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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 21 octobre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Maurice Leroy

1. Projet de loi de finances pour 2011 Première partie (Suite)

Après l'article 2 (amendements précédemment réservés)

Amendement no 409

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances

Amendements nos 496, 294, 204, 318, 296, 17 rectifié, 413, 10 rectifié, 297, 435, 249, 75, 295, 255, 568, 25 rectifié, 382, 479, 355, 293 rectifié, 260, 298, 256, 322, 230

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Maurice Leroy,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2011
Première partie (Suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).

Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n° 409, portant article additionnel après l’article 2, précédemment réservé.

Après l'article 2
(amendements précédemment réservés)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir cet amendement n° 409.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mon groupe a déposé cet amendement afin d’éviter des détournements du droit fiscal comparables à ceux que nous avions connus en matière d’indemnités de licenciement et qui nous avaient amenés à fixer un seuil au-dessus duquel l’exonération fiscale était supprimée.

Cet amendement n° 409 est afférant aux indemnités pour préjudice moral. S’il est légitime d’exonérer des préjudices moraux de 10 000, 20 000 ou 30 000 euros de toute imposition, ce n’est plus le cas quand les sommes fixées par certaines décisions de justice arbitrales atteignent des millions d’euros.

Dans ce cas, il s’agit d’un moyen de détourner le droit fiscal en transformant des dommages et intérêts économiques en dommages pour préjudice moral.

Lorsque nous en avons débattu en commission des finances, celle-ci était favorable à notre amendement tout en souhaitant qu’il figure en deuxième partie afin d’éviter la rétroactivité de la mesure.

Je l’ai maintenu en première partie pour entendre la position du Gouvernement. Si le ministre en est d’accord, je le retirerai pour le redéposer en deuxième partie.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission estime que cet amendement va dans la bonne direction, en posant le problème de l’importance de certaines sommes accordées au titre du préjudice moral.

Au-delà d’un certain montant, cela relève plutôt de l’indemnisation d’un préjudice économique qui, elle, est imposable. La commission souhaite donc que cette question soit traitée. Peut-être ne l’est-elle pas de la meilleure manière, comme l’a souligné Charles de Courson lui-même : la mesure n’a pas d’incidence sur les comptes 2011 et relève de la deuxième partie. Mais il faut absolument que nous traitions cette question.

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur de Courson, le problème que vous posez n’est pas simple. La mesure proposée revient en effet à remettre en cause un principe fiscal fondamental : la différence établie entre ce qui procède du revenu et ce qui est qualifié par un juge comme préjudice moral. Il revient au juge de discerner ce qui procède des dommages et intérêts et ce qui relève du préjudice moral.

Si nous nous engouffrons dans cette brèche dont on voit bien l’origine, nous créerions, à terme, quelque chose qui nous semble instable sur le plan constitutionnel. En outre, dans l’équilibre général, la mesure pourrait s’apparenter, pour la tranche inférieure au million d’euros, à une nouvelle niche fiscale…

M. Charles de Courson Oh ! (Sourires)

M. François Baroin, ministre du budget. Je flatte là votre orgueil de grand orateur opposé au développement des niches fiscales.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, qu’il soit déposé en première ou en seconde partie. Nous ne voulons pas ouvrir une brèche qui altérerait l’autonomie du regard du juge et poserait des problèmes de nature constitutionnelle.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le ministre, il y a deux terrains bien distincts : celui de la qualification juridique du préjudice moral, qui est l’affaire du juge, je vous l’accorde ; celui de la fiscalisation, qui relève de notre responsabilité.

À cet égard, au-delà d’un certain montant, je conçois parfaitement que nous estimions que l’indemnité doit être fiscalisée. C’est de notre responsabilité, non de celle du juge.

Je souhaite donc que cette question soit vraiment étudiée d’ici la fin de l’examen de la seconde partie.

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget.

M. François Baroin, ministre du budget. J’ajouterai un codicille. En matière d’imposition sur le revenu, le principe essentiel est que seuls les produits qui se renouvellent sont susceptibles d’être fiscalisés. On ne peut pas considérer qu’un préjudice moral est de nature à se renouveler, de manière récurrente.

M. François Goulard. Avec Tapie, tout est possible !

M. François Baroin, ministre du budget. On ne peut pas faire une généralité d’un cas particulier, en affaiblissant à la fois les principes fondamentaux de la fiscalisation du revenu et la souveraineté du juge en matière de qualification de tel ou tel litige.

Il serait quand même curieux de fiscaliser un préjudice moral apprécié à un niveau élevé – ce qui est assez rare dans notre pays –…

M. François Goulard. Un seul cas.

M. François Baroin, ministre du budget.… alors que les autres, moins importants, ne le seraient pas.

Vous posez un problème de fond sur un cas particulier. Comme il se doit, le Gouvernement étudiera les réflexions et les propositions de la commission, mais il est fort peu probable qu’il évolue sur ce point, car celui-ci soulève une question de principe.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le Gouvernement invoque deux principes.

D’abord, on ne pourrait pas taxer ce qui n’est pas renouvelable. Il faudrait quand même manier ce principe avec prudence, étant donné qu’il existe par exemple des taxations de plus-values de cession de biens mobiliers ou immobiliers.

M. François Goulard. Bien sûr !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Un bien ne peut être cédé qu’une fois et, pourtant, il est taxé.

Si ce principe de ne taxer que ce qui est renouvelable était appliqué de manière large – et si c’est un principe il doit l’être –, nous serions amenés à perdre beaucoup de recettes, notamment pour l’année prochaine. Cet argument paraît donc assez peu convaincant.

Ensuite, la mesure soulèverait un problème constitutionnel. Il me semble que le législateur – naturellement encadré par notre loi fondamentale – a toute sa place dès lors qu’il s’agit de décider d’un prélèvement.

Je ne vois pas quelle disposition de nature constitutionnelle empêcherait le Parlement, s’il le souhaitait, de fiscaliser au-delà d’un certain seuil les indemnités versées au titre d’un préjudice moral.

Sur le principe, je crains de ne pouvoir vous suivre, monsieur le ministre.

Venons-en au cas d’espèce que nous avons tous à l’esprit, à tort d’ailleurs car la rétroactivité serait en l’occurrence impossible, ou au moins délicate, à mettre en œuvre, même si beaucoup peuvent le regretter.

Face au problème posé par ce cas d’espèce, le législateur a toute sa place pour indiquer au juge – qu’il s’agisse d’une juridiction ordinaire ou d’une justice plus particulière – des limites à ne plus franchir.

Jusqu’à présent, les indemnités versées au titre du préjudice moral n’avaient jamais atteint de tels niveaux. Si le législateur ne réagit pas, nous reverrons des cas de cette nature, qui pourraient être aussi choquants ou mal compris.

Je rappellerai à ce propos une histoire qui a ému beaucoup de monde. Un homme, dans l’est de la France, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine incompressible de trente ans. Il a effectué quatorze années de cette peine avant d’être définitivement innocenté d’un crime horrible puisqu’il s’agissait du viol et du meurtre de deux jeunes enfants.

Je crois qu’il est difficile d’imaginer une souffrance morale plus grande, même si on peut toujours faire preuve d’imagination. Au titre du préjudice moral, cet homme s’est vu attribuer un million d’euros, c'est-à-dire quarante-cinq fois moins que dans le cas d’espèce auquel nous pourrions penser.

Si le législateur n’indique pas une limite au-delà de laquelle le principe rappelé à juste titre par le ministre ne s’applique plus, nous reverrons des cas qui, légitimement, susciteront une certaine émotion dans la population bien sûr, mais également ici – en tout cas, il faut le souhaiter.

M. le président. Mes chers collègues, comme j’ai vu de nombreux doigts se lever, je voudrais clarifier un point.

Nous sommes dans le cadre du règlement classique et traditionnel, si j’ose dire, et je ne peux normalement donner la parole qu’à deux orateurs.

Compte tenu du débat, je vais accorder plusieurs prises de parole. C’est une question d’organisation. Si tout le monde se discipline en faisant court, je suis tout à fait disposé à accorder plus de prises de parole que le règlement ne le permet.

Dès lors, que chacun s’exprime un peu rapidement, de façon concise, ce qui facilitera le débat. En tordant un peu le règlement, j’aurai permis le débat parce que nous examinons la loi de finances.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Premièrement, contrairement à ce que croient peut-être certains, cet amendement ne concerne pas l’affaire Tapie.

Bernard Tapie a touché quarante-cinq millions de préjudice moral en application d’une sentence arbitrale, et la somme lui a été versée en 2009.

Quand bien même nous adopterions la mesure en première partie, elle ne s’appliquerait qu’à compter du 1er janvier 2010. Pour qu’il n’y ait aucune discussion de ce type, je reporterai mon amendement en deuxième partie, pour une éventuelle application au 1er janvier 2011.

Deuxièmement, cet amendement ne remet pas en cause une quelconque décision de justice. Il s’inspire de la même logique que celle que nous avons admise pour les indemnités de licenciement, avant même le nouveau texte, après avoir constaté que des licenciements conventionnels permettaient de dissimuler des indemnités considérables en les faisant passer en dommages et intérêts exonérés : nous avons fixé un seuil au-dessus duquel les sommes sont fiscalisées, sans que cela remette en cause ces accords « conventionnels ».

Troisièmement, l’amendement ne pose pas de problème de principe ni de problème constitutionnel. Jamais le Conseil constitutionnel n’a remis en cause notre définition de ce qui est un revenu et de ce qui n’en est pas. C’est à la souveraineté nationale d’en décider. Le Conseil constitutionnel a toujours respecté notre position, y compris sur les indemnités de licenciement.

Peut-être d’autres collègues voudront-ils s’exprimer sur cet amendement, car il a fait l’objet d’un consensus en commission des finances. Comme je l’ai déjà indiqué, on m’a simplement demandé de le présenter en deuxième partie du projet de loi de finances. Je l’ai maintenu en première partie pour connaître la position du Gouvernement, avant de le retirer et de le présenter en deuxième partie.

M. le président. La parole est à M François Goulard.

M. François Goulard. Bien que je le regrette, je suis en désaccord avec M. le ministre sur deux points essentiels.

Premièrement, pour exceptionnel que puisse être un revenu, il n’en est pas moins imposable. Les exemples sont multiples. Sur ce point, nul besoin d’un long débat.

Deuxièmement, je suis tout à fait d’accord avec Charles de Courson : la loi fiscale jouit d’une autonomie totale vis-à-vis des décisions judiciaires. Le raisonnement selon lequel une somme serait non imposable du simple fait que le juge l’aurait qualifiée d’indemnité ne résiste pas à l’examen. Il n’est conforme ni à notre droit, ni à la Constitution. Si tel était le cas, cela voudrait dire que le législatif est soumis à l’autorité judiciaire, ce qui n’est pas tenable.

Selon moi, cet amendement présente l’énorme avantage de colmater une brèche dans un dispositif qui peut devenir source d’évasion fiscale. Un arrangement entre amis – chacun sait que l’affaire à laquelle nous pensons tous résulte d’une sentence arbitrale – peut aboutir à défiscaliser de droit et de fait des sommes tout à fait considérables. La disposition qui est proposée a l’énorme avantage de fermer une brèche permettant à des gens mal intentionnés d’échapper à l’impôt pour des montants considérables.

M. Michel Sapin. Ce n’est pas le cas !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J’avoue que je ne suis pas complètement insensible au questionnement de M. le ministre, que l’on pourrait résumer ainsi : s’agit-il de fiscaliser la morale ou de moraliser la fiscalité ? J’aurais aimé connaître le point de vue de la commission des lois à ce sujet car nous sommes face à une interrogation qui n’est pas mince.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je serai bref car nombre d’arguments que je voulais avancer ont été exposés. Je suis très surpris, monsieur le ministre, que vous parliez de création d’une nouvelle niche fiscale. Notre collègue Goulard a parfaitement démontré que c’en était une, dans laquelle certains risquaient de s’engouffrer. L’amendement a pour but, sinon de la faire disparaître, du moins de l’amoindrir considérablement.

(L'amendement n° 409 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 496.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Cet amendement a pour but de revenir sur une erreur et une injustice flagrante commise l’année dernière lorsque la majorité a décidé de fiscaliser les indemnités journalières des accidents du travail, pour un rapport d’environ 150 ou 175 millions d’euros. Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet. Vous parlez de moraliser la fiscalité : on est vraiment ici dans l’excès. Supprimez cette mesure inique malencontreusement adoptée l’année dernière.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Je rappelle que la solution adoptée l’an dernier ne consiste qu’à fiscaliser la partie correspondant aux indemnités journalières en cas, par exemple, de maladie. C’est une mesure d’équité par rapport à l’imposition des autres revenus de remplacement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Avis défavorable, pour les mêmes arguments que ceux de la commission.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. L’équité, monsieur le rapporteur général, consiste toujours, pour vous, à aligner sur le système le plus contraignant. Après la discussion que nous venons d’avoir sur les indemnités pour préjudice moral et les détournements auxquelles elles peuvent donner lieu, votre position est quand même curieuse. Quand on connaît le montant des indemnités journalières pour accident du travail, lesquelles sont également la réparation d’un préjudice, vouloir les fiscaliser est proprement scandaleux.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Le député de la Creuse que je suis s’indigne fortement contre cette mesure historique. C’est un député creusois, Martin Nadaud, qui est à l’origine de la loi sur les accidents du travail, votée à la fin du dix-neuvième siècle. Ouvrier maçon, il a fait reconnaître la responsabilité des patrons en cas d’accidents du travail. Je pensais que le ministre des comptes publics serait sensible à cet aspect et à l’injustice générée par la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail. Je ne pouvais pas ne pas réagir très vivement.

(L'amendement n° 496 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 294, 204 et 318, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 204 et 318 sont identiques.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 294.

M. Pierre-Alain Muet. Dans ce débat budgétaire, nous avons parfois consacré de longs moments, c’est vrai, à moraliser la fiscalité : ce fut le cas hier sur le crédit impôt recherche, qui a fait l’objet d’un consensus transpartisan.

Avec l’amendement 294, il est question d’efficacité économique. Je continue à soutenir que, dans la conjoncture actuelle de chômage massif, le dispositif sur les heures supplémentaires est à la fois une hérésie économique et une arme de destruction massive de l’emploi.

Nous ne menons pas un débat idéologique. Les Allemands ont abordé cette question, dans la période de récession que nous connaissons, de façon tout à fait pragmatique : pour empêcher que la récession ne se répercute massivement sur le chômage, ils ont utilisé à la fois le chômage partiel – qui, chez eux, s’appelle de son vrai nom, c’est-à-dire le travail à temps partiel subventionné –, et la réduction du temps de travail à l’échelle des entreprises, quand c’était possible, et ils ont mis en place des politiques de l’emploi.

Maintenir le dispositif sur les heures supplémentaires dans la situation actuelle, c’est vraiment nuire à l’emploi, donc à la confiance et, d’une certaine manière, au retour de la croissance.

Comme nous avons bien conscience que la suppression du dispositif aurait des répercussions sur les revenus, nous la lions à une augmentation de la prime pour l’emploi : ainsi l’économie serait gagnante tout en évitant que les salariés modestes ne soient perdants. Seule la partie incitant à recourir aux heures supplémentaires plutôt qu’à l’embauche serait supprimée. Accompagnée d’une politique de revenu, cette suppression aurait un effet favorable à la fois sur le revenu et sur l’emploi.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 204.

M. François de Rugy. Par notre amendement, nous demandons également la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires introduite dans la loi TEPA, le fameux paquet fiscal, de juillet 2007.

Dès sa mise en œuvre, nous avons combattu cette mesure que nous jugeons à contretemps. Elle l’était déjà à l’été 2007, où l’activité économique était faible, pour ne pas dire stagnante, car, dans de telles conditions, il faut mieux inciter à embaucher qu’à donner des heures supplémentaires à ceux qui ont déjà un emploi. Dans la période actuelle, où l’on semble – on peut du moins l’espérer –sortir un peu de la crise…

M. Michel Sapin. Non !

M. François de Rugy. …elle est carrément absurde. Le seul cas où les heures supplémentaires pourraient être considérées comme intéressantes serait, à la limite, les périodes de forte expansion ; encore faudrait-il, même dans ce cas, qu’il n’y ait pas de chômage, car nous avons malheureusement connu des périodes de forte croissance où le nombre des demandeurs d’emploi restait très élevé.

Nous ne sommes pas du tout dans ce cas aujourd’hui.

Par ailleurs, tout le monde sait que ce qui rend attractives les heures supplémentaires, ce n’est pas leur défiscalisation : ce qui aurait eu cet effet – mais vous n’avez pas voulu prendre cette mesure, en sachant l’impopularité – eût été de déclencher les heures supplémentaires, mieux payées que les heures normales, à partir de 39 heures au lieu de 35. Vous avez essayé de tenir la promesse du Président de la République, « travailler plus pour gagner plus », par le biais de cette mesure fiscale, qui n’a aucun sens, et d’une exonération de cotisations, sur laquelle nous reviendrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est une erreur économique, qui a en outre un coût pour l’État : elle pèse sur la fiscalisation – peu, parce que les gens qui font des heures supplémentaires ne payent pas beaucoup d’impôt – mais surtout sur le budget de l’État, puisque la compensation des exonérations de cotisations est d’environ 4 milliards d’euros par an, ce qui est énorme dans la période actuelle. Puisque vous parler de raboter les niches fiscales, supprimez celle-ci.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 318.

M. Jean-Claude Sandrier. Quatre défauts entachent la défiscalisation des heures supplémentaires : son inefficacité, les inégalités qu'elle crée, l'opacité fiscale qu'elle facilite et surtout, évidemment, son coût exorbitant.

Son premier défaut, l'inefficacité, est constaté par le Gouvernement lui-même, comme le montre la conclusion de l'analyse de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, publiée le 21 mai 2010 : « Des premiers éléments de constat macroéconomique suggèrent que la mise en œuvre de la loi TEPA n'a pas modifié profondément le lien, constaté dans l'industrie et les services marchands ces dix dernières années, entre les fluctuations cycliques de l'activité et celles de l'intérim et du volume d'heures supplémentaires ».

Le deuxième défaut de ce dispositif est de créer des inégalités. Le conseil d'analyse économique écrit en effet : « Un allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires accroît le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent au-delà de la durée légale. Néanmoins, en contrepartie, le financement de cet allégement réduit le revenu des salariés qui ne font pas d'heures supplémentaires ».

Troisième défaut : l'opacité fiscale. Le conseil d'analyse économique constate un peu plus loin dans son rapport : « Un inconvénient majeur de ce type de mesure est qu'il risque de favoriser des comportements "opportunistes". Ainsi, un employeur et son salarié peuvent conjointement gagner à abaisser (ou à ne pas augmenter) le taux de salaire des heures normales et à déclarer fictivement des heures supplémentaires […] afin de bénéficier des avantages fiscaux ».

Le quatrième et dernier défaut du dispositif est son coût. D'après le journal Les Échos – qu'on ne peut soupçonner d'appartenir à l'ultra-gauche –, le dispositif prive l'État chaque année de plus de 2 milliards d'euros. Oui, 2 milliards d'euros pour une mesure inefficace accroissant les inégalités et favorisant l'opacité fiscale !

C’est une véritable hérésie économique. C’est pourquoi nous demandons la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.

M. Michel Sapin. Très bien

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable sur les trois amendements. J’indique – c’est un chiffre que nous venons d’avoir – qu’au premier semestre 2010, où l’on constate un début de retour de la croissance, le nombre des heures supplémentaires a augmenté de 14 % par rapport au premier semestre 2009. C’est la preuve que les heures supplémentaires sont bien liées – je le reconnais volontiers avec M. Muet – à la croissance et que, dans un contexte de retour de croissance, que nous constatons aujourd’hui et que nous espérons voir s’amplifier, nous aurons absolument besoin des heures supplémentaires compte tenu de la contrainte dont nous avons héritée du fait des 35 heures.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Les arguments développés par le rapporteur général sont très pertinents. Ces amendements tendent à remettre en cause le dispositif TEPA, sur lequel nous avons une opposition de doctrine. J’ajoute que ce ne serait pas efficace.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est vraiment pas efficace !

M. François Baroin, ministre du budget. Pour vous !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il serait bon que, sur des sujets qui concernent la conjoncture économique, le Gouvernement fasse preuve d’un minimum de réflexion économique.

M. François Baroin, ministre du budget. Ah ah ah !

M. Richard Mallié. Il ne peut pas rester muet, lui?

M. Pierre-Alain Muet. On nous a objecté en commission que la défiscalisation des heures supplémentaires, que nous voulons supprimer, servait à compenser les trente-cinq heures.

Mais la question de la réduction ou de l’augmentation du temps de travail est conjoncturelle. La France a ainsi connu des périodes de très forte tension sur le marché du travail : dans les années cinquante et soixante, il y avait très peu de chômage, et de nombreux immigrés venaient d’ailleurs travailler en France, parce que la demande était importante. Dans ce contexte, la durée hebdomadaire du travail étant très élevée, on aurait pu imaginer qu’elle soit subventionnée.

Aujourd’hui, c’est exactement le contraire.

M. Richard Mallié. C’est grâce à Jospin que cela a changé !

M. Pierre-Alain Muet. Selon le rapporteur général, la reprise va entraîner une augmentation du nombre d’heures supplémentaires ; certes, mais si c’est là le seul effet qu’aura la reprise, même si elle se révèle durable, des chômeurs vont rester sur le carreau. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. C’est caricatural !

M. Richard Mallié. Vous croyez encore au père Noël, à votre âge ?

M. Pierre-Alain Muet. Vous ne modifierez pas la réalité économique en hurlant !

Ce dispositif ne favorisera pas la confiance. Le mécanisme économique qui est au fondement de la subvention des heures supplémentaires est symétrique de celui qui consisterait à subventionner la réduction du temps de travail.

M. Philippe Cochet. C’est une vision socialiste !

M. Richard Mallié. On est au xxie siècle, plus au xixe !

M. Pierre-Alain Muet. La question est de savoir ce qu’il est pertinent de faire dans telle ou telle situation conjoncturelle. Je le répète, ce qui me désole, c’est l’incapacité de votre gouvernement à mener la moindre réflexion sur une politique économique conjoncturelle.

M. Philippe Cochet. L’incapacité est du côté du parti socialiste !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, ceux d’entre vous qui ont pris part au débat sur la loi TEPA se souviennent que le premier objectif de cette mesure était de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes – car ce ne sont pas les cadres supérieurs qui font des heures supplémentaires.

M. Pierre-Alain Muet. Et la prime pour l’emploi ?

M. Charles de Courson. Cet objectif a été atteint (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : ce mécanisme a eu un effet redistributif, ce sont les entreprises qui paient, et l’incitation fiscale et sociale a fonctionné.

M. François de Rugy. C’est un effet d’aubaine !

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, vos amendements sont antisociaux ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. François de Rugy. Et c’est un connaisseur qui parle !

M. Charles de Courson. Vous voulez priver des travailleurs modestes de ces avantages dont ils bénéficient lorsqu’ils font des heures supplémentaires !

M. François de Rugy. Mais ils ne paient pas d’impôts !

M. Charles de Courson. S’y ajoute l’aspect économique. Lors du débat sur la loi TEPA, nous, centristes, avons souligné que ce dispositif ne créerait pas d’emplois. Au demeurant, ce n’était pas son but : comme notre rapporteur général l’a rappelé, il avait pour avantage d’accroître la flexibilité du travail. Et il est totalement faux de dire qu’il a fait augmenter le chômage.

Le dirigeant d’une entreprise saturée, qui a beaucoup de mal à recruter une main-d’œuvre spécialisée, est bien content de pouvoir proposer à ses salariés d’effectuer des heures supplémentaires en échange d’un avantage social et fiscal. C’était cela, le but de la mesure, et non la création d’emplois.

M. Michel Sapin. Et toutes les primes qui ont été transformées en heures supplémentaires ?

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur de Courson, je comprends bien que certaines entreprises, dans un secteur donné, puissent être dans la situation que vous évoquez, même lorsque le chômage est élevé. Mais il est déjà possible alors de faire preuve de souplesse : il n’est pas indispensable de subventionner un dispositif qui fera que toutes les entreprises modifient leurs arbitrages et privilégient les heures supplémentaires plutôt que l’emploi.

Vous êtes un économiste libéral, monsieur de Courson. (Sourires.)

M. Charles de Courson. Tout à fait.

M. Michel Sapin. Mais bien élevé ! (Même mouvement.)

M. Pierre-Alain Muet. Laissez donc faire, dans chaque secteur.

En outre, je rappelle que la durée hebdomadaire du travail n’est pas moins élevée en France que dans les autres pays. Voyez les statistiques d’Eurostat : si l’on prend en considération la durée de travail hebdomadaire moyenne de tous les salariés, nous travaillons plus qu’en Allemagne – plus d’une heure de plus – et beaucoup plus qu’aux Pays-Bas – où l’on travaille en moyenne vingt-neuf heures par semaine. On oublie toujours de prendre en considération le travail à temps partiel.

Mettons donc un terme à ce débat idéologique pour considérer les faits. Vous en serez les premiers gagnants ; surtout, les salariés de ce pays y gagneront, et les chômeurs plus encore, ainsi que toute notre économie.

Monsieur de Courson, nous savons bien que, si l’on supprime le dispositif, il faut compenser cette suppression par de nouveaux revenus, puisque l’on met fin à une subvention. Nous proposons donc de la compenser par une augmentation de la prime pour l’emploi, qui a été précisément évaluée…

M. Charles de Courson. Pas dans votre amendement !

M. Pierre-Alain Muet. Nous avons expliqué, en commission comme ici, que cet amendement était lié à un autre, qui tend à relever le montant de la prime pour l’emploi à proportion de la suppression de l’incitation à effectuer des heures supplémentaires. L’effet global sera une augmentation des revenus, et les effets négatifs du dispositif sur l’emploi seront supprimés : la mesure n’aura que des avantages.

M. Michel Sapin. Et voilà ! C’est clair !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je ne prendrai part à ce débat que très prudemment, en formulant deux observations.

Premièrement, M. Muet a raison d’indiquer que la durée hebdomadaire du travail en France est supérieure à celle qui prévaut en Allemagne, dès lors que l’on ne considère pas le travail à temps partiel. Si l’on prend le temps partiel en considération, l’Allemagne l’emporte sur la France, mais de très peu.

M. Pierre-Alain Muet. C’est le contraire !

M. Nicolas Forissier. Et le volume annuel ?

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Ensuite, monsieur le rapporteur général, le système que vous avez adopté et que, manifestement, vous continuez de défendre grave les trente-cinq heures dans le marbre, puisque les heures supplémentaires sont déclenchées au-delà de la trente-cinquième heure.

M. François de Rugy. Bien sûr !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Dès lors, il est curieux de dire que ce système est nécessaire pour compenser les trente-cinq heures.

M. Jacques Domergue. Tant qu’elles ne sont pas supprimées, oui !

M. Michel Piron. Vous voudriez que l’on fasse autrement ?

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je me permets simplement ces deux remarques.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Sans vouloir prolonger le débat, je dois dire que je suis surpris de sa teneur. On parle de la durée hebdomadaire du travail, mais j’aimerais que l’on évoque aussi le volume annuel du travail : de ce point de vue, nous sommes les champions internationaux de la réduction du temps de travail. (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais si ! Tout le monde le sait.

M. Michel Sapin. Regardez la vérité en face !

M. Nicolas Forissier. Deuxièmement, monsieur Muet, alors que l’on entend souvent la gauche parler d’arrogance, je suis surpris des propos que vous avez tenus à l’endroit du ministre et du Gouvernement, propos eux-mêmes quelque peu arrogants.

M. Pierre-Alain Muet. Mais non !

M. Nicolas Forissier. Je ne suis pas économiste – veuillez m’en excuser, mon cher collègue –, mais plutôt praticien des petites entreprises. Or ce système de défiscalisation des heures supplémentaires rectifie une erreur historique de la gauche : l’imposition des trente-cinq heures à toutes les entreprises de notre pays.

Monsieur le président de la commission des finances, si nous n’avons pas touché aux trente-cinq heures par la voie législative, c’est aussi pour des raisons pratiques : près de dix millions de salariés étaient déjà aux trente-cinq heures, y compris au titre d’accords de branche.

La mesure pragmatique de défiscalisation des heures supplémentaires, telle qu’elle a été instaurée par la loi TEPA, permet justement de faire preuve de la souplesse nécessaire pour se dégager, selon les besoins des entreprises, du coût considérable des trente-cinq heures et pour saisir la croissance. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Et c’est ainsi que l’on créera des emplois supplémentaires : en retrouvant d’abord la souplesse nécessaire en période de reprise.

(L’amendement n° 294 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 204 et 318 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 296.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit des dernières niches fiscales qui concernent les monuments historiques. Nous en avons brièvement débattu en commission.

Nous proposons que la subvention en question soit justifiée par une contrepartie : puisque cette incitation de l’État revient à utiliser l’argent des citoyens, les monuments concernés seraient ouverts au public.

Je comprends fort bien l’objectif de préservation du patrimoine, auquel nous sommes aussi attachés que vous. Mais l’incitation importante qu’il entraîne, sous forme de réduction fiscale, doit être justifiée.

Notre amendement reprend la proposition n° 8 du rapport de la mission d’information commune issue de notre commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je me souviens fort bien de cette mission commune, à laquelle j’ai participé avec Charles de Courson ; elle était présidée par Didier Migaud.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Et moi !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’oubliais Jérôme Cahuzac – pardonnez-moi !

C’est dans ce cadre que nous avons transformé en réductions d’impôt tous les dispositifs d’imputation de déficit sur une assiette imposable. D’autre part, nous avons plafonné les quelques niches fiscales qui pouvaient être utilisées sans limite.

En ce qui concerne les monuments historiques, au terme d’un très long débat, nous sommes parvenus à un point d’équilibre. En effet, nous avons réservé l’avantage fiscal aux opérations qui contribuent véritablement à l’entretien de notre patrimoine, par investissement privé – chacun sait que les crédits publics n’y suffisent pas –, et interdit de recourir à ce dispositif pour procéder à des montages fiscaux.

Ainsi, on ne peut plus recourir à ce dispositif par l’intermédiaire de SCI. En outre, on avait vu fleurir des propositions d’investissement fiscal portant sur d’anciens couvents ou d’anciennes casernes à caractère historique, des monuments classés qui pouvaient être vendus en copropriété ; nous avons également supprimé cette possibilité. Surtout, nous avons assorti l’avantage de l’obligation de conserver le monument pendant quinze ans.

Monsieur Muet, ce système est équilibré, et j’aimerais que vous le reconnaissiez. Avis défavorable donc sur l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Nous avons déjà longuement débattu de cette question, et ce dispositif a fait l’objet d’avancées significatives.

Gilles Carrez l’a rappelé, il a été assorti de trois conditions nouvelles : l’obligation de conserver le monument pendant quinze ans, ce qui n’est pas rien ; la détention directe, ce qui a permis d’éloigner du dispositif ceux qui l’avaient contourné ; enfin, l’absence de mise en copropriété, pour les mêmes raisons.

L’équilibre atteint est stable ; ne le modifions donc pas.

Avis défavorable.

M. Michel Sapin. Et l’ouverture au public ?

(L’amendement n° 296 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 17 rectifié.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Cet amendement vise à relancer le PERP tout en instaurant une mesure simple et cohérente en matière de dépendance.

Il s’agit de flécher le PERP vers le financement de la perte d’autonomie en soustrayant à l’impôt sur le revenu les rentes versées à l’assuré lorsque celui-ci devient dépendant au sens des groupes AGGIR 1 à 4. Cela permettrait également de limiter le recours à l’allocation personnalisée d’autonomie ; nous en avons débattu par ailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable à cet amendement, qui compliquerait considérablement la situation d’un point de vue fiscal.

Le PERP fait l’objet d’une défiscalisation à l’entrée : la cotisation, généralement mensuelle, est déduite de l’impôt sur le revenu à mesure qu’elle est versée, dans la limite d’un plafond. Le capital ainsi accumulé est obligatoirement utilisé en rente au moment où le titulaire du PERP prend sa retraite, sauf lorsqu’il n’est pas propriétaire de son logement, auquel cas la sortie en capital est autorisée au titre de l’acquisition de la résidence principale. Nous avons adopté cette dernière disposition il y a deux ans, par le biais d’un amendement de notre collègue François Scellier.

Cela étant, puisque le plan a bénéficié d’une défiscalisation à l’entrée, la rente, à la sortie, est évidemment fiscalisée. Or, par cet amendement, nos collègues proposent d’instaurer un système exactement inverse : on fiscaliserait à l’entrée, mais on défiscaliserait la rente, et, en contrepartie, on fiscaliserait l’APA, alors que celle-ci, qui fait partie des minima sociaux, ne peut par définition être fiscalisée. Nous ne devons pas introduire dans notre droit fiscal de tels dispositifs, qui contreviennent à ses principes fondamentaux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. L’amendement défendu par Serge Poignant s’inscrit dans une réflexion plus large sur la dépendance. Le Gouvernement s’étant engagé à déposer un texte permettant une approche globale de la dépendance, il nous semble plus sage d’attendre pour aborder tous ces sujets.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. J’ai bien entendu l’avis défavorable du rapporteur et l’appel du ministre au retrait de l’amendement.

Il faudra reprendre cette discussion sur la dépendance. Monsieur le rapporteur général, il ne s’agit pas de fiscaliser ou de défiscaliser l’APA, mais d’y avoir moins recours, en faisant en sorte que le PERP pour les personnes dépendantes ne soit pas soumis à l’impôt. Toutefois, puisque la discussion pourra continuer dans le cadre d’un débat sur la dépendance, je pense que les nombreux cosignataires de l’amendement ne verront pas d’objection à ce que je le retire.

(L'amendement n° 17 rectifié est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 413.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Il s’agit de mettre un terme à l’un des scandales de notre société, qui est une véritable insulte à nos concitoyens et qui concerne les parachutes dorés, les golden hello,les stock-options et autres bonus.

En 2002, Jean-Marie Messier partait avec plus de 20 millions d’euros, soit 1 619 années de SMIC ; en 2005, c’était au tour de Daniel Bernard, de Carrefour, avec 38 millions d'euros, soit plus de 3 000 années de SMIC, et en 2009, de Thierry Morin, de Valeo, avec 3,2 millions d'euros, soit 253 années de SMIC.

Faut-il rappeler ses engagements au Gouvernement ? En 2009, son porte-parole, Luc Chatel, déclarait : « l’État fera tout pour que les patrons ne touchent pas de telles sommes ». La même année, le Premier ministre lui-même déclarait : « Les cas choquants de rémunération des patrons attisent la violence. » Qu'a-t-il fait depuis ? Rien, si ce n'est une disposition inapplicable, camouflée dans la loi TEPA.

Cette disposition, qui vise à encadrer les primes en les soumettant aux performances de leurs bénéficiaires, est totalement inefficace. Quelles performances justifient les 253 années de SMIC touchées par Thierry Morin ? La perte de 207 millions d'euros subie par son groupe lors de la dernière année où il était en fonction ? Les délocalisations ? Les 5 000 emplois supprimés ? Son départ pour « désaccord stratégique » avec les actionnaires ? Qu’est-ce qui justifie le fait de percevoir des sommes aussi exorbitantes ? Alors que, sur les bancs de la majorité, l'on aime à se gargariser avec le terme de « méritocratie », j'aimerais savoir quel mérite justifie le versement de sommes parfois égales à plusieurs milliers d'années de salaire.

Nos voisins ne nous ont pas attendus sur ce sujet. Le gouvernement néerlandais a ainsi pris des mesures fiscales, entrées en vigueur en janvier 2009, taxant les parachutes dorés et autres primes de départ de 30 % lorsque le salaire annuel de la personne dépasse 500 000 euros, et que la prime est supérieure au salaire annuel.

Notre amendement a pour objet de mettre un terme à ces abus véritablement indécents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis que la commission.

M. Jean-Claude Sandrier. Vous n’avez pas d’autre argument ?

(L'amendement n° 413 n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à deux amendements identiques, nos 10 rectifié et 297.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. La loi de finances pour 2009 a considérablement réduit la portée de l’article 195 du code général des impôts en subordonnant le bénéfice de la demi-part accordée aux contribuables ayant élevé un ou plusieurs enfants à la preuve qu’ils en ont supporté la charge à titre exclusif ou principal pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls.

Cette disposition, qui a déjà suscité ici de nombreux débats, nous semble très difficile à justifier, car elle pénalise gravement nombre de personnes veuves ou divorcées n’ayant que des revenus modestes. Dans le texte sur les retraites, le report de l’âge de départ à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans pénalise déjà les mêmes catégories de personnes. Au même moment, monsieur le ministre, vous faites part de vos hésitations sur le bouclier fiscal, mais sans aboutir à une position plus précise, et vous annoncez le relèvement du seuil d’imposition de l’ISF. Il faut reconnaître que le sentiment d’injustice va croissant.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Je m’associe aux propos de M. Garrigue. Mais j’ajoute qu’il y a d’autres effets pénalisants, s’agissant notamment de la taxe d’habitation. En effet, certaines personnes, parmi les plus modestes, qui n’étaient pas soumises à cet impôt, se trouvent à nouveau pénalisées.

Les conséquences de cette disposition n’ont pas été mesurées lorsqu’elle a été adoptée en commission mixte paritaire. Il faut les évaluer et revenir sur cette mesure qui est totalement injuste.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

Je ne partage absolument pas le point de vue de M. Vergnier. Cette réforme était liée à un souci d’équité.

D’abord, je le rappelle, la moitié des ménages qui ne sont pas imposables ne bénéficiaient pas du dispositif.

Ensuite, la réforme a cherché à concentrer l’avantage sur ceux qui ont réellement élevé seuls un enfant. Le dispositif, que nous avons adopté à l’initiative de notre collègue Charles de Courson, part de l’idée qu’il faut aider les personnes seules qui ont réellement élevé au moins un enfant pendant une durée au moins égale à cinq ans.

Par ailleurs, un dispositif de sortie progressive a été mis en place. Nous allons dans quelques instants le lisser un peu plus afin que les choses se passent le plus doucement possible. Pour ce faire, Charles de Courson présentera tout à l’heure un amendement qu’a adopté la commission des finances.

Enfin, monsieur Vergnier, l’articulation avec la taxe d’habitation ne joue pas aujourd’hui ; elle ne jouera qu’au terme de la réforme. Même si le montant de la demi-part est progressivement réduit – sauf pour les personnes qui ont élevé seules un enfant pendant au moins cinq ans –, aussi logtemps que cette demi-part existe, elle déclenche une majoration du revenu fiscal de référence, et donc, le maintien des conditions ex ante d’exonération ou de dégrèvement, en fonction du revenu, de la taxe d’habitation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Nous avons eu l’an dernier – j’étais alors parlementaire – un débat très animé sur ce sujet. Il est difficile, un an après, d’envisager la suppression d’un dispositif qui commence à être partagé, même si nous sommes conscients que le sujet est difficile et qu’il nécessite de la pédagogie. Mais la mesure est juste et équilibrée, sinon, la représentation nationale ne l’aurait pas accompagnée.

Nous aurons, dans quelques instants, un débat d’une nature différente, qui vise à réfléchir sur la piste d’atterrissage et l’angle à envisager pour rendre le dispositif acceptable dans la durée. Nous aurons de ce point de vue des éléments d’échange et de dialogue. En tout cas, le Gouvernement ne peut accepter la suppression pure et simple du dispositif.

M. Michel Vergnier. Évaluez-le !

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Le fait d’avoir discuté de ce dispositif l’an dernier ne me semble pas être un argument déterminant. À ce compte, dès lors qu’une disposition a été votée, on ne pourrait pas y revenir !

Le problème de la justice fiscale est aujourd’hui au cœur des débats dans notre pays. Si l’on veut retrouver un certain consensus en France, cela passe en grande partie par un débat sur la justice fiscale. Il ne peut y avoir, d’un côté, le revenu fiscal de référence, qui est relativement bas et que de nombreuses personnes atteignent très rapidement et, de l’autre, le bouclier fiscal. Dans une société fondée sur ces deux butoirs, le consensus sera difficile à atteindre. D’autant que, monsieur le ministre, vous envisageriez le relèvement du seuil de l’ISF. Mais j’aimerais que vous nous confirmiez sur ce point les propos qui ont été repris dans la presse.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Si Daniel Garrigue a posé une question intéressante, le rapporteur général et le ministre ont parlé de l’atterrissage du dispositif.

M. Garrigue a parlé de sentiment d’injustice et de l’inexistence d’un consensus. Nous devons prendre des dispositions fiscales en raison de la justice des mesures que nous décidons. Par ailleurs, une politique fiscale peut-elle toujours s’établir dans le consensus ? Quoi qu’il en soit, apprécier des dispositions fiscales en fonction d’un sentiment d’injustice ou de consensus me semble faire preuve d’un manque d’analyse. La politique fiscale ne se fait pas au nom du principe de précaution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Mes chers collègues, vous parlez d’équité. Préservons-nous de l’équité, car nous n’avons pas tous la même notion de l’équité ! Nous le voyons à travers nos échanges depuis le début de la matinée. Nous sommes là pour faire le droit. Or l’équité et le droit sont deux choses différentes.

Monsieur le ministre, pourquoi repoussez-vous de deux ans l’atterrissage du dispositif ? Auriez-vous été sensible aux nombreux courriers de protestation émis par ceux qui sont pénalisés par cette mesure ? J’ai relu, avec un petit sourire, l’exposé de l’amendement de Daniel Garrigue, cosigné par plusieurs de ses collègues de la majorité. Je le cite : « Il est choquant que le principe de solidarité soit systématiquement remis en question : d’un côté, le bouclier fiscal, de l’autre, la remise en cause des exonérations bénéficiant aux veuves ou aux accidentés du travail. »

L’exposé est clair. Nous sommes là pour faire respecter l’équité. Vous y êtes, semble-t-il, sensible, puisque vous envisagez un atterrissage plutôt en douceur. Cela étant, ma mesure que vous préconisez est, à mon sens, parfaitement injuste et inéquitable !

M. Michel Vergnier. Absolument !

(Les amendements identiques nos 10 rectifié et 297 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 435.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous proposons de donner des valeurs à une imposition minimale du revenu. Certains pays, dont les États-Unis, notamment, possèdent, à côté des taux d’imposition sur le revenu, des taux minimum pour cadrer cette imposition, de façon que l’utilisation des dispositifs dérogatoires, autrement dit des niches, ne permette pas de s’exonérer de l’impôt.

Nous demandons, comme Didier Migaud, qui l’avait proposé il y a quelques années, que soit fixée une imposition minimale. La solution alternative consiste à plafonner les niches fiscales. C’est aussi l’une des propositions que nous ferons par amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

Je profite de l’occasion pour vous dire, monsieur Muet, que votre amendement est satisfait.

Il y a deux ans nous avons mis en place, dans la boîte à outils fiscale, un dispositif de plafonnement des niches qui joue à partir de cette année, car nous ne voulions pas qu’il soit rétroactif. Il est à ce jour véritablement efficace puisqu’un contribuable ne peut plus réduire son impôt au-delà de 20 000 euros, plus 8 % de son revenu imposable.

Nous pourrons faire évoluer ce plafond à la baisse. J’en veux pour preuve que nous l’avions fixé, il y a deux ans, à un niveau de 25 000 euros, plus 10 % et que, depuis, nous l’avons réduit.

Prenons l’exemple d’un contribuable qui perçoit un revenu important de 500 000 euros. Il doit payer, au titre du barème, 182 000 euros. Sans plafonnement global, donc avec le dispositif qui prévalait jusqu’à présent, il pouvait ne rien payer du tout. Il y a deux ans, Didier Migaud et moi avons opéré un contrôle sur pièces et sur place à Bercy, à la Direction des impôts, et nous nous sommes fait communiquer les caractéristiques – nous n’avons, bien entendu, pas le droit d’accéder à un état nominatif – des 10, des 100, des 1 000, des 10 000, des 100 000 contribuables qui défiscalisaient le plus. Ce fut extrêmement instructif. C’est à partir de là que nous avons accompli tout ce travail et que nous avons mis en place le plafonnement des niches fiscales qui ne l’étaient pas. Après avoir procédé à ce plafonnement, niche par niche, nous avons fait un chapeau global, considérant que le contribuable qui ne pourrait pas défiscaliser à volonté sur tel dispositif en choisirait un autre parmi les centaines qui existent. Ce chapeau global est aujourd’hui vraiment efficace. Je le dis à ceux qui le souhaiteraient, il n’est absolument pas exclu de le réduire petit à petit. Cette question sera d’ailleurs soulevée lorsque nous débattrons, en juin prochain, de la mise à plat de la fiscalité du patrimoine. En effet, comme vous le savez, plus les revenus sont importants, plus la tranche est élevée, plus la part des revenus du patrimoine par rapport à celle des revenus du travail s’accroît. Nous disposons toutefois aujourd’hui, monsieur Muet, d’un instrument qui revient, de fait, à la notion d’impôt minimal.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Un certain nombre d’établissements bancaires commencent à faire de la publicité incitant à faire deux déclarations : une pour le mari, une pour la femme, lesquels bénéficieront alors d’une réduction de deux fois 20 000 euros. Le plafonnement dont vous parlez est donc aujourd’hui détourné.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je n’ignore pas qu’il existe un plafonnement. Je considère que celui qui ajoute 8 % du revenu permet encore énormément d’optimisation fiscale. Notre barème est beaucoup plus contraignant que le plafonnement existant. Un autre moyen peut effectivement consister en l’abaissement du plafond, ce que nous proposerons dans un amendement.

(L'amendement n° 435 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 249.

La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. J’ai, comme vous le savez, à cœur de toujours défendre le tissu de nos PME, qu’il s’agisse de leur création ou de leur développement.

À l’heure actuelle, le constat est simple : nos PME sont très prometteuses, mais il leur manque systématiquement du financement, et notamment du haut de bilan, pour se développer et atteindre la taille intéressante des entreprises intermédiaires, lesquelles sont très présentes en Allemagne et en Suisse. Cela leur permet d’ailleurs d’être exportatrices. Une mesure était intéressante, en matière d’impôt sur le revenu ou d’ISF. Nonobstant l’optimisation fiscale, je propose de relever le plafond régissant la réduction d’impôt sur le revenu au titre d’investissements dans les PME, afin que cela profite davantage à ces entreprises qui pourront, alors, se développer harmonieusement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas accepté cet amendement. Notre collègue Nicolas Forissier a fait adopter, il y a deux ans, un amendement tendant à augmenter le plafond en faveur des jeunes entreprises innovantes. Il nous a, par conséquent, semblé que ce plafond, alors fixé, suffisait et était préférable à une mesure d’une telle ampleur. Dans le contexte actuel, nous évitons, en effet, d’augmenter les plafonds de défiscalisation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Comme Gilles Carrez vient de l’expliquer, nous menons une politique de réduction des niches et non d’augmentation des plafonds. Personne ne conteste que ces dispositifs ont une certaine efficacité. Cela a été positivement corrigé. Mais ce n’est ni l’esprit ni probablement le bon calendrier pour envisager une telle mesure.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Grosskost ?

Mme Arlette Grosskost. Non, je le retire.

(L'amendement n° 249 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 75.

La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. J’ai écouté les réponses du rapporteur et du ministre à notre collègue Arlette Grosskost. Mon amendement va, en effet, pratiquement dans le même sens, même s’il est différent techniquement, car plus concentré.

Arlette Grosskost propose d’augmenter les plafonds qui servent d’assiette pour appliquer le taux de la réduction d’impôt sur le revenu tel qu’il existe de façon globale, c’est-à-dire 20 000 euros pour les célibataires et 40 000 euros pour les autres. Donc, cela s’adresse à toutes les entreprises que l’on nomme, au titre de la classification européenne, les PME, à savoir celles qui emploient moins de 250 salariés et qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros.

J’ai effectivement fait adopter, il y a deux ans, avec le soutien du gouvernement, un « super Madelin » qui avait pour objectif de concentrer le tir sur les petites entreprises, au sens communautaire du terme, celles qui ont un bilan total de moins de 10 millions et emploient moins de cinquante salariés. Ces entreprises en démarrage, voire en amorçage, qui connaissent leurs premières grandes expansions et qui réalisent leurs premières grandes opérations de développement industriel ou de services sont, et j’insiste sur ce point, celles qui, dans la chaîne de financement des entreprises, rencontrent le plus de problèmes pour trouver des fonds propres. C’est une réalité. J’ai été rapporteur de la mission d’information sur le financement en fonds propres des PME, dans le cadre de la commission des finances. Nous avons alors, avec plusieurs autres collègues, mis cette évidence en exergue. En effet, les fonds d’investissement, qui interviennent généralement sur des tickets de 1 ou 1,5 million d’euros au minimum, n’agissent pas à leur niveau et le secteur bancaire encore moins. Les Business Angels, ou investisseurs providentiels, sont les seuls qui financent aujourd’hui ces entreprises.

Je propose donc cette réduction d’impôt, avantage, qui n’en est pas un pour moi, mais qui est la contrepartie d’un risque : celui d’investir dans des entreprises en démarrage. Nous devons renforcer cet outil. Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, que mon amendement adopté en 2008 suffisait. Je pense c’est aujourd’hui d’autant moins le cas que nous sortons de la crise et que Bâle III et Solvabilité II vont, chacun le sait, limiter la capacité des banques à investir, en particulier dans les petites entreprises risquées. Les investisseurs institutionnels, ne serait-ce que parce qu’ils ont une obligation de taux de retour sur investissements et que les gens réclament davantage de sécurité, s’orientent vers des entreprises plus mûres, qui existent depuis longtemps et qui présentent, donc, une certaine sécurité.

Je vous suggère donc simplement d’augmenter l’assiette de la réduction d’impôt renforcée. Mon amendement diffère donc de celui d’Arlette Grosskost, en ce qu’il porte sur le II bis de l’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts et concerne donc seulement les entreprises de moins de 10 millions d’euros de total de bilan et de moins de cinquante salariés, à savoir les PME et les ETI de demain. Augmenter la base sur laquelle sont appliqués les 25 % de réduction d’impôt permet d’avoir des tickets plus importants d’investissements dans les entreprises. C’est ce qu’elles demandent. C’est, en effet, pour elles la croix et la bannière, mes chers collègues, que de trouver trente ou quarante investisseurs pour obtenir les 300 000 ou 400 000 euros en fonds propres dont elles ont besoin. Il est préférable, pour des chefs d’entreprise qui ont culturellement des difficultés à ouvrir leur capital, d’avoir un voire deux interlocuteurs qui investiront de grosses sommes. Il faut les inciter, dans le cadre de la défiscalisation à laquelle ils procèdent déjà, à s’orienter davantage vers le financement des entreprises que vers les œuvres d’art ou autres niches fiscales.

J’essaie d’être synthétique, mais c’est un sujet compliqué. Pour résumer, il s’agit de renforcer cet outil fiscal, contrepartie à la prise d’un risque, en augmentant les tickets d’investissement et en renforçant l’attractivité de la déduction y afférente.

Tout cela, contrairement à ce qui a été dit en commission des finances, ne représente, si ce n’est que de façon extrêmement marginale, aucun coût supplémentaire pour l’État. Il n’y a pas de dépense fiscale supplémentaire. J’insiste sur ce point, monsieur le ministre. Il convient, en réalité, dans le cadre du plafonnement des niches, comme l’a très bien rappelé le rapporteur général, d’inciter les contribuables aisés, qui défiscalisent de toute façon jusqu’au maximum de leur plafond, à mieux arbitrer, donc à préférer les petites entreprises aux supports moins productifs pour l’emploi.

Cette mesure correspond exactement aux besoins des petites entreprises. On concentre le tir sur elles. Il n’y a pas, je le redis avec force, de coût supplémentaire pour l’État. Enfin, elle répondra exactement à la logique de soutien à l’investissement poursuivie par l’État. Je vous demande donc, mes chers collègues, de soutenir cet amendement cosigné par de nombreux collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je salue le combat tenace que mène Nicolas Forissier en faveur du financement de nos PME et du capital-risque. Il a tout à fait raison de le faire, sans se décourager, chaque année. Les résultats sont là pour en témoigner. En effet, il a été le premier, avant 2007, à plaider en faveur de l’utilisation de l’ISF pour financer en fonds propres les petites et moyennes entreprises. Il a été suivi.

Il y a deux ans, il nous a proposé cette fois d’agir par l’impôt sur le revenu. Un couple qui investissait 40 000 euros en fonds propres dans une PME bénéficiait d’une réduction d’impôts de 25 % et pouvait voir ses impôts baisser de 10 000 euros. Nicolas Forissier a, alors, proposé d’augmenter le plafond de réduction, et de le fixer à 100 000 euros, portant la réduction d’impôts à 25 000 euros. Cette somme n’était pas négligeable, mais nous avons accepté cette proposition dès lors qu’elle bénéficiait à des entreprises de moins de cinq ans. Nicolas Forissier nous suggère aujourd’hui, pour les mêmes entreprises, de passer de 100 000 à 400 000 euros. Un ménage pourrait alors déduire, d’un seul coup d’un seul, 100 000 euros d’impôts. Je comprends la philosophie du financement des PME, mais cela paraît excessif dans le contexte actuel. C’est la raison pour laquelle cet amendement n’a pas été adopté.

Vous nous proposez en revanche, monsieur Forissier, de pérenniser un dispositif remarquable, dont vous êtes aussi à l’initiative, l’utilisation du crédit-bail pour permettre à une PME d’alimenter son fonds de roulement. Nous soutiendrons une telle démarche, et j’espère que le Gouvernement sera d’accord. Les fonds propres, cela compte, madame Grosskost, mais vous êtes bien placée pour savoir que le fonds de roulement est aussi très important.

Il y a deux ans, nous nous sommes intéressés aux fonds propres par le biais de l’impôt sur le revenu. Cette année, ce sera plutôt le fonds de roulement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Je voudrais à mon tour vous rendre un hommage particulier, monsieur Forissier.

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’enterrement de première classe ! C’est le dernier clou sur le cercueil ! (Sourires.)

M. René Couanau. C’est fichu !

M. François Baroin, ministre du budget. C’est une curieuse conception de la manière de recevoir des compliments !

Dans l’histoire de l’utilisation de l’outil fiscal au service du développement économique, quelle que soit la taille de l’entreprise, l’impulsion que vous avez donnée avec d’autres, comme Arlette Grosskost et quelques acteurs très attentifs au maillage territorial à travers les PME, laissera une trace indiscutable. Pour autant, et je le regrette par avance, nous ne pouvons accompagner ce dispositif.

Vous nous expliquez que cela ne coûtera rien à l’État. Comme j’ai répondu à Arlette Grosskost, nous ne sommes pas dans une période propice à l’augmentation d’une dépense fiscale. La réduction des niches est une réduction de la dépense fiscale. En augmentant un plafond, l’État choisit de percevoir moins d’impôt, dans un contexte où nous avons besoin d’économies.

Ce n’est donc pas le principe, ce sont plutôt les modalités qui, dans ce calendrier, ne sont pas recevables par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. M. Forissier, dans l’exposé sommaire de son amendement, fait référence au Small business act américain.

M. Nicolas Forissier. Au Small business investment act. Ce n’est pas la même chose.

M. Daniel Garrigue. Mais précisément, ce qui intéressant dans le dispositif qui existe aux États-Unis, c’est que l’on n’agit pas seulement par le biais de la fiscalité. L’un des éléments essentiels, c’est que le système juridique impose de réserver une partie des marchés publics et parapublics aux PME.

Sur ce point nous avons un problème avec les règles de concurrence européennes. Il y a quelques années, Mme Lagarde était partie en croisade sur ce sujet auprès des commissaires européens, et c’est vraiment une bataille qui vaut la peine d’être reprise. Il est en effet essentiel, si l’on veut assurer le développement des PME, de leur réserver une part des marchés de l’État ou des opérateurs de l’État, en matière de défense, par exemple, où les marchés sont considérables et où de petites PME ont souvent un énorme potentiel d’innovation et de développement. C’est vrai aussi pour les marchés des collectivités territoriales. Je pense à des domaines tels que l’assainissement ou les parcs publics de stationnement, dans lesquels le marché est bien souvent partagé entre trois ou quatre grands opérateurs qui sont en situation de quasi-entente.

Il serait donc très important d’essayer de faire avancer ce dossier si l’on veut avoir des PME performantes dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nicolas Forissier a des obsessions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Moins que vous !

M. Jean-Pierre Brard. Il est plein de zèle et les gens pour lesquels il se bat doivent lui en être reconnaissants parce qu’il le fait avec acharnement.

Fonds propres, fonds de roulement, il y a ceux qui sont toujours roulés, ce sont les petites gens, auxquelles vous ne pensez jamais. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. C’est grâce à ça qu’ils ont du boulot !

M. Richard Mallié. C’est vous, monsieur Brard, qui êtes obsédé !

M. Jean-Pierre Brard. Dix millions d’euros pour une PME, cela représente un certain volume.

M. Nicolas Forissier. Cela dépend de ce qu’elle fait !

M. Jean-Pierre Brard. Chez moi, à Montreuil, les PME sont nettement plus modestes.

Vous nous expliquez, monsieur Forissier, argumentation formidable, qu’il faut faire des cadeaux – même si vous inventez le cadeau qui ne coûte rien et le ministre est là, heureusement, pour vous répondre que ce n’est pas si gratuit que ça – parce que les banques ne font pas leur travail. S’il n’y avait pas eu la crise des crédits hypothécaires, il aurait fallu l’inventer pour que les banques aient un prétexte pour élargir leurs marges ! Comme les banques ne font pas leur travail, il faut faire intervenir les Business angels.

Mme Grosskost a défendu tout à l’heure les PME de sa région. Pour démontrer que son amendement n’est pas nécessaire, il suffit de regarder l’Alsace, dont la situation économique est meilleure que celle de régions limitrophes.

Mme Arlette Grosskost. Faux !

M. Jean-Pierre Brard. Cela prouve bien que nous n’avons pas besoin de mesures supplémentaires puisque, sans mesures supplémentaires, cela va déjà mieux qu’ailleurs. Tout cela n’est que prétexte pour améliorer les marges de ces entreprises.

En réalité, monsieur le ministre, à force d’élargir les niches fiscales, vous rendez les députés de l’UMP insatiables. Il est vrai que l’appétit vient en mangeant, mais il y a tout de même des limites. Ce qui est proposé, c’est une réduction supplémentaire de 100 000 euros, ce qui représente cent mois de salaire pour un smicard. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas comparable ! C’est éculé comme discours !

M. Jean-Pierre Brard. Avec l’argent des plus pauvres, que vous prélevez à travers la CSG et la TVA, vous osez faire des cadeaux pour en enrichir d’autres qui devraient être aidés par les banques, lesquelles ne le font pas parce que vous voulez absolument préserver leurs marges.

M. Philippe Vitel. Nous ne sommes plus en 17, monsieur Brard. Réveillez-vous !

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est le titre de la revue des témoins de Jéhovah ! Restez lucide, ne vous échappez pas de l’hémicycle.

M. le président. Concluez, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne pouvons évidemment pas suivre nos collègues.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons que vous engager non pas à élargir les niches fiscales mais à véritablement les réduire. Vous avez souligné vous-même, ainsi que le rapporteur général, comment Nicolas Forissier avait largement contribué à vider de son contenu une partie de l’ISF. Vous avez d’ailleurs eu à la fin de votre propos, monsieur Forissier, un éclair auquel j’adhère, en suggérant que l’ISF devrait frapper davantage les œuvres d’art, qui servent à dissimuler de la fortune et parfois de l’argent sale.

M. Louis Giscard d'Estaing. M. Fabius n’est pas dans l’hémicycle !

M. Jean-Pierre Brard. Comme j’aurai un amendement sur ce point, vous aurez l’occasion de voter en accord avec votre pétition de principe.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je tiens à saluer l’initiative de Nicolas Forissier et d’Arlette Grosskost. Nous aurons à régler deux questions dans les cinq prochaines années, le financement des fonds propres des PME et celui des quasi-fonds propres.

S’agissant des fonds propres, la solution préconisée par Nicolas Forissier devra forcément, à mon avis, être adoptée à court ou moyen terme car, du fait des règles prudentielles que connaît parfaitement François Baroin et que connaît tout aussi bien, sinon plus, le rapporteur général, nous aurons un vrai problème de financement des fonds propres par les établissements bancaires comme par les compagnies d’assurance. Nous aurons donc besoin de monter des outils qui captent les financements, en l’occurrence ceux des particuliers, pour alimenter les fonds propres des PME de telle sorte qu’elles grandissent et puissent devenir des entreprises de taille intermédiaire. Nous en manquons de façon criante en France alors qu’elles structurent l’économie tant en Allemagne qu’en Italie.

Quant aux quasi-fonds propres, monsieur Garrigue, ils ont assuré le développement des PME aux États-Unis. La grande différence entre la France et les États-Unis, c’est en effet qu’aux États-Unis, l’économie est titrisée tandis qu’en France elle est intermédiée, ce qui est crucial pour l’injection de capitaux ou de quasi-fonds propres pour le développement des entreprises.

Bref, nous allons devoir nous inspirer du système américain pour financer en quasi-fonds propres les entreprises françaises – et il y a sans doute des outils à imaginer, monsieur Forissier –, afin qu’elles grandissent et assurent ainsi le développement de l’économie française.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Nous sommes bien conscients qu’il faut aider les PME et que ce qui se dessine en matière d’organisation de leurs fonds propres risque de créer des problèmes, mais ce qui nous est proposé n’est pas le bon outil, ni le seul qui puisse fonctionner.

M. Garrigue l’a opportunément rappelé tout à l’heure, l’une des façons d’aider les PME, c’est d’abord de leur donner accès à un certain nombre de marchés, et ce qu’il a dit est parfaitement légitime.

Il existe aussi des leviers dans le secteur bancaire ou le secteur public. Ce que fait OSEO pour apporter des garanties aux PME et les aider n’est pas condamnable, et nous l’avons généralement toujours soutenu.

On peut imaginer d’autres outils plus adaptés, des outils régionaux ou locaux, avec des fonds d’investissement mutualisés, auxquels il ne me semblerait pas scandaleux que les grandes collectivités territoriales puissent apporter leur appui. Des outils de cette nature existent d’ailleurs. Peut-être faudrait-il les développer.

La défiscalisation massive qui est proposée ici me paraît en tout cas totalement excessive.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Je suis très ému par le moment de recueillement que nous venons de vivre. C’est certainement l’un des plus beaux enterrements de ma carrière de député (Sourires), et je tiens à remercier pour toutes ces couronnes, même si je sais qu’il y a beaucoup de sincérité chez un certain nombre de mes amis.

M. Jean-Pierre Brard. Nous, nous sommes sincères. Nous sommes pour l’enterrement définitif !

M. Nicolas Forissier. J’ai été particulièrement touché par le soutien de M. Brard, qui m’a demandé d’ailleurs de venir l’aider, depuis le paradis où je serai sans doute, sur l’un de ses amendements.

M. Michel Sapin. Il se prépare lui aussi à un enterrement !

M. Nicolas Forissier. Je suis d’accord avec vous, monsieur Eckert, monsieur Garrigue, il y a beaucoup à faire, dans l’esprit de ce qu’ont fait les Américains, sur le soutien aux PME sur les marchés publics. Il existe déjà beaucoup de choses, comme les FIP, tout ce qui a été mis en œuvre par le Gouvernement pour soutenir les entreprises en fonds propres et en quasi-fonds propres, ce qui, je rejoins tout à fait Jérôme Chartier, est essentiel. Tout cela représente un effort sans précédent.

Il n’en demeure pas moins – ce n’est pas une obsession de ma part mais le résultat du travail que j’ai mené, avec d’autres, dont Philippe Vigier et Dominique Baert, dans le cadre de la mission d’information – que la réalité du financement des entreprises, aujourd’hui, c’est que les petites entreprises, de la tranche des moins de 10 millions d’euros, ne trouvent pas de financement. Toutes les PME en communication, monsieur Brard, ne sont pas dans cette tranche mais, dans certaines activités, elle est vite atteinte.

L’important, c’est de considérer la taille et l’âge de ces entreprises. Il s’agit en général d’entreprises dans leur première phase de développement, qui deviendront des PME et des ETI si elles sont aidées et ne chutent pas à ce moment critique de leur expansion.

Or c’est à ce moment-là qu’elles ont, paradoxalement, le plus de mal à trouver des fonds propres. Les banques n’interviennent pas ; je n’y peux rien, c’est un constat. Ces entreprises ont toutes les peines du monde à trouver des fonds propres.

M. Louis Giscard d’Estaing. C’est vrai !

M. Nicolas Forissier. Ce que je propose donc, comme je l’ai fait il y a déjà deux ans – à l’époque, M. Cahuzac avait soutenu cette mesure –, c’est d’orienter vers ces entreprises la défiscalisation à laquelle, monsieur le ministre, les contribuables aisés de ce pays recourront de toute façon. Il ne faut pas me raconter d’histoires.

Quand vous citez, monsieur le rapporteur général, le chiffre de 100 000 euros de réduction d’impôt, je vois bien qu’il y a, derrière, l’idée d’agiter ce chiffre comme un chiffon rouge ; vous avez ajouté que 25 000 euros, c’était déjà énorme. Or, le problème n’est pas là ; il est que ces contribuables qui investissent ont déjà la possibilité de réduire leur impôt de 100 000 euros, par d’autres mécanismes, en recourant à d’autres niches fiscales, qui sont moins productives et ne contribuent pas à la création d’emplois ni au développement de nos petites entreprises.

M. Christian Eckert. Supprimez-les !

M. Nicolas Forissier. Je propose donc d’inciter ces contribuables à concentrer cette défiscalisation, à laquelle ils procéderont de toute façon, vers les petites entreprises qui en ont besoin. Cet amendement est de bon sens. Il n’augmente pas la dépense fiscale ni ne crée un avantage supplémentaire. Et je rappelle qu’il s’agit de la contrepartie d’un risque ; c’est toujours comme cela que les choses ont été présentées.

L’amendement se borne à augmenter l’assiette de façon à rendre plus attractive cette réduction d’impôt, pour que les contribuables choisissent de soutenir les petites entreprises plutôt – mon cher collègue Brard, nous sommes bien d’accord – que de mettre de l’argent de côté sur des œuvres d’art, souvent surévaluées, ou sur d’autres niches fiscales, jusqu’à atteindre les 100 000 euros.

Je souhaite que nous allions au bout de la logique. Cet amendement est sans coût, ou alors son coût supplémentaire est très marginal – on m’a tout de même obligé à prévoir un gage. Avec une telle mesure, nous aurons enfin une pratique équivalente à celle des autres pays comparables. Nous serons à peu près au niveau existant en Angleterre, pays qui a le plus développé les petites et moyennes entreprises ces dernières années, comme le montrent toutes les études.

M. Jean-Pierre Brard et M. Jean-Claude Sandrier. On voit le résultat !

M. Nicolas Forissier. Il existe en Angleterre une véritable culture de l’investissement providentiel. Plutôt que de pratiquer de la défiscalisation sur des dispositifs qui ressemblent à de la rente, il vaut mieux que cette défiscalisation serve à la création d’emplois et au développement des entreprises. C’est pourquoi je tiens beaucoup à cet amendement, comme nombre de mes collègues. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Dans les propositions que nous avons formulées, le taux d’IS est différencié si les fonds sont laissés dans l’entreprise. Cela s’est déjà pratiqué, avec cet effet que les fonds propres des entreprises en ont été très sensiblement confortés. Cela faisait en outre mieux ressortir les résultats des entreprises. Je pense donc que vous voterez ces propositions puisque vous souhaitez, comme nous, conforter les fonds propres.

(L’amendement n° 75 est adopté.)

M. Jean-Pierre Brard. Ils n’obéissent plus !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 295.

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit de transformer une réduction d’impôt en crédit d’impôt. Lorsqu’une niche a le caractère d’une subvention, comme c’est le cas de la réduction d’impôt pour les dépenses liées à l’hébergement de personnes dépendantes, il paraît aberrant d’exclure du bénéfice du dispositif la moitié la plus modeste de la population. La logique voudrait que cette subvention aux foyers fiscaux hébergeant des personnes dépendantes prenne la forme d’un crédit d’impôt.

(L’amendement n° 295, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 255 et 568, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 255.

M. Christian Eckert. Je suis presque gêné de défendre cet amendement,…

M. Jacques Domergue. Alors il ne faut pas le défendre !

M. Christian Eckert. …alors que vient d’être adoptée l’augmentation considérable d’une niche fiscale, toujours pour les plus aisés ; on a parlé de 100 000 euros pour un couple. Nous sommes quant à nous prêts à participer à l’effort de réduction des niches en revoyant le plafond de celle qui concerne l’emploi des salariés à domicile, que vous avez excessivement augmentée en portant son plafond à 12 000 euros par an. Nous proposons de réduire celui-ci à 7 000 euros par an, afin de tenir compte du fait que, pour certains publics, il ne s’agit pas de crédit mais de réduction d’impôt. C’est une question d’équité. Après ce que nous venons de vivre sur la défiscalisation de l’impôt sur le revenu aux montants que je viens de rappeler, cela peut paraître singulier mais je défends néanmoins cet amendement.

S’agissant des emplois à domicile, des analyses devront être conduites ; le Gouvernement nous propose à l’article 90 un certain nombre de mesures qui vont totalement à contresens.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 568.

M. Marc Le Fur. Nous sommes tous désireux d’aider les emplois à domicile, et des dispositifs fiscaux ont été imaginés à cette fin : déduction fiscale puis crédit d’impôt. Le système est intéressant, intelligent et, en même temps, social puisque le crédit d’impôt permet à ceux qui ne paient pas l’impôt de bénéficier de l’avantage fiscal.

Toutefois, les conditions d’obtention du crédit d’impôt sont autrement plus restrictives que les conditions d’obtention de la déduction fiscale. Ceux qui paient l’impôt peuvent bénéficier de l’avantage plus facilement que ceux qui ne le paient pas. Par exemple, un retraité assujetti à l’impôt bénéficie de la déduction quand il emploie une personne à son domicile cinq ou six heures, alors qu’un retraité non assujetti ne bénéficie pas, pour le même nombre d’heures, du crédit d’impôt. C’est une injustice flagrante.

Cet amendement a pour objet de fixer les mêmes règles pour tous. La disposition sera ainsi beaucoup plus favorable à l’emploi. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que le but du dispositif est de favoriser l’emploi. Je crois que cet amendement devrait faire consensus.

M. Christian Ménard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Je vais un peu parler budget. Nous avons un déficit de 92 milliards d’euros. Si nous commençons à transformer en crédit d’impôt les réductions d’impôt pour l’emploi à domicile, nous connaîtrons une véritable hémorragie ! Nous avons limité cette possibilité à un seul cas, celui de la garde d’enfants lorsque les deux conjoints travaillent, ce qui représente un coût de 300 millions ou 400 millions d’euros. L’amendement de notre collègue Marc Le Fur est un amendement à 2 milliards d’euros. Si nous voulons que le déficit passe à 94 milliards, pourquoi pas ? Mais je ne suis pas sûr que le ministre soit d’accord.

Il faut faire très attention avec la défiscalisation. Je n’ai pas voulu revenir sur le débat qui a eu lieu à l’instant, mais on ne me fera jamais croire qu’une réduction d’impôt de 100 000 euros n’a pas un effet massif sur les recettes budgétaires.

M. Christian Eckert. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Lorsque nous avons plafonné les niches, le sujet le plus difficile concernait l’outre-mer où, compte tenu des contraintes spécifiques, la défiscalisation devait vraiment être favorisée. Le plafond adopté pour l’outre-mer est de 40 000 euros ; nous venons d’en voter un à 100 000 euros !

Il faut raison garder. Chaque dépense fiscale a son intérêt, elle sert à investir dans les PME, le logement, l’emploi à domicile… Mais en cédant à la tentation de les multiplier sans limite, nous obtenons le résultat que nous connaissons depuis quelques années, à savoir des impôts minés de l’intérieur ; et, croyez-moi, nous aurons beaucoup de mal à les reconstituer.

Si nous voulons que notre déficit ne fasse que s’accroître, continuons comme cela. Non, il faut être sérieux et réfléchir aux conséquences des décisions que nous prenons pour la protection de nos recettes.

M. Marc Laffineur. Le rapporteur général a raison !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Je ne reviens pas sur le débat qui a donné lieu à un vote favorable de l’Assemblée sur un amendement auquel le Gouvernement était défavorable, mais je vous informe que je reverrai évidemment la position au Sénat, car, politiquement, c’est une mesure qui sera difficile à assumer. Nous ne sommes pas dans un contexte où nous puissions nous payer le luxe, comme dans les précédents budgets, d’additionner les dépenses, que ce soient des subventions, des interventions ou des crédits fiscaux.

Il ne s’agit pas d’une opposition de doctrine. Le choix retenu engage la majorité dans une voie qu’il sera très difficile de justifier. Nous ne pouvons pas tout défendre et son contraire. Nous ne pouvons pas défendre la réduction du déficit budgétaire et l’addition des dépenses supplémentaires.

Si nous comprenons l’esprit de générosité qui anime cette proposition, il existe déjà, en dehors du crédit d’impôt, de nombreux dispositifs d’accompagnement des personnes âgées, telles que des exonérations fiscales. Nous ne touchons pas, dans ce budget, aux dispositifs d’accompagnement des personnes dépendantes. Il ne faut donc pas détourner le crédit d’impôt ni mettre le doigt dans l’engrenage par l’ajout d’une dépense fiscale, afin de préserver la cohérence générale de la présentation budgétaire.

Je rejoins donc totalement les propos du rapporteur général,…

M. Christian Eckert. C’est un rappel à l’ordre, chers collègues !

M. François Baroin, ministre du budget. …et je souhaite vraiment que cette position soit la nôtre jusqu’à mardi : il ne faut pas perdre de vue l’objectif de réduction des déficits. C’est un budget d’économies qui vous est proposé. Nous réduisons de 40 %, de façon globale et cohérente, le déficit budgétaire de l’État. Le Gouvernement ne pourra pas accompagner toutes les mesures à la hausse. Il écoutera au contraire avec intérêt les mesures proposant des économies supplémentaires. Nous émettons donc un avis défavorable sur ces amendements. Pour le reste, je souhaite que l’on s’inspire de l’esprit qui a présidé à la construction de ce budget.

M. Michel Sapin. L’amendement n° 255 propose une économie !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous n’avez pas besoin d’attendre le passage au Sénat pour rétablir l’ordre suite au coup de force mené par la majorité à votre encontre.

M. André Wojciechowski. Quelle interprétation des faits !

M. Jean-Pierre Brard. Il suffit de la feuille rose, de la seconde délibération.

Cela vous économiserait une discussion difficile au Sénat. Je vous le dis bien sûr pour votre bien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Bouvard. Comme d’habitude ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Mes chers collègues, s’agissant de ces deux amendements, il sera très intéressant de voir le comportement des uns et des autres après la position qu’ils ont adoptée vis-à-vis de l’amendement Forissier. Marc Le Fur ne vous demande rien d’extraordinaire : il propose l’égalité de traitement entre ceux qui paient et ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu. Ce n’est que justice. Monsieur le ministre, vous dites que les personnes âgées bénéficient déjà de beaucoup d’exonérations fiscales, mais je vous recommande d’aller dans les faubourgs de Troyes, et vous y verrez nombre de personnes âgées qui n’en bénéficient pas, tout simplement parce qu’elles ne paient pas d’impôt sur le revenu.

Quant à vous, monsieur le rapporteur général, vous affirmez qu’avec ce type d’amendements, les impôts sont minés de l’intérieur. Certes, vous avez raison, mais mettez votre indignation au service de l’éthique. Pourquoi laissez-vous vider l’ISF de son contenu ? Parce qu’une telle mesure bénéficie aux riches, et là, cela ne vous dérange pas que l’on prenne le couteau suisse, comme dirait Mme Lagarde, pour évider et ne garder que la coquille, un impôt ayant l’apparence de l’ISF mais n’en ayant plus la saveur.

Monsieur le ministre, vous avez raison : les niches vont vous poser un problème politique. Mais avec la loi TEPA, l’ISF et le bouclier fiscal, vous et le rapporteur général, vous organisez l’hémorragie.

Un autre intérêt de l’amendement de notre collègue Le Fur, c’est qu’il sort de la clandestinité du travail au noir des emplois qui de toute façon existent.

Quant à l’amendement de nos collègues socialistes, il permet d’empêcher les plus riches de bénéficier d’une disposition adoptée il y a déjà fort longtemps. Dans le 16eme ou à Neuilly par exemple, un homme et une femme vivent dans le péché – comme dirait Charles de Courson –, c’est-à-dire vivant ensemble bien que n’étant ni mariés ni pacsés : grâce à l’avantage fiscal qui leur est consenti, l’un a le valet de chambre, et l’autre le jardinier… Trouvez-vous cela moral de permettre ainsi à ces gens d’échapper au fisc ?

M. Patrick Roy. C’est un double péché ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Absolument, monsieur Roy ! L’amendement de nos collègues socialistes permet de réduire l’avantage fiscal à un niveau qui garantit la réduction du travail au noir sans accorder un avantage exorbitant à des gens qui ont déjà les poches presque aussi pleines que leur coffre-fort.

M. le président. Monsieur Brard, l’Assemblée nationale aura noté avec intérêt votre révolution doctrinaire…

M. Jean-Pierre Brard. « Doctrinale », monsieur le président !

M. le président. J’emploie les termes « révolution doctrinaire » à bon escient, car comment qualifier autrement votre revirement concernant les secondes délibérations ? (Sourires.)

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je comprends très bien les motifs des amendements de M. Forissier et de M. Le Fur, mais je ne vois pas comment ils peuvent s’articuler avec l’article d’équilibre. Si les mesures proposées ont un effet, cela entraînera une dépense fiscale supplémentaire, c’est-à-dire une moindre recette pour l’État. Comment une telle situation n’affecterait-elle pas l’article d’équilibre ? Dès lors, le Gouvernement devrait soit le modifier, soit demander une seconde délibération.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. La solution qui consisterait à ne pas modifier l’article d’équilibre en espérant que le Sénat s’en chargerait ne me paraît pas institutionnellement acceptable pour l’Assemblée nationale. Ou alors nous, députés, accepterions de voter un certain nombre de dispositifs qui n’auraient de toute façon pas de conséquence sur les finances publiques parce que les sénateurs apporteraient ensuite les corrections nécessaires, au nom du respect de l’article d’équilibre, ce qui poserait aussi un problème institutionnel. Cela étant, je ne porte pas de jugement de valeur sur l’amendement de M. Forissier ni sur celui de M. Le Fur.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. S’agissant de votre amendement, monsieur Le Fur, je comprends très bien l’argument d’équité : pourquoi certains bénéficieraient d’un avantage fiscal au titre des services à la personne et pas les autres, d’autant plus que ces derniers ont plutôt moins de revenus et de moyens ?

M. Jean-Pierre Brard. Voilà !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. L’argument consistant à ne pas faire perdurer deux types de ménages, ceux qui peuvent bénéficier des services à la personne parce qu’ils bénéficient d’une réduction ou d’un crédit d’impôt, et ceux qui ne le peuvent pas, est parfaitement recevable. Mais alors où on maintient le statu quo, c’est-à-dire une situation inéquitable, où l’on met fin aux deux catégories, ce qui suppose de réduire l’avantage fiscal.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Or je rappelle aux collègues de la majorité qu’ils ont constamment refusé de le faire depuis le début de la législature. On ne peut pas persister dans ce refus et vouloir la justice. C’est l’un ou l’autre. Je pense qu’il serait préférable de privilégier la justice, ce qui commande de baisser le niveau de l’avantage, donc de revenir sur des choix que vous faites à chaque loi de finances depuis 2007.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Monsieur le président de la commission des finances, je répète qu’à partir du moment où on est dans le cadre du plafonnement des niches et où chaque contribuable concerné procède à un arbitrage en matière de défiscalisation, il n’y a pas a priori d’augmentation de la dépense fiscale.

M. Michel Sapin. Il y a tout de même une incitation à la dépense fiscale, monsieur Forissier !

M. Nicolas Forissier. Non, mon cher collègue. Il ne faut pas faire peur à ce sujet.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, il est trop facile de laisser croire qu’il y aurait un problème politique en mettant en exergue le chiffre de 100 000 euros : cela concerne combien de personnes ? Le problème n’est pas là. Les gens font déjà leur arbitrage, et les plus aisés cherchent évidemment a fortiori le maximum de défiscalisation. Aussi, à travers mon amendement, j’ai voulu favoriser un choix de défiscalisation productif, celui du développement des petites entreprises d’aujourd’hui et de demain, celui de l’emploi. Voilà ce qui est important. Je préfère une telle défiscalisation plutôt que les niches qui ressemblent à de la rente ou à de la protection personnelle.

Par ailleurs, monsieur le président de la commission des finances, vous affirmez que l’article d’équilibre est remis en cause. Mais cela revient à présupposer en début d’exercice, dès le 1er janvier, le comportement exact des contribuables en matière de défiscalisation pour l’année en cours.

M. Jean-Pierre Brard. S’agissant des riches, on peut aisément prévoir leur comportement !

M. Nicolas Forissier. Or c’est impossible car on sait très bien qu’il change tout le temps. Dans le cadre du plafonnement global des niches, il s’agit seulement d’une incitation à mieux arbitrer dans sa défiscalisation. Il n’y a donc aucune raison de penser que l’article d’équilibre est remis en cause.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Monsieur Forissier, avez-vous vu les sommes en cause ?

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Que les choses soient bien claires : notre amendement ne crée pas un crédit d’impôt. Il existe déjà. Il y a déjà une réduction d’impôt pour les contribuables et un crédit d’impôt pour les autres dans certains cas. Mais il faut que les gens placés dans des situations comparables puisent, eux aussi, en bénéficier. Je reprends mon exemple : un retraité qui paye l’impôt sur le revenu bénéficie actuellement de la réduction d’impôt alors qu’un retraité qui a des moyens plus modestes se trouve pénalisé car il ne bénéficie pas du crédit d’impôt. M. le rapporteur général dit que notre amendement serait très coûteux. Mais où sont les chiffres précis ? Qu’on nous le prouve. Je ne peux pas admettre que l’on sorte des chiffres sans vérification. Je veux des éléments plus élaborés en termes financiers.

En outre, l’amendement est responsable puisqu’il générerait une recette supplémentaire en réduisant de 12 000 euros à 10 000 euros l’avantage maximal de la réduction d’impôt.

C’est un amendement qui va dans le sens de la justice et qui ne met pas en cause le système d’aide à l’emploi à domicile ; au contraire, il lui donne toute sa cohérence.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. J’approuve notre collègue Marc Le Fur. Monsieur le rapporteur général, j’admire toujours votre précision et votre ouverture d’esprit, mais lorsque vous affirmez que tout cela coûterait 2 milliards, je ne sais pas sur quoi vous vous basez. Nicolas Forissier disait que son amendement ne coûterait rien alors que vous-même affirmiez qu’il serait coûteux mais sans préciser combien. Il y a quelque chose qui ne va pas. En plus, même si je défends en priorité celui que j’ai co-signé, je rappelle que son amendement suit le rapport du Conseil des impôts, qui, en 2003, proposait d’étendre à toutes les personnes concernées le crédit d’impôt et de baisser les plafonds. Peut-être faut-il plafonner à 9 000 euros ou à 7 000 euros pour que la mesure soit un peu moins coûteuse, mais il faut aller dans ce sens.

Je rappelle également que, dans la discussion générale, j’avais indiqué que des dérives existent quant à la nature des prestations fournies en matière d’emploi à domicile. Il faudra donc travailler à un resserrement du dispositif en fonction de la prestation fournie tout en baissant le plafond et en ouvrant à toutes les personnes concernées le droit au crédit d’impôt.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Monsieur Forissier, si votre mesure est efficace, elle sera plus coûteuse que vous ne le dites – sauf à ce que tous les contribuables visés soient déjà au plafond, ce qui me paraît tout de même peu probable. On peut discuter du niveau de la dépense fiscale mais pas de son existence : la mesure sera forcément coûteuse.

Monsieur Le Fur, je vous donne volontiers acte que vous proposez de baisser le niveau de l’avantage fiscal, condition nécessaire si on veut la justice. Nous sommes parfaitement d’accord sur ce point. Mais, s’agissant de votre amendement comme de celui de M. Forissier, même à supposer que l’argument sur l’article d’équilibre ne soit pas recevable, il en existe un autre : nous avons voté dans la loi de programmation pluriannuelle un tableau chiffrant à 10 milliards pour 2011 l’impact des mesures nouvelles. Si l’amendement de M. Forissier est maintenu tel quel, il faudra modifier le tableau, de même si celui de M. Le Fur est voté. Mesures nouvelles ne veut pas dire que des mesures de recettes, mais également des mesures de dépense. Dès lors le tableau est nécessairement impacté. Quant à savoir de combien, je l’ignore. Soit on estime que ce sera totalement marginal, mais pourquoi alors débattre depuis longtemps de ce qui n’en vaut pas la peine ? Soit on estime que ces mesures nouvelles ont un effet, et il faut en tirer les conséquences dans l’article d’équilibre ou à tout le moins dans la loi de programmation.

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Juste une mise au point sur la méthode. On a reproché dans le temps au Gouvernement d’apporter un certain nombre d’éléments sans étude d’impact et sans avoir chiffré les dispositifs, si bien que nous avons observé certaines dérives. Mais hier, à l’issue du débat très constructif sur l’impôt recherche, nous avons abouti à un système mieux coordonné qu’auparavant. Or aujourd’hui, sur la forme, on voit bien au fur et à mesure des interventions que des éléments se télescopent. Ainsi, on n’a pas évoqué l’APA alors que certaines des personnes concernées par ce dispositif pourraient aussi être bénéficiaires du crédit d’impôt. Bref, les dispositifs existants ne sont pas aussi symétriques que certains le croient.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle horreur ! Pour les riches, vous êtes moins délicat !

M. Olivier Carré. Si le montant induit par l’amendement précédent est peut-être marginal, les sommes induites par cet amendement risquent, au regard du grand nombre de ménages concernés, d’entraîner une dérive et nous devrons nous interroger, dans des exercices ultérieurs, sur le fait de savoir si nous devons maintenir ou non cette mesure.

Je note un problème de méthode sur des amendements aussi larges : s’ils peuvent paraître de bon sens de prime abord, ils peuvent se révéler très généreux. Il faut replacer l’objectif recherché dans une perspective globale.

M. André Wojciechowski. C’est juste !

M. Olivier Carré. Alors que nous essayons de naviguer au plus près du déficit qui est déjà énorme – nous parlons de plan de rigueur mais nous sommes quand même sur une prévision de 90 milliards d’euros de déficit pour l’année prochaine,…

M. Michel Piron. Et encore.

M. Olivier Carré. …il faut viser au plus juste dans les mécanismes que nous mettons en place.

M. André Wojciechowski. Excellente remarque !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Deux observations.

Le président de la commission des finances parle d’un effort à faire en termes de justice. Mais justice pour qui ? La réduction du plafond s’agissant des emplois à domicile aura un effet direct sur l’emploi : des dizaines de milliers de personnes vont se retrouver au chômage parce que l’effort consenti par le Gouvernement va être moindre. Alors, la justice ne sera certainement pas pour les employés à domicile.

Quant au crédit d’impôt proposé par Marc Le Fur, je crois – Gilles Carrez a raison – qu’il n’est pas raisonnable sans évaluation, surtout dans le contexte extrêmement rigide que nous connaissons. Je ne pense pas qu’il soit de bonne politique de l’adopter.

Je reviendrai d’un mot sur l’amendement de Nicolas Forissier, dont on semble surpris qu’il ait été adopté.

M. Christian Eckert. Nous n’avons pas voté pour.

M. Jérôme Chartier. L’Assemblée nationale s’est exprimée. Si le Gouvernement le souhaite, nous pouvons, comme l’a dit Jean-Pierre Brard, réfléchir à nouveau à l’issue de la discussion et, si l’ampleur du dispositif qui a été accepté par l’Assemblée nationale modifie considérablement l’équilibre, nous pourrons, le cas échéant, modifier le tableau. Mais nous n’en sommes pas là, nous avons encore deux jours de discussion devant nous pour réfléchir.

Pour en revenir aux amendements en discussion, qui sont des amendements un peu récurrents, je crois que la position de la commission des finances est logique au regard de la rigidité budgétaire recherchée et qu’il convient de la suivre.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Que le dispositif coûte 1 milliard ou 2 milliards ne change rien au fond. Soit on recalibre l’ensemble du dispositif à coût nul.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Ce n’est pas le cas.

M. Charles de Courson. En effet. Soit on réduit une autre niche, de 2 milliards si l’estimation est de 2 milliards. Il n’y a pas d’autres solutions.

Je ne voterai pas cet amendement car il aurait un coût, la baisse du plafond de 12 000 euros à 10 000 euros ne compensant pas le surcoût de l’extension.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. On ne sait pas de combien ça compense.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis incapable de dire combien coûte l’amendement de notre collègue Nicolas Forissier – quelques millions, quelques dizaines de millions ? La seule chose que je peux dire, c’est qu’un ménage qui a 500 000 euros de revenus et deux enfants pourra, par une seule décision de défiscalisation, ne plus payer du tout d’impôt sur le revenu, alors que celui-ci devrait se monter grosso modo à 100 000 euros.

M. Pierre-Alain Muet. Et voilà !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il suffit qu’il investisse dans une PME. Au-delà, il sera rattrapé par le plafonnement global, les 20 000 euros plus 8 %, et donc il paiera quelque chose.

La question est de savoir si beaucoup de ménages choisiront cette possibilité de défiscalisation plutôt que d’utiliser une, deux, trois, quatre, cinq niches – par exemple deux plafonds en outre-mer plus un demi-plafond, donc trois dossiers à monter, avec les commissions d’intermédiaires qui vont avec.

L’aspect très positif, c’est l’effet pour la PME, donc pour l’emploi. Mais il y a aussi un aspect qui peut poser problème, c’est celui de la justice, de l’équité devant l’impôt. J’aurai du mal à expliquer à mes concitoyens qu’on peut, en une seule décision, supprimer 100 000 euros d’impôt sur le revenu. Cela a été voté, mais, du point de vue du coût, je ne peux pas dire grand-chose.

L’amendement de notre collègue Le Fur, c’est autre chose. Il coûterait 2 milliards d’euros en prenant la fourchette basse.

M. Henri Emmanuelli. Il y a l’APA !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On a accepté il y a trois ans, dans le cadre d’une proposition de Jean-Louis Borloo, à l’époque ministre du travail, un seul cas de crédit d’impôt : lorsque les deux conjoints travaillent et qu’il faut garder les enfants. Ce choix a été fait au nom d’une politique familiale. L’objectif était bien défini, il s’agissait de favoriser le travail des conjoints, notamment des femmes.

Les chiffres sont éloquents : 1,4 million de ménages ont bénéficié de ce dispositif de crédit d’impôt, pour un coût de 1,75 milliard d’euros. Je parle bien des ménages non imposables dont les deux parents travaillent, je ne parle pas des ménages qui bénéficient de la réduction d’impôt bien connue, créée au demeurant en 1992.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Pas à ce niveau-là !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le crédit d’impôt sur ce seul cas coûte 1,75 milliard d’euros.

Les ménages inactifs qui bénéficient, eux, de la réduction d’impôt, sont 2 millions, pour un coût de 1,4 milliard d’euros. Je n’ai pas, c’est vrai, le nombre des ménages inactifs qui ne paient pas d’impôt ou dont la réduction d’impôt sature l’impôt. Mais je peux vous dire qu’il est bien supérieur à ceux que je viens de vous donner, compte tenu du nombre de retraités et du niveau de salaires de retraités. On est sur plusieurs millions.

M. Christian Eckert. Vous êtes sûr de vos chiffres ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis catégorique, nous sommes sur plusieurs millions.

Si pour 1,4 million, c’est 1,75 milliard d’euros, pour plusieurs millions, nous sommes forcément au desssus de 2 milliards.

Il faut être raisonnable. Un débat a été engagé, d’ailleurs dans les bons termes, et par Jérôme Cahuzac et par Charles de Courson. Pourquoi, dans le cadre d’une réforme générale, n’abaisserait-on pas, un jour, le plafond de la réduction d’impôt pour recycler l’économie en majoration de crédit d’impôt ?

M. Jean-Pierre Brard. Dans les siècles des siècles !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En partant d’un postulat quand même un peu curieux : toute mesure de réduction d’impôt serait injuste parce que la moitié des Français ne paient pas l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Pierre Brard. Si, ils paient la CSG.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il serait injuste de baisser l’impôt de ceux qui paient l’impôt sur le revenu parce que ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu n’en bénéficieraient pas.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas un argument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un sophisme.

M. Henri Emmanuelli. Oui.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je trouve que notre majorité ne devrait pas donner dans ce type de raisonnement. Voilà pourquoi je m’oppose formellement à ces amendements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Très bien !

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 255, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. La situation est claire : il y a une injustice, et notre collègue Le Fur l’a parfaitement démontré. Le Gouvernement est donc devant un choix : ou il laisse perdurer cette injustice ou alors il l’a corrige, et s’il la corrige, immanquablement, il prend le risque de créer une dépense fiscale.

Il faut que le Gouvernement s’exprime clairement sur ce sujet : reconnaît-il l’existence d’une injustice entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, ceux qui paient l’impôt et ceux qui ne le paient pas ? En effet, M. le rapporteur général vient de le dire, cela ne concerne pas seulement les imposables et les non-imposables, cela concerne ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas ou ceux qui travaillent à deux, etc.

Nous avons parfaitement le temps d’évaluer les choses pour fixer un montant de la réduction du plafond qui fasse que l’élargissement du crédit d’impôt à tous soit à coût nul ou en tout cas à coût faible.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je ne vois pas très bien comment vous arrivez à sortir le chiffre de 2 milliards, monsieur le rapporteur général. Par définition, les retraités qui ne paient pas l’impôt sur le revenu ont très peu de revenus. Ils pourront prendre quelqu’un pendant deux heures, trois heures, quatre heures au maximum parce qu’ils en ont besoin, parce qu’ils ont des ennuis de santé, des problèmes d’invalidité… mais ils n’iront pas au-delà parce que le ticket modérateur qui reste à leur charge pour payer la personne est encore lourd pour des personnes à revenus modestes.

Je ne sais pas comment vous sortez ce chiffre de 2 milliards. Je ne peux pas faire la preuve négative parce que je n’ai pas de chiffre, mais j’aimerais qu’on cesse de nous sortir des chiffres comme ça. Ou alors, il faut qu’on nous dise ce que rapporte l’économie que je propose en passant de 12 000 à 10 000 euros le plafond de la réduction fiscale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. La logique du dispositif du crédit d’impôt, qui est efficace, c’est de soutenir les actifs. On met en place un crédit d’impôt pour permettre aux actifs d’assumer toute la dimension de la vie familiale, l’éducation des enfants… C’est ça l’esprit du crédit d’impôt.

Les personnes âgées bénéficient de dispositifs dérogatoires au droit commun, soit par des exonérations fiscales d’autre nature, soit par les aides sociales départementales, soit par les dispositifs portés par les collectivités territoriales. Bref, c’est un autre esprit.

Les chiffres du rapporteur général sont pertinents, c’est un guichet considérable que vous ouvririez, monsieur Le Fur, qui n’est pas tenable avec la stratégie d’inflexion et de réduction des déficits.

Donc, pour des raisons de fond, pour des raisons de ligne concernant le principe même du crédit d’impôt et pour des raisons budgétaires, je confirme l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 255.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 59

Nombre de suffrages exprimés 59

Majorité absolue 30

(L'amendement n° 255 n’est pas adopté.)

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 568, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je veux dire aux gens qui nous regardent sur internet, à la télévision ou qui sont dans les tribunes pourquoi nous avons demandé un scrutin public sur ces deux amendements : c’est pour démontrer la duplicité de nos collègues de l’UMP.

M. Richard Mallié. Oh, ça suffit !

M. Jean-Pierre Brard. Ah, l’homme du travail du dimanche se réveille !

M. Richard Mallié. Je ne travaille pas que le dimanche !

M. Jean-Pierre Brard. Dès lors qu’il s’agit de beurrer la tartine de ceux qui font déjà du cholestérol, nos collègues de l’UMP n’écoutent plus les objurgations du rapporteur général et du ministre et passent outre tellement ils aiment les privilégiés, tellement ils pratiquent les génuflexions devant le veau d’or !

Mais dès lors qu’il s’agit de faire un petit geste pour des gens qui n’ont pas de sous, pour de pauvres retraités qui ne peuvent même pas faire le cadeau qui convient pour Noël à leurs petits-enfants (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous êtes âpres, sans pitié, et vous les passez à l’essoreuse !

L’intérêt du scrutin public, c’est de faire tomber les masques. Nous allons voter l’amendement de notre collègue Le Fur parce qu’il est de justice.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 568.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 63

Nombre de suffrages exprimés 63

Majorité absolue 32

(L'amendement n°568 n’est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à douze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 25 rectifié et 382.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement proposé par M. de Courson et repris par la commission.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. C’est un petit amendement sur le chèque emploi service universel.

M. Michel Sapin. Il n’y a pas de « petit amendement » de Courson !

M. Charles de Courson. Ces chèques s’achètent par bloc, mais certains utilisateurs n’utilisent pas la totalité du bloc d’heures, qui donne pourtant droit dans sa totalité à un avantage fiscal. Ce n’est pas normal, et mon amendement entend simplement moraliser le dispositif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, car nous souhaitons plutôt qu’il soit examiné en seconde partie. La proposition de M. de Courson nécessite en effet une étude plus approfondie avant que l’on se prononce sur le fond.

M. Charles de Courson. Je retire mon amendement.

(Les amendements nos 25 rectifié et 382 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 479.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il s’agit d’une mesure que nous avions déjà proposée l’an dernier et qui concerne les propriétaires qui confient un bien immobilier à des associations agréées, en contrepartie d’un loyer ou d’une indemnité d’occupation symboliques, équivalant la plupart du temps aux charges foncières supportées.

Cet abandon partiel de loyer, qui représente un effort pourtant important de la part du propriétaire, ne donne droit à aucune déduction fiscale car, à ce jour, seul l’abandon total de loyer consenti au profit d’un organisme est reconnu comme un don en nature ouvrant droit à ce type d’avantage. En d’autres termes, la perception d’un loyer ne couvrant que les charges fixes de l’appartement ne donne droit à aucune déduction fiscale. Une instruction a été rédigée en mai 2007 à cet effet.

Nous proposons donc d’étendre le champ de l’avantage fiscal, ce qui contribuerait à remettre sur le marché des logements pour les personnes défavorisées.

L’an dernier, Christine Lagarde, saluant l’esprit louable dans lequel était proposé notre amendement, s’était accordée avec le rapporteur général pour considérer cependant qu’il devait être mieux borné. Nous précisons donc cette année la nature de l’abandon de loyer et nous le plafonnons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. rapporteur. La commission n’a pas adopté cet amendement, car nous n’avons pas su fixer la limite à partir de laquelle l’abandon de loyer représente un don susceptible de bénéficier d’un avantage fiscal au titre du mécénat.

Le système actuel est plus clair qu’un système où le propriétaire serait éligible à condition de consentir un loyer inférieur d’au moins 70 % au prix du marché. Cela donnerait un dispositif complexe difficile à gérer. Mieux vaut un dispositif binaire : avec ou sans loyer.

M. Michel Bouvard. Le binaire, c’est toujours plus simple !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le Gouvernement est défavorable à cette proposition qui permettrait un cumul d’avantages fiscaux aboutissant à une économie d’impôt supérieure au loyer abandonné.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 479, je suis saisi d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, à moins que M. Bouvard ne retire son amendement.

M. Michel Bouvard. Il est retiré.

M. Jean-Pierre Brard. Je le reprends !

M. le président. L’amendement n° 479, retiré par M. Michel Bouvard, est repris par M. Brard, avec la demande de scrutin public.

Monsieur Brard, vous avez la parole.

M. Jean-Pierre Brard. Faisons encore de la pédagogie ! L’amendement de Michel Bouvard est raisonnable. Prenons le cas d’une vieille dame avec de faibles ressources ; si elle consent à mettre un local à disposition d’une association, elle souhaite en contrepartie ne plus avoir à en assumer les charges, ce qui est bien légitime.

L’an dernier, Mme Lagarde nous avait fait une promesse, dont il s’avère aujourd’hui, monsieur le ministre, que c’était une promesse de Gasconne.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Ne dites pas de mal des Gascons dans cet hémicycle ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Mais ce sont ceux qui font des promesses sans lendemain qui discréditent les Gascons !

Le rapporteur général nous dit que la mesure est trop complexe, mais si l’on songe à l’imagination dont vous faites preuve dès lors qu’il s’agit d’arranger les petites affaires de ceux qui en ont des grosses, l’argument ne tient plus ! Nos collègues de l’UMP doivent donc prendre leurs responsabilités et voter l’amendement proposé par Michel Bouvard, qui bénéficiera surtout à de petites gens ayant l’altruisme chevillé au corps, à la différence des gens que vous défendez d’habitude.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 479.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 61

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

(L'amendement n° 479 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 355.

La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Il s’agit d’un amendement de faible portée financière mais dont la résonance sera forte pour quelques milliers de nos concitoyens vivant dans le périmètre d’un plan de prévention des risques technologiques.

Nous avions l’an passé élargi le crédit d’impôt aux seuls propriétaires résidents. Nous proposons de l’étendre aux propriétaires bailleurs.

Il faut savoir que, dans ces zones, de très nombreux propriétaires sont d’anciens salariés des groupes industriels et des usines concernés par le PPRT, qui choisissent de s’installer ailleurs au terme de leur carrière professionnelle. Leur localisation dans le périmètre d’un PPRT rend souvent la cession de leur bien difficile et les contraint à le louer.

Sachant par ailleurs que des préconisations préfectorales obligent les propriétaires à entreprendre des travaux ne pouvant excéder 10% de la valeur vénale du bien, nous vous proposons d’accompagner ces propriétaires, souvent peu fortunés, en élargissant le crédit d’impôt.

Cette demande est exprimée à la fois par le groupe socialiste et, j’en suis certain, par l’ensemble des maires concernés par les PPRT.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 355, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur l’amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a examiné cet amendement avec intérêt, mais a souhaité, monsieur Habib, que vous le présentiez plutôt en seconde partie. Il concerne les travaux faits en 2011, ouvrant droit à crédit d’impôt en 2012. Mais cette disposition fiscale figure dans la loi sur le Grenelle de l’environnement, postérieure à l’instruction du Premier ministre du 5 juin qui réserve dorénavant la création de dispositifs fiscaux aux seules lois de finances. On a souhaité réexaminer l’ensemble de ce type de dispositions en seconde partie.

Je ne dis donc pas que je suis défavorable à cet amendement. Nous sommes en fait nombreux à considérer qu’il va dans le bon sens. Mais il serait beaucoup plus logique de l’examiner en seconde partie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. Monsieur Habib, retirez-vous l’amendement ?

M. David Habib. Je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement est important. Quelqu’un qui est propriétaire dans une zone à risques et qui veut prendre sa retraite ailleurs a énormément de mal pour vendre son logement. Pour le louer, il est obligé de faire les travaux imposés par le Grenelle de l’environnement. Il est donc très injuste que celui qui habite son logement soit subventionné pour faire les travaux – car c’est de cela qu’il s’agit, étant donné les travaux exigés – tandis que le propriétaire bailleur ne l’est pas. On risque de créer une situation où les locataires habiteront des appartements dans lesquels les travaux n’ont pas été faits. Il faut adopter cet amendement d’équité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je voudrais simplement illustrer les excellents propos de M. Muet. Imaginez que vous êtes propriétaire d’une petite maison dans une ancienne zone minière en Lorraine…

M. Patrick Roy. Ou dans le Nord !

M. Jean-Pierre Brard. …ou dans un coron du Nord. Et vous voulez partir passer votre retraite, disons au hasard, à Saint-Tropez, si vous avez fait un héritage. Mais les fins de mois sont difficiles. Il faut revendre la maison.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non, il y a l’héritage !

M. Jean-Pierre Brard. Dans ce cas-là, que faites-vous ? Comme dirait Charles-Amédée de Courson, vous n’allez pas à Saint-Tropez, c’est réservé aux riches. Mais nous, nous voulons que tout le monde puisse en bénéficier sans être pénalisé par une situation antérieure. C’est vrai pour les anciens domaines miniers où il y a des affaissements de sol, comme à Joeuf en Lorraine, pour la zone autour d’AZF, et plus récemment la région de La Rochelle.

C’est donc un amendement de justice. J’ai demandé un scrutin public pour que vous soyez de nouveau, chers collègues de l’UMP, mis face à votre conscience. Je sais que certains d’entre vous en ont une, même si, pour monsieur Maillé, la conscience, c’est le dimanche seulement, à l’heure de la messe.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je ne comprends pas bien pourquoi notre collègue Habib n’accepte pas de reporter la présentation de cet amendement en seconde partie. Le rapporteur général l’a dit, nous serions nombreux à le voter. J’avais d’ailleurs fait adopter il y a deux ans en loi de finances une disposition relative aux taxes locales pour les habitations situées dans le périmètre d’établissements à risque technologique, en raison du fait que la révision générale des bases locatives n’avait jamais intégré toutes les contraintes qui sont survenues et qui ont pour effet une dévaluation de la valeur du bien ou une augmentation des charges d’assurance.

Mais soyons cohérents. Nous souhaitons que les mesures de fiscalité figurent uniquement en loi de finances. Il est donc prévu de revenir sur toutes celles qui ont pu être votées après l’instruction du Premier ministre. On pouvait donc parfaitement adopter cette disposition en seconde partie avec un large accord, plutôt que de conduire certains d’entre nous à voter contre une disposition dont ils approuvent l’objectif. Il aurait quand même été bien de pouvoir se retrouver sur une disposition de ce type.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Jean-Pierre Brard, avec le talent et l’humour corrosif qu’on lui connaît a illustré la réalité d’un retraité qui voudrait partir à Saint-Tropez.

Plus sérieusement, en tant qu’élu du Nord qui connaît bien la situation des terrains miniers, on m’adresse souvent le cas de gens qui ne peuvent pas prendre leur retraite à Saint-Tropez certes – mais dans le Nord il n’y a pas que des friches industrielles, il y a des zones verdoyantes à quelques dizaines de kilomètres

M. Henri Emmanuelli. Autour de Maroilles !

M. Jean-Pierre Brard. Son fumet parvient jusqu’à nous en région parisienne ! (Sourires.)

M. Patrick Roy. En effet, Maroilles, qui produit un fromage célèbre par exemple. Cette région est très agréable et très prisée pour aller y passer une retraite paisible.

Or ceux qui, dans le bassin minier, voudraient le faire se heurtent à de graves difficultés, que l’amendement permettrait de régler.

Pourquoi ne pas le reporter en seconde partie ? Certes, on pourrait l’imaginer car les déclarations du rapporteur général sont encourageantes. Mais le non sans appel et sans argumentation du ministre laisse penser que cet amendement pourrait connaître un triste sort si nous ne l’adoptons pas dès maintenant. Je suis donc très favorable à cet amendement que M. Habib a défendu avec talent.

M. le président. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Je précise d’abord que cet amendement concerne les zones à risque technologique et non les zones minières, du moins celles où l’activité a cessé. Il s’agit ici d’usines qui fonctionnent et qui présentent un risque. D’ailleurs, dans ces zones comprises dans un périmètre Seveso, toute possibilité de construire des habitations est gelée.

M. Bouvard a rappelé comment nous en sommes venus à quelques-uns, dont il est, à demander que l’on prenne en compte ce risque technologique sur le plan fiscal. Élu local, il sait bien lui aussi que les mesures qui portent sur la taxe d’habitation ou la taxe sur le foncier bâti des ménages, ce sont les collectivités qui en assument le risque.

M. Michel Bouvard. Tout à fait.

M. David Habib. Aujourd’hui, la loi impose aux préfets de tenir des réunions de concertation avec la population. Elles sont très fréquentées. Mais à la fin de la réunion – je l’ai vécu – le préfet se tourne vers les maires pour leur dire qu’il reste un problème, celui des abattements possibles pour réduire la fiscalité sur les habitations dans ces zones ; et il leur demande alors de prendre des décisions en la matière. Il est temps que l’État, qui a la maîtrise de ces PPRT, assume sa part de la solidarité.

Enfin, comme l’a dit Patrick Roy, autant je pouvais être satisfait de la réponse du rapporteur général, qui a manifesté son intérêt pour cette disposition, autant le bref « défavorable » du ministre ne me permet pas de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je suis élu d’une commune minière et je rappelle que nous avons adopté un amendement qui aligne dispositif valable dans les PPRM, les plans de prévention des risques miniers, et dans les PPRT en ce qui concerne la taxe foncière et la taxe d’habitation. Le coût de la mesure est supporté par les collectivités. Je connais moins le cas des communes en PPRT, mais les communes concernées par les risques miniers ont été particulièrement appauvries par la cessation de l’exploitation minière. Elles ne peuvent évidemment pas suivre. Nous n’allons pas faire ici un travail de commission, mais il faudra réfléchir à des dispositifs fiscaux concernant les communes à risque minier, en reprenant ce que M. Habib propose pour les collectivités soumises à des risques technologiques.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 355.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 66

Nombre de suffrages exprimés 64

Majorité absolue 33

(L'amendement n° 355 n’est pas adopté.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On le reprendra en seconde partie.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour défendre l’amendement n° 293 rectifié.

M. Pierre-Alain Muet. La prime pour l’emploi n’est pas revalorisée, alors que les bornes du barème de l’impôt sur le revenu le sont. Il y a là une injustice flagrante, car la PPE joue le rôle d’un impôt négatif, pour corriger le fait qu’un certain nombre d’impôts, la CSG notamment, ne sont pas progressifs. Cet amendement propose de majorer de 5 % pour 2010 les seuils de la PPE qui sera versée en 2011, afin de tenir compte de l’inflation qui a été forte en 2008 et non négligeable ensuite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Même avis.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Pour notre part, nous soutiendrons cet amendement. Pierre-Alain Muet a rappelé que la PPE n’était pas, initialement, qu’une petite mesure pour soutenir le pouvoir d’achat, même si elle y contribue, mais aussi une première pierre, dans une refonte de l’impôt sur le revenu. Je reprends volontiers son expression « d’impôt négatif », même si elle n’est pas toujours bien comprise. Elle dit bien ce qu’elle veut dire : il y a des gens qui payent des impôts parce qu’ils ont des revenus. Nous sommes en faveur de la progressivité de cet impôt sur le revenu : plus on gagne, plus on paye d’impôt. Il est également logique que ceux de nos concitoyens qui ont de très petits revenus puissent bénéficier de ce coup de pouce. Bien entendu, il faudrait envisager cette aide dans une refonte globale de l’impôt sur le revenu. Pierre-Alain Muet disait hier qu’il fallait commencer par la refonte globale. Pour ma part, je ne crois pas beaucoup au grand soir fiscal, et adopter cet amendement pour ne pas vider de contenu la PPE irait dans le sens d’une refonte progressive de l’impôt sur le revenu.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 293 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il y a une injustice flagrante à ne pas indexer la PPE mais à indexer les bornes du barème de l’impôt sur le revenu. Le Gouvernement qui a créé la PPE voulait en fait rendre la CSG légèrement progressive. Ce n’était pas possible pour des raisons constitutionnelles car il y avait une différence entre le traitement de la CSG sur le plan familial et l’impôt sur le revenu.

Sur le modèle de ce qui existait déjà dans un certain nombre d’autres pays, on a donc créé la prime pour l’emploi sous la forme d’un impôt négatif. Cela permet de rendre notre fiscalité réellement progressive, y compris en ce qui concerne les revenus les plus modestes.

Il faut rappeler qu’en France, tout le monde paie un impôt sur le revenu puisque tout le monde paie la CSG. L’idée selon laquelle seule la moitié la plus riche de la population paie un impôt sur le revenu est fausse.

M. Jacques Myard. C’est l’impôt socialiste ! (Sourires.)

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur Myard, la progressivité de l’impôt ne date pas d’hier.

M. Jacques Myard. Vous avez raison.

M. Pierre-Alain Muet. J’espère qu’elle est admise par une large fraction de notre assemblée !

M. Henri Emmanuelli. Joseph Caillaux, ça vous dit quelque chose ?

M. Pierre-Alain Muet. Nous pensons qu’il faut aller au terme du raisonnement et rassembler la CSG et l’impôt sur le revenu débarrassé de ses niches. Le grand impôt ainsi obtenu constituerait un impôt sur le revenu digne de ce nom, comparable à celui de la plupart des pays européens. Son produit ne s’élèverait pas, comme aujourd’hui, à 3,5 % de notre richesse nationale, mais plutôt à 7 à 10 %, comme dans tous les pays européens – selon nous, 7 % conviendraient.

L’indexation de la prime pour l’emploi proposé par l’amendement permet le rattrapage de l’évolution qui n’a pas eu lieu depuis 2008 ; elle constitue une mesure de justice sociale.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 293 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 61

Nombre de suffrages exprimés 61

Majorité absolue 31

(L'amendement n° 293 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 260.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous avons précédemment présenté un amendement visant à supprimer le dispositif de subvention aux heures supplémentaires.

Dans ce cadre, afin d’assurer le maintien du revenu des salariés modestes, nous proposons d’augmenter de 50 % la prime pour l’emploi. Cette mesure n’aurait pas d’effet négatif sur l’emploi, et elle ne toucherait que les travailleurs les plus modestes.

(L'amendement n° 260, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 298.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise à instaurer une indexation automatique des seuils et barèmes de la prime pour l’emploi, à l’image de ce qui existe pour les seuils de l’impôt sur le revenu.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 298, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre et le rapporteur général ont une singulière conception du dialogue républicain. Nous examinons des amendements importants, même s’ils sont simples dans leur principe.

M. François Baroin, ministre du budget. Notre réponse est simple dans son application.

M. Jean-Pierre Brard. En effet, il s’agit de mettre en place un système d’indexation ; une sorte d’échelle mobile.

M. Jacques Myard. Tirez l’échelle !

M. Jean-Pierre Brard. Comme le dit si bien Jacques Myard, vous tirez toujours l’échelle sous les pieds des gens modestes.

Mme Chantal Brunel. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Brard. En revanche, pour les riches, vous prévoyez toujours un matelas moelleux dont vous renouvelez les plumes. Il ne faut pas que ceux que vous aimez le plus puissent souffrir du moindre hématome du fait de la rugosité du matelas.

L’amendement de M. Pierre-Alain Muet est particulièrement pertinent. Sans bureaucratiser l’administration de l’État, il permet de revaloriser automatiquement la prime pour l’emploi.

Monsieur le ministre, pensez aux Troyens ! Pas ceux de l’antiquité : ceux qui habitent la ville dont vous êtes le maire. Vous ne pouvez pas être ingrat avec eux ! Certes, ils ne lisent peut-être pas tous le Journal officiel, et peut-être ne suivent-ils pas tous nos débats à la télévision, mais ils sauront parfaitement quelles positions vous prenez. Nos amis sur place se chargeront de leur dire que vous les oubliez complètement lorsqu’il s’agit de défendre leurs intérêts et d’améliorer leurs fins de mois difficiles. Il ne suffit pas de restaurer les maisons à colombages de Troyes, ce qui est tout à votre honneur,…

M. François Baroin, ministre du budget. Merci quand même !

M. Jean-Pierre Brard. …il faut faire en sorte que leurs habitants aient de quoi finir le mois, ce qui, visiblement, ne vous concerne pas aujourd’hui.

M. François Baroin, ministre du budget. Monsieur Brard, vous serez toujours le bienvenu à Troyes.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 298.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 58

Nombre de suffrages exprimés 58

Majorité absolue 30

(L'amendement n° 298 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 256, 322 et 230, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 256.

M. Christian Eckert. Cet amendement traite du plafonnement des niches. Il me semble que, sur un sujet aussi important, le rapporteur général et le ministre ne doivent pas rester laconiques.

On parle beaucoup du rabot des niches – les amateurs de contrepèteries apprécieront –, mais il ne s’agit en fait que de mesures de très faible portée. Monsieur le ministre, je rappelle que ce coup de rabot ne concerne d’ailleurs pas le budget pour 2011, puisque les documents que vous nous avez transmis évaluent l’économie qui en découle à zéro. En fait, la fameuse réduction homothétique des exonérations d’impôts sur le revenu ne rapporterait en 2012 que la modique somme de 430 millions d’euros. Alors, lorsque vous prétendez économiser 10 milliards d’euros grâce à ce coup de rabot, il s’agit véritablement d’une tromperie en termes de présentation.

Nous suggérons de modifier le plafonnement de la réduction d’impôt, qui s’élève aujourd’hui à 20 000 euros majorés de 8 % du revenu imposable – ce qui, dans certains cas, peut représenter un montant considérable. Nous proposons de fixer simplement un plafond de 15 000 euros ; cela nous semble déjà pas mal. Ce serait, en tout cas, un élément de justice.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour défendre l’amendement n° 322.

M. Jean-Claude Sandrier. Les niches fiscales et sociales représentent aujourd’hui 141 milliards d’euros.

Comme par hasard, Les Échos de ce matin, nous apprennent que le matelas de cash des entreprises du CAC 40 s’élève à 146 milliards d’euros. De peur que ses lecteurs s’inquiètent de la destination de cet argent – il ne faudrait tout de même pas qu’il en soit fait un usage public et utile –, le journal précise que voilà de quoi soigner les actionnaires.

Aujourd’hui, certaines niches fiscales ne sont plus considérées comme telles. Selon la Cour des comptes, « à mesure que certaines niches se pérennisaient, le ministère de l'économie a arrêté de les traiter comme telles. Pourtant leur nature n'a pas évolué au cours du temps. On peut en dénombrer une grosse centaine : le carburant des aéronefs n'est pas soumis à la TIPP, ce qui représente 3,5 milliards d'euros ; les plus-values sur la résidence principale sont exonérées pour 1 milliard d'euros ; idem pour l'abattement de 40 % sur les dividendes dont le montant est de 1,9 milliard d'euros ».

Ces niches de toute nature coûtent chaque année 140 milliards d'euros à l'État. Il est clair que pour accorder des privilèges, vous trouvez l'argent ! Et, malgré les discours, nous savons pertinemment que, dans leur grande majorité, ces niches fiscales seront maintenues. Quelques-unes d'entre elles seront supprimées pour donner le change à l'opinion, mais ce dispositif destructeur de recettes publiques et de l'égalité républicaine a encore de beaux jours devant lui.

C'est pourquoi nous proposons un amendement tendant à réduire de moitié le plafond de la réduction d'impôt prévu à l'article 200-0 A du code général des impôts, le faisant passer de 20 000 à 10 000 euros.

Chers collègues, un certain nombre d'entre vous appartenant à l'UMP et au Nouveau Centre ont ouvertement remis en cause la politique d'abattements tous azimuts : accordez donc vos votes à vos déclarations !

En tout cas, nous serons très attentifs aux réponses que nous feront le rapporteur général et le ministre, d’autant qu’ils ont été très peu loquaces jusqu’ici. Ils n’ont même pas eu un mot pour justifier leur refus de taxer à 95 % les avantages exorbitants et insultants que s’octroient les grands patrons : j’espère que, cette fois, ils seront plus bavards.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour présenter l’amendement n° 230.

M. Charles de Courson. Le groupe Nouveau Centre a toujours plaidé en faveur du plafonnement des niches.

Après bien des débats, nous étions parvenus à trouver un dispositif permettant d’en plafonner un nombre significatif, même si, hélas, elles ne sont pas toutes concernées. Ce plafond s’exprimait en un montant fixe majoré d’un pourcentage du revenu imposable.

Nous avions convenu de retravailler sur le calibrage de la mesure car les simulations ne permettaient pas d’en apprécier clairement les effets. Le premier plafond que nous avions mis en place a eu très peu d’effet puisqu’on nous a indiqué en commission qu’il n’avait rapporté que 16 millions d’euros, somme extrêmement faible. Nous avons donc décidé d’abaisser ce plafond.

Notre groupe est partisan de poursuivre cette tendance tant en ce qui concerne la partie fixe du plafond que sa part proportionnelle. En conséquence, l’amendement n° 230 propose de porter le plafond de 20 000 à 15 000 euros, et un autre amendement portera sur la majoration prévue en part du revenu. Nous proposerons en la matière une restriction encore plus importante puisque, pour les revenus très élevés, le taux que nous avions précédemment voté fixait le plafond à un niveau extrêmement haut.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 256, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements en discussion ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. rapporteur. Je suis défavorable aux trois instruments.

Le plafonnement a été mis au point, il y deux ans, par la commission des finances. Le cumul de deux bornes a été prévu, l’une en valeur absolue et l’autre en pourcentage du revenu imposable parce que nous estimions qu’il était intéressant d’orienter les revenus très élevés vers des actions d’épargne et d’investissement d’intérêt général. À l’origine, le plafond était fixé à 25 000 euros plus 10 % du revenu imposable.

Ces différents amendements maintiennent évidemment le dispositif, mais ils tendent à le réduire. Or, je vous fais observer que le plafond a déjà été abaissé l’an dernier, dès sa première année d’application, à 20 000 euros plus 8 % du revenu. Il nous semble donc qu’il conviendrait de le laisser en l’état, car il n’est pas raisonnable de le modifier chaque année.

M. Christian Eckert. Pourquoi ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Le rapporteur général a raison de souligner que le plafonnement des niches est le fruit d’une réflexion collective, et en partie consensuelle, de la commission des finances. Mais il faut ramener le dispositif à sa juste mesure. Même si l’on se limite à la nomenclature officielle – et j’ai dit ce que l’on pouvait en penser –, le plafonnement ne concerne qu’une vingtaine de niches sur presque 500, soit entre 10 et 15 milliards sur 75 milliards. Certes, il a produit des effets, au reste difficiles à chiffrer, y compris par ses promoteurs eux-mêmes. Mais ces effets sont forcément limités, dans la mesure où le périmètre du plafonnement ne porte que sur 10 à 15 milliards, et non sur l’ensemble des niches.

Si le principe du plafonnement a été unanimement accepté et ne doit plus être contesté, en revanche, son périmètre va devoir évoluer. C’est, du reste, dans la nature même de ce plafonnement que de voir son périmètre s’étendre progressivement, sauf à accepter la fuite, qui se produira immanquablement, vers les niches qui ne sont pas couvertes par le plafonnement, au détriment de celles qui le sont. La différence entre ces deux catégories de niches fiscales – 10 à 15 milliards d’un côté, 75 milliards de l’autre – est telle que la fuite sera massive. Il me semble donc que la tendance est celle d’un plafonnement global de l’ensemble des niches.

Une fois le plafonnement étendu, il nous faudra discuter de son niveau, car 20 000 euros plus 8 % du revenu, cela reste une possibilité de défiscalisation extrêmement élevée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le rapporteur général a rappelé l’histoire récente de ce dispositif, qui est intelligent et pertinent. La création d’un plafonnement puis l’abaissement de celui-ci à 20 000 euros plus 8 % du revenu, conformément à la volonté d’une réduction générale, ont permis d’adresser un message. Ce message, quel est-il ? Il n’est pas celui d’une remise en cause du principe de l’incitation fiscale ; il consiste à prévenir les contribuables qui cherchent à faire de l’optimisation fiscale qu’ils ne le pourront plus, car le législateur, dans sa grande sagesse, a fixé un plafond qu’il est impossible de dépasser. C’est dans cet esprit que la commission des finances a travaillé il y a deux ans et qu’elle a modifié le dispositif l’an dernier.

Or, l’abaissement du plafond à 10 000 euros remettrait en cause le principe même de l’incitation fiscale, qui peut s’inscrire dans le cadre d’une politique d’intérêt général. En prenant une telle mesure, on adresserait un message non seulement à ceux qui cherchent à faire de l’optimisation fiscale, mais également à ceux qui veulent, grâce à cet outil fiscal, irriguer de manière vertueuse tel ou tel secteur de notre économie. Telles sont les raisons, développées par le rapporteur général, pour lesquelles nous nous opposons à ces amendements.

M. Henri Emmanuelli. On essaie de vous trouver de l’argent, là !

M. François Baroin, ministre du budget. C’est minime !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il faut être raisonnable. Certes, il est utile de garder à l’impôt un aspect incitatif. Mais force est de constater que la très grande majorité des niches fiscales ne sont pas réellement incitatives, parce qu’elles sont trop nombreuses, que la plupart des contribuables ne les connaissent pas, sauf quelques-unes, et que les seuls à les utiliser réellement sont ceux qui font appel à des spécialistes de l’optimisation fiscale pour réduire leur imposition sur le revenu. On aboutit ainsi à un paradoxe. En effet, le schéma du taux moyen d’impôt sur le revenu en fonction du revenu est une courbe en cloche, puisque les très hauts revenus échappent largement à l’imposition, le taux moyen d’imposition desdits plus hauts revenus étant inférieur à 20 %, alors que l’on devrait s’approcher du taux marginal de 40 %.

Il est vrai qu’il y a eu un effort de plafonnement. Mais tel qu’il a été défini dans le dernier projet de loi de finances, le plafond demeure, avec les 8 % du revenu, extrêmement élevé et continue à permettre l’optimisation fiscale. En revanche, en l’abaissant, comme nous le proposons, à 15 000 euros et en supprimant la partie qui est fonction du revenu, nous créerions un véritable plafonnement des niches fiscales. J’aimerais bien que l’on m’explique pourquoi, au-delà d’un plafond de 15 000 euros, une niche ne permet pas principalement une optimisation fiscale.

J’ajoute que je suis de ceux qui pensent que, pour qu’un impôt soit efficace, y compris en termes d’incitation, il faut que les dispositifs incitatifs soient très peu nombreux. C’est pourquoi nous, socialistes, plaidons en faveur d’une révision générale des niches fiscales.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je ne peux pas laisser M. Muet dire qu’une niche plafonnée à 20 000 euros permet l’optimisation fiscale, car celle-ci consiste en des stratégies qui concernent soit les très hauts revenus – je le reconnais –, soit les entreprises – et cela a été au cœur de nos débats, hier, au sujet du crédit d’impôt recherche. Nous avons maintenu le dispositif actuel du CIR pour encourager l’effort en faveur de la recherche, qui est nécessaire pour les entreprises françaises et pour la France. Mais nous avons demandé au Gouvernement, qui l’a accepté – et je l’en remercie –, des informations complémentaires afin de pouvoir évaluer correctement les risques d’optimisation fiscale. Or ces risques n’existent pas s’agissant des particuliers, et M. Muet le sait bien. Il faut appeler les choses par leur nom. L’existence d’un dispositif fiscal incitatif est louable, et il l’a d’ailleurs reconnu. Il faut donc le maintenir, dans une juste mesure, et le plafond actuel en est une.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, l’année dernière, quand nous avons durci le dispositif en abaissant le plafond de 25 000 euros et 10 % du revenu à 20 000 euros et 8 % du revenu, on nous a dit que le plafonnement s’était traduit par des recettes supplémentaires de 16 millions d’euros. Le Gouvernement peut-il nous dire, aujourd’hui, quelle a été l’incidence du durcissement du dispositif ? Car nous avons tâtonné, dans cette affaire ; nous ne savions pas avec certitude quel était le bon niveau.

Nous souhaiterions, quant à nous, abaisser le plafond de 20 000 et 8 % du revenu à 15 000 euros et 5 % du revenu. Il faut en effet avoir conscience que le plafonnement actuel permet à des contribuables qui ont un revenu de 100 000 euros, par exemple, de bénéficier encore d’une réduction d’impôt de 20 000 euros. C’est déjà pas mal ! Pourrions-nous obtenir des éclaircissements avant de passer au vote ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. M. de Courson pose une question importante. Mes chers collègues, par définition, ce plafonnement devrait ne rien rapporter. En effet, un contribuable rationnel – et lorsqu’ils ont des revenus importants, ils sont souvent bien conseillés – ne va pas organiser, en rétribuant au passage, dans la plupart des cas, des intermédiaires, des défiscalisations qui ne serviront à rien au-delà d’un certain montant, parce qu’elles seront limitées par le plafonnement global. Dès lors, le montant que celui-ci rapporterait serait dû, en réalité, à une certaine incompétence ou inexpérience des contribuables défiscalisateurs.

En revanche, ce plafonnement a un effet très puissant en ce qu’il rend impossible son dépassement, même si l’on utilise plusieurs dispositifs de défiscalisation. Il fonctionne en effet exactement comme un impôt minimal, sur le fondement d’un principe démocratique et républicain, puisqu’un contribuable qui a des revenus substantiels ne peut en aucun cas, dans notre pays, échapper totalement à l’impôt.

M. Henri Emmanuelli. Il y échappe tout de même pas mal !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Beaucoup de choses ont été dites. Aussi, je serai très bref, monsieur le président. Un fait me paraît significatif : je constate que l’amendement de M. Muet et celui de M. de Courson vont dans le même sens. C’est dire à quel point une partie de la droite a bien senti qu’il y avait quelque chose qui n’était pas gérable et que des taquets étaient nécessaires pour réduire les privilèges. La dernière intervention du rapporteur général est, du reste, une excellente illustration de la nécessité d’abaisser les plafonds. Il n’y a pas de doute.

En vous entendant, mes chers collègues, j’avais à l’esprit la formule qu’a employée un collègue de l’UMP, tout à l’heure, à la buvette. Elle est très claire, même si elle est quelque peu mystérieuse. Que disait donc notre collègue à propos du projet de loi de finances de cette année ? « Tendresse du rabot pour les niches, fidélité du nabot pour les riches ». Il semble que seul Jérôme Chartier puisse identifier de qui il est question.

M. Jérôme Chartier. De vous, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.Je vous appelle, mes chers collègues, à méditer cette formule, qui a certainement un sens profond.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Si nous fixons un plafond, ce n’est pas pour qu’il rapporte, mais pour des raisons de justice fiscale. Nous voulons un impôt citoyen, que tout le monde comprenne et qui ne permette pas aux contribuables les plus fortunés de chercher le moyen d’y échapper. Que notre impôt comprenne quelques dispositifs incitatifs, c’est bien, mais ceux-ci ne doivent pas être utilisés pour échapper à l’impôt. Je crois que plus l’impôt sur le revenu sera simple, lisible et débarrassé de tous ces dispositifs dont l’objet est détourné, plus nos concitoyens y consentiront. Ils accepteront plus facilement de payer l’impôt sur le revenu lorsqu’ils s’apercevront que celui-ci est juste.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je vous remercie, monsieur le président, de permettre que ce débat se poursuive, car il est très important. Puisque le rapporteur général a pris la parole pour répondre à des incompréhensions, je me permets de lui faire part des miennes. En effet, je comprends mal cette double affirmation, que je crois contradictoire : premièrement, le plafonnement est un dispositif puissant ; deuxièmement, il est normal qu’il ne rapporte rien aux caisses de l’État. Intuitivement, il me semble que, si le plafonnement est un dispositif puissant, il évite qu’un usage abusif des niches permette de déterminer un revenu fiscal de référence artificiellement minoré, déclenchant ainsi un bouclier fiscal exagérément élevé. Mais alors, soit le bouclier compense la première mesure, soit il ne la compense pas. Il me semble qu’il ne la compense pas et qu’il y a donc une économie.

Par ailleurs, on ne peut pas à la fois justifier le périmètre restreint du plafonnement global et prétendre que plus aucun contribuable ne peut y échapper. Dès lors que seuls 10 à 15 milliards d’euros de niches fiscales sont soumises à un plafond, il suffit d’utiliser celles qui n’y sont pas soumises pour, en en usant et abusant, pouvoir annuler théoriquement son impôt sur le revenu. La seule façon d’éviter que les niches ne soient utilisées exagérément, c’est d’imposer à toutes un plafonnement. Tant que le périmètre de celui-ci sera limité, personne ne peut jurer qu’un contribuable ne parviendra pas à annuler son impôt par l’utilisation de niches qui ne sont pas plafonnées.

Je crois qu’il faut vraiment expliquer ces deux paradoxes : d’une part, celui selon lequel le plafonnement serait un dispositif puissant, mais ne rapportant rien aux caisses de l’État ; d’autre part, celui selon lequel aucun contribuable ne pourrait plus échapper totalement à l’impôt sur le revenu, alors que les niches fiscales sous plafond ne représentent que 13 milliards d’euros sur les 75 milliards d’euros du coût total des dispositifs fiscaux dérogatoires.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pour une fois, je ne suis pas tout à fait d’accord avec notre rapporteur général. Premièrement, il considère implicitement que le plafonnement ne peut rien rapporter, dans la mesure où les contribuables concernés sont rationnels et pratiquent l’optimisation fiscale. Or, cela implique que tout le monde soit rationnel – la notion de rationalité restant par ailleurs à définir.

Deuxièmement, certaines des niches sont pluriannuelles. En abaissant le plafond, vous pouvez raboter un certain nombre d’avantages qui se trouvaient jusqu’alors sous le plafond – c’est le cas, par exemple, des investissements pluriannuels. Là encore, de nombreux contribuables peuvent être concernés.

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Pour ma part, j’ai très bien compris ce que veut dire le rapporteur général. L’existence d’un plafond ne me paraît pas contradictoire avec le fait qu’il soit extrêmement difficile d’en mesurer les effets, même si ce sont des effets d’opportunité et d’optimisation.

En revanche, on va pouvoir mesurer la dérivée d’un certain nombre de niches fiscales – qui, par définition, devraient être moins utilisées à partir du moment où le dispositif va être mis en œuvre.

M. Henri Emmanuelli. Vous allez avoir des transferts !

M. Olivier Carré. Or, pour avoir commencé travailler à vos côtés au sein de la commission, je peux affirmer que le principal problème des niches fiscales, en dehors de leur coût en valeur absolue, c’est aussi leur dérivée, difficile à contrôler – comme on l’a vu tout à l’heure au sujet de l’amendement de notre collègue Marc Le Fur – et qu’il convient de commencer à ralentir, à contingenter, voire à discriminer. Pour conclure, il me semble tout à fait logique que l’on peine à mesurer les effets du plafond. Ce qui est important, c’est de surveiller comment les choses vont évoluer au fil du temps.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Olivier Carré a parfaitement résumé les choses. Certes, tout le monde n’est pas rationnel. Pour ce qui est de l’argument des reports, il était pleinement recevable lorsqu’il y avait des déductions d’assiette, de revenu imposable. Or, nous avons pratiquement tout transformé en réductions d’impôt. Si un certain nombre de dispositifs permettent un report, le plafonnement global n’en joue pas moins chaque année.

Pour répondre à Jérôme Cahuzac, le périmètre des niches du plafonnement global est large, nettement plus large que celui du rabot, puisque nous avons repris le périmètre utilisé dans la loi de finances pour 2006, annulé par le Conseil constitutionnel pour des raisons d’inintelligibilité et de complexité. Surtout, nous avons un débat intéressant, mais fondé sur des instruments consensuels, que l’on ne remet plus en cause. Le souci de plafonner les niches fiscales une par une, en les transformant en réductions d’impôt, implique un souci de justice fiscale. Quand vous aviez une niche basée sur une réduction d’assiette, pour un déficit de 100 000 euros à déduire, vous réalisiez une économie de 40 000 euros dans la tranche à 40 %, mais de 14 000 euros seulement dans la tranche à 14 %. Dorénavant, au lieu d’avoir une réduction d’assiette de 100 000 euros, vous avez une réduction de 20 000 euros, la même pour tout le monde !

Le travail auquel nous procédons, consistant à transformer les déductions d’assiette en réductions d’impôt, aboutit à la mise en place d’un instrument global. Il avait déjà été procédé, en vain, à une première tentative de ce genre entre 1997 et 2002. C’est l’honneur de la majorité que d’avoir réussi à mettre en place ces instruments qui, aujourd’hui, figurent en bonne place dans la boîte à outils fiscale. Je suis, pour ma part, favorable à une réduction progressive. J’ai pris tout à l’heure en aparté, avec mon ami René Couanau, l’image de l’étranglement ottoman : on fait les choses lentement, mais sûrement ! (Rires et exclamations sur tous les bancs.)

Je plaide pour une certaine stabilité : ne consommons pas, dès à présent, toutes nos marges de manœuvre !

M. le président. L’image que vous avez utilisée aura très certainement éclairé notre assemblée, monsieur le rapporteur général. (Sourires.)

La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je veux simplement demander à M. le rapporteur général comment il peut encore parler de marges de manœuvre avec le déficit que nous avons actuellement. C’est proprement surréaliste !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 256.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 56

Nombre de suffrages exprimés 56

Majorité absolue 29

(L’amendement n° 256 n’est pas adopté.)

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 322, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

…………………………………………………………….

Nous allons maintenant procéder au scrutin.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 55

Nombre de suffrages exprimés 55

Majorité absolue 28

(L’amendement n° 322 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 230, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)