Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 15 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Article 3

M. Jacques Valax

M. Roland Muzeau

M. Jean Mallot

M. Jean-Jacques Urvoas

Mme Delphine Batho

M. René Dosière

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Arnaud Montebourg

Amendements nos 3855, 3, 1800, 3876 (sous-amendement)

Rappels au règlement

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Jean Mallot

M. le président

M. Jean Mallot

Article 3 (suite)

Amendements nos 3877 (sous-amendement), 3879 (sous-amendement), 3878 (sous-amendement)

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Article 3 (suite)

Amendements nos 4026 (sous-amendement), 4031 (sous-amendement), 4022 (sous-amendement), 4025 (sous-amendement), 4028 (sous-amendement), 4029 (sous-amendement), 4027 (sous-amendement), 4030 (sous-amendement), 3956A3977 (sous-amendement), 3978A3999 (sous-amendement), 4033 à 4054, 4000A4021 (sous-amendement)

Après l’article 3

Amendement no 3881 rectifié

Rappel au règlement

M. Jean-Jacques Urvoas

Rappel au règlement

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur

Article 4

M. Jacques Valax

M. Jean Mallot

M. Daniel Goldberg

Mme Delphine Batho

M. Dominique Raimbourg

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Mme Annick Girardin

M. René Dosière

Amendement no 3863

Rappel au règlement

M. René Dosière

Article 4 (suite)

Amendements nos 3864 rectifié, 4

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Application des articles 34-1, 39 et 44
de la Constitution

Suite de la discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 1314, 1375).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous avons bien avancé cet après-midi, chacun en conviendra. Un grand nombre d’amendements ont été examinés et certains ont même été adoptés, ce qui est important pour la qualité de nos travaux et de la loi organique qui en sortira.

Cela dit, vous vous en souvenez, nous avons un contentieux qui vient polluer la bonne qualité de nos travaux, c’est cette série de 1 015 amendements que le président Accoyer a écartés, en application, pour une grande part d’entre eux, de l’article 127, alinéa 3, de notre règlement, au motif qu’ils ne revêtaient pas le caractère organique.

J’y reviens, monsieur le président, parce que nous avons eu sur l’article 2 un échange qui a montré que, manifestement, son premier alinéa initial n’avait pas un caractère organique pertinent.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. C’est totalement inexact !

M. Jean Mallot. L’amendement qui a été adopté sur la proposition de M. Warsmann a rectifié ce travers, ce qui renforce mon propos.

J’ai eu l’occasion précédemment d’invoquer l’article 98 de notre règlement qui dit que, lorsqu’il y a litige sur la recevabilité d’un amendement, la question est soumise à la décision de l’Assemblée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Répéter cinquante fois des choses fausses ne les rend pas vraies !

M. Jean Mallot. Pour sortir de ce cul-de-sac qui fragilise terriblement nos travaux et qui, devant le Conseil constitutionnel, risque d’avoir des conséquences fâcheuses pour le texte qui sortira de la navette, je demande au nom de mon groupe que le président de l’Assemblée nationale veuille bien lever sa décision ou, en tout cas, soumette la question de la recevabilité de ces amendements à la décision de notre assemblée. À partir de là, nous pourrons valablement délibérer.

Vous avez vu que, lorsqu’il y a consensus entre nous sur la méthode, les débats pouvaient s’accélérer considérablement. Il serait bon que nous poursuivions dans cette voie.

Article 3

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 3.

La parole est à M. Jacques Valax, inscrit sur l’article.

M. Jacques Valax. Le projet de loi impose de nombreux délais aux parlementaires alors que l’exécutif bénéficie d’une liberté totale. Je souhaiterais que l’on aille vers un meilleur équilibre.

Ainsi, le président de l’assemblée doit transmettre sans délai les propositions de résolution au Premier ministre et un certain nombre de règles nous sont imposées, mais le Premier ministre n’est tenu par aucun délai. Il y a aussi le problème de la motivation de la décision. Cela me paraît excessif. Il est manifeste que, si notre amendement n’était pas accepté, l’exécutif pourrait, de façon unilatérale, brider les pouvoirs du législatif. Non seulement les parlementaires ne disposeraient pas d’un droit de réponse mais nous ne pourrions pas connaître les arguments pour lesquels notre thèse aurait été rejetée.

Je souhaite donc que l’on fixe des délais, que l’on instaure un équilibre des pouvoirs et que l’on nous donne des explications pour que nous puissions répondre dans le cadre des prérogatives qui sont les nôtres.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Sous la Ve République, il ne pouvait y avoir de résolution que dans le cadre du fonctionnement interne de l’assemblée – résolution demandant l’interruption des poursuites ou de la détention d’un parlementaire, article 80, alinéa 6, du règlement de l’Assemblée nationale, créant une commission d’enquête, article 140, ou constituant le règlement de l’assemblée considérée – ou pour la mise en œuvre de la responsabilité du Président de la République devant la Haute Cour.

La révision constitutionnelle de 1992 a réintroduit la procédure des résolutions en insérant un nouvel article 88-4 à la Constitution, autorisant le vote de résolutions sur les projets et propositions d’actes communautaires transmis par le Gouvernement.

Aussi la possibilité donnée aux assemblées de voter des résolutions a-t-elle été présentée comme une mesure emblématique de revalorisation et de renforcement des pouvoirs du Parlement.

En réalité, le « retour » des résolutions est tellement restreint que ce nouveau pouvoir n’aura aucune conséquence, vous le savez tous. En effet, l’article 3 donne au Gouvernement le droit de s’opposer à l’inscription à l’ordre du jour de toute proposition de résolution dont il estimerait, notamment, qu’elle contient une injonction à son égard.

La lecture de cet article témoigne de la méfiance à l’égard de cette procédure, qui a été strictement encadrée.

Ce prétendu nouveau pouvoir parlementaire n’aura aucune conséquence pour le Gouvernement, sinon des conséquences lui étant probablement profitables.

Cette disposition renforce donc le déséquilibre au profit du Gouvernement en lui permettant de balayer d’un revers de main les propositions de résolution lui paraissant injonctives à son égard.

Aux termes de cet article 3, le Gouvernement n'a d’obligation que celles qu’il veut bien se donner. L’examen des propositions de résolution en commission et leur inscription à l’ordre du jour dépendent de la seule volonté gouvernementale.

Ce nouveau pouvoir parlementaire n’emporte aucune nouvelle obligation pour le Gouvernement. Celui-ci aura la faculté de s’opposer de manière discrétionnaire à l’examen d’une proposition de résolution s’il estime qu’elle contient une injonction à son égard.

Nous déplorons que les propositions de résolution ne puissent contenir d’injonction à l’égard du Gouvernement. Depuis le début du débat, c’est de cela que nous discutons.

Nous souhaitons que les résolutions ne soient pas cantonnées à une simple fonction tribunitienne. C’est pourquoi nous voterons contre cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Aux termes de l’article 3 de ce projet de loi organique, le Premier ministre peut faire savoir au président de l’assemblée qu’une proposition de résolution contient une injonction à l’égard du gouvernement. Dès lors, cette proposition ne peut plus être examinée ni inscrite à l’ordre du jour.

Le Gouvernement et sa majorité ont annoncé que l’extension du droit de résolution était une avancée pour les droits du Parlement. Nous avons vu à l’article 2 que la procédure mise en place aboutirait à vider de son sens cette nouvelle possibilité offerte aux parlementaires, et nous avons dans l’article 3 le couperet qui achève le processus. Je ne vois pas très bien quelle résolution ayant un peu de contenu pourrait passer le cap de ce couperet.

Le Premier ministre est juge et partie puisque c’est lui qui déclare qu’il y a une injonction ou que cela met en cause sa responsabilité. Cette question n’a pas été encore vraiment éclaircie ni tranchée par nos débats.

Dans cette affaire, il y a un rapport de force entre la majorité et l’opposition pour élaborer, discuter puis voter éventuellement une résolution. Il y en a aussi un entre le Gouvernement et le Parlement, et c’est la théorie de la revalorisation du rôle du Parlement par rapport à l’exécutif, mais nous avons compris qu’en réalité il s’agissait d’un rapport de force entre le Gouvernement et sa majorité.

On voit bien d’ailleurs que, si une résolution ayant un peu de contenu est présentée par l’opposition, le couperet tombera et que, si elle est présentée par un ou plusieurs députés de l’UMP, cela deviendra un problème interne à l’UMP, qui ne concernera pas directement la vie parlementaire.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous nous en occuperons nous-mêmes !

M. Jean Mallot. Je vous remercie de confirmer mes propos.

Il est une autre question que nos débats éclairciront, j’espère, c’est celle du recours contre la décision du Premier ministre. Nous souhaitons que les décisions du Premier ministre soient motivées de manière à pouvoir faire l’objet d’un recours, par exemple devant le Conseil constitutionnel. À défaut, le Gouvernement aura vraiment tous les pouvoirs.

Je pourrais prendre d’autres exemples pour illustrer mon propos mais je pense que j’arrive au bout de mon temps de parole et je vais donc garder des munitions pour la suite de notre débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Depuis que nous étudions ce chapitre, je suis parfois surpris par la façon dont les articles sont écrits, d’autant qu’il aurait été plus simple de reprendre le compromis qui avait été trouvé en 1959. Quand l’Assemblée nationale de la Ve République a été installée, la commission spéciale qui a rédigé le règlement avait prévu la possibilité de voter des résolutions, mais le Conseil constitutionnel, extraordinairement vigilant à l’époque, dans une décision restée célèbre, le 24 juin 1959, avait censuré cette disposition, estimant qu’elle n’avait pas de fondement constitutionnel. On avait d’ailleurs vu à cette occasion à quel point le Conseil constitutionnel tenait parfaitement son rôle, lui qui avait été créé pour être un canon braqué contre le Parlement, selon l’expression dont chacun se souvient.

Aujourd’hui, nous avons à nouveau la possibilité de voter des résolutions et, plutôt que ces quelques bizarreries, nous aurions dû reprendre les dispositions qui avaient été supprimées dans le règlement de 1959.

Bizarrerie d’écriture, je vais n’en citer qu’une, et nous avons d’ailleurs déposé un amendement sur ce point. Je ne sais pas si c’est une maladresse ou s’il y a un vice caché mais, alors que l’article 34-1 de la Constitution parle d’injonctions au pluriel, le mot est au singulier dans l’article 3 du projet de loi organique. Y a-t-il là une évolution ? Faut-il au contraire y voir une distraction de la part du rédacteur ? Cela me surprendrait car j’ai cru lire quelque part que le Conseil d’État s’était interrogé sur cette question, mais je ne doute pas que le secrétaire d’État ou le rapporteur saura éclairer la représentation nationale.

L’article 3, qui n’est que la mise en œuvre de l’article 34-1 de la Constitution, c’est l’espèce de veto silencieux du Premier ministre. Si nous sommes bien obligés de prendre acte du fait que, selon la Constitution, c’est au Gouvernement de déclarer l’irrecevabilité – encore une fois, nous le contestons, mais soyons pragmatiques puisqu’il faut avancer –, il ne nous paraît pas choquant que la représentation nationale soit avertie des motivations du Gouvernement.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je vais donc terminer sur ce point, monsieur le président, pour vous être agréable. Nous avons des amendements qui me permettront de développer mon point de vue.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’article 3 pose de sérieuses questions. Dans l’article 34-1 nouveau de la Constitution, au premier alinéa, il est écrit : « Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. » La loi organique doit donc porter uniquement sur les conditions dans lesquelles les assemblées peuvent voter des résolutions.

Par ailleurs, le veto étant inscrit au second alinéa du même article 34-1 de la Constitution, en quoi est-il besoin de l’inscrire de nouveau à l’article 3 du projet de loi organique ? À mon sens, ce n’est pas prévu par la Constitution ; si le premier alinéa en appelle à une loi organique, ce n’est pas le cas du second.

Je souhaiterais donc des éclaircissements, car cet article 3 non seulement me paraît superfétatoire, mais il pousse aussi le bouchon du veto encore plus loin, en précisant que les résolutions jugées irrecevables ne peuvent être examinées en commission. J’attends sur tous ces points des réponses très précises du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Le texte de l’article 3 est suffisant pour comprendre à quel point cet article est inacceptable : « Lorsque le Premier ministre fait savoir au président de l’assemblée qu’une proposition de résolution contient une injonction à l’égard du Gouvernement ou que son adoption ou son rejet serait de nature à mettre en cause la responsabilité de celui-ci, cette proposition ne peut être examinée en commission ni inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée. » Vous apprécierez la précision des termes employés !

Le projet de loi organique impose aux parlementaires de nombreux délais : le président de l’Assemblée « transmet sans délai » les propositions de résolution au Premier ministre, « une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée moins de huit jours après son examen en commission », « une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour avant l’expiration d’un délai de douze mois suivant la discussion en séance de la proposition antérieure », comme nous le verrons à l’article 4.

Or de telles exigences temporelles ne se retrouvent pas en ce qui concerne l’exécutif, l’avis du Premier ministre n’étant enfermé dans aucun délai, ce qui aggrave le déséquilibre des pouvoirs au détriment du Parlement. On peut en outre se demander si l’absence de réponse vaudra accord ou désaccord ; la question mérite d’être posée. Enfin, le Premier ministre pourra ne jamais donner d’avis sur une proposition de résolution, qui sera ainsi enterrée.

Le Premier ministre a donc un pouvoir de vie et de mort sur les propositions de résolution. Il peut les estimer irrecevables sans avoir à se justifier ni à rendre public son avis. Comme les assemblées sont dessaisies de tout débat sur un tel avis, l’exécutif peut ainsi brider le pouvoir législatif sans que les parlementaires disposent d’un droit de réponse.

Enfin, ne serait-il pas souhaitable que le Conseil constitutionnel soit appelé à connaître de l’irrecevabilité opposée par le Gouvernement ? C’est une idée qui a été émise lors du débat sur la révision constitutionnelle à l’été 2008. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le débat sur les amendements ; il convient de trouver d’autres voies de dialogue que le dépôt d’une motion de censure que semblait préconiser le Gouvernement cet été.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite poursuivre la réflexion engagée par notre collègue Delphine Batho parce qu’elle me paraît extrêmement importante. À mes yeux, l’article 3 de la loi organique est superfétatoire ou inutile.

L’article 34-1 confie en effet à la loi organique le soin de fixer les conditions dans lesquelles les assemblées peuvent voter des résolutions. L’irrecevabilité, quant à elle, n’est pas déférée à la loi organique, car c’est la Constitution elle-même, au second alinéa de l’article 34-1, qui la prévoit : « Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. »

Ainsi, aux termes de la Constitution, dont des générations d’étudiants, d’enseignants et sans doute de parlementaires examineront les dispositions pour éventuellement les corriger à l’aune de leur souhaits, de leurs intentions, de leur compréhension, mais aussi de leur intérêt pour la politique, si la loi organique fixe les conditions du vote, elle ne détermine ni les conditions ni la forme de la recevabilité. En outre, à quoi sert-il que la loi organique, à son article 3, rappelle que le Premier ministre peut alléguer l’irrecevabilité, puisque cela figure déjà dans le second alinéa de l’article 34-1 ?

La présente loi organique n’est en réalité nullement conçue comme un instrument devant faciliter la mise en œuvre de la Constitution, car elle vise à resserrer le cadre dans lequel s’inscrira l’élaboration de notre règlement. C’est ce qui est à mes yeux inacceptable. Il appartient à nos assemblées de définir leurs règlements et au Conseil constitutionnel de dire si ces règlements sont ou non conformes à la loi suprême, et de préconiser éventuellement des modifications. Le renvoi à la loi organique – on le voit avec le débat dans lequel nous sommes entraînés – va altérer le sens de la Constitution.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je maintiens en tout cas, comme l’a dit Mme Batho, que le renvoi à la loi organique ne concerne que les conditions du vote des résolutions et en aucune manière les circonstances de leur irrecevabilité.

M. Jean Mallot. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. La Constitution a limité, dans des circonstances qu’un certain nombre de collègues de l’opposition comme de la majorité ont désapprouvées, l’expression des résolutions parlementaires. Cette compression peut cependant, tout en restant dans le cadre constitutionnel, être desserrée. Pouvons-nous travailler à desserrer cet étau antidémocratique que le Sénat a imposé à l'Assemblée nationale dans le cadre du vote au Congrès ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas une petite question, parce que nous avons envie de faire vivre ces résolutions.

M. Claude Goasguen. Il fallait voter la révision constitutionnelle !

M. Arnaud Montebourg. Je me rappelle les propos tenus par le Premier ministre, lorsqu’il introduisit les débats constitutionnels : « Vous bénéficierez d’un droit de résolution qui vous permettra de vous exprimer sans perturber l’ordonnancement juridique par des lois déclamatoires sur le caractère positif de la décolonisation ou des lois historiques et mémorielles sur les génocides… » Les résolutions sont nécessaires pour permettre au Parlement de discuter de la vision du Gouvernement lui-même, et il est normal qu’il y ait des désaccords. Il est en revanche inacceptable que le Gouvernement juge seul que sa responsabilité pourrait être mise en cause au motif d’un possible désaccord de l'Assemblée nationale.

Il y a là un effet pervers de cette liberté, de cette force accordées au Gouvernement, qui pourraient se retourner contre la démocratie parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.). Nous sommes dans le cas absolument avéré où l’obstruction à l’encontre de la démocratie parlementaire est entre les mains du Gouvernement.

Notre proposition critique est donc une proposition constructive.

M. Yves Albarello. On l’avait remarqué !

M. Arnaud Montebourg. Elle consiste à demander que le Gouvernement à tout le moins motive ses avis et les transmette aux présidents des groupes, pour entrer dans le débat politique.

Chers collègues – je vous parle en toute sincérité, comme à mon habitude, c’est même un défaut de ma part (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) – ; nous pourrions bâtir ensemble…

M. Yves Albarello. Non ! Pas avec vous.

M. Arnaud Montebourg. … un système permettant d’encadrer les excès de libéralité offerts au Gouvernement, car ce dernier pourra, autrement, s’en servir contre les droits fondamentaux du Parlement. Unissons-nous, collègues de tous les partis, contre les dangers de l’obstruction gouvernementale ; donnons-nous la main ! (Mêmes mouvements.) Travaillons ensemble à l’avenir du pays, par le biais de la grande et belle démocratie parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés de l’UMP. Théâtre !

M. Guy Geoffroy. Quelle péroraison !

M. le président. Nous en arrivons à la discussion des amendements sur l’article.

Je suis saisi d'un amendement n° 3855.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous l'avons dit lors de la procédure de renvoi en commission, la possibilité offerte aux parlementaires de débattre de propositions de résolution honore la fonction tribunitienne qu'ont toujours exercée les assemblées représentatives dans les régimes démocratiques. Il n’en reste pas moins que les conditions de mise en œuvre de ce droit nouveau offre peu de chances à l'opposition de voir venir en discussion l'une de ses propositions.

Comme notre rapporteur le reconnaît lui-même, la rédaction du deuxième alinéa de l'article 34-1 de la Constitution « ouvre la voie à une irrecevabilité très large des propositions de résolution ». Pourront être déclarées irrecevables aussi bien les résolutions que le Gouvernement estime comporter une injonction à son égard que celles de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement, mais également toutes celles « dont le rejet » – souligne encore notre rapporteur – « aurait le même effet ». On peut dès lors se demander quelles propositions de résolution pourront encore être déclarées recevables.

Vous qui vous dites soucieux de l'utilité du temps de débat, vous devriez vous interroger sur le caractère assez formel de l'exercice et le peu de chances pour l'opposition de pouvoir se saisir de cette possibilité nouvelle comme d'un droit effectif.

Nous avions insisté, lors du débat sur la réforme constitutionnelle, sur le constat que le déséquilibre exorbitant des pouvoirs en faveur de l'exécutif n'avait cessé de s'aggraver au cours de ces dernières décennies, à la faveur d'une rationalisation accrue du travail parlementaire.

Nous en avons encore ici une remarquable illustration. D’autant que le Gouvernement n’aura pas seulement la possibilité très large de refuser toute proposition qui ne lui agréera pas pour tel ou tel motif, mais encore celle de n’être entendu qu’à sa propre demande. À quoi servira de débattre de questions sans pouvoir interpeller le Gouvernement ?

Autant dire qu’avec cet article notre assemblée n’aura, dans les faits, à connaître et à débattre que des seules propositions de résolutions approuvées par le Gouvernement ou qu’il juge suffisamment inoffensives pour ne pas venir contrarier ses propres objectifs, notamment en termes de communication, ni troubler l’opinion publique.

Est-ce aller dans le sens du renforcement des pouvoirs du Parlement, et singulièrement des pouvoirs de l’opposition ? Il est permis d’en douter. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Avis défavorable.

(L’amendement n° 3855 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de toute une série d’amendements pouvant faire l’objet d’une discussion commune, dont les amendements n°s 1800 et 3.

L’amendement n° 3 fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

Nous allons d’abord examiner les amendements avant d’en venir aux sous-amendements.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 3.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement vise à clarifier la procédure car, à la lecture du projet de loi, on peut avoir des appréciations divergentes quant au délai limite jusqu’auquel le Gouvernement aurait le droit de soulever l’irrecevabilité. Pour protéger le Parlement dans sa maîtrise d’une partie de son ordre du jour, la commission propose de fixer la fin du délai d’évocation de l’irrecevabilité au moment de l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution. Cela nous semble cohérent avec l’esprit de la révision de la Constitution, et il est nécessaire de l’inscrire dans cet article. Entre la date de dépôt d’une résolution et celle de son inscription à l’ordre du jour, le Gouvernement pourra à tout moment évoquer son irrecevabilité. Mais à partir du moment où l’inscription sera décidée en Conférence des présidents, le Gouvernement n’aura plus cette possibilité. C’est pourquoi la commission proposera un article additionnel après l’article 3 tendant à prévoir que si un président de groupe veut inscrire une proposition de résolution, le président de son assemblée devra en informer le Gouvernement au plus tard quarante-huit heures avant.

En effet, mes chers collègues, il faut éviter le cas où une proposition de résolution serait inscrite à l’ordre du jour de la semaine à venir, et puis, le matin dudit jour, à neuf heures et demie, nous arriverions pour entendre le président de la séance nous dire qu’il a reçu du Gouvernement une lettre l’informant de l’irrecevabilité de la proposition. Il faut purger la procédure d’irrecevabilité avant que de tels problèmes ne surviennent.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Bien sûr !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est un amendement qui fait progresser les droits du Parlement.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement no 1800.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous proposons de rédiger ainsi l’article 3 : « Si le Premier ministre estime qu’une proposition de résolution est irrecevable en application du deuxième alinéa de l’article 34-1 de la Constitution, il le fait savoir au président de l’assemblée intéressée avant que l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de résolution ne soit décidée. En l’absence de motivation et de publicité de la décision, la conférence des présidents peut demander l’audition du Premier ministre, puis se réunit pour émettre un avis. En cas d’avis conforme, la proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée. En cas de désaccord, le président de l’assemblée saisit pour avis le Conseil constitutionnel dans un délai ne pouvant excéder huit jours. »

Vous noterez la compréhension dont nous faisons preuve puisque nous reprenons la formulation proposée par le Gouvernement : « Si le Premier ministre estime […] », après en avoir contesté le principe ; mais nous sommes pragmatiques. La première phrase de l’amendement, chacun l’aura noté, n’est pas en désaccord avec ce que propose le rapporteur. Cependant, à l’écoute de la deuxième phrase, chacun aura bien compris que l’obligation de motivation et de publicité constitue le cœur de notre désaccord avec le Gouvernement et le rapporteur.

Quelques mots pour expliquer les motifs de cet amendement : le Premier ministre ne saurait pouvoir opposer son veto à une proposition de résolution sans que la Conférence des présidents de l’assemblée concernée puisse émettre le moindre avis. Un tel droit de veto reviendrait à nier le renouveau espéré du Parlement. En outre, ne pas demander l’avis de la Conférence des présidents reviendrait à laisser le chef du Gouvernement seul juge de l’opportunité d’examiner telle ou telle résolution, et sans avoir à motiver plus avant sa décision. Cet avis doit pouvoir être pris à l’issue d’un débat éclairé ; l’audition du Premier ministre à la demande de la Conférence des présidents doit, dès lors, être rendue possible. Si la Conférence des présidents émettait un avis différent de celui exprimé par le Premier ministre – on peut toujours rêver mais, dans le cadre d’un renouveau du Parlement, tout est possible, après tout –, ce serait au juge constitutionnel qu’il reviendrait de trancher de l’opportunité d’examiner la proposition de résolution.

M. le président. Nous en venons aux sous-amendements à l’amendement n° 3. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je suis saisi d’un sous-amendement n° 3876.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L’article 3 tel qu’il est rédigé n’a aucune force contraignante, aucune force politique, encore moins juridique ; plusieurs intervenants l’ont parfaitement souligné. S’il était conçu, conformément à vos déclarations – mais, malheureusement, pas au vu vos actes –, comme un des fameux nouveaux pouvoirs du Parlement, ce droit de résolution devrait, pour le moins, être astreignant pour le Gouvernement. Le minimum que les parlementaires puissent demander au Gouvernement est en effet que le rejet ou l’adoption fasse l’objet d’une décision écrite et justifiée. Il ne peut en être autrement si nous souhaitons être pris réellement au sérieux. Les parlementaires, en France comme ailleurs, n’ont pas à être à la botte d’un gouvernement, quel qu’il soit ! Le principe de séparation des pouvoirs qui régit les relations institutionnelles dans notre pays ne peut en aucun cas laisser passer un tel type de procédure d’irrecevabilité.

C’est pourquoi nous exigeons non seulement que cette décision soit justifiée et argumentée, mais nous entendons aussi replacer les présidents de groupe au centre de la procédure afin que l’ensemble des composantes politiques des assemblées y soit associé. Il y va évidemment du respect, longuement évoqué en mai dernier, des droits de l’opposition. Car, tel que le texte est formulé, il semble évident que le dialogue Parlement-Gouvernement ressemblera plus à un dialogue Gouvernement-majorité, ce qui est, évidemment, très éloigné de notre vision d’un débat parlementaire démocratique, mais aussi des discours et des promesses que vous avez faits tout au long de ces derniers mois. En l’état actuel du texte, pourquoi déblatérer, discuter, parlementer pour éventuellement se mettre d’accord sur une résolution qui n’aura de toute façon aucune valeur contraignante ?

La réforme constitutionnelle devait au contraire replacer les députés au centre des débats parlementaires, en commission et en séance publique, afin qu’ils participent activement au travail quotidien. Avec le droit de résolution, nous entamons un premier pas, mais seulement vers un semblant de débat démocratique puisque celui-ci n’aura lieu qu’à la demande exclusive du Gouvernement et sera soumis à sa volonté. À quoi serviront ces résolutions, sinon à créer des discours de façade que personne n’écoutera et ne prendra en considération, du fait de leur absence d’aspect normatif ?

C’est pourquoi nous vous proposons de substituer aux mots : « fait savoir au président de l’assemblée intéressée », les mots : « justifie par écrit au président de l’assemblée intéressée et à chaque président de groupe ». Une telle réécriture aurait le mérite d’extraire toute subjectivité des décisions gouvernementales et d’impliquer toutes les composantes politiques, minoritaires et majoritaires, dans la procédure.

M. le président. L’avis de la commission et du Gouvernement est défavorable au sous-amendement no 3876.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président, j’interviens car je ne comprends pas bien comment se déroule la séance, et je ne suis certainement pas le seul. Je m’y perds un peu entre amendements et sous-amendements, entre ceux qui sont défendus et ceux qui ne le sont pas. J’attends que la présidence m’éclaire sur ses intentions.

Par ailleurs, je voudrais savoir quand ma collègue Delphine Batho pourra répondre au rapporteur, puisqu’il a déjà défendu son amendement.

M. le président. Nous allons continuer d’examiner les sous-amendements, puis nous entendrons les interventions sur l’amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, pour que nos débats se déroulent sereinement, il faut que chacun d’entre nous y voie clair dans la procédure retenue.

M. Claude Goasguen. Merci de nous éclairer, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Nous avons quelques habitudes et quelques bonnes méthodes ; le service de la séance reçoit des amendements et des sous-amendements, et il organise, en application de l’article 100 de notre règlement, leur examen. Ils nous sont fournis sous forme de liasses accompagnées d’une feuille jaune qui nous indique dans quel ordre ils seront présentés. Or je constate que l’amendement n° 3 de la commission des lois, les amendements nos 1800 à 1821 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues, les amendements n°s 1778 à 1799 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues (Murmures sur les bancs du groupe UMP), les amendements n°s 1866 à 1887 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues, les amendements n°s 1844 à 1865 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues, les amendements n°s 1822 à 1843 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues, les amendements n°s 1756 à 1777 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues, les amendements n°s 1734 à 1755 de M. Urboas et vingt-et-un de ses collègues,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Bien ! On sait lire !

M. Jean Mallot. …l’amendement n° 3671 de Mme Billard, ainsi que les amendements n°s1712 à 1733 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est de l’obstruction, monsieur le président !

M. Jean Mallot. …les amendements n°s 1624 à 1645 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues, les amendements n°s 1690 à 1711 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues…

M. le président. Monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Monsieur le président, c’est presque la fin, vous m’avez vu venir ! Il y a aussi les amendements n°s 1580 à 1601 de M. Urvoas et vingt-et-un de ses collègues. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Tous les amendements dont j’ai dressé la liste sont soumis, comme l’indique la feuille jaune, à une discussion commune. Je constate d’ailleurs que vous avez commencé d’emblée ainsi.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Jean Mallot. Vous avez si bien présidé jusqu’à maintenant que je m’étonne que vous ayez appelé les sous-amendements à l’amendement n° 3 de la commission des lois alors que M. Urvoas venait de défendre le premier amendement, n1800, de la série d’amendements n°s 1800 à 1821. Il faudrait appeler les amendements suivants, nos 1801, 1802, etc.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ça n’a aucun sens : vous confondez amendements et sous-amendements, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Si vous ne suivez plus l’ordre de la feuille jaune, monsieur le président, il y aura changement de procédure en cours de séance, et nous prendrions alors collectivement un risque par rapport à la validité de nos débats.

M. le président. Mon cher collègue, le problème est que votre groupe est en train de déposer une série de sous-amendements à l’amendement n° 3, qui reprennent le contenu des amendements dont vous avez dressé la liste. Nous allons donc examiner d’abord les sous-amendements. Cela me paraît autrement plus rationnel pour l’organisation de nos travaux que ce que vous préconisez. Cela permettra aux députés de votre groupe de défendre par avance les idées qu’ils soutiennent dans leurs amendements. Nous aurons ainsi un débat organisé et rationnel plutôt qu’une vaste répétition dans laquelle, me semble-t-il, nous perdrions collectivement un peu de crédit. J’attends que vos sous-amendements me parviennent. Si une suspension de séance est nécessaire à cette fin, je l’accorderai.

La parole est à M. Jean Mallot, puis nous en reviendrons à la discussion. (Exclamations divers sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est le soixante-troisième rappel au règlement ! On ne peut pas admettre que l’Assemblée soit empêchée de débattre !

M. Jean Mallot. Nous débattons, monsieur le rapporteur ! Nous ne faisons même que ça !

Monsieur le président, en attendant que les sous-amendements nous soient livrés, j’aimerais que vous nous expliquiez en vertu de quoi vous avez entamé une procédure, avant d’en choisir une autre après la présentation de l’amendement n°s 1800 par M. Urvoas. C’est difficile à comprendre.

M. le président. L’ensemble de vos amendements sur l’article 3 vont être défendus sous la forme de sous-amendements. Je répète que cela m’apparaît plus rationnel pour l’organisation de nos travaux car cela permettra à chacun d’exprimer ses positions.

Article 3 (suite)

M. le président. Nous en revenons aux sous-amendements à l’amendement n° 3 de la commission.

Le sous-amendement no 3876 a été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 3877.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L’amendement de la commission propose que le Gouvernement ne puisse soulever l’irrecevabilité qu’avant l’inscription des propositions de résolution à l’ordre du jour. Mais cela n’apporte absolument aucune amélioration significative au texte du projet de loi organique car la nouvelle rédaction proposée ne lève aucunement ce qui constitue, à nos yeux, l’une des principales difficultés du texte, à savoir la compétence exclusive du Gouvernement en la matière. Le fait que l’irrecevabilité soit soulevée sans que cette décision puisse être contestée, et sans même obligation de la motiver, est le signe que la volonté de la majorité n’est pas de donner plus de pouvoirs au Parlement, mais de préserver la logique de mainmise de l’exécutif sur le travail législatif

Nous estimons que chacune des assemblées devrait être compétente pour juger de la recevabilité des propositions de résolution. Nous considérons, à tout le moins, qu’il est indispensable que le Gouvernement motive sa décision de déclarer irrecevable une proposition de résolution et qu’il en informe les présidents des assemblées, ainsi que l’auteur de la proposition ou les présidents de groupes parlementaires. C’est la moindre des exigences que nous pouvons formuler dans le cadre d’une revalorisation du rôle du Parlement. Aussi devrions-nous être unanimes ce soir pour adopter avec un tel sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

(Les sous-amendements n°s 3876 et 3877, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 3879.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. L’article 3 du projet de loi suppose que le Gouvernement, s’exprimant par la voix du Premier ministre, puisse s’opposer discrétionnairement à l’examen en commission et à l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée de toute proposition de résolution dont il estime que l’adoption ou le rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elle contient des injonctions à son égard. Pour ce faire, il suffit que le Gouvernement fasse connaître au président de l’assemblée son opposition.

Le sous-amendement présenté a pour objet d’informer les présidents des groupes parlementaires du veto opposé par le Gouvernement. Le Premier ministre ne saurait décider de l’opportunité d’examiner ou non une proposition de résolution sans que cette décision soit rendue publique. En indiquant que le président de l’assemblée informe les présidents de groupe du veto du Premier ministre, ce sous-amendement permet l’information de tous les parlementaires et assure la publicité de la décision gouvernementale. Le Gouvernement sera ainsi amené à justifier sa position, ce qui évitera que des décisions arbitraires soient prises en toute discrétion.

Ce sous-amendement vise à garantir la publicité d’un veto, et à contraindre ainsi le Gouvernement à justifier et à motiver sa décision. Ces garanties sont indispensables car, dans une démocratie représentative, les assemblées doivent pouvoir prendre des positions publiques par le biais de résolutions.

M. le président. Peut-on considérer que vous avez aussi présenté le sous-amendement n° 3878, monsieur Muzeau ?

M. Roland Muzeau. Absolument !

(Le sous-amendement n° 3879, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 3878, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je voulais réagir au fait que le Gouvernement et le rapporteur refusent que les présidents de groupe soient avertis lorsqu’une résolution a été déposée et donc transmise immédiatement au Premier ministre. Pourquoi les présidents de groupe ne seraient-ils pas informés simultanément ? Je ne comprends pas la position du Gouvernement sur ce point.

Dans le rapport de la commission des lois, j’ai lu que le président du groupe concerné par la résolution en informerait la Conférence des présidents, et donc les autres présidents de groupe. Mais il serait logique d’instaurer un parallélisme des formes : s’il est normal que le Premier ministre soit informé compte tenu du possible veto, les groupes – de la majorité ou de l’opposition – devraient l’être aussi pour la qualité du travail parlementaire.

Convaincus par la démonstration du rapporteur, les Verts ne remettent pas en cause l’absence d’amendements sur les résolutions. Cependant, il faut qu’un groupe politique ait le temps de réfléchir à la résolution déposée par un autre groupe, et éventuellement d’en discuter avec ses auteurs afin d’envisager des modifications qui permettraient de s’associer au vote.

C’est pourquoi je suis étonnée de ce sectarisme, de votre refus d’accepter que les présidents de groupe soient informés du dépôt d’une résolution en même temps que le Premier ministre. Je tenais d’autant plus à soutenir le sous-amendement de mon collègue Roland Muzeau que j’en avais présenté un similaire qui est tombé.

M. le président. Les autres sous-amendements à l’amendement n° 3 nous étant parvenus, je vous propose de suspendre nos travaux, le temps de les diffuser, afin que vous puissiez les examiner.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. Avant d’en venir aux sous-amendements nos 4026 et suivants, la parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement. Sauf erreur de ma part, c’est le soixante-cinquième.

M. Jean Mallot. En effet, monsieur le président, vous comptez bien ; mais il ne s’agit pas d’un jeu quantitatif : il y va du fondement de l’article 58 du règlement. Les sous-amendements que nous avons déposés n’ont pas encore été distribués, mais nous pouvons débattre en attendant.

Je ferai trois remarques.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non ! Un rappel au règlement ne consiste pas à faire des remarques, surtout quand on en est au soixante-cinquième ! Cela passe les bornes !

M. Jean Mallot. J’anticipe sur mes propos, mais si vous préférez, je puis demander une suspension de séance.

Ma première remarque est pour vous remercier, monsieur le président, d’avoir suspendu la séance. Grâce à cette délicate attention, nos sous-amendements ont pu être préparés et distribués dans de bonnes conditions. Il eût été fort regrettable que nos collègues de l’UMP discutent de dispositions sans en avoir le texte sous les yeux.

Par ailleurs, je déplore que, pendant la suspension, le président Warsmann se soit permis des propos très désobligeants à l’égard des services de l’Assemblée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact ! Vous n’avez aucun titre à prendre la parole : nous en sommes au sous-amendement n° 4026 ! Cela suffit, à la fin !

M. le président. Vous ne pouvez évoquer que ce qui se passe pendant la séance, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Soit, mais je tenais à le dire.

Enfin, le Conseil constitutionnel appréciera les atermoiements de procédure, puisque, monsieur le président, vous avez appelé l’amendement n° 1800, avant d’en venir aux sous-amendements à l’amendement n° 3.

M. le président. Je l’ai fait pour vous permettre de défendre vos sous-amendements, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. J’entends bien, monsieur le président, mais je pense qu’il y a un problème.

Article 3 (suite)

M. le président. Vos sous-amendements à l’amendement n° 3 sont en cours de distribution.

J’appelle les sous-amendements nos 4026 et 4031, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre le sous-amendement n° 4026.

M. Jean-Jacques Urvoas. Si nous n’avons pas voie au chapitre, la décision du Premier ministre s’apparentera à un simple veto. Afin de la rendre plus supportable, nous proposons, par nos sous-amendements, de l’accompagner par une discussion collective, quelle que soit l’enceinte où elle se tient.

En l’espèce, nous proposons que le Premier ministre informe les présidents de groupe. Je ne m’étendrai pas sur ce thème (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP), mais notre groupe – comme d’autres, j’imagine – est attaché à la délibération collective et, même si nos mandats ne sont pas impératifs, à la possibilité, pour ses membres, de réfléchir ensemble, d’adopter des positions communes et de les défendre avec un esprit de solidarité. Comme l’observait mon collègue Valax, le rôle des présidents de groupe n’est pas toujours aisé, malgré l’autorité dont ils jouissent : les groupes comptent parfois des personnalités fortes, comme nous l’observerons prochainement, sans doute, puisque nous aurons le plaisir d’accueillir bientôt de nouveaux collègues. En outre, les groupes sont désormais inscrits dans la Constitution, dès lors que la Conférence des présidents l’est aussi.

Il serait utile, disais-je, que le Premier ministre informe les présidents de groupe : cela dispenserait les services de l’Assemblée d’avoir à prévenir eux-mêmes les députés ; nous gagnerions ainsi en simplicité et en rapidité, comme le souhaite le président Warsmann, qui souhaite à ce titre supprimer la référence à l’examen en commission. Informer les groupes, peu nombreux dans notre assemblée, serait facile et rapide.

Pour finir, je rappelle que Mme Batho souhaite répondre au rapporteur.

M. le président. Je lui donnerai la parole après que la commission et le Gouvernement auront donné leur avis.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non, une telle intervention n’est pas de droit ! Un orateur contre l’amendement, et c’est tout !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre le sous-amendement n° 4031.

Mme Martine Billard. La décision du Premier ministre, lorsqu’il fera savoir au président de l’assemblée qu’une proposition de résolution contient une injonction à l’égard du Gouvernement ou que son adoption serait de nature à mettre en cause sa responsabilité, pourra faire débat. Or il faut, pour contester cette décision, qu’un écrit l’explique. Demander que la décision d’irrecevabilité soit motivée par écrit ne nous semble pas poser de problèmes insolubles. Mieux vaut échanger des arguments en toute connaissance de cause plutôt qu’à partir de rumeurs ou de dépêches de presse, ce qui serait préjudiciable au débat démocratique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable également.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho. (M. le rapporteur proteste.)

Mme Delphine Batho. Contrairement à l’alinéa 1 de l’article 34-1 de la Constitution, l’alinéa 2 du même article n’appelle aucune disposition de nature organique. Ce problème, que nous avons soulevé au sujet de l’article 3 du projet de loi, se pose de façon plus aiguë encore avec la nouvelle rédaction proposée par le rapporteur, que je rappelle : « Si le Premier ministre estime qu’une proposition de résolution est irrecevable en application du deuxième alinéa de l’article 34-1 de la Constitution, il le fait savoir au président de l’assemblée intéressée avant que l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de résolution ne soit décidée. »

Le problème, monsieur le rapporteur, est important : si vous voulez bien m’écouter…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je vous écoute attentivement, mais c’est la cinquième fois que vous dites la même chose !

Mme Delphine Batho. Non, la deuxième, et vous ne m’avez pas répondu.

M. Jean Mallot. Vous aussi, monsieur le rapporteur, vous vous répétez !

Mme Delphine Batho. La disposition s’expose à la censure du Conseil constitutionnel : cela justifie une discussion sérieuse, me semble-t-il.

Je le répète : l’alinéa visé par votre amendement n’appelle pas de disposition organique. Nous soutenons donc que ce dernier n’est pas recevable, et qu’il sera censuré par le Conseil constitutionnel. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Nesme et M. Jean-Frédéric Poisson. On verra !

Mme Delphine Batho. De façon analogue, si l’alinéa 1 de l’article 44 de la Constitution prévoit une loi organique, ce n’est pas le cas de l’alinéa 3. C’est si vrai, monsieur le rapporteur, qu’une jurisprudence du Conseil constitutionnel au sujet de l’article 96 du règlement de notre assemblée existe et va exactement dans le sens que j’indique. Je souhaite une réponse précise, car nous sommes absolument sûrs que votre amendement n° 3 n’est pas de nature organique et encourt donc la censure du juge constitutionnel.

(Les sous-amendements nos 4026 et 4031, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 4022.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Tous les sous-amendements que nous avons déposés n’ont semble-t-il pas été distribués par le service de la séance.

M. le président. Ils le seront, mon cher collègue : commençons par ceux qui ont déjà été distribués.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous avons le temps, monsieur le président ; mais je voulais la confirmation que ces sous-amendements ont bien été enregistrés.

M. le président. Je vous le confirme.

M. Jean-Jacques Urvoas. Cette série de sous-amendements correspond à des propositions que nous n’avons pu faire adopter à l’article 2, de sorte que nous y revenons, forts d’une persévérance qui nous animera jusqu’à la fin, et de manière croissante :…

M. Claude Goasguen. C’est vrai pour nous aussi !

M. Jean-Jacques Urvoas. …la multiplicité et la qualité des interventions socialistes le montre assez.

Puisque l’Assemblée a, pour des raisons que je m’explique mal, rejeté la possibilité d’informer les présidents de groupe, il n’est toujours pas prévu d’instance collective pour débattre de la déclaration d’irrecevabilité du Premier ministre. Nous suggérons donc, avec le sous-amendement n° 4022, que ces instances soient les commissions permanentes, dont le nombre augmentera à l’issue de la révision constitutionnelle ; je suppose d’ailleurs que nous en débattrons longuement, puisque, à ma connaissance, le périmètre desdites commissions n’est pas encore défini.

M. le président. Je vous interromps un instant, mon cher collègue, pour vous indiquer que, sur le vote du sous-amendement n° 4022, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Veuillez poursuivre.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il semble que le périmètre de ces commissions, qui doit être précisé en application de la Constitution, fasse aujourd’hui débat dans l’Assemblée nationale, puisque les propositions qui sont parvenues à nos oreilles n’ont toujours pas été validées.

Ce matin, en début de séance, j’ai demandé que soit fournie à la représentation nationale, pour l’éclairer et nourrir sa réflexion, la liste, dressée le 2 décembre 2008, des vingt et un points d’accord auxquels est parvenu le groupe de travail qu’a réuni le président Accoyer pour préparer les modifications du règlement. Il m’avait été donné acte de ce souhait en commission des lois et il me paraîtrait utile que nous puissions effectivement disposer de ce relevé de conclusions : l’une d’elles concernait précisément la question des commissions permanentes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les sous-amendements que nous présentons visent à compléter l’amendement du rapporteur, dont nous considérons que, dans son principe, il peut constituer un progrès s’il est assorti de diverses précisions susceptibles de permettre à l’Assemblée d’aller jusqu’au bout de sa stratégie de résolution.

Je souligne la pertinence des observations de notre collègue Mme Delphine Batho : l’article 34-1 de la Constitution n’a pas ouvert à la loi organique l’alinéa 2 de son dispositif. C’est une évidence que nous ne cesserons de répéter.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

Mme Delphine Batho. Dans ce cas, répondez à nos questions, monsieur le rapporteur ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Répéter trente fois un mensonge n’en fait pas une vérité !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Le rapporteur a déjà répondu !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes là au cœur du dispositif constitutionnel et de la loi organique. M. le rapporteur pourrait prendre la peine de répondre aux arguments que nous développons ou aux questions que nous posons, car ils sont pertinents et décideront, demain, de l’appréciation du Conseil constitutionnel. Peut-être les réponses de notre rapporteur pourraient-elles nous tranquilliser.

Le Premier ministre et le Gouvernement auront-ils, sans délai, sans motivation écrite et sans que nous puissions apprécier la portée de leur décision, la capacité d’empêcher le Parlement de prendre des résolutions ? Si nous votons cela, nous pouvons dire adieu au droit de résolution ! Peut-être ne faites-vous que de l’affichage, mais si vous avez vraiment l’intention d’offrir ce droit de résolution, vous devez préciser, dans la loi organique, de quelle manière le Premier ministre déclare l’irrecevabilité. Nos sous-amendements demandent qu’il le fasse « par une décision motivée » rendue publique ou déposée sur le bureau de l’assemblée.

D’autre part, qui sera juge de la réalité et du fondement constitutionnel du refus du Premier ministre ? Il faudrait que M. Warsmann nous le dise avant la fin des débats. Si vous ne le précisez pas, cela sous-entend que l’Assemblée nationale ne pourra pas exercer son droit de résolution.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean-François Copé. Mais combien sont-ils à parler ? C’est impossible !

M. Jean Mallot. Je souhaite faire un simple rappel au règlement, monsieur le président. La question soulevée par nos collègues Le Bouillonnec et Batho est suffisamment importante pour que je la réitère.

M. Claude Goasguen. Au vote !

M. Jean Mallot. Il n’est pas pensable que nous puissions nous prononcer par un vote éclairé sur ce sous-amendement et, a fortiori, le moment venu, sur l’amendement du rapporteur, s’il n’est pas répondu clairement à cette question : l’amendement n° 3 de M. Warsmann évoque le traitement du deuxième alinéa de l’article 34-1 de la Constitution, alors qu’il n’est pas soumis aux dispositions d’une éventuelle loi organique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je suis désolé, mais le règlement n’est pas respecté, monsieur le président !

M. Jean Mallot. Il y a là une faute que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de sanctionner, et qui s’ajoute aux éléments que M. Le Bouillonnec a mentionnés. Nous courrions un risque considérable en ne prenant pas le temps de la réflexion. Le plus simple serait que le rapporteur, M. Warsmann, président de la commission des lois, veuille bien avoir l’obligeance de répondre à la question qui lui est posée pour éclairer notre vote.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je l’ai déjà fait !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 4022.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Le sous-amendement n° 4022 n’est pas adopté.)

M. le président. Le sous-amendement n° 4025 est défendu par M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

Sur le vote de ce sous-amendement, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Vous avez la parole, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous voulons que les conditions dans lesquelles le Premier ministre allègue l’irrecevabilité d’une résolution prennent en considération le caractère fondamental de ce droit pour l’Assemblée nationale. M. Warsmann continue de ne pas répondre à la question que nous avons posée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’ai répondu, monsieur le président ! Cela devient parfaitement incorrect !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sans réponse de sa part, nous ne pouvons que continuer à interpeller le Gouvernement sur la réalité de son intention de conférer par la loi organique un vrai droit de résolution au Parlement. Nos sous-amendements précédents ayant été rejetés, nous proposons à présent que chaque parlementaire soit au moins informé de l’allégation d’irrecevabilité. C’est chacun d’entre nous, en effet, qui est concerné, dans la mesure où il s’agit de priver l’Assemblée du droit de résolution. Dans l’état actuel du texte, et M. Warsmann refusant de compléter son amendement par la motivation de l’allégation du Premier ministre, aucun d’entre nous n’en aura connaissance autrement que par la communication au président.

Tel est l’objectif de ces sous-amendements qui complètent l’amendement de M. Warsmann, dont nous considérons qu’il constitue un premier pas insuffisant pour garantir à l’Assemblée qu’elle va conserver un vrai droit de résolution.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 4025, repoussé par la commission et le Gouvernement.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Le sous-amendement n° 4025 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 4028.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous essayons toujours de compléter l’amendement de M. Warsmann pour faire en sorte que les députés soient informés de l’allégation d’irrecevabilité par le Premier ministre et que ses circonstances soient connues de tous.

Le sous-amendement n° 4028 propose que, lorsque le président de l’Assemblée a été informé par le Premier ministre, celui-ci « informe sans délai les présidents de groupe ainsi que les parlementaires signataires de la proposition de résolution ». Indépendamment de l’indispensable courtoisie républicaine, qui consiste à répondre à ceux qui ont posé une question, on n’a toujours pas fixé de délai pour la réponse. D’après M. Warsmann, le Premier ministre doit informer le président de l’Assemblée nationale avant la saisine de la commission habilitée à connaître de la résolution, mais aucun délai n’est précisé.

(Le sous-amendement n° 4028, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 4029.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes là au cœur du débat…

M. Jean Mallot. Ne faudrait-il pas appeler d’abord le sous-amendement n° 4027 ?

M. le président. Il sera examiné juste après.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. N’y a-t-il pas une demande de scrutin public ?

M. le président. Je précise en effet que, sur le vote du sous-amendement n° 4029, je suis saisi d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Vous avez la parole, monsieur Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce scrutin public sera d’autant plus nécessaire que ce sous-amendement est au cœur de nos critiques sur les conditions dans lesquelles la loi organique et l’amendement de M. Warsmann fixent les modalités d’allégation de l’irrecevabilité par le Premier ministre. Pour l’instant, le Premier ministre s’adressera au président de l’assemblée en disant que la résolution est irrecevable parce qu’elle constitue une injonction ou qu’elle met en cause la responsabilité de son gouvernement. Cette formulation n’est pas acceptable. En l’absence de décision motivée et rendue publique, il sera impossible d’apprécier la réalité et la pertinence des motifs qui conduisent le Premier ministre à prendre sa décision.

En conséquence, si cette appréciation est négative, quels moyens les signataires de la résolution – qui, de leur côté, prétendent qu’elles pouvait être débattue par leur assemblée – auront-ils de la contester ? Je vous pose la question, monsieur Warsmann, car elle est pertinente : auront-ils comme seul moyen d’obliger le président de l’assemblée à réagir ? À réagir à l’égard du Premier ministre ? Qu’est-ce que cela donnera ? Saisira-t-on systématiquement le Conseil constitutionnel pour alléguer d’une mauvaise appréciation par le Premier ministre du dispositif constitutionnel ? Je ne suis même pas certain que la saisine du Conseil constitutionnel soit possible dans ce cadre – certains d’entre vous semblent d’ailleurs le confirmer par acquiescement. Dès lors, la décision du Premier ministre d’alléguer l’irrecevabilité devient sans appel et sans recours.

Si c’est le cas, mes chers collègues, il est inutile que nous continuions à délibérer sur le pouvoir qu’a le Parlement de déposer des résolutions. En effet, toute circonstance politique est susceptible de tomber sous le coup de l’article 34-1, alinéa 2, et c’est bien légitime ! En outre, qu’en sera-t-il dans les périodes au cours desquelles la censure ou la dissolution sont impossibles ? En l’absence de tels instruments, le Premier ministre aura tout loisir de proposer une interprétation lâche – au sens juridique du terme – de l’irrecevabilité.

En clair, faute de soumettre l’allégation d’irrecevabilité d’une résolution par le Premier ministre à une motivation écrite, susceptible au moins d’être portée à la connaissance de l’assemblée et, au mieux, de provoquer la saisine du Conseil constitutionnel, ne prétendez pas que vous instituez un droit de résolution ! Dans les faits, il n’existera pas.

Voilà pourquoi ce sous-amendement est fondamental. Vous devez nous répondre, monsieur le secrétaire d’État : selon vous, est-il concevable que le Premier ministre use de son droit à prétendre à l’irrecevabilité d’une résolution sans que cette décision fasse l’objet d’aucun examen en matière constitutionnelle, ni d’aucun recours, s’agissant de la faculté de l’assemblée d’adopter une résolution. Là est le cœur du débat, là est ce qui motive notre hostilité à ce dispositif. Nous estimons que derrière la prétention constitutionnelle et la loi organique ne se cache aucune intention d’ouvrir à l’Assemblée le droit essentiellement démocratique et moderne d’adopter une résolution dans le cadre de ses compétences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Également.

M. le président. M. Dominique Raimbourg a demandé la parole.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cette demande n’est pas de droit !

M. Claude Goasguen. Il a déjà répondu !

M. Dominique Raimbourg. S’agissant d’une modification constitutionnelle, le débat est quelque peu crispé. Il ne doit pas pour autant nous rendre sourds aux arguments invoqués par M. Le Bouillonnec.

Il est évident que le droit de veto du Premier ministre pose problème – et un problème de taille. Nous avons présenté un amendement n° 1801 visant à instaurer une procédure de contrôle compatible avec la Constitution. Ensuite, nous avons présenté une série de sous-amendements qui, certes, participent d’une stratégie de guérilla, mais qui ne sont pas pour autant sans fondement. Nos arguments doivent être entendus en dépit de la crispation ou de la controverse qui marquent ce débat – dont nous vous accordons qu’il est parfois interminable. (« Ah ! » sur certains bancs du groupe UMP.) S’agissant du droit de résolution, vous devriez lâcher du lest – permettez-moi l’expression. En l’état, cette procédure ne permet pas l’établissement d’un véritable pouvoir de résolution. Si le droit de veto du Premier ministre se comprend, il doit néanmoins être arbitré par une procédure propre. À défaut de le proposer, et indépendamment de la controverse que ne manquera pas de susciter l’article 13 relatif au droit d’amendement, le droit de résolution ne nous apparaîtra donc pas comme une avancée formidable, parce que le pouvoir de veto que vous prévoyez ne souffrira aucune opposition.

Même si nous sommes en désaccord sur le reste, et même si la procédure présentée dans cette loi organique n’a pas été précédée d’une discussion sur la modification du règlement ou de la recherche d’un compromis, ce que nous pouvons tous déplorer, il y a toutefois lieu, je le répète, de lâcher un peu de lest sur cette procédure.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le sujet est important. Chacun sait que les lois organiques sont automatiquement soumises au Conseil constitutionnel. En outre, savoir ce que nous souhaitions faire permet d’éclairer le débat d’aujourd’hui.

M. Jean Mallot. M. Lagarde a vu le danger !

M. Jean-Christophe Lagarde. En l’absence de toute explication sur ce rejet du sous-amendement n° 4029, la position du groupe Nouveau Centre demeure quelque peu différente de celle du Gouvernement.

Il est logique – et nous l’avons prévu dans la Constitution – que le Premier ministre puisse procéder à un arbitrage afin de prévenir toute dérive de la part de parlementaires. Cela étant, il existe dans la Constitution très peu de décisions qui ne sont pas soumises à un arbitre ou, en l’espèce, au juge constitutionnel – nous avons même souhaité que la plus fameuse d’entre elles, l’application de l’article 16, soit désormais soumise à un arbitrage.

Hier, monsieur le secrétaire d’État, je vous ai alerté sur le fait que la décision du Premier ministre devait, à nos yeux, pouvoir faire l’objet d’un recours. Il m’a été répondu qu’elle ne le pouvait pas. Soit ; au moins faudrait-il qu’elle soit motivée, rendue publique et qu’elle donne lieu à débat.

À tout le moins, puisque les juges constitutionnels examinerons notre débat, je souhaiterais, s’il n’est pas possible de l’obtenir de l’Assemblée nationale ou du Sénat, qu’ils puissent tracer la voie par laquelle un gouvernement – pas celui-ci, naturellement, mais un autre ; on en a connu par le passé – ne pourrait pas abuser de ses pouvoirs et empêcher un mouvement politique de présenter une résolution ne mettant pas en cause le Gouvernement et ne lui enjoignant rien.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est pourquoi, à mes yeux, le sous-amendement n° 4029 à l’amendement n° 3 du rapporteur – qui propose une bien meilleure rédaction de l’article que le texte du Gouvernement – mérite d’être accepté.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Tout à l’heure, notre collègue émérite, Mme Batho,…

M. Jean Mallot. Remarquable collègue !

M. Arnaud Montebourg.… a levé ce que j’ose appeler un lièvre – je devrais même dire un sanglier, tant l’affaire est importante.

M. Guy Geoffroy. Ils n’appartiennent pas à la même famille !

M. Arnaud Montebourg. C’était une allusion à peine déguisée au département d’élection de notre rapporteur.

M. Claude Goasguen. On trouve des sangliers dans bien des départements !

M. Arnaud Montebourg. Plaisanterie mise à part, nous avons donc, grâce aux remarques de Mme Batho, souligné le refus catégorique que le Conseil constitutionnel oppose au législateur organique de légiférer dans un domaine auquel il n’est pas renvoyé par la Constitution.

Or, voilà que vous organisez, au plan juridique, la restriction – excessive et contestable, selon nous – du droit de résolution.

M. Claude Goasguen. Vous n’aviez qu’à voter le texte de la révision constitutionnelle !

M. Arnaud Montebourg. L’amendement de M. Warsmann est censurable par le Conseil constitutionnel, car il entre dans un domaine échappant à la compétence du législateur organique.

Avec le Nouveau Centre – hommage soit rendu à la position de M. Lagarde ! –...

M. Christian Jacob. Longue vie à M. Lagarde !

M. Jean-Christophe Lagarde. Répétez donc cela tout à l’heure !

M. Arnaud Montebourg. … nous nous échinons à défendre des droits permettant de réguler la procédure de résolution, mais le constituant ne nous donne ni le droit ni la compétence de légiférer en la matière. En effet, en l’absence de renvoi explicite à la loi organique, le Conseil constitutionnel nous interdit d’intervenir en matière organique – c’est-à-dire, au fond, en matière de vote conforme avec le Sénat.

Ainsi, cette matière relève exclusivement du règlement intérieur et de la pratique à venir. Permettez-moi de vous dire que je préfère une pratique libre que nous élaborerions ensemble ; certaines positions de la majorité, comme celle que vient de défendre M. Lagarde, permettraient aux résolutions de s’épanouir comme elles le doivent. Je préfère cela à l’acceptation d’emblée des propositions de M. Warsmann, qui pousse à l’extrême le rétrécissement, la mise sous étau même, du droit de résolution, alors même que notre démocratie en a un besoin franc et urgent.

Nous soulevons là une objection majeure. À cet égard, je remercie Mme Batho, qui connaît la jurisprudence du Conseil constitutionnel bien mieux que notre rapporteur, M. Warsmann.

M. Jean Mallot. Honneur à Batho !

M. Arnaud Montebourg. Nous en reparlerons devant le Conseil constitutionnel !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 4029.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Le sous-amendement n° 4029 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 4027.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sous réserve de la possibilité, que nous souhaitons, de revenir dans la loi organique sur l’alinéa 2 de l’article 34-1 de la Constitution, nous proposons, pour améliorer l’amendement du président Warsmann, de le compléter en ouvrant la possibilité que l’avis du Premier ministre sur une proposition de résolution déposée sur le bureau d’une assemblée, dès lors qu’il n’est pas prononcé dans un délai de 48 heures, soit réputé favorable à son examen.

Je précise qu’à l’heure actuelle aucun délai n’est prévu pour l’allégation d’irrecevabilité que peut prononcer le Premier ministre. Le seul élément temporel contenu dans les amendements concerne la saisine de la commission, qui ne peut avoir lieu qu’après avis du Premier ministre sur la recevabilité. Nous ne saurions demeurer dans cette imprécision temporelle ; comment imaginer que le Premier ministre puisse utiliser le temps comme instrument pour ne pas se prononcer sur la recevabilité d’une proposition de résolution, évitant du même coup tel ou tel objet de son texte – une résolution, en effet, peut aussi avoir pour objet une question à régler en urgence.

Il faut donc élaborer les modalités d’allégation par le Premier ministre de l’irrecevabilité d’une résolution dans le cadre d’un défaut de réponse. Si, dans les 48 heures, le Premier ministre n’a pas allégué l’irrecevabilité de la résolution, celle-ci est réputée recevable et l’avis du Premier ministre est jugé favorable. Ainsi, nous pourrons imprimer un rythme à cette réponse, faute de quoi l’absence de réponse du Premier ministre pourrait devenir un élément permettant de différer la possibilité pour l’assemblée de se saisir de la résolution – quelle que soit l’urgence de son objet. Tel est le sens de ce sous-amendement.

M. Jean Mallot. Excellent sous-amendement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’avis de la commission ne peut être que défavorable. D’une part, le système proposé est alternatif et, partant, contradictoire avec la proposition que je formule dans l’amendement, puisque je suggère que le délai arrive à échéance lors de l’inscription de la résolution à l’ordre du jour de l’assemblée. D’autre part, au plan matériel, je doute que le Gouvernement puisse se prononcer en 48 heures sur une ou plusieurs résolutions – dont le nombre peut être incertain. Exiger qu’il se prononce dans les 48 heures ne présente donc aucun intérêt.

M. Roland Muzeau. Un peu de respect, tout de même !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je n’en manque pas ; je suis simplement en désaccord avec vous.

M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 4027, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Monsieur le président de la commission des lois, je comprends votre constance puisque, depuis le débat sur la réforme de la Constitution, vous êtes le maître d’œuvre de la réduction de ce pouvoir de résolution. Vous n’avez pas suivi ce qui était la préconisation essentielle du comité Balladur, même s’il vous a fallu faire droit, partiellement hélas, aux demandes du Sénat.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne crois pas que c’était sa principale proposition. Je crains que vous ne vexiez M. Balladur.

M. Manuel Valls. Au lieu de m’interrompre, votre rôle devrait être de chercher des solutions d’accord et de consensus.

M. Arnaud Montebourg. Il préfère créer des problèmes !

M. Manuel Valls. Vous créez en effet un problème en ne suivant pas la recommandation d’Édouard Balladur, qui considérait que le Parlement avait une vocation tribunitienne.

Ayant d’abord dû céder aux injonctions de M. Hyest, vous êtes maintenant, à travers la loi organique, en train de détricoter le droit de résolution. C’est la raison pour laquelle nous présentons plusieurs amendements et sous amendements.

Vous venez enfin de prendre la peine, après un long moment de silence, de nous répondre de manière lapidaire. Je souhaiterais cependant que vous répondiez plus précisément à la question que vous a posée Delphine Batho, laquelle a souligné ce qui est l’événement majeur de cette soirée, à savoir le fait que vous êtes en train de vous affranchir des règles constitutionnelles, que vous ne respectez pas la nature de la loi organique et que vous naviguez entre le texte fondamental qu’est la Constitution et le règlement de l’Assemblée ! Nous attendons donc une réponse précise à la question qui vous a été posée, sans quoi nous demanderons une suspension de séance.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. D’une part, je colle strictement à la Constitution et à l’article 34-1 ; d’autre part, j’ai déjà répondu à plusieurs reprises à Mme Batho qui, chaque fois, me rétorque sur un ton de vif reproche qu’il ne s’agit que de mon avis et qu’il ne vaut rien. Au risque de la décevoir, je réitère qu’il y a dans l’article 34-1 un premier alinéa concernant les conditions dans lesquelles s’applique le droit de résolution et que je considère que celles-ci sont respectées. Nous sommes dans le domaine de la loi organique.

Je respecte votre avis, mais permettez-moi d’en avoir un autre. Et, même si elle ne vous convainc pas, je vous livre ici mon interprétation.

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, je souhaiterais prendre la parole pour un rappel au règlement.

M. Claude Goasguen. Le soixante-septième !

M. le président. Vous avez la parole.

Mme Delphine Batho. Le président de la commission des lois omet le texte de son propre amendement, où figurent les termes « en application du deuxième alinéa de l’article 34-1 ».

Monsieur Warsmann, vous ne répondez donc toujours pas à notre question, puisque votre amendement, dans son exposé des motifs comme dans son texte vise le deuxième alinéa de l’article 34-1 de la Constitution, qui n’appelle aucune disposition de nature organique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne peux pas croire que vous soyez de bonne foi !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 4027.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Le sous-amendement n° 4027 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je réponds à nouveau que l’amendement que j’ai déposé a beau viser le second alinéa, il est bien conforme aux conditions posées. Je présume que vous étiez de bonne foi en le contestant, mais je n’ai pas la même interprétation que vous. En tout état de cause, le Conseil constitutionnel sera saisi et il tranchera.

M. le président. Je suis saisi d’un sous-amendement n° 4030.

J’annonce que ce sous-amendement fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Nous tentons à nouveau, avec ce sous-amendement, de trouver une solution au problème posé. Il est inacceptable en effet qu’un pouvoir supplémentaire du Parlement, le droit de résolution, soit réduit à néant par les conditions que pose notre collègue Warsmann et l’interprétation qu’il fait de la Constitution.

M. Christian Jacob. Notre excellent collègue Warsmann !

Mme George Pau-Langevin. Excellent mais, en l’espèce, la procédure qu’il propose est tout sauf excellente.

Partout dans notre droit existe la possibilité, lorsque quelqu’un se voit opposer un refus, de contester ce refus et d’en demander justification. Or, en l’espèce, l’on donne au Premier ministre un pouvoir exorbitant, puisqu’il a la possibilité de s’opposer à ce qu’un parlementaire puisse proposer une résolution sans avoir à s’en expliquer et sans que nous ayons le moindre recours contre sa décision.

Nous ne pouvons pas accepter, alors que notre système juridique prévoit toujours des voies de recours contre les décisions défavorables, que les parlementaires se privent de la possibilité de discuter la décision du Premier ministre, lequel peut, sans avoir à respecter la moindre procédure contradictoire, nous empêcher de déposer une résolution.

Je ne comprends pas que nous nous imposions à nous-mêmes des entraves d’une telle nature dans l’exercice d’un pouvoir que nous tenons de la Constitution et de nos concitoyens qui nous ont élus. Ce que nous sommes en train de faire n’est correct ni à l’égard du Parlement ni à l’égard de la démocratie.

Il faut impérativement que nous trouvions, parmi les diverses solutions que nous vous proposons, celle qui permette de corriger cette iniquité, de rendre possible un recours et de rétablir un minimum d’égalité entre les parlementaires et l’exécutif. Sinon, admettons une fois pour toutes que notre assemblée ne sert à rien, qu’elle est à la botte de l’exécutif et que nous n’avons rien à dire sauf quand le pouvoir exécutif nous autorise à ouvrir la bouche ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les amendements que nous avons préparés et qui sont devenus des sous-amendements ne sont pas inadéquats, contrairement à ce qu’estime la majorité. Ils visent à trouver des solutions qui préservent le droit de résolution de l’Assemblée, tout en tenant compte du fait que le Gouvernement ne veuille pas de certaines de ces résolutions. C’est légitime, et nous comprenons qu’il faille poser des limites. D’ailleurs, lors du débat constitutionnel, l’alinéa 2 de l’article 34-1 n’avait pas donné lieu aux mêmes discussions.

En revanche, nous voulons qu’une assemblée ait au moins la possibilité de connaître et de comprendre le motif au nom duquel le Premier ministre allègue le caractère irrecevable d’une résolution. Notre sous-amendement est rédigé en termes précis. Il propose que le président de l’assemblée puisse demander l’audition du Premier ministre. Cela n’a rien d’une obligation, et le président garde la liberté d’apprécier si l’irrecevabilité obéit ou non à des motifs clairs et évidents. Si tel n’est pas le cas, le Premier ministre peut être entendu par le bureau de l’assemblée.

Dans le cas cependant où le Premier ministre a rendu publique sa décision, celle-ci ne peut être contestée, et il n’est pas possible pour l’assemblée de l’auditionner.

C’est de cet équilibre entre des exigences contradictoires que nous tentons de dégager des solutions dont l’Assemblée dans son ensemble, la majorité, l’opposition et notre président ne tireraient que des bénéfices.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Le secrétaire d’État a donné un avis défavorable à cet amendement, ce que je comprends sans pouvoir m’y résoudre.

D’après cet article, c’est le Premier ministre qui évalue la recevabilité d’une résolution, en silence, sans avoir à justifier sa décision et sans que nous ayons aucune voie de recours ou de contestation.

L’actuel Premier ministre et le Gouvernement ont beau passer leur temps à proclamer qu’ils font confiance au Parlement et qu’ils souhaitent pour les commissions des compétences nouvelles, leur suspicion est permanente à l’égard non seulement des parlementaires mais même de leur majorité.

Quant à cette majorité, elle a peur du Gouvernement et n’arrive pas à s’assumer pour ce qu’elle est, à savoir la représentante des intérêts de la nation et pas uniquement une force de soutien à la politique gouvernementale.

Je ne vois pas en quoi il serait révolutionnaire d’introduire ce que nous proposons dans la loi organique. Nous ne parlons pas de convocation du Premier ministre mais d’une audition facultative, qui n’a rien d’automatique. Il n’y a là ni ordre ni injonction. C’est un outil que l’on propose de poser sur l’établi.

Il est dommage, au moment où l’on tente de mettre de la vitalité dans cette démocratie poussiéreuse et dans cette Constitution étriquée, que l’on n’arrive pas à se saisir d’occasions comme celle-ci. Quand on étudiera à l’université les dernières évolutions de la Constitution, on se demandera pourquoi nous n’avons pas osé franchir ce pas. Alors, du courage, mes chers collègues !

M. Manuel Valls. Que dira-t-on de Warsmann ?

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 4030.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Le sous-amendement n° 4030 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs sous-amendements identiques, nos 3956 à 3977.

La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Notre discussion révèle la volonté de la majorité et du Gouvernement d’empêcher que l’on améliore notre démocratie et que l’on dépoussière le Parlement en lui donnant la pleine mesure de sa fonction, notamment de sa fonction tribunitienne.

Delphine Batho a mis en difficulté le président Jean-Luc Warsmann en révélant, derrière l’opinion qu’il nous a livrée, la béance de ses explications.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il n’y a rien de béant, tout est très clair !

M. Manuel Valls. Non, monsieur Warsmann, vous ne nous avez donné que votre avis personnel.

M. Arnaud Montebourg. Ce sont les variations Goldberg de Jean-Luc Warsmann !

M. Manuel Valls. Nous respectons votre avis comme vous respectez notre interprétation, mais Delphine Batho n’en a pas moins débusqué la faille et les faiblesses.

Mais tout s’explique : nous avons ce soir un communiqué de presse de l’UMP. C’est du très bon Frédéric Lefebvre ; hélas, il ne nous fait pas le bonheur de participer à cette soirée – mais il va sans aucun doute arriver !

M. Jean Mallot. Il nous manque !

M. Manuel Valls. C’est l’un de ces communiqués dont il a le secret. Je lis : « le PS nous promettait un mur d’amendements ; il a tenu parole. Qu’il en profite : c’est le dernier ! »

Ce communiqué illustre parfaitement la stratégie du pouvoir, celle du Président de la République, et donc de l’un de ses porte-parole favoris ici à l’Assemblée nationale, qui publie un communiqué de presse tous les quarts d’heure. Ils ont la volonté de ne pas permettre l’approfondissement de notre débat démocratique à travers le droit de résolution ; ils veulent empêcher le droit d’amendement – droit sacré – de trouver toute sa place dans nos débats.

M. Arnaud Montebourg. Arrogance !

M. Manuel Valls. Monsieur le président, au nom du groupe socialiste, nous demandons à nous réunir pour examiner les conséquences de cette forfaiture politique.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Rien que ça !

M. le président. Je n’ai pas de demande officielle : monsieur Urvoas, confirmez-vous la demande de suspension ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Mon collègue Manuel Valls s’est laissé emporter, mais je confirme la demande de suspension pour réunir notre groupe.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission des lois demande aussi une suspension !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir le sous-amendement n° 3960.

Mme Delphine Batho. Nous en sommes toujours à l’article 3 et à l’amendement n° 3 du rapporteur. Au fur et à mesure de la discussion sur cet article, nous nous apercevons, que, in fine, ce sera aux juges constitutionnels de se prononcer aussi bien sur la recevabilité de la réécriture de l’article 3 que sur les voies de recours, question pourtant essentielle.

De nombreux actes parlementaires peuvent faire l’objet de recours auprès du Conseil constitutionnel. Or, s’agissant de la décision du Gouvernement de déclarer irrecevable une proposition de résolution, aucune voie de recours n’est prévue. Peut-être, comme l’ont dit plusieurs collègues, le Conseil constitutionnel sera-t-il amené, dans sa décision, à corriger cette situation. Quant à nous, nous proposons une solution qui consiste à prévoir qu’« en l’absence de motivation, le président de l’Assemblée ou tout président de groupe dont un parlementaire serait signataire de la proposition de résolution, peut demander l’audition du Premier ministre ». Vous remarquerez le caractère raisonnable de ce sous-amendement qui, avec les termes « peut demander », ouvre une faculté mais n’impose rien.

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir le sous-amendement n° 3961.

Mme George Pau-Langevin. Nous ne désespérons pas de faire comprendre à la majorité que l’intérêt et la dignité du Parlement nous imposent de trouver une voie de recours correcte. Nous ne saurions admettre que le Premier ministre puisse nous interdire de débattre et de prendre telle ou telle position sur un sujet que nous estimons devoir évoquer, d’autant que les résolutions nous avaient été présentées comme une alternative aux dispositions introduites par ailleurs en vue de limiter la possibilité, pour le Parlement, de légiférer dans un certain nombre de domaines.

C’est d’autant plus regrettable que les lois dont on nous a dit qu’elles n’étaient pas souhaitables portaient très souvent sur des sujets essentiels. Je rappelle que le président Accoyer a proposé que nous procédions par résolution au motif que des lois aussi importantes que la loi Gayssot, qui permet de s’opposer au négationnisme et aux propos antisémites, étaient critiquées. L’actualité récente montre que ces sujets peuvent revenir à l’ordre du jour. Nous devons pouvoir nous défendre contre certains poisons de la démocratie.

Si on nous dit qu’il n’est pas souhaitable de voter des lois mémorielles,…

M. Franck Gilard. Les lois mémorielles sont absurdes.

Mme George Pau-Langevin. …comme certains qualifient la loi Gayssot – dont je pense pour ma part que le principal objet est la lutte contre le racisme et l’antisémitisme –, si on nous dit que ces sujets devront à l’avenir faire plutôt l’objet de résolutions, il est inadmissible que nous soyons bridés dans la possibilité de déposer des résolutions, en tout cas qu’on subordonne l’exercice de cette faculté du Parlement à l’autorisation du Premier ministre, qui pourra faire ce qu’il veut, l’accorder ou non, et nous renvoyer alors à la niche !

Aujourd’hui, vous limitez de façon inacceptable les droits du Parlement, notamment en tant que défenseur de la démocratie et des libertés fondamentales. C’est très grave. Il faut impérativement que nous trouvions une solution.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Sur le vote des sous-amendements identiques nos 3956 à 3977, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jacques Valax, pour soutenir le sous-amendement n° 3963.

M. Jacques Valax. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me contenterai de quelques observations complémentaires.

J’aurais aimé que les multiples tentatives d’ouverture que nous avons faites au cours de cette soirée trouvent une petite concrétisation. J’aurais aimé que certaines explications puissent être données plus loyalement, plus ouvertement, plus tranquillement, plus sereinement. Mais je constate que nous nous heurtons à un mur. Vous nous opposez systématiquement un refus. En réalité, vous ne souhaitez rien faire. Il est dommage que nous ayons travaillé si tard pour arriver à ce résultat.

Je rappelle ce que je dis depuis le début de cette discussion.

M. Christian Jacob. Ce n’est peut-être pas utile.

M. Jacques Valax. Des problèmes essentiels pour la démocratie se posent : sur l’équilibre des pouvoirs, la motivation des décisions, la nécessité de répondre dans des délais précisément fixés.

S’il n’y a pas d’équilibre des pouvoirs, il n’y a plus de démocratie. Je le dis une fois encore, peut-être de manière un peu trop solennelle : en refusant de redonner au Parlement l’intégralité de ses pouvoirs, vous tombez dans un piège d’où vous ne pourrez plus jamais ressortir. C’est dommage.

M. Christian Jacob. C’est trop mou, trop ampoulé. Dites-le avec plus de cœur et de conviction ! Un peu de nerf !

M. Serge Blisko. Taisez-vous, perturbateur !

M. Jacques Valax. La motivation des décisions est un des principes essentiels, un des principes les plus élémentaires de notre droit : quelle que soit la décision, il faut qu’elle soit motivée. Concevoir qu’une décision soit rendue sans qu’il y ait la moindre justification juridique, sans qu’il y ait le moindre principe de droit invoqué, c’est la porte ouverte à l’arbitraire, aux abus.

Enfin, il est nécessaire de répondre dans des délais déterminés. Vous souhaitez que les résolutions soient examinées rapidement, vous exigez que les textes de loi soient discutés à brève échéance, et vous laisseriez la possibilité, fût-ce au Premier ministre, de fixer lui-même les délais pour répondre ?

Au nom des trois principes que je viens d’invoquer, il est nécessaire que vous adoptiez notre sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir le sous-amendement n° 3969.

M. Jean Mallot. À ce stade, je pense utile de recadrer nos débats. Nous en sommes toujours à l’article 3 et vous avez adopté l’amendement de M. Warsmann précisant que « si le Premier ministre estime qu’une proposition de résolution est irrecevable […], il le fait savoir ».

M. le président. L’amendement n’a pas encore été adopté, mon cher collègue. Il ne pourra l’être qu’après le vote sur les sous-amendements.

M. Jean Mallot. En effet. Je vous prie de m’excuser.

M. le président. Il est vrai qu’il est minuit moins cinq…

M. Jean Mallot. C’est juridiquement, politiquement et factuellement exact. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour essayer de donner un peu de contenu à l’intention affichée par le Gouvernement, nous proposons qu’« en l’absence de motivation, le président de l’Assemblée ou tout président de groupe dont un parlementaire serait signataire de la proposition de résolution, [puisse] demander l’audition du Premier ministre. »

L’UMP et son gouvernement, ici représenté,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est le gouvernement de la France !

M. Jean Mallot …ont laissé entendre que désormais les parlementaires auraient la possibilité de présenter des résolutions : c’est le sens de l’article 1er. Puis, dans l’article 2, cette possibilité a été quasiment vidée de son sens par la procédure. Dans l’article 3, tout le monde a reconnu le fameux couperet du veto du Premier ministre, un veto silencieux a dit quelqu’un tout à l’heure, un veto étouffé, ouaté, un veto fantôme en quelque sorte.

M. Christian Jacob. Il existe des vétos bruyants, des vétos pour animaux domestiques…

M. Jean Mallot. Vous n’êtes pas véto, mais vous êtes bruyant.

Nous considérons que cette décision du Premier ministre doit absolument être motivée. Pour cela, nous proposons que le Premier ministre puisse être auditionné par les parlementaires.

Mme Claude Greff. Pour dire quoi ?

M. Jean Mallot. M. Karoutchi ne devrait pas être allergique à cette proposition : ayant assisté à son audition devant la commission des lois à propos du projet de loi organique dont nous discutons depuis quelque temps et pour quelque temps encore, j’ai constaté qu’il semblait avoir pris une forme de plaisir à cette audition ; il s’est exprimé fort brièvement et de façon un peu incomplète, mais je pense que si nous l’avions poussé un peu plus dans ses retranchements…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je n’ai pas de retranchements.

M. Jean Mallot. …nous aurions fini par en tirer un peu plus d’éléments, ce qui nous aurait certainement permis d’abréger nos débats dans cette enceinte.

M. Guy Geoffroy. Oh !

M. Jean Mallot. Je vais prendre un exemple pour illustrer mon propos : imaginons que les parlementaires que nous sommes aient déposé une résolution portant sur la révision de la carte judiciaire.

M. Guy Geoffroy. Nous y voilà !

M. Arnaud Montebourg. Exemple pris au hasard !

M. Jean Mallot. La proposition de résolution part à Matignon, le Premier ministre la déclare irrecevable. Au même moment, la commission des lois est saisie d’un projet de loi de réorganisation judiciaire, on entend parler de pôles d’instruction. Je pense qu’il serait bon à ce moment-là que le Premier ministre, peut-être la garde des sceaux, vienne éclairer la lanterne des députés que nous sommes, parce que nous considérons que la carte judiciaire aurait dû être réorganisée en fonction de ce que nous appelons la justice de proximité, alors que le Premier ministre et sa garde des sceaux ont présenté une réforme fondée sur les pôles d’instruction.

M. le président. Monsieur Mallot, si vous voulez bien en venir à votre conclusion…

M. Jean Mallot. Pôles d’instruction qui vont probablement disparaître avec le juge d’instruction d’ailleurs. Tout cela est assez compliqué, cela bouge tous les jours.

M. Franck Gilard. On n’y comprend rien !

M. Jean Mallot. Cet exposé montre qu’une telle audition serait indispensable, ne serait-ce que pour que le Gouvernement voie clair dans ses propres intentions. Bref, nous lui rendons service en proposant cette disposition, que vous n’aurez évidemment aucune hésitation à adopter.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir le sous-amendement n° 3972.

Mme Catherine Lemorton. Il me semble que ce sous-amendement est plein de bon sens. Vous affirmez de manière péremptoire que les droits du Parlement sont renforcés. Or, au fur et à mesure que se déroulent nos débats, il apparaît qu’ils sont plutôt amoindris.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous aurez beau le répéter vingt fois, cela ne deviendra pas vrai pour autant !

Mme Catherine Lemorton. Dans une démocratie digne de ce nom, il est logique que le pouvoir exécutif rende des comptes au pouvoir législatif. Certes, chers collègues de la majorité, les débats vous semblent longs, trop longs… (« Non ! Pas du tout ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Ils en réclament encore !

Mme Catherine Lemorton. C’est logique, puisque nous sommes obligés de nous battre pour deux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr ! Nous nous battons aussi pour leurs droits !

Mme Catherine Lemorton. Je l’ai rappelé cette après-midi : nos situations peuvent s’inverser. Un jour, nous serons dans la majorité, et vous dans l’opposition.

À nos yeux, l’article 3 amendé par le rapporteur relève plutôt du fait du prince que du fonctionnement démocratique et transparent qu’exige notre République. Sans doute M. Warsmann aurait-il pu le récrire autrement, en s’inspirant d’un mot de François Ier (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : « Je suis le roi. Je veux être obéi. Portez demain mes ordres à mon Parlement. »

M. le président. Le sous-amendement n° 3977 est défendu par M. Blisko.

Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements nos 3956 à 3977 ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J’ai entendu beaucoup d’affirmations inexactes à propos de l’amendement de la commission, dont je rappelle qu’il a pour objet de limiter la période durant laquelle le Gouvernement peut lever l’irrecevabilité. Ce délai ne nuira en aucun cas au débat car, dès lors qu’une proposition de résolution sera inscrite à l’ordre du jour, le Gouvernement devra purger son irrecevabilité.

Par ailleurs, les orateurs ont parlé de rejet « ouaté » ou « feutré ». Mais la position du Gouvernement n’aura rien de secret. Ayez du sens pratique, mes chers collègues. Supposons que vous déposiez une proposition de résolution. Vous recevrez le bon à tirer, que vous signerez. Il sera alors publié au feuilleton qu’une proposition de résolution de M. X ou de Mme Y portant sur tel thème est diffusée. Si, une à deux semaines plus tard, le Gouvernement écrit au président de l’Assemblée nationale qu’il oppose l’irrecevabilité, l’information sera elle aussi publiée au feuilleton.

M. Jean Mallot. Mais la motivation ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’information sera, je vous le répète, totalement transparente.

Si c’est un président de groupe qui veut inscrire le projet de résolution à l’ordre du jour, il recevra du Gouvernement une réponse dans les quarante-huit heures. Pour le reste, chers collègues, je laisse libre cours à votre créativité. Mais vous ne pouvez nier la publicité de ce processus, dont seront informés, outre nos collègues, tous ceux qui s’intéressent à la vie du Parlement.

Avis défavorable aux sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Avis défavorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les sous-amendements n° 3956 à 3977.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Les sous-amendements nos 3956 à 3977 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux sous-amendements identiques, nos 3978 à 3999.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir le sous-amendement n° 3978.

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce sous-amendement procède de la même philosophie que les précédents, en proposant que, si la réponse du Premier ministre n’est pas motivée, le président de l’Assemblée ou tout président de groupe puisse demander son audition.

Les propos du rapporteur me paraissent pleins de bon sens. La décision du Premier ministre sera le fruit d’une analyse, d’autant que, loin de se réduire à quelques lignes, la résolution sera sans doute vaste ou complexe. D’où la nécessité d’une longue réflexion ou d’une délibération collective. Le Gouvernement rassemble en effet des esprits éminents, et l’on peut imaginer que le Premier ministre ait envie de s’éclairer de leurs lumières. Dès lors que sa décision sera motivée, pourquoi ne s’en expliquerait-il pas à l’Assemblée nationale ?

À défaut, les députés de l’opposition pourraient évidemment l’interroger au cours d’une séance de questions d’actualité, pour l’amener à s’exprimer. Mais pourquoi détourneraient-ils une procédure de son but, alors qu’il est si facile de prévoir l’audition du Premier ministre par le Parlement ?

Au sujet des questions d’actualité, je veux apporter une précision qui doit figurer au compte rendu. Hier, nous avons reçu un courrier du président Accoyer résumant certaines propositions relatives au statut de l’opposition. Mais ces propositions sont bien en deçà de celles qu’il avait évoquées en juillet, notamment en ce qui concerne le droit de suite ou de réplique. Ce droit n’est pas une invention sortie du cerveau d’un député socialiste ingénieux. Il s’applique déjà à l’Assemblée, notamment dans les séances de questions orales sans débat, dont je ne veux pas surévaluer l’intérêt et le dynamisme, mais qui offrent au moins cet avantage que les parlementaires peuvent répondre aux ministres.

M. Claude Goasguen. Hors sujet !

M. Jean-Jacques Urvoas. Pour l’instant, ce droit ne figure pas dans les propositions du président Accoyer, dont la copie nous paraît bien pâle. C’est pourquoi nous l’incitons à réfléchir et à formuler de nouvelles propositions avant que l’article 13 n’arrive en discussion.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il n’a pas besoin de vous !

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l’amendement n° 3979.

M. Dominique Raimbourg. Je reprends à mon compte les explications de M. Urvoas. Le sous-amendement n° 3979 vise à améliorer un texte qui, sinon, resterait bien imparfait. C’est pourquoi je vous incite à le voter, afin de rendre le droit de résolution effectif.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l’amendement n° 3981.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. le rapporteur s’amuse lorsqu’il nous assure que la décision du Gouvernement sera publique. Ignorerions-nous que, lorsqu’une demande de résolution est déposée, elle est transmise au Premier ministre qui allègue ou non l’irrecevabilité ? Notre question ne porte pas sur la forme, mais sur le fond. Or, à cet égard, il ne répond pas.

Pourtant, quand le Conseil constitutionnel se penchera sur le texte, il faudra que la question soit tranchée. Qui pourra contester la décision d’irrecevabilité que rendra le Premier ministre ? Qui pourra valider ou invalider son utilisation du dispositif prévu à l’article 3 du projet de loi organique ? Qui sera à même de décider que la résolution est effectivement de nature à remettre en cause la responsabilité du Gouvernement ? Considérera-t-on que l’avis du Premier ministre est constitutionnellement susceptible de priver l’Assemblée de son droit de résolution ?

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, il faut nous répondre : à qui incombera la décision de déclarer recevable ou non la réponse du Premier ministre, si les signataires de la résolution la contestent ? Dans une démocratie, on ne peut instituer un droit en en subordonnant l’exercice à une décision qui n’est susceptible d’aucun recours.

Nos sous-amendements ne visent qu’à mettre en place un contrôle de constitutionalité, dont on ne peut se dispenser dans notre pays, pour le cas où un désaccord surviendrait entre les signataires de la résolution et le Premier ministre. Si ce contrôle n’existe pas, il est inexact et fallacieux de prétendre que vous ménagez au Parlement un droit de résolution.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir le sous-amendement n° 3982.

Mme Delphine Batho. J’invite le rapporteur à compléter les explications qu’il nous a données. Il a décrit un mécanisme apparemment simple. Mais quel délai séparera l’annonce par un président de groupe, en conférence des présidents, de l’inscription d’un projet de résolution à l’ordre du jour et la réponse du Gouvernement sur sa recevabilité ? En commission, nous avions proposé qu’il ne puisse excéder quarante-huit heures. Qu’en est-il concrètement ?

D’un revers de la main, le rapporteur a balayé la question de la motivation. Par ce sous-amendement, nous proposons d’instaurer à tout le moins un dialogue entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Le Premier ministre ou, à défaut, le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement pourront ainsi venir expliquer leur décision.

J’insiste enfin sur la nécessité de ménager un parallélisme des formes. L’article 11 du projet de loi organique prévoit que, lorsque les parlementaires discuteront en commission des amendements qu’ils souhaitent déposer sur un projet de loi, le Gouvernement puisse demander à participer à leurs travaux. Mais ceux-ci ne pourraient pas auditionner un ministre sur la recevabilité d’un projet de résolution ? Il ne saurait y avoir ainsi deux poids, deux mesures sur des sujets aussi importants.

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax, pour soutenir le sous-amendement n° 3985.

M. Jacques Valax. Notre proposition n’est en rien une provocation. Nous voulons amorcer la possibilité d’une discussion. Dès lors qu’une décision est rendue, il est normal que l’on puisse connaître ses fondements juridiques et matériels. C’est ce qui justifie, à nos yeux, l’adoption de ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je défends le sous-amendement n° 3991 qui prévoit qu’en cas de désaccord sur la décision d’irrecevabilité, le président de l’Assemblée ou tout président de groupe peut demander l’audition du Premier ministre. Nous souhaitons ainsi aider le Gouvernement et la majorité à sortir de l’impasse dans laquelle ils sont en train de s’engager. En cas de désaccord sur la portée et la qualification de la proposition de résolution, que se passe-t-il ? Dans le dispositif que vous proposez, rien : l’impasse est totale, juridique, institutionnelle et politique. Un désaccord de ce genre peut prendre des proportions politiques dont vous perdriez rapidement la maîtrise. Il serait donc bon de prévoir des soupapes pour éviter que cette pression, au fond de l’impasse, ne débouche sur des modes de protestation et d’agitation divers dont vous subiriez les conséquences.

Nous proposons donc cette possibilité d’audition. Demandée par le président d’un groupe minoritaire, elle tendrait sûrement, dans son esprit, à contester la position prise par le Premier ministre à l’égard de la proposition de résolution ; demandée par le président du groupe majoritaire, elle aurait probablement pour objet de mettre en valeur la politique suivie par le Gouvernement.

Imaginons qu’un groupe dépose une proposition de résolution interdisant, en application du principe de précaution, la culture des OGM en plein champ. Compte tenu des difficultés internes à la majorité actuelle, on peut imaginer aussi que le Premier ministre oppose son veto, et qu’en conséquence le groupe à l’origine de la proposition souhaite l’auditionner. À défaut, que se passerait-il ? Les tensions internes à la majorité que nous avons vues à l’œuvre lors de la discussion du projet de loi sur les OGM, se développeraient, entreraient en résonance avec diverses positions politiques et associatives, tout cela aboutissant à un développement du débat dans tout le pays, dont le Gouvernement pâtirait. Nous essayons de vous offrir une porte de sortie.

M. le président. Sur le vote des sous-amendements identiques nos 3978 à 3999, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir le sous-amendement n° 3994.

Mme Catherine Lemorton. Dans notre démocratie, il faut rendre des comptes aux citoyens. Une proposition de résolution peut porter sur leur quotidien, leur vécu. Si la recevabilité est contestée, il faut que nous puissions en rendre compte dans nos circonscriptions.

Mme Claude Greff. Commencez par leur expliquez ce que vous êtes en train de faire.

Mme Catherine Lemorton. Sinon, ce n’est pas digne d’une démocratie. Je vous demande donc d’accepter ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les sous-amendements identiques nos 3978 à 3999.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Les sous-amendements identiques nos 3978 à 3999 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série de sous-amendements identiques, nos 4033 à 4054.

J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de ces sous-amendements, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je défends le sous-amendement n° 4033 qui tend à compléter l’alinéa 2 de l’amendement 3 par la phrase suivante :

« En l’absence de motivation, le Président de l’Assemblée ou tout président de groupe peut demander l’audition publique du Premier ministre ».

C’est donc une situation totalement différente de celle que nous venons d’évoquer. Même si ce n’est pas explicitement prévu, rien n’interdit au Premier ministre de transmettre un avis au président de l’Assemblée. Ce serait une manifestation d’originalité, et les éléments de cet avis ne seraient pas nécessairement rendus publics. Le Premier ministre reste en principe responsable de l’exécutif – du moins aux termes de l’article 20 de la Constitution, qui prévoit que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation », même si, aujourd’hui, dans la pratique novatrice du Président de la République, le Gouvernement, bien que l’on s’occupe encore de le remanier, ne joue plus le rôle que les fondateurs de la Ve République lui avaient confié : aujourd’hui, l’exécutif se résume à la personne du Président, accompagné de ses collaborateurs, qui sont des fonctionnaires, mais s’expriment néanmoins publiquement, ce qui n’était pas habituel. Le Premier ministre, donc, en sa qualité de chef du Gouvernement, serait amené à être entendu publiquement afin d’éclairer non seulement le président de l’Assemblée, mais aussi les groupes et donc tous les députés, qui auront à se prononcer quand la résolution viendra en séance publique, puisqu’on a refusé de la faire passer par les commissions, transformant en quelque sorte une résolution en motion.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre le sous-amendement n° 4034.

M. Dominique Raimbourg. M. Urvoas a expliqué comment ce sous-amendement permettrait de sortir de l’impasse grâce à la procédure d’audition.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves le Bouillonnec, pour défendre le sous-amendement n° 4036.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il nous faut absolument trancher de la façon d’apprécier la décision par laquelle le Premier ministre allègue qu’une proposition de résolution est irrecevable. Tous nos sous-amendements visent à conforter la modification de l’article que le rapporteur a présentée en la complétant par trois éléments. D’abord, le Premier ministre qui exerce sa faculté de déclarer la résolution irrecevable doit faire connaître les motifs sur lesquels il se fonde. Ensuite, le président de l’Assemblée, les présidents de groupe ou les signataires de la résolution doivent pouvoir exprimer leur désaccord sur cette appréciation du Premier ministre. Enfin, il faut qu’intervienne une appréciation constitutionnelle de la position du Premier ministre.

Pour l’instant, nous essayons de connaître la motivation du Premier ministre. S’il ne l’a pas donnée publiquement, nous proposons cette possibilité d’audition. Il ne peut décider ainsi in petto. La démocratie exige que lorsqu’il exerce son autorité, il motive les fondements de sa décision.

En développant cet argument, nous ne voulons en rien retarder le débat (Rires sur les bancs du groupe UMP) mais combler une lacune. Vous pouvez penser ce que vous voulez, nous voulons au moins fixer un cadre au dispositif de la loi organique, loi dont j’ai suffisamment dit lors des débats de juin dernier qu’elle n’était pas nécessaire…

M. le président. Je vous remercie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais nous admettons le fait majoritaire et la Constitution s’impose à nous. Je ne demande pas qu’on en supprime l’article 34-1. mais nous voulons affiner sa mise en œuvre.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je défends le sous-amendement n° 4037. Nous assumons, depuis le début, notre volonté de ralentir, dans une forme d’obstruction, l’examen de ce projet de loi organique, puisqu’il porte atteinte aux droits fondamentaux des parlementaires, de l’opposition comme de la majorité. En latin, obstruere signifie « rendre le passage difficile », et il est bien dans nos intentions de prendre le temps de la discussion.

Je veux toutefois souligner la qualité des arguments invoqués depuis le début de la soirée par mes collègues.

M. Jean-Frédéric Poisson. La qualité n’est pas parfaitement homogène !

Mme Delphine Batho. À l’instar de M. Urvoas et de M. Le Bouillonnec, ils ont posé avec pédagogie des questions importantes, tant juridiquement que politiquement.

Mon sous-amendement vise à permettre au président de l’Assemblée nationale, ou à tout président de groupe, de demander l’audition publique du Premier ministre, si ce dernier a estimé qu’une proposition de résolution était irrecevable sans motiver sa décision.

Le rapporteur peut-il au moins nous donner des précisions concrètes sur la procédure qui s’appliquera aux propositions de résolution ?

Mme Claude Greff. Encore !

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Les arguments présentés par Mme Batho et M. Urvoas sont particulièrement pertinents et valent pour le sous-amendement n° 4040.

J’ose espérer, Mme Greff, que votre patience saura triompher des heures qui nous séparent de la fin de cette soirée.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Le sous-amendement n° 4046 prévoit qu’en « l’absence de motivation, le président de l’Assemblée ou tout président de groupe peut demander l’audition publique du Premier ministre ».

Si nous nous en tenions à l’article 3 du projet de loi organique, le Premier ministre serait juge et partie de la recevabilité des propositions de résolution de l’article 34-1 de la Constitution. Il lui appartiendrait de décider seul si elles contiennent une injonction à son égard ou si elles sont de nature à mettre en cause sa responsabilité.

Pour être tolérable dans une démocratie, cette position du Premier ministre exige que la décision d’irrecevabilité soit motivée. À défaut, les fameux « droits nouveaux du Parlement » annoncés par le Gouvernement se réduiraient à rien. Il ne s’agirait que d’un leurre.

Je prendrai l’exemple du désormais célèbre CPE, le contrat première embauche, que le gouvernement de M. de Villepin avait fait adopter, d’ailleurs difficilement, en utilisant l’article 49-3 de la Constitution. Après le débat au Parlement, la société civile – selon l’expression que personne n’aime, mais que nous utilisons tous – s’était emparée du sujet, éclairée par les arguments des parlementaires. Sous la pression populaire, M. de Villepin avait fini par retirer le CPE. À l’époque, la discussion d’une proposition de résolution aurait pu permettre à l’Assemblée nationale de se réapproprier ce débat. Elle aurait sans doute aussi permis à certains députés, partisans du ministre de l’intérieur de l’époque, de rejoindre les élus de gauche pour exprimer leur désaccord avec la politique du Premier ministre et le CPE.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir le sous-amendement n° 4049.

Mme Catherine Lemorton. Si une proposition de résolution est rendue irrecevable par la seule volonté du Premier ministre, il faut bien que ses auteurs en comprennent la raison.

Mme Claude Greff. On n’est pas sortis d’affaire !

Mme Catherine Lemorton. Ne serait-ce que pour pouvoir déposer, sans reproduire les mêmes erreurs, d’autres propositions de résolution, y compris sur des sujets différents. La moindre des choses est donc que nous puissions entendre le Premier ministre et débattre avec lui.

M. Jean Mallot. Cela tombe sous le sens !

Mme Catherine Lemorton. J’espère que nous n’en arriverons pas à ce que le Premier ministre ne sorte plus de Matignon !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements identiques ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. Je vais donc inviter l’Assemblée à se prononcer sur...

M. Jean-Jacques Urvoas. Rappel au règlement !

M. le président.Vous avez la parole, monsieur Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il me semble qu’aux termes de l’article 66, alinéa 1er, du règlement de l’Assemblée nationale, il est prévu que cinq minutes au moins doivent s’écouler entre l’annonce d’un scrutin public… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Urvoas, cette annonce a été faite il y a plus de cinq minutes, dès l’appel du premier sous-amendement de cette série. Il n’y a aucun problème.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie monsieur le président, je voulais être certain d’avoir bien lu le règlement de l’Assemblée nationale. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les sous-amendements nos 4033 à 4054.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Les sous-amendements nos 4033 à 4054 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à vingt-deux sous-amendements identiques, nos 4000 à 4021, toujours à l’amendement n° 3 de la commission des lois.

Sur le vote de ces sous-amendements, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il me semble que M. Warsmann devrait revoir sa position sur le sous-amendement n° 4000. En effet, nous avions déjà proposé un tel dispositif lors de l’examen du projet de loi constitutionnel, et plusieurs députés de la majorité nous avaient rejoints.

Que se passerait-il en cas de désaccord entre un Premier ministre arguant de l’irrecevabilité d’une proposition de résolution et le président de l’Assemblée nationale ? Le cas peut se produire.

M. Jean Mallot. Des divergences sont possibles !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et il ne faut pas remonter bien loin !

M. Jean-Jacques Urvoas. Aujourd’hui, rien n’est prévu dans ce cas. Le sous-amendement n° 4000 propose donc une solution qui s’inspire des nouvelles dispositions de l’article 39, alinéa 4, de la Constitution. Il permet au président de l’Assemblée nationale, dans un délai qui ne peut pas excéder huit jours, de saisir pour avis le Conseil constitutionnel. Nous nous sommes évidemment demandés si cette institution était bien la structure adéquate pour un tel arbitrage. En effet, aujourd’hui, la composition du Conseil constitutionnel ne nous semble pas être de nature à favoriser le pluralisme.

M. Jean Mallot. C’est une litote.

M. Jean-Jacques Urvoas. Dans le cadre de la révision constitutionnelle, nous avions d’ailleurs suggéré d’en faire une Cour constitutionnelle. Plus de cinquante ans après sa création, le Conseil constitutionnel s’est en effet transformé, et une modification de son statut s’impose. Nous avons toutefois considéré que, même en l’état, en cas de désaccord, il serait en mesure de donner un éclairage utile.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Nous avons cherché une procédure qui « civilise » le droit de veto accordé au Premier ministre sur les propositions de résolution. Le sous-amendement n° 4001 reprend donc le mécanisme de l’article 39. Il est conforme à la Constitution et compatible avec son article 34-1. Son adoption rendrait effectif le droit de résolution.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le projet de loi organique accorde au Gouvernement un droit de vie et de mort sur les propositions de résolution. En les déclarant irrecevables, il peut les condamner avant même leur naissance sans qu’aucun recours ne soit possible.

Le dispositif relatif aux résolutions parlementaires, que le Gouvernement et la majorité présentaient comme une avancée majeure lors de la dernière révision constitutionnelle, est donc totalement vidé de sa substance.

Pour y remédier, le sous-amendement n° 4004 se contente de donner la possibilité au président de l’Assemblée nationale, membre de la majorité, de saisir le Conseil constitutionnel. Il ne s’agit pas d’une saisine par soixante députés ou par le président d’un groupe de l’opposition.

Je vous invite donc à lire attentivement le texte de ce sous-amendement : « En cas de désaccord, le président de l’Assemblée saisit pour avis le Conseil constitutionnel dans un délai ne pouvant excéder huit jours. » S’il est un seul des sous-amendements que nous avons déposés sur l’amendement n° 3 du rapporteur qui mérite d’être adopté à l’unanimité, c’est bien celui-ci. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’ajoute que le dispositif que nous proposons est directement inspiré du mécanisme prévu à l’article 39 de la Constitution en cas de désaccord entre le bureau de l’Assemblée et le Gouvernement sur l’inscription des projets de loi à l’ordre du jour, ainsi que de celui prévu en cas de désaccord sur la conformité aux études d’impact, dont le président de la commission des lois nous a longuement entretenus lors de la dernière réunion de la commission destinée à examiner le projet de loi organique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir le sous-amendement n° 4003.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est bien entendu inimaginable qu’il ne se passe rien une fois que le Premier ministre aura déclaré une proposition de résolution irrecevable. Cette décision provoquera un débat politique, notamment à l’Assemblée, et un débat dans l’opinion, et puis quoi ? Naturellement, soixante députés saisiront, dans des conditions pour l’instant encore indéterminées, le Conseil constitutionnel, qui décidera s’il peut être ou non saisi de cette question. Or le rôle du Conseil constitutionnel n’est pas de décider à la place du constituant…

M. Claude Goasguen. Alors retirez votre sous-amendement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …mais d’interpréter la Constitution. C’est pourquoi nous n’avons de cesse d’inscrire dans la loi organique les conditions dans lesquelles le Premier ministre peut invoquer l’irrecevabilité et, en cas de désaccord, la possibilité pour le président de l’Assemblée de saisir le Conseil constitutionnel. Ces sous-amendements nous permettent donc de conserver l’initiative au lieu de dépendre d’une décision de principe ultérieure du Conseil constitutionnel.

M. Jean Mallot. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La situation dans laquelle vous nous placez est tout aussi insupportable que l’hypothèse dans laquelle le législateur, conscient d’une imprécision de la loi, déciderait de laisser à la jurisprudence le soin de combler une lacune qu’il aurait choisi d’ignorer.

M. Jean Mallot. Excellent parallèle !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s’agit, non pas de nier le rôle de la jurisprudence, mais de rappeler que c’est bien au législateur qu’il revient de veiller à ce que la loi soit la plus précise possible, pour que la justice ait à l’interpréter et non à la compléter.

En tout état de cause, vous n’échapperez pas à cette question, mes chers collègues. Ce n’est pas parce que vous avez reçu l’instruction de ne rien dire, de ne rien faire et de ne rien nous concéder que le problème ne se posera pas. Nous souhaitons, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous laissiez décider ensemble des conditions d’exercice du droit de résolution. Tant que vous n’aurez pas réglé ce problème,…

M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue. On vous a bien compris.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, permettez-moi de terminer ma phrase de conclusion. Tant qu’il n’aura pas réglé ce problème, disais-je, le Gouvernement ne nous aura pas convaincus qu’il a la volonté de donner le droit de résolution au Parlement.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Après les OGM et le CPE, je suppose que vous allez nous citer un autre exemple, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Peut-être pourriez-vous nous dire lequel, monsieur le président : je suis certain que vous le savez. (Sourires.)

Par le sous-amendement n° 4013, je souhaite convaincre le Gouvernement – mais il a l’air têtu – et la majorité de la nécessité d’offrir une possibilité de recours en cas de désaccord sur la décision du Premier ministre, dont j’ai rappelé tout à l’heure qu’il était, en l’espèce, à la fois juge et partie.

M. Claude Goasguen. C’est absurde !

M. Jean Mallot. Le sous-amendement prévoit également que le président de l’Assemblée doit saisir le Conseil Constitutionnel dans un délai ne pouvant excéder huit jours. Ce délai est important, car il permettrait d’empêcher l’enlisement de la proposition de résolution, enlisement qui lui serait fatal.

Par ailleurs, je souhaiterais rappeler les débats qui ont eu lieu, en commission des lois, lors de la deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle : « Tout en admettant qu’une restriction à la possibilité d’adopter des résolutions n’est pas inacceptable, pour éviter tout détournement de la procédure visant à mettre en cause la responsabilité gouvernementale, Arnaud Montebourg s’est interrogé sur l’autorité légitime pour trancher les cas litigieux. Il a ainsi suggéré que le Gouvernement ou – comme nous le proposons dans notre sous-amendement – le président de l’Assemblée nationale puisse, en cas de doute, saisir le Conseil constitutionnel afin de constater tout éventuel détournement de procédure.

« M. Dominique Perben s’est interrogé sur les modalités concrètes de mise en œuvre du dispositif prévu par l’amendement du rapporteur, dont il a déclaré comprendre l’esprit, mais pas la logique procédurale, consistant à donner au Gouvernement la possibilité de priver une assemblée parlementaire d’un débat qu’elle souhaite tenir, alors qu’habituellement, ce sont plutôt des instances juridictionnelles supérieures ou parlementaires qui sont investies d’un tel pouvoir. »

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Jean Mallot. Pour être complet, je dois ajouter que M. Goasguen a, quant à lui, exprimé les plus grandes réserves à l’égard de l’utilisation pouvant être faite de la procédure instaurée par l’amendement du rapporteur et il a estimé qu’il n’était pas aisé – il ne l’a donc pas écarté – de définir quel rôle pouvait remplir le Conseil constitutionnel en la matière.

M. Claude Goasguen. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean Mallot. En conclusion, je rapprocherai l’absence du recours qui nous permettrait d’exercer véritablement le droit de résolution que l’on nous promet, du sort qui a été réservé à un amendement que nous avions déposé sur les référendums d’initiative partagée et qui a été renvoyé aux calendes, voire ad patres. Si la majorité ne retenait pas ce sous-amendement, elle écarterait la possibilité pour le Parlement d’exercer ce que l’on nous avait annoncé comme un de ses nouveaux droits.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements identiques nos 4000 à 4021 ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je suis un peu surpris par le caractère laconique de la réponse du rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann. Je présenterai ultérieurement un amendement de la commission visant à sécuriser la procédure d’inscription des propositions de résolution. Je vous répondrai à cette occasion.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la série de sous-amendements identiques nos 4000 à 4021.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(Les sous-amendements nos 4000 à 4021 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 de la commission.

(L’amendement n° 3 est adopté.)

M. le président. L’article 3 est ainsi rédigé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En conséquence, tous les autres amendements à cet article tombent.

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 3881 rectifié, portant article additionnel après l’article 3.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement, que j’ai évoqué il y a un instant, vise à sécuriser la procédure d’inscription des propositions de résolution. Lorsque le président d’un groupe parlementaire envisagera de demander l’inscription une telle proposition à l’ordre du jour, il devra en informer le président de l’Assemblée au plus tard quarante-huit heures auparavant. Le président en informera sans délai le Premier ministre.

Cet amendement permet de purger l’exercice de l’exception d’irrecevabilité avant l’inscription de la proposition de résolution à l’ordre du jour et d’éviter ainsi que la possibilité pour le Gouvernement de soulever l’irrecevabilité retarde cette inscription. Cela me semble être un compromis pragmatique, qui permettra à l’Assemblée de délibérer lorsqu’un groupe parlementaire le souhaitera.

M. Claude Goasguen. Excellent !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3881 rectifié.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je demande la parole, monsieur le président !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous ne pouvons pas nous exprimer sur l’amendement ?

(L'amendement n° 3881 rectifié est adopté.)

M. Jean-Jacques Urvoas. Rappel au règlement !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Avec l’amendement n° 3881 rectifié, le rapporteur fait montre de bonne volonté, puisqu’il a souhaité trouver un terrain d’entente. Mais il est une heure du matin et notre capacité de compréhension est quelque peu altérée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il ne me paraît pas choquant que nous prenions quelques secondes pour lire cet amendement,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il a été examiné par la commission !

M. Jean-Jacques Urvoas. …même si c’est un peu tard, puisqu’il a été adopté. Je vous demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 16 janvier 2009 à une heure, est reprise à une heure cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour un soixante-neuvième rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Jacques Urvoas. Je veux redire à quel point je regrette la précipitation dans laquelle s’est déroulé le débat juste avant la suspension. En effet, l’amendement du rapporteur paraissait tout à fait intéressant, et nous aurions aimé le voter (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas grave, nous l’avons fait pour vous !

M. Jean-Jacques Urvoas. …comme nous l’avions voté en commission. Mes chers collègues, il est dommage que nous ne puissions travailler en séance publique comme nous travaillons en commission des lois, c’est-à-dire sérieusement, sans tumulte ni fracas. À l’occasion des débats en commission, qui ont duré plus de quatre heures, le rapporteur avait pris l’engagement de réécrire quelques articles afin de parvenir à un consensus entre les propositions de la majorité et celles de l’opposition.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’engagement a été tenu !

M. Jean-Jacques Urvoas. L’engagement a effectivement été tenu, et je répète que j’ignorais que nous allions aborder l’un des amendements que nous avions déjà votés.

M. Guy Geoffroy. Il n’était pas difficile de le voir !

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous aurions aimé pouvoir disposer de quelques instants pour relire cet amendement. L’examen d’un projet de loi organique reste un événement suffisamment rare pour que nous consacrions quelques secondes à la lecture d’un texte ayant vocation à s’appliquer pendant des années. Je regrette donc, je le répète, de n’avoir pu voter l’amendement présenté par le rapporteur.

M. Guy Geoffroy. Cela figurera au compte rendu des débats !

M. Jean-Jacques Urvoas. Toutefois, autant je donne crédit au rapporteur sur les délais, autant la question du recours auprès du Conseil constitutionnel, soulevée il y a quelques instants, reste pour le moment sans réponse.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Après les longues heures de débat que nous avons eues sur des séries d’amendements, il ne me paraît pas inutile de vous rappeler, monsieur Urvoas, que l’examen de ce projet de loi organique s’apparente à un exercice contraint – ce que vous avez, me semble-t-il, quelque peu perdu de vue en faisant un certain nombre de propositions très clairement contraires à la Constitution. Vous avez même, à un moment donné, réintroduit un débat que vous aviez déjà engagé, exactement dans les mêmes termes, lors du débat sur la révision constitutionnelle. Le problème est que vous ne disposez plus aujourd’hui de la même marge de manœuvre en termes de créativité, les modifications de la Constitution auxquelles il a été procédé s’imposant à notre assemblée. C’est le principe même de la hiérarchie des normes, et nous devons admettre les contraintes que cela implique. En l’occurrence, il est impossible de se soustraire aux dispositions très précises de l’article 34-1.

M. Jean-Jacques Urvoas. Aucun recours ne sera donc possible ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La Constitution est très claire sur ce point, il appartient à chacun d’en tirer les conséquences qui s’imposent.

Article 4

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 4.

La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. L’article 4 est ainsi rédigé :

« Une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée moins de huit jours après son examen en commission.

« Une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour avant l’expiration d’un délai de douze mois suivant la discussion en séance de la proposition antérieure. »

Nous voyons dans ce délai de douze mois, qui constitue un élément d’encadrement de l’initiative parlementaire, une nouvelle tentative de restreindre le pouvoir du Parlement. Le groupe SRC a donc présenté une série d’amendements visant à réduire ce délai, contestable pour plusieurs raisons. Pourquoi imposer des délais d’inaction au Parlement, alors que le Gouvernement n’est, quant à lui, astreint à aucune obligation en la matière ?

Par ailleurs, alors que les propositions de résolution seront sans doute fréquemment liées à l’actualité, il ne paraît pas logique d’imposer un délai de huit jours entre l’examen en commission et l’inscription à l’ordre du jour. Les propositions ne seront que très peu modifiées à l’issue de l’examen en commission, dans la mesure où l’article 5 du présent projet de loi interdit tout amendement en commission et dispose que la proposition peut seulement être rectifiée par les signataires. Enfin, dans le cas du dépôt d’une motion de censure, le vote peut avoir lieu 48 heures après son dépôt. Rien ne justifie donc que les propositions de résolution, d’un impact bien moindre, soient assorties d’un délai de huit jours.

Tels sont, monsieur le président, les éléments nous ayant conduits à déposer ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Le Gouvernement a commencé par affirmer que le droit de résolution constituait une avancée pour le Parlement, avant de vider ce nouveau droit de son sens dès l’article 2. L’article 3 offre au Premier ministre la possibilité de manier le couperet comme bon lui semble. Avec l’article 4, nous allons découvrir comment le Gouvernement s’arrange pour décourager les parlementaires en instaurant des délais dissuasifs.

Il est dit au premier alinéa de l’article 4 qu’« une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée moins de huit jours après son examen en commission ». Pourquoi pas une semaine ou quinze jours ? Rien, dans l’exposé des motifs, ne justifie que ce délai – dont le point de départ n’est, au demeurant, pas clairement défini – soit précisément fixé à huit jours.

Le second alinéa prévoit qu’« une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition antérieure  ne peut être inscrite à l’ordre du jour avant l’expiration d’un délai de douze mois suivant la discussion en séance de la proposition antérieure ». Cette restriction suscite, elle aussi, plusieurs interrogations. Que se passe-t-il lorsqu’on change de législature ? Imaginons qu’une résolution soit examinée dans les deux mois précédant la fin d’une législature : les membres de la nouvelle assemblée élue se verront-ils imposer un délai d’inaction de quatre mois ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce cas est prévu !

M. Jean Mallot. C’est peut-être évident pour vous, monsieur le rapporteur, mais ce n’est pas écrit, et nous devrons donc discuter de cette question.

Enfin, la notion de « même objet » paraît insuffisamment définie. Imaginons qu’une résolution portant sur la révision générale des politiques publiques soit inscrite à l’ordre du jour, que sa discussion permette à chacun de s’exprimer sur la politique du Gouvernement en la matière et que, trois mois plus tard, des parlementaires souhaitent déposer une proposition de résolution portant sur la situation au sein de l’éducation nationale.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Les auteurs de la deuxième résolution se verront-ils opposer le fait qu’il a déjà été débattu d’une résolution portant sur la révision générale des politiques publiques il y a moins de douze mois ?

De même, la discussion d’une résolution sur la situation au Proche-Orient empêcherait-elle que l’on dépose, trois mois plus tard, une autre résolution suscitée par un événement précis, tel que le déclenchement d’une opération militaire à Gaza ? Le projet de loi semble devoir être interprété de cette manière, mais je reste à l’écoute de toute précision complémentaire que vous voudrez bien m’apporter à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Le second alinéa de l’article 4 pose effectivement plusieurs problèmes, notamment en raison d’une rédaction trop imprécise. Par « même objet », convient-il d’entendre le même objet en général, ou le même objet au sens strict, c’est-à-dire exactement la même question que celle qui a déjà été traitée ?

Par ailleurs, rien n’indique à quoi se rapporte ce délai de douze mois, qui ne correspond à rien. On aurait tout aussi bien pu faire référence à la durée d’une session parlementaire ou à un autre délai, quel qu’il soit.

Enfin, d’une manière générale, il ne paraît pas normal que ce nouveau droit de résolution offert aux parlementaires, dont la mise en œuvre est déjà encadrée par les articles 2 et 3, se voie encore plus strictement limité par l’obligation de respecter un certain délai entre le dépôt de deux résolutions.

Pour toutes ces raisons, l’article 4, au moins en son deuxième alinéa, appelle de sérieuses réserves.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. En reprenant l’irrecevabilité de l’article 34-1 de la Constitution, l’article 3 de ce projet de loi accorde un droit de veto au Gouvernement à l’égard des résolutions déposées par les parlementaires.

Quant à l’article 4, il est destiné à jouer le rôle d’un couperet. Dans la version initiale du Gouvernement, le premier alinéa était intéressant, dans la mesure où il prévoyait la discussion en commission avant le passage en séance publique. Malheureusement, le rapporteur va supprimer l’examen en commission pour instaurer un système de délais basé sur la date de dépôt de la proposition de résolution.

C’est le deuxième alinéa qui pose le plus de problèmes, avec toutes les interrogations que suscitent d’une part le délai de douze mois, d’autre part la notion de « même objet » à laquelle il est fait référence.

Imaginons que le groupe SRC dépose une proposition de résolution tendant à instaurer la commémoration de la guerre d’Algérie le 19 mars ; puis, que d’autres groupes déposent une proposition de résolution tendant à commémorer la même guerre, mais pas à la même date.

M. Guy Geoffroy et M. Guy Lefrand. La fin de la guerre !

M. Jean Mallot. Vous voyez, ce qu’elle dit vous intéresse !

Mme Delphine Batho. Oui, la fin de la guerre ! Le 5 décembre n’est pas la fin de la guerre d’Algérie, mais c’est un autre débat !

Les deux résolutions ont le même objet. En revanche, elles ne sont pas rédigées dans les mêmes termes et ne disent pas exactement la même chose. Si, par exemple, le groupe SRC inscrit sa proposition dans le cadre d’une niche parlementaire et qu’elle est rejetée, les parlementaires de la majorité ne pourront pas inscrire dans une prochaine séance une résolution sur un sujet comparable pour répondre à leurs collègues de l’opposition.

Il y a un vrai souci de rédaction à conserver les termes « ayant le même objet », car cette disposition peut tout simplement interdire aux groupes parlementaires de prendre des positions différentes, voire contradictoires, sur une même question.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Les remarques de mes collègues sont de bon sens. Il n’y a aucune raison de ne pas inscrire à l’ordre du jour une proposition de résolution portant sur le même sujet qu’une proposition antérieure.

En outre, les termes « même objet » sont particulièrement flous. S’il est compréhensible d’interdire l’inscription à l’ordre du jour d’une résolution rédigée dans les mêmes termes, qui va déterminer la similitude d’objet ? Quel contentieux va faire naître l’imprécision de cette notion ? Il y a là des difficultés qui ne sont pas tranchées par le texte.

Jean Mallot a raison : nous sommes partis du droit de résolution ; il a d’abord été considérablement mis à mal par le droit de veto du Premier ministre ; ensuite ont été mis en place des délais pour en restreindre encore l’exercice ; enfin,on interdit de déposer une résolution sur le même sujet avant un an. Petit à petit, ce nouveau droit se vide de son contenu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Vous ne serez pas surpris par la teneur des interrogations que suscite de notre part l’article 4.

Le Gouvernement, effrayé par sa propre audace d’avoir autorisé le droit de résolution, n’a de cesse, article après article, de le restreindre par des verrous, des corsets, des cliquets. En l’occurrence, nous en sommes aux délais. On imagine le Gouvernement, lorsque le texte a été écrit, se décidant à donner le droit de résolution mais, horresco referens, pas de nouveau avant douze mois, pour être tranquille et ne pas risquer de voir le même sujet revenir en discussion avant un an !

En réalité, comme souvent, le Gouvernement n’a pas fait preuve d’une grande imagination. Car quels sont les délais évoqués ? Je suppose que le délai de douze mois est proposé, comme disent les juristes, par parallélisme des formes avec l’article 84 du règlement de l’Assemblée nationale, qui prévoit certes le même délai, mais pour les propositions de loi. Cet article précise en effet que « les propositions repoussées par l’Assemblée ne peuvent être reproduites avant un délai d’un an ». Si telle est bien la référence, j’estime pour ma part qu’il n’y a rien de comparable. Une proposition de loi engage avec précision ; il est possible de déposer plusieurs dizaines de propositions de loi ayant le même objet et c’est bien celles qui ont été rédigées dans les mêmes termes qui ne peuvent être reproduites avant un an.

Dans la mesure où les avis du Conseil d’État ne sont pas publics, je ne peux parler qu’au conditionnel. Mais j’ai entendu dire que le délai de douze mois avait suscité la curiosité et la perplexité du Conseil d’État. Celui-ci aurait suggéré au Gouvernement de s’en tenir à trois mois, base sur laquelle nous aurions pu discuter.

Mes collègues vous ont fait part de quelques interrogations portant sur le vocabulaire. Je partage, bien sûr, leurs réserves quant aux propositions de résolution « ayant le même objet », expression qui, en réalité, ne veut rien dire. Nous avons déposé un amendement y substituant l’expression « rédigées dans les mêmes termes », qui nous semble préférable.

Enfin, l’alinéa 2 de l’article 4 évoque, sans plus de précision, l’inscription « à l’ordre du jour ». Tel qu’il est rédigé, il est difficile de savoir de quelle assemblée on parle. S’agit-il de l’assemblée saisie ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je termine, monsieur le président, car mes collègues n’ont pas abordé cette question.

L’ordre du jour mentionné à l’alinéa 2 – qui est bien dissocié de l’alinéa 1, cela va de soi – est-il global ? Concerne-t-il l’Assemblée nationale et le Sénat ou seulement l’assemblée saisie ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nos interrogations portent sur le point de savoir si chaque précision de la loi organique entame ou non le droit de résolution constitutionnellement établi. À l’alinéa 1 de l’article 4, il n’y a guère de débat de cette nature, sauf peut-être à s’interroger sur le délai de « moins de huit jours ». Je ne comprends pas très bien la différence entre la semaine – sept jours – et le huitième jour. Sans doute certains problèmes techniques m’échappent-ils…

En revanche, le deuxième alinéa nous plonge au cœur des problèmes évoqués par nos collègues : celui du même objet et celui du délai de douze mois.

Il faut garder en mémoire le fait que la résolution ne peut, par nature, être amendée. On est ainsi confronté à l’aléa de la rédaction, qui est porteur d’insatisfaction. Car le contenu de la résolution qui appellerait une assemblée à débattre sur une question pertinente peut ne pas répondre aux attentes des uns et des autres. Imaginez alors que cette question ne puisse plus revenir en discussion, bien que tout le monde le souhaite ou que l’actualité le demande ! Si l’on rythme la capacité de dépôt dans le temps par un délai de douze mois – ou d’une session, ce qui me paraîtrait plus raisonnable – on prend le risque d’être confronté à une maladresse rédactionnelle, à une imprécision, voire à un décalage avec l’actualité. Supposons que des questions aient donné lieu à une résolution qui n’a pas abouti, mais qu’une actualité prégnante légitime que l’assemblée se réinvestisse à nouveau et que chacun le reconnaisse, eh bien, le délai imposé lui interdirait de se saisir à nouveau de ce sujet pourtant brûlant.

Nous proposons, dans nos amendements, une autre façon de conserver sa pertinence à l’initiative de la résolution, en empêchant qu’un autre groupe s’en saisisse, la dénature et altère ainsi l’intention des auteurs. Mais, dans le même temps, il est nécessaire de parfaire la notion de similitude d’objet en ouvrant aux assemblées la possibilité de débattre à nouveau d’un sujet lié à l’actualité, ce que vous interdisez avec ce délai de douze mois.

C’est pourquoi nous voulons revisiter cette formulation. Telle qu’il est rédigé, l’article 4 altère le droit de résolution, et c’est inacceptable.

M. Jean Mallot. Bien sûr !

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Je suis très attachée à la revalorisation des droits du Parlement, comme nombre de mes collègues qui ont, eux aussi, voté la révision constitutionnelle, ce que je ne regrette pas. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais le texte que vous nous proposez ne me plaît pas, car il n’est fait que de restrictions.

L’article 4 limite le droit de résolution dans le temps, avec un délai minimal qui restreindra notre pouvoir. Je suis déçue, car j’ai assisté ce soir à une séance de peu d’intérêt. Si vous pouvez nous reprocher de trop parler, je suis venue pour ma part assister à un débat. J’aime avoir des réponses et entendre tous les avis. C’est de cette façon que je conçois mon travail. Or ce texte vise à limiter le droit d’expression des parlementaires et les missions qui nous ont été confiées par nos concitoyens.

Aujourd’hui, notre groupe, ainsi que le groupe GDR et le Nouveau Centre, a fait des propositions qui auraient mérité d’être discutées. Mais nous avons l’impression que tout est joué. De ce fait, un groupe fait de l’obstruction pour se faire entendre, face à un groupe qui refuse de l’écouter. Je regrette qu’il en soit ainsi. Vous nous objectez que les gens regardent la télévision et trouvent cela scandaleux. La jeune députée que je suis, qui croit en la démocratie et qui veut défendre les intérêts de ses concitoyens, est, elle aussi, très déçue.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. L’article 4 montre à quel point les droits nouveaux offerts au Parlement sont en réalité un leurre.

On nous présente la possibilité de voter des résolutions comme un droit nouveau fondamental. Las, il n’est pas à la hauteur de ce que nous avons perdu en matière de droit d’amendement ! Ce droit de résolution est en effet considérablement limité. Nous avons vu, lors de l’examen des articles précédents, que le Premier ministre peut s’y opposer sans avoir à justifier quoi que ce soit. J’ai d’ailleurs envie de vous lire l’article 3 de la manière suivante : « Lorsque le Premier consul fait savoir au président de l’assemblée qu’une proposition de résolution contient une injonction à l’égard du Gouvernement,… elle est à rejeter » !

M. Guy Geoffroy. Ce coup-là, on nous l’a déjà fait !

M. René Dosière. Nous nous dirigeons en effet vers un régime consulaire, où le Premier consul donne des ordres aux parlementaires. À cette époque, le corps législatif votait sans discuter. Voilà ce à quoi, progressivement, vous êtes en train d’amener l’Assemblée nationale ! Il ne faut pas oublier que c’est le régime républicain qui a permis aux députés de s’exprimer et de porter haut et fort l’ensemble des revendications populaires.

Et comme si cette définition était tout à fait claire, vous osez parler, à l’article 4, de propositions de résolution « ayant le même objet » ! Tout à l’heure, Delphine Batho a fourni un excellent exemple en parlant de la commémoration de la guerre d’Algérie. Vous vous êtes bien gardés de lui répondre !

M. Jean Mallot. Ils ne répondent pas souvent !

M. René Dosière. C’était pourtant une question pertinente.

M. Jean Mallot. Ils n’aiment pas les questions pertinentes !

M. René Dosière. En outre, le délai que vous avez introduit dans cet article est de douze mois. Avec une grande prudence, M. Urvoas a laissé entendre que le Conseil d’État aurait pu avoir un avis différent. Il n’était pas nécessaire de faire des périphrases ! Le Conseil d’État a bel et bien estimé qu’un délai de trois mois était largement suffisant. Certes, nous ne sommes pas obligés de le suivre, mais ce qu’il propose est tout à fait raisonnable.

Autrement dit, ce droit de résolution si fièrement affiché est progressivement vidé de tout contenu.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Hélas !

M. René Dosière. Finalement, il se réduira à l’efficacité des vœux votés dans les conseils généraux. Ce n’est pas ce que l’on peut appeler un progrès démocratique. C’est pourquoi nous avons déposé un certain nombre d’amendements que nous défendrons aussi longtemps et aussi tard – ou aussi tôt – qu’il sera nécessaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. Nous en arrivons aux amendements à l’article 4.

M. Jean-Jacques Urvoas. M. le secrétaire d’État ne répond pas ?

M. le président. M. le secrétaire d’État n’a pas à répondre aux orateurs inscrits sur un article.

Je suis saisi d'un amendement, n° 3863, tendant à supprimer l’article 4.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je souhaiterais, tout d’abord, après un de mes collègues du groupe socialiste, vous interroger sur l’organisation de nos débats. J’aimerais connaître les intentions du Gouvernement et de la présidence en la matière. Il est normal que nous sachions à quelle heure nous commencerons la séance demain. Je dois, pour ce qui me concerne, régler certains détails dans ma circonscription. J’apprécierais donc que nous ayons une indication dès maintenant et non à la dernière seconde.

J’en viens à mon amendement.

Comme vous l’aurez sans doute remarqué, nous avons demandé, depuis le début de la discussion de ce texte, la suppression de l’ensemble des articles relatifs aux propositions de résolution. Nous affirmons ainsi notre volonté de favoriser le renforcement des pouvoirs du Parlement et des parlementaires, qu’ils soient députés ou sénateurs.

Les délais qu'imposent les deux alinéas de cet article sont démesurés : d'un côté huit jours pour un examen en séance publique ; de l'autre, l'impossibilité de déposer avant un an une proposition de résolution ayant le même objet. Ces délais vident de son sens le pouvoir de voter des résolutions que vous nous proposez.

Pourquoi le Gouvernement aurait-il le droit, via des déclarations, de s'exprimer sur le même sujet plusieurs fois par an et pas les parlementaires ? Pourquoi restreindre autant ce champ de compétences quand vous n'avez de cesse d'affirmer que ce droit nouveau va changer la vie du Parlement et des parlementaires ? Comment pourrions-nous savoir aujourd'hui de quoi demain sera fait, quelles seront les priorités des Français, si elles resurgiront une fois, deux fois, trois fois lors de la même année ? Ce délai, en plus d'être très long, n'a aucun sens politiquement puisqu'il ne prend pas en compte les soubresauts politiques, économiques et sociaux en France et à l’étranger. La situation économique et sociale n'est pas la même aujourd'hui qu'il y a six mois. Le Gouvernement n’y est pas étranger puisqu’il modifie tous les quinze jours les textes budgétaires. Cela étant, nous aurions pu faire des propositions de résolution concernant le pouvoir d'achat avant la crise, et aujourd’hui de nouveau, sans qu'elles aient le même poids, la même empreinte sur le paysage politique.

Nous aurons donc le droit de nous exprimer mais seulement en fonction des priorités fixées par le Gouvernement. Cela n'a aucun sens !

Ainsi rédigé, cet article rend inopérante toute réelle volonté du Gouvernement d'ouvrir de nouveaux droits aux parlementaires. C'est pourquoi nous en demandons le retrait.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable à la suppression de l’article. Mais j’ai entendu les orateurs inscrits et je suis ouvert à toute proposition permettant de rapprocher les points de vue.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Avis défavorable.

(L'amendement n° 3863 n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour un rappel au règlement.

M. René Dosière. Mon intervention se fonde sur l’article 50, alinéa 4, de notre règlement, que je me permets de lire : « L’Assemblée se réunit l’après-midi de quinze heures à vingt heures et en soirée de vingt et une heures trente à une heure le lendemain. Lorsque l’Assemblée tient séance le matin, elle se réunit de neuf heures trente à treize heures. » Je constate qu’il est une heure trente-cinq.

M. Jean Mallot. Nous sommes en infraction !

M. René Dosière. Nous avons donc dépassé l’heure prévue par l’alinéa 4 de l’article 50 du règlement.

Je connais vos grandes compétences, monsieur le président, et je sais que vous allez me répondre qu’après l’alinéa 4 vient l’alinéa 5. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Lisez-le !

M. René Dosière. Lequel prévoit naturellement la possibilité de déroger à cette règle. (Rires.) Le règlement de notre assemblée est, là, un peu plus précis que le projet de loi organique que nous sommes en train de discuter !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est normal ! Il y aura un nouveau règlement !

M. René Dosière. Je cite cet alinéa 5 : « L’Assemblée peut toutefois décider de prolonger ses séances soit sur proposition de la conférence des présidents pour un ordre du jour déterminé – je pense que ce n’est pas le cas – soit sur proposition de la commission saisie au fond… »

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Elle l’a fait !

M. René Dosière. « …ou du gouvernement pour continuer le débat en cours ». Je pense que ces demandes n’ont pas été faites car, dans cette hypothèse, l’Assemblée « est consultée sans débat par le président de séance ». Or tel n’a pas été le cas.

Cela dit, le Gouvernement ou la commission peuvent naturellement demander la prolongation des débats. Toutefois, vous le savez parfaitement, monsieur le président, il est nécessaire pour le personnel de notre maison de pouvoir reprendre ses esprits afin de nous permettre de siéger dans de bonnes conditions. Cela nécessite nécessairement un délai entre les séances et je vous ferai remarquer que toute prolongation qui pourrait avoir lieu maintenant imposerait de retarder la séance de demain matin. Or il est sans doute plus simple de siéger le matin.

En outre, une séance du matin coûte un peu moins cher qu’une séance qui se tient la nuit. Or le président de l’Assemblée n’est pas comme le Président de la République : il dépense en comptant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Vous savez l’estime que je vous porte, monsieur Dosière. Nous nous connaissons depuis assez longtemps.

Je me propose d’examiner simplement les deux amendements suivants et je lèverai ensuite la séance, très sagement.

Article 4 (suite)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3864 rectifié.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous voudrions, par cet amendement, poser le principe de l'examen en commission des propositions de résolution. Le rapporteur nous a en effet expliqué que les propositions de résolution avaient vocation à être discutées directement en séance publique, au même titre que les motions. Cette interprétation nous paraît discutable, du moins si l'on entend donner un peu de consistance aux débats sur ces propositions et ne pas en faire de simples hochets à la disposition des parlementaires.

La question est d'importance car, comme nous l'avons déjà souligné, le travail parlementaire a eu à subir ces dernières décennies les conséquences de la dégradation de la condition juridique de la loi face au domaine réglementaire et face au développement d'un corps de normes autonomes qui dépossèdent le législateur du pouvoir qui est le sien.

L’émergence de notions telles que celle de «gouvernance » trahissent pour une part ces évolutions. La gouvernance s'inscrit, en effet, dans l'horizon d'une conception strictement technicienne du travail politique au détriment des exigences du débat et de l'expression démocratique, c'est-à-dire de la délibération proprement politique.

En séparant la notion de débat parlementaire de celle de délibération à caractère législatif à travers la promotion d'un outil tel que les propositions de résolution, nous craignons que vous n’entériniez cette dangereuse évolution et que la dégradation de la condition juridique de la loi s'accompagne désormais d'une dégradation de la condition normative du débat parlementaire.

Les propositions de résolution ne peuvent, dans ce contexte, tenir lieu du seul droit d'initiative reconnu à l'opposition. Nous insistons aussi sur la nécessité de donner plus d'épaisseur et de sens au débat sur les propositions de résolution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable.

(L'amendement n° 3864 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il n’est pas rédactionnel !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Bien sûr que si !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. J’entends bien la volonté du rapporteur de présenter son amendement comme rédactionnel. Je ne doute pas qu’il le soit, mais j’aimerais qu’il nous apporte une précision. En effet, le changement proposé, à savoir qu’une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour « d’une » assemblée moins de huit jours après son examen en commission, pourrait nous amener à en conclure qu’une assemblée engage l’autre.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Surtout pas !

M. Jean-Jacques Urvoas. Si le rapporteur sous-amendait son amendement en précisant « de l’assemblée concernée », il y aurait moins de risques. En effet, on pourrait se laisser emporter par ce que pense le Sénat de l’Assemblée nationale. Comme je sais que le vœu du président Warsmann est d’éviter qu’une assemblée n’engage l’autre, ce souci de précision devrait nous rassembler.

M. René Dosière. C’est une suggestion parfaitement utile !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La rédaction proposée ne pose pas de problème, parce que la résolution n’existe que dans l’assemblée où elle a été déposée.

M. René Dosière. Préciser « l’assemblée concernée », c’est tout de même mieux !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’amendement de la commission des lois me semble extrêmement clair, et j’espère que mon explication vous aura convaincus.

(L'amendement n° 4 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, vendredi 16 janvier 2009, à neuf heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 16 janvier 2009, à une heure quarante.)