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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 9 décembre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Anniversaire de la première séance de la première législature

2. Questions au Gouvernement

Relance du pouvoir d’achat et de la politique industrielle

M. André Gerin

M. François Fillon, Premier ministre

Avenir des instituts universitaires de technologie

M. Philippe Folliot

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur

Plan de relance

M. Georges Tron

M. François Fillon, Premier ministre

Réforme de l'audiovisuel

M. Didier Mathus

M. François Fillon, Premier ministre

Profanation du cimetière militaire de Notre-Dame-de-Lorette

M. Jean-Frédéric Poisson

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Plan de relance et aide à l’emploi

M. Bernard Perrut

M. Patrick Devedjian,

Ouverture des commerces le dimanche

M. Christian Eckert

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Réchauffement climatique

M. Bernard Deflesselles

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Plan de relance : investissements des collectivités territoriales

M. Éric Straumann

Plan de relance

M. Pierre-Alain Muet

M. Patrick Devedjian,

Développement du télétravail

M. Pierre Morel-A-L'Huissier

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Réforme de la recherche

M. Jean-Yves Le Déaut

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Départementalisation de Mayotte

M. Abdoulatifou Aly

M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer

Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal

3. Loi de finances rectificative pour 2008

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, l’économie générale et du plan

M. Jacques Lamblin

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

Exception d’irrecevabilité

M. Jérôme Cahuzac

M. Éric Woerth, ministre du budget

Présidence de Mme Catherine Vautrin

, M. Jean-Pierre Brard, M. Charles de Courson, M. Pierre-Alain Muet, Mme Marie-Anne Montchamp

Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal

Question préalable

M. François de Rugy

M. Éric Woerth, ministre du budget, M. Jérôme Chartier, M. Jean Launay, M. Jean-Claude Sandrier

Discussion générale

M. Jean Launay

M. François de Rugy

M. Charles de Courson

M. Henri Nayrou

M. Abdoulatifou Aly

M. Dominique Baert

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Anniversaire de la première séance de la première législature

M. le président. Mes chers collègues, aujourd’hui 9 décembre, nous célébrons, jour pour jour, le cinquantième anniversaire de la première séance de la première législature de la Ve République. À cette occasion, j’ai le plaisir de vous annoncer que tous les débats depuis 1958 sont en ligne depuis ce matin en ligne sur le site de l’Assemblée. (Applaudissements.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Relance du pouvoir d’achat et de la politique industrielle

M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Gerin. Avec la crise financière, la France paye cash l’abandon industriel dont elle a été victime depuis Georges Pompidou. La France est blessée, attaquée par les ogres de la finance, victime de ce que j’appelle le pétainisme industriel.

Il faut empêcher les pertes d’emplois industriels, éviter l’effondrement de notre industrie. La consommation demeure un pilier essentiel de la croissance. Il faut relancer le pouvoir d’achat des salaires, des pensions, des retraites. C’est vital.

Je propose, avec les députés communistes, un plan ORSEC pour les PME de moins de vingt salariés. Il faut protéger nos secteurs stratégiques. Actuellement, on nous vole des activités du fait de l’insuffisance des fonds souverains. Il faut mobiliser l’épargne pour aider l’emploi dans les régions. Il faut moderniser l’assurance crédit, qui exerce un véritable droit de vie et de mort sur les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles – il y a des chefs d’entreprise qui sont traités comme des délinquants pour 3 000 euros de découvert. Il faut réformer l’accès aux marchés publics, qui privilégient encore les grands groupes et demeurent aléatoires pour les PME. Il faut en finir avec les délais de paiement insupportables, en se souvenant que les plus mauvais élèves sont souvent l’État et les grands services publics. Il faut, enfin, instaurer une fiscalité équitable à l’échelle européenne pour les PME, loin du maquis technocratique qui profite aux privilégiés.

Monsieur le premier ministre, l’État va-t-il intervenir pour répondre aux préoccupations vitales des PME, avec des dispositions ciblées pour les équipementiers et les sous-traitants ?

M. Patrick Roy. Ça m’étonnerait !

M. André Gerin. Enfin, il faudrait se mobiliser pour relocaliser des activités industrielles abandonnées depuis vingt ou trente ans, et reconstituer des filières françaises, créatrices d’emplois, à l’exemple de l’Allemagne.

M. Jean Auclair. La question !

M. André Gerin. Monsieur le Premier ministre, dans l’intérêt de la France, allez-vous prendre ces mesures que réclament les acteurs de l’économie et de la production ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Vous avez daté de la fin du mandat de Georges Pompidou les difficultés de l’industrie française ; j’en conclus que vous avez fait, avec l’ensemble des membres de cette assemblée, une autocritique forte sur les politiques menées dans les années 1980 et 1990 ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

J’en conclus aussi que vous allez soutenir les mesures que nous proposons, puisque la plupart de celles que vous venez d’évoquer figurent dans le plan de relance qui a été proposé par M. le Président de la République. (« Non ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Vous nous dites qu’il faut investir dans les industries stratégiques : nous avons annoncé la création d’un fonds stratégique qui est déjà doté de vingt milliards d’euros et qui va investir dans les secteurs stratégiques. Nous avons d’ailleurs déjà commencé en prenant une participation dans les Chantiers de l’Atlantique.

Vous nous dites ensuite qu’il faut réformer l’assurance crédit : nous sommes en train de le faire. Nous avons déjà mis en place une garantie d’État pour éviter l’effet de blocage dû à l’excès de prudence de l’assurance crédit.

Vous nous dites encore qu’il faut réduire les délais de paiement : j’imagine que vous avez voté la loi de modernisation de l’économie, qui a décidé de réduire les délais de paiement à soixante jours pour le secteur public comme pour le secteur privé !

Vous nous dites encore qu’il faut réformer les marchés publics : nous vous proposerons, dès le début du mois de janvier, une réforme profonde des marchés publics, en particulier pour aider les PME bloquées par une complexité aussi gênante pour les collectivités locales que pour les entreprises elles-mêmes.

Vous nous dites enfin que la fiscalité européenne sur l’entreprise doit devenir plus équitable : comme notre fiscalité sur les entreprises est la plus élevée d’Europe,…

MM. André Gerin et Roland Muzeau. Ce n’est pas vrai !

M. François Fillon, Premier ministre. …il en découle naturellement que vous souhaitez, avec nous, la réduire !

M. Jean-Paul Lecoq. Et le pouvoir d’achat ?

M. François Fillon, Premier ministre. Je suis heureux, monsieur Gerin, que nous puissions progresser ensemble dans cette direction. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Mais vous avez aussi indiqué que vous souhaitiez une relance par la consommation. Permettez-moi de vous dire qu’une telle relance n’aurait pas beaucoup de sens dans un contexte de baisse rapide des prix et de baisse des taux d’intérêt ; il ne se trouve presque aucun grand économiste pour la recommander et elle n’est pratiquée en Europe que par la Grande-Bretagne, qui seule a vu sa consommation baisser aussi drastiquement, et qui a abandonné depuis longtemps son industrie nationale.

Mais vous devez, je pense, garder le souvenir de la glorieuse relance par la consommation de 1981, quand, soutenant le Gouvernement de l’époque, vous aviez décidé de créer massivement des emplois publics, d’augmenter massivement les salaires, de réduire le temps de travail et l’âge de départ à la retraite ! (Mouvements divers.)

Le résultat, ce fut une augmentation sans précédent du chômage (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), une augmentation de l’inflation, une augmentation de nos déficits intérieurs et extérieurs. (Même mouvement.) Le résultat, ce fut le fameux plan de rigueur, la dévaluation de la monnaie, le gel des salaires et des prix – c’est le plan que vous appelez de vos vœux depuis dix-huit mois et qui, comme vous pouvez le constater, n’est pas au rendez-vous cette fois-ci !

Je sais bien qu’il ne faut pas toujours regarder dans le rétroviseur de l’histoire ; mais il est parfois utile de tenir compte des leçons qu’elle nous offre, surtout quand, comme le groupe communiste, on en a été un acteur important ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Avenir des instituts universitaires de technologie

M. le président. La parole est à M. Philippe Foliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, le 10 août 2007, la majorité a voté la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, texte essentiel pour sortir notre enseignement supérieur de la situation difficile dans laquelle il est confiné depuis de trop nombreuses années.

L’application de ce bon texte laisse toutefois fois planer de lourdes incertitudes sur le devenir des instituts universitaires de technologie. Étudiants, enseignants, directions unanimes manifestent en ce moment même leurs légitimes inquiétudes.

En quarante ans, le réseau des IUT a su construire, au sein des universités, en partenariat étroit avec les entreprises et leurs organisations, une carte nationale des diplômes technologiques. Il a contribué à la démocratisation de l’enseignement supérieur en développant une large offre pédagogique qui a permis d’accueillir un public diversifié et de l’accompagner dans des parcours de réussite. Il a su, en outre, associer les bassins d’emplois et les collectivités et participer à l’aménagement du territoire et au développement de l’activité économique dans les régions.

Ce résultat est essentiellement le fruit d’un mode de gouvernance responsabilisant pour les acteurs des IUT, qui ont développé des équipes pluridisciplinaires et plurielles, incluant des professionnels, construites autour d’objectifs de formation.

Le réseau des IUT, avec ses 50 000 diplômés chaque année, a donc pleinement devancé les objectifs de professionnalisation des cursus et la nouvelle mission d’insertion professionnelle que votre loi assigne désormais aux universités.

Compte tenu des délais très courts impartis pour la mise en œuvre de cette réforme, quelles modalités comptez-vous retenir pour asseoir un véritable fléchage des crédits de façon à permettre aux IUT d’assumer la spécificité de leurs missions de formation ?

Par ailleurs, quelles garanties l’État apportera-t-il pour le maintien du caractère national des diplômes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur.

M. Patrick Roy. Et des IUT à la dérive !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur. Monsieur Folliot, les IUT constituent à nos yeux des piliers de notre système d’enseignement supérieur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comme vous l’avez très bien dit, ils remplissent une triple mission, fondamentale, d’insertion professionnelle, de promotion sociale et de développement des territoires.

Je veux dire à tous les étudiants, à tous les enseignants, aux directeurs et aux présidents d’IUT qu’ils n’ont rien à craindre de l’autonomie des universités, car ils en seront les premiers bénéficiaires. L’État sera garant du bon déroulement du passage à l’autonomie des universités.

Première garantie : le cadre national des diplômes ne sera en rien affecté par l’autonomie des universités. Les diplômes restent nationaux.

M. Frédéric Cuvillier. Prouvez-le !

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur. Je vous renvoie au code de l’éducation !

Deuxième garantie : le financement des IUT sera assuré en tenant compte du coût supérieur de la formation d’un étudiant d’IUT, lié à son caractère technologique. Pour 1 euro de financement destiné à un étudiant de filière générale, nous consacrerons 2,08 euros pour un étudiant d’IUT. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, je rappelle que les universités autonomes seront désormais financées en fonction de leur performance. Or la performance, c’est l’insertion professionnelle, et l’insertion professionnelle, c’est la force des IUT. C’est ce qui me pousse à dire que les IUT seront les premiers bénéficiaires de l’autonomie.

Pour les étudiants et les professeurs des IUT, l’autonomie est donc une chance. N’oublions pas que le budget des universités autonomes augmentera de 15 % l’année prochaine. Mon ministère veillera à ce que tout se passe bien. Nous mettons en place un comité de suivi, avec une charte de bonnes pratiques et des conventions d’objectifs seront signées entre les universités et les IUT, qui seront, je le répète, les premiers à bénéficier de l’autonomie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Plan de relance

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Tron. Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interroger sur le volet entreprises du plan de relance.

Personne ne conteste plus que la crise s’aggrave depuis plusieurs mois. Le Gouvernement a réagi en différentes étapes. Au mois d’octobre, la première décision prise a été d’exonérer de taxe professionnelle les nouveaux investissements, puis, au mois de novembre, vous avez débloqué 20 milliards d’euros afin de recapitaliser les entreprises. La crise continuant à s’aggraver, le Gouvernement vient de lancer un second plan de 26 milliards d’euros qui comporte plusieurs mesures structurantes.

D’abord, l’État va rembourser par anticipation plus de 11 milliards d’euros de dettes – FCTVA, crédit impôt-recherche – aux entreprises. Ensuite, une série de mesures sont prises pour aider les secteurs en difficulté. Ainsi, 1,4 milliard d’euros sera destiné au secteur du logement et un fonds de restructuration de l’automobile, secteur qui représente 2,5 millions d’emplois, sera doté de 300 millions d’euros destinés aux sous-traitants, sans parler du versement d’une prime à la casse de 1 000 euros en échange de l’achat d’un véhicule neuf répondant à des critères écologiques.

Monsieur le Premier ministre, je vous demande de mettre en perspective les différentes relations qui existent entre, d’une part, les différentes étapes du plan de soutien aux PME en France et, d’autre part, toutes les mesures prises au niveau européen, et dont nous avons vu hier encore, à l’occasion de la visite du Président de la République au Premier ministre britannique, qu’elles sont concertées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le député, depuis le début de la crise, nous avons montré qu’il était important d’agir massivement, rapidement et de la façon la plus coordonnée possible au niveau européen. C’est ce que nous avons fait pour la crise financière, et l’on peut constater que le plan européen a été, d’une certaine manière, plus efficace que le plan américain parce qu’il a été mis en œuvre plus rapidement, pour des raisons liées en particulier à la situation politique interne aux États-Unis.

S’agissant de la crise économique, nous avons voulu agir exactement de la même manière. Le plan annoncé par le Président de la République est un plan massif puisqu’il représente 1 % du PIB. Ce sont donc 26 milliards d’euros qui seront injectés dans l’économie, dont les trois quarts dès l’année 2009. C’est une somme considérable, surtout si l’on mesure l’importance des stabilisateurs sociaux qui existent dans notre système économique. Il faut noter que, comme ils n’ont pas de stabilisateurs sociaux, les États-Unis sont dans l’obligation de faire un plan de relance beaucoup plus ambitieux.

Ce plan de relance doit être immédiat. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu que, dès cet après-midi, le Parlement soit saisi, dans le cadre de la loi de finances rectificative, de toutes les mesures à caractère fiscal, qui permettront en particulier à l’État de rembourser par anticipation ses dettes vis-à-vis des entreprises, réinjectant 11 milliards d’euros dès 2009 dans la trésorerie des entreprises françaises.

Les PME sont au cœur de ce plan car elles seront les premières bénéficiaires de l’augmentation de 10,5 milliards des investissements publics par l’État et les entreprises publiques, et de l’exonération de la taxe professionnelle sur les investissements nouveaux. Elles bénéficieront aussi du fonds stratégique que j’ai évoqué tout à l’heure en répondant à M. Gerin, des 11 milliards d’euros dont je viens de parler, ainsi que des aides conjoncturelles prévues pour le secteur automobile et celui du bâtiment.

S’agissant du secteur automobile, nous avons conçu un plan massif. Nous allons d’abord l’aider à vendre les stocks de véhicules, non seulement en améliorant le système de bonus-malus, mais aussi à travers le refinancement direct des banques internes des constructeurs afin qu’elles puissent réalimenter le crédit. Nous mettons en place un fonds permettant d’alimenter la restructuration de l’ensemble du secteur, qui a déjà été doté de 300 millions d’euros, dont 200 millions apportés par les constructeurs.

Nous sommes en train de travailler à un dispositif global de financement de l’industrie automobile, qui peine à trouver sur le marché, compte tenu de la pénurie de liquidités, les moyens financiers dont elle a besoin.

J’ajoute que les constructeurs savent qu’ils n’auront accès à ces dispositifs que s’ils acceptent de signer avec l’État une convention qui les conduira à renoncer à délocaliser leur production dans d’autres territoires que le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme de l'audiovisuel

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Didier Mathus. Monsieur le Premier ministre, vous voilà confronté à une sévère déconvenue sur le projet de réforme de l’audiovisuel, puisque vous êtes aujourd'hui dans l’impossibilité d’assurer son adoption avant la fin de l’année.

M. Richard Mallié. À qui la faute ?

M. Didier Mathus. Ce fiasco parlementaire du Gouvernement était prévisible : pourquoi en effet vouloir légiférer au pas de charge en décrétant l’urgence sur un projet sensible qui porte atteinte à la liberté de la presse et coûtera, de surcroît, 450 millions d’euros au contribuable, sinon pour alimenter les caisses de MM. Bouygues et Bolloré et de leurs amis du club du Fouquet’s ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le groupe socialiste, qui a conduit cette offensive, assume et revendique son opposition radicale à ce projet dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Qui donc, en cet hiver 2008, dans une France meurtrie par la crise, les suppressions d’emplois et le recul du pouvoir d'achat, a réclamé cette mesure absurde et coûteuse, hormis M. Bouygues ? Qui a réclamé que, toutes affaires cessantes, au lieu de s’occuper des hôpitaux en faillite, des sans-abri, des chômeurs et de la misère qui monte, on consacre 450 millions d’euros à satisfaire les amis du Président de la République, hormis le Président lui-même qui privatise ainsi l’action publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Démago ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Surtout, qui n’a pas compris que l’objectif ultime de ce projet n’est autre que de mettre la télévision publique en laisse en ruinant son indépendance et la liberté de ses dirigeants, afin de préparer l’élection présidentielle de 2012 ?

M. François Grosdidier. Ridicule !

M. Didier Mathus. En tout cas, les Français, eux, l’ont bien compris, puisqu’un sondage paru ce matin montre que 56 % d’entre eux considèrent que ce projet porte atteinte à l’indépendance de la télévision. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Même dans vos rangs des voix s’élèvent, et non des moindres, puisqu’il s’agit de celles de deux anciens Premiers ministres, pour condamner ce projet et demander son ajournement. Comme l’écrit dans un hebdomadaire conservateur un membre de l’Académie française plus proche de vos idées que des nôtres, Jean-Marie Rouart : « Ce projet archaïque sent la vieille chaussette poutinienne ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous prie de poser votre question, monsieur Mathus.

M. Didier Mathus. Ma question est simple : monsieur le Premier ministre, quand allez-vous retirer ce projet dont personne ne veut ? (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. La déconvenue sera la vôtre, car nous ne retirerons évidemment pas un projet que nous avons bien l’intention de mettre en application à la date prévue. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Dans quelques mois, l’histoire retiendra assez sévèrement la bataille que vous avez conduite pour empêcher la mise en œuvre d’une réforme que vous avez souhaitée durant des années (Protestations sur les bancs du groupe SRC - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et que nous réaliserons : une télévision publique débarrassée de la contrainte de la publicité et 450 millions d’euros supplémentaires pour la création. (« Liberté ! Liberté ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie d’écouter M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Vos hurlements feront rire dans quelques mois ! (« Liberté ! Liberté ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Je vous en prie ! (Mêmes mouvements.) Laissez parler le Premier ministre !

M. François Fillon, Premier ministre. C’est ainsi que Martin Karmitz, qui n’est pourtant pas un ami de la majorité, a écrit récemment que le Président de la République aura sans doute, avec cette réforme, sauvé la télévision publique. (« Liberté ! Liberté ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR – Plusieurs députés du groupe UMP se lèvent pour applaudir le Premier ministre.)

M. le président. Mes chers collègues, ce genre de manifestation ne relève pas des débats parlementaires ! (Vives exclamations et huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Profanation du cimetière militaire
de Notre-Dame-de-Lorette

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’associe André Flajolet à ma question, qui s’adresse à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. La communauté nationale a subi dans la nuit de dimanche à lundi, au cimetière de Notre-Dame-de-Lorette, un véritable attentat. En effet, plus de 500 tombes musulmanes et juives ont été profanées – un acte inqualifiable. Je prie à cette occasion M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement de transmettre à Mme la garde des sceaux, visée par certaines inscriptions, toute notre sympathie.

Madame la ministre, mon collègue André Flajolet et moi-même, à la demande de Jean-François Copé, avons souligné dans un rapport remis récemment qu’une profanation de sépulture est commise tous les trois jours en moyenne, sans que cela ait, loin de là, l’impact médiatique des événements les plus spectaculaires, si j’ose dire, comme celui dont il est ici question.

Le nombre annuel de délits de ce type, à peu près stable désormais, nous conduit à vous poser trois questions.

La première porte directement sur les événements de la nuit de dimanche à lundi. Êtes-vous en mesure de nous dire, madame la ministre, où en est l’enquête diligentée par la gendarmerie nationale sur cet acte criminel ?

La deuxième porte sur la nécessaire surveillance des cimetières et des lieux de mémoire les plus sensibles, ou les plus susceptibles d’être touchés par des actes de profanation. Le secrétaire d’État aux anciens combattants, M. Bockel, a évoqué l’utilisation éventuelle de moyens vidéo. Qu’en est-il ? Comment le Gouvernement pourrait-il aider les collectivités locales à mettre en place un tel dispositif ?

Enfin, il est nécessaire que la transmission de la mémoire d’une génération à l’autre s’appuie sur des actions pédagogiques dans le cadre de l’enseignement scolaire, mais également sur une meilleure intégration des cimetières dans la gestion locale. Comment les collectivités locales peuvent-elles être aidées à cette fin ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Henri Emmanuelli. Et de la garde à vue !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Les actes de profanation sont ignobles, intolérables et révoltants. (Applaudissements sur tous les bancs.) Nous partageons tous ce sentiment.

Monsieur Poisson, soyez assuré que tous les moyens d’enquête et de police technique et scientifique sont déployés sur le terrain pour relever tous les indices possibles, nécessaires à l’identification, l’interpellation et le défèrement à la justice des auteurs de cet acte. Le laboratoire d’enquêtes criminelles de la gendarmerie se trouve sur place à cette fin.

Il est vrai que cette nécropole a déjà subi trois attentats de ce type : en avril 2007, en avril 2008 et tout dernièrement. Pour les actes d’avril 2007, deux majeurs de dix-huit et vingt et un ans ont été interpellés et condamnés par la justice à deux ans de prison dont un avec sursis, et un mineur de seize ans a été condamné à huit mois de prison. Pour le deuxième attentat, deux personnes ont été interpellées et mises en examen, dont une avait déjà été condamnée pour le premier acte. Naturellement, nous ferons tout pour retrouver très rapidement les auteurs de celui qui vient d’avoir lieu.

Ensuite, la nécropole s’étendant sur 13 hectares, la surveillance s’en révèle d’autant plus difficile. Nous allons par conséquent tâcher de la renforcer, mais il faut aussi prendre en considération le fait que la profanation en question s’est déroulée dans un brouillard épais ; il n’est donc pas certain que des caméras auraient permis une identification.

Je puis vous assurer que nous ressentons tous le même sentiment : la profanation des tombes constitue, quelle que soit la religion visée, une atteinte intolérable aux morts, à leur famille et, en l’occurrence, à la mémoire de ceux qui ont combattu pour la France.

Dans ces circonstances, monsieur Poisson, le Gouvernement étudiera avec la plus grande attention toutes les propositions formulées dans le cadre de la mission que vous conduisez avec M. Flajolet, car il est de notre devoir moral à tous d’empêcher la répétition de telles profanations. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Plan de relance et aide à l’emploi

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Perrut. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, que le groupe UMP accompagne de ses vœux au moment où il prend ses nouvelles fonctions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – mouvements divers sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Bernard Perrut. Le Président de la République et le Gouvernement manifestent avec détermination leur volonté de surmonter la crise, et non de la subir, grâce à un plan ambitieux pour notre pays.

Le plan de relance de l’économie s’appuie sur l’investissement pour soutenir l’activité ; il contribuera à endiguer la montée du chômage et préparera la compétitivité de demain. Mais il faut aller encore plus loin pour lutter contre le chômage qui pèse sur le moral des ménages et sur les anticipations des investisseurs.

Monsieur le ministre, quelles mesures nouvelles proposez-vous pour encourager nos petites entreprises à embaucher ? Elles attendent, comme vous le savez, la diminution du coût du travail et donc des charges patronales.

Dans le même temps, comment entendez-vous accompagner les salariés victimes de licenciements économiques, les aider à retrouver un emploi et compenser le plus tôt possible leurs pertes de revenus ?

Reconnu pour sa logique économique, ce plan ne peut oublier les conséquences de la crise sur les plus fragiles, les plus modestes. Parce que l’État doit être à leurs côtés, quels engagements prenez-vous pour renforcer les solidarités auprès de nos concitoyens, ceux qui bénéficient des minimasociaux, ceux qui attendent un logement, mais aussi les familles, les retraités aux fins de mois difficiles (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), qui, à quelques jours de Noël, attendent des signes forts de votre part pour 2009 ?

Monsieur le ministre, donnez-leur confiance, ils en ont besoin, et soyez assurés de notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Je vous remercie, monsieur Perrut, de vos paroles de bienvenue.

Pour assurer la relance, le Gouvernement a évidemment fait le choix d’un plan d’investissement, dans un pays qui a encore une grande industrie comparativement à la Grande-Bretagne, qui n’a plus, hélas ! comme vecteur économique que la finance et le pétrole. Cela dit, un plan d’investissement permet de distribuer du travail, donc des salaires et du pouvoir d’achat. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Mais il s’agit aussi d’un plan social, qui a deux volets : un volet emploi, très important, et un volet logement.

Pour ce qui concerne le volet emploi, le Gouvernement a tout d’abord prévu une mesure d’anticipation du RSA À cet effet, il consacrera 800 millions d’euros, dès le début de l’année 2009, à la prime exceptionnelle versée au public éligible au RSA.

Deuxièmement, les entreprises de moins de dix salariés – je réponds directement à votre question – seront, comme vous le savez, exonérées de charges pour toute nouvelle embauche.

Troisièmement, 500 millions d’euros seront consacrés aux politiques actives de l’emploi ; dix-huit bassins d’emploi supplémentaires bénéficieront ainsi de l’extension des contrats de transition professionnelle. Cette politique permettra de développer l’embauche et offrira une continuité de formation professionnelle aux intéressés.

M. Maxime Gremetz. Oh là là !

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Ce plan comprend donc toute une dimension sociale,…

M. Maxime Gremetz. Oh là, là !

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. ...même s’il privilégie l’investissement, essentiel pour créer du pouvoir d’achat, comme notre population le réclame. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ouverture des commerces le dimanche

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Eckert. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, la République serait-elle à géométrie variable ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) D’un côté, vos préfets traduisent devant le tribunal administratif les maires qui ne peuvent pas mettre en œuvre votre loi inapplicable sur le service minimum d’accueil. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Scandaleux !

M. Christian Eckert. D’un autre côté, des ministres de votre gouvernement vont ostensiblement serrer la main à des patrons de grandes surfaces qui ouvrent en toute illégalité le dimanche. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrick Roy. Vraiment scandaleux !

M. Christian Eckert. Cela s’est encore produit ce week-end, dans le Val-d’Oise et ailleurs.

Pour l’ouverture des commerces et des services le dimanche, vous soutenez une proposition de loi qui légalise les commerces hors-la-loi,…

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Christian Eckert. …au mépris des protestations venant de toutes les organisations syndicales salariales à l’unisson, mais aussi patronales, à la quasi-unanimité. Mme Parisot, quant à elle, a tombé le masque et s’est montrée hostile au droit de refus des salariés.

Vie de famille désorganisée, vie associative sabordée, vie culturelle massacrée et vie sociale derrière le caddy, sans argent pour payer aux caisses.

M. Richard Mallié. Caricature !

M. Christian Eckert. Pour soutenir la consommation, imposez des salaires décents plutôt que des horaires déments ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Sous la contrainte, le chantage à l’emploi, face à des salaires indécents, vous ne laissez d’autre choix aux salariés que de sacrifier leur vie personnelle pour vivre.

Monsieur le Premier ministre, cette proposition de loi cynique, inique, décriée jusque dans votre propre camp et qui va contre l’éthique et la qualité de notre vie, allez-vous la faire adopter de nuit, en catimini, noyée dans un autre texte, contre l’avis de l’immense majorité des Français, ou bien la retirer purement et simplement de l’ordre du jour ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Et du chômage !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, merci pour vos encouragements. Monsieur Eckert, savez-vous qui était avec Luc Chatel et moi-même dimanche dernier ? Mme la maire d’Éragny.

M. Richard Mallié. Et comment s’appelle-t-elle ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Qui est la maire d’Éragny ? C’est Mme Gillot, ancienne ministre socialiste. Savez-vous qu’elle nous a demandé de faire voter ce texte le plus rapidement possible pour apporter une solution aux salariés concernés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la vérité, et vous avez oublié de la dire, monsieur Eckert !

Encore une fois, vous faites une triple erreur : économique, sociale et sociétale. (« Non, c’est vous ! » sur les bancs du groupe SRC.) Erreur économique, parce que vous n’entendez pas les salariés dire très clairement, comme à Éragny, qu’ils ne veulent pas perdre 15 % à 20 % de leur salaire, et parce que vous méconnaissez que les étudiants veulent pouvoir continuer à travailler le dimanche plutôt que tard le soir. Préserver leurs emplois, préserver leurs revenus, voilà ce qu’ils attendent et que nous allons faire.

M. Marcel Rogemont. Respectez d’abord la loi !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Vous commettez aussi une erreur sociale. Plutôt que de demander un maximum de garanties pour les salariés dans les zones concernées – ce que la majorité va faire (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR) –, vous restez dans l’invective et la caricature, sans chercher à améliorer leur situation.

Enfin, l’erreur sociétale, c’est d’oublier de dire que le dimanche n’est pas un jour comme les autres, que le principe du repos dominical va être confirmé dans la loi (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), et de ne pas reconnaître que de nouvelles habitudes de consommation se sont installées dans notre pays.

Une triple erreur : c’est bien la marque de fabrique du parti socialiste ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Réchauffement climatique

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Deflesselles. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Cette semaine, l’Europe et la communauté internationale sont face à un défi majeur : s’accorder d’abord, et réussir ensuite le plan de lutte contre les conséquences du réchauffement climatique.

Les 11 et 12 décembre, c’est-à-dire demain, le Conseil européen va tenter d’obtenir un accord politique sur un objectif ambitieux mettant en oeuvre la règle dite des « trois fois vingt » : moins 20 % d’émissions de gaz à effet de serre ; moins 20 % de consommation d’énergie ; 20 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020.

L’enjeu est essentiel pour l’environnement, mais aussi pour nos économies, car les efforts de recherche à entreprendre sont porteurs d’une « croissance verte » indispensable pour contrecarrer les effets de la crise économique que nous subissons aujourd’hui.

L’Europe se doit en effet de demeurer exemplaire, pour elle-même, mais aussi pour l’ensemble de la communauté internationale.

En effet, cette semaine, se joue également en Pologne, à Poznan, sous l’égide des Nations unies, le début de la négociation du processus de l’après-Kyoto.

Signé par 180 pays, cet accord international vise, depuis 1997, à lutter au niveau planétaire contre le réchauffement climatique. Prenant fin en 2012, il doit donc être poursuivi et amplifié. C’est tout l’objet de ces négociations qui devraient aboutir au sommet de Copenhague en décembre 2009. L’annonce d’un accord européen, pratiquement le même jour, constituerait donc un signal attendu de la volonté européenne de jouer un rôle de leader dans ce dossier. Des obstacles restent pourtant à surmonter pour inciter les Américains, les Chinois, les Indiens, ainsi que certains pays émergents, à s’engager plus avant.

Pourriez-vous, monsieur le ministre d’État, nous rappeler la position de la France dans cette double négociation, ses objectifs et ses espoirs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, je rappelle que vous avez présidé la mission d’information de votre assemblée sur le changement climatique.

La question est de savoir quelle planète nous allons laisser à nos enfants. À cet égard, cette semaine est probablement la plus importante. Dans les heures qui viennent, en Pologne, les chefs d’État et de gouvernement du monde entier se réuniront pour tenter de préparer l’accord de Copenhague, afin de mettre enfin un terme à la déforestation, de lutter contre le changement climatique et d’en finir avec la situation que nous connaissons, autrement dit ce véritable pillage de nos ressources.

Mais en même temps, parallèlement à la réunion de Poznan, tout le monde retient son souffle sur ce qui va se passer en Europe. Les vingt-sept pays de l’Union européenne, qui ont des histoires industrielles, énergétiques, climatiques, politiques parfois, différentes vont-ils effectivement valider les engagements énoncés un an plus tôt ? Vont-ils effectivement s’engager dans le domaine des énergies renouvelables ? Vont-ils effectivement réduire leurs besoins énergétiques ? L’Europe, dont nous avons toujours dit qu’elle était le chevalier blanc de ce combat, va-t-elle effectivement prendre des mesures contraignantes, réelles, efficaces et évaluables ?

Où en sommes-nous ?

M. Patrick Roy. Nulle part !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Sur toute la partie technique, il est certes compliqué de mettre tout le monde d’accord. Reste que, s’agissant des énergies renouvelables, les choses ont été bouclées hier. En ce qui concerne les émissions de CO2 par les voitures, l’accord sur l’objectif d’un passage de 160 grammes à 95 grammes par kilomètre a été bouclé la semaine dernière. Sur la répartition des engagements par pays, l’accord a été bouclé techniquement.

M. Maxime Gremetz. Tout va bien !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. En ce qui concerne la qualité des carburants, c’est aussi bouclé. Sur la solidarité en revanche, les discussions ne sont pas terminées.

Tout cela est le résultat d’un énorme travail technique sur lequel la présidence française n’a pas ménagé sa peine. Au final, les chefs d’État et de gouvernement se réuniront jeudi après-midi, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui n’a cessé, depuis des semaines et des semaines, d’aller persuader les uns et les autres, malgré la crise, de leur répéter que la crise financière passerait, mais pas la crise écologique. Le moment arrive où le président français va demander aux Vingt-sept de s’engager politiquement et définitivement sur ce paquet : à ce moment-là seulement, à Poznan, on applaudira. On applaudira l’Europe et on applaudira Barack Obama. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plan de relance : investissements des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Éric Straumann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Éric Straumann. Ma question s'adresse à M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance économique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Premier investisseur public, les collectivités locales réalisent près de 70 % de l'investissement public et dépensent environ 57 milliards d’euros. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) L'impact de leurs investissements sur la dynamique économique nationale est indéniable, particulièrement en termes d'activité et d'emploi dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Ce secteur emploie plus de 1,7 million d'hommes et de femmes qui contribuent à l'équipement de notre pays ainsi qu’à l'amélioration du cadre de vie des Français.

Les investissements sont estimés à 35 milliards d'euros pour les communes, 13 milliards d'euros pour les départements et 9 milliards d'euros pour les régions. Les collectivités locales doivent répondre à des besoins importants en matière de transports publics urbains, de développement des nouvelles technologies, de mise aux normes et d'environnement. Sans elles, l'investissement public s'effondrerait des trois quarts.

Je connais bien nos collectivités. Elles ont dans leurs cartons des projets qui peuvent se réaliser rapidement, dans la mesure où certains obstacles techniques et financiers sont levés.

M. Manuel Valls. La rénovation urbaine !

M. Éric Straumann. Nous traversons une crise structurelle sans précédent. L'investissement public local permet d'apporter une réponse rapide et vigoureuse pour soutenir notre économie.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de soutenir et de libérer cette volonté d'investissement des collectivités locales, qui sont des acteurs fondamentaux de notre économie ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Vous avez tout à fait raison, monsieur le député (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), les collectivités territoriales sont des acteurs fondamentaux de la relance économique et les chiffres que vous avez mentionnés sont exacts. (Mêmes mouvements.) Plus de 70 % de l’investissement public est le fait des collectivités territoriales. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a, ce matin, réuni tous les préfets à l’hôtel Matignon…

M. Henri Emmanuelli. Faux !

M. Patrick Devedjian , ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. …pour leur donner des instructions extrêmement précises, afin qu’ils puissent activer tous les projets qui sont dans les cartons des collectivités locales, lesquelles, comme vous l’avez souligné, ne demandent qu’à les faire démarrer. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de mesures sont prises au plan financier, la première et la plus importante étant le remboursement par anticipation du fonds de compensation de la TVA, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, ce qui est pour le moins substantiel !

M. Henri Emmanuelli. Ce sont des dettes !

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Les contrats de plan État-régions, notamment dans le domaine routier, seront par ailleurs activés. En outre, pour lever un certain nombre d’obstacles administratifs qui freinent la réalisation des projets, le Parlement sera très prochainement saisi d’un ensemble de mesures de simplification qui permettront de lancer les projets beaucoup plus tôt. Le but du Gouvernement est de faire en sorte que les trois quarts de l’investissement prévu dans le plan de relance démarrent dès 2009 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Plan de relance

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le Premier ministre, je vous ai attentivement écouté expliquer à deux reprises pourquoi votre plan de relance ignore complètement le pouvoir d’achat. En faisant l’impasse sur le pouvoir d’achat, non seulement vous poursuivez la politique injuste que vous mettez en œuvre depuis dix-huit mois, mais vous commettez une erreur économique majeure, car vous n’apportez pas les bonnes solutions à la crise et vous vous trompez sur ses causes réelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Pierre-Alain Muet. Si nous sommes en récession, c’est parce que, depuis le 1er janvier de cette année, le pouvoir d’achat est en recul. Cela a entraîné une chute de la consommation au premier trimestre, laquelle, en contractant la demande des entreprises, a entraîné une baisse de l’emploi et de l’investissement, ce à quoi est venu s’ajouter, depuis l’été, la crise financière. Mais votre politique se contente de traiter les conséquences sans s’attaquer à la cause, qui est la baisse du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Nous ne sommes pas opposés à une relance de l’investissement – encore faudrait-il que vous redonniez aux collectivités locales, qui réalisent 70 % de l’investissement public, les moyens que vous leur supprimez depuis des années (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) –, mais la vraie question est celle du pouvoir d’achat. Ceux de nos partenaires européens qui sont confrontés au problème ont pris des mesures pour l’investissement, mais aussi pour le pouvoir d’achat, en baissant la TVA au Royaume-Uni…

M. François Goulard. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre-Alain Muet. …en augmentant fortement les subventions aux ménages modestes en Espagne.

Pour faire face à la crise, nous vous recommandons depuis des mois de vous occuper du pouvoir d’achat, d’augmenter le SMIC – ce que vous n’avez jamais fait (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) –, de revaloriser les petites retraites…

M. le président. Venez-en à votre question, mon cher collègue !

M. Pierre-Alain Muet. …de faire en sorte que les négociations salariales débouchent sur des hausses de salaires.

M. Yves Nicolin. Incompétent !

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous prendre en compte la dimension de la crise et vous préoccuper réellement du pouvoir d’achat ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Monsieur le député, la crise s’impose à tout le monde, et elle est suffisamment grave pour que nous nous écoutions les uns les autres avec respect : c’est tous ensemble que nous devons affronter ces difficultés.

Faut-il, demandez-vous, relancer par la consommation ou par l’investissement ? Il s’agit là d’un faux débat. Quand nous relançons par l’investissement, cela a évidemment un effet sur la consommation. L’investissement, c’est du travail ; le travail, ce sont des salaires ; les salaires, c’est du pouvoir d’achat.

Vous citez l’exemple de la Grande-Bretagne. Permettez-moi de me répéter : la Grande-Bretagne, qui a choisi d’abandonner sa politique industrielle, n’a plus guère d’autres vecteurs économiques que la finance et le pétrole. La situation y est donc totalement différente et la consommation s’y est effondrée. On comprend qu’elle ait pris d’autres mesures. Mais, en dehors de la Grande-Bretagne, tous les pays européens ont fait le choix d’une politique de relance par l’investissement, qui produit des effets sur le pouvoir d’achat.

Vous prétendez que le Gouvernement a abandonné les gens en difficulté. Permettez-moi de vous rappeler que nous avons entrepris de relever les petites retraites de 25 % en cinq ans, dont 5 % cette année. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce n’est jamais suffisant, j’en conviens ! Reste que, cette année, les prestations sociales auront augmenté de 17 milliards d’euros. Le plan de relance prévoit 800 millions de primes exceptionnelles pour les ménages modestes, destinées à anticiper la mise en place du RSA.

M. Jean Glavany. Pour Sarkozy, c’est plus de 100 % d’augmentation !

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Il faut en finir avec cette vision hémiplégique qui voudrait que l’on choisisse entre la consommation et l’investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Développement du télétravail

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Je ne peux laisser dire à l’opposition que nous n’avons rien fait pour le SMIC alors que, depuis 2002, nous l’avons revalorisé et harmonisé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Ma question s’adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail et des relations sociales.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et du chômage !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Le développement du télétravail en France est en retard, alors que les nouvelles technologies – téléphonie mobile, ordinateurs ultraportables, réseaux, accès internet – se multiplient. Voici un an et demi, j’ai remis à M. le Premier ministre un rapport sur cette nouvelle forme de travail. Ayant analysé le secteur privé, le secteur public et celui des travailleurs indépendants, j’ai pu mesurer notre retard culturel, institutionnel et syndical en la matière, ainsi que l’émergence rapide du télétravail aux États-Unis, au Canada et dans plusieurs pays européens comme la Suède.

Le télétravail offre de nombreux atouts : une meilleure organisation du temps, une économie en termes de transport et de surface de bureaux, une amélioration de la performance des salariés et, partant, des entreprises. Cette organisation du travail fournit aussi de nouvelles solutions aux travailleurs handicapés, aux femmes au foyer et aux territoires ruraux.

J’ai récemment déposé une proposition de loi avec MM. Decool et Gérard, suite à quoi M. Copé nous a confié une mission sur le sujet. À travers ses ateliers pour l’emploi, l’UMP s’est également mobilisée, avec Patrick Devedjian et Frédéric Lefebvre.

En 2002, un accord-cadre européen a été élaboré par l’ensemble des partenaires sociaux. La France, en 2005, a été le dernier pays à le transposer dans son droit. M. Besson, dans son excellent plan pour l’économie numérique, a repris plusieurs de ses stipulations relatives au télétravail. Quelle est la volonté du Gouvernement, monsieur le ministre, de promouvoir le télétravail en France, en liaison avec les partenaires sociaux, en faveur de nos concitoyens, de nos entreprises et de nos territoires ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Patrick Roy. Et du chômage !

M. Maxime Gremetz. La Picardie est la région de France qui a le plus fort taux de chômage ! Il atteint 15 % à Saint-Quentin ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Oui, le télétravail est une piste intéressante pour notre pays, comme vous l’avez rappelé. Seuls 6 à 7 % des salariés ont recours aux technologies de l’information en dehors de leur lieu de travail, contre près de 25 % aux Pays-Bas.

Mais il faut également apporter des garanties aux salariés, de sorte qu’ils n’aient pas le sentiment d’être isolés chez eux, loin de leurs collègues et de leur lieu de travail. C’est pourquoi l’accord national interprofessionnel de 2006, qui fait suite à la disposition européenne que vous évoquiez, a permis de planter le décor et de confirmer ces garanties. Le télétravail fonctionne sur la base du volontariat...

M. Patrick Roy. Et le téléchômage ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. …et toute personne faisant le choix du télétravail est prioritaire pour prendre un poste sans télétravail dans l’entreprise dès que l’un de ceux-ci se libère.

J’étais il y a peu avec M. Méhaignerie dans une entreprise de sa circonscription, Webhelp, qui permet le recours au télétravail. Ses dirigeants, pionniers en la matière, nous ont indiqué qu’ils disposeraient d’ici deux mois, ainsi que les représentants du personnel, d’un retour d’expérience qui permettra d’envisager comment mieux cibler la communication sur les atouts du télétravail et quelles autres dispositions restent à prendre.

J’ai bien étudié, monsieur le député, la proposition de loi que vous avez déposée – sur un sujet que vous connaissez par cœur – suite au rapport que vous avez remis au Premier ministre. Dans un pays comme le nôtre, il nous faut, dans le cadre général du code du travail, offrir davantage de possibilités. Le télétravail en est une, à n’en pas douter. C’est dans cet esprit que le Gouvernement entend poursuivre son travail avec les partenaires sociaux et les parlementaires ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Réforme de la recherche

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Yves Le Déaut. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Deux phrases résument la situation française : « J'ai honte de la misère des universités » et « Gardons un CNRS fort pour réussir la réforme de la recherche ». Deux phrases prononcées par Albert Fert, prix Nobel Français de physique en 2007.

Malheureusement, vous ne l'avez pas suffisamment écouté, puisque le démantèlement du CNRS en neuf instituts et trois pôles, la réduction de près de 1 000 emplois dans les universités ou la recherche et la baisse des crédits effectifs dans les laboratoires ont conduit une nouvelle fois les chercheurs à descendre dans la rue. Les directeurs de laboratoires viennent d’entamer une grève des expertises scientifiques. Le récent conseil d'administration du CNRS, fait unique dans son histoire, a même dû se tenir sous protection policière !

Sans doute allez-vous répondre, madame la ministre, que tout va très bien, et que votre budget est le mieux doté. Mais celui que vous nous avez présenté tient du mirage : alors que vous annonciez des hausses mirobolantes, les laboratoires touchent moins de crédits. L’inflation, les mesures de rattrapage, le projet de loi de finances rectificative ou le crédit impôt recherche qui, au final, aide les entreprises à se développer – ce qui est une bonne chose –, mais n’apporte pas de crédits frais aux laboratoires, font que leurs crédits stagnent ou régressent. Ces mesures sont prises au pas de charge, sans concertation avec le Parlement, au mépris des personnels –notre collègue Philippe Folliot rappelait tout à l’heure que les IUT sont également dans la rue.

Des prix Nobel, des médaillés d’or du CNRS, des directeurs de laboratoires, l’association « Sauvons la recherche » et les syndicalistes vous demandent de rétablir les postes supprimés et d’instaurer un moratoire sur les mesures en cours. Car, dans un monde qui devient de plus en plus complexe, il ne faut pas toucher à la pluridisciplinarité, mais au contraire l’encourager. Le découpage par appartements du CNRS est une mauvaise chose pour la France et un mauvais coup pour la science.

Madame la ministre, dans la période de crise que connaît notre pays, la recherche, l’enseignement supérieur et l’innovation doivent jouer un rôle moteur, car les mines du XXIe seront des mines de matière grise. Comment allez-vous restaurer la confiance et dissiper les inquiétudes du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche ? Êtes-vous prête à doter les laboratoires d’emplois nouveaux, de crédits supplémentaires, et à améliorer fortement la carrière des chercheurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Le Déaut, je vous avoue que je suis un peu déçue. Je pensais que vous preniez la parole pour saluer la décision prise par le Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la semaine dernière, de retenir le pôle universitaire lorrain, dans le cadre de l’opération Campus, et de lui donner ainsi les moyens d’avoir une vraie visibilité internationale, à la hauteur de son potentiel. Une décision qu’ici, avec tous les élus de Lorraine, vous appeliez de vos vœux, monsieur Le Déaut ! Dès lors qu’on reçoit des moyens nouveaux et considérables, qui permettent le rayonnement d’un territoire, on remercie, monsieur Le Déaut ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avec l’opération Campus, ce sont 5 milliards d’euros de crédits exceptionnels pour le rayonnement de notre recherche et de notre université, qui vont s’ajouter aux moyens et aux priorités budgétaires que nous avons retenues pour l’enseignement supérieur et pour la recherche. Plus que jamais, la recherche est notre arme anticrise, notre arme pour le rebond, et le plan de relance du Président de la République la met au cœur de nos préoccupations : 4,5 milliards d’euros de crédits nouveaux ont été annoncés la semaine dernière pour permettre à la recherche de produire plus de résultats, plus d’innovation, plus de croissance et plus d’emplois. Le budget de mon ministère, monsieur Le Déaut, va croître cette année, non pas de 6,5 %, mais de 26 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, 26% pour la recherche, avec un programme inédit de revalorisation des carrières, des universités autonomes et puissantes, des organismes qui vont se réformer en profondeur pour mieux rayonner, pour être plus efficaces et mieux coordonnés !

Je vous remercie, monsieur Le Déaut, de m’avoir permis de dire tout cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Départementalisation de Mayotte

M. le président. La parole est à M. Abdoulatifou Aly, pour les députés non-inscrits.

M. Abdoulatifou Aly. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

Au mois de mars prochain, les femmes et les hommes de Mayotte seront appelés à se prononcer sur l’avenir institutionnel de leur île et sa transformation en département d’outre-mer. C’est un événement important pour notre République : la création d’un cent unième département, passez-moi l’expression, ce n’est pas rien !

C’est aussi un événement historique pour Mayotte, puisque les Mahorais l’attendent inlassablement depuis plus de cinquante ans et, plus encore, depuis qu’ils ont réitéré, en 1974 et 1976, le choix volontaire du maintien de l’île dans la France.

Plus que jamais, la départementalisation et son corollaire, l’accession au droit commun national et européen, sont les gages indispensables du développement économique et social de l’île. Encore faut-il qu’il s’agisse, non d’un département au rabais, d’un département à moitié ou d’un département « croupion », mais d’un vrai département dans la plénitude de ses prérogatives, compétences et moyens.

Ma question est donc triple. Allez-vous organiser un débat parlementaire sur ce sujet dans les prochaines semaines, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, comme il est prévu par la loi organique du 21 février 2007 ? Pouvez-vous nous confirmer que la consultation référendaire portera sur une question simple, appelant une réponse univoque de type « oui ou non », et à laquelle ne sera pas adossé un texte qui ne pourrait qu’en dénaturer le sens ? Pouvez-vous, enfin, nous indiquer selon quel calendrier sera mis en œuvre, à l’issue du référendum, pour le processus de transformation de Mayotte non seulement en département d’outre-mer, mais aussi en région ultrapériphérique de l’Union européenne ?

Monsieur le secrétaire d’État, à ces questions précises, les Mahorais attendent des réponses claires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur le député, le Gouvernement donnera des réponses claires à ces questions précises. En effet, comme vous le savez, le Président de la République vous recevra avec les élus Mahorais, le 16 décembre, pour vous présenter la feuille de route qui servira de base à la mise en place – si les Mahorais en décident ainsi à l’issue du référendum du mois de mars prochain – de la départementalisation. Vous disposerez alors de l’ensemble des éléments que vous souhaitez.

Pour que la question posée soit à la fois simple et valide sur le plan juridique – le Gouvernement partage avec vous cette préoccupation et considère que les Mahorais ne doivent avoir à se prononcer que par oui ou par non –, elle est aujourd’hui soumise au Conseil d’État. Vous en connaîtrez naturellement, dans les semaines qui viennent, la formulation précise. Comme l’a promis le Président de la République pendant sa campagne, et si les Mahorais le décident, Mayotte deviendra de façon progressive et adaptée le cent unième département français ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal.)

Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Loi de finances rectificative pour 2008

Discussion d'un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2008 (n°s 1266, 1297, 1290).

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter, une fois n’est pas coutume, le second projet de loi de finances rectificative de l’année, avant un autre l’année prochaine. Il ne faut pas s’en étonner, la crise que nous traversons appelle des réponses rapides, des réponses nouvelles à des situations sans précédent.

Nous avons apporté la démonstration de cette réactivité une première fois au lendemain des événements qui ont menacé l’équilibre de notre système financier, avec le vote de la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie en octobre.

Nous en donnerons une autre preuve en débattant dès janvier prochain d’un projet de loi de finances rectificative pour 2009 destiné à financer les mesures budgétaires du plan de relance de l’économie qui ont été présentées par le Président de la République la semaine dernière.

Le second collectif pour 2008 dont nous entamons l’examen répond lui aussi à l’urgence de la situation. Il se situe dans ces perspectives et il en tient compte. Il constitue le support de la mise en œuvre du volet fiscal du plan de relance, à travers des amendements que Christine Lagarde, Patrick Devedjian et moi-même présenterons au cours du débat.

Je regrette les délais très courts qu’un tel choix vous laisse pour traiter ces sujets, mais je sais pouvoir compter sur votre compréhension de la situation pour mener à bien ce débat. Nécessité fait loi et, en l’occurrence, loi de finances rectificatives.

Il s’agit de donner sans délai une traduction à l’ensemble des mesures fiscales de niveau législatif qui ont été annoncées la semaine dernière et qui, pour certaines, trouvent à s’appliquer dès le mois de décembre.

Ce point majeur ne constitue toutefois pas du tout la seule ambition du collectif que je vous présente. Il en traduit deux autres, celle de maintenir le cap de la maîtrise de la dépense, qui est et qui reste, quelles que soient les circonstances, au cœur de notre politique budgétaire, et celle de poursuivre la rénovation en profondeur des relations entre l’administration fiscale et les contribuables.

Commençons par les prévisions budgétaires contenues dans ce projet de loi de finances rectificative.

La conjoncture pèse très lourdement sur les déficits budgétaires en 2008, nous en avons déjà abondamment parlé, mais, en dépit de conditions difficiles, nous continuons à tenir la dépense.

Le projet de loi évalue le déficit budgétaire pour 2008 à 51,4 milliards d’euros, chiffre en hausse de 2 milliards par rapport à la prévision de déficit retenue en septembre au moment de la présentation du projet de loi de finances pour 2009 et reprise dans la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie. Par rapport à la loi de finances initiale, le déficit est alourdi de presque 10 milliards, 9,7 milliards exactement.

Cette dernière révision de 2 milliards est la simple traduction de la réactualisation des prévisions de recettes fiscales depuis le début de l’automne. La détérioration de la situation économique nous conduit en effet à revoir à la baisse le produit attendu de ces recettes.

Cette baisse est essentiellement concentrée sur deux postes.

Il y a d’abord l’impôt sur les sociétés, pour un milliard, compte tenu des répercussions de la crise financière et, dans une moindre mesure, du ralentissement économique au second semestre. Seul le versement du quatrième acompte dans les deux dernières semaines du mois de décembre nous permettra de lever définitivement l’incertitude sur ces recettes, qui, je le rappelle, sont déjà particulièrement volatiles en temps normal.

Nous attendons également un milliard en moins de la TVA, sous l’effet d’une augmentation significative des remboursements et dégrèvements. Une partie de cette augmentation, 600 millions d’euros, tient en réalité à la restitution de la TVA collectée à tort sur les contributions d’exploitation versées par les conseils régionaux à la SNCF au titre des transports régionaux de voyageurs. J’ai eu l’occasion de préciser à votre commission des finances le détail de ces opérations et j’ai écrit à l’ensemble des présidents de conseil régional pour leur indiquer comment nous entendions traiter la question.

Pour autant, l’aggravation du déficit causée par ces moindres recettes fiscales ne nous autorise en aucun cas à relâcher l'effort de maîtrise de la dépense. Je mets naturellement à part les conséquences du choc d’inflation que nous avons connu en début d’année et que nous ne pourrons surmonter totalement, même si l’inflation – et c’est tant mieux – ralentit. Nous supporterons en 2008 quatre milliards environ de dépenses supplémentaires liées aux charges d’intérêt de la dette pour les obligations indexées.

Le collectif confirme l’objectif de maîtrise de la dépense à l’exception de ce dépassement, purement contraint. Il compense de manière stricte les ouvertures de crédits par des annulations du même montant : le 1,1 milliard de crédits ouverts pour assurer la couverture de besoins apparus en cours de gestion est ainsi intégralement compensé par l’annulation de 1,1 milliard de crédits sur l’ensemble des missions du budget général, en priorité sur la réserve de précaution constituée en début d’année.

Je tiens à souligner l’effort particulier que nous déployons pour la remise à niveau d’un certain nombre de dotations versées aux organismes de sécurité sociale afin d’assurer le financement de prestations ou d’exonérations de charges sociales. Ce sont ainsi 800 millions d’euros qui sont inscrits en vue d’éviter la reconstitution d’une dette dont l’expérience montre qu’elle est toujours difficile à rembourser : 236 millions pour le financement de l’allocation pour adulte handicapé, 36 millions pour l’allocation de parent isolé, 94 millions pour l’aide médicale d’État, 100 millions pour les aides personnelles au logement, 215 millions pour le remboursement des exonérations de cotisations sociales outre-mer, 90 millions pour les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP. Cette énumération a le mérite de montrer l’importance de l’effort consenti : 800 millions d’euros, ce n’est pas rien, dans le contexte actuel !

Nous nous astreignons à cette remise à niveau, à laquelle il serait pourtant bien tentant de se soustraire. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la responsabilité des comptes publics ne nous permet plus de céder à cette facilité, et à chaque fois que c’est possible, nous traduisons ce principe dans nos textes financiers.

En complément de l'effort de remise à niveau des dotations versées à la sécurité sociale au titre de l'année 2008, j'ai souhaité procéder à un nouvel apurement de la dette constituée par le passé vis-à-vis des régimes sociaux.

M. Jérôme Cahuzac. Il en reste !

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est vrai, mais le Gouvernement poursuit l’effort engagé l’an dernier en affectant le surplus de recettes de la loi TEPA pour couvrir le remboursement de 750 millions d’euros de dettes anciennes dont notamment près de 400 millions au régime des indépendants et 300 millions aux régimes de sécurité sociale de la SNCF et de la RATP.

Je ne peux pas apurer d’un seul coup les errements du passé, comme me le demande régulièrement la Cour des comptes ; mais en améliorant la budgétisation dans le PLF 2009, en prenant des mesures dans ce collectif après celles de l’année dernière, nous mettons progressivement fin, et ce de manière très significative, à des pratiques que la Cour a stigmatisées à plusieurs reprises. La Cour joue son rôle, et nous en tenons compte.

Nous n’abandonnons donc rien de notre stratégie à la fois de maîtrise de la dépense publique et de remboursement des dettes du passé. Pour autant, nous ne sommes nullement en contradiction avec les mesures que le Président de la République a annoncées la semaine dernière à Douai pour répondre à la crise.

Il y a, d’un côté, une volonté intacte, réaffirmée et renforcée de rendre un meilleur service public tout en gagnant en productivité sur les charges de personnel et les coûts de fonctionnement. Tous les travaux réalisés à l’occasion de la révision générale des politiques publiques sont pleinement d’actualité. La programmation budgétaire pluriannuelle que vous avez votée il y a quelques semaines, dans la lignée de la RGPP, est plus que jamais indispensable parce qu’elle garantit l’efficacité de la dépense ainsi que la transparence de la trajectoire de cette dépense ; nous aurons naturellement à réactualiser cette trajectoire pour tenir compte du plan de relance.

Mais il y a aussi, d’un autre côté, l’exigence d’une intervention active, adaptée et ciblée de l’État pour affronter la crise. Le plan de relance de l’économie est le contraire d’une politique de laxisme budgétaire : c’est une priorité donnée à la qualité de la dépense. Ce plan est constitué de mesures à fort impact sur l’économie, ciblées sur des priorités bien identifiées, limitées dans le temps, réversibles. C’est un plan fondé sur une puissante accélération de l’effort d’investissement, alors que l’investissement a trop souvent été considéré par le passé comme une variable d’ajustement budgétaire – une mauvaise variable d’ajustement –, au mépris de l’avenir. Ce plan n’a donc rien à voir avec ces plans budgétairement débridés comme on a pu en connaître par le passé et qui se seront toujours soldés par des coûts à assumer pendant une bonne vingtaine d’années.

Voilà le message que je voulais d’emblée rappeler solennellement : nous ne lâchons rien sur l’effort de réduction de la dépense, tout en engageant un plan solide de lutte contre la crise.

C'est en améliorant l'efficacité de l'État dans ses tâches quotidiennes, en réduisant ses coûts de fonctionnement avec ténacité que nous parviendrons à préserver sa capacité à mobiliser les moyens nécessaires en période de crise. Il s’agit, d’une certaine façon, de la solvabilité de l’État, et nous voyons bien, dans la situation actuelle, combien la solvabilité est un élément fondamental de la stratégie et de l’indépendance d’un État.

La dépense reste donc fermement maîtrisée, mais ce projet de collectif s'inscrit aussi pleinement dans la relance de l'économie, en ne cherchant pas à compenser les moins-values de recettes et en vous proposant de voter, quelques jours à peine après leur annonce par le Président de la République, les mesures fiscales dont ont besoin nos entreprises.

M. Jean-Pierre Brard. De quoi se mêle-t-il ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Avec Patrick Devedjian et Christine Lagarde, nous vous présenterons des amendements en ce sens.

En dehors de l'augmentation de la charge de la dette, l'aggravation du déficit budgétaire ne fait que traduire le jeu des stabilisateurs automatiques – sociaux et économiques – dans un contexte très dégradé. Laisser les recettes fiscales diminuer avec le ralentissement de la croissance est en soi – on l’oublie souvent – dans un premier temps, une réponse, rapide et puissante, à la crise. Comme le Premier ministre l’a rappelé tout à l’heure, ce n’est pas un instrument dont peuvent disposer tous les États, et lorsque l’on compare les réponses des différents États à la crise, il convient aussi de mettre en regard le volume de ces stabilisateurs automatiques.

Je l'ai dit et redit depuis la présentation du projet de loi de finances pour 2009, en septembre : nous avons choisi d’ajouter de la relance. Nous ne voulons pas ajouter de la crise à la crise en cherchant à compenser de moindres recettes par une augmentation des prélèvements obligatoires. Ce n’est pas notre politique, cela ne l’était pas hier, et cela ne le sera pas demain. Au-delà du jeu des stabilisateurs automatiques, des mesures concrètes ont donc été prises ; elles prennent place soit dans le projet de collectif initial, soit dans les amendements qui y seront apportés.

Deux orientations illustrent la cohérence du plan de relance. La première est le soutien à l'investissement, et ce grâce à deux mesures.

Il s’agit tout d’abord d’une mesure d'exonération de taxe professionnelle sur les investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2009. C'est une mesure très puissante, bien accueillie par les entreprises, notamment les PME. Nous engageons ce soutien à l’investissement sans délai, en attendant une réforme de plus grande ampleur de la fiscalité locale.

Je tiens à souligner à nouveau, comme je l'avais indiqué à votre commission des finances, que cette mesure s'appliquera aussi aux entreprises bénéficiaires du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée.

Elle se veut extrêmement lisible, et j’ai cru comprendre que le rapporteur général présenterait des propositions pour en améliorer encore la clarté pour les entreprises comme pour les collectivités locales.

Pour les entreprises, cela représente une baisse de taxe professionnelle de l'ordre d’un milliard d’euros, mais cette baisse ne pèsera sur les finances publiques qu'à partir de 2011, et son coût sera limité par rapport au dispositif actuel de dégrèvement pour investissement nouveau, qui n'était que provisoire et dégressif.

Seconde mesure pour inciter les entreprises à réinvestir : l’accélération de l'amortissement des biens acquis ou fabriqués jusqu'au 31 décembre 2009. Christine Lagarde présentera cette mesure. II y aura une sortie de crise, et j'espère qu'elle sera rapide ; mais il ne faut surtout pas renoncer à préparer l'avenir, et l’État le fait en accélérant ses investissements. Il incite, par ces dispositions, les entreprises à en faire autant.

La seconde priorité, traduite dans les amendements que vous aurez à examiner, est l’accélération du remboursement aux entreprises des créances qu’elles détiennent sur l’État. En temps de crise financière, la première contrainte pour l'investissement, c'est le financement. Il est donc du devoir de l'État, comme des collectivités locales, d'accélérer le paiement de ce qui est dû aux entreprises.

Dans cette perspective, nous allons permettre aux entreprises de bénéficier, à titre exceptionnel, d'un remboursement accéléré du crédit d'impôt recherche. Elles pourront ainsi se voir restituer en 2009 les créances de crédit d'impôt recherche au titre des années 2005, 2006 et 2007, soit trois années. Concrètement, ce remboursement immédiat bénéficiera à près de 5 000 entreprises, dont plus de 90 % de PME, notamment dans les secteurs des services et de l'industrie.

Les entreprises en situation de carry back, c'est-à-dire en situation déficitaire mais avec un crédit d’impôt sur les sociétés imputable à leurs versements d'IS passés, pourront aussi se voir rembourser immédiatement cette créance en 2009.

Par ailleurs, toutes les entreprises qui estiment, au vu de leur résultat fiscal, avoir versé des acomptes trop importants en 2008 pourront demander le remboursement du trop-perçu dès le début de l'année 2009, sans attendre la déclaration du mois d'avril.

J'ajoute, enfin, que nous réduirons également les délais de remboursement des crédits de TVA, en permettant à toutes les entreprises d'opter pour le remboursement au mois le mois, ce dont elles n’ont pas aujourd’hui la possibilité, dans la plupart des cas.

Par ailleurs, j'ai donné instruction aux services fiscaux et aux URSSAF – vous pouvez le vérifier dans vos départements – de faire preuve de la plus grande bienveillance à l'égard des entreprises rencontrant actuellement des difficultés de trésorerie. Ces instructions sont d'ores et déjà appliquées et suivies chaque semaine.

J'ai souhaité aller plus loin, en assouplissant les règles qui prévalent pour l'inscription et la publicité du privilège du Trésor. Nous aurons l'occasion d'en discuter dans ce collectif puisque je présenterai un amendement du Gouvernement sur le sujet. Il est très attendu par les entreprises.

Nous n'oublions pas les ménages : le doublement du prêt à taux zéro, par exemple, viendra conforter les projets d'accession de nos concitoyens, tout en soutenant un secteur du logement aujourd'hui en difficulté. Les autres mesures comme la prime de solidarité active ou l'augmentation du budget de l'emploi vous seront proposées dans le collectif de janvier 2009.

Outre les mesures fiscales en faveur de la relance, le projet de collectif comprend une série de dispositions autour de la lutte contre la fraude et de l'amélioration des relations entre le fisc et le contribuable. La crise ne doit pas nous conduire à renoncer à poursuivre la modernisation de notre système fiscal, ni à oublier que nous devons lutter contre la fraude. C’est quand l’État fait un effort massif d’investissement, quand la dépense publique est au cœur de la relance que nous devons tout particulièrement lutter contre la fraude aux prestations et à la fiscalité. L'actualité nous l'a montré : la lutte contre la fraude fiscale passe par de nouvelles mesures contre la fraude organisée, notamment contre celle qui recourt aux paradis fiscaux.

Notre arsenal juridique ne nous offre pas aujourd'hui les moyens de poursuivre les grands fraudeurs.

M. Jean-Pierre Brard. C’est plutôt un manque d’imagination !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous allons donc alourdir les sanctions pour non-déclaration de comptes, en particulier dans les paradis fiscaux, et allonger la durée de prescription pour les revenus éludés via ces mêmes paradis fiscaux.

Notre politique n'est pas pour autant fondée exclusivement sur le volet répressif. Elle recherche certes une plus grande efficacité de l'action conduite contre ceux qui veulent se soustraire au paiement de la juste contribution qu’ils doivent à la collectivité, mais elle doit également nous permettre de mieux témoigner notre confiance aux contribuables de bonne foi – et ce sont les plus nombreux.

C’est bien cet équilibre qui apparaît dans le collectif quand celui-ci met en regard des mesures de lutte contre la fraude et tout un volet pour renforcer la sécurité juridique des contribuables.

Un certain nombre de ces propositions sont inspirées du rapport que m’a remis Olivier Fouquet, ancien président de la section des finances du Conseil d’État. Je citerai, notamment, la refonte de la procédure de l’abus de droit, qui constitue un point d’équilibre entre recherche de la sécurité juridique et nécessité de lutter efficacement contre les montages fiscaux abusifs. Nous avons, par exemple, cherché à mieux hiérarchiser l’application des pénalités en appréciant le degré de participation des acteurs au montage abusif. L’élargissement de la composition du comité consultatif de répression des abus de droit à des professionnels du droit est également un progrès. Autre innovation : la mise en place pour trois ans, à titre expérimental, d’un contrôle, à la demande, des déclarations de succession et de donation : les contribuables pourront demander à l’administration de valider leur calcul des droits dus. À défaut de contrôle dans le délai d’un an, ce calcul ne pourra plus être remis en cause. Cela sécurisera beaucoup ces déclarations. Enfin, nous élargissons le champ du rescrit fiscal, notamment pour ce qui concerne la valorisation des entreprises en cas de transmission, les questions de recouvrement de l’impôt ou bien encore la qualification des revenus, commerciaux ou non commerciaux, des professions libérales.

Toutes les améliorations à apporter ne relèvent d’ailleurs pas de la loi. Il faut également changer les pratiques de l’administration fiscale. J’ai en particulier demandé à la direction générale des finances publiques qu’en 2009, on expérimente dans une vingtaine de brigades de vérification la garantie fiscale. Le principe est simple : les vérificateurs devront s’engager sur tous les points vérifiés, et pas seulement sur ceux qui ont donné lieu à redressement. Là aussi, cela sécurisera le contribuable. C’est également toute une révolution culturelle que de demander aux services fiscaux de signaler les erreurs que les contribuables ont commises à leurs dépens, et pas seulement les erreurs en faveur de l’État. Si quelqu’un a trop payé, on doit évidemment l’en informer. Le contrôleur doit y être incité, et ce sera le cas.

Je conclurai par une rapide mise en perspective de notre politique budgétaire.

Côté dépenses : nous restons fermes sur la maîtrise des coûts de fonctionnement, plus que jamais et sans la moindre ambiguïté ; dans un contexte de crise, nous accélérons les seules dépenses d’investissement qu’on sait pouvoir engager très vite pour soutenir l’activité dans les mois à venir, et nous n’engageons que les dépenses de trésorerie qui permettent aux entreprises de se reconstituer une trésorerie. À l’État de jouer plus rapidement son rôle de débiteur actif et citoyen.

Côté recettes : nous laissons jouer les stabilisateurs automatiques, là aussi sans la moindre ambiguïté, et nous ciblons l’effort sur deux types de mesures : celles qui ont un fort effet de levier sur l’investissement et sur l’emploi, comme l’amortissement dégressif ou l’exonération de TP, et celles qui ont pour effet d’améliorer la trésorerie des entreprises.

Je sais pouvoir compter sur l’esprit de responsabilité des députés, sur tous les bancs, pour examiner ce texte sans polémique inutile. Nous avons eu un débat de qualité en octobre pour nous donner les moyens de répondre spécifiquement à la crise financière. Nous aurons, à n’en pas douter, un débat tout aussi constructif pour répondre aux effets de cette crise sur l’ensemble de notre économie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, l’économie générale et du plan, pour dix minutes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, l’économie générale et du plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif de fin d’année s’inscrit dans un contexte très particulier. Il vient conclure une année 2008 marquée, à partir du second semestre, par la survenance de la crise financière, qui s’est malheureusement depuis étendue à l’ensemble de l’économie. Il fait suite à un collectif que nous avons approuvé il y a à peine deux mois. Le Gouvernement a été conduit à réviser, au Sénat, ses prévisions macro-économiques, non seulement pour les exercices 2009, 2010 et 2011, mais également pour l’exercice 2008. Et puis pour compléter le tout, le Président de la République vient d’annoncer un plan de relance, dont les différentes mesures fiscales vont être intégrées dans le présent collectif, ce qui est une très bonne chose. À cet égard, le ministre a évoqué à l’instant les diverses mesures qui vont se greffer sur le projet de loi rectificatif par le biais d’amendements gouvernementaux. Enfin, nous aurons un nouveau collectif début janvier qui, lui, prendra en compte les éléments budgétaires de ce plan de relance. Autant dire, chers collègues, et je m’adresse plus particulièrement à ceux de la commission des finances, que les vacances de Noël vont être extrêmement courtes !

M. Jean-Pierre Brard. Vous gérez l’imprévisible !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Au contraire, monsieur Brard, nous nous adaptons au fur et à mesure que cette crise se développe,…

M. Jean-Pierre Brard. Pour cela, il faut ne plus avoir de colonne vertébrale !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et il faut saluer la réactivité du Gouvernement.

M. Jérôme Cahuzac. Il refait les cadeaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’en viens à l’exécution du budget en 2008.

Nous constatons un dépassement de l’enveloppe de crédits prévue en loi de finances initiale, mais il est surtout dû à l’inflation : celle-ci a conduit à inscrire 4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires au titre du remboursement de la dette par rapport à la prévision. Si on y ajoute une légère majoration des prélèvements sur recettes vers les collectivités locales et vers l’Union européenne, nous arrivons à un dépassement de 4,2 milliards. Je ferai à ce sujet, monsieur le ministre, deux observations pour conforter vos propos. La première, c’est que si l’on tient compte de l’inflation, nous restons fidèles à la règle que nous appliquons depuis plusieurs années, à savoir que la dépense d’État ne doit pas augmenter plus vite que la hausse des prix. La seconde observation confirme la première : le projet de budget pour 2009, que nous avons examiné voilà quelques semaines,…

M. Henri Emmanuelli. Et qui est caduc !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …continue à faire évoluer les dépenses au rythme de l’inflation.

Par ailleurs, pour respecter la norme de dépense, le présent collectif équilibre complètement les ouvertures de crédits nouvelles et des annulations.

M. Jérôme Cahuzac. Heureusement ! C’est l’application de la loi organique !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ainsi, 1,1 milliard de crédits sont ouverts : il s’agit, comme toujours, de l’abondement de dépenses qui fonctionnent comme des guichets, notamment l’AAH, l’API et l’AME pour un total de plus de 430 millions d’euros…

M. Henri Emmanuelli. Le RMI n’est pas compensé !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …mais aussi de la compensation d’exonération de cotisations sociales, ainsi que de l’aide au logement. Mais ces différentes ouvertures de crédits sont strictement compensées par des annulations à hauteur de 1,1 milliard.

Je voudrais, à ce stade de mon intervention, faire le point sur l’utilisation de la réserve de précaution. Nous avions inscrit à ce titre 7 milliards d’euros en début d’année : à l’heure actuelle, 1,8 milliard de crédit ont été dégelés en cours de gestion, 2,3 milliards ont été annulés pour ouvrir des crédits d’un montant équivalent par le biais de trois décrets d’avance, 800 millions sont utilisés pour gager les 1,1 milliard affectés aux dépenses nouvelles ; il reste donc environ 3 milliards. La commission des finances aimerait savoir, monsieur le ministre, ce que vous comptez en faire. Ont-ils vocation à être dégelés, reportés ou annulés dans le cadre de la loi de règlement ? Si vous pouvez nous apporter des précisions en cours de discussion, nous vous en serons reconnaissants.

S’agissant des recettes, vous vous souvenez, mes chers collègues, qu’en octobre dernier, à l’occasion du précédent collectif, il a fallu faire un ajustement à la baisse de la prévision de recettes pour 5 milliards d’euros. Il faut maintenant prendre en compte une moins-value prévisionnelle supplémentaire de 2 milliards d’euros. Par rapport à la loi de finances initiale, 7 milliards de recettes manquent donc au rendez-vous.

La moins-value de 2 milliards traitée par ce collectif concerne tout d’abord la TVA. Le ministre l’a expliqué, la révision à la baisse des recettes est due en partie au remboursement à la SNCF d’une TVA collectée à tort parce que les contributions des régions auraient dû être faites hors taxe. Mais il y a aussi une montée des demandes de remboursement de TVA de la part des entreprises. Dans le cadre du plan de relance, ce remboursement va s’accélérer.

Et puis les recettes nettes d’impôt sur les sociétés sont revues à la baisse pour un milliard. C’est là que nous avons une incertitude majeure. En effet, même si presque la moitié de la moins-value par rapport à la loi de finances rectificative d’octobre concerne l’impôt sur les sociétés, nous ne serons fixés que vers le 20 décembre parce que nous ne connaîtrons pas plus tôt le quatrième acompte. Quand on se souvient qu’en 2006 et en 2007, presque le quart de l’impôt sur les sociétés a été versé par les établissements financiers – banques et compagnies d’assurance –, même en provisionnant un milliard supplémentaire de moins-values, il faut reconnaître qu’une incertitude demeure.

Il y a également une petite baisse des recettes attendues de l’impôt sur le revenu, et une baisse plus modérée que ce que j’envisageais des recettes liées à la TIPP puisqu’elle ne serait que de 240 millions d’euros. Si on prenait en compte la TVA supplémentaire liée à l’augmentation du prix des carburants, on constaterait même sur l’ensemble de la fiscalité pétrolière – TIPP et TVA –, une plus-value de quelques centaines de millions. Monsieur le ministre, si nous pouvions disposer d’un chiffre plus précis que les 500 millions évalués au mois d’octobre, je vous en serais reconnaissant.

Dans un contexte très difficile, je tiens à saluer tout particulièrement, monsieur le ministre, votre ténacité à résoudre un problème lancinant que nous traînons depuis une dizaine d’années : celui des dettes que l’État a constituées vis-à-vis de la sécurité sociale.

Mme Marie-Anne Montchamp. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces dettes ont été apurées à hauteur de 5 milliards d’euros l’an dernier, et le collectif propose d’y ajouter 750 milliards d’euros…

M. Jean-Pierre Brard. Votre enthousiasme vous égare, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit évidemment de 750 millions. Je vous remercie de suivre aussi attentivement mon intervention, mon cher collègue. Cet apurement de 750 millions concernera le régime social des travailleurs indépendants et celui de la SNCF.

M. Jérôme Cahuzac. Plus l’affectation d’une taxe !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour ce qui concerne les recettes non fiscales, notons une petite moins-value par rapport à la loi de finances rectificative d’octobre, qui porte sur la COFACE. Nous disposons maintenant de chiffres plus précis : la participation COFACE s’élèverait à 2,5 milliards.

M. Henri Emmanuelli. Votre enthousiasme nous ravit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quant au déficit, il augmente malheureusement de façon substantielle.

M. Jérôme Cahuzac. Quel euphémisme !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Par rapport à un déficit initial de 41 milliards, il se dégrade et atteint 51 milliards. Mais, mes chers collègues, je souligne que le creusement du déficit est presque exclusivement dû à la partie recettes. Dans tous les pays du monde, une crise économique se traduit par une baisse des recettes de l’État. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Sandrier et M. Henri Emmanuelli. Et alors, qu’est-ce que ça change ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ça change tout !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela conduit, je le dis en particulier à vous, monsieur Emmanuelli, à justifier l’équilibre et la pertinence du plan de relance qui nous est proposé. En effet, celui-ci est axé sur l’investissement.

M. Henri Emmanuelli. Il est axé sur la trésorerie, pas sur l’investissement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il créera certes de la dette, directe ou indirecte, par le biais des garanties accordées, mais il va mettre des actifs en contrepartie. Pour ma part, je distingue la mauvaise dette, qui consiste à financer ainsi des dépenses de fonctionnement récurrentes, de la bonne dette qui vise à mettre en place des actifs – construction d’université, infrastructures – destinés aux générations futures.

M. Henri Emmanuelli. Pour 4 milliards seulement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’en viens à présent aux mesures fiscales.

Il y a, dans ce collectif, une mesure d’une extrême importance et attendue par les entreprises depuis des années…

M. Henri Emmanuelli. Attendue depuis vingt ans !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …il s’agit de la pérennisation du dégrèvement de taxe professionnelle pour investissement nouveau. Un dispositif très puissant est prévu puisque c’est l’ensemble des investissements hors immobilier réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009, c’est-à-dire achat d’équipements et bien mobiliers, qui va être définitivement dégrevé de taxe professionnelle. La commission des finances souhaite simplifier le dispositif – vous l’avez évoqué, monsieur le ministre – en instaurant un dégrèvement absolu, donc au taux réel voté par la collectivité locale, pour ne pas s’encombrer de tickets modérateurs – ou de plafonnements si l’on voit les choses du point de vue du contribuable. En contrepartie, elle a proposé de revenir à une liaison entre l’augmentation des taux des impôts sur les ménages et l’augmentation des taux de taxe professionnelle. Chacun sait bien que, si l’on se projette à un ou deux ans, la réforme de la fiscalité locale passera très probablement par la concentration à l’échelle locale, autour de la commune et de l’intercommunalité, d’une part, des impôts sur les ménages et, d’autre part, d’un impôt qui serait plutôt immobilier et assis sur l’entreprise, et manifestera l’attachement territorial de celle-ci. Cela me paraît tout à fait cohérent.

Dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale, ce collectif comporte beaucoup de mesures importantes sur lesquelles je n’ai pas le temps de m’étendre.

M. Jean-Pierre Brard. Il vaut mieux !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Cependant, la commission des finances a souhaité aggraver les pénalités, monsieur Brard. Nous avons ainsi porté le délai de prescription de six à dix ans, et nous avons substantiellement majoré les amendes.

M. Jean-Pierre Brard. À quand le prince Albert en prison ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Les pénalités pour non-déclaration d’assurance-vie souscrites dans un pays étranger ont aussi été aggravées, et je pense que nous avons désormais un arsenal intéressant.

En matière de sécurité juridique des contribuables et de simplification des procédures, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir repris une grande partie des propositions contenues dans l’excellent rapport du conseiller d’État Olivier Fouquet…

M. Jérôme Cahuzac. Nom prédestiné pour un financier !

M. Gilles Carrez, rapporteur. … qui permet de refondre la procédure pour abus de droit, d’étendre largement celle du rescrit, et d’instituer un mécanisme de recours. Monsieur Tardy, ces dispositions devraient permettre de limiter les contentieux en aval, car les entreprises connaîtront le traitement qui leur sera réservé, notamment en cas de transmission, le « rescrit valeur » étant doté d’une base légale.

M. Lionel Tardy. Très bien ! C’est très important !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Venons-en aux éléments greffés sur ce collectif par amendements du Gouvernement.

M. Jérôme Cahuzac. Ah oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur. En effet, le Gouvernement a décidé d’intégrer dans cette loi de finances rectificative toutes les dispositions fiscales du plan de relance, et de renvoyer à un autre collectif, en début d’année 2009, tous les mouvements de crédits tels que les suppléments destinés à financer des dépenses d’investissement ou la politique de l’emploi.

M. Henri Emmanuelli. Dans ce domaine-là, il n’y a pas grand-chose !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Le doublement du prêt à taux zéro est compris dans cette LFR. À ce propos, monsieur le ministre, je voudrais appeler votre attention sur l’excellent amendement de François Scellier auquel toute la commission a travaillé, et qui revient à affirmer qu’une politique de relance du logement ne doit négliger aucun segment de ce secteur, sans se focaliser sur le seul locatif social. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Or, les propositions du Gouvernement portent sur le locatif social et sur l’accession sociale avec le PTZ – deux très bonnes mesures –, mais elles oublient l’investissement locatif ordinaire qui représente entre 70 000 et 90 000 logements par an. Avec François Scellier, nous proposons un dispositif très puissant et très simple de réduction d’impôts.

M. Henri Emmanuelli. Eh bien voyons !

M. Gilles Carrez, rapporteur. J’espère que vous porterez un regard attentif sur cet amendement qui vient utilement compléter le plan de relance.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

M. Gilles Carrez, rapporteur. Pour terminer, je citerai les mesures concernant la « tuyauterie de l’État », telles que l’accélération des remboursements de créances – TVA, impôts sur les sociétés, crédit impôt recherche – ou l’accélération de l’amortissement dégressif.

Vous constaterez, chers collègues, la grande cohérence qui existe entre ce collectif de fin d’année et ce qui nous attend en début d’année prochaine. Vous noterez aussi la réactivité remarquable du Gouvernement, puisque nous enchaînons à une cadence presque infernale… (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Sandrier. Elle est infernale !

M. Gilles Carrez, rapporteur. …les lois de finances rectificatives, au fur et à mesure que la crise se développe. Au-delà des questions de procédure, il importe avant tout d’être pragmatique, efficace, réactif. C’est à cette aune que je vous invite, comme l’a fait la commission des finances, à adopter cette loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut avoir recours à l’armée pour sauver la loi de finances rectificative !

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Je vais essayer de surmonter l’ironie de M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L’ironie est parfois plus efficace que les chars !

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce qui concerne la défense, l’exécution budgétaire 2008 achève la programmation entamée en 2003, et détermine les conditions d’entrée en vigueur de la loi de programmation militaire 2009-2014. Cette année est donc particulièrement importante, d’autant qu’elle a été marquée par de profonds bouleversements internationaux.

M. Henri Emmanuelli. Quel rapport avec le sujet ?

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Avant d’aborder les grands axes du projet de loi, je tiens à rappeler que l’exécution du budget de la défense pour 2008 est globalement très satisfaisante.

M. Henri Emmanuelli. Si vous le dites ! Nous sommes rassurés.

M. Jean-Pierre Brard. Demandez aux militaires ce qu’ils en pensent !

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Les articles 12 et 13 du projet de loi de finances rectificative portent sur des ouvertures et des annulations de crédits. Certaines autorisations d’engagement provisionnées dans la LFI pour 2008 sont devenues sans objet, en particulier les trois milliards d’euros destinés au deuxième porte-avions dont la construction est reportée. La suppression des crédits prévus permet de gagner en lisibilité et d’éviter l’aggravation artificielle des reports de crédits non consommés pendant les années antérieures.

M. Henri Plagnol. Très bien !

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. D’ores et déjà, le ministère a déjà annulé 312 millions d’euros. Cependant, après avoir constaté qu’il lui reste à honorer des engagements au profit du commissariat à l’énergie atomique à hauteur de 779 millions d’euros, le ministère a choisi d’y affecter une partie des trois milliards d’euros d’autorisations d’engagement pour le second porte-avions. En fin de compte, un peu moins de deux milliards d’euros seront donc annulés.

Dans un deuxième temps, même si cela n’apparaît pas directement dans le corps du texte, le projet de loi valide le mécanisme de financement des opérations extérieures. Les dernières estimations font état d’un surcoût total pour les OPEX de 852 millions d’euros en 2008, soit 377 millions de plus que la dotation initiale de 475 millions d’euros.

M. Henri Emmanuelli. C’est plus que la prime pour l’emploi !

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Compte tenu des remboursements internationaux et des efforts réalisés en gestion, le besoin réel de financement n’est que de 221 millions ; il est couvert par l’annulation de 172 millions de crédits d’équipement, et par un abondement de près de 49 millions des ministères civils au titre de la réserve interministérielle. D’ailleurs, c’est la première fois que les ministères civils participent directement au financement des opérations extérieures, anticipant en cela les dispositions de la prochaine loi de programmation militaire.

Troisième apport du texte : dans son article 16, il augmente l’autorisation de découvert du compte de commerce du service des essences des armées de 50 millions d’euros, anticipant les dispositions de la loi de finances initiale pour 2009. Il ne s’agit pas de déséquilibrer durablement le compte. En effet, l’évolution prévisionnelle des cours en 2009 devrait permettre de procéder aux réapprovisionnements à moindre coût et ainsi de restaurer l’équilibre de ce compte de commerce.

Enfin, le projet de loi met en place les aides fiscales annoncées par le Premier ministre pour compléter les mesures d’accompagnement territorial de la réforme du ministère de la défense. Ces aides viennent en complément – j’y insiste – de l’enveloppe globale de 320 millions d’euros prévue pour la période 2009-2014.

Deux catégories de territoires bénéficient de deux types d’aides, ces dispositifs étant exclusifs l’un de l’autre. La première catégorie comprend les territoires les plus touchés, c’est-à-dire ceux qui font l’objet d’un contrat de redynamisation de site de la défense. Douze bassins d’emplois sont concernés par cette mesure. Dans ces zones, les créations d’activités bénéficieront d’une exonération totale de toute imposition directe, d’abord à taux plein puis de façon dégressive. L’aide fiscale concerne l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. De plus, pour toutes les créations d’emplois allant de pair avec ces nouvelles activités, les charges sociales patronales seront totalement exonérées.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle honte !

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Les collectivités qui le souhaitent pourront, à leur charge, compléter ces mesures de soutien considérables, en exonérant lesdites entreprises de taxe foncière ou de taxe professionnelle.

M. Henri Emmanuelli. Eh bien voyons !

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. J’ai anticipé, monsieur Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Vous ne devriez pas vous vanter de recourir à de tels procédés !

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une possibilité. Et par rapport aux exonérations que je viens d’évoquer, elle aurait un impact financier accessoire – vingt fois moins important – pour les candidats à l’installation.

La deuxième catégorie de territoires regroupe les communes perdant plus de cinquante emplois à cause des restructurations, mais ne répondant pas aux critères supplémentaires exigés pour figurer dans la première catégorie. Les micro-entreprises, déjà implantées et maintenant leur activité dans ces territoires, bénéficieront d’un crédit d’impôt de 500 euros par an et par salarié.

En conclusion, l’ensemble de ce dispositif semble très positif. Il témoigne de la volonté du Gouvernement d’accompagner au mieux les territoires touchés par la restructuration du ministère de la défense. Je vous invite donc, mes chers collègues, à suivre l’avis favorable de la commission de la défense, et à adopter ces articles.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif de fin d’année s’inscrit dans un contexte particulièrement instable.

Nous avons examiné, il y a six semaines et dans l’urgence, un premier projet de loi de finances rectificative dit « de financement de l’économie », qui avait pour principal objet de porter secours au secteur bancaire. Les projets de loi de programmation et de finances pour 2009, remaniés une première fois devant le Sénat, viennent d’être adoptés, mais ils vont être modifiés aussitôt pour tenir compte du plan de relance annoncé par le chef de l’État.

Vous nous avez précisé, monsieur le ministre, quelles mesures découlant de ce plan viennent compléter ce collectif de décembre et, dès la semaine prochaine, vous devriez nous exposer un collectif pour 2009, à examiner dès la première semaine de janvier.

Je m’en tiendrai aujourd’hui à deux séries d’observations : l’une sur la politique économique menée en ces temps de crise et ses traductions budgétaires ; l’autre sur le volet « lutte contre la fraude fiscale » contenu dans le projet qui nous est soumis.

Sur le premier sujet, nous vivons au rythme des annonces et des milliards : pas moins de sept plans en deux mois…

M. Jean-Louis Idiart. Ce n’est pas mal !

M. Jean-Pierre Balligand. Et ce n’est pas fini !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances… concernant le logement, les PME, les banques, les collectivités locales, le fonds stratégique d’investissement, l’assurance-crédit, et maintenant la relance de l’économie.

Prenons garde à ne pas additionner toutes les sommes annoncées, qui se chiffrent à plusieurs centaines de milliards d’euros : les garanties se traduisent par des dépenses éventuelles ; les prêts ont vocation à être remboursés ; beaucoup de mesures reviennent à anticiper ou confirmer des dépenses déjà inscrites. Enfin, les charges correspondantes ne reposent pas toutes sur l’État, loin s’en faut et heureusement.

Une grande part des mesures annoncées est sans doute utile, mais l’État est en fait moins présent qu’il n’y paraît et que certains d’entre nous le souhaiteraient. Surtout, les plans proposés négligent systématiquement les mesures de soutien direct à la consommation des ménages. On s’attendrait à trouver ces mesures de soutien du pouvoir d’achat dans le plan de relance de 26 milliards d’euros. Je constate que les propositions ne sont pas à la hauteur des attentes, du moins de quelques-unes d’entre nous. Les mesures de remboursement anticipé aux entreprises et aux collectivités territoriales et les investissements anticipés sont bienvenus. Cependant, ces dispositions qui correspondent à des dépenses déjà programmées pour la période 2009-2013 ne représentent que 22 milliards d’euros sur les 26 milliards d’euros annoncés.

M. Henri Emmanuelli. Ce plan n’est pas sérieux !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Si l’on veut être positif, on peut y voir des mesures de sécurisation de dépenses d’investissement à venir…

M. Jérôme Cahuzac. Par courtoisie, alors.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …Cela peut être intéressant, car on sait combien d’engagements de l’État – notamment dans le cadre des plans État-régions – ont eu du mal à se concrétiser au cours des dernières années…

M. Jean-Louis Idiart. C’est un euphémisme !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …la dépense publique ayant été décrétée indésirable, à une certaine époque. Peut-on pour autant les qualifier de « dépenses supplémentaires » ?

Au total, les dotations budgétaires réellement supplémentaires, qui nous seront soumises dans ce collectif ou dans le prochain, ne représentent au mieux que quatre milliards d’euros : la prime de solidarité active, la prime à l’embauche dans les TPE si elle produit des effets, la prime à la casse automobile si elle est utilisée – on peut craindre quelques effets pervers –, l’amélioration du système d’indemnisation du chômage partiel. Ces mesures ne représenteront qu’un maigre apport au pouvoir d’achat des Français, alors qu’il faudrait agir sur la consommation globale. Pour ce faire, le collectif serait le levier à utiliser.

Et pour quelles raisons votre plan ne répond-il pas vraiment aux préconisations de la Commission européenne, laquelle recommande de façon prioritaire – et c’est l’une des premières fois qu’elle le fait – « des dépenses publiques ciblées notamment sur les ménages particulièrement impactés par la crise, par une augmentation des transferts et une réduction temporaire du taux de TVA » ? Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous répondiez sur ce point.

À propos de la politique de l’emploi, je relève une nouvelle fois l’incongruité du dispositif TEPA sur les heures supplémentaires, plus que jamais à contre-courant de ce qu’il faut faire puisque, en cette période de montée du chômage, il bénéficie à ceux qui ont déjà un travail au détriment de ceux qui le perdent.

M. Jérôme Cahuzac. Absolument !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Selon l’INSEE, cette mesure pourrait être à l’origine de la destruction de 11 000 à 66 000 emplois – et encore, selon un scénario plutôt favorable. Les derniers chiffres de la DARES montrent que les heures travaillées en 2007, qui s’établissent à 730 millions, sont au même niveau que celles travaillées en 2006, après « rebasage » : on a vraisemblablement créé un effet d’aubaine,…

M. Henri Emmanuelli. Encore de la gesticulation !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …alors qu’il existait d’autres façons d’augmenter le pouvoir d’achat, notamment celui des salariés modestes. Si l’on ne revient pas sur ce dispositif, il faudra veiller, au minimum, à ce que des entreprises ne bénéficient pas des avantages TEPA d’un côté et des mesures de soutien relatives au chômage partiel de l’autre.

Mais le moment ne serait-il pas venu, monsieur le ministre, de suspendre ces dispositions, qui coûteront entre 4 et 5 milliards d’euros en 2009, ainsi que celles relatives aux droits de succession, au bouclier fiscal ou aux intérêts des prêts immobiliers ? N’est-il pas temps de mettre fin à leurs effets pervers et de mieux utiliser cette marge de manœuvre ? À ce stade, le plan annoncé par le chef de l’État apparaît bancal : le pilier « offre » produira des effets indirects et plus ou moins éloignés ; quant au pilier « demande », il est particulièrement faible. Vos mesures sont destinées à soutenir une croissance potentielle, et non la croissance actuelle. Dans ces conditions, je ne serais pas surpris que ce plan de relance soit rapidement suivi d’un second, pour un soutien à une croissance plus immédiate.

M. Jean-Claude Sandrier. Il faudra un plan pour relancer le plan !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je n’insisterai pas sur le creusement du déficit, d’autant que l’on ne connaît pas encore le montant des recettes définitives de l’impôt sur les sociétés. Il sera bien sûr très difficile, à partir d’une croissance atone, voire négative, et d’une telle dégradation des comptes, de rétablir ceux-ci dans les trois années qui viennent. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir dès le mois prochain.

Je veux insister sur la fraude fiscale. Ce sujet a à voir avec la crise financière actuelle, qui, je l’espère, a provoqué une prise de conscience sur le lien entre la dérégulation et les paradis fiscaux. À quoi servirait-il de mettre en place une ébauche de réglementation si des pans entiers de l’économie financière en étaient soustraits à cause de l’existence plus que tolérée des paradis fiscaux et de l’évasion fiscale qu’ils favorisent ? Il ne s’agit pas d’être naïf : notre pays ne peut avancer seul dans cette lutte. C’est un combat qu’il faut mener au niveau européen et mondial. Mais cela ne doit pas servir de prétexte à la passivité. On peut trouver un équilibre entre les actions à mener et la préservation de nos intérêts.

Le Président de la République a déclaré que les banques françaises recevant un soutien massif de l’État ne devraient pas exercer d’activités dans les paradis fiscaux. Je rappelle que l’on évalue entre 5 000 et 10 000 milliards d’euros les sommes en jeu, et que deux tiers des fonds spéculatifs seraient domiciliés dans des paradis fiscaux. Le Premier ministre, de son côté, a déclaré que des « trous noirs comme les centres offshore ne [devaient] plus exister » et que « la disparition des paradis fiscaux [devait] préluder à une refondation du système financier international ». Avec de pareils soutiens, la cause paraissait gagnée. Vous déclariez vous-même, monsieur le ministre – et je crois en votre détermination sur le sujet : « Il est évident que l’ensemble du système bancaire bénéficiant de subventions, d’aides ou de recapitalisations publiques devra clarifier ses relations avec les paradis fiscaux. » Hélas, quand il s’est agi de préciser les mesures,…

M. Henri Emmanuelli. Rien !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …Mme Lagarde a préféré distinguer entre l’optimisation fiscale, qui serait bien naturelle, et l’évasion fiscale. Mais la limite entre les deux est-elle si claire ?

En avril dernier, vous aviez fait part à la commission des finances des lignes directrices de votre action : au niveau international, relancer les travaux de l’OCDE, ce que vous avez fait de concert avec votre homologue allemand – je vous en donne acte – ; au niveau européen, créer l’Eurofisc, une plateforme d’échanges juridiquement consolidée. Nous avons relevé avec intérêt que l’ECOFIN du 7 octobre dernier a adopté à l’unanimité le principe de cette instance, et qu’il appartient maintenant à la Commission européenne de faire une proposition en ce sens. Au niveau européen encore, vous vous êtes également prononcé pour une révision de la directive « Épargne », afin d’élargir son champ d’application au-delà des produits d’intérêts classiques. La France a-t-elle initié une démarche en ce sens ? La commission des finances et le groupe de travail de l’Assemblée nationale et du Sénat sur la crise financière souhaitent une accélération de cette procédure de révision.

Au niveau national, il était question de créer un service judiciaire des impôts. En effet, à l’occasion de l’affaire du Liechtenstein, nous avions tous déploré que, à la différence de ce qui existe dans d’autres pays, les services fiscaux français ne puissent lancer une action en justice qu’en apportant la preuve de la fraude par des moyens administratifs et s’ils ont reçu un avis favorable de la commission des infractions fiscales, la CIF. Afin de répondre à la grande délinquance fiscale, il conviendrait de disposer d’un service d’enquêtes fiscales judiciaires dont les agents, placés sous le contrôle du juge, auraient les moyens d’établir, sur la base de présomptions, la réalité de la fraude fiscale avec des moyens de police judiciaire. Vous nous aviez dit avoir pris les premiers contacts avec la Chancellerie, et vous espériez soumettre au Parlement des mesures en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2009 ou le collectif budgétaire pour 2008. Ce collectif comporte bien quelques mesures relatives à la lutte contre la fraude fiscale, mais elles ne sont à la hauteur ni de nos attentes ni de vos déclarations,…

M. Jean-Pierre Brard. On ne touche pas aux amis !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …et rien n’est prévu au sujet de la création d’un tel service. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, quels sont les obstacles que vous rencontrez, et la manière dont vous comptez avancer sur cette question ? Ce service, similaire à ce qui existe dans les douanes, paraît tomber sous le sens. Qu’est-ce qui s’oppose à sa création ? Quel est votre calendrier ?

Sans attendre le grand soir fiscal, ne pouvons-nous renforcer, dans notre législation nationale, certaines dispositions tendant à limiter l’optimisation fiscale et à freiner les délocalisations à but fiscal ? En 2005, les critères de définition des régimes fiscaux privilégiés ont été assouplis, et ce afin – c’était l’argument avancé – d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Quelle évaluation peut-on faire aujourd’hui de ces dispositions ? En quoi la compétitivité de nos entreprises a-t-elle été améliorée ? Au prix de quelles pertes de recettes ? Je défendrai plusieurs amendements pour revenir sur ces assouplissements.

On pourrait ainsi considérer qu’un régime fiscal est privilégié par rapport au régime fiscal national dès lors que la différence d’imposition est de 33 %, et non de 50 %. Les personnes morales ayant des parts dans des établissements situés dans des territoires à fiscalité privilégiée, et dont les résultats sont finalement imposés en France, ne pourraient pas consolider leurs résultats avec ceux de cet établissement pour le calcul de l’impôt. Enfin, il conviendrait de préciser ce que l’on entend par l’exercice d’une activité industrielle ou commerciale effective dans un territoire à fiscalité privilégiée, la simple affirmation de cet exercice effectif permettant actuellement d’être dispensé d’imposer les résultats correspondants en France.

Autre sujet : comment mieux contrôler les « prix de transfert », outil de prédilection de l’optimisation, voire de la fraude fiscale, des entreprises multinationales ? Avez-vous des propositions en ce domaine, monsieur le ministre ?

La lutte contre l’évasion fiscale est un objectif majeur, qui doit contribuer à remettre de l’ordre dans le système financier international et de l’équité entre les citoyens. Nous ne devons pas laisser s’affaiblir la prise de conscience de l’enjeu que représente cette action. Pouvons-nous compter sur des mesures fortes en ce domaine, sinon dans le collectif de janvier, du moins dans le collectif suivant, dans le courant de 2009 ?

Telles sont les observations que je souhaitais faire sur les propositions du présent collectif, ainsi que sur la question, essentielle, de la fraude fiscale, sur laquelle nous devons avancer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Exception d’irrecevabilité

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent collectif budgétaire est le second que nous examinons depuis la rentrée parlementaire. Composé de trois décrets d’avance et d’une ouverture de crédit, il porte au total sur 2,8 milliards d’euros, somme qui, au demeurant, peut sembler faible au regard de la situation économique, sociale et financière de notre pays. Elle n’en révèle pas moins un certain nombre de vérités, lesquelles apparaissent de plus en plus crûment depuis la loi de finances initiale jusqu’à la loi de règlement. Il est regrettable que ces révélations progressives suscitent, sinon chez nos collègues, du moins dans l’opinion, un intérêt inversement proportionnel à celui porté aux textes budgétaires successifs : elles traduisent en effet la vérité des politiques publiques et des intentions, la sincérité des engagements et le prix que l’on attache à les honorer.

On peut, de ce point de vue, tirer plusieurs leçons. En premier lieu, la croissance, que l’on espérait à 2,5 % s’établira finalement à 0,9 %, l’inflation s’élèvera non pas à 1,6 % mais à 2,9 % et le pouvoir d’achat ne progressera au mieux que de 1 %, et probablement moins, contre les 2,5 % annoncés. Encore ne s’agit-il que d’une moyenne : certains de nos compatriotes voient en réalité leur pouvoir d’achat diminuer. Le déficit du commerce extérieur s’aggrave, passant de 40 à 50 milliards d’euros, et le déficit budgétaire dépassera les 50 milliards, contre une quarantaine de milliards votés en loi de finances initiale. Personne ne conteste ces vérités. Invoquer la crise financière n’est pas sans fondement, mais celle-ci n’a fait qu’aggraver la crise économique et sociale qui la précédait dans notre pays. Bref, cette année restera catastrophique sur le plan économique et social.

Deuxième vérité, que nous révélions déjà lors de l’examen du PLF : les « sous-dotations » budgétaires, dont certaines peuvent d’ailleurs difficilement vous être reprochées, monsieur le ministre. Je pense notamment aux crédits supplémentaires – 260 millions d’euros – induits par les opérations militaires extérieures. Comment reprocher à un ministre qui avait fidèlement suivi la campagne du candidat Sarkozy de n’avoir pas prévu un tel surcoût ? Ledit candidat ne déclarait-il pas que nous n’avions rien à faire en Afghanistan ? Il vous était difficile, monsieur le ministre, de prévoir qu’il changerait de pied sitôt élu en envoyant des troupes supplémentaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. C’est vrai.

M. Jérôme Cahuzac. Ce n’est donc pas votre sincérité qui est en cause, mais les écarts, en matière de politique étrangère, entre les déclarations du candidat et les actes du Président élu.

La remarque, d’ailleurs, vaut aussi pour les ouvertures de crédits – près de 250 millions d’euros – au titre des emplois aidés. Vous espériez, avec les mesures contenues dans le paquet fiscal, relancer le travail par le travail et réduire le chômage. Faute d’anticiper, vous aviez donc « sabré » dans les crédits prévus pour ces contrats. Mais l’urgence vous a contraint à y revenir en cours d’année, puisque les chiffres du chômage devenaient alarmants dès le deuxième trimestre. Ces 250 millions ne peuvent donc être imputés à quelque insincérité de votre part.

Il en va tout autrement de la prime de Noël pour les RMistes : ces 380 millions d’euros peuvent difficilement être considérés comme une surprise. Même lors du vote de la loi de finances initiale pour 2008, nous savions que Noël tomberait le 25 décembre ; et vous n’espériez quand même pas qu’il n’y aurait plus de RMistes en cette fin d’année ! Ces crédits que vous nous demandez d’ouvrir auraient dû, bien sûr, être prévus en loi de finances initiale, comme ils devraient l’être en loi de finances initiale pour 2009 – j’aurai l’occasion d’y revenir.

Le même raisonnement vaut pour l’allocation aux adultes handicapés, ou pour la garantie de ressources des travailleurs handicapés – ce qui représente 290 millions d’euros. Là encore, ces dépenses étaient parfaitement prévisibles, et on ne peut qu’être surpris de constater qu’il faut attendre la seconde loi de finances rectificative pour que les crédits correspondants soient ouverts et les sommes versées à ceux de nos concitoyens qui, personne ne le conteste, en ont absolument besoin.

J’en viens au cœur du problème, que vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur le ministre : je veux parler de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale. Oui, il est vrai qu’un effort a été fait l’année dernière pour apurer l’arriéré ; oui, il est vrai, comme l’a dit M. le rapporteur général, qu’un effort est fait cette année pour que cette dette ne prenne pas l’ampleur qu’elle avait pu connaître. Mais cet effort, qui prend la forme d’affectations de taxes pour un peu plus de 700 millions d’euros et d’une ouverture de crédits pour la même somme, ne permet d’apurer la dette qu’à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Il en reste donc trois – la Cour des comptes est formelle sur ce point.

Or rien n’est prévu pour régler ces trois milliards d’euros, ni en loi de finances rectificative, ni en loi de finances initiale pour 2009. Il faudra donc reparler de cette somme, probablement, encore une fois, à l’occasion d’un collectif budgétaire ; dans le cas contraire, cette dette ne serait pas acquittée et les régimes sociaux se trouveraient dans des difficultés plus grandes encore que celles qu’ils connaissent. Cela ne paraît certainement pas souhaitable.

Sous-dotation après sous-dotation, on s’aperçoit ainsi qu’il manquait à la loi de finances initiales près de 6,7 milliards d’euros de dépenses – somme qu’il faut rapprocher du déficit budgétaire prévu, qui s’élevait à 41 milliards d’euros. C’était déjà beaucoup ; et voilà, probablement, la raison pour laquelle vous avez sous-budgété ces crédits : à l’époque, vous, monsieur le ministre, mais aussi l’ensemble du Gouvernement et le Président de la République, attachiez encore quelque prix à ce que l’on appelle les critères de Maastricht, et vous souhaitiez démontrer, au moment où la France allait présider l’Union européenne, que notre pays se livrait à la rigueur budgétaire avec toute l’énergie nécessaire. La vérité est malheureusement autre, comme le démontre l’examen de ce dernier collectif budgétaire de l’année. Les arrière-pensées politiques sont ici évidentes, à défaut d’être correctes à l’égard du Parlement.

La troisième leçon qu’il nous faut tirer, c’est que nous devons nous attendre à d’autres sous-estimations budgétaires dans la loi de finances initiale pour 2009.

Je pense d’abord, bien sûr, aux trois milliards que représente la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale, qui ne sont pas budgétés dans cette loi de finances rectificative, et qui ne le sont pas davantage dans la loi de finances initiale pour 2009. Ils resteront donc un fardeau pour les régimes de sécurité sociale : c’est inconvenant, car l’État décide d’exonérations en s’engageant à les compenser, mais ne les compense pas, et revient donc sur sa parole ; ce n’est pas correct sur le plan des finances publiques, puisque nous savons que cette dette pèse plus lourdement sur les finances publiques quand elle demeure à la charge des régimes sociaux, plutôt que lorsqu’elle est reprise par l’État – il en va de quinze points de base, ce qui fait beaucoup d’impôts à la longue.

Je pense ensuite à la prime de Noël des RMistes, qui n’est pas prévue en loi de finances initiale ; monsieur le ministre, j’imagine que vous envisagez tout de même de la verser à la fin de l’année 2009, sauf à indiquer que cette prime ne serait plus versée. On pourrait alors comprendre que ces 380 millions d’euros soient passés sous silence. Mais sinon, il faut nous expliquer pourquoi vous refusez de les inscrire dans une loi de finances rectificative, et surtout de les inscrire dans la loi de finances initiale. Le même raisonnement vaut, encore une fois, pour l’allocation aux adultes handicapés et pour la garantie de ressources des travailleurs handicapés, soit 290 millions d’euros dont j’ai déjà fait mention.

Le rapport de la Cour des comptes annexé à ce second collectif budgétaire relève d’autres sous-budgétisations encore. Je pense notamment au fonds national de garantie des calamités agricoles ; il s’agit tout de même de 90 millions d’euros. Le code rural oblige l’État à doter ce fonds d’un montant équivalent aux cotisations des agriculteurs concernés ; mais l’État ne le fait pas en loi de finances initiale, ce qui l’oblige à le faire en collectif budgétaire. Là encore, ce n’est pas correct.

Il faut encore mentionner l’attitude de l’État à l’égard du Crédit foncier de France. Depuis 2006, c’est ce dernier qui consent, à la place de l’État, les avances de trésorerie pour les versements mensuels de prime lors de la liquidation de plans épargne logement.

En 2006 déjà, à la suite de la taxation effectuée par la majorité en 2005, les versements mensuels sont passés d’une centaine de millions d’euros à environ 150 millions d’euros chaque mois. Cette augmentation de moitié a entraîné une sous-budgétisation par l’État, compensée par le Crédit foncier de France – qui par convention avec l’État avance cette trésorerie aux organismes correspondants, étant entendu qu’en loi de finances rectificative tout cela est rectifié et les crédits afférents suffisamment abondés.

Mais la situation s’est aggravée. Il manquait 415 millions d’euros en 2006 et près de 840 millions en 2007 ; cette année, c’est dès le mois d’avril que le Crédit foncier de France a dû suppléer l’État dans ses versements mensuels de prime. La loi de finances initiale prévoyait 1,1 milliard d’euros, mais cette somme ne servira pas pour les versements pour 2009 : elle ne représente que la somme nécessaire pour rembourser au Crédit foncier de France les avances de trésorerie consenties en 2008. Si 150 millions d’euros de crédits ne sont pas ouverts dans ce collectif, le Crédit foncier de France devra se substituer à l’État dès le 1er janvier prochain ; grâce à cette ouverture de crédits, cette substitution n’adviendra qu’à partir du 1er février. La vérité est qu’il manque donc près d’un milliard d’euros.

La somme de toutes ces sous-budgétisations se monte à au moins cinq milliards d’euros en loi de finances pour 2009. Or, nous avions alors voté un déficit budgétaire de l’État légèrement inférieur à cinquante milliards d’euros ; ce déficit s’aggravera probablement d’une quinzaine de milliards d’euros à la suite du plan de relance, qui connaîtra une traduction législative ; à ces soixante-cinq milliards viennent donc s’ajouter cinq milliards supplémentaires de sous-budgétisation. Bref, en 2009, le déficit budgétaire de l’État s’élèvera à soixante-dix milliards d’euros au moins ! En 2007, il était de quarante milliards d’euros.

Cette augmentation de trente milliards en deux ans est tout à fait scandaleuse, et ce d’autant plus que nous savons que ce déficit ne sera financé que par la dette : ce sont donc les générations qui nous succéderont qui devront acquitter cette facture du sarkozysme. C’est moralement choquant – non pas que je conteste la possibilité de s’endetter, dès lors qu’il s’agirait d’investir ; mais alors, comme l’a souligné M. le président de la commission des finances, il faudrait faire des choix et renoncer à des politiques publiques qui coûtent cher et qui ne fonctionnent pas.

Le déficit budgétaire s’alourdit de trente milliards d’euros : est-il alors légitime de conserver les éléments d’un paquet fiscal qui coûte huit, dix, douze milliards d’euros, intégralement financés, eux aussi, par la dette ?

Non, la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires ne sont pas utiles : ces 4 à 5 milliards d’euros seraient bien mieux utilisés par l’augmentation, voire le doublement, fût-il temporaire, de la prime pour l’emploi.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Cela ne changerait rien au déficit !

M. Jérôme Cahuzac. Davantage de salariés en bénéficieraient – sauf à imaginer que ceux qui sont mis aujourd’hui au chômage technique peuvent faire des heures supplémentaires ! Le rapport de la DARES démontre que votre politique est un échec, puisque notre pays n’a pas connu d’augmentation du nombre d’heures supplémentaires.

M. Henri Emmanuelli. Cette politique détruit l’emploi intérimaire !

M. Jérôme Cahuzac. Cette mesure n’a pas eu l’effet incitatif que vous en espériez : non, cette rémunération du travail supplémentaire n’a pas créé de travail supplémentaire, contrairement à ce que vous prétendiez.

Encore une fois, ce sont les « inclus » qui bénéficient de vos mesures, quand les exclus souffrent de ne profiter d’aucune mesure spécifique. Il faut y insister : la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait être envisagée en période de croissance ; elle est probablement inutile en période de stagnation ; mais elle est totalement contre-productive quand la récession, voire la dépression, menacent. C’est une erreur de politique économique que de dépenser 4 à 5 milliards d’euros, alors qu’il faut doter dans le même temps les lignes budgétaires des contrats aidés par centaines de millions d’euros. C’est absurde : la démonstration est apportée que l’État paye deux fois, quand il pourrait ne payer qu’une seule fois.

Il faut également revenir sur la déductibilité des intérêts d’emprunts. Car la raison profonde de la crise que nous connaissons doit en réalité être cherchée du côté d’un endettement excessif des ménages, puisqu’aux États-Unis comme en France, on propose aux salariés de renoncer à voir leur salaire augmenter, mais de profiter de crédits. La déductibilité des intérêts d’emprunts, ce n’est rien d’autre que cela, et là encore, je crois qu’il faut revenir sur cette mesure qui coûte près de deux milliards d’euros à notre pays. Une fois encore, c’est l’endettement seul qui assure le financement : l’acquittement de la facture est donc une fois encore reporté sur les générations futures ; une telle irresponsabilité devient préoccupante.

Il faut enfin revenir, bien sûr, sur le bouclier fiscal. Ce n’est pas tant son coût qui pose problème – 260 millions d’euros sont finalement peu de choses au regard des sommes déjà énoncées – que le symbole qu’il représente ; je n’oublie pas les contorsions qu’il nous a fallu contempler lorsqu’il s’est agi, pour la majorité, de financer le revenu de solidarité active.

Une seule mesure de ce paquet fiscal a pu produire des effets, je le dis à titre tout à fait personnel : je pense à la défiscalisation de l’impôt sur la fortune au profit des PME, qui a pu créer un effet de levier de 600 millions à un milliard d’euros, au profit de PME qui en ont bien besoin. J’ignore si cette mesure était la seule qui pouvait être prise et je me garderais bien de la qualifier de pertinente ; mais c’est certainement la seule, au sein du paquet fiscal, qui mériterait en tout cas d’être expérimentée pendant une année supplémentaire, quand toutes les autres devraient être suspendues, au moins pour l’année 2009 – le temps pour nos finances publiques de reprendre leur souffle et pour le plan de relance, si plan de relance il doit y avoir, de prendre toute son ampleur.

Soulignons enfin que ces 70 milliards de déficit budgétaire sont estimés à recettes fiscales constantes, ce qui paraît infiniment peu probable : c’est donc à une véritable dérive des comptes publics de l’État que nous assistons sans réagir. Dès lors que l’on a le souci des finances publiques, il est urgent de revenir sur des mesures dont l’efficacité est pour le moins sujette à caution.

Il est vrai – je salue ici la sincérité de M. le rapporteur général – que des crédits ont été annulés afin de compenser les 2,8 milliards de crédits qui sont ouverts. C’est une autre vérité qui apparaît, dont je ne suis pas sûr qu’elle soit tout à l’honneur de la majorité et du Gouvernement.

En effet, les crédits annulés concernent notamment l’enseignement scolaire, pour 65 millions d’euros. Après la suppression de tant de postes dans l’enseignement, est-il légitime de continuer à annuler des crédits dans le service public de l’éducation nationale ? Cette somme peut paraître faible, mais pour beaucoup de représentants de départements ruraux ou rurbains – dont je suis – les fermetures de classes ou d’écoles représentent de véritables drames. Ces annulations ne pourront qu’aggraver une évolution tout à fait contestable et certainement contraire à l’équité dans les territoires.

D’autres annulations concernent l’écologie et le développement durable, pour près de 230 millions d’euros. Il nous semblait pourtant, à écouter les entretiens de Grenelle, à écouter M. Jean-Louis Borloo dans cet hémicycle, que c’était l’une de vos priorités.

M. Jean-Pierre Brard. Vous l’aviez cru ? Vous êtes bien naïf !

M. Jérôme Cahuzac. L’annulation de 230 millions d’euros de crédits n’est donc en rien anodine !

Mais le pire, sans doute, c’est l’annulation de près de 400 millions d’euros destinés à la mission « Enseignement supérieur et recherche ». Là encore, il s’agit d’une soi-disant priorité des pouvoirs publics, largement mise en avant bien sûr par Mme la ministre chargée de ce secteur, mais reprise à l’envie par vous, monsieur le ministre, et par les autres membres du Gouvernement. Si c’est une priorité, pourquoi cette mission est-elle l’objet d’autant d’annulations de crédits ? Sur un total de 1,8 milliard d’euros d’annulations auxquelles il a été procédé par voie administrative, les 400 millions de la mission « Enseignement supérieur et recherche » représentent le quart : cela fait beaucoup, mes chers collègues.

M. Jean-Pierre Brard. C’est même trop !

M. Jérôme Cahuzac. Au-delà de la contradiction avec les engagements affichés, cela constitue une insulte à l’avenir car nous savons que c’est grâce au développement de la recherche, de l’économie de la connaissance, de l’enseignement supérieur et de la formation que nous renouerons avec une croissance durable et que nous pourrons mettre en valeur les atouts de notre pays. Cette vérité, révélée par le collectif budgétaire, ne me semble pas devoir être à porter à l’actif du Gouvernement.

Mais j’en viens à une ultime vérité, monsieur le ministre. Pour sauver le système bancaire et financier, le Gouvernement a dépensé 360 milliards d’euros : 320 milliards pour garantir les actifs et 40 milliards pour augmenter les fonds propres. Nous avons déjà eu un débat à ce sujet et, bien que la crise financière ait suivi, et non précédé, la crise économique et sociale, nous étions nombreux à penser que l’urgence pouvait justifier l’ampleur de ces sommes inscrites dans la première loi de finances rectificative. Mais nous étions également nombreux à penser que la deuxième loi de finances rectificative traiterait de la crise économique et sociale. Ce n’est malheureusement pas le cas. La comparaison de chiffres a de quoi choquer : 360 milliards d’euros pour les banques, 26 milliards d’euros – dont certains comptés plusieurs fois et ne provenant pas tous de l’État – pour le plan de relance de l’économie. Et sur ce montant, pour les publics en difficulté, il y a seulement 2 milliards d’euros, en ajoutant aux 1,3 milliard d’euros du RSA les 750 millions d’euros destinés à financer le chèque de 200 euros annoncé par Nicolas Sarkozy dans son discours de Douai et qui ne sera versé qu’au mois d’avril, date bien tardive, compte tenu de la panne que subit la consommation.

Nous attendions autre chose de ce collectif budgétaire. Certes, il était probablement nécessaire de prendre des mesures de nature à mettre en œuvre une politique de l’offre, mais sans nier à ce point la politique de la demande. Rien ne vient la soutenir. Et ce ne sont pas les propositions présidentielles qui pourront corriger cette erreur économique. Un partage plus équitable entre politique de l’offre et politique de la demande eut pourtant été souhaitable. À quoi sert d’inciter les entreprises à produire si les consommateurs n’ont pas de quoi acheter ce qui sortira des usines ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. C’est le BA-ba !

M. Jérôme Cahuzac. Chers collègues de la majorité, le simple bon sens devrait vous inciter à insister auprès de nos dirigeants afin qu’une véritable politique de la demande soit enfin mise en œuvre, en lieu et place de cette espèce d’aumône consentie par le Président de la République à travers ce chèque de 200 euros pour 3,5 millions de nos concitoyens quand tant d’argent est consacré à d’autres, qui n’en font pas forcément le meilleur usage, faute de contrôles suffisants de la part des pouvoirs publics.

Enfin, monsieur le ministre, je dois vous dire que nous avons été plusieurs membres de la commission des finances à nous étonner que le Gouvernement soumette à la représentation nationale un amendement relatif à Dexia. J’ignore s’il est opportun d’en parler maintenant mais faute de renseignements de votre part, vous me permettrez de vous interroger à ce sujet.

Dexia, nous le savons, a fait l’objet d’une recapitalisation de 6 milliards d’euros, dont 3 proviennent de la France – 2 milliards de la Caisse des dépôts et 1 milliard de l’État. De surcroît, près de 40 milliards d’euros d’actifs de cette banque ont été garantis dans le cadre de la première loi de finances rectificative, il y a six semaines. Mais cela n’a pas empêché le Gouvernement d’utiliser la procédure de l’article 88 pour déposer un amendement visant à demander au Parlement d’avaliser une garantie supplémentaire d’environ 7 milliards d’euros pour cette même banque : la vente de FSA, filiale américaine ayant précipité les malheurs de Dexia, nécessiterait pour rassurer les futurs acquéreurs que l’État français garantisse les actifs de cet établissement. Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il est un peu léger de la part du Gouvernement de présenter cet amendement sans fournir aucune explication alors que tant d’efforts ont été faits en faveur de cette banque ? Ne croyez-vous pas que le risque est grand de voir cette société achetée par un acquéreur qui déciderait de la brader à prix cassé à quelque personne de sa connaissance, voire un ami, lequel pourrait ensuite se retourner contre l’État français en lui demandant d’honorer la garantie que vous avez demandé au Parlement de consentir ?

Encore une fois, les chiffres parlent d’eux-mêmes. À côté de ces 7 milliards d’euros consacrés à Dexia, que pèsent les 750 millions d’euros que vous destinez à nos concitoyens se trouvant dans le plus complet dénuement, qui éprouvent de plus en plus de difficulté à assumer leur destin et celui de leur famille ? Cette décision a fait, j’imagine, l’objet de réflexions profondes de votre part, de discussions interministérielles, peut-être de négociations entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif, en particulier avec les représentants de la majorité qui vous soutient. Pour ma part, je trouve la comparaison choquante. Mais je vois un de nos collègues de la majorité faire la moue. J’imagine qu’il n’a pas eu la même expérience que beaucoup d’entre nous au moment de l’ouverture des Restos du cœur, qui doivent faire face, nous le savons, à une explosion des inscriptions. Je ne crois pas que ce soit de gaieté de cœur, mes chers collègues, que nos concitoyens se tournent vers le Secours populaire ou les Restos du cœur.

M. Hervé Mariton. La solidarité justifie-t-elle la démagogie ?

M. Jérôme Cahuzac. J’ignore si vous trouvez démagogique la comparaison entre la somme de 750 millions d’euros destinés aux publics en difficulté et celle de 6 milliards d’euros destinés à une banque. Elle serait peu à l’honneur de ceux qui s’en contenteraient sans plus, surtout en l’absence d’information de la part du Gouvernement sur les bénéficiaires de ces milliards.

L’insincérité de certaines prévisions budgétaires et la légèreté avec laquelle les milliards valsent au profit des uns et parfois au détriment des autres me conduisent à vous demander, chers collègues, de voter cette exception d’irrecevabilité afin que le Gouvernement puisse nous présenter un autre collectif budgétaire qui traite non seulement de la crise économique et financière mais aussi de la crise sociale, pour laquelle tout reste à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Dominique Baert. Magistral !

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, à travers le présent collectif budgétaire, nous poursuivons le travail engagé dans le projet de loi de finances afin de tenir compte de la crise. Nous ajustons, nous maîtrisons, nous remboursons, nous investissons, nous relançons : telle est notre feuille de route.

Vous nous reprochez de sous-budgetiser. Mais il faut savoir que la prime de Noël, qui est d’ailleurs versée en novembre pour donner un coup de pouce à la consommation et au pouvoir d’achat, n’a jamais été inscrite au budget, y compris lorsque vous étiez au pouvoir. Vous faisiez même pire car, en 2000 et 2001, vous ne l’avez même pas remboursée à la sécurité sociale qui est chargée de son versement.

M. Jean-Pierre Brard. Oui, mais, à cette époque, il n’y avait pas de trou dans le budget de la sécurité sociale ! Grâce à Martine Aubry !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Au moins procédons-nous au remboursement immédiat, ce qui évite de faire augmenter la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale. Je ne vois pas ce que vous pouvez nous reprocher à ce sujet.

Par ailleurs, je dois vous préciser que nous luttons avec beaucoup de constance contre les sous-budgétisations. Quelles que soient les difficultés que nous rencontrons dans l’élaboration des budgets, du fait d’un contexte économique pour le moins compliqué, nous veillons à tous les réajuster.

Vous nous faites aussi le reproche d’annuler des crédits. Pourtant, chaque collectif budgétaire a toujours eu son lot d’annulations de crédits. C’est même le but des collectifs budgétaires que d’ajuster les budgets, qu’il s’agisse d’intégrer les prélèvements sur recettes ou de prendre en compte les crédits non consommés. Et cela se vérifie à l’échelon des collectivités locales. Seulement plus les budgets sont importants, plus il y a d’annulations. Il faut bien comprendre que ces annulations ne constituent pas autant de prises de positions politiques sur l’enseignement supérieur, la défense, la recherche, que sais-je encore. Elles correspondent à une vision purement comptable.

M. Jean-Pierre Brard. « Purement comptable », vous l’avez dit. C’est même de l’épicerie !

M. Éric Woerth, ministre du budget. En matière budgétaire, mieux vaut faire un peu de comptabilité car sans elle, il n’y a pas de sincérité des comptes possible.

M. Jean-Pierre Brard. Mais je ne vois pas votre crayon à papier !

M. Éric Woerth, ministre du budget. On reproche suffisamment à certains de ne pas comptabiliser ! Ce qu’il ne faut pas, c’est avoir l’esprit comptable, ce qui est un peu différent. Nous devons donc prendre en compte les crédits qui dépassent le niveau de consommation prévu pour les annuler et, l’année suivante, si des projets n’ont pas été mis en œuvre dans les délais impartis, continuer à le faire. Cela ne constitue aucunement une remise en cause du caractère prioritaire accordé à telle ou telle politique, c’est simplement un constat clair tiré de l’état de la consommation des crédits.

Le collectif procède aussi à des ouvertures de crédits, c’est le cas par exemple pour l’allocation aux adultes handicapés. À cet égard, je ne comprends pas très bien le reproche que vous nous faites d’avoir fait courir le risque, par une sous-budgétisation, d’un non-versement de l’allocation. Vous semblez ignorer que l’AAH est versée à ses bénéficiaires par la sécurité sociale que l’État rembourse par la suite. C’est d’ailleurs ce mécanisme qui a bien souvent été à l’origine de dettes car l’État ne remboursait pas toujours. Aujourd’hui, nous mettons fin à ce type de pratiques : nous remboursons ce que nous devons à la sécurité sociale. Et croyez-moi nos concitoyens ne risquent pas de se voir privés de leurs prestations !

Nous maîtrisons la dépense, comme Gilles Carrez a bien voulu le souligner. La dépense publique progresse ainsi de zéro en volume, autrement dit sa progression est égale à l’inflation et elle est encore moindre, si l’on retire la charge des intérêts de la dette et certaines autres dépenses contraintes.

Nous investissons également. Le plan de relance le démontre. C’est un point essentiel de ce collectif, qui occupera une place primordiale dans les discussions que nous aurons au mois de janvier. Vous évoquez, monsieur Cahuzac, une extraordinaire dichotomie entre politique de l’offre et politique de la demande. Puis-je vous rappeler qu’au mois de juillet 2007, lorsque nous avions choisi d’agir sur la demande, vous juriez que la loi TEPA aurait des effets catastrophiques ? Pierre-Alain Muet, qui est un très bon économiste…

M. Jean-Pierre Brard. Vous devriez l’embaucher.

M. Éric Woerth, ministre du budget. …nous répétait avec une belle constance qu’il fallait agir sur l’offre et les entreprises. Je note à cet égard une petite brèche dans votre argumentation, monsieur Cahuzac. Car vous consentez tout de même à dire, même si c’est avec difficulté, que dans la loi TEPA, censée être une horreur absolue, les dispositions relatives à la réduction de l’ISF au titre des investissements dans une PME ne sont pas une si mauvaise chose. En attendant quelques mois encore, je suis persuadé qu’une autre mesure comme la défiscalisation des heures supplémentaires ou le crédit d’impôt immobilier trouvera grâce à vos yeux. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous avez fait naître une petite lueur d’espoir.

Je note par ailleurs que vous vous épouvantez de l’augmentation du déficit. Certes, le déficit augmente, le rapporteur l’a noté également ; cela n’a rien d’une surprise.

M. Jérôme Cahuzac. 70 milliards d’euros !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous avions parlé d’un déficit de 51 milliards d’euros pour l’exercice 2008 et nous avons dit pourquoi il sera supérieur en 2009 et quel montant il atteindra. Nous avons également indiqué comment nous comptions réduire ce déficit en 2010, 2011 et 2012 grâce au plan de relance, puisqu’il s’agit de dépenses réversibles.

Quant au paquet fiscal, vous estimez qu’il coûte entre 4 et 12 milliards. On peut dire que vous faites valser les milliards ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Non, c’est vous qui les faites valser !

M. Éric Woerth, ministre du budget. En fait, le coût du paquet fiscal aura été de 7 milliards en 2008.

Vous dites que le déficit est la conséquence de la loi TEPA. Mais ce que vous proposez l’aurait creusé de la même manière.

M. Jérôme Cahuzac. Mais nous, nous proposons des dépenses utiles ! 

M. Éric Woerth, ministre du budget. En fait, vous considérez qu’on ne dépense jamais assez, particulièrement lorsqu’il s’agit de dépenses de fonctionnement. Pour notre part, nous préférons les dépenses d’investissement...

M. Jérôme Cahuzac. On le voit !

M. Éric Woerth, ministre du budget. ...ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Monsieur Cahuzac, donnez-nous de vrais exemples d’économies, et n’en revenez pas toujours à la loi TEPA : vous l’avez déjà gagée quatre ou cinq fois ! La loi TEPA représente une dizaine de milliards d’euros, vous en avez dépensé au moins trente !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas vrai !

M. Jérôme Cahuzac. C’est caricatural !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Erreur économique au-delà, vérité économique en deçà… Tout cela peut changer. Le plan de relance vise l’offre ; à vous entendre, il faudrait faire de la demande. La loi TEPA jouait sur la demande ; vous souteniez que c’était sur l’offre qu’il fallait agir. Il serait temps que vous vous mettiez d’accord ! En attendant, j’invite les députés présents à ne pas voter l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.

(Mme Catherine Vautrin remplace Mme Danièle Hoffman-Rispal au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, je constate que Coué a toujours des disciples : vous avez un côté apostolat…

Mme Marie-Christine Dalloz. N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard. Comment, chère collègue, vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Vous pensez que M. le ministre n’a pas les vertus d’un apôtre dans cette discipline – très particulière ?

M. Jérôme Chartier. Pas seulement dans celle-ci !

M. Jean-Pierre Brard. Mais bien sûr que si ! Ajoutons que, tout comme les apôtres, M. le ministre a une réelle capacité d’endormissement… En effet, pour faire croire à de belles histoires, il faut endormir l’esprit critique, et c’est bien ce qu’il s’efforce de faire. Si la mauvaise foi était cotée en bourse et s’il vendait des actions de mauvaise foi comme il a su vendre les actions des sociétés publiques, je suis sûr que le budget ne serait plus en déficit !

Jérôme Cahuzac l’a fort bien expliqué : 5 milliards de sosu-budgétisation. Cinq milliards « au moins », a-t-il ajouté, car il vous connaît, monsieur le ministre ! À cela, il faut ajouter les 15 milliards du plan de relance. Il a parlé, avec pertinence, d’un déficit d’au moins 70 milliards.

Le déficit, en soi, ne nous fait pas peur, pour peu qu’il serve à quelque chose..

M. Jérôme Cahuzac. Exactement !

M. Jean-Pierre Brard. Mais les vôtres vont continuer de plomber l’économie nationale dans la durée et aggraver la crise dans laquelle vous enfoncez le pays. Plus vous les creuserez, plus l’économie réelle souffrira, alors qu’elle doit déjà faire face à des problèmes bancaires.

De l’argent, il y en a, mais vous ne voulez pas y toucher. Du reste, vous savez même où il est : chez les gens dont vous êtes ici les fondés de pouvoir. Il faut dire que vous les défendez avec zèle, parfois avec habilité, en tout cas avec constance et persévérance, et toujours avec enthousiasme.

M. François de Rugy. On peut même parler d’excès de zèle !

M. Jean-Pierre Brard. Certes, mais l’excès de zèle fait partie de l’exercice, sinon ils n’auraient pas droit à la reconnaissance de Mme Parisot – même si parfois, pour vous pousser à faire encore plus d’efforts, elle se montre ingrate dans l’expression de la reconnaissance publique.

M. Alain Cacheux. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. Dans nos circonscriptions, nous voyons la pauvreté progresser, la misère s’installer, la désespérance gagner les familles auxquelles vous ôtez toute perspective de retrouver du travail ou de vivre dignement d’un salaire. Face à cette situation, vous continuez de permettre que les riches s’enrichissent davantage encore, contribuant ainsi à l’aggravation de la crise. Mais vous êtes tellement imbibés de votre idéologie perverse, habités par cette foi aveugle, que vous persévérez dans cette politique qui a déjà tellement fait de mal au pays. En fait, et c’est là-dessus que nous devons appeler l’attention de l’opinion publique et de nos concitoyens, vous profitez de la crise pour poursuivre les exonérations de cotisations fiscales et sociales. Pourquoi ? Parce que vous avez besoin des trous pour continuer de réduire le champ de la sécurité sociale en faisant croire que c’est inéluctable. Or ce n’est pas vrai.

Souvenez-vous du temps de la gauche plurielle… (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Je comprends que ces souvenirs vous fassent mal !

Mme Marie-Christine Dalloz. Non, ils nous font rire !

M. Jean-Pierre Brard. Rappelons qu’à l’époque, le budget de la sécurité sociale était excédentaire, parce qu’on suivait une logique de soutien de la demande, au lieu de donner des milliards aux privilégiés, comme vous l’avez fait l’année dernière, monsieur le ministre. N’avez-vous pas rendu un chèque de 7 millions d’euros à l’héritière des Galeries Lafayette ? Comme si elle en avait besoin !

Mme la présidente. Monsieur Brard, veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Brard. Pardonnez-moi, madame la présidente, je vais directement à ma conclusion pour ne pas vous indisposer ! (Sourires.)

En réalité, monsieur le ministre, vous persévérez dans des choix idéologiques coupables. Votre seul souci désormais est de faire avaler la pilule grâce à votre rhétorique, d’anesthésier l’opinion en faisant croire que vos choix sont inéluctables alors précisément qu’il faut rompre avec ces choix et redonner du pouvoir d’achat – du « fonctionnement , comme vous dites. Or quand les Français sont dans la souffrance, ce n’est pas de fonctionnement qu’ils ont besoin dans leur assiette, mais d’un bifteck supplémentaire, que vous leur refusez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pour commencer, mes chers collègues de l’opposition, j’attends toujours vos arguments sur l’inconstitutionnalité du projet de loi de finances rectificative, puisque, je vous le rappelle, vous avez déposé une exception d’irrecevabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. François de Rugy. Ils sont tellement nombreux, tellement évidents !

M. Charles de Courson. Vous me répondrez que c’est ce que tout le monde fait : on y parle de tout, sauf d’inconstitutionnalité.

M. Henri Nayrou. Allons, monsieur de Courson, trouvez autre chose !

M. Charles de Courson. Certes, mais il faut savoir le rappeler de temps en temps…

J’en viens au fond. Selon M. Cahuzac, il y a une grave sous-budgétisation à hauteur de 5,6 milliards d’euros. Non : la note de la Cour des comptes fait état d’une sous-budgétisation de 1,6 ou 1,7 milliard, disons un peu plus de 1 milliard, et d’un problème des relations avec la sécurité sociale.

Le collectif prévoit de ramener la dette de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale de 4,7 milliards à 3 milliards, autrement dit de la maintenir à son niveau antérieur. Il n’y a donc pas d’aggravation des dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale en 2008 : vous devriez rendre hommage à Éric Woerth puisque c’est l’un des premiers à avoir essayé de réduire sensiblement les dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous auriez pu dire : c’est un bon début, mais peut faire mieux. Du reste, il l’admet lui-même puisqu’il reconnaît devoir encore 3 milliards, mais il ajoute ne pas désespérer de parvenir à le réduire dans les deux ans à venir.

Comme l’explique le rapport de la Cour des comptes, ces 3 milliards d’euros correspondent bien à une dette de l’État – c’est incontestable : ils devraient même être provisionnés à ce titre dans les comptes de l’État.

M. Jérôme Cahuzac. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Toujours selon le rapport de la Cour des comptes, la sous-budgétisation perdure pour 2009 et devrait se situer à un peu plus de 1 milliard – rappelons que la dépense brute de l’État s’élève à 370 milliards. Autrement dit le Gouvernement peut mieux faire, c’est vrai ; mais rendez au moins hommage à Éric Woerth pour avoir fait progresser la sincérité des budgets. Nos collègues socialistes ont du reste reconnu en commission des finances qu’il y avait eu une amélioration.

J’en viens maintenant à vos contradictions internes. Je suis de ceux qui regrettent la dérive budgétaire. Depuis quinze ans que je suis député, ma position n’a jamais changé d’un iota sur ce point.

Maintenant, ce dérapage budgétaire est-il lié à des dépenses supplémentaires de l’État sur l’exercice 2008 ? Pratiquement pas, puisqu’on redéploie à budget constant. En fait, il est lié à l’effondrement des recettes qui atteint 7 milliards. Comme a prévenu avec beaucoup d’honnêteté le ministre, il se pourrait que la baisse des recettes atteigne 10 milliards. Nous connaîtrons vers le 15 décembre quelle est l’ampleur de la chute de l’impôt sur les sociétés. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le quart de l’assiette de l’IS est lié au secteur des banques et assurances et que si le résultat des banques et des assurances chute de 40 %, ce qui est un minimum, l’État perdra 10 % de recettes, soit presque 6 milliards pour ce seul secteur ! La plus grande prudence s’impose.

M. Cahuzac défend la thèse de la relance de l’économie par la consommation. Je pense que cette thèse est erronée et qu’il faut, au contraire, relancer l’économie par l’investissement, ce que fait le Gouvernement.

Mes chers collègues de l’opposition, si notre industrie était particulièrement compétitive, la thèse de M. Cahuzac ne serait pas absurde. Mais ce n’est plus possible lorsque le déficit de la balance commerciale française atteint 150 milliards. Vous-mêmes le savez : vous avez, il fut un temps, essayé cette politique de relance par la consommation et vous vous êtes « plantés » : à chaque fois, vous n’avez fait qu’aggraver le déficit de la balance commerciale.

Voilà pourquoi je considère que le choix fait par le Gouvernement était le seul possible. Aussi, le groupe Nouveau Centre repoussera l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le groupe socialiste votera sans hésiter l’exception d’irrecevabilité brillamment présentée par Jérôme Cahuzac, pour plusieurs raisons.

D’abord pour une question de méthode : normalement, le collectif de fin d’année devrait prendre en compte la réalité économique, d’autant que celle-ci n’a strictement rien à voir avec celle que vous aviez imaginée lorsque vous avez élaboré le budget. Or il ne fait aucune analyse de la situation ni aucune proposition pour y répondre. Le débat budgétaire sur l’exercice 2009 ne la prenait pas davantage en compte. Et si un précédent collectif a été l’occasion de prendre des mesures en faveur des banques, cela n’a visiblement pas suffi, puisqu’il vous a fallu rajouter à ce deuxième collectif un amendement de 6 milliards d’euros tirant les conséquences des décisions prises dans le cadre du plan de sauvetage des banques.

Monsieur le ministre, lors du débat sur le plan de relance, vous avez évoqué la loi TEPA : la première mesure que vous pourriez prendre dans la situation actuelle vous permettrait de réaliser des économies considérables et de créer des emplois, ce que, en trente ans d’analyse économique, je n’avais jamais vu faire ! Ce serait même un cas d’école : si vous supprimiez le dispositif absurde relatif aux heures supplémentaires qui coûte 5 milliards d’euros et a eu pour seul effet de détruire de 13 000 à 66 000 emplois, selon l’analyse récente d’un brillant administrateur de l’INSEE, vous réaliseriez le prodige de réduire le déficit et de créer des emplois ou, du moins, de ne pas en détruire. C’est, je le répète, la première mesure à prendre.

M. Alain Cacheux. Ce serait effectivement une bonne chose.

M. Pierre-Alain Muet. Regardez en face la réalité du pays ! Ce n’est pas la crise financière qui explique la récession que nous connaissons depuis le début de l’année et le fait que la croissance est quasiment nulle, alors que vous aviez prévu une augmentation de 2,5 points. Je sais que la moyenne annuelle tourne autour de 0,9 parce qu’à la fin de l’année 2007 la croissance était encore relativement élevée. Mais en réalité, il n’y a aucune croissance depuis le début de l’année 2008 et la consommation des ménages est en baisse. Et si elle est en baisse, c’est que le pouvoir d’achat baisse lui aussi, et ce pour deux raisons. La première est le choc pétrolier de la fin de 2007 et du début de 2008, qui a ponctionné le pouvoir d’achat dans tous les pays industrialisés. La seconde, propre à notre pays, est l’absence de toute politique permettant de soutenir le pouvoir d’achat : depuis dix-huit vous n’avez donné aucun coup de pouce au SMIC ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Vous l’avez déjà dit !

M. Pierre-Alain Muet. Vous avez refusé toutes les augmentations qu’on vous a proposées ! Le résultat, c’est que le pouvoir d’achat qui avait augmenté en 2007 baisse cette année.

M. Alain Néri. Il est en berne !

M. Pierre-Alain Muet. Si vous voulez répondre à la crise, il faut évidemment prendre des mesures qui favorisent l’investissement, mais les accompagner de mesures qui visent à améliorer le pouvoir d’achat. Contrairement à ce que dit M. de Courson, il est faux de prétendre qu’une relance par la consommation aggrave le déficit extérieur. Demandez-le au ministère des finances : il dispose de très bons modèles économétriques qui montrent que la relance de l’investissement des entreprises augmente les importations du fait que, malheureusement, en France, la fraction importée des biens d’équipement est plus importante que la fraction importée des biens de consommation.

Il est donc totalement absurde de prétendre qu’une relance par la consommation, contrairement à une relance par l’investissement, dégraderait notre déficit commercial. Je le répète : la relance par l’investissement aurait des conséquences encore plus graves en termes de déficit extérieur.

Si vous voulez répondre à la crise, il faut un plan qui marche sur ses deux jambes, qui soutienne à la fois la consommation par le revenu et l’investissement.

La politique que vous menez depuis un an et demi est totalement incohérente. Du reste, nous n’avons jamais pu débattre de sa cohérence à l’occasion d’une projet de loi de finances ou d’un collectif budgétaire : pendant que nous les examinons, le Président de la République annonce des mesures qui s’élèvent à plusieurs milliards d’euros sans être jamais discutées à l’Assemblée, sinon par petits bouts !

Si vous vous imposiez la discipline d’utiliser les lois de finances et les collectifs budgétaires pour mener une politique économique, celle-ci gagnerait en cohérence et notre économie s’en porterait beaucoup mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour le groupe de l’UMP.

Mme Marie-Anne Montchamp. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jérôme Cahuzac a évoqué une « année catastrophique ». Je crois que c’est là le seul point de convergence entre son analyse…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très brillante !

Mme Marie-Anne Montchamp. …et la position de notre groupe : il est vrai que notre économie traverse une crise sans précédent.

M. Jérôme Cahuzac. Vous ne seriez pas d’accord que cela nous inquiéterait !

Mme Marie-Anne Montchamp. C’est du reste un phénomène mondial.

M. Pierre-Alain Muet. Vous avez fait ce qu’il fallait pour cela !

Mme Marie-Anne Montchamp. En revanche, et là s’arrête notre convergence, le traitement par notre collègue de l’exception d’irrecevabilité est caractéristique de la position du groupe socialiste – à savoir vouloir une chose et son contraire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Qu’est-ce d’autre en effet que d’employer un argument selon lequel on serait capable à la fois de faire trop et pas assez ?

M. Alain Néri. Le bouclier fiscal était effectivement une mesure impossible !

Mme Marie-Anne Montchamp. Le groupe de l’UMP prétend au contraire que ce collectif budgétaire est un véritable instrument de cohérence, en phase avec les autres outils de financement public que nous avons étudiés ensemble durant de longues heures ici. C’est également un outil de performance budgétaire, car il s’agit de produire des effets de leviers maximisés tout en étant le plus économe et le plus rigoureux possible en matière de dépenses publiques.

Or, nous pouvons nous en féliciter, ce projet de loi de finances rectificative y parvient grâce à l’anticipation des dégrèvements et des ouvertures de crédits, dont le crédit d’impôt recherche est le prototype, ce qui favorisera la compétitivité de nos petites et moyennes entreprises, toujours sujette à risque en cette période de crise et de récession.

Il faut, en revanche, prendre de l’élan pour oser suggérer que l’équilibrage entre ouverture et annulation de crédits ne serait pas une pratique vertueuse, tant il me semble que ce collectif est un exercice de rigueur et de sincérité.

C’est précisément l’argument de la sincérité que Jérôme Cahuzac nous a servi, non sans une certaine délectation, voire une certaine ironie.

M. Dominique Baert. Et surtout une grande érudition !

Mme Marie-Anne Montchamp. Il a distribué de mauvais points, notamment en ce qui concerne la loi TEPA. Or, mon cher collègue, il ne suffit pas de produire une étude de la DARES, qui propose une vision à plat et linéaire de l’utilisation des heures supplémentaires ; il pourrait être intéressant de considérer en quoi ces mesures ont permis de maintenir un niveau de compétitivité suffisant dans des secteurs fragilisés de notre économie.

Quant à la question de l’AAH ou des contrats aidés, il aurait été coupable de ne pas prendre en compte les publics fragiles que sont les personnes handicapées et les jeunes…

M. Dominique Baert. Pourquoi alors avoir supprimé les mesures en leur faveur ?

Mme Marie-Anne Montchamp. …et de ne pas actualiser, en effet, par des mesures conjoncturelles des décisions que nous avions prises à la suite des vôtres, lesquelles se traduisaient par un échec économique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce projet de loi de finances rectificative est donc, je le répète, un véritable outil de cohérence politique. Le groupe de l’UMP y accorde une attention méticuleuse. Encore amélioré par les amendements que nous défendrons ou que le Gouvernement proposera, ce texte nous permettra d’adopter un mode de pilotage moderne, indispensable dans une période de crise.

M. Alain Néri. Et qui nous mènera directement dans le mur !

Mme Marie-Anne Montchamp. C’est la raison pour laquelle le groupe de l’UMP votera contre l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

(Mme Danièle Hoffman-Rispal remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal,
vice-présidente

Question préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les discussions autour des projets de lois de finances et de lois de finances rectificatives sont, reconnaissons-le, assez surréalistes. Ce projet de loi de finances rectificative n’échappe pas à la règle puisqu’il a été déposé avant l’annonce de plusieurs mesures qui s’y trouvent désormais intégrées, y compris par voie d’amendement.

Le débat aurait sans aucun doute gagné en clarté si le Gouvernement n’avait pas décidé de mélanger diverses mesures à l’importance assez relative avec des dispositions directement issues, nous dit-on, du discours programme du Président de la République annonçant un plan de relance, discours prononcé bien après le dépôt de ce projet de loi de finances rectificative ! Cela explique, sans le justifier à nos yeux, que nous découvrions en commission quelques heures seulement avant l’ouverture de notre débat des amendements du Gouvernement portant sur des engagements financiers de plusieurs milliards d’euros. Ce méli-mélo procédural serait suffisant à justifier, à nos yeux, la défense de cette question préalable, et ce d’autant plus que le Gouvernement est coutumier du fait.

Nous apprenons ainsi que la proposition de loi sur le travail le dimanche pourrait être intégrée à un futur projet de loi sur la relance, ce qui serait le sommet de ce méli-mélo que j’ai évoqué à l’instant, à savoir d’une confusion politique particulièrement grave sur des sujets aussi importants. Chacun peut malheureusement constater que votre objectif, dans la conduite de nos débats, n’est ni la clarté ni l’honnêteté mais bien la précipitation et la confusion. La réactivité que vous avez évoquée au début de votre intervention, monsieur le ministre, ne saurait tout justifier !

Outre la procédure parlementaire malmenée – nous avons dû nous y habituer depuis plus de dix-huit mois –, cette confusion me paraît d’autant plus patente que vous semblez hésiter, voire valser, entre plusieurs politiques pour répondre à la crise. Autant le Président de la République et le Gouvernement avaient réagi rapidement et clairement – nous le reconnaissons – lorsqu’il s’était agi d’élaborer un plan de sauvetage des banques et du système financier, autant vous semblez hésiter et changer régulièrement de pied en matière de politique économique – les explications que vous avez tenté de donner à Jérôme Cahuzac ne faisant que confirmer cette impression.

Avant de commenter les mesures du plan de relance que vous annoncez et certaines dispositions du projet de loi de finances rectificative, je voudrais revenir quelque peu en arrière. Vous avez évoqué les années 1997 à 2002 ; je vous rassure, je ne remonterai, quant à moi, pas plus de dix-huit mois en arrière ! Je voudrais en effet remettre en perspective vos différentes décisions de politique économique et, surtout, souligner avec le plus de clarté possible que la crise financière a aujourd’hui bon dos. On ne peut tout de même pas tout lui imputer ! Les difficultés économiques et sociales ont commencé en France bien avant son apparition, qui les amplifie évidemment.

Si on peut encore comprendre que vous n’ayez pas pu anticiper l’ampleur de cette crise financière, on peut en revanche regretter que vous n’ayez pas voulu voir ou croire que la crise des subprimes, qui a commencé aux États-Unis en juillet 2007, aurait rapidement des conséquences plus larges. Nous avions du reste évoqué cette crise, je me le rappelle très bien, au cours du débat sur le projet de loi relatif au « paquet fiscal »,

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je n’ai jamais évoqué les subprimes en juillet 2007 !

M. François de Rugy. Vous pouvez relire les comptes rendus intégraux des débats de cette époque, monsieur le ministre ! Nous avions été plusieurs à évoquer les problèmes naissants de l’immobilier aux États-Unis et à suggérer qu’ils ne manqueraient pas d’apparaître également en France et d’y avoir des conséquences économiques et financières, même si, je le reconnais, nous n’avions pas imaginé qu’elles puissent être d’une telle ampleur et s’accompagner d’une telle brutalité.

On ne peut également que déplorer vos choix économiques et budgétaires depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République.

En effet, en juillet 2007, quelques semaines seulement après l’élection présidentielle et les élections législatives, votre première action a été de soumettre à notre assemblée le projet de loi Travail emploi et pouvoir d’achat, rebaptisé à juste titre, et pas seulement par les députés de l’opposition, « paquet fiscal ». Je le répète : ce fut votre première grande décision politique et économique.

Son impact fiscal et surtout budgétaire a été très important, chacun reconnaissant qu’il a représenté une baisse de quelque 15 milliards d’euros de recettes fiscales – et une hausse équivalente des dépenses –, dans une période de déficit budgétaire déjà particulièrement élevé. Vous pouvez le contester, vous serez le seul ! Monsieur de Courson, vous avez rappelé que, depuis quinze ans, vous avez toujours défendu l’orthodoxie budgétaire ou, du moins, préconisé la lutte contre les déficits qu’on laisse filer. Je regrette, mon cher collègue, que, lors de l’examen du texte sur le « paquet fiscal », vous n’ayez pas souligné avec plus de force, notamment en commission, qu’il s’agissait d’un projet de loi irresponsable d’un point de vue financier et économique. Il est dommage qu’à l’époque vous ne soyez pas allé jusqu’au bout de votre compte : cela aurait permis de clarifier le débat.

Le Gouvernement est bien obligé de reconnaître aujourd’hui – nous avions déjà eu ce débat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009 –, que le déficit de l’État s’est creusé d’environ 13 milliards d’euros, somme équivalente, à peu de choses près, au coût du paquet fiscal et ce, rappelons-le, avant le déclenchement de la crise financière mondiale.

Les mesures prévues par le paquet fiscal entraînaient des pertes de recettes fiscales directes par le biais du bouclier fiscal, des exonérations de droits de succession sur les très gros patrimoines ou encore des exonérations de cotisations ou d’impôt sur les heures supplémentaires. Lorsque nous vous avions interpellé sur ce sujet, vous nous aviez rétorqué, votre collègue Mme Lagarde et vous-même, que cela entraînerait par ailleurs un surcroît d’activité économique qui à son tour générerait des recettes fiscales supplémentaires.

L’heure du bilan a sonné et, malheureusement pour les finances de l’État, autrement dit pour les Français qui devront bientôt payer la facture, votre calcul s’est révélé totalement inopérant. Ce qui devait arriver est arrivé : non seulement le déficit s’est creusé à cause des pertes de recettes directement imputables au paquet fiscal mais encore, avec le ralentissement de l’activité, vous avez sans cesse dû réviser à la baisse les rentrées de TVA ou d’impôts sur le revenu ou sur les sociétés. Et cette évolution n’a rien à voir avec la crise financière qui vient de se déclencher.

L’inconvénient, et non des moindres, c’est que les mesures prévues par le paquet fiscal arrivaient complètement à contretemps. Nous vous avions également prévenus, en juillet 2007, et vous de nous répondre que nous nous trompions. Or le bilan, aujourd’hui, est malheureusement on ne peut plus évident : non seulement vous avez toujours refusé de prendre en compte l’aggravation des injustices engendrées par le paquet fiscal, mais vous avez refusé d’ouvrir les yeux sur l’inefficacité économique de ces mesures.

Aujourd’hui, avec plus d’un an de recul, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle est l’efficacité économique du bouclier fiscal, quelle est l’efficacité économique de l’exonération des droits de succession sur les plus gros patrimoines ? J’ai déjà dit ce que nous pensions de la « justice sociale » de ces mesures ; je n’y reviens pas pour ne parler que d’efficacité économique. Pour résumer, vous avez distribué du pouvoir d’achat à ceux qui n’en ont aucunement besoin ; alors que vous refusiez de revaloriser les salaires, les retraites ou les prestations sociales, vous avez distribué des chèques-cadeaux aux plus riches. Vous avez interpellé nos collègues pendant qu’ils expliquaient leur vote en soutenant que vous avez ainsi engagé une relance par la demande et par le pouvoir d’achat. Pouvez-vous donc continuer de nous soutenir que le bouclier fiscal, l’exonération des droits de succession sont utiles pour le pouvoir d’achat ? Vous savez fort bien qu’il n’en est rien.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Et les heures supplémentaires ?

M. François de Rugy. Le bilan de la réforme des heures supplémentaires est encore plus désastreux que celui des exemples précédents. Nous avions été nombreux à dénoncer le caractère purement idéologique de cette mesure. Là encore, je mets de côté la question de savoir si le slogan « travailler plus pour gagner plus » est bon. De nombreux Français se rendent compte qu’ils sont de moins en moins à avoir du travail et qu’ils gagnent de moins en mois. La promesse est très loin d’être tenue, puisque c’est exactement le contraire qui se passe.

Et ne dites pas que ce n’était pas prévisible. N’importe quel élève de lycée ayant choisi l’option économie, tant qu’elle existe encore, sait que favoriser les heures supplémentaires en période de stagnation économique – ce qui était déjà le cas il y a un an ou un an et demi – aura pour résultat non de relancer l’activité mais, au contraire, de freiner encore un peu plus les embauches. C’est une bête question de logique économique. Et pendant ce temps, la situation de l’emploi s’aggrave.

Ne me dites pas qu’il ne s’agit là que d’un discours d’opposition, c’est bel et bien la réalité. Quand la plus forte hausse du chômage a-t-elle été annoncée par vos services, monsieur le ministre ? Au mois d’août. Vous ne pouvez tout de même pas mettre cette forte hausse sur le dos d’une crise financière qui s’est déclenchée plusieurs semaines après !

M. Jean-Pierre Gorges. Un an avant plutôt ! Vous n’avez pas suivi !

M. François de Rugy. Vous avez donc commis une faute, tout au moins une erreur économique majeure avec cette question des heures supplémentaires car – mettons de côté nos engagements politiques – si nous avions été en période de pleine expansion, nous aurions pu considérer que faciliter les heures supplémentaires revenait à faciliter la vie des entreprises qui allaient ainsi pouvoir faire face à de nouvelles commandes, conquérir de nouveaux marchés. Mais en période de stagnation, il était évident que votre politique, dans le meilleur des cas, n’entraînerait au mieux qu’un effet d’aubaine coûteux pour la collectivité, un contresens économique dont les effets négatifs sur le budget de l’État ne tarderaient pas à se faire sentir : on le constate aujourd’hui.

Après avoir parlé des heures supplémentaires et puisque vous n’aimez pas qu’on résume le paquet fiscal au bouclier fiscal ou à l’exonération des droits de succession, j’évoquerai un instant le logement. Nous avons là aussi été nombreux à vous alerter, instruits par l’expérience, sur l’inefficacité potentielle de la mesure que vous avez prise. Non seulement on ne vous entend plus pour la défendre – je n’entends plus un ministre, plus un seul parlementaire de la majorité plaider en sa faveur – mais vous reprenez notre proposition qui consistait à privilégier le prêt à taux zéro. Nous y reviendrons sans doute au cours de la discussion des différents articles du projet puisque nous avons appris il y a quelques heures que le Gouvernement allait proposer un amendement sur le sujet.

Mais tout cela, me direz-vous, est maintenant balayé par la crise et nous ne devrions même plus en parler ; ce ne serait que de l’histoire, même s’il ne saurait s’agir d’histoire ancienne puisque nous parlons de mesures prises il y a douze ou dix-huit mois. Je serais tout prêt à l’admettre avec vous si vous aviez décidé d’abroger ou à tout le moins de suspendre ces mesures aussi absurdes qu’injustes. Vous nous demandez souvent ce que nous proposons notamment en matière d’équilibre budgétaire, d’économies, de recettes. Voici une proposition simple : suspendons, au cas où les abroger purement et simplement vous ferait mal au cœur, les mesures prises il y a dix-huit mois, ce que tout le monde comprendra très bien en ces temps de crise.

Pour remettre en perspective vos décisions économiques et budgétaires, il faut aussi rappeler que votre discours, il y a quelques mois, était structuré par deux éléments récurrents – vous avez essayé d’y revenir à l’instant, monsieur le ministre, ce qui m’a fait penser que vous sembliez hésiter ou valser, plutôt que de garder une ligne cohérente en matière de politique économique.

Ainsi, un premier élément revenait sans cesse dans vos discours : les prestations sociales sont trop élevées et découragent les Français de travailler. On nous a servi ce refrain à longueur de débats, notamment pendant la dernière campagne présidentielle. Second élément que vous répétiez à l’envi, plus encore, il y a quelques mois : l’État et les collectivités locales investissent trop. Je vous entends encore, monsieur le ministre ou monsieur le rapporteur général du budget, au cours des débats sur la loi de finances pour 2009, nous expliquer que les collectivités locales devaient réduire leurs investissements – le Journal officiel des débats en fait foi !

Or qu’entend-on aujourd’hui ? Qu’ont dit le Premier ministre ou le nouveau ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance eux-mêmes, à plusieurs reprises, aujourd’hui même, en répondant aux interpellations des députés durant la séance de questions au Gouvernement ? François Fillon reconnaît désormais l’utilité de ce qu’il a appelé les « stabilisateurs sociaux » – expression, ce me semble, que vous avez employée à votre tour, monsieur le ministre –, c’est-à-dire ni plus ni moins que les différentes dépenses sociales : allocations, pensions et même les traitements des fonctionnaires que tous les économistes comptent parmi les stabilisateurs sociaux, traitements que vous vilipendiez encore il y a quelques mois et dont vous préconisez de temps à autre la réduction. Ce sont en effet des revenus sur lesquels l’économie générale est bien heureuse de pouvoir compter, sur lesquels les entreprises françaises, notamment en cette période de fin d’année, sont bien contentes de pouvoir compter car ils ne subissent pas directement les effets de la crise et permettent donc de stabiliser un certain niveau de consommation et d’activité économique.

M. de Courson a déclaré tout à l’heure que si nous avions une industrie forte,…

M. Charles de Courson. Compétitive !

M. François de Rugy. Compétitive, soit !

…la question de la demande et des revenus, serait une bonne question. Mais, chers collègues, moi qui défends une industrie forte, je trouve bien dommage que nous ne traitions pas sérieusement la question des délocalisations car, à chaque fois que nous en parlons, c’est pour ne rien faire. Mais parlons de l’économie de services. Croyez-vous qu’elle ne se nourrit pas d’abord du revenu des Français ? Comment sont financés tous les emplois de service à la personne, tous les emplois à domicile ? Directement par le revenu des Français, quelle que soit leur tranche d’âge, quelle que soit leur situation familiale.

Second élément, les investissements. On a l’impression qu’il a suffi d’un discours du Président de la République pour que vous redécouvriez les vertus de l’investissement public sur fonds publics et, surtout, celui des collectivités locales… J’ai été frappé d’entendre, pendant la séance de questions au Gouvernement, un député de la majorité défendre l’investissement des collectivités locales, répéter ce que nous avons toujours dit, savoir que près des trois quarts de l’investissement public est le fait des collectivités locales et que si l’on ne leur permettait pas d’investir, ce serait un effondrement. J’ai du reste entendu M. Devedjian, nouveau ministre, reprendre cette argumentation.

Quel dommage que nous ayons perdu deux ans ! Et même plus de six ans, devrais-je dire, puisque votre politique était déjà à l’œuvre dans le précédent gouvernement, une politique consistant à réduire les moyens des collectivités locales pour les contraindre à réduire leurs investissements. À l’instar de tous nos collègues dans leur région, je dispose d’exemples très concrets où l’État, ses services, notamment les préfets, freinent délibérément des projets parce qu’ils ne veulent pas que l’État soit amené à les cofinancer ou parce qu’ils ne veulent même pas que les collectivités locales puissent les réaliser.

Si seulement, au lieu de freiner, voire d’empêcher ces projets, vous aviez encouragé les projets d’infrastructures d’utilité écologique et sociale comme la rénovation urbaine ou les transports en commun – réalisations qui devraient susciter un large consensus puisque les grands projets de villes ont été lancés sous un gouvernement de gauche, puisque l’Agence nationale pour la rénovation urbaine a été pour sa part créée par un gouvernement de droite, et puisque le Grenelle de l’environnement prévoit la création de milliers de kilomètres de lignes de transports en communs en sites propres. Or depuis deux ans, vous avez systématiquement freiné ces projets.

Dans le présent projet de loi de finances rectificative lui-même, les crédits pour la rénovation urbaine sont encore à la baisse et le rapporteur général du budget a montré à quel point il s’agissait de pur affichage, aucune décision concrète de l’État n’ayant été prise, hormis celle de baisser les crédits affectés à la rénovation urbaine.

Si ces projets avaient été facilités et financés, ils pourraient se réaliser rapidement pour profiter au secteur du bâtiment et des travaux publics qui va maintenant subir pendant au moins un an, si ce n’est deux, une grave récession. Car ne nous leurrons pas, vous êtes vous-même un élu local, monsieur le ministre, vous connaissez bien la situation de nos territoires : les chantiers évoqués par le Président de la République – dont nous pourrions d’ailleurs discuter – n’auront pas d’effet concret sur l’économie avant un ou deux ans.

C’est pourquoi nous aurions préféré que l’on mette vraiment la priorité sur le logement tant pour la construction de logements neufs, notamment dans le secteur de l’habitat social dont vous n’avez cessé de réduire les moyens pendant des années, que pour la rénovation. Ce sont là des chantiers identifiés par le Grenelle de l’environnement. Passons à l’action : ces chantiers pourraient démarrer rapidement et et donner du travail aux entreprises du bâtiment, obligées aujourd’hui de licencier.

Il va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant en ce qui nous concerne, que cette priorité au logement, à la rénovation urbaine ou aux transports en commun, pour ne prendre que quelques exemples concrets, nous paraît nettement plus utile que la relance de projets autoroutiers annoncée par le Premier ministre il y a quelques jours, souvent inutiles voire nuisibles dans de nombreux territoires, comme on l’a maintes fois démontré _ sans même parler de pas la relance de programmes militaires, cités également par le Président de la République, à mille lieux des attentes des Français et dépourvus d’utilité sociale à court comme à moyen ou long terme.

Votre politique gagnerait sans aucun doute en efficacité si vous aviez davantage le souci de la cohérence. À cet égard, je ne citerai que deux exemples.

Premier exemple : la cohérence entre les engagements du Grenelle de l’environnement – que nous avons quasiment tous votés, qui sont donc un sujet consensuel, qu’il faudrait maintenant porter collectivement – et vos choix budgétaires.

Comment expliquer que la seule mesure de fiscalité écologique contenue dans le projet de loi de finances rectificative soit cette mesurette, cette mini-mesurette qui consiste à instaurer un malus annualisé sur les véhicules émettant plus de 250 grammes de CO2 par kilomètre et vendus après 2009 ? Cette disposition ne touche même pas les véhicules existants. Elle n’a donc aucune incitation sur le renouvellement du parc. En outre, les véhicules concernés représentent à peine 1 % des ventes de voiture en France. C’est vraiment ridicule. Comment le dire autrement ? C’est ridicule à l’échelle des enjeux dont M. Borloo, ministre de l’écologie, a encore parlé tout à l’heure lors de la séance des questions au Gouvernement, en évoquant la conférence de Poznan et le paquet énergie-climat qui doit être adopté sous la présidence française.

Comment expliquer, pour être encore plus concret, que le ministère de l’écologie soit celui qui connaît, dans ce projet de loi de finances rectificative, la plus importante annulation de crédits, plus de 300 millions d’euros ? Quelle cohérence y a-t-il dans votre politique ? Nous ne la voyons pas.

Deuxième exemple, vous avez découvert les vertus des « stabilisateurs » sociaux. Grand bien vous fasse. Nous en sommes très heureux. J’espère que ce sera suivi d’effets. Mais comment expliquer que, dans le même temps, vous ne trouviez rien de mieux à faire que de relancer des mesures de régression dans le domaine du droit du travail, avec cette funeste proposition de loi d’ouverture généralisée des commerces le dimanche ? Comment allez-vous faire pour nous expliquer que cette mesure est utile dans le contexte actuel de crise ? Quel besoin satisfait-elle ? Les Français ont-ils tant d’argent que six jours ne leur suffisent pas pour le dépenser ? C’est franchement se moquer du monde !

On sait également que l’effet sur le pouvoir d’achat sera nul, et même potentiellement négatif, puisqu’il a été démontré qu’à partir du moment où les salariés seront payés double le dimanche – j’espère que si jamais vous adoptez ce texte, vous ne reviendrez pas sur ce point –, les commerces ouverts ce jour-là seront obligés de pratiquer des prix plus élevés.

L’effet économique général sera nul, car le pouvoir d’achat ne va pas augmenter du seul fait que les commerces seront ouverts le dimanche. Il y a aura simplement un transfert de la consommation d’un jour sur l’autre, ou de certains types de commerces vers d’autres, en l’occurrence des petits commerces, ceux qui créent le plus d’emplois et contribuent à la stabilisation de nos territoires, au profit du grand commerce.

Et je ne parle même pas des conséquences très négatives sur l’organisation sociale. Nous aurons d’autres occasions d’en parler. Mais à quoi bon déchirer le tissu social si c’est pour aller se plaindre, ensuite, de ce que les parents ne s’occupent pas de leurs enfants et du coût des mesures sociales rendues nécessaires pour réparer les dégâts ?

Sur le contenu du projet de loi de finances rectificative, je voudrais, enfin, attirer votre attention sur trois points qui suscitent une certaine inquiétude, partagée bien au-delà des bancs de l’opposition.

Premièrement, l’article 18 prévoit d’instaurer un dégrèvement de taxe professionnelle pour les investissements réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009. Une petite remarque, tout d’abord, sur la date du 23 octobre. En lisant bien l’exposé des motifs, on comprend que cette date renvoie au discours du Président de la République qui a annoncé cette mesure. Je veux bien que le Président de la République annonce des mesures, c’est son droit le plus strict. Mais enfin, jusqu’à plus ample informé, le discours d’un Président de la République n’a pas force de loi. Je m’étonne donc de votre choix, du point de vue de la forme. Mais passons.

Cette mesure, après tout, pourquoi pas ? Discutons-en. Mais pouvez-vous nous dire – car ce sujet a un lien direct avec ce que je disais à l’instant sur les investissements des collectivités locales – ce qu’il en est de l’avenir de la taxe professionnelle, ressource vitale pour les collectivités locales, notamment les intercommunalités, mais aussi les départements et les régions ? On annonce des réformes en la matière, mais quelle sera la cohérence si l’on demande aux collectivités locales – après leur avoir demandé le contraire il y a quelques mois – d’investir dans des projets si on les prive d’une ressource, et en tout cas si on les prive d’une visibilité quant à l’avenir de leurs ressources pérennes ?

Deuxièmement, l’article 28 est présenté comme ayant pour but la lutte contre la fraude fiscale par le biais des paradis fiscaux. Sur ce point, il ne s’agit pas tant pour moi d’exprimer une inquiétude que de souligner à quel point la montagne peut parfois accoucher d’une souris, après les grands discours qu’on nous a servis au moment où la crise atteignait son paroxysme. On nous a dit en substance : promis, juré, nous allons moraliser tout cela, nous allons assainir tout cela, nous allons lutter contre les paradis fiscaux. Et qu’apprend-on ? Que l’amende sanctionnant la dissimulation de compte à l’étranger sera portée de 750 à 1 500 euros !

Franchement, chers collègues, même si je ne connais pas bien les gens qui fraudent en ouvrant des comptes dans les paradis fiscaux, je doute qu’une telle mesure les en dissuade… Pour certaines infractions, cette amende pourra être portée à 5 000 euros. Bigre ! Pour ceux qui investissent des millions, cela risque de faire très peur s’ils vont ouvrir des comptes dans des États qui ne sont pas liés avec la France par une convention sur la transparence !

Troisième et dernier point, nous venons tout juste d’apprendre que vous proposiez, par un amendement dont nous venons de débattre en commission, d’insérer dans ce projet de loi un article additionnel concernant Dexia. Cela appelle des explications de votre part. Car nous avons tous été, toutes tendances politiques confondues, extrêmement surpris. La commission a d’ailleurs donné un avis défavorable sur cet amendement n° 375 qui conduirait l’État à couvrir de nouveaux risques pour Dexia, jusqu’à hauteur de plus de 6 milliards de dollars. Ce sont tous les membres de la commission, et pas seulement les députés du groupe GDR, qui souhaitent avoir des explications de votre part.

Pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je serai très bref, parce que beaucoup de choses ont déjà été dites, mais aussi, monsieur de Rugy, parce que vos propos étaient parfois – bien que pas toujours – très éloignés de ce collectif budgétaire. Vous avez notamment évoqué le travail dominical. Je ne vous répondrai pas maintenant. On fait état de bien des débats de société dans les journaux, dans les partis politiques. Il y aura des débats à l’Assemblée et au Sénat. Cette discussion viendra en son temps.

Je ne reviendrai pas non plus sur vos attaques récurrentes contre la loi TEPA. Là aussi, je crois que tout a été dit. Il n’est évidemment pas question de décréter je ne sais quel moratoire. Tout cela n’a pas de sens.

La loi TEPA se complète très bien avec le plan d’investissement et le plan de relance aujourd’hui sur la table et dont nous commençons à discuter dès ce collectif, puisque nous y introduisons les mesures fiscales proposées par le Président de la République à Douai la semaine dernière, afin qu’elles puissent être mises en œuvre le plus vite possible. La première qualité d’un plan de relance, c’est sa rapidité. Dès janvier, nous poursuivrons par des mesures budgétaires. Les choses sont faites avec la cohérence, la vitesse et la réactivité qui conviennent pour répondre de manière adéquate à la crise que nous affrontons.

Un mot sur les « stabilisateurs automatiques » de la dépense publique – on emploie beaucoup ce terme. En dehors des temps de crise, dans le cours normal des choses, un pays dont les dépenses publiques sont très inférieures à ce qu’elles sont en France garde une marge de manœuvre : il peut augmenter sa dépense publique.

La France a une économie qui fonctionne par l’investissement privé, mais aussi par la masse des dépenses publiques. Pour notre part, nous considérons, même si vous ne partagez probablement pas ce point de vue, que celles-ci sont trop importantes. Nous continuons donc à réduire les dépenses de fonctionnement classiques des ministères, au-delà du plan de relance, lequel répond à une autre logique, partagée par tous les pays, quelles que soient d’ailleurs les tendances politiques au pouvoir, que leurs gouvernements soient socialistes, sociaux-démocrates ou de droite. En Europe comme aux États-Unis, tout le monde fait appel, d’une certaine façon, à la dépense publique. Pourquoi ? Parce que la dépense privée n’existe plus. Dans une crise, par définition, il n’y a plus d’investissements, les acteurs privés ne jouent plus leur rôle, le système bancaire est gelé. Puisque les choses ne vont pas bien, ce sont évidemment les États, les pouvoirs publics, qui exercent leurs responsabilités.

La France a un taux de dépenses publiques très élevé, associé à un déficit public très important. C’est par le surcroît de dépenses publiques, non compensé par des prélèvements obligatoires que nous concourons au redressement du pays. Ce redressement aura pour effet que la crise s’éloigne. C’est du moins ce que nous espérons.

Avec le plan de relance en plus, les choses deviennent très puissantes. S’il y a une coordination européenne, et si, de plus, les États-Unis font ce qu’ils doivent faire, on doit pouvoir surmonter ce moment extrêmement délicat pour l’ensemble de l’économie mondiale. C’est à partir de ce moment-là que l’on retrouvera des capacités à investir, et surtout une trajectoire de finances publiques plus conforme à la nécessité d’atteindre l’équilibre des comptes. Nous n’abandonnons en aucun cas cet objectif, et le Premier ministre l’a encore rappelé tout à l’heure ici même.

Il est très important de pouvoir réagir à la crise tout en conservant le cap. Il n’y a là aucune ambiguïté. C’est bien notre politique.

Un mot sur la consommation et le pouvoir d’achat. En 2009, les dépenses de la sécurité sociale augmenteront de plus de 17 milliards d’euros par rapport à 2008. D’une part, cela est dû à l’ONDAM : nous allons consacrer plus d’argent aux remboursements effectués dans le cadre de l’assurance maladie, aux dépenses liées à la prise en charge de la dépendance, aux dépenses des hôpitaux. D’autre part, nous consacrerons aussi plus d’argent – entre 9 et 10 milliards d’euros supplémentaires – à l’ensemble des prestations. Nous augmenterons le minimum vieillesse de 25 % en cinq ans, dont 5 % l’année prochaine. Nous augmentons les retraites au 1er avril 2009 après les avoir augmentées au mois de septembre dernier. Nous augmentons les allocations familiales de 3 % au mois de janvier. Nous augmentons les indemnités journalières.

Tout cela conduit à mettre sur la table, je le répète, 17 milliards d’euros de plus. C’est du cash, cela. C’est de l’argent que l’on retrouve directement dans la consommation. Il ne faut donc pas oublier que derrière le plan de relance, il y a toutes les mesures que nous avons mises en œuvre au cours des deux ou trois derniers mois. Avec le plan de relance, très concentré sur l’investissement, ces mesures contribueront aussi à la relance économique. Voilà ce que nous faisons, et que votre intervention me permet de rappeler.

Quant à la taxe professionnelle, nous la réformerons sans doute, l’année prochaine ou dans deux ans, selon l’état d’avancement des discussions. Cela ne peut se faire que dans le consensus. Cela fera l’objet de beaucoup de discussions, à tous les niveaux. Il est bien évident que les collectivités locales, largement financées par la taxe professionnelle, devront avoir une vision très claire de la compensation qui pourra être apportée à l’évolution de cette taxe.

J’incite bien sûr l’ensemble des parlementaires à ne pas adopter cette question préalable.

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Cher collègue de Rugy, je n’ai guère envie de revenir sur vos sempiternels arguments relatifs au paquet fiscal !

M. Jean Launay. Cela vous gêne !

M. Jérôme Chartier. L’opposition a développé une véritable monomanie !

M. François de Rugy. Démontrez-nous donc son efficacité !

M. Jérôme Chartier. Face à la crise actuelle, deux attitudes sont possibles : soit la passivité, soit le volontarisme politique. À cet égard, je me sens autorisé à dire que les réactions du Président de la République, du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement, soutenus par la majorité, ne souffrent d’aucune ambiguïté.

M. François de Rugy. Même sur le travail du dimanche ?

M. Jérôme Chartier. Toutes les mesures utiles et efficaces qui devront être prises pour nous permettre de ressortir plus forts de la crise actuelle, le seront ! Dans cet esprit, nous ne pouvons que nous féliciter de la réactivité du Gouvernement et du ministre des comptes publics, Éric Woerth, ainsi que de la prochaine mise en œuvre d’un certain nombre de mesures vitales pour la relance, tel le doublement du prêt à taux zéro pour l’achat d’un logement neuf en 2009 afin de répondre à la crise du logement. Une telle mesure sera très efficace pour soutenir les projets immobiliers des ménages.

M. François de Rugy. Nous en reparlerons !

M. Jérôme Chartier. Pour répondre à la crise de fonds propres et de trésorerie que connaissent nos entreprises, notamment les plus petites, monsieur de Rugy, le remboursement mensuel par l’État de la TVA est prévu pour les entreprises qui relèvent du droit commun. Autre mesure d’importance : le remboursement par anticipation du trop-versé à toutes les entreprises qui estiment que le montant des acomptes d’impôt sur les sociétés payés au titre d’un exercice clos au plus tard le 30 septembre 2009 excède leur cotisation totale. Les entreprises seront également autorisées à demander, au cours de l’année 2009, le remboursement immédiat de leurs créances liées au report de leur déficit d’impôt sur les sociétés. Enfin, dès le début de l’année, elles pourront bénéficier du remboursement des créances de crédit d’impôt recherche au titre des années 2005, 2006 et 2007. Voilà de vraies mesures pour améliorer la trésorerie des entreprises.

De plus, ce projet comporte différentes mesures au service du développement et de la pérennité des entreprises, comme l’exonération immédiate et durable de taxe professionnelle sur les investissements 2009, le dégrèvement de taxe professionnelle en faveur des entreprises de transport sanitaire terrestre, l’instauration d’aides fiscales dans les zones de restructuration de la défense et la modification de la déduction fiscale en faveur du mécénat d’entreprise. Toutes ces mesures, mes chers collègues, ont pour objectif de créer des conditions favorables à un retour d’une croissance stable et pérenne.

M. François de Rugy. Méthode Coué !

M. Jérôme Chartier. Les conditions d’une croissance stable…

M. François de Rugy. Où est-elle passée ?

M. Jérôme Chartier. …s’accompagnent d’une exigence de sécurité juridique et de justice. Éric Woerth, qui y a fait référence tout à l’heure, aura l’occasion d’y revenir au cours de l’examen des articles, et la majorité tout entière soutiendra ces deux exigences.

Ce texte illustre parfaitement la cohérence de la politique mise en œuvre par le Gouvernement avec le soutien de toute la majorité. La crise financière ne changera rien à nos objectifs de réforme. Elle n’altérera en rien notre volonté de mener à bien nos engagements vis-à-vis de tous les Français.

M. Dominique Baert. Surtout des plus riches !

M. Jérôme Chartier. Bien au contraire, elle nous conforte quant à la nécessité de réformer. Cette cohérence se manifeste notamment en matière de maîtrise de la dépense publique. En effet, en dehors de l’augmentation exceptionnelle des charges de la dette, l’objectif de maîtrise de la dépense est maintenu, conformément aux engagements pris par le Gouvernement et approuvés par la majorité lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2009.

Vérité et clarification sont les maîtres mots de ce projet de loi de finances rectificative. Vérité, en ce qu’il tient compte, chacun en conviendra, de l’impact de la conjoncture sur les recettes fiscales. Ainsi, les chiffres soumis à notre assemblée sont en adéquation avec la réalité de la situation budgétaire de la France. Clarification, en ce que le projet poursuit l’effort, engagé depuis l’année dernière, de rationalisation des relations financières entre l’État et les organismes de sécurité sociale. Là aussi, la cohérence est au rendez-vous.

Mes chers collègues, nous avons été élus pour réformer notre pays. Nous avons été élus pour être à la hauteur des défis qui se présentent à nous.

M. Dominique Baert. Le pouvoir d’achat, la croissance, la stabilisation des comptes, entre autres !

M. Jérôme Chartier. Reconnaissons que ces défis sont nombreux et inattendus !

Le projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans une dynamique de réformes et de réponse à la crise actuelle. Le groupe UMP aborde le débat dans un esprit de responsabilité. C’est la raison pour laquelle il votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Launay. M. Chartier introduit le désordre dans le déroulement de notre débat, tout comme la majorité, à force de réformes malvenues, introduit le désordre dans le pays.

Après l’argumentation structurée et pertinente de François de Rugy, je reviendrai sur quelques-uns de ses arguments qui ont emporté notre adhésion. Par sa mise en perspective des mesures de politique économique prises depuis dix-huit mois, il a bel et bien démontré que la crise préexistait, dans notre pays, à la crise financière mondiale, et que celle-ci n’a fait que l’amplifier.

Avec la loi TEPA, vous avez fait des choix budgétaires et financiers coupables, et je comprends que cela vous gêne que nous le rappelions. La loi TEPA est votre péché originel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez mangé les marges de manœuvre de notre pays, et le paquet fiscal pèse lourdement sur nos finances publiques et génère son lot d’injustices sociales. L’efficacité économique, à laquelle vous vous référez souvent, n’est pas au rendez-vous. Les cadeaux que vous avez distribués aux plus aisés de nos compatriotes n’ont rien à voir avec l’attente du plus grand nombre en matière de pouvoir d’achat : vous paraissez autistes.

S’agissant du contrôle de la puissance publique, François de Rugy a judicieusement amené le débat sur le lien entre les mesures budgétaires et les collectivités locales. Celles-ci devraient, selon vous, réduire leurs dépenses au même rythme que l’État. C’est oublier qu’elles pèsent plus de 70 % de l’investissement public, cet investissement auquel en appelle la parole présidentielle. Une telle attitude est incohérente. Pour des raisons politiciennes, vous gênez l’action et l’investissement publics.

François de Rugy a montré que les crédits votés en 2008 étaient contraires aux objectifs d’investissement, particulièrement en matière de logement, de transport et de rénovation urbaine. Vous lui avez reproché de s’éloigner du sujet lorsqu’il a évoqué le Grenelle de l’environnement ou le texte sur le travail dominical. Mais, monsieur le ministre, vous n’êtes pas seulement le ministre des comptes publics, car la politique des comptes publics s’inscrit dans une démarche sociétale, celle de l’organisation de notre pays, et vous portez, avec les autres membres du Gouvernement, votre part de responsabilité. Nous pouvons constater, par exemple, que la fiscalité écologique ne figure ni dans ce collectif, ni dans la loi de finances initiale. François de Rugy a également rappelé les pressions qui s’exercent sur le code du travail, le déchirement du tissu social auquel vous contribuerez encore davantage avec la proposition de loi sur le travail du dimanche. Pour toutes ces raisons, auxquelles s’ajoute l’amendement « Dexia » qui mérite un large débat, le groupe SRC votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. Depuis l’aggravation de la crise, le Gouvernement semble brûler tout ce qu’il adorait auparavant : il s’assoit sur les critères de Maastricht, dénonce les paradis fiscaux, les stock options, les marchés financiers irresponsables, et va même jusqu’à proclamer – enfin ! – sa volonté d’empêcher les délocalisations et d’aider la consommation et l’investissement. Nous ne proposons pas autre chose, et je serais presque tenté de proposer à nos collègues de l’UMP de nous rejoindre…

On pourrait en effet croire qu’ils sont en train de reconnaître qu’ils se sont trompés en favorisant l’augmentation des dividendes – jusqu à 10 %, 15 %, voire 25 % de rentabilité – au détriment des salaires, de l’investissement public et privé, des services publics, en laissant toute liberté aux capitaux ou en autorisant les délocalisations. En réalité, ce n’est qu’un leurre ; cela ressemble au changement, cela en a le goût, la couleur…

M. Charles de Courson. C’est Canada dry !

M. Jean-Claude Sandrier. Je ne voulais pas citer de marque, surtout que la publicité sera interdite à partir du mois de janvier ! (Sourires.)

En France, la croissance est constituée, à 80 %, par la consommation. Celle-ci devrait être prioritaire lorsque l’on constate une insuffisance criante de la demande. Augmentez les salaires des Français, et ils achèteront des voitures ! Las, vous vous contentez de prendre des mesurettes sans efficacité économique.

Vous voulez subordonner les aides à l’industrie automobile à un coup d’arrêt aux délocalisations : c’est à la fois moral et judicieux, mais vous retardez d’une guerre, car une grande partie des délocalisations ont déjà eu lieu. L’urgence, aujourd’hui, c’est d’interdire les licenciements et les fermetures d’entreprises.

Vous prétendez faire un effort en faveur de l’investissement, et vous en faites un, c’est vrai, mais il est très faible. Quant aux 11 milliards d’euros pour les PME, il ne s’agit pas d’un effort, car c’est de l’argent que l’État leur doit. Un effort véritable consisterait à multiplier par trois ou quatre l’investissement public, qui est à un niveau ridicule, mais cela, vous ne le faites pas. Sur ces 11 milliards annoncés, combien proviennent de l’État ? Un effort véritable consisterait à favoriser le crédit aux PME, ainsi qu’à pénaliser la distribution de dividendes, car les revenus financiers sont aujourd’hui supérieurs aux investissements des entreprises. De l’argent, il y en a : il faut aller le chercher là où il est.

Quant aux 70 000 logements supplémentaires annoncés, il ne s’agit que d’un rattrapage de la baisse de la construction. Enfin, vous pressurez tellement les collectivités locales que leurs élus, de quelque bord qu’ils soient, s’en plaignent. En réalité, l’effort que vous leur demandez n’est qu une incitation à s’endetter davantage.

Bref, vous présentez un plan sans véritable efficacité économique. Les inégalités continueront de se creuser et les effets pervers ne manqueront pas de se faire sentir : en deux ans, la dette aura doublé. Ce plan ne comporte aucune mesure de fond : rien sur le contrôle des banques et du crédit, rien ou presque sur les paradis fiscaux, rien pour inverser ou même stopper la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée au bénéfice de la rémunération des actionnaires. Vos mesures ne sont que faux-semblants : leur efficacité économique sera quasi nulle, et leurs conséquences sociales seront très dures. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative intervient dans un contexte très particulier.

D’abord, au mois d’octobre dernier, des mesures exceptionnelles de soutien au secteur financier, liées à la crise financière et à ses répercussions sur le système bancaire français, ont été prises.

Ensuite, ce collectif est, au moment même où nous en débattons, truffé d’amendements du Gouvernement qui traduisent le plan de relance des investissements.

Dans le contexte de double crise financière et économique, je voudrais évoquer une autre double crise : la crise énergétique – c’est-à-dire l’excès structurel de la demande d’énergie sur l’offre – et la crise climatique, qui nous amène à constater l’excès de consommation des énergies d’origine fossile au regard de la capacité de l’atmosphère à digérer l’excès de carbone.

Préparer l’après-pétrole, lutter contre le changement climatique, tels sont les enjeux structurels majeurs de notre XXIe siècle. Il s’agit de modifier en profondeur notre mode de développement et, avec lui, nos modes de production et de consommation. Pour y parvenir, il faut diviser par deux la consommation mondiale d’énergie d’origine fossile et par quatre celle des pays développés – c’est le fameux « facteur quatre ».

Nous avons eu ici même, avant la conférence de Poznan, un débat sur le « paquet énergie-climat ». L’article 6 du projet de loi de finances rectificative crée le cadre budgétaire de gestion des quotas de CO2. par l’État, c’est-à-dire le compte de commerce intitulé « Gestion des actifs carbone de l’État ». Parallèlement, vous prévoyez un dispositif permettant, dans le cadre du plan national d’affectation des quotas de gaz à effet de serre, d’abonder la réserve destinée aux nouveaux entrants,.

Dans ce contexte, mon intervention sera donc un appel à débattre de l’instauration de la taxe carbone. La stabilisation de la concentration en CO2 et la réduction de notre dépendance au carbone dépendent de décisions politiques de quatre ordres : réduire la demande en biens et services responsables d’une grande part de ces émissions ; accroître l’efficacité énergétique ; favoriser le développement des énergies renouvelables ; envoyer aux agents économiques – ménages et entreprises – les signaux adéquats pour qu’ils modifient, dans la durée et en profondeur, leur comportement économique.

Je considère que le temps – nécessairement court – de la préparation de l’après-pétrole et de la lutte contre le changement climatique peut être une chance pour notre pays. Il le sera si nous mettons rapidement en œuvre l’outil que constitue la fiscalité écologique et si nous le manions de façon appropriée.

La fiscalité écologique est en fait l’expression du principe pollueur-payeur. Elle est un puissant signal adressé à tous, et qui a l’avantage supplémentaire de fonctionner dans les deux sens, en pénalisant les usages nocifs pour l’environnement, mais en favorisant aussi l’usage de produits plus vertueux par des baisses de prix appropriées.

Pour appuyer ce plaidoyer, je voudrais rappeler que l’OCDE, dans une de ses publications de la collection « Problèmes et stratégies », précise que l’efficacité des taxes environnementales, qui introduisent un « signal prix » mettant en œuvre le principe pollueur-payeur et incitent à la réduction des sources de pollution, est démontrée.

Chacun sait que le protocole de Kyôto, en partie parce qu’il n’a pas été ratifié par les États-Unis et ne l’a été que récemment par la Chine – qui, je le rappelle, est devenue en 2007 le plus gros émetteur de gaz à effet de serre –, n’a pas permis de réduction significative des émissions. Il n’y a plus de temps à perdre, et ce d’autant que les systèmes de quotas ne fonctionnent pas ou fonctionnent mal.

Puis-je enfin rappeler les propos tenus par Pascal Lamy, le 1er octobre dernier, devant notre commission des finances ? En réponse au président Migaud, qui lui demandait s’il était possible d’instaurer une taxe carbone était possible sans mettre en cause les principes fondateurs de l’OMC, il confirmait en effet : « Je crois que cela est possible. La constitution de l’OMC met le développement de l’échange international au service du développement durable. […] De nombreuses dispositions du code de l’OMC prennent en compte la nécessité de préserver l’environnement, et la jurisprudence de l’organe d’appel de l’OMC permet, dans des conditions qu’elle a déterminées, que la protection de l’environnement fasse obstacle au commerce. »

Monsieur le ministre, si la conscience et la responsabilité doivent nous guider pendant les crises, alors il est temps d’aborder concrètement les moyens de lutter contre la crise climatique et énergétique. Vous prétendez le faire en matière financière et budgétaire par vos plans de relance et les dispositions de ce collectif.

J’en appelle, pour ma part, au débat sur l’instauration de la taxe carbone. L’urgence écologique se doublant de l’urgence sociale, notre pays se doit d’être moteur, après le Grenelle 1 et avant ou pendant le Grenelle 2, dans la réponse à apporter à cette double crise par l’instauration du levier fiscal environnemental.

J’ai l’espoir que nous trouvions ensemble, au fil des collectifs budgétaires et des lois de finances, le temps d’y travailler.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais placer, de nouveau, mon intervention sous le double signe de la justice et de l’efficacité, qui devraient être les deux mots clés de toute politique économique, particulièrement en temps de crise. Il existe plus que jamais une aspiration légitime de nos concitoyens à la justice – sociale, fiscale –, en même temps qu’un besoin, une nécessité d’efficacité économique.

Monsieur le ministre, lorsque nous vous interpellons sur ces sujets, vous ne nous entendez pas. Vous nous dites : « C’est hors sujet ». La question de la justice fiscale n’est pas hors sujet quand on examine une loi de finances ou un projet de loi de finances rectificative.

M. Henri Emmanuelli. Pour lui, si !

M. François de Rugy. Je repose mes questions sur l’efficacité du bouclier fiscal, l’exonération des droits de succession pour les très gros patrimoines, l’exonération d’impôts et de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, ou encore les mesures favorisant l’accession à la propriété. En quoi ces dispositions, contenues dans le « paquet fiscal », ont-elles été efficaces ?

Le projet de finances rectificative n’a normalement pas d’autre objectif que de régulariser des montants de crédits et de procéder à des ouvertures ou annulations de crédits en fonction de l’exécution de la loi de finances. Nous en sommes très loin aujourd’hui, et c’est bien normal en période de crise.

Nous en sommes loin car, comme l’a indiqué le rapporteur général en commission – et je pense, monsieur le ministre, qu’il y a peu de différence d’appréciations entre vous –, le projet de loi de finances rectificative va servir de support aux mesures de relance concernant les recettes. Et il y aura pour les mesures de relance se traduisant par des dépenses, vous l’avez confirmé, un autre collectif, au mois de janvier prochain.

L’aspiration à la justice en période de crise me paraît légitime. Lorsque des efforts sont demandés, ils doivent l’être à tous. Or, aujourd’hui, les efforts demandés au plus grand nombre, notamment aux classes moyennes, sont liés aux conséquences directes ou indirectes de la crise – le chômage, la baisse des revenus, le temps de travail qui décroît pour un certain nombre de personnes qui ont un temps partiel subi, les difficultés d’accès au crédit –, mais aussi à certaines décisions politiques. Vous allez dire, monsieur le ministre, que je répète toujours la même chose, mais nous n’obtenons pas de réponse. Comment justifier que, parallèlement au bouclier fiscal qui protège les plus riches, vous ayez créé plusieurs taxes pesant sur tous les Français et acquittées en grande majorité par les classes moyennes ?

Je veux parler des franchises médicales, qui ont la particularité d’ajouter à l’injustice fiscale celle consistant à frapper les malades, de la taxe sur les cotisations de mutuelle, de la taxe sur l’épargne populaire pour financer le RSA, toutes taxes auxquelles les bénéficiaires du bouclier fiscal, eux, ne sont pas assujettis. M. le président de la commission des finances avait proposé une mesure simple, concrète, et nous en avons débattu, mais vous l’avez refusée.

Je veux parler enfin – c’est un sujet d’actualité, puisque la discussion du projet de loi sur l’audiovisuel n’est pas terminée – de la taxe sur les factures de téléphone et d’Internet, destinée à financer les caprices audiovisuels du président Sarkozy , et qui sera sans doute suivie d’une augmentation de la redevance, car vous ne pourrez pas vous en tirer autrement.

Pour que la justice fiscale soit respectée, il faudrait que les efforts soient partagés. Le temps manque pour parler de l’efficacité de toutes les mesures, mais nous ne la voyons pas. Nous plaidons pour une relance ciblée sur les revenus faibles et moyens revenus, ainsi que pour le lancement de chantiers d’utilité écologique et sociale à effet immédiat, ou en tout cas très rapide.

Enfin, j’ai évoqué les questions du logement et des transports urbains, qui me paraissent extrêmement importantes. Auparavant, vous disiez qu’il n’y avait pas d’argent et que ces besoins ne pouvaient être satisfaits. Aujourd’hui, il est incompréhensible que vous débloquiez des fonds très importants.

Enfin, il me semble que nous devrions saisir l’occasion d’entamer la conversion écologique de l’économie et de prendre des mesures concrètes en la matière. Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez m’apporter des réponses sur tous ces points.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif succède à un précédent collectif, qui avait pour objet principal d’adopter des mesures de sauvetage du secteur financier. En effet, le contexte économique et budgétaire dans lequel nous l’examinons est pour le moins instable.

Saisissante par son ampleur comme par la rapidité de sa contagion à la sphère financière mondiale, la crise financière à laquelle nous sommes confrontés ainsi que la plupart des économies mondialisées, n’est pas sans effet sur notre croissance, d’où la nécessité de relancer notre économie.

C’est pourquoi le groupe Nouveau Centre salue le plan d’investissement de 26 milliards d’euros annoncé jeudi dernier, par le Président de la République. C’est un plan qui fait un choix clair : la relance par l’investissement et par des mesures temporaires, ce qui me paraît essentiel si l’on ne veut pas abandonner tout espoir de redressement des finances publiques.

Il faudrait que les collectivités territoriales accompagnent ce plan en investissant massivement, car c’est par l’investissement que l’on retrouvera le chemin de la croissance, et non par des mesures conjoncturelles de soutien à la consommation qui se traduiront par une accentuation des déficits commerciaux et par une déperdition, à moyen terme, de la croissance française. Rappelons que la croissance est avant tout fonction de l’investissement et de la régularité de celui-ci. Si la Chine a un taux de croissance de 10 à 12 %, c’est parce qu’elle investit 50 % de son produit intérieur brut. Lorsque vous investissez moins de 8 ou de 10 %, vous ne progressez pratiquement plus.

Le collectif que nous examinons aujourd’hui ne comporte aucune traduction budgétaire de ces mesures de relance, du moins dans le texte tel qu’il nous est présenté, comme la prime à la casse ou les mesures en faveur du logement. Seules certaines mesures fiscales ont fait l’objet d’amendements de dernière minute. C’est fort regrettable, car nous ne disposons alors d’aucun élément permettant d’examiner la qualité de ces amendements. J’y reviendrai plus longuement.

À ce jour, parmi les mesures annoncées depuis la dernière loi de finances rectificative, seule la recapitalisation de Dexia, à hauteur de 1 milliard, reçoit une traduction budgétaire dans le collectif.

Il y a donc un problème de méthode : quatre textes en deux mois, des amendements dont nous n’avons eu connaissance que très tardivement, des plans qui se succèdent sans même que l’on ait pris le temps d’évaluer leur impact. Bref, le groupe Nouveau Centre souhaiterait que la représentation nationale soit davantage associée en amont et prise en considération, car ces pratiques s’inscrivent à contre-courant de ce que nous avons voté lors de la récente révision constitutionnelle.

De plus, il conviendrait, monsieur le ministre, que vous rappeliez à Mme Lagarde la promesse qu’elle nous avait faite, lors du collectif relatif au sauvetage du secteur financier, de créer un comité associant des représentants de tous les partis, et qui devait se réunir régulièrement pour faire le point, tant il est vrai que certaines informations peuvent être plus facilement données dans la confidentialité d’un groupe restreint que dans l’hémicycle. Pour Dexia, par exemple, cela aurait probablement facilité les choses. Donc, il faut demander à Mme Lagarde qu’elle réunisse vite ce comité.

Sur le fond, d’un point de vue budgétaire, le Nouveau Centre soutient le Gouvernement et salue sa volonté de maîtriser la dépense. Cette dernière est globalement maîtrisée avec l’ouverture de 1,1 milliard de dépenses nouvelles et l’annulation de 1,1 milliard de dépenses ouvertes.

Dans les ouvertures nouvelles, 771 millions sont destinés à mettre à niveau certaines dotations destinées au financement de prestations ou d’exonérations de charges sociales mises en œuvre par la sécurité sociale, et à éviter ainsi la reconstitution de dettes de l’État envers cette dernière. Des soldes sont directement affectés sur d’autres recettes pour près d’1,7 milliard, ce qui évite toute augmentation. C’est bien, monsieur le ministre, mais il faut continuer, car il y a encore 3 milliards à réduire progressivement. Il n’y a plus d’augmentation, ce qui est déjà un progrès, mais cela reste insuffisant.

Quatre-vingt-quinze autres millions sont destinés à couvrir des dépenses d’apurement communautaire sur les dépenses agricoles. Comme le rappelle la Cour des comptes, sur ces 95 millions, 70 millions étaient prévus et prévisibles et n’avaient pas été budgétés.

Sur la mission « Action extérieure de l’État », 65 millions sont ouverts pour compléter le financement des opérations de maintien de la paix. Tout le monde sait, à la commission des finances, que malgré les rehaussements successifs il manque encore des dotations, y compris dans le budget pour 2009, pour être à niveau.

Enfin, des ouvertures ciblées sont prévues sur différents programmes, dont une partie n’était pas prévisible. Bien qu’elles soient compensées par des annulations de crédits d’un montant équivalent, on peut légitimement s’interroger sur l’insuffisance chronique des dotations budgétaires, sans cesse soulignée par les rapports de la Cour des comptes. Dès lors, ne devrions-nous pas inciter le Gouvernement à une plus grande sincérité dans le projet de loi de finances initiale ? Tout en reconnaissant que vous avez fait des efforts, monsieur le ministre, et en vous en rendant hommage parce que c’est assez rare, nous vous engageons à continuer.

Plusieurs insuffisances ont été à nouveau pointées par la Cour des comptes dans son rapport du 26 novembre 2008. Ainsi, une fois n’est pas coutume, des sous-évaluations de crédits par rapport aux prévisions en loi de finances initiale pour 2008 ont été constatées à hauteur de 6,7 milliards d’euros. Il est vrai que vous en compensez 1,1 milliard et qu’il y a 3 milliards de dette à l’égard de la sécurité sociale. La véritable augmentation est donc de 1,6 milliard. Peut-être serait-il possible d’utiliser la réserve dont a fait état notre rapporteur général dans sa présentation, puisque, sur un total de 7,1 milliards, il resterait 3 milliards, ce qui devrait suffire à faire face à une bonne partie de ces sous-évaluations.

Le groupe Nouveau Centre insiste également sur la nécessité de rester vigilant à l’égard de la situation de nos finances publiques.

Le déficit budgétaire associé au collectif de fin d’année va s’élever à 51,4 milliards – voire 52 ou 53 milliards, selon l’état des recettes –, soit 2 milliards de plus que la prévision retenue dans la loi de finances rectificative du 16 octobre dernier, 9,7 milliards de plus qu’en loi de finances initiale et 13 milliards de plus que le déficit d’exécution de la loi de finances pour 2007. J’avais d’ailleurs expliqué à l’époque que ce chiffre de 38 milliards était dopé à la baisse et qu’il fallait plutôt tabler sur 40 ou 41 milliards, compte tenu d’un certain nombre d’opérations exceptionnelles.

M. Dominique Baert. C’est vrai.

M. Charles de Courson. Dans le même temps, les prévisions de recettes fiscales pour 2008, annoncées lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2009, sont réduites de 2 milliards, soit une baisse globale de 7 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Ce sont les impôts les plus sensibles à la conjoncture qui voient leurs recettes les plus atteintes : 1 milliard pour l’impôt sur les sociétés, 1,1 milliard pour la TVA. L’impôt sur le revenu est, quant à lui, en légère baisse – 300 millions – au vu du résultat des émissions et du niveau des encaissements à la fin du mois d’octobre.

D’un point de vue fiscal, le Nouveau Centre soutient les mesures contenues dans ce projet de loi, auxquelles il souhaite cependant ajouter des propositions.

S’agissant de la fraude fiscale, notre groupe soutient l’action du Gouvernement. L’allongement de la durée de prescription à six ans et la majoration du montant des amendes en cas de non-déclaration d’un compte bancaire vont dans la bonne direction. Il en est de même pour tout ce qui améliore la sécurité juridique des contribuables.

Notre groupe souhaite aller plus loin dans trois domaines. En premier lieu, dans celui du développement durable. Nous avons eu un débat très long sur le sujet, techniquement très difficile, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du second plan national d’affectation des quotas de C02. Nous souhaitons répartir plus équitablement l’effort entre les industriels de l’électricité et les autres secteurs.

En effet, vous nous proposez dans l’article 6 une réduction de 30 % concentrée sur les seuls électriciens, alors qu’ils représentent environ 20 % des quotas – 25 millions sur 125 millions. Est-ce bien raisonnable ? Plusieurs électriciens nous ont expliqué que, si le texte est adopté en l’état, ils feront leurs investissements sur la frontière, mais de l’autre côté : en Belgique, en Espagne. Nous proposons donc la répartition suivante : moins 10 % pour le secteur de la production d’électricité et moins 3 % pour les autres secteurs, la pondération pouvant être discutée. Du reste, nous ne sommes pas sûrs que votre proposition, monsieur le ministre, soit conforme au droit communautaire ni au principe d’égalité. Je crois que, dans cette affaire, le Gouvernement a négocié un quota insuffisant sur la réserve de 2,7 millions. Tout le monde sait, et le Gouvernement l’explique d’ailleurs lui-même, qu’il faudrait 8 à 9 millions pour les entrants, mais faire supporter tout le différentiel aux électriciens est un peu excessif.

Pour ce qui concerne le malus annuel de 160 euros applicable aux véhicules émettant plus de 250 grammes de C02, il y avait deux solutions : soit un super malus, c’est-à-dire une majoration de 1 000 euros sur les véhicules visés, mesure simple mais aboutissant à des malus très élevés, pouvant atteindre 2 500 euros, voire 3 000 euros, sur des véhicules de type 4x4 ; soit le rétablissement d’une vignette annuelle, solution que vous avez retenue, mais pour laquelle il faudrait modifier le mode de perception. La commission des finances a adopté un amendement visant à ne pas confier cette charge aux assureurs, qui prétendent – peut-être de façon excessive – qu’ils auraient 25 millions de frais de recouvrement pour un rapport de 2,5 millions. Quand bien même le coût véritable serait plus proche de 7 millions, ce ne serait pas raisonnable.

En deuxième lieu, le Nouveau Centre souhaite aider le Gouvernement à aller plus loin dans le renforcement du soutien aux petites et moyennes entreprises. Si nous approuvons dans son esprit la nouvelle réforme de la taxe professionnelle prévue à l’article 18 du projet de loi de finances rectificative, force est de constater qu’une telle mesure est un nouveau pas vers la disparition de cette taxe. Du reste, cette dernière est déjà morte des suites de la réforme Strauss-Kahn, mais la cérémonie d’enterrement n’en finit plus. (Sourires.)

M. Dominique Baert. Il y avait beaucoup d’invités !

M. Charles de Courson. Il est urgent de réfléchir à son remplacement, si remplacement il doit y avoir, ce que le Nouveau Centre préconise. Il faut remplacer la taxe professionnelle par un impôt sur l’entreprise, établissant un lien entre celle-ci et les collectivités territoriales.

M. Henri Emmanuelli. Sur quoi l’asseoir ?

M. Charles de Courson. Nous proposons, entre autres, la valeur ajoutée, mais nul ne détient la vérité, et nous devrions y réfléchir tous ensemble. Cela paraît plus urgent que de voter une mesure supplémentaire sans savoir où l’on va.

Je n’ai de cesse de dire que toutes les mesures que nous votons encouragent les communes qui ont des taux d’imposition élevés et sanctionnent celles qui pratiquent des taux bas. Au nom de mon groupe, j’ai déposé un amendement pour lancer la réflexion. On ne peut pas continuer les pratiques que nous avons depuis des années. Sur les nouveaux investissements, pourquoi ne pas compenser au taux moyen national ?

M. Henri Emmanuelli. Quid de l’autonomie financière ?

M. Charles de Courson. Autre problème : la mesure que vous nous proposez, monsieur le ministre, ne va pas toucher les entreprises soumises à la cotisation de solidarité, ce qui introduit une discrimination. On a bien traité celles qui sont au taux plafond de 3,5 %, mais pas celles qui sont à 1,5 %. Nous avons donc déposé un amendement sur ce point.

Outre ces améliorations de la réforme de la taxe professionnelle, le Nouveau Centre propose de revenir sur la dissociation, prévue à l’article 42, des plafonds de déductions pour aléas et pour investissements. Cette dissociation n’est ni nécessaire ni souhaitable. En effet, elle aboutirait à ce que les exploitations qui dégagent des excédents de trésorerie, seules en mesure de pratiquer la déduction pour aléas, bénéficieraient d’une aide fiscale deux fois et demie plus élevée que celles qui, étant en phase de développement, doivent investir ou renforcer leurs fonds propres. Une telle distorsion serait particulièrement injustifiée dans une période où il est plus que jamais nécessaire de soutenir la capacité d’investissement des entreprises. Il faut revenir, monsieur le ministre, à la non-dissociation des plafonds.

Enfin, le Nouveau Centre propose une série de mesures destinées à restaurer les fonds propres des PME-PMI ou à les renforcer.

La première est l’instauration d’une réserve spéciale d’autofinancement. À cet égard, nous vous remercions de nous avoir adressé le rapport prévu par la loi de modernisation de l’économie. Il serait intéressant de savoir quelle suite le Gouvernement entend y donner, notamment à l’idée de commencer par une RSA très faible – 2 000 ou 3 000 euros – pour atteindre progressivement les 38 000 euros dont bénéficient les sociétés qui ont un taux de 15 %.

La deuxième mesure est la création d’un véritable patrimoine d’affectation. Sur ce point, nous n’avons pas eu le rapport remis à M. Novelli. Nous avons déposé un amendement pour connaître la position du Gouvernement sur cette vieille idée de distinguer, pour les entrepreneurs individuels, entre le patrimoine affecté à l’entreprise et le patrimoine personnel.

La troisième mesure que nous préconisons est le relèvement de 76 000 à 100 000 euros du seuil en deçà duquel les parts de groupements fonciers agricoles et les biens ruraux loués par bail à long terme bénéficient d’une exonération partielle de droits de mutation.

Nous souhaitons également le renforcement du dispositif Madelin.

En dernier lieu, le Nouveau Centre demande que soient garanties les ressources des collectivités locales. J’y reviendrai en détail au cours de la discussion des articles. À ce sujet, je voudrais insister sur le problème des taxes locales d’électricité. Cela fait cinq ans, en effet, que la France a été mise en demeure de les rendre compatibles avec le droit communautaire, mais aucun gouvernement ne nous a proposé quoi que ce soit dans ce sens. Vous êtes le premier à essayer de trouver une solution. J’ai déposé un amendement pour tenter de faire avancer les choses, puisque ce doit être réalisé au 1er janvier.

Nous proposons encore un certain nombre de mesures pour aller plus loin que ce que propose le Gouvernement sur le FCTVA.

En conclusion, le groupe Nouveau Centre soutient ce projet de loi de finances rectificative, qui est un projet au service tant des entreprises que des Français. C’est donc dans un esprit constructif qu’il a fait des propositions pour aller plus loin dans les domaines de l’environnement et du soutien aux entreprises et aux collectivités territoriales. Notre volonté est d’agir en partenaires responsables de la majorité et de proposer des mesures socialement justes, économiquement efficaces et respectueuses de notre environnement. C’est pourquoi nous ne doutons pas de l’écho positif que celles-ci trouveront auprès du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la Présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des mots qui sonnent bien : « loi rectificative », « plan de relance » – mais « rectificative » pour tenter de réparer des erreurs, « relance » pour tenter de redonner de l’air à une économie que la politique de prodigalités fiscales suivie en juillet 2007 a rendue vulnérable. Puisqu’il est question de réparer de lourdes fautes à répétition, je veux évoquer ici l’état des équipements sportifs de notre pays.

Je ne parle pas du plan « grands stades », réservé au seul sport professionnel, mais des milliers de salles, de piscines, de pistes et de terrain de jeu utilisés par le sport de base et de masse, par les enfants, les scolaires, les adultes et les retraités. Leur vétusté est extrême et le danger rôde, tant pour la sécurité des pratiquants que du point de vue des fermetures administratives qui guettent ces lieux de vie sportive et qui pourraient avoir des conséquences dont je vous laisse imaginer l’ampleur. Le danger rôde, tout simplement, pour l’avenir du sport français.

Quelques éléments chiffrés éclaireront ceux qui douteraient du sérieux de mon propos : 43 % des équipements sportifs ont plus de vingt ans, dont 21 % plus de trente-cinq ans. Les contrats de plan État-régions sont tombés en désuétude, le programme national de développement du sport vient d’être abandonné au nom d’une logique introuvable. Preuve de la grande misère en la matière, 70 millions d’euros seulement ont été consacrés aux grands équipements dans la programmation CNDS de l’an prochain, pour des projets à hauteur de 2 milliards d’euros. Que de financements pertinents perdus en chemin et que d’imprévoyance au fil des années !

Le temps a passé depuis les programmes d’État de 1961 et 1965, qui avaient créé les complexes sportifs évolutifs couverts – les fameux COSEC. L’époque bénie où il existait une politique sportive nationale est bien révolue, et ce sont les collectivités locales qui supportent désormais les efforts de modernisation du parc sportif français. Or, aujourd’hui, communes et intercommunalités sont démunies face à l’énormité des enjeux à assumer, des travaux à réaliser et des sommes à engager.

Un recensement de 1994 – Mme Alliot-Marie était alors ministre des sports – révélait que 45 milliards de francs seraient nécessaires pour une simple remise à niveau. En 2005, j’avais été co-rédacteur d’un rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle, co-présidée par M. Deniaud, et qui avait conclu à des obligations équivalentes.

L’état des lieux étant dressé, venons-en aux propositions. Assez de tergiversations, place à l’action ! Le Président de la République vient d’annoncer un plan de relance pour l’investissement visant à financer des grands travaux structurants, afin de dynamiser les activités du bâtiment, et de développer l’emploi. Avec l’appui des élus municipaux du sport regroupés dans l’association ANDES, je propose d’insérer dans votre plan général un plan de rénovation et de construction conçu comme un levier socio-économico-sportif. Les propositions de financement pourraient être de plusieurs ordres : 100 millions d’euros pourraient être apportés par un prélèvement supplémentaire sur les mises de la Française des Jeux – vous l’avez déjà refusé, monsieur le ministre, lors de l’examen du budget du sport, le 5 novembre dernier.

M. Henri Emmanuelli. Une taxe sur les salaires des joueurs !

M. Henri Nayrou. Un fonds de concours pourrait être créé au profit des EPCI. Un prêt de 400 millions d’euros, aux taux du marché, pourrait être contracté auprès de la Caisse des dépôts et consignations par les collectivités locales.

Une telle opération présenterait plusieurs avantages : elle colle à la philosophie du programme de relance, qui doit être à la hauteur de la gravité de la situation économique ; elle implique un partenariat clairement identifié avec les collectivités locales, satisfaites de cette forme de plan Marshall lancé avec le concours effectif de l’État ; elle aurait un impact direct sur le secteur du bâtiment et des travaux publics ; elle remettrait en état de marche des outils essentiels pour le développement du sport, du lien social, de la santé et de la solidarité. Cette proposition constituerait enfin un signal fort en direction des 35 millions de pratiquants et de l’ensemble des acteurs qui participent au développement de la pratique sportive.

Franchement, monsieur le ministre, je ne vois pas au nom de quoi vous pourriez refuser la main que vous tendent, collectivement, les élus municipaux, le mouvement sportif et le Parlement.

M. Dominique Baert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Abdoulatifou Aly.

M. Abdoulatifou Aly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord formuler des considérations de politique économique générale à propos du projet de loi de finances rectificative, et faire ensuite quelques remarques sur des aspects précis du texte.

Force est de le constater, le projet ne fait que confirmer la dégradation profonde de nos comptes publics. En effet, le déficit budgétaire se creuse de 9,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, passant à 51,4 milliards d’euros pour l’année 2008. Les perspectives pour 2009 sont encore plus inquiétantes, puisque vous avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, lors de la discussion de la loi de finances pour 2009 au Sénat, que les prévisions de croissance, et donc de déficit, inscrites dans ce texte ne seraient pas tenues. Votre plan de relance va encore aggraver la situation et porter le déficit bien au-delà des 3 % admis par l’Europe.

Vous le savez, le Mouvement Démocrate a un désaccord de fond avec le choix fondateur de votre politique économique, ce cadeau fiscal de 17 millions d’euros que vous avez fait aux plus privilégiés de nos concitoyens, qui est contraire au principe de justice sociale et qui vous prive, aujourd’hui comme demain, de toute marge de manœuvre.

Ces remarques générales étant faites, je souhaite évoquer rapidement quelques mesures précises. Nous saluons votre démarche de remboursement de la dette de l’État aux organismes sociaux. Je note, en tant que parlementaire ultramarin, que celle-ci va notamment concerner, à hauteur de 215 millions d’euros pour l’année 2008, le remboursement des exonérations de charges sociales en vigueur dans les DOM. Cet apurement du passé nous semble normal et sain.

Autres mesures positives : l’octroi de la garantie de l’État à OSEO au titre des prêts aux étudiants, à l’article 52 ; l’annualisation du malus automobile pour les voitures particulières les plus polluantes, à l’article 41, ainsi que la réforme de l’abus de droit.

Nous regrettons cependant le manque d’ampleur et d’ambition des mesures d’allongement du délai de prescription et d’alourdissement des amendes pour non-déclaration de compte que vous proposez au titre de la lutte contre les paradis fiscaux, à l’article 28 : ils apparaissent bien éloignés des enjeux. La question de la lutte contre les paradis fiscaux est cruciale si nous voulons avancer dans la voie d’une gouvernance économique à l’échelle européenne, voire mondiale. Elle nécessite un véritable volontarisme des États : en la matière, il incombe à la France de montrer l’exemple.

Vous m’autoriserez enfin une dernière remarque à connotation plus locale : l’article 5 su projet porte sur des modalités de calcul concernant la dotation spéciale du logement des instituteurs, la DSI, qui permet de compenser la charge de logement de ces personnels. Je profite de l’occasion pour rappeler que, bien que la loi prévoie son application à Mayotte dès le 1er janvier 2008, aucune disposition n’a été prise en ce sens, le préfet nous renvoyant au 1er janvier 2009. J’ai saisi votre collègue de l’éducation nationale et nous attendons du Gouvernement qu’il applique strictement la loi, dans un esprit d’égalité républicaine, sur l’ensemble du territoire, y compris à Mayotte.

Mme la présidente. La parole est à M.Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avouons que, du point de vue des finances publiques, nous vivons une époque sinon formidable, du moins extraordinaire au sens propre du terme : ce n’est pas commun, la France vit cet automne au rythme d’une loi de finances par mois. En octobre, nous avons eu – c’est bien normal – l’annonce de la loi de finances initiale. En novembre, la loi de finances n’était pas encore votée par le Sénat que paraissait la loi de finances rectificative. Et, au tout début de décembre, nous n’avons pas encore examiné la loi de finances rectificative que l’on nous annonce déjà un plan de relance avec un collectif budgétaire de 26 milliards d’euros. Jusqu’où ira le Gouvernement ?

Jusqu’où ira-t-il, en effet, dans ce qui, au vu de tous ces textes financiers réécrits avant d’être votés, s’apparente à un pilotage à vue ? Jusqu’où ira-t-il, surtout – c’est le rapporteur spécial de la commission des finances sur les engagements financiers de l’État qui exprime ici sa préoccupation –, dans la dégradation des comptes publics, dans l’aggravation du déficit de l’État, de ses besoins de financement et du stock de la dette de l’État, plus lourde à chaque loi de finances que vous proposez ?

La pièce que le Gouvernement met en scène cet automne se sera donc déroulée en trois actes. L’acte I, c’est la loi de finances initiale pour 2009. Elle est en soi préoccupante, car les chiffres qui y sont inscrits soulignent déjà une dérive inquiétante. Ainsi, la charge de la dette dérape de 4 milliards en 2008, pour atteindre 45,2 milliards d’euros. Pour l’après 2009, le Gouvernement annonçait une augmentation de 2 milliards supplémentaires chaque année : elle s’élèverait donc à 49,5 milliards en 2012.

Autre chiffre préoccupant, le besoin de financement de l’État, annoncé à 165,4 milliards d’euros pour 2009, soit le double du niveau de 1999 – 81,5 milliards d’euros –, est 60 % plus élevé qu’en 2002 ; en 2007, il était encore de 104,8 milliards d’euros.

En matière d’endettement public, le Gouvernement annonçait lui-même sa progression de 0,7 point de PIB en 2009 pour atteindre 66 %.

Tout cela était déjà préoccupant en soi, mais ce l’était davantage encore pour deux raisons : d’une part, ces chiffres, pourtant peu favorables, étaient obtenus en creusant des trous, en accumulant des dettes latentes par le biais – quoi que vous puissiez en dire, monsieur le ministre – des sous-budgétisations de crédits, à l’image de ce milliard d’euros dû au Crédit foncier, qui se trouve ainsi devenu banquier de l’État « à l’insu de son plein gré » ; d’autre part, ces chiffres de dette et de financement reposent sur des hypothèses macroéconomiques que l’opposition a, à juste titre, contestées, et que la crise a, depuis, fait voler en éclats. Or la charge de notre dette et le poids de notre endettement sont très sensibles à la dégradation des données macroéconomiques.

Ainsi, dans mon rapport spécial, j’avais chiffré deux scénarios en modifiant les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement. Dans le premier scénario, je prévoyais que la croissance du PIB, après 0,9 % en 2008, reculerait à 0,5 % en 2009, puis se redresserait progressivement – 1,5 % en 2010, 2 % en 2011 et 2,2 % en 2012. En me fondant sur des hypothèses qui n’ont rien d’irréalistes, je concluais que le ratio de dette publique serait de 67 % à la fin de 2009, et de 68,5 % à la fin de 2012.

Mais, d’après un second scénario, se fondant sur cette même hypothèse de croissance, intégrant les 11,5 milliards d’euros de mesures prises pour les banques et prévoyant 15 milliards supplémentaires en 2009 – ce qui n’est pas non plus une anticipation démesurée –, le ratio de dette publique atteignait 70 % du PIB en 2012.

Toutefois, cela ne valait que pour la loi de finances initiale, car, depuis, tout a changé du côté du Gouvernement. C’est l’acte II, qui a vu ce dernier réviser ses hypothèses macroéconomiques et budgétaires pendant la discussion au Sénat. Ainsi, la prévision de croissance de 1 % a été revue à la baisse, avec une fourchette de 0,2 à 0,5 %. Quelles en sont les conséquences ? D’abord, une aggravation du déficit budgétaire pour 2009, qui passe de 52,1 à 57,6 milliards d’euros. Ensuite, mécaniquement, un alourdissement du besoin de financement de l’État : pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, à combien il devrait s’élever en 2009 ? On part de 165 milliards d’euros, mais où arrivera-t-on ? Enfin, un alourdissement de la charge de la dette : malgré la détente des taux d’intérêt, comment pourrait-il en être autrement ?

Depuis, on joue l’acte III, celui du plan de relance. Du strict point de vue financier, nous ne tarderons pas à en constater les conséquences, puisque 26 milliards d’euros vont être injectés dans l’économie : c’est dépenser de l’argent qui n’existe pas et cela signifie que le déficit public va plonger. Il devrait, nous dit-on, passer à 76,2 milliards d’euros dès 2009, ce qui le portera rapidement à 4 % du PIB. Mais de combien sera la charge de la dette en 2009, et quelle sera-t-elle en 2012 ? Elle risque d’être plus proche de 55 milliards d’euros annuels. Songeons, mes chers collègues, qu’elle était inférieure à 40 milliards d’euros en 2007 !

Ayons aussi conscience que la dette publique va déraper prodigieusement. Avec son plan de relance, le Gouvernement veut un effet masse : il aura un effet massue sur notre économie. À la fin de la législature, le Gouvernement laissera notre économie corsetée par une dette sans précédent. Car, enfin, si je reprends mes hypothèses économiques, auxquelles ces dernières semaines ont donné raison, je vois bien que l’on ne pourra exclure, en 2012, que l’endettement public pèse pour près de 75 % du PIB.

Ces chiffres donnent le tournis ; ils sont terriblement inquiétants pour l’avenir. Alors, monsieur le ministre, dites-nous où vous allez ! Où en sont vos hypothèses ? Que seront la dette, la charge de la dette et le besoin de financement de l’État en 2009, mais aussi en 2012 ?

Vous dites vouloir « ajouter de la relance à la dette ». En réalité, vous ajoutez de la dette à la dette – une dette que vos paquets et autres cadeaux fiscaux ont contribué à creuser, et que l’on paiera longtemps encore !

M. Cahuzac évoquait tout à l’heure les conséquences du sarkozysme. De 1993 à 1995, le sarkozysme au ministère du budget a fait passer la dette publique de 34,7 à 43 % du PIB. Jusqu’où nous emmènera le sarkozysme devenu présidentiel ? Merci de nous le dire, monsieur le ministre, si toutefois vous avez la réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Il ne l’a pas !

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)