Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 25 octobre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Élisabeth Guigou

1. Projet de loi de finances pour 2011 Première partie (Suite)

Débat sur le prélèvement européen et préalable au Conseil européen

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Pierre Moscovici, rapporteur de la commission des finances, pour les affaires européennes

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères

M. Roland Blum, rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes

Porte-parole des groupes

M. Nicolas Perruchot

M. Marc Laffineur

M. Christophe Caresche

M. François Asensi

M. Jacques Myard

Article 46

M. Claude Bodin

M. Daniel Garrigue

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

Amendements nos 13, 73

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances

Article 47 et état A

Amendements nos 645, 644

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Élisabeth Guigou,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Projet de loi de finances pour 2011
Première partie (Suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).

Débat sur le prélèvement européen
et préalable au Conseil européen

Mme la présidente. Nous allons examiner, dans les conditions arrêtées par la Conférence des présidents, l’article 46 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.

Je vous rappelle que la Conférence des présidents du 14 septembre 2010 a décidé que ce débat tiendrait également lieu de débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre.

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission des affaires européennes, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier le président de l’Assemblée nationale, M. Accoyer, et la Conférence des présidents d’avoir bien voulu accepter d’adjoindre à l’examen de l’article 46 du projet de loi de finances pour 2011, relatif au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, une présentation par le Gouvernement du prochain Conseil européen qui doit se dérouler jeudi 28 et vendredi 29 octobre à Luxembourg.

Mon intervention sera donc un peu plus longue, je m’en excuse par avance. En revanche, j’espère qu’elle permettra de replacer utilement le débat sur notre contribution à l’Europe au centre d’une actualité européenne particulièrement dense.

J’étais à Luxembourg hier soir pour un dîner important présidé par Herman Van Rompuy et ce matin pour le Conseil « Affaires générales » destiné à préparer le Conseil des chefs d’État et de gouvernement de jeudi et vendredi.

Ce Conseil européen sera particulièrement fourni.

En plus des débats importants consacrés à la gouvernance économique, il traitera de quatre autres sujets : les enjeux du prochain G20 qui se tiendra à Séoul et à l’issue duquel la France assumera pour un an la présidence du groupe ; la conférence de Cancún sur le climat ; l’organisation des prochains sommets avec les partenaires stratégiques de l’Union ; enfin, suite à la lettre adressée le 30 juin 2010 par le Président de la République au Président de la Commission et conformément à la procédure fixée à l’article 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Conseil devrait adopter la décision transformant le statut de Saint-Barthélémy qui, de région ultrapériphérique, est appelée à devenir un pays et territoire d’outre-mer, un PTOM.

Je n’aborderai pas tous ces points, ou très brièvement, afin de concentrer mon propos sur la partie consacrée à la gouvernance économique, avant d’en venir à la contribution française au budget européen.

Mesdames et messieurs les députés, vous le savez, la zone euro a traversé cette année la crise la plus grave depuis la création de la monnaie unique. Sans m’attarder trop longtemps sur le déroulement de cette crise, que vous connaissez, je tiens à rappeler que c’est sous l’impulsion déterminée du Président de la République et de la Chancelière allemande que l’Union européenne a su répondre à la pression des marchés en construisant les pare-feu nécessaires qui ont permis de sauver notre monnaie et de préparer une nouvelle avancée dans la gestion commune de nos économies.

D’abord, l’Union a élaboré un plan de sauvetage spécifique d’un montant de 110 milliards d’euros pour la Grèce. Sur les 80 milliards d’euros mis sur la table par l’Europe, la moitié a été apportée par la France et l’Allemagne.

Ensuite, elle a adopté un mécanisme européen de stabilisation financière tout à fait exceptionnel : 500 milliards d’euros déboursés par l’Europe – dont la moitié, là encore, apportée par la France et l’Allemagne – complétés par 250 milliards d’euros du FMI.

Le rôle de la Banque centrale européenne a été fondamental dans la solution de cette crise. En acceptant d’intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, la BCE a fait preuve de pragmatisme, et surtout d’une très grande efficacité.

Au final, la bataille de la stabilisation de l’euro a été gagnée. Elle a consacré les institutions créées par le traité de Lisbonne, en particulier le Conseil européen. Elle a renforcé la solidité du couple franco-allemand. Elle a surtout révélé, en creux, le besoin d’un gouvernement économique européen, que la France appelle de ses vœux depuis la négociation du traité de Maastricht – vous connaissez cela par cœur, madame la présidente, puisque vous étiez en charge des affaires européennes à cette époque – et que le Conseil européen de juin a fini par reconnaître.

C’est précisément cette question qui sera au cœur du Conseil européen de jeudi, durant lequel les chefs d’État et de gouvernement seront appelés à prendre des décisions qu’il n’est pas exagéré de qualifier d’historiques, en tirant, conformément aux conclusions du Conseil européen de juin, toutes les leçons de la crise la plus grave qu’ait connue la zone euro depuis sa création.

La France et l’Allemagne, en raison du rôle qu’elles ont eu depuis le début de la crise, et par fa force et la pertinence des propositions adoptées le 18 octobre à Deauville par le Président et la Chancelière, jouent, dans ce domaine, un rôle moteur de proposition au service de l’Union européenne.

Le Président et la Chancelière ont, dans une contribution commune en date du 21 juillet, formulé les premières propositions concrètes et opérationnelles, permettant notamment de « renforcer la surveillance budgétaire multilatérale », mais aussi d’« assurer une mise en œuvre efficace de la surveillance économique par le biais de sanctions appropriées ».

Certaines de ces propositions franco-allemandes ont déjà été adoptées. Les ministres des finances se sont ainsi accordés, le 7 septembre dernier, sur la mise en place d’un « semestre européen », qui consacre l’examen par l’Union européenne des programmes de stabilité nationaux, chaque année au mois d’avril.

S’agissant plus précisément du renforcement du mécanisme de sanctions applicables aux États en cas de non-respect du pacte de stabilité, qui était au cœur des débats du groupe présidé par Herman Van Rompuy, les propositions franco-allemandes ont été complétées et précisées dans une très importante déclaration adoptée à Deauville le 18 octobre dernier. Le résultat obtenu est extrêmement solide, équilibré et pertinent.

Après l’Assemblée nationale aujourd’hui et le Sénat demain, j’aurai l’occasion de présenter cet ensemble de mesures mercredi, à la veille du Conseil européen, devant le Bundestag, où je serai auditionné conjointement avec mon collègue Werner Hoyer. Il s’agit d’une première pour le ministre français des affaires européennes. Le principe d’une audition conjointe des ministres français et allemand devant les commissions des affaires européennes des deux pays est, je le rappelle, l’une des mesures fortes de l’agenda franco-allemand 2020, adopté en février dernier par le Président et la Chancelière.

Mais revenons aux travaux du groupe Van Rompuy et à la déclaration de Deauville.

S’agissant des travaux du groupe Van Rompuy, j’observerai d’abord que la France, pour sa part, mais c’est aussi la position de l’Allemagne, soutient pleinement ses conclusions. Il s’agit d’un ensemble de règles qui organisent la convergence de nos politiques budgétaires et économiques, et qui prévoient des sanctions efficaces dans le cas où un ou plusieurs États membres s’écarteraient des règles communes.

M. Jacques Myard. Billevesées !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. À la lumière des attaques contre notre monnaie en 2010, ces disciplines sont devenues indispensables.

Ayons la franchise de dire que, depuis le traité de Maastricht, en 1993, vingt-deux cas d’infraction ont été répertoriés, mais jamais le mécanisme de sanctions prévu dans le traité n’a été mis en place.

Pour la crédibilité de notre zone monétaire, un renforcement de nos disciplines communes est jugé indispensable, aussi bien par l’Allemagne que par la France. Il y va de l’intérêt national comme de l’intérêt de l’Europe.

Je veux dire la gratitude du gouvernement français à l’égard de Herman Van Rompuy qui, mandaté par les chefs d’État et de gouvernement, a su, en cinq mois à peine, et deux mois avant la fin du délai imparti, présenter à l’Union un ensemble de règles solides, rigoureuses et politiquement fondées.

Cet ensemble se distingue des propositions de la Commission, rendues publiques le 29 septembre. La Commission proposait un système de sanctions quasi-automatiques susceptibles d’être imposées aux États membres et fondées sur des critères purement statistiques. Ces propositions, mesdames et messieurs les députés, posaient plusieurs problèmes à nos yeux.

En premier lieu, la Commission ne faisait aucune distinction entre le volet préventif et le volet correctif du pacte, et proposait une application généralisée du nouveau mécanisme automatique de sanctions.

En deuxième lieu, les règles proposées étaient beaucoup trop rigides et condamnaient par avance toute autonomie budgétaire des États membres.

Enfin et surtout, ces propositions réécrivaient l’équilibre prévu dans le traité, faisant du Conseil, sur proposition de la Commission, l’organe chargé de décider d’imposer des sanctions, aux termes de l’article 126 du traité.

Dans la version proposée par la Commission, celle-ci devenait à la fois le juge, l’arbitre et l’organe de sanction.

Dans cette perspective, une sanction d’une sévérité sans précédent – des amendes susceptibles d’atteindre 0,2 % du PNB de l’État membre concerné, soit 4 milliards d’euros pour la France ! – pouvait être imposée à un État sans qu’aucune majorité d’États membres ou de population l’ait décidé, sur la base d’une décision de la Commission qui, dans une hypothèse limite, pouvait être soutenue par une quinzaine de commissaires représentant moins de 14 % de la population européenne.

Mesdames et messieurs les députés, ceci n’était acceptable ni pour le Gouvernement ni pour le Parlement. Dans ces conditions, la déclaration franco-allemande de Deauville et les conclusions de la task force Van Rompuy rétablissent les grands équilibres politiques, tout en renforçant la gamme des sanctions, tant en ce qui concerne le volet préventif que le volet correctif du pacte de stabilité et de croissance.

S’agissant du volet préventif du pacte, le système proposé par la France et par l’Allemagne ainsi que par le groupe Van Rompuy prévoit que ce soit le Conseil – et non la Commission – qui prenne la décision d’imposer, à la majorité qualifiée et de manière progressive, des sanctions qui pourraient prendre la forme de dépôts portant intérêt.

S'agissant du volet correctif du pacte, la France et l'Allemagne, de même que le groupe Van Rompuy, s'accordent sur la nécessité de sanctions systématiques, mais selon une procédure en deux temps : dans un premier temps, le Conseil décide à la majorité qualifiée d'ouvrir une procédure de déficit excessif ; et c'est seulement si l'État n'a pas pris les mesures correctrices nécessaires dans un délai de six mois que la procédure de sanction est activée.

Le grand apport de la déclaration de Deauville et du groupe Van Rompuy a donc été de remettre le Conseil au cœur du processus et d'introduire dans la procédure de sanction, qu'elle concerne le volet préventif ou correctif, le principe d'une appréciation qui reste fondamentalement politique, tout en élargissant de façon très sérieuse les disciplines appliquées aux États.

À ces disciplines nouvelles, les dirigeants français et allemand ont ajouté à Deauville un autre volet essentiel, qui doit être considéré comme une partie intégrante du paquet proposé, à savoir la révision du traité, afin de permettre deux avancées considérables :

Premièrement, la pérennisation dans le traité du mécanisme européen de stabilisation, embryon du futur « fonds monétaire européen » créé au mois de mai dernier après la crise de l'Euro – je rappelle en effet que le mécanisme financier mis en place ce printemps avait un caractère transitoire et une durée de trois ans ;

Deuxièmement, une évolution vers des sanctions politiques, avec la suspension des droits de vote de l'État concerné : nous pensons en effet que des sanctions efficaces ne consistent pas seulement à ajouter des pénalités financières à des États déjà en difficulté de trésorerie, mais doivent être de nature politique, susceptibles d'ouvrir un débat entre les États membres et à l’intérieur de l’État concerné.

M. Jacques Myard. Sainte Utopie, priez pour nous !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ne nous y trompons pas : ces mécanismes représentent une innovation majeure. Contrairement à ce qu'ont dit certains commentateurs dans la presse, ces propositions sont tout sauf un affaiblissement du régime de discipline commune. Il ne s'agit pas non plus d'un accord imposé par les « grands » aux « petits »,…

M. Jacques Myard. Mais non, voyons…

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. …mais bien d’une discipline nécessaire, je le répète, au service de l'Europe.

Ces disciplines – j’y insiste – la France se les impose à elle-même.

D’abord parce qu’elle est totalement engagée dans le processus européen. Après l’échec du référendum en 2005, c’est sur la base du nouveau traité – le traité simplifié – que Nicolas Sarkozy a fait campagne et, depuis son élection, ces disciplines, nous nous les imposons à nous-mêmes : le gouvernement français s’est, en effet, fixé un objectif sans précédent de réduction massive des déficits publics. Malgré la crise, le déficit public va passer de 7,7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011, pour atteindre 3 % en 2013. Entre 2010 et 2011, il diminuera de 152 milliards d’euros à 90 milliards, soit une baisse de 40 %.

Je rappelle également que, lors de la dernière conférence des déficits, le Président de la République a souhaité qu'une nouvelle gouvernance en matière de finances publiques soit inscrite dans notre Constitution, ce qui mettra pleinement en cohérence les efforts de réduction du déficit engagés par le Gouvernement et nos engagements européens.

Ces choix ont entraîné, pour la première fois depuis trois décennies, la diminution du nombre d'emplois publics dans notre pays, avec la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et le plafonnement des dépenses des ministères, et, sur le plan social, la réforme très difficile des retraites, sur laquelle vous vous prononcerez mercredi.

Je ne reviendrai pas ici, car ce n'est pas le lieu, sur le contenu de cette réforme et ses objectifs. Vous les connaissez tous : c’est le sauvetage de notre système de retraite par répartition. En revanche, je veux insister sur la dimension européenne de ce dossier. La réforme des retraites est un sujet européen, qui a été évoqué ce matin par plusieurs États membres.

L'âge légal de départ à la retraite dans la majorité des pays européens est aujourd'hui fixé à 65 ans. La plupart des pays européens – Pays-Bas, Allemagne Royaume-Uni –, ont déjà engagé le mouvement le portant à 67 ans. L'âge moyen de sortie du marché du travail, tous régimes confondus, s'élevait en 2008 en France à 59,3 ans, contre 61,4 ans en Grèce, 61,7 ans en Allemagne, 63,1 ans au Royaume-Uni, 63,8 ans en Suède, alors que la France bénéficie de l'espérance de vie moyenne à 65 ans la plus élevée de l'Union : 19,9 ans, contre 18,2 ans en Europe. Peut-on vraiment continuer longtemps ainsi ?

Les engagements que nous prenons à l’intérieur sont, je le répète, cohérents avec les engagements que nous prenons au regard de l’Europe. Les disciplines que nous demandons pour l’ensemble, nous nous les appliquons à nous-mêmes.

Tel est, mesdames et messieurs les députés, le contexte de cette réforme essentielle des règles de la gouvernance économique et monétaire à l’intérieur de la zone euro, réforme qu’il me paraît utile de mettre en perspective avec le prochain sommet du G20 à Séoul, qui sera également évoqué ces jeudi et vendredi par les chefs d’État et de gouvernement.

La réforme de l'ensemble de la gouvernance économique, budgétaire et financière européenne que la France et l'Allemagne entendent mener avec détermination est, en effet, directement liée aux objectifs que le Président de la République annonçait il y a un an déjà – il était d’ailleurs le seul à l’époque –, à savoir la nécessité de mettre fin aux désordres monétaires internationaux et de repenser le système monétaire international.

Que constate-t-on aujourd’hui ? Que le prochain G20, qui se tiendra à Séoul les 11 et 12 novembre, et qui sera préparé par le Conseil européen cette semaine devrait être dominé par les questions monétaires : à la suite de différentes interventions sur les marchés pour faire évoluer les taux de change de monnaies, plusieurs pays, dont le Brésil, ont en effet mis en garde contre le risque d'une guerre des changes, d’une guerre des monnaies, et cette question a dominé l'ordre du jour des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale les 8 et 9 octobre derniers.

Lors de ces assemblées, nous avons obtenu que le FMI renforce ses travaux et sa surveillance sur "la volatilité des mouvements de capitaux, des taux de change, et l'accumulation des réserves de change".

La réunion des ministres des finances, qui s'est tenue ce week-end en Corée du Sud, a d'ailleurs été largement consacrée à ce sujet : les ministres se sont engagés à ce que les taux de change soient davantage déterminés par le marché et à ne pas effectuer de dévaluations compétitives. Un système de surveillance des grands déséquilibres structurels est mis en place en vue de maintenir les balances courantes à des niveaux soutenables. Enfin, le FMI évaluera désormais, entre autres, les politiques monétaires et de change des pays du G20.

Je rappelle également que le sommet du G20 de Toronto avait donné pour mandat au FMI de trouver un accord sur la réforme des quotas et de sa gouvernance d'ici au sommet de Séoul. C'est chose faite avec l'accord trouvé ce week-end, qui reprend très largement la proposition européenne.

Concrètement, l'objectif fixé lors des sommets du G20 de Londres en 2009 d'un transfert de 5 % des quotes-parts du FMI aux pays émergents dynamiques et aux pays sous-représentés a été largement dépassé, puisque le transfert sera de plus de 6 %.

De plus, le conseil d'administration du FMI, maintenu à notre demande à vingt-quatre membres pour permettre aux États émergents d'y avoir toute leur place, sera entièrement élu. L'Europe serait appelée à y perdre deux sièges.

Cet accord sur la gouvernance prévoit également de renforcer les outils du FMI pour faire face à des chocs systémiques, élément indissociable de la réforme de la gouvernance du FMI pour la France. Enfin, le capital du FMI est doublé, ce qui multipliera d'autant sa capacité d'intervention.

Après la réforme réussie de la Banque mondiale au printemps dernier, cet accord illustre les progrès réalisés en matière de gouvernance mondiale et conforte l'approche française de la présidence du G20, avec les trois grandes priorités présentées par le Président de la République en août dernier : la réforme du système monétaire international ; la réponse à la volatilité du prix des matières premières ; la réforme de la gouvernance mondiale.

Je dirai maintenant quelques mots sur un autre dossier clé qui sera examiné au Conseil : je veux parler de la conférence de Cancun sur le climat.

S’agissant de la préparation de ce sommet, qui doit se tenir du 29 novembre au 10 décembre, je souhaite rappeler les quatre messages clés de la France.

Premièrement, l'Europe n'a pas à rougir de son bilan carbone. Elle apparaîtra, à Cancun, comme le meilleur élève pour le résultat d'atténuation des émissions de C02. Ce résultat s'explique pour l'essentiel par les effets positifs du paquet énergie-climat, adopté durant la présidence française de l'Union.

Deuxièmement, en termes de méthode, l'Union européenne se présente à Cancun avec une position unifiée, qui a été arrêtée par le Conseil « Environnement » du 14 octobre dernier.

Troisièmement, sur le fond, il ne faut pas se cacher que l'évolution des négociations est plutôt décevante à ce stade. Tout en continuant à plaider en faveur d'un accord global juridiquement contraignant, l'Union européenne devra limiter ses ambitions et viser à Cancun l'adoption d'un premier jeu de décisions permettant d'intégrer dans l'acquis onusien les principaux éléments de l'accord de Copenhague : limitation du réchauffement climatique à 2 °centigrades, suivi des engagements pris par les États membres, mécanismes de soutien.

Quatrièmement, dans ce contexte, l'Europe maintient sur la table le paquet de propositions qu'elle avait formulées : ouverture à un accroissement éventuel au-delà de 20 % de l'effort de réduction d'émissions de C02 de l'Union européenne, mais dans le respect des conditions définies par le Conseil européen, qui imposent notamment des engagements de réduction comparables de nos grands partenaires émetteurs de C02 ; meilleure prise en compte des risques comme les « fuites de carbone », en cas de renforcement de l'effort de réduction des émissions de C02 consenti par l'Union européenne.

La France est favorable à la poursuite de l'analyse faite par la Commission dans sa communication au printemps dernier, et qui reconnaissait, comme le demandait le Président de la République, que le « mécanisme d'inclusion carbone », la fameuse « taxe carbone aux frontières » ou mécanisme d'ajustement aux frontières, était bien une option pertinente pour lutter contre les fuites de carbone. Elle appelle au réexamen de cette question par le Conseil européen du printemps 2011.

Dernier point à l’ordre du jour : le Conseil européen se penchera sur l'organisation des sommets avec les pays tiers : États-Unis, Russie, Ukraine. Il s'agit d'appliquer à tous ces sommets la méthode identifiée dans les conclusions transversales du Conseil européen du 16 septembre dernier, qui préconisaient l'adoption par l'Europe d'une approche véritablement stratégique des relations avec ses grands partenaires, partant de l'identification de ses priorités, mais aussi de ses intérêts, tant offensifs que défensifs.

J'insisterai plus particulièrement sur les relations de l’Union européenne avec la Russie : le sommet tripartite qui s'est tenu à Deauville le 19 octobre dernier, à l'invitation du Président de la République, en présence de la Chancelière et du Président russe Dimitri Medvedev, a marqué l'entrée dans une nouvelle ère : celle de l'alliance entre l'Europe et la Russie. Il est plus que temps de tirer les conséquences de la fin de la guerre froide : la Russie est désormais notre amie et notre partenaire.

Le premier témoignage de cette évolution spectaculaire, c’est que le Président Medvedev, qui est à l'origine de l'idée d'un nouveau « traité de sécurité européen », a annoncé à Deauville sa participation au prochain sommet de l'OTAN à Lisbonne, le 20 novembre, et a fait part au Président de la République de sa disponibilité à envisager une participation de la Russie à un système de défense anti-missiles dans le cadre de l'OTAN, ce qui met fin à des années de différends entre la Russie, les États-Unis et l’OTAN.

Le sommet de Deauville a également permis de constater une évolution de l'Allemagne à l'égard de la dissuasion nucléaire : alors que la réunion ministérielle de l'OTAN, le 14 octobre, destiné à préparer le sommet de Lisbonne, avait fait apparaître une divergence sur le rôle de la dissuasion, Mme Merkel, a reconnu à Deauville que tout désarmement devait être fondé sur la réciprocité. La dissuasion est donc validée. C’est important dans le cadre de nos relations avec l’Allemagne.

C’est dans ce contexte particulièrement dense que se situe notre débat sur l'article 46 du projet de loi de finances qui est soumis à votre approbation et qui concerne le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

Les données chiffrées, vous les connaissez : en 2011, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est évalué à 18,2 milliards d’euros,…

M. Jacques Myard. Trop cher !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. …soit 7,2 % des recettes fiscales nettes françaises.

M. Richard Mallié. Nous allons vous donner l’occasion de l’abaisser !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Comme l'an passé, les ressources propres dites « traditionnelles » – droits de douane et cotisations sucre –, estimées à 1,4 milliard d’euros, sont exclues du périmètre du prélèvement sur recettes, conformément à la recommandation de la Cour des Comptes.

La participation française au budget de l'Union européenne représente donc – c’est vrai, monsieur Myard, et je suis le premier à le reconnaître – un effort de solidarité substantiel, notamment vis-à-vis des nouveaux États membres, qui bénéficient pleinement des dépenses de cohésion : fonds structurels et fonds de cohésion.

M. Jacques Myard. On paye, on les nourrit, on les soigne et on se fait engueuler !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. J’y viens, monsieur Myard.

Cet effort est d’autant plus important qu’il doit être mesuré à l’aune des trois éléments suivants.

D’abord, il faut rappeler que la France figure parmi les tout premiers contributeurs au budget de l’Union européenne. Nous étions, en 2008, le troisième contributeur net et, en 2009, le deuxième contributeur net après l’Allemagne.

Ensuite, le solde net déficitaire de la France, qui s’élève, en 2009, à près de 5 milliards d’euros par an ne va cesser de croître jusqu’à la fin des actuelles perspectives financières, c’est-à-dire jusqu’en 2013. La contribution française devrait ainsi connaître, monsieur Carrez, une progression moyenne de 600 millions d’euros par an, pour atteindre un solde net déficitaire de près de 7,3 milliards d’euros en 2013.

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Enfin, la règle de progression dite « zéro valeur » du budget de l’État, combinée à la hausse de la contribution française au budget européen, qui est inscrite dans la norme de dépense du budget, va automatiquement se traduire par une diminution d’autres postes au sein du budget national.

Je crois de mon devoir, mesdames et messieurs les députés, de ne pas masquer cette réalité et, à travers vous, de dire la vérité aux Français : la solidarité que nous affichons légitimement vis-à-vis de nos partenaires européens a un véritable coût, dont la collectivité nationale doit bien prendre toute la mesure.

C’est cependant, pour le Gouvernement, un prix nécessaire que nous acceptons de payer pour que la France et l’Europe soient au rendez-vous du XXIe siècle, pour que l’Europe soit un véritable multiplicateur de puissance au service des intérêts nationaux, au service d’un espace commun de valeurs et de démocratie, d’un modèle social unique au monde, pour qu’avec nos partenaires nous bâtissions les grands projets technologiques de l’avenir – je pense à Galiléo, aux réseaux transeuropéens de transport ou à ITER – et, enfin, pour que nous nous donnions les moyens de nos politiques communes, agricole, industrielle ou énergétique, tout cela mis en cohérence dans le cadre d’un marché intégré de 500 millions d’habitants.

Tel est l’objectif de cette contribution française. Encore faut-il en tracer les limites de bon sens, qui, je me permets de le rappeler, sont au moins au nombre de trois.

En premier lieu, il serait bon que les efforts de réduction des dépenses auxquels nous, les États, nous soumettons soient également partagés par les institutions européennes.

M. Richard Mallié. C’est la moindre des choses !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Or comment ne pas trouver un peu curieux que la Commission, qui, d’une main, entend flétrir, par des sanctions automatiques, les États qui ne sont pas suffisamment rigoureux au plan budgétaire, leur propose, de l’autre, un budget européen 2011 en augmentation – tenez-vous bien – de 6 % en crédits de paiement ?

M. Jacques Myard. Ce sont des jésuites !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle le Conseil a refusé cette augmentation et a consenti à une augmentation tout de même importante de 2,9 % des crédits de paiement en août dernier, sur la base de laquelle est calculé le prélèvement sur recettes qui vous est présenté ce jour.

J’ose espérer que le Parlement européen, lui aussi tenté, comme la Commission, par une augmentation de son budget, saura faire preuve de sagesse dans le rythme d’évolution de ses dépenses et prendre pleinement en compte, dans le cadre de la procédure de conciliation avec le Conseil qui s’engagera à partir du 27 octobre, les réalités budgétaires européennes, qui s’imposent à tous, institutions européennes comme États-membres.

Deuxième remarque de bon sens : quand l’argent européen est effectivement disponible, avec l’effort de solidarité de la France, pour mener une politique sociale urgente, nous attendons que cet argent soit utilement et efficacement dépensé. Or c’est très exactement l’inverse qui se passe sur l’un des dossiers les plus sensibles de la période récente : je veux parler du problème de l’intégration sociale des Européens d’origine rom.

En effet, dans ce dossier, la France a été injustement accusée, menacée, vilipendée, parfois dans des termes inacceptables, pour la politique pourtant totalement conforme au droit européen qu’elle a engagée, une politique consistant à faire respecter en France le droit d’occupation des sols et les conditions de séjour, elles-mêmes prévues par la directive de 2004.

Pour m’être investi dans ce dossier depuis un an et demi et pour m’être rendu trois fois à Bucarest, je veux le dire : nous, Français, avons été les premiers à appeler l’attention de nos partenaires sur l’existence, au sein de l’Europe au sens large, de ce qu’il faut bien appeler un quart-monde de 11 millions de personnes, dont 9 millions sont pourtant des citoyens de l’Union européenne, qui vivent dans des conditions inacceptables et sont donc conduites à des migrations internes au sein de l’Union.

Cette situation est le produit direct d’un échec patent des politiques d’intégration des Roms dans leurs pays d’origine. Que constate t-on en effet ?

Premièrement, les fonds structurels dont sont bénéficiaires les nouveaux États membres, fonds qui existent bel et bien, ne sont pas affectés au bénéfice des populations roms et ne sont pas dépensés. Ainsi, sur les 20 milliards d’euros dont va, par exemple, bénéficier la Roumanie au titre de la période 2007-2013, à peine 85 millions d’euros sont supposés être destinés à la minorité rom de ce pays, qui compte pourtant près 2,5 millions de personnes : 85 millions d’euros sur sept ans, alors que ce pays touche, si j’ose dire, entre 3 et 4 milliards d’euros par an !

Deuxièmement, certains pays d’origine, loin d’assumer la moindre responsabilité vis-à-vis de leurs propres citoyens, préfèrent considérer cette question de l’intégration des Roms relèvent d’un problème unique, « paneuropéen » selon eux, celui de la libre circulation. Il reviendrait donc aux autres pays de financer et d’accueillir ces populations.

La polémique de cet été aura peut-être eu – je l’espère du moins – une vertu : elle aura démontré qu’il est temps de s’intéresser, comme la France le demande depuis des mois, aux vrais enjeux de l’intégration sociale des Roms dans les pays dont ils sont citoyens à part entière. Cette intégration est le seul moyen d’améliorer effectivement leurs conditions de vie. Il faut faire cesser les trafics d’êtres humains dont ces populations sont victimes. Il faut faire en sorte que l’intégration réussisse. Il faut donc que l’argent consacré à ces populations soit effectivement dépensé.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ne pas le faire reviendrait à faire payer deux fois la France : la première fois au titre des fonds structurels qui sont transférés vers l’Est de l’Europe et dont la contribution qui vous est présentée représente une part ; la deuxième fois au titre de l’argent que l’État, mais aussi nos collectivités locales, de droite comme de gauche, devraient verser pour mener le travail d’insertion, de scolarisation, d’éducation des Roms, que d’autres ne font pas par ailleurs.

C’est donc pour mettre les points sur les i et rappeler les États d’origine à leurs responsabilités premières que le Conseil de l’Europe a adopté à Strasbourg, mercredi dernier, à l’initiative de la France et du secrétaire général du Conseil, une déclaration qui insiste sur le principe de la responsabilité première des pays d’origine dans la gestion de ce dossier très difficile.

Enfin, nous devons, de façon très claire, faire passer nos axes de réflexion dans la négociation qui se prépare, celle des prochaines perspectives financières, pour le budget 2014-2020.

Les grandes manœuvres viennent, en effet, de commencer. La Commission a présenté, le 19 octobre, sa communication sur le réexamen du budget de l’Union. Ce document est la traduction de la clause de réexamen, inscrite dans les conclusions du Conseil européen de décembre 2005. Cet exercice, constamment repoussé, ne constitue cependant plus, à ce stade, qu’un examen à mi-parcours du cadre financier actuel.

Les autorités françaises examinent attentivement ce document, dont il ressort, en première approche, quelques grandes caractéristiques.

Premièrement, ce document est, comme nous l’attendions, relativement court et essentiellement qualitatif. Tout le volet chiffré est renvoyé à l’été prochain.

Deuxièmement, les formulations restent, pour l’essentiel, assez prudentes, notamment sur le volet dépenses. Il faut cependant prendre garde : derrière l’habileté de certaines formulations, on devine ou l’on perçoit que la politique agricole commune est la seule politique faisant l’objet d’une indication tendanciellement négative. Il faudra donc être particulièrement vigilant pour le maintien de la PAC.

Troisièmement, sur le volet ressources, la communication est très fournie et propose de nombreuses nouveautés, pour lesquelles nous devons prendre le temps de l’expertise : accroissement de la flexibilité au sein du budget, allongement de la durée de vie du cadre financier jusqu’à dix ans, recours accru à des instruments financiers novateurs, introduction de nouvelles ressources propres en remplacement de la ressource TVA et d’une partie de la ressource RNB.

Le débat sur le budget européen ne fait donc que commencer avec la publication de cette budget review. Est encore attendue la publication, le 10 novembre, du cinquième rapport sur la politique de cohésion. Est aussi très attendue, le 17 novembre, la communication sur l’avenir de la politique agricole commune

À ce stade, je crois qu’il faudra surtout, dans la négociation qui va s’ouvrir, garder un cap très ferme et rappeler, comme je l’ai fait devant le commissaire européen en charge du budget, M. Lewandowski, les principaux éléments définissant nos intérêts nationaux.

En premier lieu, le budget européen doit rester stable au cours des prochaines années. Compte tenu de la hausse sensible et régulière de notre contribution brute et de la dégradation parallèle de notre retour net, la France sera extrêmement vigilante sur ce point auquel souscrivent, je crois, l’ensemble des États membres.

En deuxième lieu, il sera indispensable de maintenir une politique agricole commune forte. Il n’est pas question d’accepter une évolution à la baisse du budget de la PAC, qui représente encore près des trois quarts des retours de la France au titre du budget européen. On peut donc encore adapter et améliorer la PAC – même si, comme vous le savez, elle fait partie des politiques européennes qui ont certainement été le plus réformées depuis leur création – mais il ne faut pas l’affaiblir, surtout au moment où la sécurité alimentaire et la sécurité sanitaire ainsi que les négociations avec les États-Unis et le Mercosur sont au cœur de l’actualité.

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. En troisième lieu, la stabilité du budget européen est parfaitement compatible avec une action européenne ambitieuse. La mise en œuvre des politiques communes obéit à des procédures parfois lourdes et inefficaces qui ne satisfont pas les publics visés. Il est impératif d’améliorer ces politiques et de les adapter à un monde en profonde transformation ; plutôt que de dépenser plus, il faut dépenser mieux. C’est particulièrement le cas dans le secteur de la recherche et de l’innovation. C’est également le cas de la politique de cohésion. Je vous renvoie sur ce point à l’excellent rapport de votre collègue Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes, qui a travaillé sur ce dossier en liaison avec une eurodéputée française, Sophie Auconie.

Enfin, s’agissant des ressources, nous devons regarder les choses en face. Le financement du budget européen est devenu illisible, inefficace et injuste, avec une prolifération de rabais, certains permanents, d’autres non : chèque britannique, rabais TVA, rabais sur le chèque britannique, rabais RNB... Savez-vous, mesdames et messieurs les députés, que la France est la première contributrice à la correction britannique, dont elle acquitte près de 25 % ? Cela représentait, en 2009, une dépense de 1,4 milliard d’euros sur un total de 5,6 milliards.

Cette situation n’est plus acceptable. Dans le prochain cadre financier, il faut naturellement se pencher sur le volet dépenses, mais personne ne comprendrait que l’on ne se penche pas aussi sur le volet ressources.

La France sera, dans ce cadre, naturellement disponible pour une réflexion d’ensemble sur le financement des dépenses de l’Union, comme le propose la Commission, dès lors que ce financement assure un partage équitable de la charge budgétaire.

Cependant, soyons clairs : cette réflexion sur les ressources ne doit conduire ni à une hausse des dépenses ni à la création d’un impôt européen, qui impliquerait de transférer à l’Union européenne une compétence propre sur la fixation de l’assiette et du taux d’une nouvelle ressource. Ce n’est le moment ni de créer un impôt nouveau, ni de changer de nature le système de financement de l’Europe. Aucun État membre, du reste, n’est prêt à l’accepter.

Tels sont, messieurs les présidents, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, les quelques éléments que je souhaitais porter à votre connaissance concernant les enjeux cruciaux du Conseil européen de cette semaine et le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour l’année 2011.

Sur cette base, le Gouvernement a l’honneur de demander à votre assemblée d’approuver l’article 46 du projet de loi de finances.

M. Jacques Myard. Ce sera sans moi !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention sur l’article budgétaire relatif au prélèvement européen par quelques considérations ayant trait à la crise financière.

Le premier semestre de l’année 2010 a marqué un véritable tournant, s’agissant notamment de la politique des pays de la zone euro. Dès le mois d’avril, nous avons voté ici même un collectif pour mettre en place un plan de soutien urgentissime à la Grèce, avec, pour la partie Union européenne, 80 milliards d’euros, dont la moitié a été consentie par la France et l’Allemagne. Le mois suivant, en mai, nous avons dû voter un nouveau collectif budgétaire, également en urgence, pour mettre en place le fonds de stabilisation de la zone euro, à hauteur de 750 milliards d’euros, y compris la participation du FMI.

Ce sont certes des sommes considérables, mais elles étaient nécessaires pour venir en aide aux pays les moins solides de la zone euro. Car un État, y compris dans la zone euro, peut faire faillite. Dès lors que la confiance n’est plus là, il faut…

M. Richard Mallié. Diminuer les dépenses !

M. Gilles Carrez, rapporteur général.…agir très rapidement et rétablir la confiance au bénéfice des créanciers.

Cela veut dire que, dans les prochaines années, la question du rétablissement des comptes sera essentielle. Nous ne pouvons plus supporter, y compris dans la zone euro, un tel endettement.

Je me félicite après vous, monsieur le secrétaire d’État, des travaux en cours dans le cadre du groupe Von Rompuy, lesquels vont déboucher sur une responsabilité accrue au niveau – ce point est très important – du Conseil, avant la Commission. Au-delà des considérations budgétaires, nous devons nous efforcer de faire évoluer les budgets européens et nationaux vers une meilleure coordination pour relever les défis que sont le rétablissement progressif de nos comptes et la suppression de nos déficits.

Pour ce qui est du renforcement du pacte de stabilité et de croissance, il faut souligner la procédure du semestre européen, en cours de définition. Nous avons eu, lundi dernier, un débat fort intéressant à propos de la loi de programmation pluriannuelle, qui nous a conduits à réfléchir à la manière dont nous pourrions mieux articuler le semestre européen avec nos procédures nationales.

En effet, pendant de trop nombreuses années, notre programme de stabilité et de croissance a été transmis à Bruxelles de façon quasi clandestine. Personne ne s’y intéressait et nous n’avons jamais eu l’occasion d’en discuter dans cet hémicycle. Dans le cadre du sommet européen, il conviendrait que le Parlement soit saisi, vers la mi-avril, d’un projet de programme de stabilité de notre pays, avant que celui-ci ne soit transmis à Bruxelles fin avril. Nous pourrions utiliser la même procédure que celle que nous avons employée en juin dernier pour le débat d’orientation budgétaire, avec une déclaration solennelle du Gouvernement suivie d’un vote, sur la base de l’article 50-1 de la Constitution.

Si une telle procédure est nécessaire, elle n’est pas pour autant suffisante. Il faudrait que le Parlement français intervienne à nouveau vers la fin du mois de juin, au moment où la Commission remet son rapport sur les différents programmes de stabilité qui lui ont été transmis et avant que le Conseil Écofin de juillet ne les entérine. Dans ce cas, nous pourrions imaginer que le Parlement émette, comme il le fait chaque année sur les perspectives financières pluriannuelles du budget européen à l’initiative de la commission des affaires européennes et de la commission des finances, un projet de résolution qui vienne en discussion dans l’hémicycle.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ainsi, le Parlement serait pleinement associé, et la parole, unanime, portée par la France à Écofin engagerait l’ensemble des pouvoirs publics.

Pierre Lequiller pensait également – peut-être l’évoquera-t-il dans son intervention – ajouter un contact entre les pays de la zone euro vers le mois de mai afin qu’au niveau des parlements, nous discutions ensemble des différents éléments figurant d’ores et déjà dans les programmes de stabilité venant d’être transmis. Face aux défis qui nous attendent, l’exécutif doit partager avec les parlements nationaux les différents choix de trajectoire et de retour à des finances publiques plus saines et plus équilibrées.

Il y a un contrôle plus strict sur les budgets nationaux. Mais le point le plus important, que M. le secrétaire d’État a évoqué dans son intervention, c’est que le Conseil gardera le pouvoir de décision. Certes, les sanctions pourront être automatiques, mais si le Conseil décide à la majorité qualifiée que ces sanctions, pour telle ou telle raison, ne doivent pas s’appliquer, c’est lui qui aura le dernier mot.

Cela étant, pour ma part, je suis très sensible aux positions allemandes.

M. Jacques Myard. À tort !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je pense que les Allemands nous montrent l’exemple de l’ardente obligation de rééquilibrer nos comptes publics.

Mais, monsieur Myard, je vais vous faire plaisir : le budget n’est pas tout, il y a également le problème des taux de change et des soldes des balances commerciales. Cette crise a été un révélateur car, sans que nous y prenions garde, certains pays de la zone euro ont vu leur balance commerciale se détériorer à grande vitesse et la compétitivité de leur économie s’amoindrir. Il faut être conscient que ce qui fait les excédents des uns au sein de la zone euro fait aussi les déficits des autres.

Si je prends l’exemple de notre pays, nous faisons deux tiers de notre commerce extérieur avec l’Union européenne et plus de la moitié avec les seuls pays de la zone euro. Nous avons donc besoin de poser ces questions à caractère macro-économique qui dépassent largement les simples questions budgétaires – je pense aux taux de change.

Monsieur le secrétaire d’État, où en sommes-nous pour ce qui est de la supervision macro-économique des États de la zone euro ? A-t-on défini un tableau de bord des différents agrégats à suivre dorénavant au-delà des simples questions budgétaires, et notamment les agrégats concernant les soldes commerciaux ?

J’en viens au budget proprement dit. Vous l’avez dit, le prélèvement européen, ce n’est pas rien : 17,9 milliards d’euros en 2010, 18,2 milliards en 2011. Nous avons examiné la loi de programmation des finances publiques la semaine dernière et nous savons que l’évolution pour les prochaines années sera d’environ 500 millions de plus. Comme vous l’avez rappelé, ce prélèvement est inclus dans la norme dite « zéro valeur », c’est-à-dire qu’il faut financer sur les autres budgets ces 500 millions de plus chaque année, dont les 300 millions pour l’année 2011.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela exige une grande rigueur de notre part, mais aussi de la part de la Commission de Bruxelles. Avoir des propositions d’augmentation des seules dépenses de fonctionnement à 11 % ou à 6 % en prenant l’ensemble des dépenses n’est ni raisonnable ni même possible. Nous devons travailler dans le sens d’une meilleure articulation entre le budget européen et les budgets nationaux. J’ai rencontré récemment Alain Lamassoure, qui insistait sur cet aspect, dans des domaines qui paraissent évidents, comme la défense, la recherche ou les grandes infrastructures, où nous avons à progresser.

Enfin, à observer l’évolution du budget européen au cours des trente dernières années, on constate que sa vulnérabilité vient de ce qu’il a de moins en moins de ressources propres. Il ne perçoit plus, ou presque plus, de droits de douane et il ne touche plus qu’une toute petite part de la TVA. Il est complètement exposé aux demandes des différents pays, parce qu’il est financé par dotations budgétaires. Cela aboutit à des crises comme celle liée au chèque britannique. A l’occasion de la réflexion sur les perspectives pluriannuelles 2014-2020, sans poser forcément la question – j’ose à peine en parler à cette tribune ! – de l’impôt européen,…

M. Jacques Myard. Hou !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je ne le fais pas, monsieur Myard !

…posons-nous plutôt la question de ressources autonomes, qui ne passent pas par les budgets nationaux parce que nous en voyons la limite.

Madame la présidente, ayant dépassé mon temps de parole, j’en appelle à votre mansuétude car je souhaite évoquer pour conclure la question des taux de change, qui est cruciale.

Depuis un an, l’euro est beaucoup trop fort mais, surtout, nous n’avons même pas l’avantage d’un cours à peu près stable ; entre décembre 2009 et juin 2010, il est passé de 1,50 dollar à 1,20, soit une baisse de 20 % en six mois, et depuis le mois de juin, nous sommes remontés à 1,40 dollar, soit une hausse de 15 %. Je me demande, monsieur le secrétaire d’État, s’il ne faudrait pas recourir à l’article 219 du traité, qui prévoit la possibilité pour le Conseil de formuler des orientations générales de politique de change.

M. Jacques Myard. Il serait temps ! M. Trichet est à la botte !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous ne pouvons pas subir de telles évolutions de taux de change qui nuisent à nos exportations. Comment le Canada ou la Suède, au début des années 90, confrontés à des crises financières paroxystiques, ont-ils rééquilibré leurs comptes ? Force est de constater qu’ils ont procédé à des dévaluations.

Avec l’euro, nous n’avons pas cette possibilité, mais je veux vous faire part, chers collègues, et en particulier à vous, monsieur Myard, d’une certitude : si nous n’avions pas eu l’euro,…

M. Jacques Myard. Nous aurions dévalué ! La belle affaire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général.…la crise que nous venons de vivre aurait été une véritable horreur ! D’abord, nombre de pays auraient fait faillite avec des conséquences gravissimes sur les systèmes bancaires. Ensuite, un cortège de dévaluations compétitives n’aurait fait qu’aggraver la crise.

Par conséquent, l’euro est une très bonne chose, car il nous protège. Mais nous avons impérativement besoin de règles. Ces règles communes doivent être confortées par un accord explicite des parlements, et respectées. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Moscovici, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, rapporteur de la commission des finances, pour les affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les présidents des commissions des affaires européennes, des affaires étrangères, des finances et des affaires sociales, messieurs les rapporteurs,…

M. Jacques Myard. Il y a du beau monde ! (Sourires.)

M. Pierre Moscovici, rapporteur de la commission des finances. Oui, ce sont là des gens de qualité.

…nous sommes réunis pour un double débat portant sur le prélèvement européen, d’une part, sur la préparation du Conseil européen des 28 et 29 octobre, d’autre part.

J’ai eu l’occasion, jadis, de présenter ce débat à votre place, monsieur le secrétaire d’État. Et selon moi, votre introduction était un peu restrictive.

Je reviendrai sur le niveau du prélèvement sur recettes dont nous débattons cet après-midi, en précisant qu’il dépend étroitement de l’avant-projet de budget communautaire pour 2011, que la commission des finances a examiné avant l’été, à la suite de la commission des affaires européennes. Conformément à l’avis que j’avais rendu en tant que rapporteur, la commission des finances avait adopté en juillet dernier la proposition de résolution formulée par notre collègue Marc Laffineur.

Ce budget communautaire est le premier qui soit adopté sous l’empire – ou l’emprise – du traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009. Le rôle du Parlement européen est désormais renforcé dans la procédure budgétaire, puisque c’est à lui que revient le dernier mot en cas de désaccord entre le Comité de conciliation et le Conseil. Mais le traité de Lisbonne – c’est ce qui justifie notre débat d’aujourd’hui – a également renforcé le rôle des parlements nationaux, qui interviennent sur la matière budgétaire européenne par deux fois au cours de l’année, notamment avec l’adoption d’une résolution sur l’avant-projet de budget avant l’été, au moment de l’élaboration communautaire.

Cependant, au niveau de la procédure, l’unanimité au Conseil des ministres est conservée pour les décisions touchant à la création d’une nouvelle ressource propre : autant dire l’extrême difficulté de l’adoption d’une telle décision.

Cela m’amène, monsieur le secrétaire d’État, – mais dans un état d’esprit tout différent de celui de Jacques Myard – à regretter que toutes ces innovations du traité de Lisbonne ne soient pas assorties, et je sais que telle n’est pas votre position, d’un véritable système diversifié de ressources propres, que les textes actuels permettent, mais qui reste malheureusement au point mort. Je me permets d’insister sur ce point, car l’Europe n’a toujours pas les moyens de sa politique, étant sans cesse confrontée, vous venez de le souligner, monsieur Carrez, à des problèmes du type du chèque britannique,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !

M. Pierre Moscovici, rapporteur de la commission des finances. …qui manifestent la prégnance des égoïsmes nationaux, alors que l’Union est menacée par une croissance molle, que les inégalités ne font qu’augmenter entre États membres dans une Europe élargie, et que nous ne sommes toujours pas à l’abri d’une rechute dans la récession. En l’absence de ressources propres, qui pourraient prendre la forme, comme l’a suggéré la Commission, d’une taxe sur les transactions financières, sur les émissions de C02, sur les transports aériens ou encore sur l’énergie, j’ai la conviction que la viabilité et le bon fonctionnement de l’Union européenne dépendent encore largement – et pour être franc, beaucoup trop largement - de la bonne volonté des États, qui est, reconnaissons-le, quand il s’agit de l’Europe, rarement totalement au rendez-vous.

Hélas, le prélèvement européen, tel que nous le présente le Gouvernement, ne va pas dans le sens d’une France suffisamment moteur d’une Europe ambitieuse, renforcée et solidaire. Le Gouvernement semble considérer notre contribution budgétaire comme une dépense quelconque et toisée qui devrait être soumise à sa morne rigueur, une dépense à rogner. En effet, je n’interprète pas autrement le plafonnement à 0,2 % de l’augmentation des crédits d’engagements quand la Commission européenne recommandait 0,8 %. C’est la traduction de débats que l’on connaît déjà entre la Commission et les grands États contributeurs nets qui sont, me semble-t-il, dans une logique extraordinairement restrictive, ce qui revient, au final, à tarir la puissance d’engagement du budget européen. Compte tenu de l’inflation, autant dire que vous diminuez la contribution de la France au budget communautaire, mettant à mal le principe de solidarité et contraignant Bruxelles à mener des projets sans financement suffisant.

Tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous avez tendu la main à M. Myard et avez accepté du bout des lèvres, m’a-t-il semblé, une solidarité, et c’est pourquoi j’ai parlé de tonalité restrictive. Je pense pour ma part que vous avez tort. Je suis en effet convaincu que la solidarité européenne est aujourd’hui l’intérêt commun. Pourquoi aller dans le sens d’un nouvel affaiblissement de l’Union, quand vous pourriez investir davantage dans de grands secteurs d’avenir au niveau européen tout autant, voire plutôt qu’au niveau national ? Cela permettrait, j’en suis certain, de considérables économies d’échelle pour la France et chacun des États membres, tout en soutenant la croissance ; je pense notamment au secteur de la recherche et du développement.

En effet, et je suis persuadé que vous en êtes également convaincu, l’Union européenne n’est pas une charge, elle n’est pas un poids, elle apporte tellement aux États membres…

M. Jacques Myard. C’est un boulet !

M. Pierre Moscovici, rapporteur de la commission des finances. de la Heureusement que vous êtes là, monsieur Myard ! Nous vous aimons beaucoup. Sautez, sautez sur votre chaise !

M. Jacques Myard. Je ne suis pas un cabri !

M. Pierre Moscovici, rapporteur de la commission des finances. Le prélèvement sur recettes n’a rien d’une perte sèche pour la France. Il permet au contraire de financer des politiques européennes dont les effets se font pleinement sentir sur nos territoires. Tous les élus le savent. Je ne partage pas la vision thatchérienne de l’Europe, où la nécessaire solidarité entre les États membres s’efface devant les calculs d’apothicaire de contributeurs nets, de premiers bénéficiaires, de retour par habitant : « I want my money back ! » Ce serait nier l’esprit même des institutions européennes.

Car nous devons être conscients qu’en payant son écot au budget communautaire, la France est aussi un puissant bénéficiaire des fonds européens. Pour 2011, le budget français devrait alimenter le budget européen à hauteur de 18,2 milliards d’euros. En contrepartie, selon les derniers chiffres disponibles, la France, qui demeure contributeur net – vous l’avez souligné avec force, monsieur le secrétaire d’État – se situe toujours au premier rang des bénéficiaires des dépenses de l’Union européenne, dont elle a reçu, en 2008, 13,7 milliards d’euros. En 2011, de nouveau, la politique agricole commune devrait permettre de transférer aux exploitants français plus de 10 milliards d’euros. Nous avons, par conséquent, un intérêt puissant à la construction européenne.

Je dirai quelques mots, pour conclure, du Conseil européen consacré à la gouvernance économique, dont nous sommes également amenés à débattre, et qui se déroulera les 28 et 29 octobre. Cette gouvernance n’est pas satisfaisante. L’Europe a été très divisée et, à mon sens, trop peu active face à la crise économique et financière. En mars 2010, un sauvetage a été imposé, fondé sur la solidarité non seulement tardive, mais hésitante et parfois réticente, des États membres. Vous avez, les uns et les autres, beaucoup parlé de l’Allemagne. Les difficultés financières de la Grèce ont révélé la nécessité d’une coordination accrue des politiques budgétaires nationales pour la sauvegarde de la monnaie unique et, au-delà, pour le soutien de la croissance et de l’emploi.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai écouté attentivement présenter les conclusions du rapport Van Rompuy, celles de l’entente franco-allemande et la façon dont vous abordez le Conseil européen. Je ne voudrais pas que ce Conseil accentue ce que je considère comme une certaine dérive intergouvernementale des institutions européennes, que je n’ai cessé de dénoncer !

Sanctionner – vous l’avez évoqué dans le détail – peut être nécessaire. Je ne le conteste pas, mais cela ne suffit pas. Et j’ai noté avec beaucoup d’intérêt la proposition de notre rapporteur général qui a évoqué la possibilité pour le Conseil européen de proposer des orientations en matière de changes. Il ne suffit pas de sanctionner. Il faut aussi agir et être en mesure de relancer et de promouvoir. Nous avons besoin d’une intégration politique, économique et financière toujours plus poussée et toujours plus harmonieuse, à la hauteur des obstacles qui se dressent encore devant nous. Elle passe, selon moi, par des ressources propres. Je constate que ce n’est hélas pas la tendance de ces dernières années. Ce n’est pas tout à fait ou pas suffisamment l’option que porte actuellement la France. Il n’est pas trop tard pour avancer dans cette direction, je dirai même qu’il est grand temps ! J’espère que le prochain Conseil européen saura répondre à cette exigence : nous ne devons pas seulement savoir surveiller et punir, mais aussi relancer et promouvoir !

M. Christophe Caresche. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la fin de cette semaine, les chefs d’État et de gouvernement réunis à Bruxelles débattront des quatre principaux thèmes retenus : la politique économique, avec les résultats du groupe de travail présidé par Herman van Rompuy ; la préparation du prochain G20 ; le changement climatique, avec un point sur les travaux préparatoires à la conférence de Cancun à laquelle assistera une représentation parlementaire ; enfin, les relations entre l’Union européenne et les États-Unis, avec la définition des principaux messages politiques de l’Union en vue du sommet du 20 novembre prochain.

Je reviens des Etats-Unis, où j’ai pu me rendre compte, plus que jamais, de la nécessité de rehausser le dialogue transatlantique et je me réjouis, à ce titre, du rapprochement des vues franco-américaines dans le domaine de la gestion des surplus commerciaux. Nous avons, à l’évidence, un intérêt commun à encourager la consommation intérieure des pays à gros surplus.

Mon propos de cet après-midi sera plutôt consacré à l’autre thème de notre débat : je veux parler du prélèvement européen et, plus largement, du budget de l’Union européenne, dont chacun sait que c’est aujourd’hui un système à bout de souffle. Monsieur le secrétaire d’État, il faut remettre à plat le budget de l’Union. La France a plus que bien d’autres États membres des raisons de le réclamer.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Pourquoi plus que d’autres ? Tout simplement parce que notre pays a vu, en l’espace de quelques années seulement, sa position relative se dégrader continûment par rapport à celle de ses partenaires. Les documents permettant de suivre au fil des ans la contribution française au budget européen sont éclatants : depuis le début des années 2000, la hiérarchie des efforts de chaque État s’est modifiée au détriment de notre pays et des contribuables français, et cela sur fond de complexité croissante du cadre financier communautaire.

Faut-il être bien peu européen pour tenir un tel raisonnement ? Je répondrai qu’au contraire, c’est en refusant de voir la réalité des chiffres que l’on fait du tort à l’unité européenne car, un beau jour, on s’apercevra que le système a lentement dérivé et qu’il est devenu intenable financièrement et injustifiable politiquement. Et ce jour-là, il ne faudra plus donner très cher de l’attachement de nos concitoyens à l’Europe. Alors, pour que ce jour n’advienne pas, c’est dès maintenant, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’il faut commencer à faire lucidement les comptes et à repenser complètement le budget communautaire.

Penchons-nous de plus près sur cette question, afin d’apprécier la signification précise des quelque 18,2 milliards d’euros de prélèvement sur les recettes de l’État. À dire vrai, c’est à 1984 et au fameux sommet de Fontainebleau qu’il faut remonter pour comprendre le poids relatif de chaque État membre dans le financement de l’Union. Il y a alors eu accord entre Margaret Thatcher et François Mitterrand, puis au sein de l’ensemble des dix États membres de l’époque, pour accepter un rabais sur la contribution britannique. Aujourd’hui, l’observation du solde net d’un État est devenue chose courante, même si ce concept est à manier avec prudence, l’appartenance à l’Union européenne n’étant pas uniquement une question comptable. Mais, tout de même, depuis le sommet de Fontainebleau, toutes les variables ont changé :

Premièrement, la politique agricole commune, qui représentait 65 % des dépenses communautaires à l’époque de la négociation du chèque britannique, ne représente plus aujourd’hui que 40 % des dépenses de l’Union ;

Deuxièmement, le solde net du Royaume-Uni avait été arrêté en rapport avec son niveau de prospérité, alors que, désormais, dans l’Union à 27, très nombreux sont les États membres nettement moins prospères que la Grande-Bretagne ;

Troisièmement, les contributions budgétaires versées par les États membres, qui ne pesaient, comme l’a rappelé notre rapporteur général, que 10 % des recettes communautaires en 1988, en représentent aujourd’hui près de 75 % ! Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’attention portée aux soldes nets soit à ce point exacerbée ; la France serait bien imprudente si elle ne s’y intéressait pas de plus près.

La situation relative de notre pays, je l’ai dit, s’est en effet dégradée. Première bénéficiaire des fonds européens du fait de la PAC, la France est désormais structurellement le premier contributeur, en valeur absolue comme en valeur relative, à égalité avec l’Allemagne – 20 milliards pour chaque pays – alors que le Royaume-Uni, une fois déduit son rabais de 6 milliards d’euros, ne contribue qu’à hauteur de 12,5 milliards. Pour plus de clarté et en raisonnant sur les seules ressources prélevées sur les recettes fiscales des États, on se rend compte qu’en 2009, la France a contribué à hauteur de 284 euros par habitant, contre 200 euros pour l’Allemagne et 152 euros pour le Royaume-Uni.

M. Jacques Myard. C’est scandaleux !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. La situation ne cesse de se dégrader, pour la France, tout au long des perspectives financières actuelles, c’est-à-dire jusqu’à la fin de 2013, sous l’effet conjugué des dépenses liées à l’élargissement et de la diminution des retours agricoles. De sorte que le solde net négatif de notre pays envers l’Union, qui s’établit à environ 5 milliards d’euros aujourd’hui, tomberait à 7,3 milliards dans trois ans.

À ces éléments, je veux ajouter un argument technique important, qui contribue à la dégradation de la position française en même temps qu’il contribue à accroître encore la complexité et l’opacité des ressources du budget de l’Union. Il s’agit des rabais sur les contributions nationales, des rabais autres que le rabais britannique. Il existe en effet pas moins de deux autres rabais distincts sur les contributions des États membres.

En premier lieu, quatre États membres bénéficient d’une réduction du taux d’appel de la TVA, en principe fixé à 0,3 % pour la période 2007-2013. L’Allemagne bénéficie d’un taux réduit de 0,15 %, ce qui représente un gain net sur la période estimé à 7,4 milliards d’euros ; l’Autriche de 0,22 %, à savoir un gain de 2,7 milliards d’euros ; enfin, les Pays-Bas et la Suède de 0,1 %, soit un gain de 200 millions d’euros.

Ensuite, deux nouveaux rabais, calculés sur une base forfaitaire et annuelle, ont été instaurés au profit des Pays-Bas, à hauteur de 605 millions d’euros, et de la Suède, à hauteur de 150 millions d’euros pour la période 2007-2013. Il s’agissait, en l’espèce, de corriger les soldes nets trop défavorables de ces deux États membres.

M. Jacques Myard. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Or la France, elle, ne bénéficie d’aucun rabais et contribue à elle seule à financer plus du quart du rabais britannique !

Qui peut croire que cette situation peut perdurer sans dommage pour l’idée européenne en France ? Le Premier ministre, François Fillon, a eu raison de déclarer à la Conférence des ambassadeurs de l’an dernier : « La France contribue chaque année pour 19 milliards d’euros au budget européen. Elle reçoit chaque année 14 milliards, PAC comprise. Cette vision comptable de l’Europe n’est qu’un aspect parcellaire du "bilan européen" pour la France, mais nos partenaires devront comprendre que cette position de premier contributeur net, avec l’Allemagne, ne pourra pas résister aux tensions actuelles des finances publiques. »

Mes chers collègues, permettez-moi de compléter mon propos par une réflexion sur la contribution respective des États européens à la défense européenne. Cette réflexion me paraît à la fois d’actualité et tout à fait adaptée à notre sujet car, un an après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a transformé l’ancienne politique européenne de sécurité et de défense en politique de sécurité et de défense commune, et à l’heure où les membres de l’OTAN négocient un nouveau concept stratégique, la priorité est aux économies budgétaires qui obèrent les dépenses que l’Europe consacre à sa défense.

Dans ce contexte, l’effort de défense consenti par la France semble bien, une fois de plus, faire du contribuable français un généreux donateur pour la cause européenne.

Comme le détaille une note récente de l’Institut Thomas More, les dépenses militaires des États membres sont mal réparties : la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne en représentent à eux seuls près de 60 %. En ce qui concerne les dépenses d’investissement militaires, la part des trois plus grands contributeurs grimpe même à près de 65 % ; pour la recherche et développement, enfin, la France et la Grande-Bretagne financent à elles deux plus de 84 % de l’effort européen global. À l’évidence, tous les États membres sont loin de participer de manière comparable à la sécurité du continent européen.

Face à cette réalité et, encore une fois, compte tenu de l’état de nos finances publiques, je crois de notre devoir, monsieur le secrétaire d’État, d’appeler à une réelle prise de conscience et à une refondation du budget européen. Il y va, je le répète, de l’avenir de l’idée européenne en France car nos concitoyens ne pourront pas accepter de consentir les efforts qui leur sont demandés pour financer la solidarité et la sécurité européennes s’ils ont le sentiment de subir ce que j’appellerai une « double peine » : payer plus que les autres pour le budget de l’Union et, de surcroît, payer une part non partagée pour l’effort de défense qui profite à tous.

Alors, monsieur le secrétaire d’État, je vous le demande solennellement : mettons tout en œuvre pour aborder la prochaine négociation du cadre financier pluriannuel de l’Union, à partir du printemps 2011, avec une extrême détermination. L’exercice est, je le sais, difficile, mais il est tout simplement vital, à la fois compte tenu de l’état de nos finances publiques et pour la poursuite de l’adhésion des Français à l’idéal européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Blum, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Roland Blum, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères a émis, le 13 octobre dernier, un avis favorable à l’adoption de l’article 46 du projet de loi de finances pour 2011, support du prélèvement sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne. Disant cela, j’ai rempli mon office de rapporteur, mais je ne vous ai pas rendu compte de la tonalité de nos échanges.

À titre personnel, j’aimerais que ce rendez-vous annuel, qui est l’occasion de parler d’Europe, se caractérise par un peu plus d’enthousiasme et un peu moins de scepticisme. Je dois à la vérité de souligner que tel n’a pas été le cas cette année encore. Nos échanges en commission ont davantage porté sur les critiques à adresser au budget communautaire que sur le projet européen et son avenir.

Certes, le climat budgétaire n’incite pas à l’euphorie, et pourtant il y a cette année des raisons nouvelles de s’intéresser de plus près à la procédure budgétaire à l’échelle communautaire. Pour la première fois s’applique la procédure budgétaire annuelle prévue par le traité de Lisbonne. J’en retiens en particulier un renforcement des pouvoirs du Parlement européen dans cette discussion, qui acquiert certaines prérogatives supérieures à celles du Conseil. Par exemple, à l’issue de la procédure de conciliation qui va s’engager dans les prochains jours entre ces deux institutions, si le Conseil rejette finalement le projet et que le Parlement, au contraire, l’approuve, alors le Parlement est en mesure de statuer définitivement avec une majorité renforcée. En revanche, si le Parlement rejette le projet de compromis bien que le Conseil l’ait approuvé, tout est à refaire et la Commission doit présenter un nouveau projet de budget.

Nos collègues députés européens n’ont pas tardé à faire valoir ces droits nouveaux. En votant leur version du projet de budget, mercredi dernier, ils ont clairement fait savoir au Conseil que toute modération excessive des dépenses communautaires pour 2011 n’était pas acceptable. Concrètement, le Parlement a voté un budget s’établissant à 143 milliards d’euros en crédits d’engagement et à un peu plus de 130 milliards d’euros en crédits de paiement. C’est proche de ce qu’avait proposé la Commission et c’est sensiblement plus important que ce que souhaite le Conseil.

Incidemment, et pour illustrer la tension qui règne actuellement autour de ces sujets budgétaires, je note que le Conseil lui-même a peiné à établir sa position dans le courant de l’été : sept États membres ont voté contre la proposition de la présidence, estimant qu’elle n’allait pas assez loin dans la modération budgétaire. La suite de la procédure, jusqu’à la deuxième quinzaine de novembre, promet donc quelques débats.

Le relatif manque d’enthousiasme que je relevais au début de mon propos ne doit pas rester un sujet de déploration stérile. Se montrer critique à propos de la contribution française au budget européen et à propos du budget européen en général est même, me semble-t-il, un réflexe sain.

M. Richard Mallié. Très juste !

M. Roland Blum, rapporteur de la commission des affaires étrangères. C’est un symptôme dû au fait que, comme le disait à l’instant le président de la commission des affaires étrangères, le système de financement de l’Union européenne est arrivé en bout de course. J’en parle d’autant plus librement que je suis l’auteur d’un rapport sur la réforme du budget communautaire qui, il y a déjà deux ans, contenait des propositions pour une réforme urgente. Le sujet paraît mûr désormais, et je m’en réjouis tant l’exercice de remise à plat du budget était devenu indispensable.

Quoi qu’il en soit, sur ce sujet comme sur tous ceux qui engagent l’avenir de l’Europe, les auditions auxquelles j’ai procédé ont renforcé ma conviction quant au caractère indispensable du moteur franco-allemand de l’Union. C’est d’ailleurs à ce thème que j’avais choisi de consacrer, cette année, le volet thématique de mon rapport.

Avant le début de mes travaux, je me demandais, en observateur curieux et déjà assez lié avec certains parlementaires allemands, si la célébration de la relation franco-allemande n’était pas, au fond, une survivance du XXe siècle. J’étais assez sensible également aux échos, de plus en plus sonores et concordants, d’une forme de désengagement de l’Allemagne à l’égard de l’intégration communautaire. J’avais été frappé, en particulier, par l’analyse de ce correspondant d’un journal du soir qui, à l’été 2009, écrivait que « l’Allemagne apaisée [avait décidé d’] enterrer le rêve européen ». En d’autres termes, l’Allemagne aurait calmement choisi de tourner le dos à l’idéal des pères fondateurs de l’Europe, celui d’une union sans cesse plus étroite, pour suivre une voie plus égoïste, plus autonome, plus décomplexée, moins européenne en somme.

J’ai donc souhaité en avoir le cœur net et, au cours de mes nombreuses et fructueuses consultations auprès d’élus, de diplomates, de chercheurs, de journalistes, j’ai retenu quelques leçons.

Une leçon d’histoire, tout d’abord : j’ai découvert qu’en dépit d’une légende tenace, il n’y a jamais eu d’âge d’or de la relation franco-allemande. Sans doute une connivence particulière a-t-elle assez tôt lié le Président Valéry Giscard d’Estaing et le Chancelier Helmut Schmidt, car ils s’étaient connus tous les deux avant d’accéder à ces hautes fonctions, en tant que ministres des finances de leurs pays respectifs. Mais pour le reste, l’histoire des relations personnelles entre présidents et chanceliers a toujours été celle d’une forme d’apprivoisement mutuel.

Les faits sont là : d’entente spontanée, immédiate et systématique sur tous les sujets importants, il n’y en a tout simplement jamais eu. Cela vaut également pour le « couple » que forment actuellement le Président Sarkozy et la Chancelière Mme Merkel. Deux personnalités, deux tempéraments : c’est l’illustration-type du tandem franco-allemand, toujours divers et toujours complémentaire.

D’où vient, dès lors, cette impression de faiblesse du moteur franco-allemand, ce manque d’effet d’entraînement qui se fait ressentir au sein de l’Union ? J’ai cité tout à l’heure un journaliste. Je pourrais citer également maints observateurs avertis de la chose européenne. Ainsi, Jacques Delors, s’exprimant le 7 octobre dernier devant le Parlement européen célébrant les vingt ans de la réunification allemande, déclarait :

« Vingt ans [après la réunification], alors qu’au-delà de la crise financière, l’aventure européenne suscite bien des interrogations, les vingt-sept pays sont devant une responsabilité historique : approfondir l’intégration européenne, ou bien vivre au jour le jour, grâce à des compromis certes nécessaires, mais non porteurs d’avenir.

« En ce jour où nous célébrons avec joie la réunification allemande, comment ne pas questionner ce pays sur sa vision de l’avenir européen ? »

Un autre élément va dans le même sens, que l’on a peu perçu en France mais qui, en Allemagne, où l’on vénère la notion d’État de droit, a fait l’effet d’un coup de tonnerre : il s’agit de l’arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe sur la compatibilité du traité de Lisbonne avec la Loi fondamentale allemande.

M. Jacques Myard. Excellent arrêt !

M. Roland Blum, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Rendu le 30 juin 2009, cet arrêt ambigu a certes affirmé la compatibilité entre traité et Constitution mais il a prescrit l’adoption de lois d’accompagnement renforçant le contrôle du Parlement allemand sur les actes de l’Union, au motif que le contrôle parlementaire exercé à l’échelle européenne ne pouvait pas être revêtu de la même légitimité démocratique.

Certes, depuis lors, la même Cour a, cet été, rendu un arrêt Mangold qui réaffirme la prééminence de l’ordre juridique communautaire, mais l’arrêt de 2009 a laissé des traces.

J’ajoute – vous le savez pour l’avoir souvent entendu dans cette discussion budgétaire – que la résilience de l’économie allemande, en ces temps de sortie de crise, force l’admiration en même temps qu’elle fait planer sur la France le spectre du décrochage économique. Dans la relation d’émulation, voire de franche concurrence, qui prévaut entre les entreprises de nos deux pays, c’est là évidemment un élément de déséquilibre qui fait douter de la parfaite entente politique entre nous.

Enfin, comment ne pas évoquer les profondes différences historiques, les différences culturelles, les différences d’organisation territoriale, administrative et politique qui marquent la frontière entre la France et l’Allemagne ?

Pourtant, je l’ai vérifié, la relation nouée au fil des années et retissée chaque jour entre nos deux pays est inégalée, et pour longtemps encore. L’imbrication de nos liens institutionnels est proprement impressionnante.

Dès lors, pourquoi cette impression d’un moteur essoufflé ? Eh bien, tout est dans l’impression. Ce n’est pas tant le moteur qui est essoufflé que la pente à gravir qui est rude !

Si l’on scrute à ce point, aujourd’hui, l’état de la relation franco-allemande, c’est parce que l’on a, comme rarement auparavant, besoin d’elle pour relancer le projet européen.

Voyez quel soulagement fut celui de nos partenaires lorsque, au terme d’un conclave qui a permis de sauver la monnaie unique, au début du mois de mai dernier, France et Allemagne sont parvenues à forger un compromis autour d’un plan de stabilisation financière.

Voyez comment, sur le même sujet, on commente ces jours-ci les discussions franco-allemandes pour pérenniser ce mécanisme de stabilisation, sans jamais toutefois qu’aucun leader de substitution n’émerge pour bâtir l’indispensable compromis.

Alors oui, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout est dans le degré d’ambition de ce compromis : étroit et précaire, il décevra ; ambitieux, il effraiera ou il galvanisera. Mais de moteur de substitution pour l’Europe, voire de véhicule sans moteur, il n’y en a pas.

Je vous remercie de votre attention et vous invite, en renouvelant l’appel de la commission des affaires étrangères à une réflexion ambitieuse sur le budget communautaire, à approuver le prélèvement européen pour 2011. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui non seulement du traditionnel prélèvement destiné au budget européen mais aussi du prochain Conseil européen. Ce hasard du calendrier constitue une heureuse circonstance. Comment, en effet, discuter des finances communes sans aborder les grandes priorités de l’Union, sans définir les moyens par rapport aux ambitions ?

Or le prochain Conseil européen – vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État – est précisément tourné vers l’avenir. L’avenir, c’est d’abord le « gouvernement économique européen ». À cet égard, les progrès récents sont sensibles, à travers les propositions du groupe Van Rompuy, l’accord intervenu entre le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel à Deauville, qui a de nouveau marqué la force du couple franco-allemand, et les décisions déjà prises par les ministres des finances dans la perspective du Conseil européen.

Le « semestre européen », la nouvelle crédibilité du suivi et des sanctions des trajectoires budgétaires dangereuses, la pérennisation du Fonds de solidarité : je trouve heureux qu’après avoir, sous l’impulsion du Président de la République et de la Chancelière Angela Merkel, fait face rapidement et efficacement aux crises successives, l’Union européenne mette en place des politiques à plus long terme pour les prévenir, pour s’en prémunir.

Il n’est désormais plus possible de débattre de nos choix budgétaires nationaux en ignorant l’édifice européen d’ensemble, et je me réjouis que notre assemblée se saisisse de cette nouvelle donne. Car elle doit se faire entendre à Bruxelles lorsque les trajectoires budgétaires sont dessinées et évaluées, à travers, comme l’a très bien indiqué le rapporteur général du budget, une résolution sur les orientations stratégiques adoptées par le Conseil européen en mars.

Elle doit aussi débattre en avril du programme de stabilité transmis par la France aux institutions européennes. M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ont d’ores et déjà proposé ce débat, et je me réjouis que, lors de la discussion, jeudi dernier, sur la loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement se soit clairement engagé devant notre assemblée à l’organiser chaque année à la mi-avril.

Pour nourrir la cohérence des démarches nationales dans un contexte européen, je propose par ailleurs de convoquer, tous les printemps, probablement en mai, une conférence budgétaire européenne rassemblant des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen, à l’intérieur de la zone euro d’abord, pour débattre des grandes orientations financières de l’Europe et des États membres. Nous en parlions aujourd’hui même avec M. le rapporteur général avant l’ouverture de ce débat.

Dans le même esprit, nous devons aussi, me semble-t-il, mieux parler d’Europe dans le temps même de l’action, lorsque nous examinons la loi de finances, et réformer en conséquence la discussion du prélèvement européen. Cette discussion souffre d’une excessive technicité et n’est guère, convenons-en, un temps fort de notre examen budgétaire. Je sais, monsieur le rapporteur général, que vous le regrettez.

Le montant de notre contribution au budget européen, que nous approuvons, ne varie pas beaucoup d’une année à l’autre – il sera d’environ 18 % du total en 2011, soit 18,235 milliards d’euros – et est largement prédéterminé par le cadre pluriannuel. Ne pourrait-on pas enrichir son examen en débattant non seulement des priorités du budget de l’Union, mais plus généralement de la manière dont la loi de finances respecte et concrétise nos engagements européens, d’un rapide aperçu des choix opérés par nos partenaires et, surtout, d’un examen rigoureux de la cohérence des efforts consentis par les budgets nationaux, notre budget national et le budget européen, au service des objectifs communs ?

Les temps des agendas cloisonnés et indifférents, à Bruxelles et à Paris, sont révolus. La nouvelle stratégie « Europe 2020 » repose essentiellement sur la mobilisation des budgets nationaux au service d’objectifs communs, recentrés et clairement évalués. C’est à cette condition seulement qu’elle peut connaître un plus grand succès que la défunte stratégie de Lisbonne.

Il existe en effet – vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État – d’immenses gisements d’économies d’échelle, que permettrait une réelle coordination des efforts nationaux, dans la recherche, dans l’armement, comme en matière de politique industrielle.

Ce décloisonnement, cette attention prioritaire aux objectifs, quels que soient les instruments, est aussi la plus sûre voie pour sortir enfin des sempiternels débats sur la taille du budget européen et son financement, car il serait incompréhensible que, pendant que les États réduisent leurs dépenses, on augmente le budget européen.

Du côté des dépenses, ce nouvel état d’esprit exige que l’on remette les choses à l’endroit. Quels objectifs peuvent être mieux poursuivis au niveau européen ? Comment s’assurer qu’ils soient efficacement relayés dans chaque État membre ? Quelles sont les valeurs ajoutées que nous voulons créer en commun ?

Cette ambition de clarification s’étend bien, de l’autre côté, aux recettes. Sortons des débats pollués et vains, des « justes retours », des « rabais », des « rabais sur le rabais ». Il est temps de donner à l’Europe une ressource claire, une ressource stable, une ressource propre. Votre commission des affaires européennes s’est dès à présent pleinement saisie de cet enjeu. Nos collègues Marc Laffineur et Michel Delebarre ont été nommés rapporteurs, au nom de la commission des affaires européennes, sur la refonte du budget européen, et seront à même de nous proposer à ce sujet une approche réaliste et efficace.

Là encore, la clef du succès réside dans notre capacité à décloisonner les débats européens et nationaux. L’actualité nous fournit mille exemples de l’inanité des concurrences étriquées entre États, qui nous affaiblissent et nous dispersent face à la seule compétition qui vaille désormais, celle qui nous oppose aux géants de demain. Si nous ne sommes pas capables de mettre nos moyens en commun, nous risquons fort de voir notre destin nous échapper, face à la Chine, à l’Inde, au Brésil, aux puissances montantes.

Ici se joue d’ailleurs le second grand chantier du prochain Conseil européen : l’adoption d’une position commune au G20.

Grâce au Président de la République, l’Europe s’apprête à mettre tout en haut de l’agenda mondial les enjeux décisifs du nouvel ordre monétaire, de la représentativité des organisations internationales, de la sécurisation des matières premières. Et ce G20 sera bien sûr l’occasion de faire valoir les avancées réglementaires européennes en matière de supervision financière.

Sur toutes ces questions, la crédibilité de l’Europe, et avec elle la perspective même d’avancer, reposent sur notre capacité, non seulement à parler d’une seule voix, mais à agir tous dans la même direction.

La coordination budgétaire, que nous testons chaque fois que nous votons ici un budget, est la première aune à laquelle apprécier notre aptitude à penser à vingt-sept. Je suis heureux de constater que la France, dans l’esprit de responsabilité qui inspire son budget 2011, met aujourd’hui toute sa force au service de cette ambition.

Pendant des années, l’Europe a réfléchi à ses institutions ; aujourd’hui, le problème institutionnel est derrière nous. La véritable question est celle de la volonté politique de travailler ensemble, de construire des politiques communes pour pouvoir rivaliser avec les puissances montantes. L’Europe est la seule solution pour réussir dans ce monde nouveau. La commission apportera bien entendu son approbation aux propositions qui nous sont présentées aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Porte-parole des groupes

Mme la présidente. Nous allons à présent entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une semaine après que le Parlement européen a pour la première fois examiné un projet de budget communautaire sous l’empire des dispositions du traité de Lisbonne, et à la veille d’un Conseil européen sans doute historique pour l’avenir de la zone euro, le débat que nous avons traditionnellement dans cet hémicycle, au cours de l’examen du projet de loi de finances, sur la participation de la France au budget de l’Union européenne, prend cette année une double dimension. Il s’agit, dans un premier temps, d’évoquer les voies et moyens par lesquels les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-sept entendent tirer les leçons des secousses qui ont ébranlé ces derniers mois la zone euro, mais également de débattre de cet avenir au-delà de la crise que le projet de budget de l’Union européenne ambitionne de dessiner, suivant en cela les lignes directrices de la nouvelle stratégie « Europe 2020 », adoptée en réponse à la faillite de la stratégie de Lisbonne.

À ce titre, j’aimerais en premier lieu formuler un regret, celui de voir que, contrairement à la tradition qui s’était pourtant établie depuis plusieurs années, notre assemblée ne tient pas ce débat en lieu et place d’une séance de questions d’actualité mais un lundi après-midi, lors d’une séance qui demeure, reconnaissons-le, monsieur le secrétaire d’État, bien plus confidentielle. Je pense que l’Europe mérite un débat beaucoup plus large au sein de notre assemblée.

Ne nous y trompons pas, les sujets qu’il nous revient aujourd’hui d’évoquer sont bien d’une réelle et rare intensité. En effet, et pour nous en tenir aux seuls mots du Président en exercice du Conseil européen, M. Van Rompuy, les mesures qu’il s’agira, lors du prochain Conseil européen, de prendre en direction d’un renforcement de la gouvernance économique de l’Union constituent sans doute à ce jour la plus grande réforme jamais proposée dans ce domaine depuis l’introduction de la monnaie unique.

Chacun le sait ici, l’arrêt cardiaque de la finance internationale qui a failli, voici à peine deux ans, emporter l’ensemble de nos circuits économiques, a en réalité inoculé au monde un virus qui n’a eu de cesse de muter. D’abord strictement confinée aux sphères financière puis bancaire, la crise a fait irruption dans l’économie réelle et s’est traduite par les destructions d’emplois et la récession dont nous sortons à peine.

Au cours de cette période, l’Europe, et plus précisément la zone euro, a joué son rôle en nous mettant à l’abri des tornades spéculatives qui n’auraient pas manqué de dévaster le marché des changes, permettant ainsi aux États de prendre de manière concertée les mesures de relance et de soutien à l’économie réelle qui s’imposaient, au prix cependant d’un déficit public accru.

Pour autant, la crise a, au printemps dernier, une nouvelle fois changé de visage avec le tournant si tragiquement spectaculaire qu’ont constitué la crise grecque puis la perspective de sa contagion à l’ensemble de la zone euro. Crise économique et sociale, la crise devenait alors également une crise, plus structurelle encore, des dettes souveraines, faisant désormais peser la menace sur les États eux-mêmes.

Encore une fois, l’Europe a su, malgré les atermoiements que chacun garde en mémoire, répondre aux assauts que subissait alors la zone euro et sauver, par étapes, la monnaie unique. La solidarité européenne l’a ainsi emporté et un plan de sauvetage spécifique de 110 milliards d’euros, financé à hauteur de 80 milliards par l’Union européenne, a été élaboré en direction de la Grèce, avant que ne se mette en place à l’échelle communautaire la réponse intermédiaire que constitue le mécanisme de stabilisation financière.

Au-delà, cependant, des réponses d’urgence et de la stricte logique du sauvetage, il importait de tirer tous les enseignements de cette séquence pour sortir durablement d’une situation qui demeure aujourd’hui encore trop fragile.

Aussi, si la France, accompagnée par la plupart de ses partenaires, a entrepris l’effort sans précédent de redressement de ses finances publiques dont il est question dans ce projet de loi de finances, le Conseil européen a pour sa part mandaté son président pour animer un groupe de travail chargé de formuler les propositions à même de stabiliser définitivement la zone euro et, avec elle, l’ensemble de l’économie européenne.

Avec ses conclusions finales, rendues publiques voici à peine quelques jours, et avec les termes de l’accord franco-allemand trouvé à Deauville entre le Président de la République et la Chancelière allemande, l’Europe – c’était une nécessité depuis l’avènement de la zone euro mais ce n’en est pas moins à nos yeux, monsieur le secrétaire d’État, une grande satisfaction – semble enfin en passe de se doter de ce qui constitue bien l’embryon d’un gouvernement économique, dans le sens d’une Europe enfin politique.

La crise de l’Eurogroupe imposait certes de revoir en profondeur les critères du pacte de stabilité et de croissance, mais elle imposait aussi de mettre enfin un terme aux carences tant du contrôle opéré en la matière que de l’éventail de sanctions placé entre les mains des institutions communautaires.

Certes, des débats demeurent – et ils sont légitimes – sur le caractère automatique de ces sanctions, sur leur nature, voire sur les termes mêmes du futur pacte de stabilité et de croissance. Ils ne doivent cependant pas masquer l’essentiel, qui consiste à doter enfin la zone euro d’un pacte qui soit efficace dans son volet préventif car crédible dans son volet correctif, l’un ne pouvant durablement aller sans l’autre. À ce titre, les propositions qui sont aujourd’hui sur la table, qu’il s’agisse du renforcement de la surveillance économique des trajectoires nationales, des mécanismes d’alerte précoce en cas de dérapage d’un État membre, ou encore du principe même de sanctions politiques pouvant aller jusqu’à la suspension des droits de vote au Conseil, longtemps taboues, vont incontestablement dans le bon sens, celui – au risque d’en choquer certains – d’un véritable fédéralisme économique.

À ce titre, derrière les inquiétudes et les craintes qu’elle continue de susciter chez nos concitoyens, la crise aura eu, à nos yeux, un grand mérite : celui de mettre l’Europe en demeure de lever des incohérences qu’elle n’osait plus regarder en face – la gouvernance économique aurait dû être une conséquence logique de l’introduction de la monnaie unique – et de répondre à des interrogations : ainsi, le débat qui prend forme autour des ressources propres de l’Union, longtemps confiné derrière les portes de la commission des budgets de Strasbourg, semble enfin franchir les murs du Parlement européen.

À ce jour, le budget de l’Union européenne reste en grande partie la somme de vingt-sept contributions nationales. Aux termes de l’article 46 du projet de loi de finances, la contribution de la France s’élèvera à 18,2 milliards d’euros. Mais en tenant compte des ressources propres traditionnelles telles que les droits de douane perçus aux frontières extérieures de l’Union et collectés par les États au nom de l’Union, le volume des transferts financiers de Paris vers Bruxelles avoisinera les 21 milliards d’euros, pour un budget communautaire qui tutoie les 140 milliards en autorisations d’engagement. À l’heure où il s’agit pour la France comme pour l’ensemble de ses partenaires d’œuvrer au redressement de finances publiques plus que jamais dans le rouge, nul ne contestera que l’effort soit conséquent.

Chacun de nous comprend dès lors les appels, notamment celui du gouvernement français, à la stabilisation du budget communautaire. Mais nous faisons face à un problème a priori insoluble car l’Europe du traité de Lisbonne est appelée à voir son rôle et ses missions s’étendre considérablement. À budget constant, la seule solution semble donc de rogner toujours plus sur les crédits de la politique agricole commune, ce qui demeure clairement inacceptable à l’heure où se succèdent les crises dans le secteur agricole, voire de la renationaliser, ce qui équivaudrait pour l’Europe à renoncer à l’un de ses succès historiques et ne manquerait pas à ce titre d’apparaître comme une véritable Bérézina politique.

Prenons, mes chers collègues, un peu de hauteur. Depuis une quinzaine d’années, si l’Union n’a eu de cesse de s’élargir, tant géographiquement qu’au regard de ses compétences, son budget, quant à lui, n’a fait que décroître en valeur relative. La Commission prépare des projets de budget se situant autour de 1 % du RNB des vingt-sept – 1,05 % du RNB prévu cette année en ce qui concerne les crédits de paiement – alors que les dépenses de l’ensemble des administrations publiques des États membres atteignent en moyenne 45 % du PIB national. Les contributions nationales, c’est un fait, ne peuvent croître indéfiniment, mais alors que nous-mêmes, dans cet hémicycle, n’avons de cesse, qu’il s’agisse de l’avenir de nos filières agricoles, du traitement de l’immigration irrégulière ou encore de la lutte contre le réchauffement climatique, de reporter nos attentes sur Bruxelles et Strasbourg, chacun mesure combien le discours sur la stabilisation du budget communautaire est intenable à moyen terme.

C’est pourquoi, mes chers collègues, il est temps pour l’Europe de sortir du système des contributions nationales. Rappelons-nous que la matrice historique de l’actuelle Union européenne, la CECA, présentait à sa création un modèle budgétaire cohérent où les dépenses de la communauté étaient financées par un impôt qu’elle percevait directement. C’est plus tard seulement que ce modèle a été dévoyé et que les ressources de l’Union ont pris la forme d’impôts collectés par les États pour être renvoyés vers Bruxelles, ce qui a amené chacun à faire le calcul coûts-bénéfices de sa participation aux institutions communautaires et a contribué ainsi à la cristallisation des clivages entre contributeurs et bénéficiaires nets au sein du Conseil.

Pire, ce dévoiement a accouché de la pratique bien connue des ristournes en direction de certains États membres ; ainsi, la France finance en 2011 à hauteur de 823 millions d’euros le fameux chèque britannique. Entendons-nous, mes chers collègues : s’il est légitime que la France contribue plus que d’autres à la solidarité européenne, il est de moins en moins acceptable qu’elle doive financer des égoïsmes nationaux.

À terme, la montée en puissance du budget communautaire, que nous appelons de nos vœux, nécessitera de retrouver l’élan des pères fondateurs et ne pourra donc se passer de la mise en place d’un véritable impôt européen. Cette idée, relancée par la Commission européenne mardi dernier, et qui va de pair avec le vaste chantier que constitue l’harmonisation fiscale, est certes traditionnellement impopulaire dans le débat public français. Il ne s’agit pourtant pas d’alourdir la charge fiscale qui pèse sur les contribuables européens. Ne pas augmenter la pression fiscale constitue même une condition sine qua non. La piste d’une TVA européenne gagnerait donc à être écartée au profit des scénarios impliquant une taxation harmonisée des bénéfices des sociétés profitant de l’ouverture du marché intérieur ou encore d’une taxe carbone aux frontières de l’Union. Il ne s’agit pas non plus, à ce stade, de porter atteinte à la souveraineté fiscale des parlements nationaux. La configuration à retenir est celle où l’Union s’apparenterait ni plus ni moins à une collectivité territoriale, aussi vaste et importante soit-elle, à qui le souverain fiscal national déléguerait tout ou partie d’un impôt créé par lui.

Mes chers collègues, parce que l’Union n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais un simple projet de coopération régionale mais parce qu’elle constitue bien un projet politique d’unification d’un continent autour d’un destin commun, parce qu’il est temps aussi que l’intérêt partagé de quelque 500 millions de citoyens prenne le pas sur vingt-sept calculs coûts-bénéfices, nous sommes devant un chantier qui ne peut plus attendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Laffineur. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le projet de budget européen pour 2011, adopté par les ministres du budget en conseil Écofin cet été, est en augmentation très modérée, quasiment nulle en crédits d’engagement – 0,2 % – et, pour les crédits de paiement, bien plus réaliste – 2,9 % – que ce qu’avait proposé la Commission européenne. Sur la base de ce projet, la contribution versée par le budget français devrait s’élever, en 2011, à environ 18,2 milliards d’euros.

Le gouvernement français avait, dans la négociation, deux préoccupations principales : limiter la hausse globale du budget de l’Union et rechercher les possibilités d’économies dans chaque rubrique en veillant à ce que l’essentiel des coupes ne porte pas sur les dépenses de la PAC. La France a obtenu satisfaction sur ces deux points.

La négociation budgétaire européenne présente cette année un intérêt particulier, mais elle s’est engagée dans des conditions très difficiles, pour trois raisons.

Tout d’abord, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne a des conséquences importantes, tant sur la procédure d’élaboration du budget que sur son contenu. Le traité transforme en effet profondément la procédure budgétaire de l’Union en accélérant le calendrier, avec une seule lecture au Conseil et au Parlement européen, et en augmentant les pouvoirs de celui-ci. De plus, il crée de nouvelles compétences et de nouveaux instruments, en particulier le service européen d’action extérieure que le budget pour 2011 va doter des moyens de sa mise en place effective.

Deuxième difficulté : le contexte économique rend l’exigence de discipline budgétaire encore plus impérative que les années précédentes, mais aussi plus difficile à respecter face aux défis que doivent relever tant les États membres que l’Union européenne pour parvenir à poser les bases d’une croissance économique durable. Le Parlement européen, qui fait habituellement pression sur le Conseil pour se rapprocher le plus possible des propositions d’augmentation de la Commission, fait preuve cette année d’une attitude lucide et responsable en reconnaissant que le contexte économique et la situation très lourdement contrainte des finances publiques excluent toute augmentation significative du budget européen.

Enfin, la négociation du budget annuel se trouve imbriquée dans un chantier plus vaste, celui de la réforme d’ensemble du système budgétaire communautaire, chantier qui sera lui-même immédiatement suivi par l’ouverture des négociations sur les montants du cadre financier pluriannuel post-2013.

Il est pertinent d’avoir regroupé le débat annuel sur le prélèvement destiné au budget européen et le débat préalable au Conseil européen. En effet, la question de l’avenir du budget européen doit être partie intégrante de la réflexion sur la mise en place d’un gouvernement économique européen, réflexion qui va progresser lors de ce sommet avec la présentation du rapport du groupe de travail présidé par M. Herman Van Rompuy.

En parallèle se développe un débat sur l’avenir du budget européen et sur le renforcement de la coordination des politiques budgétaires nationales avec, en dénominateur commun, la stratégie « Europe 2020 », dont les budgets, tant européen que nationaux, seront des instruments essentiels. Notre assemblée doit s’impliquer pleinement dans ce double processus, crucial pour donner une nouvelle impulsion et une crédibilité renouvelée à l’Union européenne.

Le budget européen pour 2011, au-delà de la question habituelle de son montant, va servir de référence pour la réforme budgétaire, dont la négociation va enfin pouvoir commencer sur la base de la communication présentée par la Commission européenne le 19 octobre dernier. Le débat sur l’évolution relative des dépenses du budget européen va surtout avoir lieu lorsque commenceront, au second semestre 2011, les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel. Mais, dans l’intervalle, il est indispensable de nous saisir du problème du financement du budget européen, c’est-à-dire du volet « recettes » – comme nous l’avons déjà fait au sein de la commission des affaires européennes, excellemment présidée par M. Pierre Lequiller.

En effet, ce financement a perdu, au fil du temps, toute légitimité, toute lisibilité, toute pertinence. Le système actuel est opaque, inéquitable, et là-dessus le consensus est général en Europe. Les rabais et corrections, les rabais sur le rabais, l’obsession des États pour le juste retour au détriment de l’intérêt commun européen et d’une bonne complémentarité entre budgets nationaux et européen, tout cela dénature chaque année la discussion budgétaire. Les citoyens ne pourront être durablement reconquis à l’idée européenne que si nous parvenons à créer un système équitable, transparent, démontrant l’irremplaçable valeur ajoutée de l’Europe dans des projets concrets clairement visibles dans nos régions et dans nos déplacements quotidiens, dans l’activité de nos entreprises, dans notre rôle collectif dans le monde et dans les pratiques de consommation de chacun d’entre nous.

Il n’est pas question de plaider, dans les circonstances actuelles, pour un doublement ou un triplement en volume du budget européen. Une telle entreprise serait vouée à l’échec, et contradictoire avec l’assainissement des finances publiques nationales exigé par nos engagements européens. Mais l’introduction d’au moins une véritable ressource propre, clairement identifiable par les citoyens, pour réduire d’autant la dépendance du budget européen vis-à-vis des contributions nationales comme celle que nous allons voter aujourd’hui, est urgente et indispensable. Cette ressource propre pourrait permettre, si elle était basée sur une activité économique dynamique, une légère augmentation du budget sans compromettre la nécessaire discipline budgétaire nationale.

Toutes les options techniques possibles méritent d’être pesées, notamment celles présentées par notre collègue du Parlement européen Alain Lamassoure, dont je salue le souci constant d’associer Parlement européen et parlements nationaux dans cette vaste réforme qui est un enjeu pour l’existence et le sens même de l’Union européenne dans les années à venir. La commission des affaires européennes va y apporter sa part. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe SRC.

M. Christophe Caresche. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le débat qui nous réunit porte à la fois sur la préparation du prochain Conseil européen et sur le prélèvement européen, c’est-à-dire sur la contribution de la France au budget de l’Union pour l’année 2011.

Je partirai du contexte économique dans lequel se trouve l’Europe et des défis qu’elle se doit de relever impérativement dans les mois qui viennent.

L’Europe a su faire face, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, à une des crises financières et économiques les plus dévastatrices que le monde ait connues. Elle a réagi, souvent dans l’improvisation : ce qui a révélé la faiblesse des outils dont elle disposait pour faire face à cette crise, souvent dans la douleur : les antagonismes nationaux se sont manifestés au grand jour, notamment entre la France et l’Allemagne sur la question grecque, mais elle a réagi. Elle a su éviter malgré tout la faillite de son système bancaire. Elle a su mettre en place, même de manière très imparfaite, des plans de relance. Elle a su, surtout, surmonter la crise de l’euro.

M. Jacques Myard. Vous allez adhérer à l’UMP, monsieur Caresche !

M. Christophe Caresche. Monsieur Myard, je ne fais pas partie de ceux qui considèrent ces résultats comme négligeables Les Européens ont évité la catastrophe, et ce n’est pas rien.

Après le temps de l’urgence vient celui de la reconstruction. Cette phase n’est pas moins délicate à négocier que la précédente. Car il s’agit de retrouver une trajectoire de croissance, avec les handicaps que connaissait l’Europe avant la crise mais avec, aussi, le fardeau des mesures qui ont été prises pour y faire face et qui ont considérablement dégradé les finances publiques de la plupart des États européens.

C’est donc un défi considérable qui est devant nous : il nous faut faire aujourd’hui ce que nous n’avons pas été capables de faire avant la crise, alors que la situation est maintenant dégradée. Dans ce contexte, deux risques me semblent devoir être soulignés.

Le premier est celui d’une sortie de crise longue et poussive en Europe. Le scénario, que beaucoup redoutaient, d’une reprise européenne atone et d’une croissance molle semble se confirmer, alors que d’autres régions du monde retrouvent le chemin de la prospérité. Certains évoquent même la possibilité d’une rechute et d’un retour de la récession.

Il faut dès lors s’interroger sur des politiques d’assainissement financier précipitées qui, dans de nombreux pays européens, risquent d’éteindre le dernier moteur de la croissance que constitue la demande intérieure. Elles risquent de plonger nombre de pays, dont le nôtre, dans un cycle infernal, car l’absence de croissance se traduira par une chute des recettes fiscales, par la dégradation persistante des soldes publics et des ratios de dette, et par l’érosion inexorable de la compétitivité, sans que, in fine, les marchés soient rassurés.

Le deuxième risque est celui d’une accentuation des divergences entre les économies européennes. La crise fait des perdants et des gagnants, y compris en Europe. Elle souligne les différences de compétitivité entre des pays qui peuvent d’ores et déjà profiter de la reprise mondiale et d’autres qui sont à la traîne. On doit se réjouir des performances de l’économie allemande, mais il ne faut pas se cacher les difficultés que va entraîner pour chacun des pays membres et pour la gouvernance de l’Europe une divergence qui s’approfondit entre les économies européennes. Sur cette question, je rejoins les préoccupations de Gilles Carrez concernant le problème des excédents. J’ai d’ailleurs constaté que le problème a été posé au niveau mondial par le secrétaire au Trésor américain. Il semble que Mme Lagarde ait également beaucoup insisté sur cette question.

M. Jacques Myard. Celle des excédents allemands !

M. Christophe Caresche. Je reprends également à mon compte les propositions de Pierre Lequiller relatives à l’organisation d’une conférence interparlementaire sur les perspectives économiques et financières de l’Europe, au cours de laquelle ce type de préoccupation pourrait être traité.

Confrontée à cette situation, l’Europe semble s’enfermer dans la seule logique de la consolidation financière, de la résorption des dettes publiques et du renforcement du pacte de stabilité. Ce sera pour l’essentiel la mission du prochain Conseil européen.

Je ne récuse pas cette approche car, à l’évidence, elle est incontournable. Les pays européens doivent revenir à l’équilibre de leurs comptes et respecter une discipline à cette fin. Mais cette démarche ne pourra être soutenable que si, parallèlement, il existe des moyens de relance de l’économie, c’est-à-dire des conditions monétaires suffisamment accommodantes – on peut parler de l’euro – et des marges de manœuvre pour financer l’investissement.

L’Europe doit être le relais indispensable de la croissance. Mais autant l’Europe avance sur la question de la coordination des politiques budgétaires, autant elle piétine sur la question de la stratégie de croissance.

M. Jacques Myard. Elle recule !

M. Christophe Caresche. La stratégie 2020 est, pour le moment, une coquille vide, un catalogue de bonnes intentions sans financement. Le budget européen n’est pas suffisant pour mener une politique d’investissement européenne ambitieuse.

Quant à la monnaie, l’appréciation de l’euro rend aujourd’hui illusoire toute politique de compétitivité et contribue à l’affaiblissement de l’industrie européenne.

Il est frappant de voir que les propositions visant à rendre des marges de manœuvre financières aux pays européens ou à donner une impulsion à l’économie européenne restent jusqu’à présent lettre morte. Je pense en particulier à deux d’entre elles qui figurent dans le rapport Attali comme dans de nombreux autres documents : l’une prône la mutualisation d’une partie des dettes souveraines ; l’autre l’émission d’obligations européennes, autrement dit un emprunt pour financer les dépenses d’avenir.

Dans ce contexte, le prochain Conseil européen sera consacré au renforcement du pacte de stabilité. Il devrait reprendre dans ses conclusions le rapport de M. Van Rompuy, celles-ci intégrant également, selon un projet officieux, l’accord politique franco-allemand – M. le secrétaire d’État l’a confirmé. Je ne vais pas commenter l’ensemble du dispositif qui sera présenté : semestre européen, procédure concernant les déficits excessifs, procédure nouvelle concernant les déséquilibres excessifs, c’est-à-dire les problématiques macroéconomiques. Toutefois, il est clair que deux sujets ont été au cœur des discussions.

Il y a eu la question des sanctions : la Commission avait imaginé un processus de sanctions automatiques auxquelles le Conseil ne pouvait s’opposer qu’en réunissant une majorité qualifiée. L’accord franco- allemand a assoupli ce dispositif puisque l’automaticité ne concernera que le volet correctif de la procédure de déficit excessif et que la règle dite de la « majorité inversée » – il fallait l’inventer ! – n’est pas retenue. Le Conseil décidera de la prise des sanctions à la majorité qualifiée et il gardera donc une réelle capacité d’appréciation. C’est une bonne chose car il fallait préserver la possibilité de juger de l’opportunité de prendre des sanctions en fonction de la situation économique et politique des États susceptibles d’être concernés.

Un autre sujet a fait débat avec l’Allemagne, sur lequel M. le secrétaire d’État pourra peut-être nous apporter quelques précisions. Il s’agit de la création d’un « mécanisme permanent et robuste pour assurer un traitement ordonné des crises dans le futur », selon les termes de la déclaration franco-allemande, ainsi que la pérennisation du fonds européen de stabilisation financière qui devait disparaître en 2013. L’Allemagne a accepté la création de ce type de mécanisme, alors qu’elle y était hostile, considérant que le respect du pacte de stabilité suffisait à prévenir les crises. C’est une bonne chose car, à l’évidence, l’Europe a intérêt à signifier très clairement qu’elle viendra en aide à un pays membre pour dissuader la spéculation.

En contrepartie, la France a accepté la possibilité de suspendre le droit de vote d’un État membre qui « violerait gravement les principes de base de l’Union économique et monétaire », situation, il est vrai, fort improbable.

Ces dispositions nécessiteront une révision des traités, limitée, certes, mais toujours incertaine.

J’en viens maintenant au budget européen. Celui-ci devrait être un instrument de relance de l’économie européenne, ce qui supposerait qu’il progresse de manière significative. Plusieurs d’entre nous, sur tous les bancs, l’ont rappelé : certains économistes considèrent que le budget européen, à son niveau actuel, n’assure aucune des trois fonctions budgétaires classiques, ni la fonction d’allocation, ni celle de redistribution et encore moins celle de stabilisation. Ces économistes pensent qu’il faudrait le porter à 2 voire 3 % du PNB communautaire.

Nombreux sont ceux qui se prononcent pour une telle évolution, à commencer par le Parlement européen et la Commission. Le Parlement européen souhaitait une révision immédiate du cadre financier 2007-2013 pour financer des priorités nouvelles, comme la lutte contre le changement climatique, mais surtout pour permettre l’exercice des compétences nouvelles de l’Union qui découlent du traité de Lisbonne. Cet appel n’a pas été entendu.

Le projet de budget qui nous est proposé s’inscrit étroitement dans le cadre financier pluriannuel.

Son évolution sera limitée puisque les propositions de la Commission d’augmenter significativement les crédits d’engagement de 0,8 % et les crédits de paiement de 5,8 % ont été repoussées par le Conseil. Le Conseil a en effet décidé, à la majorité, de plafonner au mieux l’évolution des crédits d’engagement à 0,2 % et celle des crédits de paiement à 2,9 %. Il semble que la discussion ait été difficile, certains États voulant limiter l’augmentation du budget à l’inflation, voire le reconduire au niveau de 2010.

Monsieur le secrétaire d’État, on ne peut pas dire que la France se soit distinguée par son volontarisme puisqu’elle a indiqué qu’elle se réservait la possibilité de rejoindre la position des États qui ont refusé ce compromis et qui considèrent que le budget européen doit aussi participer à l’assainissement financier. À ce stade, la discussion n’est pas terminée. Le Conseil devra confirmer les décisions prises ; reste à savoir quelle position prendra notre pays.

Tout indique donc que le budget sera reconduit sans changement significatif. Ce résultat est inquiétant au moment où s’amorce la renégociation des perspectives budgétaires européennes pour 2014-2020.

Un certain nombre de pays membres sont tentés de revoir leur contribution au budget européen. Cette tentation s’était déjà affirmée avec la coalition dite d’austérité lors de la négociation du cadre financier 2007-2013. Avec la crise, cette tendance risque de s’amplifier, certains États estimant que les contraintes budgétaires ne leur permettent plus de financer le budget européen. C’est non seulement la perspective d’une évolution positive du budget européen qui est en jeu, mais c’est peut-être même, à terme, son maintien au niveau actuel.

Pour sortir de cette situation, il faut envisager de reformer le mode de financement totalement obsolète du budget européen.

Il faut d’abord revenir sur les aménagements que les pays européens ont obtenus au fil du temps, à commencer par le rabais britannique. Cette « normalisation » a déjà commencé mais devra se concrétiser dans le cadre de la discussion des nouvelles perspectives financières de l’Union.

Il faut aussi une réforme complète des ressources propres du budget communautaire qui, initialement, devaient fournir l’essentiel des apports budgétaires mais qui ont été détournées de cet objectif. Aujourd’hui ce sont les contributions des États qui assurent à elles seules près de 75 % des ressources de l’Union.

La Commission européenne travaille à la création d’une nouvelle ressource propre, seul moyen, à mon sens, d’échapper à la pesanteur des États et d’assurer des recettes pérennes et suffisantes au budget européen. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas compris votre réaction extrêmement négative, à l’instar de celle de l’Allemagne et du Royaume-Uni, quand, cet été, le commissaire européen Janusz Lewandowski a évoqué cette perspective. C’est pourtant, à l’évidence, la seule perspective crédible et durable pour le budget européen. Compte tenu des difficultés de renégociation du cadre budgétaire pluriannuel qui, selon toute vraisemblance, affecteront d’abord la France, c’est aussi notre intérêt.

En effet, jusqu’à présent, la France a tiré plutôt avantage du budget européen en particulier à travers le retour qu’elle perçoit de la politique agricole commune. Mais en fait, sa situation s’est dégradée au regard des coûts et bénéfices de l’appartenance à l’Union. La contribution de la France n’a cessé d’augmenter ces dernières années, et elle est aujourd’hui le troisième contributeur net au budget européen. Le différentiel entre ce que « coûte » l’Europe et ce que « rapporte » l’Europe à la France serait d’environ 5 milliards d’euros. C’est dire que notre réputation de premier bénéficiaire du budget européen est largement usurpée !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Oh oui !

M. Christophe Caresche. En outre, la renégociation des perspectives budgétaires européennes sera difficile. Nous savons que la PAC, et donc la France, seront dans le collimateur de nombreux pays.

Dans ce contexte, la France peut être tentée par un certain désengagement. C’est ce que je comprends des propos de François Fillon lorsqu’il déclare devant les ambassadeurs : « La France contribue chaque année pour 19 milliards au budget européen. Elle en reçoit chaque année 14 milliards, politique agricole comprise. Cette vision comptable de l’Europe n’est bien sûr qu’un aspect parcellaire du “bilan européen” pour la France, mais nos partenaires devront comprendre que cette position de premier contributeur net – avec l’Allemagne – ne pourra pas résister éternellement aux tensions actuelles des finances publiques. »

Pour ma part, j’estime que la France aurait tort de se laisser aller à une vision purement comptable de sa participation au budget de l’Europe. D’abord parce que ce calcul est contestable : vous savez parfaitement que l’évaluation du retour français est sujette à caution. En effet, elle ne concerne que les retours directs, et pas les retombées indirectes des actions européennes qui, à l’évidence, concernent aussi notre nation. Ensuite, parce qu’une posture frileuse risque de nous mettre en difficulté lors de la future renégociation des perspectives budgétaires européennes. Comment soutenir le maintien de la PAC dans un budget européen qui ne serait pas en évolution ? Nous savons que, dans un cadre sensiblement identique au précédent, la PAC ne pourra pas être reconduite, car d’autres priorités devront être légitimement prises en compte. C’est pourquoi la France aurait intérêt à adopter une attitude offensive et ambitieuse pour le budget européen.

Cela étant, notre pays devrait travailler à une meilleure compatibilité entre son budget national et le budget européen. Il y a, dans cet exercice, des sources d’économies évidentes.

Pourquoi maintenir un certain nombre d’organismes nationaux, alors que les mêmes existent au niveau européen ? M. Alain Lamassoure a eu raison de dire dans la presse et lors des réunions de commission, qu’il fallait s’interroger sur le maintien d’un certain nombre d’agences au niveau national alors que ces structures existent au niveau européen. De même, la création d’un service diplomatique européen devrait nous amener à revoir notre présence diplomatique et consulaire dans de nombreux pays.

Pour conclure, le groupe socialiste s’abstiendra sur l’article 46…

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. C’est dommage !

M. Christophe Caresche. …car nous déplorons l’insuffisance de ce budget européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui de manière conjointe l’article 46 du projet de loi de finances pour 2011 et l’ordre du jour du Conseil européen des 28 et 29 octobre. Si les convergences entre ces deux sujets sont évidentes, je regrette toutefois cette confusion.

L’actualité européenne est pourtant empreinte d’une certaine gravité. La déflagration sociale de la crise n’est aucunement terminée puisque le nombre de chômeurs a bondi d’un million en un an, atteignant le terrible chiffre de 23 millions de personnes exclues du marché du travail en Europe. Les plans d’austérité s’imposent de l’Irlande à la Grèce, au risque évident d’aggraver la souffrance sociale et les injustices. L’Union européenne s’entête dans l’orthodoxie néolibérale, en proposant la mise sous tutelle inacceptable des budgets nationaux.

Dans un premier temps, j’évoquerai brièvement le prélèvement communautaire et le budget de l’Union européenne, qui appellent à peu de choses près les mêmes critiques, hélas, que celles que j’avais formulées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010.

Puis je m’attarderai sur le nouveau tournant néolibéral qu’entend prendre l’Union européenne en imposant l’austérité budgétaire sur l’ensemble du continent et en sacrifiant les intérêts des peuples européens sur l’autel des marchés financiers.

La mère des critiques est celle qui dénonce la faiblesse du budget européen, lequel, en atteignant péniblement 141 milliards, est en deçà même des plafonds fixés par le cadre financier 2007-2013. Quant au prélèvement communautaire français, qui est en baisse par rapport à 2009 et s’établit à 18,2 milliards d’euros, il traduit le même renoncement. On ne répétera jamais assez l’absurdité économique d’un budget étriqué représentant 1 % de la richesse créée dans l’UE. Dans une zone économique intégrée, se doter d’un tel budget revient à se priver totalement de l’arme budgétaire pour dynamiser l’activité. D’autant que la rigidité du cadre financier 2007-2013, comme celle du pacte de stabilité, supprime toute marge de manœuvre politique. Comment prétendre intégrer ainsi les nouveaux pays entrants de l’Europe de l’Est ?

Je n’ignore pas que la contribution française augmente chaque année, mais j’estime que ce coût est inévitable si l’on souhaite avancer vers un espace européen solidaire et pacifié. La France se targue d’ailleurs d’avoir « plaidé pour que le budget européen participe aux efforts d’assainissement des États membres » dans le cadre du Conseil européen. Ce que vous appelez « assainissement » des finances publiques, je le nommerai pour ma part « effacement de l’État providence » face aux diktats des marchés.

Ma deuxième critique porte sur la faiblesse du budget en faveur de l’emploi et de la cohésion sociale. Alors que les États européens ont facilement trouvé 1 700 milliards pour sauvegarder les banques, les cinq modestes milliards dédiés à la relance l’an passé disparaissent purement et simplement en 2011. L’inventaire des programmes budgétaires dédiés à la politique sociale est consternant. Outre que son intitulé traduit le renoncement à lutter contre les dégâts de la mondialisation pour seulement les atténuer, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation est une coquille vide. Sur 500 millions d’euros mobilisables, à peine 53 millions ont été engagés en 2009, et il en sera de même en 2010. Pourtant les salariés de l’industrie, de l’automobile et du textile subissent les délocalisations de plein fouet.

La troisième critique que j’adresserai à ce projet de budget européen porte sur le déséquilibre indécent entre les sommes allouées à la protection des libertés fondamentales et celles destinées à lutter contre l’immigration. Parmi les dépenses européennes en France, la gestion des flux migratoires absorbe plus de la moitié des crédits dédiés à la liberté, à la sécurité et à la justice. Pour un euro dépensé en faveur des droits fondamentaux, dix-sept euros vont à la lutte contre l’immigration. Au total, en Europe, quatre milliards sont destinés au renforcement de l’Europe forteresse. Ces sommes financent le retour forcé des immigrés, ainsi que les centres de rétention et de contrôle dans des pays extra-européens, que le réseau Migreurop dénonce à juste titre comme une externalisation des politiques migratoires.

Ces quatre milliards sont, de surcroît, gaspillés. Comment peut-on en effet imaginer que la construction de murs autour de l’Europe nous préservera des conséquences sociales que provoquent nos politiques économiques sur l’ensemble de la planète ? Ces quatre milliards sont d’autant plus indécents que les pays industrialisés ne tiennent pas leurs engagements en matière d’aide publique au développement. Comment accepter que, partout en Europe, progressent les politiques de rejet de l’autre ? Après l’affaire des Roms, l’Allemagne d’Angela Merkel plaide pour l’assimilationisme et la négation de la différence. Ces choix irresponsables sapent l’idéal du vivre ensemble en Europe et nourrissent un terreau de haine, de populisme et d’intégrisme, ainsi qu’en témoignent les récents succès électoraux de l’extrême droite.

Au regard de l’idée européenne, que je défends, l’expulsion de 300 000 clandestins chaque année n’a rien de glorieux et le fait que les crédits disponibles pour l’intégration des Roms ne soient pas mobilisés, notamment dans les pays les plus concernés, ne peut être satisfaisant. Les migrations économiques, politiques, climatiques, font partie de l’histoire de l’humanité et, singulièrement, de celle de l’Europe. Les efforts et les sacrifices des populations qui l’ont rejointe forment le socle du développement économique et culturel de notre continent. Une politique migratoire répressive conduit ainsi l’Europe à renier ses valeurs fondamentales et à hypothéquer son avenir, car ce continent vieillissant, qui abrite seulement 7 % de la population mondiale, est condamné à un déclin inexorable sans le dynamisme des apports migratoires.

J’en viens au tournant néolibéral qu’emprunte l’Union européenne, emboîtant ainsi le pas aux politiques d’austérité promues par le FMI. Qui se rappelle qu’en 2009, lors des sommets du G 20, les dirigeants européens et américains promettaient de mettre au pas la finance, ses agences de notation, ses spéculateurs ? Il y a tout juste un an, ils ne juraient que par la relance, y compris le directeur général du FMI ; le keynésianisme revenait à la mode. Depuis, nous en sommes revenus. Les gouvernements français et européens sont passés sous les fourches caudines des marchés financiers pour ne pas voir leur notation se dégrader. Sur les cendres encore chaudes de la crise, ils préparent depuis plusieurs mois le retour à l’orthodoxie néolibérale : baisse des coûts salariaux, baisse des dépenses publiques, lutte contre l’inflation.

Partout, sur le continent européen, un mot d’ordre s’impose : faire payer aux salariés les conséquences de la crise et sacrifier leur pouvoir d’achat pour que les marchés financiers retrouvent leurs taux de profit faramineux. En Irlande, une baisse générale des allocations et une réduction de 5 % à 15 % des salaires des fonctionnaires ont été décidées ; au Royaume-Uni, la TVA est augmentée, les salaires gelés et le budget des ministères subit une coupe de 25 % ; quant à la France, elle a décidé l’injuste relèvement de l’âge du départ à la retraite. Et je pourrais multiplier les exemples. C’est l’État « Weight Watcher » des néolibéraux qui prend forme sous nos yeux, une société dans laquelle les solidarités s’effacent, la propriété collective recule et la marchandisation de pans entiers de la vie humaine progresse.

Quand aurons-nous le courage de reconnaître que l’échec économique actuel est celui de ce néolibéralisme, promu par l’Union européenne ? L’Union européenne est sans emplois ni croissance. Au reste, la BCE n’écarte pas une baisse de celle-ci en 2011, avec seulement 0,5 % de croissance. Cette Europe fabrique du chômage, avec 6 millions de chômeurs supplémentaires depuis 2007 ; elle réduit les fiches de paie et accentue la pauvreté. Ainsi, depuis 1995, la part de la richesse créée revenant aux salariés a chuté de quatre points. « Il faut le reconnaître : la stratégie de Lisbonne a été un échec », déclarait Bernard Kouchner en juin dernier. Le lancement du programme « Europe 2020 » retombe pourtant dans les mêmes travers éculés.

Les libéraux, les sociaux-démocrates et les écologistes ont adopté la semaine dernière le rapport Berès, du nom de l’eurodéputée socialiste française, qui va dans le même sens, puisqu’il préconise clairement la flexibilisation du marché du travail, l’approfondissement de la concurrence au sein du marché intérieur, le retour des sanctions pour asseoir l’austérité et le développement des régimes privés de retraite. C’est, en clair, le retour de l’Europe du commissaire Bolkestein.

Qu’en est-il de l’espace de coopération économique européen ? Il s’est réduit à un espace de dumping fiscal et social dans lequel la dérégulation effrénée menace notre modèle social. Plus on parle de gouvernance économique et plus les égoïsmes nationaux progressent contre les intérêts des peuples. Le Royaume-Uni vient ainsi de décider de baisser de quatre points le taux de son impôt sur les sociétés, qui devient le plus faible du G20. L’Allemagne joue la carte de la déflation salariale et entraîne l’Europe à sa suite. Le ministre des affaires étrangères évoquait, en juin dernier, le caractère « suicidaire » du manque de coordination économique actuel ; le terme ne me paraît pas trop fort.

Le mot de solidarité communautaire a-t-il encore un sens depuis la tragédie grecque ? Il a en effet fallu attendre mai 2010 pour que les États membres volent au secours de la Grèce et créent dans l’urgence un fonds de stabilisation doté de 750 milliards contre la spéculation financière. Un secours qui n’a rien de charitable, puisque les taux d’intérêts exorbitants des prêts consentis à la Grèce enrichissent les banques européennes sur le dos des salariés grecs.

Enfin, depuis le G 20 de Pittsburgh, quels progrès ont été accomplis dans la lutte contre la financiarisation de l’économie ? La directive « Épargne » est au point mort. Quant au compromis passé sur la directive « Hedge funds », il ouvre grand la porte du continent européen aux fonds de pensions, alors qu’il faudrait purement et simplement bannir ces entités, qui ne créent aucune richesse mais seulement de l’instabilité par la spéculation. Le projet de taxation des transactions financières est renvoyé aux calendes grecques, alors que cette taxe est plus que jamais nécessaire non seulement pour dégager de nouvelles ressources en faveur de la protection sociale et des services publics, mais aussi pour désintoxiquer l’économie de la financiarisation à outrance.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous expliquer le paradoxe suivant ? À l’ONU ou dans le cadre du G 20, le président français est un avocat déterminé de la taxation des transactions financières, mais sa détermination reste à la porte de l’Union européenne : jamais cette question n’y a été mise sérieusement à l’ordre du jour. Une telle mesure permettrait pourtant de trouver de nouvelles recettes en faveur du développement des politiques sociales.

Dernier point de mon intervention : la mise sous tutelle des budgets nationaux à travers la mise en œuvre du « semestre européen » et de sanctions automatiques contre les États ne limitant pas leurs déficits.

Le pacte de stabilité et de croissance a implosé face à l’ampleur de la crise et étalé son inutilité. Pourtant, vous nous proposez la même recette à travers ce qui s’apparente à un droit de veto sur les budgets nationaux. Plutôt que d’opter pour la mise au pas de la finance, l’Union européenne s’attaque aux dépenses publiques. Or analyser la crise des déficits comme la résultante de dépenses inconsidérées est une contre-vérité absolue. Je me contenterai de rappeler qu’avant la crise le déficit moyen de la zone européenne était de 0,6 % du PIB. Il n’a bondi à 7 % qu’en raison des aides faramineuses attribuées au secteur bancaire, de la baisse des rentrées fiscales et sociales due à la crise et de la contre-révolution fiscale menée depuis vingt ans.

La mise en place de ce nouveau carcan libéral serait économiquement contreproductif et politiquement inacceptable. Il constitue une nouvelle attaque contre la souveraineté du peuple, ainsi que le souligne ma collègue Martine Billard dans sa proposition de loi. Nous refusons donc avec force ce projet de gouvernance économique, comme nous refusons le cadre du traité de Lisbonne, qui grave dans le marbre le néolibéralisme. Son adoption demeure un crime originel par lequel la souveraineté du peuple fut foulée aux pieds. Vous trouverez que je répète une antienne, et sans doute ce rappel dérange-t-il, sur certains bancs. Mais les députés communistes n’accepteront jamais la forfaiture du Congrès de Versailles de février 2008. Notre position a le mérite de la clarté et de la constance. Le traité de Lisbonne a été désavoué, et à maintes reprises, par les peuples d’Europe et par la crise. Notre composante parlementaire persiste à le considérer comme caduc.

Devant ce nouveau coup de force antidémocratique et antisocial, les citoyens européens ne sont ni dupes ni atones. Vous voudriez faire croire que les Français sont les seuls à descendre dans la rue pour refuser la régression sociale, que nous serions un village de résistants gaulois au sein d’une mondialisation implacable. C’est un mensonge ! La mobilisation unitaire européenne du 29 septembre à Bruxelles a réuni un nombre de manifestants inédit et marqué le lancement d’une mobilisation puissante des salariés sur l’ensemble du continent.

Ainsi, que faites-vous des salariés polonais qui ont défilé à Varsovie contre les coupes salariales et la hausse des taxes injustes ? Oubliez-vous les grèves qui paralysent la Grèce depuis plusieurs mois ? Que faites-vous de la grève générale en Espagne, suivie à 100 % dans les secteurs de la sidérurgie, de l’automobile et de l’énergie, dont les salariés partent pourtant à la retraite à soixante-sept ans ? Que faites-vous de l’appel à la grève générale, le 24 novembre, au Portugal, après le succès des mobilisations de mai dernier, jamais vues depuis la révolution des Œillets ? À qui ferez-vous croire que nous sommes des dizaines de millions d’Européens à avoir tort ?

Contre la régression sociale qu’imposent les marchés financiers avec la complicité des États, les peuples se sont levés et sont déterminés à poursuivre leur mobilisation. Les parlementaires communistes, républicains et du parti de gauche continueront à réclamer une Europe du progrès social, des droits humains et de la coopération avec les peuples. Ils continueront à réclamer la mise au pas de la finance, la suppression véritable des paradis fiscaux et des fonds de pension.

Nous voterons donc contre le projet de prélèvement communautaire et nous demandons instamment au gouvernement français de s’opposer au projet de mise sous tutelle des budgets nationaux.

Mme. la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’ai pas l’intention de gloser sur le prélèvement européen, car je ne ferais que répéter ce que j’ai dit, des années durant, lors des débats précédents ; nous assistons toujours au même saupoudrage, d’ailleurs aggravé depuis l’intervention du parlement européen. Non, je souhaite évoquer aujourd’hui devant vous les heures sombres qui attendent l’Union européenne, et qui sont le résultat programmé, la conséquence logique, des actions des idéologues qui président aux destinées de cette organisation.

Pour parler clair et bien me faire comprendre, l’Union européenne est en train de se suicider. Oui, mes chers collègues, nous assistons aujourd’hui au suicide de l’Europe, il faut en avoir conscience. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Ce suicide n’est certes pas commis par un tir à bout portant, mais il est inéluctable et il est engendré par l’idéologie intégriste qui sévit depuis vingt ans à Bruxelles.

Pour ne pas alourdir le débat, je prendrai trois exemples : le suicide institutionnel, le suicide économique et le suicide monétaire de l’Europe.

Le suicide institutionnel, d’abord. Qui peut dire que l’Union européenne fonctionne bien aujourd’hui ? Personne ! On assiste à une paralysie totale du système. La boulimie législative ne se dément pas. Les textes les plus complexes, les plus tatillons, sont moulinés les uns après les autres. La machine technocratique, sûre d’elle-même et dominatrice, bat son plein : 700 documents E sont produits chaque année et transmis à notre assemblée, dont plus de 300 relèvent de la loi.

Mais si la machine mouline sans arrêt des textes, elle est en revanche incapable de prendre rapidement les décisions qui s’imposent, et c’est le plus grave. La question des prix agricoles en est un exemple. La France bataille depuis près de deux ans pour obtenir la stabilité des prix agricoles, dont la baisse inacceptable provoque des manifestations légitimes dans l’ensemble de l’Europe.

La machine est totalement grippée et le passage à la majorité qualifiée n’y change rien, alors que cette procédure devait être, selon ses thuriféraires, la clé de voûte de l’efficacité du système. Quant aux coopérations renforcées, autant rêver que les poules aient des dents, puisque ces mécanismes ont été définis de telle sorte qu’ils ne voient jamais le jour dans le traité de Lisbonne.

Le deuxième suicide est un suicide économique. La religion économique de Bruxelles est le « tout concurrence ». Enfermée dans son idéologie, la direction générale de la concurrence, qui règne en maître, ignore superbement les réalités économiques du monde, où nos concurrents – États-Unis, Chine, Inde, Brésil, Corée et Canada – excellent dans la défense de leurs marchés en mettant en œuvre de réelles politiques industrielles, alors que la locution « politique industrielle » est toujours un gros mot à Bruxelles !

L’asymétrie des conditions de concurrence devient évidente. L’absence totale de réciprocité dans les échanges, l’incapacité de la DG concurrence à envisager des champions industriels nationaux et européens sont affligeantes et destructrices. La disparition de Pechiney, fleuron de notre industrie, provoquée par la bêtise d’un commissaire européen – M. Monti, pour ne pas le nommer –, ne peut que susciter la colère, et pourrait aisément nous amener à la conclusion : « La Commission, voilà l’ennemi !» Il est urgent, monsieur le secrétaire d’État, que sur ces dossiers industriels de fusion-acquisition, la Commission soit relevée de ses compétences technocratiques au profit du Conseil.

Le troisième suicide est un suicide monétaire, monsieur le rapporteur général du budget. Pendant des années, les champions de l’intégration européenne nous ont présenté l’euro comme le fondement même de l’Europe et de son avenir. Qui peut encore affirmer cela aujourd’hui, si ce n’est ceux qui, avec la morgue qu’on leur connaît, prétendaient tout savoir mieux que les autres, face à ceux qui dénonçaient l’utopie d’une monnaie unique en l’absence de zone économique optimale ? On sait aujourd’hui que les dures réalités ont rattrapé les doux utopistes monétaristes. Le 13 juillet 2010, M. Jean-Pierre Jouyet, européen convaincu, déclarait à la commission des affaires étrangères : « On ne se serait pas interrogé, il y a un an, sur la fin de l’euro, sur la façon dont l’Europe économique doit être gouvernée ». Je lui ai alors répondu, avec une insolence amicale, mais une vraie insolence, que, pour ma part, je me suis toujours interrogé sur la viabilité de cette construction artificielle.

Allons à l’essentiel : ce n’est pas en collant à l’idéologie allemande en matière monétaire que vous éviterez la catastrophe annoncée et inéluctable, monsieur le secrétaire d’État ! Ce n’est pas par des sanctions automatiques contre des États en déséquilibre budgétaire que vous pourrez rééquilibrer les comptes. Quand allez-vous comprendre que l’on ne fait pas courir ensemble des pur-sang, des chevaux de labour et des ânes – ces derniers étant d’ailleurs souvent plus intelligents que ceux qui les qualifient de PIGS ! Quand allez-vous comprendre que la puissance économique de la Ruhr n’est pas dans le Péloponnèse, mais en Rhénanie-Westphalie ? Quand allez-vous comprendre que les déficits budgétaires grecs sont la conséquence de la perte de compétitivité – moins 40 % – et non sa cause ? Relevons d’ailleurs au passage que l’Espagne, qui était en excédent budgétaire, est aujourd’hui en pleine crise : c’est tout dire ! Quand allez-vous comprendre que réduire les dépenses, raboter les niches de manière excessive et trop rapide, c’est raboter la croissance et accroître les déficits ?

La politique de déflation de tous les États européens équivaut à un suicide en direct, une macabre télé-réalité sur fond de pacte de stabilité jouant le rôle néfaste du chœur des Euménides.

M. Régis Juanico. Rien que ça ! On dirait du Mélenchon !

M. Jacques Myard. Vous voulez éviter le pire, vous voulez que l’euro survive ? Alors, monétisez la dette ! Vous m’avez bien entendu : monétisez la dette, comme sont en train de le faire les États-Unis, avec une première avance de 100 milliards de dollars à l’économie, au taux de base de 0,25 % de la Federal Reserve. Certains économistes affirment qu’ils vont aller jusqu’à un trillion de dollars pour relancer l’économie, en ne passant plus par les marchés.

La politique que l’Allemagne dicte à ses partenaires conduit à une crise sans précédent, dont il n’est pas sûr que l’on se relève. De deux choses l’une : ou nous changeons de politique monétaire – à situation exceptionnelle, remède exceptionnel –, ou nous allons directement dans le mur ! Si vous voulez sauver la coopération européenne, il est temps de réagir, de remettre les choses à plat avant qu’il ne soit trop tard. L’Europe s’est élargie, elle doit maintenant s’amaigrir et s’en tenir à l’essentiel.

Article 46

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bodin, inscrit sur l’article.

M. Claude Bodin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les articles 46 et 47 inscrivent dans la loi de finances pour 2011 un prélèvement sur recettes au profit des communautés européennes qui prévoit le versement d’une aide financière pour des programmes de coopération à destination des États souhaitant adhérer à l’Union européenne.

Chaque année, la France verse donc à la Turquie, par le biais de l’Union européenne, près de 127 millions d’euros en vue de son adhésion. Ce pays a ainsi bénéficié, pour la période 2007-2010, de 383 millions d’euros de la part des contribuables français, au titre de l’aide à la pré-adhésion. Au total, il est donc prévu que la France verse à la Turquie 887 millions d’euros de crédits de pré-adhésion.

On peut s’étonner que de telles sommes soient attribuées à la Turquie alors que ce pays a, certes, vocation à construire avec l’Europe une relation privilégiée, mais nullement à devenir membre de l’Union européenne. Le Président de la République s’est clairement prononcé à ce sujet à plusieurs reprises, notamment dans le cadre des élections présidentielles, où il a indiqué : « Je veux une Europe qui ait une existence politique et qui ait une identité, par conséquent une Europe qui ait des frontières. La Turquie, qui n’est pas un pays européen, n’a pas sa place à l’intérieur de l’Union européenne. L’Europe sans frontière, c’est la mort de la grande idée de l’Europe politique. L’Europe sans frontière, c’est le risque de la voir condamnée à devenir une sous-région de l’ONU. Je ne l’accepte pas. »

Je présenterai donc, conjointement avec mon collègue Richard Mallié, un amendement prévoyant de diminuer le prélèvement sur recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget des communautés européennes, d’un montant représentant sa part dans l’aide financière de pré-adhésion attribuée à la Turquie, soit environ 16,7 % de l’aide qui sera versée.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat sur le prélèvement européen a essentiellement porté – ce qui est logique – sur la gouvernance économique de l’Union. Nous avons vécu la crise financière de 2008, puis la crise grecque : à chaque fois, non sans délais, les Européens ont fini par trouver un accord pour affirmer leur solidarité.

Cependant, la question qui se trouve posée aujourd’hui est celle de la mise en œuvre de mécanismes permanents qui évitent de revenir à ce type de situation. Cette question n’est pas nouvelle. C’est la résolution du Conseil européen d’Amsterdam qui a prévu, en juin 1997, à la fois les programmes de stabilité et la possibilité de recommandations à la majorité qualifiée du Conseil européen ; des sanctions étaient également prévues. Or ces mécanismes, largement occultés, se sont révélés inefficaces.

Nous avons eu le rapport Van Rompuy, nous avons eu les propositions de la Commission, qui posaient certainement des problèmes en termes de succession des volets préventif et correctif, d’automaticité des sanctions et de compétence au stade de la décision – des sujets effectivement difficiles. Beaucoup, dans cet hémicycle, ont salué l’accord franco-allemand de Deauville, qui ne fait pourtant pas l’unanimité en Europe. Je voudrais donc vous poser simplement une question, monsieur le secrétaire d’État : qu’est-ce que l’accord franco-allemand de Deauville apporte de vraiment nouveau et de durable par rapport au Conseil européen d’Amsterdam de juin 1997 ?

Il faudra beaucoup de volonté politique. Nous comptons sur la coopération franco-allemande, mais à condition que le consensus entre nos deux États se fasse sur plus d’Europe, et non pas sur moins d’Europe. Nous souhaitons que les parlements nationaux soient mieux associés, et je suis heureux d’avoir ouvert ce débat la semaine dernière. Cependant, l’enjeu de cette association n’est pas seulement le respect des souverainetés budgétaires, il doit être aussi la condition d’une adhésion plus forte aux ambitions de la construction européenne. Enfin, l’ambition passe également par le budget européen, j’y reviendrai dans un instant.

Mme la présidente. Souhaitez-vous prendre la parole, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Je crois qu’il ne serait pas convenable de ne pas répondre aux orateurs, madame la présidente, d’autant que nous avons eu un débat très riche. Si le choix d’une séance de lundi après-midi n’a pas permis la présence de députés en quantité, au moins avons-nous eu la qualité comme l’a reconnu l’un des orateurs de l’opposition, que je remercie.

Si vous le voulez bien, je vais essayer de tirer la substantifique moelle de ce débat

Je note que, sur l’essentiel, il existe un vrai consensus dans cet hémicycle, que ce soit sur le besoin d’Europe, sur le fait que l’Europe n’est pas qu’une charge, mais également une nécessité, sur le fait que des disciplines sont nécessaires. C’est un fait, les partisans de notre pays sont d’accord sur la plupart de ces points – seul M. Asensi ayant fait entendre une voix dissonante –, ce dont je me réjouis, car cet indispensable consensus est dans l’intérêt national.

M. Carrez, rapporteur général du budget, a dit des choses extrêmement importantes. Il a ainsi rappelé, comme M. Lequiller, la nécessité de nouvelles règles du jeu pour le parlement national, qui doit intervenir, notamment par le biais des commissions des finances. Il est important que le Parlement et le Gouvernement interviennent de concert dans cette discussion du semestre européen, lors de ce débat mais aussi, probablement, lors d’une conférence budgétaire européenne – ce qui est l’objet d’une excellente proposition de M. Lequiller. Nous avons tout avantage à ce que les parlements européens soient associés aux décisions qui seront prises dans ce domaine.

Vous avez certainement noté le souci du Gouvernement, tout au long de la préparation de ces disciplines nouvelles, de refaire du Conseil un endroit où se prennent les décisions politiques. Comme le disait M. Caresche, il ne faut pas entrer dans ce mécanisme infernal où les sanctions tombent automatiquement, un peu comme les amendes envoyées aux conducteurs flashés par un radar sur l’autoroute, ce qui a pourtant été le cas avec cette règle un peu curieuse de la majorité inversée, permettant que des décisions soient prises au sujet de la gestion du budget ou des orientations politiques sans que les parlements nationaux soient consultés. Fort heureusement, nous sommes revenus à la philosophie qui prévaut dans le traité, en particulier à l’article 126, ce qui me paraît important.

Gilles Carrez a souligné le rôle du Conseil en matière de politique des taux de change, un rôle consacré par l’article 219 du traité. Certes, nous n’allons pas déterminer seuls cette politique des taux de change – il faut tenir compte des décisions prises dans le cadre du G20, notamment à l’issue de la réunion des ministres des finances qui a eu lieu ce week-end, comme l’a dit M. Caresche –, mais nous sommes en phase avec des critères qui doivent nous permettre de démontrer de façon factuelle l’impact des taux de change sur les déséquilibres commerciaux. C’est l’une des clés dont nous devons tenir compte : les excédents des uns font les déficits des autres, et quand les déficits sont causés par les taux de change, il est nécessaire que le Conseil prenne des décisions. Sur ce point, tout le monde n’a peut-être pas les mêmes intérêts en Europe ; en tout état de cause, nous devrons porter une grande attention aux orientations définies dans le cadre du G20.

Vous m’avez demandé si ces considérations et ces agrégats faisaient déjà partie de la politique européenne. Sur ce point, il faudrait interroger ma collègue Christine Lagarde, qui se trouve en première ligne, mais, de la position qui est la mienne, je n’ai pas l’impression que ce soit le cas.

M. Moscovici a lui aussi, pour l’essentiel, confirmé ce consensus. D’ailleurs, je le redis, il est important qu’il y ait en France un consensus sur les grandes lignes de la politique européenne.

Non, l’Europe n’est pas une charge. Mais de là à insister pour que des dépenses nouvelles soient trouvées et que le budget soit plus fourni… Je veux le dire à l’opposition, notamment à M. Moscovici : en réalité, en Europe, je n’ai pas l’impression qu’il y ait aujourd’hui beaucoup d’États qui aient un surplus de trésorerie ou qui veuillent payer plus !

M. Christophe Caresche. C’est justement pour cela qu’il faut des ressources propres !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je vous entends dire, monsieur Moscovici et monsieur Caresche, qu’il faut dépenser plus, qu’il faut que le budget soit beaucoup plus volontaire, mais je n’ai pas l’impression que vous trouviez beaucoup de candidats autour de la table !

La remise à plat du budget de l’Union, qu’a souhaitée tout à l’heure M. Poniatowski, et que demande aussi l’opposition, ne sera possible qu’à partir du moment où nous serons dans la préparation des prochaines perspectives financières. Vous le savez bien : ce n’est pas en cours d’exercice que l’on peut remettre à plat l’équilibre général du budget européen.

Les dépenses militaires sont un sujet que je soulevais régulièrement lorsque j’étais moi-même parlementaire. Il serait souhaitable, en effet, que la charge, le fardeau de la défense soit mieux réparti à l’intérieur de l’Union. D’ailleurs, la réalité est sans doute pire encore que ne le laissent penser les chiffres cités par M. Poniatowski : c’est quasiment la moitié de l’effort militaire des Vingt-Sept qui est fournie par la France et la Grande-Bretagne seules.

M. Blum critiquait le manque d’enthousiasme dans la relation franco-allemande ; il semblait douter de celle-ci. Je veux lui dire, ainsi qu’à M. Myard, que j’étais hier soir et ce matin à Luxembourg, à une réunion des Vingt-Sept. Eh bien, j’entendais beaucoup de gens critiquer un diktat franco-allemand.

M. Jacques Myard. Bien sûr : nous nous sommes couchés devant Berlin !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. C’est la formule utilisée par un collègue – que je ne citerai pas – dans les couloirs.

La vérité, c’est que ce que l’on nous reproche, monsieur Blum, c’est bien plus de constituer un moteur trop puissant…

M. Jacques Myard. Il n’a plus guère d’essence !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. …que d’être un moteur incapable de grimper la pente !

En ce qui concerne les attaques contre la zone euro depuis le début de l’année, il faut avoir conscience du fait que, s’il n’y avait pas eu la France et l’Allemagne ensemble, elle aurait probablement éclaté.

M. Jacques Myard. C’est pour ça que Mme Merkel a dit qu’il fallait que la Grèce en sorte ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. M. Caresche disait tout à l’heure que, si nous n’avions pas eu l’euro, la crise financière eût été absolument épouvantable pour tous nos pays.

Si nous avons pu surmonter cette crise, malgré, c’est vrai, des différences politiques entre la France et l’Allemagne, c’est parce que nous avons été ensemble.

Que voulez-vous, nous sommes des pays étranges !

Le Bundestag a eu, en effet, un vrai débat pour savoir s’il fallait signer un chèque pour sauver la Grèce. Je rappelle que la moitié de l’argent mis sur la table pour sauver ce pays – sur un total de 80 milliards de crédits européens – a été donnée en gros à cinquante-cinquante par l’Allemagne et la France. Les Allemands ont donc mis quelque temps à se mettre d’accord pour signer ce chèque, alors que les Français l’ont signé, tous bancs de cet hémicycle confondus, en un après-midi.

En revanche, quand il s’agit de passer à un débat sur les économies, et notamment – je donne cet exemple presque au hasard – sur la réforme des retraites, c’est là que la tension apparaît en France, alors qu’en Allemagne on trouve un consensus !

C’est cela, la réalité de l’Europe, mesdames, messieurs les députés : nous avons des pays qui fonctionnent différemment mais, au final, les problèmes sont les mêmes.

Le problème était donc de savoir si le système pouvait survivre à des dérives de la part d’États membres forçant quelqu’un à assurer, derrière, la signature d’un chèque. Il était indispensable d’arriver à des mesures fortes qui, à la fois, pérennisent le système de garantie financière – ce qui n’était pas évident – et imposent une discipline plus grande.

À cet égard, M. Garrigue se demandait tout à l’heure ce qu’apportait Deauville par rapport au sommet précédent. Eh bien, il apporte une chose tout à fait fondamentale. Jusqu’à présent, la solution temporaire – très difficilement acceptable par le gouvernement allemand – consistait à renflouer un État en crise, ce qui va exactement à l’inverse de ce qui est dit dans le traité, celui-ci interdisant un tel renflouement. Or cette solution, de temporaire, va devenir pérenne. C’est cela, l’apport de Deauville.

M. Jacques Myard. Attendez, on n’a pas encore réformé le traité !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. C’est cela qui est proposé par la France et l’Allemagne ensemble ; c’est cela qui va garantir un mécanisme permanent de réponse aux crises, si toutefois ce genre de situation devait se reproduire.

Parallèlement à cela – et non pas en échange de cette décision, comme je l’ai entendu –, la France, aussi bien que l’Allemagne, pense que des sanctions de nature politique seront beaucoup plus efficaces que le fait d’ajouter des contraintes financières à une situation de trésorerie déjà difficile.

L’idée est que, lorsqu’un pays dérape de façon caractérisée, la sanction ne consiste pas seulement à lui imposer des pénalités financières, sachant qu’il est déjà en déficit, mais d’ouvrir un débat sur la question de savoir s’il peut ou non participer aux décisions de la zone monétaire en étant lui-même en dehors des règles.

Cette idée-là, je me permets de vous le dire, n’est pas une idée allemande ou exclusivement allemande ; c’est aussi vraiment une idée française, car c’est ce que pense le Président de la République.

Telles sont les deux propositions que nous mettons dans le paquet de préparation du Conseil de jeudi et vendredi. Elles sont absolument nouvelles par rapport au groupe Van Rompuy. Je dois d’ailleurs vous dire qu’elles ne font pas l’unanimité – c’est un euphémisme – autour de la table du Conseil. Encore une fois, d’aucuns reprochent à la France et à l’Allemagne ensemble de peser trop lourd dans le système. En même temps, c’est la garantie de la pérennité de ce système. Je le redis : la moitié de l’argent qui a été mis sur la table pour sauver la zone euro a été votée par le Bundestag et par votre assemblée.

Monsieur Perruchot, vous savez bien que je ne suis pas à l’origine du choix de cette séance qui se tient un lundi. Nous en parlions avec M. Lequiller : plus il y a de députés, mieux je me porte. (Sourires.) Le débat sur l’Europe concerne tous les Français.

M. Nicolas Perruchot. Hélas !

M. Jacques Myard. Hélas, en effet !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il est donc important que nous soyons le plus nombreux possible pour en débattre.

Sur le débat que vous avez ouvert concernant l’impôt européen et la contribution nationale, je vois bien quelle est votre idée : au fond, il s’agit de déléguer à l’Europe une partie du droit de lever l’impôt. Mais la difficulté, étant donné les pouvoirs nouveaux du Parlement européen, c’est que vous allez changer la nature de la construction européenne.

M. Charles de Courson. Allons vers une fédération !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. C’est un débat qu’il est loisible d’avoir, monsieur de Courson. Je dirai même qu’il faut avoir ce débat.

Le président de la commission des finances du Parlement européen est un Français, Alain Lamassoure. J’ai commencé, à mon modeste niveau, à organiser des débats entre eurodéputés et députés nationaux. Je crois qu’il est nécessaire que nous ayons ce débat, mais il faut distinguer deux choses. D’une part, il y a les ressources propres de l’Europe et les financements plus ou moins innovants que l’on peut trouver, notamment à travers la taxation des transactions financières.

M. Christophe Caresche. Vous seriez prêt à le faire ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il faut être ouvert à cette question, monsieur Caresche, absolument.

D’autre part, il y a la levée d’un impôt nouveau, ce qui est une autre histoire ; cela appelle un vrai débat de fond sur la nature de la construction européenne. Par ailleurs, cela suppose d’entrer dans un processus dont on ne connaît pas le plafonnement.

À ce sujet, je ne veux pas faire de peine aux décentralisateurs qui se trouvent dans cet hémicycle…

M. Charles de Courson. J’en suis !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. …mais vous savez bien la difficulté, et notamment vous, monsieur de Courson, qui connaissez bien les finances publiques : il ne faudrait pas que l’État contrôle d’un côté ses finances, tandis que, de l’autre, certains dépensent allègrement. C’est ce qui se passe parfois !

J’ai déjà cité plusieurs fois M. Caresche, pour lui dire à quel point j’ai été frappé par les convergences qui existent entre nous. J’en relèverai encore une autre : il faut naturellement éviter, comme il l’a dit, le risque qu’un assainissement précipité nous conduise à une rechute, à ce que les Américains appellent un double dip.

Il ne sert à rien de cacher qu’il y a en ce moment aux États-Unis des inquiétudes devant les cures d’austérité et les réductions des déficits que l’on observe un peu partout. Les dernières en date, en Grande-Bretagne, sont tellement fortes qu’elles ont envoyé une secousse considérable jusqu’à Washington.

Est-ce que cette cure de réduction des déficits publics – et j’en viens en même temps à ce qu’a dit M. Asensi – constitue un asservissement de nos économies à la logique libérale ? Je pense que ce n’est pas seulement de cela qu’il s’agit. Sur ce point, il faut faire attention. D’ailleurs, cela va peut-être vous surprendre, mais je ne suis pas totalement en désaccord avec vous. Il y a, dans ce que vous disiez, des choses qui me semblent frappées au coin du bon sens.

Il y a évidemment, dans le dérapage du capitalisme mondial, dans sa financiarisation et dans la rapacité des opérateurs financiers, l’une des causes majeures de la crise et des souffrances des peuples, auxquelles – je vous prie de le croire – je ne suis pas aveugle. Mais la solution n’est pas de continuer à dire aux Européens qu’ils peuvent vivre à crédit pour toujours.

La vérité, c’est que nous vivons à l’époque de la mondialisation. Nous, Français, avons vanté la multipolarité depuis des années. Eh bien, ça y est, nous y sommes ! Les Chinois, les Brésiliens ou encore les Turcs, bref des puissances régionales émergentes, travaillent plus et ont plus faim que nous.

Si vous dites aux peuples européens qu’ils peuvent continuer à dépenser allègrement tout en conservant leur modèle social que quelqu’un d’autre va financer, vous les condamnez à des lendemains qui vont déchanter très durement ; vous les condamnez à la faillite.

C’est pour cela que la maîtrise des déficits, la compétitivité de notre industrie, sans oublier les politiques communes que nous devons conduire en matière énergétique, industrielle et agricole – et pour lesquelles nous avons besoin de l’Europe –, sont inséparables de la protection de notre modèle social. C’est pour cela que, comme je l’ai dit tout à l’heure dans mon intervention, il y a une totale cohérence entre l’engagement français en Europe – l’Europe est dans notre intérêt, pour la défense de nos valeurs et de notre modèle social – et notre effort pour rendre plus compétitive notre économie pour les emplois de demain, pour nos enfants.

Jusqu’à un certain point, je vous suis donc, monsieur Asensi ; mais pas jusqu’au bout. Il ne s’agit pas seulement d’une mise au pas des économies européennes sur le modèle néolibéral. Au contraire, nous essayons – et c’est la réponse que je voulais donner à M. Caresche – de réduire les déficits, ce qui est nécessaire, tout en évitant le risque de tuer le début de croissance que nous avons. On observe en effet un taux de croissance de 1,5 % , avec la création de 60 000 voire – bientôt, j’espère – 100 000 emplois cette année, ce qui est mieux que pas mal.

Pourquoi l’Allemagne fait-elle mieux ? On a parlé d’un décrochage ou d’un risque de décrochage par rapport à elle, mais il faut quand même dire la vérité, en l’occurrence qu’un gouvernement socialiste a fait là-bas, il y a dix ans, une cure d’austérité en réformant le coût du travail, le temps de travail et les retraites, ce qui fait qu’aujourd’hui la machine économique allemande est beaucoup plus compétitive que toutes les autres à l’exportation.

M. Christophe Caresche. Mais après, ce gouvernement a perdu les élections !

M. Charles de Courson. Ce n’est pas grave ! L’essentiel, c’est d’avancer.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. C’est vrai qu’il a perdu les élections mais, à l’arrivée, l’Allemagne est à 3,5 % de croissance.

Sa croissance est tirée par les exportations vers les pays émergents et pas du tout, comme on le croit, par celles à l’intérieur de l’Union européenne.

Il n’y a pas d’autre différence entre la France et l’Allemagne qu’un décalage dans le temps du point de vue des réformes.

Je vous réponds donc : non, monsieur Caresche, la France ne se désengage pas de l’Europe.

J’ajoute, monsieur Asensi, par rapport aux réponses que j’ai déjà essayé de vous fournir, que, sur les politiques migratoires, je ne puis qu’être d’accord avec vous : l’argent consacré par l’Europe aux migrations internes, c'est-à-dire à l’aide aux malheureux qui sont censés bénéficier des dispositifs d’inclusion sociale et de l’article 2 du traité de l’Union, doit être effectivement dépensé, et cela d’autant plus que cet argent, nous le donnons !

Quant aux migrations extérieures, c’est un tout autre sujet, dont nous n’avons malheureusement pas le temps de débattre maintenant. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’Union européenne réglera ses problèmes en ouvrant toutes grandes ses portes à l’immigration : une politique migratoire, cela doit se gérer, comme tout autre politique ; lors de la présidence française, nous y avons d’ailleurs beaucoup travaillé.

Monsieur Myard, vous avez absolument raison de soulever les problèmes de la réciprocité, et de la naïveté de l’Union européenne vis-à-vis de ses concurrents étrangers ; vous avez raison de souligner que certains ayatollahs de la Commission sont allés beaucoup trop loin dans la voie du néo-libéralisme et d’une absence de politique industrielle. Le mot même de politique industrielle était d’ailleurs tabou ; jusqu’à une date récente, on ne pouvait pas même évoquer ces sujets !

Mais les esprits évoluent depuis la crise, en particulier sur l’idée de politique industrielle. Nous sommes quelques-uns à nous battre pied à pied, conseil après conseil : j’ai aujourd’hui le sentiment que l’on peut parler de réciprocité ; nous avons utilisé le terme lors du dernier Conseil européen, nous avons utilisé le terme lors des négociations stratégiques avec la Chine. C’est la première fois que la réciprocité est évoquée pour l’accès aux marchés publics ! C’était un tabou pendant longtemps : la Commission considérait cette notion comme du protectionnisme.

La notion de politique industrielle, considérée elle aussi il y a peu comme un gros mot français, est aujourd’hui intégrée aux documents de la Commission et à la stratégie Europe 2020.

Sachez que, sur tous ces points, nous avançons, même si ce n’est pas très facile et même si nous souhaiterions avancer plus vite. Mais enfin, monsieur Myard, la réalité m’oblige à vous dire que les 500 millions d’Européens ne sont pas tous français ; ils ne pensent pas tous comme des Français.

M. Jacques Myard. Il y en a qui ne pensent pas du tout !

M. Charles de Courson. Typique arrogance française ! (Sourires.)

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Il y a des gens qui pensent différemment : des Britanniques, des Suédois, etc.

Je réponds maintenant aux interventions sur l’article 46.

De façon générale, je rappellerai que le budget européen est régi par les mêmes principes que notre budget national, en particulier par celui de la non-affectation des recettes. En conséquence, la contribution française est versée au budget européen dans son ensemble, et il ne nous est pas possible de déterminer l’affectation de notre contribution, de même que nous ne pourrions pas décider de ne pas participer au financement de telle ou telle politique de l’Union européenne.

Sur le fond, je rappelle que la France – à l’époque du président Jacques Chirac – a reconnu à la Turquie le statut de pays candidat.

M. Richard Mallié. Malheureusement !

M. Nicolas Perruchot. Pas les Français !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Le Conseil européen unanime, et donc la France, a reconnu à la Turquie le statut de pays candidat. C’était à Copenhague.

M. Michel Bouvard. C’est comme aux Jeux Olympiques, on peut être candidat sans être retenu !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Comme les autres pays auxquels ce statut a été accordé, la Turquie bénéficie donc d’un programme d’aides financé par le budget communautaire.

Entre 2000 et 2006, elle a reçu au titre du programme d’aide de pré-adhésion près de 1,23 milliard d’euros. L’instrument d’aide de pré-adhésion, qui a remplacé les instruments précédents en 2007, est doté de 4,873 milliards d’euros pour la période 2007-2013. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà ce qui doit aller à la Turquie.

Ces crédits attribués à la Turquie par l’Union européenne, j’insiste sur ce point, ne préjugent en rien de l’issue des négociations engagées avec ce pays en 2005.

Sur cette issue, la position de la France, déterminée par le Président de la République, est connue. Il n’est pas vrai que le maintien de ces crédits entre en contradiction avec les propos du Président de la République : celui-ci sait parfaitement que la France a reconnu le statut de candidat de la Turquie ; il a dit avant son élection, et il l’a redit depuis, et le Gouvernement avec lui, que selon nous, Français, la Turquie n’a pas vocation à rejoindre l’Union. D’autres pays le pensent aussi.

Cela ne remet pas en cause les négociations de candidature, dont nous et les autres pays considérons qu’elles sont dans l’intérêt de la France, dans l’intérêt de la Turquie, dans l’intérêt de l’Europe : elles ont en effet pour résultat de hisser ce partenaire très important de l’Union européenne à un niveau juridique et réglementaire plus élevé.

Voilà pourquoi la Turquie conserve son statut de pays candidat, y compris sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Monsieur Bodin, nous appartenons en gros à la même famille politique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christophe Caresche. C’est vrai que c’est parfois difficile à voir !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Soyons absolument clairs sur ce point : la Turquie conserve ce statut, même si la France est opposée à l’adhésion de ce pays et qu’elle est plutôt favorable à un partenariat privilégié.

Si vous le souhaitez, je vous ferai passer une réponse écrite plus développée. Mais, pour avoir un tout petit peu travaillé à la relation entre la France et la Turquie, je peux vous dire que cette relation bilatérale est importante, et qu’elle est dans l’intérêt de nos deux pays. Nous en avons convenu ensemble lors de la visite en France, cette année, du Premier ministre Erdoğan et du Président de la République Gül : il y a entre nous un désaccord sur l’aboutissement des négociations – la Turquie veut entrer dans l’Union, nous ne partageons pas ce projet. Nous en avons parlé ouvertement.

Nous sommes cependant parfaitement d’accord pour renforcer nos relations politiques, économiques et stratégiques.

M. Christophe Caresche. Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. C’est dans l’intérêt de l’Union et dans l’intérêt de la France ; c’est ce que nous faisons.

Il est hors de question pour nous d’accepter de remettre en cause le statut de pays candidat de la Turquie. Je donnerai donc un avis défavorable aux amendements qui ont été déposés sur cet article.

M. Christophe Caresche. C’est clair !

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 13.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, j’ai noté que selon vous le principal apport du sommet de Deauville était la possibilité de renflouer un État en difficulté, ce que l’on appelle aussi le bailing out. Cela supposera tout de même de modifier les traités, mais c’est très bien. À mon sens, toutefois, ce n’est pas suffisant.

L’amendement n° 13 porte sur le financement du budget européen. Comme d’autres orateurs, je voudrais exprimer ma préoccupation : la France, comme un certain nombre d’autres États, refuse d’augmenter le budget européen. Les arguments invoqués sont, je crois, démagogiques : cette augmentation ne profiterait qu’aux fonctionnaires européens, une partie des crédits ne seraient actuellement pas consommés.

M. Jacques Myard. Mais c’est vrai !

M. Daniel Garrigue. Nous nous trouvons, je le rappelle, à la veille d’un certain nombre de discussions importantes : sur la politique agricole commune, sur les fonds structurels, par exemple. Vous avez parlé des Roms tout à l’heure : si nous voulons imaginer des solutions en Roumanie, cela passera en grande partie par des fonds structurels.

Si nous voulons avoir une politique de recherche et une politique industrielle dignes de ce nom, comment pourrions-nous ne pas augmenter rapidement le budget européen ?

Le problème, c’est celui des ressources propres. Je remarque seulement que, pour la TVA, c’est un peu difficile dans la situation actuelle. D’autre part, il n’y a pas de consensus pour une taxe sur les transactions financières. En revanche, le commissaire européen Michel Barnier vient d’annoncer qu’on devrait aboutir l’an prochain à une assiette uniformisée et consolidée de l’impôt sur les sociétés. Il me semble que cet impôt pourrait constituer la base pour un prélèvement supplémentaire de ressources propres pour le budget européen : une grande partie des actions de l’Union sont menées en direction des entreprises, ce ne serait donc pas illogique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission des finances a exprimé un avis défavorable.

Cet amendement vise en effet à remplacer le mot « participation » par le mot « contribution » : en filigrane, on aperçoit donc le débat sur les ressources propres que nous avons eu tout à l’heure.

Mais, aujourd’hui, il n’y a pas d’impôt européen. Or le terme de « contribution » laisserait entendre qu’il y aurait des « contributeurs ». Il n’y en a pas : c’est donc bien le terme de « participation » qui doit être utilisé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Même raisonnement et même avis de la part du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur Garrigue, il ne faut pas avancer masqué. Le problème que vous posez par cet amendement sémantique est tout à fait substantiel : c’est le problème des relations entre notre Parlement et la contribution européenne.

Plus on créera des mécanismes qui échapperont totalement au contrôle de ce Parlement, plus on augmentera la distance entre la représentation nationale et la nécessaire coopération européenne. C’est extrêmement grave ! Au moment où la notion de subsidiarité revient dans le débat grâce au traité de Lisbonne, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire.

Si vous voulez réconcilier la représentation nationale avec la nécessaire coopération et la nécessaire solidarité européennes, notre Parlement doit être au cœur des décisions, et notamment des décisions budgétaires, européennes.

(L’amendement n° 13 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 73.

La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le ministre, vous parliez de « réductions massives des déficits » ; monsieur le rapporteur général, vous parliez de « restauration des comptes et des financements, au détriment du reste ». Je vais peut-être vous donner l’occasion de récupérer quelques fonds.

Récemment, le président turc a reproché aux responsables politiques et intellectuels européens un « manque de vision » concernant une éventuelle entrée de la Turquie dans l’Union européenne ; il a imputé à l’Union une part des blocages.

Pour une fois, je partage entièrement ce point de vue de M. Gül et souhaite mettre fin à une certaine hypocrisie européenne. C’est pourquoi, avec Claude Bodin et une cinquantaine de députés, nous avons déposé un amendement visant à supprimer les crédits alloués à la Turquie dans le cadre de l’instrument d’aide à la pré-adhésion.

Chaque année, Claude Bodin l’a rappelé, la France verse indirectement à la Turquie près de 130 millions d’euros en vue de son adhésion. Tous les sondages réalisés en France vont dans le même sens : oui à un partenariat privilégié ; non à une adhésion. Aujourd’hui, seuls 38 % des Turcs sont favorables à une adhésion de leur pays à l’Union européenne.

Le Président de la Commission européenne a même évoqué « de profondes interrogations sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne en raison de différences culturelles ».

À ce constat sans appel s’ajoutent les griefs de la Cour des comptes européenne, qui a épinglé la Turquie au motif que seuls 30 % des objectifs du calendrier de pré-adhésion auraient été atteints. Aux dires mêmes de la Cour des comptes européenne, les fonds qui sont donnés ne servent pratiquement à rien, si ce n’est pour un tiers d’entre eux seulement.

Il est important de mettre un terme à cette incohérence politique et budgétaire.

Même si le porte-parole du commissaire européen au budget a déclaré que le montant du budget 2011 ne pouvait être modifié, sous-entendant que, pour lui, l’Assemblée nationale française était une simple chambre d’enregistrement, l’adoption de cet amendement serait un signal fort envoyé à Bruxelles.

Les symboles sont lourds de sens et l’adoption de cet amendement montrerait à la Commission européenne que l’Assemblée nationale a une profonde conviction à ce sujet et qu’elle a toute légitimité pour l’exprimer publiquement. Les parlementaires français ont leur mot à dire sur ce sujet, mes chers collègues. Envoyons un signal fort, car qui ne dit mot consent.

Je terminerai, monsieur le secrétaire d’État, en vous disant que la position de l’électorat français par rapport à l’Union européenne n’est plus ce qu’elle était en 2005 ; sans doute est-elle pire. Vous l’avez dit vous-même, les esprits évoluent. Mais ils n’ont pas du tout évolué dans votre sens à vous.

Mme Catherine Coutelle. Si !

M. Richard Mallié. Ne restez pas dans votre bulle, faites en sorte – je vous le demande solennellement – que cet amendement soit adopté.

M. Régis Juanico. Cela ne dépend pas du secrétaire d’État !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Mallié, me situant exclusivement sur le terrain des procédures et sur le plan budgétaire, je ne peux faire autrement que de donner un avis défavorable à votre amendement. Le raisonnement est très simple.

Nous sommes dans le domaine budgétaire. Le Gouvernement a évalué un prélèvement sur recettes pour participer au budget de l’Union européenne. Compte tenu des caractéristiques de ce budget telles qu’on les connaît aujourd’hui, le Gouvernement est obligé d’avoir un prélèvement sur recettes sincère. L’article 6 de la LOLF précise en effet que les « prélèvements sur les recettes de l’État sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de manière précise et distincte ». L’adoption de cet amendement introduirait un élément d’insincérité budgétaire.

Faut-il ou non dégager des financements au titre d’une éventuelle pré-adhésion de la Turquie ? C’est une question interne au budget européen. La procédure d’élaboration du budget pour 2011 commence. Le Parlement européen va s’en saisir et il regardera évidemment quels ont été les débats dans tel ou tel Parlement national sur ce sujet mais, s’il doit y avoir un réajustement, c’est une question à traiter au sein du budget européen.

Inscrire dans notre budget un prélèvement qui ne correspondrait pas aux engagements que nous avons pris vis-à-vis de l’Europe poserait un problème à deux niveaux : d’une part, au niveau franco-français, de sincérité budgétaire, ce qui est tout de même très ennuyeux ; d’autre part, par rapport aux engagements que nous avons pris de participer au budget européen selon une certaine clef de répartition.

Si la question que vous posez a toute sa légitimité dans le processus d’élaboration du budget, je ne peux, pour des raisons de forme qui me paraissent évidentes, incontournables, que donner un avis défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. À ces arguments de forme…

M. Michel Bouvard. Arguments fondamentaux !

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. …je voudrais ajouter, avec toute l’amitié et le respect que j’ai pour M. Bodin et M. Mallié, que, contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs, cet amendement n’est pas cohérent avec la politique européenne du Président de la République et de la France à l’égard des négociations de l’Union européenne avec la Turquie.

M. Christophe Caresche. Il y a des subtilités qui leur ont échappé.

M. Nicolas Perruchot. Pas du tout !

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. En effet, nous sommes favorables à la négociation, pour aboutir au partenariat privilégié. Nous avons d’autres partenaires à l’intérieur de l’Europe, l’Autriche par exemple, qui partagent eux aussi cette position.

La France se prononce pour que les négociations aboutissent à un partenariat privilégié et non à une adhésion. D’ailleurs, elle est en faveur de l’ouverture de trente chapitres de la négociation sur trente-cinq, mais elle s’est opposée à l’ouverture de tous les chapitres directement liés à l’adhésion.

Nous souhaitons progresser dans la négociation pour parvenir à un rapprochement plus étroit que l’union douanière avec la Turquie, qui est ce partenariat privilégié prévu par la Constitution.

Il ne faut pas non plus humilier un partenaire essentiel…

Mme Valérie Boyer. Un partenaire qui n’est pas correct ?

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. …sur la scène économique, sur la scène politique, sur la scène diplomatique, pour les relations avec le Proche-Orient, pour les relations avec l’Iran, pour les relations dans toute cette région.

M. Christophe Caresche. Vous avez raison. Ils sont inconscients !

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. Moi qui suis hostile à l’entrée de la Turquie – je crois avoir été l’un des tout premiers dans cet hémicycle –, je considère que ce serait une grave erreur de voter cette suppression qui, comme l’a très bien dit le rapporteur général, n’aboutirait pas, dans sa forme, à l’objectif que vous visez.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Je voudrais ajouter pour l’information des députés les éléments suivants :

S’agissant du volume des transferts qui sont prévus dans l’instrument de pré-adhésion sur la Turquie, compte tenu du nombre d’habitants et du niveau de développement, ce que reçoivent les Turcs, c’est 8 euros par habitant, à comparer aux 30 euros pour la Croatie et la Macédoine, qui sont dans des dispositifs analogues.

M. Nicolas Perruchot. Combien d’habitants en Croatie et combien d’habitants en Turquie ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Au regard du nombre d’habitants et du niveau de développement, l’écart est celui-là. C’est un fait.

Ensuite, comme l’a dit M. Carrez, il n’y a pas moyen de peser sur l’affectation de ces crédits dans le droit budgétaire européen, pas plus qu’il n’y a de moyens de le faire en droit budgétaire national.

Enfin, vous avez mentionné le rapport de la Cour des comptes européenne. Le rapport adopté le 22 octobre 2009 sur la gestion par la Commission de l’aide de pré-adhésion en faveur de la Turquie relève des déficiences dans la gestion de l’aide, en particulier pour la période 2002-2006, mais elle note également des améliorations sensibles. Cela a d’ailleurs fait l’objet d’un débat au conseil Affaires générales et les États ont adopté des conclusions qui invitent la Commission à prendre des mesures de contrôle supplémentaires.

Sur le fond, je voudrais vous dire, peut-être encore plus nettement que M. Lequiller, que voter cet amendement ne rendrait pas service à la politique étrangère de la France s’agissant de la Turquie.

M. Christophe Caresche. C’est clair !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. On ne saurait se réfugier derrière le Président de la République pour remettre en cause, en réalité, une politique très claire, celle du partenariat privilégié et non de l’adhésion.

La politique conduite par le Gouvernement nommé par le Président de la République dont je suis membre est extrêmement claire : il s’agit de considérer que la négociation d’adhésion continue et de ne pas remettre en cause le statut de candidat de la Turquie tout en disant clairement – beaucoup plus clairement d’ailleurs que la plupart des autres pays européens – que le point d’arrivée ne sera pas l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Le gouvernement turc le sait, tout comme l’opinion publique turque. Notre contribution à l’Union européenne représente quand même une vingtaine de milliards d’euros. Décider d’économiser une portion de cette somme juste pour punir la Turquie serait ressenti comme une humiliation par l’opinion turque. Je ne vous conseille pas une telle décision.

Je comprends bien sûr les raisons de politique intérieure qui animent les auteurs de l’amendement. Je ne vis certainement pas dans une bulle, monsieur Mallié, je connais parfaitement les problèmes auxquels vous faites allusion pour y avoir été confronté dans mon ancienne circonscription. Mais je considère que voter un tel amendement, et je m’adresse à tous les députés de la majorité, serait un mauvais coup porté à la politique étrangère du Président de la République. Je ne peux être plus clair. Après, que chacun prenne ses responsabilités.

Mais qu’on ne vienne pas m’expliquer que c’est cohérent avec ce que dit le Président de la République. C’est tout l’inverse.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. La question qui est posée est importante. Ce n’est ni un détail, ni une lubie de certains parlementaires qui voudraient faire parler d’eux que d’exprimer cet après-midi une différence avec le Gouvernement sur ce qui nous est proposé dans le cadre budgétaire par rapport à nos amis turcs.

Monsieur le secrétaire d’État, vous venez d’évoquer la politique étrangère. Je voudrais donner le sentiment d’un parlementaire français sur ce sujet. Je comprends qu’il puisse y avoir des considérations diplomatiques, mais au moment où l’Europe, avec le traité de Lisbonne et un service diplomatique commun, entend se déployer dans le monde, la politique étrangère de la Turquie est devenue quasiment incompatible avec les intérêts européens, et cela nous interpelle tous.

La Turquie a bien entendu le droit d’avoir sa politique étrangère, elle ne s’en prive pas, d’ailleurs. Pont entre l’Asie et l’Europe, comme elle se définit, soucieuse de n’avoir aucun ennemi à ses frontières alors qu’elle les a longtemps accumulés, elle développe désormais une politique largement dictée par son opinion publique, son voisinage et ses intérêts commerciaux, qui l’éloignent des contorsions qu’elle a dû faire après la Seconde guerre mondiale.

Pour réintégrer le concert européen, il lui a fallu éviter l’isolement, contenir le communisme, moderniser son armée, ce qu’elle fit grâce aux États-unis, à l’OTAN et à l’Union européenne.

Aujourd’hui, les dirigeants turcs, concevez que cela puisse choquer les parlementaires français, multiplient les accords et les visites avec la Syrie, l’Iran…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. La France fait pareil !

M. Nicolas Perruchot. …et le Soudan, et fraye avec les organisations islamistes extrémistes. Désormais, il vaut mieux être le leader de la fierté musulmane que l’exemple de l’islam laïc.

Mme Chantal Brunel et Mme Valérie Boyer. Très juste !

M. Nicolas Perruchot. Sur ce point, nous ne pouvons évidemment pas être d’accord avec nos amis turcs.

Pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, la Turquie a-t-elle voté contre l’Europe et les États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU qui a imposé des sanctions à l’Iran ? C’est une question importante que les parlementaires français que nous sommes devons nous poser.

Pourquoi la Turquie soutient-elle le président du Soudan, qui est poursuivi par la Cour pénale internationale ?

Pourquoi les soldats turcs n’ont-ils pas le droit de combattre en Afghanistan ?

Pourquoi l’Organisation de la conférence islamique, dont elle assure le secrétariat, ainsi que la Ligue arabe, dont elle est observateur, sont si importantes pour sa diplomatie ?

De Turquie, cette politique peut s’expliquer, mais elle n’a rien à voir aujourd’hui avec les intérêts européens, qu’elle contrarie de plus en plus.

Au-delà de la question du prélèvement, qui n’a pas de portée juridique et n’a donc pas autant d’importance qu’on pourrait l’imaginer, chacun sait que l’Union européenne de demain, celle que nous souhaitons, celle que les Français et les Françaises souhaitent, c’est une Union qui a plus besoin de densité que de dilution.

Mme Chantal Brunel. Très bien !

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. C’est à cela que nous sommes les uns et les autres très attachés.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Nous sommes d’accord.

M. Nicolas Perruchot. C’est évidemment avec la volonté de défendre la nécessité d’une densité retrouvée plutôt qu’une dilution, qui serait politiquement difficile à vivre pour nous tous, que nous présentons cet amendement.

Mme Chantal Brunel et Mme Valérie Boyer. Très bien !

Mme la présidente. Je rappelle que le temps de parole pour chaque intervention sur les amendements est de deux minutes.

Mme Valérie Boyer. C’était une très bonne intervention, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. L’amendement présenté par Richard Mallié, Claude Bodin et leurs collègues est particulièrement malvenu, particulièrement malveillant et particulièrement mesquin. D’ailleurs, puisque son objectif est, si j’ai bien compris,de faire réaliser des économies budgétaires à la France, je me demande très naïvement pourquoi, outre la Turquie, d’autres pays candidats à l’adhésion ne seraient pas visés – je pense à l’Islande, à la Croatie ou à la Macédoine – dans la mesure où l’exposé des motifs fait état de l’évocation par M. Barroso de différences culturelles. Des différences culturelles, nous en avons aussi avec les Islandais, les Croates ou les Macédoniens. C’est donc qu’avec la Turquie, il y a quelque chose d’autre, que nous venons d’entendre à l’instant dans la bouche de M. Perruchot lorsqu’il a évoqué la question religieuse, celle de l’islam.

M. Nicolas Perruchot. Ce sont des questions clefs !

M. Régis Juanico. L’Europe, ce n’est pas une question de frontières. (« Bien sûr que si ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C’est une question d’adhésion à des valeurs, un très haut niveau de démocratie, un haut niveau d’État de droit et de protection sociale. Ces dernières années, nous avons élargi l’Union européenne à des peuples qui sont allés progressivement vers ces valeurs. La Turquie, quant à elle, est candidate depuis 1963. Évidemment les conditions de son adhésion ne sont pas encore réunies et il lui reste encore beaucoup de progrès à faire. Il y a des contentieux territoriaux avec Chypre, l’Arménie. La Turquie doit notamment encore progresser sur la question des droits de l’homme et sur l’État de droit, mais ce qui nous est proposé, c’est un amendement de défiance et de stigmatisation à l’égard de la Turquie, dont on voit bien sur quel raisonnement il repose. Cet amendement est donc malvenu.

On nous dit qu’il faut laisser se dérouler les négociations, mais que l’on sait très bien qu’il n’y aura pas d’adhésion au bout du compte, qu’il y aura seulement un partenariat. Or, si on laisse se dérouler les négociations, c’est que l’on ne peut préjuger leur issue.

M. Christophe Caresche. Très juste !

M. Régis Juanico. À un moment donné, il faut envoyer au peuple turc un signal qui soit non pas un signal de défiance, mais un signal de confiance, parce que lui aussi va connaître le scepticisme. Il faut considérer l’adhésion de la Turquie comme un facteur d’enrichissement culturel et économique pour l’Europe, parce que c’est un pays dont l’économie est très dynamique, mais cela vous ne voulez pas le voir.

Mme Valérie Boyer. Nous le voyons, mais nous ne sommes pas d’accord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le secrétaire d’État, je fais partie de ceux qui pensent que l’on a fait entrer la Roumanie et la Bulgarie dans l’Europe beaucoup trop tôt, sans avoir bien établi certaines règles. L’on se rend d’ailleurs compte aujourd’hui qu’une grande partie de l’argent donné à la Roumanie n’a pas toujours été utilisé à l’intégration et à la promotion de certaines populations.

M. Nicolas Perruchot. Très juste !

Mme Chantal Brunel. Et l’on découvre le problème aujourd’hui. Nicolas Perruchot s’est remarquablement exprimé et je voudrais seulement préciser deux choses.

Il faut que l’on explique aux Français à quoi vont servir ces 129 millions d’euros, ces 887 millions qui auront été versés entre 2007 et 2013 pour aider la Turquie à réaliser son partenariat avec l’Europe. À quoi cela sert-il ? Cela représente huit euros par Turc. Or on ne peut pas dire que la Turquie ait fait des progrès dans les domaines des droits de l’homme ou de l’égalité.

J’ai beaucoup d’admiration pour la politique étrangère du Président de la République et pour ce qu’il va faire en matière de régulation financière au cours du G 20. Ses positions sont extrêmement courageuses. Je ne voterai donc pas cet amendement, mais il est urgent que la France exige de savoir à quoi sert l’argent. On découvre en effet aujourd’hui que celui donné à la Roumanie n’a pas servi à aider certaines populations à s’intégrer. On sait très bien qu’il y a beaucoup d’évasion. On demande aujourd’hui 129 millions aux Français alors que c’est une période difficile et que certains d’entre eux ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois, qu’ils n’ont plus de quoi manger dès le 15 du mois ! Il faut que la France exige qu’on lui dise à quoi sert cet argent. Je trouve donc cet amendement justifié et, si je ne le vote pas, c’est uniquement par solidarité avec la politique étrangère du Président de la République qui mène un combat difficile dans d’autres domaines au G 20.

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Le vote de cet amendement serait désastreux.

D’abord, juridiquement cela n’aurait pas de sens puisque l’on ne peut pas voter des dispositions séparant une partie des crédits alors que ceux qui sont inscrits dans le budget européen résultent de décisions auxquelles la France elle-même était partie. Si nous procédions à un tel vote, cette disposition serait écartée par le Conseil constitutionnel ou par la Cour de justice européenne.

Ensuite, et surtout, le message politique porté par cet amendement est déplorable. Une procédure est en cours depuis longtemps et la Turquie fait des efforts pour respecter certains critères avant que nous puissions nous prononcer sur son entrée dans l’Union européenne. J’ajoute que se pose aussi le problème de la capacité de l’Union européenne à accueillir la Turquie et, d’une certaine façon, des critères de l’Europe pour ce faire.

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que la Turquie fait d’incontestables efforts. J’y ai séjourné cet été et j’ai pu constater le développement considérable de ce pays, les investissements réalisés dans l’ensemble des régions. Le régime turc est souvent mis en cause, mais il est démocratique. Ce pays essaie de concilier les règles démocratiques et l’islam, dont il a une vision moderne. Il fait des efforts en matière de justice, notamment. Certaines dispositions pénales à l’égard des mineurs ont été récemment adoptées. C’est un pays qui fait des efforts pour reconnaître l’existence des religions minoritaires, notamment les orthodoxes et les catholiques arméniens. Quant à ses positions en matière de politique étrangère, elles sont très proches de celles que la France défendait il n’y a pas si longtemps. J’aimerais d’ailleurs que notre pays défende les mêmes positions que la Turquie sur un certain nombre de dossiers graves ! Adopter cet amendement serait donc une profonde erreur, un message désastreux.

Enfin, sur le plan diplomatique, comment, dans les capitales européennes et en Turquie, ne se poserait-on pas la question de savoir si cet amendement n’est pas en réalité un sous-marin ? S’il était voté, cela affaiblirait considérablement la position de la France vis-à-vis de ses partenaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Cet amendement ce n’est, ni plus ni moins, que la remise en cause de la totalité de la politique française étrangère et européenne. La position du Président de la République est extrêmement claire.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Très claire !

M. Marc Laffineur. Il a dit qu’il n’était pas question que la Turquie entre dans l’Union européenne, qu’il était pour un partenariat privilégié, mais qu’il fallait continuer à discuter avec ce pays. L’intérêt bien compris des peuples européens, et de nous Français, c’est que la Turquie se rapproche le plus possible des règles européennes. La rejeter serait extrêmement dangereux pour l’équilibre européen et même pour la paix en Europe.

Je comprends que l’on ait pu avoir envie de déposer un tel amendement pour des raisons de politique intérieure, mais le voter mettrait le Président de la République dans de très grandes difficultés.

M. Jean Gaubert. Il l’est déjà !

M. Christophe Caresche. Vous ne devriez pas donner de tels arguments ; nous pourrions être tentés de voter l’amendement !

M. Marc Laffineur. Comment expliquerions-nous aux autres pays qu’un tel amendement a été voté contre le gré du Président de la République alors que nous avons la majorité ? Cela sera impossible, d’autant que nous avons instauré des règles très strictes puisque, de toute façon, toute entrée dans l’Europe sera soumise à un référendum en France. C’est un verrou supplémentaire.

Faisons donc attention à ce que nous allons voter, chers collègues, et ne nous trompons pas ! Si nous votions cet amendement, il se passerait l’inverse de ce qui figure dans l’exposé sommaire : nous mettrions le Président de la République en très grande difficulté !

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. L’un des problèmes de l’Europe aujourd’hui c’est sa difficulté à assimiler l’élargissement. Je suis de ceux qui pensent que, dans le concert de la mondialisation, l’Europe doit se faire par cercles concentriques.

Mais si l’Europe est un socle de valeurs culturelles, c’est aussi un territoire et des frontières. À cet égard, je ne suis pas favorable à un nouvel élargissement, car je considère que la Turquie est hors des frontières de l’Europe.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Le Gouvernement aussi ! Ça tombe bien !

M. Robert Lecou. Toutefois, je ne voterai pas l’amendement de Richard Mallié pour diverses raisons. Celles, fondamentales, données par notre rapporteur général méritent d’être entendues et je les retiens. Mais bien d’autres raisons me font dire que nous ne pouvons pas aujourd’hui participer à l’humiliation d’une grande nation, d’un grand pays qui joue un rôle économique de plus en plus important, un grand rôle politique et un rôle diplomatique important au Moyen-Orient. Ce grand pays a vocation à être un partenaire privilégié pour l’Europe et la France, qui en ont besoin.

Voter cet amendement n’irait pas dans le sens des intérêts de la France, pas plus que dans celui des intérêts de l’Europe. Cela ne correspondrait pas du tout à la diplomatie française. Cependant, cela ne m’empêchera pas d’affirmer ici certains points de vue. D’ailleurs, le référendum qui a été inscrit dans la Constitution me paraît la meilleure des garanties pour les Français. Je demande à Richard Mallié de bien réfléchir. Nous pouvons considérer qu’il n’est pas souhaitable que la Turquie intègre l’Europe, mais ne votons pas un amendement qui aurait pour conséquence de l’humilier ! La Turquie est une grande nation, un grand pays !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’avais déposé un tel amendement il y a quelques années, mais je l’avais retiré après débat. En effet, la question qui se pose est : à quoi sert l’article 46 ?

M. Jacques Myard. À rien !

M. Charles de Courson. C’est vrai qu’il ne sert à rien, car qu’on le vote ou pas, de toute façon il s’appliquera puisque c’est un engagement international de la France !

M. Jacques Myard. Non !

M. Charles de Courson. Si, monsieur Myard ! Jusqu’à preuve du contraire, les engagements internationaux de la France priment sur le droit national. C’est le peuple français qui en a décidé ainsi.

Ce débat est donc très relatif. Que l’on vote ou pas cet amendement, cela n’a pas de sens techniquement. Le vrai problème est celui de l’attitude de la France à l’égard d’une éventuelle adhésion de la Turquie. Le Président Sarkozy a été très clair. Moi, je fais partie d’une famille politique qui est contre l’adhésion de la Turquie et pour un partenariat privilégié, comme tous les gens de bon sens. En effet, ne nous y trompons pas, une adhésion de la Turquie ce serait l’abandon de la construction d’une Europe politique. Les libre-échangistes ou les nationalistes,…

M. Jacques Myard. Mais c’est fini, ça ! Arrêtez de parler de choses qui n’existent plus !

M. Charles de Courson. …que j’aime bien – j’aime bien notre collègue Myard – ont le droit de s’exprimer, mais ce n’est pas notre position politique.

M. Jacques Myard. Le centre est nulle part et partout en même temps !

M. Charles de Courson. L’amendement soulève un vrai sujet, mais ce n’est pas le bon moyen. C’est pourquoi, à l’époque, j’avais retiré le mien.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. La question n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre l’adhésion de la Turquie.

M. Charles de Courson et M. Nicolas Perruchot. Bien sûr que si !

M. Christophe Caresche. Non, parce que le processus d’adhésion n’est pas parvenu à son terme ! La question est de savoir si l’on permet à la Turquie de poursuivre ce processus d’adhésion ou si on lui ferme la porte alors même qu’il n’a pas été mené jusqu’au bout.

Je n’ai pas d’idée arrêtée sur la question de savoir s’il faut que la Turquie intègre ou non l’Union européenne, mais je suis certain, comme M. Garrigue, que le fait d’adopter aujourd’hui un amendement qui remet en cause le processus d’adhésion n’est pas acceptable. Ce serait grave, car cela laisserait entendre que l’attitude de la France est dictée par des considérations purement intérieures et ne tient pas compte de la construction européenne. Car c’est aussi cela qui est en cause, et je souhaite pour ma part que la France poursuive la discussion à ce sujet avec ses partenaires européens.

Je voterai donc personnellement contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. La question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne est posée depuis quelque temps dans des termes erronés. En effet, si l’on considère la durée du processus d’adhésion, il est clair que l’Union européenne telle qu’elle existe aujourd’hui n’existera plus dans dix ou quinze ans. C’est une évidence.

Il y a cependant une ambiguïté, et je rejoins sur ce point Richard Mallié, c’est que notre aide à la Turquie est inscrite dans les crédits de préadhésion. C’est une erreur, et il ne faudrait pas parler de préadhésion tant que le processus n’est pas enclenché. Mieux vaudrait donc que Bruxelles inscrive ailleurs ces crédits.

N’oublions pas, quoi qu’il en soit, que la Turquie appartient au système européen : elle appartient au Conseil de l’Europe, à l’OTAN, et est un membre actif de l’Union pour la Méditerranée. Une fois n’est pas coutume, je soutiens donc le Gouvernement lorsqu’il parle de faux signal en matière de politique étrangère.

Mais laissons du temps au temps, car je suis intimement convaincu que, dans quelques années, la question de l’adhésion de la Turquie ne se posera plus dans les mêmes termes.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Bien sûr !

M. Jacques Myard. Cela dit, elle est une grande puissance avec laquelle il faudra compter, n’en déplaise aux uns ou aux autres.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Permettez-moi de vous dire que nous sommes en pleine hypocrisie politique et diplomatique, ce qui ne nous honore pas devant nos électeurs et nos concitoyens. Nous votons un budget qui concerne l’intégration de la Turquie à l’Union, alors que nous ne voulons pas l’intégrer !

La chose n’est pas nouvelle ; depuis des années nous en sommes au même point. L’Europe elle-même est obligée de constater que la Turquie ne fait aucun progrès vers l’adhésion. Et pour cause ! Un système parfaitement démocratique et respectueux des droits de l’homme aboutirait immanquablement, chacun le sait, à porter au pouvoir en Turquie des forces pro-islamiques. C’est inhérent au système turc, que je connais parfaitement.

M. Christophe Caresche. Mais non !

Mme Muriel Marland-Militello. Vous êtes donc hypocrites. Vous votez un budget qui prévoit l’intégration sans vouloir cette intégration. En d’autres termes, vous mentez ! Vous mentez à la Turquie, vous vous mentez à vous-mêmes et vous mentez au monde. Ce n’est pas un bon exemple. De surcroît, il s’agit d’un article dont M. de Courson vient de nous démontrer qu’il ne servait à rien ! Je suis contente que cet amendement ait été déposé, ne serait-ce que parce qu’il permet de montrer la réalité de votre hypocrisie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Si l’objectif de l’amendement défendu par Richard Mallié était de susciter un débat sur l’adhésion de la Turquie, c’est réussi !

Je me réfère pour ma part aux propos tenus par le rapporteur général Gilles Carrez, les seuls légitimes dans ce débat budgétaire. Sur le fond, chacun a son point de vue et a eu l’occasion de l’exprimer. La position du Président de la République et du Gouvernement a été rappelée, celle de l’UMP également. En revanche, nous sommes ici dans le cadre d’une discussion budgétaire, où n’ont pas à figurer des éléments à caractère non législatif comme, en l’espèce, cet amendement, qui n’a pas sa place dans une loi de finances, même s’il soulève des questions légitimes, qui méritent d’être débattues, y compris au sein du Parlement. Tenons-nous en donc aux règles, si l’on ne veut pas donner d’arguments à ceux qui contestent l’utilité des lois.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je ne peux pas laisser passer les propos de M. Chartier sur la nature de mon amendement. À quoi servons-nous donc ? Une de nos missions fondamentales est de voter le budget.

M. Christophe Caresche. Mais pas le budget européen !

M. Richard Mallié. Or il me semble que nous sommes en train de voter le budget, et plus précisément son article 46. J’en déduis donc que nous ne servons à rien, et je siège donc depuis presque quatre heures pour rien !

Cela dit, mon but n’était pas de susciter un débat sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, mais de nous inciter à la cohérence. Tous l’ont dit sur les bancs de l’UMP : nous sommes, comme le Président de la République, pour un partenariat privilégié avec la Turquie. Nous ne défendons pas la préadhésion. Les choses sont claires. Muriel Marland-Militello a raison : nous nous mentons à nous-mêmes et nous mentons aux Turcs. Quelle inconséquence !

Quant à l’Union pour la Méditerranée, c’est le remède trouvé par Nicolas Sarkozy au refus d’intégrer la Turquie.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Mais non !

M. Richard Mallié. Mais si ! Je me souviens très bien des débats que nous avons eus sur cette question en 2006.

Quoi qu’il en soit, à quelque chose malheur est bon. Je ne souhaitais pas ce débat, mais il a eu lieu. Chacun s’est exprimé, notamment à gauche, et je suis content d’entendre dire sur ses bancs que l’on défend l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Depuis que ce débat a commencé, on a entendu tout et n’importe quoi. C’est d’autant plus malheureux que Richard Mallié semble ne pas avoir bien compris ce qu’ont dit mes collègues et que je vais répéter. Comme la plupart des parlementaires, les socialistes s’interrogent sur le cas turc. En revanche, nous sommes sûrs d’une chose, c’est que nous avons intérêt à tisser des liens avec la Turquie.

M. Richard Mallié. On a la réponse : c’est le partenariat privilégié !

M. Jean Gaubert. En d’autres temps, il me semble d’ailleurs que la France s’est montrée plus ouverte qu’aujourd’hui, et si l’UMP a décidé de fermer la porte à la Turquie, c’est son problème, mais mieux aurait valu, dans ce cas, qu’elle commence par avoir un débat interne sur ce sujet.

Nous estimons, nous, qu’interrompre les discussions avec les Turcs serait un manquement à la parole donnée par plusieurs gouvernements. Quant aux conclusions de ces discussions, comment les deviner avant d’avoir étudié les éléments de convergence ? On peut aboutir à une adhésion, comme à une aide apportée à la Turquie pour qu’elle devienne le pilier d’une organisation moyen-orientale dont nous avons grandement besoin.

La majorité, quoi qu’il en soit, ferait bien de se concerter pour adopter une position cohérente, surtout dans cette période où le Président de la République prend des initiatives à l’extérieur pour regagner du crédit à l’intérieur. Je crains que le débat que vous avez lancé ne soit un mauvais service que vous lui rendez, à la veille du G8 et du G20.

Mme la présidente. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Je voterai naturellement contre cet amendement, qui constitue un geste inamical envers le peuple turc, au sein duquel existent des forces démocrates et progressistes qui veulent faire avancer la société et souhaitent une coopération intelligente et renforcée avec l’Europe.

L’amendement de M. Mallié est idéologique, et je vois bien, dans le contexte actuel, ce qui peut le motiver.

M. Richard Mallié. Mais ce n’est pas la première année que je le présente !

M. François Asensi. Je ne suis pas sûr néanmoins que, lors des prochaines consultations électorales, les questions d’immigration soient au cœur des préoccupations des Français, mais bien plutôt les questions sociales. Je vous incite donc à la plus grande prudence sur ce sujet.

M. Richard Mallié. C’est l’avenir de l’Europe qui est en jeu !

M. François Asensi. Quoi qu’il en soit, le processus de discussion doit continuer avec la Turquie, avant que nous arrêtions une position définitive. La façon qu’a M. Mallié de dire que la gauche est favorable à l’intégration, tandis que la droite y est défavorable est un peu manichéenne.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Merci, madame la présidente, d’avoir autorisé ce débat sur un amendement qui n’est rien d’autre qu’un cavalier. Vous savez fort bien, monsieur Mallié, que ce n’est pas à l’occasion d’un débat budgétaire que doit se poser la question de l’entrée ou non de la Turquie dans l’Union européenne.

M. Nicolas Perruchot. On saisit les occasions qui s’offrent !

M. François de Rugy. Vous parlez de cohérence. Sans doute vous adressez-vous en priorité à vos amis de l’UMP et du Gouvernement. Car c’est vous qui tenez depuis plus de trois ans un double langage. Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, a fait campagne, avec force déclarations, contre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ; à peine élu, le voilà rangé aux arguments de ses partenaires européens, favorables, eux, sinon à l’entrée de la Turquie dans l’Union, du moins à la poursuite des négociations.

Vous voulez continuer à entretenir la flamme antiturque, mais nous voterons contre votre amendement, monsieur Mallié, car nous refusons de nous situer dans cette perspective. Les écologistes ont toujours été clairs sur le sujet : nous n’avons aucune opposition de principe à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, donc à la poursuite des négociations entre l’Union et la Turquie, lesquelles ont beaucoup fait progresser la Turquie dans nombre de domaines.

Mais pour nous, il y a des préalables à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne : d’une part, du côté de la Turquie, quant à la reconnaissance du génocide arménien, aux Kurdes et aux questions de ce type ; d’autre part, dans l’Union européenne elle-même : nous dénonçons, une fois de plus, le fait qu’on ait privilégié l’élargissement par rapport à l’approfondissement.

M. Jacques Myard. Ce sont des mots !

M. François de Rugy. Nous avons toujours dit qu’il fallait procéder à l’approfondissement et ensuite seulement à l’élargissement. C’est là un débat sur l’Union européenne, et non sur la Turquie. Nous voterons donc contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Pendant ces quatre heures de discussion, nous avons pu mener deux débats passionnants, l’un sur le mécanisme de sauvegarde de la zone euro, sujet important qui fera l’objet d’autres discussions en fin de semaine, et l’autre sur cet amendement de M. Mallié, que je remercie…

M. François de Rugy. Très sincèrement !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État.… d’avoir provoqué une discussion de fond sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Là n’est pas le débat, d’ailleurs. Le Gouvernement est contre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, les choses sont bien claires.

Mais j’interviens sur deux points. D’abord, madame Marland-Militello, avec toute l’affection que je vous porte, je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement ment. Dire de telles choses, ce n’est rendre service ni au Gouvernement, ni au Président de la République, ni à la politique étrangère de la France.

Quelle est notre position ? A Copenhague, la France, comme la quasi-totalité des pays de l’Union, avait accordé le statut de candidat à la Turquie. Ce statut, personne ne l’a remis en cause. Simplement, ce que nous avons dit, c’est que nous sommes contre l’adhésion. La négociation continue car nous considérons qu’il est dans l’intérêt de la France qu’elle continue. C’est aussi dans l’intérêt des Turcs d’élever le niveau de la démocratie chez eux, et ils nous le demandent.

C’est également l’intérêt de nos relations bilatérales. Au passage, je rappelle que la Turquie est un pays où il y a, excusez du peu, une université francophone – j’y ai enseigné – et cinq lycées francophones ; nous y sommes le quatrième investisseur et nous y avons des intérêts économiques stratégiques majeurs. Ce pays se développe avec un taux de croissance de 9 %. C’est une puissance émergente importante sur le continent européen, qu’il nous faut considérer comme tel. En politique étrangère, – monsieur Perruchot, je ne suis pas aveugle sur ce que fait mon homologue Ahmet Davutoglu – nous suivons avec beaucoup de soin le déploiement de l’influence turque depuis le Maghreb et l’Afrique noire jusqu’en Asie centrale.

M. Jacques Myard. Ils défendent leurs intérêts, eux !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ce pays aspire à être un hub, comme l’on dit, dans le domaine énergétique. Il a une politique de puissance régionale, avec des positions qui ne sont pas exactement les nôtres par exemple sur l’Iran ou sur l’affaire de la flottille à Gaza. Nous suivons cela avec beaucoup d’attention et nous considérons que la Turquie est un acteur clé en Europe ; là n’est pas la question.

Face à cela, la position du Gouvernement, je le répète, est absolument claire : la France est pour la relation la plus étroite possible, dans le cadre d’un partenariat stratégique, avec la Turquie, comme nous aspirons à un tel partenariat avec l’Ukraine ou avec un grand pays comme la Russie.

Toute autre question sur l’adhésion n’a pas lieu d’être. Maintenant que M. Mallié a obtenu un débat fort intéressant sur ce sujet, je préférerais qu’il retire son amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Madame la présidente, je ne veux pas allonger encore le débat, mais je comprends que vous ayez donné la parole à ceux qui voulaient s’exprimer car, contrairement à ce qu’un de nos collègues a dit, l’opposition n’est pas entre la majorité et ceux qui n’approuvent pas sa politique : le clivage existe dans chaque groupe, les uns étant plus sensibles à des arguments de politique et de politique étrangère, d’autres plus enclins à accepter le processus pour des raisons économiques.

En tout cas, cher monsieur Mallié, l’opposition n’est pas entre la gauche et la droite, sinon ce débat aurait été beaucoup plus bref, et tranché beaucoup plus vite.

Si j’interviens, c’est sur la forme, en tant que président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré qu’accepter ou non cet amendement, c’était accepter ou non la politique étrangère. Un vote sur une ligne budgétaire ne donne pas lieu à la « question de confiance ». A trop vouloir dramatiser, il faut quand même veiller à ne pas aller trop loin. Si le Gouvernement souhaite poser la question de confiance sur ce sujet, c’est davantage du ressort du Président, du Premier ministre et du conseil des ministres que de l’initiative d’un ministre en séance. Ce ne serait d’ailleurs pas forcément très opportun. Il s’agit de voter ou non un amendement. Sur le plan institutionnel, il ne s’agit pas de voter ou pas la confiance à une politique et à un gouvernement.

(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)

(L'article 46 est adopté.)

Article 47 et état A

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements du Gouvernement, nos 645 et 644, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, il s’agit de traduire à l'article d'équilibre les votes intervenus au cours du débat à l'Assemblée nationale sur la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

Je veux d’abord me féliciter de la qualité du débat que nous avons eu sur la première partie fiscale de ce projet de loi de finances. L’Assemblée nationale, dans sa majorité, a conforté le Gouvernement dans sa démarche de réduction des niches fiscales et de préservation de nos recettes, en sachant trouver les justes compromis entre responsabilité et équité, sans nous éloigner de l’objectif intangible qu’est la réduction du déficit à 6 % du PIB l’an prochain, soit un effort de 40 milliards.

Nos débats ont permis de trouver des points d'accords importants.

Sur le crédit d’impôt recherche, votre assemblée a trouvé la voie d'un compromis en écoutant toutes les sensibilités. Il permet de préserver le dispositif, dont la stabilité est essentielle pour qu’il produise sa pleine efficacité. Il permet également de s'assurer contre les risques d’excès ou de dérapage de son coût pour les finances publiques.

Pour la période transitoire de mise en œuvre de la suppression de la part pour les personnes seules avant élevé un enfant votée fin 2008, nous avons également su trouver ensemble le juste équilibre entre la nécessité de maîtriser l’impact de ce régime transitoire sur les finances publiques et celle de lisser les ressauts d’imposition à un niveau acceptable pour les contribuables concernés.

S’agissant de l’aide fiscale à l’énergie photovoltaïque, à laquelle nous avons consacré un temps certain, je tiens à remercier tout particulièrement les élus ultramarins pour avoir fait confiance au Gouvernement en acceptant de voter le dispositif proposé, mais en l’assortissant d'une clause de rendez-vous dès le 30 juin 2011. Nous constituerons très rapidement, comme nous nous y sommes engagés, la commission qui sera chargée d’évaluer l’impact du dispositif adopté. Je me réjouis également de votre initiative pour traiter le problème de la dette accumulée par l'Etat vis-à-vis d'EDF au titre des aides décidées par le Grenelle de l'environnement pour soutenir les énergies renouvelables. J’entends déjà ici et là, à gauche, juger cette annonce « stupéfiante ». Ce qui est stupéfiant, c’est d’accompagner un processus politique et d’être en accord général avec la plate-forme du Grenelle de l’environnement et de ne pas en accepter la déclinaison naturelle sur le plan budgétaire. L’environnement n’a pas de prix, mais il a un coût. Il faut l’assumer quand on apporte son soutien à une politique.

Je me félicite également des efforts déployés à l'initiative de votre commission pour améliorer le solde budgétaire. Je tiens tout particulièrement à souligner l’impact de la mesure repoussant de trois ans la suppression programmée de l’impôt forfaitaire annuel, qui, me semble-t-il, concilie au mieux le respect de nos engagements avec la prise en compte du contexte particulier de nos finances publiques.

Je terminerai en évoquant deux sujets sur lesquels il me semble que le débat a vocation à se poursuivre.

Sur les mesures d'aide fiscale aux PME, vous avez souhaité aller encore plus loin que le Gouvernement : plus loin dans la générosité du dispositif dit « Madelin renforcé », en adoptant une très forte hausse des plafonds, plus loin en sens inverse dans la réduction des avantages en ramenant le taux du crédit d'impôt ESF-PME de 75 % à 50 %. Comme je l’ai indiqué au cours des débats, nous ne souhaitons pas adresser un mauvais signal quant à notre effort de réduction des niches : ni en étendant une niche existante, ni en appliquant un coup de rabot trop fort sur un dispositif qui a fait la preuve de son efficacité. Sur ces questions, comme sur celle de l'encadrement de la rémunération des dirigeants d'entreprises, le Gouvernement souhaite poursuivre la discussion au Sénat.

Pour la fiscalité du patrimoine et la question de l’articulation de l’ISF et du bouclier fiscal, les contributions de tous les groupes ont nourri un débat riche et de grande qualité. Je les en remercie. Je retiens de ce débat que, au-delà des clivages partisans, nous saurons dresser des éléments de constat partagé et jeter les bases d’un réexamen plus large de l’ensemble de la fiscalité du patrimoine et des revenus. Il sera au cœur de nos débats au printemps prochain.

Votre assemblée a souhaité poser des jalons en modifiant le régime des plus-values mobilières et immobilières. Le Gouvernement, vous le savez, souhaite plutôt réserver ces questions pour un réexamen global de la fiscalité de ces plus-values afin de présenter un ensemble cohérent au printemps. Le débat se poursuivra sur ce point au Sénat.

J’en viens aux amendements du Gouvernement. L’amendement n° 645 est rédactionnel et de coordination. L’amendement n° 644 modifie l’article d’équilibre pour tirer les conséquences des votes intervenus sur la première partie du projet de loi de finances. Les recettes brutes sont, globalement, majorées de 520 millions, principalement en raison du report à 2014 de la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle, qui procure un gain de 584 millions d’euros. Cent trente cinq millions supplémentaires sont dégagés pour le financement de la réforme des retraites – cette somme qui majore les recettes de l’État est intégralement rétrocédée à la sécurité sociale pour une affectation supplémentaire de taxe sur la valeur ajoutée. L'effet est ainsi neutre sur le solde comme nous en étions convenus.

Enfin, les débats relatifs aux collectivités territoriales ont conduit à majorer de 149 millions d’euros les prélèvements sur recettes de l'État à leur profit dont 115 millions d'euros seront affectés à la dotation globale de fonctionnement. Je ne reviens pas sur les débats qui nous ont permis d’atteindre ce consensus.

Je rappelle que ce mouvement correspond à l’ajustement d'une mesure de périmètre. Il ne remet donc pas en cause le respect de la norme de stabilisation en valeur des concours financiers de l’État aux collectivités locales mais en est la traduction jugée la plus fidèle par votre rapporteur général et par l'Assemblée, auxquels le Gouvernement, par ma voix, a accepté de se rallier.

Globalement, aux termes de travaux dont je tiens une nouvelle fois à saluer la qualité, l’équilibre est ainsi amélioré de 373 millions d’euros, ce qui ramène le déficit budgétaire à 91,6 milliards d’euros.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le ministre, chers collègues, dans tous les travaux que nous avons menés la semaine dernière, nous avons été guidés par un seul objectif, celui de ne pas dégrader le solde budgétaire. Nous sommes tout à fait conscients de la nécessité de garantir le mieux possible un parcours vers l’assainissement de nos comptes publics. On ne s’étonnera donc pas que l’examen de la première partie de la loi de finances se traduise par une amélioration conséquente du solde budgétaire. C’est une première. Pour le seul budget de l’État, l’amélioration est de près de 380 millions d’euros, et même plus car, s’agissant du rebasage des dotations aux collectivités locales, nous vous avons fourni un gage de qualité. Vous aurez à le mettre en forme, monsieur le ministre, puisqu’il relève du pouvoir réglementaire.

Si l’on raisonne sur l’ensemble des comptes, et pas uniquement sur le budget de l’État, nous vous avons aussi apporté des recettes pour les comptes sociaux.

Tous les membres de la commission des finances ont eu le souci d’améliorer le texte et de vous aider à remplir votre mission : l’ardente obligation de ramener le déficit à 6 points de PIB en 2011, contre 7,7 points cette année.

Je voudrais évoquer trois ou quatre sujets qui ont animé nos débats.

Premier sujet : le crédit d’impôt recherche. Nous pouvons être tous très heureux, membres de la majorité ou de l’opposition, d’avoir conforté ce dispositif d’une manière quasi-unanime – puisque les amendements ont été adoptés à l’unanimité – tout en procédant aux quelques ajustements nécessaires.

Après en avoir discuté aujourd’hui avec mon homologue au Sénat, je pense que ce dispositif ainsi conforté n’aura pas besoin d’être retouché, comme le souhaitait notamment Mme Lagarde. Nous pouvons affirmer clairement que cette mesure est à la fois nécessaire et bien calibrée.

Grâce aux travaux de qualité menés par la mission d’évaluation et de contrôle et par l’inspection des finances et grâce à ce vote à l’unanimité, le crédit d’impôt recherche est conforté.

Deuxième sujet : l’énergie photovoltaïque et l’outre-mer. Pour ma part – mais je crois que ma position est partagée par tous –, j’ai beaucoup apprécié l’esprit de responsabilité de nos collègues de l’outre-mer.

La commission qui va être constituée devra faire un travail rigoureux car nous sommes confrontés à une situation très difficile : une accumulation de dossiers et une date, le 29 septembre 2010, qui tombe comme un couperet. Je souhaite vraiment que cette commission puisse faire un travail constructif. En tout cas, nous sommes tous décidés à prêter une oreille très attentive aux demandes que formuleront nos collègues de l’outre-mer.

Troisième sujet : les collectivités locales. À cet égard, je voudrais vraiment saluer l’attitude impeccable du Gouvernement. Il n’y a pas eu de contestation de ce réajustement de la base qui représente 150 millions d’euros, une somme que nous serons très contents d’utiliser à bon escient en seconde partie, notamment au titre des différentes orientations à prendre, par voie législative, sur la DGF. Ceci va être très apprécié des collectivités locales.

Monsieur le ministre, je pense que cette position de l’État va renforcer la compréhension d’une très dure réalité pour les collectivités locales, qui est exprimée dans la loi de programmation pluriannuelle pour plusieurs années, à savoir que l’État ne sera pas en mesure d’augmenter, ne serait-ce que d’un euro, les concours qu’il leur verse.

Cette règle est d’autant mieux acceptée que l’État est irréprochable dans ses engagements, d’autant plus que vous avez accepté de sortir de cette contrainte à la fois le Fonds de compensation pour la TVA et le produit des amendes.

S’agissant des postes qui nécessitent quelques ajustements, je pense que tout se passera parfaitement tant au Sénat qu’en commission mixte paritaire. Nous avons, les uns et les autres, des habitudes de travail et une connaissance des points d’arrivée : monsieur le ministre, je pense que vous n’avez pas de souci particulier à vous faire sur les quelques sujets que vous avez pu évoquer.

Pour terminer, je voudrais remercier vraiment très sincèrement tous les collègues qui ont participé aux débats qui, cette année, ont été de très grande qualité. Les interventions de la majorité comme de l’opposition n’ont pas donné lieu à des temps morts ou à des polémiques inutiles. Chacun s’est exprimé de façon toujours très constructive, je tiens à vous en remercier tous ainsi que les porte-parole des groupes.

J’aurai aussi un mot de remerciement pour le président de la commission des finances dont j’ai beaucoup apprécié l’esprit extrêmement constructif à l’occasion de ce premier travail en commun sur le budget.

Ce n’est pas une coutume de se couvrir d’éloges, mais nous pouvons être collectivement satisfaits car nous avons fait du bon travail. Monsieur le ministre, vous semblez le juger comme tel puisque, si j’ai bien compris, nous n’aurons pas de seconde délibération. C’est une très bonne chose.

Nous allons donc examiner les ajustements proposés par l’amendement n°644 et qui, à mon avis, correspondent exactement aux décisions que nous avons prises la semaine dernière.

Merci à vous, monsieur le ministre, et merci à vous, chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je remercie Gilles Carrez des propos très aimables qu’il a tenus à mon égard.

Je voudrais soulever deux questions techniques et faire une remarque de fond.

La première question concerne l’amendement de notre collègue Nicolas Forissier sur le rehaussement des plafonds de la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin », que vos services évaluent à 10 millions d’euros, monsieur le ministre. Quel degré de fiabilité attachez-vous à ce chiffre ? Si vous pouviez m’apporter une réponse, j’y serais assez sensible.

La deuxième concerne l’abaissement de 75 % à 50 % du taux de la réduction d’ISF au titre des investissements dans les PME, qui porte sur une centaine de millions d’euros. Dans votre intervention, j’ai cru comprendre que le Gouvernement n’y était toujours pas favorable, nonobstant le vote de l’Assemblée nationale.

Si cette mesure demeurait, si le Gouvernement ne revenait pas dessus à l’occasion de l’examen du texte au Sénat, l’Assemblée y serait sensible.

Comme le rapporteur général l’a indiqué, nous avons majoré le solde de l’État de façon favorable à l’équilibre de nos finances publiques d’un montant de l’ordre de 400 millions d’euros. Voyez l’importance relative de cette mesure à près de 100 millions d’euros, au regard de l’ampleur des travaux que nous avons pu mener.

Vous comprendrez donc que l’Assemblée nationale soit légitimement attachée à cette disposition.

À mon tour, je voudrais me réjouir de la qualité de nos débats. Les positions des uns et des autres sont connues ; elles ont été exprimées de façon très respectueuse, malgré quelques manifestations d’agacement tout à fait marginales et également réparties. Dans l’ensemble, la semaine budgétaire fut tout à fait digne, témoignant parfaitement de la juste revalorisation du rôle du Parlement.

Nous nous associons, le rapporteur général et moi-même, pour remercier les services de l’Assemblée, particulièrement ceux de la commission des finances dont les administrateurs ont fourni un travail absolument remarquable, dans un délai raccourci d’une semaine par rapport aux années précédentes.

L’année prochaine, le budget ne devrait pas être plus simple à élaborer que celui-ci. Monsieur le ministre, si vous pouviez veiller à ce que les dates traditionnelles – qui ne sont naturellement pas constitutionnelles – soient respectées, tous les parlementaires et les services de la commission y seraient extrêmement sensibles.

Cette année, une semaine de plus pour travailler n’aurait pas été de trop ; l’année prochaine, je crois que ce sera nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Comme mes prédécesseurs, je voudrais souligner la très grande qualité de nos débats, ce qui n’a pas toujours été le cas. Certes, cela ne fait que dix-sept ans que je m’occupe de ces questions, comme Gilles Carrez…

Des sujets tels que l’ISF et le bouclier fiscal ont suscité des échanges intéressants qui ont fait progresser le débat. J’espère qu’il progressera aussi dans l’opinion publique, pas seulement au sein d’une poignée de quelques dizaines de parlementaires qui s’intéressent au débat budgétaire.

Nous avons aussi assisté à un début de mutation culturelle : nous avons accru les recettes fiscales brutes de 520 millions d’euros, alors que d’habitude la majorité passe son temps à se plaindre au Gouvernement du montant trop élevé des impôts. Certes, 150 millions d’euros ont été redéployés vers les collectivités territoriales pour respecter le maintien de la croissance zéro hors FCTVA. Soit dit en passant, ce fonds baisse, mais ne revenons pas là-dessus.

Nous avons donc eu une attitude responsable. Il faudrait encourager tous les collègues à participer aux débats, qui sont intéressants et permettent de modifier un peu le projet de budget.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Pas trop ! (Sourires)

M. Charles de Courson. Avant de voter, monsieur le ministre, je voudrais vous poser deux questions sur l’exposé des motifs de votre amendement n°644.

Comme le président de la commission, je ne comprends pas le coût de 10 millions de la réduction d’impôt Madelin. Pourriez-vous nous l’expliquer ?

Étant un peu l’auteur de l’amendement sur le coût de la demi-part supplémentaire des contribuables vivant seuls, je m’étonne des chiffres qui diffèrent de ceux figurant dans la fameuse annexe que vous nous aviez donnée, pour réduire le biseau de cinq à quatre ans. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

Enfin, quelle sera l’économie obtenue grâce au toilettage du crédit d’impôt recherche – l’impact de sa moindre hausse – en 2012 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. Vous me permettrez d’associer le Gouvernement à la reconnaissance de la qualité – toujours remarquée et signalée – des administrateurs de l’Assemblée, et en particulier de ceux de la commission des finances. Cela m’a fait plaisir de les voir. Par la qualité de leurs prestations, ils ont permis de fluidifier les exposés d’intervenants qui ne sont pas d’accord sur tout.

Pour en revenir à l’amendement n° 644, j’indique que les 10 millions évoqués par le président Cahuzac correspondent au quadruplement du plafond.

En revanche, le fait d’avoir ramené de 75 à 50 % le taux de la réduction d’ISF au titre des investissements dans les PME, rapporte quelque 166 millions d’euros en année pleine. Puisque nous raisonnons sur six mois – déclaration de l’ISF au 15 juin –, nous devons retenir la somme de 83 millions d’euros dans nos calculs.

Pour le reste, cher Charles de Courson, vous me permettrez de vous transmettre les éléments de doctrine qui, je l’espère, n’altéreront pas votre engagement en faveur de ce budget.

(L’amendement n° 644 est adopté.)

(L’amendement n° 645 est adopté.)

(L’article 47 et l’état A annexé, amendés, sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

La Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2011 auront lieu le mardi 26 octobre, après les questions au Gouvernement.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 26 octobre à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et sur la première partie du projet de loi de finances pour 2011 ;

Discussion sur les rapports des commissions mixtes paritaires des projets de loi portant réforme des retraites et relatif à la gestion de la dette sociale ;

Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente.)