeler que le développement est un tout indissociable, dont l’écologie est partie intégrante. On ne saurait y déroger.

C’est cette préoccupation qui est au coeur du schéma martiniquais de développement économique, lequel ambitionne de valoriser notre patrimoine naturel, tout en le protégeant. Dans un contexte insulaire et tropical, sur un territoire restreint, contraint, exposé, à forte densité de population, on ne peut faire autrement. Terres souillées en même temps que dilapidées, eaux infectées, mangroves inquiétées, rivages menacés, biodiversité entamée, santé affectée : tel est le constat affligeant.

De même, dans le cadre d'une gestion durable de la ressource, les sols, les sous-sols, la mer, le soleil, le vent, sont inscrits dans ce schéma comme autant de potentiels de richesses et d'emplois, actuellement peu valorisés.

Notre démarche s'est voulue globale et cohérente. À cet effet, une lumière crue a été projetée sur les contraintes multiformes rencontrées. Techniques, juridiques, financières, politiques, ces contraintes sont à lever pour mettre la Martinique sur les rails du développement.


En attendant les changements qui s'imposent d'eux-mêmes, voici d'ores et déjà ce qui a été entrepris : en partenariat avec le Bureau de recherches géologiques et minières, exploration des eaux souterraines pour répondre aux éventuelles pénuries lors des périodes de sécheresse annoncées ; mise en place d’aires marines pour protéger la ressource et les écosystèmes ; recherches sur de nouvelles techniques culturales plus respectueuses de l’environnement ; lancement en 2005, par le conseil régional, dans ce cas aussi, d’une étude sur l’énergie marine, qui donnera lieu à expérimentation, en particulier sur les différentiels de gradients de température, avec EDF et un opérateur américain.

Mentionnons encore le projet Net-Biome en cours de réalisation, qui vise à protéger et valoriser la biodiversité, en partenariat avec l’Union européenne ainsi qu’avec six autres régions ultrapériphériques : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, et des pays de la Caraïbe. La région Martinique sera chef de file pour élaborer la base de données, l’objectif étant de faire de la biodiversité l’un des piliers du développement dans nos pays en biotechnologies, pharmacopée, exploitation des sous-sols.

Dans le même ordre d’idée, il est envisagé avec l'ensemble des pays de la Grande Caraïbe, un programme de recherches autour de la mer en matière de biotechnologie, de sécurité marine, d'énergie, avec transferts mutuels des savoirs et des savoir-faire.

Concernant le risque sismique, une prime régionale parasismique a été créée et un plan de formation de tous les acteurs du bâti fonctionne depuis quelques années.

Ce tableau, qui n’a rien d’exhaustif, prouve que la diversification de l’économie est possible dans le cadre d'échanges régionalisés et mondialisés.

Dès lors, les trames vertes et les trames bleues prévues dans le texte, ne se conçoivent, pour nous, que dans le cadre régional, géographie oblige.

Aussi faudrait-il, tout naturellement, procéder à un transfert des compétences d’État permettant l'exploration et l'exploitation des sous-sols terrestres et marins et assurant la maîtrise de la zone économique exclusive et permettre à la région de fixer les règles relatives à l'assiette, aux taux et aux modalités de recouvrement des redevances spécifiques à ces secteurs.

La mutation écologique, irréversible, oblige à d’autres mutations qui doivent se traduire par de nouvelles compétences institutionnelles, une fiscalité adaptée et des transferts de pouvoirs.

Au lieu d’y procéder, on nous renvoie à l’article 73, alinéa 3, de la Constitution, selon lequel les collectivités d’outre-mer « peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi. »

Cette habilitation dépend en fait du bon vouloir du Gouvernement.

Par exemple, nous avons plaidé plusieurs fois pour la mise en place d'une autorité unique multimodale de transports, maritimes et terrestres. Elle s’impose dans le cadre du projet actuel. Pourtant, notre plaidoirie est restée vaine jusqu'à présent.

Quant aux relations internationales dans notre zone géographique, tout transfert de compétence est expressément écarté.

Et dans le domaine des activités extractives, les produits du sous-sol extraits chez nous sont considérés, dans le code minier, comme « extraits du territoire français métropolitain » !

En conclusion, nous sommes au regret de constater, que, une fois de plus – une fois de trop - les seules solutions administratives et juridiques qu’on nous propose nous enferment dans le statu quo. Alors que le monde change, quelle absence de perspective face aux défis à relever !

Monsieur le ministre d'Etat, vous avez en charge l'écologie, l'énergie, le développement durable, l'aménagement du territoire. Cette vaste et noble tâche fait de vous le ministre de l'anticipation et de l'adaptation permanentes. Soyez-le également en ce qui concerne les institutions. Cela suppose d'engager, avec les acteurs politiques de Martinique, de vraies discussions dans le respect mutuel. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Je consacrerai cette intervention à la mer et au littoral.

Claude Lévi-Strauss, dont nous fêterons le centenaire dans quelques semaines, écrivait en visionnaire dans Tristes Tropiques : « Les charmes que je reconnais à la mer nous sont aujourd'hui refusés. Comme un animal vieillissant dont la carapace s'épaissit, formant autour de son corps une croûte imperméable qui ne permet plus à l'épiderme de respirer et accélère ainsi le progrès de sa sénescence, la plupart des pays européens laissent leurs côtes s'obstruer de villas, d'hôtels et de casinos. Au lieu que le littoral ébauche, comme autrefois, une image anticipée des solitudes océaniques, il devient une sorte de front où les hommes mobilisent périodiquement toutes leurs forces, pour donner l'assaut à une liberté dont ils démentent l'attrait par les conditions dans lesquelles ils acceptent de se la ravir. »

M. Victorin Lurel. Très poétique !

M. Jérôme Bignon. Oui, et visionnaire, car ces lignes ont été écrites en 1955.

Un demi-siècle plus tard, les enjeux d’une politique intégrée de la mer et du littoral sont nombreux et à traiter d’urgence. À ceux, traditionnels de géopolitique, de sûreté, de défense, de transport maritime, s'en ajoutent d’autres touchant à l’environnement, l’économie et la société, liés à des engagements internationaux et communautaires contraignants et à une attente croissante de la société. La complexité d’une telle situation implique d'adopter une approche intégrée, que l’on déclinera conformément aux principes du développement durable dans toutes ses dimensions, le local et le global, le sectoriel, les territoires et les écosystèmes.

Une politique maritime intégrée est essentiellement un ensemble de politiques et d’actions sectorielles dont la cohérence est assurée par le pilotage et l’animation et qui doivent favoriser le rapprochement des cultures et le partage des objectifs. Elle suppose aussi le développement d’instruments adaptés à cette complexité et permettant d’associer de nombreux acteurs. Ces instruments, de nature législative, réglementaire ou technique, concernent la gouvernance, la planification stratégique, la connaissance, les taxes et redevances et l’évaluation intégrée.

Dans ce contexte difficile, les conclusions du Grenelle étaient quelque peu hétérogènes et le mandat du comité opérationnel « gestion intégrée de la mer et du littoral », que j’ai présidé, était donc complexe. Les cadres de développement durable de la mer et du littoral s’emboîtent, depuis les nombreuses conventions internationales, la politique maritime intégrée de l’Union européenne autour d’une stratégie de développement durable avec la gestion intégrée des zones côtières, la directive cadre et la nouvelle directive sur la stratégie marine jusqu’au niveau national, avec le rapport Poséidon, la stratégie nationale de développement durable, la stratégie nationale de biodiversité, celle relative à la gestion intégrée des zones côtières. Devant autant de cadres d’action, la question centrale est celle de leur cohérence.

Le COMOP a choisi d’élargir le champ de sa réflexion et de faire des propositions qui ont été reprises, de façon concise, à l’article 30 en trois paragraphes, soit une vingtaine de lignes, qui comprennent toute l’architecture de la gestion intégrée. Les mots-clés tracent une voie qui, je n’en doute pas, sera suivie dans le Grenelle II.

Au niveau national, sera élaborée une vision stratégique globale portant sur l’ensemble des activités humaines et englobant la mer et le littoral, la métropole et l’outre-mer. Cette stratégie nationale sera déclinée au niveau pertinent dans les écosystèmes. Une gouvernance renouvelée permettra d’associer à tous les niveaux les acteurs concernés.

Ainsi, le Grenelle imprime sa marque sur l’un des champs les plus prometteurs en matière de biodiversité, mais aussi l’un des plus fragiles. Sous une forme ramassée, le projet répondra à l’attente impatiente de tous ceux que la mer et le littoral concernent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Fioraso.

Mme Geneviève Fioraso. Les rapports des différents comités opérationnels avaient indiqué, de façon compétente et précise, les grands axes d'action a engager pour appliquer le Grenelle. Et ce premier volet législatif était d'autant plus attendu que le Président de la République avait évoqué un « new deal écologique ». Malheureusement, la déception est à la mesure des espérances. Quelle désillusion !

Il ne s'agit que du premier étage de la fusée, a fait valoir le Président de la République. Cela n'excuse pas le caractère trop généraliste et pourtant vu « par le petit bout de la lorgnette » de ce texte. Ajoutons que, comme l'enfer, il est pavé de bonnes intentions, mais le plan d'actions proposé n'est ni précis, ni financé, ni cohérent avec la politique d'ensemble menée par le Gouvernement.

Notre groupe est attaché au développement durable, dans ses trois dimensions indissociables : développement économique et technologique, protection de l'environnement et dimension sociale, sans laquelle l'accès aux ressources et aux services ne profiterait qu'à un trop petit nombre. Or ce dernier volet, celui des solidarités, est quasiment absent de votre projet.

De plus, toutes les décisions prises par votre gouvernement depuis un an vont à l’encontre des solidarités nationales les plus élémentaires, à commencer par le bouclier fiscal dont le ministre du budget a osé réaffïrmer hier qu'il relevait de la justice sociale.

M. Hervé Mariton. Quel rapport avec le sujet ?

Mme Geneviève Fioraso. Vous allez voir !

Consacrer chaque année 15 milliards aux plus riches devient une véritable provocation, alors que le pouvoir d'achat de millions de Français est rongé par la panne de croissance, et que la crise financière mondiale va encore aggraver la précarité.

Il en va de même avec la réduction constante des missions de service public, par exemple le plan Fret de la SNCF qui supprime le chargement de wagons de marchandises dans 262 gares.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Isolées !

Mme Geneviève Fioraso. Je vous l’accorde.

Cette réduction, la privatisation annoncée de La Poste, la libéralisation du transport aérien, mode de transport le plus polluant, concourent à la dégradation de l'environnement.

Par ailleurs, la diminution du nombre d’emplois aidés, la précarisation croissante d'une partie des salariés, la montée du chômage accélérée par la crise mais aussi par les heures supplémentaires qui se sont substituées aux embauches et l'absence d'une politique économique claire et prospective, dégradent la situation sociale, partie intégrante du développement durable.

De tout cela, votre gouvernement est responsable. Or une politique de développement durable se doit d’être globale sous peine de n'être qu'un alibi. Malheureusement, à la lecture de ce texte qui ressemble à un catalogue de bonnes intentions ou plutôt de voeux pieux, on a le sentiment que vous voulez vous acheter une conduite pour faire passer la brutalité de votre politique de casse sociale.


Je vais conclure en donnant l’exemple de la recherche sur les énergies renouvelables qui illustre bien la déception des acteurs du secteur de l'environnement devant ce projet de loi flou et superficiel. Je connais bien ce domaine car ma circonscription de l'Isère et l'agglomération grenobloise recensent de nombreux pôles d’expertises sur ces questions.

M. François Brottes. Très juste !

Mme Geneviève Fioraso. Ainsi le pôle de compétitivité TENERRDIS – pôle des technologies énergies nouvelles, énergies renouvelables Rhône-Alpes, Drome, Isère, Savoie pour le développement des nouvelles technologies de l'énergie – n’a toujours pas le statut de pôle à vocation mondiale, en dépit de demandes répétées des élus. Pourtant la thématique et l'intérêt des projets menés en partenariat entre recherche publique et privée, et avec de nombreuses PME et PMI, ainsi que l'enjeu majeur de sa thématique le justifieraient amplement.

Dans notre département se trouve également la plus grande – j’allais dire la seule – entreprise française de fabrication de capteurs solaires photovoltaïques ; elle compte cent salariés. Or seulement 5 % de ses clients sont Français tandis que 95 % viennent d’Amérique du Nord. C'est dire le retard pris par notre pays alors que nos voisins allemands ou scandinaves ont déjà construit une filière industrielle dans ce secteur. Au passage, monsieur le ministre d’État, je tiens à souligner l'absence totale, dans votre projet de loi, de comparaisons ou de perspectives européennes.

Pour revenir à notre PME, sa croissance se trouve contrainte non seulement par le retard pris, mais aussi par des fonds propres insuffisants pour investir dans la recherche pourtant indispensable afin de réduire le coût de ses produits tout en optimisant leur rendement. Le produit est là, mais il n'y a pas de croissance, pas de politique d'aide efficace aux PME pour développer leurs fonds propres, pas plus que de vision industrielle, ni d'information aux usagers dans un secteur pourtant à fort potentiel de développement.

Que propose votre projet de loi ? Rien de précis ni de chiffré, aucun indicateur sur le potentiel ou le calendrier de mise en service des énergies renouvelables du futur. On peut plutôt profiter d’un véritable inventaire à la Prévert. Je vous invite, mes chers collègues, à lire les vingt lignes qui listent, à l’article 19 du projet de loi, une trentaine de thèmes de recherche, sans aucune hiérarchisation ni priorité. Comment croire que trente axes de recherche vont pouvoir être « privilégiés » alors que, dans le même temps, on annonce la suppression de près de mille postes de chercheurs pour l'année 2009 ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et oui ! Mais où donc est la cohérence ?

Mme Geneviève Fioraso. Tout cela n'est pas sérieux et nous ne pouvons malheureusement pas compter sur ce débat pour faire évoluer la situation. Nos attentes et les espérances de nos concitoyens se reporteront donc sur le deuxième volet de la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement. Si vous voulez nous convaincre, monsieur le ministre d’État, il faudra vous inspirer de la devise olympique, à laquelle, en Isère et à Grenoble, nous tenons particulièrement : « Plus vite, plus haut, plus fort. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, la crise financière que le monde traverse n'est que l'écume d'une crise systémique beaucoup plus profonde, qui est à la fois économique et sociale, écologique, politique et éthique.

Les modèles de développement actuels et passés qui se sont construits sur l'exploitation intensive des ressources naturelles et sur la destruction de l'environnement sont, en fait, à bout de souffle. Cette crise n'est pas un énième ajustement brutal, mais la gestation ultime d'un système qui se meurt.

Dans un contraste saisissant, le Grenelle de l'environnement prend ainsi tout son relief et sa dimension historique grâce à l'alternative conceptuelle et méthodologique qu'il propose d'impulser. En effet, au travers des principes du développement durable qui fondent la démarche du Grenelle, il s'agit bien d'opérer la transformation en profondeur de notre système politique, économique et social.

Comme le système capitaliste a pu intégrer un progrès social qui lui était conceptuellement étranger, le développement durable propose d'internaliser la préservation de l'environnement. Le bonus-malus qu'une certaine frilosité empêche actuellement d'étendre en est l'exemple le plus visible.

Il s'agit donc de préparer notre économie…

M. François Brottes. Il était temps !

M. Serge Grouard. …à un nouveau modèle de croissance fondée sur la sobriété énergétique et sur une consommation des ressources naturelles permettant leur renouvellement. Il s'agit aussi de favoriser les ruptures technologiques dont on sait qu'elles sont fondatrices d'un nouveau cycle économique positif.

Il s'agit également d'aller bien au delà. Comme la philosophie des Lumières a injecté les germes du libéralisme politique et de ce qui allait devenir la démocratie parlementaire dans le système pourtant exclusif alors de la monarchie absolue,…

M. François Brottes. Ne sommes-nous pas en train d’y revenir un peu ?

M. Serge Grouard. …le développement durable propose une autre gouvernance, plus participative et plus transparente. À l'heure où l'opacité de la titrisation amène l'effondrement du système financier, qui oserait prétendre que cette démarche novatrice serait superfétatoire ?

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » disait le président Jacques Chirac. Il y a effectivement urgence et les rapports sur le changement climatique sont inquiétants.

Le Grenelle de l'environnement, décisif, est donc le début de la réponse à l'urgence et l'amorce d'un processus qui va sans cesse évoluer. Sans doute, a-t-il ses limites et ses imperfections. On aurait peut-être pu aller plus loin et plus vite. Mais l'essentiel est que soit impulsé un changement profond des logiques et des tendances actuelles.

J'en veux pour exemple le domaine de l'urbanisme qui fait l'objet du chapitre II du projet de loi.

Le XXe siècle, période de progrès incontestable de la condition humaine, a aussi été le siècle de la destruction des paysages, de l'extension souvent sans cohérence des aires urbaines, du mitage des milieux naturels, avec toutes les atteintes corrélatives à la biodiversité. Le texte qui nous est soumis change la trajectoire. Ainsi, il marque, par exemple, la volonté de mettre fin au mitage, d'aller vers la densification raisonnée des villes et de redynamiser des centres anciens.

On peut également se réjouir de la part essentielle que vont prendre les collectivités locales et les villes dans les dispositifs proposés. En retour, il nous faut veiller à ne pas créer d'inutiles complexités administratives supplémentaires comme il faudra éviter la tentation d'une recentralisation subreptice. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il est par exemple dommage que nous ne profitions pas de l'opportunité d'harmoniser voire de fusionner nos différents documents d'urbanisme : schéma de cohérence territoriale ou SCOT, programme local de l'habitat ou PLH, plan de déplacements urbains ou PDU, charte d’urbanisme commercial ou CUC...

Enfin, la démarche engagée devra aller à son terme et le Grenelle II traduire fidèlement l'ambition du Grenelle I. Ainsi, ce deuxième texte devrait être l'occasion d'une grande ambition en matière de verdissement de notre fiscalité.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Serge Grouard. Monsieur le ministre d'État, nous souhaitons vous y aider. En réunissant l'ensemble des acteurs de la société et souvent ceux qui s'ignoraient ou s'affrontaient, le Grenelle de l'environnement est, non seulement, un événement remarquable, mais aussi, une réussite exceptionnelle.

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous avons une double obligation. Nous devons tout d’abord nous porter collectivement à la hauteur de cet enjeu de société pour que le consensus du Grenelle participatif initial se transforme en un consensus du Grenelle législatif final. Nous donnerions ainsi une image rehaussée de l’Assemblée nationale qui en a bien besoin. Nous répondrions également à l'attente de nos concitoyens comme à celle des participants au Grenelle. Nous n’avons pas de temps à consacrer aux querelles politiciennes ou aux jeux de rôles stériles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Rires et exclamation sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes. Vous parlez pour vous ?

M. Serge Grouard. Pour nous tous ! (« Ah ! »sur les bancs du groupe SRC.)

Une seconde obligation est de faire en sorte que les engagements des commissions du Grenelle initial soient respectés. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements afin que la loi soit bien la traduction fidèle du Grenelle.

M. le président. Il faut conclure.

M. Serge Grouard. Je termine.

Le Grenelle de l'Environnement, rien que le Grenelle mais tout le Grenelle. Tel est l'objectif qu’avec un certain nombre de mes collègues nous nous assignons dans le débat qui s'engage.

Monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, confrontée aux enjeux de la préservation de notre planète et de l'éclosion d'un système politique et économique durable et éthique, la France, en prenant l'initiative du Grenelle, a suscité l'intérêt. Elle a la possibilité de rattraper certains retards et de valoriser ses atouts. Elle est regardée et observée. Elle est, en tout cas, redevable de l'espoir qu'elle a suscité. Il nous revient d’assumer cette position. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.

M. Maxime Bono. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, mon intervention portera sur le volet Transports de ce projet de loi de mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, que vous qualifiez de loi de programme.

Comme pour l'ensemble de ce texte, en la matière, bien sûr, les intentions sont louables. Qui ne souscrirait aux objectifs que vous proposez ? Vous voulez réduire, conformément aux engagements du Grenelle, les émissions de gaz à effet de serre de 20% d'ici à 2020, ou encore favoriser systématiquement le transfert modal de la route vers les autres modes de déplacement, qu'il s'agisse du trafic des voyageurs ou du fret.

Monsieur le ministre d’État, comme le Conseil économique social et environnemental, qui vous l’a déjà dit, nous aurions aimé disposer simultanément de tous les textes concernant le Grenelle. Or le projet de loi que nous examinons se télescope avec le Grenelle II et avec le projet de loi de finances pour 2009, que vous qualifiez vous-même de Grenelle III.

Bien sûr, nous aussi, nous aurions préféré qu'une programmation pluriannuelle soit annexée à votre projet. Elle aurait donné plus de lisibilité aux offres nouvelles que vous proposez en matière de transports. Vous n'avez pas souhaité, ou pas pu, procéder ainsi. N'y revenons pas, mais cela est d'autant plus regrettable que, dans le domaine des transports, nous le savons bien, la qualité de l'offre détermine très directement la demande et influe sur le comportement des usagers.

Si j'en crois les quelques éléments déjà présentés du projet de budget pour 2009, il y a de quoi nourrir de sérieuses inquiétudes qui s'ajoutent au sentiment d'inabouti de cette démarche du Grenelle I. Vous l'avez dit, et même écrit : le budget de 2009 sera la traduction du Grenelle pour la période 2009 à 2011. Or un budget Transports en régression de 1,8% augure mal de la capacité à financer les intentions affirmées dans le projet de loi que vous nous soumettez aujourd’hui.

Ce texte mérite toutefois un examen attentif.

Ainsi au détour de l'alinéa 4 de l'article 10, comment ne pas réagir à la rédaction qui précise que les moyens de l'État sont déployés « en complément de l'effort des régions » pour l'entretien et la régénération du réseau ferroviaire? Rappelons que l'entretien et la régénération du réseau relèvent de la compétence de l'État et que l'on ne saurait, par une rédaction sibylline, et de façon subreptice, en transférer les responsabilités aux régions, même si l’on comprend bien que, au regard des conséquences désastreuses de l'état du réseau sur la circulation des trains express régionaux, certaines régions ont été amenées, dans le cadre de contrat de projets, à financer l'entretien du réseau. Il est vrai que notre réseau ferré national est dans un état alarmant. À l’évidence, il ne tient pas le choc en période de forte sollicitation. La multiplication des incidents le prouve, ainsi que les 1 500 kilomètres de ralentissement imposé pour des raisons de sécurité.

Nous déposerons donc des amendements afin qu'aucune confusion ne puisse s'installer et que le Grenelle ne soit pas utilisé par l’État comme un mauvais prétexte pour se désengager davantage.

Je rappelle d'ailleurs que le poids des transports dans le budget des régions varie entre 20 et 25% – il s’élève à 35% pour l'Île de France – : de nouvelles sources de financement seront donc à rechercher, d'autant plus, que si j'en crois les premières informations sur le projet de budget pour 2009, les dépenses du renouvellement du réseau seront en baisse de 63 millions d’euros. Monsieur le ministre d’État, ce chiffre est pour le moins contradictoire avec les engagements que vous avez pris concernant le projet de loi que nous examinons en prévoyant « un accroissement régulier pour atteindre, en 2015, 400 millions d’euros supplémentaires, soit un montant deux fois et demi plus élevé que celui constaté en 2004 ».

Mais sans doute, et je l'espère, allez-vous dans votre réponse, nous expliquer comment vous y parviendrez.

Concernant le transport routier et la taxe poids lourds que vous envisagez de créer, pourquoi ne pas dire clairement qu'elle sera affectée à l’agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF ? Vous savez combien cette dernière souffre d'un sous-financement chronique depuis la privatisation funeste des sociétés concessionnaires d'autoroutes, dont les dividendes nous seraient aujourd'hui particulièrement précieux.

En juillet dernier, lors d’une réunion de la commission des affaires économiques, la possibilité de vendre des participations d’État pour abonder un fonds de capitalisation destiné à financer l'AFITF avait été évoquée. Je crains que cette solution ne soit plus aujourd'hui d'actualité, même si j’ai bien entendu le rapporteur l’évoquer. J'ai cru comprendre que le budget pour 2009 devrait prévoir un financement budgétaire de l'AFITF, au moins jusqu'en 2011. Cela marquerait le retour à un financement, pour le moins aléatoire, soumis à des régulations budgétaires qui, jusqu'à aujourd’hui, n'ont pas manqué en matière de financement des transports.

Enfin, que dire des transports urbains qui, lors des discussions du Grenelle, avaient été gratifiés d'un engagement de 4 milliards d'euros, et qui ne bénéficient plus désormais que de 2,5 milliards à l’horizon 2020, sinon, comme le Président de la République, que « l'État a eu tort de se désengager du transport urbain »?


Je crois me souvenir que c’était en 2003 ; on nous tenait alors un langage bien différent.

J’ajoute que le transport urbain, c’est aussi le périurbain. Or l’État en est totalement absent et votre texte reste bien silencieux sur ce point. On touche là aux limites de votre texte qui, d’une façon générale, n’intègre guère l’aspect social du développement durable, ainsi que l’ont démontré nos amis Philippe Tourtelier et Serge Letchimy.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Maxime Bono. Les ménages les plus modestes vivent en effet éloignés des centres urbains. Ne pas aborder, dans un texte qui se veut un projet de loi de programme – même si cette appellation est sans doute quelque peu abusive – la question des déplacements périurbains, c’est donc oublier une large part des besoins en matière de déplacements collectifs et réduire sensiblement le volet social de votre texte.

Telles sont, monsieur le ministre d’Etat, les réflexions que votre projet de loi nous inspire en matière de transports. Bien sûr, nous proposerons de l’améliorer sur certains points : nous tenterons, par exemple, de permettre aux régions de mieux maîtriser et de mieux organiser les déplacements sur leur territoire, voire d’anticiper, si nécessaire, les efforts de RFF en faveur du renouvellement du réseau.

Toutefois nous savons tous, ici, que tout se jouera bientôt, lors de la discussion du budget pour 2009, ce Grenelle III que vous nous avez annoncé. Nous saurons alors si le Grenelle I sera suivi d’effet. Nous serons donc, n’en doutez pas, très vigilants quant au contenu de vos propositions et aux moyens que vous y consacrerez. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello.

M. Yves Albarello. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis est l’aboutissement d’une longue concertation qui a immédiatement suivi, l’an dernier, l’élection du Président de la République et celle de notre assemblée. Dès sa nomination, le Gouvernement a en effet tenu à mettre en œuvre les engagements présidentiels dans le domaine de l’environnement et de l’écologie, tant dans leur contenu que dans les délais de leur mise en œuvre, car il s’agit là d’une priorité majeure.

En effet, dans de très nombreux secteurs, il est urgent d’agir, sans attendre de nouvelles études ou discussions, qui débouchent souvent sur un constat d’impuissance. Je ne citerai que deux exemples significatifs : le changement climatique et la raréfaction de la ressource en eau, qui sont tous deux extrêmement préoccupants. Si nous ne prenons pas très rapidement des mesures appropriées, il est clair que nous serons à la merci de catastrophes aux conséquences incalculables.

Les acteurs du Grenelle de l’environnement l’ont pleinement compris. Ils savent qu’il n’est plus possible de concevoir l’économie comme on l’a fait jusqu’à présent, c’est-à-dire comme une référence absolue, simplement corrigée par quelques exigences et soucis environnementaux. Aujourd’hui, il s’agit de mettre en œuvre une véritable économie écologique. C’est tout autre chose : nous devons faire le pari d’un développement durable. Certaines ressources n’étant pas inépuisables, il importe d’en mieux maîtriser la consommation et de favoriser le plus possible les énergies renouvelables.

C’est ce à quoi vous nous invitez, monsieur le ministre d’État, en nous proposant ce projet de loi, fruit d’une longue et bénéfique concertation entre des acteurs de l’environnement très différents, mais qui ont su favoriser, grâce à leur diversité, un enrichissement mutuel. La synthèse que vous nous proposez traduit la qualité de leur réflexion, ainsi que la volonté de fournir à notre pays un cadre solennel dans lequel doivent désormais s’inscrire ses actions en matière économique.

Oui, nous voulons aujourd’hui faire de l’économie autrement, comme vous nous y conviez avec talent et détermination grâce au consensus social que vous avez su dégager autour du Grenelle de l’environnement.

Les thèmes étudiés l’an dernier se retrouvent naturellement dans votre projet de loi : lutte contre les changements climatiques et maîtrise de la demande d’énergie, préservation de la biodiversité et des milieux naturels, prévention des risques pour l’environnement et la santé, notamment en matière de déchets, rôle de l’État, qui doit faire preuve d’exemplarité et construction d’une démocratie écologique à travers une nouvelle gouvernance.

Lors de la discussion des articles, je serai amené à vous proposer des amendements sur tel ou tel point, dans le respect des objectifs ambitieux que vous avez définis en matière de réduction de la consommation d’énergie et d’amélioration concomitante des bâtiments, laquelle suppose une adaptation du droit de l’urbanisme. Je partage également toutes vos préoccupations concernant la protection de la biodiversité et des milieux naturels, notamment l’eau.

En revanche, pardonnez-moi de regretter une certaine timidité de votre projet en matière de transports collectifs urbains,…

M. Jean-Louis Gagnaire. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Yves Albarello. …notamment en Île-de-France. Si l’on veut véritablement inciter un maximum de personnes à utiliser les transports en commun plutôt que leur voiture dans leurs déplacements quotidiens entre leur domicile et leur lieu de travail, il faudra consentir un effort prioritaire et d’une tout autre ampleur que celui qui consiste à désengorger une ligne de métro – opération qui aurait dû être réalisée depuis longtemps – ou à prolonger une ligne de RER qui ne connaît pas encore, et c’est heureux, les problèmes quotidiens inacceptables du RER A et du RER B.

Sous ces réserves, monsieur le ministre d’État, je soutiens votre projet, qui marque un formidable progrès dans le long combat en faveur de l’environnement, que Georges Pompidou a initié dès 1970, avec la création d’un ministère et le début d’une politique volontariste en la matière, et que le Président de la République et vous-même poursuivez, en donnant à cette politique une dimension encore jamais atteinte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Monsieur le président, monsieur le ministre d’Etat, mes chers collègues, en 1987, le rapport Brundtland traçait, pour la première fois, le chemin politique à suivre pour parvenir à un développement économiquement, écologiquement et socialement durable. On peut y lire notamment : « A elle seule la loi ne suffît guère pour faire respecter l’intérêt commun. Il faudrait aussi promouvoir les initiatives des citoyens, donner du pouvoir aux associations et renforcer la démocratie locale. » De ce point de vue – d’autres orateurs l’ont dit avant moi, mais je veux y revenir à mon tour –, le Grenelle de l’environnement est une réussite. Notre responsabilité est aujourd’hui plus importante encore qu’hier, tant les espoirs sont grands chez tous les contributeurs du Grenelle comme chez l’ensemble des Français.

« La maison brûle et nous regardons ailleurs. » Se déclarer prêt à répondre à l’urgence écologique est une chose, se fixer des objectifs précis et se donner les moyens de réussir en est une autre. Notre crainte est qu’après les initiatives foisonnantes nées du Grenelle, on se paie de mots. Nos craintes sont réelles et fondées lorsqu’on observe les textes adoptés en moins d’un an par votre majorité à l’initiative du Gouvernement.

Je ne prendrai qu’un exemple : la loi de modernisation de l’économie. Ce texte est une négation du Grenelle. En effet, par cette loi, le Gouvernement – le même qui parle aujourd’hui d’environnement – encourage le développement des grandes surfaces, alors qu’il a des conséquences néfastes sur le commerce de proximité des centres-villes, au profit d’une logique commerciale, logique qui pressure les PME sous-traitantes et qui n’est ni écologiquement ni économiquement durable, notamment en termes de déplacements et d’urbanisation. Cette loi est finalement destructrice de lien social. Où est donc l’esprit du Grenelle ?

Celui-ci ne doit pas servir d’alibi et dissimuler ce qui se fait ailleurs. Sa bonne mise en œuvre et sa réussite supposent qu’il ne soit pas contredit régulièrement par d’autres initiatives.

Certes, le Grenelle de l’environnement n’est pas, du moins dans son intitulé, le Grenelle du développement durable. Néanmoins il nous faut en parler car, sur cette question, sur cette révolution à accomplir, sur ce nouveau modèle de développement, nos visions divergent.

Chercher les voies d’un développement durable, ou soutenable, c’est chercher à tenir ensemble trois exigences fortes et agir sur trois leviers : l’économie, l’environnement et le social. Sans doute certains seront-ils tentés de voir dans ce rappel un détour inutile, mais il s’agit pour moi d’un point central. Il ne saurait en effet y avoir de révolution environnementale, de changement des modes de consommation, sans développement social ni politiques en direction des plus modestes, à moins de concevoir une écologie et une économie réservées à une élite et d’exclure une majorité de nos concitoyens du bien-être écologique et du bien-vivre. Le développement ne sera durable que s’il est juste socialement.

Sur ce point, qu’il me soit permis de placer une fois de plus le Gouvernement face à ses contradictions. Où est le pilier social du développement durable dans la politique menée depuis un an et demi ? Faut-il rappeler les franchises médicales, les attaques contre le code du travail, la stigmatisation des chômeurs, le bouclier fiscal, la multiplication des taxes ou encore le statut de l’auto-entrepreneur qui, sur le plan social, ne manque pas de susciter des interrogations, notamment chez les artisans ?

Votre politique sociale, votre volonté manifeste de mettre à mal les services publics de proximité comme La Poste sont autant de négations du développement durable et du Grenelle de l’environnement. Celui-ci devrait, au contraire, vous inciter à repenser les priorités de vos actions en faveur d’une société moins inégalitaire. Il devrait vous encourager à prendre à bras-le-corps la question du fossé entre le Nord et le Sud et la nécessaire réduction des inégalités à l’échelle du monde en vous appuyant, plus que vous ne le faites aujourd’hui, sur l’Europe.

Le Grenelle de l’environnement doit évidemment pouvoir nous réunir, tant ses objectifs sont urgents et partagés. Toutefois il ne nous oblige pas pour autant à nous illusionner. Nous devons être vigilants, responsables et exigeants. Cette exigence me conduit à vous dire, en conclusion, ma déception de constater combien la pêche – activité éminente de mon territoire – et les pêcheurs sont les oubliés de ce texte.

Certes, l’article 30 traite de la gestion intégrée des zones côtières et du littoral, mais rien n’est dit ou presque de la volonté de la France d’encourager, de promouvoir, de dynamiser une pêche durable et responsable et de soutenir les filières et les pêcheries à l’avenir. Rien n’est dit, en somme, de la volonté de maintenir en France une pêche vivante.

C’est précisément au moment où ils sont au cœur de la crise que les pêcheurs attendent un signal positif. La pêche reste une activité essentielle pour la vie de nombreux ports, l’emploi, le tourisme et l’aménagement économique de très nombreux territoires littoraux. Il ne paraît pas acceptable de traiter de la question des ressources halieutiques en omettant de citer les professionnels de la pêche, les hommes de la mer, les hommes tout simplement, qui sont au cœur de nos préoccupations.

C’est tout le sens des amendements que je défendrai lors de la discussion des articles. La pêche est un atout. Elle pourrait être plus encore le symbole d’un développement durable bien compris, associant les acteurs, leurs difficultés sociales et économiques à la recherche par les pouvoirs publics de solutions écologiquement durables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Labrette-Ménager.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Monsieur le ministre d’Etat, je concentrerai mon propos sur le titre III du projet de loi, qui fixe les grands principes de la prévention des risques pour l’environnement et la santé et qui propose un cadre rigoureux dans deux domaines importants de la vie quotidienne des Français : la politique de prévention des déchets et les pollutions.

Prenons d’abord la politique de prévention des déchets.

A cet égard ce texte définit des objectifs nouveaux et ambitieux. Ces objectifs sont réalisables ; ils doivent nous permettre de produire moins de déchets mais, surtout, d’en recycler beaucoup plus, tout en diminuant le stockage et l’incinération. Ces données précises à court terme permettront aux conseils généraux, qui ont la charge de l’élaboration des plans d’élimination des déchets ménagers et assimilés, d’orienter leurs schémas de façon cohérente sur l’ensemble du territoire et de dimensionner les installations à venir en conséquence, qu’il s’agisse de CSDU ou d’unités de traitement. Il convient cependant de rappeler que l’effort de recyclage prôné par le Grenelle est en parfaite cohérence avec les orientations définies par l’Union européenne, notamment dans la directive cadre sur les déchets adoptée en juin dernier.

Les critères retenus – cinq kilos par an et par habitant – sont essentiels pour mener une politique globale à l’échelle nationale. Il faut rappeler qu’en France, les performances de tri des emballages ménagers varient, d’un département à l’autre, de 20 à 85 kilogrammes par an et par habitant, ce qui nous permet de penser que l’on peut faire des progrès globalement et rapidement.

Trois enjeux majeurs justifient ces objectifs.

Le premier est la préservation des ressources naturelles, qui se raréfient. Le recyclage économise des matières premières et de l’énergie. Il contribue également à lutter contre le changement climatique et à la création d’emplois locaux. Je ne citerai qu’un chiffre : il faut en moyenne dix fois plus d’emplois pour recycler un déchet que pour le stocker en décharge.

Le deuxième enjeu est lié à la maîtrise des coûts, car la gestion des déchets est le deuxième poste des dépenses de protection de l’environnement, après l’assainissement des eaux usées. En 2006, la gestion des déchets a ainsi mobilisé presque 12 milliards d’euros, soit environ 116 euros par habitant. Ce coût a doublé depuis dix ans, en raison non seulement de l’augmentation des quantités produites, mais également des progrès accomplis par la qualité des techniques et de la protection de l’environnement.


Le troisième enjeu est l’anticipation du risque de pénurie d’exutoires. En effet, certains départements doivent faire face à un risque de pénurie de traitement ou d’incinération des déchets à très court terme. Tous les élus locaux savent à quel point il est difficile d’implanter un CSDU ou une usine d’incinération dans leur commune. Il est donc essentiel de diminuer les quantités résiduelles à traiter par une véritable politique de prévention, de recyclage et de compostage, sur le mode individuel ou collectif.

Atteindre ces objectifs nécessite des mesures réglementaires et fiscales incitatives. Il est, à ce stade, important de comparer notre fiscalité à celle de nos voisins. La TGAP doit être en cohérence avec les orientations européennes si nous ne voulons pas que la France devienne un exutoire pour les déchets européens. En France, la TGAP est de 10 euros la tonne, quand elle est de 50 euros la tonne en Suède et qu’elle avoisine les 90 euros la tonne aux Pays-Bas. Cependant la taxation doit être incitative et progressive, et impérativement s’accompagner d’actions de sensibilisation et d’animation des acteurs de terrain, collectivités locales ou associations.

C’est pourquoi améliorer la gestion des déchets à long terme suppose aussi que soient améliorés le suivi et l’observation, et poursuivi l’effort d’acquisition des connaissances et de recherche-développement, notamment à travers l’amélioration des technologies, en renforçant les liens entre l’agriculture et l’industrie par le biais de la chimie verte et en développant la prospective.

L’autre sujet traité par le titre III concerne la politique de l’air, notamment les actions de surveillance de la qualité de l’air ambiant et intérieur.

La pollution atmosphérique est l’une des principales causes environnementales de morbidité et de mortalité. Bien que la présence de nombreux polluants ait diminué dans l’air ambiant, de nouvelles problématiques apparaissent – celle des particules fines, par exemple –, ce qui nécessite une mise à jour constante des dispositifs de surveillance et des connaissances sur la pollution atmosphérique et ses effets. La pollution de l’air en ville, notamment, est impliquée dans la genèse ou la croissance des cancers, des maladies respiratoires ou cardiovasculaires et de l’asthme.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Mme Fabienne Labrette-Ménager. On estime qu’en moyenne, les niveaux actuels de pollution atmosphérique sont responsables d’une baisse d’environ dix mois de l’espérance de vie en Europe.

La pollution atmosphérique et la lutte contre les gaz à effet de serre sont deux défis étroitement liés. Il convient donc d’améliorer la connaissance de la qualité de l’air et ses effets, mais également d’avoir un regard particulier sur la qualité de l’air intérieur, comme nous le propose ce texte. Il est indispensable de renforcer la surveillance des lieux accueillant du public, car nous passons plus de 80 % de notre temps à l’intérieur des bâtiments. La qualité de l’air intérieur doit être une problématique prioritaire, et il est nécessaire de poursuivre les efforts en développant des solutions de ventilation couplées avec des matériaux de construction et d’isolation de qualité.

Voilà, monsieur le ministre d’Etat, mes chers collègues, un chantier passionnant qui s’ouvre avec cette loi Grenelle qui comporte des objectifs ambitieux, des engagements de l’État et surtout une véritable prise en compte globale de ce qu’est le développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Le Gouvernement soumet aujourd’hui au vote de notre assemblée un projet de loi particulier. Particulier, en effet, parce qu’il résulte directement du Grenelle, cette formidable concertation qui a réuni autour d’une table des représentants de l’ensemble des composantes de notre société ayant pour but, forts d’un constat partagé et d’une conscientisation collective, d’aboutir à des propositions devant servir de rails aux décisions publiques nécessaires.

C’est donc l’occasion de se féliciter du processus du Grenelle qui a fonctionné et qu’il nous faut, en quelque sorte, acter en cette occasion. A cet égard je salue le travail réalisé par les bénévoles associatifs et syndicaux, les représentants des professionnels, les fonctionnaires, bref, l’ensemble des participants qui ont joué le jeu et consacré à ce processus une énergie et un temps considérables avec une grande sincérité.

Cependant ce projet est aussi particulier dans la forme et le fond : c’est en effet une loi de programmation et d’orientation, ce qui impose de vraies limites à cet exercice et nous laisse souvent dans le flou et déçus. On comprend le symbolisme de reconnaissance et d’enregistrement que ce texte accorde au processus du Grenelle, ce qui impose que l’on s’interroge sur les fondamentaux de la fonction législative : est-ce bien le rôle du législateur et la fonction de la loi d’acter la réussite d’un dialogue social ? En effet dans un tel texte, engagements financiers et calendaires sont rares, alors qu’y abondent les formules du style : « le Gouvernement étudiera la possibilité », « il sera envisagé »…

Mme Delphine Batho. Très bien !

Mme Geneviève Gaillard. …ou encore : « le Gouvernement soutiendra l’effort », « il favorisera » « il pourra être alloué », « il sera mis à l’étude », « il sera examiné », « il sera renforcé », mais sans jamais dire ni comment ni quand ! Et pour cause : ce sera l’objet de la loi de finances et du projet de loi Grenelle II ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Bref, contrairement à son intitulé, ce Grenelle I n’est pas un projet de « mise en œuvre », mais plutôt de « mise en bouche », c’est un texte apéritif !(Sourires.)

On recense bien quelques mesures concrètes et quelques dates, dispositions plutôt intéressantes d’ailleurs et parfois mêmes ambitieuses, perdues dans un océan de « y a qu’à, faut qu’on » ! Le malheur est qu’elles ne font que souligner l’absence de valeur normative effective du reste du texte par un effet de contraste criant !

Mme Delphine Batho. Très juste !

Mme Geneviève Gaillard. La présentation du projet de loi de finances évoque un effort à hauteur de 1,2 milliard d’euros pour asseoir l’exécution du Grenelle, mais la période de réalisation s’étale sur trois exercices, ce qui en dilue cruellement l’impact et la réactivité face à une situation dont nous devons souligner sa principale caractéristique : l’urgence.

Le texte contient des idées-forces, fruits du Grenelle dont il nous appartient ensuite de sécuriser et d’optimiser la mise en œuvre, essentiellement au regard de l’urgence sociale que connaissent bon nombre de nos concitoyens, car les problèmes d’environnement et les injustices sociales sont intimement liés : on ne réglera pas les secondes sans avoir d’abord pris les mesures nécessaires pour régler les premiers.

En effet, qui paie et paiera très cher le réchauffement climatique et le train de conséquences qui lui sont liées ? Qui subit et subira de plein fouet les conflits de l’énergie, de l’eau, de l’alimentation ? Qui souffrira de la pollution et de la cherté de la vie ? Toujours les mêmes ! C’est pourquoi, si le Grenelle a été celui de l’environnement, la loi Grenelle I sera jugée à l’aune de sa capacité à être celle du développement durable, conjuguant développement économique, protection de l’environnement et émancipation sociale.

Or nous n’avons pas totalement intégré cette approche globale et le texte, sans référence à l’intimité de ces trois piliers, en l’absence de normes claires et de financements conséquents, ne pourra remplir son rôle. Il est nécessaire de changer de braquet et, comme l’ont souligné mon collègue Tourtelier et M. le ministre d’Etat, de changer de mode de consommation et de production. Quand on connaît le résultat de la loi sur l’air de 1996, qui n’a donné lieu qu’à une seule décision de circulation alternée, quand on connaît le peu de références à la Charte de l’environnement – que j’ai pourtant votée –, on peut douter que ce projet soit le grand texte que nous attendions.

Certes, il n’est pas aisé de changer les mentalités. Pour entrer dans une autre ère, il nous faut plus que ce texte d’intention et d’orientation : il nous faut l’affirmation qu’un autre monde est possible, l’affirmation d’une priorité budgétaire claire sur le sujet. Dans le contexte actuel, à moins de revoir de fond en comble la politique que mène le Gouvernement, je crains que nous n’y parvenions. L’État pourrait pourtant donner l’exemple en aidant les collectivités locales à mettre en place une autre politique résolument tournée vers l’acceptation par tous du développement durable.

M. le président. Il faut songer à conclure, chère collègue !

Mme Geneviève Gaillard. J’ai presque terminé !

En fait le poids financier du Grenelle risque d’être exporté vers ces collectivités dont les budgets sont déjà surmobilisés.

Mme Delphine Batho. Exactement !

Mme Geneviève Gaillard. La démission de l’État en ce qui concerne les subventions des transports collectifs en site propre avait constitué un mauvais signal. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude !

Il y a encore beaucoup à faire dans tous les domaines, notamment en matière de diversité biologique. De mon point de vue, ce texte passe à côté de la nécessité de valoriser les biens environnementaux, zones humides, biomasse, espèces, en leur donnant une valeur financière tout en évitant les effets pervers de la marchandisation.

M. le président. Il est temps de conclure, chère collègue !

Mme Geneviève Gaillard. Je termine !

Il ne fait que lister les espaces menacés, sans souligner ce que l’on sait depuis longtemps, mais que personne ne veut dire clairement, à savoir qu’en protégeant efficacement les milieux, quels qu’ils soient, on protège toutes les espèces végétales et animales, en particulier l’homme !

M. le président. Merci, madame Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Certes, l’assurance d’un maillage en corridors écologiques est un levier intéressant, mais il manque de philosophie, de force et de volontarisme. À ce sujet, monsieur le ministre d’Etat, dois-je vous rappeler que vous n’avez pas souhaité accorder au Marais poitevin, deuxième zone humide de France, la qualification de parc naturel régional, alors même que le point d’équilibre entre les collectivités parties prenantes était atteint après quasiment vingt ans de travail ?

Mme Delphine Batho. Eh oui !

Mme Geneviève Gaillard. La politique politicienne est passée avant l’intérêt général, et c’est bien ce que je crains pour l’avenir de la loi Grenelle.

M. le président. Cette fois, c’est terminé, chère collègue !

Mme Geneviève Gaillard. Vous l’avez compris, j’ai le sentiment que les lois Grenelle ne seront que la bonne conscience de celles et ceux qui ne pensent qu’à leur profit, à savoir le gouvernement auquel vous appartenez. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Ce n’était pas très gentil, madame Gaillard !

Mme Geneviève Gaillard. Ce n’est que la vérité, je n’y peux rien si vous trouvez que ce n’est pas gentil !

M. le président. La parole est à M. Alfred Almont.

M. Alfred Almont. Au terme d’un processus démocratique innovant, réunissant dans une même démarche l’État et un aussi grand nombre des acteurs représentatifs de notre société, il ne fait aucun doute que le Grenelle de l’environnement a ouvert une réflexion forte vers la mutation de nos modes de production et de consommation.

La démarche, bien reçue par l’opinion, est d’une réelle opportunité dans la mesure où l’on assiste aujourd’hui à une spectaculaire convergence des crises, bien décrite par M. le ministre d’État et marquée par un réchauffement climatique qui s’accélère. Mettre en œuvre une stratégie nationale définissant les modalités d’un développement à la fois performant sur le plan économique, responsable sur le plan social et respectueux de notre environnement est un défi qui se devait d’être relevé dans un monde en perpétuel mouvement.

En se fondant sur le consensus social forgé par le Grenelle de l’environnement, ce projet de loi de programmation qui a pour objet de donner un véritable statut juridique au processus de Grenelle fait des propositions pratiques et novatrices. Il entend favoriser et accélérer la prise en compte des nouveaux défis par tous les acteurs, simultanément, grâce à la mobilisation cohérente des moyens disponibles, afin de garantir à la société et à l’économie un fonctionnement durable.

Nous savons que d’autres lois, déjà annoncées, sont appelées à mettre en œuvre les objectifs généraux, de long terme, fixés par ce projet de loi. Néanmoins nous savons aussi que les contraintes s’aggravent à mesure que la crise s’approfondit et obligent de ce fait à agir vite. C’est pourquoi, afin de donner plus de force aux engagements du Grenelle, quelques préalables paraissent devoir être réunis pour assurer une certaine cohérence au niveau de tous les acteurs publics impliqués dans le processus.

D’abord, sans doute, un préalable d’ordre financier et budgétaire – il est souhaitable que ce projet de loi de programme puisse nous apporter des précisions en matière de chiffrage et d’échéanciers –, mais aussi des préalables relatifs aux finalités du projet de loi de programme, qui font une large place à la compétitivité et au pouvoir d’achat, mais qui doivent aussi veiller à l’acceptabilité sociale des mesures proposées, au besoin en renforçant le processus pédagogique par le biais des acteurs sociaux.

Pour ce qui est de la gouvernance, nous avons tous compris que les préconisations du projet de loi sont importantes. Sur ce point, c’est pour nous autres, représentants de l’outre-mer, le moment de tirer pleinement profit de la réflexion engagée à bon escient par le Gouvernement et mise en œuvre sous votre impulsion, monsieur le ministre d’État, pour assurer les bases d’une véritable gouvernance écologique dans un domaine aussi déterminant pour nos régions d’outre-mer.

Fort opportunément d’ailleurs, le projet de loi soumis à notre examen consacre son titre VI à des dispositions spécifiques aux départements, régions et collectivités d’outre-mer, fixant pour elles des objectifs dans les domaines qui conditionnent leur expansion du fait de la richesse de leur environnement naturel.

Il est vraiment rassurant que ce projet de loi prenne en considération l’outre-mer comme un domaine de travail spécifique en tenant compte de son patrimoine écologique riche – bien décrit tout à l’heure par M. Letchimy – mais fragile parce que confronté à la totalité des risques naturels, une situation qui l’autorise désormais à prétendre mettre en œuvre de manière endogène une démarche fondée sur une éthique de responsabilité au service du développement durable.

C’est d’ailleurs à cet effet que, le 6 février 2008, un comité opérationnel propre à l’outre-mer et dénommé « Vers un outre-mer exemplaire » a été installé par vos soins, monsieur le ministre d’Etat, avec pour mission la déclinaison opérationnelle des engagements spécifiques à l’outre-mer et pour répondre à un enjeu fondamental : comment conjuguer la protection et l’utilisation d’un patrimoine naturel aussi exceptionnel avec le vrai développement économique et social de nos régions ultramarines, pour favoriser l’émergence d’un nouveau modèle de croissance sobre en carbone et en énergie ?

Ce comité, organisé en sept ateliers, a proposé des mesures pour la période 2009-2013 et portant sur des sujets variés qui vont des économies d’énergie dans l’habitat aux aménagements que nous proposons dans le cadre d’une politique de gouvernance de nos territoires. Il s’agit de propositions concrètes que nous entendons voir intégrées dès maintenant dans l’édifice législatif et réglementaire, même si leur mise en œuvre pourrait s’échelonner dans le temps. Certaines d’entre elles sont déjà consacrées dans le texte du projet de loi que nous examinons, telle la prise en compte dans le schéma d’aménagement régional des préoccupations de développement durable, notamment de la biodiversité et son évolution vers un schéma régional d’aménagement et de développement durable, toujours opposable aux tiers.


Il reste bien entendu à élaborer un véritable plan de gestion de l'espace maritime. Il importe de décrire ce que comprend la politique globale de prévention des risques naturels outre-mer dont la mise en œuvre est prévue d'ici à 2015, notamment pour renforcer le plan séisme aux Antilles, comme il importe d’améliorer la diffusion de la connaissance des risques naturels auprès des différents publics, pour qu'en 2013 l'ensemble des risques naturels soient connus, cartographiés et que chacun puisse en prendre connaissance. Il faut enfin, compte tenu du niveau de risques élevé dans nos régions, renforcer et pérenniser les dispositifs de surveillance et de vigilance, en conservant une approche multirisques.

À l'évidence, nos régions d'outre-mer souffrent dans des domaines majeurs d'une carence en matière de gouvernance qui peut se traduire par des retards dans l'action publique. C'est pourquoi je me réjouis dès à présent que la commission des affaires économiques, sous l'impulsion du député Serge Letchimy que j'ai accompagné en conscience et avec le soutien de son président, ait consenti à présenter un amendement à l'article 1er du projet de loi, amendement qui serait déterminant pour servir les intérêts généraux de nos régions d’outre-mer, car il appelle, pour y promouvoir au mieux un développement durable, à des mesures d'adaptation qui tiennent compte de leurs caractéristiques et contraintes particulières sur les questions environnementales.

Il s'agit en somme, monsieur le ministre d’État, de modifier la conception du développement pour l'adapter aux réalités du terrain.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Alfred Almont. Se présente en vérité l’exceptionnelle occasion de développer une nouvelle économie ultramarine, dont l’objectif majeur consisterait à élaborer une vitrine technologique exportable dans de nombreux États du monde et à faire de l’outre-mer un espace d’exemplarité.

L'objectif stratégique à consacrer est de permettre une meilleure appropriation par les décideurs locaux et les populations de la problématique du développement durable. Il importe de les associer au suivi du plan d'action outre-mer qui sera arrêté dans le cadre du Grenelle de l'environnement, pour leur permettre de concilier de manière responsable et durable les enjeux de la croissance et les exigences environnementales, de faire en quelque sorte du développement durable un atout concurrentiel.

M. le président. Merci, monsieur Almont.

M. Alfred Almont. Ce projet de loi nous donne de bonnes raisons d’espérer. Il consacre par ailleurs des orientations ambitieuses et originales. C’est pourquoi je le soutiendrai avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, chers collègues, les outremers sont une chance pour la République. Ils peuvent en tout cas l'être pour peu que la République veuille bien, de temps à autre, regarder ces territoires par-delà les océans, observer ce que sont leurs richesses et leur condition, sans toutefois oublier ce que fut leur histoire. Les outremers sont une chance parce que le métissage, la cohabitation culturelle ou confessionnelle est pour nous une réalité depuis toujours et que l'hexagone, aujourd'hui confronté à ces défis, gagnerait à s'intéresser à ce qui se passe chez nous.

Oui, les outremers sont une richesse extraordinaire pour la République, et cela est particulièrement vrai en matière environnementale. Votre texte, le reconnaît bien volontiers, monsieur le ministre d’Etat, et nous nous en réjouissons tous.

L'article 49 du projet de loi tient compte des départements, des régions et de l'ensemble des collectivités d'outre-mer. Il liste, de façon assez exhaustive, les principaux domaines sur lesquels nous avons à agir, et nous y reviendrons tout au long de ce débat. Cependant, que n'avons-nous saisi cette l'occasion pour aller beaucoup plus loin afin que nos spécificités soient mieux prises en compte et que les ambitions communes que nous partageons trouvent enfin une traduction concrète et rapide !

Les outremers mènent en effet des actions exemplaires en matière de développement durable et elles n'ont pas, je dois le dire, attendu le Grenelle pour cela. Elles se sont ainsi fixé, presque toutes, des objectifs très ambitieux pour atteindre l’autosuffisance énergétique. Et, je dois bien avouer, à regret, que vous ne leur donnez pas, monsieur le ministre d’Etat, les moyens de les atteindre plus vite.

En effet nos richesses, notre biodiversité, nos ressources naturelles, notre pharmacopée, si elles sont incontestables, ne doivent pas faire oublier que nous cumulons des retards et des handicaps structurels très lourds en divers domaines. Les risques sismiques et cycloniques en sont un exemple, et votre projet de loi soulève, en l'espèce, de réelles interrogations. Ainsi, le plan prévu à l'article 39 en matière sismique sera-t-il bien mis en œuvre avant 2015 ? Quels moyens financiers y seront consacrés, sachant que, pour un complexe scolaire, celui de Baimbridge transféré par l’État en 1986, ce sont au bas mot 90 millions d'euros qui sont aujourd'hui demandés à la région Guadeloupe, sans aucune aide de l'État ?

La gestion des déchets, particulièrement délicate en milieu insulaire et pour des territoires éloignés de la métropole, est un autre exemple de handicap, sachant que toute exportation de déchets non recyclables se fait au prix fort.

La gestion de la ressource en eau, le traitement des eaux usées, l'assainissement, la pollution de nos sols par les organismes organochlorés comme le chlordécone, la liste des problèmes est longue, mes chers collègues ! Sur la seule question de la pollution des sols, le plan comprenant la dépollution et l’indemnisation que nous réclamons depuis de très longs mois – le président Ollier en sait quelque chose – est malheureusement loin d'être mise en œuvre dans votre texte.

Cependant le plus dérangeant, c'est probablement que deux problématiques essentielles pour les outremers sont à mon sens tout simplement passées sous silence.

La première est celle de l’inadéquation totale de la fiscalité locale, et singulièrement régionale, aux exigences environnementales. Je suis bien placé pour mesurer ce dilemme kafkaïen, car plus la région investit dans le développement durable, plus elle se retrouve pénalisée financièrement : plus je pollue, plus je m’enrichis ; plus j’investis dans le propre, plus je m’appauvris, tel est le paradoxe. En effet, plus les habitants de ma région consomment de l'énergie fossile polluante, plus les finances des collectivités de Guadeloupe s'enrichissent de la taxe que nous percevons sur chaque litre de carburant consommé.

Sans craindre la boutade, je peux dire que la fiscalité locale mérite un vrai malus écologique ! Ce n'est pas ainsi que l'on incite les collectivités à investir dans les énergies renouvelables. Comprenez que, en disant cela, je suis en train de scier la branche fiscale sur laquelle je suis assis.

Ne faudrait-il donc pas, dans ces conditions, réformer cette fiscalité, d'autant que les régions ont mis en œuvre des plans exemplaires pour viser l'indépendance énergétique d'ici à 2015-2030 ? Ne conviendrait-il pas de déléguer aux collectivités la taxe générale sur les activités polluantes et de renforcer la défiscalisation en favorisant le rachat de l'énergie renouvelable ?

De même, du gaz naturel aurait, semble-t-il, été découvert au large de la Martinique. Serait-il possible, là encore, d’associer les régions à l’exploitation de ces gisements pour qu’elles perçoivent d'éventuelles redevances, au lieu d’attribuer les concessions à des entreprises australiennes dans la plus totale opacité ?

La seconde problématique est, à mes yeux, tout aussi essentielle. Mon collègue Serge Letchimy l’a déjà longuement évoquée : c'est celle de la gouvernance locale. En ce domaine, c'est à un radical changement de paradigme que nous vous appelons. Nous nous opposons en effet radicalement à la logique jacobine de votre texte, précisément en ces matières qui doivent absolument être adaptées aux réalités locales.

Je vais citer deux autres propositions concrètes que nous vous soumettrons par nos amendements : l'adoption d'une réglementation thermique spécifique aux régions tropicales en matière de constructions neuves, ou encore l'interdiction des lampes à incandescence sur nos territoires. Nous proposons également, à l'unisson de la proposition de l'Assemblée des régions de France, que les régions soient chef de file dans l'élaboration des plans Climat régionaux mais aussi dans le développement des énergies renouvelables et la protection de la biodiversité.

Monsieur le ministre d’Etat, j'ai envie de vous dire : « Faites nous confiance ! » D'autant qu'à bien des égards nous avons fait nos preuves et que le troisième alinéa de l'article 73 de la Constitution nous permet justement d'avoir ces réglementations adaptées.

M. le président. Concluez, monsieur Lurel.

M. Victorin Lurel. J'espère donc que c'est bien cet esprit-là qui vous guidera lors de l'examen de ce texte et des suivants. J'espère que vous ne suivrez pas le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, qui a récemment annoncé la nomination de « préfets verts », ce qui revient de facto à écarter les collectivités de la gestion de ces sujets essentiels.

Si nous voulons réellement traduire outre-mer les orientations de ce Grenelle, vous devrez donner demain aux collectivités non seulement les moyens financiers de mettre à niveau les infrastructures, mais également, en termes de gouvernance et de fiscalité locale, le pouvoir de le faire nous-mêmes. Je vous l’assure, mes chers collègues, le Grenelle ne se fera pas depuis Paris ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le Grenelle de l’environnement a bien évidemment été un formidable succès, grâce à l’engagement du Président de la République et à votre détermination. Je crois même qu’il a suscité un espoir qu’il ne nous faut pas décevoir et, au-delà, un consensus réel qui représente une vraie rupture idéologique.

Qu’il s’agisse de l’engagement des uns et des autres ou de leur expérience sur le terrain, nos témoignages, monsieur le ministre d’Etat, peuvent vous être utiles, dès lors que les expériences locales sont susceptibles de constituer de véritables laboratoires pour compléter ce projet de loi.

C’est avec toute ma détermination, aux côtés de mes collègues du groupe UMP, que je vous apporte mon soutien ainsi que le fruit de mon expérience locale.

Comme chaque année, une grande journée nationale des transports a été décrétée il y a quelques semaines, et il a été décidé que, ce jour-là, tous les transports en France seraient à 1 euro. Eh bien, j’ai veillé à ce que chez moi, depuis le 1er janvier dernier, cela soit le cas 365 jours par an. À la fin de mois de septembre, nous avons ainsi comptabilisé 22 millions de trajets supplémentaires sur les 63 millions de trajets effectués par les usagers des transports en commun, ce qui correspond à une économie de dix tonnes de CO2.

Fabienne Labrette-Ménager nous a expliqué tout à l’heure que, dans certains de nos territoires, on enregistre plus de soixante jours par an des taux d’ozone supérieurs à 185 grammes par mètre cube, soit la limite imposée par Bruxelles, au-delà de laquelle la santé est en jeu avec une recrudescence des maladies pulmonaires et de l’asthme. C’est donc bien par là qu’il faut attaquer le problème, et avec toute l’énergie possible.

La problématique des transports doit être au cœur du combat que nous avons à mener, et je veux saluer dans ce domaine le choix du principe « pollueur-payeur », que vous confirmez dans votre texte. Nous ne pouvons plus accepter que la France serve de poubelle aux grands transits internationaux qui partent du nord de l’Europe pour se rendre en Espagne, les poids lourds déversant chez nous leur CO2, quand l’Allemagne et la Belgique imposent depuis longtemps la taxe à l’essieu, laquelle contribue notamment au financement de toutes les infrastructures fluviales, ferroviaires et maritimes qui nous font défaut aujourd’hui mais que votre texte met à l’ordre du jour.

Cela fait longtemps que l’on parle du transport fluviomaritime. À l’initiative de François Grosdidier, nous avons inauguré, il y a trois ans, à La Maxe en Moselle, un appontement destiné au ravitaillement d’une usine EDF à charbon. La desserte par la Moselle a permis de supprimer près de 20 000 poids lourds par an sur la seule autoroute A31.

Cela fait trente ans que l’on parle du raccordement entre la Saône et la Moselle, comme du canal Seine-Nord . Nous avons six mille kilomètres de canaux en France, soit trois fois plus que l’Allemagne et la Belgique ; or ces deux pays font transiter cinq fois plus de marchandises par les fleuves que ne le fait la France.

Pour la traversée des Alpes, par laquelle plusieurs de nos collègues sont concernés, nous n’avons que trois passages : le Mont-Blanc, le Fréjus et Menton-Ventimille, avec une tarification très élevée pour le Mont-Blanc, un peu moins pour le Fréjus et si incitative à Menton-Ventimille que tout le monde choisit cette voie. Il faut donner un coup d’accélérateur au projet Lyon-Turin. Je vous sais beaucoup plus déterminé que ne le sont les Italiens et je vous remercie du combat que vous menez, mais c’est une nécessité, comme l’est l’ouverture d’autoroutes maritimes, si l’on songe qu’un porte-conteneurs de 350 mètres peut transporter 9 500 conteneurs, soit l’équivalent de 52 kilomètres de poids lourds sur une autoroute.


Il est fondamental que nous nous engagions de toutes nos forces, le plus vite possible, dans cette direction.

Je veux également, parmi d’autres sujets, relever la formidable intervention de M. Serge Grouard sur l’urbanisme : dans ce domaine, renforcer la cohérence entre densité de construction et transports en commun doit être une exigence.

Dans nos plans locaux d’urbanisme et nos schémas de cohérence territoriale, il faut réduire les droits à bâtir des constructions trop consommatrices d’énergie ; défiscaliser les travaux supplémentaires nécessaires pour atteindre les objectifs des bâtiments à énergie positive ; rendre la trame verte et bleue opposable au document d’urbanisme ; définir la notion de déchet dangereux ; créer des commissions consultatives pour l’environnement dans les ports comme dans les aéroports où elles fonctionnent de manière formidable. En effet trop de compagnies de transports – compagnies de croisières ou de ferrys – polluent nos ports sans qu’aucune mesure soit prise, et sans avoir l’obligation de se brancher dans les ports sur des transformateurs pour arrêter leurs moteurs : autant de sources de rejet de CO2 en milieu urbain, autant de combats à mener !

M. le président. Il faut terminer, mon cher collègue.

M. Christian Estrosi. Il faudrait évidemment évoquer encore bien d’autres sujets ; mais la France assure en ce moment la présidence de l’Union européenne, et elle a pris l’initiative de la création, le 13 juillet dernier, de l’Union pour la Méditerranée : autoroutes maritimes, réglementation des ports, lutte contre les tsunamis en Méditerranée, voilà trois sujets qui doivent aussi nous amener à préciser le rôle de la France, grand pays méditerranéen, dans l’Union pour la Méditerranée. C’est en tout cas, monsieur le ministre d’État, l’une des propositions que je vous fais.

Alors que de nombreuses contributions ont été très constructives, je déplore hélas – comme nombre de mes collègues – des interventions purement idéologiques, comme celle de Mme Gaillard (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Launay. Pour les brevets d’idéologie on connaît d’autres candidats !

M. Maxime Bono. Il n’a pas changé !

Mme Geneviève Gaillard. Il ne changera jamais !

M. Serge Grouard. Il a bien raison ! (Sourires)

M. Christian Estrosi. Je ne vous demande qu’une chose, monsieur le ministre d’État : tenez bon !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. En mai 2007, le Président de la République lançait le Grenelle de l'environnement en déclarant qu’il ne s’agirait pas d’un énième colloque qui se bornerait à constater l'urgence écologique ; selon lui l'époque des colloques était derrière nous, et le temps de l’action était venu. Un grand espoir est né : l’affichage était magnifique, et 273 engagements dessinèrent un nouveau modèle de développement durable. Le Grenelle faisait espérer une révolution écologique.

Nous sommes arrivés aujourd'hui à la mise en œuvre ; il fallait bien passer de l’idée à la décision ! Fort de cinquante articles, ce projet de loi est censé décliner les conclusions du Grenelle en égrenant les objectifs de l'État en matière de climat, de biodiversité, de santé, de gouvernance, d'exemplarité pour notre pays, en métropole, mais aussi dans les régions et départements d'outre-mer.

À la lecture de ce projet, notre déception est immense, et nous ne pouvons que constater le grand décalage entre les annonces et les délibérations finales, entre le discours et les actes. Pour résumer, nous sommes face à une obligation de résultats, mais sans moyens. Certes, la protection de l'environnement aura un coût, mais ne rien faire coûtera plus cher encore aux générations futures.

Il est vrai que nous avions déjà été alertés ; le risque était grand, nous le savions, que le Gouvernement dénature l'esprit du Grenelle. En effet, depuis plusieurs mois, nombre de décisions et de lois sont allées à l'encontre des conclusions du Grenelle. Je vous rappelle notamment les lois sur les OGM (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) ; je pourrais aussi bien citer la loi de modernisation de l’économie.

Je déplore de ne lire dans le texte qu'un recueil de bonnes intentions, notamment pour l'agriculture. L'ambition y est limitée, car il n'y a pas de financement clair, assuré et précis. Les engagements ne sont ambitieux que sur le papier, car rien ne permettra de mettre en œuvre les projets dès l’année prochaine.

Dans les articles 20 et 21 relatifs à l'arrêt de la perte de la biodiversité, la trame verte répondait à l'idée assez simple d'assurer la continuité naturelle reliant les grands ensembles – forêts, parcs naturels, lacs, etc. – pour que les espèces puissent se déplacer et pour préserver la biodiversité végétale. Cependant cette trame verte n'est pas opposable aux projets d'urbanisation et devra se reconstituer ailleurs, ce qui la dénature totalement. En outre, il me semble regrettable que l'agriculture biologique n’ait pas été envisagée comme une composante incontournable dans la constitution de ces trames vertes.

Je me demande d’ailleurs si vous voulez réellement favoriser la diffusion à grande échelle d'une agriculture durable et respectueuse de l'environnement, ou si vous voulez maintenir l’agriculture biologique dans une niche, certes élargie, mais dans une niche malgré tout.

S’agissant de la mise en conformité avec la directive-cadre sur l'eau et à son bon état écologique, il aurait fallu aller plus loin. C'est sur toutes les zones de captage que l'agriculture biologique doit être mise en place, non seulement pour permettre l'excellence en matière de ressource en eau, mais aussi pour réduire les coûts d'épuration en prévenant les pollutions à la source.

À l'article 28, relatif à l'agriculture diversifiée, productive et durable, vous affirmez le besoin de concilier, certes, la quantité, donc l'efficacité économique, et le réalisme écologique ; mais vous avez oublié d'y adjoindre la qualité de la production…

M. Christian Jacob, rapporteur. Il y a un amendement UMP pour corriger cet aspect !

Mme Catherine Quéré. …ce qui prouve une nouvelle fois que ce texte reste flou et qu'il ne montre pas une réelle volonté de résultat, une réelle volonté de s'engager et de se donner les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs annoncés.

Il faudra, pour réussir une évolution palpable de notre agriculture, mettre en place une véritable réforme de la politique agricole, agir sur les orientations futures de la politique agricole commune et diriger, notamment, une partie de la modulation vers le développement de l'agriculture biologique.

En conclusion, nous affirmons que ce projet de loi reste très flou et très frileux. Nous sommes face à un catalogue de bonnes intentions. Si le diagnostic sur la crise écologique était clair, et largement partagé, les solutions et les remèdes ne sont pas au rendez-vous ; ce projet de loi très limité est loin des objectifs fixés. Ce n'est pas ainsi que nous lutterons contre le changement climatique ; ce n'est pas ainsi que nous stopperons la perte de biodiversité et que nous préviendrons les risques pour l'environnement et la santé.

Ce texte est totalement en retrait des conclusions du Grenelle ; les contraintes y sont totalement absentes, ou presque.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Vous ne l’avez pas lu !

Mme Catherine Quéré. Pour que les mesures décidées soient crédibles, une loi de programmation et une planification à long terme des financements sont indispensables. Sans cela, nous n'avancerons pas de façon significative en matière de développement durable. Il faut que chaque mesure envisagée s'appuie sur un financement crédible, de sorte que la priorité prétendument accordée à l'environnement se traduise enfin dans le budget de l'État.

Ce texte ne permettra en rien de préserver notre planète, et j'ose même affirmer que, dépourvu de véritables moyens pour impliquer l’économie tout entière, il trahit en fait l’esprit du Grenelle.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. On ne peut pas dire cela !

Mme Catherine Quéré. C’est pourquoi je vous donne rendez-vous à la loi de finances ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte.Penser global, agir local, dans un esprit de développement durable : cette philosophie a inspiré le travail d’un groupe de députés UMP passionnés d’écologie, qui ont formé une équipe, en se donnant pour but de rester fidèles aux engagements du Grenelle de l’environnement tenu en octobre 2007.

Beaucoup a été dit, d’excellente manière. Je concentrerai mon propos sur le chapitre III du titre Ier, relatif aux transports. Ceux-ci sont en effet au cœur du développement durable.

De tout temps, le développement économique et culturel a supposé des échanges et des déplacements ; la route de la soie illustre à merveille ce propos. La révolution industrielle a lancé la mondialisation, par l’invention d’une motorisation sophistiquée qui équipe les bateaux, les trains, les avions. Aujourd’hui, l’énergie nucléaire équipe certains bateaux militaires et civils et alimente le réseau ferré, mais les énergies fossiles sont presque exclusivement utilisées par les transports routiers et aériens.

Les amendements que j’ai déposés concernent en priorité les transports.

S’agissant de la route, je souhaite que le produit des éco-pastilles prévues à l’article 12, alinéa 2, ou le produit de la taxe sur les poids lourds, prévue à l’article 10, ne serve pas seulement à financer de nouvelles infrastructures, mais soit aussi utiliser pour des opérations d’amélioration de l’environnement des riverains ; je pense à des opérations qui sont orphelines de tout financement, comme les couvertures d’autoroutes urbaines, et bien sûr, entre autres projets légitimes, à la couverture des autoroutes A15 et A115 dans la traversée urbaine de Sannois. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Grosdidier. Au hasard !

M. Yanick Paternotte. C’est un exemple ! (Sourires)

C’est une question d’éthique et d’équité, surtout quand les normes de pollution par l’oxyde de carbone, l’azote et le soufre sont supérieures à la normale et qu’il n’y a pas d’autre solution.

S’agissant du fret ferré, vous le savez, monsieur le ministre d’État, je milite activement pour le développement du réseau de lignes à grande vitesse et la création d’un réseau européen de lignes à grande vitesse dédiées au fret. Le réseau Eurocarex a été labellisé par la Commission européenne ; il figure dans les conclusions du Grenelle de l’environnement.

Deux projets de réseaux à grande vitesse me semblent stratégiques pour l’avenir.

Le premier, c’est l’interconnexion Ouest de la région parisienne, qui constituerait à terme une rocade à grande vitesse en Île-de-France. Une telle infrastructure permettrait d’éviter la saturation prévisible de l’interconnexion Est Roissy-Marne-la-Vallée-Massy, et offrirait une rocade ferrée de troisième génération à la région capitale, en connectant Roissy, Cergy-Pontoise, Saint-Quentin-en-Yvelines et Massy.

Le second, concerne la liaison Lille-Lyon par Saint-Quentin, Reims, Châlons-en-Champagne et Vatry ; il s’agit d’une liaison stratégique d’ambition européenne. Je suis convaincu que le réseau TGV de demain doit épouser les mêmes logiques d’aménagement du territoire que le réseau autoroutier. L’axe Lille-Lyon par Reims – M. Christian Estrosi l’a rappelé tout à l’heure – est un axe majeur des échanges européens. À l’horizon 2 020, il permettra de gagner du temps entre Lille et Lyon, entre Lille et Strasbourg, et à terme entre Lille et Turin. Il favorisera l’aménagement du territoire picard et champenois. Il connectera l’aéroport de Vatry au réseau européen. La réalisation d’une première tranche fonctionnelle, avec le barreau Reims-Vatry, permettrait de mettre en réseau Roissy et Vatry et de faire croître le fret aérien à Vatry.

Ces deux projets méritent d’être retenus, et leur étude d’être figée dans le marbre de la loi. C’est le sens de deux – excellents ! – amendements que j’ai déposés à l’article 11.

Pour financer les terminaux multimodaux de fret à grande vitesse de Roissy-Charles-de-Gaulle et de Lyon-Saint-Exupéry, je vous ai proposé plusieurs amendements à l’article 10, alinéa 5.

S’agissant des transports aériens, vous le savez, monsieur le ministre d’État, en tant que député du pôle de Roissy et président d’une association d’élus, je milite activement pour une réduction des nuisances aériennes de l’aéroport de Roissy. Il ne s’agit pas seulement de limiter le bruit, mais de le faire diminuer au voisinage des aéroports ; il ne s’agit pas seulement de faire diminuer la consommation de carburant par souci d’économie pour les compagnies, mais bien de prendre en compte la santé et la tranquillité des riverains.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. C’est très important !

M. Yanick Paternotte. Il ne suffit pas d’aboutir à un ciel unique européen ; il faut mieux codifier, par la loi, les couloirs et les approches aériennes en Île-de-France.

C’est pourquoi j’ai proposé au Gouvernement des mesures concrètes pour améliorer immédiatement la vie quotidienne des riverains de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle : supprimer les vols des groupes acoustiques 2 et 3 entre 22 heures et 6 heures du matin – concret ; instaurer un couvre-feu au Bourget entre 23 heures 30 et 6 heures, comme à Orly – concret ; plafonner à Roissy les vols de nuit entre 22 heures et 6 heures du matin – votre prédécesseur l’avait fait entre minuit et 5 heures du matin – à leur niveau actuel, soit 61 385 mouvements : concret encore ; instaurer un couvre-feu du doublé sud, entre minuit et 5 heures, en première phase, puis entre 22 heures et 6 heures, après avoir plafonné les vols de nuit – concret ; enfin, diversifier les approches, la nuit, en favorisant l’approche vent dans le dos et l’approche courbe, qui – nous l’avons vu lors des journées parlementaires UMP à Nice – ont un impact sonore moindre pour les riverains – concret.

M. le président. Il faut conclure.

M. Yanick Paternotte. Enfin, il faudrait mettre fin à la loi de la jungle des approches aériennes : il est temps de fixer par la loi les couloirs et les approches aériennes et de passer du pseudo-règlementaire à la loi ; il est temps de prescrire les zones où peuvent passer les aéronefs et, surtout, de définir les zones d’interdiction de survol. Pour mettre fin au western des airs, il est temps de créer un juge de paix et un shérif.(Sourires.)

La globalisation de l’économie permet, par le développement du fret et des échanges, de manger chaque jour une pomme provenant des quatre coins de la planète ; mais, depuis le mythe du jardin d’Éden et de la pomme croquée par Ève, nous savons que consommer sans discernement peut nous attirer des pépins ! (Sourires)

M. le président. Merci, monsieur Paternotte !

M. Yanick Paternotte. En ce sens, cette loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement est une loi de rupture qui replace l’homme et la responsabilité environnementale au cœur de la société. C’est une loi de progrès qui réhabilite le sens critique, grâce à l’étude d’impact et à l’évaluation des politiques publiques. C’est une loi qui réhabilite l’État stratège. C’est enfin une loi moderne, qui introduira des critères environnementaux, notamment relatifs à la biodiversité, dans les actions des institutions financières, économiques et commerciales. C’est une bonne loi qu’ensemble, nous allons essayer d’améliorer.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, aujourd’hui jeudi 9 octobre, à neuf heures trente :

Suite du projet de loi sur la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 9 octobre 2008, à une heure.)