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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 11 décembre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Loi de finances rectificative pour 2008

Discussion des articles (suite)

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Article 19 (précédemment réservé)

M. Jean-Louis Dumont

Amendements nos 229, 126, 59, 188, 240, 147, 127, 1, 60, 187, 186, 185 rectifié, 184, 122, 183, 182, 180, 179, 178, 177, 176, 175, 174, 173, 172, 171, 7, 170, 169, 168, 166, 165, 161 rectifié, 164, 160

Article 20 (précédemment réservé)

Amendements nos 230, 28

Article 27 (précédemment réservé)

Article 28 (précédemment réservé)

M. Pierre-Alain Muet

Amendements nos 32, 33, 232, 34, 253, 231, 35

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Article 28 (précédemment réservé) (suite)

Amendements nos 254, 36

Après l’article 28 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 198 rectifié, 381, 327 rectifié, 328, 329

Article 29 (précédemment réservé)

Amendement no 73

Article 30 (précédemment réservé)

Amendements nos 37, 142

Article 31 (précédemment réservé)

Après l’article 31 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 133 rectifié, 312, 397, 376, 38

Après l’article 38 (amendement précédemment réservé)

Amendement no 405

Article 39 (précédemment réservé)

Amendements nos 235, 79, 80, 82, 81

Article 40 (précédemment réservé)

Après l’article 40 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 278, 236, 279, 269, 277, 338

Article 41 (précédemment réservé)

Amendements nos 204 rectifié, 362

Après l’article 41 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 250 rectifié, 39, 223, 263, 283, 41, 322

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Loi de finances rectificative pour 2008

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2008 (nos 1266, 1297).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles. Je rappelle qu’en application de l’article 95 du règlement nous allons examiner d’abord, à la demande du Gouvernement, les articles 19 et 20, puis, à la demande de la commission des finances, les articles 27 à 31 ainsi que les amendements portant articles additionnels après l’article 31.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, il y a eu dans notre histoire le préfet Lépine. Si l’on devait lui chercher un alter ego au sein du Parlement, je pense que le sénateur Marini pourrait postuler avec une certaine chance de succès.

En effet, ce dernier a réussi à faire adopter, dans la nuit de lundi à mardi, un amendement tendant à supprimer la demi-part supplémentaire accordée aux parents isolés ayant élevé seuls un ou plusieurs enfants. Je vois, monsieur le président, que vous cherchez quel est le rapport de ce rappel au règlement avec le projet de loi de finances rectificative. (Sourires.) Il est évident. Je voudrais savoir si Woerth – qui m’écoute, l’air de rien – fait écho aux propos de son collègue Karoutchi, qui trouve cet amendement sympathique.

À un moment où il faut préserver le pouvoir d’achat des personnes les plus modestes et des classes moyennes, la suppression de cet avantage peut mettre des gens en difficulté. J’ai croisé, hier, à Montreuil, une veuve qui, du fait de l’adoption de cet amendement, verra son pouvoir d’achat sensiblement écorné.

M. Patrice Martin-Lalande. Il y a Mme Voynet !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Martin-Lalande, vous qui êtes, ce matin, d’humeur guillerette, je suis persuadé que vous avez également dans votre circonscription des veuves, tout aussi estimables que celle que j’ai rencontrée à Montreuil, et qui sont dans la même situation.

Que je sache, Mme Voynet – puisque vous évoquez son nom – n’est pas veuve. Vous me mettez de nouveau dans la situation de devoir défendre ma successeure à la mairie, que vous attaquez, dès le matin,…

M. Patrice Martin-Lalande. Absolument pas !

M. Jean-Pierre Brard. …de votre ironie mordante ; ce qui prouve que vous en avez, ce qui n’est pas toujours le cas de Mme Voynet. (Rires.)

Article 19
(précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, inscrit sur l’article.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, mes chers collègues, l’article 19 concerne l’instauration d’aides fiscales dans les zones de restructuration de la défense, suite à la restructuration de nos armées et aux annonces publiques de disparition d’un grand nombre de garnisons dans nos villes.

Les mesures proposées en matière d’accompagnement, de redéveloppement économique, de renaissance économique sont normalement fonction de certains critères. Or, j’observe que certaines communes, bien que gravement touchées par ces restructurations, n’ont, à ce jour, rien obtenu. Je citerai plusieurs exemples, pris dans le département de la Meuse.

À Commercy, le 8e régiment d’artillerie est condamné à être dissous vers 2011, mais le maire et les parlementaires meusiens ont fait valoir au ministère de la défense – et même plus haut, jusqu’au « Château » – que, s’il n’y avait pas une compensation exceptionnelle, ce serait la mort annoncée de la commune. Des discussions sont en cours. Si cette commune ne figure pas, dès aujourd’hui, sur la liste des interventions possibles et ne bénéficie pas d’un accompagnement très fort, les réveils risquent d’être douloureux.

Je citerai également le cas d’une commune, située à l’intérieur d’une agglomération, et qui perd plus de 250 hommes d’un régiment équipé de chars Leclerc. Cette commune négocie, discute, réclame, mais n’obtient rien.

Troisième cas : celui d’une commune qui dispose d’un régiment d’hélicoptères. Vous n’ignorez rien, mes chers collègues, de l’état des machines : lorsque nous discuterons de la prochaine loi de programmation militaire, le nombre important d’hélicoptères à commander imposera certainement un nouveau redimensionnement des régiments. Cette commune, donc, qui a toujours son régiment, lequel utilise des machines à bout de souffle, n’est même pas considérée comme étant en restructuration, et peut-être ne le sera-t-elle toujours pas après 2011. Il s’agit d’un territoire particulier, dans la Meuse : l’agglomération s’appelle Verdun…

M. le président. Monsieur Dumont, il va falloir conclure !

M. Jean-Louis Dumont. Je remarque, monsieur le président, que vous me demandez de conclure, au moment où je fais référence à notre histoire : s’il y a un territoire où l’esprit de défense et le lien armée-nation signifient quelque chose, c’est bien Verdun.

M. Lionel Tardy. Bravo !

M. Jean-Louis Dumont. Je souhaite, monsieur le rapporteur général, comme vous l’avez demandé en commission des finances, que le ministre nous donne un certain nombre d’assurances, afin que ces communes gravement touchées, atteintes dans leur économie, puissent bénéficier de l’ensemble des mesures annoncées par le Gouvernement.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 229, visant à supprimer l’article.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Woerth n’a pas indiqué s’il était d’accord ou non avec son collègue M. Karoutchi, qui a trouvé – on se demande bien comment – des raisons d’approuver l’amendement de notre collègue le sénateur Marini…

J’en viens à mon amendement. L’article 19 tend à exonérer les entreprises d’impôt sur les bénéfices et d’impôts locaux pour certaines opérations réalisées dans les zones de restructuration de la défense et à instaurer une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale pour les créations et implantations d’entreprises.

Voilà donc une niche sociale de plus, sans que, comme d’habitude, nous disposions de l’évaluation de ses impacts sociaux, économiques et environnementaux. Il est très choquant que, chaque fois que vous en avez l’occasion, vous agrandissiez encore le trou de la sécurité sociale, dont chacun sait que votre ambition cachée est de la démanteler. La Cour des comptes pourra ainsi, dans quelques années, ajouter quelques paragraphes attristés, voire irrités, sur cette nouvelle exonération de cotisations patronales, dont M. Séguin affirmera une fois de plus qu’elle ne sert à rien.

Le mal est fait. Les implantations militaires ont été retaillées à coup de serpe – ou, comme dirait Jean-François Lamour, à coup de sabre (Sourires) –,et ce malgré les mises en garde, les protestations des élus locaux et des habitants des zones concernées.

Nous sommes invités à passer au stade des réparations et des rustines, structurées en une véritable usine à gaz législative comportant 84 alinéas. Comme l’a dit avec sa pertinence et sa sagesse habituelle notre rapporteur général, interrogé sur les critères de choix des zones éligibles : « C’est très compliqué... » (Sourires.)

Nous n’aurons pas la cruauté de rappeler tout ce qui a été dit ou écrit, encore très récemment, sur la simplicité et la brièveté que doit avoir la loi pour être compréhensible par chaque citoyen. La sagesse commande de ne pas aller plus loin dans l’examen de cet article. Avant de trancher, il faut d’abord simplifier.

Nous aurons prochainement un nouveau collectif. Dans ces conditions, pourquoi s’acharner à discuter l’article 19 ? Supprimons-le !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La commission a rejeté votre amendement, monsieur Brard. Le dispositif est certes compliqué, mais il s’inspire de principes simples et bien connus qui prévalent dans les zones franches urbaines, les zones de redynamisation urbaine et les zones de revitalisation rurale. Les entreprises situées dans les zones durement affectées par les restructurations militaires pourront bénéficier d’aides diverses, pouvant prendre la forme d’exonérations d’impôt – sur le revenu dans le cas d’entrepreneurs individuels, sur les sociétés dans le cas de sociétés – ou de charges sociales patronales. Quant aux communes concernées, elles pourront bénéficier d’un crédit d’impôt sur la taxe professionnelle. Bref, il s’agit des ingrédients habituels en la matière. En revanche, la difficulté réside dans la détermination du zonage du territoire, véritable travail d’orfèvre – ou de dentellière !

M. François Goulard. En effet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Je ne vois pas au nom de quoi, monsieur Brard, il faudrait supprimer un article essentiel qui vise à permettre aux sites militaires de bénéficier d’avantages en faveur du maintien et du développement d’activités économiques.

M. Jérôme Chartier. Tout à fait !

(L’amendement n° 229 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 126 et 59, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour soutenir l’amendement n° 126.

M. Jean-Claude Viollet. Après la professionnalisation des armées, voici notre défense engagée à nouveau dans un ensemble de réformes de grande ampleur. Les annonces relatives à la nouvelle carte militaire remontent au mois de juillet dernier, et le projet de loi de finances pour 2009 a d’ores et déjà mis en place les mesures sociales d’accompagnement des personnels militaires et civils de nos armées dont l’emploi sera supprimé d’ici à 2014 – soit quelque 54 000 emplois.

Au-delà des armées, ce mouvement intéresse également les territoires, notamment ceux qui auront à subir directement les fermetures de sites ou d’unités – plus de quatre-vingt –, le déménagement d’unités – plus de trente – ou encore la réduction des effectifs d’unités ou de services maintenus sur place. Tel est l’enjeu de l’article 19 du projet de loi de finances rectificative pour 2008 relatif à l’instauration d’aides fiscales dans les zones de restructuration de la défense.

L’alinéa 5 de l’article cible les territoires incluant une ou plusieurs communes caractérisées par une perte d’au moins cinquante emplois directs du fait de « la réorganisation des unités militaires sur le territoire national ». Pour avoir travaillé sur ce dossier depuis des mois, force m’est de constater qu’il est très difficile d’obtenir des indications fiables sur le volume et, plus encore, la structure des effectifs concernés, des fluctuations très importantes apparaissant en fonction des interlocuteurs, laissant à penser que les bases de calcul pouvaient varier.

Les craintes se faisant de plus en plus nombreuses quant au fait que le nombre d’emplois supprimés pourrait, à l’issue de l’ensemble des restructurations envisagées, se révéler nettement plus important que celui initialement annoncé, il nous est apparu indispensable de clarifier ce point en indiquant, dans l’alinéa 5, que serait pris en compte non « la réorganisation des unités militaires sur le territoire national », mais « l’ensemble des réorganisations au sein du ministère de la défense » produisant effet sur les territoires concernés.

Tel est le sens de cet amendement de clarification dont le seul but est d’éviter de faux débats et de permettre à tous les acteurs de se concentrer sur l’essentiel, en l’espèce, la redynamisation des territoires.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour soutenir l’amendement n° 59.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il est nécessairede préciser l’alinéa 5 de l’article 19, qui est par trop ambigu. L’expression « unités militaires » laisse entendre, en effet, qu’il ne s’agirait que des unités combattantes, excluant de fait les structures civiles comme la délégation générale pour l’armement ou le secrétariat général pour l’administration.

L’amendement n° 59, accepté par la commission de la défense, vise par conséquent l’ensemble des structures, civiles ou militaires, relevant de la défense nationale. Quant à la proposition de M. Viollet, elle impliquerait des calculs compliqués et aléatoires, voire peu objectifs ; c’est pourquoi elle ne peut être acceptée en l’état.

Par ailleurs, je souhaite apporter des réponses à notre collègue Dumont sur les unités de la Meuse. La zone de Commercy fait partie des douze secteurs les plus durement touchés dans l’hypothèse où le régiment viendrait à être dissous. Aux mesures annoncées au mois de juillet par le Premier ministre s’ajouteront des mesures complémentaires d’ordre fiscal et social. Quant à l’article 19 lui-même, il a pour objet de concentrer l’effort consenti sur les territoires qui en ont le plus besoin et d’éviter un effet de saupoudrage. C’est la raison pour laquelle on distingue les contrats de redynamisation de sites et les plans de redynamisation locale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. L’article n’est pas sans conséquence sur les territoires : je le dis d’autant plus volontiers que le département dont je suis l’élu conserve toutes ses unités. Je ne prêche donc pas pour ma paroisse, mais pour l’intérêt national, en m’appuyant sur le travail qui a été accompli en commission de la défense.

Nous discutons des restructurations, des unités ou des services de la défense tels qu’ils sont inscrits dans la carte militaire. Soit, mais nous préférerions, pour notre part, traiter des « réorganisations au sein du ministère de la défense » car la mise en place des bases de défense s’étalera jusqu’en 2014. Pour l’heure, des expérimentations sont en cours, armée par armée, et même au niveau interarmées. La mise en place des bases de défense aura inévitablement pour conséquence une baisse des effectifs, étant donné que le but même de l’opération est de mutualiser les moyens pour faire des économies. Si nous ne prenons pas en compte l’ensemble des réorganisations, un certain nombre de territoires seront lésés, car écartés de la mise en œuvre des mesures d’aides à la redynamisation.

Nous ne sommes pas au clair sur ce dossier, monsieur le ministre. Or je souhaite que nous réussissions cette « manœuvre », car il y va de l’intérêt de la défense de notre pays.

(L’amendement n° 126, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 59, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 188.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je le retire.

(L’amendement n° 188 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 240.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Les alinéas 6, 7 et 8 de l’article 19 établissent les critères auxquels doivent satisfaire en tout ou en partie – car ils ne sont pas cumulatifs – les territoires concernés par la réorganisation engagée au sein du ministère de la défense pour bénéficier des aides prévues à l’article 19. Trois critères sont évoqués : un critère de taux de chômage – qui doit être supérieur de trois points à la moyenne nationale ; un critère de variation annuelle moyenne négative de la population entre les deux derniers recensements connus – qui doit être supérieure en valeur absolue à 0,15 % ; enfin, un critère de variation annuelle moyenne négative de l’emploi total sur une période de trois ans – qui doit être supérieure en valeur absolue à 0,75 %. Nous évoquions tout à l’heure la complexité des critères : en voici une belle illustration !

Qui plus est, ces critères trop généraux, et qui se fondent sur des données recueillies avant même la prise d’effet des restructurations de défense, ne nous semblent pas correspondre à la réalité des bassins d’emploi susceptibles d’être concernés, en tout état de cause, à la totalité. Ainsi, certains bassins où l’activité principale, parfois ancienne, était liée à la défense, soit directement, soit indirectement, pouvaient connaître un faible taux de chômage ; ils seront durablement sinistrés après la suppression d’une unité, la fermeture d’un établissement ou la forte réduction de leurs effectifs. Il en est de même de la variation négative de population ou de l’emploi, les unités militaires comme les établissements de défense assurant plutôt une stabilité de la population et des actifs en volume, même si les militaires sont individuellement et régulièrement soumis à mutation.

Ainsi, des territoires pourraient être exclus des mesures ouvertes par l’article 19 au motif qu’ils ne remplissent pas l’un des trois critères, alors même qu’ils risquent d’être durablement affectés, qui plus est, dans la période de crise que nous connaissons. La spécialisation ancienne de l’économie locale pourrait se révéler un obstacle supplémentaire à leur redynamisation. C’est pourquoi nous proposons la suppression de ces critères, estimant qu’il appartient à l’État, responsable des réorganisations de défense, d’en assumer pleinement les conséquences sur l’ensemble des territoires concernés, et de compenser, à l’euro près, les pertes de recettes pour les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de la défense ?

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Si l’on vous suivait, monsieur Viollet, de nombreux territoires seraient éligibles au dispositif, même ceux qui ne seront pas véritablement touchés par la réforme. Montpellier va perdre quelques unités militaires : on ne peut tout de même, pour cette raison, exonérer pendant cinq ans tous ceux qui s’installent dans cette ville !

Votre amendement aurait pour conséquence un saupoudrage des aides, qui irait à l’encontre de l’objectif du Gouvernement qui souhaite concentrer les aides et les soutiens sur les territoires qui en auront le plus besoin.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable également. Dans mon département, par exemple, Orly deviendrait éligible alors que ce pôle crée encore, fort heureusement, beaucoup d’emplois.

(L’amendement n° 240, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 147.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Les critères retenus sont judicieux, mais insuffisants. Ils prennent en compte la réalité du territoire – dévitalisation, chute de population –, mais ne retiennent pas l’impact d’un départ d’un régiment de 900 ou 1 000 personnes.

C’est cela qu’il faut prendre en considération, au-delà des critères d’emploi ou de perte de population.

En effet, le départ soudain de mille militaires d’une ville moyenne modifiera les chiffres du chômage non pas immédiatement, mais plus tard, du fait de la baisse de la consommation et des conséquences importantes de ce départ sur l’économie locale. En revanche, la baisse de la consommation et la nécessité de restructurer le territoire concerné justifient l’octroi d’aides. Je propose donc un nouveau critère : la zone aura droit aux aides précitées dès lors que la suppression d’emplois résultant de la restructuration militaire concerne au moins 5 % des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis tout à fait favorable.

En effet, outre les critères de perte d’emplois et de perte de population, l’effet relatif de la restructuration par rapport au nombre de salariés du secteur doit être pris en considération. Or, si je comprends bien, notre collègue Jacob ajoute un critère aux termes duquel le dispositif d’exonération est déclenché dès lors que l’effet des suppressions d’emplois concerne au moins 5 % de la population salariée du secteur.

M. Christian Jacob. Tout à fait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Favorable : si je ne suis pas partisan de l’augmentation excessive du nombre de critères, le rapport entre emplois supprimés par le départ des unités militaires et emplois salariés constitue un critère économiquement sérieux, intelligent et utile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. On retrouve ici le problème que j’ai déjà soulevé. Quel est le nombre de territoires concernés ? Où l’application des critères évoqués par le texte initial, puis par l’amendement de M. Jacob, a-t-elle été expérimentée ? Quelle somme disponible permet de contribuer à ces aides ?

Je doute de l’efficacité de cette mesure ; tel était le sens de mon amendement d’appel. C’est bien joli de fixer des critères, d’en ajouter et de faire de la poésie, mais la réalité économique et sociale des territoires s’imposera à nous lorsque nous appliquerons la réforme.

Je le redis à mes collègues de la commission de la défense : notre objectif commun est d’assurer la réussite de la réforme, c’est-à-dire de respecter les femmes et les hommes de défense, militaires et civils, mais également les territoires, en leur garantissant une redynamisation aussi rapide et efficace que possible.

Vous avez parlé de saupoudrage ; j’aimerais, monsieur le ministre, être éclairé sur l’étude d’impact dont vos propositions ont fait l’objet, sur les effets de l’amendement de M. Jacob, sur le nombre de territoires qui seront aidés – car il est trop facile de vous fonder sur des données antérieures à la restructuration – et sur le montant de l’aide dont ils bénéficieront pour redynamiser leur économie et créer des emplois.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Selon une estimation, le coût total des exonérations fiscales et des exonérations de cotisations sociales dont bénéficieraient les territoires les plus touchés – l’objectif demeurant, monsieur Viollet, d’éviter tout saupoudrage – atteindrait 628 millions d’euros.

M. Jean-Claude Viollet. Pour combien de territoires ?

M. le président. Levez-vous le gage, monsieur le ministre ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Oui.

(L’amendement n° 147, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°127.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Aux termes de l’article 19, alinéa 9, « les références statistiques utilisées pour la détermination de ces territoires sont fixées par voie réglementaire ». Or, s’il y a beaucoup à dire sur les critères, cette dernière précision ne laisse pas de nous inquiéter.

De deux choses l’une : soit les critères sont valables, auquel cas les données statistiques permettant d’apprécier leur valeur selon les territoires ne font pas problème, puisque l’INSEE peut les fournir en toute impartialité ; soit cette approche dissimule d’autres intentions, que la représentation nationale est alors en droit de connaître.

Monsieur le ministre, nous faisons face à nos responsabilités. Je le répète, il ne s’agit pas de porter un jugement négatif sur la restructuration militaire, mais de faire en sorte qu’elle réussisse. Si l’impartialité et la transparence dont dépend cette réussite ne sont pas garanties, le Gouvernement devra en assumer toutes les conséquences.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Que M. Viollet se rassure : il va de soi que les informations statistiques émaneront bien de l’INSEE. S’agissant de ce type de dispositif, il est courant de renvoyer à un décret la fixation des années de référence ou les pourcentages ; mais seule l’INSEE, naturellement, peut fournir l’information.

Cet amendement est donc sans objet. Avis défavorable.

M. Michel Bouvard. Ce n’est pas Madame Irma qui fournira les statistiques !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Même avis. Cette question relève du domaine réglementaire. Je confirme que les données permettant de calculer les critères seront fournies par l’INSEE, au demeurant seule habilitée à délivrer les informations sur lesquelles s’appuie le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Voilà précisément qui justifie toutes nos craintes.

Par exemple, pour la commune de Thierville, siège du 1er-2e régiment de chasseurs, qui perd 250 hommes, quel territoire pertinent prendrez-vous en considération ? Sur quelle population vous fonderez-vous ? Bercy fera tout pour réaliser des économies ; or cette commune est directement touchée.

Elle se situe, me direz-vous, dans une agglomération ; mais, étant donné l’activité administrative et politique de la communauté de communes, la souplesse que vous donnerez aux administrations appelées à juger de l’application de l’article, en particulier de cet alinéa, aura des effets positifs ou négatifs. Or les réponses que vous nous donnez laissent surtout augurer des effets négatifs. Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, de vous engager à garantir la souplesse de l’étude et l’efficacité des mesures que nous votons.

(L’amendement n° 127 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Cet amendement tend à ajouter les EPCI à l’alinéa 10.

En effet, la rédaction actuelle du texte convient parfaitement aux zones urbaines : lorsqu’un régiment disparaît d’une zone urbaine, les mesures d’accompagnement s’appliquent à cette ville.

En revanche, il est absurde d’appliquer les critères de création d’emplois à une petite ville ou à une petite commune rurale de 500 à 1 000 habitants, souvent incapable de lever les investissements permettant de développer une zone d’activités ou de créer des emplois privés d’une autre manière. En revanche, si une commune de 2 000 habitants relevant du même EPCI et accueillant la zone d’activité est en mesure de le faire, le dispositif d’aide devrait pouvoir être déclenché.

Ainsi, un EPCI réunissant une vingtaine de communes, ce qui est fréquent en zone rurale, peut compter une ou deux zones d’activités qui ne sont pas nécessairement situées sur le territoire de la commune où était implanté le régiment. Il serait regrettable que, pour cette raison, les communes rurales ne puissent bénéficier des aides. Voilà pourquoi je propose d’ajouter les EPCI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission de la défense ?

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Les amendements de M. Jacob nous sont parvenus trop tard pour que nous puissions les examiner.

Néanmoins, plusieurs d’entre eux, qui obéissent à la même logique, introduisent une certaine confusion entre les deux niveaux prévus à l’article 19 : d’une part, les contrats de redynamisation de sites qui bénéficient d’un soutien particulièrement appuyé ; d’autre part, les plans destinés aux villes sur lesquelles l’effet de la restructuration est moins prononcé, et qui, par conséquent, sont moins aidées. Ces amendements ont donc pour inconvénient de déséquilibrer le dispositif prévu. Avis défavorable, donc, à titre personnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Même avis.

On pourrait étendre le dispositif à l’infini, mais les zones de revitalisation sont déjà concernées par les autres exonérations. Quant à la restitution de la taxe professionnelle, ou crédit d’impôt, il s’agit d’une mesure très généreuse, qui vise à remédier aux difficultés que connaît l’établissement situé à proximité immédiate en cas de diminution de la valeur locative. Le critère est donc celui de la proximité absolue.

Or il existe des EPCI de nature et de dimensions différentes ; il serait donc très difficile d’appliquer une mesure générale.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Deux arguments m’ont été opposés. Le premier est celui du risque de confusion avec les contrats de site ; mais les contrats de site peuvent parfaitement s’appliquer à des EPCI, et s’y appliquent aujourd’hui.

Deuxièmement, monsieur le ministre, je répète que si des EPCI réunissant une dizaine de communes comptent une zone d’activité qui n’est pas située sur le territoire de la commune où se trouvait le régiment, celle-ci ne pourra bénéficier du système.

J’ai entendu vos arguments ; j’accepte donc de retirer mon amendement, non sans appeler votre attention sur le fait que le système actuel convient parfaitement aux zones urbaines, mais absolument pas aux zones rurales, qui en seront exclues faute de prendre en considération l’intercommunalité – que l’on s’efforce pourtant de valoriser, et à laquelle vous êtes attaché, monsieur le ministre.

(L’amendement n° 1 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 60.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 60, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 187.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je le retire.

(L’amendement n° 187 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements rédactionnels ou de coordination, nos 186, 185 rectifié et 184, de M. le rapporteur général.

(Les amendements nos 186, 185 rectifié et 184, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 122.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Mon amendement a trait aux exonérations fiscales dont pourraient éventuellement bénéficier les sociétés exerçant des activités de type BNC.

Selon la rédaction actuelle, seuls les professionnels exerçant dans le cadre d’une société peuvent bénéficier de l’exonération, et non les travailleurs indépendants qui relèvent du régime BNC.

Or, si l’on peut redouter un effet d’aubaine dans les zones très urbanisées, il paraît peu probable qu’il s’exerce en milieu rural : on imagine mal qu’un orthophoniste ou une infirmière s’installe à Commercy ou à Bitche par opportunisme fiscal.

En introduisant cette possibilité d’exonération, nous pourrions sans doute contribuer à maintenir voire à créer des services dans les zones concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Lors de la mise en place des zones franches urbaines, des cabinets de médecins libéraux ont déménagé pour s’installer en limite de zone et bénéficier de l’optimisation fiscale, et je crains que le même phénomène ne se reproduise, même si l’on peut penser que l’effet d’aubaine ne jouera pas de la même manière. Il me paraît donc plus sage d’en rester à la rédaction proposée par le Gouvernement.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement.

(L’amendement n° 122 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements rédactionnels ou de précision, nos 183, 182, 180, 179, 178, 177, 176, 175, 174, 173, 172 et 171, de M. le rapporteur général.

(Les amendements nos 183, 182, 180, 179, 178, 177, 176, 175, 174, 173, 172 et 171, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 7.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Cet amendement vise à porter le crédit d’impôt de taxe professionnelle de 500 à 1 000 euros, montant actuellement en vigueur dans les zones d’emplois touchées par des sinistres industriels. Je ne vois pas pourquoi on traiterait différemment les zones où 1 000 salariés d’une entreprise privée partent et celles où 1 000 militaires quittent un site de la défense : les conséquences sont rigoureusement identiques pour le territoire concerné. L’équité impose donc le relèvement du crédit d’impôt, dont la portée a d’ailleurs été minorée puisqu’il ne s’applique qu’aux entreprises de moins de dix salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission l’a rejeté.

D’une part, il faut garder à l’esprit que le dispositif de l’article 19 représente – et je réponds, en disant cela, à la question de M. Viollet – un coût global de 750 millions d’euros…

M. Christian Jacob. Oui, mais pas la disposition que je propose !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …et que, dans cet ensemble, le coût du crédit d’impôt de taxe professionnelle s’élève à lui seul à 44 millions d’euros. Or votre amendement reviendrait à le doubler.

D’autre part, ce crédit d’impôt s’applique à des entreprises de moins de dix salariés. Au regard du montant moyen de taxe professionnelle dont elles s’acquittent, la somme de 500 euros est généreusement calibrée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je partage l’avis de la commission. Le crédit d’impôt proposé revient en quelque sorte à subventionner ces petites entreprises, qui sont pour la plupart des commerces. Le montant de 500 euros, s’agissant de très petites entreprises, me paraît déjà très incitatif. Il est donc préférable d’en rester à cette somme. Nous n’allons pas non plus lâcher toutes les vannes, monsieur Jacob…

(L’amendement n° 7 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à deux amendements rédactionnels, nos 170 et 169, de M. le rapporteur général.

(Les amendements nos 170 et 169, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 168.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les délibérations relatives aux exonérations de taxe professionnelle ou de taxe foncière sur les propriétés bâties, décidées à l’initiative d’une collectivité locale, doivent intervenir au plus tard au 1er octobre de l’année précédant leur application. L’alinéa 70 vise à déroger à cette règle en rendant les exonérations applicables à compter du 1er janvier. Or cette disposition n’aura en pratique aucun effet : compte tenu des délais de l’élaboration des rôles, elles ne pourront être effectives à cette date. Nous proposons donc, par cet amendement, de supprimer cet alinéa inutile.

(L’amendement n° 168, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements rédactionnels ou de précision, nos 166, 165, 161 rectifié, 164 et 160, de M. le rapporteur général.

(Les amendements nos 166, 165, 161 rectifié, 164 et 160, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 19, amendé, est adopté.)

Article 20
(précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 230.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, cet article procède à une refonte de la procédure de répression des abus de droit, initiative bienvenue de moralisation, et dont nous pouvons déplorer la rareté en droit fiscal. Elle permet aux services fiscaux de tirer les conséquences d’un montage ayant pour seul but d’échapper à l’impôt.

Elle conduit toutefois à mélanger les genres au sein du comité consultatif pour la répression des abus de droit. Sa composition, aux termes de l’article, serait étendue à un expert-comptable, à un avocat ayant une compétence fiscale – ce qui est la moindre des choses – et à un notaire. Actuellement, cet organisme comporte quatre membres : un conseiller-maître à la Cour des comptes, un conseiller d’État, un professeur d’université et un conseiller à la Cour de cassation, nommés par le ministre de l’économie. Il est à noter que le professeur d’université n’est plus appelé à siéger, de sorte que les représentants des intérêts privés se retrouvent dans une position dominante face aux représentants des intérêts publics alors que cette procédure est construite pour préserver l’intérêt public. C’est une sorte de syndicat des corporations que vous mettez ainsi en place. Tout cela, selon le rapporteur général, pour « renforcer les compétences du comité, de même que son indépendance vis-à-vis de l’administration »… Singulière conception de la fonction, des compétences et de la déontologie des hauts magistrats, qui laisse entendre qu’ils ne seraient pas indépendants !

Dans ces conditions, on pourrait légitimement s’interroger sur l’avenir promis à la procédure de répression des abus de droit. Mais nous avons déjà vu – je le rappelais l’autre jour à la tribune – des hauts fonctionnaires tenir la plume pour expliquer comment contourner les dispositions législatives mises en place. Lorsque j’ai travaillé sur la fraude, il m’a été donné de rencontrer au Luxembourg,…

M. Henri Emmanuelli. Chez M. Juncker !

M. Jean-Pierre Brard. …un ancien fonctionnaire de Bercy, qui ne pouvait d’ailleurs plus rentrer en France, et qui faisait bénéficier de ses lumières tous les fraudeurs amenés à le consulter.

Il est vrai, comme le souligne Henri Emmanuelli, qu’il s’agit du pays de M. Juncker, à qui vous ne savez rien refuser, et qui, à défaut d’être habité par la morale, dispense son arrogance à tout un chacun.

M. Jean-Pierre Soisson. Vous n’avez pas le droit de dire des choses pareilles !

M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais bien que vous me disiez, monsieur Soisson, au nom de quoi il me serait interdit de tenir de tels propos au sujet d’une personne qui ne fait que défendre les intérêts des riches fraudeurs qui ruinent l’Europe. Je suis d’ailleurs étonné que, si tôt le matin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous preniez la défense de quelqu’un d’aussi peu recommandable que M. Juncker ! Je n’ai pas d’estime particulière pour les membres de notre actuel gouvernement, mais, tout de même, entre M. Fillon et M. Juncker, je serais bien obligé de voter pour M. Fillon ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Isabelle Vasseur. Passez le mot à vos amis !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. La composition du comité nous paraît équilibrée. De surcroît, monsieur Brard, un amendement adopté par la commission tend à maintenir le professeur d’université.

M. Jean-Pierre Brard. Pour faire le procès-verbal des séances ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. À travers cet article important, le Gouvernement a voulu légaliser la jurisprudence en inscrivant dans la loi l’extension de la notion de l’abus de droit aux cas de fraude à la loi. Il s’agit également de coordonner la définition de l’abus de droit dans le domaine social et dans le domaine fiscal. Et, pour ce qui est des pénalités, nous établissons une différence entre les personnes ayant participé activement à l’abus de droit et celles qui en bénéficient de manière passive, en modulant les taux suivant les cas.

S’agissant du comité, nous avons suivi la recommandation de la commission Fouquet …

M. Henri Emmanuelli. Ah non, pas ce club !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …d’étendre sa composition à des personnalités dont l’expérience se révélera très utile, s’agissant de spécialistes de l’abus de droit.

Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur Brard, dois-je vous rappeler que M. Jean-Claude Juncker est le premier ministre d’un État souverain de l’Union européenne ?

M. Jean-Pierre Brard. Et alors ?

M. Jean-Pierre Soisson. C’est un homme droit, fidèle, que je connais depuis longtemps. Il a été mon homologue lorsque j’étais ministre des affaires sociales du gouvernement Rocard. Nous avons élaboré ensemble la charte sociale européenne. Je n’accepte que l’on mette en cause l’un des partenaires les plus fidèles et les plus rigoureux de la France et l’un des grands défenseurs de la construction européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Henri Emmanuelli. Voilà des applaudissements qui nous coûtent cher !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je ne sais pas si M. Juncker est un homme droit. En tout cas, c’est un homme de droite, comme vous,...

Mme Isabelle Vasseur. C’est probablement ce qui vous gêne le plus !

M. Jean-Pierre Brard. ...argument qui n’est pas du tout recevable.

Quand je suis allé au Luxembourg travailler sur la fraude, l’un de ses ministres a osé m’expliquer que le secret bancaire était un droit de l’homme fondamental.

M. Juncker incarne l’immoralité au regard des intérêts de l’Europe et des citoyens les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le ministre, vous êtes pour les paradis fiscaux ! Alors, dites-le !

M. Jean-Pierre Brard. J’en reviens au sujet qui nous intéresse.

M. Lionel Tardy. Ah !

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre n’a pas osé affirmer que les membres de la commission seront indépendants. Il a seulement indiqué que ce seront des « spécialistes de l’abus de droit ». Évidemment, la formule était ramassée, mais on voit bien, Freud aidant, ce qu’il a voulu dire… En fait, il s’agit de contourner la loi pour servir la soupe à ceux qui veulent optimiser leur fiscalité pour se soustraire autant que possible à leur devoir légitime de solidarité.

Je n’ai rien contre les avocats, les notaires ni les experts-comptables, mais on voit bien qu’il s’agira d’un syndicat d’intérêts dont la première vocation n’est pas de défendre l’intérêt général mais les intérêts particuliers, corporatistes, ce qui est inacceptable.

(L’amendement n° 230 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 28.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à maintenir un professeur des universités parmi les membres du comité consultatif pour la répression des abus de droit. Il me semble en effet que, sur nombre de sujets, nous avons intérêt à conserver un regard universitaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je tiens à rassurer M. Brard en lui précisant que les magistrats restent majoritaires dans ce comité.

J’ajoute que tous les professionnels ne sont pas des fraudeurs. Par principe, un avocat fait du droit. Il ne faut pas faire de caricatures ni de procès d’intention.

Par ailleurs, si la commission y tient vraiment, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’un professeur des universités fasse partie des membres du comité.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Merci, monsieur le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

(L’amendement n° 28 est adopté.)

(L’article 20, amendé, est adopté.)

Article 27
(précédemment réservé)

(L’article 27 est adopté.)

Article 28
(précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, inscrit sur l’article.

M. Pierre-Alain Muet. La crise financière a fait comprendre le lien qui existe entre la dérégulation financière et les paradis fiscaux.

Si l’on y intègre le marché des eurodollars et les marchés offshore qui existent dans de nombreux pays, y compris les États-Unis, les paradis fiscaux représentent près de 50 % des transactions financières mondiales. On ne peut pas organiser, réguler la finance mondiale, ce que nous souhaitons tous sur ces bancs, sans s’attaquer à ces trous noirs.

Il suffirait d’ailleurs que les grands pays – États-Unis, Europe, Japon – se mettent d’accord sur le fait de ne plus accepter de transactions venant de ces pays pour que soit résolu, une fois pour toutes, le problème des paradis fiscaux.

On peut avancer à l’échelle européenne, mais aussi nationale, et c’est sans doute en avançant au plan national que nous inciterons nos partenaires à faire de même.

À l’échelle européenne, il faudrait, profitant de la directive « Épargne », l’étendre à des produits autres que les produits d’intérêt. À l’échelle nationale, si l’article 28 comporte quelques dispositions, celles-ci ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux.

Il est nécessaire de créer un service d’enquêtes judiciaires fiscales, comme cela existe dans d’autres pays. Actuellement, en effet, les services fiscaux ne peuvent pas lancer d’action en justice sans preuve administrative d’une fraude fiscale. Il faudrait que les services fiscaux puissent lancer des enquêtes sous le contrôle du juge avec les moyens de police judiciaire pour lutter contre la grande criminalité en matière fiscale.

Dans les propositions que vous faites, rien n’est dit des critères de définition des régimes fiscaux privilégiés qui ont été assouplis en 2005. Un certain nombre d’amendements, notamment ceux présentés par le président de la commission des finances, visent à revenir sur cet assouplissement, en proposant que la définition d’un régime fiscal privilégié ne soit pas fondée sur une différence de 50 % avec notre fiscalité, mais de 33 %. Enfin, d’autres amendements, comme ceux d’Henri Emmanuelli, proposent que les pénalités ne soient pas symboliques, comme c’est le cas actuellement.

Mais il faudrait aller bien au-delà et réfléchir sur les prix de transfert.

Bref, la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale est vraiment un enjeu majeur si l’on veut remettre de l’ordre dans le système financier international. Nous avons donc besoin, dans ce domaine, de mesures fortes. Malheureusement, celles-ci ne figurent pas encore, loin de là, dans ce collectif.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 32.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission partage pleinement l’analyse de M. Muet. Avec nos collègues du Sénat, nous avons élaboré un document commun qui met en évidence le problème des paradis fiscaux. Mais vous comprendrez que nous ne parviendrons pas à limiter les méfaits des paradis fiscaux sans une approche internationale.

En tout état de cause, ce sujet fait l’objet d’une prise de conscience. Hier, le président de la commission des finances et moi-même avons reçu nos homologues allemands du Bundestag qui sont, eux aussi, très préoccupés par ce problème, et je pense qu’une approche commune est en train de se développer.

C’est vrai, l’article 28 n’a pas l’ambition d’apporter une solution générale et diversifiée à cette question. La commission des finances propose, d’une part de renforcer les amendes, d’autre part d’allonger les délais de reprise. L’amendement n° 32 vise à porter de six à dix ans le délai de reprise applicable pour les activités occultes, c’est-à-dire lorsque le contribuable n’a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire et n’a pas fait connaître son activité. Je précise qu’il existe déjà un délai de reprise de droit commun pour la fiscalité patrimoniale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Monsieur Muet, le dernier conseil ECOFIN a clairement engagé des travaux sur la directive « Épargne », qui paraît totalement déconnectée de la réalité, alors même qu’il avait fallu dix ans pour la négocier. J’espère que l’on ira plus vite, car c’est absolument nécessaire sur plusieurs sujets, tels les produits concernés par la directive, dont le champ est trop restreint, ou les structures juridiques qui véhiculent la fraude.

Nous ne présentons pas dans ce projet de loi le service d’enquêtes judiciaires fiscales, ce que je regrette à titre personnel. Mais ce dossier nécessite une cohérence et même un consensus entre plusieurs ministères qui se partagent un certain nombre de pouvoirs sur le sujet.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes prêts à vous aider, monsieur le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. J’accepte toute aide en la matière.

L’objectif n’est pas remis en cause, mais déclencher une procédure judiciaire pour des fraudes qui pourraient apparaître classiques, traditionnelles, vénielles, serait disproportionné et contraire à nos procédures fiscales. Il faut faire la part des choses et ne pas confondre ces fraudes et la fraude organisée, celle qui emploie des moyens surdimensionnés par rapport aux moyens de contrôle dont dispose le fisc.

L’article 28 prévoit de relever le montant de l’amende pour défaut de déclaration des comptes bancaires détenus à l’étranger pour le porter à 5 000 euros – un amendement prévoit même de le porter à 10 000 euros – lorsque ces comptes bancaires sont ouverts dans des États ou territoires non coopératifs. Cette somme peut paraître faible, mais tout est question de proportion, c’est-à-dire qu’il faut comparer cette amende avec le fait qui est reproché, à savoir, dans le cas présent, la non-déclaration d’un compte.

Par ailleurs, l’article 28 donne à l’administration le temps et les moyens d’obtenir des informations puisqu’il vise à doubler le délai de reprise de l’administration, en le portant à six ans, lorsque ces comptes ne sont pas déclarés, de manière à éviter la prescription.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement.

(L’amendement n° 32 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 33 et 232.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 33.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à porter de six à dix ans le délai de reprise.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 232.

M. Jean-Claude Sandrier. L’alinéa 2 a pour objet de modifier le délai de reprise de l’administration fiscale pour le porter à six ans en cas de non-respect des obligations déclaratives prévues par le code général des impôts lorsque ces obligations concernent un État ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale permettant l’accès aux renseignements bancaires.

Il s’agit de ces contrées à la moralité pour le moins douteuse, où l’on considère le secret bancaire comme un droit de l’homme – ce qui n’est heureusement pas le cas de la France selon les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Vous qui cherchez des garanties aux garanties pour Dexia, que ne puisez-vous dans les 10 000 milliards d’euros des paradis fiscaux pour financer les banques, au lieu de puiser dans l’argent public ?

Je rappellerai la découverte relativement récente, effectuée par les services secrets de nos amis allemands, qui ont fait un travail fort utile, de comptes secrets dissimulés dans ce paradis bancaire et fiscal qu’est le Liechtenstein, et qui s’est, de plus, permis de protester et de narguer la communauté internationale.

S’agissant de territoires où l’opacité est la règle, et compte tenu de la nature tout à fait condamnable des activités concernées, notamment le blanchiment d’argent, on peut légitimement souhaiter porter à dix ans, comme le propose également le rapporteur général, le délai de reprise prévu à l’article L. 170 du livre des procédures fiscales en cas d’omission ou d’insuffisance révélée par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse.

Tel est l’objet de l’amendement n° 232.

(Les amendements identiques nos 33 et 232, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 34.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à inclure les contrats d’assurances vie souscrits auprès d’organismes établis hors de France dans le champ de l’extension du délai de reprise, extension portée de trois à six ans dans le texte du Gouvernement puis à dix ans par l’amendement précédent.

(L’amendement n° 34, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de coordination, n° 253, de M. le rapporteur général.

(L’amendement n° 253, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 231 et 35, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 231.

M. Jean-Pierre Brard. Si je me félicite que les amendements identiques nos 33 et 232, présentés à la fois par la commission et par nous-mêmes, aient été adoptés, les discours que l’on tient sur la fraude n’en continuent pas moins de pécher par excès de généralité. Il est ainsi un sujet que le ministre n’a absolument pas évoqué, en dépit des perches que nous lui avons tendues : la fraude à la TVA intracommunautaire, difficile à repérer par les services fiscaux du fait que les systèmes mis en place sont éphémères et fuyants – ce qui fait leur charme discret. Au risque de déplaire à M. Soisson, je tiens à rappeler que le Luxembourg de M. Juncker est l’une des places où s’organise une telle fraude. Cette place n’est pas la seule, il est vrai : une telle fraude existe en France, en Grande-Bretagne – les Britanniques sont particulièrement efficaces en la matière – ou en Allemagne, si bien que des sommes folles que, par définition, nous ne pouvons pas estimer, nous échappent.

Pour en revenir plus précisément à l’objet de l’amendement n° 231, je rappelle que l’alinéa 6 de l’article 28 fixe le montant de l’amende due « par compte ou avance non déclaré lorsque l’obligation déclarative concerne un État ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasions fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires. »

Dans sa grande mansuétude, le rapporteur général propose un amendement portant à 10 000 euros le montant de cette amende. Pour notre part, nous pensons que le montant de 15 000 euros serait tout à fait justifié pour sanctionner les fraudeurs qui choisissent d’utiliser les paradis bancaires dont le rôle funeste dans la crise financière a été souvent et à juste titre souligné.

Nos collègues de l’UMP se retrouvent dans une situation cornélienne en raison des propos tenus par Jean-Pierre Soisson, visant à défendre M. Juncker : si vous ne votez pas cet amendement, on pourrait penser que vous faites corps autour de M. Soisson, tels des saint-bernards venus défendre M. Juncker. C’est donc, mes chers collègues, avec le plus grand intérêt que j’attends la réaction du rapporteur général et celle du ministre qui, je l’espère, n’émettra pas un avis défavorable au nom de la solidarité corporatiste vis-à-vis d’un autre gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l’amendement n° 35 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 231.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission, qui partage les préoccupations légitimes de M. Brard en la matière, a, toutefois, tenu compte de la hiérarchie existant en matière d’amendes. Il faut prendre garde aux contentieux ultérieurs et respecter la notion de proportionnalité. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible de porter le montant de l’amende à 15 000 euros. Aussi la commission s’est-elle contentée de le doubler en le portant de 5 000 à 10 000 euros.

Ce sont donc, monsieur Brard, des raisons strictement techniques qui nous interdisent de vous suivre mais nous partageons, je le répète, le même objectif.

M. Jean-Pierre Brard. Mein Gott !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Vous cherchez toujours, monsieur Brard, à nous mettre dans des situations désagréables ! Nous ne protégeons personne : nous voulons au contraire aboutir au même objectif que vous.

Il s’agit d’une question de droit : l’amende doit être proportionnelle.

M. Henri Emmanuelli. À ce prix-là, ça vaut le coup de frauder !

M. Éric Woerth, ministre du budget. C’est pourquoi nous avons procédé à de nombreuses consultations pour fixer un taux qui ne soit pas « retoqué » par les tribunaux. Nous sommes favorables à la proposition de la commission, qui respecte le principe – juridiquement important – de proportionnalité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Woerth, je suis d’autant plus étonné de votre réponse que vous connaissez très bien le sujet.

La technique n’a évidemment rien à faire dans votre positionnement, qui est politique.

Je ne vous répéterai pas tout ce que j’ai entendu lorsque j’ai travaillé sur la fraude, y compris de la part de magistrats, car cela pourrait nuire à leur image. Ce qui, toutefois, est certain, c’est que les contrevenants, par peur d’être stigmatisés, ne souhaitent absolument pas aller devant la justice : c’est comme s’ils en ressortaient avec le mot « voleur » inscrit en lettres de feu sur leur front ! Aussi, en vue d’échapper à l’opprobre public résultant d’une décision judiciaire, les voleurs préfèrent-ils trouver un arrangement avec les services fiscaux, arrangement au demeurant profitable pour le trésor public car il rapporte davantage que les sanctions, souvent légères, prononcées par les tribunaux. M. Tardy, qui a connu des gens qui étaient dans cette situation,…

M. Lionel Tardy. Non !

M. Jean-Pierre Brard. …confirmera mon propos.

M. Lionel Tardy. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas dit que vous aviez vous-même pratiqué ce genre d’arrangement ! J’ai dit que vous aviez connu de telles gens.

M. Lionel Tardy. C’est absolument faux !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, ne vous dissimulez pas derrière des arguments d’ordre technique : ils ne tiennent pas la route, vous le savez bien. Je le répète, ces gens-là, qui sont des voleurs, sont prêts à payer afin d’éviter la stigmatisation judiciaire lorsque les services fiscaux, qui font un travail excellent en la matière, les ont débusqués.

Je ne vois pas pourquoi vous avez des états d’âme dès lors qu’il s’agit de passer ces gens à l’essoreuse !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je n’ai aucun état d’âme.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, je vous demande la permission de répondre à M. Brard, qui m’a mis en cause.

M. le président. Vous pouvez prendre la parole contre l’amendement, mais vous n’avez pas à répondre à M. Brard.

M. Lionel Tardy. Je tenais simplement à dire à M. Brard que je ne fréquente pas ce genre de personnages.

M. Jean-Pierre Brard. C’est tout à votre honneur. Ce n’est pas comme M. Juncker !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Monsieur Brard, ce n’est une question ni d’état d’âme ni de prise de position politique, mais tout simplement de droit !

Nous souhaitons évidemment sanctionner durement l’ouverture d’un compte non déclaré dans un paradis fiscal, mais cette pénalité ne concerne que l’ouverture du compte et elle seule. Elle ne préjuge pas d’autres poursuites éventuelles.

Elle a, de plus, un caractère d’automaticité, ce que n’apprécie pas beaucoup, vous le savez très bien, la jurisprudence européenne.

Tout comme vous – n’est-ce pas, monsieur Brard ? –, nous ne saurions, en la matière, nous contenter de gesticulations. Aussi la mesure doit-elle respecter le double principe de la proportionnalité et de l’automaticité afin d’être opérationnelle devant les tribunaux – tel est notre objectif. Il faut donc donner au fisc les moyens d’appliquer cette règle de pénalité administrative : c’est pourquoi l’amende fixée est forte tout en restant opérationnelle.

(L’amendement n° 231, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 35, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je comprends les contraintes de votre charge. Vous m’avez toutefois interdit d’éclairer le débat.

M. le président. Monsieur Brard, il ne s’agit pas d’un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne savez pas ce que je vais dire, monsieur le président.

M. le président. Oh si !

M. Jean-Pierre Brard. Illustrer son propos d’exemples concrets relève de la bonne pédagogie.

Je suis allé aux Bahamas pour la commission des finances. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous en avez, de la chance !

M. Benoist Apparu. Je vous félicite, monsieur le président de la commission !

M. Jean-Pierre Brard. J’y ai rencontré des banquiers, de ceux qui fréquentent M. Juncker, et je leur ai demandé, à tous, de m’indiquer la somme nécessaire à l’ouverture d’un compte : le montant minimal s’élevait à 1 million de dollars ! Ce n’est donc pas une amende de 5 000 euros supplémentaires – 15 000 au lieu de 10 000 – qui pourrait poser problème !

M. Jean-Pierre Soisson. Voilà le vrai Brard !

M. Jean-Pierre Brard. J’ai trouvé une exception, monsieur Soisson. Un Franco-Italien qui représentait une banque suisse m’a affirmé que celle-ci n’imposait pas de somme-plancher. Je lui ai demandé alors si 100 dollars suffiraient : il m’a répondu qu’une somme aussi basse ne couvrirait même pas les frais d’ouverture, qui sont très élevés.

Monsieur le ministre, je le répète : votre argumentation sur les 5 000 euros ne tient pas la route ! De fait, dès qu’il s’agit de personnes qui ont beaucoup d’argent, cela vous arrache le cœur de leur en prendre un peu, alors qu’ils ne s’agit que de gens malhonnêtes ! Car non seulement ils ont de l’argent mais, en plus, ils sont malhonnêtes !

Je ne comprends pas votre timidité. Lorsqu’il s’agit de défendre le bouclier fiscal, vous n’êtes pas aussi timides !

M. le président. Monsieur Brard, je n’ai pas vu de rappel au règlement dans vos propos.

Article 28
(précédemment réservé)

(suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 254.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un amendement rédactionnel, qui vise à exclure les prêts à taux zéro du champ de l’article.

(L’amendement n° 254, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 36.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à appliquer l’allongement du délai de reprise de six à dix ans aux revenus des trois dernières années puisque le délai de reprise est actuellement de trois ans.

(L’amendement n° 36, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 28, amendé, est adopté.)

Après l’article 28
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 198 rectifié, portant article additionnel après l’article 28.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai par la même occasion l’amendement n° 381.

M. le président. Je vous en prie, monsieur le président.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit au cours de la discussion générale sur ces articles qui visent à combattre la fraude fiscale. Je me réjouis qu’ils figurent dans ce texte, même si nous restons sur notre faim quant aux moyens de lutte plus efficaces que vous auriez pu annoncer.

Je me permets d’insister sur l’intérêt de créer un service judiciaire d’enquêtes fiscales qui dépendrait de votre administration, tant il est vrai que la France dispose de moyens inadaptés pour lutter contre la fraude. L’ensemble des dossiers relatifs au Liechtenstein le montrent bien. Il est rageant, choquant,…

M. Henri Emmanuelli. Inadmissible !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …inadmissible, en effet, qu’on avance en Allemagne bien plus vite que chez nous sur tel ou tel dossier, ainsi que nous l’avons évoqué hier avec le rapporteur général, quelques membres de la commission des finances et nos homologues du Bundestag. Ainsi, certains dossiers sont déjà sortis en Allemagne.

M. Jean-Pierre Brard. Ils n’ont pas le barrage de la langue !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il est donc très important que nous puissions aboutir. J’imagine bien les réserves du ministère de l’intérieur et de la chancellerie ; il faut dépasser les querelles entre ministères pour privilégier l’efficacité. En effet, ces dossiers, très techniques, nécessitent l’intervention de personnes particulièrement formées et qui, en l’occurrence, se trouvent pour l’essentiel à Bercy.

Dans cette perspective, les amendements nos 198 rectifié et 381 visent tous deux à décourager les délocalisations à objectif fiscal.

L’amendement n° 381 consiste à revenir à une définition plus stricte de ce que l’on entend par régime fiscal privilégié par rapport au régime fiscal national. Il prévoit de fixer non pas à 50 % mais à 33 % la différence d’imposition des produits d’obligations, créances, dépôts, des redevances de brevets d’invention et des rémunérations de services, à partir de laquelle on considère que l’on a affaire à un régime fiscal privilégié par rapport au régime fiscal national.

Quant à l’amendement n° 198 rectifié, il prévoit que lorsqu’une personne morale établie en France détient au moins 50 % des parts d’un établissement situé dans un État au régime fiscal plus favorable, les résultats de cet établissement assujettis à l’impôt sur les sociétés en France ne peuvent être l’objet d’une consolidation avec ceux de la société mère.

L’amendement n° 381 rétablit un critère qui a été en vigueur jusqu’en 2004. Je souhaite d’ailleurs, monsieur le ministre, que le Gouvernement nous propose une évaluation des mesures prises en 2004 et qui s’appliquent depuis 2005. À l’époque, l’assouplissement des critères relatifs au régime fiscal privilégié était justifié par la nécessité d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Cela dit, le contrôle fiscal des dispositifs d’optimisation fiscale a été amoindri d’autant.

Lorsque l’on constate les dégâts causés par la crise financière et que l’on mesure la vanité d’une réforme substantielle de la régulation financière mondiale qui ne s’attaquerait pas résolument, dans le même temps, aux paradis fiscaux, il convient d’examiner rigoureusement des dispositions très peu contraignantes en termes de délocalisation financière.

On évoque beaucoup la nécessité de prendre la question de la fraude fiscale à bras-le-corps. Je conviens que des actions sont nécessaires à l’échelon européen et même mondial, et quelques initiatives ont été prises, mais nous pouvons également amender la réglementation nationale pour nous donner les moyens de mieux lutter contre les délocalisations à objectif fiscal et pour dépasser ce qui correspond à ce que certains appellent l’optimisation fiscale – qui a plutôt tendance, dans de nombreuses situations, à se confondre avec la fraude fiscale…

M. Jean-Pierre Brard. Ou avec l’évasion fiscale !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …ou avec l’évasion fiscale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’insisterai, monsieur le ministre, sur l’intérêt que vous avez manifesté de conférer des pouvoirs judiciaires à l’administration fiscale. Vous travaillez sur ce sujet depuis quelque temps déjà et vous pouvez compter sur la commission des finances pour vous soutenir dans une démarche à laquelle vous êtes personnellement attaché.

J’ai bien compris qu’il restait à résoudre certains problèmes d’ordre interministériel liés au fonctionnement de l’administration fiscale qui se verrait conférer des pouvoirs judiciaires. Il va tout de même falloir que nous aboutissions. Didier Migaud l’a rappelé, nous avons rencontré hier nos homologues du Bundestag : en Allemagne, l’administration fiscale dispose de pouvoirs judiciaires évidemment placés sous le contrôle du juge.

M. Henri Emmanuelli. Aux États-Unis aussi !

M. Jean-Pierre Brard. Et en Italie, avec la guardia di finanza !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On peut en effet citer de nombreux pays dans ce cas. Toujours est-il que nos homologues allemands nous ont indiqué que, dans l’affaire du Liechtenstein, des sanctions ont d’ores et déjà été prises. Ils nous ont en outre informés que, parmi ceux qui avaient investi dans ce pays, beaucoup sont revenus en Allemagne. Nous ne constatons malheureusement pas chez nous cette rapidité ni cette efficacité.

Reste que la commission a donné un avis défavorable à l’amendement n° 198 rectifié car il faut rappeler que la modification de l’article 209 B votée en loi de finances initiale pour 2005, était contrainte par des décisions de justice. La jurisprudence du Conseil d’État et celle de la Cour de justice européenne avaient rendu le dispositif en vigueur inapplicable. Il fallait donc en trouver un autre.

Ainsi, sont aujourd’hui exclus du champ d’application les bénéfices réalisés par des entités établies au sein de l’Union européenne, sauf montage artificiel. Il a fallu par ailleurs assurer la compatibilité avec le droit conventionnel puisque nous avons signé des conventions fiscales avec des pays qui permettent d’avoir des informations. Enfin, une distinction très claire est faite entre les produits d’entreprises assimilés à des bénéfices et les produits de particuliers assimilés, pour leur part, à des capitaux mobiliers, donc à des dividendes.

Aussi, monsieur Migaud, ne nous a-t-il pas semblé possible de revenir sur le principe de consolidation introduit par la modification de l’article 209 B prévue par la loi de finances pour 2005.

La commission est donc défavorable aux deux amendements. Je précise néanmoins que nous travaillons sur ces sujets et, dans quelque temps, nous aurons des solutions à proposer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. La situation juridique sur cette question est complexe.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Certes !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le Conseil d’État s’est déjà prononcé. Nous devons tâcher d’y voir plus clair. Monsieur Migaud, vous mettez en évidence des problèmes à propos desquels nous sommes d’accord ; cependant, afin de ne pas légiférer dans la précipitation et afin de pouvoir travailler plus à fond sur la définition de dispositifs qui tiennent la route sur le plan juridique, je vous propose de retirer vos amendements.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je suis d’accord pour retirer ces amendements dès lors que nous bénéficierons d’évaluations des modifications législatives apportées il y a quelques années.

Je proposerai, en accord avec le rapporteur général, la mise en place au sein de la commission des finances d’une mission d’information sur la fraude fiscale et sur le contrôle fiscal. Il s’agira, par ce biais, de formuler des propositions, dans l’esprit du travail que nous avons réalisé sur les dépenses fiscales et les niches fiscales.

Je souhaite que cette mission soit pluraliste dans sa composition et qu’elle soit en mesure de formuler des propositions précises. Nous avons en effet grand besoin d’avancer, tant notre législation souffre, par rapport à celles d’autres pays, d’insuffisances, de rigidités qu’il nous faut dépasser si nous voulons nous donner les moyens nécessaires pour lutter contre la fraude fiscale, y compris à l’intérieur même du pays.

Je suis donc d’accord pour retirer ces amendements à partir du moment où le ministre s’est engagé à nous apporter des éléments d’information sur ces dispositifs et à partir du moment où la commission des finances entreprendra ce travail.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Les syndicats évaluent le volume de la fraude à environ 50 milliards d’euros, même si, par définition, il est impossible d’en connaître le montant exact. Que la majorité affiche la volonté d’aller dans le sens de la lutte contre la fraude est une bonne nouvelle, de même que l’engagement du ministre à donner quelques éléments d’information est encourageant – mais seulement encourageant, pas suffisant.

Le ministre a dit vouloir « y voir plus clair ». Fort bien, mais cet objectif ne suffit pas : il faut mettre le turbo alors que, pour l’instant, on a l’impression qu’on se hâte lentement. Comme nous ne sommes pas des naïfs, nous savons bien que, dans les couloirs de Bercy, les lobbies agissent, et qu’il faut toute la rectitude des fonctionnaires de l’État pour leur résister.

Didier Migaud a proposé la création d’une mission d’information ; excellente idée qui nous permettra notamment d’étudier les pratiques étrangères. Nous devons aussi déceler ce qui ne va pas au sein de l’Union européenne.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Brard. À propos du Liechtenstein, Didier Migaud, évoquant notre rencontre avec nos homologues du Bundestag, a rappelé que les autorités allemandes semblent s’être montrées plus diligentes que les autorités françaises dans la recherche des délinquants. J’y mettrais néanmoins un bémol, car le Gouvernement aime tellement les privilégiés que, même lorsqu’ils fautent, il leur donne l’absolution, n’exigeant d’eux guère plus que deux Pater et trois Ave. (Sourires.)

Figurez-vous, monsieur le ministre, que vos collègues allemands sont à peu près dans les mêmes dispositions, puisque toute une partie de la procédure contre les voyous allemands qui avaient ouvert des comptes au Liechtenstein est tombée. Et savez-vous pourquoi ? Parce que ceux qui étaient chargés de la diligenter ont laissé passer de douze heures le délai ultime…

Il n’y a donc pas que chez nous que l’on manque de résolution : c’est une maladie qui concerne l’Union européenne. Ceux qui la dirigent, Allemands ou Français, montrent plus d’acharnement à combattre les plus modestes quand ils commettent des péchés véniels, pour reprendre la formule du ministre, qu’à combattre les gros quand ils violent ouvertement la loi, fût-ce discrètement.

M. Jean-Claude Sandrier. Très juste !

(Les amendements n198 rectifié et 381 sont retirés.)

M le président. Je suis saisi de deux amendements nos 327 rectifié et 328, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Nous nous trouvons tout de même, monsieur le ministre, face à un problème important ! Nous sommes confrontés à une crise financière sur les origines de laquelle nous n’allons pas nous appesantir, d’autant qu’elles ne sont pas forcément celles que vous croyez. Reste que tout le monde s’accorde sur ses symptômes : dérégulation, excès, opacité.

Mme Isabelle Vasseur. Cela ne date pas d’aujourd’hui !

M. Henri Emmanuelli. Cela ne date pas d’aujourd’hui, madame, mais on demande 360 milliards d’euros au contribuable français pour garantir ces excès. Au cas où cela ne vous serait pas apparu, elle est là, la différence !

Pourquoi dis-je que c’est un problème, monsieur le ministre ? Parce que du fait de la dureté de la crise, des millions de Françaises et de Français vont devoir faire des sacrifices. Et je pense que cela va les rendre de plus en plus sensibles, de plus en plus intolérants aux excès qui sont commis dans ce qu’on appelle gentiment les « trous noirs », mais qui représentent en réalité la moitié des transactions financières internationales.

Tout récemment, M. le Président de la République a reçu à l’Élysée les membres des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat qui avaient travaillé sur la crise financière. Et comme on attirait son attention sur le problème des paradis fiscaux, il a surenchéri en soulignant lui-même que cela représentait la moitié des transactions internationales, que 4 000 banques et deux tiers des hedge funds, autrement dit des fonds spéculatifs, avaient leur siège dans les paradis fiscaux.

La question devient la suivante : si, comme on s’y engage, on régule les 50 % des transactions internationales qui se déroulent à la lumière du jour, mais sans toucher aux 50 % qui s’opèrent dans les ténèbres, non seulement on ne régulera rien du tout, mais on provoquera un déplacement massif. Ce ne sont plus 50 % des transactions internationales qui se feront dans les paradis fiscaux, mais 60 %, 70 %, 75 %, 80 %. Vous êtes, nous sommes devant un énorme problème.

Je sais bien que la question n’est pas facile à régler : il y a de l’antériorité, et beaucoup de monde sur le marché, si j’ose dire. Il n’empêche qu’il y a des choses qu’on a du mal à comprendre : ainsi, nous avons à nos portes deux paradis fiscaux, à savoir les principautés de Monaco et d’Andorre – le Président de la République est d’ailleurs coprince ou co-je-ne-sais-quoi d’une des deux… On pourrait quand même, comme cela a été fait par la République française dans les années soixante, envoyer quelques signaux sérieux pour montrer que l’on se préoccupe des excès commis à nos frontières – et qui plus est avec notre protection, avec des fonctionnaires que nous mettons à disposition, comme c’est le cas à Monaco !

Comment pourrez-vous demander des sacrifices à des gens relativement modestes ou aux classes moyennes si vous laissez perdurer ce genre d’excès ? Ce n’est pas possible. Pis, vous allez gripper l’ensemble du système.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que l’amende sera portée de 5 000 à 10 000 euros et vous nous parlez de « péché véniel ». Mais à partir de combien de millions d’euros passe-t-on du péché véniel au péché capital ?

Mme Isabelle Vasseur. Demandez à votre collègue, le père Brard !

M. Henri Emmanuelli. En l’occurrence, ce n’est pas de dizaines de milliers d’euros qu’il s’agit, et vous le savez aussi bien que moi, puisque votre profession vous l’a appris, comme la mienne me l’avait appris : c’est un sujet sérieux. Le plus choquant, c’est qu’au moment où l’on se prépare à mettre à disposition des sommes considérables, il ne se passe pas grand-chose sur cette question, si ce n’est du symbolique. Le problème des paradis fiscaux a été évoqué au G7 ou à certains sommets européens,. Mais depuis, plus rien, plus un mot ! N’en déplaise à M. Soisson, M. Juncker continue à présider le Comité monétaire et financier international, ce qui, tout de même, ne manque pas de sel. Je n’ai rien contre le Luxembourg, mais enfin, si vous comparez les niveaux de vie, vous comprendrez pourquoi celui des Luxembourgeois est aussi élevé.

Et entre nous, monsieur le ministre, vous savez parfaitement que la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne a été totalement dévoyée. Elle s’adressait aux personnes physiques ? Pas de problème : il n’y a plus de personnes physiques ! Il n’y a plus que des trustees, des fondations, des personnes morales… Sitôt qu’une personne physique franchit la porte d’une banque au Luxembourg, on sait ce qui se passe – renseignez-vous : nous avons une association très pointue, si les services fiscaux ne le savent pas. Elle s’appelle Transparency International, et sa section française est présidée par un ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations,…

M. Éric Woerth, ministre du budget. M. Lebègue.

M. Henri Emmanuelli. Exactement. Elle est parfaitement au courant de tous ces problèmes. Par conséquent, ne me dites pas que l’administration fiscale ne sait pas ce qui se passe. Si vous franchissez la porte de l’une de ces banques pour y déposer de l’argent à titre personnel, on vous prévient qu’en déposant à titre personnel, on s’expose un prélèvement forfaitaire. Alors, on vous propose de vous fabriquer un statut sur mesure : cela ne prendre que quelques minutes…

M. le président. Précisément, monsieur Emmanuelli, il va falloir vous acheminer vers votre conclusion.

M. Henri Emmanuelli. Nous sommes en train de parler d’un sacré sujet, monsieur le président. Et j’ai accepté de défendre ces deux amendements en même temps pour ne pas y revenir deux fois. Hier soir, quand l’Assemblée a voté 6 milliards de garantie, il n’y avait pas de problème de frilosité juridique, il n’y avait pas de complication, il fallait y aller ! Et ce matin, on parle d’un sujet qui n’est tout de même pas mince. Mais je comprends qu’il soit gênant, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Emmanuelli, je ne peux pas vous laisser dire cela.

M. Henri Emmanuelli. Pardon ?

M. le président. Je ne peux pas laisser faire croire que le président veut vous interrompre parce qu’il serait gênant de vous entendre.

M. Henri Emmanuelli. Je crois que cela gêne la majorité, et jusqu’à nouvel ordre, vous faites partie de la majorité, n’est-ce pas ? (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Chartier. Est-ce à dire que la présidence serait partiale ?

M. Yves Censi. Cette accusation est lamentable !

M. Jean-Pierre Soisson. Il cherche l’incident !

M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous. Seul M. Emmanuelli a la parole.

M. Henri Emmanuelli. Je comprends vos réactions, mesdames et messieurs de la majorité. Vous faites sauter la demi-part au Sénat, mais vous nous avez fait voter hier soir 75 000 euros de dégrèvement pour le logement locatif. Je comprends que vous soyez gênés aux entournures.

M. Yves Censi. Ça n’a rien à voir !

M. Jean-Paul Garraud. Ce sont des procès d’intention !

M. Henri Emmanuelli. Mais prenez bien conscience de la gravité de cette crise. Et sur ces sujets, la fraude fiscale et les paradis fiscaux, nous n’allons pas en rester à quelques amendements à l’occasion d’un collectif budgétaire. On fera des évaluations, et aussi de la pédagogie à l’adresse des Françaises et des Français. Parce qu’il n’est pas admissible de demander tant de sacrifices à nos compatriotes et, sur ces sujets-là, de continuer à faire comme s’il ne se passait pas grand-chose.

La vraie force de ces paradis fiscaux, monsieur le ministre, ce n’est pas l’État du Luxembourg, ce n’est pas le prince de Monaco ni le coprince d’Andorre. Leur vraie force, c’est la cinquième colonne des fraudeurs. Et celle-là, elle est chez nous !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 327 rectifié et 328 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission ne les a pas examinés.

À titre personnel, j’y suis défavorable. Sur ces sujets un peu complexes, il apparaît nécessaire aux membres de la commission des finances, comme à son président et à moi-même, d’engager un travail de fond, en liaison avec le ministère, pour vous proposer le plus rapidement possible un ensemble de dispositifs efficaces.

Comme M. Emmanuelli le reconnaît lui-même, ces sujets appellent une approche européenne. si nous avons décidé, avec le président de la commission des finances, de rencontrer très régulièrement nos collègues du Bundestag, c’est précisément pour nous assurer un minimum de coordination. Si nous parvenons à avoir une approche commune opérationnelle franco-allemande, nous devrions beaucoup progresser.

Cela, il faut bien admettre que cette approche à ses limites. Si, aux portes de l’Europe, voire en Europe, certains pays acceptent, dans des conditions discutables, de l’épargne défiscalisée…

M. Jean-Pierre Brard. Et de l’argent sale !

M. Gilles Carrez, rapporteur général.… ou de l’argent blanchi, il est clair que la question se pose non seulement au niveau européen, mais bien au niveau mondial.

À l’occasion des contacts qu’il a eus avec le président des États-Unis dans le cadre de la préparation du G20, le Président de la République a insisté sur cette dimension-là. Nous ne pourrons vraiment réguler le système financier mondial que si tous les États sont déterminés à lutter contre les paradis fiscaux – rappelons que 80 % des hedge funds sont implantés dans des paradis fiscaux.

Nous sommes tout à fait d’accord, nous poursuivons le même objectif. Nous, nous allons essayer de travailler à la mise au point de dispositifs nationaux, voire européens. Nous y apporterons notre contribution, comme le Président de la République nous l’a demandé. Mais pour le reste, c’est un enjeu qui devra être mis à l’ordre du jour des prochaines réunions du G20. Le principe des réunions du G20 ayant été acquis, un programme de travail est désormais arrêté, avec un agenda.

Nous avons constitué avec nos collègues du Sénat un groupe de travail – vous en avez d’ailleurs fait partie, monsieur Emmanuelli. Nous sommes arrivés à un ensemble de propositions cohérent et consensuel, parmi lesquelles la lutte contre les paradis fiscaux vient en numéro un.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le Gouvernement n’y est pas favorable.

Les activités visées ne sont pas interdites. Il est difficile de choisir la sanction fiscale comme moyen de les interdire. Il faut remonter plus loin, et se pencher sur tout un ensemble d’activités, qu’il est difficile d’isoler entre elles.

Le placement en revanche est interdit. Quand les services fiscaux découvrent qu’un contribuable a utilisé des placements interdits, et en général cachés, il est sanctionné conformément aux règles qui sont les nôtres. Là-dessus, le fisc français est très clair – et je ne dis pas cela pour envoyer je ne sais quel signal positif en direction des paradis fiscaux. La question n’est pas là : ceux qui investissent d’une façon frauduleuse, non transparente, cachée, secrète, dans les paradis fiscaux, se rendent coupables de fraude fiscale et sont sanctionnés lorsqu’ils sont repérés.

Un mot sur le Liechtenstein, puisque le sujet a défrayé la chronique. Je ne peux pas laisser dire – même si ce n’est pas ce que vous avez dit – que nous ne travaillons pas d’une façon forte sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas dit cela : j’ai dit que vous ne mettiez pas le turbo. Ce n’est pas pareil.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je n’ai jamais pensé que vous me mettiez en cause.

Le Gouvernement est très clair sur la question des paradis fiscaux. Nous voulons aboutir. Nous travaillons avec l’OCDE et j’espère que, dès la fin du printemps, nous aurons une liste. Et si nous l’avons, c’est bien parce que la France aura mis le turbo : le sujet était enterré depuis des années.

Pour ce qui est du Liechtenstein, nous avons fait un travail considérable. Nous avons d’ailleurs tenu au courant le président de la commission des finances et le rapporteur général, étape par étape. Nous avons quasiment achevé la dernière.

Soixante-quatre groupes familiaux avaient investi au Liechtenstein par le biais de fondations, de trusts, de fiducies. Nous en avons contrôlé trente-quatre. Pourquoi trente-quatre sur soixante-quatre ? Parce que tout cela pouvait remonter à très loin, parfois à des dizaines d’années. Dans pas mal de cas, il n’y avait plus personne. Ou bien les gens étaient morts – il est assez difficile de contrôler les morts –, ou bien ils étaient clairement établis comme résidents fiscaux à l’étranger. Le fisc français a transmis aux fiscs des pays desquels relèvent ces résidents l’ensemble des informations réunies au cours des enquêtes qu’il a menées.

Il restait donc trente-quatre groupes familiaux. Nous avons entamé avec quatorze d’entre eux, comme a coutume de le faire le fisc français, des transactions financières à raison des faits qui peuvent leur être reprochés.

M. Henri Emmanuelli. Des transactions discrètes !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Discrètes, comme toujours dans ces cas-là, mais fortes...

Pour les vingt autres groupes, qui ne se considèrent pas en tort, nous déclenchons bien évidemment les procédures adéquates.

Enfin, nous allons transmettre à la justice – vous voyez que nous ne reculons devons rien, puisque c’est là la démarche la plus forte – un certain nombre de dossiers sur lesquels nous ne pouvons pas aller plus loin. Lorsque nous considérons qu’il existe de fortes présomptions, au demeurant de nature différente selon les cas, mais que le fisc ne peut pas aller plus loin dans les investigations, pour des raisons de droit, nous transmettons les dossiers à la justice ; à charge pour elle de déclencher les procédures qu’elle juge appropriées.

Voilà le point que je pouvais faire, devant la représentation nationale, sur cette affaire du Liechtenstein. Vous voyez que nous allons au fond des choses.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je voudrais juste vous demander une précision, monsieur le ministre, tout en vous donnant acte de votre volonté, qui correspond à celle du Président de la République : les paradis fiscaux, disait-il, ne devraient plus exister.

Reste que, sur le territoire national, nous avons aussi des zones d’ombre. Je vous avais interrogé sur ce point à l’occasion de la discussion générale du projet de loi de finances. Car s’il y a certes Andorre, le Liechtenstein et les îles anglo-normandes, nous avons chez nous Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Tahiti, Wallis-et-Futuna, qui peuvent fonctionner comme des paradis fiscaux.

Certes, leur importance n’est pas comparable, me dira-t-on. Voire… Je ne sais. Pouvez-vous nous donner des informations sur ce sujet ?

En 2002 déjà, un rapport sénatorial relevait l’absence de procédures de contrôle dans la défiscalisation outre-mer et le nombre incertain des sanctions. Le rédacteur en chef d’Alternatives économiques, pour sa part,dénonçait la possibilité d’utiliser les niches fiscales d’outre-mer pour faire fuir des capitaux. Saint-Martin est un cas particulier. La souveraineté y est partagée entre la France et les Pays-Bas sans véritable frontière, ce qui offre des occasions non seulement de fraude, mais aussi de fuite et de blanchiment.

Monsieur le ministre, votre volonté de mettre fin à ce type de pratique vaudra-t-elle aussi pour le territoire national, fût-ce sur des îles lointaines ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le sujet est important. On ne peut pas demander aux petits voyous d’avoir une attitude morale si on laisse les grands courir librement.

M. Georges Colombier. Eh oui !

M. Jean-Pierre Brard. Vous nous annoncez des mesures et le rapporteur général a appelé à une approche européenne. Je pense qu’il a raison, mais on sait aussi que certains de nos partenaires européens couvrent délibérément la fraude.

Parlons, une fois encore, de M. Juncker. Savez-vous, par exemple, que la Kredietbank au Luxembourg est la banque de la scientologie et qu’elle draine les fonds soutirés aux adeptes dans toute l’Europe ? Et où tout cela va-t-il, à votre avis ? Dans un pays qui évidemment ne lutte pas contre la fraude, mais qui fait la leçon à tout le monde : les États-Unis. Et les fraudeurs ne sont pas à Guantanamo !

M. Lionel Tardy. Ils sont à Boston !

M. Jean-Pierre Brard. Un des cinquante États des États-Unis, le Delaware, est d’ailleurs un paradis fiscal !

Quelle est la situation en Europe ? Si vos services, monsieur le ministre, diligentent une enquête fiscale sur la filiale néerlandaise d’une entreprise dont le siège est en France, l’attaché fiscal près de notre ambassade aux Pays-Bas doit aller voir son collègue néerlandais. Que se passe-t-il alors ? Je m’assure que vous êtes bien assis avant de poursuivre… Le Néerlandais va voir le patron hollandais de la filiale, le prévient que les services français s’intéressent à son entreprise et lui demande s’il est d’accord pour être contrôlé ! Voilà comment certains États couvrent la fraude et toutes les malhonnêtetés. Et il n’y a pas que M. Juncker ou la Grande-Bretagne, qui n’est pas la dernière à pratiquer cet exercice ; il y a aussi les Pays-Bas, par exemple !

Approche européenne, oui, si la volonté est de faire rentrer tous ces États dans le rang et leur faire adopter une pratique morale. Or ils vont se battre avec énergie pour ne pas accepter des règles équitables, et pour cause : comme le disait Henri Emmanuelli, le Luxembourg, par exemple, est assis sur des mines d’or et prospère grâce au secret bancaire en offrant une hospitalité complaisante à nombre de voyous. Mais il ne faut pas nous arrêter et édicter des règles.

Pour ma part, je suis très favorable à ce que nous dotions les services fiscaux et la douane nationale de prérogatives judiciaires nouvelles pour dynamiser l’enthousiasme et le sens de l’État de nos fonctionnaires, et nous rendre plus efficaces dans la lutte contre la fraude fiscale. Ne nous contentons pas d’être prolixes en discours dans cet hémicycle !

(Les amendements nos 327 et 328, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour soutenir l’amendement n° 329.

M. Henri Emmanuelli. Sans vouloir en rajouter, monsieur le ministre, j’appelle une nouvelle fois votre attention sur le fait que tous les efforts de régulation que vous ferez par ailleurs seront sans effet si vous n’attaquez pas le problème de front. On dit qu’on ne peut rien faire si les États-Unis, et le Japon également, ne prêtent pas une oreille attentive. J’en conviens, mais si dans les pays du G 8, on commençait par dire que toute transaction en provenance des paradis fiscaux devient illégale, je vous assure que ceux-ci ne passeraient pas les quarante-huit heures…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement propose que le Gouvernement remette rapport faisant le point sur les pouvoirs ouverts par la loi NRE de 2001, qui alimentera utilement le travail que nous vous proposons dans le cadre de la commission des finances. J’y suis favorable.

(L’amendement n° 329, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Article 29
(précédemment réservé)

M. le président. L’amendement n° 73 de la commission est rédactionnel.

(L’amendement n° 73, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 29, amendé, est adopté.)

Article 30
(précédemment réservé)

M. le président. L’amendement n° 37 de la commission est rédactionnel.

(L’amendement n° 37, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 142 de M. Gilles Carrez est également rédactionnel.

(L’amendement n° 142, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 30, amendé, est adopté.)

Article 31
(précédemment réservé)

(L’article 31 est adopté.)

Après l’article 31
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 133 rectifié, portant article additionnel après l’article 31.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. J’ai soulevé hier soir le problème de la clarté de la réponse des administrations dans le cadre de la procédure de rescrit. M. Santini m’ayant répondu très brièvement hier soir, j’aimerais avoir l’avis de M. Woerth à ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour ma part, je vous ai répondu hier que l’article 26 que nous avons adopté prévoit désormais une procédure d’appel pour un rescrit qui ne donnerait pas satisfaction au demandeur. Dès lors, votre amendement me semble satisfait.

M. Lionel Tardy. Je le retire.

(L’amendement n° 133 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 312.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre de défendre, en son absence, cet amendement de M. Courson adopté par la commission. Il s’agit de renforcer les droits du contribuable en matière douanière en imposant à l’administration un délai de réponse de quatre mois à toute contestation de droits ou de taxes gérés par les douanes, et donc d’améliorer la sécurité juridique du contribuable en organisant, dans les deux cas, un délai de saisine du juge de deux mois pour contester une réponse de l’administration. Hier déjà, nous avons prolongé de un à deux mois le délai de saisine pour d’autres types de contribution.

(L’amendement n° 312, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 397 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Cet amendement est important, puisqu’il porte sur l’inscription des privilèges du Trésor.

La primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers et la nécessité d’assurer le bon fonctionnement de l’État ont conduit le législateur à soustraire les créances du Trésor, notamment fiscales, à la loi du concours entre créanciers en leur octroyant un privilège mobilier général chargé de garantir leur recouvrement en cas d’insuffisance du patrimoine du redevable.

Si le privilège du trésor confère à l’administration le droit d’être préférée aux autres créanciers, il doit, conformément à la loi, faire l’objet d’une publicité. Toutefois, bien que cette publicité, en révélant leurs difficultés aux tiers, soit une incitation forte pour les entreprises à ne pas créer de passif public, il est proposé, dans le contexte actuel, de ne pas pénaliser celles qui bénéficieraient d’un plan d’apurement agréé par le comptable de la DGFIP. Dès lors, le comptable serait dispensé – ce qu’il n’est pas en l’état actuel des choses – de toute inscription pendant la durée de ce plan, pour peu évidemment qu’il soit respecté. Il n’y a donc pas d’inscription –– et surtout pas de publicité – du privilège.

En cas de défaillance de l’entreprise, le comptable, après avoir informé le débiteur de la dénonciation du plan par lettre recommandée avec accusé de réception, selon une procédure formalisée, procédera sans délai à l’inscription du privilège. Le contribuable ainsi prévenu pourra donc reprendre contact avec l’administration pour reparler de son cas. S’il ne le fait pas, il y aura inscription du privilège, ce qui protège les créances publiques, mais aussi les éventuels créanciers privés.

Pour les entreprises qui n’auraient pas demandé de plan ou qui n’auraient pas pu en bénéficier, la mesure vise à allonger le délai à partir duquel le privilège doit être publié, en le portant de six mois à neuf mois, ce qui laisse un peu de temps au comptable.

En clair, sachant que la publicité pénalise l’entreprise et qu’en période de crise les entreprises peuvent subir plus de tension qu’en temps normal, il faut desserrer cette tension et ne pas accélérer les difficultés par une publicité malencontreuse venant de l’État. Nous proposons donc d’assouplir les conditions liées à la publicité et à l’inscription des privilèges du Trésor.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement mais votre rapporteur général le considère comme extrêmement important et utile. Le Gouvernement nous propose là une solution équilibrée.

Notre collègue Nicolas Forissier avait déposé un amendement n°341 qui proposait de suspendre purement et simplement l’exercice du privilège du trésor pendant un certain temps, ce qui, à mon avis, n’était pas acceptable. Le Gouvernement prend une autre voie, qui consiste à ne pas rendre public le privilège du Trésor dès lors que l’entreprise fait l’objet d’un plan d’apurement. Ainsii l’entreprise ne sera pas déstabilisée par cette publicité vis-à-vis de ses fournisseurs, clients et autres créanciers.

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est donc là un excellent amendement, qui vient à point nommé dans la crise que nous traversons.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je tiens à saluer cet amendement très important qui va dans le bon sens. L’État est souvent le premier créancier des PME. Or, quand cela va mal, tous les créanciers se précipitent pour se faire payer, car ils savent qu’en cas de dépôt de bilan, les créanciers publics passent avant eux.

La possibilité de renoncer à l’automatisme de l’inscription du privilège est de nature à calmer le jeu et à éviter les effets de panique. C’est également un signe fort adressé aux chefs d’entreprise. L’État et les organismes de sécurité sociale, en tant que créanciers, sauront se montrer compréhensifs et conciliants. C’est important pour les dirigeants de PME. Toutefois, pour que cette mesure soit vraiment efficace, il est nécessaire que les structures départementales aient une réelle autonomie de décision afin de coller au mieux aux réalités du terrain.

M. Nicolas Forissier. Ne me donnez-vous pas la parole, monsieur le président ?

M. le président. Je suis désolé, mon cher collègue, mais M. Tardy l’avait demandée avant vous !

M. Nicolas Forissier. Je peux au moins me prononcer sur mon amendement ?

M. le président. Votre amendement n’a pas été appelé.

M. Nicolas Forissier. Gilles Carrez en a parlé !

M. le président. Mais il n’a pas été appelé. Je me contente d’appliquer le règlement et ne peux vous donner la parole.

M. Nicolas Forissier. Ce n’est pas normal !

(L’amendement n° 397 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 376 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. La loi du 21 février 2007, portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, précise que les comptables de Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne peuvent être chargés des fonctions de comptables du Trésor. Ces dispositions ne sont pas adaptées à la situation de ces deux petites îles, distantes de près de 200 kilomètres de la Guadeloupe, où il n’est pas raisonnable de créer un poste spécifique de comptable de l’État. M. Brard a dû y aller lors de ses nombreux voyages.

M. Dominique Baert. Ne le réveillez pas ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je voulais simplement relancer le débat ! Saint-Martin, Saint-Barthélemy, les Bahamas, ce sont des endroits formidables… (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je peux aussi vous parler de Panama ou de la Barbade !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Pour permettre aux comptables de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy de continuer à percevoir des produits d’État et pour garantir ainsi à tout usager de bénéficier d’un service de proximité, cet amendement propose donc de rectifier en ce sens le code général des collectivités territoriales.

(L’amendement n° 376, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 38 de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avec votre permission, monsieur le président, je laisserai à M. Baert le soin de le présenter.

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. La commission des finances a bien voulu adopter, sur ma proposition, cet amendement de simplification administrative, qui vise à l’amélioration des relations entre le fisc et les petits commerçants et artisans. Nul ici ne songe à interdire au fisc de recouvrer une créance, voire d’engager une procédure de précaution, lorsqu’un contentieux existe avec un contribuable, pour peu qu’il agisse avec méthode et mesure.

En effet, dès lors qu’elle veut recouvrer sa créance, l’administration fiscale émet un avis à tiers détenteur qui bloque l’intégralité des sommes déposées sur le compte bancaire de l’intéressé. Cela ne manque pas d’avoir des conséquences dramatiques et à tout le moins disproportionnées par rapport aux sommes en cause. Ainsi, pour quelques centaines d’euros, un compte peut être bloqué pendant une dizaine de jours, voire plusieurs semaines. Pour les commerçants ou artisans, c’est ubuesque : aucune opération n’étant possible, ils ne peuvent plus honorer leurs créanciers ou verser des salaires. Cela peut entraîner une perte de confiance des créanciers, des doutes sur la solvabilité, des tensions de trésorerie.

Certes, il faut bien que le fisc recouvre sa créance, mais pourquoi aurait-il le privilège léonin de bloquer toutes les ressources de ceux avec qui il a un contentieux ? Pour éviter cela, nous considérons qu’il serait plus opportun de bloquer la somme réclamée à due concurrence, et non plus l’intégralité des fonds disponibles sur le compte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Nous avons eu une discussion approfondie sur ce sujet très difficile. Nous partageons totalement l’analyse de M. Baert, mais certains collègues, notamment Charles de Courson, ont fait valoir que nous courions un risque. Tous les contribuables ne sont pas forcément de bonne foi et cet amendement risque d’empêcher le recouvrement d’un certain nombre de créances fiscales ou sociales de l’administration. Reste que les élus que nous sommes ont tous eu connaissance de situations infernales de commerçants dont les comptes sont brutalement bloqués alors que leur dette est très inférieure au solde de leurs comptes.

Après une longue discussion, la commission a cependant adopté l’amendement n° 38 proposé par notre collègue Dominique Baert.

M. Yves Censi. À l’unanimité, sauf le groupe Nouveau Centre !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je suis un peu partagé. L’idée paraît bonne : il est assez anormal de bloquer tout un compte bancaire pour recouvrer des créances de l’État qui sont parfois très faibles. Cependant, on me dit que des problèmes de délais se posent : au moment où l’on examine un compte, on ne sait pas exactement quels sont les paiements en cours. Il vaut mieux prendre le temps de bien faire le point sur la situation bancaire du contribuable.

Je ne suis pas certain que votre amendement soit applicable. Peut-être pourriez-vous le retirer : d’ici à lundi ou mardi, nous tâcherions de trouver, avec les sénateurs, une solution opérationnelle plus adaptée, notamment lorsque la créance est manifestement dérisoire au regard du montant total du compte bancaire, sous la forme d’un nouvel amendement à la rédaction duquel vous seriez associé.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Je me range à l’avis du rapporteur, mais j’en profite pour signaler l’importance de la question des entreprises en difficulté. Peut-être vous souvenez-vous, monsieur le ministre, que, lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie, nous avions déjà traité des procédures judiciaires, du privilège du Trésor, car ce débat est récurrent. Le Gouvernement a d’ailleurs permis des avancées considérables, dans le cadre de la LME et à l’occasion du texte que nous examinons aujourd’hui.

Tout à l’heure, monsieur le président, j’aurais aimé m’exprimer sur mon amendement n° 341 qui proposait de suspendre pendant deux ans le privilège du Trésor, eu égard à la situation de crise que nous vivons. Il faut prendre des mesures exceptionnelles – et tel est d’ailleurs le sens de cet amendement « ATD ». Ce que propose le Gouvernement satisfait les entreprises en difficulté, tandis que le mien répondait à la problématique des dépôts de bilan en cascade, dont les fournisseurs chirographaires sont les victimes. Le fait de suspendre exceptionnellement le privilège du Trésor répondait à cette urgence, mais je voulais dire que je l’aurais bien volontiers retiré au profit de celui du Gouvernement ; l’essentiel est d’avancer dans ce débat.

M. le président. Monsieur Dominique Baert, retirez-vous votre amendement ?

M. Dominique Baert. Monsieur le ministre, je vous ai connu plus convaincant. Vos remarques négligent un détail important : comme tous mes collègues ici présents, je suis député, et non sénateur. Vous dites vouloir améliorer cette mesure la semaine prochaine, avec les sénateurs : encore faut-il qu’elle ait au préalable été adoptée par l’Assemblée nationale, et c’est pourquoi je maintiens l’amendement.

(L’amendement n° 38 n’est pas adopté.)

Après l’article 38
(amendement précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 405 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le deuxième contrat d’avenir des buralistes, signé le 21 décembre 2006, prévoit une hausse de la remise nette de 0,125 point par an, c’est-à-dire une augmentation de la rémunération des buralistes sur la vente des produits du tabac, pour compenser les effets de l’interdiction de fumer dans leurs débits à partir du 1er janvier dernier. Cet amendement a pour objet de mettre en œuvre cet engagement.

Les buralistes sont rémunérés par une remise de leurs fournisseurs sur le prix de vente des produits. Un arrêté sera publié prochainement afin de l’augmenter. Cette remise est soumise à un droit de licence. La mesure proposée permet de maintenir constant le taux du droit de licence sur le chiffre d’affaires des buralistes, afin que la hausse de la rémunération leur bénéficie intégralement. Cela ne conduit pas à une augmentation du prix du tabac, puisque la remise est financée par les fabricants.

(L’amendement n° 405, accepté par la commission, est adopté.)

Article 39
(précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 235, tendant à supprimer l’article 3.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Le Gouvernement a imposé une réforme de l’immatriculation des véhicules à laquelle nous restons hostiles. Avez-vous inventé ce numéro définitif par simple mimétisme européen ? Est-il donc le fruit des cogitations d’eurocrates en mal d’innovation ? L’opinion publique est naturellement étonnée – c’est le moins que l’on puisse dire – par cette réforme technocratique, inutile et précipitée. Les Français sont attachés aux départements, auxquels vous vous apprêtez à faire un mauvais sort. Or la nouvelle immatriculation gommera l’identité locale au lieu de l’afficher : elle est pourtant, et fort heureusement, bien vivante. C’est tellement vrai que le rapporteur général précise que la nouvelle plaque devra faire apparaître un identifiant territorial, comprenant un numéro de département au choix – ce qui est assez curieux –, surmonté du logo de la région dans laquelle est situé ce département. Ainsi, on pourra choisir son département d’immatriculation indépendamment de celui de son domicile. Au moins pourrez-vous vous vanter d’avoir créé une nouvelle liberté, au moment où quelques autres, plus essentielles, sont mises à mal… Nous proposons donc à l’Assemblée de voter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Cet article fiscal ne revient pas sur les discussions qui ont eu lieu à propos du nouveau système d’immatriculation des véhicules. Mme la ministre de l’intérieur s’est exprimée à de nombreuses reprises sur ce sujet. Il s’agit simplement de mettre en œuvre la fiscalité qui va avec. La localisation de la fiscalité et la possibilité de la reverser à telle ou telle région dépendent des concessionnaires qui la prélèvent. Il convient donc de repousser votre amendement.

(L’amendement n° 235 n’est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 79, 80 et 82 de la commission sont rédactionnels.

(Les amendements nos 79, 80 et 82, acceptés le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 81 de la commission est de précision.

(L’amendement n° 81, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 39, amendé, est adopté.)

Article 40
(précédemment réservé)

(L’article 40 est adopté.)

Après l’article 40
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 278 et 236, pouvant être soumis à une discussion commune, portant articles additionnels après l’article 40.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet pour défendre l’amendement n° 278.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement fait partie d’une série d’amendements que nous proposons pour réduire la TVA. Un véritable plan de relance susceptible de répondre à la crise actuelle suppose de résoudre le problème qui en est la source : la stagnation, et même la diminution de la consommation au cours des neuf derniers mois. Pour agir sur l’origine de la récession, il convient de relancer le pouvoir d’achat.

L’une des méthodes permettant de relancer le pouvoir d’achat consiste à baisser la TVA. C’est ce que font nos collègues britanniques, et c’est ce que préconise l’institut Bruegel, en précisant qu’une baisse concertée de la TVA aurait le mérite d’être visible et, partant, à même de susciter une véritable relance. Une telle initiative, précisément, complèterait votre plan de relance – qui, en l’état, demeure boiteux – par des mesures de renforcement du pouvoir d’achat. L’amendement n° 278 tend donc à baisser le taux normal de TVA, et nous proposerons par d’autres amendements de baisser le seul taux réduit, ou d’en étendre le champ.

Le Gouvernement devrait sérieusement réfléchir à l’élaboration d’un plan de relance qui soit adapté à la crise ; nous vous en offrons ici l’opportunité !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 236.

M. Jean-Pierre Brard. Il s’agit d’un amendement d’appel. Toute modification du taux de la TVA justifie un véritable débat sur la question.

Contrairement à ce qu’il pourrait laisser croire, nous ne sommes pas favorables à une réduction uniforme du taux de TVA ; nous souhaitons simplement provoquer la discussion. Après tout, il n’y a pas de raison de réduire les taux de TVA sur les manteaux de vison, sur le caviar ou encore sur le foie gras.

M. Henri Emmanuelli. Malheureux ! Sur le foie gras, si, bien sûr ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Il sera sans doute ardu de moduler les taux de TVA en fonction des inclinations gastronomiques et des papilles de chacun… Encore que les nanotechnologies peuvent peut-être offrir une solution à cet égard !

Plus sérieusement, l’effet d’une réduction uniforme du taux de TVA risque d’être incertain, tant nous ne pouvons être sûrs que cette réduction soit également répercutée par les commerçants – rappelez-vous l’expérience du passage à l’euro. En revanche, une réduction ciblée du taux de TVA serait plus pertinente, si elle était consacrée aux produits de première nécessité et aux produits d’équipement des enfants – les vêtements, par exemple, sont horriblement chers. Pourquoi ne pas décider une baisse significative dans ces secteurs en fixant le taux à 5,5 % ?

Certes, tout cela ressort de la compétence européenne. Encore faut-il que la France ait un point de vue et le fasse prévaloir. Or, sur ces questions, force est de constater que la présidence française ne s’est pas particulièrement distinguée. S’il fallait la caractériser, je dirais, en faisant référence à un article de journal publié ce matin, qu’elle a fait tourner les éoliennes plus vite, mais n’a pas apporté de modifications sensibles sur des sujets aussi importants que la TVA – pourtant susceptible d’augmenter le pouvoir d’achat.

M. Patrice Martin-Lalande. Êtes-vous aveugle ?

M. Jean-Pierre Brard. Contrairement à ce que vous pensez, engoncés que vous êtes dans vos dogmes,…

M. Jean-Paul Garraud. Parole d’expert !

M. Jean-Pierre Brard. …donner davantage de pouvoir d’achat à ceux qui ont des fins de mois impossibles, c’est non seulement soulager la gêne et la souffrance des familles, mais c’est aussi faire tourner la machine économique en sollicitant la demande plus que l’offre. En effet, les patrons ne réclament pas des subventions – sauf les plus gros – mais des clients !

M. Pierre-Alain Muet. Absolument !

M. Jean-Pierre Brard. Nul besoin de subventionner des paires de chaussures : donnons de l’argent aux familles pour qu’elles puissent les acheter !

M. Patrice Martin-Lalande. Enfin un vrai libéral !

M. Jean-Pierre Brard. Cela, pourtant, vous ne savez pas le faire, même si la réalité devrait vous y inciter, tant vous êtes colonisés par les dogmes de Mme Parisot !

M. Henri Emmanuelli. Et de Mme Thatcher !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Le Gouvernement a choisi de concentrer les moyens publics dans deux directions.

L’investissement, tout d’abord : chacun a pu observer que les précédents plan de relance, fondés sur la consommation, ont conduit à un accroissement considérable des importations…

M. Henri Emmanuelli. C’est de nouveau le cas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …sans réel effet sur l’économie. En revanche, la concentration des moyens sur des secteurs tels que le logement, les travaux publics ou l’industrie a fait la preuve de son efficacité.

Deuxième direction dans laquelle se porte l’effort du Gouvernement : les mesures de pouvoir d’achat en faveur des ménages les plus en difficulté. À la prime de Noël qui a augmenté de 70 euros par ménage s’ajoute l’anticipation du RSA – de l’ordre de 200 euros par ménage au 1er avril prochain –, soit un total de 1,5 milliard d’euros.

M. Henri Emmanuelli. Sur 26 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Convenez, monsieur Muet, qu’un tel effort n’est pas négligeable. Certes, deux tiers de l’effort gouvernemental sont consacrés à l’investissement, et l’autre tiers au pouvoir d’achat des plus démunis. Vous auriez sans doute préféré inverser cette proportion ; instruits par l’expérience des plans de relance de ces vingt dernières années, nous avons jugé bien plus efficace, comme nous en avons parlé hier, de concentrer l’effort sur l’investissement, car c’est ainsi que l’on multipliera l’emploi et, in fine, que l’on renforcera le mieux le pouvoir d’achat.

M. Yves Censi. Exactement !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Avis défavorable. Nous avons déjà beaucoup évoqué nos différences quant à la méthode à adopter pour provoquer la relance. Baisser le taux normal de TVA reviendrait à emprunter la voie de la facilité et, ipso facto, celle de l’inefficacité. C’est d’investissements que nous avons besoin : agir sur la TVA est inutile à cet égard. Il nous faut aussi garantir du travail aux entreprises, et toucher à la TVA n’y contribuera pas davantage. N’oublions pas les problèmes liés aux importations ; j’ajoute que la diminution de la TVA n’entraîne pas automatiquement une diminution des prix. L’organisation de la distribution en France est plus complexe que dans nombre d’autres pays, de telle sorte qu’en fin de compte, le consommateur ne récolte aucun profit d’une baisse de la TVA, cependant que l’État n’en engrange pas non plus les bénéfices. La mesure s’est perdue quelque part, enrichissant quelques acteurs sans servir en rien à la relance. C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à une réduction générale du taux de TVA, qui ne correspond pas aux nécessités du plan de relance.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Comme l’indiquait M. Brard, ces amendements nous fournissent l’occasion d’engager un débat sur la TVA et la politique à conduire en matière de relance. Incontestablement, la baisse du taux de TVA est une solution de plus en plus dépassée.

M. Henri Emmanuelli. Allez le dire aux Anglais !

M. Jérôme Chartier. Hier encore, cela pouvait être efficace : dans une économie fermée, on pouvait estimer que jouer sur le taux de TVA aurait des répercussions directes sur l’économie réelle et interne. Cela étant, plus la mondialisation avance et plus la modulation du taux de TVA a des effets sur les importations, et non sur l’économie interne – donc sur la relance. Peut-elle avoir des effets sur la consommation ? Avec une modulation d’un point de TVA, j’en doute. Nous verrons si la mesure adoptée en Grande-Bretagne, à hauteur de deux points et dans un secteur précis, produit ses effets ; en l’état, personne n’en est sûr, pas même le Gouvernement britannique.

M. François de Rugy. Et si l’on parlait de l’effet de vos mesures ? Ce n’est pas un argument !

M. Jérôme Chartier. Quant à la TVA dans la restauration, nous conduisons ce débat depuis six ans.

M. François de Rugy. Cessez d’en parler, ce sera plus décent !

M. Jérôme Chartier. La réduction du taux de TVA dans la restauration permettra-t-elle de créer des emplois ?

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas le sujet !

M. Jérôme Chartier. Chacun sait que, dans un secteur où la main d’œuvre est captive sur le territoire national, la baisse de la TVA n’aurait d’effets que si les restaurateurs s’engageaient à ne pas la répercuter entièrement sur leurs marges. Or ce n’est qu’un engagement.

La démonstration de M. Muet n’est pas différente : il n’y a aucune garantie que la réduction d’un point de TVA produise des effets sur les prix de vente, car elle risque de passer tout entière dans les marges des distributeurs ou des intermédiaires. Je ne vois pas pourquoi nous leur ferions ce cadeau, d’autant plus que cette mesure ne profitera en rien à la relance.

M. le rapporteur général l’a rappelé : la démarche du Gouvernement, qui consiste à encourager les investissements, est la seule possible pour relancer une croissance durable et structurée. C’est la voie qu’il faut soutenir ; toute autre démarche me semble totalement décalée dans l’époque mondialisée que nous vivons.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas vrai !

M. Jérôme Chartier. Aujourd’hui, aucune mesure de relance par le biais de la consommation ne peut produire d’effets garantis sur l’économie interne.

M. Henri Emmanuelli. Vous verrez ce que votre relance par l’investissement donnera !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Permettez-moi de rappeler certains points bien connus des économistes, et qu’une partie de notre Assemblée semble ignorer. L’idée selon laquelle une relance de la consommation produirait surtout des effets sur le commerce extérieur, et qu’une relance sur l’investissement n’en produirait pas, est totalement erronée. La raison en est simple : l’investissement des entreprises, qui porte pour l’essentiel sur des biens d’équipement, a un « contenu » en importations bien plus élevé que les biens de consommation.

Demandez donc à vos services, monsieur le ministre, d’utiliser les modèles économétriques dont vous disposez pour comparer les effets sur la relance de la stimulation des biens d’équipement avec celle des biens de consommation : vous serez surpris du résultat –je doute qu’il ait pu changer beaucoup en quelques années.

Certes, une relance du bâtiment et de ses équipements entraîne un effet important sur l’économie interne, compte tenu de l’impact produit sur les importations. Toutefois, si vous tenez vraiment à relancer l’investissement, alors favorisez les collectivités locales qui, elles, consentent de grandes dépenses d’infrastructures.

M. Jérôme Chartier. C’est ce que nous faisons !

M. Pierre-Alain Muet. Vous aurez alors une vraie relance ! En tout état de cause, l’argument selon lequel la relance de la consommation aurait davantage d’effets sur le commerce extérieur qu’une relance de l’investissement est absolument faux.

M. Yves Censi. Vous l’avez pourtant expérimenté entre 1980 et 1982… Résultat : une dévaluation !

M. Pierre-Alain Muet. Utilisez également les modèles économétriques de vos directions du trésor et de la prévision économique, et demandez-leur ce qu’entraînerait une baisse de la TVA – cela a été beaucoup étudié, notamment lors de sa dernière utilisation en 2000. Elles vous diront que la baisse se répercute rapidement dans les prix, comme l’ont confirmé toutes les études européennes menées à l’occasion du débat sur la relance, et qu’il s’agit d’une véritable mesure en faveur du pouvoir d’achat. Le discours que vous tenez ne correspond donc pas aux observations qui ont été faites en la matière, pas plus qu’il ne correspond à l’opinion de la grande majorité des économistes.

M. Yves Censi. C’est faux !

M. Pierre-Alain Muet. Non, c’est vrai.

M. Jérôme Chartier. Vous avez tort, vraiment !

M. Pierre-Alain Muet. M. le rapporteur général indiquait que nous ne prendrions pas les mêmes mesures de relance : en effet ! Aujourd’hui, la crise que nous traversons est due à une effondrement de la demande. Or, le demande est composée pour les deux tiers de consommation, et pour le tiers restant d’investissement. Une relance intelligente et équilibrée, qui concernait à la fois l’offre et la demande, relancerait la consommation – et donc le pouvoir d’achat – pour les deux tiers, et l’investissement pour un tiers. Voilà qui serait une mesure intelligente !

M. Yves Censi. La demande ne s’est pas effondrée toute seule !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce qu’a dit Jérôme Chartier est très intéressant, mais ses propos relèvent tout de même du Café du Commerce !

M. Jérôme Chartier. Le Café du Commerce de Montreuil ? Celui où vous allez tous les matins ?

M. Jean-Pierre Brard. Il faut des baisses de TVA ciblées, comme celles évoquées à l’instant par Pierre-Alain Muet. Ainsi, la baisse de la TVA de 19,6 % à 5,5 %, que nous avons décidée entre 1997 et 2002, a eu pour effet de faire travailler les entreprises, mais aussi de lutter contre le travail au noir et la fraude. Nous avons fait carton plein – si vous me permettez cette expression – du point de vue de l’intérêt général. Mais il y a bien d’autres domaines où nous pourrions mettre en œuvre des baisses ciblées.

S’agissant de la santé, par exemple, il est admis dans notre pays que les produits du corps, comme le sang, ne peuvent être vendus et qu’ils ne sont donc pas assujettis à la TVA. Par extension, on pourrait imaginer que l’État ne fasse pas d’argent sur la santé en général et que les médicaments aussi soient exonérés de TVA. Ainsi, on donnerait vraiment un supplément de pouvoir d’achat. Même chose pour l’équipement des enfants, les fournitures scolaires, et bien d’autres domaines encore, où il serait très facile…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. J’ai presque fini, monsieur le président. Cela m’évitera d’y revenir. Vous gagnez donc beaucoup de temps pour la suite !

Il est certain que la baisse de la TVA sur les carburants serait, elle aussi, répercutée.

M. Yves Censi. Là, c’est le Café de la gare ! Au moins, on rigole !

M. le président. Seul M. Brard a la parole.

M. Jean-Pierre Brard. M. Censi semble ignorer que les locomotives ne marchent pas à l’essence !

M. Yves Censi. Vous n’avez rien compris !

M. Jean-Pierre Brard. Le rapporteur général ne manque pas d’audace lorsqu’il parle d’une augmentation importante de la prime de Noël. Je me mets à la place – ou du moins j’essaie, car j’avoue que c’est très difficile –– de M. Bouygues ou de M. Bolloré. Que diraient-ils si on leur proposait d’augmenter leur revenu de 70 ! Ils penseraient à 70 millions d’euros, certainement pas à 70 euros !

Lorsque vous faites partie des catégories les plus pauvres de la population, que vous êtes surendetté à hauteur de 10 000 ou 20 000 euros, et que l’on vous donne 70 euros, pouvez-vous prendre cela pour du pouvoir d’achat supplémentaire ? C’est une aumône, indigne de celui qui la consent ! Ne l’oubliez pas, s’il existe un exemple récent de relance du pouvoir d’achat, c’est le gouvernement de la gauche plurielle qui l’a impulsé.

M. le président. Monsieur Brard, veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Brard. C’est ma dernière phrase, monsieur le président, mais elle comporte plusieurs virgules…

La politique du gouvernement de la gauche plurielle, grâce à une batterie de mesures comme les 35 heures, les emplois jeunes et l’augmentation du pouvoir d’achat, a créé 2 millions d’emplois supplémentaires.

M. le président. Je considère que c’est le point final de votre phrase, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Non, c’était une virgule, monsieur le président !

Vous donnez des sous à ceux qui ont les poches pleines et force est de constater le résultat : le chômage s’accroît ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. La discussion autour de l’offre et la demande, cela fait cinquante ans qu’elle dure… Et ce n’est pas le Café du Commerce, monsieur Chartier, cela vient tout droit de Dauphine !

Tout comme moi, monsieur le ministre, vous avez eu une expérience professionnelle ; vous aussi, monsieur Chartier. Avez-vous déjà vu un chef d’entreprise vous expliquer qu’il va investir, alors qu’il n’a pas de clients et que cela ne fera que gonfler les stocks ? Votre argumentation ne tient pas la route, et vous le savez !

C’est la raison pour laquelle, Pierre-Alain Muet a raison de le dire, il faut que le plan ait deux jambes : la demande, c’est un tiers d’investissement et deux tiers de consommation. Si vous ne vous souciez que de l’investissement, cela ne marchera pas, parce qu’il manquera les deux tiers de la demande. Je le répète, un chef d’entreprise n’investit pas si son chiffre d’affaires ne suit pas. Faute de quoi, il gonfle ses stocks, le banquier le met dehors et le CODEFI n’est pas loin !

(Les amendements nos 278 et 236, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 279.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Défavorable.

(L'amendement n° 279 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 269.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise à créer une TVA verte sur les logements répondant aux normes de haute qualité environnementale, en leur appliquant le taux réduit déjà prévu pour les ventes et apports de logements sociaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Défavorable.

(L'amendement n° 269 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 277.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je me souviens d’un candidat à la présidence de la République qui conseillait de manger des pommes… (Sourires.)

M. Yves Censi. Excellente référence !

M. Pierre-Alain Muet. C’est vrai, les fruits et légumes sont très bons pour la santé. C’est pourquoi nous proposons de leur appliquer le taux super-réduit de TVA.

(L'amendement n° 277, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 338.

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous avions indiqué que les mesures fiscales du plan de relance seraient introduites par amendements au projet de loi de finances rectificative – l’amendement n°  338 est de ceux-là. Les mesures budgétaires, tout au moins celles qui relèvent de la loi, seront intégrées au collectif de janvier.

Dans les semaines qui viennent, nous voulons, conformément aux engagements du Président de la République à Douai, donner aux entreprises la possibilité d’être mensuellement remboursées de leurs crédits de TVA.

M. Henri Emmanuelli. Cela ne va pas augmenter leur chiffre d’affaires !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Jusqu’à présent, ces remboursements étaient pour la plupart annuels ou trimestriels. Les entreprises qui n’ont pas pu imputer leur taxe déductible sur la TVA qu’elles ont collectée sur leur chiffre d’affaires peuvent obtenir le remboursement de leur crédit de TVA. En principe, le remboursement est opéré une fois par an, au vu du crédit de TVA constaté au terme de chaque année civile et si ce crédit excède 150 euros.

Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a prévu que les entreprises pourront demander le remboursement de leur crédit de TVA quand leur déclaration mensuelle de TVA fera apparaître qu’elles sont, ce mois-là, en crédit de TVA. La seule condition du remboursement mensuel sera le montant minimal de 760 euros.

Nous avions déjà permis le remboursement mensuel à hauteur des exportations pour ne pas pénaliser les entreprises exportatrices, structurellement en situation de crédit de TVA. Mais ce n’est pas le seul secteur où les entreprises se trouvent souvent créditrices vis-à-vis de l’État. L’État a bien une créance envers les entreprises, notamment dans les secteurs où les dépenses supportées en amont sont au taux normal, tandis que les ventes en aval sont au taux réduit, ce qui entraîne des crédits de TVA. De façon générale, lorsque les entreprises font des investissements importants, elles ont beaucoup de TVA à déduire.

Ouvrir aux entreprises la possibilité d’être remboursées de ces crédits avec leur déclaration mensuelle, sans attendre trois mois consécutifs de crédit de TVA, c’est leur donner un souffle important de trésorerie. L’année de sa mise en œuvre, le coût de cette réforme pour l’État, qui rendra plus vite l’argent aux entreprises, atteindra 3,6 milliards d’euros. Il s’agit d’une somme considérable, et c’est autant de trésorerie redonnée durablement aux entreprises. Si l’État abandonne cette ressource de trésorerie, il réduira d’autant pour les entreprises le besoin en fonds de roulement que ce décalage de remboursement de trois mois ou d’une année les obligeait à couvrir. Ce qui règle aussi, d’une certaine façon, les problèmes d’accès au crédit bancaire.

La mensualisation des remboursements de crédits de TVA sera mise en œuvre par un décret en Conseil d’État, s’agissant d’une mesure qui relève du domaine réglementaire. Cela étant, cette mesure de remboursement mensuelle est normalement associée à des déclarations mensuelles de TVA. Elle s’adressera donc aux entreprises soumises au régime normal d’imposition ou qui ont opté pour le régime normal.

Le régime spécial des exploitants agricoles ne permet que des déclarations annuelles ou trimestrielles. Afin qu’ils puissent bénéficier de la mesure, celle-ci relèvera du domaine législatif, comme, d’ailleurs, tout ce qui touche aux agriculteurs – mais ne me demandez pas pourquoi ! J’en profite donc pour vous parler de l’ensemble du sujet, mais c’est l’ensemble de l’économie et l’ensemble des entreprises qui seront concernées par ce dispositif très puissant de remboursement mensuel des crédits de TVA.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. On ne peut laisser passer dans le silence de cet hémicycle l’énorme avancée que réalise le Gouvernement à cette occasion…

M. François de Rugy. Énorme avancée dans la brosse à reluire !

M. Jérôme Chartier. Je suis persuadé que M. Emmanuelli, qui est un praticien de l’entreprise, et M. Muet, théoricien de l’économie et qui voit l’entreprise sous un angle théorique – mais parfois efficace, je le reconnais ! –, ne pourront pas ne pas voter cette mesure avec la majorité ! Car nous proposons tout simplement d’améliorer significativement la trésorerie de l’entreprise…

M. Yves Censi. La trésorerie, c’est essentiel pour l’entreprise !

M. Jérôme Chartier. …qui aura par le fait moins recours au crédit et donc, au factoring, et réduira d’autant ses besoins en fonds de roulement.

Telle est la mesure proposée par le Gouvernement. Elle est salutaire, en ces temps où, le recours au crédit étant devenu difficile du fait de la crise financière et les taux d’intérêts du crédit à très court terme ayant considérablement augmenté, l’entreprise s’est retrouvée dans une situation délicate où, parfois, son découvert était restreint, voire supprimé.

Merci et bravo, monsieur le ministre, pour cette mesure en faveur des entreprises et de leur trésorerie, qui est le moyen vital du financement de leurs activités, de leurs investissements et de la masse salariale. Je suis extrêmement heureux, avec le groupe UMP, de voter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Vous pouvez toujours applaudir… Cest là une vieille revendication du CNPF, reprise par le MEDEF, et on en comprend les raisons. C’est une amélioration de la trésorerie, je ne le conteste pas. Le problème, monsieur Chartier, c’est que vous persistez à tout confondre.

M. Jérôme Chartier. Pas du tout !

M. Henri Emmanuelli. Lorsqu’on est chef d’entreprise, on préfère avoir un crédit de campagne et un chiffre d’affaires en expansion plutôt qu’un chiffre d’affaires en contraction avec une trésorerie qui s’améliore ; parce qu’à la fin de l’exercice, cela fera tout de même des pertes !

M. Jérôme Chartier. Nous ne parlons pas de cela !

M. Henri Emmanuelli. C’est pourtant le b-a ba ; mais vous n’arrivez pas, semble-t-il, à le comprendre !

Tant qu’à dépenser 3,6 milliards d’euros, monsieur le ministre, vous auriez mieux fait de les consacrer à une accélération de l’investissement. En l’occurrence, vous auriez eu un effet multiplicateur. Avec votre mesure, certains auront peut-être un peu plus d’oxygène, mais avec une assiette vide !

(L'amendement n° 338 est adopté.)

Article 41
(précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 204 rectifié et 362, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 362 fait l’objet de deux sous-amendements, nos 429 et 430.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je retire l’amendement n° 204 rectifié au profit de l’amendement n° 362.

(L'amendement n° 204 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir l’amendement n° 362.

M. Yves Censi. C’est un sujet que nous avons abordé ensemble. Il ne s’agit pas pour moi de remettre en cause le principe de l’annualisation du bonus-malus automobile, mais le mode de perception de la taxe sur les véhicules fortement émetteurs de CO2. Le projet de loi prévoit en effet une taxe additionnelle à la taxe spéciale sur les conventions d’assurances.

J’ai déjà eu l’occasion de parler d’un dérapage dans la conception de ce type de taxe. Lors du Grenelle de l’environnement, les assureurs, comme d’autres d’ailleurs, avaient discuté avec le Gouvernement sur l’élaboration de contrats de services en tant que prestataires.

Le mode de perception retenu ne paraît pas très cohérent en termes de modèle économique. Chacun est à peu près convaincu que le coût technique, pour supporter le recouvrement initialement prévu, aurait un rendement négatif pour les caisses de l’État et s’avérerait totalement surdimensionné pour les compagnies d’assurances.

Pour ce qui est de l’État, on a pu évaluer le rendement de cette taxe entre 4 et 6 millions d’euros. Le coût de recouvrement en revanche – et je ne parle pas du coût généré par les adaptations informatiques de tous les systèmes d’information des sociétés d’assurances, entre autres – pourrait atteindre, a-t-on dit, 25 millions d’euros ; il est certain en tout cas qu’il dépassera les 10 millions d’euros, ce qui représentera autant de charges de fonctionnement pour ces entreprises et autant de recettes perdues pour l’État.

Je propose de conserver le principe d’annualisation de ce bonus-malus et de modifier le plus simplement possible le mode de perception de cette taxe, à mes yeux absurde, en prévoyant un dispositif déclaratif. Rappelons que le nombre de véhicules très polluants concernés n’est pas très important. Ils sont quelques milliers – de type Velsatis ou Hummer – et ne sont pas particulièrement populaires. Le mode déclaratif éviterait de construire une usine à gaz. On peut reprocher à ce système de ne pas permettre un contrôle de police facile ; reste que c’est le modèle économiquement le plus rentable pour l’État si l’on compare le coût de perception et la recette réelle.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 362 et présenter les sous-amendements n°s 429 et 430.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le sous-amendement n° 429 a pour objet d’exonérer du malus annuel les sociétés soumises à la taxe spécifique sur les véhicules des sociétés.

Le sous-amendement n° 430 tend à reporter l’application de la taxe aux véhicules acquis et immatriculés à compter du 1er février 2009 dans la mesure où cette taxe ne sera acquittée qu’à partir de 2010. Ce délai supplémentaire ne pose aucun problème.

Ainsi que l’a expliqué Yves Censi, nous n’avons pas mis en cause en commission des finances le fond de cette taxe, mais les modalités de sa collecte, qui pourraient se révéler plus coûteuses que le produit de l’impôt lui-même.

Nous avons donc recherché, monsieur le ministre, le dispositif le plus simple possible. Nous avions imaginé de nous tourner vers feue la vignette, mais le dispositif déclaratif proposé par Yves Censi est un modèle de simplicité, sinon d’efficacité. Les propriétaires des véhicules concernés se verront remettre une quittance qu’ils devront produire en cas de contrôle de gendarmerie.

M. François Goulard. C’est du bon sens !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Plusieurs principes sont ici posés.

Le malus est annualisé pour les véhicules de plus de 250 grammes, mais la collecte de cette taxe doit être simple pour pas donner lieu à une usine à gaz.

M. Yves Censi. Surtout de gaz à effet de serre !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Notre proposition consistant à augmenter la taxe sur les conventions d’assurances avait le mérite de la simplicité, mais également le défaut de coûter probablement plus cher aux compagnies d’assurances que ce qu’elle rapporterait. Il y a là une contradiction entre le principe de simplicité et le principe d’efficacité économique. Nous sommes donc d’accord avec vous pour abandonner cette idée.

M. François Goulard. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Vous proposez d’opter pour un régime strictement déclaratif consistant à cocher une case « je possède un véhicule de plus de 250 grammes ». Se pose toutefois la question du contrôle des possibles manquements, sans lequel il ne peut y avoir d’effet dissuasif. Or la fiscalité verte a été créée pour dissuader et orienter la consommation. Le contrôle doit donc être un élément fort de la dissuasion de cette consommation. Si quelqu’un achète un véhicule rejetant plus de 250 grammes et ne paie jamais sa taxe annuelle, ce n’est pas la peine d’en parler…

M. Jérôme Chartier. C’est un mauvais citoyen ! (Rires.)

M. Éric Woerth, ministre du budget. Non, c’est un citoyen qui oublie, ce n’est pas la même chose…. Les citoyens ont parfois des moments d’égarement, c’est ainsi. L’administration fiscale est là pour leur rappeler qu’ils doivent déclarer leur véhicule.

Il conviendrait peut-être de réfléchir à la possibilité de substituer au régime purement déclaratif consistant à cocher une case, qui peut ne jamais l’être, un système de taxation automatique et annuel qui courrait du jour de l’acquisition du véhicule jusqu’à celui de sa revente, preuve à l’appui. Mais ce dispositif ne doit pas exiger plus d’investissements sur le plan informatique, sous peine de coûter davantage à l’État qu’il ne lui rapporterait.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 362 et veillera à ce que le dispositif soit le plus efficace et le plus simple possible. Il est également favorable au sous-amendement n° 429 exonérant les véhicules de sociétés.

S’agissant du sous-amendement n° 430, qui tend à reporter l’application de cette taxe, je préférerais conserver la date du 1er janvier. Pourquoi prévoir un mois supplémentaire ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je retire le sous-amendement n° 430 qui n’avait pour but que de faciliter la tâche du ministre !

(Le sous-amendement n° 430 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. L’amendement de M. Yves Censi est un excellent amendement.

J’apprécie, monsieur le ministre, votre vision de l’administration fiscale qui serait finalement l’aide-mémoire du bon contribuable français ! Cette idée à développer est tout à l’honneur de l’administration que vous dirigez avec tant d’efficacité ! (Sourires.)

Pour revenir à la mesure qui nous intéresse, j’ai envie de croire que tous les contribuables, très soucieux de l’environnement et de la mise en œuvre des principes du Grenelle, seront très motivés pour s’acquitter volontairement de cette taxe. Et si l’on s’aperçoit que quelques-uns d’entre eux – je ne peux imaginer qu’ils soient davantage – oublient malencontreusement de cocher la case les soumettant à cette taxe…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On confisque le véhicule !

M. Jérôme Chartier. …il sera toujours possible de faire appel à la créativité fiscale des uns et des autres, et d’imaginer un autre dispositif. Autrement dit, tenons-nous en, cette année, à ce régime déclaratif, et nous verrons comment le faire évoluer dans les années à venir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous sommes encore moins favorables au sous-amendement n° 429 qu’à l’amendement n° 362…

J’aimerais que M. le ministre nous précise prochainement le nombre de véhicules exonérés, dès lors que seront exclues les entreprises assujetties à la taxe sur les véhicules de sociétés. Il me semble que le fonctionnement du malus est ici assez largement remis en cause.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je suis quelque peu étonné de voir retenu le mode déclaratif. La proposition du rapporteur général de revenir finalement à la bonne vieille vignette était beaucoup plus pragmatique et sans doute beaucoup plus efficace. Ne nous leurrons pas : le dispositif déclaratif présente un risque de fraude avéré.

Cette mesure ne concernant que les véhicules neufs achetés après 2009, donc un parc extrêmement limité, pourquoi ne pas s’être orienté sur la simple piste du recouvrement à partir du fichier des cartes grises ? On sait parfaitement retrouver un contribuable, qui n’aurait pas fait sa déclaration, pour lui demander d’acquitter l’impôt sur le revenu. Il en va de même de la taxe d’habitation et de la taxe foncière. Pourquoi ne pas prévoir le même système pour cette taxe ?

Ensuite, je trouve incroyable que soit d’ores et déjà prévue une exonération. J’entends l’argument selon lequel les sociétés paient déjà la taxe sur les véhicules de sociétés. Mais le but est bien d’orienter la consommation des particuliers comme des sociétés vers les véhicules les moins polluants. Certes, la taxe sur les véhicules de sociétés permettait de faire une petite différence, mais celle que l’on ajouterait ici aurait un effet supplémentaire, du reste plus psychologique que financier. J’ai du reste déposé un amendement tendant à abaisser le seuil du malus.

Adopter le sous-amendement n° 429 permettrait donc – et les gens doivent le savoir – d’exonérer les sociétés qui achèteraient de très gros véhicules, émettant plus de 250 grammes de CO2 par kilomètre – j’ai consulté les catalogues des constructeurs, il s’agit vraiment de très gros véhicules – pour les mettre à la disposition de leurs salariés, en fait, de leurs cadres dirigeants. Cette mesure générerait une perte de recettes non négligeable pour l’État. Je m’étonne de cette persistance à vouloir exonérer les entreprises qui fournissent de tels véhicules à des cadres touchant par ailleurs de très gros salaires.

Je voterai donc contre l’amendement et le sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je suis satisfait de cette proposition de rédaction. Yves Censi a trouvé une solution intelligente pour éviter la mise en place d’une mesure qui coûterait plus cher qu’elle ne rapporterait.

Il est cependant un point qui n’a pas été, à mes yeux, suffisamment souligné : celui d’avoir été capables, dans le contexte du Grenelle de l’environnement, de faire passer un signe fort à propos de ces véhicules les plus polluants. Laisser au même niveau les véhicules émettant 250 grammes de CO2 par kilomètre et des véhicules à 160 grammes était à mes yeux une aberration écologique. Cet amendement est d’autant plus intéressant qu’il ouvre une perspective sur plusieurs années, ce incitera les motoristes devront à faire davantage d’efforts pour baisser progressivement le taux d’émission de dioxyde de carbone de 250 grammes à 240 grammes.

C’est la raison pour laquelle nous voterons l’amendement n° 362 sous-amendé.

M. le président. La parole est à le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Une précision à propos des véhicules de sociétés. Il vient un moment où il faut arrêter d’accumuler des taxes…

M. Jérôme Chartier. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Un véhicule de société de plus de 250 grammes est soumis annuellement à une taxe de 4 750 euros.

M. François Goulard. C’est le prix de ma voiture ! (Rires .)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je sais que vous adorez les impôts, monsieur de Rugy, mais il y a tout de même des limites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François de Rugy. C’est toujours aux mêmes que vous faites des cadeaux !

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il est vrai que la taxe sur les véhicules de sociétés s’élève à près de 5 000 euros et qu’elle tient déjà compte d’un barème de CO2. Elle est donc très supérieure à la taxe prévue ici.

(Le sous-amendement n° 429 est adopté.)

(L'amendement n° 362, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 41 est ainsi rédigé et les amendements n°s 222, 144, 373, 143,276 et 363 tombent.

Après l’article 41
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 250 rectifié portant article additionnel après l’article 41.

La parole est à M. Jean-Yves Cousin.

M. Jean-Yves Cousin. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement et je suis incapable, à titre personnel, de donner un avis. C’est un sujet beaucoup trop complexe. M. Jean-Yves Cousin peut-il nous donner quelques explications ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Cousin.

M. Jean-Yves Cousin. Il s’agit de tenir compte, dans le calcul la taxe, des émulsions d’eau incorporées dans le gazole. Ce procédé est tout à fait conforme à l’esprit du Grenelle de l’environnement puisqu’il permet de réduire les émissions de CO2 et de particules.

M. le président. Avez-vous un avis, monsieur le rapporteur général ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai appris quelque chose : je savais qu’on coupait le lait avec de l’eau mais j’ignorais que l’on pouvait couper le gazole avec de l’eau ! Les explications me paraissent convaincantes et je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Le Gouvernement sera plus technique que la commission. (Sourires.) L’émulsion d’eau dans le gazole est un sujet que je connais bien. Je suis favorable à cet amendement mais à condition de le sous-amender en prévoyant un tarif de 26,27 euros par hectolitre au lieu de 25,67, pour le rendre acceptable au niveau européen. C’est ce que je vous propose par le sous-amendement n° 450.

(Le sous-amendement n° 450 est adopté.)

(L'amendement n° 250 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 39, 223 et 263.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 39

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse à M. Vigier le soin de le défendre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement a pour objet d’instaurer une taxe sur les sacs plastiques à usage unique destinés à être attribués au consommateur final afin d’encourager le développement des sacs renouvelables et biodégradables, plus appropriés au regard des objectifs de protection de l’environnement. La faible épaisseur de ces sacs rend leur recyclage pratiquement impossible. De nombreux pays ont déjà pris des mesures similaires.

Les sacs en plastique biodégradables issus de ressources renouvelables ont un impact globalement positif sur l’environnement car ils limitent le recours aux ressources fossiles et leur utilisation permet d’éviter l’émission de 30 à 75 % de dioxyde de carbone.

Le développement du marché des bioplastiques en France devrait, par ailleurs, incontestablement, conforter le secteur de la plasturgie en contribuant à sa compétitivité au plan international tout en contribuant à l'innovation française dans le domaine de l'environnement.

Enfin, une telle mesure s'inscrit dans l'effort de réduction des déchets à la source et contribue au développement de la valorisation organique en accord avec les objectifs du Grenelle de l’environnement.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l’amendement n° 223.

M. Benoist Apparu. Une disposition similaire avait été adoptée en 2005, mais elle avait été retoquée par l’Union européenne. Nous en avons débattu à plusieurs reprises dans cet hémicycle et le Gouvernement à chaque fois nous a répondu que l’on verrait un peu plus tard… Nous attendons depuis déjà un certain temps. Nous avons eu cette discussion en loi de finances initiale, elle a été reprise au Sénat. Celui-ci a adopté le même amendement voilà quelques jours, mais le Gouvernement a demandé une seconde délibération.

Deux arguments plaident en faveur de cette taxe, un argument industriel et un argument environnemental.

Il y a dix ans, en France, 80 % des sacs plastiques étaient de production française et 20 % de production étrangère. Aujourd’hui, c’est l’inverse : la production est à 90 % de chinoise et à 10 % française. Grâce à cet amendement, nous allons réindustrialiser un certain nombre de nos secteurs d’activité en production de plastiques d’origine végétale. C’est un élément favorable en cette période de crise.

Sur le plan environnemental, le débat est connu :Les déchets polluent notre environnement, notamment les plastiques et tout particulièrement les sacs plastiques.

Sans doute me répondrez-vous, monsieur le ministre, que le efforts réalisés depuis quelques années, notamment avec des sacs réutilisables, ont fait descendre le marché de 8 à 2 milliards de sacs, mais ces chiffres ne concernent que la grande distribution et non la totalité des sacs de caisse utilisés dans le pays. Ils ne reflètent donc pas totalement la réalité.

Par ailleurs, si la grande distribution nous dit avoir tout fait pour substituer aux sacs plastiques à usage unique des sacs dits réutilisables, elle oublie de préciser que ses sacs réutilisables ne sont pas plus biodégradables que les anciens et donc polluent tout autant notre environnement. Ils sont de surcroît beaucoup plus compliqués à détruire et ne sont pas intégrés dans les filières de recyclage. Ils sont tout aussi mauvais, si ce n’est plus, que ceux que l’on utilisait auparavant.

Voilà les raisons pour lesquelles nous proposons de mettre fin aux sacs plastiques non biodégradables et de les remplacer par des sacs plastiques biodégradables qui, eux, ont véritablement une fin de vie.

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour soutenir l’amendement n° 263.

M. Thierry Carcenac. Je reprends les arguments qui viennent d’être développés : il s’agit de contribuer, d’une part, à l’innovation française et, d’autre part, à la relocalisation d’une industrie.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Les amendements de fond que j’avais déposé à l’article précédent, sur le malus, ont été écartés par un simple artifice de procédure. Ce n’est pas très correct…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n’est pas un artifice de procédure, c’est la règle commune !

M. le président. Monsieur de Rugy, il n’y a aucun artifice. Comme tous les parlementaires ici, vous devez respecter le règlement de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il y a eu une discussion sur un amendement. Qui plus est, pressentant que le vôtre allait tomber, j’ai anticipé et je vous ai donné la parole alors que je n’avais pas à le faire. Je ne peux donc pas vous laisser dire que vous n’avez pas pu parler.

M. Benoist Apparu. Vous êtes bien mal récompensé de votre bonté !

M. François de Rugy. Je maintiens que je connais les ficelles de la procédure pour faire tomber des amendements et escamoter des débats de fond. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. C’est lamentable !

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas acceptable !

M. François de Rugy. Ce n’est pas grave, on ne va pas perdre de temps. Vous nous en avez assez fait perdre tout à l’heure, monsieur Chartier, en vous extasiant sur ce que disait le Gouvernement sans rien ajouter au débat.

M. le président. Monsieur de Rugy, ce que vous dites est inacceptable.

M. François de Rugy. Sur les sacs plastiques, je m’étonne un peu de la méthode.

Nous souhaitons tous réduire à terme, ou supprimer en ce qui me concerne, les sacs plastiques qui constituent autant une pollution qu’une perte d’énergie – tout cela est connu. M. le rapporteur général a expliqué tout à l’heure qu’il fallait arrêter de créer sans cesse des taxes. Plutôt que d’en inventer une nouvelle, avec un argumentaire en grande partie soufflé par le secteur industriel de la plasturgie, alors que tout le monde sait très bien que les sacs biodégradables, cela ne marche pas…

Mme Isabelle Vasseur. Mais bien sûr que si !

M. François de Rugy. Mettez-les dans votre jardin et vous verrez qu’ils ne seront pas dégradés l’année d’après ! Ne serait-il pas tellement plus simple de tenir un langage clair aux commerçants de France et de leur dire qu’à partir de telle date, les sacs plastiques sont purement et simplement interdits ?

M. Benoist Apparu. Cela a été fait en 2005, et immédiatement retoqué par l’Union européenne. Suivez vos dossiers !

M. François de Rugy. Il existe des solutions de remplacement par des sacs en papier. Ce serait tellement préférable à une nouvelle taxe sur la consommation !

M. le président. Je vous signale, monsieur de Rugy, que je n’avais pas non plus à vous donner la parole, mais j’ai pensé que cela faisait partie du débat.

M. François de Rugy. Je suis le seul à intervenir contre !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. J’ai l’impression de me répéter un peu : nous avons eu trois ou quatre fois ce débat, et encore avant-hier au Sénat vers deux heures du matin. J’ai toujours les mêmes arguments – tout comme vous du reste.

Pour commencer, la profession a beaucoup réduit le nombre de sacs plastiques.

M. Benoist Apparu. Seulement la grande distribution !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Certes mais, quand vous achetez des fruits et des légumes, ce qui doit vous arriver à tous, vous n’avez pas toujours pensé à prendre votre cabas. Il faut probablement changer d’habitudes et de modes de consommation mais ce sera le cas de toute façon dans deux ou trois ans. On peut laisser à la profession le temps de faire le ménage, elle a commencé. Quand une profession fait bien les choses, autant le reconnaître. Les sacs ont été supprimés, globalement, dans les hypermarchés et les supermarchés, il reste les commerces de détail alimentaires, mais nos concitoyens ont besoin de temps en temps d’avoir un sac plastique à la caisse quand ils achètent leurs fruits et leurs légumes.

Ensuite, la taxe que vous proposez d’instaurer est extrêmement élevée : 20 euros le kilo de sacs plastiques alors que le prix de revient est de 1,50 euro. Ce qui revient à une interdiction pure et simple. La fiscalité écologique est faite pour orienter, non pour interdire, surtout par le biais de taux aussi disproportionnés.

Le Gouvernement reste donc défavorable à une telle taxe, d’autant plus que les temps incitent à penser au pouvoir d’achat. Les sacs plastiques sont utilisés tous les jours pour des achats de consommation courante. Je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment pour annoncer à la radio que leur prix va augmenter. S’il y avait un vrai problème, il faudrait le régler, mais la profession elle-même s’emploie à le résoudre.

(Les amendements identiques nos 39, 223 et 263 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 283 et 41, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l’amendement n° 283.

M. Jean-Luc Warsmann. L’objet de cet amendement est d’abord de mettre le droit national en conformité avec le droit européen.

Il est par ailleurs proposé de modifier la notion de fait générateur de la taxe charbon et d’exonérer de cette taxe les entreprises ayant une activité de valorisation de la biomasse dès lors que leurs dépenses de combustibles et d’électricité représentent au moins 7 % de leur chiffre d’affaires, et sous réserve que ces entreprises soient soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre ou qu’elles appliquent des accords volontaires de réduction de gaz à effet de serre. Chacun connaît le grand intérêt écologique de cette filière.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 41 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 283.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je retire l’amendement n° 41 et je suis favorable à l’amendement n° 283.

(L'amendement n° 41 est retiré.)

(L'amendement n° 283, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 322.

La parole est à M. Thierry Carcenac.

M. Thierry Carcenac. Cet amendement a trait à la taxe carbone. Nous proposons de faire supporter par l’émetteur le coût de la prévention comme celui de la réparation, afin de le décourager de poursuivre ses activités polluantes. La taxe carbone favoriserait ainsi la recherche pour améliorer notre efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. Cette fiscalité écologique, telle que nous la proposons dans cet amendement, doit être progressive et accompagnée de mesures ciblées au plan social.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout en jugeant les intentions de ses auteurs très intéressantes, la Commission a considéré que cet amendement présentait un caractère plus déclaratif que normatif ; c’est la raison pour laquelle elle l’a repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. Un groupe de travail a été constitué sur la question de la taxe carbone et doit remettre ses conclusions au premier trimestre de l’année prochaine. Sur un sujet aussi sensible, je crois préférable de poursuivre le travail dans ce cadre et souhaite donc le retrait de l’amendement.

M. Thierry Carcenac. Je le retire.

(L'amendement n° 322 est retiré.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)