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Délégation pour l’Union européenne

mercredi 2 juillet 2008

15 heures

Compte rendu n° 55

Présidence de M. Daniel Garrigue, Vice-Président de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale

I. Réunion avec la Commission de l’espace économique européen du Parlement islandais

II. Audition de Mme Meglena Kuneva, commissaire européenne à la protection des consommateurs (ouverte à la presse)

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

I. Réunion avec la Commission de l’espace économique européen du Parlement islandais

Le Président Daniel Garrigue s’est déclaré très heureux d’accueillir la délégation islandaise en soulignant que c’est la première fois que la Délégation reçoit des députés islandais.

Il a ensuite posé des questions sur :

- le fonctionnement de l’Espace économique européen (EEE), comprenant les pays de l’Union européenne, l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein, où s’appliquent les quatre libertés de circulation, des services, des marchandises, des capitaux et des personnes,

- l’association de l’Islande à l’élaboration des règles européennes concernant les questions entrant dans les attributions de l’EEE,

- la position de l’Islande à l’égard d’une éventuelle adhésion à l’Union européenne,

- l’attitude de l’Islande sur les priorités de la présidence française de l’Union européenne : l’immigration, le  « paquet énergie – climat », la défense, sujet particulièrement sensible compte tenu de la situation stratégique de l’Islande, et la politique agricole commune, enjeu très important pour la France et un certain nombre de pays.

M. Jérôme Lambert, après avoir souhaité la bienvenue à la délégation islandaise, a demandé comment l’Islande pouvait être, d’après un récent rapport de l’ONU, le pays le plus heureux du monde.

La Présidente Katrín Júlíusdóttir, membre de l’Alliance sociale-démocrate, a précisé être la Présidente de la délégation islandaise à l’Association européenne de libre échange (AELE) et à l’EEE et la Présidente de la commission de l’industrie du Parlement islandais. La délégation islandaise souhaite obtenir des informations sur les intentions et les politiques de l’Union européenne compte tenu de l’accord de libre échange entre l’EEE et l’Union européenne de 1992.

Mme Arnbjörg Sveinsdóttir a indiqué être membre du Parti de l’indépendance et également de la délégation islandaise à l’AELE et à l’EEE. Elue de la côte Est de l’Islande et membre de la commission des pêches et de l’agriculture du Parlement islandais, elle s’est déclarée particulièrement intéressée par les questions maritimes.

M. Ármann Kr. Ólafsson a mentionné être membre du Parti de l’indépendance et de la commission du Budget du parlement islandais.

La Présidente Katrín Júlíusdóttir a observé que les relations entre la France et l’Islande sont excellentes depuis très longtemps. Les contacts entre les deux pays sont nombreux tant en matière culturelle et économique que du point de vue politique, rappelant la récente visite officielle en France du Président du Parlement islandais.

La coopération est également exemplaire en matière de défense. Ainsi, en juin dernier, quatre avions français, assistés de plus de cent personnes, ont patrouillé dans l’espace aérien islandais dans le cadre des accords de l’OTAN, ce qui est de nature à renforcer les relations entre les deux pays.

Il est très important pour l’Islande de connaître les priorités de chaque nouvelle présidence de l’Union européenne dans la mesure où l’EEE coopère avec l’Union européenne sans en être membre et est concernée par les quatre libertés fondant le marché unique européen. Ainsi, par exemple, l’EEE a mis en œuvre toute la législation européenne sur le marché unique. Ses règles sont régulièrement actualisées en fonction de la réglementation européenne : plus de cinq mille textes européens ont été ainsi transposés ou intégrés à l’EEE.

Les relations sont historiquement très étroites avec la Commission européenne mais le renforcement des pouvoirs du Parlement européen a entraîné un affaiblissement de ces liens. Il est donc nécessaire de les développer de nouveau et de trouver comment renforcer l’implication de l’Islande dans le mécanisme décisionnel.

L’Islande est plus ou moins intégrée selon les domaines en cause. Ainsi les relations sont très bonnes en matière de politique maritime où les observations de l’Islande ont été prises en compte dans le dispositif de l’Union et l’Islande est membre de l’espace Schengen. Par contre la politique agricole commune, la politique commune de la pêche et la justice et les affaires intérieures sont plus secondaires pour l’Islande.

Elle a souligné que le débat sur l’opportunité d’adhérer à l’Union européenne, qui se poursuit depuis longtemps, était capital pour l’Islande. Son parti, l’Alliance sociale-démocrate, est le seul favorable à l’adhésion de l’Islande à l’Union européenne. Lors de la formation du gouvernement actuel, en 2007, il a été décidé de ne pas inscrire dans l’immédiat l’adhésion dans le programme de la coalition. Il faut approfondir les relations avec l’Union européenne dans le cadre de l’accord de libre échange. Il est très important de renforcer parallèlement les liens parlementaires. Il convient de renforcer la participation de l’Islande aux mécanismes décisionnels de l’Union européenne, ainsi qu’aux groupes de travail et aux groupes d’experts, afin de défendre au mieux les intérêts islandais.

Le principal facteur de réticence à l’adhésion est la politique commune de la pêche. La pêche représente 30 % du revenu national – un intérêt crucial pour l’Islande.

Le Président Daniel Garrigue a souhaité savoir si les intérêts de l’Islande et de l’Union européenne en matière de pêche étaient très opposés.

M. Jérôme Lambert a estimé que les réserves de pêche étaient communes, que l’on soit sur le continent européen ou en Islande et que la nécessité de les gérer au mieux était collective.

La Présidente Katrín Júlíusdóttir a indiqué qu’aucun Etat membre de l’Union européenne ne dépend autant de la pêche que l’Islande. Actuellement, tous les investissements dans ce secteur sont nationaux et il y a de fortes réticences à autoriser les investissements étrangers. Si l’on souhaite trouver un accord avec l’Union européenne sur les réserves dans les eaux islandaises, celui-ci devra être spécifique. Les réserves communes ne sont pas très importantes et elles font déjà l’objet d’un accord. On peut être optimiste sur les possibilités d’un accord particulier, comme celui qui avait été trouvé avec la Finlande et la Suède sur l’agriculture. La politique de la pêche de l’Union européenne repose sur des considérations régionales qui ne s’appliquent pas à l’Islande. Les partisans de l’adhésion à l’Union européenne souhaitent une solution satisfaisante sur la question de la pêche.

Un autre sujet de préoccupation est que les pays participant à l’accord de libre échange ne sont pas suffisamment associés à l’élaboration de la législation européenne. L’adhésion à l’Union européenne permettrait à l’Islande d’être mieux entendue qu’elle ne l’est actuellement, par exemple sur la question des crédits d’émission de CO2 dans les domaines aérien et maritime. L’Islande est en effet très dépendante de ces modes de transport, en raison de sa situation géographique.

Les opinions sur la question de l’adhésion à l’Union européenne évoluent en fonction des difficultés économiques islandaises. Ainsi, la faiblesse actuelle de la monnaie, la couronne, est un facteur de renforcement des opinions en faveur de l’adhésion.

La Présidente Katrín Júlíusdóttir a ensuite indiqué que la délégation islandaise était très intéressée par la présidence française de l’Union. Elle a souhaité savoir comment celle-ci allait réagir au « non » irlandais et œuvrer à trouver une solution d’ici le Conseil européen d’octobre.

Le Président Daniel Garrigue a rappelé que, pour certaines adhésions, des périodes transitoires avec le maintien de règles particulières ont été prévues.

Face au « non » irlandais, trois attitudes sont possibles. Dans un premier temps, il faut essayer de convaincre les Irlandais de revenir sur leur décision. Pour cela, le meilleur moyen est la poursuite du processus de ratification du traité de Lisbonne. Il y a actuellement des incertitudes sur la position de la République tchèque. En revanche, même si le Président polonais a fait hier une déclaration la remettant en cause, la ratification par la Pologne est acquise. Il faut avoir des discussions avec l’Irlande et espérer que les Irlandais feront eux-mêmes des propositions.

La deuxième possibilité est que le traité de Lisbonne n’entre pas en vigueur. Actuellement, le cadre du traité de Nice permet à l’Europe de fonctionner.

Enfin, il serait possible de développer des coopérations renforcées, prévues par le traité de Nice, entre les Etats qui le souhaitent, dans différents domaines.

L’idéal serait bien sûr que l’Irlande se rallie au traité de Lisbonne, qui rend les mécanismes de décision plus efficaces par rapport au traité de Nice et qui renforce les pouvoirs du Parlement européen ainsi que le rôle des Parlements nationaux, notamment dans le contrôle du principe de subsidiarité.

La France est donc déterminée à tout faire pour aller jusqu’au bout du processus de ratification du traité de Lisbonne.

M. Jérôme Lambert, après s’être déclaré en accord avec les propos de M. Daniel Garrigue, a estimé que ce qui s’est passé en Irlande aurait pu se passer dans d’autres Etats membres. Il est regrettable que trop souvent les citoyens européens se sentent éloignés des institutions européennes ou opposés à elles, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Il faut réfléchir au fonctionnement de ces institutions. Il n’est pas certain que le traité de Lisbonne offre aux citoyens européens un espace démocratique et transparent, leur permettant de s’approprier la politique européenne. Quand on parle d’Europe, une partie importante de la population a une attitude de méfiance et de rejet parce qu’elle ne comprend pas.

Après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qu’il faut espérer, il conviendra de lancer une réflexion sur la démocratie européenne, pour éviter une nouvelle crise dans cinq ou dix ans. Pour cela, des politiques européennes répondant mieux aux attentes des citoyens sont nécessaires. Le mécontentement vis-à-vis de l’Europe repose sur des problèmes sociaux et politiques.

Le Président Daniel Garrigue a souligné l’inquiétude des Européens face à la mondialisation, l'Europe n’apparaissant pas comme disposant des instruments et des réponses adaptés pour réagir et défendre leurs intérêts. Un autre aspect problématique est que dans de nombreux pays, face à une difficulté, beaucoup cèdent à la tentation d’incriminer l'Europe. Il n’existe pas de volonté suffisante d’expliquer le rôle positif de la construction européenne.

La Présidente Katrín Júlíusdóttir a rappelé qu’un des points positifs du traité de Lisbonne est la mise en œuvre du principe de subsidiarité et le renforcement du rôle des parlements nationaux. Ce traité rendrait les parlementaires nationaux davantage responsables des décisions européennes. Quels changements sont prévus en France dans le travail parlementaire afin de mettre en œuvre les nouvelles procédures ?

Le Président Daniel Garrigue a exposé le rôle de la Délégation pour l'Union européenne en matière de contrôle de subsidiarité. Cette dernière peut ainsi tirer la sonnette d’alarme face à un projet de texte problématique. La Délégation examine en effet les projets de texte très en amont pour signaler les problèmes éventuellement posés à notre législation. Un grand nombre de rapports est ainsi déposé chaque année sur des sujets très variés. La seule possibilité aujourd'hui est d’adopter une résolution qui attire l’attention du Gouvernement sur tel ou tel aspect, celle-ci étant renvoyée aux commissions permanentes et débattue, malheureusement trop rarement, en séance publique, à l’exemple de la directive « services ».

M. Jérôme Lambert a rappelé que lors d’une réunion de la COSAC il y a deux ans, il a été décidé que les parlements nationaux mettraient en place une procédure expérimentale avant la réforme des institutions et émettraient désormais des avis en direction de la Commission. Un parlementaire de la majorité et un de l’opposition sont chargés à la Délégation des questions de proportionnalité et de subsidiarité. Plusieurs textes ont ainsi été traités, tels que la proposition de directive sur l’achèvement du marché intérieur des services postaux, la proposition de règlement sur la compétence et les règles relatives à la loi applicable en matière matrimoniale, et la proposition de décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme. La Commission a répondu à l’avis motivé de non-conformité à la proportionnalité de l’Assemblée nationale en le rejetant. Le système est encore expérimental et pourrait, bien sûr, être amélioré.

Le Président Daniel Garrigue a ajouté que si seul le traité était adopté, plusieurs parlements nationaux pourraient émettre des avis concordants, ce qui accroîtrait significativement leur impact. Par ailleurs, le Parlement européen étant devenu un vrai Parlement et ayant trouvé sa place en tant que colégislateur, le rôle des parlements nationaux est de mieux en mieux reconnu car il est admis qu’ils ne mettent pas en cause le Parlement européen. D’ailleurs, les échanges sont de plus en plus fréquents entre les parlements nationaux et le Parlement européen.

M. Ármann Kr. Ólafsson a souhaité revenir sur l’importance de la politique de la pêche pour l’Islande. En effet, cette activité représente 30 % des recettes nationales, contre 60 % il y dix ans. Les ressources ont beaucoup diminué, du fait, notamment, des évolutions climatiques. En Islande, toutes les populations en dehors de la communauté urbaine de Reykjavik dépendent quotidiennement de la pêche. Cette question revêt donc une importance cruciale. Une politique de préservation des réserves dans les eaux territoriales a été mise en œuvre dans le cadre d’une gestion durable des ressources.

L’Islande dépend également beaucoup du tourisme, qui ne peut s’envisager qu’avec une desserte par avion. La question des certificats « carbone » est donc aussi fondamentale.

Il a observé qu’en Islande, la population ne se sent pas proche des institutions européennes et ne les comprend pas. Il s’est interrogé sur la manière par laquelle le traité pourrait résorber ce déficit démocratique et sur les moyens de convaincre que l'Union européenne s’occupe bien concrètement des problèmes des peuples.

Le Président Daniel Garrigue a indiqué qu’une grande raison des difficultés européennes est le fait que l'Europe n’apparaisse pas assez active face à la mondialisation. La présidence française va s’attacher à travailler sur des sujets très importants pour les citoyens européens. C’est ainsi que le Président de la République et le Gouvernement ont mis au premier rang des priorités l’immigration, pour laquelle le développement d’une politique cohérente et harmonisée s’impose ; le climat et l’énergie, avec un objectif ambitieux d’une diminution de 20 % des gaz à effet de serre et de la consommation d’énergie ; la défense, car les menaces ont beaucoup changé en vingt ans, en particulier s’agissant du terrorisme, ce qui a amené la France à revenir dans l’OTAN avec l’idée d’y bâtir un pilier de défense européen ; enfin, le bilan de santé de la PAC, les données de cette politique ayant été bouleversées par l’augmentation des prix. Une autre question importante est celle des fonds souverains, qui sont des fonds d’Etats ayant la possibilité d’investir dans d’autres pays. Il est nécessaire de s’organiser face au développement de ces fonds.

M. Jérôme Lambert a souligné les différences d’appréciation qui existent entre l’opposition et la majorité en France. En effet, si les questions d’immigration, de climat, d’énergie, de défense et de PAC sont importantes, il n’en demeure pas moins que les citoyens sont prioritairement préoccupés par les questions sociales avec le développement de la concurrence intra-européenne. Il serait également nécessaire de traiter des règles de l’OMC et des problèmes économiques et monétaires. Ces questions là auraient mérité un traitement prioritaire.

La Présidente Katrín Júlíusdóttir a exposé la politique islandaise en matière d’énergie. L’Islande a la chance d’avoir à sa disposition une grande quantité d’énergie renouvelable qui représente 70 % de la consommation du pays. Cette énergie est à 75 % hydraulique et à 25 % géothermique. Par ailleurs, les experts estiment qu’un tiers seulement des ressources est exploité. L’Islande continue, en outre, à innover et a récemment entrepris des carottages à six kilomètres de profondeur afin de rechercher de l’eau chaude. Le pays, qui a accumulé une somme considérable de connaissances, a entrepris de nombreux projets partagés avec l’Allemagne et en Europe de l’Est et souhaite contribuer aux objectifs ambitieux de l'Europe. A titre d’illustration, elle a ajouté que l’ensemble de la flotte automobile pourrait être électrifiée car l’Islande dispose de suffisamment d’électricité pour recharger les véhicules pendant la nuit. De nombreux projets concernant les biocarburants ou encore l’hydrogène sont également bien avancés. L’Europe a-t-elle défini précisément les possibilités et les limites de l’exploitation des énergies renouvelables ?

Le Président Daniel Garrigue a indiqué que, s’agissant des énergies renouvelables, il existe un sujet conflictuel dans l’Union européenne : la question de la place de l’énergie nucléaire. Cette énergie est bien un enjeu, puisqu’elle ne se traduit pas par des émissions de gaz carbonique. La France la privilégie, et d’autres pays l’ont également choisie, mais c’est un sujet de débat, particulièrement en Allemagne. Sur les autres sources d’énergie, il existe d’importantes différences entre Etats (énergie hydro-électrique, éoliennes…). Des progrès considérables pourraient être faits en termes d’économies d’énergie, notamment en France où, sur les quinze dernières années, l’habitat et le transport ont augmenté de 20 % leurs émissions de gaz à effet de serre tandis que l’industrie réduisait les siennes de 15 %.

M. Jérôme Lambert a indiqué qu’il existe aussi un débat en France sur les biocarburants : doit-on se lancer dans un vaste développement de ce type d’énergie ? C’est l’un des objectifs mis en avant par la Commission, et cet objectif de 10 % peut être atteint mais il n’est pas pertinent d’essayer d’aller au-delà étant donné les difficultés des marchés de produits alimentaires dans le monde. Il est souhaitable de développer une politique en faveur de la production d’énergie à partir de végétaux non alimentaires, d’augmenter également le parc éolien français ainsi que le secteur photovoltaïque. L’énergie hydro-électrique représente 15 % de la production d’électricité en France, contre 80 % pour le nucléaire, et il y a peu de possibilités d’accroître cette part. La France a conscience que de grandes mutations sont nécessaires en matière de consommation énergétique, en particulier dans l’habitat et les transports.

Mme Arnbjörg Sveinsdóttir a indiqué qu’en Islande l’objectif est de réduire de 50 à 75 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Mais pour cela, il faut des progrès technologiques. Elle a à cet égard évoqué l’intéressant projet de recherche mené à Grenoble par le CEA sur l’hydrogène, relevant que l’on se dirige en France vers une solution imaginable dans ce domaine. La flotte islandaise utilise bien sûr de l’énergie fossile ; c’est pourquoi un effort important va être indispensable pour atteindre l’objectif.

M. Ármann Kr. Ólafsson a demandé combien de nouvelles centrales nucléaires seront construites dans l’Union européenne dans les prochaines années.

Le Président Daniel Garrigue a évoqué les EPR en cours de réalisation : le projet EPR à Flamanville en France, un autre EPR en construction en Finlande. D’autres pays de l’Union sont décidés à relancer leur programme de construction, comme le Royaume-Uni, ou doivent régler le problème de leurs centrales nucléaires vieillissantes, comme la Bulgarie. Les Etats-Unis marquent d’ailleurs aussi un intérêt renouvelé pour l’énergie nucléaire.

M. Jérôme Lambert a indiqué qu’il existe en France une cinquantaine de réacteurs nucléaires et que le parc actuel suffit amplement à répondre aux besoins français. Un nouveau réacteur est effectivement en construction, mais il ne sera pas nécessaire d’en construire plusieurs dans l’immédiat. En revanche, d’ici dix ou quinze ans se posera la question du renouvellement du parc actuel. Il y a en France un assez large consensus politique pour le maintien du recours au nucléaire.

Le Président Daniel Garrigue a interrogé la délégation islandaise sur la position de l’Islande en matière de défense.

La Présidente Katrín Júlíusdóttir a mis l’accent sur la relation forte qui existe entre l’Islande et les Etats-Unis dans ce domaine, tout en indiquant que l’armée américaine vient de fermer une base en Islande. L’Islande est membre de l’OTAN, et sa politique de défense n’évolue donc pas beaucoup par rapport à ce positionnement traditionnel.

M. Jacques Myard a souhaité savoir si les Islandais estiment qu’il y a place pour une identité européenne en matière de défense, pour une défense européenne. Est-il concevable que des pays comme l’Allemagne, l’Italie, la France, aient une conception différente de celle des Etats-Unis en matière de défense ?

La Présidente Katrín Júlíusdóttir a indiqué que cette question n’est pas évoquée en Islande. Rien ne peut évidemment être totalement exclu pour l’avenir, mais actuellement l’Islande reste attachée à l’OTAN.

Le Président Daniel Garrigue a fait valoir qu’un débat est en cours aujourd’hui sur l’évolution de l’Alliance atlantique et la possibilité d’un pilier européen dans l’OTAN.

Il a ensuite remercié la délégation islandaise en soulignant combien l’expérience islandaise dans un certain nombre de domaines comme l’énergie mérite d’être mieux connue qu’elle ne l’est.

La Présidente Katrín Júlíusdóttir a remercié la Délégation pour son invitation, en soulignant que l’Islande et la France ont de nombreux points communs, dont le plus visible est d’être Européen, et qu’il y a de nombreux domaines dans lesquels une coopération serait souhaitable. Le marché unique est très important pour l’économie islandaise, bien que l’Islande ne projette pas aujourd’hui d’adhérer à l’Union européenne. En revanche l’Islande veut jouer un rôle actif dans les organisations internationales dont elle est membre, notamment à l’ONU où elle a l’ambition d’obtenir un siège au Conseil de sécurité. Elle a conclu en invitant la Délégation à se rendre à son tour en Islande.

II. Audition de Mme Meglena Kuneva, commissaire européenne à la protection des consommateurs (ouverte à la presse)

Le Président Daniel Garrigue a préalablement rappelé l’importance des règles communautaires en matière de protection des consommateurs, articulées autour de huit directives, et a estimé que lever les obstacles auxquels se heurte actuellement le commerce transfrontalier, notamment le commerce par internet, constituait l’un des principaux défis.

Mme Meglena Kuneva, commissaire européenne à la protection des consommateurs, a d’abord souligné, s’appuyant sur son expérience de parlementaire, son attachement au rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne, tel qu’il est notamment reconnu par le traité de Lisbonne.

La protection des consommateurs est l’un des sujets auxquels sont très sensibles les citoyens européens, notamment en France. La révision de l’acquis communautaire est l’un des principaux projets en cours. L’essentiel des travaux s’est pour l’instant concentré sur la future directive-cadre sur le droit des contrats, laquelle aura une portée générale et non sectorielle. Il s’agit de préparer la meilleure législation possible, adaptée aux enjeux du XXIe siècle. Aussi les parties prenantes ont-elles été consultées. Cette directive-cadre s’attachera à définir les principales notions et à fixer les règles générales applicables aux contrats.

L’objectif est de faire bénéficier les consommateurs des avantages du marché intérieur, lequel leur a pour l’instant été moins profitable qu’aux grandes entreprises.

De même que d’ailleurs les PME, notamment les toutes petites entreprises, qui sont parfois unipersonnelles, les consommateurs seront en meilleure situation pour effectuer des transactions transfrontalières si les règles applicables dans les vingt-sept Etats membres sont les mêmes. Actuellement, vingt-six législations différentes de la sienne sont en vigueur pour les achats dans un autre Etat membre que celui de résidence. Cette hétérogénéité et cette incertitude sur la teneur des règles applicables nuisent notamment au développement du commerce par internet. Le particulier ne se sent pas en confiance. Par exemple, s’agissant des biens utilisés à temps partagé (« time share », en anglais), la durée du délai de rétractation n’est pas la même selon les pays. L’achat d’un téléviseur par internet entraîne une incertitude sur les garanties comme sur les facultés de remboursement en cas de difficulté.

Par ailleurs, la proposition de directive sur l’utilisation des biens à temps partagé, en cours d’examen par le Parlement européen, devrait aboutir sous présidence française, celle-ci s’efforçant de trouver la meilleure solution possible.

Pour la suite, une communication sur les recours collectifs sera présentée par la Commission. Elle constituera la première étape d’un futur processus législatif européen. Les différentes parties prenantes ont été consultées. Sur le fond, il ne s’agit pas de prévoir une procédure à l’américaine, mais plutôt de protéger le consommateur en l’incitant à défendre et à faire valoir ses droits. Les surtarifications, par exemple, sont le type même des mauvaises pratiques contre lesquelles il faut réagir.

Au-delà de son volet législatif, la protection des consommateurs à l’échelle européenne repose actuellement sur le suivi d’un tableau de bord avec différents indicateurs, notamment le niveau des prix, la satisfaction des consommateurs, les plaintes et les atteintes à la sécurité des produits. Ce suivi a notamment permis de comprendre que la différence des prix du pain, détectée par l’autorité nationale compétente, entre l’Irlande et le Royaume-Uni, meilleur marché, s’expliquait pas la présence d’un véritable cartel dans le premier Etat membre.

M. Jérôme Lambert a tenu à saluer la présence de la commissaire Meglena Kuneva, qu’il avait rencontrée quelques années auparavant en Bulgarie, pendant la procédure d’adhésion.

Evoquant l’opportunité de prévoir des taux de TVA différenciés selon les secteurs, il a estimé que cette question, qui relevait certes de la fiscalité, concernait très directement le consommateur. Les taux réduits de TVA sont ainsi essentiels. La France a bénéficié du dispositif « expérimental » sur les travaux du bâtiment. Depuis plusieurs années les autorités françaises demandent également, en vain, la faculté d’appliquer un taux réduit à la restauration, ce qui est conforme au point de vue des consommateurs.

En réponse, la commissaire a indiqué comprendre les préoccupations exprimées. Une proposition de directive est en cours pour permettre d’appliquer la TVA à taux réduit à plusieurs produits et services, notamment du secteur culturel. La mesure précise évoquée, qui ne relève d’ailleurs pas de ses compétences, est assez complexe car il faut tenir compte de tous les points de vue. Il est clair que, pour la France, le taux réduit pour la restauration est très important.

Mme Marietta Karamanli a d’abord demandé des précisions sur la modernisation du droit européen de la consommation et de la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs, lesquelles ont fait l’objet de travaux de la Délégation. Le 20 juin dernier, la commissaire a ainsi proposé cinq priorités en matière de politique de consommateurs à l’ère numérique : un corpus unique de règles, la révision des restrictions imposées par les fournisseurs à la distribution sur internet, les obstacles aux transactions transfrontalières, la suppression des nouvelles pratiques commerciales déloyales et le respect de la vie privée. Par ailleurs, la future directive-cadre sur les contrats a été annoncée. Quel est le calendrier envisagé, de même que pour les directives sectorielles qui l’accompagneront ? Quels dispositifs juridiques nouveaux seront par ailleurs prévus ?

Mme Marietta Karamanli a également estimé opportun d’intégrer certains domaines spécifiques de la consommation dans les droits essentiels des consommateurs qui seront prévus par la directive-cadre, notamment les nouveaux types d’accès au crédit, le commerce électronique, ainsi que les droits du consommateur « digital », en matière de téléchargement.

Puis, elle a évoqué :

- les recours collectifs, auxquels le Parlement européen ainsi que les Etats membres sont favorables ;

- les points encore en débat de la proposition de directive sur l’utilisation des biens à temps partagé ;

- la sécurité des produits, notamment les enseignements du système RAPEX et la coopération entre l’Union européenne et la Chine, pays d’où provient la majorité des produits identifiés comme dangereux ;

- les principaux points en débat sur la proposition de directive relative à la sécurité des jouets ;

- les services d’intérêt général, étant nécessaire de tenir compte des attentes des particuliers, lesquels se sentent souvent désorientés par le démantèlement, sous l’impulsion de la Commission européenne, de leur cadre habituel ;

- enfin, le scandale de l’huile frelatée, 280 tonnes d’huile de moteur ayant été introduites dans un lot de 40 000 tonnes d’huile de tournesol importée d’Ukraine. La décision de l’Union d’autoriser un dépassement des normes jusque-là admises en permettant la vente de tous les aliments contenant moins de 10 % ne constitue-t-elle pas une erreur, d’autant qu’elle a été prise dans des conditions très peu transparentes ?

En réponse, la commissaire a apporté les précisions suivantes :

- la future directive-cadre concerne le droit général des contrats : le transfert de risque, la définition des contrats à distance, la liste noire pour les pratiques déloyales devraient notamment y figurer, de même que la définition du consommateur et celle du professionnel. En ce qui concerne la période de rétractation, seront entre autres visés l’exercice du droit de retrait et ses effets. De même, une définition de la notion d’information suffisante est prévue. Cet ensemble constituera un progrès substantiel par rapport à la situation actuelle ;

- l’adaptation de la législation à la protection des consommateurs sur internet conduira à mettre en œuvre un certain nombre de réformes visant, notamment, les enchères en ligne, la vente à distance ou encore le démarchage à domicile. L’objectif est d’apporter davantage de clarté sur les échanges en ligne et de renforcer les codes de conduite, qui figurent déjà dans les dispositions en vigueur pour le commerce électronique ;

- s’agissant des recours collectifs, ceux-ci doivent être clairement distingués des class actions à l’américaine, dans la mesure où l’on souhaite mettre en place un simple recours alternatif permettant de percevoir un dédommagement pour le seul préjudice subi, sans dédommagement « punitif ». Pour être concret, un consommateur subissant un préjudice de 100 euros pourra réclamer un remboursement de 100 euros et non pas de 150 euros. Les discussions se poursuivent pour savoir si ce recours sera limité aux transactions transfrontalières ou s’il sera étendu à l’ensemble des échanges dans le marché intérieur ;

- sur la question de la multipropriété, la proposition de directive doit être soumise au Parlement européen en septembre prochain. Un accord en première lecture est envisageable. Tout dépendra de la gestion de ce dossier par la présidence française, mais il n’y a guère de doute sur une issue rapide ;

- en ce qui concerne la Chine, on doit se réjouir qu’après un an de négociations, ce pays ait accepté un système d’alerte rapide compatible avec le nôtre (RAPEX). Ses dirigeants ont parfaitement compris que les Européens n’accepteraient aucune compromission en matière de sécurité. Pour la plupart des produits, la chaîne de fabrication s’organise cependant à l’échelle mondiale, désormais, impliquant plusieurs pays, et il faut donc prendre conscience de la nécessité d’une gouvernance mondiale pour protéger les citoyens européens. A cet égard, il convient de rester très attentif au maintien dans nos accords du volet relatif à la sécurité générale des produits, afin de disposer d’une protection contre la découverte éventuelle de risques futurs ;

- les services d’intérêt général conduisent à insister sur l’importance de l’éducation dans la formation des consommateurs. On pourrait ainsi imaginer une formation des lycéens à des sujets aussi complexes que l’analyse des contrats financiers ou des contrats d’assurance, comme des factures d’électricité.

M. Jacques Myard a confirmé que la « planète internet » avait besoin de normes communes, applicables d’ailleurs à l’échelle mondiale et pas seulement européenne. Il s’est toutefois déclaré guère convaincu par une protection systématique du consommateur à l’échelle européenne car, dès lors, tous les sujets relèveront de la compétence de la Commission européenne. Tout peut, en effet, de près ou de loin, être rattaché à la protection du consommateur. Or la crise européenne que nous connaissons actuellement est manifestement liée à la volonté de tout réglementer au niveau communautaire. La Commission doit donc apprendre à s’auto-limiter. Sur le commerce électronique, par exemple, un simple corpus de règles communes doit être élaboré et le reste doit relever des Etats membres.

S’appuyant sur son expérience passée de représentant français à Unidroit, organisation installée à Rome et chargée d’élaborer des normes communes en matière de relations transnationales, M. Jacques Myard a rappelé l’importance de ces règles communes mais a insisté sur le fait qu’il n’en demeurait pas moins dubitatif sur la nécessité de tout faire remonter au niveau européen.

Le Président Daniel Garrigue a souhaité, en complément, des précisions sur l’organisation des contrôles et des recours. La mise en œuvre du cadre réglementaire européen sur le commerce électronique ne doit pas conduire à faire remonter tous les contentieux devant la justice communautaire. La réforme prévoit-elle donc un relais national concernant les recours et les autorités chargées de les instruire ?

En réponse, la commissaire a de nouveau rappelé que les huit directives de l’acquis en matière de protection des consommateurs étaient déjà en vigueur. La réforme ne conduira d’abord qu’à adapter ces textes, dont certains sont transversaux et d’autres sectoriels. L’expérience d’Unidroit permet certainement de comprendre le besoin de résoudre les goulets d’étranglement dans la mise en œuvre des droits des consommateurs européens. Ces derniers ont besoin d’une législation-cadre pour les protéger lorsqu’ils se déplacent en dehors de leurs frontières nationales ou lorsqu’ils procèdent à des achats en ligne.

Par ailleurs, la stratégie européenne pour la politique des consommateurs 2007-2013 n’a en aucune manière pour objectif de surprotéger les consommateurs par des règlementations tatillonnes, mais à l’inverse de les « armer » en les préparant efficacement à exercer leurs droits, conformément à l’article 153 du traité instituant la Communauté européenne, qui impose à la Communauté de « promouvoir les intérêts des consommateurs et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs ». La Commission est particulièrement attentive, dans le cadre de cette mission, à limiter son intervention au strict nécessaire sans nourrir une inflation réglementaire qui nuirait à tous.

M. Jacques Myard a estimé pour sa part que la politique européenne conduit à l’inverse à une uniformisation bureaucratique que même les Etats-Unis, en conservant autant de droits de la consommation qu’il existe d’Etats, ont écarté. L’information éclairée des consommateurs sur les clauses nationales des contrats est infiniment préférable à la mise en œuvre d’une réglementation européenne complexe et bureaucratique.

Mme Meglena Kuneva a indiqué que telle n’est pas l’approche de la Commission, en outre soucieuse de soumettre systématiquement à l’appréciation des législateurs européens des alternatives. Ainsi, par exemple, la Commission envisage différents scenarii sur les recours collectifs des consommateurs, qui ne sont aujourd’hui possibles que dans certains Etats membres, en laissant ouverte la possibilité de ne pas les généraliser à l’échelle de l’Union et de les circonscrire aux seuls cas transfrontaliers. En tout état de cause, les propositions s’appuieront sur un bilan objectif de l’efficacité des différentes solutions retenues par les Etats membres en droit interne. Dans le même esprit, l’action de la Commission sur ces sujets est étayée par des réunions extrêmement régulières avec les associations de consommateurs et s’appuie sur une coopération très étroite avec les autorités compétentes des vingt-sept Etats membres, la ligne directrice étant non pas de toujours intervenir, mais plutôt de diffuser les pratiques qui fonctionnent efficacement.

En réponse au Président Daniel Garrigue qui s’interrogeait sur l’intégration des services dans le projet de directive-cadre précédemment évoqué, Mme Meglena Kuneva a précisé que la tertiarisation de l’économie européenne impose, en effet, d’élargir la protection des consommateurs du domaine des seuls biens, sur lequel s’est concentrée depuis l’origine l’action de l’Union, vers le domaine des services, qui est effectivement prévu dans la directive. Il faut cependant remarquer que l’objectif de protection des consommateurs est également intégré, d’une manière très nette, dans les textes européens spécifiques aux secteurs d’activité, comme les paquets « Télécommunications », transports aériens ou transports maritimes.

En conclusion, la commissaire a rappelé que ces questions participent clairement de la démarche soutenue par la France d’une Europe des résultats promouvant les réponses concrètes à apporter aux attentes des peuples.

Le Président Daniel Garrigue a remercié Mme Meglena Kuneva de la qualité de son intervention et des réponses qu’elle a apportées aux membres de la Délégation.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point B

Sur le rapport du Président Daniel Garrigue, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n’ayant été formulée, la Délégation a approuvé les trois textes suivants :

- proposition de décision du Conseil modifiant la décision 97/126/CE concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne, d'une part, et le gouvernement du Danemark et le gouvernement local des îles Féroé, d'autre part (document E 3880) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 889/2005 instituant certaines mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo (document E 3894) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2866/98 en ce qui concerne le taux de conversion de l'euro pour la Slovaquie (document E 3895).