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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 15 décembre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean Mallot

1. Voies navigables de France

Discussion générale (suite)

M. Antoine Herth

M. Alain Gest

M. Arnaud Richard

Mme Nicole Ameline

Mme Françoise Hostalier

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports

Discussion des articles

Avant l’article 1er

Amendement no 3

Mme Françoise Branget, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Article 1er

Amendements nos 20, 4

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Amendements nos 5, 6, 14 deuxième rectification, 13, 7, 8

Après l’article 1er

Amendement no 11 rectifié

Article 2

Amendement no 9

Article 3

Article 4

Amendements nos 19, 21 deuxième rectification

Article 4 bis

Après l’article 4 bis

Amendement no 12

Articles 5 à 8

Après l’article 8

Amendements nos 18 rectifié, 15 troisième rectification, 17, 22 (sous-amendement)

Articles 10 et 11

Explications de vote

M. Philippe Duron, M. Daniel Paul

Vote sur l'ensemble

2. Réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports

M. Daniel Fidelin, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Discussion générale

Mme Huguette Bello

Mme Françoise Branget

M. Serge Letchimy

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Alfred Almont

Mme Chantal Berthelot

Mme Christiane Taubira

M. Thierry Mariani, ministre

Discussion des articles

Article 1er

M. René-Paul Victoria

M. Serge Letchimy

Amendements nos 21, 22, 15 rectifié, 16, 35

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Amendements nos 17, 19, 18, 20, 23, 24 rectifié

Article 2

Article 3

M. Daniel Fidelin, rapporteur

Amendements nos 36, 5 rectifié, 4 rectifié, 25, 33

Article 4

Amendements nos 7, 6, 26

Article 5

Amendements nos 9 rectifié, 8 rectifié, 27, 34

Article 6

Amendements nos 11 rectifié, 10, 28

Article 7

Amendements nos 13, 12, 29

Article 8

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Thierry Mariani, ministre

Amendement no 37

Après l'article 8

Amendement no 31 rectifié

Article 9

Après l'article 9

Amendement no 32

Explications de vote

M. Serge Letchimy

Vote sur l'ensemble

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Jean Mallot,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Voies navigables de France

Suite de la discussion d’un projet de loi adopté
par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux voies navigables de France (nos 3871, 3942).

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des transports, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure, mes chers collègues, lorsque nous parlons de la beauté des paysages de la France, nous vantons tantôt nos champs, tantôt nos montagnes, tantôt nos forêts. Quant à nos cours d’eau, bien qu’ils aient donné leurs noms à des départements, nous les oublions parfois.

Avec 8 500 kilomètres de voies navigables, notre pays dispose pourtant du plus grand réseau fluvial d’Europe. Pour tirer profit de cette richesse, furent créées les Voies navigables de France. Or, vingt ans après la fondation de VNF, nous sommes tous arrivés au constat qu’une réforme de notre politique fluviale est nécessaire. D’une part, de nombreux dysfonctionnements ont été mis en lumière. D’autre part, le Grenelle de l’environnement fixe un objectif ambitieux : d’ici à 2022, la part du fret non routier et non aérien devra passer de 14 à 25 %. Une refonte de notre politique fluviale était donc urgente et nécessaire.

Pour changer de politique, deux outils sont à notre disposition : le budget et la gouvernance.

En ce qui concerne le budget, 840 millions d’euros d’investissements sont d’ores et déjà prévus pour la période 2010-2013. À l’horizon 2018, VNF a l’ambition d’effectuer pour près de 2 milliards d’euros de travaux.

Pour ce qui est de la gouvernance, nous touchons ici au cœur du texte. Le but est de renforcer la capacité d’action de VNF. Pour cela, les agents de l’État, autrefois sous l’autorité hiérarchique du ministre, et les salariés de droit privé seront regroupés sous la seule autorité de l’établissement public. Ce dernier verra aussi ses missions élargies. Il pourra ainsi exploiter au mieux tout un potentiel.

Ce texte souhaite aussi répartir de manière plus lisible les pouvoirs de la police de l’eau entre l’État et VNF.

Lancée sous l’impulsion du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, cette réforme s’est déroulée de manière absolument exemplaire. Alors que certains craignaient une privatisation des cours d’eau, l’État a apporté de nombreuses garanties aux syndicats, si bien que la réforme ne rencontre plus d’opposition majeure. Les agents conserveront les stipulations de leur contrat d’origine et aucune mobilité ne sera imposée. L’engagement de l’État se manifestera aussi par la transformation du statut de VNF, qui deviendra un établissement public à caractère administratif. De même, les canaux demeureront la propriété exclusive de l’État.

Bref, vous l’aurez compris, simplification, clarification et dialogue ont été les maîtres mots de ce texte.

Par ailleurs, l’exemplarité a marqué le travail en commission et les échanges que l’Assemblée a pu avoir avec le Sénat se sont révélés fructueux. Nous avons su montrer qu’un dialogue constructif pouvait être établi avec la nouvelle majorité sénatoriale. Ainsi, les sénateurs ont symboliquement choisi de conserver l’appellation VNF, décision que nous cautionnons.

La commission a également adopté des amendements visant à renforcer les moyens d’action de VNF – je sais que nous aurons notamment un débat sur la question du domaine navigable. La commission a su faire preuve d’ouverture d’esprit et je vous invite, monsieur le ministre, à nous suivre dans cette voie.

Puisque j’évoque les acteurs en présence, permettez-moi d’aborder la question des collectivités territoriales. Nous devons les encourager à devenir de véritables moteurs de la politique fluviale. Lorsqu’il s’agit de tourisme et d’aménagement du territoire, l’État seul ne peut faire les choix les plus appropriés.

À ce titre, permettez-moi d’évoquer un cas particulier qui concerne ma région. Le présent texte, dans son article 4, fait obstacle au souhait des collectivités alsaciennes d’obtenir le transfert des concessions des quatre ports du sud de l’Alsace. Les grandes collectivités alsaciennes ont demandé le transfert, à titre expérimental, de ces ports pour renforcer leur développement et créer un « hub logistique » avec la Suisse et l’Allemagne. Notre collègue Françoise Branget défendra un amendement allant en ce sens et je vous invite à lui réserver un accueil favorable.

En réalité, cette spécificité régionale n’en est pas une. Nous savons tous ici que les moyens budgétaires de l’État sont limités. C’est pourquoi de nouveaux financements devront être trouvés et les collectivités territoriales devront s’investir dans la politique fluviale.

L’avenir est aussi à la modernisation du réseau. Si la France veut rattraper son retard sur ses voisins européens, au-delà des déclarations de bonne volonté, ce sont des chantiers concrets qu’il faudra mettre en œuvre. Je pense par exemple à l’automatisation des écluses et à l’ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre des canaux à grand gabarit. Ces investissements ne doivent pas nous effrayer car ils favoriseront l’emploi. À titre d’illustration, j’ai pu lire que l’activité engendrée par le canal Seine-Nord devrait créer près de 45 000 emplois jusqu’en 2050. En modernisant nos cours d’eau, nous aurons donc l’occasion de mesurer à quel point des politiques de développement durable peuvent être bénéfiques à l’activité économique.

Pour finir, j’aimerais élargir le débat et remettre le transport fluvial en perspective. Il connaît évidemment un retour en grâce en raison des orientations votées par l’Assemblée dans le cadre des lois Grenelle – je salue à cet égard les contributions d’Alain Gest, qui par ailleurs préside actuellement aux destinées de VNF –, ainsi qu’en raison du lancement du chantier Seine-Nord-Europe annoncé par le Président de la République.

Au-delà d’un possible effet de mode, la voie d’eau est économiquement plus performante pour déplacer les marchandises, pour peu que nous prenions la peine de l’inscrire dans une approche globale.

Sur une distance de 350 kilomètres, le déplacement d’une tonne de fret coûte de l’ordre de 20 euros pour le camion ainsi que pour le rail tandis qu’il coûte entre 12 et 17 euros sur une péniche, selon son gabarit. À ces dépenses facturées au client, il conviendrait d’ajouter les coûts externes liés aux accidents, aux dommages environnementaux, à la dégradation des infrastructures, bref, toutes ces dépenses indirectes qui viennent grever les budgets de la sécurité sociale, de l’État ou des collectivités territoriales. Et là, les écarts se creusent. Ces coûts externes sont évalués à 12 euros par tonne-camion, 5 euros par tonne-rail et seulement entre 3 et 4 euros par tonne-fluvial. Investir dans le développement du transport fluvial sur longue distance est donc un moyen pour ménager, à terme, les comptes publics.

La réussite de cet exercice de reconquête de nos voies d’eau passe par une meilleure gouvernance de l’agence VNF : ce texte va dans ce sens, et doit être considéré comme une première et importante étape.

Mais, dans un deuxième temps, il faudra aussi se préoccuper de l’avenir du métier d’artisan batelier, d’une renaissance des chantiers de construction et d’entretien des péniches et, plus simplement, de tout ce qui peut contribuer à la compétitivité du pavillon français.

Enfin, l’évolution de notre réseau de canaux telle qu’envisagée dans le projet Saône-Moselle/Saône-Rhin, doit donner la priorité à la cohérence avec le réseau fluvial européen pour permettre à la France de jouer son rôle de trait d’union entre les économies septentrionales et celles du bassin méditerranéen.

Mes chers collègues, en introduction de mon propos, j’ai évoqué les images et les représentations collectives que tout un chacun peut avoir. Or, la relation entre les Français et leurs voies d’eau est moins affective que chez d’autres peuples – par exemple les Néerlandais. Si révolution fluviale il doit y avoir, elle doit aussi se faire dans nos mentalités. Alors qu’elle était jusqu’alors en marge de nos activités, nous devons apprendre à replacer la voie d’eau au cœur de notre économie, de nos transports et de nos lieux de vie.

Cela nécessitera du temps, mais je crois que ce texte est une première pierre, qui, espérons-le, fera ricochet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le présent projet de loi a l’apparence d’un texte purement technique, le contenu d’un texte purement technique, mais il est bien plus, à mes yeux, qu’un texte purement technique.

Il marque le plein retour du mode fluvial dans les préoccupations des pouvoirs publics. L’État n’est pas moins présent, comme j’ai pu l’entendre cet après-midi, mais au contraire plus présent que jamais dans le domaine des voies navigables.

Il est, monsieur le ministre, une nouvelle concrétisation de la philosophie portée par le Grenelle de l’environnement, dont j’entends parfois dire, sur certains bancs, qu’elle ne serait pas respectée. Dans le domaine du transport, le choix du transfert modal va se traduire par une augmentation de la part du fluvial.

Le mode fluvial est en progression, certes modeste, mais constante depuis vingt ans. L’an passé, le trafic marchandises avait progressé, sur les voies d’eau, de près de 9 % pendant que les autres modes de transport étaient en recul.

Cette année encore, en dépit de circonstances économiques peu favorables, la progression sera encore sensible, particulièrement en région parisienne et sur le Rhône. Cela s’explique par les spécificités du mode fluvial, à savoir sa fiabilité, son caractère écologique et son coût inférieur aux autres modes de transport. S’ajoute à cela le développement de la conteneurisation, qui a permis à de nouveaux secteurs d’activité de se joindre aux clients historiques que sont les produits agricoles et les pondéreux.

Cette évolution nécessitait trois types de décisions : moderniser le réseau existant, notamment à grand gabarit, lancer les grands projets structurants pour compléter notre réseau et doter Voies navigables de France d’une organisation plus adaptée.

S’agissant de la modernisation du réseau existant, vous avez répondu, monsieur le ministre, depuis le budget de 2011, en multipliant par 2,5 la capacité d’investissement de Voies navigables de France sur la part de l’État. C’est ainsi que l’établissement devrait investir 840 millions d’euros pour mettre à niveau son réseau, trop longtemps délaissé, en confortant les berges, en remplaçant des barrages manuels ou des écluses, ou bien encore en rehaussant des ponts. C’est un niveau d’engagement sans précédent, marqué notamment par les travaux sur le canal du Rhône à Sète ou par la transformation, dans le cadre d’un partenariat public-privé, de vingt-neuf barrages sur la Meuse, principalement dans le département des Ardennes qui a tant besoin d’activités créatrices d’emplois.

À l’attention de notre collègue Daniel Paul, je précise que tout cela se fera sans fermeture de réseau à la circulation. Une note dite de RGPP, si respectable que soit celle-ci, ne fait pas nécessairement un principe repris par le Gouvernement.

S’agissant des grands projets structurants, grâce au volontarisme du Président de la République, le projet de canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe est devenu une réalité en entrant dans la phase de dialogue compétitif du partenariat public-privé. À la fin de 2012, nous connaîtrons l’entreprise chargée de mener à bien ce projet, qui doit être opérationnel en 2017. Dans le même temps, Voies navigables de France est également chargé de la préparation du grand débat public concernant l’autre grand projet, Saône-Moselle/Saône-Rhin, débat qui se tiendra au début de l’année 2013, après celui actuellement en cours pour la mise à grand gabarit de la Seine amont.

Il restait, et c’est le troisième axe fort de votre politique fluviale, à transformer Voies navigables de France, établissement public industriel et commercial créé voilà vingt ans. Tel est l’objet de ce projet de loi.

Je salue les modifications apportées par le Sénat au texte initial, qui ne portent pas sur la supposée concentration de pouvoirs entre les mains du président, auquel le décret de 2009, que je transmettrai à ceux qui ne l’ont pas lu, ne donne des compétences qu’en matière de stratégie, l’exécution étant à la charge du directeur général.

À l’heure où Voies navigables de France fêtait son vingtième anniversaire, il ne me semblait guère pertinent d’en changer l’appellation.

La commission du développement durable de notre assemblée, grâce au travail de sa rapporteure, Françoise Branget, a apporté d’autres modifications judicieuses. Je pense, par exemple, à l’amendement présenté par notre collègue Duron concernant le transfert gratuit du domaine public fluvial, jusqu’alors simplement confié par l’État à Voies navigables de France. Si l’on en juge par la réussite exemplaire à Lyon du projet Confluence, en partenariat avec la Communauté urbaine de Lyon et la Caisse des dépôts et consignations, Voies navigables de France a fait la démonstration de sa capacité à valoriser le patrimoine national que représente le domaine public fluvial.

L’essentiel de ce texte restera néanmoins le transfert dans l’établissement des 4 500 agents de l’État, jusqu’alors mis à disposition de Voies navigables de France. N’est-ce pas le plus élémentaire bon sens que l’ensemble des personnels attachés à la voie d’eau, et non plus 10 % comme c’est le cas actuellement, soient placés sous la responsabilité unique du directeur général de l’établissement ? Il restera à VNF à améliorer le service rendu aux clients de la voie d’eau.

Le même élémentaire bon sens doit également nous conduire à ne pas laisser de côté les 400 salariés actuels de Voies navigables de France, qui méritent d’être rassurés sur leur propre sort. C’est le sens des amendements que j’ai proposés et qui ont reçu le soutien de notre commission. J’ajoute qu’avec Françoise Branget, nous avons également souhaité la naissance d’une interprofession.

Vous l’avez compris, monsieur le ministre, je suis heureux de saluer le travail que vous avez accompli en faveur du mode fluvial. Vous ne serez donc pas surpris que j’apporte mon soutien au texte, légèrement amendé, que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Tout est dans le « légèrement » !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le renforcement du transport de marchandises par le fleuve est une des priorités du Grenelle de l’environnement, adopté à la quasi-unanimité à l’initiative de Jean-Louis Borloo. C’est aussi une des priorités du député de Conflans-Sainte-Honorine, capitale de la batellerie, que je suis.

La discussion de ce projet de loi, au-delà de son objet de clarification du rôle et des missions de VNF, doit être pour nous le moment de nous interroger aussi sur les enjeux du transport fluvial, notamment à la veille de la mise en chantier de projets majeurs, comme le canal Seine-Nord-Europe et d’autres infrastructures importantes, mais aussi à l’aube de l’avènement du Grand Paris, appelé par certains Paris-Seine-Normandie, ou de l’opération d’intérêt national Seine Aval. Ce texte, d’ailleurs, aurait pu, aurait dû, être adopté dans le cadre du Grenelle 2.

C’est aussi le moment d’aborder les problèmes auxquels les bateliers sont confrontés et les inquiétudes qui sont les leurs face à l’avenir. À peine arrivé à l’Assemblée nationale, j’ai eu la chance de rencontrer des bateliers et d’embarquer avec eux entre Conflans-Sainte-Honorine et Rouen. Le bilan que j’ai tiré de cette expérience est assez préoccupant, monsieur le ministre.

En plus d’être confrontés à de graves défauts d’entretien de la voie d’eau, des berges, et surtout de certaines écluses, qui obligent à des attentes prolongées, ou encore à la présence de nombreuses épaves non enlevées, les bateliers français doivent faire face à une concurrence étrangère sauvage. Si une lecture globale du secteur d’activité montre, en 2010, une remarquable résistance à la récession du transport fluvial de marchandises, une part des acteurs de la profession est en crise, notamment les bateliers artisanaux. Les pavillons étrangers naviguant sur la voie d’eau française ne sont pas soumis aux mêmes contraintes financières, économiques et sociales que leurs homologues français. Souvent, sous la pression des donneurs d’ordre, ils pratiquent des tarifs que les pavillons français ne peuvent suivre, à moins de travailler à perte.

L’essor du transport fluvial, secteur libéralisé et très atomisé, semble, de fait, entravé par des pratiques tarifaires illisibles et des taxations de VNF très lourdes, plus importantes pour les pavillons français que pour les pavillons étrangers. Il en va ainsi de la taxe de circulation exigée pour l’entretien des canaux, ou encore du péage et du droit de port. Là où les étrangers peuvent choisir entre l’un ou l’autre, les Français paient les deux.

Cette concurrence européenne débridée a aussi pour conséquence que les bateaux étrangers, non soumis aux mêmes obligations, peuvent travailler à des coûts beaucoup moins élevés. Mais les charges, qui ne sont pas de la responsabilité de VNF, et les cotisations sociales que doivent acquitter les bateliers français sont également une vraie préoccupation, sans parler des poursuites dont ils peuvent être l’objet de la part du RSI ou d’autres services de l’État.

Tout cela justifie, et c’est l’objet d’un amendement que j’ai proposé, la création d’un observatoire des prix et des marges, tel celui que nous avons eu la bonne idée d’instituer il y a quelques mois pour les produits alimentaires. Le sujet est compliqué, certes, mais à l’époque, ce qui semblait impossible a pourtant pu être mis en œuvre.

Comme Alain Gest et notre rapporteure, je pense nécessaire d’organiser une interprofession du fluvial. Ce ne sera pas simple non plus, mais le fait de l’inscrire dans la loi devrait nous permettre de réussir assez vite.

S’agissant de l’ensemble de notre réseau fluvial, tant les fleuves et les canaux que les barrages et autres ouvrages, il n’est pas dans un état optimal. On constate même, ce qui fera plaisir à M. Paul, une diminution tendancielle du réseau.

M. Thierry Mariani, ministre. Il ne faut pas trop lui faire plaisir !

M. Daniel Paul. Il ne s’agit pas de me faire plaisir. C’est un constat objectif.

M. Arnaud Richard. Je sais que VNF en est particulièrement conscient et en a fait sa première priorité en y consacrant des moyens très importants, notamment avec un plan de relance des investissements de 840 millions d’euros. Au passage, j’en profite pour saluer l’équipe de VNF en les personnes d’Alain Gest et de Marc Papinutti. Cette enveloppe doit permettre d’améliorer les équipements, de renforcer les berges, d’assurer le dragage et d’améliorer la qualité des mouillages et du service rendu aux usagers.

Plus localement, nul n’ignore les difficultés que rencontrent les bateliers avec les infrastructures portuaires. Je me réjouis que, dans mon secteur, les projets du port d’Achères et de l’éco-port de Triel-sur-Seine nous apportent des réponses concrètes en termes de transport, de développement économique et d’emploi. Mais je mesure le chemin qui reste à parcourir, tant en France qu’en Europe, pour permettre au transport fluvial d’atteindre les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement d’une nette progression de la part du fluvial dans le transport des marchandises.

J’aborderai, pour conclure, quelques points particuliers. Pour assurer l’avenir, il est fondamental de susciter l’intérêt des jeunes pour les métiers du fleuve et de se doter, à l’instar des Pays-Bas, d’un véritable plan d’aide à l’installation et au renouvellement de la flotte. Il l’est tout autant d’assurer, comme l’a dit Philippe Duron, l’accès à la mer par l’écluse fluviale de Port 2000 et, plus généralement, de renforcer l’attractivité de nos ports en accordant une attention particulière à l’interopérabilité, à la diversification d’une flotte économiquement viable, ainsi qu’à de nouveaux concepts logistiques.

Nous sommes nombreux à le penser, il ne s’agit certainement pas là du texte du siècle en matière de développement du fluvial, mais il a le mérite d’exister. Il nous faudra réfléchir à une grande loi sur l’organisation du transport fluvial, à l’instar de la loi de 2009 sur la régulation des transports ferroviaires. Une telle loi permettrait d’aborder, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, l’ensemble des aspects du transport fluvial – les infrastructures, le cadre économique et social, voire le partage du fleuve – et pourrait s’inscrire dans le schéma national des infrastructures de transport qui fait état d’un engagement financier à hauteur de 16 milliards d’euros pour le transport fluvial, ce qui n’est pas neutre. Une grande loi nous permettrait de trouver les voies et moyens pour relever les défis de l’axe Paris-Seine-Normandie dont la voie d’eau est l’un des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au regard des enjeux liés au développement durable et à l’essor nécessaire des échanges fluviaux et maritimes, l’objectif de restructuration du service public des voies navigables est particulièrement opportun. Je me réjouis de pouvoir, à cette tribune, y apporter pleinement mon soutien.

Ce projet, excellemment porté par vous-mêmes, monsieur le ministre et madame la rapporteure, traduit la volonté de renforcer le potentiel économique et l’exploitation des voies navigables en unifiant leur gestion au sein d’un nouvel établissement public, en donnant une visibilité accrue aux missions de la future agence et, au-delà, en réaffirmant la place et le rôle du transport fluvial dans nos choix économiques d’avenir.

Il faut, naturellement, soutenir ce projet de loi qui est au cœur de la vision que nous avons d’un aménagement du territoire conciliant parfaitement développement et environnement, non seulement au niveau du réseau principal de ses voies, mais aussi au niveau du réseau secondaire, très important pour l’agriculture, le tourisme ou l’industrie. La France a besoin de ses ports, de ses échanges maritimes et fluviaux, comme elle a besoin du rail, qui concourt directement à la réussite de l’intermodalité, sur laquelle nous avons encore des progrès importants à faire en regard de nos partenaires européens.

L’optimisation du réseau des voies navigables s’inscrit dans une vision d’ensemble stratégique qui tient compte de l’exceptionnel positionnement géographique de notre pays. Dans le cadre de ce projet, qui réaffirme notre ambition nationale au-delà de ses aspects techniques, dans un contexte de concurrence très vive, notre capacité de réaction doit être à la hauteur des enjeux de la compétition internationale, particulièrement importante. Dans cet esprit, monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris de me voir évoquer l’un des axes les plus importants de notre pays par les ports qui le jalonnent de Paris au Havre, je veux parler de l’axe Seine.

Par l’impact économique qu’il représente pour le Nord-Ouest, et, plus généralement, par son objectif premier, celui de donner à Paris une façade maritime, à l’image des plus grandes métropoles mondiales, ce dossier constitue une priorité nationale.

Regardons en effet le monde actuel : la géographie démontre que les villes-monde d’hier, telles que Venise ou Amsterdam, et celles d’aujourd’hui, telles que Pékin ou Londres, se dotent d’une ouverture commerciale directe sur la mer.

La volonté marquée du Président de la République dans ce domaine est relayée par de très nombreux élus, conscients de la formidable opportunité que constitue cette démarche stratégique d’importance nationale. La Seine représente un enjeu de croissance, qui allie un potentiel portuaire exemplaire à la voie d’eau et au projet de développement du rail, fret et voyageur. Antoine Rufenacht, haut-commissaire au développement de l’axe Seine, a parfaitement défini la portée, les priorités et je dirai même l’urgence de cet aménagement.

De très nombreux élus sont engagés, et je ne puis, à cet égard, que regretter, au nom de tous ceux qui portent cette ambition, que notre amendement visant à en reconnaître l’intérêt national ne puisse être examiné en séance, à la suite d’une décision du président de la commission des finances dont les motifs sont apparemment contestables.

Je sais combien le Gouvernement est attaché aux investissements d’avenir, singulièrement au moment où, pour amorcer la sortie de crise, nous devons faire valoir de nouveaux modèles de croissance, des projets modernes, d’envergure, qui concilient parfaitement l’environnement et le développement.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, et je vous le dis avec une certaine solennité, étant donné l’importance du projet Paris-Seine-Normandie, qui s’inscrit dans l’ambition que vous avez vous-même décrite à cette tribune, je souhaite que le Gouvernement apporte son soutien à la démarche de validation législative que nous engageons en faveur de ce projet axe Seine, dont la mise en œuvre concrète répond aux objectifs de croissance, d’emploi, et d’investissement dont la France a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce projet de loi, très attendu, permet de faire le point sur la situation du domaine fluvial français et du fret fluvial dans notre pays. Et force est de constater, en comparant avec la situation chez nos voisins allemands, belges ou néerlandais, que notre marge de progression est très importante.

Ce texte, déjà adopté par le Sénat, a été amendé par la commission du développement durable, et je salue le travail de la rapporteure Françoise Branget. Il apporte un certain nombre de réponses à la nécessité de modernisation du statut de Voies navigables de France, tant au niveau de son fonctionnement qu’en ce qui concerne le positionnement de ses missions.

Il était urgent que cet établissement s’adapte aux nouveaux défis qui sont les siens, notamment ceux fixés par le Grenelle de l’Environnement : augmenter la part du fret non routier et non aérien pour le faire passer de 14 % à 25 % en 2022, et, surtout, s’inscrire totalement dans le cadre imposé par toutes les exigences du développement durable.

Ainsi, la nouvelle définition des missions et des objectifs permettra de développer le transport fluvial en assurant l’aménagement du territoire, la conservation du patrimoine, la promotion du tourisme fluvial et surtout la protection de l’environnement.

Il faut être confronté à un problème local pour se rendre compte de la complexité de ces questions, qui impliquent un nombre important d’acteurs, aux intérêts souvent éloignés, parfois même contradictoires. Je connais un dossier de ce genre dans ma circonscription : le fameux pont de Thiennes, qui a la particularité de relier le Nord et le Pas-de-Calais, est depuis longtemps éligible au financement par l’État du coût de reconstruction des ouvrages ayant subi des dommages de guerre. Je remercie Voies navigables de France, et surtout son président, Alain Gest, pour avoir enfin apporté une solution à ce dossier.

Autre dossier d’une importance majeure pour le territoire dont je suis élue : le canal Seine-Nord. Le développement du réseau à grand gabarit avec le canal Seine-Nord-Europe découle lui aussi des objectifs du Grenelle. Ce chantier structurant est enfin lancé, grâce à la volonté du Président de la République, et la modernisation de VNF permettra une plus grande efficacité dans sa conduite, notamment dans la concertation avec les élus des territoires concernés.

Ce projet international permettra de relier tout le réseau fluvial français à l’ensemble de l’immense réseau des pays du nord de l’Europe et à l’Allemagne. Les retombées en termes d’emploi et de développement économique sont considérables, tant pour la période du chantier lui-même que par la suite, notamment autour des quatre plateformes multimodales.

Contrairement aux idées reçues, le transport fluvial est en plein essor. Ce moyen de transport est fiable, économique et c’est de loin le moins polluant.

La France a un retard considérable dans ce domaine. Mais cette volonté affichée de combler en partie ce handicap, devrait permettre à notre pays de se doter des outils et des équipements les plus modernes du monde. Je pense notamment à la gestion des écluses, qui est très en retard aujourd’hui par rapport à nos voisins.

Mais cela a un coût, très important. Et les engagements qui sont pris aujourd’hui de réaliser des travaux majeurs le seront pour de nombreuses années, et engagent la France pour plusieurs générations. Comme nous bénéficions du travail accompli par nos ancêtres, qui ont créé les premiers canaux ou aménagé les cours des rivières, ce sont surtout les générations futures qui profiteront de nos réalisations.

Aujourd’hui, nous vivons trop souvent dans l’immédiat, avec la recherche du retour sur investissement dans les plus brefs délais. C’est sans doute pour cela que nous avions abandonné notre réseau fluvial.

Aussi, j’espère sincèrement que ce texte sera voté à l’unanimité de notre assemblée, de manière à reconnaître la dimension primordiale du transport fluvial, et le soutien, sur le long terme, de la nation tout entière aux missions de Voies navigables de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure, je remercie Mme Hostalier de son soutien dynamique, car le Gouvernement est comme elle fortement attaché au développement de la voie d’eau, aussi bien au niveau national qu’au niveau local.

Nous sommes convaincus que le projet de loi qui vous est soumis est indispensable au développement du trafic fluvial et donc au report modal que vous avez appelé de vos vœux lors de l’adoption unanime de la loi Grenelle. Il nous faut en effet évoluer, comme vous l’avez souligné, madame Branget. Et je tiens à vous remercier ici pour le travail que vous avez accompli, avec toute la conviction que l’on vous connaît, pour le développement de la voie d’eau.

Ce projet de loi prend place dans un dispositif plus global de réforme et de relance de la voie d’eau.

Permettez-moi tout d’abord de souligner que le Gouvernement a décidé de consacrer des moyens tout à fait exceptionnels à cette politique après des années, et même des décennies, de sous-investissement. Vous comprendrez, monsieur Duron, que je ne partage pas forcément votre analyse, même si j’ai senti dans vos propos, comme dans ceux de M. Daniel Paul, une sorte d’enthousiasme retenu à propos de ce texte. (Sourires.)

Vous le savez, le Parlement a adopté une hausse très importante de la taxe hydraulique qui est affectée à Voies navigables de France. Certes, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, cette augmentation est plafonnée. Mais je souligne que les moyens alloués à la voie d’eau n’ont jamais été aussi élevés.

De plus, l’AFITF a accru les moyens consacrés à la voie d’eau et, alors que l’investissement était tombé à 50 millions d’euros par an avant les décisions du Gouvernement, le niveau d’investissement annuel a, dans le cadre de la relance, plus que triplé. Ce n’est pas le président de VNF, présent au premier rang de cet hémicycle, qui me démentira.

De plus, la relance de la voie d’eau passe aussi par de grands investissements. Il s’agit, par exemple, grâce à un contrat de partenariat dont VNF conduit l’attribution, de remplacer sur l’Aisne et sur la Meuse les vingt-neuf barrages à aiguilles du XIXe siècle par des barrages automatisés dignes du XXIe siècle.

Il s’agit également, comme Mme Hostalier et M. Herth l’ont souligné, du canal Seine-Nord-Europe. La procédure d’attribution du contrat de partenariat a été lancée à la suite de la décision du Président de la République lors de son déplacement à Nesles, le 5 avril dernier. C’est un projet exceptionnel, qui présente des retombées économiques tant pour les territoires concernés que pour l’ensemble de la filière de transport de marchandises.

Lors des débats, Mme Ameline a souligné à juste titre les ambitions communes du développement de la voie d’eau et du projet d’aménagement de la vallée de la Seine. Car si la Seine fait partie du réseau magistral et assure une liaison entre le port du Havre et l’agglomération parisienne, c’est aussi un axe tout à fait important pour le projet du Grand Paris.

Le développement de cet axe est une priorité de ce Gouvernement et relève au premier titre des compétences, et même du talent, d’Antoine Rufenacht, à qui le Président de la République a confié la mission de préfigurer les grandes lignes de ce projet de développement. Cette mission unique souligne le rôle exceptionnel que la vallée de la Seine joue comme lien entre Paris et sa façade maritime. Je tiens à saluer l’engagement de Mme Ameline et des élus locaux en faveur de ce projet, utile au développement du territoire.

Le projet de loi de développement des voies navigables qui nous réunit aujourd’hui vise notamment à ce que la Seine joue pleinement son rôle dans le développement et les liaisons, en particulier pour permettre une ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui constitue le standard européen des grandes liaisons fluviales.

Mais je n’oublie pas non plus le projet de liaison nouvelle Paris-Normandie, lancé le 19 juillet 2009 par le Président de la République. Ce projet est actuellement soumis à débat public pour que cette nouvelle infrastructure permette le développement d’une offre ferroviaire réellement performante et indispensable entre les grandes agglomérations normandes, et en particulier le long de la vallée de la Seine.

M. Philippe Duron. Et aussi vers Caen !

M. Thierry Mariani, ministre. Il ne m’appartient pas de tirer les conclusions d’un débat qui est en cours et qui doit se clôturer le 3 février prochain. Mais je souhaite vivement que ce débat nous permette d’avancer résolument sur ce projet et de répondre aux attentes de nos concitoyens, qui souhaitent disposer enfin de trains performants entre les Normandies et l’Île-de-France.

Ce développement des grands projets est au cœur de la relance, mais nous n’oublions pas, bien évidemment, le réseau existant, tant le réseau magistral, essentiel pour le développement du trafic, que le réseau secondaire, auquel je sais les territoires particulièrement attachés.

Vous avez évoqué, monsieur Duron, le canal du Midi et la terrible maladie qui décime les platanes centenaires qui le bordent et l’abritent.

Je comprends parfaitement que vous soyez préoccupé par la situation du canal du Midi, qui est l’un des hauts lieux du patrimoine culturel de la France. Les valeurs patrimoniales qui ont justifié cette reconnaissance sont aujourd’hui menacées par la propagation rapide de la maladie du chancre coloré, qui devrait, selon les estimations, conduire à abattre, à l’échéance de dix à vingt ans, 42 000 platanes.

C’est un drame pour ce canal, pour les paysages et pour les populations. C’est aussi une charge financière et économique pour les collectivités, pour les acteurs locaux, et bien sûr pour VNF. Reconstituer cet alignement représente un investissement de plus de 200 millions d’euros.

Bien évidemment, un tel montant ne pourra être mobilisé que sur plusieurs années. Un tiers sera versé par l’État, à travers Voies navigables de France. Un tiers devrait être financé par les collectivités territoriales de la région, le dernier tiers l’étant par le mécénat privé et les financements innovants.

C’est dans ce cadre que le Premier ministre, par lettre du 18 octobre 2011, a confié au sénateur Alain Chatillon une mission concernant la recherche de financements, y compris par des moyens innovants tels que le recours au mécénat auprès de particuliers ou d’entreprises. Je m’y engage, nous ferons tout pour endiguer ce fléau et préserver ce site inscrit au patrimoine mondial de l’humanité.

Monsieur Duron, vous avez également évoqué l’expérimentation de transfert des canaux de Bourgogne au conseil régional. Une convention d’expérimentation a été signée en 2009 pour déterminer les moyens humains et financiers associés. Le conseil régional a pu conduire cette expérience sur deux années et découvrir l’ensemble des sujets qu’il a vocation à gérer de manière définitive s’il accepte ce transfert.

Je peux parfaitement comprendre que la confrontation au réel fasse naître des interrogations et des souhaits complémentaires, notamment de moyens. Les discussions avec les services de la région sont en cours et nous travaillons avec celle-ci pour trouver des solutions adaptées.

En toute hypothèse, VNF continuera à gérer l’ensemble des canaux qui lui seront confiés. À cet égard, madame Branget, messieurs Gest et Paul, votre commission a souhaité modifier un point d’équilibre important que nous avions négocié. Je veux parler, vous l’avez compris, du transfert du domaine.

Il est vrai, monsieur Gest, que cette question est posée depuis le début des débats sur l’achèvement de la réforme de la voie d’eau initiée en 1991 avec la création de VNF, que vous présidez.

La position exprimée par le Gouvernement lors du dépôt du projet de loi n’a pas varié. Elle est de ne pas transférer ce domaine, de ne pas le donner à titre gratuit à l’établissement public, mais de permettre à celui-ci de le gérer et de le valoriser.

Je note, à cet égard, que suite à l’amendement adopté par votre commission, d’autres amendements ont été déposés pour garantir que le domaine qui serait ainsi donné à VNF continue à servir le développement de la voie d’eau et ne constitue pas, pour ainsi dire, une ressource purement financière dans laquelle on puiserait trop rapidement.

M. Alain Gest. Pas de procès d’intention !

M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur Gest, je ne vous fais aucun procès d’intention, mais nous ne pouvons être sûrs que les présidents qui prendront votre suite auront les mêmes qualités que vous !

M. Philippe Duron. S’ils sont de gauche, il n’y aura rien à craindre !

M. Thierry Mariani, ministre. Vous le savez, ce point était important pour les personnels de l’État, qui seront affectés au 1er janvier 2013. Car il s’agit de consacrer le domaine public et de lui conserver toute sa valeur patrimoniale. L’État s’était engagé, dans l’accord qu’il a signé le 24 juin dernier, à ne pas transférer le domaine. Dans le contexte économique actuel, et même s’il faut sans doute relativiser les montants en jeu, le transfert à titre gratuit du patrimoine de l’État soulève toute de même quelques interrogations.

Pour autant, l’État favorisera la gestion la plus souple et la plus efficace du domaine. C’est pourquoi une convention sera signée avec France Domaine. Les discussions sont largement engagées pour permettre sa signature dans les prochains mois.

Vous l’avez souligné, monsieur Paul, l’ensemble du projet de loi s’appuie sur l’accord trouvé avec les représentants des personnels, car cette réforme ne pourra se faire qu’avec eux et grâce à eux. Je souligne, à cet égard, que si l’on peut discuter sur le respect formel de cet accord, le Gouvernement a strictement veillé au respect des grands équilibres. Je tiens à vous rassurer, le protocole du 24 juin signé avec les trois organisations syndicales indiquait que la négociation devait commencer avant le début du débat au Parlement et non pas s’achever avant la fin de celui-ci. Deux réunions se sont déjà tenues. Bien évidemment, les négociations en cours ont pour but d’obtenir un accord. C’est sur cette base et sur ces termes que la discussion concernant le décret sera établie.

Je note en particulier que VNF sera un établissement public administratif et que le texte issu de la commission n’a pas remis en cause ce point fondamental. Il n’y a pas non plus d’amendement contestant cette qualification qui permet en particulier aux personnels de l’État d’être affectés à VNF en position normale d’activité et de conserver ainsi leur statut.

Enfin, cette réforme ne serait pas complète si elle ne prenait pas suffisamment en compte les préoccupations des bateliers, monsieur Richard, et la bonne articulation avec les ports, monsieur Herth. J’ai noté, monsieur le président Grouard, votre souci de sécuriser les bateliers ligériens et j’ai demandé à mes services de préparer les mesures réglementaires que vous appelez de vos vœux.

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Merci.

M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur Herth, vous avez évoqué la question des ports alsaciens, qui constituent un des plus gros potentiels de développement du transport fluvial en France, le Rhin étant, nous le savons tous, l’artère fluviale la plus importante d’Europe. Ce développement passe par une meilleure complémentarité et une meilleure coordination entre les ports. C’est pourquoi le Gouvernement a confié au préfet d’Alsace la réalisation d’un plan directeur de bassin des ports fluviaux, en concertation avec les acteurs concernés : VNF, port de Strasbourg, collectivités locales et chambres de commerce.

La réalisation de ce schéma indispensable au développement harmonieux des ports ne préjuge en rien du statut de ces derniers, auxquels la décentralisation est ouverte par la loi. La coopération transfrontalière, qui constituerait une opportunité supplémentaire, est aussi tout à fait compatible avec la décentralisation des ports. Mais afin de répondre à la demande de Mme la rapporteure, le Gouvernement propose un amendement qui lève toute ambiguïté sur ce point.

M. Antoine Herth. Très bien !

M. Thierry Mariani, ministre. L’État souhaite relancer le transport fluvial, notamment en allégeant les contraintes et les coûts pesant sur les entreprises et en visant à une meilleure compétitivité des entreprises et une meilleure performance des unités de transport. Il s’agit en particulier du plan d’aide à la modernisation 2008-2012 : 16,5 millions d’euros doivent permettre de conforter la performance économique et environnementale du transport fluvial.

Votre assemblée a voté une exonération de la TIPP pour le carburant du transport de marchandises et des passagers par voie fluviale, dans le cadre de la loi de finances pour 2011. Celle-ci s’applique depuis le 1er janvier 2011. Cette mesure ramène le coût de ravitaillement en France à un niveau comparable à celui pratiqué dans les États voisins.

Je soutiens également, monsieur Richard, les efforts déployés pour mettre à disposition des professionnels un bateau plus sûr, plus rapide et plus économe en énergie. Dans le cadre des investissements d’avenir, le Gouvernement consacrera 100 millions d’euros au bateau du futur et je veillerai à ce que le fluvial soit bien représenté parmi les projets primés. Vous le voyez, le Gouvernement a souhaité agir sur l’ensemble des leviers pour la relance de la voie d’eau.

Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis ouvre de nouvelles perspectives pour le transport fluvial. En réformant le service public de la voie d’eau et son principal opérateur, Voies navigables de France, il trace le sillon de la compétitivité, de la modernité et, in fine, de la réussite économique et environnementale au service des agents, des usagers et des riverains. Le transport fluvial, nous serons tous d’accord sur ce point, n’a pas encore tenu toutes ses promesses et il attend un signal fort de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 3 portant article additionnel avant l’article 1er.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet amendement tend à faire respecter les protocoles d’accord des 24 juin et du 1er juillet, qui répondent favorablement à la demande de changement de nom exprimée par les personnels.

Il s’agit donc, dans l’intitulé du chapitre Ier, de substituer aux mots : « Voies navigables de France », les mots : « Agence nationale des voies navigables ».

M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 3.

Mme Françoise Branget, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La commission est défavorable à l’amendement. VNF est un nom connu et reconnu sur le terrain par tous les acteurs du fluvial et par nos concitoyens. Nous trouvons, comme nos collègues sénateurs, qu’il est inopportun de changer de nom. Nous souhaitons que soit conservé le nom de Voies navigables de France.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Comme il l’a indiqué au Sénat, ainsi que devant votre commission, le Gouvernement a souhaité changer le nom de l’établissement public, pour marquer l’importance de l’étape franchie par cette réforme, dans le même esprit que lorsque l’ancien Office de la navigation avait pris, en 1991, le nom de Voies navigables de France.

Ce souhait répondait aux demandes des représentants des personnels de l’État, qui étaient réticents à passer de l’employeur État à l’employeur VNF, dont les salariés relèvent à ce jour du droit privé.

Le Gouvernement est cependant conscient que ce changement de nom pourrait apparaître comme une remise en cause du travail accompli par VNF depuis vingt ans. En outre, il ferait disparaître un nom connu et reconnu par les acteurs de la voie d’eau. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée nationale.

(L’amendement n° 3 n’est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 20 et 4.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Thierry Mariani, ministre. Je serai bref, puisque j’ai déjà évoqué ce sujet à deux reprises.

Dans le contexte économique actuel, je répète que le Gouvernement ne souhaite pas confier à titre gratuit le domaine public fluvial à VNF. En effet, le domaine sera confié à cet établissement public, qui pourra y assurer toutes ses missions de gestion. En revanche, l’État souhaite conserver le domaine public dans son patrimoine et autoriser, le moment venu et cas par cas, les opérations de valorisation de ce domaine. L’absence de transfert de propriété n’empêchera donc pas l’établissement de valoriser quelques sites en bord à voie d’eau qui ne sont plus utiles à la navigation. Cette valorisation sera réalisée par le biais de filiales de VNF et pourra donner lieu, si cela est nécessaire, à des transferts de propriété limités aux parcelles concernées.

De plus, lors des discussions avec les représentants du personnel sur le projet de loi, la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement s’est engagée auprès des organisations syndicales représentatives des personnels à ne pas transférer le domaine public fluvial de l’État à l’établissement public. Cet engagement a été formalisé dans le protocole d’accord sur les voies navigables signé avec trois des quatre organisations syndicales représentatives et il constitue un des points qui fondent l’équilibre de l’accord trouvé.

Monsieur Alain Gest, chacun connaît le rôle éminent que vous avez tenu sur ce dossier. La gestion actuelle et future de VNF n’est évidemment pas en cause. Compte tenu de vos qualités, il est fort probable que vous soyez reconduit dans vos fonctions. Mais on ne légifère pas pour deux ou trois ans,…

M. Daniel Paul. Très juste !

M. Thierry Mariani, ministre. …mais pour dix, vingt ans, si ce n’est plus. Un certain nombre de présidents se succéderont.

Je crois qu’il est important que, sur ce texte, l’accord passé avec le personnel soit respecté.

La solution proposée permettra à VNF de réaliser toutes les opérations qu’elle souhaite. Il me semble que la cession totale du patrimoine serait quand même disproportionnée et ouvrirait, pour un avenir lointain, des hypothèses hasardeuses.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Daniel Paul. L’amendement n° 4 est identique à celui que M. le ministre vient de défendre. Il n’y a pas eu de concertation entre nous, …

M. Philippe Duron. Une collusion, peut-être ?

M. Daniel Paul. …ni de collusion.

J’espère que les motivations sont les mêmes. En tout cas, je souscris à ce que vous venez de dire, monsieur le ministre : sur une question qui concerne le domaine public, fluvial ou maritime, on ne légifère pas pour quelques années, en fonction de l’opportunité offerte par telle ou telle disposition.

Dans le texte adopté par le Sénat, le domaine de l’État est « confié » à VNF. La commission a adopté un amendement prévoyant que ce domaine lui est « remis en pleine propriété ». J’avoue que je ne comprends pas bien les raisons de cet amendement. S’agirait-il d’entreprendre, à long terme, le démantèlement du domaine de l’État, qui pourrait concerner demain, par exemple, les grands ports maritimes ?

Il est tout à fait possible de valoriser le domaine qui borde le fluvial, et même la voie d’eau, sans pour autant opérer un transfert de propriété. C’est ce que montre l’exemple des grands ports maritimes. Dans la zone industrielle du Havre, une seule entreprise – Renault Sandouville – est propriétaire de son terrain. Une seule ! La plus grande raffinerie de France, la raffinerie Total, à Gonfreville-l’Orcher, est locataire de son terrain, et cela remonte à l’avant-guerre. Toutes les entreprises implantées dans cette zone sont dans la même situation. Cela n’a pas empêché le port autonome, devenu aujourd’hui le Grand Port Maritime du Havre, de recevoir de l’État la mission – une mission confirmée au fil des années, sous des gouvernements différents, sous des Républiques différentes – de valoriser, avec bien sûr l’accord du gouvernement en place, le domaine public dont il avait la gestion.

Je ne doute pas qu’il en soit de même demain. Je ne doute pas non plus que ce soit le souhait des responsables de VNF.

J’espère que la sagesse l’emportera ici aussi, et que nous voterons ces amendements identiques à l’unanimité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La commission s’est prononcée pour ce transfert. Nous avons voté cette disposition quasiment à l’unanimité.

Monsieur Paul, vous avez exprimé des craintes en avançant des arguments qui, pardonnez-moi de le dire, ne tiennent pas la route, ou la voie d’eau (Sourires), et ce pour une raison simple, à savoir le statut de VNF, qui devient un établissement public administratif. Dès lors, je ne vois pas le risque d’aliénation que pourrait courir le domaine d’un établissement public administratif, lequel sera soumis à des règles bien connues. Il n’y a donc pas, de ce point de vue, de risque particulier.

Par contre, je comprends parfaitement la crainte exprimée par le Gouvernement. C’est celle que le transfert se fasse à titre gratuit, et non à titre onéreux. Mais je me permets de dire à M. le ministre qu’au vu des investissements nécessaires, au vu de la situation financière, dont M. Alain Gest pourrait parler mille fois mieux que moi, on n’imagine guère qu’il puisse y avoir, dans des délais raisonnables, un transfert à titre onéreux. Cela veut donc dire qu’il n’y aura pas de transfert du tout. Et c’est ce que nous pourrions regretter, parce que nous avons le sentiment d’être un peu à contre-pied de la logique même du texte, qui prévoit un transfert des personnels.

Avec le transfert de propriété, il s’agit simplement de faciliter la gestion au quotidien par VNF, et d’éviter d’accumuler des contraintes qui ne permettraient pas de fonctionner dans les meilleures conditions en s’adaptant à cette transformation.

Il nous semble que ce transfert de domanialité s’inscrit dans la logique du transfert des personnels et permet d’avoir une cohérence d’ensemble. C’est la raison pour laquelle la commission l’a validé.

M. le président. Si j’ai bien compris, la commission a émis un avis défavorable à ces amendements ?

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est d’abord à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron. Je pourrais comprendre l’argument de M. le ministre qui a mis en avant l’accord passé avec les organisations syndicales, en précisant que l’engagement à ne pas transférer le domaine public fluvial de l’État est l’un des éléments importants de l’équilibre de cet accord. Mais vous seriez plus crédible, monsieur le ministre, si le Gouvernement avait respecté ses engagements. Au moment du Grenelle de l’environnement, j’avais, avec d’autres défendu le même amendement. Le Gouvernement nous avait alors demandé de le retirer car il s’engageait à y répondre en produisant un rapport dans les six mois. Le Gouvernement aurait donc pu se doter d’une doctrine en la matière. Il ne l’a pas fait. Aujourd’hui, il n’agit que de manière circonstancielle.

Je ne voterai pas cet amendement, pour des raisons de forme et de fond.

S’agissant de la forme, l’attitude du Gouvernement ne me paraît pas cohérente. En février 1997 – je n’étais alors plus parlementaire –, le gouvernement d’Alain Juppé a transféré en pleine propriété l’infrastructure ferroviaire à RFF, le gestionnaire de l’infrastructure. Pour ma part, je ne vois pas tellement la différence entre une infrastructure ferroviaire – qui a un effet de réseau, une continuité – et une infrastructure fluviale.

S’agissant du fond, l’argument de Daniel Paul peut être convaincant quand on est au Havre, le long d’un littoral. Il l’est moins quand on est le long d’une voie d’eau. Les villes changent et les installations portuaires, le long de la voie d’eau, au centre des villes, sont aujourd’hui inadaptées. Les ports fluviaux migrent eux aussi. VNF a intérêt, me semble-t-il, à pouvoir participer à la transformation des espaces qui ne sont plus utiles à son activité pour pouvoir, ensuite, tirer parti de cette valorisation. Ce qui a été autorisé à titre exceptionnel à Lyon avec le projet Confluence, où VNF et la communauté urbaine ont réurbanisé ce site stratégique, montre qu’une approche avisée de ces questions de mutation des espaces peut permettre à VNF de faire de belles opérations et de trouver les ressources pour moderniser son propre réseau.

Il ne s’agit pas de brader le domaine fluvial, cela serait coupable, et je ne pense pas qu’un établissement public soit en situation de faire une chose pareille. Il s’agit d’adapter le réseau aux conditions d’exploitation du moment, de valoriser l’exploitant de ce réseau et de faire en sorte d’avoir, demain, une voie d’eau qui soit de son temps et qui soit performante.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. À la lumière de vos observations, monsieur le ministre, je soutiendrai votre amendement. Je rends bien sûr hommage à la gestion de notre collègue Alain Gest et, en tant que décentralisatrice, je comprends parfaitement son souci. Néanmoins, je pense que les voies d’eau restent au cœur d’une stratégie nationale…

M. Daniel Paul. Très juste !

Mme Nicole Ameline. …et je comprends très bien que l’État souhaite conserver le domaine public fluvial dans son patrimoine À partir du moment où, comme vous l’avez dit, cela ne fera pas obstacle à des délégations de gestion qui préserveront l’initiative, la responsabilité et la possibilité d’intervention de VNF sur des opérations particulières, je comprends votre souhait et je soutiens votre proposition.

M. Thierry Mariani, ministre. Merci.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Ne brûlons pas les étapes et pensons aux générations futures, comme je l’ai dit dans la discussion générale. Les voies d’eau appartiennent au patrimoine national. L’amendement précise que le domaine de l’État est « confié » à VNF, qui pourra remplir ses missions de gestion dans de bonnes conditions. Il est préférable de ne pas céder ce patrimoine en pleine propriété. C’est pourquoi je soutiens l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. L’argument de M. le ministre concernant le respect de l’accord est évidemment légitime. J’ai sous les yeux le texte de l’accord, ainsi que les différents courriers des organisations syndicales – dont M. le ministre était aussi le destinataire –, qui se sont émues, de façon elle aussi légitime, de l’amendement adopté par la commission.

Il n’y a aucune contrainte particulière, l’accord précise les choses : « Le siège de l’agence sera à Béthune. Le domaine public fluvial n’est pas transféré en pleine propriété à l’agence. Il lui sera confié en gestion dans le cadre d’une convention à passer avec l’État, soumise aux instances représentatives du personnel. » Voilà ce qui a été signé par les différents partenaires, l’État et trois organisations syndicales.

La doctrine, puisque M. Duron a parlé de doctrine, c’est le maintien sous propriété pleine et entière de l’État du domaine public maritime et fluvial. C’est une règle. Si l’on met le doigt dans cet engrenage aujourd’hui, chers collègues, j’appelle votre attention sur les dégâts que cela peut causer ailleurs.

M. Philippe Duron. On l’a fait sur le ferroviaire.

M. Thierry Mariani, ministre. Ce n’était pas une réussite.

M. Daniel Paul. Je parle du domaine public maritime et fluvial. Je vous rappelle la loi littoral, et d’autres textes de ce genre.

Enfin, il ne s’agit pas de ne rien faire. Il ne s’agit pas de dépouiller VNF de toute possibilité d’initiative. La convention qui interviendra entre VNF et l’État pourra très bien préciser les choses de façon que VNF puisse agir et valoriser le patrimoine. Mais il ne faut pas prendre le risque d’aliéner ce domaine.

Pensons, cher collègue Duron, vous qui avez parlé du ferroviaire, à toutes ces voies ferrées qui ont été supprimées ces dernières années et dont on aurait bien besoin aujourd’hui alors qu’il est question de rénover et d’augmenter le réseau ferroviaire existant.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Le domaine de l’État est géré par décret depuis 1991 et n’a jamais été transféré en pleine propriété à VNF. Je rappelle qu’il est question de quelque 6 200 kilomètres de voies d’eau et de 40 000 hectares de dépendances du domaine. La plupart de ces terrains font l’objet de conventions d’aménagement. L’exemple de Port Rambaud à Lyon laisse à penser qu’il faut aller dans ce sens. Mais pour réaliser Port Rambaud, il a fallu voter un article en loi de finances. Alors faudra-t-il légiférer pour chaque Port Rambaud – même s’il est peu probable qu’il y en ait un chaque année ? Tout cela peut nous conduire à penser que la commission a donc eu raison de faire cette proposition, adoptée à l’unanimité.

M. Daniel Paul. Non, pas à l’unanimité.

M. Arnaud Richard. À la quasi-unanimité, pardon, monsieur Paul.

S’agissant des logements et des bâtiments administratifs de service, qui nécessitent d’importants travaux, les transferts de propriété sont un vrai sujet. On pourrait donc imaginer que VNF les valorise mieux et fasse un meilleur programme d’investissement, en particulier pour les conditions de travail et de logement des agents.

Pour autant, comme deux de mes collègues de la majorité, je pense que ce texte sur les voies navigables n’est pas le texte du siècle. Il représente une pierre à l’édifice, mais il ne faut pas aller plus vite que la musique. Je comprends le souci pour VNF de disposer de la pleine propriété du domaine de l’État, mais, dans un premier temps, VNF doit être au fait de sa mission avant de valoriser ce qui relève du patrimoine de l’État. Paradoxalement, je suis donc très favorable à l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Françoise Branget, rapporteure. L’objectif de ce texte est de donner à VNF toutes les compétences nécessaires pour développer le fluvial, et d’alléger les procédures afin que l’établissement public puisse exercer au mieux ses missions.

Le Gouvernement en avait conscience, puisque, au moment du Grenelle 1, il fut dit que « l’État étudiera l’opportunité de donner à l’établissement public Voies navigables de France la pleine propriété du domaine public fluvial attaché au réseau magistral ». Et il est vrai que la transmission de la propriété est souhaitée par de nombreux acteurs, pour une meilleure lisibilité. Cela serait, en outre, beaucoup plus cohérent.

Nous en avons discuté en commission, sur proposition d’un amendement socialiste.

Mme Christiane Taubira. Un amendement Duron.

Mme Françoise Branget, rapporteure. Nous avons bien conscience du paradoxe qui veut que nous soyons amenés à nous prononcer sur deux amendements identiques dont l’un émane du Gouvernement et l’autre du groupe GDR.

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Collusion ! (Sourires.)

M. Philippe Duron. Ce n’est pas nouveau !

Mme Christiane Taubira. Il ne faut désespérer de rien !

M. Daniel Paul. Le ministre est gaulliste, non ?

Mme Françoise Branget, rapporteure. La commission est persuadée que pour VNF, il serait beaucoup plus facile d’exercer ses missions si le domaine était transféré.

De plus, nous souhaitons aller vite. Si le texte pouvait être adopté conforme au Sénat, cela serait une bonne chose.

M. Daniel Paul. Vous n’aurez pas de vote conforme au Sénat !

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Tous les arguments qui ont été évoqués sont intéressants car ils portent sur le fond.

Monsieur Paul, j’ai beaucoup de respect pour les accords avec les syndicats, mais le Parlement est souverain.

M. Daniel Paul. C’est le cas.

M. Antoine Herth. Mme Merkel, par exemple, est obligée de défendre les accords conclus à Bruxelles devant son Parlement. Il ne me paraît pas anormal que l’Assemblée puisse examiner en toute liberté les accords qui sont négociés entre le Gouvernement et les syndicats.

Je suis très sensible à l’idée du maintien du réseau dans le périmètre de l’État. La question du transfert gratuit mérite d’être creusée avant d’acter définitivement la position adoptée par la commission. Mais ce qui me pose problème, c’est l’imbroglio sur le terrain. Pour les représentants de VNF, la situation est schizophrénique, car ils relèvent à la fois de VNF et du préfet de région. Pour un représentant d’une collectivité territoriale, négocier dans de telles conditions est très difficile parce que l’on ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Il y a des projets qui traînent depuis dix ans, qui n’avancent pas, parce qu’on n’a pas répondu à la question de savoir qui fait quoi sur le domaine navigable.

Chers collègues, je vous propose d’être très pragmatiques. Maintenons la position de la commission, non pas par principe, mais pour que nous puissions continuer ce débat dans le cadre de la navette avec le Sénat, qui aura certainement un regard très intéressant sur cet aspect de la relation de proximité avec les collectivités. Par contre, si nous suivons le Gouvernement, le débat sera clos, et probablement pour très longtemps.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Je voudrais répondre à Antoine Herth. Nous n’avons pas le temps de faire la navette avant la fin de la mandature. Nous avons tous le calendrier en tête et il faut être clair : s’il nous restait deux ans, nous aurions le temps, mais ce n’est pas le cas.

Je persiste à défendre cet amendement au nom du Gouvernement. De nombreux orateurs l’ont dit et redit : ce n’est pas le grand soir de Voies navigables de France, mais une réforme qui s’inscrit dans une logique où le Gouvernement donne la priorité à ce mode de transport, comme en témoigne le projet de canal Seine-Nord Europe, ou encore les 840 millions d’euros que nous investissons, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Ce texte, quant à lui, vient réunifier une structure.

Le Parlement est libre. Pour l’avoir été pendant dix-huit ans, je sais qu’un parlementaire n’est pas lié par des accords entre le Gouvernement et des syndicats. Cela dit, j’apporte cet élément dans la discussion. Il y a des moments où il vaut mieux faire des réformes qui vont jusqu’au bout dans un climat social apaisé, surtout quand on transforme le statut d’une partie du personnel, que de vouloir faire le grand soir et d’arriver à une situation de blocage total.

Comment VNF va-t-il gérer ce transfert de patrimoine ? La question est posée. Après une relecture rapide des chiffres – je parle sous le contrôle d’Alain Gest qui doit mieux les connaître encore que moi –, il me semble que les ressources propres de VNF représentent à peu près 10 % de son budget, le reste étant constitué de subventions, de taxes ou d’aides des collectivités locales, de l’État, de la région, etc.

Comme l’ont dit Mme Ameline ou Mme Hostalier, cette réforme doit se faire par étapes. C’est bien de vouloir transférer la totalité du patrimoine, mais comment sera-t-il géré ensuite ? Je ne mets pas en doute, je le répète, ni le président actuel ni le personnel, mais je m’interroge : est-ce que VNF en aura les moyens ? En fait, si VNF souhaitait réaliser une opération dans un endroit donné, je répète que le texte tel qu’il vous est proposé aujourd’hui le permettrait tout à fait.

Je maintiens donc l’amendement du Gouvernement et je vous demande de l’adopter. Dans le contexte actuel, et compte tenu de la manière dont ce sujet progresse, il n’est pas opportun de transférer à titre gratuit la totalité du patrimoine à VNF, quelle que soit la qualité de cette structure et de son président.

(Les amendements identiques nos 20 et 4 sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l’amendement n° 5.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Branget, rapporteure. Défavorable. Cet amendement conduirait à interdire toute possibilité de sous-traitance et limiterait les capacités d’action de ce nouvel établissement. L’article 1er prévoit déjà que l’établissement public « assure l’exploitation, l’entretien, la maintenance, l’amélioration, l’extension et la promotion des voies navigables. »

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Les amendements se suivent et ne se ressemblent pas. Afin que M. Paul ne se sente pas compromis, j’émets un avis défavorable à son amendement n° 5. (Sourires.)

(L’amendement n° 5 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul pour défendre l’amendement n° 6.

M. Daniel Paul. Défendu.

(L’amendement n° 6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de Mme Françoise Branget, n° 14, deuxième rectification.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Françoise Branget, rapporteure. Avec cet amendement, qui porte sur la valorisation du domaine, je voudrais défendre deux idées.

La première concerne l’amendement voté au Sénat qui prévoit « la construction d’une quantité minimale de logements ». Il existe des secteurs où la construction d’habitations n’est pas forcément une option soutenable : la reconversion d’anciennes zones portuaires peut ainsi porter des projets incompatibles avec des habitations résidentielles. Prévoir un programme de mise en œuvre de ces opérations suppose qu’il soit défini en concertation avec les collectivités territoriales ou les groupements de collectivités, compétents en matière de programme local. Il n’est pas toujours opportun de prévoir des habitations résidentielles. Voilà je propose une nouvelle rédaction pour la fin de l’alinéa 16.

La deuxième idée est d’engager l’établissement public VNF à conserver en réserve une fraction du foncier disponible dans la perspective d’aménagements futurs, et prévenir ainsi une utilisation complète du domaine qui empêche à l’avenir une possible extension du trafic fluvial. Il serait effectivement dommage de ne pas pouvoir construire des quais de déchargement ou de chargement dans le cadre d’une extension, faute d’un espace disponible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Favorable.

(L’amendement n° 14 deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 13 de Mme Françoise Branget.

Mme Françoise Branget, rapporteure. Il est retiré, monsieur le président.

(L’amendement n° 13 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 7.

M. Daniel Paul. Il est défendu.

(L’amendement n° 7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour défendre l’amendement n° 8.

M. Daniel Paul. Il s’agit d’instituer auprès de l’établissement public Voies navigables de France un conseil de service aux usagers, pour suivre les problèmes de sécurité, d’hygiène, de cadre de vie dans l’ensemble du réseau.

Actuellement, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, il n’existe aucune disposition qui impose la moindre obligation, notamment en matière de fourniture d’eau potable ou de collecte des déchets. Il existe bien des comités d’usagers dans les différents services et un comité national qui traite principalement des programmes d’interruption de navigation pour travaux. Mais ces comités n’ont aucun statut ni règlement intérieur, aucune règle de désignation de leurs membres ni aucune compétence précise définie.

Sachant qu’il sera question, tout à l’heure, d’un amendement portant sur la création d’une interprofession, je précise tout de suite qu’il n’y a pas incompatibilité, loin s’en faut, entre ces deux propositions, qui ne se recouvrent pas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Branget, rapporteure. En commission, nous avons déjà discuté de cette disposition, qui rejoint tout de même l’interprofession qui va être proposée tout à l’heure. L’objectif est de mettre tous les acteurs du transport fluvial autour de la table et d’engager une dynamique. Cet amendement ne me paraît pas utile et je vous demande de le retirer. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Il s’agit d’une instance de conseil dont la création relève du niveau réglementaire, monsieur Paul. Les commissions territoriales de VNF qui existent déjà constituent le cadre naturel des échanges de ce type. Le Gouvernement vous demande le retrait de cet amendement. S’il est maintenu, avec beaucoup de regrets, j’y serai défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Pour la deuxième fois ce soir, je vais être d’accord avec M. Paul.

Mes chers collègues, nous changeons la gouvernance de VNF, qui est un établissement de grande valeur. Pas mal de choses se font dans le domaine de la relation aux usagers, mais d’une manière totalement informelle. Nous aurions tout intérêt à adresser un signe à un paquet d’usagers qui font du transport sur la voie fluviale en votant l’amendement de M. Paul.

À mon sens, la réponse de Mme la rapporteure n’est pas bien venue. La création d’une interprofession, à laquelle je crois beaucoup et que je prône comme elle et comme Alain Gest, ne répondra pas à la problématique des usagers, qui ne se sentent pas assez écoutés par Voies navigables de France. Je vous le dis très clairement.

Nous aurions tout intérêt à adopter cet amendement. Je ne voudrais pas laisser croire à mes collègues que cet amendement est soutenu uniquement sur les bancs d’en face car il y a un vrai problème dans le rapport de Voies navigables de France avec les usagers. Cet amendement me paraît de bon aloi.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. M. le ministre nous dit que certains dispositifs mériteraient peut-être d’être activés par voie réglementaire. Mais sur ce point, je rejoins ce qu’a dit M. Richard, et qui m’a été confirmé par plusieurs personnes parmi les bateliers du Havre : ils ont du mal à se faire entendre. Ce n’est probablement pas M. Gest, ni VNF, qui en est responsable, mais c’est comme ça.

Si nous voulons relancer la voie d’eau, cela passe aussi par un meilleur dialogue, par une meilleure écoute. Il s’agit d’attirer une nouvelle clientèle ou de nouveaux usagers, appelons-les comme on voudra. Monsieur le président de VNF, cher collègue, vous ne les attirerez que s’ils ont le sentiment qu’ils sont écoutés.

Encore une fois, il ne s’agit pas de dire que le comité d’usagers est mieux ou moins bien que l’interprofession, c’est autre chose ; les deux instances ne sont pas en concurrence. Si j’ai volontairement évoqué la création éventuelle de l’interprofession tout à l’heure, c’est parce que ce débat peut apparaître. Vous l’avez d’ailleurs évoqué aussi, madame la rapporteure.

Je souhaite vraiment la création de ce comité d’usagers, peut-être par voie réglementaire, en réactivant ce qui se fait déjà mais qui est probablement insuffisant.

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Monsieur Paul, il y a en effet des commissions territoriales qui remplissent déjà cet office. Vos remarques s’expliquent peut-être par le fait que nous avons réactivé ces commissions territoriales il y a environ un an. C’était nécessaire.

Par ailleurs, le conseil d’administration de l’établissement est lui-même composé en partie de représentants des clients que vous appelez usagers. Ils ont parfaitement l’occasion de s’exprimer, de représenter les différentes clientèles et ils ont fait état de cette demande. Le conseil d’administration s’est engagé à faire un point régulier sur les difficultés qui peuvent survenir, notamment celles que vous avez évoquées et que je comprends très bien.

Le dialogue est utile et il s’instaure dans les commissions territoriales comme au sein du conseil d’administration.

(L’amendement n° 8 n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 11 rectifié portant article additionnel après l’article 1er.

La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron. Cet amendement propose de donner des compétences nouvelles à VNF pour lui permettre de jouer un rôle de garant de l’environnement et de la biodiversité.

On constate, sur les voies navigables, des infractions et des délits. Il faut, me semble-t-il, donner à VNF les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant préjudice aux intérêts que cet établissement public a pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement. L’Agence de l’environnement et le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres peuvent exercer ces droits ; on peut très bien les accorder également à VNF.

(L’amendement n° 11 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 2

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 9.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Cet amendement est défendu.

(L’amendement n° 9, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de la commission, n° 19.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Françoise Branget, rapporteure. Le but de cet amendement est de favoriser la décentralisation de certains ports, comme le souhaitent certaines collectivités territoriales afin de développer le transport fluvial. C’est notamment le cas en Alsace, où les collectivités sont dans une logique de coopération avec leurs voisins suisses et allemands avec lesquels elles souhaitent construire un ensemble portuaire de premier plan.

Cela dit, je crois que le Gouvernement souhaite défendre un autre amendement, auquel cas je pourrai retirer le mien.

M. le président. Je suis effectivement saisi d’un amendement n° 21, deuxième rectification.

La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. L’amendement n° 21, deuxième rectification, va exactement dans le sens souhaité par Mme la rapporteure, puisqu’il vise à rendre possible une véritable coopération transfrontalière entre les ports fluviaux et plusieurs pays riverains. Nous avons bien sûr en tête le cas de Mulhouse et de Bâle. De nombreux élus alsaciens – je pense au ministre Philippe Richert, à Charles Butner, à Arlette Grosskost, à Jean-Marie Bockel et, bien sûr, à Antoine Herth – appellent une telle coopération de leurs vœux.

Le transport fluvial, mode de transport fiable et peu polluant, a, depuis longtemps, un caractère international. Il convient donc de favoriser le renforcement et la modernisation des infrastructures portuaires, ainsi que l’accroissement de leurs capacités compétitives, afin qu’elles puissent faire face à l’augmentation attendue du trafic fluvial.

La coopération transfrontalière, que cet amendement a pour objet de permettre, est le vecteur indispensable, qu’il s’agisse du Rhin, plus importante voie d’eau en Europe, au potentiel de développement important, ou, éventuellement, du Rhône.

Nous vous serions donc reconnaissant, madame la rapporteure, de retirer votre amendement, étant entendu que l’amendement n° 21, deuxième rectification, semble répondre tant à vos souhaits qu’à ceux exprimés tout à l’heure par Antoine Herth, que partagent de nombreux élus alsaciens.

Mme Françoise Branget, rapporteure. Je retire l’amendement n° 19, au profit de celui du Gouvernement.

(L’amendement n° 19 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 21, deuxième rectification ?

Mme Françoise Branget, rapporteure. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je veux simplement saluer le travail accompli par Mme la rapporteure, qui a accepté de porter ce débat, avec l’amendement qu’elle a déposé, et qui nous a permis d’ouvrir la discussion avec le Gouvernement. Je remercie également M. le ministre d’avoir accepté d’ouvrir une porte.

L’amendement du Gouvernement me satisfait, car il permet effectivement d’ouvrir une perspective de collaboration avec nos voisins d’outre-Rhin – sans angélisme, car il peut aussi y avoir une concurrence, éventuellement féroce.

Je suis heureux, par ailleurs, que l’État et VNF relèvent le défi de la concurrence, par exemple en construisant un nouveau terminal conteneurs dans le nord de notre département, au port de Lauterbourg.

Cet amendement permet en tout cas d’avancer. Ensuite, il faudra construire un cadre juridique, régler des problèmes de droit social tels que ceux qui se posent dans d’autres structures comme l’EuroAirport, expérience un peu complexe à gérer que nous ne souhaitons pas renouveler. Il faudra aussi fixer des règles du jeu ; c’est l’étape suivante.

Merci, en tout cas, monsieur le ministre de nous permettre de franchir ce premier pas.

(L’amendement n° 21, deuxième rectification, est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 4 bis

(L’article 4 bis est adopté.)

Après l’article 4 bis

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12 portant article additionnel après l’article 4 bis.

La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron. Cet amendement est un peu dans la même veine que l’amendement n° 11 rectifié que j’ai soutenu tout à l’heure. Il concerne, là encore, les atteintes à l’environnement. Constitueraient des contraventions de grande voirie les atteintes aux ressources naturelles et aux services écologiques du domaine public maritime naturel et du domaine public fluvial naturel, et les contrevenants seraient obligés de consigner entre les mains du comptable public les sommes nécessaires à la remise en état du domaine ou des services écologiques.

Cet amendement vise donc à renforcer l’arsenal dont dispose VNF pour entretenir et pour garantir la qualité de son environnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Branget, rapporteure. Défavorable. L’objet de cet amendement excède largement le champ de ce projet de loi, puisqu’il touche au régime juridique de la contravention de grande voirie.

En outre, il semble satisfait, puisque la contravention de grande voirie vise, selon le code général de la propriété des personnes publiques, à réprimer les manquements aux textes ayant pour objet la protection de l’intégrité du domaine public. Les dégâts écologiques me semblent donc potentiellement couverts.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Même avis que la commission.

(L’amendement n° 12 n’est pas adopté.)

Articles 5 à 8

(Les articles 5, 6,7 et 8, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Après l’article 8

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 18 rectifié et 15, troisième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Gest, pour soutenir l’amendement n° 18 rectifié.

M. Alain Gest. Je le retire au profit de l’amendement n° 15, troisième rectification.

(L'amendement n° 18 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget, rapporteure, pour soutenir l’amendement n° 15, troisième rectification.

Mme Françoise Branget, rapporteure. Il s’agit d’un amendement important, puisqu’il a pour objet de créer une interprofession. Nous en avons déjà parlé tout à l’heure.

Certes, ce projet de loi n’est pas une grande loi cadre, mais nous souhaiterions, avec cet amendement, donner un nouveau souffle au transport fluvial, lequel doit s’intégrer naturellement dans les chaînes logistiques de transport. Il s’agit donc de permettre à la filière de se structurer, d’évoluer vers un développement stratégique, de rapprocher l’ensemble des professions et même les usagers. Parce que les usagers dont vous parliez tout à l’heure, monsieur Paul, ce sont des bateliers, des chargeurs, des loueurs de bateaux. Tous peuvent se retrouver autour d’une même table pour apprendre à se parler et pour faire évoluer les choses, afin de favoriser un véritable essor du fluvial. L’interprofession pourrait peut-être même prendre en charge la formation professionnelle, comme le disait tout à l’heure un collègue, avec une filière des métiers du fleuve.

Cet amendement nous paraît donc important pour structurer le transport fluvial et donner un nouveau souffle à son développement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Cet amendement est effectivement intéressant. Le travail mené en commun par Mme la rapporteure et M. Alain Gest a permis d’aboutir à un texte qui permet la prise en compte et la consultation de la profession par-delà ses spécificités. Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cet amendement qui permet de prendre en compte un certain nombre d’aspirations, et peut-être mieux qu’auparavant, notamment grâce à une meilleure coordination et une meilleure organisation.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. VNF a confié à une filiale, Entreprendre pour le fluvial, ou EPF, le soin de faire avancer l’idée de créer une filière fluviale regroupant toutes les parties prenantes – ports, clients, transporteurs, manutentionnaires, chantiers, ateliers, etc. –, pour mieux appréhender les problématiques liées à cette activité et chercher à coordonner les démarches. Nous ne sommes évidemment pas opposés à une telle logique, à condition qu’elle reflète les volontés communes qui s’exprimeront dans le cadre de sa mise en place.

Cependant, lorsque je lis cet amendement, je me demande s’il est bien nécessaire d’insérer toutes ces dispositions dans un texte législatif.

M. Antoine Herth. C’est tout à fait classique !

M. Daniel Paul. M. le ministre évoquait tout à l’heure la création d’un comité d’usagers par voie réglementaire.

Nous avons déjà l’expérience des interprofessions dans un certain nombre d’autres domaines, je pense en particulier à l’agriculture. Mais est-il nécessaire de prévoir, dans un texte d’ordre législatif, que « lorsque l’extension est décidée, les mesures ainsi prévues sont obligatoires pour tous les membres des professions constituant l’organisation interprofessionnelle » ? Est-il nécessaire de préciser que « les statuts de l’organisation interprofessionnelle prévoient la désignation d’une instance de conciliation pour les litiges » ? Vous n’êtes pas allés, chers collègues, jusqu’à prévoir une commission des conflits, mais on n’en est pas loin.

S’agissant de la constitution d’une interprofession – dont je répète qu’elle ne recouvre pas la même chose que les comités d’usagers –, ne serait-il pas plutôt souhaitable, monsieur le ministre, de s’abstenir de fixer dans la loi des dispositions aussi précises, et même aussi coercitives ? Il me semble préférable de laisser les différents partenaires travailler ensemble, après quoi l’interprofession pourrait être créée.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, en matière d’hygiène et de sécurité, il ne saurait être question que l’interprofession se substitue à l’État et réglemente sur la voie d’eau. Cette prérogative relève du seul État, qui reste propriétaire et pouvoir régalien dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Dans la discussion générale, j’ai indiqué que j’étais très favorable à l’interprofession. Indéniablement, elle pourrait exister sans la loi, cher collègue Daniel Paul. Cela étant, une interprofession a vocation à associer étroitement tous les acteurs de la profession aux décisions de l’État, à organiser l’économie du secteur, à promouvoir collectivement ce secteur, à créer enfin des systèmes et des champs d’information – nous le verrons avec le prochain amendement,

Certes, ce n’est pas la panacée, monsieur Paul, j’en conviens, et le secteur pourrait d’ailleurs jouer ce rôle sans la loi. J’entends également vos arguments selon lesquels la loi pourrait être paradoxalement un carcan, mais cette interprofession n’existe pas jusqu’à présent. En l’inscrivant dans la loi, au moins aurons-nous la certitude que le sujet avance d’une manière profitable aux acteurs.

Je vous indique par ailleurs, monsieur le président, je retire l’amendement n° 16.

M. le président. J’en prends bonne note.

(L’amendement n° 15 troisième rectification est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 17, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 22.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 17.

M. Arnaud Richard. Le Grenelle I a fixé des objectifs clairs et ambitieux en faveur du développement du transport fluvial en visant une augmentation de la part du transport non routier et non aérien de marchandises de 14 % à 25 % d’ici à 2 022.

Pour l’heure, le fluvial ne représente que 4 % du fret en France. Cette augmentation de la part modale du fluvial est essentielle : une simple péniche Freycinet d’une capacité de chargement de 250 à 300 tonnes remplace douze à quatorze camions.

Malheureusement, au-delà de son intérêt dont nous sommes tous convaincus, l’essor du transport fluvial semble limité par des pratiques tarifaires de bout en bout du secteur assez obscures. Il convient de vérifier le processus d’établissement des prix dans le transport fluvial.

J’avais proposé un amendement visant à créer un observatoire, comme cela a été fait notamment pour les marges et le prix dans les produits alimentaires, mais il n’a pas passé l’article 40. Aussi l’amendement n° 17 propose-t-il que le Gouvernement remette chaque année un rapport qui permettrait de comprendre la formation des prix et des marges dans ce secteur.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 17 et présenter le sous-amendement n° 22.

Mme Françoise Branget. L’amendement proposé par notre collègue Richard est intéressant. Cela dit, il est difficile de faire un rapport chaque année sur les prix et les marges dans le transport fluvial. Qui plus est, le premier rapport devrait être remis avant la fin de la législature, ce qui ne serait franchement pas évident. C’est pourquoi je vous propose, par le sous-amendement n° 22, de remplacer les mots : « chaque année » par : « au plus tard au 31 décembre 2012 ».

Ce rapport sera particulièrement pertinent et nous permettra de prendre les dispositions nécessaires à la résolution des problèmes éventuellement constatés.

En conséquence, la commission est favorable à l’amendement n° 17 ainsi sous-amendé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Favorable à l’amendement n° 17 sous-amendé.

(Le sous-amendement n° 22 est adopté.)

(L’amendement n° 17, sous-amendé, est adopté.)

Articles 10 et 11

M. le président. Sur les articles 10 et 11, je ne suis saisi d’aucune demande d’intervention ni d’aucun amendement.

(Les articles 10 et 11, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron. Monsieur le président, monsieur le ministre, ce texte constitue incontestablement une avancée.

M. Thierry Mariani, ministre. Ah !

M. Philippe Duron. Il donne à VNF une meilleure organisation, il permettra de mieux mobiliser l’ensemble des salariés qui n’avaient jusqu’à présent qu’une relation fonctionnelle avec l’opérateur public et il met en cohérence les compétences et les missions de VNF avec le Grenelle I.

Le texte apporte des avancées plus limitées dans le domaine de la gestion du patrimoine en autorisant la création de filiales. J’aurais préféré que le Gouvernement accepte le travail fait en commission, qui avait été très largement consensuel.

Le groupe SRC attendra que le Gouvernement aille plus loin dans le renforcement de VNF et que l’effort budgétaire en faveur du fluvio-maritime soit plus affirmé : je lisais cet après-midi que les Allemands envisagent d’apporter 8 milliards d’euros dans les années qui viennent à la modernisation de leur réseau de canaux, financée par la Toll Collect, la taxe sur les poids lourds.

Nous attendons également de connaître les propositions de compensations financières de la décentralisation du réseau patrimonial. Pour l’heure, le groupe SRC s’abstiendra.

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, dans la discussion générale, j’avais annoncé que je m’apprêtais à voter contre ce texte issu de la commission. Le « nœud gordien », si je puis dire, était l’éventualité d’un transfert de propriété du domaine fluvial. Fort heureusement, nous avons été sages et nous avons fait en sorte qu’il reste propriété de l’État. Il appartiendra aux générations qui suivront de décider ; mais, pour l’heure, la sagesse commandait de conserver cette propriété, sans pour autant retirer quelques possibilités d’initiatives à VNF. C’est pourquoi je ne voterai pas contre.

Mais peut-on se satisfaire du texte qui nous est proposé ? Il contient encore bon nombre d’insuffisances. Plus particulièrement, nous restons sur notre faim quant aux moyens qui permettront, un jour, de remettre le fluvial au cœur de nos préoccupations, puisque, à vous entendre, monsieur le ministre, tel est l’objectif de cette loi. J’en accepte l’augure ; mais nous sommes encore très loin d’un véritable plan-programme pour un réseau national fluvial qui permettrait, comme c’est le cas dans d’autres pays, d’aller du Sud au Nord et de l’Est à l’Ouest, de façon à réellement donner envie aux chargeurs d’utiliser la voie d’eau plutôt que la route. Malgré vos bonnes intentions, nos moyens paraissent extrêmement limités. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Réforme des ports d’outre-mer
relevant de l’État

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports (nos 3858, 4038).

La parole est à M. le ministre chargé des transports.

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est une traduction concrète des travaux du comité interministériel de la mer qui, le 10 juin dernier, a décidé de réformer en profondeur la gouvernance des ports d’outre-mer, dans le prolongement de la réforme portuaire métropolitaine.

Quatre ports sont concernés par cette réforme. Trois relèvent de l’État : les ports de Fort-de-France à la Martinique, de Dégrad-des-Cannes en Guyane et de Port Réunion à la Réunion. Le port autonome de la Guadeloupe est, quant à lui, déjà un établissement public.

En raison de la disparité des statuts des ports maritimes des départements d’outre-mer et de la spécificité des territoires ultramarins, le Gouvernement avait choisi d’engager dans un premier temps la réforme portuaire dans les seuls ports métropolitains. Cette réforme métropolitaine étant aujourd’hui achevée, nous avons décidé d’étendre dans les meilleurs délais la modernisation des ports dans les départements d’outre-mer.

À l’heure actuelle, les installations des trois ports d’outre-mer relevant de l’État sont confiées en gestion aux chambres de commerce et d’industrie. Cette dualité entre l’État et son concessionnaire est cause de dysfonctionnements et de dilution des responsabilités. Elle n’est par ailleurs pas adaptée aux exigences croissantes de réactivité du commerce maritime international. Enfin, la représentation des collectivités territoriales au sein des instances de gouvernance apparaît insuffisante, en dépit de leur rôle croissant dans le développement économique local.

Le projet de loi qui vous est soumis vise donc essentiellement à permettre aux ports d’outre-mer de se transformer en grands ports maritimes, établissements publics nationaux, afin de se recentrer sur des missions d’aménageurs et de pôle commercial.

Je souhaiterais tout d’abord rappeler brièvement les objectifs de la réforme. En premier lieu, elle vise à mieux répondre aux exigences de performance et de compétitivité qu’imposent l’évolution du commerce maritime international et la concurrence avec les ports étrangers. Le projet de loi garantit, en ce sens, l’unicité de fonctionnement et de gestion des ports. J’y vois là un gage d’efficacité et de fiabilité.

Cette réforme doit également contribuer, dans chacun des départements d’outre-mer, au développement de l’économie locale, notamment par une meilleure maîtrise des tarifs portuaires. Les ports sont en effet au cœur de la chaîne logistique d’approvisionnement de ces territoires et sont, à ce titre, un élément essentiel de leur compétitivité. Ils jouent par ailleurs un rôle prépondérant dans la lutte contre l’inflation, qui, nous le savons tous ici, est un enjeu crucial pour le maintien de la paix sociale.

Enfin, cette réforme a pour objectif de renforcer la place des collectivités territoriales, afin que le développement des ports d’outre-mer accompagne et favorise l’évolution des territoires dans lesquels ils sont implantés. La représentation des chambres de commerce et d’industrie, jusqu’à présent très importante en raison notamment de leur position particulière de concessionnaire, doit également être prise en compte.

Les dispositions du projet de loi déclinent les bénéfices de cette réforme pour les ports d’outre-mer. Pour assurer l’unité de gestion des ports d’outre-mer, il regroupe les personnels des services portuaires des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement – les DEAL –, soit à peu près quatre-vingts agents, avec les personnels actuels des concessions portuaires, qui sont environ trois cent quarante. Ce rapprochement permettra d’instaurer une véritable communauté de travail et de regrouper les compétences techniques et les moyens sous une seule entité.

Par ailleurs, comme dans le régime des grands ports maritimes métropolitains, ces nouveaux établissements publics portuaires seront dotés d’une gouvernance modernisée.

Les premiers enseignements de la nouvelle gouvernance des ports métropolitains sont en effet d’ores et déjà très positifs. Il convenait donc naturellement de l’étendre aux ports d’outre-mer. Néanmoins, cette dernière sera adaptée aux spécificités ultramarines. Le projet de loi prévoit ainsi la création de plusieurs structures : tout d’abord un conseil de surveillance de dix-sept membres permettant d’assurer la représentation de l’État et des collectivités, du personnel, des personnalités qualifiées et des chambres de commerce et d’industrie ; un directoire collégial composé de trois membres ; et un conseil de développement portuaire, consultatif, composé de vingt membres. Ce dernier permettra notamment d’assurer la représentation des milieux professionnels, sociaux et associatifs intéressés par la vie portuaire ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements.

En revanche, contrairement aux dispositions appliquées aux grands ports maritimes métropolitains, le Gouvernement a décidé que l’ensemble des activités de manutention demeurerait de la compétence des nouveaux établissements publics portuaires créés outre-mer. Le projet de loi prévoit cependant de donner la faculté à chacun d’eux d’envisager, à terme et s’ils le souhaitent, une cession des outillages, selon les possibilités d’ouverture à la concurrence locale.

Nous nous sommes en effet avant tout attachés à prendre en compte la forte dépendance des départements d’outre-mer vis-à-vis de leurs ports, en raison de leur insularité ou de leur isolement. Par ailleurs, les activités de manutention sont très souvent concentrées sous l’autorité d’un seul opérateur. Le risque était donc grand, en menant une réforme d’application générale, de fragiliser le fonctionnement de ces ports, alors que notre objectif est au contraire de les rendre plus fiables et plus efficaces.

Le mode de gouvernance lié à la transformation du statut des ports d’outre-mer en grands ports maritimes, avec notamment la mise en place d’un directoire et d’un conseil de surveillance, vise avant tout à favoriser une réactivité accrue dans le processus de décision. Celle-ci sera notamment un atout précieux vis-à-vis des usagers et des investisseurs potentiels dans la zone économique du port. Le fait que la réforme s’accompagne d’une responsabilité accrue des autorités portuaires en matière d’aménagement permettra également de mieux satisfaire la demande des différents usagers.

Par ailleurs, à l’instar de la réforme portuaire des ports métropolitains, le présent projet de réforme des ports d’outre-mer confère à l’activité portuaire une responsabilité écologique accrue. Il donne notamment aux futurs grands ports maritimes d’outre-mer les moyens d’assurer une véritable gestion durable du littoral et de ses ressources.

La réforme prévoit en particulier la représentation des associations de protection de l’environnement au sein du conseil de développement, au côté des professionnels, des collectivités et des salariés. Conformément à l’esprit du Grenelle de la mer, elle permet ainsi une gouvernance élargie qui facilitera une meilleure prise en compte des aspects environnementaux en amont des projets.

Enfin, la réforme vient renforcer le rôle d’aménageur du port en lui confiant la pleine propriété de son domaine. Elle lui confère à ce titre des responsabilités propres, en lien notamment avec le Conservatoire du littoral, faisant de la relation de l’établissement avec son territoire un volet spécifique du projet stratégique du port. À ce titre, elle s’inscrit également dans l’objectif de gestion durable du littoral et de ses ressources.

Enfin, je souhaiterais insister sur les étapes qui ont conduit à l’élaboration du projet de loi. Vous le savez, nous avons mené en étroite collaboration avec Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer, une concertation avec chaque catégorie d’acteurs de la place portuaire ultramarine concernée. Je pense notamment aux collectivités territoriales, aux chambres de commerce et d’industrie, aux professionnels de la place portuaire ainsi qu’aux représentants du personnel.

Le présent projet de loi est le fruit de cette concertation approfondie. Il représente, en ce sens, un compromis équilibré entre la nécessaire modernisation des ports ultramarins et la prise en compte des situations locales. Le Gouvernement est très attaché au respect des équilibres qui ont pu être trouvés dans le cadre de cette concertation et qui visent à apporter les meilleures garanties possibles à la mise en œuvre de ces nouveaux établissements publics portuaires.

Au-delà de ces dispositions, je tiens à rappeler que l’État continuera à soutenir une politique d’investissement durable et significative en outre-mer afin de permettre à ses ports de moderniser leurs infrastructures et de s’adapter à l’évolution du commerce maritime.

Par ailleurs, le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures nécessaires à la mise en œuvre de six textes européens dans le domaine des transports. Les ordonnances pour lesquelles l’habilitation est sollicitée concernent quasiment tous les modes de transport. Elles ont pour dénominateur commun de contribuer à l’amélioration de la sécurité et de faciliter les formalités administratives ou l’exercice des activités des opérateurs économiques concernés.

Ainsi, les ordonnances visent notamment à parfaire la transposition de la directive de 2009 dite « paquet routier » concernant les conditions d’accès à la profession de transporteur.

Elles visent également à étendre, conformément à la position défendue par mon prédécesseur, les dispositions relatives au temps de travail au profit des conducteurs routiers indépendants.

Elles ont aussi pour objectif de permettre l’adoption du cadre technique nécessaire à la sécurité aérienne et à la conduite des enquêtes de sécurité à la suite d’accidents aériens ; au déploiement de systèmes dits « de transport intelligent » destinés à permettre aux différents utilisateurs d’être mieux informés et de faire un usage plus sûr, plus coordonné et plus intelligent des réseaux de transport ; et enfin à la mise en place, pour les navires, de procédures dématérialisées de déclaration d’entrée et de sortie des ports.

Je connais les réticences du Parlement à accepter les demandes d’habilitation du Gouvernement à prendre certaines dispositions urgentes par voie d’ordonnance. Mais il importe que la France respecte ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens et mette rapidement en œuvre les dispositions communautaires concernées, sous peine de condamnations ou de mises en demeure par les institutions européennes.

À cet égard, je tiens à saluer l’attitude responsable de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi que celle de son rapporteur, que je remercie pour la qualité de nos échanges. Ils ont en effet suggéré de réduire les délais d’habilitation initialement proposés et de reprendre une des ordonnances, dont le texte était déjà finalisé, dans le corps de la loi. Je me range à leurs arguments, qui prennent en compte les enjeux de transposition tout en garantissant au mieux les droits du Parlement.

Mesdames et messieurs les députés, sans préjuger des améliorations que votre assemblée pourra apporter au projet de loi, je souhaite avant tout que nos débats s’attachent à dégager la meilleure organisation portuaire possible en outre-mer.

Vous l’avez compris, cette réforme est véritablement une étape cruciale dans le développement de la compétitivité de nos ports ultramarins, que nous sommes très nombreux ici à appeler de nos vœux. Elle constitue non seulement une composante essentielle de la politique maritime voulue par le Président de la République en 2009, mais aussi l’assise d’une ambition renouvelée pour notre économie maritime ultramarine.

La France ne serait pas une grande puissance maritime sans ses outre-mers et nous devons, plus que jamais, nous donner les moyens d’une politique forte pour le développement de ces territoires. C’est ce que nous vous proposons de faire en adoptant ce texte.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fidelin, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Daniel Fidelin, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux ports d’outre-mer qui vous est aujourd’hui proposé a été examiné par la commission du développement durable le 7 décembre dernier.

Avec cette réforme, nous allons aligner le statut des ports d’outre-mer sur le droit commun métropolitain. Ce projet de loi propose de transformer en « grands ports maritimes » quatre ports relevant de l’État en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion.

Le statut de « grand port maritime » a été institué lors de la grande réforme portuaire du 4 juillet 2008. Celle-ci a été saluée par nombre d’acteurs des ports métropolitains comme le début d’un renouveau pour nos ports, confrontés à une rude concurrence européenne. D’une certaine manière, je dirais qu’enfin, la France a pris toute la mesure de l’intérêt stratégique des ports pour notre économie.

La nouvelle gouvernance des ports apparaît moderne, à travers la création d’un directoire, d’un conseil de surveillance et d’un conseil de développement. Elle permet une meilleure prise de décision et affermit la coopération entre tous les acteurs concernés. Le dialogue social est renforcé afin d’éviter les blocages et d’accroître la fiabilité des ports français. Les instances de gouvernance des grands ports maritimes métropolitains ont rapidement adopté des projets stratégiques d’envergure pour la période 2009-2013.

Étant moi-même membre du conseil de surveillance du grand port maritime du Havre, je peux attester de la réussite de cette évolution : depuis la réforme, les grands ports maritimes ont enregistré des gains de productivité de l’ordre de 20 %.

Alors que s’achève en France l’année des outre-mers, le Gouvernement a décidé de procéder à l’adaptation de la réforme de 2008 aux ports des départements d’outre-mer relevant de l’État.

L’extension de cette réforme aux ports ultramarins a nécessité du temps, afin de bien prendre en compte les spécificités propres à ces territoires : éloignement des marchés d’approvisionnement, insularité, exiguïté et étroitesse des marchés.

Qui plus est, la crise sociale qui a frappé l’ensemble de l’outre-mer au cours des premiers mois de l’année 2009 a dégagé d’autres priorités, auxquelles le Gouvernement a répondu par la LODEOM – la loi pour le développement économique des outre-mer – et le CIOM – le conseil interministériel de l’outre-mer.

Les ports d’outre-mer sont des poumons économiques stratégiques dont le développement est essentiel pour les territoires. Moderniser la gouvernance du secteur portuaire ultramarin, c’est créer des emplois, contribuer à l’aménagement du territoire et susciter la croissance économique.

Dans l’outre-mer, les ports constituent la principale, voire la seule porte d’entrée des produits alimentaires, des ressources énergétiques et des biens manufacturés. Ils ont, bien plus que dans l’Hexagone, un rôle vital pour l’économie locale.

Ainsi, le trafic de marchandises des ports ultramarins est comparable à celui des grands ports maritimes métropolitains. Avec 1,9 million de tonnes de trafic conteneur en 2009, Port Réunion se situe à la troisième place des ports français, derrière Le Havre et Marseille. Fort-de-France et le port autonome de la Guadeloupe se situent aux cinquième et sixième places de ce classement en 2010.

Alors que la crise sociale de 2009 a été sévère pour l’économie des territoires ultramarins, l’activité portuaire est repartie à la hausse en 2010, le transport de marchandises étant en augmentation de 9 % par rapport à 2009. De manière plus détaillée, les exportations, en croissance de 9 %, représentent 2,4 millions de tonnes, tandis que les importations se sont accrues de 6 %, atteignant un niveau de 8 millions de tonnes.

Le trafic de passagers est principalement le fait des croisiéristes. Les ports des Antilles sont les principaux concernés, dans la mesure où la Martinique et la Guadeloupe bénéficient de l’attrait de l’archipel des Caraïbes, premier bassin de croisière au niveau mondial.

L’activité de croisière a toutefois connu une chute de 6 % en Guadeloupe en 2010. Ceci s’explique notamment par les conséquences de la crise sociale de 2009, dont la forte médiatisation a conduit nombre de touristes à annuler leur voyage.

À la Martinique, le port de Fort-de-France a, quant à lui, connu une hausse de 23 % du nombre de passagers de navires de croisière en 2010. Le trafic de passagers demeure néanmoins largement en retrait par rapport aux autres îles des Caraïbes. Au cours des auditions, j’ai souvent vu poindre le regret de voir les ports de Sainte-Lucie ou de la Barbade accueillir sans cesse des dizaines de navires de croisières, alors que seuls cinq navires ont fait escale en Guadeloupe en 2009…

Si la plupart des touristes sont des métropolitains se rendant dans les départements d’outre-mer par avion, l’augmentation du nombre de croisières faisant escale dans les ports ultramarins est essentielle pour soutenir l’essor du tourisme sur ces territoires.

En somme, bien que situés à la croisée des routes maritimes, les ports ultramarins souffrent fortement de la concurrence de leurs voisins, notamment aux Antilles. Cette réforme portuaire leur permettra sans nul doute de mieux s’intégrer dans leur environnement régional et de valoriser pleinement leur potentiel de développement. À ce titre, les travaux d’élargissement du canal de Panama représentent une chance pour les ports de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane.

Compte tenu des délais qui nous sont imposés, je n’ai pas eu le temps de me rendre sur le terrain et je le regrette. J’en aurai peut-être l’occasion dans le cadre du contrôle de l’application de la loi. Néanmoins, j’ai tenu à m’entretenir avec tous les acteurs locaux concernés, à l’Assemblée ou par téléphone.

De ces échanges ressort un point particulièrement encourageant : le projet est très attendu et très bien perçu par les différents acteurs : directeurs de ports, chambres de commerce, collectivités territoriales, industriels, représentants syndicaux, tous saluent la transformation des ports ultramarins en grands ports maritimes. Un seul mot d’ordre : tout faire pour que la réforme puisse être mise en œuvre le plus vite possible.

J’ai aussi souhaité rencontrer nos collègues ultramarins et je les remercie d’avoir répondu à mon invitation. Certains auraient souhaité un accroissement du nombre de représentants des collectivités au sein du conseil de surveillance. Si je peux comprendre leur démarche, je veux vous rappeler que nous ne discutons pas aujourd’hui d’un texte de décentralisation. Les grands ports maritimes seront des établissements publics de l’État, et celui-ci doit conserver ses prérogatives.

De plus, il me semble que l’échelon local est bien pris en compte : si, pour la Réunion et la Martinique qui comptent un port unique, le nombre de représentants des collectivités est de quatre, comme en métropole, il est porté à cinq en Guadeloupe et en Guyane afin de tenir compte de l’éclatement des sites portuaires. Je rappelle que les représentants de l’État sont passés de cinq en métropole à quatre en outre-mer.

Je tiens aussi à rappeler que j’ai voulu faire un pas dans le sens des collectivités : j’ai déposé un amendement prévoyant une consultation des collectivités territoriales sur la nomination des personnalités qualifiées au sein du conseil de surveillance. Cette modification a été adoptée en commission la semaine dernière.

En ce qui concerne les chambres de commerce et d’industrie, elles se verront proposer des compensations financières pour ne pas déséquilibrer leur activité.

Enfin, il me semble très avantageux d’instituer un conseil de coordination interportuaire entre la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. Je connais bien le fonctionnement du conseil de coordination Paris-Rouen-Le Havre ; en tant que membre de cette structure, je peux attester de la réussite d’une telle pratique – nous avons d’ailleurs une réunion demain matin. Bien évidemment, cette structure ne devra pas empêcher la mise en place d’un partenariat plus abouti entre les deux ports des Antilles.

Je ne peux que saluer cette réforme qui, je tiens à nouveau à l’affirmer, est une chance pour l’économie ultramarine.

Néanmoins, tout n’est pas au mieux dans le meilleur des mondes. Ceux qui ont suivi nos débats en commission l’ont compris : je m’apprête à vous parler de ce qui était l’article 3 du projet de loi déposé sur le bureau de notre assemblée.

Cet article, sans lien aucun avec le présent projet de loi, consistait en une succession d’habilitations à légiférer par ordonnances, afin de prendre les dispositions nécessaires pour la transposition ou l’application de six textes européens. Cette méthode, qui revient à priver le Parlement d’une partie de ses prérogatives, est pour le moins discutable.

Je comprends l’urgence que représente une condamnation imminente de la Cour de justice, celle-ci ayant déjà mis la France en demeure pour l’un de ces textes. C’est pourquoi j’ai décidé de ne pas m’y opposer. Néanmoins, je maintiens qu’il est regrettable de procéder de la sorte, et je sais qu’il s’agit là d’un sentiment partagé par l’ensemble de l’hémicycle.

En commission, nous avons découpé cet article afin de réduire les délais demandés par le Gouvernement en tenant compte des différentes dates de transposition. Le Gouvernement avait, rappelons-le, demandé un délai de dix-huit mois, ce qui pouvait surprendre : en dix-huit mois, la procédure législative classique est tout à fait possible…

Le recours aux ordonnances est une mauvaise habitude, prise par les gouvernements de tous bords. Sans doute faudra-t-il un jour réagir plus fortement afin de convaincre l’exécutif d’agir de manière plus logique, et de ne pas sortir d’un tiroir de vieux dossiers poussiéreux marqués d’un tampon « Union européenne » une fois par an.

Mme Christiane Taubira. Il faudra tenir ces promesses !

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Il vous suffirait, monsieur le ministre, de vous y prendre un peu plus tôt…

Avec la permission de la présidence, je reprendrai brièvement la parole sur l’article 3 pour expliquer ma démarche et faire part de nos négociations, que vous avez évoquées, monsieur le ministre, et dont je crois qu’elles vont dans le sens du respect des droits du Parlement.

En conclusion mes chers collègues, la réforme des ports d’outre-mer est très attendue sur le terrain et elle constitue une étape essentielle de la modernisation des ports de ces territoires. Elle est assortie d’une batterie d’habilitations que nous regrettons.

Dans les deux cas, je vous demanderai d’apporter votre vote en faveur de son adoption. La date d’application de cette réforme devrait se situer entre le 1er juillet 2012 et le 1er janvier 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, troisième port à conteneurs de France après Le Havre et Marseille, seul port d’Europe dans l’océan Indien, Port Réunion attend avec impatience sa transformation en grand port maritime.

M. Thierry Mariani, ministre. Très bien !

Mme Huguette Bello. Il n’est donc pas surprenant que les trois années qui nous séparent de la réforme portuaire de 2008 aient été mises à profit par les instances portuaires locales qui ont largement anticipé cette évolution.

Du point de vue social, l’organisation de la manutention portuaire est réglée. À Port Réunion, il n’y a pas de dualité de commandement entre portiqueurs et dockers. Tous sont déjà personnels des sociétés de manutention. Les instances représentatives du personnel sont mises en place et fonctionnent déjà, conformément au code du travail, depuis septembre 2011.

Par ailleurs, toutes les formalités requises étant désormais remplies, la convention collective nationale unifiée du secteur portuaire, conclue en mai dernier, pourra être intégralement appliquée dès lors que la présente loi sera votée. Les personnels de Port Réunion pourront alors bénéficier de dispositions particulièrement attendues, notamment la prise en compte de la pénibilité et la cessation anticipée d’activité.

Du point de vue administratif et technique, les conditions pour une mise en œuvre rapide sont également réunies dans la mesure où les bilans comptables de la concession Port Réunion sont clairement définis et séparés de ceux de la chambre de commerce et d’industrie de la Réunion.

Si l’on ajoute à ces évolutions la décision de maintenir dans la sphère publique les outillages de manutention, il est aisé de comprendre pourquoi cette réforme portuaire, contrairement à ce qui s’est passé en 2008 en France continentale, recueille aussi bien l’adhésion des professionnels de l’Union maritime de la Réunion que celle des organisations syndicales représentatives des personnels portuaires.

En ce qui nous concerne, ce projet de loi revient donc surtout à étendre à Port Réunion, en les adaptant, les instances de la nouvelle gouvernance des établissements publics portuaires. Nous saluons à cet égard, monsieur le rapporteur, votre initiative qui prévoit de consulter les collectivités territoriales sur les personnalités qualifiées appelées à siéger au sein du conseil de surveillance.

Ce large consensus s’explique aussi par la conscience aiguë de la place particulière qu’occupe un port dans un territoire insulaire. À la Réunion, tout a commencé par l’océan, et le bateau a été, pendant longtemps, le lien exclusif avec l’extérieur. Aujourd’hui, en dépit d’un trafic aérien toujours plus dense, le trafic maritime, pour les marchandises, reste largement dominant. Port Réunion reste la principale porte d’entrée dans l’île.

Du fait de l’explosion du trafic maritime mondial qui illustre et accompagne la globalisation des échanges économiques, ce rôle prédominant est appelé à se renforcer. La globalisation redessine en effet la carte des routes maritimes et Port Réunion est situé sur l’un des axes désormais majeurs de cette carte, celui qui, via l’océan Indien, relie l’Asie à l’Afrique. Cet axe préfigure la grande route maritime sud-sud que la Chine est en train de construire entre l’Asie et l’Amérique latine, via le continent africain. On retrouve là la stratégie chinoise du « collier de perles » dans un océan qui constitue déjà un passage vital pour le transport des ressources énergétiques entre le Moyen-Orient et l’Asie de l’est.

Outre sa position sur l’axe traditionnel sud-nord entre l’Europe et les pays de l’océan Indien, Port Réunion se retrouve donc sur un nouvel axe transversal appelé à se développer fortement. Cette situation privilégiée doit être confortée. Ce projet de loi y contribue, mais il est indispensable d’assortir la nouvelle gouvernance d’une ambition renouvelée, et de faire du futur grand port maritime de la Réunion une véritable plate-forme de transbordement. Le seul grand port européen de l’océan Indien ne doit pas jouer un rôle secondaire. Il ne peut pas être réduit à un simple lieu de stockage, mais doit devenir un haut lieu de transit et de transbordement.

Si dans les régions d’outre-mer, les installations portuaires ont le monopole pour l’approvisionnement de leur marché intérieur, elles subissent, en revanche, la concurrence des ports situés dans leur grand voisinage. Il est indispensable que le grand port maritime de la Réunion, qui dispose d’un équipement moderne et dont le niveau de technicité est reconnu, comme d’ailleurs les compétences de ses personnels, dispose de l’ensemble des moyens nécessaires pour devenir partie prenante de nouveaux trafics, surtout en matière de transbordement. Port Réunion doit devenir un port d’éclatement du sud-ouest de l’océan Indien. C’est à cette condition que le port pourra non seulement créer des activités et des emplois, mais encore devenir un outil au service du développement économique de la Réunion, qui en a bien besoin. C’est dans cette perspective que les collectivités, communale et intercommunale, où se situe le port ont entamé un important travail de réflexion sur le positionnement stratégique de la zone arrière portuaire. Partageant l’adage des professionnels du secteur selon lequel « la bataille maritime se gagne à terre », ces collectivités projettent de réaménager les zones péri-portuaires, mais aussi, grâce à de nouvelles infrastructures de déplacement et d’éclatement, de favoriser l’articulation avec l’arrière-pays qui, on le sait, coïncide, outre-mer, avec l’ensemble du territoire.

Pour technique qu’elle soit, cette réforme devrait aussi avoir un impact sur la vie quotidienne des Réunionnais, et particulièrement sur leur pouvoir d’achat. La nouvelle gouvernance et les gains de productivité induits par le développement du port devraient, en effet, contribuer à limiter le prix de traitement des marchandises et, donc, l’inflation. De même, devraient être prévenues les situations de quasi-monopole et notamment les ententes illicites entre les opérateurs. On sait que des ententes, qui ont duré plus de deux décennies, viennent d’être sanctionnées.

Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, vous savez, monsieur le rapporteur, à quel point les professionnels de la Réunion adhèrent à cette réforme. C’est rare, mais je vais voter, pour une fois, une réforme proposée par ce gouvernement ! Ils souhaitent continuer à anticiper sa mise en œuvre. Pour cela, ils demandent la nomination à la Réunion, dès le début de l’année prochaine, d’un préfigurateur.

J’ai à cœur de permettre à nos installations portuaires d’affronter dans les conditions optimales l’accroissement des échanges mondiaux. Je souhaite renforcer l’attractivité économique de nos territoires. Par conséquent, et bien que je déplore vivement l’insertion dans ce texte de toute une série d’habilitations à légiférer par ordonnance en matière de transport maritime, aérien et routier, je voterai cette réforme structurelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Thierry Mariani, ministre. Merci !

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je vous remercie, ma chère collègue, de nous avoir longuement expliqué votre vote.

La parole est à Mme Françoise Branget, pour dix minutes.

Je ne doute pas qu’elle aura à cœur de respecter son temps de parole !

Mme Françoise Branget. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi majeur pour l’avenir des ports d’outre-mer relevant de l’État : port de la Guadeloupe, Fort-de-France, Dégrad-des-Cannes et Port Réunion. Ce texte vise en effet à accroître leur compétitivité et à renforcer leur contribution au développement de territoires concernés.

Par ailleurs, ce projet de loi a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances les mesures législatives qui sont nécessaires à la mise en œuvre de plusieurs textes de l’Union européenne adoptés récemment en matière de transports routier, maritime et aérien.

Permettez-moi, d’abord, de revenir brièvement sur le contexte qui préside à la mise en œuvre de cette réforme essentielle à nos ports d’outre-mer. Comme vous le savez, l’organisation des ports ultramarins n’a pas été modifiée par les réformes portuaires mises en œuvre en métropole, qu’il s’agisse de la décentralisation des ports d’intérêt national ou de la transformation des ports autonomes en grands ports maritimes. Avec ce projet de loi, l’objectif est donc d’adapter les ports d’outre-mer aux exigences de performance et de réactivité issues de l’évolution du commerce maritime international.

Ce texte s’inspire essentiellement des dispositions de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire qui a créé les grands ports maritimes métropolitains, à l’exclusion du transfert des activités d’exploitation d’outillages portuaires et des personnels associés. Son objectif est d’adapter la gouvernance des ports d’outre mer relevant de l’État au contexte particulier de l’outre-mer. Il s’agit ainsi de moderniser la gouvernance des ports maritimes d’outre-mer relevant de l’État, avec un conseil de surveillance resserré et un directoire. Par ailleurs, l’organisation de la manutention est rationalisée en donnant la pleine responsabilité aux ports en matière d’exploitation des outillages portuaires. Leurs missions sont également recentrées sur les fonctions d’autorité, d’aménagement et de promotion de la place portuaire avec un renforcement de leurs responsabilités relatives aux dessertes terrestres.

De manière plus précise, la réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État vise à transformer les trois ports d’intérêt national – Fort-de-France, Dégrad-des-Cannes et Port Réunion – actuellement concédés aux chambres de commerce et d’industrie en grands ports maritimes. Ils auront ainsi un statut d’établissements publics nationaux. Il s’agit de mettre un terme à la dualité de gestion, source d’inefficacité et de blocage décisionnel, entre l’État, responsable des pouvoirs de police, et les chambres de commerce et d’industrie, responsables de l’outillage public. Cette réforme tend également à transformer le port autonome de la Guadeloupe en grand port maritime et, enfin, à moderniser la gouvernance des quatre ports d’outre-mer concernés par l’institution d’un conseil de surveillance avec une représentation accrue des collectivités territoriales, d’un directoire et d’un conseil de développement, afin de mieux associer les différents acteurs locaux concernés.

Ce projet de loi constitue donc un enjeu capital pour le développement des ports d’outre-mer concernés.

Le second objectif de ce projet de loi est de permettre au Parlement d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre de six textes européens adoptés récemment en matière de transports. Sur ce point, je tenais à saluer le travail du rapporteur, notre collègue Daniel Fidelin, qui a souhaité préciser les délais de publication des ordonnances prévues pour la transposition des textes européens concernés. Ces modifications adoptées en commission du développement durable me semblent les bienvenues. Alors que le texte initial prévoyait un délai de publication de dix-huit mois pour l’ensemble des six ordonnances, notre commission a, en effet, prévu des délais beaucoup plus resserrés et spécifiques pour chacun des textes concernés.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP est favorable à ce texte indispensable à l’avenir de nos ports d’outre-mer et à la mise en conformité de notre droit avec le droit européen en matière de transports.

M. le président. Je vous remercie, ma chère collègue, d’avoir très largement respecté votre temps de parole !

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. En fait, nous sommes en présence ce soir de deux textes assez distincts.

Pour ce qui est de la réforme de nos ports, monsieur le ministre, ce projet de loi est effectivement très attendu et reçoit, que ce soit à la Martinique, en Guadeloupe, en Guyane ou à La Réunion, des échos très favorables. Il aura pris du temps – trois ans –, mais il arrive et c’est tant mieux. Comme vous l’avez vous-même indiqué, 97 % des surfaces maritimes françaises se trouvent dans nos régions et territoires d’outre-mer. L’enjeu est stratégique, car nos ports représentent, pour le développement de nos îles – exception faite de la Guyane, qui, je le dis pour taquiner ma collègue, est en soi un continent –…

Mme Christiane Taubira. Ce n’est pas une taquinerie, c’est une vérité géographique !

M. Serge Letchimy. …une porte d’entrée et de sortie.

C’est aussi un enjeu social et économique. Le fonctionnement de nos ports, vous le connaissez. Le développement de nos pays ne passe pas uniquement par une réflexion sur des infrastructures : c’est peut-être là un des reproches que je ferai, et sur lequel je reviendrai tout à l’heure. Il faut un lien entre l’infrastructure portuaire et le développement du pays, ce qui n’est pas sans poser difficulté.

Pour ce qui est des habilitations, monsieur le rapporteur, je suis totalement solidaire avec vous. Pour commencer, c’est un véritable fourre-tout et, puisqu’on y met tout, j’en profiterai pour proposer un amendement relatif aux aéroports. Après tout, puisque l’on parle de transport, pourquoi ne pas mettre également les aéroports ? Le problème, c’est que nos aéroports sont appelés à devenir des sociétés aéroportuaires dans lesquelles l’État participera à hauteur de 60 %. Ce qui pose la question de l’outillage, puisqu’il est indiqué que l’État se retirera progressivement au profit du secteur privé. Si vous ne souhaitez pas que l’outillage soit privatisé, vous ne pourrez qu’être favorable à l’un de mes amendements qui tend justement à éviter une privatisation des aéroports d’outre-mer et particulièrement de celui de la Martinique.

Plus généralement, le recours aux habilitations aboutit à priver le Parlement de ses prérogatives, avec les risques que cela engendre. Et puisque vous parlez de consultation locale, monsieur le ministre, je vous suggère de bien consulter localement avant de rédiger votre ordonnance sur les conditions d’accès à la profession de transporteur routier ou de marchandises. Que risque-t-il de se passer ? Si vous appliquez la directive européenne, tous les transporteurs individuels de ces quatre régions vont disparaître. En effet, on leur exige un niveau 3, à savoir un BTS ou un DUT. Ce niveau 3, dans la formulation de l’Europe, exclut totalement les VAE. Si voulez permettre à quelqu’un de travailler et si vous lui ôtez la possibilité de valider ses acquis de l’expérience, alors que le niveau exigé n’est pas accessible, vous créerez de véritables problèmes. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d’être très attentif lorsque vous rédigerez cette ordonnance si vous voulez éviter de perturber des personnes qui travaillent dans ce secteur depuis très longtemps.

Si ce texte est très attendu, il n’est pas sans présenter deux faiblesses très importantes.

La première concerne la gouvernance en soi. D’un côté, vous exprimez le besoin de renforcer la présence des collectivités territoriales, et pas seulement là où se trouve le port. Tant mieux ! Pourquoi pas ? D’une manière générale, vous voulez renforcer la présence de la collectivité territoriale, départementale, régionale et demain à la Martinique, la collectivité unique. Vous parlez de modernisation de la gouvernance en lien avec l’aménagement du territoire. Vous donnez d’ailleurs une certaine importance au lien entre l’accessibilité au port et le port lui-même. Vous parlez aussi de décentralisation – permettez-moi sur ce point de ne pas être d’accord sur l’interprétation de l’article 73 dont il faudra revoir un jour la rédaction, sans même parler de l’article 74.

Reste que, pour moi, la domiciliation de la gouvernance passe par une présence beaucoup plus forte des collectivités territoriales. Vous avez consenti une petite avancée, monsieur le rapporteur, en proposant de soumettre la nomination des personnes qualifiées et du responsable du directoire à l’avis des collectivités territoriales. Entre une dizaine de personnes – onze pour la Guyane et la Guadeloupe – sur dix-sept, et les collectivités territoriales, dont on sait le poids, vous créez un rapport déséquilibré qui ne leur permettra justement pas de bien s’impliquer dans le développement économique, alors même que j’ai insisté à l’instant sur l’importance du lien entre le port et le développement économique. Sans oublier le fait que chaque grand investissement en matière portuaire pèse de plus en plus lourdement sur les collectivités : ainsi, l’extension du terminal de la Martinique s’élève à 70 millions d’euros. Pour l’instant, l’État a apporté 2 millions d’euros… Nous sommes donc à la recherche de 68 millions d’euros. Les collectivités ont de plus en plus de responsabilités dans le domaine du développement.

Le lien à établir entre l’activité portuaire et le développement économique dans des pays comme les nôtres est fondamental,pour deux raisons. La première, c’est notre taux de chômage : il est, vous le savez, est de 23 à 25 % ; 60 % de nos jeunes de moins de vingt-sept ans sont inactifs. Mais on le répète tellement ici que cela finit par devenir banal… À ce propos, il serait judicieux et intéressant d’adosser à l’activité portuaire une zone d’activité avec une zone franche permettant de relancer la production et surtout de relancer l’exportation. Si vous vous contentez d’améliorer l’infrastructure d’un port et que l’importation domine à près de 90 %, le pays ne se développera pas : il sera régi par un système de consommation accrue, ce qui ne créera ni activité ni emploi. Or nous n’avons pas entendu parler de zone d’activité.

En conclusion, pour intéressant ce soit ce texte, nous serons très attentifs au sort réservé aux amendements que nous allons présenter. L’un d’eux, que j’ai cosigné avec vous, a trait au conseil de coordination interportuaire, mais il en est d’autres également, qui proposent des avancées significatives sur l’organisation. Nous nous prononcerons en conséquence. Développer un port, le moderniser, ce n’est pas seulement moderniser sa gouvernance ; c’est aussi faire en sorte qu’il soit un parfait relais pour accroître le développement économique de ces pays et permettre de réduire le chômage.

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’intitulé du projet de loi n° 3858 est sans ambiguïté : il porte sur la réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État. Le tocsin a bien sonné : c’est la fin de la concession accordée en 1953 pour une durée initiale de cinquante ans à la chambre de commerce et d’industrie de la Martinique. La compagnie consulaire voit ainsi son rôle réduit à la portion congrue. La voilà remerciée sans dommages et intérêts en dépit des loyaux services rendus.

Tout n’était pas parfait certes, mais c’est bien elle qui a assumé la gestion, la modernisation, la conteneurisation et l’agrandissement des structures d’accueil. C’est aussi elle, et personne d’autre, qui a préparé le projet de transbordement pour tenter de capter une partie du flux de marchandises après les travaux d’élargissement du canal de Panama.

Elle a de quoi être sonnée, la chambre de commerce ! Qui ne l’aurait pas été à sa place ?

Devant une telle situation, sonnent creux ceux qui font diversion en jouant subitement à l’ingénu ou au matamore. Le constat est là, sans appel : l’État reprend la main dans tous les rouages de la direction, laissant à tous les autres partenaires le poste honorable de figurant donneur d’avis.

En commission du développement durable et de l’aménagement du territoire du mercredi 7 décembre 2011, le rapporteur l’a martelé à maintes et maintes reprises à ceux qui ne voulaient pas se rendre à l’évidence : « S’il est souhaitable d’associer les collectivités à l’exercice des prérogatives de l’État, il ne faut pas aller jusqu’à associer l’État à l’exercice de ses prérogatives par les collectivités. » « Nous parlons de ports d’État, non de ports décentralisés ». « L’État doit avoir la main sur ses ports. » « Le conseil de développement est organisé par le préfet et non par le président de région en concertation avec l’État. » « Quitte à me répéter, ce texte est une adaptation du droit commun à l’outre-mer et non une loi de décentralisation. »

C’est clair : c’est l’État qui réglemente, légifère, contrôle, assume la tutelle, assure la police maritime, mais on fait semblant de l’ignorer !

C’est l’État qui est actionnaire à 100 % dans les grands ports maritimes, ce qui implique naturellement qu’il récupère les dividendes en cas d’excédents. La loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire précise en effet dans l’article L.103-1, alinéa 4, du code des ports maritimes que « le grand port maritime conclut un contrat pluriannuel avec l’État et, le cas échéant, avec les collectivités territoriales intéressées ou leurs groupements » et que « ce contrat porte également sur la politique de dividendes versés à l’État ».

À notre connaissance, dans aucun grand port maritime, aucun contrat de ce genre n’a encore été conclu. Néanmoins, des dividendes sont versés : le grand port du Havre, par exemple, verse actuellement à l’État près de 35 % au titre du résultat net comptable.

Puisque l’objectif est le développement de la Martinique à travers les activités portuaires, ne faudrait-il pas envisager le réinvestissement sur place des dividendes attendus ? Car nous n’avons pas seulement besoin d’un « port-import »…

Qui plus est, deux problèmes restent en suspens.

Premièrement, la manutention n’est pas réglée, pas unifiée. Les portiqueurs dépendent de la chambre de commerce et d’industrie de la Martinique, dont le rôle est amoindri. Les dockers, eux, dépendent du groupe des employeurs de main-d’œuvre.

Deuxièmement, n’est pas réglé financièrement le transfert du personnel d’État de la direction de l’équipement, de l’aménagement et du logement opérant sur le port.

Pour conclure, voici ce que j’ai lu à la page 28 de l’étude d’impact : « A noter également qu’aucun des élus des exécutifs actuels des collectivités mentionnées n’a demandé un transfert des infrastructures portuaires au profit d’une collectivité ou d’un groupement. Au vu de l’ensemble de ces éléments il a été décidé de confier la gestion des ports outre-mer à des établissements publics de l’État. »

Or l’article 30 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dispose que les ports non autonomes relevant de l’État sont transférés au plus tard le 1er janvier 2007 aux collectivités territoriales ou à leurs groupements : toute collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales peut demander, jusqu’au 1er janvier 2006, à exercer les compétences prévues par la loi.

À l’époque, en tant que président du conseil régional de Martinique, j’avais formulé une demande de transfert du port de Fort-de-France dans le patrimoine régional comme le prévoyait la loi. Le conseil régional avait délibéré à l’unanimité de ses membres. Ceux qui déplorent aujourd’hui la reprise en main de l’État sont ceux-là mêmes qui s’étaient déplacés vers Paris pour plaider pour le non-transfert ! Le décret n° 2006-330 pris le 20 mars 2006 n’a pas prévu le transfert du port de Fort-de-France. Puisqu’il en est ainsi, nous devons d’abord nous en prendre à nous-mêmes. On ne peut réclamer le droit commun, tout le droit commun, rien que le droit commun, et puis, par la bande, demander des dérogations.

En tout cas, au moment où l’on recommande de se centrer sur le développement endogène, de s’intégrer dans la Caraïbe, quel outil mieux que le port, sans oublier l’aéroport, pourrait remplir cette double mission précieuse et prometteuse, avec des gens compétents, connaisseurs du milieu, connaisseurs de la zone, qui ont fait leur preuve ou qui sont prêts à relever le défi ? Pawol an bouch pa chaj : sé konsyans, sé lonnè, sé respé, sé travay ki met.

M. le président. La parole est à M. Alfred Almont.

M. Alfred Almont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est fort à propos que nous engageons aujourd’hui devant l’Assemblée nationale l’examen du projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État, une réforme qui répond à un besoin d’équité et de modernité dans un monde en évolution constante et marqué du sceau de la compétition.

Ce projet de réforme tend singulièrement à adapter l’exploitation de ces ports au contexte particulier de l’outre-mer. Il vise à reconnaître quatre établissements portuaires responsables des exploitations des outillages publics et présentant des modes de gestion largement modernisés.

La réforme des ports d’outre-mer me paraît être d’une certaine opportunité au service du développement dans la mesure où elle se révèle à même de contribuer à résoudre les problèmes, si complexes soient-ils, que pose depuis quelques années déjà la révolution du transport maritime que nous vivons pleinement aujourd’hui et à laquelle les territoires d’outre-mer concernés ne sauraient échapper.

Leur condition insulaire, pour la plupart d’entre eux, impose en effet de considérer avec le plus grand intérêt tout ce qui se rattache aux transports de manière générale mais plus spécialement aux transports maritimes, qui revêtent une importance considérable compte tenu de l’éloignement des centres d’approvisionnement et des grands marchés. Les objectifs qui sont désormais en ligne à travers ce projet annoncent à l’évidence un rebond de l’activité portuaire profitable tant aux populations qu’aux activités.

Quand bien même il s’inspire de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire et créant les grands ports maritimes, dans la droite ligne du Grenelle de l’environnement, le texte qui nous est proposé vise à accroître la compétitivité des ports d’outre-mer tout spécialement à travers une nouvelle gouvernance qui se veut efficace. C’est le premier pas.

L’intérêt majeur d’une telle réforme est qu’elle répond à une logique d’intégration de gouvernances locales, à la fois des collectivités locales et des chambres de commerce et d’industrie, concessionnaires depuis près de soixante ans des ports pour la plupart d’entre elles, dans une démarche partagée, en partenariat avec l’État. La nouvelle gouvernance des ports d’outre-mer sera exercée dorénavant par un directoire et un conseil de surveillance susceptibles de favoriser une certaine cohérence dans les décisions pour plus d’efficacité.

Elle légitime l’entrée officielle de la représentation politique régionale dans les instances portuaires grâce à la place déterminante faite aux collectivités locales, qui, déjà, s’impliquent dans ce secteur et qui vont pour la première fois avoir une certaine maîtrise d’un outil déterminant sur le plan du développement économique et social.

Les collectivités sont associées aux chambres de commerce et d’industrie qui, faut-il le souligner, disposent d’une réelle expertise dans la mesure où elles ont pu contribuer, à travers des plans d’investissement successifs, à la modernisation des structures portuaires pour les adapter tant au trafic conteneurisé qu’aux activités de croisière.

Au-delà de la gouvernance, ce projet de loi transfère aux établissements portuaires les activités d’exploitation d’outillage portuaire ainsi que les personnels affectés.

Un autre aspect déterminant du projet est qu’il appelle les ports d’outre-mer à mettre en œuvre, dans leur espace géographique, des dessertes intermodales. Il apparaît désormais nécessaire que, dans l’arc caribéen par exemple, les établissements portuaires mutualisent leurs efforts et moyens pour susciter des liaisons maritimes régionales propices au vrai développement.

L’essor du trafic maritime dans le cadre du marché régional est en effet d’une grande nécessité pour soutenir l’activité économique car il est de nature à favoriser un meilleur placement des ports tant sur le plan commercial que sur le plan touristique face à des concurrents régionaux ayant souvent des coûts d’exploitation plus faibles.

Je ne saurais enfin occulter que l’amélioration qui résultera du fonctionnement et de la gestion des ports d’outre-mer permettra aussi de faire vivre un meilleur dialogue social en leur sein, singulièrement grâce à la représentation des personnels au sein du conseil de surveillance et du conseil de développement.

Je note avec intérêt, monsieur le rapporteur, que la commission du développement durable n’a pas manqué d’améliorer certains dispositifs du texte initial.

Elle a pris en compte la nécessité d’assurer la représentation des consommateurs au sein du conseil de développement car force est de constater que ce sont les premiers qui sont touchés par les orientations stratégiques du port.

Elle a par ailleurs proposé la création d’un conseil de coordination interportuaire entre la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique pour permettre d’accroître les capacités d’action et la visibilité de ces départements en matière de coopération régionale. Les conditions semblent réunies pour structurer un dialogue constructif entre les partenaires des grands projets de port de Guadeloupe et de Martinique.

Mes chers collègues, j’ai conscience que certaines préoccupations sont encore exprimées. Cela étant, sous réserve des améliorations qu’il est, c’est vrai, susceptible de recevoir, ce projet de loi constitue indéniablement un engagement au plus haut niveau, de nature à renforcer la notoriété des ports d’outre-mer. C’est donc pourquoi je me prononcerai en sa faveur.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi portant réforme portuaire du 4 juillet 2008 constitue le fondement de ce projet de loi de réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État, que nous examinons aujourd’hui.

L’alignement des statuts aboutit à la création d’établissements publics dénommés grands ports maritimes, dotés d’un conseil de surveillance, d’un directoire et d’un conseil de développement.

Dans ce projet de loi, monsieur le ministre, vous vous êtes fixé trois objectifs : doter les ports d’une gouvernance modernisée, accroître leur compétitivité, renforcer leur contribution au développement du territoire sur lequel ils sont implantés.

Concernant la gouvernance modernisée, la composition du conseil de surveillance, avec des représentants de l’État, des collectivités territoriales, des personnalités qualifiées et des personnels, est une avancée. Au fait des réalités du port, ces acteurs ont toute légitimité pour engager la réflexion et acter les décisions stratégiques de l’établissement public.

Dans cette logique, j’ai proposé que la nomination du président et des membres du directoire se fasse par décret certes, mais sur proposition du conseil de surveillance. Nous avons également proposé dans un amendement que, parmi les personnalités qualifiées, un représentant des consommateurs puisse défendre leur point de vue car il est important que cette opportunité profite à l’usager final dans la démarche de transparence des prix des produits importés – en Guyane, on l’a dit, 90 % des produits sont importés.

Le deuxième objectif de ce projet de loi de réforme des ports d’outre-mer est d’accroître leur compétitivité. Pour Dégrad-des-Cannes, cette compétitivité passe par des investissements qui lui ont fait défaut depuis de longues années à cause du désengagement de l’État.

Avec la présente loi, cet établissement public national devra prendre en charge le financement du dragage constant du chenal, ainsi que les travaux d’élargissement et d’approfondissement de ce dernier, tout en réalisant la nécessaire construction des deux quais restant à faire. Il devra également investir dans l’acquisition et l’exploitation de l’outillage portuaire, jusque-là inexistant, mais indispensable à la compétitivité et au développement de l’activité du port.

Enfin, monsieur le ministre, pour ce qui est de renforcer la contribution des ports « au développement du territoire sur lequel ils sont implantés », la situation géographique de la Guyane impose une approche différenciée. Comme vous le savez – et vous le saurez d’autant plus que vous venez bientôt en Guyane –, le port de Guyane comporte deux sites : Dégrad-des-Cannes, à Rémire-Montjoly, et Pariacabo, à Kourou, distant de soixante kilomètres. Le port de Kourou est géré par le Centre spatial guyanais. Avec cette réforme, le nouvel établissement public reprendra-t-il la gestion de Pariacabo et l’intégrera-t-il dans son projet stratégique ?

L’autre approche, dont on ne peut faire l’économie s’agissant de la Guyane, c’est la prise en compte du port de commerce de l’Ouest – certes sous statut fluvial –, situé à 250 kilomètres de Dégrad-des-Cannes. Il s’agit de développer l’infrastructure portuaire pour l’approvisionnement, non seulement de Saint-Laurent-du-Maroni, mais de toute la région Ouest. Selon les projections démographiques, c’est en effet dans cette région que se concentrera la majeure partie de la population guyanaise d’ici à dix ans. Or il est à la fois illusoire et dangereux de limiter le ravitaillement d’un territoire grand comme le Portugal à un seul point d’entrée, en l’occurrence Dégrad-des-Cannes.

Dans cette perspective, le développement du port de commerce de l’Ouest doit faire l’objet d’un traitement adapté à ses particularités. Pour le transport des marchandises, il faut assurer le renforcement de lignes régionales avec le Surinam, le Guyana et les Antilles, ainsi que le développement du cabotage avec Dégrad-des-Cannes.

J’ai écouté depuis mon bureau la fin du débat sur le texte relatif à Voies navigables de France. Je ne sais pas si l’outre-mer y était inclus, mais je rappelle que nous avons en Guyane des voies fluviales qui permettent un transport multimodal. Conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans le Grenelle de l’environnement, le recours au cabotage permettra non seulement d’augmenter la part de marché du fret non routier de 14 à 25 % à l’horizon de 2022, mais aussi de préserver l’état des routes de Guyane, fragilisé par le transport routier de marchandises mais également par un défaut d’entretien dû au manque de moyens financiers.

Encore une fois, monsieur le ministre, le principe d’une réforme des ports est acceptable, et d’ailleurs partagé par les différents partenaires économiques et politiques. Le principe d’une loi d’adaptation voulant prendre en considération le contexte particulier de nos territoires est également positif. Mais vous avez du mal à concrétiser tout cela : votre projet de loi n’intègre pas la réalité géographique de la Guyane et ne permet pas de répondre aux enjeux du territoire. Seule une vision d’ensemble pourrait éclairer la création d’outils portuaires structurants et efficaces pour accompagner le développement économique de la Guyane.

Comme l’ensemble des membres de notre groupe, ainsi que l’a expliqué Serge Letchimy, je me déterminerai en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements.

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, dernière oratrice inscrite.

Mme Christiane Taubira. Et je tiendrai dans les délais, monsieur le président, à la surprise générale ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je n’insisterai pas plus qu’il ne faut sur le défaut insupportable de ce texte : je veux parler de ces deux pages d’habilitation à légiférer par ordonnance. Vous avez vous-même parlé, monsieur le rapporteur, de voiture-balai, en indiquant que la principale cause d’une telle situation était la négligence du Gouvernement, qui ne respecte pas scrupuleusement, à tout le moins, le calendrier européen. Une fois de plus, le Parlement lui a cédé la main sur l’acte majeur de ses missions : l’élaboration de la loi.

Ce texte nous est soumis trois ans après la loi de juillet 2008. Un tel délai serait justifié par la grande diversité de statuts des ports en outre-mer et par le fait que la conjoncture en 2008 et au début de 2009 n’était pas propice à la réforme, notamment en raison des mouvements sociaux.

J’y vois a priori deux bonnes nouvelles : la première, c’est que le Gouvernement a compris que l’on ne peut pas impunément faire la guerre à la géographie, et qu’il vaut mieux regarder de près les réalités pour essayer d’y réaliser des infrastructures et d’y appliquer des règles qui lui correspondent, plutôt que l’inverse, comme on le fait trop fréquemment.

La seconde bonne nouvelle, c’est que le Gouvernement a, semble-t-il, compris que les mouvements sociaux, dont il convient de rappeler qu’ils étaient organisés contre la vie chère, suggéraient qu’il s’interroge d’urgence sur les situations monopolistiques qui concentrent les circuits d’importation et de distribution de telle sorte que l’enchérissement du prix des biens de première nécessité dans les territoires ultramarins atteint de 40 % à 200 %.

Lorsque vous dites, monsieur le rapporteur, qu’en outre-mer les ports ne sont pas seulement des zones d’activité mais aussi des poumons économiques, vous faites preuve de perspicacité. Seulement, il ne faut pas s’arrêter au milieu du gué : si ces ports jouent un rôle majeur, névralgique, stratégique, c’est parce qu’ils sont le lieu cardinal de la vie économique.

En Guyane, le taux de couverture des importations par les exportations est de 15 %, ce qui signifie que le taux de dépendance vis-à-vis de l’extérieur est de 85 %. Pour le port, où transitent 95 % des échanges, cela représente 36 000 mouvements annuels qui se décomposent comme suit : 18 000 conteneurs qui arrivent remplis, 16 000 qui repartent vides… et seulement 2 000 qui repartent pleins. Pleins de quoi ? En ce moment, ils repartent pleins de rebuts, de ferrailles, de déchets de l’industrie spatiale, et le reste de l’année principalement avec du mobilier lié au déménagement de fonctionnaires ! Voilà l’activité du port de Dégrad-des-Cannes.

Ces 36 000 mouvements montrent d’ailleurs que la question de l’outillage ne se pose pas dans les mêmes termes en Guyane. On considère, par exemple, que le volume d’activité nécessaire pour l’établissement de portiques en vue de sécuriser l’activité est de 70 000 ou 80 000 mouvements. Le port de Guyane ne possède donc pas de tels outillages.

Je parle de Dégrad-des-Cannes, mais l’on pourrait également évoquer les trois autres ports. Ma collègue a évoqué Pariacabo, qui dépend de Dégrad-des-Cannes, mais il y a aussi le vieux port de Cayenne, le port de Larivot et le port fluvial de Saint-Laurent-du-Maroni, qui pourraient tous contribuer au transport maritime et ne le font pas.

Ajoutons que le port de Dégrad-des-Cannes est construit sur une côte à fort envasement, ce qui nécessite un dragage quotidien, pour un coût annuel de plus de 5 millions d’euros, auquel l’État participe seulement à hauteur de 60 %, alors que l’article L. 111-4 du code des ports maritimes dispose qu’il doit prendre en charge la totalité des frais de dragage.

Le chenal a été élargi de trente mètres et approfondi de cinquante centimètres. Depuis ces travaux, la quantité de matière extraite chaque mois du chenal est passée de 350 000 à un million de mètres cubes. Le sujet n’est donc pas négligeable et reviendra forcément sur la table.

Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que la gestion bicéphale de l’État et de la chambre de commerce – en Guyane, la chambre de commerce a reçu en 1988 une concession de cinquante ans – engendrait des défaillances. Il conviendrait sans doute de s’interroger aussi sur le défaut de logique et même le caractère antiéconomique du fait qu’un territoire aussi étendu et enclavé ne dispose que d’un port unique, qui plus est exigeant un dragage quotidien !

Vous avez, disais-je, cité la gouvernance comme défaut majeur. Il faudra regarder comment l’État résoudra les problèmes, notamment s’agissant du dragage, à présent qu’il reprend totalement la main. Il est courant que l’État prenne la main dans les structures mixtes. Les collectivités sont en l’occurrence invitées, et c’est tant mieux : c’était une modernisation indispensable et ce sera une incontestable source de légitimité. Nous verrons si l’État assume ses responsabilités, notamment celles que lui donne la loi.

M. le rapporteur a également insisté sur l’importance de conforter le rôle des ports des outre-mer au service du développement endogène. Pour que ce ne soit pas là qu’une incantation, avec des effets magiques attendus éternellement, nous espérons que le Gouvernement sera attentif au rapport de la commission des finances sur le CIOM et la LODEOM, qui montre à quel point les applications restent insuffisantes.

Un dernier mot sur le pétrole…

M. le président. Ce sera vraiment le dernier, alors !

Mme Christiane Taubira. Je ferai une phrase complète, monsieur le président, par respect pour la langue française, que je vénère ! (Sourires.)

La très probable exploitation de pétrole au large de la Guyane, sur le plateau continental, aura indiscutablement un impact sur les équipements et leur gestion. C’est une question qu’il faudra considérer de près. Elle nous renvoie d’ailleurs d’ores et déjà à la quadrature du cercle, entre la volonté de maintenir le droit commun et le souci de tenir compte, en même temps, des spécificités. Attention à ne pas contrarier la géographie !

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de la qualité de votre analyse sur la situation des ports maritimes en outre-mer. Je vous rejoins pleinement sur l’urgence de la mise en œuvre rapide de la réforme. La procédure accélérée demandée par le Gouvernement pour l’adoption de ce projet de loi est une preuve de sa détermination en la matière.

Avec cette réforme, nous allons enfin donner les outils de gouvernance nécessaires aux ports d’outre-mer, en alignant le statut des ports maritimes d’outre-mer sur le droit commun métropolitain, qui, comme vous le savez en tant que membre du conseil de surveillance du grand port du Havre, est en train de faire ses preuves.

Sur les spécificités ultramarines justifiant des adaptations législatives, je tiens à souligner deux points. Premièrement, nous avons d’ores et déjà accru le nombre de représentants des collectivités au sein du conseil de surveillance.

Je souscris à votre propos, monsieur Marie-Jeanne, quand vous rappelez que le présent projet de loi n’est pas un texte de décentralisation ; mais je souligne qu’il a pris en compte la spécificité géographique de la Guadeloupe et de la Guyane en leur accordant un siège supplémentaire au titre des collectivités territoriales.

Monsieur Almont, les consommateurs trouveront leur place dans le conseil de développement qui assurera la représentation de la société civile dans la gouvernance des futurs grands ports maritimes.

Les aménagements proposés au régime de la gouvernance des grands ports maritimes constituent une étape importante, au-delà de laquelle il y aurait une remise en cause de l’économie générale du texte examiné. C’est pourquoi le Gouvernement proposera, par amendement, de revenir sur la proposition de la commission consistant à recueillir l’avis des collectivités territoriales sur la nomination des personnalités qualifiées au sein du conseil de surveillance.

En revanche, je me félicite de la contribution de la commission, en particulier sur la création d’un conseil de coordination interportuaire entre la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, qui permettra à ces départements de constituer une véritable communauté d’échange et facilitera leur adaptation aux enjeux actuels, que ce soit l’élargissement du canal de Panama ou le développement de l’activité de croisière, vecteur important du tourisme régional en pleine expansion.

Madame Bello, je me réjouis de voir que la réforme portuaire est tant attendue à la Réunion, et qu’elle va ainsi contribuer particulièrement au dynamisme économique de l’île. Je souscris entièrement à votre souhait de positionner le port comme une véritable plate-forme régionale. Comme le note le Livre bleu de l’océan Indien récemment publié, la Réunion dispose en effet d’un atout géographique essentiel dans la zone qui doit être valorisé à son juste niveau.

Madame Taubira, l’État poursuivra, comme il le fait pour les grands ports métropolitains, sa participation aux opérations de dragage, dont je sais qu’elles constituent un enjeu majeur – vous l’avez redit avec force détails – pour la desserte du port de Dégrad-des-Cannes.

Madame Berthelot, je vous ai écoutée avec attention : le site de Pariacabo sera bien intégré dans le grand port maritime de Guyane, mais le centre spatial en restera le principal acteur.

Monsieur Letchimy, je me réjouis avec vous de voir que la réforme portuaire fait consensus parmi l’ensemble des élus ultramarins concernés, même si j’ai bien noté chez certains des réserves s’agissant des articles habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances en raison des problèmes de délai de transposition de plusieurs textes européens.

S’agissant de votre interrogation concernant l’incidence du règlement « paquet routier » sur la poursuite d’activité des entreprises de transport existantes, notamment de leur capacité à satisfaire aux nouvelles exigences en matière d’expérience professionnelle, sachez que ces dispositions communautaires, qui s’imposent directement à l’ensemble des États, n’ont pour seul objectif que d’améliorer la qualité et la sécurité de ce mode de transport. Elles ont néanmoins prévu deux possibilités d’adaptation qui devrait vous rassurer : la première permet aux États de décider de dispenser d’examens les personnes qui fournissent la preuve qu’elles ont gérée en permanence une entreprise de transport de marchandises ou de voyageurs dans un ou plusieurs États membres durant la période de dix années précédant le 4 décembre 2009 ; la seconde intéresse votre région et l’ensemble des autres collectivités ultramarines puisque le règlement autorise également les États à prévoir pour elles des règles particulières en réponse aux exigences tenant à la capacité professionnelle mais également à la capacité financière pour tenir compte de la spécificité de ces territoires. Sachez, monsieur le député, que ces marges de manœuvre seront mises à profit à l’occasion des décrets d’application à venir.

Madame Branget enfin, vous avez raison, la France doit respecter ses obligations communautaires, et c’est l’objectif que nous nous sommes fixé.

En conclusion, vous l’avez souligné, mesdames, messieurs les députés, la réforme a pour objectif de contribuer à l’aménagement du territoire et de soutenir la croissance économique de nos territoires ultramarins par un accroissement de la compétitivité des ports. Je vous remercie du bon accueil que vous avez d’ores et déjà réservé à ce projet de loi en contribuant tous grandement, quelles que soient vos opinions, à la qualité des débats. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. René-Paul Victoria.

M. René-Paul Victoria. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite intervenir sur l’article 1er, l’article essentiel à mes yeux de ce projet de loi. Il traite de la gouvernance des grands ports maritimes ultramarins. À ce jour, la gouvernance bicéphale n’est plus un modèle, parfois c’est même un obstacle. La dualité de management entre l’État et la chambre de commerce et d’industrie devait être unifiée. Cet article apporte donc la réponse à travers un nouveau mode de management qui produira plus de performance en termes de réactivité, d’efficacité, de représentation et de décision.

Cette réforme permettra à Port Réunion d’être sur un pied d’égalité avec les autres ports de la zone de l’océan Indien. La gouvernance proposée me convient. Par exemple, sur les dix-sept membres du conseil de surveillance, quatre à cinq représenteront les collectivités territoriales, quatre l’État, trois le personnel, et seront désignées cinq à six personnalités qualifiées : on voit donc que l’État n’y sera pas majoritaire.

Dans mon département de La Réunion, il y a une volonté affirmée d’aller très vite pour mettre en œuvre cette réforme portuaire dès 2012. L’attente est grande chez les professionnels, regroupés au sein de l’Union maritime de La Réunion, ainsi qu’au niveau des organisations syndicales qui représentent l’ensemble des personnels portuaires.

En effet, la réforme offre un double avantage : d’une part, l’unicité de commandement, ce qui permettra de faire évoluer les missions du port et d’améliorer la productivité de l’outil portuaire ; d’autre part, elle prévoit deux dispositifs attendus depuis longtemps par le personnel, à savoir la reconnaissance de la pénibilité du travail mais également de la pénibilité au travail à travers, cela a été évoqué, la cessation anticipée d’activité. Je rappelle que ces deux dispositifs sont inscrits dans l’annexe III de la convention collective nationale unifiée : il y est stipulé que dans un délai de six mois après la mise en œuvre de la réforme de la gouvernance, seront précisées les modalités et les conditions de leur application. Une entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2012 permettrait donc aux ouvriers domiens de bénéficier de ces dispositifs dès le 1er janvier 2013 : deux belles décisions pour le personnel !

Voilà une réforme portuaire qui se traduit par une nouvelle donne au niveau de la gestion administrative et certainement de la gestion financière, mais surtout par une nouvelle donne au niveau de la gestion des ressources humaines.

M. Thierry Mariani, ministre. Je vous remercie, monsieur le député.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Avant leur examen, je tiens à expliquer l’état d’esprit de nos amendements. J’ai entendu à deux reprises en commission de la part de M. Alfred Marie-jeanne, mais aussi de la part du ministre à trois reprises, que ce n’est pas un texte de décentralisation. Mais personne n’a dit que c’en était un. Premièrement, le texte de décentralisation a déjà été voté. Deuxièmement, la décentralisation est inscrite à l’article 1er de la Constitution, dont l’article 73 offre des possibilités d’adaptation tant sur le plan législatif que réglementaire, et ce serait très compliqué à réécrire. Troisièmement, en 2010, les peuples martiniquais et guyanais ont fait un choix extrêmement précis : celui d’avoir une évolution des responsabilités à leur rythme et à leur manière. Peut-être certains voudraient-ils aller plus vite, mais toujours est-il que les peuples ont choisi.

Cela dit, monsieur le rapporteur, quand vous dites que ce n’est pas un texte de décentralisation, vous posez un faux problème et un faux débat. Ce projet de loi doit s’inspirer de l’esprit de décentralisation de la Constitution, de l’esprit de son article 73 – et de l’article 74 pour ceux qui y sont favorables : pour ma part, je le trouve assez bizarre et procédant d’un état d’esprit parfaitement néocolonial.

Dans un tel contexte, les adaptations que nous demandons sont tout à fait respectables et je ne comprends pas du tout que l’on puisse nous reprocher de vouloir transformer ce projet en texte de décentralisation. Quand Christiane Taubira parle d’établir un lien particulièrement fort entre l’infrastructure portuaire, dotée d’une gouvernance désormais modernisée, et le développement économique, est-ce une faute ? Lorsqu’on dit que cette nouvelle gouvernance pourrait permettre de mieux domicilier la relation entre institutions de développement locales et aménagement du territoire, en impliquant davantage les collectivités grâce à l’amendement de notre collègue Berthelot qui propose de nommer le directoire sur proposition du conseil de surveillance, où siègent des représentants des collectivités, est-ce aller à l’encontre de la décentralisation ?

Je le dis très clairement : s’il y a une faille dans le système proposé, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le statut de grand port maritime ne doit pour autant pas vous conduire à nier l’esprit de décentralisation et l’esprit de responsabilisation.

Le problème du transfert de la responsabilité de ces ports à la demande de la collectivité d’outre-mer était déjà posé en 2004. Les ports d’outre-mer étaient alors des ports d’intérêt national, ce qui leur conférait un statut d’État particulier, exactement comme les préfets dans les départements et régions d’outre-mer. C’est certainement du fait de cette caractéristique qu’ils n’ont pas été transférés aux collectivités, et non en raison de je ne sais quelle volonté individuelle, car il serait complètement stupide d’empêcher une collectivité régionale d’obtenir la gouvernance d’un port.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 21.

La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Avant de défendre cet amendement, j’aimerais revenir que le ministre s’explique un peu plus précisément au sujet de Pariacabo. Le port de Guyane constitue une seule entité juridique alors qu’il y a deux sites. Mais on n’en parle à aucun moment, ni dans la loi ni ailleurs. Que devient Pariacabo ? Ce n’est indiqué nulle part. Il faudra bien un jour expliciter les choses ou lui donner une vie propre. Votre réponse est insuffisante, monsieur le ministre : vous m’avez écoutée, dites-vous, mais reconnaissez que j’ai surtout été gentille et coopérative avec vos services !

Mon amendement n° 21 vise à préciser ce qu’est la gouvernance modernisée. Certes, il y a trois outils de gouvernance dans le projet de loi, mais ce sont les mêmes que dans le texte de 2008. Je ne vois donc pas ce qu’il y a de plus pour les outremers. Vous nous dites à chaque fois : « Il y aura un conseil de surveillance. » Mais le nombre de membres est inchangé et les collectivités ont seulement un représentant de plus. Pour moi, il n’y a vraiment rien dans cet article. Si l’on veut donner un réel poids au conseil de surveillance, il faut que son président et les membres du directoire soient nommés par décret sur proposition du conseil de surveillance. Cela lui donnerait davantage de responsabilité.

Je rejoins enfin les propos de mon collègue Letchimy sur la décentralisation : ne faisons pas un épouvantail de ce qui ne l’est pas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Cet amendement entend donner au conseil de surveillance un pouvoir d’initiative sur la nomination du président du directoire au lieu de l’actuel avis conforme ; auquel cas, il faudrait étendre cette disposition aux grands ports maritimes de métropole. Or il n’est pas question d’enlever aujourd’hui à l’État ses prérogatives et son pouvoir discrétionnaire en ce domaine. De plus, la gouvernance des grands ports maritimes métropolitains donne satisfaction. J’émets donc un avis défavorable.

Mais je veux répondre également à M. Letchimy sur la décentralisation. Il est vrai qu’à travers les différents amendements que lui et ses collègues ont déposés, j’ai la vague impression qu’ils souhaiteraient avoir la mainmise sur l’ensemble des ports. C’est pourquoi la commission a fortement insisté sur le fait que ce ne serait pas une loi de décentralisation, mais la reconnaissance d’un nécessaire partenariat entre l’État et les collectivités territoriales. Vous invoquez le lien avec le développement économique ; mais ce lien existe puisque vous aurez à élaborer le projet stratégique du grand port maritime, ce qui est important. Je vous rappelle que dans le conseil de surveillance seront représentées, outre la chambre de commerce et d’industrie, ce qui me paraît indispensable, qui comptera trois représentants, toutes les collectivités territoriales : la région, qui a la compétence économique, le conseil général, la commune et la communauté de communes ou la communauté d’agglomération qui a compétence au-delà du port. Cela méritait d’être rappelé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement.

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Madame Berthelot, il y a aussi en métropole des ports répartis sur plusieurs sites : ainsi, vous avez Marseille et Fos, ce qui n’empêche pas qu’il y ait une seule entité juridique : le port de Marseille. Il en est de même pour Bordeaux. Il est donc clair que le port de Guyane comprendra bien sûr les deux sites. Mes propos figureront au Journal officiel, vous devez donc être pleinement rassurée : Pariacabo sera entièrement compris dans le port de Guyane.

Mme Chantal Berthelot. Mais qu’en sera-t-il de la gouvernance ?

M. Thierry Mariani, ministre. La gouvernance sera la même puisqu’il y aura un seul port, c’est-à-dire une seule entité juridique, avec deux sites. À Marseille, par exemple, les bassins ouest – ce qu’on appelle les « quais ouest » – et Fos sont deux sites, mais dans un seul port, avec un seul conseil d’administration. Je pense avoir répondu à votre question spécifique sur la Guyane.

S’agissant de l’amendement n° 21, l’article L. 5312 du code des transports dispose que le président du directoire est nommé par le Gouvernement après avis conforme du conseil de surveillance, les autres membres du directoire étant nommés par celui-ci sur proposition du président du directoire. Il convient pour nous de maintenir ce dispositif, y compris dans les nouveaux grands ports maritimes d’outre-mer. Je vous demande donc, madame la députée, de retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettrait bien sûr un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, je m’écarte peut-être du sujet, mais en précisant que le Centre spatial resterait l’opérateur principal du port de Pariacabo, comme ce sera noté au Journal officiel, vous avez introduit, à votre corps défendant sans doute, un élément de confusion. Le Centre spatial n’est pas une PME ; c’est un établissement public au poids considérable, notamment sur le plan économique, en particulier dans les échanges.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le ministre, j’ai bien compris que le port de Guyane comprenait deux sites, à l’instar de Marseille. Mais vous avez effectivement précisé dans votre réponse que le CSG gardait la gestion du site de Pariacabo. Le conseil de surveillance que nous mettons en place au port de Guyane aura la gestion des deux sites ? Il faut clarifier ce point.

Je ne retirerai pas mon amendement n°  21. N’y voyez pas une marque de défiance, mais, dans l’exposé des motifs du projet de loi, il est indiqué qu’une gouvernance modernisée devait s’adapter au contexte de l’outre-mer. Or j’entends rappeler que la spécificité de l’outre-mer appelle une gouvernance beaucoup plus ambitieuse et forte.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Que les choses soient bien claires : s’il peut y avoir deux sites pour un seul port, rien n’empêche que dans l’un des sites, ou même les deux, un quai relève d’un opérateur principal. C’est le cas à Fos avec les opérateurs pétroliers ; c’est le cas à Kourou, avec le Centre spatial.

Je le répète, il y a deux sites pour une seule structure juridique mais avec l’intervention d’opérateurs et d’utilisateurs variés.

(L'amendement n° 21 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 22.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Cet amendement est dans le même esprit que le précédent. Il y a deux sites en Guyane, mais il y a en quatre en Guadeloupe : Basse-Terre, Jarry, Pointe-À-Pitre et Saint-Louis. Quel port assurera la matrice de l’organisation sur l’archipel ? Quel sera le sort de Saint-Louis, qui se situe sur une île ? Comment sera représentée la commune concernée par ce port ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Avis défavorable. Je rappelle que les deux autres membres du directoire sont nommés par le conseil de surveillance, sur proposition du président du directoire, comme vous le souhaitez.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur Letchimy, il y a même cinq ports à la Guadeloupe : Jarry, Pointe-à-Pitre, le port de plaisance de la marina de Bas-du-Fort au Gosier, Basse-Terre et Marie-Galante. Tous relèvent de la même autorité juridique.

Sur l’amendement n° 22, avis défavorable.

(L'amendement n° 22 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l’amendement n° 15 rectifié.

M. Serge Letchimy. Cet amendement, cosigné par Victorin Lurel, vise à augmenter le nombre de représentants des collectivités locales au détriment des personnalités qualifiées nommées par l’État pour permettre à la Guadeloupe de disposer d’une représentation archipélagique cohérente.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. La spécificité du port de la Guadeloupe, éclaté en cinq sites, comme nous l’avons déjà souligné, a été prise en compte puisque, comme en Guyane, les collectivités disposeront de cinq représentants au conseil de surveillance. C’est plus important qu’en métropole, en Martinique et à La Réunion où elles n’ont droit qu’à quatre sièges : un pour la région, un pour le département, un pour la commune, un pour la communauté d’agglomération. Nous avons établi un équilibre.

Par ailleurs, à qui attribueriez-vous votre siège supplémentaire ? À la région ? Au département ? À la commune ? À la communauté d’agglomération ? Imaginons que vous le donniez à la région ; le conseil général en réclamerait un également, tout comme la communauté d’agglomération et la commune. Et nous arriverions rapidement à huit sièges ! Cela ne nous paraît pas concevable. Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira. Il y a d’autres scénarios possibles !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Avis défavorable également.

(L'amendement n° 15 rectifié n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 16.

M. Serge Letchimy. Défendu !

(L'amendement n° 16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 35.

M. Thierry Mariani, ministre. La composition du conseil de surveillance suppose un équilibre global des différents collèges. Soumettre la nomination d’un membre d’un collège – celui des personnalités qualifiées – à l’avis d’un autre collège – celui des élus locaux – est susceptible de remettre en cause l’équilibre entre les différents collèges.

Par ailleurs, la nomination des membres au conseil de surveillance des grands ports maritimes métropolitains n’a pas donné lieu à des modifications particulières depuis 2008.

La rédaction proposée par la commission, par son imprécision, semble impliquer que toutes les collectivités – région, conseil général, communes et leurs groupements – doivent être consultées, ce qui alourdit considérablement la procédure de nomination.

La spécificité des départements d’outre-mer ne justifie pas une telle modification du principe d’indépendance dans la nomination des membres des différents collèges.

Nous proposons donc de supprimer, à l’alinéa 14, les mots « après avis des collectivités territoriales et de leurs groupements ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Je ferai à M. le ministre le même genre de réponse que celle que j’ai faite à M. Letchimy, il y a quelques instants : la commission a abouti à un équilibre dans la rédaction qu’elle a adoptée. Elle a décidé de mieux impliquer les collectivités, conformément à leur souhait. Plusieurs amendements présentés par l’opposition ont été rejetés parce qu’ils allaient beaucoup plus loin ; en contrepartie, j’ai souhaité faire un pas dans le consensus, sans pour autant m’éloigner du texte voté en 2008 sur les grands ports maritimes en métropole.

Qui plus est, monsieur le ministre, votre argument ne tient pas. Vous écrivez dans l’exposé sommaire de l’amendement qu’il serait regrettable de remettre en cause l’indépendance de représentation entre les différents collèges en demandant l’avis du deuxième à propos du quatrième. Oubliez-vous que ce même quatrième collège est composé de personnalités nommées par l’État, dont les représentants siègent dans le premier collège ? Allez-vous supprimer ce pouvoir de nomination pour parfaire l’indépendance de représentation ?

Je précise que si j’émets un avis défavorable, c’est à titre personnel, puisque cet amendement n’a pas pu être examiné en commission. Mais je crois que mon avis est représentatif de celui de mes collègues. Nous voulons en rester au consensus que nous avons établi.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je salue le courage et la détermination de notre rapporteur. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous compreniez bien que le débat en commission a abouti à un consensus qui nous a permis de nous rassembler autour d’un point médian.

La rédaction proposée par le rapporteur va réellement dans le bon sens. Il est utile d’impliquer davantage les collectivités, non pas tant du point de vue de la gouvernance et de l’autoritarisme du fonctionnement institutionnel, mais au regard du lien qu’il faut établir entre l’aménagement du territoire, le développement économique et l’institution régionale ou départementale. Ce n’est pas un gadget, c’est un outil au service d’une mutation économique.

Comme notre rapporteur, j’appelle à mes collègues de voter contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Par pur esprit de symétrie, nous pourrions même en demander le retrait…

Monsieur le ministre, avancer l’argument selon lequel on remettrait en cause l’indépendance des collèges en permettant que les collectivités territoriales se prononcent, c’est faire peu de cas de la légitimité desdites collectivités. On ne peut les placer sur le même plan que les autres collèges. Non seulement, elles apportent une contribution financière souvent considérable – encore qu’il s’agirait d’un pouvoir ploutocratique qui n’a pas de justification en matière de fonds publics – mais elles sont élues au suffrage universel. Elles sont donc dotées d’une légitimité qui ne peut se comparer avec celle des autres collèges. Cette symétrie n’est pas recevable.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Je le répète : soumettre la nomination des personnalités qualifiées à l’avis des collectivités serait une première. Nous n’avons aucun dispositif de ce genre dans la loi sur les ports en métropole.

Par ailleurs, j’estime que l’État, qui désigne ces personnalités, a tout autant de légitimité démocratique que les collectivités.

Mme Christiane Taubira. Justement !

M. Thierry Mariani, ministre. Les nominations se font indirectement par le biais des ministres qui sont dotés eux aussi de la légitimité du suffrage universel, particulièrement lorsqu’ils sont issus de cet hémicycle. Mais nous n’allons pas faire durer les débats pour savoir si les représentants de l’État ont plus de légitimité démocratique que ceux du département ou de la région…

J’insiste sur le fait que soumettre la nomination des personnalités qualifiées à l’avis systématique des collectivités territoriales constituerait un précédent, et une remise en cause de l’équilibre des collèges et surtout de l’indépendance des personnalités qualifiées.

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. J’aimerais préciser, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’un avis simple. Le rapporteur a cherché un point d’équilibre qui me semble avoir été trouvé. Pour ma part, je lui apporterai mon soutien.

(L'amendement n° 35 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l’amendement n° 17.

M. Serge Letchimy. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. La composition des conseils de surveillance n’est pas modifiée. Les chambres de commerce, qui géraient jusqu’à présent les ports de Guyane, de la Martinique et de La Réunion, gardent toute leur légitimité.

Au regard de l’évolution des grands ports maritimes, trois représentants s’imposent. Il ne faut pas réduire leur nombre à deux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Défavorable.

(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 19.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Nous proposons que le monde des consommateurs soit représenté dans le conseil de surveillance, compte tenu de l’importance du rôle que jouent les ports dans la formation des prix.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Les consommateurs auront leur place dans le conseil de développement. Il ne faut pas introduire de systématisme dans la nomination des personnalités qualifiées afin de conserver une marge de manœuvre en fonction de chaque situation : cela peut être aussi un comptable ou un juriste.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Défavorable.

(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 18.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Cet amendement est également cosigné par Victorin Lurel, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence. Il vise à faire participer la région ou le département à la nomination des représentants du monde économique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Défavorable : c’est une loi portuaire et non une loi de décentralisation. Pour tenir compte des spécificités d’outre-mer, j’ai proposé que les collectivités concernées émettent un avis. Cela me paraît un compromis acceptable pour tous.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Défavorable également.

(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 20.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Défendu.

(L’amendement n° 20, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. L’État a mis – pour des raisons compréhensibles, et expliquées par Christiane Taubira – trois ans pour nous proposer ce texte. Entre-temps, il a fallu gérer les conflits, organiser, développer. À la Martinique, nous avons donc monté une structure très originale, le Comité de suivi et observatoire des activités portuaires. Il a permis, monsieur le rapporteur, d’aller beaucoup plus loin que le conseil de développement prévu par la loi. Je vous ai donné en commission mon point de vue sur le conseil de développement : c’est, intellectuellement, un outil qui tient la route, mais opérationnellement, il ne fonctionne pas. Ce sont des vœux, des colloques, des réunions. À mon sens, il faut aller beaucoup plus loin.

N’oubliez pas que nos ports, sauf ceux de la Guyane, sont situés dans des îles, et que Fort-de-France est le quatrième port de France : ceux qui connaissent nos ports savent qu’au-delà même de leur poids économique et de leur poids social, notre situation oblige à rester en permanence en contact, pour unifier des politiques de dialogue social, pour accompagner l’évolution de la compétitivité. La troisième écluse du canal de Panama va ouvrir : nous devrons nous étendre, et optimiser la fonction du port, parce que nous sommes en concurrence avec des pays comme la Jamaïque, comme Cuba, comme Saint-Domingue.

Nous proposons donc que les membres du CSOP – pour la Martinique – soient intégrés dans le conseil de développement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Je répéterai ce que j’ai dit en commission, monsieur Letchimy. Il faut vous faire crédit de votre action en Martinique : en tant que président de région, vous avez contribué à la bonne marche du port de Fort-de-France en instituant le CSOP. En réunissant tout le monde autour de la table, vous avez su ramener le calme et la concorde. Ce faisant, vous avez quelque peu devancé la réforme des ports d’outremer : c’est le conseil de développement qui prendra le relais.

Vous pouvez conserver le CSOP jusqu’à sa mise en place du conseil de développement. Celui-ci est bien sûr aujourd’hui une coquille vide ; attendez qu’il soit mis en place. Par expérience, je peux vous dire que ces conseils fonctionnent parfaitement bien en métropole, et donnent notamment un avis sur les prix, ce qui est, je crois, intéressant.

Avis défavorable.

(L’amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 24 rectifié.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Cet amendement porte sur l’outillage. Vous m’avez inquiété, monsieur le ministre, quand vous avez dit tout à l’heure à la tribune : on ne privatise pas l’outillage ; néanmoins, dans le temps, on verra comment on peut le céder.

Or il est écrit noir sur blanc, dans tous les textes, que l’outillage ne sera pas transféré au secteur privé comme cela a été fait en 2008 pour les ports de l’hexagone – je ne dis pas les ports métropolitains. Il faut donc être très clair là-dessus : prévoyez-vous une cession dans l’avenir ? M. Raffarin l’avait dit pour les aéroports : nous détiendrons 60 % du capital de la société aéroportuaire, et à terme nous céderons ces parts au privé. Nous en reparlons plus loin. Mais quelle est exactement votre position sur l’outillage ?

Ensuite, nous savons qu’un monopole se construit souvent dans les régions d’outre-mer, ce qui favorise les ententes sur les prix. Ces questions sont toujours difficiles. Je souhaite donc que le Gouvernement rende au Parlement un rapport sur le fonctionnement des ports six mois après la promulgation de cette loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Le contrôle de l’application de la loi, monsieur Letchimy, est une prérogative du Parlement ; c’est même une obligation qui figure dans le règlement de l’Assemblée. Lors de la prochaine législature, la commission diligentera donc une mission d’information. Je préfère une mission d’information à un rapport du Gouvernement. Vous pouvez même demander à votre groupe qu’il vous propose comme co-rapporteur.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Je commence par répondre précisément à la question : non, la loi ne transfère pas l’outillage. C’est le principe. Mais chaque conseil de surveillance pourra, s’il le souhaite, de façon indépendante, décider de le faire dans son propre port. Dans la loi portant sur la métropole, le transfert de l’outillage était une obligation ; ici, il n’y a aucun transfert obligatoire. Mais tout à l’heure, j’ai entendu plusieurs orateurs demander une décentralisation, des possibilités locales de décision : si, au vu de la situation précise de son port, un conseil de surveillance venait à le décider, ce serait parfaitement possible.

Sur l’amendement proprement dit, ma réponse est la même que celle du rapporteur : avis négatif.

(L’amendement n° 24 rectifié n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 2

M. le président. L’article 2 ne fait l’objet d’aucune demande de parole ni d’aucun amendement.

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Je voudrais brièvement informer l’Assemblée de l’action de la commission du développement durable sur cette seconde partie du texte, qui n’a plus rien à voir avec l’outre-mer.

Comme chacun l’a constaté, l’article 3 était initialement bien plus massif, puisque les six ordonnances demandées y figuraient assorties d’un délai d’habilitation unique, fixé à dix-huit mois.

J’ai jugé que ce n’était pas une bonne méthode de travail. Nous pouvons comprendre le recours aux ordonnances, mais pas dans ces conditions. Pour certains textes, la date limite de transposition restait à atteindre. Pour d’autres, elle avait été atteinte. Pour d’autres encore, elle était si dépassée que la France est mise en demeure. Et pour tous ces textes, le Gouvernement demandait un an et demi de liberté.

Nous avons donc scindé les habilitations en autant d’articles, en adaptant les délais au temps restant pour la transposition. Pour les textes très urgents, nous les avons fixés à deux mois. Pour les autres, nous avons été un peu plus généreux.

Je sais que les délais sont rudes, monsieur le ministre. Mais c’est à dessein. La commission du développement durable veut faire comprendre au Gouvernement qu’elle n’est pas une chambre d’enregistrement qui avalise, en dispensant les habilitations, les retards coupables qui incombent à l’exécutif.

Vous m’avez fait part de l’impossibilité pour vous de parvenir suffisamment rapidement à un texte cohérent pour la transposition de la directive du 11 mars 2002, qui fait l’objet du nouvel article 3. Il vous faudrait quatre mois au lieu de deux.

Disons-le tout net : je vous ai répondu que l’Assemblée n’accepterait sans doute pas, et que mon avis serait négatif. La commission du développement durable a voulu protester contre la méthode des ordonnances.

Depuis, monsieur le ministre, vous avez fait un geste : vous avez proposé de renoncer à l’une des ordonnances, de presser vos services et de nous proposer des dispositions « en dur », suivant la procédure législative traditionnelle. Vous allez abandonner la demande d’habilitation qui figure à l’article 8 pour que le Parlement puisse discuter les mesures effectives. Cette offre, je crois que l’Assemblée nationale tout entière vous sait gré de la formuler. Elle nous permettra de débattre. Elle change notre perspective. Nous étions mécontents, nous sommes satisfaits.

Dans ce cadre, je soutiendrai votre requête de doublement du délai à l’article 3, et je ne doute pas que mes collègues feront de même.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 36.

La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Pour commencer, je confirme officiellement à M. le rapporteur que je défendrai bien à l’article 8 la position qu’il vient d’évoquer.

L’amendement n° 36 vise quant à lui à prendre en compte le délai incompressible de consultation d’un mois des collectivités et départements ultramarins avant l’édiction de l’ordonnance Je vous propose donc de porter de deux à quatre mois le délai mentionné à l’alinéa 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, que je viens d’évoquer. Seul, il aurait été inacceptable ; mais compte tenu de l’amendement n° 37 que le Gouvernement présentera à l’article 8, je lui donne un avis favorable à titre personnel.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Je voudrais dire l’immense plaisir que nous éprouvons à entendre M. le ministre dire qu’il faut respecter le délai incompressible. (Sourires.) J’insiste, pour que ce soit écrit par deux fois au Journal officiel, car le Gouvernement a malheureusement la détestable habitude d’utiliser la procédure d’urgence. Souvent, les collectivités sont donc contraintes de s’exprimer trop rapidement. Merci donc d’exprimer cette volonté de respecter les délais : il faut du temps pour convoquer, pour examiner un dossier, et pour donner un avis éclairé.

(L’amendement n° 36 est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 5 rectifié et 4 rectifié de la commission sont rédactionnels.

(Les amendements nos 5 rectifié et 4 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 25.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Cet amendement est également rédactionnel : le texte met dans le même sac toutes les régions et collectivités d’outre-mer, alors que les statuts peuvent être très différents. Nous proposons donc une nouvelle formulation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Ce n’est pas tout à fait rédactionnel : je comprends bien la logique de l’amendement, mais « chacune des collectivités territoriales », cela voudrait dire un cadre par commune. C’est inenvisageable. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Ce n’est pas un amendement uniquement rédactionnel ! (Sourires.) Avis défavorable.

(L’amendement n° 25 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 33.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Le trafic routier est une compétence qui appartient aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution. Il n’est donc pas question que l’État y légifère par ordonnance. Il faut donc voir dans cet amendement une correction.

(L’amendement n° 33, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

M. le président. Les amendements nos 7 et 6 de la commission sont rédactionnels.

(Les amendements nos 7 et 6, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Pour les mêmes raisons qu’à l’article 3, avis défavorable.

(L’amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 5

M. le président. Les amendements nos 9 rectifié et 8 rectifié de la commission sont rédactionnels.

(Les amendements nos 9 rectifié et 8 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. C’est bel et bien un amendement rédactionnel. J’y insiste pour la dernière fois, mais cela revient tout le temps dans le texte. Ce problème de rédaction est important : je vous prie de bien vouloir vous rappeler que le statut de la Guyane n’est pas le même que celui de la Martinique. À la Martinique, nous avons fait le choix d’un exécutif distinct de l’assemblée. En Guyane, l’organisation est beaucoup plus proche de celle des régions actuelles ; il n’y a pas d’assemblée distincte de l’exécutif.

Au fond, ce n’est pas si rédactionnel que cela… C’est une manière de vous dire que les organisations juridiques et institutionnelles diffèrent d’une collectivité à l’autre. Il ne s’agit pas de prévoir un cadre par collectivité, mais au contraire de clarifier le débat.

(L’amendement n° 27, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 34 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Fidelin, rapporteur. C’est la même chose qu’à l’amendement n° 33 : le trafic routier est une compétence qui appartient aux seules collectivités.

(L’amendement n° 34, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

M. le président. Les amendements nos 11 rectifié et 10 de la commission sont rédactionnels.

(Les amendements nos 11 rectifié et 10, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 28.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Défendu.

(L’amendement n° 28, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Article 7

M. le président. Les amendements nos 13 et 12 de la commission sont rédactionnels.

(Les amendements nos 13 et 12, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 29.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Défendu.

(L’amendement n° 29, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 8

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, inscrit sur l’article 8.

M. Alfred Marie-Jeanne. Le règlement communautaire n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil européen du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, tire-t-il toutes les conséquences de la position des transporteurs et camionneurs de La Martinique ?

Ces derniers ont plusieurs fois revendiqué pour que soit respecté l'arrêté préfectoral réglementant les transports publics routiers de marchandises et que soit adaptée la réglementation européenne sur l'ouverture du transport routier à la concurrence afin de ne pas pénaliser leur profession. Les intéressés avaient réclamé des règles spécifiques face à une législation européenne jugée trop rigide.

On peut se demander si les termes de l'accord obtenu en préfecture ne risquent pas d'être remis en cause par cette nouvelle réglementation.

Je prends, à titre d'exemple, l'article 3 du règlement communautaire que je viens de citer qui prévoit, comme conditions à l'exercice de la profession de transporteur par route, outre l'établissement effectif et stable dans un pays de l'Union européenne et l'honorabilité, mais aussi la nécessité d'une capacité financière appropriée et d'une capacité professionnelle requise.

L’une des particularités de cette profession en Martinique, c'est que les entreprises sont presque toutes unipersonnelles : le propriétaire est le chauffeur, le conducteur, l’employé.

Ajoutez à cela l'étroitesse du marché et l’insularité, vous comprendrez que la directive européenne ne saurait s'appliquer telle quelle en Martinique.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Je répète à M. Marie-Jeanne ce que j’ai déjà dit à M. Letchimy : le règlement « paquet routier » tient compte de l’expérience professionnelle des entreprises existantes et de la spécificité ultramarine. Ainsi, sont dispensées de l’examen professionnel les personnes fournissant la preuve qu’elles ont géré en permanence une entreprise de transport routier durant les dix ans précédant le 4 décembre 2009.

Pour les collectivités ultramarines, l’Europe autorise expressément les États à adapter les conditions de capacité professionnelle mais aussi financière aux spécificités des collectivités et territoires d’outre-mer.

Je prends l’engagement que ces deux modulations seront prises en compte dans la rédaction des décrets d’application. Je pense, monsieur Marie-Jeanne et M. Letchimy que cela répond à vos légitimes préoccupations.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 37 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. L’amendement n° 37 répond à l’engagement que j’ai pris tout à l’heure auprès du rapporteur. Il vise à accélérer l’application par la France du règlement du 21 octobre 2009 dit « paquet routier » dont l’échéance de mise en œuvre a expiré le 4 décembre dernier.

Il consiste à compléter le code des transports pour, d’une part permettre la participation des candidats à l'obtention de l'attestation de capacité professionnelle de transporteur aux frais de gestion de l'organisme auprès duquel ils s’inscrivent, d’autre part prévoir l’obligation pour les personnes souhaitant exercer la profession de transporteur par route d’obtenir une nouvelle autorisation d’exercice de cette profession en sus de leur inscription au registre des transporteurs qui demeure.

Afin d’éviter à la France une condamnation pécuniaire lourde par les instances communautaires, je vous demande d’adopter cet amendement qui, chacun l’aura compris, a tout à fait sa place dans un texte concernant les ports d’outre-mer…

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Nous avons déjà évoqué la disparition de l’habilitation et son remplacement par des dispositions législatives de transposition. Je ne change pas d’avis et j’émets un avis favorable sur cet amendement.

(L'amendement n° 37 est adopté.)

M. le président. En conséquence, ce texte devient l'article 8 et les amendements nos 2, 1 et 30 tombent.

Après l'article 8

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 31 rectifié, portant article additionnel après l’article 8.

La parole est à M. Serge Letchimy, pour le soutenir.

M. Serge Letchimy. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Défavorable : une mission parlementaire sera créée sur le sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Défavorable.

(L'amendement n° 31 rectifié n'est pas adopté.)

Article 9

(L'article 9 est adopté.)

Après l'article 9

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 32, portant article additionnel après l’article 9.

La parole est à M. Serge Letchimy, pour le soutenir.

M. Serge Letchimy. Nous sommes tous d’accord sur le fait que les articles 3 à 7 ont permis d’introduire toute une série de dispositions qui n’avaient pas grand-chose à voir avec le texte. Je ne suis pas partisan de ce genre de méthode, mais un problème se pose s’agissant des aéroports. Nous avons même constaté dans une île que le fait que la chambre de commerce soit à la fois gestionnaire des aéroports et des ports permettait d’assurer des équilibres financiers.

Il est prévu que, d’ici à 2012 pour La Martinique puis pour la Guadeloupe et la Guyane, soient constituées des sociétés aéroportuaires. Elles seront dotées d’un capital réparti entre l’État – 60 % –, les chambres de commerce et d’industrie – 25 % –, et les collectivités territoriales – 15 %.

Toutefois, nous n’avons aucune garantie juridique sur ce qu’il adviendra par la suite, si ce n’est une lettre de M. Raffarin qui indique que cette garantie d’un capital à dominante publique sera effective jusqu’en 2013, c’est-à-dire dans deux ans. Autrement dit, l’État peut parfaitement se désengager et une société privée devenir propriétaire de l’aéroport et privatiser le système.

J’appelle votre attention sur l’importance que revêtent ces aéroports un peu partout sur le territoire et plus particulièrement dans nos îles. Voilà pourquoi je vous propose, par l’amendement n° 32, de bien préciser que le capital des sociétés qui contrôlent les aéroports situés dans les départements d’outre-mer et collectivités territoriales est majoritairement détenu par des personnes publiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Fidelin, rapporteur. Cet amendement est un pur cavalier… Vous me répondrez que ce n’est pas le premier puisque l’article 9 prévoit de légiférer par ordonnances. Rendez-moi justice et reconnaissez que j’ai été cohérent puisque je n’ai pas accueilli avec enthousiasme ces ordonnances et que j’ai voté contre l’article 9 en commission.

De surcroît, en parlant de majorité publique, votre amendement suppose une minorité privée. Du coup, monsieur Letchimy, vous vous retrouvez à porter un amendement qui propose une privatisation partielle, ce qui est quelque peu surprenant, alors même que l’article 7 de la loi du 23 juillet 2010 sur les dispositions relatives aux grands aéroports régionaux prévoit la possibilité de créer une société dont le capital est détenu entièrement par des personnes publiques ! Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Avis défavorable. Les présidents de chambre de commerce et d’industrie des régions d’outre-mer ont demandé, dans une motion votée au mois de mars 2011, le maintien d’un actionnariat majoritairement public au capital de ces sociétés aéroportuaires d’outre-mer au-delà de 2013. Tel est également l’objet du présent amendement.

J’ai déjà indiqué, dans un courrier en date du 2 mai 2011, aux présidents des CCI de La Martinique, de La Guadeloupe, de La Guyane et de La Réunion, qu’une évolution de la structure du capital de ces sociétés n’était pas à l’ordre du jour car il paraît indispensable de stabiliser durablement l’actionnariat des nouvelles sociétés mises en place – j’insiste sur l’adverbe « durablement ».

Lors des débats parlementaires ayant conduit au vote de la loi du 20 avril 2005, le Gouvernement a clairement indiqué que l’un des objectifs de la réforme des aéroports régionaux était, à terme, d’ouvrir le capital des sociétés aéroportuaires, ce qui permettrait d’enrichir la gestion des aéroports régionaux de l’expérience du secteur privé et de diversifier les sources de financement du développement et de l’exploitation des aéroports.

Ainsi, pour respecter cet engagement, il n’est pas possible de donner un avis favorable à cet amendement. Toutefois, je le répète, toute évolution du capital, comme le Gouvernement s’y était engagé lors de la discussion de cette loi, tiendrait naturellement compte des spécificités des aéroports ultramarins, porte d’entrée du territoire et vecteur essentiel du développement économique de celui-ci, et s’accompagnerait bien entendu au préalable d’une concertation approfondie avec les collectivités locales et la CCI concernée.

Le Gouvernement s’oppose donc à cet amendement qui concerne les aéroports puisque l’on discute aussi accessoirement des ports.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Monsieur le ministre, je vous remercie de me donner raison, tout en ne soutenant pas tactiquement mon amendement, et de donner tort au rapporteur, puisque vous venez d’indiquer vous-même que le Gouvernement souhaite que la réforme des aéroports permette l’introduction du secteur privé.

Le problème n’est pas dans l’organisation actuelle, mais dans son évolution. J’ai bien entendu vos propos et j’espère qu’ils seront écrits noir sur blanc, afin que l’on sache que le Gouvernement reste extrêmement vigilant sur la stabilité du fonctionnement des aéroports et qu’il n’est pas favorable à leur privatisation compte tenu de nos spécificités. En langage clair, cela signifie que vous vous engagez à ce que le capital de la future société reste à dominante publique – au minimum 51 %. Si vous me le confirmez, je suis prêt à retirer mon amendement.

Monsieur le ministre, j’attends votre réponse.

M. Thierry Mariani, ministre. Je vous confirme que c’est bien de cela qu’il s’agit.

M. Serge Letchimy. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

(L'amendement n° 32 est retiré.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe SRC.

M. Serge Letchimy. Comme je l’ai dit tout à l’heure dans la discussion générale, ce texte était attendu et perçu de façon très positive sur le plan local. Il permet une optimisation du fonctionnement des institutions portuaires grâce à une gouvernance et un statut modernisés.

Nous maintenons toutefois nos deux observations : premièrement, il est nécessaire de mieux impliquer les collectivités ; deuxièmement, il faut nous donner les moyens, dans le cadre d’un partenariat, de créer un véritable lien entre équipements structurants et développement économique. Peut-être en aurons-nous l’occasion dans un autre texte.

Comme l’a indiqué Mme Taubira, un taux de couverture de 15 % – chez nous, c’est 14 % –, cela signifie que 85 % des mécanismes économiques sont fondés sur de l’importation massive. Il faut donc tout faire pour que l’exportation prenne un sens. Il ne s’agit pas non plus d’ouvrir des perspectives de gouvernance pour récupérer davantage d’argent, avec l’éventualité d’une fongibilité des aides au sein des pouvoirs d’État, mais aussi de redistribuer, pour favoriser les investissements. Voilà pourquoi nous ne voterons pas contre ce texte, mais nous nous abstiendrons.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 19 décembre 2011 à dix-sept heures :

Discussion du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 16 décembre 2011, à une heure quarante-cinq.)