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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 13 juillet 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Souhaits de bienvenue à une députée

2. Questions au Gouvernement

RGPP

M. Gérard Charasse

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

Poursuite des réformes après les polémiques

M. Jean Leonetti

M. François Fillon, Premier ministre

Liberté de la presse

Mme Anny Poursinoff

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Réforme des retraites : pénibilité et polypensionnés

M. Jean-Luc Préel

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Conflit d’intérêts et cumul de fonctions concernant M. Woerth

M. Jean-Marc Ayrault

M. François Fillon, Premier ministre

Pérennisation de l’assurance veuvage

M. Denis Jacquat

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Rapport de la commission d'enquête sur la vaccination contre la grippe H1N1

M. François Rochebloine

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Indépendance de la justice

M. Bruno Le Roux

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Réforme des retraites : pénibilité

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Réforme des retraites

Mme Marisol Touraine

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Réforme des retraites : égalité entre public et privé

M. Arnaud Robinet

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

Fiscalité

M. Pierre-Alain Muet

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

Décristallisation des pensions des anciens combattants africains

M. Philippe Vitel

M. Hubert Falco, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants

Dialogue social

M. Jean Mallot

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Rapport sur les frais bancaires

Mme Françoise Branget

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

3. Interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public

Explications de vote

M. François de Rugy, M. Nicolas Perruchot, Mme Bérengère Poletti, M. Jean Glavany

Vote sur l’ensemble

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

4. Clôture de la session extraordinaire

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une députée

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Anny Poursinoff, élue, dimanche dernier, députée de la dixième circonscription des Yvelines. (Applaudissements.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RGPP

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gérard Charasse. Ma question porte sur la révision générale des politiques publiques.

Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, vous avez présenté fin juin un bilan flatteur de la RGPP et des nouvelles mesures : 10 milliards d’économies à l’horizon 2013 ! Avec une recette simple : 3 milliards d’euros en suppressions d’emplois ; 2 milliards en dépenses de fonctionnement de l’État ; le reste, 5 milliards, sur ce que vous appelez pudiquement les dépenses d’intervention, c’est-à-dire ce que l’État redistribue dans les territoires.

Cela montre que, contrairement à ce que vous voulez faire croire aux Français, l’économie porte sur l’action de l’État elle-même : ce sont des services retirés à nos concitoyens.

Je prendrai deux exemples édifiants, parmi tant d’autres : en Allier, département agricole, vigneron, touristique, aéroportuaire, vous supprimez le centre météo de Charmeil ; par ailleurs, vous y fermez un outil essentiel de prévention, les accueils de jour – celui de Vichy après-demain. Sur ces deux questions de sécurité, nos concitoyens vont à terme se tourner vers les collectivités : votre RGPP est, au moins pour moitié, un transfert déguisé de compétences et de dépenses.

Monsieur le ministre, quand allez-vous prendre en compte dans votre indicateur de performance la présence des services publics sur l’ensemble du territoire national ? Quand allez-vous en exclure le fait, pour l’État, de transférer ses missions, de gré ou de force, aux collectivités et donc aux impôts ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le député, la révision générale des politiques publiques est une politique de bon sens, qui vise à rappeler à tous les Français que l’État est le premier employeur de notre pays et qui a pour objectif simple d’en faire le meilleur employeur de France.

La première phase de RGPP a porté sur la suppression de 100 000 postes de fonctionnaires, dans le cadre de la gestion de la bosse démographique, à travers le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite. Cela a permis, à travers la restitution de 50 % sous forme de bonifications indemnitaires, de mieux rémunérer nos agents au service d’un État plus véloce, plus conforme à l’évolution des missions qui sont attendues par les contribuables, par ailleurs administrés, et plus en phase avec l’évolution de notre pays.

Tout cela additionné a permis une économie de surcroît, dans cette période d’économie générale et de réduction des déficits publics, de plus de 7 milliards d’euros.

Le même esprit nous anime pour la deuxième vague de révision générale des politiques publiques avec le même objectif de 100 000 postes de fonctionnaires en moins, avec le même objectif de rédéfinition et de redistribution de ces 50 % de bonification et avec 150 mesures qui toucheront les opérateurs et qui iront de l’immobilier au parc automobile, en passant par une meilleure centralisation des achats. Bref, des soucis d’économie, des soucis de rationalisation.

Nous serons ainsi, en 2013, au même niveau de fonctionnaires qu’en 1990 – et ce n’est pas vous, monsieur Charasse, qui allez nous dire qu’en 1990 la France était sous-administrée.

M. Gérard Charasse. Elle était mieux administrée.

M. François Baroin, ministre du budget. À travers cet effort général, nous participerons à hauteur de 10 milliards à la réduction des déficits publics. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Poursuite des réformes après les polémiques

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Leonetti. Après plus de trois semaines d'insinuations, d'amalgames, la polémique s'essouffle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), des témoins se rétractent et se contredisent et l'inspection générale des finances confirme qu'il n'y a eu aucune instruction ministérielle en matière de fiscalité dans l'affaire Bettencourt. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pendant toute cette période, la tentation était forte d'abandonner la victime de la rumeur et de faire, comme le disait Goethe, une petite injustice pour éviter un grand désordre. Ce n'est pas le choix qu'a fait le Président de la République, ce n’est pas le choix que vous avez fait, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas non plus le choix du groupe majoritaire, car cela ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la justice de notre pays,…

M. Christian Paul. Nous non plus !

M. Jean Leonetti. …qui n'est ni un tribunal révolutionnaire, ni le relais de la calomnie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Aujourd'hui comme hier, nous apportons notre soutien entier à Éric Woerth dans sa réforme des retraites. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La tentation était forte aussi de rendre coup pour coup, en renvoyant nos opposants à leurs turpitudes et à leurs affaires. Ce n’est pas le choix que nous avons fait, car cela ne correspond pas non plus à l'idée que nous nous faisons de la démocratie.

M. Daniel Paul. C’est surréaliste !

M. Jean Leonetti. La politique consiste pour nous à combattre pour des idées et non pas à chercher à abattre des hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. C’est du guignol !

M. Jean Leonetti. La tentation était forte enfin d'arrêter les réformes dans une situation de crise et de turbulences, et d'attendre que la conjoncture économique s'améliore.

M. Jean Glavany. Arrêtez avec vos tentations !

M. Jean Leonetti. Mais ce n'est pas l'idée que nous nous faisons de la République et de notre responsabilité. Ne rien faire sur le plan international, c'est accepter que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ne rien faire sur le plan national, c'est accepter que nos enfants paient pour les dettes que nous faisons.

Monsieur le Premier Ministre, quelles mesures comptez-vous prendre dans cette optique ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, il y a trois semaines, dans cet hémicycle, je vous avais exhortés à ne pas jeter l’honneur d’un homme en pâture aux chiens. J’avais reçu de la part de beaucoup d’entre vous soutien et compréhension, y compris sur les bancs de l’opposition. Beaucoup m’avaient dit à l’époque (« Des noms ! » sur les bancs du groupe SRC) combien ils partageaient le sentiment qui était le mien de ne pas laisser s’engager un procès basé sur des calomnies, des rumeurs, et qui était contraire aux principes de la démocratie et aux valeurs républicaines qui sont les nôtres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Certains, malheureusement, se sont laissés aller, parce qu’ils pensaient qu’une telle polémique et le développement de ce climat pouvaient permettre de gagner quelques voix ici où là. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas un service qui a été rendu à la démocratie.

Jour après jour, les accusations se sont effondrées. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le rapport qui a été publié dimanche, rédigé par quatre inspecteurs des finances (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), répond précisément aux questions qui étaient posées sur les bancs de l’opposition. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Est-ce que le ministre des comptes publics est intervenu dans le dossier fiscal de Mme Bettencourt ou dans tout autre dossier fiscal ? La réponse est non.

Est-ce que l’administration fiscale a négligé les informations qui lui étaient transmises par la justice ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) La réponse est non.

Je voudrais dire à ceux qui contestent la validité de ce rapport de l’inspection générale des finances qu’ils font preuve d’un grand mépris pour un corps de contrôle qui a toujours fait preuve, dans notre pays, d’une grande indépendance et d’une grande valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) J’ajoute que, s’ils ont le moindre doute sur ce rapport, ils ont la possibilité de demander au président de commission des finances, qui a accès à tous les documents et à tout ce qui a permis à l’inspection des finances de produire ce rapport, si ces informations sont justes. Je suis sûr qu’il n’hésitera pas à le dire, avec le rapporteur général du budget, comme la loi le leur autorise.

M. Henri Emmanuelli. C’est grotesque !

M. François Fillon, Premier ministre. Ceux qui avaient lancé ces rumeurs avaient un objectif, c’était de stopper le Gouvernement et la majorité dans leur élan réformateur. Eh bien, les imprécateurs ont eu tort, ils n’ont pas réussi, et nous allons poursuivre notre effort de réforme.

Nous allons le faire en modernisant notre régime de retraite pour assurer à tous les Français, dans l’avenir, le juste paiement de leur retraite. Nous allons le faire en réduisant les déficits publics pour assurer la stabilité de la monnaie européenne et pour assurer la croissance de notre pays. Nous allons le faire en lançant la réforme de la dépendance que beaucoup de nos concitoyens attendent. Enfin, nous allons le faire en poursuivant l’effort de modernisation de notre économie pour aller chercher la croissance.

Mais peut-être que l’un des événements les plus importants qui se soit produit hier soir lors de l’intervention du Président de la République, c’est l’affirmation que, désormais, ceux qui lancent des calomnies, ceux qui accusent sans preuves, ceux qui recopient des informations sans les vérifier ne réussiront pas à déstabiliser un gouvernement et une majorité : c’est un événement dans l’histoire de notre République. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent.)

Liberté de la presse

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme Anny Poursinoff. Depuis quelques semaines, une campagne indigne se développe, organisée à partir de l'Élysée et de sa cellule communication contre le site Mediapart. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) De quoi accuse-t-on ce site d'investigation animé par des journalistes professionnels et indépendants ? D'avoir fait leur travail, tout simplement. (Huées et claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.

Mme Anny Poursinoff. Dans un contexte d'opacité entretenu par le pouvoir sur l'affaire Woerth-Bettencourt, au moment même où vous refusez la constitution d'une commission d'enquête parlementaire et la nomination d'un juge indépendant, votre majorité qualifie de méthodes fascistes le travail fait par ces journalistes.

Je vous rappelle que les hommes que le Président a mis en place à France Inter ont commencé leur reprise en main (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) en licenciant Stéphane Guillon et Didier Porte. Le Président lui-même s'est impliqué dans l'affaire de la recapitalisation du journal Le Monde tandis qu'il nommait, à sa discrétion, le président de France Télévisions.

Ma question est simple, entendez vous continuer longtemps à diaboliser la presse en ligne de même que vous avez limité les droits des internautes avec la loi Hadopi ? Allez vous longtemps continuer à organiser des campagnes contre la liberté de la presse ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, vous arrivez dans cette assemblée, mais vous avez déjà la mémoire courte et sélective !

Mémoire sélective, parce que deux événements récents viennent contredire vos propos. Vous faites référence au rachat du journal Le Monde, mais qui vient de racheter ce journal ? Est-ce un ami du Président de la République ? Est-ce un soutien de la majorité présidentielle ? Est-ce un financeur de l’UMP ? Non, c’est Pierre Bergé, un soutien actif du parti socialiste et de l’ancienne majorité de l’Assemblée nationale. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Le deuxième événement, que vous avez également cité, est que, pour la première fois dans l’histoire de la télévision, le Parlement a été appelé à se prononcer sur la nomination du président de France Télévisions. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et la nouvelle Constitution vous permet d’émettre un avis sur ces nominations, et de faire appel à un droit de veto du Parlement. C’est cela la démocratie, et c’est cela la liberté de la presse.

Enfin, vous avez la mémoire courte parce que vous oubliez que c’est ce gouvernement qui a mis en place les états généraux de la presse, qui avaient pour objectif d’assurer le financement et la pérennisation de la presse, ce à quoi personne ne s’était attelé précédemment.

Oui, la presse doit contribuer à faire éclater la vérité, elle joue un rôle décisif dans nos institutions, et c’est pour cela qu’elle doit être impartiale et indépendante. C’est également pour cela que les journalistes doivent faire preuve de responsabilité avant de lâcher des rumeurs et des supputations dans la nature.

Madame la députée, c’est notre devoir de préserver et de consolider la presse, mais c’est aussi notre rôle d’en dénoncer les dérives. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Réforme des retraites : pénibilité et polypensionnés

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Ma question s’adresse à M. Eric Woerth, ministre du travail.

Monsieur le ministre, vous venez de présenter le projet de loi réformant notre système de retraite avec la volonté de sauvegarder la retraite par répartition. Je salue votre courage.

Cette réforme est indispensable, en raison essentiellement des problèmes démographiques liés au papy-boom et à l’allongement de la durée de vie. Nous devrions donc, comme dans de nombreux pays, parvenir à un consensus.

Cependant, le Nouveau Centre a souhaité que cette réforme soit l’occasion de simplifier nos 38 régimes de retraite pour aller vers un régime universel unique, à points (« Saignant, pas à point ! » sur les bancs du groupe SRC), géré par les partenaires sociaux avec mise en extinction des régimes spéciaux. Notre groupe présentera des amendements en ce sens.

Le Président de la République a dit clairement, hier, que le Parlement disposerait de marges de manoeuvre pour améliorer le texte, notamment pour les polypensionnés et pour la prise en compte de la pénibilité. Quelles seront nos marges de manoeuvre ?

M. Régis Juanico. Nulles !

M. Jean-Luc Préel. Les polypensionnés, qui dépendent de plusieurs régimes, sont aujourd’hui pénalisés et leurs retraites sont minorées. Le Nouveau Centre souhaite que, dans leur cas, on prenne en compte les vingt-cinq meilleures années, L’accepterez-vous ?

Repousser l’âge légal de départ à la retraite nécessite de prendre en compte la pénibilité. Le texte propose une avancée majeure prenant en compte l’invalidité. Mais il faut aller plus loin et traiter de la pénibilité pendant le travail.

Francis Vercamer vient de remettre un rapport remarquable (Applaudissements sur les bancs du groupe NC) préconisant notamment, outre la réforme de la médecine du travail, la mise en place d’un observatoire de la pénibilité chargé de définir les métiers exposant aux risques liés aux produits manipulés et de prendre en compte l’évolution des métiers, en proposant des critères objectifs. Êtes-vous favorable, monsieur le ministre, à cet observatoire de la pénibilité ? Accepterez-vous nos amendements ?

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le député, oui, le Gouvernement présentera un texte à l’Assemblée nationale en septembre. Nous travaillerons du 20 au 23 juillet avec la commission, sous la présidence de Pierre Méhaignerie ; elle m’avait déjà auditionné le 16 juin et m’a entendu à nouveau ce matin même. Nous travaillons donc beaucoup ensemble, et c’est bien naturel. J’en profite pour saluer le soutien du groupe Nouveau Centre sur cette réforme essentielle pour notre société.

Le Président de la République l’a dit, nous sommes ouverts aux propositions jusqu’en septembre, quand le texte viendra devant l’Assemblée, sur un certain nombre de sujets.

Le premier - majeur, vous l’avez dit - est la pénibilité. Outre le report de l’âge légal de la retraite, ce pourrait être un aspect essentiel de la réforme de 2010 que de prendre en compte les difficultés physiques qu’ont un certain nombre de concitoyens pour exercer leur métier, lorsqu’elles se traduisent par une usure avérée, c’est-à-dire vérifiable par le corps médical. Nous allons le faire et nous pouvons encore travailler à améliorer ce dispositif de retraite tenant compte de la pénibilité autour du thème de la traçabilité d’une carrière professionnelle. Mais la vraie réponse à ce problème, au fond, ce n’est pas la retraite, c’est l’amélioration des conditions de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Nous allons également poursuivre la concertation sur la situation de ceux qui ont commencé à travailler jeunes. Nous avons amélioré le texte de 2003 qu’a fait voter François Fillon en portant à 17 ans l’âge d’entrée au travail qui permet de prendre sa retraite à 60 ans.

Quant à la situation des polypensionnés, il est vrai qu’il y a là une injustice : si l’on veut promouvoir la mobilité, il faut aussi permettre aux différentes caisses de retraite de mieux se coordonner.

Nous reverrons ces sujets à partir du mois de septembre, après la concertation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Conflit d’intérêts et cumul de fonctions concernant M. Woerth

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs semaines, nous vous interrogeons sur les conflits d’intérêts nés des situations respectives de M. et Mme Woerth. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Poignant. C’est lamentable !

M. Jean-Marc Ayrault. Depuis plusieurs semaines, le Gouvernement a souvent préféré manier l’invective et disqualifier ceux qui lui portaient la contradiction (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), parlementaires ou journalistes, plutôt que de répondre aux questions simples que nous lui posions.

Nous avons exprimé nos doutes sur la compatibilité du métier de Mme Woerth avec les fonctions de son mari. Mme Woerth a reconnu avoir sous-estimé ce conflit d’intérêts et elle a démissionné.

Nous avions demandé dès décembre 2009 qu’on mette fin à cette confusion des genres qui faisait de M. Woerth un ministre le jour et le trésorier de l’UMP le soir. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) M. Woerth vient de mettre fin à ce cumul inacceptable.

Nous vous avons interrogé sur le rôle du ministre du budget dans les contrôles fiscaux. Vous avez nié toute intervention. Et voilà que le rapport de l’IGF, sur lequel il y aurait par ailleurs beaucoup à dire, suggère la suppression de la cellule fiscale rattachée au ministre pour traiter des dossiers dits « sensibles ».

Vous n’avez cessé de nier l’idée même de conflit d’intérêts et voilà que, hier soir, le Président de la République a évoqué la création d’une commission chargée de travailler sur le sujet.

Monsieur le Premier ministre, sur tous ces points, vous venez de donner acte à l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qu’elle est dans son rôle (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et qu’elle pose et doit poser les bonnes questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, franchement, qui peut croire un instant les propos que vous venez de tenir ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Peut-être certains d’entre vous, que j’ai cités tout à l’heure, souhaitaient-ils interroger le Gouvernement, comme c’est le rôle de l’opposition, pour avoir des réponses. Mais on se souvient de visages hurlant au micro, avec de la haine, oui, avec de la haine (Protestations sur les bancs du groupe SRC) à l’égard de la majorité, et accusant le ministre Woerth sans aucune preuve, lui demandant même de démissionner comme un certain nombre de parlementaires socialistes, ou parlant de corruption généralisée ! Voilà la réalité !

M. Lucien Degauchy. Charognards !

M. François Fillon, Premier ministre. Je sais que vous n’êtes pas tous convaincus qu’il fallait agir de cette façon et je sais gré à un certain nombre d’entre vous, notamment ceux qui sont les plus à gauche, de n’avoir pas tenu ce discours populiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Vous dites que l’inspection générale des finances aurait pointé du doigt la cellule fiscale du ministère des finances.

Mais, monsieur Ayrault, que ne vous êtes-vous étonné, lorsque les socialistes étaient au Gouvernement, qu’il y ait une cellule fiscale après du ministre socialiste du budget ? Et pourquoi les députés socialistes, aujourd’hui, écrivent-ils au ministre du budget pour demander à la cellule fiscale de se saisir d’un certain nombre de dossiers ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Nous pouvons traiter ces sujets ensemble, en essayant de faire progresser notre démocratie, mais sans chercher à tromper les Français. La vérité, c’est qu’un certain nombre d’entre vous ont cherché à instrumentaliser des rumeurs, dont je dis, madame Poursinoff, qu’elles font honte à ceux qui les ont lancées dans la presse, car ils n’ont pas vérifié leurs sources d’information. Vous avez voulu jouer avec ces rumeurs, vous avez perdu. Mais la démocratie a gagné. (Mmes et MM les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement.)

Pérennisation de l’assurance veuvage

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Denis Jacquat. Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, vous nous présentez aujourd'hui le projet de loi de réforme des retraites. Ce texte est à la fois nécessaire et juste : nécessaire, parce qu'il permet le retour à l'équilibre de nos régimes de retraite ; juste, parce qu'il fait porter l'effort sur tous, en ménageant les personnes qui ont commencé à travailler jeunes et celles dont la santé est altérée en raison de leur travail.

Néanmoins, permettez-moi d'attirer votre attention sur une catégorie particulière : les veuves et les veufs précoces. Ces personnes, principalement des femmes, sont confrontées au décès de leur conjoint alors qu'elles n'ont pas encore atteint l'âge de cinquante-cinq ans à partir duquel elles peuvent bénéficier d'une pension de réversion.

Actuellement, il est prévu qu’elles bénéficient de l'assurance veuvage, soit un montant forfaitaire de 565 euros par mois, versé sous condition de ressources pendant un maximum de deux années. Cette assurance est très appréciée de ses bénéficiaires au moment où ils ont à affronter un drame personnel très douloureux. Pourtant, l’extinction de ce dispositif est programmée pour le 31 décembre 2010 : au-delà de cette date, il ne sera plus possible d'en demander le bénéfice.

Monsieur le ministre, quelle solution proposez-vous pour répondre au problème des veuves et veufs précoces ? Soutenez-vous notre proposition de pérenniser le dispositif parfaitement justifié de l'assurance veuvage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur Jacquat, je sais que l’importante question du veuvage précoce vous mobilise et que vous y êtes très sensible.

Le projet de loi de finances pour 2009 l’atteste, nous avons considéré que la réversion n’était pas une bonne solution pour résoudre le problème de personnes jeunes devenues veufs ou veuves précocement. En effet, le conjoint décédé ayant généralement cotisé durant un faible nombre de trimestres, la pension de réversion serait très faible. La question ne se pose donc pas en termes de retraite.

Aussi avons-nous donné suite à l’idée avancée notamment par vos collègues sénateurs, M. Claude Domeizel et M. Dominique Leclerc, visant à pérenniser le dispositif d’assurance veuvage, ou, en tout cas, à en reporter l’échéance. Cette assurance, qui prévoit le versement d’une allocation forfaitaire sous condition de revenus, répond bien au problème social posé par le veuvage précoce.

Vous m’interrogez, monsieur le député, sur la pérennisation de ce dispositif. Nous sommes sensibles à cette demande et nous lui donnerons une suite favorable : le Gouvernement proposera la pérennisation de l’assurance veuvage d’ici à la fin de l’année.

Nous serons particulièrement attentifs aux propositions qui pourraient être faites et aux amendements qui pourraient être déposés dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la réforme des retraites, aussi bien en commission qu’en séance publique, au mois de septembre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Rapport de la commission d'enquête
sur la vaccination contre la grippe H1N1

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Rochebloine. Madame la ministre de la santé et des sports, j’associe à ma question mes collègues François Sauvadet, Jean-Christophe Lagarde et Jean-Luc Préel.

M. Jean Mallot. Et les autres membres de la commission d’enquête ?

M. François Rochebloine. Ainsi que tous les autres.

Le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la campagne de vaccination contre la grippe A H1N1 sera présenté jeudi prochain, 15 juillet.

Je me permets de vous rappeler, madame la ministre, que notre groupe a été à l’origine de cette commission d'enquête. Nous avons en effet souhaité connaître la manière dont a été programmée, expliquée et surtout gérée la campagne de vaccination contre la grippe A H1N1.

Le groupe Nouveau Centre ne souhaitait certainement pas contribuer à développer les polémiques politiciennes sur le sujet. Bien au contraire, cette commission d'enquête devait servir à comprendre et à analyser les raisons pour lesquelles la France a enregistré un des taux de vaccination les plus faibles d’Europe, alors qu'elle a été l'un des premiers pays à mettre en place un plan de prévention et de lutte contre cette pandémie.

Sous la présidence de notre collègue et ami Jean-Christophe Lagarde, la commission d'enquête a effectué un véritable travail d'analyse, transparent et public, afin de comprendre où se situaient les dysfonctionnements du plan de vaccination et afin de mettre en avant les améliorations à lui apporter pour l’avenir.

Comme l’a dit ce matin Jean-Christophe Lagarde, si l’on ne peut reprocher au Gouvernement d'avoir commandé les 92 millions de doses de vaccin – car il s'agissait bel et bien d'une mesure de précaution –, nous pouvons, en revanche, critiquer un plan de vaccination qui était, me semble-t-il, trop rigide. Il comportait en effet un certain nombre d'insuffisances que nous pouvons déplorer, comme l'absence des associations représentant les médecins de ville, l'absence de stratégie commune européenne, ou encore le manque de transparence des relations entre les experts et les entreprises pharmaceutiques.

Oui ! la mission a permis d'enrichir la réflexion et d'apporter plus de transparence pour le futur.

Madame la ministre, pourriez-vous nous faire part de vos impressions quant aux conclusions de ce rapport, et nous préciser les mesures que vous comptez prendre dans l’avenir ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur Rochebloine, je veux d’emblée féliciter le Parlement pour la qualité des rapports rendus par l’Assemblée nationale, mais aussi par le Sénat. J’y ajoute le rapport remis par la Cour des comptes.

M. Jean-Pierre Brard. C’est du masochisme !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Votre groupe ; Jean-Christophe Lagarde et l’excellent rapporteur, membre du groupe UMP, Jean-Pierre Door, ont permis que soit réalisé un excellent travail de transparence. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.) Ce rapport conclut que le Gouvernement a fait son travail ; je veux donc partager le satisfecit qui nous est délivré avec le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux.

Bien entendu, la commission d’enquête a aussi ouvert des pistes de réflexion.

Vous appelez d’abord à une intégration plus rapide des médecins de ville dans le système de vaccination. Nous devons y travailler avec leurs représentants. D’ores et déjà, les agences régionales de santé constituent une première réponse pour permettre un décloisonnement. Cela dit, j’ai demandé aux organisations représentatives des médecins de ville d’étudier la question et de proposer des évolutions ; nous allons avancer.

Vous demandez aussi une meilleure intégration européenne. Comme vous avez raison ! La France a appelé à cette intégration. Hélas ! au moment de cette crise, vingt-deux pays ne l’ont pas souhaitée. J’ai remarqué, lors du dernier Conseil des ministres européens consacré à la santé, qui s’est déroulé la semaine dernière à Bruxelles, que les positions de la France avaient gagné du terrain. Dont acte ! Avec sa présidente, Laurette Onkelinx, ministre belge de la santé, nous allons donc pouvoir avancer.

Enfin, vous souhaitez la transparence. Au passage, je remarque que la commission d’enquête a mis en pièces la fameuse théorie d’un complot mondial. Nous devons néanmoins faire des progrès en matière de transparence. Si des textes peuvent voir le jour en coproduction législative…

M. Roland Muzeau. Avec les laboratoires ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …entre le Gouvernement et les groupes parlementaires, nous les examinerons de la meilleure façon.

Je voulais en tout cas vous remercier pour le travail effectué.

Indépendance de la justice

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bruno Le Roux. Madame la garde des sceaux, hier, à deux reprises, le Président de la République a confirmé qu’il y avait bien conflit d’intérêts entre les fonctions de trésorier de l’UMP et de ministre de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis plusieurs mois, et ces dernières semaines encore, nous avons alerté l’opinion à propos de cette situation qui n’aurait jamais dû être tolérée. Nous avions raison, monsieur le Premier ministre. Au reste, les Français ont donné raison à ceux qui parlent juste dans l’hémicycle en infligeant, dimanche dernier, une sévère défaite à votre majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La reconnaissance de ces conflits d’intérêts, loin de clore les questions, appelle des réponses qui ne peuvent être apportées que par une instruction indépendante. En effet, les révélations de ces dernières semaines ne s’arrêtent pas à l’affaire, toujours ouverte, dite Bettencourt ; elles concernent également la succession Wildenstein, affaire dans laquelle le ministre du budget avait été personnellement alerté.

Comme dans l’affaire Bettencourt, il s’agit d’évasion fiscale, et l’administration fiscale, pourtant informée, est restée soigneusement inerte.

M. Jean-Pierre Soisson. Carton rouge ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Soisson !

M. Bruno Le Roux. Comme dans l’affaire Bettencourt, il est établi que M. Guy Wildenstein est membre du fameux « Premier cercle » des donateurs de l’UMP.

Malgré vos dénégations, ces affaires sont révélatrices d’un véritable système, et la reconnaissance par le Président de la République de conflits d’intérêts aujourd’hui avérés ne peut mettre fin à une crise politique grave pour notre démocratie.

Madame la garde des sceaux, une enquête indépendante doit être menée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. le président. On se calme !

M. Bruno Le Roux. …à l’abri du contrôle exercé, depuis 2002, par le Gouvernement sur les procureurs.

Madame la garde des sceaux, dans ces affaires, qui demeurent totalement ouvertes puisque aucune réponse n’y a été apportée, pensez-vous confier l’enquête à un juge d’instruction indépendant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je n’ai ni l’intention ni de raison juridique ou objective d’interférer en quoi que ce soit dans des procédures.

M. Guy Geoffroy et M. Sébastien Huyghe. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. La justice enquête, personne ne peut prétendre le contraire. À preuve, les fuites médiatiques que vous savez si bien utiliser quand elles semblent aller dans le sens que vous souhaiteriez.

M. Jean Glavany. C’est Guéant qui est à l’origine des fuites médiatiques. Le secrétaire général de l’Élysée !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. La justice doit être préservée de toute pression, non seulement hiérarchique, mais aussi politique, y compris venant de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le député, n’avez-vous pas conscience d’interférer dans le fonctionnement de la justice et d’empêcher celle-ci d’exercer sa mission en toute sérénité ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Peut-être n’arrivez-vous pas à croire que des magistrats puissent enquêter en toute indépendance.

M. Bruno Le Roux. Celui-là, non !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Dans ce cas, vous insultez tous les magistrats.

Peut-être n’arrivez-vous pas à croire qu’un ministre ou un gouvernement puisse laisser enquêter sereinement.

M. Christian Paul. Vous, non !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Est-ce l’expérience de ce qui se passait lorsque vous étiez vous-mêmes au pouvoir qui vous empêche de le concevoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le député, vous avez une bien triste conception de la justice. Ce n’est pas et ce ne sera jamais la mienne ni celle du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites : pénibilité

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre du travail, notre système de retraite par répartition est aujourd’hui confronté à un défi démographique sans précédent, du fait du vieillissement de la population et de l’arrivée à la retraite des générations d’après-guerre.

Le Gouvernement a courageusement pris ses responsabilités. À un problème essentiellement démographique, le projet de réforme que vous portez donne une réponse démographique. Nous avons la chance de vivre plus longtemps, et ce n’est naturellement pas sans conséquences, notamment sur le plan financier.

M. Jean-Pierre Brard. Et la natalité ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais la retraite doit être la même pour tous : ouvriers, fonctionnaires, salariés, hommes ou femmes.

M. Jean-Pierre Brard. Banquiers !

Mme Marie-Christine Dalloz. Même si nous prendrons en compte la diversité de la France, la retraite est un bien commun, qui plus est intergénérationnel, et la réforme nous concerne tous.

Repousser l’âge légal de départ à la retraite est logique. Lorsque la durée de vie s’allonge, il est normal que la durée de vie professionnelle augmente dans les mêmes proportions. En Europe, tous les gouvernements, même de gauche, ont adopté ce principe. Considérez-vous qu’ils ont tort ?

M. Jean-Pierre Brard. Oui !

M. Roland Muzeau. Ils ne sont pas de gauche !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais il faut aussi que cette réforme soit juste – j’insiste sur ce terme – et le Gouvernement s’y est engagé. Nous savons en effet qu’il y a des vies au travail qui ne sont pas les mêmes, car certains ont commencé à travailler très tôt, d’autres ont été exposés à des facteurs de pénibilité qui les ont usés physiquement.

M. Jean-Pierre Brard. Mme Bettencourt !

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale comment le Gouvernement compte prendre en considération ces situations et sur quels éléments porteront les discussions complémentaires destinées à enrichir le volet du texte consacré à la pénibilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la députée, tous les gouvernements qui ont réformé les régimes de retraite en Europe ont évidemment eu raison de le faire. Or tous ont pris en compte un élément majeur : quelle que soit la manière dont sont organisés leurs systèmes de retraite, ils ont repoussé l’âge légal de départ à la retraite.

M. Jean-Pierre Brard. Et la natalité ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Lorsque l’espérance de vie de chaque Français augmente, il est normal de considérer que la période consacrée au travail doive s’allonger elle aussi. En réalité, la personne est gagnante, car elle passera plus de temps à la retraite qu’auparavant, et le système par répartition, qui assure la solidarité entre les générations, continuera de fonctionner.

Pour le faire comprendre, nous devons, notamment les députés dans leurs circonscriptions, faire œuvre de pédagogie et expliquer à nos concitoyens, notamment à ceux qui ont commencé à travailler tôt, que les systèmes de solidarité continueront à fonctionner à plein dans notre système de répartition. Lorsqu’on a commencé à travailler à quatorze, quinze, seize ou dix-sept ans, on a le droit de partir à la retraite à soixante ans ou avant. Je tiens à le redire, car cela n’est probablement pas suffisamment connu.

Par ailleurs, la retraite pour pénibilité est un acquis majeur de la réforme de 2010. Nous le dirons, nous le répéterons et nous le défendrons devant l’Assemblée nationale lorsque celle-ci examinera le texte. D’ici à 2015, 100 000 personnes, soit 15 % des retraités, pourront continuer à partir en retraite à soixante ans. Non seulement c’est juste, mais c’est efficace pour la préservation de notre système de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marisol Touraine. Avant de poser ma question à M. le ministre du travail, je voudrais dire à Mme la garde des sceaux (Protestations sur les bancs du groupe UMP) que ce ne sont pas les socialistes qui demandent l’ouverture d’une instruction par un juge indépendant : ce sont les magistrats eux-mêmes ! Ce ne sont pas seulement les socialistes qui demandent de la transparence et souhaitent que la vérité soit faite sur les questions qui demeurent sans réponse, mais l’ensemble des Français ! Puisqu’il n’y a rien à cacher, puisque vous voulez faire œuvre de pédagogie et d’ouverture, acceptez donc qu’un juge indépendant puisse enquêter. Puisque vous n’avez rien à en redouter, acceptez donc la création d’une commission d’enquête parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre du travail, nous avons écouté hier soir avec intérêt et stupéfaction les propos sur les retraites du Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui a multiplié les approximations et les contrevérités. Il est choquant – je dis bien choquant – d’entendre dire que les socialistes seraient à l’origine, ces dernières semaines, de je ne sais quel complot avec les médias, ayant pour but de leur éviter de discuter du dossier des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons, monsieur Degauchy !

Mme Marisol Touraine. En réalité, les socialistes ont fait des propositions il y a déjà plusieurs semaines, dont vous avez systématiquement refusé de débattre. La vérité, c’est que vous voulez imposer votre réforme, votre voie unique. La vérité, c’est que vous avez peur d’ouvrir devant les Français un débat contradictoire, parce que votre réforme est injuste, imprévoyante et inefficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le Président de la République a même osé dire que ceux qui avaient commencé à travailler très tôt devaient admettre l’effort imposé, sans quoi 1,5 million de nos concitoyens seraient privés de pension. C’est un odieux chantage qui veut que ce soient les plus fragiles, les femmes aux carrières précaires, qui soient obligés, demain, de porter le fardeau de vos déficits. Monsieur le ministre, quand nous entendrez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la députée, vous faites preuve sur ce sujet d’une agressivité et d’une violence inouïes, et je ne comprends pas pourquoi. Dans les autres pays, l’opposition est capable d’avoir avec le Gouvernement et la majorité un dialogue social et politique respectueux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous ne parlons pas de telle ou telle idéologie, mais d’un système de retraite que nous avons contribué, les uns et les autres, à faire fonctionner depuis la fin de la dernière guerre mondiale. Ce système très simple est celui de la répartition et de la solidarité entre les générations. Quoi que vous en disiez, lorsqu’on parle de retraites, on parle d’âge, madame la députée. Vous ne voulez pas regarder la réalité en face parce que vous êtes incapables de faire preuve de courage sur cette question, ne serait-ce qu’une seconde. Vous niez totalement la réalité, contrairement à la plupart de vos collègues européens. Pour savoir gouverner, il faut pouvoir regarder les Français dans les yeux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et leur proposer une réforme des retraites durable, efficace et juste.

M. Jean Glavany. Et faire preuve de suffisamment d’arrogance ?

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ce ne sont pas vos invectives qui changeront quoi que ce soit : comme nous l’avons dit, nous menons la réforme en procédant à des concertations. Alors que vous étiez prêts à venir discuter avec nous, vous avez brusquement refermé la porte sans que nous comprenions pourquoi : manifestement, il ne peut s’agir que de raisons politiques n’ayant rien à voir avec la question des retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites : égalité entre public et privé

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Arnaud Robinet. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

En prenant la parole hier à la télévision, le Président de la République a confirmé l’ouverture d’une séquence politique nouvelle et fondamentale pour notre pays, marquée en particulier par la réforme des retraites. (« Allô ? » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Courtisan ! Laquais !

M. Arnaud Robinet. Le temps de l’action est venu. Ce qui doit maintenant mobiliser la représentation nationale, c’est la pérennité de notre système de retraites par répartition et la sauvegarde de notre pacte social républicain. C’est tout l’objectif du projet de loi juste et équitable que le conseil des ministres a adopté aujourd’hui.

Parce que l’espérance de vie augmente et parce que la crise a aggravé les déficits du régime général, les Français comprennent l’urgence de mener à bien la réforme des retraites. Néanmoins, nos concitoyens expriment partout à travers le pays une exigence de justice. S’ils refusent la parodie, l’immobilisme et les fausses solutions miracle proposées par l’opposition, ils réclament que les efforts soient partagés par l’ensemble de nos compatriotes.

Ils ne revendiquent ni l’uniformité aveugle, ni l’égalitarisme forcené, mais l’équité, tout simplement. La justice de la réforme des retraites passe obligatoirement par le rapprochement et la convergence des régimes des secteurs public et privé. Les députés des groupes UMP, Nouveau Centre et du Mouvement Populaire ont déjà eu l’occasion de rappeler leur attachement profond à cet impératif. Certains dispositifs qui pouvaient être jugés légitimes par le passé sont aujourd’hui coûteux, mais surtout injustifiés au regard des valeurs républicaines qui fondent notre modèle social. Comment expliquer aux salariés qu’il faut travailler davantage si rien n’est fait pour harmoniser les paramètres de la retraite des fonctionnaires avec ceux du secteur privé ? (« Mme Aubry ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer l’engagement du Gouvernement à rendre le système de retraites plus équitable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison de souligner combien le Gouvernement souhaite que cette réforme soit équitable. C’est pourquoi nous voulons éviter deux écueils : d’une part, celui qui consisterait à considérer qu’une partie de la population est exemptée de tout effort ; d’autre part, celui qui consisterait à faire de la fonction publique le bouc émissaire de la réforme.

Nous avons donc choisi quatre voies très simples.

La première consiste à adopter des mesures équitables pour tous : ce sont les mesures d’âge qu’Éric Woerth a décrites ici à plusieurs reprises.

Nous avons également recensé plusieurs dispositifs propres à la fonction publique qui ne nous paraissent plus justifiés. Ainsi, était-il équitable, mesdames, messieurs les députés, qu’à pension à peu près équivalente, le coût d’acquisition pour la fonction publique soit d’environ un tiers inférieur à celui du secteur privé ? La réponse est non, ce qui n’est en aucun cas attentatoire au respect que nous devons aux fonctionnaires.

Était-il normal que nous maintenions le dispositif permettant aux fonctionnaires ayant élevé trois enfants de partir au bout de quinze ans, alors que ce dispositif est critiqué par le Conseil d’orientation des retraites et par la Commission européenne – et qu’il sert de système anti-décote, puisqu’il obéit à des règles différentes de celles du secteur privé ? La réponse est non ; cependant nous maintenons la possibilité, pour celles et ceux cumulant les deux conditions – quinze ans d’exercice et trois enfants au 1er janvier 2012 – de continuer à bénéficier de cette mesure.

Enfin, était-il normal que les conditions d’attribution du minimum garanti dans la fonction publique ne soient pas les mêmes que celles du minimum contributif dans le secteur privé, à savoir l’absence de taux plein ? Nous avons considéré que non.

Cette réforme est juste, équilibrée, et elle sera efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Fiscalité

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pierre-Alain Muet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Hier, le Président de la République nous a dit que la France était le pays qui taxait le plus les hauts revenus.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Or, vous le savez bien, c’est inexact.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Grâce aux niches fiscales et parce que la plupart des revenus du capital sont exonérés du barème, les contribuables ayant les plus hauts revenus parviennent à s’exonérer complètement de l’impôt sur le revenu. Ils déclarent en effet un revenu imposable très faible. En outre, du fait du bouclier fiscal, vous leur rendez tout ce qui dépasse 50 % de ce revenu imposable. Il en résulte que ces contribuables se font rembourser tous leurs impôts : ISF, CGS, impôts locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Hier, le Président de la République a également expliqué que la France était le pays qui taxait le plus les entreprises. Mais c’est tout aussi inexact. Parce qu’en raison des niches fiscales, et notamment de la niche Copé qui a coûté 20 milliards d’euros aux finances de l’État, les grandes entreprises s’exonèrent de l’impôt sur les sociétés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, les petites entreprises paient leur impôt à un taux peu éloigné de celui qui est affiché. Mais pour les grandes, celles de plus de 2 000 salariés, le taux est de l’ordre de 13 %. Trouvez-vous normal, monsieur le Premier ministre, que les très grandes sociétés paient en moyenne deux à trois fois moins d’impôt que les PME ?

Le Président de la République nous dit qu’il n’augmentera pas les impôts. Mais, dans le même temps, son ministre du budget présente des prévisions qui font apparaître une hausse de deux points des prélèvements obligatoires, ce qui représente 40 milliards d’euros. Alors, qui a raison ? Moi, je considère que ce sont les chiffres qui reflètent la réalité. Or ceux-ci montrent que vous préparez, pour la rentrée, le plus formidable et le plus injuste plan d’austérité jamais appliqué. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le député, j’ai cru un instant que l’ancien inspecteur général des finances que vous êtes allait dire tout le bien qu’il pensait du rapport de l’IGF. Mais non, vous avez choisi un autre terrain, celui des chiffres. Alors, chiffres pour chiffres, je vais vous en donner quelques-uns pour nourrir votre réflexion estivale.

Si la France compte 36 millions de foyers fiscaux, seuls 15,6 millions paient l’impôt sur le revenu, soit même pas un sur deux. Et sur ces 15,6 millions, 500 000 Français paient 43 % des 50 milliards que rapporte l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Pierre Brard. C’est normal, seuls les plus riches doivent payer !

M. François Baroin, ministre du budget. Si cela ne montre pas que notre système est redistributif, que ces 500 000 personnes participent à l’effort de solidarité, je ne sais pas ce qu’est le modèle social français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le Président de la République a eu raison, hier, de rappeler qu’il fallait aussi permettre à ces gens de créer de la valeur ajoutée, de la richesse, de favoriser le développement de l’investissement et donc, à terme, la création d’emplois.

Je pourrais faire la même démonstration s’agissant de l’impôt sur les sociétés. Je pourrais décliner de la même manière l’esprit dans lequel nous travaillons, sous l’autorité du Premier ministre, aux arbitrages budgétaires.

Quant aux niches fiscales et aux prélèvements obligatoires, monsieur Muet, est-il besoin de rappeler que la France est le deuxième pays de l’Union européenne pour l’importance des dépenses publiques par rapport à sa richesse nationale ? Et il en est de même pour les prélèvements obligatoires.

Oui, nous allons faire entre 7 et 10 milliards d’économies sur les niches fiscales.

M. Jean-Pierre Brard. Vous comparez les carottes et les melons !

M. François Baroin, ministre du budget. Mais on ne force personne à aller dans une niche fiscale.

C’est la raison pour laquelle nous n’augmenterons pas les impôts. Si nous avions fait le choix d’accroître l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés, ou le taux de TVA, alors oui, monsieur le député, on aurait pu parler de plan d’austérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Décristallisation des pensions
des anciens combattants africains

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, à laquelle j’associe ma collègue Geneviève Levy, s’adresse à M. Hubert Falco, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.

Monsieur le secrétaire d’État, nous célébrons cette année le 50e anniversaire des indépendances africaines et demain, sur les Champs-Élysées, défileront les troupes de quatorze pays africains.

Vous avez organisé de nombreuses manifestations de qualité tout au long de cette année afin de commémorer le glorieux passé de la Force noire, telle cette magnifique exposition que vous lui avez consacrée aux Invalides.

II y a quelques instants, le Président de la République a reçu douze chefs d’État africains. Ce sont les représentants de pays dont les hommes se sont battus pour notre liberté. Ils ont contribué à écrire les pages glorieuses de notre histoire. Ils furent des acteurs majeurs des deux guerres mondiales mais aussi de la guerre d’Indochine ou de celle d’Algérie.

Les Dardanelles, Douaumont, le Chemin des Dames, Koufra, la libération de la Provence et de notre ville, Toulon : autant de champs de bataille sur lesquels ils se montrèrent héroïques. Toutes ces batailles ont posé les jalons d’une liberté retrouvée. Ils méritent notre respect.

Ils bénéficient de la solidarité de la nation, qui leur sert une pension. Cependant, des différences demeuraient, et cela malgré un processus de décristallisation engagé en 2007. Le montant de la pension était modulé selon leur pays de résidence. Cela pouvait conduire à ce qu’à l’intérieur d’un même pays des montants différents soient versés à des anciens combattants en fonction simplement de leur nationalité.

Grâce à la révision de la Constitution et à la possibilité, pour chaque citoyen, de saisir la juridiction suprême, le Conseil constitutionnel a été saisi de cette situation. Il a souhaité que des modifications soient apportées. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer quelle est la nature des changements que vous allez proposer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.

M. Hubert Falco, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le député, au cours des deux grandes guerres mondiales, 115 000 soldats africains sont morts sur nos champs de bataille et reposent dans cette terre de France qu’ils ont servie et aimée. Les tirailleurs africains méritent le respect et la reconnaissance de la nation tout entière.

La différence de traitement entre les anciens combattants français et africains était vécue comme une injustice. C’est donc avant tout une mesure de justice que le Gouvernement prend aujourd’hui. Il va en effet procéder à la décristallisation complète de toutes les prestations, achevant ainsi le processus engagé en 2007 pour la retraite du combattant et les pensions militaires d’invalidité. Près de 30 000 personnes bénéficieront de l’égalisation complète des pensions de retraite. Cela représente un coût significatif de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Dans les circonstances actuelles, c’est un effort exceptionnel. Il est à la mesure de la reconnaissance de l’engagement et du sacrifice des tirailleurs africains. Rien ne peut effacer la fraternité née dans les armes.

M. Gaëtan Gorce. Il était temps !

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Vous ne l’avez jamais fait ; nous, nous le faisons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Dialogue social

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Mallot. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Notre assemblée a été, mercredi dernier, le théâtre d’un affrontement entre le Gouvernement, représenté par vous, monsieur Woerth, et la plupart des députés UMP, emmenés par Jean-François Copé et Xavier Bertrand. La question portait sur le dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés. Cela concerne 4 millions de salariés.

La représentativité syndicale sera bien mesurée dans ces petites entreprises, mais le vote se fera sur des sigles syndicaux et non sur des listes de délégués. Quant aux commissions paritaires territoriales permettant d’organiser le dialogue social et de lui donner un contenu, elles ont été purement et simplement supprimées par les députés UMP (« Tant mieux ! » sur les bancs du groupe UMP) contre l’avis du Gouvernement.

Défendues par l’Union professionnelle artisanale et par les syndicats de salariés, ces commissions paritaires sont combattues par le MEDEF et la CGPME avec un slogan d’un autre âge : « Non aux syndicats ! », disent-ils – slogan repris au sein même de l’UMP par ses représentants les plus éminents.

Nous avons entendu de la part de la droite pendant les débats des propos caractéristiques d’une dérive anti-syndicale scandaleuse. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Un membre du groupe SRC. Ce sont des réacs !

M. Jean Mallot. La présence syndicale serait une entrave, une intrusion, a-t-on entendu. Je vous le dis : les droits syndicaux des salariés n’ont pas à faire les frais de surenchères internes à l’UMP.

En se plaçant sous l’influence du pouvoir financier et en créant le statut de l’auto-entrepreneur, la droite abandonne les artisans, les commerçants, les petits entrepreneurs et leurs salariés. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Elle les condamne à la sous-traitance.

L’accès à la formation professionnelle pour les salariés et l’instauration d’un vrai dialogue social sont une nécessité dans ce secteur qui génère 80 % du contentieux prud’homal.

Au moment où le Président de la République affirme vouloir discuter avec les syndicats sur certains points du projet de loi sur les retraites, je vous le demande, monsieur le ministre : le Gouvernement va-t-il respecter la parole donnée aux partenaires sociaux dans les petites entreprises ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le député, ce texte sur les très petites entreprises venait – vous le savez très bien – à la suite du texte du 20 août 2008 qui a refondé la représentativité syndicale. Au lieu que la représentativité soit issue de la guerre et de la présomption irréfragable – comme on dit – de représentativité, le Président de la République et le Gouvernement ont voulu, en liaison avec les organisations syndicales, qu’elle soit fondée sur l’élection.

Apparaissait alors un problème : il s’agissait de prendre en compte les entreprises dans lesquelles il n’y a pas d’élection obligatoire, c’est-à-dire celles de moins de onze salariés, autrement dit les très petites entreprises.

Nous avons choisi de faire voter les salariés des très petites entreprises, et de les faire voter par sigles, parce qu’il était naturel de ne pas perturber le dialogue social très particulier…

M. Jean Mallot. « Perturber » ! Ça y est, le mot est lancé !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …qu’il y a dans ces petites entreprises.

Les salariés ont donc aussi la possibilité de s’exprimer et de voter. En même temps, on respecte la qualité de ces entreprises et la particularité du dialogue social.

Par ailleurs, il y avait un second élément dans cette loi, vous le savez : la création d’un certain nombre de commissions facultatives, paritaires, à mettre en place pour discuter de dispositifs généraux. La majorité n’a pas souhaité suivre l’opinion du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Soisson. Avec raison !

M. Roland Muzeau. C’était aussi celle des signataires !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Au Sénat, la majorité a suivi le Gouvernement ; cela n’a pas été le cas à l’Assemblée nationale et nous nous en sommes expliqués. Mais, en réalité, cela relève d’un débat…

M. Jean Mallot. Interne à l’UMP !

M. Éric Woerth, ministre du travail. …riche et tout à fait intéressant. Cependant, il est vrai que nous n’avons pas été suivis.

Il y aura une commission mixte paritaire, qui permettra aux sénateurs et aux députés de prendre la décision ultime. Nous, nous sommes attentifs à la qualité du dialogue social et à la représentativité des acteurs sociaux. C’est bien cela le but du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rapport sur les frais bancaires

M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Françoise Branget. Ma question s’adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

La Commission européenne a déclaré, dans un rapport de septembre 2009 sur la banque de détail, que la France était l’un des pays dans lesquels les frais étaient les plus élevés, aussi bien pour les consommateurs que pour les commerçants.

Je vous sais, madame la ministre, extrêmement attentive à cette question des frais bancaires et, depuis le 1er janvier 2009, les Français reçoivent le relevé des frais qui leur ont été facturés. C’est une avancée très importante, que nous avons voulue ensemble, Gouvernement et majorité.

Il y a quelques jours, vous avez reçu le rapport que vous aviez demandé le 17 mars dernier, visant à proposer des mesures pour rendre les tarifs bancaires plus justes et plus équilibrés. Ce rapport évoque des propositions majeures : faire la transparence sur les frais bancaires, aider les consommateurs en situation fragile à maîtriser leurs frais bancaires, adapter les forfaits bancaires aux besoins des consommateurs et faciliter les paiements au quotidien.

Madame la ministre, alors que le président de notre groupe, Jean-François Copé, m’a confié une mission avec mes collègues Richard Mallié et Bernard Debré pour faire toute la lumière sur les commissions interbancaires payées par les commerçants, pouvez-vous nous détailler les principales mesures proposées par ce rapport ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Merci d’abord, madame Branget, des travaux que vous menez avec vos deux collègues députés sur la question des commissions bancaires. Ils nous seront très utiles.

Vous m’interrogez sur les résultats de la mission que j’avais confiée à MM. Constans et Pauget sur les frais bancaires, pour lesquels la France avait été stigmatisée par la Commission européenne comme facturant trop et de manière confuse. Avec les résultats de cette mission, nous allons nous fixer trois objectifs.

Premier objectif : comprendre et comparer. Aujourd’hui, lorsque vous prenez les tarifs bancaires, vous avez des documents qui représentent de vingt-neuf à trois cents pages, avec trois cents à quatre cents lignes par tarif. J’ai donc demandé aux associations de consommateurs de se saisir de ce rapport et de proposer une liste des dix services bancaires qui sont les plus fréquemment proposés par les banques, pour qu’en tête de chacun des tarifs bancaires nous trouvions ces dix services, avec le taux de facturation, afin que l’on puisse d’abord comprendre et ensuite comparer.

Deuxième objectif : il faut que nos concitoyens puissent tout simplement choisir. Aujourd’hui, on le sait, les banques facturent des forfaits. Nos concitoyens en sont contents : un sur deux à peu près choisit le forfait. Ce que nous souhaitons proposer, ce sont des forfaits à la carte, c’est-à-dire des forfaits où les clients des banques choisissent exactement ce dont ils ont besoin, ce dont ils ont envie, et qu’ils soient facturés à ce titre.

Troisième objectif : la maîtrise. Par la maîtrise des frais bancaires, nous allons proposer – et des associations de consommateurs en sont saisies – ce que j’appelle un « pack sécurité », qui comportera deux éléments : premièrement, une carte anti-dépassement qui permettra de payer des achats et de retirer de l’argent, mais jusqu’à la limite du crédit qui figure sur le compte ; deuxièmement, les frais bancaires qui seront assortis à ce pack sécurité seront inférieurs de 50 % et le nombre d’incidents et de prélèvements qui pourront être effectués par les banques sera plafonné.

Vous le voyez, c’est donc une opération de maîtrise, de compréhension et de comparaison qui sera menée jusqu’au mois de septembre. Je convoquerai alors à nouveau le Comité consultatif du secteur financier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Interdiction de la dissimulation du visage
dans l’espace public

Vote solennel sur un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public (nos 2520, 2648).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. François de Rugy pour le groupe GDR.

M. François de Rugy. Je m’exprimerai au nom des quatre députés écologistes du groupe de la gauche démocrate et républicaine.

Il faut essayer d’en revenir au fond. Beaucoup de débats passionnés ont eu lieu sur le sujet – malheureusement, ils ont souvent dérapé ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Pas du tout !

M. François de Rugy. Je voudrais vous faire part de notre analyse car il y a, je crois, une différence assez profonde entre vous, chers collègues de la majorité, et nous.

Nous ne voyons pas, dans la société française d’aujourd’hui, se lever une menace islamiste ou une menace intégriste ; nous ne voyons pas de dangereux extrémistes à tous les coins de rue ; nous ne voyons pas en chaque musulman un extrémiste en puissance.

M. Guy Geoffroy. Nous n’avons jamais dit cela !

M. François de Rugy. Nous savons qu’il existe des dérives sectaires parmi les musulmans de France, mais c’est aussi le cas chez d’autres de nos compatriotes, sur des bases religieuses ou pas. Mais, pour nous, ces dérives sont minoritaires, et elles sont le fait de quelques individus qui vont à rebours d’un mouvement général d’intégration de l’islam en France, et même, si j’ose le terme, d’un mouvement de laïcisation de l’islam de France.

Votre démarche, nous n’hésitons pas à le dire, est purement politicienne.

M. Guy Geoffroy. C’est votre idéologie qui est politicienne !

M. Marc Vampa. En matière de démarches politiciennes, vous êtes un expert !

M. François de Rugy. Loin de vouloir régler concrètement le problème que constituent ces dérives, madame la garde des sceaux, vous et le Gouvernement instrumentalisez ces attitudes très minoritaires pour stigmatiser tous les musulmans de France.

La réalité est là : nos compatriotes musulmans, dont le comportement n’a rien de commun avec les dérives fondamentalistes qui s’expriment notamment par le port de la burqa, se sentent stigmatisés, partout dans nos circonscriptions.

M. Yves Nicolin. Vous n’avez rien compris au texte !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. C’est tout à fait le contraire !

M. François de Rugy. Partout en France, ils nous l’ont dit.

M. Guy Geoffroy. Pas du tout ! Vous entendez mal.

M. François de Rugy. Il y a eu le funeste débat sur l’identité nationale lancé par M. Besson ; la presse avait alors, on s’en souvient, rapporté ces propos du Président de la République : « Je veux du gros rouge qui tache ». On voyait bien l’intention qu’il y avait derrière ; d’ailleurs, avec tous les dérapages que l’on a entendus dans les rangs de l’UMP, il n’a pas été déçu du voyage, si vous me permettez l’expression ! Il y a eu ensuite l’affaire Lies Hebbadj, montée en épingle par le ministre de l’intérieur lui-même, qui a lancé une polémique dans les médias. Il y a maintenant ce projet de loi d’affichage – car ce n’est que cela.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Mais non ! On voit que vous n’étiez pas là pendant le débat.

M. François de Rugy. Ainsi, vous jetez de l’huile sur le feu ; vous ravivez des tensions, dans des buts strictement électoralistes.

M. Jean-Marie Binetruy. Est-ce que M. Gerin partage votre avis ?

M. François de Rugy. D’ailleurs, on se souvient bien que c’est après les élections régionales que le Président de la République s’est prononcé pour une loi d’interdiction générale.

Nous ne voulons pas de loi d’affichage, de loi qui instrumentalise le dernier débat médiatique à la mode, comme vous le faites depuis trois ans. C’est une position de fond : nous accordons assez de force et de valeur à la loi, au travail du législateur, pour refuser de tomber dans ce travers.

Nous pensons que ceux qui gouvernent comme ceux qui légifèrent doivent toujours privilégier l’apaisement. La fermeté sur les valeurs de notre république ne peut être crédible que si elle est permanente et qu’elle vaut dans tous les domaines.

L’état de délitement moral dans lequel vous avez plongé les institutions de notre république…

M. Jacques Myard. Oh là !

M. François de Rugy. …vous rend fort peu crédibles dans le rôle de chevaliers blancs des valeurs. Quelle crédibilité avez-vous pour défendre la liberté, l’égalité et la fraternité ? Vous n’avez eu de cesse de restreindre les libertés, au premier rang desquelles la liberté de la presse, dont notre nouvelle collègue Anny Poursinoff parlait tout à l’heure, et dont vous faites bien peu de cas – on a encore vu le Premier ministre s’en prendre tout à l’heure à la presse lors de la séance de questions au Gouvernement, attaquant ainsi l’une des libertés fondamentales de notre république.

M. Yves Nicolin. Vous mélangez tout !

M. François de Rugy. Depuis trois ans, vous n’avez eu de cesse de sabrer l’esprit de fraternité en opposant les Français les uns aux autres, depuis le plus haut sommet de l’État ; les paroles du Président de la République le montrent. Quant à l’égalité, comment osez-vous encore en parler ? Vous avez érigé l’inégalité en dogme : inégalité devant la justice, inégalité sociale, et surtout inégalité fiscale, dont le bouclier fiscal est le symbole le plus éclatant, symbole auquel vous tenez tant, et pour cause !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. On est assez loin du sujet !

M. François de Rugy. Quant à l’inégalité entre hommes et femmes, vous avez voulu la mettre au cœur de ce projet de loi

M. le président. Nous attendons plutôt l’explication de votre vote.

M. François de Rugy. J’y arrive, monsieur le président.

Cette inégalité, c’est bien sûr l’aspect le plus choquant du port de la burqa, y compris quand celui-ci est volontaire. Nous sommes, comme la très grande majorité des Français, choqués par ce symbole d’inégalité. Mais, pour parler de l’égalité entre hommes et femmes, encore faudrait-il ne pas montrer du doigt un seul problème, une seule catégorie de la population. Que faites-vous pour l’égalité entre hommes et femmes lorsque vous supprimez la parité aux élections régionales ?

M. le président. Merci.

M. François de Rugy. J’en termine, monsieur le président.

Cette loi, conçue comme une diversion, est plus que jamais anachronique dans le climat économique et social de notre pays. C’est pourquoi nous ne participerons pas au vote. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Pierre Soisson. Le peuple de France ne pense rien de ce que vous dites !

M. le président. Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Le voile intégral est-il compatible avec les valeurs de la République ? Au terme d’un an de réflexion, d’écoute et de débats, c’est ensemble, majorité et opposition, que nous avons, voici quelques semaines, tranché cette question en adoptant à l’unanimité la résolution proposée par nos collègues du groupe UMP.

Oui, mes chers collègues, le port du voile intégral constitue bien une pratique aux antipodes des valeurs qui fondent et structurent l’idée que tous ici nous nous faisons de la République. C’est un déni de liberté lorsqu’il a lieu sous l’effet de la contrainte, que celle-ci soit patente ou diluée dans un environnement social ; c’est une négation de l’égalité entre citoyens qui dépouille la femme de son identité, quand ce n’est pas de son humanité ; c’est un refus affiché de l’idéal de fraternité, une volonté de se soustraire au vivre ensemble républicain.

La réponse au phénomène du voile intégral portait en elle l’exigence de l’unanimité et du consensus démocratique. Sur une question qui a d’aussi fortes conséquences pour l’idéal de société qui sous-tend le projet républicain, nous ne pouvions nous permettre de rester au milieu du gué : une fois d’accord sur les principes, il nous fallait traduire ces valeurs et ce message au sein de notre ordre juridique pour mettre un terme à ces pratiques, pour mettre en conformité les paroles et les actes.

Le projet de loi dont notre assemblée a débattu constituait à ce titre un texte indispensable et attendu. Je veux saluer, madame la ministre d’État, le fait qu’après avoir laissé son temps au travail parlementaire, le Gouvernement ait, sur ce point, pris ses responsabilités. Bien loin d’une disposition convulsivement insérée dans le code pénal, ce projet constitue une réponse globale au port du voile intégral, équilibrée entre les besoins de répression, de pédagogie et de dialogue.

Ainsi, si les peines sanctionnant le fait d’imposer à une personne de dissimuler son visage se veulent sévères et par là dissuasives – un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, le double en cas de victime mineure –, celle sanctionnant le fait de porter volontairement une tenue destinée à dissimuler son visage ne s’élève qu’à 150 euros, un stage de citoyenneté pouvant être prescrit sur décision du juge, en complément voire en substitution de cette peine principale. Autrement dit, le dialogue et la pédagogie l’emporteront, dans ce cas précis, sur la sanction.

De même, la période transitoire de six mois qui précédera l’entrée en vigueur de l’interdiction de dissimulation volontaire du visage laisse, elle aussi, leur place et leur chance au dialogue et à la pédagogie.

Il ne s’agit donc pas, mes chers collègues, de s’en remettre à la seule force supposée de la sanction, mais bien de susciter, au terme d’un débat en bien des points exemplaire, l’adhésion à des valeurs et à un idéal. Voilà pourquoi les députés du Nouveau Centre apporteront leur soutien à ce projet de loi.

J’en viens au point qui a progressivement cristallisé toute l’attention : la viabilité juridique prêtée à ce texte, notamment après les avis formulés par le Conseil d’État.

Au terme de ce débat, nous ne doutons pas de la constitutionnalité d’une mesure d’interdiction générale appuyée sur la théorie de l’ordre public immatériel. Il importait cependant, au regard du fiasco moral que constituerait pour la République une censure a posteriori dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, de dissiper le plus rapidement possible tout doute à ce sujet. C’est pourquoi je tiens à saluer la décision de notre président de saisir a priori le Conseil constitutionnel sur ce projet de loi.

Mes chers collègues, il est des débats parlementaires, il est des lois qui, plus que d’autres, impriment leur marque sur la société. Indéniablement, ce projet en fera partie. Au terme d’un débat difficile et courageux, car prompt à susciter les anathèmes de toute sorte, c’est bien l’honneur de notre assemblée que d’opposer au voile intégral le refus sans appel de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe UMP.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, madame la ministre d’État, chers collègues, le projet de loi soumis à notre vote poursuit un triple objectif : protéger le pacte républicain, maintenir l’ordre public et libérer, parfois malgré elles, les femmes qui dissimulent leur visage aux yeux de leurs semblables. Une loi ne constituera évidemment pas, à elle seule, l’ultime réponse : il faudra éduquer, continuer d’être vigilant et résister aux coups de boutoir communautaristes.

En examinant ce texte, nous avons défendu nos valeurs républicaines avec une belle unanimité. Chacun d’entre nous a parlé de liberté, notamment de celle des femmes, de vivre ensemble, d’égalité d’accès aux mêmes droits. Chacun a condamné ce que le voile intégral symbolise. La burqa, le niqab sont la négation de toutes ces valeurs ; ils sont une prison pour les femmes. Ils sont le signe de leur soumission, à leur mari, à leur frère ou à leur père, la condamnation à n’être plus rien.

L’avis unanime qu’a émis l’Assemblée nationale en adoptant la proposition de résolution, le 11 mai dernier, n’est qu’un premier pas vers la réponse claire que nous devons apporter. Ce premier pas est important, mais il n’est qu’incantatoire. Comment peut-on, dans notre pays, militer pour la libre accession des femmes au travail, à l’éducation, aux soins, à l’égalité de traitement, et ne pas se donner les moyens de lutter efficacement contre ce qui symbolise l’interdiction de toutes ces libertés ?

Le temps est venu de dire réellement et concrètement comment nous entendons faire respecter ces valeurs républicaines si bien défendues verbalement. Aucune ambiguïté n’entoure ce texte : il est clair, il est simple, il est efficace, et le Conseil constitutionnel est saisi. Aucun faux-fuyant, aucun faux prétexte, aucun argument fallacieux n’est donc possible en cet instant.

Une seule question se pose à vous, mes chers collègues : comment entendez-vous répondre à ces intégristes islamistes qui soumettent aujourd’hui les femmes, qui soumettront demain les hommes et les femmes et, avec eux, la République tout entière ?

Quelle grave erreur que de dire ou de vouloir faire croire que ce texte exprime l’islamophobie ou l’intolérance de la société française ! Cette loi ne stigmatise nullement l’islam. Elle condamne la burqa, qui n’est pas un vêtement religieux, mais bien un symbole d’oppression.

M. Jean-François Copé. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. L’immense majorité des musulmans rejette le port du voile intégral, et les femmes musulmanes attendent de nous une décision, une loi simple et courageuse. Condamner le voile intégral, c’est précisément contribuer à lutter contre l’islamophobie.

Voilà pourquoi le groupe UMP dit non. Non à la résignation, non aux pratiques obscurantistes, non à l’oppression.

Aujourd’hui, des milliers de femmes de par le monde attendent qu’un grand pays démocratique s’engage à leurs côtés. Ce pays doit être la France. Voilà pourquoi nous devons approuver ce texte le plus largement possible.

Le Parlement n’est ni pressé ni en retard. Depuis près d’un an, autour de la mission d’information sur l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public, un vaste débat s’est ouvert ; non pour des raisons politiciennes, comme certains voudraient le faire croire, mais parce que l’un de nos collègues, maire d’une commune, s’est inquiété à juste titre de voir ce phénomène s’amplifier et, ce qui est pire, de voir des mineures, des petites filles, affublées de ce voile prison.

Ce débat existe partout dans le monde : en Belgique, en Espagne, au Danemark, au Canada, et même dans des pays musulmans. En France, nous faisons le choix, en toute responsabilité, d’une interdiction générale, la seule possible, car la seule cohérente avec la défense de la dignité et de la sécurité.

Le voile intégral n’a pas sa place en France. Le groupe UMP est au côté de son président, Jean-François Copé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), et au côté du Président de la République, Nicolas Sarkozy. Il votera donc ce texte, qui honorera celles et ceux qui ont choisi de défendre les valeurs de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe SRC.

M. Jean Glavany. Monsieur le président, madame la ministre d’État, à ce stade de nos débats, qui durent depuis longtemps, je veux d’abord dire tout ce qui nous rassemble.

Ce qui nous rassemble, c’est le constat selon lequel la pratique intégriste que constitue le port du voile intégral, de la burqa ou du niqab, est incompatible avec les valeurs de la République.

M. Jean-Claude Lenoir. Eh bien, votez le texte !

M. Jean Glavany. Vous voulez faire l’explication de vote à ma place ?

M. le président. Je vous en prie, monsieur Lenoir !

M. Jean Glavany. Notre consensus porte ensuite sur l’objectif : empêcher ces pratiques, et même les interdire.

Nous partageons donc, au nom de la République, et ce constat et cet objectif.

Ce sur quoi nous divergeons – le débat l’a fait apparaître –, ce sont les moyens de parvenir à cet objectif ; je veux parler des moyens juridiques.

Votre majorité a décidé, poussée par la forme qu’a pris le débat, de procéder à l’interdiction générale – en tout lieu, en tout temps. C’est votre droit, et nous le respectons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cependant, à nos yeux, vous prenez ce faisant un risque juridique, et vous auriez dû être plus attentifs à l’avis du Conseil d’État, qui n’est certes qu’un avis, mais qui révèle la fragilité juridique du dispositif, du point de vue de la Constitution comme de la Convention européenne des droits de l’homme.

Voilà pourquoi nous avons proposé, par l’intermédiaire d’une proposition de loi, un autre moyen d’atteindre le même objectif (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : interdire le port du voile intégral partout où cela est possible, partout où le droit constitutionnel et conventionnel permet de le faire sans risque, et autant qu’il est possible, dans les services publics, dans les endroits sensibles et dans certains commerces ; et, pour le reste, recourir à l’information, à la pédagogie et à la médiation sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Voilà notre dissensus. Il est regrettable : nous l’avions dit, nous étions prêts à prendre part à ce consensus républicain.

Dans ces conditions, le groupe SRC se réjouit que le président du groupe UMP ait fait part de son souhait que soit saisi le Conseil constitutionnel dès le vote définitif de la loi, et que le président de l'Assemblée nationale ait décidé de le faire : c’est ce que nous demandions depuis plusieurs semaines. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Jean Glavany. Permettez-moi de vous dire que cela justifie, d’une certaine manière, nos réserves.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Non !

M. Jean-Claude Lenoir. Pourquoi ne pas voter le texte ?

M. Jean Glavany. Pendant plusieurs semaines, pendant plusieurs mois, on nous a dit, avec l’arrogance dont certains sont coutumiers, que nous étions hypocrites ou que nous manquions de courage. (Même mouvement.)

M. le président. Je vous en prie !

M. Jean Glavany. Il n’y avait, disait-on, aucun problème juridique ; et voilà que vous annoncez que vous allez saisir le Conseil constitutionnel.

M. Yves Nicolin. Votez le texte !

M. Jean Glavany. Il y a donc bien un doute !

Pour notre part, si nous ne voulons pas prendre ce risque juridique, c’est pour une raison politique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à laquelle vous devriez vous rallier : si jamais ce texte, que vous allez voter, devait être sanctionné par le Conseil constitutionnel ou par la Cour européenne des droits de l’homme, ce serait un cadeau inestimable fait aux intégristes que nous voulons théoriquement tous combattre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Voilà ce qui nous sépare, et voilà pourquoi, à ce stade de nos débats, le groupe SRC, dans son immense majorité, a décidé non de s’abstenir – car on ne s’abstient pas sur des sujets aussi graves –, mais de ne pas prendre part au vote. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Carton jaune !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Jean Glavany. Vous n’avez pas tenu compte de nos arguments (Huées sur les bancs du groupe UMP) ; or nous attendons que le consensus républicain, au cours des étapes ultérieures du débat parlementaire, fasse droit aux réserves que nous avons exprimées et aux arguments que nous avons défendus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 339

Nombre de suffrages exprimés 336

Majorité absolue 169

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous comprendrez que je tienne à vous remercier de ce vote et à m’en féliciter.

L’adoption de ce projet de loi est un double succès. Pour la démocratie, d’abord, qui sort grandie d’un débat parlementaire de grande qualité, quoi qu’ait pu en dire M. de Rugy, qui est à contre-courant de tout ce qui s’est passé dans cet hémicycle. (M. André Gerin approuve.) Permettez-moi d’en féliciter chacune et chacun d’entre vous, sur tous les bancs.

Mais c’est aussi un succès pour la République et pour les valeurs qu’elle incarne : de liberté, contre toutes les oppressions par lesquelles on cherche à humilier les individus ; d’égalité entre les hommes et les femmes, contre tous ceux qui poussent à l’inéquité et à l’injustice ; de fraternité, pour perpétuer notre capacité à vivre ensemble dans une communauté de destin.

Mesdames et messieurs les députés, ces valeurs ne sont pas celles d’un camp contre l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Au contraire, elles nous rappellent ce que nous avons en partage ; elles nous rappellent que, quelles que soient nos convictions politiques, nous acceptons les termes du pacte républicain (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), et que la France n’est jamais aussi grande, aussi forte, aussi reconnue dans le monde que lorsqu’elle est unie autour d’elles. Ces valeurs humanitaires, aujourd’hui comme hier, forgent notre unité, notre singularité et la grandeur de la France. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Mes chers collègues, la session extraordinaire va s’achever. La commission des affaires sociales se réunira la semaine prochaine pour examiner le projet de loi sur les retraites.

J’espère qu’après la suspension de nos travaux, chacun, ayant bénéficié d’un repos réparateur,…

M. Jean-Claude Lenoir. Et mérité !

M. le président. …aura pour priorité un travail fructueux au service de nos compatriotes, dans la sérénité et la dignité que les Français attendent.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

4

Clôture de la session extraordinaire

M. le président. L’Assemblée a achevé l’examen des textes qui étaient inscrits à son ordre du jour. Je prendrai acte de la clôture de la session extraordinaire par avis publié au Journal officiel.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures quarante-cinq.)