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Assemblée nationale

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires étrangères

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 31 octobre 2012

Présidence de M. Dominique Baert,
vice-président de la Commission des finances,
et de M. Élisabeth Guigou,
présidente de la Commission
des affaires étrangères

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente.

projet de loi de finances pour 2013

Aide publique au développement

M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, monsieur le ministre chargé du développement, je suis heureux de vous accueillir, en mon nom personnel et au nom de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, qui m’a chargé de le remplacer.

C’est en commission élargie que nous allons vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2013.

La conférence des présidents du 31 juillet dernier a reconduit cette procédure, destinée à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés. Les rapporteurs des commissions disposeront de cinq minutes pour vous interroger. S’exprimeront ensuite, également pendant cinq minutes, les porte-parole des groupes. Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront vous poser des questions, leur intervention étant limitée à deux minutes.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. L’aide au développement étant une composante essentielle de notre politique étrangère, il est capital que nous puissions débattre de ses objectifs et de ses moyens – lesquels ont toujours été insuffisants par rapport aux besoins. La question dépasse les clivages politiques habituels, comme le montre le fait que nos commissions aient choisi pour rapporteurs des membres de l’opposition.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les prêts à des États étrangers. Il serait bon qu’à l’avenir, le Gouvernement nous réponde dans de meilleurs délais. Le 10 octobre, date limite fixée par la LOLF, nous n’avions reçu que 56 % de ses réponses. Le document de politique transversale où figurent les deux tiers des sommes consacrées à l’aide au développement ne nous est parvenu qu’hier. Il est difficile de travailler dans ces conditions.

Les crédits de la mission baissent d’environ 6 %, et l’objectif d’investir 0,7 % de notre PIB dans l’aide publique du développement avant 2015 est loin d’être atteint. Si difficile que soit la conjoncture, on en déduit que la mission n’est pas une priorité du Gouvernement. Dans ces conditions, quel est l’avenir ? Retrouverons-nous les crédits de 2013 à la fin de la loi de programmation, qui s’achève en 2015 ?

La Cour des comptes a rédigé un rapport approfondi sur la gestion de l’aide publique au développement. Par ailleurs, le gouvernement précédent avait chargé le cabinet Ernst & Young d’analyser la politique française dans ce domaine entre 1998 et 2010. Leurs critiques convergent : complexité, poursuite de trop nombreux objectifs, coût élevé de la gestion, manque d’évaluation. Quelles conséquences en tirez-vous ? Quelle politique mettrez-vous en œuvre pour gagner en efficacité, à l’heure où les moyens se réduisent ?

Depuis plus de dix ans, bien des postes d’assistants techniques ont été supprimés. Il en reste seulement un peu plus de 700, ce qui est très peu, alors que ce personnel joue un rôle essentiel. Quelle est votre position sur ce point ?

L’AFD, l’Agence française de développement, est le bras armé de notre politique d’aide au développement. Cette institution efficace emploie d’excellents collaborateurs au niveau tant national que local. Quelles missions lui confierez-vous dans les années à venir ? Conserverez-vous la même ligne ou l’infléchirez-vous ?

Il faut tourner la page de la Françafrique, mais ne perdons pas de vue les liens d’histoire, d’amitié et de fraternité qui nous unissent au continent africain. Ne nous éloignons pas de lui au moment où il renaît ; ne laissons pas la place à des pays étrangers. Quelles actions pourrions-nous mener pour occuper avec plus de vigueur la place qui doit être la nôtre auprès de nos amis africains ?

Durant la campagne électorale, le candidat François Hollande avait promis qu’il affecterait à l’aide au développement une part importante de la TTF, la taxe sur les transactions financières. Comme beaucoup de mes collègues de toutes les formations politiques, j’ai été déçu que l’article 27 de la première partie de la loi de finances ne retienne que le taux de 10 %, réduit en fait à 3,7% par les dispositions de l’article 26. J’ai essayé d’amender le texte sans succès. Pensez-vous qu’au niveau européen, une part de la taxe pourrait être affectée au développement ?

À ces réserves près, j’invite mes collègues à voter les crédits de la mission au bénéfice sinon du doute, du moins de l’espérance.

M. Jacques Myard. Un emprunt au bonheur !

M. Hervé Gaymard, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour l’aide publique au développement. Je fais miennes les remarques et les questions de M. Mancel, notamment à propos de la TTF.

En ce qui concerne l’efficacité de l’aide internationale, nous traversons une période de pessimisme. Les pré-discussions commencent sur les objectifs du millénaire pour le développement. Quant à l’aide française, entre le rapport de la Cour des comptes, le travail d’Ernst & Young et la revue par les pairs qui va commencer au sein de l’OCDE, elle est dans une période charnière. Partout sévit l’austérité, même si la Grande-Bretagne, qui effectue des coupes dans son budget domestique, continue d’augmenter les fonds alloués à l’aide au développement.

Ma première question porte sur la réalité des chiffres. Le document de politique transversale qui nous est parvenu hier en fin d’après-midi contredit le document budgétaire publié en septembre. Les divergences portent sur des sommes significatives : près de 300 millions d’euros sur l’exercice de 2012, 100 millions pour 2013, et presque autant pour 2014 et pour 2015. Accordez vos violons si vous voulez que la représentation nationale puisse se prononcer dans de bonnes conditions !

Même incertitude pour le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne : on passe de 967 millions d’euros en 2013 à 1,76 milliard en 2014, alors que les arbitrages européens en matière d’aide au développement n’ont pas encore été rendus. Un tel flou est dommageable pour la sincérité des chiffres.

J’en viens au problème de leur signification. Quelle est votre position sur ce qu’on a appelé le « fétichisme du 0,7 % ». Ce taux sera-t-il atteint ? Est-il pertinent ? Un autre le serait-il davantage ? Récemment, le Canada s’en est publiquement affranchi. Pour paraphraser le cardinal de Retz, faut-il sortir de l’ambiguïté, fût-ce à notre détriment ?

Quel que soit notre groupe parlementaire, nous sommes tous attachés à la priorité africaine, surtout quand elle concerne les pays les plus pauvres. Or ceux-ci voient depuis dix ans les dons de la France diminuer « au profit » des prêts. Quelle est votre position sur le sujet ? Compte tenu de l’encours considérable des prêts de l’Agence française de développement, les remboursements pourraient excéder les dons au cours des prochaines années. Notre aide au développement deviendrait alors négative, ce qui serait pour le moins singulier !

Selon une idée commune, la bosse des annulations de dettes serait derrière nous. Il ressort pourtant du document de politique transversale qu’on pourrait constater un ressaut en 2015, avec l’annulation de quelque 1,3 milliard de dettes. Qu’en sera-t-il réellement ?

Enfin, comment concevez-vous les Assises du développement et de la solidarité internationale, que vous vous apprêtez à piloter ? Comment associerez-vous la représentation nationale à cet exercice aussi important qu’utile ?

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. Les retards dont vous vous plaignez sont imputables à la charge de travail considérable qu’entraîne, outre le lancement des assises, la conjonction de plusieurs évaluations. Je vous prie d’excuser mon administration pour cet engorgement, mais je constate que le retard existe aussi quand une mission est confiée à un cabinet extérieur comme Ernst & Young, qui ne remettra son rapport qu’en novembre.

M. Mancel a parlé d’une baisse générale du budget. Si les programmes 110 et 209 diminuent d’environ 200 millions, nous disposerons cependant d’une capacité d’engagement supplémentaire de 160 millions, grâce aux 10 % de la TTF estimée à 1,6 milliard. La somme, qui ne figure pas dans les crédits de paiement, est mentionnée dans les documents que vous avez reçus. Pour les trois prochaines années, nous bénéficierons ainsi d’une capacité d’engagement de 480 millions. À cet égard, nous avons tenu notre engagement, même s’il prend une forme budgétaire peu lisible.

Ces 10 % se scinderont en deux parties. La première, dédiée à l’environnement et au climat, passera essentiellement par le Fonds vert créé à Copenhague, qui ne sera opérationnel qu’en 2014. De ce fait, nous n’aurons pas à la décaisser en 2013. La seconde partie de la taxe ira au poste santé/sida.

Soit dit sans polémique, le gouvernement précédent, qui avait instauré la TTF, prévoyait qu’elle abonderait le budget général de l’État, sans plus de précision. C’est nous qui, dans le contexte contraint que vous connaissez, avons choisi d’en affecter 10 % à l’aide au développement.

Ainsi, plutôt que d’une baisse de l’effort en faveur de la solidarité internationale, on peut parler d’une quasi-stabilité des crédits, puisque la diminution de 200 millions est compensée par 160 millions supplémentaires. De plus, nous avons récupéré 200 millions du FED, le Fonds européen de développement, qui n’avaient pas été décaissés. On peut donc considérer que la capacité d’engagement réelle est stable, voire qu’elle augmente. En tout cas, notre logique consiste à stabiliser l’effort en faveur de la solidarité internationale.

Quelles leçons tirer du rapport de la Cour des comptes, du bilan d’Ernst & Young et des différents efforts d’évaluation ? La première leçon que j’en ai tirée m’a conduit à organiser des Assises du développement et de la solidarité internationale. Du 5 novembre à début mars, ces assises, engagement de campagne de François Hollande, ouvriront un débat public qui n’a pas eu lieu depuis quinze ans. Elles s’articuleront autour de cinq chantiers.

Nous nous interrogerons d’abord sur notre vision du développement après 2015, dans un contexte où il est désormais impossible de séparer les objectifs du millénaire de lutte contre la pauvreté et ceux du développement durable – c’était également la position du précédent gouvernement. Dans ce domaine, les agendas se rejoignent. Ainsi, il est impossible de réfléchir sur la pauvreté au Sahel sans prendre en compte l’impact du changement climatique sur les écosystèmes les plus vulnérables.

En second lieu, nous nous interrogerons sur l’efficacité et la transparence de l’aide. En la matière, la France est en retard sur certains de ses voisins, notamment britanniques. Depuis des années, les parlementaires souhaitent que nous progressions dans ce domaine. Nous nous y emploierons dès le 5 novembre. En ce moment, avec les services du Quai d’Orsay et de Bercy, je travaille à délimiter un cadre permettant de définir les contours de notre aide, trop souvent évaluée en termes d’input, c’est-à-dire de montants, plutôt que d’effets produits, ce qui serait un bien meilleur indicateur. Consacrer de l’argent à une politique qui ne marche pas – parfois d’ailleurs parce qu’elle ne marche pas – ne relève pas d’un bon pilotage politique.

M. Gaymard regrette que les pays du Sud soient contraints de rembourser leurs dettes. Est-ce un si mauvais indicateur, que l’investissement ait dégagé chez eux une capacité de remboursement ? N’est-ce pas au contraire le signe que l’investissement a créé du développement ? Dans le cadre des assises, je proposerai des pistes pour évaluer l’efficacité de notre aide.

Le troisième dossier concerne la cohérence des politiques publiques pour le développement. Comment s’assurer que nos politiques agricoles ou commerciales et nos politiques de développement n’entrent pas en contradiction ? Nous ferons en sorte de progresser sur ce thème.

Les partenariats avec les acteurs non gouvernementaux – entreprises, ONG, syndicats, fondations, collectivités locales – constitueront le quatrième sujet. Comment améliorer l’efficacité de l’écosystème institutionnel, qui fait que notre aide publique au développement passe par des canaux très différents ?

Nous aborderons enfin la question des innovations. Quand on réfléchit sur l’aide publique au développement, on projette de faire des routes ou de construire une centrale, bref on prévoit de se lancer dans de grands équipements. Or, quand on demande aux Kenyans ce qui, au cours des dernières années, a le plus contribué au développement, ils répondent que c’est le mobile banking, lequel permet d’exécuter des opérations bancaires sur des téléphones portables, innovation qui n’a pas été financée par l’aide publique au développement. Cet exemple fait réfléchir sur la rétroaction des innovations, qui se mettent parfois en place au Sud avant de s’imposer au Nord. Il est en effet bien plus facile de recourir au mobile banking à Nairobi qu’à New York ou à Paris. Par ailleurs, la capacité d’innover en matière d’aide publique au développement est un beau sujet de réflexion. Il faut être où l’on nous attend, et travailler avec les start-up ou les PME qui ne demandent qu’à développer leurs innovations au Sud.

Autant de sujets qui seront traités aux assises. En ce qui concerne votre participation, nous avons souhaité la présence de cinq parlementaires : deux députés et de deux sénateurs, choisis par le président de leur assemblée, et un député européen de la Commission du développement. Il serait bon qu’ils assistent à tous les chantiers, mais, s’ils le souhaitent, ils seront libres de siéger ensemble aux mêmes débats.

La deuxième leçon que j’ai tirée du rapport de la Cour des comptes, c’est qu’il faut améliorer le pilotage par l’État de la politique de développement, notamment améliorer les relations entre Bercy et le Quai d’Orsay. Auparavant, les administrateurs appartenant à des ministères différents pouvaient tenir des discours différents lors des réunions des conseils d’administrations de l’Agence Française de développement. J’ai donc souhaité qu’ils se réunissent de manière informelle avant ces réunions pour se mettre d’accord sur un seul discours car la parole de l’État ne peut être qu’unique. De la sorte, cette parole y gagne en crédibilité, en force et en efficacité.

S’agissant du reste de l’Agence française de développement, je vois son directeur général tous les quinze jours. Il s’agit pour moi de faire non du micro management – ce serait contreproductif et inefficace, et ce n’est pas mon rôle – mais d’exercer une tutelle politique sur une agence publique. C’est l’occasion de discuter des grandes orientations stratégiques de celle-ci, secteur par secteur. Ainsi, quand l’alternance a eu lieu, nous avons souhaité repousser de quelques semaines le cadre sectoriel « énergie » qui allait être voté et, avec l’ensemble des autorités de tutelle, nous l’avons réorienté. Aujourd’hui, les 5 à 6 milliards d’investissement prévus dans les trois prochaines années dans le secteur de l’énergie iront en priorité vers trois branches : d’abord, celle des énergies renouvelables ; ensuite, celle de l’efficacité énergétique – la mauvaise qualité des réseaux en Afrique entraîne une déperdition colossale d’énergie ; enfin, celle de la décarbonisation. Ces trois priorités constituent, dans ce secteur, la feuille de route de l’AFD, qui a été approuvée par le conseil d’administration du mois d’octobre.

Nous travaillons maintenant sur d’autres cadres sectoriels ? C’est le cas le cadre dit de « sécurité financière ». C’est la première fois que l’AFD va formaliser, noir sur blanc, les règles qu’elle applique en matière de lutte contre la corruption. Cela concerne aussi bien le droit d’alerte en matière de corruption ou de risque de corruption, que la transparence financière ou les paradis fiscaux. Nous regardons évidemment ce qui se fait ailleurs, à la Banque européenne d’investissement, à la Banque mondiale ou à la KfW –Kreditanstalt für Wiederaufbau – en Allemagne. Notre objectif est que la France, à travers l’AFD, ait une attitude exemplaire en la matière.

Une des priorités validées dans le nouveau plan d’orientation stratégique adopté au précédent conseil d’administration de l’AFD est la responsabilité sociale des entreprises. Au représentant de Vinci qui trouve anormal que, dans tel aéroport de tel pays, l’argent de l’AFD aille à un prestataire chinois, on ne peut fournir que la réponse suivante : d’abord, il est interdit de conditionner l’octroi de l’aide ; ensuite, ce serait contreproductif car si nous décidions que nos financements ne vont qu’à nos entreprises et que les autres pays fassent la même chose, nos entreprises ne recevraient alors qu’une toute petite partie du gâteau. Pour résoudre ce problème, il a été décidé, dans le cadre du plan d’orientation stratégique, que les appels d’offres de l’AFD devraient comporter des règles de responsabilité sociale et environnementale. Ainsi, seules les entreprises qui les respecteront pourront bénéficier de ses financements. Si les entreprises chinoises respectent ces clauses, tant mieux ; sinon, elles ne pourront pas répondre au marché. Dans les deux cas, ce sera positif et source de progrès : soit nous tirons la mondialisation vers le haut, y compris chez certains compétiteurs qui, parfois, ne respectent pas toutes les règles du jeu ; soit nous imposons des règles du jeu qui excluent ceux qui ne les respectent pas et font de la concurrence déloyale. Le principe a été acté, même s’il faudra un certain temps pour que tous les appels d’offres de l’AFD contiennent des clauses sociales et environnementales.

Toutefois, en cas d’appel d’offres commun avec d’autres bailleurs, nous risquons de ne trouver confrontés à une difficulté. Si nous tentons d’imposer nos clauses sociales et environnementales à d’autres bailleurs tels que la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement ou la Banque japonaise, et que ceux-ci n’en veulent pas, ils risquent fort de nous exclure du dispositif et de chercher un autre partenaire. Pour que le système soit efficace, il faut qu’il soit adopté par tous. En tout cas, les agences y réfléchissent . Quoi qu’il en soit, le processus est d’ores et déjà engagé, et c’est pour moi un élément prioritaire de l’évolution de l’Agence française de développement.

J’en viens à l’Afrique.

L’Afrique subsaharienne représente 60 % du coût budgétaire de l’APD, contre 20 % pour l’Afrique du Nord et le bassin méditerranéen. Ainsi, 80 % du coût budgétaire de l’aide publique au développement française va en Afrique, hors Afrique du Sud. On ne peut donc pas dire que ce ne soit pas une priorité. C’était une priorité, cela le reste. De ce point de vue, il n’y a pas de changement.

Comment voyons-nous notre relation avec l’Afrique ?

Premièrement, cette relation doit reposer sur un partenariat dans le cadre de la diplomatie mondiale. Que ce soit dans les négociations sur la biodiversité ou dans celles sur le climat, l’axe euro-africain est le plus progressiste dans la mesure où il a l’ambition de contribuer à la création d’un droit international sur ces sujets. Le premier élément de notre accord partenarial stratégique est la volonté de tirer la mondialisation vers le haut, par opposition certaines alliances plus « conservatrices » avec les États-Unis, le Canada et certains pays émergents. Certes, cet axe euro-africain est minoritaire, mais c’est un élément de progrès.

Deuxièmement, cette relation avec l’Afrique doit également reposer sur des accords bi-latéraux. Je souhaite que davantage d’entreprises françaises soient présentes en Afrique, et qu’elles y respectent des règles du jeu conformes à nos valeurs et à nos intérêts. De la sorte, non seulement nous empêcherons les pires pratiques de se développer en Afrique, mais, de plus, nous y gagnerons. C’est pourquoi, tout comme Pierre Moscovici, je suis de très près la négociation européenne sur la transparence des investissements des multinationales européennes des secteurs extractif et forestier ; à cet égard, une directive européenne, qui est en cours de négociation, devrait être finalisée avant la fin de l’année. La France est aujourd’hui, avec les pays scandinaves, le pays le plus offensif en la matière. Nous avons même relevé d’un degré l’ambition du précédent gouvernement d’assurer la transparence des investissements des entreprises européennes.

Cette transparence est absolument nécessaire, car seule la capacité des États africains de lever des impôts leur permet de mener des politiques publiques en matière de santé ou d’éducation, d’assurer les conditions de leur développement et, au final, de se passer de notre aide. Il serait paradoxal que les grandes entreprises ne paient pas d’impôts, ou pas suffisamment. Car ces pays, s’ils sont privés des moyens de mener leurs politiques publiques, feront appel à nous, via nos propres impôts, pour financer leur développement. Autant faire en sorte que, sur place, les conditions d’exploitation des ressources économiques soient équitables et bénéficient directement aux pays du Sud. Cela me semble plus logique, plus efficace et politiquement souhaitable.

Dans le même état d’esprit, dans le cadre de l’action de la Banque mondiale, la France sera le premier pays au monde à financer des contrats équitables, de façon que les États du Sud puissent, dans le cadre de la négociation de ces contrats, s’offrir les services de fiscalistes et d’avocats ayant les mêmes compétences que celles des fiscalistes et des avocats des grandes entreprises. Pierre Moscovici l’a annoncé à l’occasion de la réunion des ministres des finances la zone franc. Nous allons consacrer quelques millions d’euros à cette action, dont l’impact est déterminant pour les États concernés – plusieurs centaines de millions d’euros de royalties. Ce type d’action me semble être l’avenir de l’aide publique au développement. Un tel exemple répond à vos préoccupations de transparence et d’efficacité de notre action en matière d’aide publique au développement.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je répondrai aux questions sur l’annulation de la dette.

Depuis 2000, nous consacrons entre 600 millions d’euros et 1,2 milliard d’euros par an à l’annulation de la dette. En 2012, le principal poste était la Côte d’Ivoire, avec 1,02 milliard d’euros. L’année prochaine, ce sera la Birmanie, avec 500,83 millions d’euros. En 2015, le poste principal sera le Soudan pour 870 millions d’euros, suivi par la Birmanie, pour 280 millions d’euros. D’où l’importante augmentation des sommes consacrées à l’annulation de la dette en direction des pays pauvres très endettés (PPTE). Ces annulations de dettes se sont traduites, depuis 2000, par l’augmentation, dans les budgets de ces pays, des postes consacrés aux dépenses sociales. Cela suffit à démontrer l’intérêt de ces politiques d’annulation de la dette.

Par ailleurs, nous consacrons aujourd’hui l’essentiel des dons et des subventions aux PPTE, et l’essentiel des prêts destinés à financer la croissance verte et solidaire aux pays émergents.

J’ajoute que 2 % de notre effort budgétaire va aux pays émergents – le plafond ayant été fixé à 10 % – et que 73 % de celui-ci va à l’Afrique subsaharienne, ce qui est bien au-delà du minimum de 60 % que recommandait le Comité interministériel de la coopération internationale pour le développement (CICID).

M. Jean-Paul Bacquet. Le groupe SRC votera les crédits de l’aide publique au développement. Pourtant, nous retrouvons dans le budget de cette mission ce que nous avons déjà dénoncé précédemment, qui apparaît dans le rapport de Mme Martinez, dans celui que j’avais préparé avec Mme Ameline, et dans celui de la Cour des comptes, à savoir la complexité de l’aide au développement, le caractère parfois totalement illisible de celle-ci, la multiplicité des intervenants, la sous-traitance à l’AFD, l’inexistence du contrôle parlementaire et des choix politiques faits par le Parlement, et le manque de coordination entre les différents intervenants.

Les interventions relèvent du bilatéralisme ou du multilatéralisme. Nous avions, en son temps, dénoncé, le manque de lisibilité du système. Pour ma part, j’avais dit : « Dans le bilatéralisme on sait ce que l’on fait, dans le multilatéralisme on sait ce que l’on paie ».

Les actions multilatérales sollicitent un très grand nombre d’intervenants, onusiens ou européens. Malheureusement, la France participe insuffisamment à la gouvernance. Selon Hervé Gaymard, nos idées ne seraient pas correctement diffusées. Toutefois, pour faire connaître nos idées, encore faut-il siéger dans les structures internationales. Je rappelle que nous venons seulement d’obtenir un siège au conseil d’administration du Fonds mondial, alors que nous sommes parmi ses premiers contributeurs en termes de PIB. Jusqu’à présent, notre pays payait, sans même avoir le droit de s’exprimer !

S’agissant du Fonds européen de développement, je me réjouis de la baisse de la participation de la France – celle-ci était en effet surévaluée. Toutefois, cela ne doit pas occulter le fait que le FED a besoin d’une restructuration organisationnelle, qui redonnerait un peu de lisibilité à son action.

S’agissant des évolutions qui sont proposées, je me rangerai aux arguments développés par Jean-Louis Christ, Nicole Ameline et d’autres, en remarquant que le Parlement n’a jamais été consulté à ce propos.

Les baisses des crédits consacrés à l’assistance technique, au volontariat et à la coopération décentralisée me semble discutable. En revanche, je me félicite de l’augmentation de 20 % des crédits des ONG.

La volonté de transparence et de vérité a été mise en avant. Ayons donc le courage de dire que nous ne tiendrons pas l’objectif de 0,7 % du RNB pour l’aide au développement. En revanche, le Royaume-Uni a augmenté sa participation et atteindra cet objectif. Parallèlement, sous la pression de son parlement, l’Allemagne à demandé d’augmenter sa participation. Pour ma part, je souhaiterais que le Parlement s’exprime clairement sur les choix à faire – et sur l’objectif à atteindre – en matière d’aide au développement.

Je remarque, en outre, que le pourcentage annoncé de 0,46 % est faux. En effet, si nous retirons un certain nombre d’éléments qui ne sont pas pris en compte par tous les pays – les frais d’écolage, les frais d’aide aux réfugiés, l’annulation de dette, l’aide à la protection nucléaire de l’Ukraine –, ce pourcentage tombe à 0,37 %.

Comme cela a déjà été souligné, il nous faut investir les structures internationales, pour que la voix de la France soit entendue et que les choix perdent de leur aspect technocratique.

Le problème des dons et des prêts a été posé. En faisant des prêts – qui sont le mode d’action essentiel de l’AFD –, nous ne touchons qu’une partie des pays, en particulier les pays solvables. Et si nous ne pouvons pas faire de dons, nous laissons de côté les pays les plus pauvres et les plus endettés. Vous avez fait des pays de l’Afrique subsaharienne une priorité; or c’est beaucoup plus par des dons que par des prêts que l’on pourra agir efficacement sur le développement de ces pays.

Enfin, il est souhaitable, et même nécessaire, que le Parlement puisse peser davantage sur les choix politiques et les objectifs prioritaires de l’aide au développement. Dans l’un des rapports, nous pouvons lire que 27 % de la mortalité infantile est due à des pathologies comme la diarrhée ou la pneumonie, et 3 % au sida. Cela ne veut pas dire qu’il faille abandonner la politique de lutte contre le sida, mais peut-être conviendrait-il de recentrer un certain nombre d’actions.

Nous voterons bien sûr les crédits de cette mission, mais nous souhaitons que le Parlement soit davantage informé, que l’action menée soit davantage lisible, et que nous ayons davantage voix au chapitre.

M. François Asensi. Je me rallie totalement aux propos, d’ailleurs parfois très critiques, de Jean-Paul Bacquet.

Je voudrais savoir, comme l’a demandé l’un de nos rapporteurs, si l’objectif de 0,7 % est maintenu et, s’il ne l’était pas, ce qui, politiquement, justifierait de changer d’orientation.

Je ne résiste pas au plaisir de constater qu’une unanimité se dégage dans cette assemblée autour de la taxe Tobin, dite taxe des transactions financières. Je me souviens d’un temps où l’on présentait la proposition d’instituer cette taxe comme une position ultragauchiste, de nature à mettre en cause le capitalisme mondial. Je tiens à rappeler qu’il y a chaque jour 6 000 milliards de transactions financières, ce qui permettrait de dégager des moyens pour aider les pays en grande difficulté. Il semblerait qu’il manque, au niveau mondial, entre 50 et 80 milliards pour atteindre l’objectif consistant à consacrer 0,7 % du RNB à l’aide au développement. N’oublions pas que, depuis 2008, 4 500 milliards ont été dépensés pour recapitaliser les banques et annuler la dette de certains pays. Quand on met côte à côte ces 50 à 80 milliards et ces 4 500 milliards, on voit bien que les pays développés, dits riches, pourraient apporter une aide importante aux pays en voie de développement.

En ce qui concerne l’Afrique, je pense qu’il faut que nous réfléchissions tous ensemble, de manière à avoir une vision nouvelle du devenir de ce continent. Certains pays ont vu leur taux de croissance augmenter, mais la situation est très inégale entre l’Afrique du Sud et les pays du Sahel. Reste que ce continent a de grandes capacités de développement et que nous devrions regarder avec intérêt la possibilité de l’aider à s’inscrire dans une croissance en développement.

On critique beaucoup les Chinois. On ne veut pas aujourd’hui d’une « Chinafrique », qui remplacerait la Françafrique. Cela étant, il est évident que les pays africains acceptent l’aide chinoise – si tant est qu’elle puisse leur permettre de se développer. Bien sûr, cette aide n’est pas dénuée d’arrière-pensées. Quoi qu’il en soit, nous devons considérer différemment, selon moi, la place que le continent africain pourra occuper, demain, dans la mondialisation.

Ce budget est en retrait. Il s’inscrit dans ce que d’aucuns appelleront la rigueur, la contrainte, et que moi j’appellerai l’austérité. Je noterai tout de même que je perçois une volonté du Gouvernement de travailler différemment avec la société civile, notamment avec les ONG. Je me félicite également de l’aide qui est apportée, ce qui est tout de même le fondement de notre action au plan mondial, à l’Afrique : la lutte contre le sida et le paludisme. Et je veux donner crédit au Gouvernement de s’inscrire, bien qu’il soit aujourd’hui dans une période de rigueur, dans une démarche plus progressiste en faveur des pays en voie de développement.

Voilà pourquoi le groupe GDR votera les crédits de ce budget.

M. André Schneider. La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des deux principaux programmes y concourant : le programme 110 géré par le ministère de l’économie ; le programme 209 géré par le ministère des affaires étrangères. Toutefois, je remarque que huit ministères, au total, concourent au financement de la mission, et je m’associe à certains collègues qui ont souhaité un peu plus de transparence et de lisibilité.

Les documents dont nous disposons manquent de précision. Tout à l’heure, le ministre a cité des chiffres, qui ne correspondent pas exactement à ceux qui figurent dans lesdits documents. Nous aimerions y voir un peu plus clair. De fait, nous n’avons une vision ni très transparente, ni globale, ce qui nous empêche de remplir pleinement notre mission de contrôle de l’action de la France dans le domaine de l’aide publique au développement.

Ce matin, nous examinons 3,15 milliards de crédits sur un total de plus de 9 milliards. Il est d’autant plus important que nous puissions avoir une vision globale que l’objectif fixé pour 2015 est de consacrer 0,7 % du RNB à l’aide publique au développement. À ce propos, un rapport de la Cour des comptes précise que, pour atteindre cet objectif, il faudrait augmenter ce budget de près de 9 milliards, soit de 20 % par an – condition assez peu réalisable dans les circonstances actuelles.

Messieurs les ministres, je tiens à rappeler que, malgré un contexte budgétaire contraint, le gouvernement de François Fillon avait réussi à maintenir, et même à augmenter les crédits de cette mission. On entend souvent parler d’une augmentation de 10 % sur les dix dernières années. Or je crois que nous sommes passés de 0,31 % du RNB à 0,46 %, ce qui correspond tout de même à une augmentation d’à peu près 50 %.

Lundi dernier, le Président de la République a promis aux chefs des organisations économiques internationales – BM, FMI, OCDE, OIT, OMC – qu’un effort considérable serait fait dans ce domaine. En juin, à Rio, il avait déclaré devant la communauté internationale qu’une grande partie – voire, à terme, la totalité – de la TTF serait affectée à l’aide au développement. Enfin, le mois dernier, à New York, il a précisé que la France avait pris l’engagement de reverser une partie importante de cette taxe à l’aide au développement, à la lutte contre les fléaux sanitaires et les pandémies.

Tout à l’heure, M. le ministre Canfin a évoqué les problèmes climatiques. J’indique que j’ai eu l’honneur de présenter ici même, avec un collègue socialiste, Philippe Tourtelier, un rapport sur les changements climatiques et leur nécessaire prise en compte par les politiques d’aide au développement. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit, monsieur le ministre, mais, si vous me permettez l’expression, il faudra « mettre le paquet » !

Qu’en est-il aujourd’hui ? Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que 10 % du produit de la TTF seraient affectés à l’APD, mais les documents dont nous disposions jusqu’à ce matin ne faisaient état que de 4%. Cela représente 60 millions d’euros alors que la diminution du budget de l’APD est de 197 millions d’euros. Quelle est la réalité ? Tel qu’il est présenté dans le projet de loi de finances, le dispositif prévoit que cette part de 10 % ne sera atteinte que dans trois ans. Est-ce bien le cas ?

Le programme 110, doté de 101,16 milliards d’euros, connaîtrait une baisse de 2,5 %. Quant au programme 209, ses crédits, de 1,96 milliard d’euros, diminueraient de 7,8 %. J’emploie le conditionnel car je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre, mais nous pouvons regretter que le Parlement ne dispose pas de chiffres exacts.

Le projet de budget pour 2013 serait ainsi réduit de quelque 200 millions d’euros. Selon les prévisions triennales courant jusqu’en 2015, la contraction des crédits devrait se poursuivre en 2014 et en 2015.

Les subventions bilatérales prévues pour les dix-sept pays prioritaires – ce qui nous ramène à la question cruciale du problème alimentaire et donc à l’Afrique – devraient baisser de 3,5 %.

Presque toutes les actions de cette mission voient leurs dotations diminuer, à l’exception de l’action 2 du programme 110 « Aide économique et financière bilatérale ».

La France occupe aujourd’hui le quatrième rang des pays donateurs de l’OCDE. Elle doit impérativement conserver cette place voire progresser. La ponction des crédits alloués à cette politique doit donc cesser. De nombreux défis nous attendent. Nous devons réduire les frais administratifs : les nôtres s’élèvent à 3,4 % de ce que nous consacrons à l’APD alors que ce taux n’est que de 2,8 % au Royaume-Uni et de 3 % en Allemagne. L’organisation des réseaux d’aide doit également être simplifiée. M. Pierre Lellouche avait réalisé un travail que je tiens à souligner pour l’amélioration de la liaison entre l’aide au développement et les entreprises. Les organisations doivent être simplifiées par l’approfondissement des relations entre les acteurs et les institutions ; les financements bilatéraux doivent être réservés à des projets liés à des objectifs nationaux clairement définis.

Le budget que vous nous proposez, messieurs les ministres, ne dégage pas d’ambition très claire. Néanmoins, nous notons des avancées et des intentions positives. Personne ne peut être opposé à l’APD et au renforcement de la place de la France dans ce domaine. Dans l’attente de la concrétisation de vos intentions dans des chiffres, le groupe UMP s’abstiendra lors du vote de ce budget.

M. Noël Mamère. Le groupe Écologiste votera ce budget de l’APD malgré les observations que je vais formuler. Nous nous retrouvons en effet pleinement dans les critiques émises par Jean-Paul Bacquet et François Asensi.

En période de crise, l’APD est d’une très grande nécessité. En 1980, le revenu par habitant des quatorze pays les plus riches du monde était quarante-quatre fois supérieur à celui des quatorze pays les plus pauvres ; ce rapport s’élève à cinquante-six en 2012. La France doit donc conduire une politique d’APD guidée par d’autres objectifs que ceux qui priment aujourd’hui et qui se concentrent dans la défense d’intérêts économiques et géopolitiques. La liste des pays prioritaires et celle des pays bénéficiaires fait d’ailleurs apparaître un grand décalage.

Nous ne pouvons certes que nous féliciter que la nouvelle majorité ait choisi de transformer le ministère de la coopération en ministère du développement et qu’un écologiste le dirige après avoir été, au Parlement européen, un artisan de la TTF.

Mes collègues de gauche comme de droite ont souligné que la part du produit de la TTF attribuée à l’APD ne correspondait pas aux engagements pris par le Président de la République. D’autres pays de l’Union européenne comme le Royaume-Uni tiennent l’objectif de 0,7 % du Revenu national brut consacré à l’APD. Je ne vois pas pourquoi notre pays n’en ferait pas autant. Comme le Royaume-Uni, la France est un ancien pays colonisateur ; sur les territoires que nous avons colonisés, notamment en Afrique, nous avons donc une dette écologique. Pour l’honorer, nous devons privilégier les dons aux prêts. En effet, l’attribution de prêts ne permet d’aider que les pays les plus solvables. Si nous voulons réparer cette dette écologique et rendre à ces pays que nous avons colonisés et dont nous avons épuisé, pour beaucoup d’entre eux, les ressources, nous devons modifier notre politique d’APD.

Jean-Paul Bacquet a beaucoup insisté sur la transparence. Dois-je rappeler que l’APD est aujourd’hui gérée par huit ministères et répartie dans vingt-trois programmes ? Le Parlement n’a pratiquement aucun mot à dire sur l’utilisation des crédits affectés à cette politique. En remplaçant « coopération » par « développement », a-t-on réellement supprimé la Françafrique – domaine réservé du Président de le République – ou a-t-on voulu initier une politique de transparence ? L’AFD ne doit, certes, pas être placée sous tutelle mais la politique qu’elle conduit doit pouvoir être évaluée grâce à la mise en place d’outils pertinents.

Le Président de la République s’est engagé à ce qu’une loi de programmation soit adoptée. Où en est ce projet ?

Nous attendons beaucoup de ces Assises du développement et de la solidarité internationale. Si nous voulons rénover notre politique d’APD et notre action en direction des pays les plus pauvres pour lutter contre le changement climatique et les pandémies ainsi que pour favoriser la biodiversité, la France, au sein de l’Europe, doit jouer un rôle essentiel. Je partage l’affirmation de Jean-Paul Bacquet selon laquelle nous sommes peu représentés dans le Fonds européen de développement. Or, les politiques de développement ne seront efficaces que si elles comportent une dimension européenne.

M. Paul Giacobbi. Le groupe RRDP votera l’adoption des crédits de cette mission tout en partageant les observations contenues dans les rapports relatifs à ce budget et celles présentées par mon collègue, M. Jean-Paul Bacquet.

La page huit du rapport de M. Hervé Gaymard a fait naître chez moi une grande nostalgie. En 1980 et 1981, j’étais élève de l’ENA et étudiais ces questions. Un séminaire portait sur le fait de savoir si l’APD devait privilégier des zones – en particulier l’Afrique francophone et subsaharienne. En effet, ce rapport comporte un extrait d’un document de la Cour des comptes soulignant que « malgré les affirmations répétées, l’aide au développement peine à se concentrer sur la zone qui en a le plus besoin, l’Afrique subsaharienne ». À l’évidence, la question n’a donc toujours pas été tranchée. Il est d’ailleurs difficile de se faire une idée de l’allocation de l’APD puisque les deux documents présentant cette mission ne contiennent aucune carte ni aucun tableau indiquant vers quels pays vont nos dons et nos prêts et à quelle type de politique ils correspondent. La politique d’APD contient-elle une dimension géographique ? En tout cas, s’il y en a une, elle n’est pas lisible.

Je vais maintenant, à titre de comparaison, citer quelques exemples d’aides d’origine privée.

La fondation Bill-et-Melinda-Gates dispose de dizaines de milliards de dollars de fonds propres. Elle va ainsi consacrer plusieurs milliards de dollars à un programme devant lutter contre la mortalité infantile dans un pays africain. En Inde, la société informatique Wipro a employé un milliard de dollars pour le développement rural, domaine qui n’est en rien dans le champ de son activité. Après deux ans de discussion, la France, sous prétexte de respecter la LOLF, est incapable d’attribuer une aide paritaire de deux millions d’euros à la réalisation d’un projet de l’Indian Institute of Technology du Rajasthan. Il s’agit d’un établissement – dont le niveau est équivalent voire supérieur à celui de l’École Polytechnique – dans lequel les meilleurs ingénieurs du pays seront formés dans des domaines stratégiques comme celui des énergies alternatives. Contribuer à son financement servirait donc les intérêts de la France. Mais sans doute attendons-nous que le Japon ou la Chine – voire ces deux pays – vont proposer vingt millions de dollars. La comparaison entre une aide privée d’un milliard de dollars au développement rural en Inde et notre incapacité à honorer un tel engagement mérite une explication.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Les Assises du développement et de la solidarité internationale sont une excellente initiative, d’autant plus qu’y sont conviés des parlementaires français et européens. Je m’associe aux remarques de mes collègues réclamant que le Parlement soit davantage associé à la conduite de cette politique. Je me retrouve tout particulièrement dans les propos de Jean-Paul Bacquet, qui a beaucoup étudié ces questions avec Mmes Nicole Ameline et Henriette Martinez – leurs rapports avaient d’ailleurs été très critiques sous les précédentes législatures.

La baisse des crédits dévolus à la coopération décentralisée me préoccupe. Votre explication sur ce point est importante, messieurs les ministres, car, si l’on prend l’exemple du Mali, l’essentiel de l’aide aux populations dans le nord du pays transite par la coopération décentralisée.

Si la priorité doit bien être portée sur l’Afrique, quelle est la politique d’aide aux pays ayant connu le printemps arabe ? À Deauville en 2011, le G8 avait fait des promesses fortes : 40 milliards de dollars de financements bilatéraux et multilatéraux et une extension à cette région du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Néanmoins, le volume des crédits accordés est sans commune mesure avec celui que consacraient l’Union européenne et les pays qui la composent aux pays d’Europe centrale et orientale avant l’adhésion de ceux-ci à l’UE. Pouvez-vous nous brosser un tableau de la mise en œuvre du partenariat lancé à Deauville ? Quelle est, en outre, votre évaluation de l’aide accordée à ces pays par les États du Golfe ?

Le Mali a reçu, selon l’OCDE, une aide globale au développement d’un milliard de dollars par an. Ce pays était considéré comme l’un des plus prometteurs de sa région. Or, il s’est effondré.

Quel est le bilan de soixante ans d’aide publique au développement dans ces États prioritaires ? Quelle est la nature des actions que vous comptez promouvoir pour ces pays qui doivent évidemment rester prioritaires mais dont l’aide qui leur est apportée doit gagner en efficacité afin de parvenir vraiment aux bénéficiaires et de ne plus souffrir de déperdition ?

Je salue le fait, monsieur Canfin, que vous souhaitiez piloter de manière cohérente la politique d’APD avec M. Benoît Hamon afin que le Gouvernement ne parle que d’une seule voix au sein de l’AFD. Néanmoins, beaucoup d’efforts vont devoir être fournis pour que les mêmes routines et les mêmes errements cessent de perdurer.

M. Jean-Paul Dupré. Les analyses de la Cour des comptes sur l’APD ne constituent pas une surprise. Chacun d’entre nous a pu constater sur le terrain les difficultés pour mesurer l’impact de l’effort fourni par la France en matière d’aide au développement. Dans certains cas, j’ai même pu considérer que l’aide bilatérale passait par pertes et profits.

Le bénéfice réel de l’aide pour les populations peut susciter des interrogations dans des domaines comme celui de la santé ou de l’éducation.

L’avenir de la francophonie dans les pays concernés est également une source de questionnement.

Sommes-nous, messieurs les ministres, en mesure d’améliorer concrètement et immédiatement l’efficacité de l’aide et de rompre ainsi avec les soixante dernières années ?

Mme Chantal Guittet. Quelle est votre stratégie, messieurs les ministres, pour promouvoir, par le biais de l’APD, l’égalité entre les hommes et les femmes ? Le développement des pays aidés passe par l’autonomisation des femmes et par l’extension de leur capacité à agir. Le paragraphe 42 de la Déclaration de Paris de 2005 sur l’efficacité de l’aide fixait comme objectif aux pays donneurs et aux pays partenaires l’harmonisation de leur approche en matière d’égalité des genres. Ce principe a-t-il été mis en œuvre ?

M. Jacques Myard. L’APD est une double nécessité géostratégique. D’une part, elle permet de stabiliser des États dont les déséquilibres ont des conséquences pour la France et l’Europe. D’autre part, elle permet de nous rendre compte que nous vivons en concurrence avec plusieurs de nos partenaires, y compris certains de nos amis comme les Britanniques – si tant est que ces derniers soient nos amis –, ou d’autres pays conduisant une politique plus agressive comme la Chine voire les États-Unis.

Quelle répartition souhaitez-vous appliquer, messieurs les ministres, entre l’aide bilatérale et les projets multilatéraux ? Le rapport présenté par M. Hervé Gaymard démontre, une nouvelle fois, que la France privilégie le multilatéral qui rend anonyme son aide et plus délicate la conduite d’une stratégie d’influence.

Quelle est votre politique en faveur de la maîtrise démographique ? L’un de nos collègues écologistes refaisait tout à l’heure le monde en affirmant que les États africains avaient été pillés. Or, le problème de l’Afrique est qu’elle était habitée par 250 millions d’habitants en 1950, qu’elle est aujourd’hui peuplée de plus d’un milliard d’individus et que 1,7 milliard de personnes y vivront d’ici vingt à trente ans. Ce déséquilibre démographique est à la source même des problèmes de développement car il ne peut y avoir de pays connaissant une croissance démographique supérieure à 2 % et parvenant à prospérer.

Vous nous avez indiqué que 10 % du produit de la TTF allait être consacré à l’APD. Je me permets de vous rappeler que la taxe de solidarité sur les billets d’avion a été mise en œuvre à l’initiative de l’ancien Président de la République, M. Jacques Chirac.

M. Jean-Louis Christ. Les ONG sont indignées par la réduction de la TTF à un simple symbole. À Rio de Janeiro, le Président de la République avait promis à la communauté internationale qu’« une grande partie d’une telle taxe servirait au développement ». À New York le mois dernier, il annonçait a contrario que seulement 10 % du produit de cette taxe y seraient consacrés.

Voilà des années que des organisations de la société civile se battent pour que les sommes rapportées par cette taxe soient affectées au développement. Elle doit permettre de financer les urgences sociales, environnementales et humanitaires ; elle doit devenir un mécanisme fondamental de redistribution des richesses à l’échelle mondiale. Monsieur le ministre, quelle sera l’évolution de l’utilisation de la TTF dans les années à venir ?

M. Gwenegan Bui. Jean-Paul Bacquet a très bien exprimé les craintes et les espoirs du groupe socialiste, républicain et citoyen nés de l’examen de ce budget.

Monsieur Canfin, vous avez évoqué la question du Sahel où la situation humanitaire s’est encore détériorée en 2012 du fait de la sécheresse, de la pénurie alimentaire et de nouveaux déplacements de population. Ces difficultés touchent 18 millions de personnes dans cette zone. Or, les réponses alimentaires et d’urgence ne règlent pas les problèmes, car les crises sont récurrentes et leurs pics de plus en plus rapprochés. Quels sont les engagements du Gouvernement pour mener une politique de fond – et non simplement d’urgence – permettant de susciter, à moyen et long terme, le développement de cette zone grâce à l’agriculture, à la formation agricole, à l’amélioration de la santé, à l’accès à l’éducation et à l’assistance technique ?

M. Éric Alauzet. L’engagement de François Hollande de doubler, au cours du quinquennat, le soutien aux associations contribuant à l’aide au développement se retrouve dans les 9 millions d’euros qui sont consacrés à cette aide. Il s’agit d’un effort important même si le respect du tableau de marche exigeait d’y affecter 13 millions d’euros en 2013. Quelle sera l’augmentation de cet appui aux ONG – par lesquelles les aides transitent – dans les cinq années qui viennent ?

Quelle stratégie pourrait être mise en œuvre pour mobiliser davantage les associations agissant dans ce domaine, en France et, surtout, dans les pays aidés ?

M. Michel Terrot. Le reniement du Président de la République sur la TTF est inouï. Il y a quelques mois, la part du produit de cette taxe affectée à l’aide au développement devait être très importante. Elle est aujourd’hui annoncée à 10 % mais elle n’atteindra peut-être même pas ce taux puisque les documents budgétaires qui nous ont été transmis l’évaluent à 3,7 %. Ce hold-up ne peut être passé sous silence, alors que cette taxe devait servir les intérêts de l’Afrique et contribuer à atteindre les objectifs du Millénaire dont chacun sait qu’ils ne seront pas remplis sans le produit de cette taxe.

Je rejoins les propos de Jean-Paul Bacquet : la France veut-elle encore avoir une politique d’influence ? Si elle ne le souhaite plus, il convient de poursuivre notre engagement dans les programmes multilatéraux au détriment de l’aide bilatérale. La France aura alors totalement disparu du continent africain au moment où les puissances émergentes y sont toutes présentes.

M. Jean-Luc Drapeau. La mission « Aide publique au développement » est importante puisque un quart de la population mondiale doit compter sur la solidarité internationale pour s’extraire des conditions d’extrême pauvreté.

La France occupe depuis 2010 le quatrième rang des contributeurs parmi les pays membres du comité d’aide au développement de l’OCDE. Le Président de la République avait pris l’engagement d’une aide au développement accrue. Dans un contexte budgétaire très contraint, je voudrais saluer le fait qu’une partie du produit de la TTF sera allouée à l’APD : cette part peut sembler faible, mais il s’agit d’un premier pas et l’on peut espérer qu’elle sera plus élevée dans les années qui viennent.

L’augmentation du financement des ONG pour cibler au plus près les populations des pays qui ont le plus besoin d’aide est notable.

Je suis, en revanche, réservé sur la politique d’effacement de dettes, qui ne comprend souvent que des étalements du remboursement de dettes et qui ne touche que les pays les plus solvables. Certains pays n’ont, en effet, pas les moyens d’avoir de dettes et considèrent parfois ces mesures comme iniques.

La remise à plat de notre politique d’APD, l’ouverture des Assises du développement et de la solidarité internationale sont des axes très positifs.

La France a souscrit, lors de la conférence de l’ONU tenue à Monterrey, au Mexique, en 2002, à l’objectif de porter l’APD à 0,7 % du RNB en 2012. Cette échéance a déjà été repoussée à 2015. Le Président de la République a affirmé que des ressources nouvelles étaient nécessaires pour tenir cet engagement. Quelles sont les premières pistes étudiées, messieurs les ministres, pour trouver de nouvelles ressources ou capacités permettant d’atteindre ce but ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. L’aide publique au développement est répartie à raison d’un tiers pour l’aide multilatérale et de deux tiers pour l’aide bilatérale.

Conserver une part d’aide publique au développement dans le cadre de l’action multilatérale est, à nos yeux, très important, monsieur Myard. Les institutions financières internationales qui interviennent dans ce domaine, notamment la Banque mondiale, constituent un élément essentiel du soft power, un concept inventé par les Anglo-saxons. Si nous ne voulons pas que les principales orientations en matière de politique d’aide au développement soient pilotées aujourd’hui par les Anglo-saxons, il est indispensable que la France puisse contribuer efficacement, c’est-à-dire financièrement, au fonctionnement de ces organisations multilatérales. Au-delà même de l’image de la France, c’est son rôle dans l’aide multilatérale qui serait remis en cause si elle devait baisser sa contribution. Notre influence au sein de la Banque mondiale pour que 50 % des fonds AID soient consacrés aujourd’hui à l’Afrique découle directement de notre contribution financière dans le cadre de l’aide multilatérale. La diminuer procèderait d’un choix stratégique tout à fait préjudiciable aux intérêts que nous défendons, y compris dans l’Afrique subsaharienne. Il s’agit de ne pas laisser le pilotage des fonds des organisations multilatérales à d’autres pays qui, de la même manière que nous – je pense aux pays du G 7 –, consacrent deux tiers de leur aide au bilatéral et un tiers au multilatéral. La France ne fait pas là figure d’exception.

Nous cheminons progressivement sur la voie du ratio APD/RNB. Incontestablement, nous n’atteindrons pas les 0,7 % du RNB en 2015, puisque de 0,46 % en 2011 nous avons plutôt une perspective de 0,48 % en 2015. Cette trajectoire fait de nous le quatrième donateur au monde et le deuxième pays du G 7 en ratio APD/RNB. Notre contribution est donc tout à fait importante et, de ce point de vue, la France n’a pas perdu son rang.

Je confirme la volonté du ministère de l’économie et des finances de travailler en parfaite symbiose avec le ministère des affaires étrangères pour ce qui relève des choix politiques et budgétaires de la France en matière d’aide publique au développement. Ce sera vrai aussi de l’AFD. Nous avons la volonté aujourd’hui de ne parler que d’une seule voix, ce que l’on pourra vérifier au cours des prochaines années.

La TTF est loin de n’être qu’un symbole, y compris dans les montants attendus lors de sa montée en charge : 60 millions, 100 millions et 180 millions sur les trois années à venir. La différence de ratio entre autorisations d’engagement et crédits de paiement vient de ce que la TTF participe au financement du Fonds vert, qui a été créé à Copenhague. Les pays se sont engagés à y contribuer et, puisque celui-ci va monter en puissance à partir de 2013, il en est tenu compte dans le budget. Toutefois, les premiers versements n’interviendront que lorsque les projets financés par le Fonds vert l’appelleront à décaisser. D’où le delta entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement. Rappelons que les 480 millions d’euros d’engagements pris sur la TTF respectent le pourcentage de 10 % de cette taxe consacrés à l’aide publique au développement.

À la TTF française vient s’ajouter la TTF européenne, qui procède de la réussite d’un engagement du Président de la République à convaincre plusieurs pays – onze aujourd’hui – de mettre en œuvre une taxe sur les transactions financières. Cet outil de régulation politique et financière participera à élever le niveau de la contribution à l’aide au développement des pays européens.

M. Pascal Canfin, ministre délégué, chargé du développement. Je ne reviens sur la taxe sur les transactions financières que pour dire qu’il ne s’agit pas de modifier les chiffres qui vous ont été transmis mais d’additionner les deux logiques que sont les autorisations d’engagement sur plusieurs années et les crédits de paiement décaissables immédiatement. En additionnant les deux, notre capacité d’engagement est bien de 10 % du 1,6 milliard de recette estimée de la taxe française.

S’agissant de la TTF européenne, je veux clarifier les différentes interprétations et exégèses qui ont pu être faites, dans cette enceinte, de la parole présidentielle. J’ai bien regardé les engagements que le Président de la République avait pris pendant la campagne et bien écouté ce qu’il a dit à Rio et à New York. Au cours de sa campagne, François Hollande n’a pris d’engagement d’affectation de la taxe sur les transactions financières que pour la taxe européenne, tout simplement parce que la taxe française devait aller intégralement à la réduction des déficits. Avec Laurent Fabius notamment, nous avons obtenu 10 % pour le développement. Il n’y a donc pas de régression vis-à-vis des discours mais, au contraire, un pas en avant par rapport à des engagements qui n’avaient pas été pris.

Les engagements portaient sur la taxe européenne, et le Président a bien dit, à Rio, vouloir faire en sorte qu’une part significative de la TTF européenne soit affectée au développement. La position de négociation est en cours de discussion au sein du Gouvernement français ; elle sera rendue publique dans les prochaines semaines, et je l’espère la plus ambitieuse possible. Aujourd’hui, au sein des dix autres pays qui souhaitent participer à cette coopération renforcée, nous sommes parmi les plus ambitieux en termes d’affectation au développement. Nous devons donc nous attacher à trouver des alliances pour y parvenir.

Le doublement de l’aide aux ONG est un autre engagement du Président de la République qui a été tenu. Il s’agit bien de montée en puissance, monsieur Alauzet, puisque l’engagement portait sur un doublement sur le quinquennat, pas en 2013. Nous avons fléché une trajectoire de 45 millions d’augmentation sur cinq ans, soit 9 millions par an, et donc 9 millions en 2013 pour commencer. Ce doublement de la part de l’aide passant par les ONG implique de formaliser les relations entre l’Agence française de développement, qui sera le véhicule par lequel transitera cette augmentation, et les ONG concernées. Pour la première fois, au premier trimestre 2013, l’AFD mettra en œuvre un cadre, actuellement en cours de rédaction, de règles de partenariat entre l’Agence et les ONG. Si les crédits augmentent pour répondre à la nécessité de développer, comme vous le souhaitez, des projets plus petits, qui ne sont pas de grosses infrastructures fonctionnant par prêts et qui viennent donc en complément de ce que sait faire traditionnellement l’Agence française de développement, la politique dans laquelle ils s’inscrivent doit être parfaitement transparente, d’où la clarification des règles.

Un autre engagement de campagne du Président de la République était de stabiliser la part des dons-projets, le cœur de l’aide en quelque sorte. Nous l’avons fait dans ce premier budget et prévoyons de le faire sur le triennal. Nous avons donc calibré le budget de façon à respecter le troisième engagement qui avait été pris par le Président, le quatrième étant les Assises dont j’ai abondamment parlé.

Dans le cadre de ces assises, je vous invite à continuer à être une force de stimulation et de progression de notre pilotage, de nos choix et de nos arbitrages en matière de transparence et d’efficacité. Certes, une grande partie des critiques du rapport de la Cour des comptes, malheureusement justifiées, s’adresse au gouvernement antérieur sans que nous ayons à en assumer le coût politique, il n’en reste pas moins que nous devons nous appuyer sur ces critiques pour changer les pratiques. Pour cela, nous avons besoin de votre volontarisme, de votre énergie, de votre regard critique. Je compte vraiment sur vous pour faire entendre votre voix et faire des propositions concrètes et argumentées. La loi de programmation, portez-la pendant les Assises, tout comme les autres sujets que vous avez évoqués en matière d’efficacité et de transparence. Les Assises sont précisément faites pour déboucher sur des modifications concrètes en matière de gestion et de pilotage de notre aide.

Dans le cadre européen, j’ai noué des relations directes, qui n’existaient pas auparavant, avec le commissaire en charge du développement, M. Andris Piebalgs. Je le rencontre très régulièrement tous les quinze jours ou trois semaines, et ce pour maintenir l’influence de la France au sein de l’Union européenne en matière d’aide au développement. Il faut savoir que deux tiers de nos dons passent par l’Union européenne. À nous – à moi – d’avoir suffisamment d’influence pour que, dans les choix qu’elle effectue, par exemple en matière de définition de la stratégie à mener au Sahel ou de répartition géographique ou sectorielle de l’aide, l’Union européenne prenne en compte le plus possible notre vision. Si, comme je m’emploie à le faire, nous y parvenons, cela aura un effet levier sur nos dons. Ainsi, tout en contribuant à moins de 20 % du FED, nous aurons un impact et une visibilité sur le terrain, et le multilatéral européen apparaîtra comme une force d’influence de la France, en aucun cas comme la privation de ressources qui pourraient être utilisées au niveau bilatéral.

M. Dominique Baert, président. Nous avons terminé notre réunion en commission élargie, et je remercie MM. les ministres d’y avoir participé.

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures vingt.

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