Accueil > Union européenne > Commission des affaires européennes > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Voir le compte rendu au format PDF

Commission chargée des affaires européennes

mercredi 21 janvier 2009

17 h 30

Compte rendu n° 85

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, après le Conseil « Ecofin » du 20 janvier 2009 (ouverte à la presse)

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

COMMISSION CHARGEE DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 21 janvier 2009

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à dix-sept heures trente

I. Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, après le Conseil « Ecofin » du 20 janvier 2009 (ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller. Nous sommes heureux de vous accueillir, Madame la ministre, à la commission des affaires européennes, d’autant plus que votre audition s’inscrit dans une période cruciale à plus d’un titre.

Pourriez-vous tout d’abord dresser un bilan de votre action au cours de la présidence française de l’Union européenne ? Quelles ont été les réactions européennes et nationales à la crise financière et économique que nous traversons, étant entendu que la nécessaire concertation entre les différents Etats membres n’implique pas une identité de vues ? M. Jean-Claude Juncker ayant par ailleurs lancé lundi dernier, lors de la réunion de l’Eurogroupe, un nouvel appel aux banques afin qu’elles accordent plus facilement des crédits, notamment aux PME, quelles seront selon vous les prochaines étapes de la réponse européenne aux difficultés que nous connaissons ? Comment, en outre, préparez-vous le prochain sommet du G20 qui se déroulera le 2 avril à Londres ? Enfin, considérez-vous qu’un consensus franco-allemand ait été effectivement amorcé à l’issue du Conseil « Ecofin » d’hier s’agissant du taux réduit de TVA ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Je vous remercie de votre accueil et je vous présente mes excuses pour avoir dû reporter cette réunion.

Sans pour autant négliger notre calendrier de long terme – qui concerne notamment des améliorations structurelles à apporter au fonctionnement des marchés financiers – la crise que nous traversons a bouleversé notre agenda. Elle a également été l’occasion de montrer combien l’Union européenne a joué un rôle important pour l’ensemble de nos pays.

La Chancelière Angela Merkel l’a dit : nous avons dû naviguer par gros temps. En effet, je rappelle combien, avant cet « accélérateur de crise » que fut la faillite de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre dernier, le contexte économique international se caractérisait déjà par une très grande volatilité : au début du mois de juillet dernier le prix du baril de pétrole se situait entre 147 et 148 dollars alors qu’il est aujourd’hui redescendu aux environs de 40 dollars ; un euro valait alors 1,60 dollar contre 1,35 ou 1,40 aujourd’hui.

La méthode que nous avons suivie a été déterminante. Elle repose sur trois piliers. Nous avons d’abord été force de proposition innovante dans les domaines banquier, assurantiel, financier ou s’agissant des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) mais, également, pour l’élaboration d’une « doctrine » européenne. Nous avons ensuite fait preuve d’un grand sens de l’écoute en tenant compte des spécificités de chacun des Etats membres, notamment de leur tissu bancaire. Nous avons enfin considéré qu’il était de notre devoir de rassembler l’ensemble des pays membres afin d’agir collectivement et de trouver un terrain d’entente, notamment en matière fiscale, où l’unanimité est nécessaire.

C’est ainsi que nous sommes parvenus à faire entendre la voix européenne non seulement sur la scène internationale mais également, n’en déplaise aux souverainistes, sur le plan national en rendant l’Europe plus crédible auprès de nos concitoyens qui, selon un sondage récent d’Euro RSCG sur les termes qui rassurent ou qui inquiètent les Français, jugent que les mots « euro », « Banque centrale européenne » (BCE) et « Europe » comptent parmi les termes rassurants. J’ai la faiblesse de penser que la présidence française n’est pas étrangère à ce phénomène. Pour le moins, elle a remis l’Europe au centre du jeu.

La priorité absolue de notre présidence, en ce qui concerne la gestion de la crise, a été de s’assurer de la solidité du secteur financier via le fonctionnement du crédit à l’ensemble de l’économie – entreprises, collectivités locales et ménages. Il ne faut pas oublier que la crise des subprimes avait commencé dès le mois d’août 2007. Sous les présidences portugaise et slovène, on avait déjà établi une feuille de route afin de renforcer la stabilité financière et la supervision. Il nous appartenait de la mettre en œuvre.

Notre réponse à la crise de l’après 15 septembre – lorsque cette crise a pris une dimension systémique – s’est par ailleurs fondée sur une méthode coordonnée et des plans d’action concrets. Elle a en outre été assez hétérodoxe et même « transgressive » puisque, si nous en avons bien entendu discuté entre ministres des finances de la zone euro, nous nous sommes également concertés par exemple avec les Britanniques, Londres étant une place financière déterminante même si elle ne se situe pas dans la zone euro. De la même manière, nous avons été confrontés à des situations inédites chaque fois qu’il s’est agi de sauver des établissements financiers transnationaux – je songe, en particulier, à Fortis ou à Dexia. Ces multiples « transgressions », s’agissant notamment du format des rencontres, ont été les bienvenues.

Je tiens, de surcroît, à souligner la réactivité exemplaire de la Commission européenne, en particulier de la DG Concurrence, – s’agissant notamment de l’adoption de mécanismes de garantie standardisés – mais aussi du Parlement européen – lequel a statué rapidement sur le texte relatif à la garantie des dépôts – et de la BCE, à travers la mise à disposition de liquidités dans des délais très brefs mais aussi l’admission of collateral et un important rôle de conseil juridique ainsi que financier afin d’élaborer de nouveaux standards.

Je vous parlerai donc d’abord de la gestion de crise, thème que nous n’imaginions pas avoir à traiter. En la matière, nous avons travaillé autour de quatre axes.

Premier axe : la recapitalisation et l’apport de garanties. Après la faillite de Lehman Brothers – et l’abandon par les Etats-Unis de la doctrine en vertu de laquelle il était impératif de soutenir les établissements dont l’échec aurait des conséquences systémiques, – il est apparu impératif, lors du Conseil « Ecofin » du mois d’octobre, de définir une doctrine commune, en étroite concertation avec la BCE. Contrairement à ce qui a été dit parfois, nous ne nous sommes pas contentés de suivre purement et simplement les Britanniques, lesquels ont d’ailleurs travaillé à partir d’une réflexion que nous avions engagée et étaient obligés de s’engager dans cette voie car nombre de leurs établissements financiers étaient entrés dans une spirale négative.

Nous avons renforcé les fonds propres des établissements dont la situation était satisfaisante et recapitalisé massivement ceux qui étaient en perdition avec, si nécessaire, prise de contrôle et remplacement des équipes dirigeantes. En quelques semaines, les Etats membres ont ainsi dégagé 280 milliards d’euros pour la recapitalisation et 1 800 milliards au titre de la garantie.

Deuxième axe : la protection des épargnants afin d’éviter que les épargnants ne commencent à faire la queue devant les établissements pour retirer leurs dépôts, comme on l’a vu avec l’affaire Northern Rock en Grande-Bretagne. L’Irlande ayant commencé à garantir les dépôts de ses propres épargnants, nous avons réagi collectivement, en portant le minimum garanti à 50 000 euros par déposant et à 100 000 euros d’ici 2011. J’ajoute que nous avons su là encore trouver un accord grâce à la concertation, en particulier avec les nouveaux Etats membres tels la Pologne ou la Roumanie pour lesquels ces sommes sont considérables par rapport à leurs standards de vie.

Troisième axe : le soutien aux pays européens en difficulté, notamment en nous portant au chevet de la Hongrie – qui a bénéficié d’une aide de 6,5 milliards d’euros, en plus des sommes débloquées par le FMI et la Banque mondiale – et de la Lettonie, avec un soutien de 3,5 milliards.

M. Jacques Myard. Ce financement a-t-il été le fait de l’Union européenne ou des Etats ?

Mme Christine Lagarde. De l’Union, dont le plafond de l’aide a été porté à 25 milliards.

Plusieurs pays de l’Union européenne ont également contribué à aider l’Islande, qui ne fait pas partie de l’Union mais qui se trouvait en Etat de faillite virtuelle.

Quatrième axe : le Conseil européen a adopté un plan de relance. Dès le 15 septembre, nous avons compris que nous allions devoir à la fois réparer les tuyaux et soutenir la machine économique, la zone euro étant entrée, pour la première fois de son histoire, en récession. En lien étroit avec la Commission et en conformité avec la doctrine établie collectivement, nous avons souhaité mettre à la disposition de chaque Etat une « boîte à outils » qu’il pourrait utiliser en fonction de ses spécificités. Nous sommes simplement convenus d’ordres de grandeur, la Commission ayant souhaité que soient consacrés à des mécanismes de relance « temporaires, ciblés et à effet rapide » 1,2 % du PIB européen au titre des contributions des Etats et 0,3 % au titre de la mobilisation des instruments communautaires. Tout ceci s’inscrit dans le cadre du pacte de stabilité et il a bien été rappelé, lors des Conseils « Ecofin », que les stabilisateurs automatiques doivent jouer et qu’il n’est absolument pas question de compenser les pertes de recettes par des impôts ou des charges supplémentaires.

Nous avons également mobilisé des ressources européennes en demandant à la Banque européenne d’investissement (BEI) de doper son programme en faveur des PME et du secteur automobile, à concurrence de crédits supplémentaires qui varieront entre 10 et 15 milliards chaque année. Le conseil d’administration de la BEI doit délibérer prochainement de ma proposition visant à augmenter la contribution à l’industrie automobile européenne à des fins d’investissement en recherche et développement.

Cette crise a favorisé la formation d’alliances inattendues : la Suède, les Pays-Bas et l’Angleterre, en particulier, ont considérablement soutenu la présidence française. Elle a aussi montré qu’il était possible de travailler en commun en dépit de grandes différences, par exemple, entre l’Angleterre, avec un système financier très structuré mais très affecté ; la France, avec un business model garantissant une bien meilleure stabilité des établissements ; la Pologne et la Hongrie, qui ont beaucoup de succursales d’établissements financiers sur leurs territoires mais peu de sièges sociaux, donc des impératifs différents.

S’agissant des réformes structurelles, nous entendions avancer sur quatre grandes directives concourant également à la stabilité du système financier et adoptées toutes quatre lors du dernier Conseil sous présidence française en décembre : la Capital requirements directive (CRD) applicable au système bancaire, « Solvabilité 2 » applicable quant à elle au secteur de l’assurance, la directive concernant la garantie des dépôts des particuliers et, enfin, celle relative aux OPCVM. Toutes témoignent d’une exigence de transparence accrue – la directive CRD, par exemple, a permis une harmonisation de la définition des fonds propres – et de responsabilité – les banques faisant de la titrisation et émettant des produits financiers sophistiqués devront en garder au moins 5 % dans leur bilan.

Nous avons aussi voulu renforcer la régulation, donc les organes de contrôle, notamment en confortant les pouvoirs des collèges de superviseurs et en constituant des plateformes de surveillance dans les grands établissements financiers implantés dans plusieurs Etats membres. Enfin, nous avons modernisé le marché des OPCVM en créant un passeport européen permettant une gestion des actifs indépendamment des frontières.

Je tiens également à saluer l’action de mes secrétaires d’Etat : M. Hervé Novelli, qui a contribué à mettre en place le Small business act (SBA), et M. Luc Chatel, qui a négocié et fait adopter le « paquet télécoms », ce qui lui a valu d’être qualifié de « magicien » par Mme Viviane Reding…

Par ailleurs, nous avons fait sensiblement progresser la lutte contre la fraude à la TVA et nous avons lancé un débat sur l’élargissement de la directive « Fiscalité de l’épargne » ainsi que sur la TVA à taux réduit. Sur ce dernier point, j’aurais aimé que l’on ait avancé de manière plus concrète avant la fin de la présidence française. Je me console en constatant que les travaux que nous avons engagés ont permis de bâtir un accord solide entre la France et l’Allemagne afin d’examiner cette question pour les secteurs à forte intensité de main d’œuvre ou favorisant l’environnement.

Sous la présidence française, l’Europe a joué un rôle moteur sur la scène internationale, en particulier sur les plans économique, financier et fiscal. Cela tient à la détermination et à l’enthousiasme du Président de la République, ainsi qu’à l’émergence d’un leadership. Des propositions concrètes ont été formulées afin de rassembler les pays membres du G20 autour d’un agenda très large, depuis le refus du protectionnisme jusqu’à la négociation du cycle de Doha en passant par la régulation du système financier, la lutte contre les paradis fiscaux, la réforme de la gouvernance de l’International Accounting Standards Boards (IASB) ou la pondération de l’application des normes IFRS – International Financial Reporting Standards – pour tenir compte des effets contracycliques.

M. Michel Herbillon. Je vous remercie pour ce très intéressant exposé retraçant l’action de la présidence française, que l’imprévu a rendue plus importante encore.

L’hétérodoxie – voire les méthodes transgressives dont vous avez parlé en vous aventurant sur le terrain de la psychanalyse – n’est-elle pas en l’occurrence un progrès, surtout si elle perdure ? Selon vous, que faudrait-il pérenniser en la matière ?

Qu’en est-il, plus précisément, de ce serpent de mer qu’est la TVA à taux réduit sur la restauration mais, également, sur certains biens culturels comme le disque, sujet abordé récemment par le Président de la République lors de ses vœux au monde de la culture ?

Quel est par ailleurs le point de vue du Gouvernement sur les propositions de la Commission visant à élargir le champ d’action du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) afin de mieux répondre aux conséquences de la crise financière ? Dispose-t-on d’une simulation permettant d’évaluer les conséquences des mesures destinées à ramener de 1.000 à 500 le seuil des licenciements, à rationaliser le mode de comptabilisation du nombre de licenciements, à porter de 50 % à 75 % le taux de cofinancement européen maximum ? Serait-il possible d’aller au-delà en prenant en compte, par exemple, le volume total des emplois supprimés et pas seulement des licenciements – non remplacement des départs en retraite, suppression d’emplois temporaires, départs volontaires ?

M. Guy Geoffroy. Si Mme Christine Lagarde a eu raison d’insister sur le dynamisme de la présidence française de l’Union et sur le rôle essentiel de la BCE, les instruments qui ont été mis en place seront-ils pérennisés indépendamment des prochaines présidences de l’Union ou faut-il, au contraire, s’inquiéter d’éventuels changements si d’aventure la volonté politique était moins forte ?

M. Daniel Fasquelle. Je remercie à mon tour Mme Christine Lagarde et je la félicite pour son action.

Est-il raisonnable d’espérer que la TVA à taux réduit dans l’hôtellerie et la restauration sera bientôt effective ?

Quid, par ailleurs, des conséquences de la quasi-parité entre la livre sterling et l’euro, en particulier – c’est le député du Pas-de-Calais qui s’inquiète – sur le plan touristique, et de la directive dite « timeshare » sur les biens à temps partagé, qui est un des rares textes européens en matière de tourisme, secteur qui demeure trop souvent de compétence nationale ?

Qu’en est-il, en outre, de la mise en place d’un brevet communautaire ?

Enfin, quel est l’apport réel du SMA aux PME ?

Mme Christine Lagarde. Compte tenu du fait que la situation particulière que nous avons connue perdure, l’« hétérodoxie » ne me semble pas menacée. L’articulation des niveaux technique – les ministres des finances – et politique – la prise de décision par les chefs d’Etat et de gouvernement – me semble en l’occurrence bénéfique. La réunion de l’Eurogroupe avec les chefs d’Etat et de gouvernement a d’ailleurs montré son efficacité.

M. Michel Herbillon. Continuera-t-elle ?

Le Président Pierre Lequiller. Ni la République tchèque ni la Suède ne faisant partie de la zone euro, qui prendra les initiatives ?

Mme Christine Lagarde. M. Jean-Claude Juncker, compte tenu de sa situation, me semble particulièrement habilité à le faire alors que le prochain G20 devrait être l’occasion d’exprimer une position commune forte. J’ajoute qu’une monnaie commune implique une politique monétaire commune et, autant que faire se peut, une politique économique commune. De ce point de vue, le pacte de croissance et de stabilité ne me paraît pas suffisant pour naviguer par gros temps.

Sur les 500 millions dont est doté le FEM – dont je rappelle que la France avait soutenu la création –, seuls 65 avaient été utilisés à la fin de 2008, notamment par les constructeurs automobiles français. La Commission a donc en effet formulé des propositions afin que cet instrument soit mieux utilisé : abaissement du seuil, extension de son champ d’application aux restructurations et aux pertes d’emplois résultant de la crise économique et financière, hausse du taux de cofinancement par le fonds des mesures d’aides prises à l’échelon national, extension de la période de mise en œuvre des crédits. J’y suis bien entendu favorable et je crois que nous aurions tout intérêt à utiliser ces ressources, de même d’ailleurs que celles de la BEI.

S’agissant des services à forte intensité de main d’œuvre – dont la restauration –, nos partenaires qui étaient jusqu’à présent hostiles à l’application d’un taux réduit de TVA m’ont confirmé leur volonté d’évoluer. Ils souhaitent également que cette question soit examinée en même temps pour les produits « verts », en particulier s’agissant de l’établissement de la liste des produits concernés. La Commission est chargée de formuler des propositions d’ici la réunion du Conseil « Ecofin » au mois de mars. J’espère, en particulier, que nous pourrons concrétiser et finaliser un dossier qui nous tient à cœur depuis très longtemps. En l’état, je ne peux cependant en dire plus car l’unanimité reste la règle en la matière : je ne voudrais pas susciter de vains espoirs.

Même si elle a mis un certain temps avant de baisser ses taux, la BCE a quant à elle admirablement joué son rôle de pourvoyeur de liquidités et de « vigie », en particulier pour des établissements et des pays en situation de quasi-banqueroute. Compte tenu de la situation monétaire et de la nécessité d’une politique économique commune, la question qui se pose maintenant est de savoir elle doit évoluer vers un rôle de coordination et de supervision, ce qui n’est pas envisagé pour l’instant.

Les marchés monétaires, par ailleurs, s’inquiètent de la tenue de la livre sterling. Certes, la Banque d’Angleterre fait ce qu’elle peut mais jusqu’à présent, sa politique des taux n’a pas été particulièrement efficace pour soutenir cette monnaie. L’avantage d’une livre basse, en effet, n’est pas patent compte tenu de la structure de l’économie britannique.

M. Jacques Myard. Ils ont désindustrialisé leur pays !

Mme Christine Lagarde. C’est exact.

Le SBA permet aux PME de bénéficier de plus de financements et d’accéder plus facilement aux marchés publics. Je précise, à ce propos, qu’il n’a pas été facile de convaincre le commissaire Charlie Mc Creevy, hostile à toute mesure visant à privilégier ces dernières.

Si je ne dispose pas d’éléments techniques suffisants pour répondre précisément à la question du brevet communautaire, je peux néanmoins vous dire que nous n’avons pas obtenu le soutien de l’Espagne. Les positions s’étant toutefois rapprochées, il n’est pas exclu que des avancées sensibles se produisent, notamment sous la présidence suédoise.

M. Pierre Forgues. Il faut faire preuve d’un grand optimisme pour parler de « plan de relance européen » : outre que la part spécifiquement européenne des crédits s’élève à seulement 15 milliards d’euros, ce plan n’a pas encore été adopté par le Parlement européen et les plans nationaux qui l’accompagnent ne sont guère coordonnés. Qu’en est-il donc de sa mise en œuvre effective ? De plus, quelles sont les conséquences de la dette et de la situation de chaque Etat – je pense en particulier à l’Espagne – pour la zone euro ?

M. Jacques Myard. S’agissant de l’Europe, Madame la ministre, ne vous fiez pas excessivement aux sondages : le peuple, lorsqu’il vote, dit souvent le contraire !

Quelle est la place des G4, G8 ou G20 dans l’organisation institutionnelle de l’Europe ? De ce point de vue, la présidence française ayant été, me semble-t-il, emblématique du retour des Etats, il importe d’affirmer le principe selon lequel c’est le Conseil qui commande et non la Commission ; il convient également d’intégrer la nécessité d’une politique industrielle dans les textes relatifs à la concurrence et de recadrer le Conseil vis-à-vis de la BCE.

Si je suis par ailleurs d’accord avec M. Jean-Claude Juncker lorsqu’il affirme la nécessité de coordinations prudentielles et de supervisions bancaires, en revanche les directives bruxelloises doivent sans cesse être remises sur le métier en raison des oublis ou des lacunes. Ne serait-il donc pas préférable d’y substituer des codes de bonne conduite ? Avoir cadenassé les taux de TVA est par exemple une ânerie monumentale et l’on s’en mord les doigts !

Quid, en outre, de la réforme des normes IFRS ?

Enfin, Madame la ministre, comment se porte l’euro ?

Le Président Pierre Lequiller. A ce dernier propos, certains de nos partenaires, en Islande, au Danemark, en Suède, vous ont-ils fait part de leur regret de ne pas faire partie de la zone euro ?

M. Jacques Myard. Rêve toujours, mon cher Pierre !

M. Lionel Tardy. M. Günter Verheugen, vice-président de la Commission chargé des entreprises et de l’industrie, était hier aux Etats généraux de l’automobile qui se sont déroulés à Bercy où les constructeurs et les équipementiers ont, quant à eux, souhaité une meilleure harmonisation des politiques industrielle et fiscale. Quel est, Madame la ministre, votre point de vue à ce sujet, sachant que les Etats-Unis ont consacré 13 milliards au sauvetage de leurs deux constructeurs automobiles ?

Par ailleurs, quel sera le rôle de la BEI dans le cadre du plan de relance européen ?

M. Daniel Garrigue. Comment gérer la contradiction consistant à relancer l’économie tout en tenant compte des contraintes du pacte de stabilité ? Ne faut-il pas poser cette question de manière beaucoup plus forte au sein de la zone euro ? Quelle est la priorité ? Dispose-t-on d’un calendrier ? Qui mènera ces différentes actions ?

Si des collèges de régulateurs ont par ailleurs été institués, est-il envisageable d’aller au-delà et de mettre en place une autorité européenne de régulation ? Dans ce cas, son champ d’action se limiterait-il à la seule zone euro ?

M. Thierry Mariani. Avez-vous des contacts, Madame la ministre, avec la nouvelle administration américaine ? Quelles seront, selon vous, les conséquences de sa politique pour l’Europe ?

En tant que président du groupe d’études sur l’hôtellerie et la restauration, je suis bien entendu favorable à l’application d’un taux réduit de TVA dans ce secteur – on le promet aux professionnels depuis douze ans… – mais la France pourrait-elle aujourd’hui se le permettre ?

M. Gérard Voisin. Je note que M. Valéry Giscard d’Estaing, dont je rappelle qu’il a été ministre des finances, doute que l’Europe sorte renforcée de cette crise.

J’ai par ailleurs assisté la semaine dernière aux premières Rencontres de l’« équipe de France » de l’export, Ubifrance, agence française pour le développement international des entreprises. Ne pensez-vous pas qu’il y a là un potentiel économique extraordinaire insuffisamment exploité, et que « l’Europe des entreprises » doit être renforcée ?

Sur le plan politique, ne conviendrait-il pas que les parlementaires européens se montrent plus combatifs afin que l’Europe soit plus puissante ?

M. Jérôme Lambert. Que pensez-vous des deux propositions de l’OCDE visant à créer des organismes de supervision des autorités bancaires, le premier supervisant les autorités de contrôles nationales, le second, les institutions financières ? Selon l’étude de l’OCDE, l’actuel dispositif européen demeure en effet très inadapté à la détection des risques systémiques émergents en dépit de l’amélioration des processus de coopération entre les autorités de contrôles des différents pays.

Quid, par ailleurs, de l’élaboration d’une position commune de l’Union s’agissant de la réforme du système financier mondial alors que se profile la prochaine réunion du G20 ?

Mme Christine Lagarde. Le plan de relance européen ne mobilise pas des ressources nouvelles en créant un nouveau budget, le Conseil du mois de décembre ayant simplement approuvé des ordres de grandeur de dépenses sur le plan national, complétés par une mobilisation de ressources européennes existantes, notamment celles de la BEI, qui vont être augmentées. S’agissant du secteur automobile, j’ai non seulement demandé l’utilisation des trois milliards de la réserve par la BEI mais également l’assouplissement d’un certain nombre de critères d’appréciation des aides d’Etat. Pour éviter toute ambiguïté, sans doute conviendrait-il de parler plus exactement d’une relance européenne coordonnée avec la mobilisation d’instruments communautaires plutôt que d’un plan de relance européen.

S’agissant de la dette des pays membres, celle de l’Espagne s’élève par exemple à 53 % du PIB, ce qui est loin d’être catastrophique. Plus préoccupants, en revanche, sont les écarts d’appréciation des « risques pays » par le marché, en particulier concernant les pays du sud de l’Europe, dont l’Espagne, précisément, et la Grèce.

Le Président de la République l’a dit : l’Europe n’est pas l’ennemie des Etats. Mieux : elle n’est véritablement puissante que lorsque ces derniers sont assez forts au Conseil, organe déterminant en la matière, une présidence faible risquant en revanche de laisser la main à la Commission.

Par ailleurs, l’harmonisation règlementaire, en l’état, ne peut se faire en dehors des directives.

La réforme – déterminante – des IFRS sera quant à elle abordée à la mi-mars dans le premier groupe de travail préparatoire à la réunion du G 20, le 2 avril.

M. Jacques Myard. Les Européens ne sont donc pas capables d’élaborer eux-mêmes des normes comptables ?

Mme Christine Lagarde. Bien sûr que si, mais il importe, d’une part, de mettre en place collectivement des mesures contracycliques nécessaires aux normes IFRS, d’autre part, de réformer l’IASB.

M. Jacques Myard. Les Européens n’auront aucun poids en la matière.

Mme Christine Lagarde. Nous avons adopté ce matin en conseil des ministres une ordonnance créant en France une autorité des normes comptables composée de comptables, de commissaires aux comptes et de représentants des entreprises. Je serai très attentive à ses travaux car l’instrument de mesure et l’organe qui, éventuellement, serait appelé à le réformer sont particulièrement importants pour la régulation financière que nous mettons en place.

S’agissant de l’euro, je note que dix ans après sa création il est la deuxième monnaie de réserve mondiale et que les grands épargnants que sont notamment les Chinois rééquilibrent leurs réserves à son bénéfice.

M. Jacques Myard. Qui sortira le premier de la zone euro ?

Mme Christine Lagarde. La vraie question est de savoir qui y entrera prochainement ! A l’invitation du président du Parlement danois, j’exposerai d’ailleurs demain la pertinence d’un tel système devant cette institution.

M. Jacques Myard. Avez-vous lu le dernier rapport du Conseil d’analyse économique sur le change de l’euro selon lequel la monnaie unique nous a coûté 1,1 point de croissance par an ces dernières années ?

Mme Christine Lagarde. Et elle nous a sauvés de combien de dévaluations ?

M. Jacques Myard. Ce n’est pas le problème. Il faut que la monnaie fluctue.

Mme Christine Lagarde. J’ajoute que certains pays baltes sont également intéressés par une entrée dans la zone euro.

La contradiction dont vous avez fait état, Monsieur Garrigue, est surtout valable dans des circonstances ordinaires ; or, tel n’est pas le cas aujourd’hui comme la Commission l’a d’ailleurs rappelé. Nous devons en effet tenir compte de la baisse de la croissance mondiale et des échanges mais également des objectifs de relance que nous nous sommes fixés. En outre, selon la Commission, 16 Etats membres sur 27 risqueraient, en l’état, des procédures pour déficit excessif. Même si le retour à l’équilibre doit rester notre objectif à moyen et long termes, tel n’est pas en ce moment la priorité des priorités. En l’occurrence, il importe de concentrer nos efforts d’une part sur les circuits de financement, la régulation financière et la réorganisation des établissements financiers afin que l’économie soit financée plus normalement, d’autre part, sur la mise en œuvre efficace, ciblée et provisoire du plan de relance.

Par ailleurs, s’agissant des autorités de régulation, les directives « CRD » et « Solvabilité 2 » prévoient un renforcement des comités de niveau 3, la possibilité de recommandation et de production de normes ainsi que la constitution de groupes de supervision adaptés à chacun des acteurs financiers transnationaux à l’intérieur de l’Union. L’Italie a quant à elle préconisé la mise en place d’un « super superviseur » européen mais les Etats n’y étant pas prêts, il me semble préférable de procéder par étapes.

En ce qui concerne la nouvelle administration américaine, j’ai été en contact avec Mme Madeleine Albright, missionnée par le nouveau Président, et je connais bien mon homologue, M. Tim Geithner, qui se montrera, j’en suis certaine, ouvert aux propositions européennes et qui aura à cœur de travailler à l’amélioration de la régulation mondiale.

S’agissant de la TVA à 5,5 % dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, nous devrons réaliser des chiffrages.

M. Thierry Mariani. La profession accepterait un taux intermédiaire.

Mme Christine Lagarde. Si je crois par ailleurs beaucoup à l’Europe des entreprises et à la mobilisation en faveur des politiques industrielles – ce sont autant d’impératifs absolus – je crois également à des politiques de recherches européennes autour de grands projets plutôt qu’à des politiques communes d’exportation.

M. Jacques Myard. Nous sommes concurrents !

Mme Christine Lagarde. Vous avez raison. Pour filer la métaphore sportive, notre « équipe de l’export » Ubifrance dispose avec les chambres de commerce et de métiers de bons arrières et, à l’avant, de solides missions économiques et commerciales.

S’agissant du G20, j’ai convoqué un Conseil « Ecofin » informel le 18 décembre afin de faire valider par nos partenaires un certain nombre de propositions européennes sur la régulation internationale, le financement du FMI ou le rôle de la Banque mondiale.

M. Jérôme Lambert. Quelles en sont les suites ?

Mme Christine Lagarde. Ces documents ont été soumis aux quatre groupes de travail constitués à l’initiative des Britanniques dans le cadre de l’organisation du prochain G20.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie vivement, Madame la ministre, pour votre intervention.

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Commerce extérieur

- CDE - Nomination du directeur du Centre pour le développement de l'entreprise (2009-2010) (document E 4217) ;

- recommandation de la Commission au Conseil visant à ce que la Commission soit autorisée à ouvrir des négociations avec la Principauté d'Andorre et la République de Saint-Marin en vue d'étendre aux mesures douanières de sécurité le champ d'application de l'accord sous forme d'échanges de lettres avec la Principauté d'Andorre et de l'accord de coopération et d'union douanière avec la République de Saint-Marin (document E 4220).

Ø Institutions

- décision du Parlement européen, du Conseil, de la Commission de la Cour de justice, de la cour des comptes, du Comité économique et social européen et du Comité des Régions, relative à l'organisation et au fonctionnement de l'Office des publications de l'Union européenne (E 4212).

Procédure d’examen en urgence

La Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

- décision du Conseil portant nomination d'un membre et de deux suppléants danois du Comité des régions (document E 4213) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre autrichien au Comité des régions (document E 4214).

La séance est levée à dix-neuf heures dix