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SOMMAIRE
Présidence de M. Bernard Accoyer
Mesures annoncées par le Président de la République
Baisse des charges dans l’agriculture
M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé
M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie
Hausse de la TVA et allègement des charges patronales
Vente d’avions Rafale à l’Inde
M. François Fillon, Premier ministre
Conseil national de la montagne
2. Débat sur les performances des politiques sociales en Europe
M. Michel Heinrich, co-rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques
M. Régis Juanico, co-rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques
Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle
Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
Mme Martine Carrillon-Couvreur
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
Mme Martine Carrillon-Couvreur
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
Mme Claude Greff, secrétaire d’État
M. Michel Heinrich, co-rapporteur
M. Régis Juanico, co-rapporteur
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le Premier ministre, le 14 janvier 2007, Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence de la République, déclarait : « Je veux être le Président du pouvoir d’achat ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Engagement tenu, mission accomplie, pour les plus riches (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui ont bénéficié pendant cinq ans du bouclier fiscal, du paquet fiscal, de l’allégement de l’impôt sur le revenu, de la suppression de l’impôt sur les successions et d’une baisse de l’impôt sur la fortune. En revanche, les classes moyennes et les plus faibles ont vu, au cours de la même période, un véritable effondrement leur pouvoir d’achat.
Aujourd’hui, vous aggravez leur situation en imposant la TVA sociale.
Pourtant, à peine élu, le Président de la République précisait, en juin 2007, qu’il n’accepterait aucune augmentation de la TVA, car elle aurait pour effet de réduire le pouvoir d’achat des Français. En 2010, Xavier Bertrand déclarait : « Je ne suis pas favorable à cette TVA » et François Baroin expliquait : « Je ne suis pas favorable à cette mesure aux conséquences dramatiques sur l’activité économique ».
Monsieur le Premier ministre, la création d’une TVA dite sociale est un nouvel impôt injuste, puisqu’il est payé de la même façon par les riches et par les pauvres. Qui plus est, elle opère un véritable transfert du financement de la politique familiale des entreprises vers les familles.
M. Jean-Michel Fourgous. Et le chômage, ce n’est pas injuste ?
M. Jean-Paul Bacquet. Enfin, quelle cohérence y a-t-il…
M. Christian Eckert. Aucune !
M. Jean-Paul Bacquet. …à préconiser une harmonisation, une convergence avec l’Allemagne et à augmenter la TVA, alors qu’actuellement, le taux de TVA allemand est inférieur au taux de TVA français ?
Monsieur le Premier ministre, après le « travailler plus pour gagner plus », qui n’a été qu’un « travailler plus pour gagner moins », c’est désormais : travailler moins pour gagner encore moins et pour payer encore plus d’impôt avec cette TVA antisociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Yves Nicolin. Caricature !
M. Jean-Paul Bacquet. Quand cesserez-vous d’amputer le pouvoir d’achat des plus faibles et des plus pauvres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. J’appelle chacun, sur tous les bancs, y compris ceux du Gouvernement, à droite comme à gauche à s’exprimer avec le ton qui convient, en apportant les éléments qu’attendent nos compatriotes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous me permettrez de rectifier un certain nombre de vos propos.
S’agissant du pouvoir d’achat, je suis désolée de vous décevoir, mais je m’en tiens aux chiffres de l’INSEE.
M. Jean-Paul Bacquet. Allez le dire dans les circonscriptions ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Bacquet, moi, je ne fais pas de démagogie ni de populisme ; je lis les chiffres de l’INSEE, organe de statistiques indépendant. Or pour l’INSEE, l’augmentation moyenne du pouvoir d’achat des Français est de 4 % durant le quinquennat. Autrement dit, le pouvoir d’achat a augmenté.
M. Pierre Gosnat. Arrêtez de dire n’importe quoi !
Mme Valérie Pécresse, ministre. S’agissant des mesures prises par le Président de la République, il est inexact de dire, comme vous l’avez fait, que ce serait « tout pour les riches » – je fais court et je simplifie.
M. Jean-Paul Bacquet. Et le bouclier fiscal, qu’est-ce que c’est ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. La loi « Travail, emploi, pouvoir d’achat », qui fut la première du quinquennat, prévoyait, en effet, 600 millions au titre du bouclier fiscal – lequel a, depuis, été supprimé –, mais elle prévoyait également, pour 9 millions de Français qui gagnent en moyenne 1 500 euros par mois, 450 euros d’heures supplémentaires défiscalisées.
M. Jean-Paul Bacquet. Et l’impôt sur les successions ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Quant à la baisse des droits de succession, elle ne concerne pas les grosses successions, qui continuent d’être imposées…
M. Jean-Paul Bacquet. Et l’ISF ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. …et qui le sont même davantage depuis la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune.
J’ajoute qu’en 2012, nous allons, pour des raisons de solidarité, demander plus à ceux qui ont davantage, qu’il s’agisse de ceux qui ont plus de patrimoine, de ceux qui ont plus de biens immobiliers ou de ceux qui ont plus de revenus.
M. Jean-Paul Bacquet. Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous dites !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous n’avons aucune leçon de justice à recevoir, monsieur Bacquet. La première des injustices, c’est le chômage. Et c’est précisément pour lutter contre le chômage que le Président de la République a annoncé une réforme qui vise à abaisser le coût du travail et à augmenter la TVA. La présentation que vous en faites est volontairement tronquée et trompeuse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Alain Joyandet. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
La France et l’ensemble des pays occidentaux traversent une conjoncture difficile. Nous devons concentrer toute notre énergie pour combattre le chômage et relancer l’activité économique C’est tout le sens des mesures annoncées par le Président de la République ces derniers jours.
Nous pensions que le parti socialiste avait compris, ces vingt dernières années, que le monde avait changé. Or, il n’en est rien ! Pour lutter contre le chômage des jeunes, nous leur ouvrons les portes de l’entreprise. Les socialistes, eux, nous rejouent la carte des emplois jeunes dans le service public. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Alors que le Gouvernement travaille à la réduction de nos dépenses publiques, les socialistes, eux, nous annoncent plus de 60 000 fonctionnaires supplémentaires… Finalement, ce n’est pas très compliqué : la gauche nous propose exactement le contraire de ce qu’il faut faire ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Le courage, ce n’est pas la démagogie. Le courage, c’est prendre les mesures indispensables pour sortir les Français de la crise, et c’est ce que le Gouvernement fait, en mettant en œuvre des mesures à la fois conjoncturelles et structurelles.
Des mesures conjoncturelles, parce que la situation est grave : c’est le sens, par exemple, du dispositif « zéro charge » pour l’embauche des jeunes de moins de vingt-six ans dans les très petites entreprises, qui doit fournir plus de 100 000 postes dans les mois à venir.
Mais il fallait aussi des mesures structurelles, parce que nous devons nous adapter à un monde qui s’ouvre. C’est pour permettre aux entreprises françaises d’être plus compétitives que le Président de la République a annoncé une baisse des charges pesant actuellement sur le travail – parce que la seule façon de lutter contre le chômage, c’est bien de baisser le coût du travail !
Monsieur le ministre, fort du soutien ferme et déterminé de notre majorité, pouvez-vous expliquer, devant la représentation nationale et les Français qui nous regardent, les mesures pour l’emploi que le Gouvernement entend mettre en œuvre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez raison (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC),…
M. Philippe Plisson. Celle-là, on l’attendait !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La priorité de notre gouvernement, aujourd’hui, c’est l’emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean Glavany. Il serait temps !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons résolu une partie des problèmes de la zone euro et stabilisé la crise financière. Nous avons également commencé à régler le problème du déficit, en réussissant à le faire baisser. Aujourd’hui, nos priorités doivent être la croissance et l’emploi.
Vous avez cité les chiffres du chômage : 31 % d’augmentation du chômage dans notre pays, c’est inacceptable, mais cela doit être comparé aux chiffres des autres pays de l’Union européenne – 41 % de hausse moyenne du chômage dans l’Union européenne. Je sais, monsieur Joyandet, à quel point vous êtes sensible à cette question, notamment au problème du chômage des jeunes, sur lequel vous avez beaucoup travaillé…
Plusieurs députés du groupe SRC. Et vous, alors ?
M. Frédéric Cuvillier. Travaillez un peu, vous aussi !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous nous avez remis un rapport qui a aiguillé les propositions soumises par Xavier Bertrand au Président de la République.
Lors du sommet social sur la crise, qui a récemment réuni les partenaires sociaux à l’Élysée, nous avons décidé de mettre en place le dispositif « zéro charge » pour les jeunes employés de très petites entreprises. Nous avons également décidé d’augmenter le quota d’apprentis dans les grandes entreprises. Nous avons reçu – je parle sous le contrôle de Nadine Morano (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) – de très bons résultats, témoignant d’une hausse de l’apprentissage dans notre pays : 7 % de hausse de l’apprentissage en 2011, ce qui représente près de 32 000 personnes, dont 24 000 jeunes, ayant reçu une formation en alternance.
Oui, l’emploi est notre priorité. Nous développerons également les accords d’activité partielle, comme cela se fait déjà en Allemagne et dans d’autres pays, afin de maintenir les salariés dans l’emploi, et nous demanderons aux partenaires sociaux de négocier des accords « compétitivité emploi » qui assoupliront le fonctionnement du travail dans l’entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre Gosnat. Monsieur le Premier ministre, alors que les Français sont appelés à voter dans quatre-vingt-deux jours, Nicolas Sarkozy a annoncé une série de mesures plus anti-sociales et anti-démocratiques les unes que les autres, en faisant référence de façon éhontée à l’Allemagne.
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !
M. Pierre Gosnat. Qui plus est, ces mesures n’ont fait l’objet d’aucune discussion préalable avec les parlementaires.
Monsieur le Premier ministre, vous méprisez les représentants du peuple…
M. Jean Glavany. Évidemment !
M. Pierre Gosnat. …comme vous méprisez le peuple lui-même, par de telles mesures : TVA anti-sociale payée sans modération par les classes moyennes et les ménages les plus démunis, pour dégager encore 13 milliards d’euros au profit du patronat ; imposition d’accords d’entreprise dits « compétitivité emploi », visant à la mise à mort du code du travail et des droits des salariés ; instauration de la règle d’or imposée aux États et aux collectivités territoriales, au détriment du service public.
Quant à la partie consacrée au logement, elle n’apporte aucune perspective crédible : rien sur le logement social, rien sur les communes n’appliquant pas la loi SRU, rien sur le mal-logement !
En fait, ces décisions constituent un véritable coup de force contre la démocratie, car vous voulez les imposer avant le vote des Français. Pire encore, elles n’entreront en vigueur qu’après les élections, ce qui revient à bafouer le suffrage universel ! Nous vous demandons donc de renoncer à ces mesures afin de laisser la parole au peuple ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous vous faites une bien pâle idée du rôle du Parlement ! Toutes les mesures annoncées par le Président de la République seront bel et bien présentées à la représentation nationale et soumises à un vote démocratique.
Ce n’est pas bafouer la démocratie que de soumettre une loi au Parlement. Au contraire, c’est respecter la démocratie représentative, celle dont vous êtes tous issus sur ces bancs.
M. Jean Glavany. Allons, on n’a jamais vu ça !
M. Pierre Gosnat. On n’est pas des godillots !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, le Président a voulu faire de la croissance notre priorité. Croyez-vous que les Français peuvent attendre ? La croissance est fragile, le chômage remonte.
Plusieurs députés du groupe SRC. À qui la faute ?
M. Marc Dolez. Ce n’est pas avec des mesures comme celles-là que vous allez la faire repartir, la croissance !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous devons baisser les prix des logements, c’est pourquoi nous augmenterons de 30 % les droits à construire.
Nous devons permettre aux salariés de rester dans l’activité plutôt que de tomber dans le chômage. Tel est l’objectif du développement de l’activité partielle et des contrats « compétitivité emploi ».
M. Albert Facon. Plus que quatre-vingt-deux jours !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous devons moraliser le secteur financier – vous n’en avez pas parlé, monsieur le député –, c’est l’objet de la taxe sur les transactions financières que le Président de la République essaie d’élargir à nos partenaires européens, avec le talent et la conviction qui sont les siens.
M. Philippe Plisson. Même celle-là, personne n’en veut !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Enfin, il y a la question du coût du travail. Là encore, votre présentation est tronquée. Vous ne présentez que la moitié de la mesure, à savoir la hausse de la TVA, en oubliant la baisse du coût du travail. Savez-vous, monsieur le député, combien d’emplois industriels nous avons perdus ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Savez-vous combien nous avons perdu de parts de marché à l’export ? Aujourd’hui, la baisse du coût du travail est une nécessité pour préserver l’emploi en France et produire en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Pierre Gosnat. C’est faux !
M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. Jean Dionis du Séjour. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.
Treize euros de l’heure pour un salarié permanent dans une exploitation agricole française contre sept euros dans une exploitation allemande équivalente : voilà la réalité de la concurrence à laquelle ont à faire face nos agriculteurs. Il était grand temps qu’on les entende, pour enfin commencer à les mettre à armes égales dans la compétition intra-européenne.
Oui, pour les fruits, pour les légumes, pour la viticulture, comme pour de très nombreuses filières agricoles, le coût du travail est un facteur essentiel de la compétitivité.
Un député du groupe SRC. On peut aussi rétablir l’esclavage !
M. Jean Dionis du Séjour. Le Président de la République a ouvert dimanche soir un débat prioritaire pour la compétitivité de notre économie. Il s’agit du financement du modèle social français. Nous sommes tous, dans cet hémicycle, attachés à ce modèle. Mais son financement est aujourd’hui clairement inadapté.
En ce qui concerne l’agriculture, nous n’avons pas à rougir du bilan de notre majorité.
M. Patrick Lemasle. Ah si !
M. Jean Dionis du Séjour. Le Président avait annoncé à Poligny, en octobre 2009, l’exonération des charges pour l’emploi agricole saisonnier, ce qui a été mis en œuvre dès janvier 2010.
En 2011, j’ai écrit avec Charles de Courson une proposition de loi, cosignée par plus de 130 députés de la majorité et relayée par les travaux de Bernard Reynès, visant à renforcer durablement la compétitivité de notre agriculture.
Avec votre aide, monsieur le ministre, nous avons abouti, en novembre 2011, au vote du PLF pour 2012 qui prévoit notamment une baisse des charges patronales d’un euro de l’heure, financée par une taxe sur les sodas. Avec les annonces du Président de la République, ce seront bientôt plus de 90 % des emplois agricoles qui seront concernés par ces baisses de charges.
Monsieur le ministre, ma question sera directe : en ce qui concerne la mise en œuvre des baisses de charge prévues dans la loi de finances, pouvez-vous nous dire où en est le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. Albert Facon. Vous êtes représentant chez Baranne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, depuis trois ans, nous avons fait un choix avec cette majorité, avec le Président de la République et avec le Premier ministre : celui de la compétitivité de l’agriculture française. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Patrick Lemasle. Oh là là !
M. Pierre Cohen. Ridicule !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons réformé les interprofessions, réorganisé les filières, ouvert des marchés à l’exportation et réduit les coûts énergétiques des exploitations grâce au plan de performance énergétique.
M. Patrick Lemasle. Est-ce que Merkel est d’accord ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Et les résultats sont là…
M. Patrick Lemasle. Il n’y a pas que les résultats : les Français aussi sont las !
M. Bruno Le Maire, ministre. Avec l’ouverture des filières et des marchés à l’exportation, les prix de la viande remontent pour la première fois depuis dix ans en France et permettent aux producteurs d’avoir de meilleurs revenus. La viticulture française a retrouvé la première place mondiale, alors qu’elle était tombée à la troisième il y a trois ans. La situation s’améliore également dans la filière du lait, avec des prix qui remontent, parce que nous avons fait le choix assumé de permettre aux agriculteurs d’affronter le monde et l’Europe tels qu’ils sont…
M. Jean Mallot. Mais non !
M. Bruno Le Maire, ministre. …et non tels que nous les rêvons.
M. Yves Nicolin. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Car la réalité de la concurrence pour les agriculteurs français, ce sont non pas la Chine, l’Inde ou le Brésil, mais l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. C’est bien vis-à-vis de ces pays qu’il faut être suffisamment compétitif.
Reste la question du coût du travail. Nous avons déjà beaucoup progressé en réduisant le coût du travail occasionnel. J’ai entendu M. François Hollande, dans une grande émission de France 2, déclarer : « Il n’y a pas de problème avec le coût du travail en France. »
Eh bien si, il y a un problème. Oui, les agriculteurs français souffrent de la concurrence avec le coût du travail en Allemagne. Oui, les exploitants agricoles, et notamment les producteurs de fruits et de légumes dans votre département du Lot-et-Garonne, ont besoin d’un coût de production et d’un coût du travail plus faibles. Oui, il faut supprimer les charges sur le travail agricole en France. Oui, cette majorité le fera et vos agriculteurs nous en seront reconnaissants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Marietta Karamanli. Ma question s’adresse au Premier ministre.
Le Président de la République a fait d’une nouvelle augmentation de la TVA – 1,6 % – l’une de ses propositions de fin mandat et donc de probable candidat à l’élection présidentielle. Parallèlement, on baisserait les cotisations sociales et par là le coût du travail. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Pensez-vous rendre ainsi les entreprises plus compétitives ? (Même mouvement.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
Mme Marietta Karamanli. Cette mesure sera inefficace pour l’emploi, elle entraînera une augmentation les prix et sera une nouvelle fois injuste envers les plus modestes.
Penser concurrencer les pays émergents, qui ont d’immenses réserves de main-d’œuvre payée avec de bas salaires – parfois trente fois inférieurs au SMIC – en abaissant un peu le coût du travail chez nous et en augmentant les taxes à payer sur les produits, c’est engager une course dont nos salariés seront les perdants.
Penser concurrencer les pays européens dont le coût du travail serait moins élevé en privilégiant des produits complémentaires mais différents n’apportera rien à nos exportations et à nos importations, et donc rien non plus à nos emplois.
M. Yves Nicolin. Qu’est-ce que vous en savez ?
Mme Marietta Karamanli. Les statistiques officielles françaises et européennes montrent que le coût du travail n’est pas plus élevé en France qu’ailleurs. D’ores et déjà, les allégements de cotisations sociales atteignent 30 milliards d’euros par an. Pourtant, l’emploi est au plus bas chez nous. La preuve est donc faite qu’ils ne jouent pas en faveur de l’emploi.
M. Yves Nicolin. Baratin !
Mme Marietta Karamanli. Par ailleurs, cette hausse se répercutera sur le prix des produits. Les consommateurs, notamment les plus modestes, achèteront alors des produits moins chers et venant d’ailleurs, ce qui aura l’effet inverse de celui recherché. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
L’augmentation de la TVA est profondément inégalitaire, puisqu’elle pèsera plus pour les classes les moins aisées. Au final, si elle était adoptée, cette mesure tuerait un peu plus le pouvoir d’achat des Français. Pour nous, socialistes, seul l’investissement dans des secteurs d’avenir – la recherche ou l’éducation – est important. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Nous avons bien compris, madame la députée, en lisant le programme socialiste, que votre seule recette pour créer de l’emploi, c’est la dépense publique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Malheureusement, les emplois-jeunes, cela ne marche pas.
M. Patrick Lemasle. Vous êtes ridicule !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La réforme que nous voulons faire, en l’occurrence la baisse du coût du travail, aura un effet sur l’emploi. Je vous renvoie aux analyses de tous les économistes, même s’ils ne s’accordent pas sur l’ampleur de cet effet.
Nous avons ciblé, avec cette mesure, les emplois de l’industrie, c’est-à-dire ceux qui sont les plus frappés par la concurrence et donc les plus facilement délocalisables. Cela touchera l’essentiel des emplois de l’agriculture et de l’industrie. L’effet sur l’emploi sera donc maximum.
M. Jean Mallot. Même sur les emplois au Gouvernement ?
M. Guy Delcourt. Dix ans ! Dix ans !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Quant à la hausse de la TVA dont vous parlez, dès lors que les prix des produits français baisseront, elle ne sera pas mécaniquement répercutée sous forme de hausse des produits.
M. Patrick Lemasle. Mais si !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Si vous regardiez l’exemple de l’Allemagne, vous sauriez que ce pays a augmenté de trois points sa TVA en baissant d’un point le coût du travail et que cette hausse n’a pas été répercutée sur les prix.
De même, en 1995, quand Alain Juppé a augmenté de deux points la TVA sans baisser, à l’époque, le coût du travail, la répercussion n’a été que de 0,5 point sur les prix.
M. Michel Sapin. C’est faux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Dès lors, il n’y aucune fatalité à ce que la hausse de 1,6 point de la TVA soit répercutée sur les prix,…
M. Philippe Plisson. C’est un rêve !
Mme Valérie Pécresse, ministre. …alors que nous baisserons de cinq points le coût du travail dans l’industrie.
Pour finir, madame Karamanli, ne dites pas que le coût du travail en France est plus élevé qu’ailleurs. Le problème, c’est qu’il y a deux fois plus de charges sociales patronales en France qu’en Allemagne…
M. Daniel Paul. Mais les salaires y sont plus bas !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Or, vous le savez, c’est notre principal concurrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Pierre Lequiller. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, vingt-cinq pays de l’Union se sont entendus hier sur le texte définitif d’application de l’accord du 9 décembre 2011.
L’UMP salue cet accord historique comprenant une gouvernance économique européenne, la lutte contre les déficits et la dette, l’adoption partout de la règle d’or, le fonds de 500 milliards d’euros et le soutien à la croissance ainsi que l’association des parlements nationaux au processus – association à laquelle M. le président Accoyer et moi-même étions très attachés.
Pris à l’initiative de M. Nicolas Sarkozy et de Mme Angela Merkel, ce traité est un succès et permettra de faire face à la crise sans précédent que nous traversons.
La France, qui a été à l’initiative sur le traité, aurait pu là encore être en pointe, mais elle ne le pourra pas parce que M. Hollande et les socialistes français, à l’inverse de tous les socialistes d’Europe, ne veulent pas voter la règle d’or. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, M. Hollande a inscrit dans son programme – naïveté ou arrogance, ou les deux ! – la renégociation de ce traité, rejetant d’un revers de main le travail considérable effectué par nos partenaires européens, qu’ils soient de droite ou de gauche. Quand les intérêts de l’Europe et de la nation sont en jeu, monsieur Hollande, on les fait passer devant les petits calculs politiciens et l’on n’adopte pas, contre tous nos partenaires européens, bien décidés à ratifier le traité, droite et gauche confondues, des postures irresponsables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Régis Juanico. Ridicule !
M. Pierre Lequiller. Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire l’enjeu majeur que constitue le traité d’hier pour l’Europe et pour la France ? Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer où l’on en est sur la Grèce ? Nous approuvons M. le Président de la République qui s’est opposé à la proposition de tutelle, point sur lequel Mme la Chancelière l’a rejoint.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président Lequiller, je vous remercie de mettre en lumière les avancées considérables portées par l’accord d’hier soir. Et si cette réunion n’a pas été présentée comme un sommet de crise, cela signifie que ce qui a été mis en œuvre au début du mois de décembre était quelque chose de profond, de puissant, de durable, qui répondait aux interrogations des investisseurs sur l’avenir de la zone euro, portées depuis plusieurs mois.
M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas ce que dit Mme Merkel !
M. François Baroin, ministre. C’est curieux que vous n’écoutiez pas ces arguments ! C’est l’intérêt de la France, l’intérêt du pays, l’intérêt de l’intégration de la zone économique, l’intérêt de la relance de l’investissement, de l’économie et de l’emploi.
M. Michel Lefait. Quelle arrogance !
M. François Baroin, ministre. Les trois piliers sur lesquels repose l’accord d’hier sont trois idées très simples, mais qui se structurent et s’organisent.
Premièrement, le mécanisme européen de stabilité, vous l’avez dit, a pris six mois d’avance par rapport au calendrier initial ; mais c’est un mécanisme dans la durée. Il nous reste à poursuivre la discussion sur l’addition des efforts du Fonds européen de stabilité financière, ce mécanisme européen qui garantira la stabilité dans la durée – autrement dit un fonds monétaire européen – et des ressources du Fonds monétaire international.
Deuxième pilier, deuxième idée simple, sous l’impulsion énergique du Président français : la coordination des politiques économiques, budgétaires et fiscales, au travers d’une gouvernance de la zone euro mettant en perspective plus de sanctions, de discipline et de coordination. Ce n’était pas la France contre l’Allemagne ; c’était la France et l’Allemagne ensemble, pour montrer le chemin d’une meilleure maîtrise budgétaire et donc d’une meilleure stabilité à terme de la zone euro.
Troisièmement, nous pensons raisonnablement parvenir à un accord sur la Grèce d’ici à la fin de la semaine. Cet accord porte sur les mêmes éléments de référence qu’au départ : une implication du secteur privé sur la base volontaire, un objectif d’une dette de la Grèce ramenée à 120 % ou 125 % du PIB en 2020. Là aussi, nous sommes près du but. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, je veux vous parler d’une personnalité aussi discrète que redoutable en affaires. Elle rachète des entreprises à tour de bras pour constituer un véritable empire dans l’agroalimentaire et, aujourd’hui, contrôler les plus grandes marques françaises dans le difficile et concurrentiel secteur de la conserverie-charcuterie-salaison. William Saurin, Garbit, Paul Prédault, Petitjean et bien d’autres, c’est elle ! Son dernier coup d’éclat est le rachat d’un de ses plus gros concurrents, le groupe Madrange qui vient, lui aussi, de tomber dans son escarcelle.
Cette concentration, qui vise à la création d’un champion national pour contrer les géants américains et allemands qui s’attaquent à notre marché n’est pas un mal en soi. Mais à quel prix ?
Dans le Tarn, nous connaissons les méthodes et conséquences des choix industriels de Mme Monique Piffault. Quelques années après le rachat des salaisons Henri Antoine à Lacaune, ce sont 80 emplois qui ont été supprimés au cœur d’une zone de revitalisation rurale, sans compter la dizaine de licenciements en cours dans une autre entité de son groupe en Montagne Noire, à Candoubre, dans le village voisin de Murat-sur-Vèbre. Aujourd’hui, ce sont cinquante-six emplois d’une filiale de Madrange, la Maison du jambon, qui sont menacés à Albi et à la Trivalle.
Monsieur le ministre, l’État est indirectement au capital de la Financière Turenne-Lafayette, société holding du groupe Piffault via la Caisse des dépôts et consignations qui contrôle 18 %. Pouvez-vous nous dire précisément quel a été le rôle du CIRI lors du rachat du groupe Madrange par Mme Piffault ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce rachat a été effectué par une société créée ad hoc et non par le groupe Turenne-Lafayette ? Quelles conséquences cela aura-t-il sur le PSE proposé aux salariés de la Maison du Jambon en cours de négociation a minima, si l’on en juge selon les dernières propositions de la direction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.
M. Éric Besson, ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Monsieur le député, le Gouvernement suit de près la situation du groupe Madrange spécialisé, comme vous l’avez dit, dans les jambons et la charcuterie, à Limoges notamment, mais également sur plusieurs autres sites en France.
M. Patrick Lemasle. Voilà un ministre qui sent le pâté…
M. Éric Besson, ministre. Le groupe Madrange a traversé ces derniers mois de graves difficultés, liées notamment à l’impact de la crise financière ainsi qu’à une perte de compétitivité face à ses principaux concurrents. Le groupe a ainsi perdu beaucoup face à Herta ou Fleury Michon, pour ne citer que deux de ses concurrents européens.
L’État s’est mobilisé depuis le début sur ce dossier. Le CIRI a ainsi aidé le groupe Madrange dans sa recherche de repreneur. Du passif public a été également accordé à l’entreprise pour financer sa trésorerie le temps de trouver un repreneur. Ces efforts ont permis d’aboutir à une reprise à l’été 2011 du groupe Madrange par le groupe Turenne-Lafayette qui possède déjà les Jambons Paul Prédault et l’entreprise William Saurin. Cette reprise permet de consolider le secteur de la charcuterie et d’assurer au groupe Madrange une reprise sur des bases saines.
Cela étant, cette reprise conduit à la suppression de 132 emplois sur les 1 200 que comptait le groupe Madrange. Une centaine de postes d’intérimaires est aussi concernée.
Mon cabinet est en lien étroit avec M. Xavier Bertrand sur le suivi de ce plan de sauvegarde de l’emploi. Nous serons extrêmement vigilants à ce que tous les salariés aient un avenir et que des actions de revitalisation soient menées sur les territoires concernés.
M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Christian Eckert. Madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, depuis plusieurs années, le Président sortant, votre Gouvernement et tous les députés de cette majorité n’ont eu de cesse de dire qu’ils étaient défavorables à l’augmentation de la TVA.
Je voulais faire ce petit rappel à vous tous, mes chers collègues, sur les bancs à droite, qui avez voté, il y a un mois, une première augmentation du taux réduit de la TVA, passé de 5,5 % à 7 % sur toute une série de produits : citons, entre autres, les transports de voyageurs, les livres, les travaux d’amélioration dans les logements anciens. Au total, 1,8 milliard d’euros seront ainsi ponctionné sur le pouvoir d’achat de tous les Français qui dépensent l’essentiel de leurs revenus dans la consommation.
Je voudrais avec vous m’interroger sur ce qui va être touché par l’augmentation que vous vous apprêtez à voter dans un calendrier d’ailleurs invraisemblable – nous y reviendrons. Qu’est-ce qui va augmenter dans les prochains mois ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’essence par exemple – d’après tous les calculs, le passage de 19,6 % à 21,2 % de la TVA sur l’essence fera augmenter de deux centimes au moins le prix des carburants –, mais également le courant électrique, le gaz pour se chauffer, le fioul, autant de produits de première nécessité qui vont donc augmenter de 1,6 % pour l’ensemble des consommateurs de ce pays. Le téléphone, lui aussi, est concerné puisque, je vous le rappelle, vous avez déjà augmenté la TVA de 5,5 % à 19,6 % sur les abonnements triple play.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous assurer que sur ces produits, comme l’énergie, les carburants, votre hausse de la TVA n’aura aucun effet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, la première atteinte au pouvoir d’achat des Français, c’est le chômage. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Cazeneuve. La faute à qui ? Qu’est-ce que vous avez fait depuis cinq ans ?
M. Christian Bataille. Le chômage, c’est vous !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je sais que vous n’avez, dans votre programme, aucune mesure pour aider l’emploi, aucune mesure pour soutenir la croissance. Eh bien, vous nous pardonnerez d’en avoir une qui créera des dizaines de milliers, peut-être, à terme, 100 000 emplois…
M. Jean Glavany. Des millions !
Mme Valérie Pécresse, ministre. …dans les secteurs concurrentiels, dans l’industrie, dans les secteurs qui exportent. Savez-vous, monsieur Eckert, qu’un Français sur quatre travaille pour l’export ?
M. Henri Emmanuelli. Oui, on le sait !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Savez-vous qu’aujourd’hui, nos exportations croissent trois ou deux fois moins vite que celles de l’Allemagne ? Savez-vous que le Danemark et l’Allemagne ont fait la réforme de la TVA sociale ?
M. Albert Facon. C’est faux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Savez-vous que l’Allemagne aujourd’hui n’a jamais autant exporté, ni jamais autant créé d’emplois ? Je vous le dis parce que quand on a perdu son emploi, on se demande comment payer ses fins de mois, on se demande comment boucler son budget. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J’en viens à votre question. Vous me parlez de la hausse de la TVA au taux normal, en oubliant de dire que cette hausse de la TVA compensera la baisse du coût des produits français, elle sera même inférieure à cette baisse…
M. Christian Eckert. Ce n’est pas vrai.
Mme Valérie Pécresse, ministre. …puisqu’il y aura une part de fiscalité sur les revenus du patrimoine et une part de TVA sur les produits importés.
Savez-vous combien les ménages consomment de produits à 19,6 % ?
M. Henri Emmanuelli. On le sait autant que vous !
Mme Valérie Pécresse, ministre. 40 % de la consommation des ménages concernent des produits à 19,6 %, ce qui signifie que 60 % de leur consommation ne sont pas taxés à la TVA à 19,6 %, et donc ne seront pas concernés par cette mesure.
M. Henri Emmanuelli. On n’habite pas Versailles, on le sait !
Mme Valérie Pécresse, ministre. En revanche, tous les produits verront leur coût baisser. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Claude Guibal. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, le Président de la République a présenté dimanche soir aux Français une stratégie claire, forte, neuve et cohérente, de nature à adapter notre pays au nouvel état du monde.
M. Jean Mallot. Bravo !
M. Jean-Claude Guibal. Parmi les réformes structurelles qui illustrent cette stratégie figurent celles qui consistent à donner aux entreprises françaises plus de souplesse pour gagner en compétitivité, résister à la concurrence et préserver l’emploi.
Les accords pour l’emploi, pour s’en tenir à eux, consistent à développer la négociation au niveau de l’entreprise en donnant aux dirigeants et aux salariés la possibilité de conclure des accords qui portent sur l’emploi, les rémunérations et les heures de travail, en particulier en cas de fluctuation des carnets de commandes.
M. Jean Mallot. Travailler moins pour gagner moins !
M. Jean-Claude Guibal. Les entreprises disposeront ainsi des moyens de protéger l’emploi des variations de la conjoncture. À titre d’exemple, dans les entreprises en difficulté, les accords compétitivité-emploi permettront, en autorisant des ajustements, d’éviter des licenciements.
De surcroît, ces accords ouvriront une voie d’avenir pour sortir du carcan mortifère des trente-cinq heures, sans en faire payer à nouveau le prix par les salariés et les ouvriers. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le Président de la République souhaite que cette nouvelle mesure soit soumise à la négociation des organisations syndicales, de manière que le dialogue social se mette en place. Je ne doute pas quant à moi que ces derniers prendront toutes leurs responsabilités dans cette négociation au service de l’emploi.
Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser la portée de ces mesures et le calendrier de son application ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
M. Patrick Lemasle. Et du chômage !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, effectivement, c’est une mesure qui, parce qu’elle est favorable aux entreprises, est favorable en même temps et aux employeurs et aux salariés. Nous allons essayer d’éviter toute idéologie en la matière et faire preuve de pragmatisme.
Hier matin, j’étais, avec Éric Woerth et Lucien Degauchy, à Verberie, dans l’Oise, dans une entreprise qui s’appelle Poclain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bernard Cazeneuve. C’est nouveau !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cette entreprise a subi, au cœur de la crise, une baisse de son chiffre d’affaires de 43 %. L’employeur ne voulait pas licencier. Il a donc demandé aux personnels de faire un effort, d’accepter de réduire le temps de travail, d’accepter de baisser provisoirement leur rémunération, en promettant de compenser par une prime d’intéressement dès que les choses iraient mieux. Il s’est engagé à ne procéder à aucun licenciement économique pendant la période de cet accord compétitivité emploi et à recourir en même temps à de l’activité partielle.
M. Michel Lefait. Menteur !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ces engagements ont été repris et ratifiés par les représentants du personnel.
Ces accords ont été respectés par les deux parties. L’entreprise a versé 1 500 euros de prime d’intéressement comme elle s’y était engagée ; Poclain a pu également retrouver de la vitalité et connaît une augmentation sans pareil de son chiffre d’affaires. S’il n’y avait pas eu ce type d’accord, cette entreprise aurait dû licencier ou purement et simplement disparaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas le choix que nous voulons pour les entreprises en France.
Il faut des garanties : c’est le droit du travail, c’est la loi. Mais il faut ensuite un maximum de souplesse dans l’entreprise, et avec un maximum de garanties. Données par qui ? Par les représentants du personnel. Voilà pourquoi nous croyons, nous, à la voie de l’accord majoritaire.
Le Premier ministre a écrit, hier, à l’ensemble des partenaires sociaux pour leur demander de négocier dans les deux mois. Les partenaires sociaux, que j’ai vus ce matin, m’ont confirmé leur intention d’aller dans cette négociation. C’est un point essentiel pour la compétitivité, et donc pour l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Aurélie Filippetti. Nous venons d’entendre la ministre du budget nous expliquer et expliquer aux Français que la résolution du problème industriel de la France passait par une hausse de 1,6 % de la TVA.
M. Jean-Marc Roubaud. Mais non !
Mme Aurélie Filippetti. C’est ce gouvernement, alors que la droite est au pouvoir depuis dix ans et qu’il est, comme le précédent, responsable de la perte de 700 000 emplois industriels dans notre pays, qui demande à présent aux classes populaires, aux classes moyennes et aux retraités de payer pour l’incurie de sa politique économique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Les Français n’ont pas besoin du rapport de la Cour des comptes pour savoir que la hausse de la TVA entraîne mécaniquement une hausse des prix. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je voudrais toutefois rappeler à Mme Pécresse que la Cour des comptes a indiqué, en se fondant sur l’étude de la Bundesbank, que l’augmentation de trois points de la TVA en Allemagne au 1er janvier 2007 avait entraîné cette année-là 2,6 % d’inflation.
M. Patrick Balkany. Mais les Allemands n’avaient pas baissé les charges !
Mme Aurélie Filippetti. Elle a noté en revanche que l’efficacité économique de la mesure en termes de compétitivité restait peu documentée.
Je voudrais aussi rappeler que la hausse des prix va peser sur l’ensemble des produits consommés par nos concitoyens. Les produits importés ne représentent qu’un tiers de cette consommation ; c’est donc l’ensemble de notre économie qui sera affecté par le fait qu’elle repose sur la consommation intérieure, contrairement à celle de l’Allemagne dont le dynamisme économique repose sur les exportations. Vous allez asphyxier toute possibilité de reprise de la croissance économique avec cette hausse de la TVA.
Vous parlez enfin, madame la ministre, du coût du travail et affirmez que les charges sociales patronales sont deux fois plus élevées en Allemagne. Puisque le candidat Nicolas Sarkozy a promis une hausse de 1,6 point de la TVA en octobre, s’il est réélu président, de combien l’augmentera-t-il en novembre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Madame la députée Aurélie Filippetti, il est vrai que le projet de M. Hollande, c’est une augmentation des contributions vieillesse pesant sur les charges patronales et une remise en cause complète de la défiscalisation des heures supplémentaires !
M. Jean Glavany. Parfaitement !
M. François Baroin, ministre. Vous irez l’expliquer sur les tréteaux politiques aux neuf millions de personnes qui ont bénéficié de cet avantage, comme vous leur expliquerez, avec la même honnêteté, que cela représente une perte de pouvoir d’achat de 500 euros par personne. Ce choix aussi, vous devrez l’assumer politiquement vis-à-vis des Français !
M. Jean Glavany. Nous l’assumons !
M. François Baroin, ministre. Quant à cette affaire de la TVA, ce n’est qu’un moyen, non un projet politique. Le projet politique, ne vous en déplaise, c’est la baisse du coût du travail ; c’est la contribution de la France au soutien de la croissance, dans le respect d’un engagement pris par vis-à-vis de la communauté internationale dans le cadre du G20 et vis-à-vis de nos partenaires européens. Mais il est vrai que, pour la construction européenne, vous vous asseyez sur la signature de la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Glavany. Arrogant !
M. François Baroin, ministre. Chaque pays doit à la fois procéder à une consolidation budgétaire et apporter sa contribution à la croissance économique. La baisse du coût du travail, financée d’une part par l’augmentation de la TVA à taux moyen et, d’autre part, par la CSG sur les patrimoines est un élément qui nourrit la compétitivité et la contribution française au soutien à la croissance.
La grande différence entre une augmentation de la TVA visant à réduire les déficits et notre projet, c’est que le nôtre est à solde constant.
M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas vrai ! Ce ne sont pas les mêmes qui paient et vous le savez !
M. François Baroin, ministre. Nous baissons le coût du travail et nous augmentons la TVA pour donner de la compétitivité et protéger l’emploi en France.
Le second élément que vous refusez de regarder c’est qu’en baissant le coût du travail, nous baissons le prix du produit hors taxe. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Enfin, comme vous refusez également de le voir, c’est dans une période de ralentissement de l’augmentation du coût de la vie que nous pouvons prendre une telle mesure. C’est la raison pour laquelle nous affirmons avec conviction qu’elle n’aura pas d’impact sur le coût de la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Chantal Bourragué. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Dominique Baert. Et des catastrophes naturelles !
Mme Chantal Bourragué. La part du logement dans le budget de nos concitoyens ne cesse d’augmenter. L’accession à une location ou l’espoir de devenir propriétaire constituent pour eux une réelle préoccupation. Alors que nous traversons une crise mondiale sans précédent, les prix de l’immobilier augmentent dans notre pays.
Pourtant, afin de répondre à l’attente des Français, votre gouvernement a massivement investi depuis cinq ans dans la production de nouveaux logements. Vous avez recentré les aides à la pierre sur les territoires où les besoins sont les plus vifs. Votre bilan 2011 en matière de logement social peut être qualifié d’exemplaire, avec 124 000 nouveaux logements locatifs sociaux financés et, au total, 600 000 logements construits sur cinq ans, soit trois fois plus que sous le gouvernement Jospin.
Pour lutter contre l’augmentation des loyers, il faut construire davantage. Le blocage des loyers proposé par les socialistes est une solution inefficace qui ne permet pas de répondre aux besoins des familles – c’est M. Collomb, maire de Lyon, qui l’affirme. C’est la pire des solutions !
Je salue ici l’annonce du Président de la République de majorer pendant trois ans de 30 % le droit à construire dans les communes couvertes par un plan d’occupation des sols ou un plan local d’urbanisme.
M. Christophe Bouillon. Ridicule !
Mme Chantal Bourragué. Madame le ministre pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la mise en œuvre de cette mesure, en particulier dans les zones protégées, les secteurs sauvegardés et les communes rurales ? Par ailleurs, les emplois dans la construction n’étant pas délocalisables, quel est l’impact espéré de cette mesure en matière d’emploi et de croissance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Madame la députée Chantal Bourragué, la réponse au problème du logement passe par plus de construction. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la politique que nous mettons en œuvre, sous l’autorité du Premier ministre, avec Benoist Apparu.
Vous avez cité les excellents chiffres de construction en matière de logements sociaux : des taux annuels deux fois plus élevés que sous l’ère Jospin. Mais on pourrait également citer pour 2011 les très bons chiffres de permis de construire toutes catégories confondues : en dépit de la crise, plus de 466 000 logements.
Mais cela n’est pas encore suffisant pour répondre aux besoins. Aussi le Président de la République a-t-il proposé une mesure simple : plus 30 % de constructibilité dans les 17 000 communes dotées d’un plan d’occupation des sols et d’un plan local d’urbanisme. Cela ne concerne donc pas les petites communes rurales, sauf délibération contraire de la commune.
M. Frédéric Cuvillier. Et le Grenelle dans tout ça ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. 30 % de constructibilité supplémentaire, cela veut dire 30 % de gabarit, de hauteur, d’emprise au sol et de coefficient d’occupation des sols en plus. C’est, concrètement, pour un pavillon, la possibilité de s’agrandir et, pour un terrain sur lequel il était prévu cent logements, la possibilité d’en construire cent trente.
M. Frédéric Cuvillier. Ce n’est pas dans le Grenelle !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Mesdames et messieurs les députés, cette mesure, c’est plus de logements moins chers, mais aussi plus d’emplois : un logement construit, cela représente entre 1,2 et 1,5 emploi non délocalisable.
En revanche, c’est un fantasme d’imaginer que cette constructibilité supplémentaire équivaut à de nouvelles tours ! Cela ne signifie pas non plus davantage d’étalement urbain. Au contraire, nous construirons là où c’est déjà constructible, sans naturellement aller à l’encontre ni de la loi littoral ni de la loi montagne ni d’aucune règle de protection des zones naturelles.
Ce texte, madame la députée, sera présenté à l’Assemblée nationale, le 21 février. Nous en attendons 40 000 logements par an. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, il serait intéressant, puisque nous sommes dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale où nous exerçons une fonction de contrôle du Gouvernement, de recevoir en guise de réponse à nos questions autre chose que des phrases de meeting politique. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas ainsi que nous ferons avancer le débat.
M. Yves Nicolin. Et qu’est-ce que vous êtes en train de faire en ce moment ?
Mme Marylise Lebranchu. Vous ne cessez de nous asséner : « Cela ne marche pas » ou « vous avez tort », mais je voudrais juste vous rappeler deux ou trois petites choses.
Tout d’abord, ce matin, Mme la ministre du budget, interrogée sur une station de radio intéressante, affirmait que la TVA à laquelle les constructions supplémentaires dont nous venons de parler sont soumises n’augmenterait pas parce qu’elle était à taux réduit. C’est faux : les constructions neuves ne sont pas assujetties au taux intermédiaire… Elles augmenteront donc elles aussi de 1,6 %.
Par ailleurs, nous avons déjà relevé une des TVA de 5,5 % à 7 %. La nouvelle hausse annoncée représente environ 260 euros par ménage, soit l’équivalent d’une allocation de rentrée scolaire pour laquelle nous avons souvent dit à quel point elle relançait la consommation.
Enfin, vous prétendez qu’au-dessus de 1,6 SMIC, les résultats de vos mesures seront formidables pour les entreprises. Dans les grandes entreprises agro-alimentaires installées chez moi, très peu de salaires – quasiment aucun – dépassent les 1,6 SMIC. Dans celle que je visitais en fin de semaine dernière, 95 % des salariés gagnent moins de 1,6 SMIC. Pour des grands secteurs très exposés, il faudrait, par exemple, se préoccuper de négocier avec l’Allemagne pour les prix dans l’agriculture, puisqu’ils ne dépendent pas d’un SMIC. Surtout, il convient de redire la vérité : oui, les prix ont augmenté de 2 % en Allemagne. Non, nous n’allons pas gagner sur tous les secteurs. Donnez-nous les vrais chiffres et les vrais enjeux !
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Mme la députée Marylise Lebranchu, si nous avons ciblé les allègements de charges familiales sur les salaires entre 1,6 SMIC et 2,4 SMIC, c’est pour une raison très simple…
M. Patrick Lemasle. Ils sont déjà exonérés !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces salaires sont déjà exemptés de charges sociales, grâce aux allégements Fillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Parlons donc du programme de François Hollande ! L’avez-vous seulement lu ? Vous êtes-vous aperçue qu’il voulait limiter les allègements de charges Fillon sur les bas salaires ? Si vous avez un reproche à faire à quelqu’un sur la question des allègements de charges sur les bas salaires, ne l’adressez pas à nous car, pour ma part, je me bats depuis trois textes budgétaires pour conserver ces allègements de charges qui protègent l’emploi peu qualifié.
Mme Marylise Lebranchu. Cela n’a pas changé !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous protégeons l’emploi peu qualifié tandis que vous le menacez. Nous protégeons l’emploi manufacturier alors que vous vous refusez à le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il est important de dire tout cela pour que les Français le sachent aujourd’hui. Combien compterons-nous de chômeurs supplémentaires si l’on supprime les allègements de charges Fillon ? Des centaines de milliers !
M. Jean Glavany. Vous, vous avez fait un million de chômeurs !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La question du financement de notre protection sociale est cruciale. Si vous ne voulez pas la placer au cœur de la campagne, nous, nous le ferons, car il est de notre devoir de protéger les Français du chômage. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire
M. Bernard Deflesselles. Monsieur le Premier ministre, nous venons d’apprendre, voici quelques instants, une superbe nouvelle pour la France, l’industrie française, le savoir-faire français, le « produire en France » : l’Inde vient de nous signifier qu’elle a retenu le chasseur Rafale pour moderniser sa défense aérienne. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cela signifie 126 avions de chasse pour un contrat de vraisemblablement 12 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, n’en déplaise aux Cassandre qui nous répétaient que tout était perdu, c’est une très belle nouvelle pour l’industrie française, pour les salariés français, pour la technologie française, pour notre industrie française de défense.
Merci aux industriels, aux salariés, aux ingénieurs, aux négociateurs qui n’ont jamais baissé les bras, qui n’ont jamais perdu confiance, qui ont su, avec pugnacité et détermination, porter haut et fort les couleurs de la France !
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer cette heureuse nouvelle pour l’industrie française et pour l’emploi en France ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. C’est en effet une très bonne nouvelle pour la société Dassault, pour la France, pour l’industrie française.
Plusieurs députés du groupe SRC. Surtout pour Dassault !
Mme Annick Lepetit. C’est incroyable !
M. François Fillon, Premier ministre. Rappelons à ceux qui, étrangement, manifestent bruyamment sur les bancs de la gauche, que la décision de construire cet avion a été prise à l’époque où le Président de la République s’appelait François Mitterrand.
Mme Annick Lepetit. Cela fait longtemps !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous pourrions ensemble partager l’honneur que l’Inde fait à notre pays en choisissant cet avion. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C’est d’autant plus une bonne nouvelle que la compétition était extrêmement rude : nous étions confrontés, bien entendu, à l’industrie aéronautique américaine dont les coûts, chacun le sait, sont plus bas que les nôtres, en raison du niveau du dollar mais également d’une production nationale plus importante ; nous étions également en compétition avec l’industrie aéronautique russe, l’industrie aéronautique suédoise et, dans la toute dernière ligne droite, avec l’Eurofighter.
C’est la première fois que la société Dassault et la France parviennent à vendre cet avion à l’étranger.
M. Paul Giacobbi. Bravo !
M. François Fillon, Premier ministre. Cela vient récompenser la qualité de l’industrie aéronautique française, la ténacité de l’industriel comme du Gouvernement français, mais aussi l’engagement personnel du Président de la République (« Ha ! » sur les bancs du groupe SRC) qui a voulu que l’Inde soit, avec la France, engagée dans un partenariat stratégique, lequel a abouti à ce que nous discutions aujourd’hui non seulement de la fourniture d’avions de combat mais aussi de la construction de deux réacteurs nucléaires EPR. C’est dire si les liens, les relations, entre la France et ce grand pays émergeant sont prometteurs pour l’avenir.
M. Noël Mamère. Demandez aux gens de Jaipur ce qu’ils en pensent ! Il y a déjà trois morts !
M. François Fillon, Premier ministre. Cet instant, mesdames et messieurs les députés, doit être un moment de satisfaction pour l’ensemble des Français, ce qui devrait nous permettre de sortir, ne serait-ce qu’une minute, de ce débat manichéen où tout ce que fait la droite ne présente aucun intérêt, et tout ce que propose la gauche est formidable. Sortons un instant de cette image que Jack Lang, qu’il me pardonne, avait utilisée jadis en déclarant que nous étions passés de la nuit à la lumière… Nous sommes dans un autre monde, où de chaque côté surgissent des occasions de se réjouir des succès français. (Les députés UMP se lèvent et applaudissent longuement.)
M. le président. La parole est à M. Colette Langlade, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et .divers gauche
Mme Colette Langlade. Monsieur le Premier ministre, oui, nous sommes dans un autre monde : votre première préoccupation c’est le chômage alors que votre politique a produit un million de chômeurs ! Décidément, rien ne vous étouffe ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Monsieur Baroin, il y a un an, vous aviez confié à l’AFP que vous n’étiez pas favorable à la proposition de Jean-François Copé de relever le taux de TVA. Que s’est il passé depuis pour que vous changiez d’avis ?
Est-ce qu’après cinq ans passés à vider les caisses de l’État vous cherchez en vain une solution pour les remplir en épargnant comme à l’accoutumée vos amis du club du Fouquet’s ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Est-ce qu’après cinq ans durant lesquels vous avez été incapable de soutenir la croissance, vous tentez un dernier baroud d’honneur pour masquer l’échec de votre Gouvernement ?
Les Français ne seront pas dupes de votre tour de passe-passe. Ils savent que devant les 13 milliards que coûtera cette mesure, vous avez décidé, lors du sommet social, de consacrer seulement 400 millions d’euros aux demandeurs d’emplois, soit 32 fois moins !
Monsieur le ministre, comme vous l’aviez souligné il y a un an, cette TVA antisociale est une erreur économique. C’est aussi une faute sociale. Elle ne fera qu’obérer le pouvoir d’achat des Français qui ont déjà bien trop souffert de vos plans de rigueur successifs censés protéger notre triple A.
Il est temps d’arrêter les frais. Les Français n’ont que trop souffert. Il est désormais temps d’arrêter les cadeaux aux riches et de demander des efforts aux moins fortunés.
Il faut réformer la fiscalité, oui. Mais pour la rendre juste et pour la mettre au service de la croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée Colette Langlade, permettez-moi quand même de vous faire remarquer que si le chômage a augmenté dans notre pays de 31 %,...
M. Jean Glavany. Ce qui n’est pas bien sûr de votre faute !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ...il a grimpé de 41 % en moyenne dans l’Union européenne, de 51 % au Royaume-Uni et de 115 % en Espagne !
M. Patrick Lemasle. Il a baissé en Allemagne !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La France n’est pas dans une situation isolée : il y a quelque chose, madame la députée, qui s’appelle la crise, et cette crise économique exige de nous des réformes pour l’emploi, pour que nos entreprises soient plus compétitives, pour qu’elles exportent plus, pour que les prix des produits français soient moins chers, pour que l’on délocalise moins dans des pays à bas coût de production. Il s’agit de sauvegarder l’emploi en France. Voilà ce que nous voulons faire.
Contrairement à ce que vous dites, la hausse de la TVA que nous allons mettre en œuvre pour baisser le coût du travail, n’est pas une mesure anti-déficit : on baissera les charges sur le travail de 13 milliards et on augmentera les recettes de TVA de 11 milliards et même d’un peu moins. Mais ce que vous oubliez de dire, madame Langlade c’est qu’il y aura 2,6 milliards de prélèvements sur les revenus du patrimoine qui viendront aider les salariés des entreprises manufacturières et de l’industrie dans la lutte contre les délocalisations. C’est donc ceux qui ont le plus, ceux qui ont du patrimoine, qui paieront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Descoeur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Vincent Descoeur. Ma question s’adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, mais aussi de l’aménagement du territoire, que je souhaite aborder dans le droit fil du Conseil national de la montagne : vous l’avez réuni ce matin, monsieur le ministre, conformément aux engagements que vous aviez pris devant les élus de la montagne réunis en congrès à Bonneville, et je vous en remercie.
Je souhaite associer à cette question mon collègue Martial Saddier, député de Haute-Savoie, et président de la commission permanente du CNM, qui s’est beaucoup investi, ainsi que Chantal Robin-Rodrigo, députée des Hautes-Pyrénées, qui siège de l’autre côté de l’hémicycle, ce qui suffit à illustrer le caractère pluraliste de l’association que je préside. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce Conseil national de la montagne a été l’occasion d’évoquer le bilan des vingt-cinq ans de la loi montagne qui a fait l’objet d’un rapport diversement apprécié. Ce conseil a permis aux élus de la montagne et, plus largement, aux acteurs économiques de rappeler leur attachement à une politique nationale de la montagne qui reconnaisse sa spécificité.
Les attentes des territoires de montagne sont grandes : des attentes en matière d’ouverture et de désenclavement des massifs, en matière de couverture numérique et d’accès au très haut débit – un formidable enjeu pour nous –, des attentes en matière d’accès aux services – école, santé –, des attentes aussi en matière de soutien à l’économie montagnarde. Je pense en particulier à la place de l’agriculture de montagne dans la future PAC, une agriculture de montagne pour laquelle, nous le savons, vous vous mobilisez, agriculture de montagne indissociable d’une politique de compensation des handicaps.
Pour relever ces défis, pour que la montagne demeure attractive, pour qu’elle puisse trouver la force de se développer, il faut impérativement que sa spécificité soit reconnue et qu’elle bénéficie d’une politique différenciée.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les propositions et les mesures que vous souhaitez mettre en œuvre pour conforter la politique de la montagne et réaffirmer toute sa pertinence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.
M. Albert Facon. Et de la montagne !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député Vincent Descoeur, comme vous l’indiquez j’ai réuni ce matin à la demande du Premier ministre le Conseil national de la montagne pour faire le bilan de la loi Montagne avec des parlementaires de droite comme de gauche qui soutiennent le développement économique de ces zones de montagne. J’en tire trois conclusions très simples et très fortes pour les zones de montagne françaises.
Première conclusion, nous avons besoin de maintenir une approche nationale de la montagne. Il faut tenir compte des spécificités des massifs et des régions, mais nous avons besoin d’une politique nationale qui garantit l’équité des aides et la volonté politique à l’échelle de l’ensemble de la nation et non pas région par région.
Deuxième conclusion, nous avons besoin de développer économiquement la montagne. On ne peut pas compter exclusivement sur le tourisme et sur l’attractivité de ces zones. Il faut des emplois, du dynamisme économique et, à cet effet, des décisions sont nécessaires. Vous en avez cité quelques-unes : le soutien à l’agriculture de montagne qui passe par le maintien des aides de la politique agricole commune, l’indemnité compensatrice de handicap naturel, la prime herbagère, autant d’aides indispensables si nous voulons garder une agriculture de montagne.
Nous voulons développer le très haut débit en montagne car l’activité économique dépendra de notre capacité à équiper tous les villages de montagne en accès à très haut débit – cela fait partie des engagements pris par cette majorité.
Nous voulons également favoriser l’accès aux soins, faire en sorte que les services publics dans les zones de montagne répondent aux exigences des consommateurs.
Telles sont les grandes orientations concernant le volet économique. Une montagne forte, c’est une montagne qui reste dynamique d’un point de vue économique.
Troisième conclusion, enfin, nous avons besoin – point qui a été souligné par tous les intervenants au Conseil national de la montagne – de simplifier les réglementations administratives qui touchent les zones de montagne. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Plus de pragmatisme, plus de bon sens dans l’application des règles, plus de souplesse dans la mise en œuvre des normes : voilà qui aidera les montagnes à rester ce pôle d’attractivité qu’elles sont pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons terminé les questions au Gouvernement.
je vous rappelle que le débat sur l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe, inscrit à l’ordre du jour de cet après-midi, se tiendra en salle Lamartine à seize heures trente.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente à l’extérieur de l’hémicycle, salle Lamartine.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe, organisé à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.
Ce débat se tient sur la base du rapport d’information déposé par M. Michel Heinrich et M. Régis Juanico. (n° 4098)
Je souhaite la bienvenue à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle, ainsi qu’à Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille.
Nous commencerons par deux courtes interventions successives des co-rapporteurs auxquels les membres du Gouvernement répondront succinctement. Les députés qui le souhaitent poseront ensuite des questions dont la durée ne devra pas excéder deux minutes. Des répliques, voire des contre-répliques, sont envisageables. Je veillerai, bien entendu, à l’équilibre des temps de parole entre les groupes.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, qui ne peut être présent, m’a prié de bien vouloir l’excuser. La commission des affaires sociales a débattu du rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. M. Méhaignerie m’a indiqué que ce débat avait été d’une qualité à la hauteur de celle du travail des co-rapporteurs.
La parole est à M. Michel Heinrich, co-rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.
M. Michel Heinrich, co-rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a tout juste un an, dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, nous commencions, avec Régis Juanico, nos travaux sur la performance des politiques sociales en Europe, question essentielle pour le pilotage de l’action publique, mais aussi véritable défi pour le moins ambitieux.
L’évaluation des politiques publiques est avant tout une exigence qu’une démocratie moderne doit s’imposer. Pour bien faire comprendre les enjeux du débat, je citerai un chiffre : 600 milliards d’euros. C’est le montant que nous consacrons aux prestations de protection sociale, soit plus de 31 % du PIB, ce qui constitue le record d’Europe. Au regard des moyens engagés, il est donc légitime de chercher à mesurer et à comparer les résultats obtenus par nos politiques sociales.
Dans cette perspective, nous avons choisi d’évaluer la performance à l’aune de trois critères : l’efficacité du point de vue du citoyen, l’efficience du point de vue du contribuable et la qualité de service du point de vue de l’usager. Autrement dit, plusieurs questions se posent : les objectifs fixés ont-ils été atteints, de quelle façon, à quel coût et avec quel impact à moyen terme ? Car il faut savoir dépenser pour économiser ; dépenser un peu aujourd’hui, par exemple pour l’accompagnement ou pour des aides dont l’efficacité est établie, afin d’augmenter sensiblement demain les taux d’emploi et consolider ainsi nos systèmes de protection sociale. C’est bien là tout l’enjeu de l’activation des politiques sociales, même si, bien sûr, avant d’être un chiffre, le chômage, est d’abord un drame humain. Nous pouvons, nous devons faire mieux dans ce domaine.
Dans cet objectif, nous formulons une série de propositions, à la lumière des bonnes pratiques observées en Europe. Avant de les évoquer, je voudrais exposer brièvement quelques éléments d’analyse concernant les facteurs de performance des politiques de l’emploi, l’un des thèmes que nous avons choisi d’approfondir. Ce sera d’ailleurs le seul que j’évoquerai compte tenu du temps qui nous est imparti.
Dans ce rapport, nous versons au débat un certain nombre de questionnements et de données comparatives concernant, tout d’abord, l’indemnisation de l’assurance chômage, système qui apparaît assez généreux en France en général, et pour les cadres, en particulier. Nous évoquons, ensuite, la question du coût du travail. À cet égard, je voudrais souligner le poids des cotisations patronales par rapport à d’autres pays. L’ensemble des cotisations et contributions patronales versées aux organismes de sécurité sociale représente, en France, près de 30 % du coût du travail, au niveau du salaire moyen, ce ratio étant de 16 % en Allemagne et de 0 % au Danemark. En particulier, nos voisins allemands ont réduit leur taux de cotisation pour l’assurance chômage, à parts égales entre salariés et employeurs, à 1,40 %, soit 2,8 % au total, contre 6,4 % en France, grâce à des mesures d’économies ainsi qu’à une augmentation d’un point de TVA.
Nous avons également identifié des grandes tendances communes en Europe, notamment la recherche d’un guichet unique pour l’usager, par le rapprochement des fonctions d’indemnisation et d’accompagnement, l’instauration de davantage de « mesures actives » ainsi que la définition de « droits et devoirs » dans le cadre d’un parcours individualisé vers l’emploi et d’une conditionnalité accrue de l’indemnisation chômage.
Ce parangonnage a permis de faire apparaître plusieurs spécificités, au premier rang desquelles la complexité du mille-feuille français : pas moins de huit organismes sont chargés du suivi et de l’indemnisation des demandeurs d’emploi en France, contre quatre en Allemagne et deux seulement au Royaume-Uni. C’est pourquoi nous préconisons d’engager des expérimentations pour favoriser le rapprochement des acteurs de l’emploi, de l’entreprise et de la formation professionnelle au regard d’initiatives locales dont nous avons eu connaissance, en Ille-et-Vilaine en particulier. Le Gouvernement est-il favorable au lancement de telles expérimentations ?
Les autres singularités concernent le service public de l’emploi qui, tout d’abord, paraît structurellement moins doté en effectifs qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni, en particulier pour l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Par exemple, les effectifs du service public de l’emploi chez nos voisins allemands étaient de 420 équivalents temps plein pour 10 000 chômeurs en 2010, contre 215 seulement en France. Plusieurs pays voisins ont également fait preuve d’une plus grande réactivité dans la crise. Nous avons préconisé, en conséquence, d’adapter les moyens de Pôle emploi à la conjoncture et au niveau de chômage.
Au cours de nos travaux, nous avons aussi noté avec intérêt les pratiques développées dans certains pays consistant à encourager les formations professionnelles pendant les périodes de chômage partiel.
Par ailleurs, les conseillers allemands, suédois ou britanniques ont davantage d’autonomie et de ressources pour aider le demandeur d’emploi. Les contacts avec ce dernier sont aussi plus fréquents dans ces pays. Il conviendrait, dès lors, d’accroître les compétences et l’autonomie des conseillers de Pôle emploi en renforçant notamment la formation et en renonçant à la généralisation du métier unique. Il faudrait également intensifier les contacts avec les demandeurs d’emplois, qui peuvent avoir un impact significatif sur le retour à l’emploi, mais aussi mettre en œuvre un accompagnement renforcé et personnalisé, avec notamment deux entretiens très rapprochés mais distincts, l’un consacré à l’indemnisation et l’autre au projet du chômeur, dès que possible après l’inscription. Quelle est la position du Gouvernement sur ces propositions ?
La France se caractérise également par un certain cloisonnement et par une coordination pour le moins insuffisante entre les dispositifs et les acteurs de l’action sociale et de l’emploi. Chez nous, nous conservons les cloisons quand d’autres construisent des ponts !
Il faut adopter une approche globale du demandeur d’emploi et améliorer l’accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires du RSA. Les acteurs de l’insertion nous disent que l’accompagnement semble plus efficace que les incitations financières. Les aides à la reprise d’activité – parmi lesquelles les aides à la garde d’enfants ou les aides pour le permis de conduire – ont également montré leur efficacité et doivent être confortées.
Il faut aussi assurer le pilotage et la coordination au niveau local.
Enfin, l’approche globale doit conduire à intervenir précocement, en amont de la perte d’emploi. Ainsi, un bénéficiaire d’un emploi aidé devrait être pris en charge deux mois avant la fin de son contrat. De même, il serait opportun de renforcer la coopération entre les caisses d’allocation familiale et Pôle emploi afin d’apporter un accompagnement renforcé vers l’emploi et la formation aux bénéficiaires du complément de libre choix d’activité. Il suffirait pour cela de prévoir la transmission des listings des bénéficiaires du CLCA. Ces propositions concrètes ne pourraient-elles être mises en œuvre rapidement ?
Deux questions pour conclure : ne faut-il pas renforcer l’information sur le dispositif du RSA ? De quelle façon pourrait-on accroître le recours au RSA activité et faire évoluer aussi certaines représentations sociales, en particulier, la crainte de la stigmatisation pour les personnes en emploi demandant le RSA chapeau ?
Mes chers collègues, nous espérons avoir ouvert un débat qui, loin d’être épuisé, a vocation à se poursuivre.
M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, co-rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.
M. Régis Juanico, co-rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord dire quelques mots sur le modèle social français. Nous y consacrons des moyens importants ; c’est vrai. En la matière, des marges de progrès, des gains d’efficience sont-ils possibles ? Sans doute. Mais nous n’avons pas à rougir de notre système de protection sociale ni à craindre les comparaisons ; bien au contraire. Notre rapport le montre bien.
L’efficacité redistributive de ce modèle est incontestable. L’importance des transferts sociaux traduit, en effet, un choix de société marqué par la volonté de lutter contre les inégalités, qui sont bien plus faibles que dans un certain nombre d’autres pays. Dans le domaine social, les performances de la France sont souvent supérieures à la moyenne des pays de l’OCDE. C’est vrai, par exemple, pour le dynamisme démographique, la natalité ou l’espérance de vie. Au cours de nos déplacements, nous avons d’ailleurs pu mesurer combien certains de nos dispositifs sont enviés en Europe, y compris en Allemagne, pour ce qui concerne notre politique familiale.
Nos performances peuvent toutefois être améliorées, en particulier en matière de taux d’emploi, de retour à l’emploi de qualité, notamment pour les femmes – Michel Heinrich vient de l’évoquer. Dans ces domaines, nos résultats sont clairement moins bons. Nous pouvons aussi faire mieux en matière de lutte contre la pauvreté et contre l’exclusion.
Dans notre rapport, nous préconisons de développer l’expérimentation dans le champ social, qui est une pratique plus fréquente en Suède ou au Royaume-Uni. Nous pourrions le faire en définissant un programme pluriannuel d’expérimentations, en nous inspirant des politiques locales, en débattant ici régulièrement de leurs résultats, en renforçant l’évaluation et en y associant très largement les parties prenantes. Il y a là, très clairement, un levier structurant d’amélioration de la performance de nos politiques sociales.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, depuis l’expérimentation du RSA, menée sous l’impulsion de M. Martin Hirsch, pouvez-vous nous dire quelles actions ont été engagées dans ce domaine et quelles suites vous entendez donner à nos préconisations en matière d’expérimentation et d’évaluation des politiques sociales ?
J’en viens maintenant à la question des politiques d’articulation entre famille et travail, à l’équilibre des temps.
Comme nous l’affirmons dans notre rapport, les politiques visant à favoriser cette articulation sont facteurs de performance et de compétitivité, au niveau macro-économique tout d’abord, par leur impact positif sur la natalité, le taux d’activité, l’emploi et, en conséquence, la croissance et les comptes sociaux. Elles le sont, ensuite, au niveau des entreprises, en contribuant à prévenir les risques psychosociaux, en améliorant les résultats professionnels et la qualité de l’emploi, ainsi qu’en fidélisant la main-d’œuvre.
En Europe, la France se distingue par de bons résultats dans le domaine de la politique familiale, en particulier en matière de fécondité et d’insertion professionnelle des femmes, qui se fait plutôt à temps plein. Il faut aussi citer l’excellente prise en charge des enfants de moins de six ans dans les écoles maternelles, et ne pas oublier une certaine stabilité dans le temps des aides apportées aux familles, contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni, par exemple.
Il existe néanmoins des voies d’amélioration pour mieux répondre aux difficultés parfois ressenties par les parents. En particulier, des efforts significatifs ont été réalisés pour développer une offre de garde diversifiée. Ils doivent être poursuivis et amplifiés. Je rappelle que les besoins non couverts sont estimés à environ 350 000 places, et ce, dans un contexte de diminution de la scolarisation des enfants de deux ans. Celle-ci est passée, en une décennie, de l’ordre d’un tiers à 13 % en 2010. Or l’accès à des modes de garde de qualité et financièrement abordables est lié à des enjeux majeurs : emploi, réussite scolaire, lutte contre les inégalités sociales. Nous demandons, en conséquence, que tout soit fait pour que le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans se maintienne au niveau actuel. Quelles mesures le Gouvernement pense-t-il pouvoir prendre en ce domaine ?
Plus largement, et par rapport à des pays tels que la Suède, des progrès restent à faire pour soutenir l’emploi des mères et pour lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes.
Une étude récente de l’OFCE montre qu’une cohorte d’hommes dans la tranche des quadragénaires gagne 17 % de plus qu’une cohorte de femmes ayant les mêmes caractéristiques, l’essentiel de cette différence de salaires, soit 70 %, restant inexpliqué.
Je rappelle qu’en Europe, plus de 6 millions de femmes de vingt-cinq à quarante-neuf ans se déclarent contraintes à l’inactivité ou au temps partiel en raison de leurs responsabilités familiales, du fait notamment de difficultés liées à la garde des enfants. Comment pourrions-nous nous satisfaire de cette situation ?
Si je veux résumer la philosophie de notre rapport, nous souhaitons offrir plus de temps de famille aux pères mais aussi de meilleures opportunités de carrières aux mères.
Un congé parental long éloigne durablement les femmes du marché du travail ; il a des conséquences sur leur trajectoire professionnelle. C’est pourquoi nous proposons d’aller progressivement vers un congé parental plus court et mieux rémunéré, soit quatorze mois rémunérés à hauteur des deux tiers du salaire antérieur. Nous pourrions nous inspirer, en particulier, de ce qui existe en Suède et en Allemagne depuis une réforme récente. Nous proposons également d’instituer une période de deux mois « d’égalité » réservée à l’un des parents, comme cela existe dans plusieurs pays en Europe.
À l’heure où l’on parle tant du modèle allemand, je dis « Chiche ! » Je pense, par exemple, à la qualité du dialogue social dans ce pays, mais aussi à cette réforme du congé parental, dont nous avons pu constater l’impact très positif, en particulier sur l’implication des pères. En Allemagne, 25 % des pères ont recours au congé parental, alors qu’en France ils sont 3 %.
De fait, les dispositifs visant à favoriser l’articulation famille-travail concernent essentiellement la petite enfance. Mais l’on ne cesse pas d’être parent quand son enfant rentre à l’école primaire ! C’est pourquoi des mesures sont aussi nécessaires pour favoriser le développement des bonnes pratiques en milieu professionnel et promouvoir ainsi un meilleur équilibre des temps tout au long de la vie.
En vue de favoriser une paternité active et un véritable partage des tâches familiales, les entreprises doivent apprendre à repenser l’organisation du travail. Nous formulons, là encore, plusieurs propositions concrètes en ce sens, concernant notamment les accords de branche sur l’égalité et le rôle de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, en posant aussi la question de la mixité au sein des comités de direction. Mme la Secrétaire d’État, partagez-vous ces préoccupations ?
Un mot, enfin, sur les familles monoparentales, qui sont particulièrement exposées au risque de pauvreté. Il nous semble nécessaire d’améliorer l’accompagnement des parents isolés en situation de vulnérabilité, dans le cadre notamment d’une expérimentation, à la lumière de certaines pratiques observées en Allemagne ou au Royaume-Uni. Y seriez-vous favorable, et quelles mesures sont, le cas échéant, envisagées dans ce domaine ?
M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle.
Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Je tiens, tout d’abord, à vous remercier, messieurs les rapporteurs Michel Heinrich et Régis Juanico, pour ce travail effectué au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, sur l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe.
Vous abordez des problématiques cruciales, qui sont au cœur de l’action publique et de notre débat politique actuel. Vous l’avez rappelé, et j’ai été heureuse d’entendre M. Juanico le reconnaître, la France dispose d’un système de correction des inégalités très fort, par le biais notamment des dépenses sociales qui représentent 31 % du PIB. Ce système place notre pays au quatrième rang mondial dans la lutte contre la pauvreté. La solidarité et la cohésion sociale ont été deux piliers de la politique de la majorité pendant ce quinquennat. À cet égard, le rapport permet de combattre toutes les contrevérités qui peuvent être dites sur l’action de la majorité, qui n’a eu de cesse de renforcer notre modèle social.
J’en veux, d’ailleurs, pour preuve que les performances françaises sont significatives : dynamisme démographique, espérance de vie à la naissance, durée de vie en retraite ou encore efficacité redistributive du système fiscal et social dans son ensemble sont les marques d’un système social cohérent. Il s’agit, pour nous, de véritables atouts qu’avec le Président de la République, la majorité a confortés.
Compte tenu des enjeux sociaux et financiers, et du contexte de crise que nous connaissons, il est cependant légitime de s’intéresser à l’amélioration d’un tel système. La comparaison avec les dispositifs mis en place chez nos voisins européens est tout à fait essentielle dans ce cadre.
Je laisserai le soin à ma collègue Claude Greff de s’exprimer sur notre politique dans le domaine des solidarités pour me consacrer aux questions liées plus spécifiquement à l’emploi.
L’emploi est la première préoccupation du Gouvernement, parce qu’elle est la priorité de l’ensemble de nos concitoyens.
Vous savez tous que quand la croissance n’est pas suffisante, il est beaucoup plus difficile de contenir la montée du chômage. Vous savez également que la France est un des pays qui résistent le mieux à la montée du chômage dans toute l’Europe : que ce soit en Espagne ou au Royaume-Uni, le chômage augmente dans des proportions beaucoup plus importantes. Et que dire des États-Unis ! D’après l’OCDE, depuis le début de la crise en 2008, le nombre de chômeurs a augmenté en France de 31 %, c’est vrai, mais il a augmenté de 43 % aux Pays-Bas, de 51 % au Royaume-Uni, de 115 % en Espagne, de 41 % dans l’Union européenne.
Afin d’amortir au maximum les effets de la crise et de protéger les Français face au chômage, nous agissons, avec Xavier Bertrand, au plus près des besoins dans une logique territoriale. Nous avons décidé de travailler bassin d’emploi par bassin d’emploi en mobilisant tous les acteurs du service de l’emploi local. Xavier Bertrand réunit, d’ailleurs, en ce moment même, les préfets et les sous-préfets, afin d’évoquer la mise en place des mesures annoncées par le Président de la République.
Nous avons renforcé l’activité partielle, créé le contrat de sécurisation professionnelle pour remédier aux conséquences des restructurations, activé les dispositifs publics d’appui aux entreprises, comme ceux de la médiation du crédit, de la sous-traitance, OSEO, le FSI, le dispositif Appui PME. Nous avons aussi augmenté les contrats aidés pour ramener vers le marché du travail les publics les plus éloignés de l’emploi.
J’ajoute que le Président de la République vient d’annoncer des mesures d’urgence pour lutter contre le chômage : 100 millions d’euros supplémentaires pour le chômage partiel ; le dispositif zéro charge pour l’embauche de jeunes dans les petites entreprises ; un plan massif de formation pour tous les chômeurs de longue durée, s’adressant à 250 000 personnes.
Dans le domaine de l’alternance, notre action porte ses fruits puisque nous avons déjà enregistré une augmentation encourageante de plus de 7,2 % de contrats en alternance par rapport à 2010, ce qui, dans la période de crise que nous connaissons, démontre que nous avons fait les bons choix. Ces chiffres témoignent de la nécessité de poursuivre la mobilisation engagée pour pérenniser et amplifier ce mouvement.
À la suite du sommet du 18 janvier avec les partenaires sociaux, de nouvelles mesures vont être mises en place, comme les incitations supplémentaires dans les entreprises pour recourir à l’alternance. Le Gouvernement vous proposera de porter le quota d’alternants de 4 % à 5 % de l’effectif pour les entreprises de plus de 250 salariés.
Vous l’aurez compris, si les résultats que nous enregistrons depuis un an sont encourageants, notre objectif est d’accélérer puissamment cette dynamique.
Au total, malgré le contexte budgétaire contraint, nous avons décidé de mobiliser 430 millions d’euros supplémentaires pour l’emploi, financés par redéploiements.
Ce constat étant dressé et notre action rappelée, j’en viens à vos recommandations pour renforcer les performances des politiques sociales.
Je partage votre volonté de rendre plus visibles et accessibles les instruments communautaires en faveur des politiques sociales qui existent, afin de rendre leur utilisation plus efficace. C’est le cas du Fonds social européen, qui est un outil précieux pour lutter contre le chômage. Le FSE représente près de 10 % du budget total de l’Union européenne, avec un investissement de plus de 10 milliards d’euros par an dans l’ensemble des États membres. Pour la période 2007-2013, la contribution du FSE représente plus de 75 milliards d’euros dans la création et l’amélioration des emplois. En France, plus de 5 milliards d’euros pourront être investis par le FSE entre 2007 et 2013, dont près de 83 % pour l’objectif « Compétitivité régionale et emploi » dédié aux vingt-deux régions de la France métropolitaine.
Des projets de règlement visant à redéfinir le Fonds social européen ont été proposés par la Commission le 4 octobre. Ces textes font actuellement l’objet d’un rapport au Parlement européen. La Commission y propose d’établir des seuils minimaux de FSE au sein de la politique de cohésion afin d’éviter une érosion des crédits du FSE dont le niveau est fixé par groupe de régions : 25 % pour les régions dites de convergence, 40 % pour les régions de transition et 52 % pour les régions de compétitivité. Le Gouvernement soutient ce principe.
La Commission européenne cherche à concentrer les moyens du FSE sur quelques priorités : 80 % sur les priorités de la stratégie Union européenne 2020, et 20 % sur la réduction de la pauvreté pour maintenir les personnes sur le marché du travail et contribuer à l’insertion professionnelle de ceux qui sont sans emploi. Cela va dans le bon sens.
Le rapport souligne également la complexité et l’éclatement des structures d’accompagnement des demandeurs d’emploi. Je tiens à souligner que le Gouvernement s’est engagé dans ce domaine en fixant une nouvelle feuille de route à Pôle emploi. Celle-ci s’articule en trois points : un accompagnement des demandeurs d’emplois plus efficace car plus personnalisé ; un meilleur service aux entreprises ; des moyens orientés vers une logique du résultat. Cette nouvelle feuille de route de Pôle emploi va dans le sens de ce que vous préconisez.
Enfin, comme l’a rappelé le Président de la République dimanche, le chômage reculera en proportion des emplois que nous créerons. Soutenir notre appareil de production et accroître la compétitivité de nos entreprises, en particulier de nos industries, est un défi capital.
Notre objectif est de stopper les délocalisations. Celles-ci sont liées au niveau très élevé des charges sociales dans notre pays : elles sont deux fois plus élevées en France qu’en Allemagne. Nous allégerons le coût du travail en baissant les charges. Le Président de la République a ainsi annoncé que les cotisations familiales seront supprimées pour les salaires inférieurs à 2,1 fois le SMIC et fortement réduites pour les salaires compris entre 2,1 et 2,4 SMIC.
C’est, au total, un allégement massif de 13 milliards d’euros qui sera mis en œuvre, 80 % des salariés de l’industrie et 97 % de ceux de l’agriculture verront leurs emplois consolidés par cet allégement. Il protégera l’emploi des ouvriers et des employés, qui sont les plus exposés à la mondialisation. Le coût des produits français va baisser, ce qui renforcera nos exportations et créera davantage d’emplois en France.
Nous proposons de financer cette baisse du coût du travail en changeant le mode de financement de notre protection sociale. Le manque à gagner lié à la baisse des cotisations sera compensé par une hausse de TVA et une augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Le Président de la République a indiqué que la hausse de TVA sera limitée à 1,6 point ; la hausse de la CSG sur les revenus du capital atteindra 2 points. Cette réforme créera de la richesse, donc de l’emploi et des salaires. Je précise qu’elle ne concernera pas les biens de première nécessité ni les produits aujourd’hui au taux réduit de 7 %.
Le Président de la République a également annoncé la création d’une banque de l’industrie pour soutenir nos emplois.
Pour finir, je rappelle l’existence du dispositif « Préparation opérationnelle à l’emploi », le POE, issu d’un accord des partenaires sociaux de 2009. Il était prévu d’en créer 10 000 en 2011 ; cet objectif a été dépassé. Il ressort d’une réunion que je tenais ce matin avec les organismes paritaires collecteurs agréés que nous avons atteint 11 000 préparations opérationnelles à l’emploi en mobilisant l’ensemble des OPCA, mais aussi Pôle emploi. Nous nous sommes fixés comme objectif pour 2012 d’atteindre 75 000 POE, qui constituent une réponse efficace et pragmatique pour ceux qui cherchent un emploi.
M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille. Messieurs les rapporteurs, je tiens d’abord à vous remercier de l’excellent travail que vous avez fourni. En dressant un état des lieux pays par pays, vous avez effectué un très bel exercice qui donnera lieu à une exploitation très concrète. Cette comparaison européenne fait apparaître les limites des différentes pratiques dans le but de retenir les bonnes afin d’améliorer notre système. Nous sommes tout à fait d’accord avec M. Heinrich, il est important de construire des ponts et de démonter progressivement les cloisons. Et nous sommes également favorables au postulat de M. Juanico, puisque nous voulons plus de temps pour la famille pour les pères en France et plus d’opportunités de carrière pour les femmes.
Comme vous le rappelez dans votre rapport, tous les pays européens n’ont pas une politique familiale identifiée clairement, alors que, dans notre pays, cette politique existe de longue date. La politique familiale française est ambitieuse. Grâce à l’ampleur de cet effort, notre politique familiale répond autant à l’objectif de conciliation de la vie familiale et de la vie privée qu’aux objectifs plus traditionnels de soutien de la natalité, de compensation du coût de l’enfant – c’est important – et de lutte contre la pauvreté.
En ce qui concerne l’efficacité de notre politique familiale, vous reconnaissez vous-même sa performance élevée comparée aux autres pays européens, tant en ce qui concerne l’accueil des enfants de moins de six ans que le taux de fécondité. Je tiens à rappeler les priorités de la politique familiale en France, qui constitue un bien commun auquel nous tenons tous. Le bilan de la France dans le domaine de la politique familiale est très positif, M. Juanico l’a rappelé, et l’effort financier en faveur des familles demeure soutenu malgré le contexte budgétaire extrêmement difficile. Le taux de fécondité est de 2,1 enfants par femme en France, alors qu’il n’était que de 1,76 en 1998. C’est l’un des plus élevés d’Europe. Pour autant, le taux d’activité féminin est supérieur à 85,6 % pour la tranche d’âge de vingt-cinq à quarante-neuf ans, et il continue d’augmenter. Le taux de couverture des besoins d’accueil d’enfants de moins de trois ans a progressé pour atteindre aujourd’hui 48,13 % en 2010. Il n’est pas suffisant, nous progressons ; vous pouvez nous faire confiance.
Concernant les autres dépenses en faveur des familles, le budget de la politique familiale est de plus de 100 milliards d’euros, soit 5,1 % du PIB, tandis que les autres pays européens n’y consacrent, en moyenne, que l’équivalent de 2,5 %, c’est-à-dire la moitié. L’effort en faveur des familles a été maintenu malgré les difficultés économiques et budgétaires qui nous affectent aujourd’hui, à savoir la crise financière.
Le développement de l’accueil de la petite enfance reste une priorité, conformément aux engagements du Président de la République. Grâce à un effort massif de plus de 1,3 milliard d’euros pour l’accueil collectif, ce sont 200 000 solutions de garde supplémentaires qui seront proposées aux familles sur la période de 2010 à 2012, que ce soit en accueil unique ou en multi-accueil.
Notre action passe par l’augmentation de l’offre d’accueil, notamment dans le secteur rural qu’il ne faut surtout pas oublier, mais aussi dans le secteur péri-urbain. Elle passe également par la diversification des modes d’accueil et l’assouplissement des normes. Nous sommes très attachés à la diversité des modes d’accueil. Chaque parent doit pouvoir trouver une solution qui lui convient et qui convient également aux enfants, en particulier pour les familles qui travaillent avec des horaires atypiques.
Tout cela doit être pris en considération. La conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale est l’élément essentiel d’une politique familiale dynamique et constructive.
Cette politique porte aussi sur la parentalité dans tous ses aspects, le soutien à la parentalité et le partage des responsabilités au sein de la famille, qui est le socle de toutes les solidarités. La richesse de votre rapport montre l’intérêt de croiser les informations et les expériences européennes pour améliorer la prise en charge des familles.
Je ne parlerai ici que de la politique familiale. Dans votre rapport, on trouve sept belles recommandations qui appellent des réponses sur le terrain de la politique familiale. Je suis, à ce titre, à votre disposition pour toutes les évoquer les unes après les autres.
Mon intervention était courte mais j’ai bien entendu toutes les recommandations des rapporteurs.
M. le président. Nous en venons aux questions.
La parole est à M. Michel Diefenbacher.
M. Michel Diefenbacher. À mon tour, je félicite les deux co-rapporteurs pour la qualité de leur travail et la précision des informations qu’ils nous donnent.
Je reviendrai sur l’un des points évoqués par Régis Juanico. Je l’ai entendu avec beaucoup de plaisir constater que nous n’avions pas à rougir de notre politique sociale et souligner l’efficacité, en France, des politiques de redistribution.
Toutefois, le rapport fait apparaître de façon frappante l’écart entre le poids et la dynamique des dépenses sociales en France – près d’un tiers du PIB, soit 31 %, en augmentation constante – et des résultats encore moyens en matière de lutte contre la pauvreté. Sur ce terrain, nous sommes distancés par huit autres pays européens. Cela constitue l’une des singularités de la France, une autre étant le poids considérable des prélèvements obligatoires, qui tournent actuellement autour de 46 %, si ma mémoire est bonne.
N’y a-t-il pas un lien entre les deux ? Le fait que les prélèvements obligatoires se maintiennent à un niveau très élevé pourrait expliquer que notre économie manque de dynamisme et ne génère pas suffisamment de richesse pour financer les politiques sociales dans la durée.
Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne veux pas dire : il ne suffit pas d’alléger les prélèvements obligatoires pour que la politique sociale devienne plus dynamique. Mais, même dans la conjoncture financière difficile où nous sommes, n’avez-vous pas le sentiment que la maîtrise des prélèvements obligatoires doit rester l’une des grandes priorités et qu’à terme, l’allègement de ces prélèvements constitue l’une des conditions de la poursuite de notre effort en matière de redistribution ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Monsieur le député, vous nous expliquez que les dépenses sociales qui représentent 31 % du PIB pourraient freiner la dynamique en matière de politique familiale.
Je rappelle qu’à la fois notre situation économique doit être préservée et la politique familiale maintenue et protégée – elle bénéficiera d’une compensation de l,6 point de TVA et 2 points de CSG sur les revenus du capital. La politique familiale ne doit plus peser sur le travail mais sur l’économie. Il est de notre devoir de veiller à ce que les importations contribuent au financement de notre protection sociale. Le Président de la République souhaite préserver le pouvoir d’achat des Français et, plus que jamais, sauvegarder les emplois, puisque c’est par eux que le pouvoir d’achat existe. Il a aussi la volonté de protéger la protection sociale. Dans les pays comparables à la France dans ce domaine, à savoir la Norvège et le Danemark, le taux de TVA s’élève à 25 %.
Le Président de la République ne veut pas que la politique familiale soit une variable d’ajustement et, malgré le contexte de crise, elle est préservée. Ainsi, les allocations de rentrée scolaire ont été augmentées, de même que les allocations familiales, qui ne sont plus basées sur l’inflation mais sur la croissance.
Autre point important soulevé, le taux de non-recours au RSA activité, qui est de l’ordre de 68 %. Les personnes éligibles au RSA n’en bénéficient malheureusement pas suffisamment. Nous devons avoir une démarche volontaire pour que le RSA soit mieux appréhendé par nos concitoyens. Les pistes de travail sur ce sujet doivent être approfondies, c’est aussi l’objet de ce rapport.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. J’ajoute que, au cours de ce quinquennat, nous avons augmenté de 25 % le minimum vieillesse et l’AAH, l’allocation pour adulte handicapé, ce qui n’était pas évident en cette période de crise.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.
Mme Marie-Françoise Clergeau. Permettez-moi, tout d’abord, de saluer le travail effectué par les rapporteurs et les membres du groupe de travail. Il est, en effet, important et souhaitable que notre assemblée s’inscrive dans une démarche d’évaluation, et l’instauration d’un débat annuel sur l’efficacité des politiques sociales irait aussi dans le bon sens.
De nombreux rapports établis durant cette législature insistent sur l’importance d’améliorer la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. C’est un élément important qui favorise la vie des familles, l’activité professionnelle, l’emploi et, enfin, l’équilibre de nos comptes sociaux. Mais il reste encore beaucoup d’efforts à faire.
Au registre des moyens dont nous disposons pour concilier au mieux la vie familiale et la vie professionnelle, il y a, bien évidemment, l’offre de garde des jeunes enfants. En début de mandature, le besoin était estimé à 350 000 places de garde pour les enfants de moins de trois ans. Or, malgré les investissements réalisés, force est de constater que les besoins n’ont pas diminué, puisque le rapport indique qu’il manque aujourd’hui 350 000 places de garde. Cela s’explique notamment par la suppression de l’accueil des enfants de moins de trois ans dans les écoles maternelles. Les efforts de création de places de crèches sont annulés par cette disposition. Cela pose un problème au regard du développement de l’emploi des femmes.
Autre moyen dont nous disposons : le congé parental, considéré à la quasi-unanimité comme devant être raccourci, partagé et mieux rémunéré afin de répondre aux besoins des familles et de ne pas compliquer le retour à l’emploi. Pourtant, rien n’a encore été fait malgré les promesses du Président de la République, et nous le regrettons.
Pour conclure, j’évoquerai la situation des familles monoparentales. Le rapport montre la nécessité d’un effort particulier. Leur nombre s’est accru en France et en Europe au cours des dernières années, de même que leur précarité et leur pauvreté. Il est grand temps de s’atteler à ce problème de façon courageuse et efficace.
Madame la secrétaire d’État, je reviens sur ce que vous avez dit au sujet de l’augmentation des allocations familiales : pour la première fois, les allocations familiales ne sont pas augmentées au 1er janvier mais au 1er avril. Il n’y a donc pas eu d’augmentation, à ce jour, pour les familles.
Comment comptez-vous apporter des solutions aux différents problèmes que je viens d’évoquer ? Puisque vous avez proposé de répondre aux sept recommandations du rapport, nous vous écoutons ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Je suis sensible à votre intérêt pour la politique familiale. Vous avez raison, nous devons en être fiers, et je ne vois pourquoi certains s’obstinent à vouloir la détruire. Faisons l’état des lieux de cette politique familiale.
Les allocations familiales, vous avez raison, madame la députée, seront augmentées de 1 % cette année alors que le contexte budgétaire est extrêmement contraignant. Malgré les deux révisions budgétaires d’août et de novembre, le Président de la République a maintenu le budget considérable de 100 milliards d’euros pour la politique familiale, avec une réévaluation des prestations.
Nous avons également la volonté de concilier vie familiale et vie professionnelle en répondant aux besoins quotidiens des familles, aux femmes en activité, soit 85 % d’entre elles, mais aussi aux hommes. La seule réponse qui leur est nécessaire est une offre de garde au service de leur vie de famille, de leur enfant, de leurs horaires atypiques, pour certains.
C’est la raison pour laquelle le Président de la République a voulu que l’on propose davantage d’offres de garde diversifiées. Il s’est ainsi opposé au service public de la petite enfance qui risquait d’uniformiser le service de la petite enfance. Aujourd’hui, les Français sont très sensibles à la diversité des modes de garde – crèches, assistantes maternelles, jardins d’éveil, en pleine évolution, ou encore micro-crèches –, dans le secteur rural comme dans le secteur péri-urbain.
Nous avons fait évoluer les lois et assoupli les normes. Aujourd’hui, les assistantes maternelles peuvent garder jusqu’à quatre enfants, disposition qui a été votée lors du PLFSS de 2009. La loi de 2010 permet le regroupement d’assistantes maternelles dans des maisons d’assistantes maternelles, création qui répond aux besoins des professionnels de la petite enfance et des familles. Les crèches hospitalières sont ouvertes aux riverains, afin qu’ils puissent bénéficier de leurs horaires plus larges. Nous avons aussi développé les crèches dans le cadre du plan Espoir banlieues et donné un crédit d’impôt famille aux entreprises pour s’investir dans les offres de garde, l’achat de berceaux ou la création de crèches. Il existe donc une dynamique dans les solutions de garde pour rendre service aux familles.
Plus généralement, il est difficile de trouver des offres de garde dans tous les secteurs de notre territoire. C’est la raison pour laquelle j’ai confié au Haut conseil de la famille une mission sur la territorialisation de la politique familiale et de l’offre de garde.
En matière de conciliation de vie familiale et vie professionnelle, nous avons de quoi être fiers, comme l’a également souligné M. Juanico dans son rapport.
S’agissant de l’offre d’accueil en secteur rural comme en secteur urbain, j’ai fait référence aux 200 000 solutions de garde. Là aussi, le Président de la République a été très volontaire : dans la négociation de la convention d’objectifs et de gestion avec la CAF, plus de 1,3 milliard d’euros a été consacré à l’accueil collectif. Aujourd’hui, grâce à la volonté des uns et des autres, nous atteignons notre objectif de faire exister des solutions de garde diversifiées. Ainsi, 46 000 solutions de garde supplémentaires permettent aux familles de bénéficier d’un accueil simple tandis que 21 000 solutions de garde supplémentaires sont créées dans le mode diversifié. Nous disposons donc de 92 000 solutions de garde supplémentaires dans l’offre de garde diversifiée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.
Mme Marie-Françoise Clergeau. Je voudrais d’abord faire remarquer que je n’ai pas eu de réponse sur le congé parental.
Ensuite, sur le besoin en nombre de garde d’enfants, vous reconnaissez vous-même qu’il n’a pas varié entre le début de mandature et aujourd’hui, à savoir 350 000. Voilà la réalité, même si, et vous l’avez dit, des efforts ont été accomplis. Toujours est-il que nous sommes dans la même situation, avec un manque d’offres de garde évident, dû, entre autres, au fait qu’il n’y a plus, ou beaucoup moins, d’écoles maternelles pour les enfants de moins de trois ans.
Le Haut conseil de la famille auquel je participe a fait de nombreuses préconisations, mais le Gouvernement n’en a retenu aucune.
Enfin, vous dites que 100 milliards d’euros sont dépensés pour la politique familiale, ce qui représente 5 % du PIB. Or, dans le rapport de nos excellents collègues, il est indiqué que 46 milliards d’euros seront destinés à la politique familiale, soit 3,7 % du PIB. Pouvez-vous, au moins, m’éclairer sur ce dernier point ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Tout dépend évidemment du périmètre.
Lorsque l’on parle de la politique familiale, il faut prendre en compte l’ensemble de ce qui est distribué. L’essentiel de la politique familiale repose sur les allocations familiales, mais il y a aussi les prestations sur la base du quotient familial, les déductions fiscales, les apports des collectivités. Cet ensemble permet aujourd’hui d’avoir un taux de natalité élevé et explique le taux élevé d’activité professionnelle des femmes.
M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.
M. Michel Issindou. Je remercie Mmes les ministres, mais surtout les rapporteurs qui ont fait un excellent travail comparatif. Bien sûr, ils ont conclu et Régis Juanico l’a reconnu très honnêtement, que notre modèle social était encore de qualité. Ce qui nous inquiète, c’est sa dégradation, que l’on pense aux difficultés de l’accès aux soins, aux dépassements d’honoraires ou aux retraites. Notre modèle social est, certes, de qualité, et nous en sommes plutôt fiers, mais hélas ! depuis plusieurs années, vos actions contribuent à sa dégradation.
En matière d’emploi, par exemple, Pôle emploi était une bonne idée, et nous n’avions pas contesté le principe de la fusion. Mais que de difficultés de mise en œuvre et combien insuffisants étaient les moyens consacrés, alors que cette institution aurait eu besoin d’être renforcée ! Elle l’a été provisoirement avec la création de 1 000 emplois, qui ont ensuite été supprimés pour être recréés aujourd’hui. On a le sentiment d’une politique de l’emploi erratique, qui laisse à penser que ce n’était pas totalement votre priorité. Aujourd’hui, circonstances obligent, vous l’affirmez avec beaucoup de force et de conviction. Ce repentir est quelque peu tardif pour être véritablement crédible, surtout compte tenu du taux record du chômage des jeunes et des seniors qui est un apanage typiquement français.
Qu’allez-vous proposer ? Vous parlez de suivi individualisé des demandeurs d’emploi, de la formation des chômeurs, comme si les chômeurs ne devaient pas être formés ! Vous dites vouloir renforcer leur formation. Qu’entendez-vous par là ? La réforme de la formation professionnelle a, semble-t-il, été conçue à cet effet. Cela voudrait-il dire qu’elle ne serait pas mise en œuvre aujourd’hui ?
Le rapport arrive à un moment particulier. À peine un discours a-t-il été prononcé dimanche soir que vous êtes, mesdames les ministres, déjà en train d’assurer le service après-vente de l’allégement des charges annoncé en vous appuyant sur une comparaison avec l’Allemagne. Ne pensez pas que nos problèmes de compétitivité seront réglés par l’allégement des charges que vous accorderez aux patrons. Avec l’augmentation de la TVA, vous diminuerez plus sûrement le pouvoir d’achat des consommateurs. Comme notre croissance est tirée par la consommation, on peut redouter le pire.
Quels nouveaux moyens allez-vous consacrer à Pôle emploi pour que les chômeurs soient, enfin, pris en compte, ces cinq millions de chômeurs qui sont à porter à votre bilan ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. J’ai noté, monsieur le député, que vous avez rendu hommage à la création de Pôle emploi et je ne peux que me féliciter de la réalisation de cette fusion, qui a permis au demandeur d’emploi de n’avoir qu’un seul interlocuteur.
M. Michel Issindou. Jusque-là, je suis d’accord.
Mme Nadine Morano, ministre. Nous avons simplifié les démarches. En 2008, on dénombrait 45 000 agents et 50 000 en 2010. Le Président de la République a annoncé que 1 000 CDD viendraient en renfort. Pour faire face à la crise, nous avons préservé les financements de Pôle emploi à hauteur de 1,3 milliard d’euros. Mais pour un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi, il faut des outils performants et pragmatiques. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur ce constat, me semble-t-il.
M. Michel Issindou. On peut même être d’accord là-dessus !
Mme Nadine Morano, ministre. Une enquête de Pôle emploi et du CREDOC de 2011 sur les besoins en main-d’œuvre montre qu’il existe dans nos régions un potentiel de 1,6 million d’emplois répartis secteur par secteur, notamment dans les secteurs en tension. Le problème, qui est structurel en France, c’est l’insuffisante mise en adéquation entre le demandeur d’emploi et les besoins des entreprises.
La POE, dont j’ai parlé dans mon propos introductif, est un outil qui répond à cette attente et que nous souhaitons développer. Le dispositif existant est individuel : une entreprise à la recherche d’un profil précis fait appel à Pôle emploi, forme la personne retenue par le biais d’un module de formation de 400 heures maximum à l’issue duquel la personne obtient un CDD ou un CDI ; 84 % de ceux qui sont passés par une POE ont obtenu un emploi.
Cette démarche fonctionne si bien que nous avons décidé ce matin, avec le directeur général de Pôle emploi et les organismes paritaires collecteurs agréés dans les branches professionnelles, de développer la POE collective. Je citerai l’exemple concret de Bricomarché, qui doit ouvrir prochainement un magasin dans le Sud-Ouest. Pour son recrutement, l’entreprise fera appel à Pôle emploi et mettra en place une POE collective pour l’ensemble des personnels – personnels administratifs et de rayon, hôtesses de caisse, comptables. Ce matin, nous avons travaillé à l’amélioration de nos dispositifs, notamment à la simplification des démarches administratives, dont la complexité créait quelques blocages de financement pour la POE individuelle. Grâce à ces mesures de simplification pour la POE individuelle, mises en place avec Pôle emploi, nous n’aurons pas de tels freins pour la POE collective.
Voilà un outil pragmatique que nous allons développer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Pour prolonger les propos de Mme la ministre, l’une des propositions des rapporteurs à laquelle nous adhérons consiste à renforcer la formation et l’intégration dans l’emploi à la sortie du congé de libre-choix d’activité. Or, en la matière, Pôle emploi est déjà à la manœuvre puisque, dans la négociation de la COG 2013-2016, l’établissement agira en faveur de la formation après le CLCA.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
M. Jean-Jacques Candelier. Mesdames les ministres, mes chers collègues, sans vouloir jeter le discrédit sur ce rapport, nous ne sommes pas dupes. Derrière l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe, il s’agit d’uniformiser les politiques publiques au détriment des droits sociaux. À quoi bon produire de tels rapports pour entendre Nicolas Sarkozy et le Gouvernement manipuler les chiffres pour les mettre au service de choix rétrogrades, autoritaires et idéologiques ?
Sur le prétendu coût du travail, expression typiquement patronale, en dépit des dires de la majorité, nous savons que le travail n’est pas plus cher en France qu’en Allemagne et que la TVA est à un niveau similaire. Les salaires dans l’industrie française sont strictement équivalents à ce qu’ils sont en Allemagne ; dans l’industrie automobile, ils sont même inférieurs de 25 % chez nous. Cela n’a pas empêché le Président de la République d’annoncer une hausse de 8,2 % de la TVA, l’impôt le plus injuste qui soit.
De même, alors que ce rapport vante l’excellence de nos politiques sociales, familiales, la droite s’apprête à fragiliser une partie de son financement en le faisant porter sur la fiscalité. En clair, les foyers modestes qui paient le plus la TVA financeront eux-mêmes leurs prestations familiales. La Cour des comptes a pourtant démontré que les précédentes baisses de cotisations sociales n’avaient eu aucun impact sur l’emploi. Les cotisations patronales n’ont cessé de diminuer et le chômage a constamment grimpé pour atteindre son plus haut niveau depuis douze ans. Triste bilan !
La Cour a également mis en doute l’effet d’une telle réforme sur un hypothétique regain de compétitivité de notre économie.
Enfin, elle a souligné qu’en Allemagne, la hausse de TVA avait été en grande partie répercutée sur les prix. La relance dont ont besoin la France et toute l’Europe passe par une augmentation des salaires et des minima sociaux. À cause de cette Europe du dumping social, c’est le moins disant économique et social qui prime. Je le dis gravement, nous nous opposerons fermement à une Union européenne de la mise en concurrence des peuples. En France, en lieu et place de cette TVA anti-sociale, il faut interdire les licenciements dans toute entreprise qui réalise des profits, mettre en place un droit opposable à l’emploi, et faire cotiser les revenus financiers à la même hauteur que ceux du travail.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. Je veux rappeler la cohérence de la politique du Gouvernement. Nous avons, ce que personne n’avait fait avant nous, supprimé la taxe professionnelle dont François Mitterrand disait que c’était un impôt imbécile. Exemple concret, la Smart, dont le coût de la taxe professionnelle est de 250 euros par véhicule fabriqué. Si le groupe Daimler a choisi de fabriquer la Smart électrique en Lorraine, c’est parce que nous avons supprimé la taxe professionnelle et favorisé, par là même, l’emploi dans cette région et notre pays.
La recherche a besoin d’être développée. Nous avons multiplié le crédit impôt-recherche par trois, voire par quatre. Il a atteint, au terme de ce quinquennat, 10 milliards d’euros.
Le coût du travail est trop important en France. En regardant avec objectivité ce qui se passe ailleurs, on constate qu’en baissant le coût du travail et en opérant un basculement vers la TVA, on crée deux dynamiques :…
M. Jean Mallot. La hausse des prix !
Mme Nadine Morano, ministre. …d’abord, la création d’emplois, qui est l’objectif du Gouvernement et la priorité des Français : ensuite, la hausse de compétitivité de notre pays puisque, pour la première fois, nous taxerons les produits importés.
Nous allons opérer un basculement vers la TVA, mais aussi vers 2 points de CSG sur les revenus du capital. Outre une mesure de justice sociale, c’est un outil performant qui a donné des résultats dans d’autres pays de l’Union européenne.
Je le concède, monsieur le député, il s’agit d’une réforme structurelle courageuse. Les Français sont lucides, ils en ont assez de voir que, crise économique et financière ou pas, la France subit un chômage structurel, notamment parmi les jeunes. Depuis des décennies, l’Allemagne pratique la formation duale. En France, nous avons commis bien des erreurs en croyant qu’en amenant une classe d’âge au baccalauréat, nous obtiendrions des résultats. Aujourd’hui, dans certains secteurs, on ne trouve pas de jeunes formés pouvant être embauchés. Un seul exemple, dans le secteur de la boucherie et de la viande, il manque 4 000 jeunes chaque année.
Orientons mieux les jeunes, baissons le coût du travail, soyons plus compétitifs et vous verrez que nous nous en sortirons.
M. Michel Issindou. Quel optimisme !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
M. Jean-Jacques Candelier. Je donne rendez-vous à Mme la ministre à la fin de 2012. En ce qui concerne la suppression de la taxe professionnelle, beaucoup de communes ont été perdantes et nombre d’entre elles ont été obligées d’augmenter leurs impôts locaux.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Je ne reviendrai pas sur le sujet du congé parental ou des gardes d’enfants de moins de trois ans, les rapporteurs s’étant largement exprimés sur ces thèmes.
Au lieu de jeter l’anathème sur les uns ou les autres, nous avons réussi à adopter des positions communes.
C’est agréable d’entendre Régis Juanico, qu’on ne peut pas taxer d’être un opposant en retrait, dire que notre modèle social n’est pas si mauvais que cela. Je dois dire, mesdames les ministres, monsieur le président, que je goûte ce moment de sérénité où chacun s’accorde sur la fierté que nous pouvons tirer de notre modèle social. Voilà pour l’aspect positif.
En revanche, je m’inquiète que l’on en soit encore à se dire qu’il faut territorialiser les politiques publiques, qu’il s’agisse des politiques de l’emploi ou des politiques sociales, tant il y a d’acteurs. C’est effarant : on marche sur la tête. Je m’inquiète de la capacité de notre République à résoudre certains problèmes.
Une deuxième inquiétude porte sur la formation. Comme il s’agit d’un domaine multipolaire où interviennent de multiples acteurs, qui ont tous une légitimité et une stratégie, le système est totalement émietté et certaines personnes ne parviennent pas à trouver de formation. Convient-il, là encore, de territorialiser les politiques qui pour certaines – je pense à celles qui relèvent des branches – sont encore nationales ?
Enfin, j’en viens à une question à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille : le Gouvernement prévoit-il une évaluation du crédit d’impôt famille qui contribue à la création de crèches d’entreprises et au financement de chèques emploi service universel utilisés pour la garde d’enfants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison s’agissant de la formation, sujet que vous maîtrisez bien.
Je me souviens de la formule utilisée par le président Méhaignerie pour désigner le problème, lors de débats dans l’hémicycle : il n’y a pas de pilote dans l’avion. En réalité, il y a plutôt copilotage, voire multipilotage.
Par ailleurs, il faut savoir que les offres de formation que les régions peuvent prescrire sont en nombre bien inférieur – 400 000 – aux formations prescrites par Pôle emploi. Dans ces conditions, nous avons besoin d’évaluer les formations, vous avez raison d’insister sur ce point. Nous savons très bien que certaines des formations financées, y compris par les régions, ne débouchent pas sur un emploi. Nous en avons de multiples exemples.
M. Arnaud Richard. C’est juste !
Mme Nadine Morano, ministre. Nous avons également besoin d’un pilotage régional beaucoup plus efficace, notamment en liaison avec Pôle emploi.
La réflexion que nous devons mener relève d’une réforme structurelle profonde qui réclame que nous ne nous voilions pas la face. Si nous voulons être plus efficaces, nous devons améliorer le pilotage et procéder à des évaluations. Dans le domaine de la formation, le multipilotage n’est plus possible.
La POE, notamment la POE collective, permet une traduction régionalisée du dispositif, en liaison directe avec les organismes paritaires collecteurs agréés et avec les branches professionnelles, au plus près des besoins des entreprises. Elle constitue une réponse plus efficace. Encore une fois, nous avons dépassé nos objectifs en 2011 et prévoyons 75 000 POE en 2012. Si nous pouvions aller encore plus loin, cela montrerait que lorsque les entreprises, les branches professionnelles et les OPCA sont totalement impliqués, nous sommes plus performants.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Monsieur le président, j’aimerais simplement entendre Mme la secrétaire d’État chargée de la famille à propos du crédit d’impôt famille.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur Richard, de vos questions très pertinentes à propos de la politique familiale. Je suis tout à fait consciente des difficultés que vous évoquez. Elles sont notamment liées à l’adhésion des conseils généraux : la politique familiale doit être tout entière pensée en termes d’aménagement du territoire. C’est la raison pour laquelle le Haut conseil de la famille travaille à résorber les inégalités qui peuvent se développer entre les territoires, y compris au niveau des collectivités locales. Je pense aux agréments donnés aux assistantes maternelles afin qu’elles puissent accueillir quatre enfants car, bien souvent, l’accueil de trois enfants ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins élémentaires. Je pense aussi à la protection de la petite enfance, qui renvoie plus largement à la politique de soutien à la parentalité que je mène.
Le crédit d’impôt famille a fait l’objet d’un rapport d’évaluation au titre de l’année 2011, qui a été transmis à mon cabinet. J’aimerais souligner la pertinence de l’action du Président de la République qui a augmenté le taux du crédit d’impôt de 25 % à 50 %. Aujourd’hui, on sent de la part des entreprises une vraie volonté d’adhérer à la politique familiale insufflée par le Président de la République. Il existe un véritable partenariat entre l’État et les familles, entre les familles et les entreprises.
J’aimerais que les collectivités, qui sont malheureusement plus souvent tenues par la gauche que par la droite, …
M. Michel Issindou. Allons, madame Greff, pas de provocation !
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. …s’impliquent davantage dans la politique familiale, laquelle doit reposer sur le trépied État, collectivités locales, entreprises, pour le bien-être des familles.
M. le président. Nous avons la chance d’avoir un comité d’évaluation et de contrôle où députés de la majorité et de l’opposition font ensemble un travail de qualité. Je dois dire qu’il y a toujours une plus-value dans le travail d’évaluation lorsqu’il est mené par des parlementaires qui n’appartiennent pas aux mêmes groupes politiques. C’est un atout considérable de ce comité.
Son deuxième atout est que la remise de son rapport est suivie par l’organisation d’un débat public dans cette salle Lamartine, au cours duquel le Gouvernement peut apporter des précisions sur les décisions qu’il entend prendre à la suite des recommandations de nos rapporteurs.
Il faudrait renouveler ces séances et, pourquoi pas, au besoin, d’une législature sur l’autre, car le fait que les deux rapporteurs appartiennent l’un à la majorité, l’autre à l’opposition présente l’avantage que les conclusions de leur rapport transcendent les clivages politiques.
La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.
Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’aimerais, tout d’abord, réitérer mes félicitations aux rapporteurs pour la qualité de leur rapport. Nous avons eu le plaisir d’en discuter la semaine dernière, lors d’une réunion de la commission, et j’aimerais revenir sur l’un des sujets que j’avais évoqué dans ce cadre. Je veux parler de l’accompagnement social, qu’il s’agisse de la politique familiale ou de la politique de l’emploi.
Dans les témoignages et les comparaisons que comporte le rapport, la question de l’accompagnement social est assez souvent posée.
Les personnels de Pôle emploi sont confrontés à des évolutions extrêmement importantes qui touchent les demandeurs d’emploi : précarité, familles monoparentales, chômeurs en fin de droits, emploi des seniors et des jeunes. Bien souvent, les travailleurs sociaux ne peuvent assurer correctement leur accompagnement.
Se pose d’abord la question de la formation des personnels qui interviennent, notamment à Pôle emploi. En 2010, il y avait 420 ETP pour 10 000 chômeurs en Allemagne contre 215 en France. Dans le rapport, j’ai relevé un autre chiffre : environ 3 000 travailleurs sociaux seraient chargés d’accompagner les familles monoparentales alors que les besoins sont estimés à 1 pour 25 familles.
Le Haut conseil de la famille a fait des propositions en la matière et le rapport de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch, a également souligné ce problème.
Comment le Gouvernement entend-il répondre à cette situation ? Aujourd’hui, il est impératif que l’accompagnement soit complètement revu, qu’il s’agisse de la formation, des effectifs ou de la qualité. Il me semble que l’une de vous, mesdames les ministres, a évoqué la mise en place de deux entretiens. Cela ne sera sans doute pas suffisant, car l’on voit bien que l’accompagnement doit porter sur le plus long terme afin de s’assurer que la personne concernée puisse retrouver un emploi.
Par ailleurs, j’aimerais que vous alliez davantage dans le détail dans vos explications s’agissant de la coordination avec l’ensemble des acteurs de l’emploi. Quelles sont les pistes pour l’amélioration de la coordination entre services sociaux et services de l’emploi ?
Ce sont des questions importantes que l’on retrouve dans les rapports et dans les diverses interventions. Pour suivre les recommandations des rapporteurs, nous aimerions disposer de quelques pistes claires, je pense que c’est un sentiment largement partagé.
(M. Jean Mallot remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. Madame la députée, je comprends votre volonté d’améliorer l’accompagnement des personnes les plus fragiles. Le Gouvernement a apporté plusieurs réponses.
J’évoquerai d’abord l’accompagnement des personnes en situation d’illettrisme, qui souffrent d’un véritable handicap pour trouver un emploi. Trois millions de personnes sont concernées : un peu plus de la moitié a déjà un emploi mais elles représentent 15 % des demandeurs d’emploi.
Sur un budget total de 186 millions d’euros consacré à la lutte contre l’illettrisme, l’État apporte 54 millions d’euros et le fonds paritaire pour la sécurisation des parcours professionnels 132 millions.
Cette lutte passe par le développement de compétences-clés, qui mobilise plusieurs partenaires au-delà de Pôle emploi. Je pense en particulier aux CAF auxquelles il est demandé de repérer les hommes et les femmes en situation d’illettrisme afin de leur proposer un programme d’accompagnement.
Au-delà de Pôle emploi, dont les effectifs ont été renforcés pour mieux accompagner les demandeurs, et des dispositifs de la POE que j’ai déjà évoqués devant vous, je tiens à souligner la mobilisation des missions locales que j’ai réunies à Paris autour d’un même objectif : amener 50 000 jeunes vers les formations par alternance. Lors de mes déplacements en province ou par le biais des réunions des services publics de l’emploi local, je demande aux sous-préfets de mobiliser les chambres de commerce et les chambres de métiers, en coordination avec les missions locales, pour mieux accompagner les jeunes vers l’emploi.
Enfin, il y a la plate-forme de suivi des « décrocheurs », ces jeunes sortis du circuit scolaire, qui n’étaient pas en formation, qui n’étaient pas dans l’emploi, et qu’il a bien fallu essayer de retrouver, d’accompagner. Ce dispositif est maintenant opérationnel, avec des coordinateurs départementaux et locaux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Vous soulevez deux points très importants.
L’accompagnement doit être personnalisé, car il s’agit de personnes en situation de grande fragilité, qu’il est d’ailleurs nécessaire de commencer par identifier : certaines personnes très vulnérables ne s’expriment pas. C’est ce que j’appelle la vulnérabilité silencieuse. Il faut donc savoir les repérer, et c’est le rôle confié à tous ces agents merveilleux qui, au sein des CAF, font un travail considérable, non seulement de distribution des prestations familiales, mais aussi, bien au-delà, d’accompagnement personnalisé. C’est justement pour cela que le Président de la République n’a pas voulu appliquer la fameuse réduction d’un poste sur deux dans les caisses d’allocations familiales.
Nous travaillons aussi beaucoup, dans le même esprit, sur le soutien de proximité à la parentalité : il faut pouvoir accompagner ces familles, notamment les familles monoparentales. Elles constituent, je le rappelle, 19 % des familles, et ces parents isolés sont à 85 % des femmes. Un partenariat entre les CAF, les services sociaux et les services de Pôle emploi est donc nécessaire : c’est en travaillant ensemble qu’on arrive à mieux accompagner les personnes.
En matière de soutien à la parentalité, notamment pour ces familles monoparentales, nous avons augmenté de 40 % le plafond de ressources afin qu’elles puissent bénéficier des prestations plus rapidement. Les parents concernés sont prioritaires pour bénéficier des différents modes de garde, afin de pouvoir se tourner vers l’emploi, et vers Pôle emploi.
Les sujets que vous avez abordés, madame la députée, sont donc très importants. Mais je veux me tourner vers les deux rapporteurs : ce rapport compare des bonnes pratiques européennes ; j’ai envie de vous demander si le suivi et l’accompagnement des familles monoparentales fait vraiment partie des politiques européennes. Ne pouvons-nous pas, finalement, être fiers de ce que nous faisons en ce domaine ? Ne sommes-nous pas en avance, et les autres pays européens sont-ils au même niveau que la France ?
M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.
Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je veux insister sur l’accompagnement : le rapport montre bien qu’aujourd’hui, la culture de l’accompagnement est efficace, plus même que l’incitation financière. C’est un des points sur lesquels, si nous voulons faire bouger les choses, il faut vraiment nous arrêter. Vous dites, madame la secrétaire d’État, qu’il n’y a pas eu de suppression de postes : heureusement, puisque, si j’ai bien compris, les chiffres français représentent la moitié de ce qui se fait en Allemagne. Il faut donc que nous demeurions très attentifs à toutes ces situations compliquées.
D’autre part, je crois que vous n’avez pas répondu à ma collègue sur la question du congé parental. Pourriez-vous nous apporter des éléments de réponse sur ce point ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. Sur l’accompagnement et la comparaison avec l’Allemagne, nous sommes d’accord. Nous faisons, nous, le choix d’accompagner et aussi d’indemniser. Ce n’est pas du tout le choix de l’Allemagne, qui accompagne, mais qui indemnise beaucoup moins. Notre politique est plus globale.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Sur votre première remarque, je dirai que c’est ce vers quoi nous allons : nous voulons que la France dispose d’une offre globale de services ; nous voulons une prise en charge globale de la personne. C’est comme cela que nous travaillons, et nous avons compris qu’il y avait un besoin de transversalité des ministères. Une information complète est aujourd’hui mise en place, avec un soutien, avec des conseils pour les familles, notamment monoparentales, et pour les bénéficiaires du RSA. J’en parlais tout à l’heure : beaucoup de personnes ne savent pas qu’elles peuvent bénéficier du RSA, et passent à côté de cette solution ; nous devons donc mettre en place un meilleur accompagnement.
Une fois que nous arrivons à répertorier celles et ceux qui peuvent bénéficier du RSA, nous leur donnons la priorité. À destination des familles monoparentales, nous essayons de développer des offres de garde spécifiques pour les personnes en recherche d’emploi : elles ont besoin de modes de garde atypiques – deux heures par-ci par-là, toute la nuit –, puisque souvent ce sont des horaires atypiques qui sont proposés pour un premier emploi. Nous faisons quasiment du cas par cas, du sur-mesure, pour celles et ceux qui sont en recherche d’emploi.
Quant au congé parental, nous rencontrons une vraie difficulté. J’ai beaucoup travaillé, avec Roselyne Bachelot, sur les résultats de la conférence du 28 juin dernier sur le partage des responsabilités professionnelles et familiales. Nous avons écouté les partenaires sociaux, car ce genre de négociations ne peut être envisagée qu’avec eux ; mais il n’y a pas eu de consensus. J’oserai même aller plus loin : j’ai le sentiment que ce n’est pas, pour eux, une priorité. Je le dis avec mon intime conviction, après les négociations et les rencontres que nous avons eues.
C’est pourtant bien, pour le Président de la République, une priorité ; il a vraiment demandé que nous travaillions sur le congé parental. Mais, vous le savez, certains sont favorables à un congé parental plus long – mais nous disons stop, car les femmes s’éloigneraient beaucoup trop de l’emploi ; certains voudraient des congés parentaux plus courts mais mieux rémunérés. Il y a celles et ceux qui veulent que le congé soit partagé à égalité entre les hommes et les femmes ; il y a celles et ceux qui veulent qu’il y ait deux mois pour les hommes obligatoirement, au détriment du congé parental et j’allais dire de l’enfant. Or c’est, bien sûr, l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer.
Aujourd’hui, il n’y a donc pas de consensus sur ce sujet. En Europe même, il n’y a pas d’uniformité. C’est un sujet de société, sur lequel nous devons avoir un vrai débat. Nous avons organisé plusieurs axes de travail sur le congé parental et les congés familiaux dans leur ensemble. Nous devons continuer notre action.
Nous appartenions toutes les deux à la délégation aux droits des femmes : vous avez pu le constater, il n’y a pas d’unisson sur ce sujet, même en France. Je le disais, les partenaires sociaux ne se sont pas véritablement engagés : ils devaient nous rendre un rapport sur ce sujet, mais il n’est toujours pas arrivé.
C’est un sujet de préoccupation, et le Président de la République veut que ce sujet soit pris à bras-le-corps. Travaillons, afin que la France innove en ce domaine, ce que ne font pas les autres pays européens.
M. le président. La parole est à M. Jean Launay.
M. Jean Launay. La comparaison de notre situation avec celle des autres pays européens permet de mesurer notre fragilité structurelle, notamment en ce qui concerne le taux d’emploi des jeunes et des seniors. Je commence donc par constater que les conclusions de ce rapport – dont je salue au passage les auteurs – n’ont malheureusement pas été mises en œuvre par les lois de finances votées au cours de cette législature ; ainsi, les crédits de la mission « Travail et emploi » vont, cette année, diminuer de 12 % par rapport à 2011.
La comparaison avec l’Allemagne est très utilisée en ce moment, on le sait. L’enveloppe globale affectée aux politiques de l’emploi est presque identique, si l’on se réfère au tableau Eurostat de la page 177 du rapport : 2,55 % du PIB en Allemagne, 2,4 % en France.
Les montants sont donc à peu près semblables, mais il n’en demeure pas moins que le nombre de personnes concernées est moindre en Allemagne, si l’on se rapporte à la différence des taux de chômage dans les deux pays. En valeur relative, il me semble donc que l’on peut dire que l’Allemagne consacre plus de moyens que la France à la politique de l’emploi, mais aussi qu’elle obtient de meilleurs résultats.
Sur les emplois aidés, j’approuve également les recommandations formulées par les rapporteurs. Il est nécessaire de mettre un terme à l’instabilité juridique et financière que l’on constate de manière récurrente depuis 2002. Les politiques d’accompagnement stables et bien identifiées permettent plus facilement, je crois, un retour durable à l’emploi.
Nombre de parlementaires sont aussi élus locaux, notamment maires ; nous sommes donc nombreux à utiliser ces dispositifs, et je dois dire qu’il est souvent difficile de s’y retrouver. Et la complexité des acronymes divers n’est rien au regard de celle des modalités de mise en œuvre des différents contrats !
Enfin, sur les politiques familiales, j’ai relevé dans le rapport un point qui me semble essentiel : 3,7 % du PIB de notre pays est consacré à la politique familiale, ce qui nous place au premier rang des pays européens en ce domaine. C’est une bonne chose : notre forte natalité est un atout qui nous éclaire au milieu de nos faiblesses.
Pour autant, je crois qu’il ne faut pas baisser la garde en ce qui concerne les moyens des organismes financeurs, comme la CAF. Je pose donc à nouveau la question de la prise en charge des enfants de moins de trois ans : la politique de la petite enfance comporte en ce domaine des lacunes. Il faut donc nous interroger sur les moyens donnés aux collectivités, et notamment aux intercommunalités, pour pérenniser les solutions pratiques souvent mises en place localement dans ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. La comparaison avec l’Allemagne revient beaucoup ces jours-ci.
M. Michel Issindou. Ce n’est pas nous qui avons commencé ! (Sourires.)
Mme Nadine Morano, ministre. Je voudrais quand même rappeler que la France est le pays dont le système de protection sociale est le plus généreux, notamment devant l’Allemagne. Je le disais tout à l’heure à propos de l’assurance chômage, qui est beaucoup plus favorable en France qu’en Allemagne : en France, un jour travaillé donne droit à un jour indemnisé à partir de quatre mois de travail pendant deux ans, et trois ans pour les plus de cinquante ans. En Allemagne, deux jours travaillés donnent droit à un jour indemnisé à partir d’un an de travail, et pendant un an. Il y a, certes, des exemples à imiter en Allemagne, mais on ne va pas faire un copier-coller du dispositif allemand !
Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est pas ce que nous avons entendu dimanche soir ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Nadine Morano, ministre. Dimanche soir, le Président de la République a expliqué aux Français les dispositifs qui fonctionnent en Allemagne et qu’il convient d’adapter chez nous, notamment pour le coût du travail. Il a fait cette comparaison comme je la fais, par exemple, à propos de l’alternance.
A contrario, et c’est ce que j’ai dit ensuite quand j’ai été interrogée, il faut savoir que l’Allemagne s’inspire de la politique familiale menée en France. J’ai moi-même reçu Ursula von der Leyen lorsqu’elle était en charge de la famille, car elle souhaitait s’inspirer de notre politique familiale et développer une palette de modes de garde diversifiée. Je vous rappelle que le taux de natalité en Allemagne est de 1,4 enfant par femme, contre 2,1 chez nous, en France.
L’Allemagne s’inspire donc de nous sur certains sujets, et nous nous inspirons de l’Allemagne sur d’autres sujets importants. Mais nos dispositifs, notamment ceux qui concernent l’accompagnement des demandeurs d’emploi, ne sont pas construits de la même manière – je l’ai rappelé et le rapport le montre également : les personnels qui s’occupent de l’accompagnement sont plus nombreux en Allemagne, mais l’indemnisation est nettement inférieure. Nous faisons, nous, le choix d’un accompagnement de qualité, mais aussi d’une indemnisation plus importante.
S’agissant du développement de l’alternance, là aussi, nous nous inspirons de l’Allemagne, sans toutefois calquer le dispositif puisqu’il n’y a, là-bas, ni quotas ni mesures d’incitations financières. J’observe que certaines grandes entreprises ont leur propre organisme de formation, ce qui était le cas en France il y a vingt ou trente ans mais ne l’est malheureusement plus. Il faut revenir vers ces dispositifs, car ils correspondent à des formations intégrées aux besoins et à la culture de l’entreprise et permettent une formation plus efficace.
Enfin, le dispositif des emplois aidés est nécessaire dans certaines périodes et il convient d’en augmenter le nombre lorsque le besoin s’en fait sentir. Toutefois, et je pense que vous partagez cette préoccupation, on ne peut pas non plus se permettre de laisser des personnes dans des contrats aidés, car il s’agit d’un dispositif temporaire. Il faut faire en sorte que les personnes qui en bénéficient s’intègrent beaucoup plus facilement sur le marché de l’emploi.
J’entends parler des contrats aidés depuis que je me suis engagée en politique, même s’ils portent des noms différents au fil des ans. Notre objectif, et je le rappelle car on en voit l’efficacité aujourd’hui pour les personnes les moins qualifiées avec la préparation opérationnelle à l’emploi, est d’offrir des formations qui correspondent à la fois aux besoins de l’entreprise et aux attentes des demandeurs d’emploi.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Je le redis : il ne faut pas oublier la violence de la crise que nous subissons aujourd’hui. Malgré cette crise, la France consacre 5,1 % du PIB à la politique familiale, et non 3,7 % comme vous l’avez dit, soit 100 milliards d’euros, conformément aux souhaits du Président de la République.
Maintenir la politique familiale à ce niveau requiert un effort considérable. À ce titre, nous devons en avoir une certaine fierté, comme M. Juanico l’expliquait tout à l’heure.
J’en viens à la question de la scolarité dès l’âge de deux ans. Le code de l’éducation dispose que : « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, dès l’âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine ».
Mme Marie-Françoise Clergeau. On le sait !
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Nous répondons donc à ce que prévoit ce code.
La scolarité dès l’âge de deux ans peut être assumée par les communautés de communes, par exemple.
Une question me paraît essentielle : quel est l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Mme Marie-Françoise Clergeau. Nous parlons de l’offre de garde !
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Comment est un enfant à l’âge de deux ans par rapport à l’âge de trois ans ? Quels sont ses besoins ? Est-ce qu’un enfant de deux ans, qui est rarement propre, a besoin d’être scolarisé ? Doit-on en faire une généralité ? Ne doit-on pas plutôt diversifier ou expérimenter des modes de garde qui seraient compatibles avec les capacités de l’enfant et son évolution ?
Nous avons proposé des solutions innovantes qui répondent vraiment aux besoins de l’enfant. La crèche n’est pas la seule réponse, et elle coûte cher. Les parents peuvent se tourner aussi vers les assistantes maternelles ou les jardins d’éveil, qui ne sont pas l’opposition complète de la scolarité mais ni plus ni moins qu’un mode d’accueil différencié qui répond aux besoins de l’enfant.
Mme Marie-Françoise Clergeau. Les jardins d’éveil ne marchent pas !
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Ce mode de garde prend en compte les besoins économiques des parents puisque le coût est moins élevé et offre un accompagnement des familles qui n’existe pas à l’école.
Dans le cadre de l’accompagnement des familles, nous avons davantage pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, d’où notre politique familiale volontariste qui n’a pas été diminuée financièrement malgré la crise.
En résumé, nous avons deux paramètres importants : le soutien à la parentalité, c’est-à-dire l’accompagnement des familles, et l’intérêt supérieur de l’enfant ou, si vous me permettez cette nuance, le meilleur intérêt pour l’enfant.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.
Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce que veulent les parents, c’est savoir quels moyens de garde ils auront à leur disposition. À eux de choisir ensuite la meilleure offre de garde.
Madame Morano, vous avez lancé les jardins d’éveil avec l’objectif de créer 8 000 places. Or, dans l’excellent rapport de Mme Pinville sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 concernant la branche famille, il est indiqué que très peu de jardins d’éveil ont été créés.
Mme Martine Pinville. Ça n’a pas marché !
Mme Marie-Françoise Clergeau. Il y a sûrement des enfants qui peuvent intégrer l’école avant l’âge de trois ans parce qu’ils sont plus mûrs que d’autres, mais on doit pouvoir offrir une diversité et trouver un juste équilibre sans diminuer les capacités d’offres de garde en supprimant l’accès à l’école maternelle pour les moins de trois ans.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Pas du tout !
Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est pourtant ce qui se passe puisqu’il manquait 350 000 places en début de mandature et qu’il en manque toujours autant aujourd’hui, en raison des suppressions énormes de capacités d’accueil à l’école maternelle des enfants moins de trois ans.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. Je me suis rendue dans le Tarn-et-Garonne pour inaugurer des jardins d’éveil à Caussade et Nègrepelisse – une commune de droite et une commune de gauche –, ce qui prouve que ce dispositif a trouvé une unanimité. J’ajoute qu’en son temps Ségolène Royal préconisait le développement des jardins d’éveil.
Mme Marie-Françoise Clergeau et Mme Martine Carrillon-Couvreur. Des classes passerelles.
Mme Nadine Morano, ministre. Mme la défenseure des enfants, Claire Brisset, et l’ensemble des associations familiales de l’UNAF sont opposées à la scolarisation des enfants à l’âge de deux ans.
Mme Marie-Françoise Clergeau. À leur scolarisation systématique !
Mme Nadine Morano, ministre. Les jardins d’éveil proposent une démarche d’accompagnement beaucoup plus importante de l’enfant, qui peut y aller même s’il n’est pas propre, ce qui n’est pas le cas de l’école maternelle. J’ajoute que le taux d’encadrement y est plus élevé.
Nous nous sommes heurtés, disons-le clairement, à des barrages idéologiques sur ce thème. Certains élus de gauche nous ont dit qu’il était hors de question pour eux de créer des jardins d’éveil, même dans les structures scolaires comme cela a été le cas à Nègrepelisse ou Caussade. C’est dommage. Je m’étais heurtée, là aussi, et j’ai pu le constater dans mon département, à des barrages idéologiques lorsque l’on a fait adopter le dispositif de quatre agréments au lieu de trois par assistante maternelle.
Madame Clergeau, il serait bon que nous agissions de concert pour atteindre nos objectifs.
M. le président. J’ai cru comprendre que, dans la formule de scolarisation des enfants de moins de trois ans, le mot « systématique » avait son importance. Je disais cela pour alimenter le débat. (Sourires.)
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Vous avez raison, monsieur le président. Le mot « systématique » ne convient pas aux Français puisque nous ne sommes pas tous pareils.
Pour être souvent sur le terrain, je constate avec grand plaisir que les jardins d’éveil sont aujourd’hui prisés par les enseignants qui ont compris leur bien-fondé. Ils vont jusqu’à demander qu’une salle soit réservée, dans l’établissement scolaire, au jardin d’éveil, pour offrir une meilleure transition à l’enfant, voire à la famille puisque les enfants qui peuvent fréquenter ces jardins d’éveil ont souvent un aîné qui fréquente déjà l’école. Cela leur permet d’être ensemble dans la cour de récréation et même de partager des repas.
Comme l’a dit, à juste titre, Nadine Morano, ces jardins d’éveil étaient l’enjeu d’un combat idéologique qui n’avait d’autre intérêt que celui des adultes. Aujourd’hui, on prend véritablement en compte l’intérêt de l’enfant.
Je rappelle que les modes de garde diversifiés qui sont financés et insufflés par l’État doivent être repris par les collectivités locales.
M. Michel Issindou. On n’a plus d’argent !
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Les entreprises s’y investissent aussi.
Il faut absolument que les collectivités locales se rendent compte de l’intérêt qu’elles ont à offrir des modes de garde diversifiés pour le bien de leurs futurs électeurs.
Monsieur le président, permettez-moi enfin de remercier et féliciter les rapporteurs qui ont réalisé un travail remarquable et très enrichissant, fondé sur des comparaisons européennes, ce qui permet de progresser. Toutes les idées qui ont été exposées dans ce rapport sont transposables. Voilà le souhait que je formule. Au-delà, j’espère que ce rapport sera exploité avec la plus grande optimisation.
M. le président. Nous nous acheminons vers la conclusion de notre débat. À ce stade, il sied de donner la parole à nos deux rapporteurs.
Nous entendrons d’abord M. Michel Heinrich.
M. Michel Heinrich, co-rapporteur. Il est toujours frustrant pour des rapporteurs de résumer en cinq minutes le travail qu’ils ont effectué pendant une année.
Je veux revenir quelques instants sur la difficulté de l’évaluation et des comparaisons. Nous citons, dans le rapport, plusieurs exemples de pays qui ont de très faibles taux de chômage mais qui comptent un grand nombre de personnes handicapées ou en invalidité. De même, il faut savoir que l’Allemagne dissimule un nombre important de chômeurs à travers les mini-jobs puisque 4,5 millions de personnes bénéficient de ce système peu enviable qui consiste à faire travailler des chômeurs de longue durée à temps plein et de les payer 400 euros par mois. Si cela représente un effet d’aubaine pour les employeurs, ça ne l’est certainement pas pour les employés.
L’objet de ce rapport était d’évaluer les performances à l’aune de l’efficacité, de l’efficience et de la qualité du service pour l’usager. Il ne s’agissait pas d’arriver à dire que c’est nous qui dépensons le plus – cela nous le savions déjà – mais de se demander si l’on peut avoir le meilleur service possible étant donné que l’on dépense le plus.
Nous nous sommes livrés à une comparaison des systèmes d’indemnisation du chômage au plan européen, comparaison qui n’existait pas jusqu’à présent. Un grand nombre d’experts que nous avons rencontrés estiment qu’une indemnisation très élevée et très longue est plutôt un frein au retour à l’emploi.
De même, le marché du travail, quand on l’aborde dans sa globalité, est pénalisé d’abord par le coût du travail, ensuite par la structure de la rémunération, insuffisamment progressive – en tout cas en France –, enfin par l’intensité du travail, à savoir l’usure.
Par ailleurs, si une convention tripartite fixe une nouvelle feuille de route à Pôle emploi, j’insisterai sur la nécessité impérative d’un meilleur accompagnement et sur la nécessité d’un décloisonnement entre les services sociaux et les services de l’accompagnement dans l’emploi.
En ce qui concerne la question que Mme la secrétaire d’État chargée de la famille m’a posée sur les politiques relatives aux familles monoparentales, il n’existe pas de modèle européen unique mais des politiques très différentes, sachant que ceux qui obtiennent le meilleur résultat sont ceux qui n’ont pas de politique à destination des familles monoparentales... Cela dit, les Britanniques, qui en ont mené une, ont, eux aussi, obtenu de très bons résultats.
M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico, co-rapporteur. Comme l’a mentionné Michel Heinrich, il est toujours frustrant de devoir s’exprimer en quelques minutes sur un rapport qui compte plus de 500 pages. Je souhaiterais néanmoins obtenir une réponse à propos des préconisations assez précises que nous avons faites sur l’expérimentation et l’évaluation des politiques sociales, notamment les préconisations visant à mieux associer le Parlement mais aussi les collectivités locales – il faut, en effet, améliorer l’évaluation de ces politiques dans les territoires.
Pour ce qui est de l’emploi et plus particulièrement des contrats aidés, pourquoi considérons-nous qu’une stabilité des règles s’impose ? C’est qu’elles changent tous les six mois, qu’il s’agisse de la durée des contrats, des taux de subvention ou de la qualité des contrats proposés aux bénéficiaires. Cette instabilité est très mauvaise pour la lisibilité des structures qui emploient mais aussi pour leurs bénéficiaires. Nous estimons que la durée des contrats aidés doit permettre d’assurer une formation pour garantir ensuite une insertion durable. Il s’agit donc, une fois pour toutes, de figer les règles pour les rendre stables dans la durée.
En ce qui concerne Pôle emploi, je compléterai l’intervention de Michel Heinrich. Si nous demandons une augmentation des moyens humains de Pôle emploi, ce n’est pas seulement une question de chiffres mais c’est aussi pour des raisons qualitatives. Nous souhaitons renforcer la culture de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Quand on a un million de chômeurs en plus en France en cinq ans, il est bien évident que ce n’est pas avec mille contrats à durée déterminée de plus qu’on parviendra à favoriser un tel accompagnement.
Le Royaume-Uni s’est, en la matière, montré beaucoup plus pragmatique en augmentant de 16 000 personnes les effectifs de son service public de l’emploi au moment de la crise. Ce chiffre est de 5 000 personnes pour l’Allemagne. La question n’est donc pas seulement, j’y insiste, d’un accroissement quantitatif mais surtout de proposer un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi.
Ensuite, en matière de politique familiale, si la scolarisation des enfants de moins de trois ans ne fait pas consensus, au moins pouvons-nous nous mettre d’accord sur le fait que la scolarisation à l’âge de deux ans est un mode de garde complémentaire des autres et financièrement accessible.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. On ne peut pas dire qu’il s’agit d’un mode de garde !
M. Régis Juanico, co-rapporteur. Si, car elle peut représenter un mode de garde complémentaire pour de nombreuses familles.
Nous ne proposons pas de généraliser ce dispositif sur l’ensemble du territoire – on ne compte plus que 13 % d’enfants scolarisés à cet âge –, mais, dans certains quartiers, il donne des résultats excellents. Si nous voulons atteindre l’objectif de 200 000 ou 350 000 places supplémentaires de mode de garde, il faut absolument préserver, voire augmenter, le taux de scolarisation des moins de trois ans, ce qui peut être dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Enfin, je note un relatif consensus politique sur un congé parental plus court, mieux rémunéré et plaçant les deux parents sur un pied d’égalité. Si, comme c’est le cas pour d’autres réformes de la politique familiale, il faut attendre l’accord de l’UNAF, nous n’avancerons jamais. Je suis d’accord avec vous pour considérer que les partenaires sociaux doivent être mieux impliqués dans ces questions d’égalité entre les hommes et les femmes, et de conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. Cette implication est indispensable, nous sommes bien d’accord !
M. Régis Juanico, co-rapporteur. Nous l’indiquons dans le rapport. Nous devons développer les négociations de branches et les négociations collectives sur l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle au sein des entreprises.
Si la position quelque peu figée de l’UNAF constitue le seul élément de blocage, nous ne parviendrons jamais, je le répète, à avancer sur cette question-là, non plus que sur d’autres relevant des politiques familiales – mais ce n’est pas le sujet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Claude Greff, secrétaire d’État. J’ai bien entendu l’intervention de Régis Juanico. Avancer que l’école est un mode de garde ne fera pas plaisir aux enseignants qui ont un vrai métier consistant à assurer un apprentissage. Sinon, je suis d’accord avec vous : inscrire certains enfants à l’école dès l’âge de deux ans peut se révéler tout à fait bénéfique pour eux, ne serait-ce que pour l’apprentissage de la langue française – ils vivent, en effet, souvent dans une famille qui ne connaît pas notre langue. Il s’agit donc d’un moyen plus efficace pour s’intégrer. Aussi, de grâce, ne dites pas qu’il s’agit d’un mode de garde : les modes de garde, dans leur diversité, sont du ressort de la politique familiale.
Votre rapport montre qu’il n’existe pas de culture commune, ce qui rend très difficile la définition d’un référentiel qu’il faut pourtant construire avec les collectivités territoriales. En effet, nous ne disposons pas d’un état des lieux de la politique familiale et des prestations familiales et sociales à cet échelon.
L’accueil de l’enfant, quant à lui, fait l’objet de microprojets dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 » avec l’appui du FSE : le projet « Progress 2014-2020 » prévoit 574 millions d’euros, dont 97 millions pour les projets expérimentaux. L’expérimentation est donc devant nous.
Enfin, en ce qui concerne la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, l’UNAF n’est pas du tout un élément de blocage. Je vous rappelle que c’est bien avec les partenaires sociaux que Roselyne Bachelot et moi-même avons engagé les concertations sur le congé parental et que ce sont bien les partenaires sociaux qui n’ont pas vraiment manifesté l’envie de s’accaparer le sujet.
M. le président. Le débat est clos, je vous remercie d’y avoir participé.
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale,
Nicolas Veron