Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N
° 
1289

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur le contrôle de l’exécution des crédits
de la mission
« Anciens combattants » pour les exercices 2011 et 2012

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Marc LAFFINEUR et MME Sylvie PICHOT,

Députés.

——

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits
de la mission « Anciens combattants » pour les exercices 2011 et 2012 est composée de :

Mme Sylvie Pichot et M. Marc Laffineur, rapporteurs ;

Mmes Marianne Dubois, Edith Gueugneau, Émilienne Poumirol, M. Michel Voisin et Mme Paola Zanetti, membres. (*)

(*) Composition modifiée lors de la réunion de la commission du 27 mars 2013.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. L’EXÉCUTION DES CRÉDITS DES ANNÉES 2011 ET 2012 7

A. LE PROGRAMME 167 « LIENS ENTRE LA NATION ET SON ARMÉE » 7

1. Les crédits de la Journée défense et citoyenneté 8

2. La politique de mémoire 8

B. LE PROGRAMME 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT » 11

1. La retraite du combattant et les pensions militaires d’invalidité 11

a. Les pensions militaires d’invalidité 11

b. La retraite du combattant 13

2. La gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité et les actions de solidarité 14

3. La réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires Français 15

C. LE PROGRAMME 158 « INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE » 17

II. L’INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES 19

A. DES ATTENTES NOMBREUSES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS 19

1. Un dispositif complet de réparation en faveur des victimes 19

2. Des résultats décevants 21

B. APPLIQUER PLEINEMENT LE DISPOSITIF D’INDEMNISATION 23

1. Renouer le dialogue avec les associations et les victimes 23

2. Sortir de la situation de blocage 25

III. L’AVENIR DE L’INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES 29

A. UN CENTRE DE RÉFÉRENCE POUR LA PRISE EN CHARGE DU HANDICAP AU SERVICE DU MONDE COMBATTANT 29

1. Le centre des pensionnaires 29

2. Le centre médico-chirurgical 30

3. Le CERAH 30

B. UNE PLACE DANS LE SYSTÈME DE SOINS À CONFORTER 31

1. Renouer le dialogue avec le ministère de la Santé 31

2. Réussir le projet d’établissement 32

IV. L’OFFICE NATIONAL DES ANCIENS COMBATTANTS EN PLEINE MUTATION 35

A. UNE TRANSFORMATION PAS TOTALEMENT ACHEVÉE 35

1. Une réforme réussie 35

a. Des compétences nouvelles dans un contexte de réduction des effectifs 35

b. Une réorganisation complète de la gestion des cartes et des titres 36

c. Un service unique de proximité 37

2. Une place à trouver auprès de la nouvelle « génération du feu » 38

a. L’avenir des établissements médico-sociaux 38

b. Quelle place pour les écoles de reconversion professionnelle ? 38

c. Mieux accueillir la nouvelle génération du feu 39

B. LES SERVICES DE L’ONAC A L’ÉTRANGER : L’EXEMPLE DE L’ALGÉRIE 40

1. Une activité croissante en matière de cartes et de titres 40

a. Les cartes du combattant 40

b. Les pensions militaires de retraite et les pensions militaires d’invalidité 41

2. L’entretien des nécropoles et la mémoire 42

a. Les cimetières 42

b. Une mémoire commune 43

EXAMEN EN COMMISSION 47

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION D’INFORMATION 53

INTRODUCTION

Avec la création de cette mission d’information, la Commission de la défense nationale et des forces armées a signifié sa volonté de poursuivre la démarche de suivi de l’exécution des crédits relevant de sa compétence entamée sous la précédente législature.

Elle permet aux membres qui la composent de mieux connaître les modalités de construction du budget dédié aux anciens combattants, de suivre la montée en charge de dispositifs récemment votés par le Parlement et de mieux préparer la discussion budgétaire.

L’exécution de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » se déroule généralement sans surprise majeure, les paramètres à prendre en compte, le nombre de bénéficiaires et le montant des prestations, n’étant pas soumis à des aléas significatifs en cours d’exécution.

Tel a été le cas pour les exécutions 2011 et 2012.

Aussi, pour enrichir cette analyse budgétaire, les membres de la mission ont souhaité rencontrer les principaux responsables des programmes de la mission mais aussi les associations d’anciens combattants. Ils ont également effectué un déplacement en Algérie pour comprendre comment fonctionnait le service des anciens combattants sur place.

Au terme de leurs travaux, ils ont pu mesurer la variété des dispositifs financés par cette mission mais aussi l’étonnante capacité de transformation de l’administration au service du monde combattant.

Ils ont choisi, après l’analyse de l’exécution des crédits des années 2011 et 2012 de consacrer une partie de leur rapport au dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, à l’avenir de l’Institution nationale des Invalides et à la réforme de l’Office national des anciens combattants.

I. L’EXÉCUTION DES CRÉDITS DES ANNÉES 2011 ET 2012

Conformément à la programmation triennale des finances publiques pour les années 2011 à 2014, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ont suivi une trajectoire régulière de baisse au cours des années 2011 et 2012.

Cette baisse est le corollaire, d’une part, de la diminution du nombre de bénéficiaires des pensions militaires d’invalidité et de la retraite du combattant et, d’autre part, de la diminution des effectifs de la direction du service national. Elle n’a cependant pas empêché l’augmentation du montant de certaines prestations.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSOMMÉS DE LA MISSION « ANCIENS COMBATTANTS »

(en millions d’euros)

Programme

2010

2011

Écart
2011 - 2010

2012

Écart
2012 - 2011

167

Liens entre la nation et son armée

138,38

132,66

- 4,5 %

116,16

- 12,44 %

169

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

3 175,76

3 016,53

- 5,02 %

2 909,77

- 3,54 %

158

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

109,06

106,22

- 2,61 %

97,37

- 8,33 %

TOTAL

3 423,20

3 255,40

-4,99 %

3 123,30

- 4,06 %

Source : Rapport annuel de performances 2012.

A. LE PROGRAMME 167 « LIENS ENTRE LA NATION ET SON ARMÉE »

Ce programme finance l’organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui sensibilise chaque année plus de 750 000 jeunes à l’esprit de défense, ainsi que la politique de mémoire des conflits, afin de renforcer le lien entre l’armée et la Nation. Il finance également les activités mémorielles de la direction du patrimoine, de la mémoire et des archives (DMPA) du ministère de la Défense.

Hors dépenses de personnel, les dépenses du programme se sont élevées à 32,8 millions d’euros en 2012, soit 5 % de plus que prévision de la loi de finances initiale pour 2012, 31,2 millions d’euros. Ces dépenses sont presque stables car elles n’ont augmenté que d’1 % par rapport à 2011.

Les annulations de crédits sur le programme se sont élevées à 500 000 euros en 2012. Elles portent essentiellement sur les crédits mis en réserve en début d’année. Les reports de crédits sur la gestion 2013 s’élèvent à 300 000 euros.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 167

     

(en millions d’euros)

   

2011

2012

Numéro et intitulé
de l’action et du titre

LFI

Consommation

LFI

Consommation

Action 1

Journée défense et citoyenneté

122,56

120,05

105,99

101,47

Action 2

Politique de mémoire

11,82

12,60

12,13

14,68

TOTAL

134,38

132,66

118,12

116,16

Source : rapport annuel de performances 2012.

1. Les crédits de la Journée défense et citoyenneté

Hors dépenses de personnel, les dépenses 2012 sont inférieures de 6 % à la prévision puisqu’elles sont de 18,7 millions d’euros, contre 19,9 millions d’euros prévus par la loi de finances initiale. Elles sont en recul de 8,8 % par rapport à 2011 où elles étaient de 20,5 millions d’euros. Cet écart s’explique principalement par des reports de facturation de certaines prestations sur l’année 2013. L’exécution 2013 devrait être stable en raison du renouvellement, en 2012, du marché de secourisme pour un montant moindre que le précédent.

Les crédits de cette action n’offrent que peu de marges de manœuvre car ils sont soumis aux évolutions démographiques des jeunes participant chaque année à la Journée défense et citoyenneté.

Le coût moyen par participant de la JDC est stable : 160 euros, conformément à l’objectif poursuivi.

Les efforts réalisés en 2012 pour poursuivre le projet de réforme de la direction du service national se sont traduits par une baisse significative des dépenses de personnel, passées de 100,2 millions d’euros en 2011 à 83,40 millions en 2012.

Par ailleurs, la rationalisation des sites et la maîtrise des dépenses de fonctionnement ont permis de compenser les hausses de prix, en particulier de l’alimentation, et de maintenir le coût moyen de la JDC.

2. La politique de mémoire

Les dépenses liées à la politique de mémoire ont augmenté significativement au cours de l’année 2012 pour s’établir à 14 millions d’euros, soit 24 % de plus que la prévision, qui était de 11,3 millions d’euros. Elles sont en augmentation de 18 % par rapport à l’année 2011, où elles s’établissaient à 11,9 millions d’euros.

L’écart par rapport à la prévision s’explique principalement par la préparation du centenaire de la Première Guerre mondiale, dont les grands axes ont été fixés au printemps 2012. Des versements supplémentaires ont ainsi été effectués au profit de l’Office national des anciens combattants (ONAC) afin de mettre en œuvre dans les meilleurs délais le programme pluriannuel de rénovation des sépultures de guerre et de mise en valeur des hauts lieux de la mémoire nationale. Des subventions ont également été versées à la fondation Auschwitz-Birkenau et au groupement d’intérêt public « Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale » créé spécialement, en avril 2012 pour organiser ce grand cycle commémoratif.

En 2013, les dépenses devraient augmenter en raison des besoins liés aux commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, du 70anniversaire de la Résistance intérieure, de la Libération du territoire national et de la victoire contre le nazisme ainsi que de la mise en valeur des hauts lieux de la mémoire nationale. Les crédits de cette action devraient donc être portés à 18,1 millions d’euros.

Ils doivent notamment financer la construction d’un monument d’hommage national aux morts en OPEX pour lequel un million d’euros a été inscrit. Le directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense a présenté à la mission l’état d’avancement du projet. Trois dossiers ont été retenus le 10 décembre et la décision d’attribution par le ministre devait être effectuée en juin. L’objectif est de construire le monument, qui sera situé place Vauban à Paris, pour le printemps 2014.

B. LE PROGRAMME 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT »

Le programme 169 comprend l’essentiel des crédits de la mission, qui sont eux-mêmes consacrés au financement de ses deux principaux dispositifs : les pensions militaires d’invalidité et la retraite du combattant. Il s’agit là de deux dépenses de « guichet », c’est-à-dire du versement de prestations dont le montant est fixé à l’avance. La seule source d’écart possible entre la budgétisation et l’exécution est donc une évolution différente du nombre de bénéficiaires par rapport à la prévision.

Dans les faits, on constate un écart très faible entre l’évolution statistique prise en compte dans la budgétisation et la réalisation constatée. Les dépenses du programme 169 se sont ainsi élevées à 2 909,8 millions d’euros en 2012, soit légèrement en dessous de la prévision, qui était de 2 914,6 millions. Elles sont en diminution de 3,5 % par rapport à 2011.

Les annulations de crédits pendant l’année 2012 ont été une nouvelle fois importantes : 37,6 millions d’euros, dont 24,60 millions destinés à abonder les crédits de la mission « Défense » pour couvrir les dépenses de personnel et de carburants. Cela n’a cependant pas nui au versement des différentes prestations prévues par ce programme.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 169

(en millions d’euros)

 
   

2011

2012

 
   

LFI

Consommation

LFI

Consommation

 

01

Administration de la dette viagère

2 502,25

2 489,57

2 397,47

2 393,05

 

02

Gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité

198,67

174,27

161,22

175,33

 

03

Solidarité

346,25

338,91

345,91

341,13

 

06

Réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français

10,00

0,04

10,00

0,26

 

TOTAL

3 070,19

3 016,53

2 914,60

2 909,77

 

Source : rapport annuel de performances 2012.

1. La retraite du combattant et les pensions militaires d’invalidité

a. Les pensions militaires d’invalidité

En 2012, les dépenses se sont élevées à 1 577,5 millions d’euros et sont donc inférieures de 1,1 % à la prévision, 1 595 millions d’euros. Elles sont en recul de 6,5 % par rapport à l’année 2011, 1 687,6 millions d’euros.

Cette baisse est liée à la diminution de la population des bénéficiaires : 280 793 au 31 décembre 2012 soit 14 238 de moins par rapport au 31 décembre 2011. Cette tendance se prolongera en 2013.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS DES PENSIONS MILITAIRES D’INVALIDITÉ

Source : direction du budget.

Conformément à l’article 97 de la loi de finances pour 2013, le Gouvernement a remis au Parlement, en juin dernier, un rapport sur la situation des conjoints survivants des plus grands invalides de guerre.

Issu d’un amendement parlementaire, ce rapport devait notamment étudier « les pistes envisagées pour augmenter le niveau des pensions des conjoints survivants en proportion des pensions versées aux plus grands invalides de guerre », afin d’éviter un trop grand écart entre les pensions que les conjointes touchent au décès de leur époux invalide et les pensions que touchaient leur époux.

Après un rappel des dispositifs du droit à réparation prévus par le code des pensions militaires d’invalidité, le rapport indique les montants de pensions versées aux veuves ainsi que leurs éventuelles majorations : 94 % d’entre elles perçoivent une pension inférieure ou égale à 666 euros par mois et 6 % une pension comprise entre 666 et 1 500 euros.

Il estime ensuite à 44 millions d’euros en année pleine le coût d’une mesure de revalorisation des pensions de veuves des grands invalides de guerre à hauteur de 25 % de la pension de l’auteur du droit à la date de son décès. Il estime à 8 405 le nombre de veuves potentiellement concernées par une telle revalorisation, ce qui peut sembler surévalué lorsque l’on sait que seules dix d’entre elles ont bénéficié en 2011 de la revalorisation de 360 points de leur pension prévue par la loi de finances pour 2011.

Le rapport conclut que la mise en place d’une réversion proportionnelle à l’indice de pension détenu par l’invalide ne serait pas avantageuse pour la grande majorité des conjoints survivants. S’agissant des conjoints survivants des plus grands invalides, il juge suffisant les différents dispositifs existants. Ce sujet mérite que la Commission de la défense s’y penche à nouveau lors de l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants » de la prochaine loi de finances.

b. La retraite du combattant

Les dépenses liées à la retraite du combattant se sont élevées en 2012 à 815,6 millions d’euros, soit 1,6 % de plus que la prévision, qui était de 802,5 millions d’euros. Elles ont progressé de 1,7 % par rapport à 2011, quand la dépense était de 802 millions d’euros.

La baisse des effectifs, passés de 1 287 388 en 2011 à 1 244 088 en 2012, soit - 3,4 %, a en effet été compensée par une augmentation du coût unitaire par personne de 6,25 %.

Cette augmentation du coût unitaire s’explique par :

– le coût en année pleine de l’augmentation d’un point (43 à 44) au 1er juillet 2011 ;

– la mesure de revalorisation de quatre points (44 à 48) entrée en vigueur le 1er juillet 2012 ;

– l’évolution du point PMI qui sert de calcul au montant de la retraite, passé de 13,87 euros à 13,91 euros au 1er janvier 2012 ;

– le coût des rappels des nouveaux entrants dans le dispositif.

Cette augmentation a été financée, en 2012, par l’abondement de cette action par d’autres crédits du programme 169.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS DE LA RETRAITE DU COMBATTANT

(crédits en millions d’euros)

 

LFI ou Triennal

Exécution

Écart

Exécution

LFI en %

Évolution crédits exécutés / année précédente

Effectifs au

31 décembre

Évolution des effectifs

2009

764,00

777,56

+ 1,77%

+ 2,7 %

1 393 201

- 3,5 %

2010

799,00

798,40

- 0,08 %

+ 2,7 %

1 339 730

- 3,8 %

2011

793,00

798,65

+ 0,71 %

+ 0,03 %

1 287 388

- 3,9 %

2012

802,50

817,68

+ 1,89 %

+ 0,03 %

1 244 088

- 3,4 %

Source : rapport annuel de performances 2012.

Un montant de plus de 54 millions d’euros a été prévu dans la loi de finances pour 2013 pour financer l’extension en année pleine de la revalorisation de 4 points intervenue en 2012. Le coût budgétaire théorique de cette mesure en année pleine est 72,38 millions d’euros. La différence entre ces deux chiffres tient au mode de versement des retraites du combattant, versées semestriellement.

Par conséquent, la dépense devrait de nouveau augmenter en 2013, avant de baisser les années suivantes, en raison de la baisse de l’effectif des bénéficiaires. La prévision pour 2013 est ainsi de 848,4 millions d’euros et entre 808 et 812 millions en 2014.

Les rapporteurs ont bien entendu le souhait des associations d’anciens combattants de voir enfin aboutir, dans le prochain budget, le dossier de la « carte à cheval », c’est-à-dire l’attribution de la carte du combattant à tous les combattants qui, bien que restés plus de 120 jours sur le théâtre algérien, n’ont pas effectué toutes leurs journées avant le 2 juillet 1962. Cette demande, relayée par de nombreuses questions écrites et propositions de loi, présente un coût estimé à un peu plus de 5 millions d’euros pour environ 8 000 personnes.

2. La gestion des droits liés aux pensions militaires d’invalidité et les actions de solidarité

En 2012, les dépenses pour les soins médicaux gratuits et l’appareillage des mutilés, 57,7 millions d’euros, sont inférieures de plus de 10 % à la prévision de 64,6 millions d’euros. Elles sont en baisse de 9,4 % par rapport à 2011, 63,7 millions d’euros. Cette évolution s’explique par la diminution de l’effectif des bénéficiaires, en partie compensée par l’augmentation des coûts de santé et de l’aménagement de l’environnement de vie des mutilés. Toutefois, à partir de 2013, cette action supportera le coût des prothèses de nouvelle génération, qui pourront désormais être attribuées aux militaires blessés en opération ou en service, qui s’inscrivent dans un parcours de réinsertion professionnelle. Ce coût pourrait s’élever à un million d’euros par an.

Les dépenses de remboursement des réductions de transport, 3,7 millions d’euros, sont inférieures de 20 % à la prévision 2012, 4,6 millions d’euros. Elles ont augmenté de 22 % par rapport à 2011 où elles étaient de 3 millions. Cette évolution dépend avant tout de la fréquentation du réseau par les bénéficiaires ainsi que de la politique tarifaire pratiquée par la SNCF.

Les dépenses de remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides, 114 millions d’euros, sont supérieures en 2012 de 24 % à la prévision, 92 millions. Elles sont en hausse de 6 % par rapport à 2011, 107,4 millions d’euros. L’écart par rapport à la prévision est en partie dû à une progression des dépenses moyennes par bénéficiaire, passées de 7 458 à 7 817 euros. Cette dépense devrait toutefois décroître en 2013, en raison de la diminution des effectifs des bénéficiaires.

En matière de majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre, les dépenses, 249,9 millions d’euros, sont inférieures de 2 % à la prévision, 255 millions. Elles sont en hausse d’1 % par rapport à 2011, 247,5 millions d’euros. Malgré la baisse de l’effectif des bénéficiaires (- 1,75 %), le coût moyen par bénéficiaire s’établit à 621 euros, en progression de 3,1 % depuis 2011, 602 euros. Cette hausse s’explique principalement par les versements complémentaires de souscripteurs de la rente qui n’avaient pas encore atteint le plafond du dispositif, fixé à 1 739 euros en 2013. Pour ces mêmes raisons, une progression de cette dépense est attendue en 2013, la prévision étant de 255 millions d’euros.

Au titre de son action sociale, l’ONAC a perçu l’intégralité de l’enveloppe prévue par la loi de finances pour 2012, soit 20,1 millions d’euros, dont 5 millions au titre de l’aide différentielle en faveur des conjoints survivants (ADCS) créée en 2007 au profit des veuves de ressortissants justifiant de faibles ressources mensuelles.

En raison du succès croissant de ce dispositif, l’ONAC a versé en 2012 6,08 millions d’euros à 5 114 bénéficiaires, pour un coût annuel moyen de 1 188 euros par bénéficiaire, contre 4,6 millions d’euros dépensés en 2011 pour 4 682 bénéficiaires. Ce surcoût a été financé par des crédits versés à l’Office en 2010 et 2011 qui n’avaient pas été consommés jusqu’alors.

Le rapport au Parlement demandé par l’article 98 de la loi de finances pour 2013 sur l’extension de l’ADCS aux personnes résidant hors de France a conclu à un coût potentiel pouvant atteindre 55 millions d’euros. L’extension en l’état du dispositif actuel ne peut donc pas être envisagée, mais des réflexions doivent être menées sur un autre dispositif d’aide sociale pouvant répondre à certaines demandes légitimes des conjoints survivants à l’étranger, mais aussi à celle des anciens combattants les plus démunis qui, en France comme à l’étranger, ne bénéficient pas de telles aides. En tout état de cause, la fragilité juridique de cette aide sociale nécessite d’engager des réflexions pour en assurer la pérennité.

3. La réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires Français

Les dépenses 2012 s’élèvent à 266 000 euros en 2012 sur une prévision de 10 millions, quatre indemnisations seulement ayant été accordées. Le dispositif d’indemnisation, malgré la modification du décret d’application effectuée en 2012, ne donne pas aujourd’hui pleinement satisfaction (cf. infra.)

C. LE PROGRAMME 158 « INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE »

Le programme 158 finance les dispositifs d’indemnisation mis en place en faveur des victimes de la Seconde Guerre mondiale ou de leurs ayants cause. Il met en œuvre l’indemnisation de trois catégories de victimes :

– les victimes de spoliations intervenues du fait de législations antisémites (décret n° 99-778 du 10 septembre 1999) ;

– les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites (décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000) ;

– les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie (décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 158

(en millions d’euros)

 
   

2011

2012

 
   

LFI

Consommation

LFI

Consommation

 

01

Indemnisation des orphelins

64,24

54,52

60,55

49,36

 

02

Indemnisation des victimes d’actes de barbarie

51,41

51,54

55,77

48,01

 

TOTAL

115,65

106,06

116,32

97,37

 

Source : rapport annuel de performances 2012.

L’exercice 2012 laisse apparaître une sous-consommation de 18,4 millions d’euros entre la prévision budgétaire inscrite en LFI 2012 et la dépense constatée.

S’agissant de l’action 1 « Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation », l’écart à la prévision 2012 s’établit à - 10,6 millions d’euros.

Cet écart provient principalement de la moindre consommation des dépenses d’intervention (- 10,8 millions). Les hypothèses retenues pour l’élaboration du projet de loi de finances ne se sont pas vérifiées : là où il avait été estimé 1 000 dossiers entrants, pour un nombre potentiel moyen d’environ 2 200 bénéficiaires finaux avec un coût moyen prévisionnel de 9 402 euros, la réalisation effective des mandatements versés en 2012 concerne seulement 1 848 bénéficiaires avec un coût moyen de 6 230 euros.

S’agissant de l’action 2 « Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale », l’écart à la prévision s’établit à - 7,7 millions d’euros. Cet écart provient principalement du non-versement en 2012 de l’arrérage de janvier 2013.

II. L’INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES

Plus de trois ans après son entrée en vigueur, le dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français n’a pas répondu aux attentes qu’il avait suscitées.

A. DES ATTENTES NOMBREUSES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS

1. Un dispositif complet de réparation en faveur des victimes

La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français a mis en place un dispositif d’indemnisation des personnes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires réalisés par la France, entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française.

Cette loi faisait suite aux nombreuses propositions de loi déposées sur ce sujet, notamment la proposition n° 1258 du 14 novembre 2008 de Mme Christine Taubira et des membres du groupe socialiste, radical, citoyens et divers gauche et apparentés.

Jusqu’alors, les personnes atteintes de maladies radio-induites pouvaient obtenir réparation sur le fondement des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, du code de la sécurité sociale ou dans le cadre de contentieux administratifs. L’indemnisation supposait que le caractère professionnel de la maladie soit reconnu ou que la preuve du lien de causalité entre la maladie et les essais nucléaires soit apportée.

Afin de faciliter les indemnisations et de faire bénéficier les personnes ayant participé aux essais et les populations d’un régime identique, la loi a créé un régime de réparation intégrale des préjudices pour les personnes souffrant d’une maladie radio-induite résultant de ces essais.

Pour effectuer une demande d’indemnisation, il est nécessaire de remplir deux conditions cumulatives :

– être atteint d’une pathologie radio-induite figurant parmi les 21 maladies listées en annexe du décret du 11 juin 2010, complétées par le décret du 30 avril 2012. Cette liste des pathologies a été élaborée à l’aide des études menées par le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) ;

– avoir séjourné ou résidé dans l’une des zones géographiques de retombées de rayonnements ionisants, au Sahara occidental ou en Polynésie, durant les périodes fixées par la loi. Les délimitations précises des zones sont fixées par l’article 2 du décret du 11 juin 2010 et l’article 1er du décret du 30 avril 2012, sur la base de calculs scientifiques.

Les demandeurs n’ont pas de limite dans le temps pour déposer leur dossier. Cependant, les ayants droit des demandeurs décédés avant la promulgation de la loi précitée, c’est-à-dire avant le 5 janvier 2010, doivent solliciter une indemnisation avant la fin des cinq ans suivant sa promulgation. Cette demande ne peut être déposée qu’au nom du demandeur décédé, dont ils sont les héritiers, pour ses propres préjudices. Ceux-ci ont néanmoins la possibilité de demander la réparation de leur propre préjudice selon les règles de droit commun.

Les demandes sont examinées par le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), créé par la loi du 5 janvier 2010. Le CIVEN est présidé par une présidente de section honoraire du Conseil d’État et composé notamment d’experts médicaux nommés conjointement par les ministres chargés de la Défense et de la Santé, sur proposition du Haut Conseil de la santé publique.

Composition actuelle du CIVEN

Il est présidé par Mme Marie-Ève AUBIN, Président de section honoraire au Conseil d’État.

La vice-présidente est Mme Marguerite PELIER, conseiller honoraire à la Cour d’appel de Versailles, présidente adjointe des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux.

Les membres sont :

– André AURENGO, professeur des Universités-Praticien hospitalier, Université Pierre-et-Marie-Curie, chef de service de médecine nucléaire de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, membre de l’Académie de médecine ;

– Dominique CHOUDAT, professeur des Universités-Praticien hospitalier, Université Paris-Descartes, chef de service de pathologie professionnelle du groupe hospitalier Cochin, AP-HP ;

– Roland MASSE, président de la commission spécialisée des maladies professionnelles au ministère du Travail, ancien président de l’Office de protection contre les rayonnements ionisant ;

– Jean-Marc COSSET, professeur des Universités-Praticien hospitalier (Paris-Sud), chef de l’unité de curiethérapie de l’Institut Curie, chef de département honoraire (oncologie/radiothérapie) de l’Institut Curie, membre de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) ;

– Daniel ROUGE, professeur des Universités-Praticien hospitalier, chef de service de médecine légale de Toulouse, expert près la Cour d’appel de Toulouse, expert agréé par la Cour de Cassation, membre de la CNAMed ;

– François ESCHWEGE, docteur en médecine, professeur honoraire de la faculté de médecine de Paris XI, directeur administratif de la Société française de Radiothérapie Oncologique (SFRO), Président du Centre Antoine Béclère, ancien sous-directeur et chef de département de radiothérapie de l’Institut Gustave Roussy de Villejuif.

L’indemnisation n’est pas automatique. Le comité instruit au cas par cas les demandes et examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies. Il procède ainsi à des investigations scientifiques et médicales (cf. infra) pour établir un lien de causalité entre la maladie du demandeur et son exposition aux essais nucléaires. Le demandeur bénéficie cependant d’une « présomption de causalité », « à moins qu’au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable » selon le paragraphe II de l’article 4 de la loi du 5 janvier 2010.

La décision d’indemnisation est prise par le ministre de la Défense, sur recommandation du CIVEN. L’indemnisation est versée sous forme de capital. Elle est calculée par rapport aux préjudices subis, c’est-à-dire l’importance des troubles d’existence, l’incidence professionnelle, le déficit fonctionnel ou encore les souffrances. La réparation est dite intégrale : elle prend en compte la totalité des préjudices depuis qu’ils sont apparus. Elle ne peut toutefois indemniser à nouveau ce qui a déjà été indemnisé par des organismes publics, tels que des remboursements de frais ou des mensualités de versement de pension d’invalidité. Les sommes déjà perçues à ce titre seront donc déduites du capital versé.

Associée à ce dispositif, la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, créée par la même loi, a pour mission d’examiner les mesures permettant de faire évoluer le processus d’indemnisation.

Elle est composée de représentants de chacun des ministres chargés de la Défense, de la Santé, de l’Outre-mer et des Affaires étrangères, du président du Gouvernement de la Polynésie française, du président de l’Assemblée de la Polynésie française, de deux députés, de deux sénateurs, de cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires, ainsi que de quatre personnalités scientifiques qualifiées.

Depuis sa création, la commission s’est réunie à trois reprises sous la présidence du ministre de la Défense. Ses travaux ont conduit à la modification du décret du 11 juin 2010. Le décret du 30 avril 2012 a ainsi élargi la liste des maladies radio-induites, et d’étendre le périmètre géographique des zones de l’atoll de Hao et de celles de l’île de Tahiti dans lesquelles le demandeur doit avoir résidé ou séjourné pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation.

Par ailleurs, ce texte a simplifié les démarches administratives des demandeurs, d’une part, en facilitant le choix de l’expert devant évaluer les préjudices dans l’hypothèse d’une indemnisation, d’autre part, en prévoyant que toutes les demandes d’indemnisation, y compris celles qui ont fait l’objet d’un rejet par le ministre, soient réexaminées, sans qu’il soit nécessaire de déposer un nouveau dossier.

2. Des résultats décevants

Force est de constater que, malgré la récente modification du décret d’application, le dispositif d’indemnisation ne donne pas aujourd’hui pleinement satisfaction tant le nombre d’indemnisations versées demeure faible.

L’étude d’impact du projet de loi avait essayé de recenser le nombre de personnes présentes sur les zones d’expérimentation et les zones géographiques définies par la loi au moment des essais, sans parvenir à évaluer le nombre d’entre elles susceptibles de développer une pathologie liée aux essais nucléaires.

On sait que 150 000 travailleurs, civils et militaires, étaient présents sur les sites d’expérimentation entre 1960 et 1998 : 20 000 personnels de la Défense au Sahara, 120 000 militaires et civils au Centre d’essais de Polynésie (CEP) et 7 500 personnes du Commissariat à l’énergie atomique au Sahara et au CEP.

Par ailleurs, environ 2 000 personnes, dont 600 enfants de moins de quinze ans, résidaient pendant les essais aériens en Polynésie, dans le secteur angulaire déterminé par la loi.

L’étude d’impact précisait que, selon les données publiées par l’Institut national de veille sanitaire, le pourcentage des personnes susceptibles, au sein d’une population standard, de développer au cours de leur vie les maladies figurant sur la liste des maladies indemnisables est de 20 %. Sur les 152 000 personnes précitées, au moins 30 000 sont donc susceptibles de développer une de ces pathologies au cours de leur vie.

Sans analyse individuelle de chacun de ces 30 000 cas potentiels, il n’était naturellement pas possible de déterminer combien de pathologies étaient attribuables aux essais nucléaires.

Pour indemniser les victimes potentielles, le Gouvernement a décidé d’inscrire 10 millions d’euros la loi de finances pour 2010 – avant le vote définitif de la loi. Cette enveloppe a été reconduite chaque année depuis.

Au 11 décembre 2012, date de réunion de la dernière commission consultative de suivi, seuls 782 dossiers avaient été déposés auprès du CIVEN, dont 638 émanant de militaires, 32 de la population algérienne et 26 de la population polynésienne.

Sur ces 782 dossiers, 669 étaient complets mais seuls 474 ont été jugés recevables, les 195 autres n’entrant pas dans les critères de date, de lieu ou de maladies définis par la loi.

L’examen par le CIVEN de ces 474 dossiers a conduit à en écarter 424 faute de lien de causalité entre la maladie développée et l’exposition aux essais, et donné lieu à seulement 9 décisions d’indemnisation par le ministre de la Défense, pour des montants allant de 16 000 à 115 000 euros.

Avec seulement 9 indemnisations versées en un peu plus de deux ans d’activité, le dispositif proposé ne répond pas aux espoirs qu’il avait suscités auprès des populations concernées. L’élargissement des zones géographiques concernées et l’extension de la liste des maladies radio-induites opérés par le décret du 30 avril 2012 n’ont pas changé la donne.

Au 24 juin 2013, 840 demandes d’indemnisation avaient été reçues par le CIVEN, 722 examinés et 11 indemnisations accordées, dont 4 pour des personnes appartenant à la population polynésienne. Par ailleurs 54 dossiers sont en cours de réexamen pour tenir compte de la modification des critères opérée par le décret du 30 avril 2012. Ces chiffres illustrent bien les insuffisances du dispositif d’indemnisation.

B. APPLIQUER PLEINEMENT LE DISPOSITIF D’INDEMNISATION

1. Renouer le dialogue avec les associations et les victimes

Si l’on considère que 30 000 personnes sont susceptibles de développer l’une des maladies recensées par la loi, on ne peut qu’être surpris par le faible nombre de dossiers déposés depuis deux ans, un peu plus de 800 au printemps 2013.

Après deux ans d’existence, on peut penser qu’aucune victime potentielle n’est censée ignorer le dispositif d’indemnisation. Sa création a été largement relayée par la presse et les associations de vétérans des essais nucléaires, un site Internet très complet a été créé et un numéro azur mis à disposition. En Algérie, le service des anciens combattants d’Alger est chargé de faire la publicité du dispositif tandis que les Polynésiens peuvent s’appuyer sur le centre médical de suivi de la Polynésie française. À l’étranger, les ambassades et consulats de France sont également chargés de faire connaître le régime prévu par la loi.

Le ministre de la Défense lui-même a regretté que si peu de demandes d’indemnisation aient été déposées auprès du CIVEN. Au cours de la troisième réunion de la commission consultative de suivi, le 11 décembre 2012, il a ainsi souligné que beaucoup de dossiers étaient bloqués pour des raisons diverses et a demandé aux associations de vétérans de lever le boycott de l’envoi de dossiers.

Lors de son audition par la mission d’information, le président de l’ANVVEN, M. Pierre Marhic, a confirmé décourager ses adhérents d’alimenter ce qu’il appelle la « guillotine » du CIVEN. Face au risque quasi certain de rejet, il estime inutile que les victimes ou leurs veuves entament des démarches longues et douloureuses.

Les représentants de l’AVEN ont affirmé pour leur part ne déposer que des dossiers qui entrent strictement dans les critères fixés par la loi, mais détenir par ailleurs plus de 1 200 autres dossiers qu’ils se refusent à déposer car certainement irrecevables.

La présidente du CIVEN a également fait part de son regret de voir si peu de demandes déposées et notamment des « bons dossiers », c’est-à-dire des dossiers de personnes ayant subi une irradiation supérieure à 5 millisieverts (mSv) (1).

Or s’il n’est pas possible de faire une estimation du nombre de personnes exposées à cette dose au sein de la population polynésienne, cela l’est tout à fait pour les travailleurs militaires et civils ayant participé aux essais. 70 000 de ces 150 000 travailleurs ont ainsi fait l’objet de mesures de surveillance radiologique individuelle, tandis que les autres bénéficiaient de mesures de suivi radiologique d’ambiance ou collectif.

Le ministère de la Défense a par exemple recensé au Sahara 581 cas de doses supérieures à 5 mSv, dont 102 supérieures à 50 mSv, et 345 cas de doses supérieures à 5 mSv en Polynésie. Mais aucune de ces personnes n’a pour l’instant déposé de demande auprès du CIVEN.

Les associations comme le CIVEN s’accordent pour dire qu’il existe aujourd’hui certainement plusieurs centaines de personnes susceptibles d’être indemnisées, quelques milliers selon les estimations les plus hautes.

Pour sortir de cette situation de blocage et signifier une volonté politique forte de faire pleinement appliquer le dispositif d’indemnisation, les rapporteurs estiment que le ministère de la Défense doit sortir de sa position d’attente.

Ils proposent tout d’abord que le CIVEN, avec l’appui des services du ministère de la Défense, entame des démarches pour identifier les travailleurs, civils et militaires, qui ont été exposées à de fortes doses et qui sont donc susceptibles de développer un certain nombre de maladies radio-induites. Il faut pour cela que le ministère s’appuie notamment sur les fichiers du service de santé des armées, qui conserve dans ses archives les noms des militaires présents durant les essais ainsi que les relevés de leurs dosimètres personnels.

Une telle démarche nécessitera d’importants moyens humains et administratifs de la part du ministère de la Défense mais elle est certainement indispensable pour regagner la confiance des victimes.

Proposition n° 1 : Identifier les travailleurs, civils et militaires, ayant été exposés à de fortes doses, prendre contact avec eux et leur adresser, le cas échéant, un dossier de demande d’indemnisation.

Si les travailleurs doivent pouvoir être aisément identifiés, cela n’est naturellement pas le cas des populations civiles exposées aux essais nucléaires, que cela soit en Polynésie ou au Sahara.

C’est pourquoi des actions de communication énergiques doivent aussi être effectuées à leur intention, à l’image de ce qu’accomplit déjà par exemple, sur un autre sujet, la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) (2). Afin de se faire connaître auprès des potentielles victimes de spoliations, celle-ci envoie ainsi régulièrement des délégations en Israël, où elle a tenu de nombreuses séances, ou plus récemment aux États-Unis.

Les rapporteurs estiment important que les membres du CIVEN se déplacent également, en Algérie et en Polynésie, pour faire connaître leur action et leur mode de fonctionnement. Les représentants de l’AVEN ont fait remarquer à la mission d’information que le traumatisme créé par les essais nucléaires en Polynésie était encore très présent dans la population. Il serait donc utile que les membres du CIVEN, appuyés par le ministère de la Défense, se rendent sur place et expliquent leurs méthodes de travail, que certains jugent peu transparentes.

Proposition n° 2 : Organiser des déplacements réguliers du CIVEN auprès des populations concernées, en Algérie et en Polynésie, pour mieux se faire connaître et faire comprendre ses méthodes de travail.

2. Sortir de la situation de blocage

S’il doit être possible de sortir de la situation actuelle de blocage des dossiers grâce à des démarches énergiques du Gouvernement et du CIVEN en ce sens, le principal point d’achoppement n’en demeure pas moins les critères d’indemnisation des victimes.

C’est la façon dont est appréciée la « présomption de causalité » instituée par la loi qui suscite l’incompréhension des associations de victimes. Celle-ci n’est pas automatique car le CIVEN étudie chacun des dossiers pour apprécier, en application du paragraphe II de l’article 4 de la loi, si « au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ».

Les associations de victimes ont fait part à la mission de leur souhait de voir cette phrase supprimée de la loi. Cette proposition a été reprise dans deux propositions de loi déposées récemment au Parlement (3).

La loi a confié au CIVEN le soin de déterminer le risque attribuable aux essais nucléaires dans l’apparition de cancers parmi les populations exposées, selon une méthodologie qui s’appuie sur les travaux scientifiques les plus récents et laisse une grande part au doute au bénéfice du demandeur (cf. ci-dessous, la méthode d’instruction).

La méthode d’instruction des dossiers par le CIVEN

Comme le lui prescrit l’article 7 du décret du 11 juin 2010 précité, le comité a élaboré une méthode qui s’appuie les méthodologies recommandées par l’AIEA. Il se réfère également à l’ensemble de la documentation scientifique disponible relative aux effets de l’exposition aux rayonnements ionisants. La méthode retenue fait l’hypothèse d’une relation dose-effet, sans seuil, ce qui assure au demandeur le bénéfice d’une vraisemblable surévaluation du risque.

La méthode d’instruction comporte plusieurs étapes.

La première consiste à estimer la dose reçue par le demandeur. La dose reçue est un élément essentiel dans l’appréciation de l’origine radio-induite d’un cancer. Si son rôle est très variable selon l’organe et le type de tumeur, on admet que plus la dose est élevée, plus le risque de développer un cancer l’est aussi.

Pour estimer la dose reçue, le CIVEN s’appuie sur les données disponibles, à savoir, des résultats de dosimétrie externe individuelle, des résultats de dosimétrie interne, des dosimétries d’ambiance ainsi que des informations sur les conditions d’exposition, les missions réalisées. En l’absence de dosimétrie individuelle, la dosimétrie d’ambiance, lorsqu’elle existe, sert de référence. Pour les populations locales, en l’absence de dosimétrie individuelle, est recherchée soit la dosimétrie d’ambiance locale, soit une dosimétrie reconstituée.

Dans tous les cas, le comité tient pour exactes les mesures de dosimétrie effectuées par les autorités responsables des essais.

La deuxième étape est de rechercher d’autres éléments permettant d’apprécier le risque attribué aux essais nucléaires : l’année de naissance, le sexe, la nature de l’affection, l’âge au moment de l’exposition, l’âge à la date du diagnostic et tous autres facteurs, expositions médicales aux rayonnements ionisants ou à d’autres risques professionnels, tabagisme…

Une fois ces éléments recueillis, le comité procède, dans un troisième temps, au calcul de la « probabilité de causalité ». L’évaluation de la probabilité de causalité se fonde sur des études épidémiologiques validées par la communauté scientifique internationale. Des formules mathématiques prenant en compte tous les éléments énumérés ci-dessus permettent d’évaluer le risque relatif, c’est-à-dire le rapport entre le nombre des maladies apparaissant dans une population exposée aux rayonnements ionisants et celui qui apparaît dans une population équivalente non exposée. C’est donc à partir de ces modèles épidémiologiques et l’aide d’outils informatiques que le comité estime la probabilité que la maladie constatée chez un individu soit liée à son exposition aux rayonnements ionisants.

La loi ayant prévu une présomption de causalité, le CIVEN considère qu’une probabilité de causalité supérieure ou égale à 1 % conduit à la décision de retenir la demande, une probabilité inférieure conduisant en principe à son rejet.

Source : site Internet du CIVEN.

Faut-il également, comme le demandent les associations et certains parlementaires, supprimer le calcul de probabilité de causalité et mettre en place une indemnisation automatique, sans analyse individuelle des dossiers ?

Les rapporteurs estiment ne pas disposer d’assez d’éléments pour se prononcer sur ce sujet. Ils attendent donc que le Gouvernement remette au Parlement le rapport demandé par l’article 100 de la loi de finances pour 2013 sur « l’opportunité et les modalités de modification du décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français ». Ils attendent également les conclusions du rapport d’évaluation sur l’application de la loi demandé par le ministre de la Défense, à l’occasion du comité de suivi du 11 décembre 2012, à l’inspection générale des affaires sociales et au contrôle général des armées.

III. L’AVENIR DE L’INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES

Créé en 1670 par Louis XIV pour « y loger tous les officiers et soldats tant estropiés que vieux et caduques », l’Institution nationale des Invalides (INI) est un établissement original, placé aujourd’hui sous la protection tutélaire du Président de la République. Son positionnement singulier ne l’a cependant pas empêché de mieux s’intégrer à son environnement sanitaire et de moderniser ses infrastructures et ses modes de prise en charge des patients.

A. UN CENTRE DE RÉFÉRENCE POUR LA PRISE EN CHARGE DU HANDICAP AU SERVICE DU MONDE COMBATTANT

Qualifiée par l’article L. 529 du code des pensions militaires d’invalidité de « maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie », l’Institution nationale des invalides (INI) assure une triple mission :

– accueillir dans un centre de pensionnaires, à titre permanent ou temporaire, les invalides bénéficiaires du code des pensions militaires d’invalidité satisfaisant aux conditions fixées par le décret visé à l’article L. 537 ;

– dispenser dans un centre médico-chirurgical des soins en hospitalisation ou en consultation, en vue de la réadaptation fonctionnelle, professionnelle et sociale des patients, et délivrer aux assurés sociaux les soins qui incombent aux établissements de santé ;

– participer aux études et à la recherche sur l’appareillage des handicapés conduites par le ministre chargé des anciens combattants.

1. Le centre des pensionnaires

Le centre des pensionnaires est destiné aux grands invalides titulaires d’une pension militaire d’invalidité à un taux fixé par décret à un taux minimum de 85 %. Les pensionnaires sont pris en charge par l’État moyennant une redevance fixée à 30 % de leur pension.

Le centre accueille des anciens combattants et victimes civiles, principalement de la Seconde Guerre mondiale, d’Indochine et d’Algérie, souvent amenés à solliciter leur admission lorsqu’à un lourd handicap s’ajoute le poids des ans – la moyenne d’âge des pensionnaires est de 83,1 ans, mais aussi des blessés en opérations extérieures récentes et des blessés en service.

Réparties sur deux sites, de part et d’autre du dôme des Invalides, les 91 chambres individuelles du centre sont spécialement aménagées en tenant compte du handicap de chacun.

Outre la prise en charge médicale, le service des pensionnaires assure un accompagnement paramédical quotidien, un projet de vie personnalisé, des animations, sans oublier le lien avec les familles et le monde militaire.

2. Le centre médico-chirurgical

Le centre médico-chirurgical assure en priorité les soins médicaux et chirurgicaux des pensionnaires et des anciens combattants, mais il est aussi largement ouvert à des blessés civils.

Orienté vers la prise en charge des patients blessés, médullaires, amputés ou cérébrolésés, il dispose d’un plateau technique de rééducation fonctionnelle, d’une piscine thérapeutique et d’un laboratoire spécialisé dans l’adaptation personnalisée de prothèses.

Sa capacité d’accueil, qui avoisine une centaine de lits, se répartit en trois services :

– le service de soins de suite et de rééducation est axé sur la prise en charge des atteintes neurologiques centrales et périphériques, des séquelles neuro-orthopédiques de traumatisme, de pathologies orthopédiques et de l’appareillage ;

– le service de chirurgie permet une prise en charge multidisciplinaire des séquelles chirurgicales des lésions neurologiques centrales ;

– l’unité sensori-cognitive évalue et prend en charge de manière coordonnée les séquelles de traumatismes crâniens ou de maladies neuro-dégénératives. La consultation mémoire labélisée et l’expertise dans le domaine de la basse vision en sont deux éléments clés.

L’INI est également doté d’un hôpital de jour, d’un service de chirurgie dentaire, d’un centre de consultations externes dans diverses disciplines ainsi que d’un service de radiologie et d’un service social.

3. Le CERAH

Intégré à l’INI depuis le 1er janvier 2010, le centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés (CERAH) a pour mission la recherche en matière de handicap moteur. Ses prestations s’adressent à toutes les personnes handicapées. Il est situé à Woippy, en Moselle.

Sa compétence médicale, scientifique et technique en appareillage et sa vocation particulière de spécialiste du fauteuil roulant en font l’interlocuteur privilégié de tous les milieux concernés : usagers, fabricants, revendeurs et prescripteurs.

Lieu d’échange, d’écoute, de rencontre et de concertation, le CERAH est l’interface entre les milieux professionnels et les usagers. Ses programmes de recherche s’appuient sur une collaboration avec le laboratoire de biomécanique de l’école nationale supérieure d’Arts et de métiers. Ils sont composés d’un programme concernant le fauteuil roulant et d’un programme concernant l’analyse quantifiée de la marche des sujets appareillés.

B. UNE PLACE DANS LE SYSTÈME DE SOINS À CONFORTER

1. Renouer le dialogue avec le ministère de la Santé

L’Institution bénéfice d’une subvention pour charges de service public versée par le programme 169 – 12,4 millions d’euros en 2013 – ainsi que d’une dotation annuelle versée par le ministère de la santé – 11,5 millions d’euros depuis 2011. À ces dotations viennent s’ajouter les recettes générées par le centre de pensionnaires, le CERAH et celles issues de l’activité de soins.

La négociation du contrat d’objectifs et de performances (COP) pour les années 2009 à 2013 a fait l’objet de vives discussions entre la direction générale de l’offre de soins du ministère de la santé et le ministère de la Défense.

Le ministère de la santé regrettait de disposer d’informations insuffisantes sur l’activité du centre médico-chirurgical et a refusé de faire évoluer à la hausse sa dotation annuelle. Entendu par la mission d’information, le directeur général de l’offre de soins a souligné que l’activité du bloc opératoire était très faible et était un facteur de fragilité du centre. En 2007, le bloc avait été fermé car il ne permettait pas maintenir la compétence des spécialistes. L’autre motif de préoccupation concernait le coût de l’activité de soins de suite, deux fois supérieure à celui d’établissements comparables.

Si les rapporteurs ont bien entendu ces motifs d’inquiétude, ils estiment que l’INI ne saurait être comparé à d’autres établissements de santé. Le maintien de son bloc opératoire est indispensable à la prise en charge des pensionnaires du centre, souvent difficiles à transporter.

Surtout, l’INI a développé un savoir-faire important dans la chirurgie orthopédique et celle des esquarres qui la met en situation d’apporter son expertise à de grands blessés au-delà de la sphère militaire.

Les anciens combattants fortement handicapés – notamment les vétérans de la guerre d’Algérie – font des séjours fréquents à l’INI. La complémentarité des équipes et des compétences avec celles de l’hôpital militaire de Percy permettent d’offrir à nos soldats un service de grande qualité, entre une structure spécialisée, capable d’accueillir des patients pour une longue durée, et un hôpital classique.

Au total, si les coûts d’hospitalisation de l’INI sont sensiblement supérieurs à ceux d’un hôpital classique en matière de rééducation et réadaptation fonctionnelle, ils sont tout à fait comparables à ceux des hôpitaux d’instruction des armées et inférieurs en matière d’hospitalisation de jour.

Enfin, il faut garder à l’esprit, comme l’a rappelé aux membres de la mission le directeur de l’Institution, que celle-ci accueille des malades que personne ne veut prendre en charge. En ce sens, l’INI, en raison de son positionnement original et la qualité des pensionnaires qu’il accueille, participe à une mission régalienne de l’État.

C’est cette spécificité qui doit être mieux prise en considération par le ministère de la Santé. Les différentes missions d’inspection diligentées par les deux ministères ces derniers mois devraient certainement permettre d’entamer un dialogue fructueux sur l’avenir de cette institution.

2. Réussir le projet d’établissement

La réussite du projet d’établissement pour les années 2009-2013 et du contrat d’objectifs et de performances est indispensable pour assurer la pérennité de l’INI. Il traduit sa volonté de maîtriser ses coûts tout en modernisant ses infrastructures et son offre de soins.

Le projet médical fait l’objet de cinq fiches d’activité correspondant aux différentes spécialités médicales, relatives au centre des pensionnaires, à la chirurgie, à la médecine, à l’odontologie et aux soins de suite et de réadaptation. Chacune de ces fiches décrit le projet de service, ses caractéristiques, les partenariats, ainsi que les objectifs quantifiés pour chaque année du contrat. La réalisation de ces objectifs fait l’objet d’une présentation annuelle au conseil d’administration et à la tutelle.

Cinq fiches d’activité sont également établies pour les structures de soutien du projet médical : qualité et gestion des risques, ressources humaines, systèmes d’information hospitaliers, pilotage médico-économique et finances, logistique. Chaque fiche définit des objectifs et les traduit en engagements annuels de réalisation du contrat.

Le plan d’action financier comprend un état des lieux médico-économique depuis l’exercice 2006. Des fiches de mesures de maîtrise des dépenses et de mesures relatives à l’activité (création d’un hôpital de jour, développement de l’activité de soins de suite et de réadaptation, diminution du court séjour) sont établies. Ces dernières constituent la traduction financière des engagements du contrat.

Le plan global de financement pluriannuel après mise en œuvre de l’ensemble du plan d’actions y est détaillé. Le programme d’investissements y est également présenté, de même que l’évolution des ressources humaines.

La synthèse des fiches de mesures de maîtrise des dépenses, hors investissement et hors mesures ministérielles, fait état d’économies pour chaque exercice. Des économies en matière de ressources humaines ont déjà été mises en œuvre. Elles représentent à elles seules près de 80 % des économies réalisées (les effectifs administratifs et de soutien vont diminuer de plus de 7 %). Les autres mesures portent sur les politiques d’achat et sur la maîtrise des consommations énergétiques.

En 2012, l’Institution a poursuivi avec succès la mise en œuvre du projet d’établissement et du contrat d’objectifs et de performance avec des résultats au-delà des objectifs fixés, tant en termes d’activité que de maîtrise des dépenses.

L’activité hospitalière est supérieure de 7,18 % à celle observée en 2010. Elle s’appuie sur un développement important de l’activité ambulatoire (hôpital de jour + 35 %) et sur une nette augmentation de la prise en charge des bénéficiaires de l’article L. 115 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (journées en augmentation de 22,5 %).

Les économies réalisées, tant dans le domaine des ressources humaines que dans celui du fonctionnement courant, ont dépassé les objectifs du COP, atteignant 1,5 million d’euros (contre 700 000 euros en 2010).

Ce résultat confirme la volonté de l’Institution de développer une offre et une qualité de soins dignes de la mission qui lui est confiée tout en poursuivant une politique de maîtrise des dépenses dans laquelle elle s’est clairement engagée.

IV. L’OFFICE NATIONAL DES ANCIENS COMBATTANTS EN PLEINE MUTATION

Créé en 1916, au cœur de la Grande Guerre, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) est une originalité française. C’est un établissement unique de par son fonctionnement puisque l’ensemble de ses activités est géré en partenariat avec les associations du monde combattant.

Après presque un siècle d’existence, l’Office a connu de nombreuses mutations qui l’on conduit à s’adapter progressivement aux exigences des nouvelles générations. Les défis à relever demeurent nombreux.

A. UNE TRANSFORMATION PAS TOTALEMENT ACHEVÉE

1. Une réforme réussie

a. Des compétences nouvelles dans un contexte de réduction des effectifs

À travers l’exécution de son contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2009-2013, l’ONAC s’est engagé dans une profonde réorganisation de ses structures qui s’est traduite par l’ajout de nouvelles compétences et une baisse significative de ses effectifs.

L’exécution du COM 2009-2013 concrétise dans les faits la mesure n° 56 du comité de modernisation des politiques publiques de décembre 2007, dont l’objectif affiché était la « rationalisation de l’administration au service des anciens combattants en faisant de l’ONAC un guichet unique à maillage départemental de la prestation de service aux anciens combattants ».

Pour cela, il a été décidé que la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) du ministère de la Défense serait supprimée à la fin de l’année 2011 et que l’essentiel de ses compétences serait repris par les services de l’ONAC (décret n° 2009-1755 du 30 décembre 2009).

Ces transferts de mission ont débuté dès le 1er janvier 2010. À cette date, ont été transférées à l’ONAC l’entretien des nécropoles et hauts lieux de mémoire, le traitement de l’ensemble des cartes, titres et statuts, la liquidation de la retraite du combattant, l’indemnisation des orphelins de victimes des persécutions antisémites (décret de juillet 2000) et de victimes de la barbarie (décret de juillet 2004), l’attribution des mentions « Mort en déportation », « Mort pour la France », ainsi que les voyages sur les tombes et les lieux de déportation. Cette première phase de transfert s’est accompagnée d’un transfert de 280 ETPT.

Au 1er janvier 2011, une nouvelle étape dans le transfert des activités de la DSPRS à l’ONAC a consisté à intégrer au sein de cet établissement les trois services des anciens combattants au Maghreb. Elle s’est traduite par un transfert de 64 ETPT.

Si tous les postes budgétaires identifiés sur ces missions ont été effectivement transférés à l’Office, celui-ci a dû, dans le même temps, réduire ses emplois sur son périmètre de 2008. Le COM prévoyait ainsi une baisse de 150 ETPT sur la période 2009-2013, soit – 21 % de son plafond 2008 (-30 au siège et -120 dans les services départementaux).

Dans ce contexte, la réussite de la manœuvre ressources humaines sous-jacente aux cibles du COM reposait sur la capacité de l’Office à développer la polyvalence de ses agents et à mettre en place des applications informatiques performantes pour réduire les effectifs des services départementaux sans dégrader la qualité du service rendu, et à réussir la refonte de sa filière mémoire.

Pour absorber la charge de travail, l’Office a donc engagé une refonte importante de ses procédures et de ses outils.

b. Une réorganisation complète de la gestion des cartes et des titres

Le décret du 30 décembre 2009 précité a d’abord substitué la commission nationale de la carte du combattant, dont les compétences ont été élargies à l’ensemble des dossiers, aux commissions départementales de la carte. Cela a permis d’accélérer le traitement des demandes car la nouvelle commission nationale se réunit dorénavant une dizaine de fois dans l’année alors que chaque commission départementale se réunissait en moyenne deux fois par an. Cela permet en outre d’accompagner l’évolution démographique du monde combattant en surmontant la difficulté matérielle de réunir les commissions départementales de la carte, et de tenir compte de la mobilité géographique des militaires rentrant d’OPEX.

Avec l’installation du logiciel KAPTA, l’informatisation de la gestion des cartes et titres a introduit une plus grande réactivité dans la prise en compte d’éventuelles modifications de la réglementation : l’outil est re-paramétré au niveau national et les nouvelles règles sont appliquées uniformément et simultanément pour tous les demandeurs quel que soit leur lieu de résidence. Elle facilite aussi le suivi en temps réel de l’activité et a permis de moderniser et de sécuriser le format de la carte du combattant (carte plastifiée avec photo gravée en lieu et place de la carte cartonnée sur laquelle la photo était fixée avec des œillets). Elle a permis enfin d’optimiser et de sécuriser le traitement des demandes de retraite du combattant en le gérant dans le même outil que le traitement de la carte du combattant.

Comme toute opération de réorganisation d’envergure, la manœuvre a dans un premier temps occasionné des retards. Huit mois de latence ont ainsi été constatés entre la suppression des commissions départementales et la création-installation de la commission nationale au cours de l’année 2010.

Mais la montée en puissance de la nouvelle organisation commence à produire des résultats notables, puisque quelque 56 000 demandes de cartes et titres de reconnaissance de la Nation (TRN) ont été traitées en 2012 (y compris les rejets) contre 2 252 en 2010.

Au total, 69 000 demandes de cartes du combattant, TRN et retraites du combattant (contre près de 47 000 en 2008) ont été traitées en 2012 malgré une réduction des effectifs en service départemental de 11 % sur la période.

L’indicateur de productivité en matière de traitement des cartes et titres est ainsi passé de 473 dossiers par agent et par an en 2008 à 957 en 2012. Pour la liquidation de la retraite du combattant, l’indicateur atteint 6 028 dossiers traités par agent et par an en 2012, contre 1 491 en 2009.

c. Un service unique de proximité

Conformément à l’objectif affiché dès 2007, l’organisation interdépartementale et interrégionale de la DSPRS a été progressivement supprimée au profit d’un service unique de proximité assuré par l’ONAC.

Les anciens combattants ont ainsi désormais à leur disposition un service départemental unique pour traiter et gérer l’ensemble des prestations auxquelles ils peuvent prétendre. Ce service unique de proximité s’appuie en effet sur l’organisation territoriale de l’ONAC, et plus précisément sur les 102 services départementaux ainsi que sur les services de Nouvelle Calédonie et de Polynésie et les trois services du Maghreb.

Il assure également un rôle d’information et d’orientation pour les prestations mises en œuvre par d’autres organismes. Cela concerne notamment les missions relatives aux pensions militaires d’invalidité, aux soins médicaux gratuits et à l’appareillage, qui ont été transférées progressivement de la DSPRS à d’autres directions ou établissements publics du ministère de la défense tels que la DRH-MD, le service de santé des armées et la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS).

Si ce maillage territorial dense de l’Office est un facteur essentiel de la qualité de ce service de proximité, il ne doit pas occulter la faiblesse des effectifs présents dans chaque département, 43 d’entre eux ne comptant que 3 agents dont le directeur. Comme l’a confié la directrice générale de l’ONAC aux membres de la mission, la gestion des absences, du fait des congés ou des arrêts maladie rend souvent délicate la pérennité du service.

Un regroupement de certains services départementaux a été évoqué par l’ONAC avec pour finalité des économies d’échelle et des gains de productivité, grâce à une plus forte concentration des dossiers et des personnels. Pour répondre aux attentes des ressortissants en matière de proximité et de qualité du service rendu, l’ONAC propose des organisations originales, qu’elle a d’ores et déjà mis en œuvre d’ailleurs, telles que l’expérience de permanences régulières hors des services départementaux,

2. Une place à trouver auprès de la nouvelle « génération du feu »

Si la prise en charge par l’Office de nouvelles missions au cours de ces années 2010-2011 correspondait à un besoin certain de rationalisation de l’administration au service du monde combattant, elle ne saurait dispenser d’une réflexion globale sur la cohérence de l’ensemble.

a. L’avenir des établissements médico-sociaux

Comme la Cour des comptes y invitait l’Office et sa tutelle dans son référé de juillet 2008, une réflexion sur les missions de l’établissement public a été amorcée lors de la préparation du contrat d’objectifs et de moyens 2009-2013. Historiquement les missions de l’Office n’ont pas évolué en fonction d’un schéma global mais au gré de décisions ponctuelles prises au niveau de l’établissement ou au niveau politique. La Cour invitait à les repenser globalement sans s’interdire la remise en cause de certaines d’entre elles, comme la gestion des maisons de retraite et des écoles de reconversion professionnelles qui n’accueillent pas que des ressortissants.

Le public accueilli dans ces établissements médico-sociaux n’est ainsi que marginalement composé de ressortissants. De plus, ces établissements ne bénéficient pas de financement du ministère de la Défense mais de produits de tarification dont le montant est fixé par les agences régionales de santé et les conseils généraux. Enfin, alors que l’Office était pionnier dans ces domaines à l’origine, il existe aujourd’hui d’autres acteurs porteurs des politiques en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

Dans ce contexte, le transfert de la gestion des établissements médico-sociaux à d’autres entités déjà prévue dans le COM 2009-2013 reste d’actualité mais doit être opérée sur un nouveau schéma à définir, privilégiant, si cela est possible, le transfert à une structure publique.

Le COM 2009-2013 prévoyait le transfert de la gestion des établissements médico-sociaux (ESMS) de l’Office à une autre entité, comme une fondation, plus susceptible de leur offrir la souplesse de gestion dont ils ont besoin pour se développer. C’est certainement la solution qu’il faudrait privilégier.

b. Quelle place pour les écoles de reconversion professionnelle ?

L’ONAC gère un ensemble de neuf écoles de reconversion professionnelle et un centre de pré orientation adossé à l’école de Roubaix depuis 2010. Ces établissements sont les héritiers des « écoles des mutilés » et accueillent aujourd’hui principalement des travailleurs handicapés adressés par les commissions des droits et de l’autonomie.

Les écoles de l’Office représentent environ 10 % des établissements chargés de la reconversion professionnelle des travailleurs handicapés et accueillent 25 % du public considéré. Elles préparent à des diplômes de l’éducation nationale à la différence des centres de reconversion professionnelle (CRP) qui préparent à des titres du ministère du Travail.

Elles proposent une offre de formation très large avec un taux de réussite aux examens (91 % pour la promotion 2010-2012) et un taux d’insertion très élevés pour le secteur (71,55 % 18 mois après sa sortie pour la promotion sortie en juin 2010).

Les militaires ne représentent cependant qu’une cinquantaine de stagiaires sur les 1 840 formés chaque année. L’offre ne correspond en effet pas aux attentes des militaires en voie de reconversion : le calendrier de fin de contrat de ces derniers ne coïncide souvent pas avec le calendrier des rentrées scolaires des ERP. Les militaires recherchent souvent des formations courtes car seuls six mois de reconversion sont généralement pris en charge par le ministère de la Défense alors que les formations des ERP peuvent durer jusqu’à deux ans. Les formations dispensées ne sont en outre pas rémunérées. Enfin, après des années de mobilité professionnelle, les militaires aspirent à rester près de leurs proches plutôt que de suivre une formation longue éloignée de leur domicile.

Dans ces conditions, on comprend aisément que l’avenir de ces écoles ne situe pas forcément dans le giron de l’ONAC mais plutôt dans celui du ministère du Travail et de la Solidarité.

c. Mieux accueillir la nouvelle génération du feu

Alors que les combattants issus des conflits contemporains sont appelés à devenir progressivement majoritaires parmi les ressortissants de l’ONAC, il est fondamental que celui-ci adapte son action à cette évolution.

Cette nouvelle génération adhère peu, pour le moment, aux associations d’anciens combattants et ne sent pas appartenir « culturellement » à l’Office. Ils se tournent peu, on l’a vu, vers les écoles de reconversion de l’ONAC. Celui-ci ne semble pas être pour eux un interlocuteur vers lequel ils se dirigent naturellement, tant ils en ignorent le fonctionnement ou les services proposés.

Pourtant, avec un maillage territorial très dense, l’Office est en mesure d’accueillir les militaires qui reviennent d’OPEX et de leur venir en aide à travers par exemple son aide sociale ou l’œuvre du bleuet de France. Il pourrait notamment construire un pôle pour la prise en charge de la souffrance morale de nos soldats, aujourd’hui peu prise en compte par le ministère de la défense.

Cette transformation, que l’Office est en train d’opérer, constitue un des défis qu’il devra relever dans les années qui viennent, afin de demeurer la « maison de tous les combattants », pleinement ancrée dans la communauté de défense contemporaine, et de participer pleinement au renforcement du lien entre la nation et son armée.

Proposition n°3 : Faire du prochain contrat d’objectifs et de moyens un contrat de transformation de l’ONAC au service de la prise en charge des combattants de la nouvelle génération du feu, mieux intégré à la communauté de défense.

B. LES SERVICES DE L’ONAC A L’ÉTRANGER : L’EXEMPLE DE L’ALGÉRIE

Depuis le 1er janvier 2011, les trois services de l’ancienne DSPRS en Algérie, au Maroc et en Tunisie sont rattachés à l’Office.

Ils assurent les mêmes missions que les services départementaux en matière de reconnaissance (réception des demandes de cartes, titres et retraite du combattant), de solidarité, de partenariat associatif et de mémoire. Dans le domaine de la solidarité, leur rôle de conseil et d’assistance pour les démarches administratives est toutefois particulièrement marqué. De plus, des consultations médicales gratuites sont assurées par les médecins de ces services au profit des anciens combattants.

Ils assurent en outre l’entretien de cimetières militaires, avec leurs propres agents sur sept sites au Maroc, trois cimetières en Tunisie et trois sites en Algérie, ou en s’appuyant sur les autorités locales, comme c’est le cas pour quatre sites à Alger et sa périphérie et à Constantine.

Enfin, ces trois services assurent, pour le compte de la DRH-MD, des expertises médicales pour les personnes demandant une pension militaire d’invalidité, le règlement des soins médicaux gratuits pour les titulaires d’une pension militaire d’invalidité, l’élaboration et la délivrance de carnets de soins médicaux gratuits pour les pensionnés militaires d’invalidité, des consultations d’appareillage, au service ou à l’occasion de tournées ainsi que l’information locale en matière de décristallisation des pensions.

Les membres de la mission d’information se sont rendus en mai au service des anciens combattants d’Alger et ils ont pu constater l’intense activité de ce service. Celui-ci a en effet reçu pas moins de 26 883 personnes dans ses locaux en 2012, 47 386 communications téléphoniques et 77 621 correspondances !

1. Une activité croissante en matière de cartes et de titres

a. Les cartes du combattant

33 962 retraites du combattant étaient versées à des ressortissants algériens au 1er janvier 2013, auxquelles il convient d’ajouter les 4 614 retraites en instance de liquidation, les 7 622 en instance de paiement ainsi que les 3 939 cartes du combattant en cours d’édition. Au total, ce sont donc 49 684 anciens combattants qui sont aujourd’hui recensés en Algérie.

Ce nombre est appelé à augmenter dans les années qui viennent car le rythme des demandes reçues au cours des premières semaines de l’année 2013 fait apparaître, en projection annuelle, un chiffre de 4 500 nouveaux dossiers de demandes de cartes déposés auprès de l’ONAC au cours de l’année 2013, après 8 745 demandes déposées en 2012.

Cet afflux de demandes a une triple explication.

– l’assouplissement des critères d’attribution de la carte du combattant, tout d’abord. Depuis le 1er janvier 2004, la durée de présence exigée sur le territoire algérien entre le 1er novembre 1954 et le 2 juillet 1962 a ainsi été ramenée de douze à quatre mois (4;

– l’alignement, depuis le 1er janvier 2007 et la « décristallisation » des prestations du feu, du montant de la retraite du combattant servie aux ressortissants des anciennes colonies françaises sur celle servie aux ressortissants français. Avec un montant fixé à 665,76 euros par an, la retraite du combattant est devenue très attractive pour les Algériens puisqu’elle représente un peu plus de quatre mois du salaire minimum algérien ;

– la baisse de la pression sociale exercée par la « famille révolutionnaire », enfin. Il aurait été impensable, quelques années en arrière, de revendiquer la qualité d’ancien combattant de l’armée française au titre de la guerre d’Algérie. Cette démarche est aujourd’hui pleinement acceptée et ne fait plus l’objet de débat au sein de la population, comme en témoignent les longues files d’attente devant les locaux de l’ONAC, en plein centre d’Alger.

Cet afflux de demandes a longtemps conduit des retards dans la délivrance des cartes du combattant et le paiement de la retraite du combattant correspondante. Aujourd’hui, grâce aux évolutions des méthodes de travail, à une meilleure coordination de tous les acteurs de la chaîne de traitement, mais aussi au recrutement d’agents de droit local en contrats à durée déterminée. Sauf cas particulier, la carte du combattant est désormais délivrée dans les quatre mois qui suivent la demande et la retraite du combattant concédée dans un délai de deux à trois mois.

b. Les pensions militaires de retraite et les pensions militaires d’invalidité

Les pensions civiles et militaires de retraite étaient restées hors du dispositif de décristallisation décidé en 2007. Pour répondre à la décision du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel, l’article 211 de la loi n° 2010-165 de finances pour 2011 a abrogé les lois de cristallisation concernant les pensions civiles et militaires de retraites, aboutissant ainsi à une décristallisation « totale ».

4 856 pensions militaires de retraite sont versées en Algérie à tous ceux qui ont effectué quinze années de service dans l’armée française. L’alignement de la valeur du point d’indice sur le montant versé en France a conduit à une mutiplication par 4,25 du montant des retraites versées. Ces pensions représentent environ 20 millions d’euros en année pleine.

Cette revalorisation a été effectuée automatiquement par les services de la trésorerie générale pour l’étranger, sans qu’aucune démarche de la part des pensionnés ne soit nécessaire. Elle est appliquée à compter des échéances versées en juin 2011.

En revanche, pour bénéficier de l’alignement du nombre de point d’indice servant de base au calcul de la pension, les bénéficiaires doivent déposer une demande individuelle auprès du service des anciens combattants d’Alger : 89 ont été déposées en ce sens.

5 800 pensions militaires d’invalidité sont par ailleurs versées. Ces pensions avaient bénéficié, à compter du 1er janvier 2007, d’un alignement de la valeur du point d’indice sur celui des pensions françaises. En revanche, les bénéficiaires doivent demander l’alignement du nombre de points d’indice de leur pension. 114 demandes ont été effectuées en 2012.

Les demandes d’alignement du nombre de points d’indice doivent être formulées avant le 31 décembre 2013, en application du décret n° 2010-1691 du 30 novembre 2010. Compte tenu du faibles nombre de demandes enregistrées à ce jour au regard du nombre de bénéficiaires potentiels, il serait souhaitable que cette date butoir soit reculée d’un an ou deux.

2. L’entretien des nécropoles et la mémoire

a. Les cimetières

Jusqu’à l’indépendance de l’Algérie, les sépultures militaires françaises étaient implantées dans ses carrés spécifiques des cimetières communaux et dans deux nécropoles militaires créées au cours de la Seconde Guerre mondiale, à Mers el-Kébir et Oran. Y reposaient des soldats morts au cours des deux conflits mondiaux et rapatriés des fronts européens pour être rendus à leur famille, des militaires décédés dans les garnisons en temps de paix, des soldats tués en Afrique du Nord au cours de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d’Algérie.

Après l’accession de l’Algérie à l’indépendance, il a été décidé de regrouper ces sépultures, en particulier celles des soldats morts pour la France, que l’État a l’obligation d’entretenir à perpétuité, sur le seul site d’Oran.

Créée après le débarquement allié de novembre 1942, le cimetière du Petit Lac à Oran est ainsi devenu, en 1965, le site de regroupement de la majorité des sépultures militaires françaises d’Algérie. De 1965 à 1968, pas moins de 10 750 corps y furent rassemblés.

Ce site de 8 hectares a fait l’objet d’importants travaux de rénovation dès que les conditions de sécurité ont de nouveau permis l’intervention du service des anciens combattants en Algérie, rouvert progressivement à partir de 2004. L’ensemble des plaques d’indentification individuelles des tombes a été renouvelé et la réfection des allées de circulation et des trottoirs a été achevée en 2011. Le site est le siège, chaque 11 novembre, d’une cérémonie commémorative organisée par le consulat général de France à Oran, en présence d’une délégation de vétérans, mais aussi des autorités locales.

Le cimetière marin de Mers el-Kébir fut créé pour recueillir les corps des marins tués lors de l’attaque de la flotte française par la marine britannique les 3 et 6 juillet 1940. Il comporte 261 sépultures individuelles, dont celles de 6 inconnus, et un ossuaire où reposent 970 morts non identifiés du cuirassé Bretagne. Le corps de l’amiral Darlan, qui reposait à Alger dans une crypte de l’amirauté y a été transféré en 1964.

Après cette date, puis pendant la guerre d’Algérie, un certain nombre de marins et de soldats y furent inhumés. En 1970, leurs corps ont été transférés dans la nécropole du Petit Lac afin de laisser au site de Mers el-Kébir sa spécificité de lieu de mémoire des combats de juillet 1940. En juin 2000, le corps d’un marin inconnu a été relevé de l’ossuaire et inhumé dans le carré militaire de Kerfautras, à Brest, où l’association des anciens marins de Mers el-Kébir avait élevé un monument en souvenir des victimes de ces combats. Ce transfert permet aux familles de disposer en France d’un lieu de recueillement.

Le site, qui comprend également un cimetière civil européen, avait subi de graves dommages. Le ministère de la Défense a donc diligenté, en juillet 2005, une mission chargée d’étudier les mesures de conservation appropriées. Un partenariat a pu être établi avec les autorités locales pour assurer la sécurité du site. La DMPA a entrepris en 2006 un important programme de restauration, achevé en 2007.

Une maison a été construite pour héberger un gardien permanent, le cimetière a été entièrement rénové et son ossuaire reconstruit. Chaque stèle en forme de pupitre comporte désormais une plaque sur laquelle figurent l’identité du marin ainsi qu’un symbole représentant son appartenance confessionnelle. La municipalité a installé un éclairage public dans la rue menant au site et des panneaux d’information destinés au public ont été mis en place en 2009.

Enfin, subsistent encore, à Constantine et Alger et ses environs immédiats, quelques carrés militaires non regroupés, entretenus régulièrement par les autorités locales.

b. Une mémoire commune

Le fonctionnement quotidien, en Algérie, d’un service de proximité dédié aux anciens combattants et à leurs ayants droits est chargé d’une très forte connotation mémorielle.

En comptant les anciens combattants, les veuves et les victimes civiles bénéficiaires de l’allocation viagère créée en 1968, ce sont près de 60 000 ressortissants que compte l’ONAC en Algérie. Son action sociale, à travers les aides financières qu’il accorde, son soutien médical, avec la prise en charge des pensionnés militaires d’invalidité et les tournées effectuées régulièrement à travers tout le pays, tissent des liens très forts avec la population algérienne.

Cette importante présence permet de rappeler notre histoire commune et témoigne de la reconnaissance due aux soldats algériens qui ont participé à la libération de notre pays pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette période de l’histoire doit être mise en valeur dans la perspective de l’ouverture prochaine des cycles commémoratifs du 70e anniversaire de la période 1944-1945 et au centenaire de la Grande Guerre.

Pour regarder notre passé commun sans amertume, les rapporteurs estiment que deux sujets doivent être pris en considération.

La question des soldats « disparus » tout d’abord. Le rapatriement des dépouilles des soldats français capturés par l’Armée de libération nationale et portés depuis disparus – entre 500 et 1 000 cas selon les sources – est régulièrement évoquée par les chefs d’État lors de leurs rencontres. Cette question figure dans le communiqué commun des deux ministres des Affaires étrangères, rédigé à la suite de la visite d’État des 19 et 20 décembre derniers.

Si les recherches sur le cas du capitaine Raymond Bouchemal et des vingt soldats disparus des Abdellys n’ont pas encore totalement abouties, les autorités algériennes ont fait preuve de leur pleine volonté de coopérer. Il importe donc que les autorités françaises fassent preuve de la même volonté pour apporter des réponses sur les soldats algériens disparus, notamment les deux commandants de la Wilaya 4, Ahmed Bougara et Djilali Bounaama. La désignation d’une personne spécialement en charge de ce dossier au sein du cabinet du ministre délégué aux anciens combattants serait certainement un moyen efficace d’avancer sur ces questions.

Le deuxième sujet de préoccupation est le cas des pupilles de la Nation de nationalité algérienne.

Compte tenu du nombre de militaires algériens morts dans les rangs de l’armée française, environ 1 700 à 2 000 personnes bénéficient aujourd’hui du statut de pupille de la Nation en Algérie. Par ailleurs, depuis sa réouverture en 2008, le service d’Alger traite chaque année 30 à 40 nouvelles demandes d’adoption par la Nation, présentées par des orphelins de guerre majeurs, au titre de l’article 70 de la loi du 9 décembre 2004.

Ces personnes ne bénéficient actuellement d’aucune procédure particulière tant en ce qui concerne l’obtention de visa ou d’accès à la nationalité française, ce qui suscite beaucoup d’incompréhension de la part des intéressés et de leur entourage. Cette absence de différence de traitement entre des personnes adoptées par notre pays et le reste de la population a effectivement surpris les rapporteurs. Ils estiment que ces démarches pourraient être facilitées pour les pupilles de la Nation.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur le suivi de l’exécution des crédits de la mission « Anciens combattants » pour l’exercice 2012 au cours de sa réunion du mercredi 17 juillet 2013.

Un débat suit l’exposé des rapporteurs.

M. Jacques Lamblin. J’ai rencontré récemment des responsables du mouvement de défense des pupilles de la Nation qui n’entrent pas dans les dispositifs d’indemnisation des orphelins prévus par les décrets de 2000 et 2004. Y a-t-il une possibilité de prendre en compte ces pupilles pour les indemniser ? Le cadre juridique actuel prévoit soit un versement en capital, soit une rente. D’après ce qu’ils m’ont indiqué, le plus important pour eux serait d’être reconnus. Dès lors, leur accorder une rente plutôt qu’un capital serait moins onéreux et constituerait déjà une belle avancée. Ne peut-on pas avancer par étapes dans ce dossier ?

M. Marc Laffineur, rapporteur. Il s’agit là d’une question récurrente. Il a été en effet décidé en 2000 d’indemniser les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et en 2004 ceux dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie. Si le choix leur est laissé entre un versement en capital ou une rente, la grande majorité d’entre eux choisit le versement en capital. Au risque de choquer, l’extension de ce dispositif à tous les orphelins de guerre qui le demandent pose deux problèmes : un problème de coût, estimé à deux milliards d’euros et également un problème moral dans la mesure où il n’est pas possible d’indemniser tous les orphelins de guerre, une Nation reposant aussi sur l’impôt du sang. Je reconnais néanmoins que cette demande est parfaitement compréhensible.

Mme Sylvie Pichot, rapporteure. Cette thématique est abordée très régulièrement par les orphelins d’anciens combattants qui se sentent exclus de tout dispositif. La question du coût est néanmoins centrale et M. Kader Arif, ministre délégué aux Anciens combattants, a d’ailleurs exclu d’élargir à tous les pupilles les mécanismes de réparation des deux dispositifs existants.

M. Jacques Lamblin. Les associations de défense des pupilles de la Nation sont bien conscientes du coût que représenterait un tel versement en capital. Mais le choix de leur accorder une rente, dont le coût annuel serait bien moindre, constituerait toutefois une avancée.

M. Marc Laffineur, rapporteur. Il n’existe pas une seule association de défense des pupilles de la Nation mais des dizaines, qui expriment toutes des positions différentes. Par ailleurs, si certains pupilles sollicitent seulement une certaine forme de reconnaissance, il faut être bien conscient que celle-ci est naturellement le préalable à une revendication de réparation financière !

M. Yves Fromion. N’est-il pas possible d’établir une distinction entre les personnes impliquées dans les combats, comme les résistants dont l’acte d’engagement mérite d’être salué, et ceux morts de façon indirecte, j’allais dire presque par hasard ?

Mme Sylvie Pichot, rapporteure. Cette proposition serait très complexe à mettre en œuvre dans la mesure où, lors de la Seconde Guerre mondiale par exemple, beaucoup de personnes ont été fusillées pour l’exemple, sans qu’elles se soient illustrées par un réel engagement.

M. Marc Laffineur, rapporteur. La difficulté vient du fait qu’on a commencé à faire des catégories de pupilles de la Nation. Il ne faudrait surtout pas replonger dans ce travers.

M. Philippe Vitel. Je voudrais évoquer le problème des dossiers d’endettement des rapatriés d’Algérie. Certaines personnes, très âgées, sont de plus en plus sous le coup de menaces d’expulsion. Il est impératif de trouver le moyen de leur éviter cette humiliation.

M. Alain Moyne-Bressand. Combien d’anciens combattants sont aujourd’hui indemnisés et sur quel théâtre d’opérations ont-ils combattu ? Y a-t-il des Harkis indemnisés en Algérie et par qui ? Avez-vous par ailleurs réfléchi à la problématique de l’indemnisation d’anciens combattants qui sont intervenus sur de théâtres nouveaux. Nous sommes par exemple souvent sollicités par des militaires qui ont été touchés par l’attentat de Beyrouth en 1983 ?

M. Philippe Folliot. La « décristallisation » est certes une mesure de justice, mais elle produit également des effets pervers. En premier lieu, les statistiques indiqueraient que beaucoup de bénéficiaires dans des pays étrangers jouiraient de façon étonnante d’une durée de vie remarquable. Avez-vous abordé ce problème dans votre rapport ? Est-on vraiment sûr que tous les bénéficiaires se présentent bien une fois par an aux autorités concernées ? En second lieu, les mécanismes de réversion semblent souvent aboutir en pratique à ce que des anciens combattants épousent de très jeunes femmes.

Mme Sylvie Pichot, rapporteure. S’agissant de la « décristallisation », nous sommes très satisfaits de nous être rendus sur place en Algérie. Je tiens ici à saluer le travail de l’ONAC et de son directeur, M. Philippe Pagès, qui est très présent et attentif à l’utilisation de l’argent public. Je vous signale par ailleurs qu’il n’existe pas de mécanisme de réversion pour les retraites d’anciens combattants.

M. Marc Laffineur, rapporteur. En Algérie, la question se pose moins pour les retraites des officiers que pour celle des sous-officiers et un contrôle, avec une présence physique obligatoire, est exigé tous les ans. Dans les autres pays, ce sont des receveurs qui vérifient les conditions d’attribution au cours de tournées d’inspection. La problématique des rapatriés ne fait pas partie de notre mission. Pour ce qui concerne les statistiques, on compte aujourd’hui 1,2 million d’anciens combattants, dont plus d’un million d’anciens de la guerre d’Algérie, le reste concernant essentiellement les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et ceux engagés dans les opérations extérieures, ces derniers étant au nombre de 30 000 environ.

Mme la présidente Patricia Adam. Il n’y a pas qu’en Algérie que l’on rencontre des hommes d’âge avancé épousant des jeunes femmes…

M. François André. Il est parfois intéressant de s’interroger sur les raisons pour lesquels certains crédits sont sous-consommés. C’est le cas notamment de ceux destinés à l’indemnisation des victimes de dommages résultant des essais nucléaires, dont la sous-consommation chronique révèle les difficultés d’application du dispositif législatif.

En la matière, l’enjeu est double.

D’une part, il est juridique. En effet, dans de nombreux cas, les tribunaux administratifs annulent les décisions de refus d’indemnisation rendues par la puissance publique, au motif que le « risque négligeable » qu’elle invoque n’est pas suffisamment motivé. Cela conduit les demandeurs à redéposer une nouvelle demande d’indemnisation, sans pour autant pouvoir disposer d’éléments nouveaux à verser à leur dossier.

D’autre part, l’enjeu est également financier. Dans le contexte budgétaire actuel, le risque est loin d’être nul de voir Bercy tirer argument de la sous-consommation de ces crédits pour les réduire drastiquement, ce qui pourrait conduire à une situation de sous-dotation budgétaire si la procédure d’indemnisation était améliorée, comme il est souhaitable !

Le problème ne tient pas au dispositif législatif concerné, mais à ses conditions d’application. Il faudrait en effet examiner les procédures suivies devant le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), et assouplir les critères requis pour établir le lien de causalité entre les dommages et l’exposition aux essais nucléaires. Il faut en tout état de cause une reconnaissance d’une forme ou d’une autre pour les personnes qui ont été manifestement exposées lors d’essais.

M. Christophe Guilloteau. La question des pensions de réversion soulève de véritables difficultés. Nous avons pu mesurer, lors de notre récent déplacement au Mali, que la décristallisation de leur montant avait rendu le dispositif très attractif, et que l’âge de certains de ses bénéficiaires est parfois un peu trop canonique pour être crédible… Qu’est-il prévu pour que les services diplomatiques contrôlent que les bénéficiaires sont toujours en vie ?

M. Marc Laffineur, rapporteur. On ne saurait prétendre qu’il n’y a aucune fraude en la matière, mais en principe, la pension ne peut être servie que si son bénéficiaire a, au moins une fois par an, un contact physique avec les services administratifs compétents pour son contrôle.

S’agissant des victimes des essais nucléaires, la question est délicate. En effet, les études épidémiologiques montrent qu’en moyenne, la prévalence des cancers parmi les personnes exposées à ces essais n’est pas supérieure à ce qu’elle est pour l’ensemble de la population. Mais le faible nombre de cas d’indemnisation conduit à se poser des questions.

Mme Sylvie Pichot, rapporteure. La loi a été votée pour répondre au besoin de reconnaissance des victimes des essais, or le taux de refus devant le CIVEN dépasse 99 %... Le devoir de reconnaissance de l’État envers les personnes concernées est essentiel. Mais ce n’est pas au législateur d’établir la réalité scientifique. La solution est à trouver dans un meilleur placement des curseurs dans les critères d’indemnisation.

Aujourd’hui, certaines associations de victimes n’envoient même plus de demandes d’indemnisation au CIVEN, ou en envoient très peu, pour éviter au malade d’avoir à essuyer une décision de refus d’indemnisation. Le rôle, et peut-être la composition, du CIVEN méritent sans doute d’être réexaminés. Notre rapport tire le signal d’alarme, mais c’est au CIVEN qu’il revient maintenant de faire en sorte d’apporter une réponse acceptable au problème, ce qui ne peut pas être considéré comme étant le cas aujourd’hui avec 1 % seulement de réponses positives.

Mme la présidente Patricia Adam. Pour ce qui est des pensions, il est tout à fait possible de demander aux services compétents la répartition de leurs bénéficiaires par âge et par pays.

M. Daniel Boisserie. J’ai rencontré les représentants des veuves de grands invalides, qui ont attiré mon attention sur deux points : d’une part, quand bien même un invalide toucherait une rente qui atteindrait 15 000 euros de son vivant, sa veuve peut se retrouver avec 500 euros seulement à sa mort. D’autre part, les indemnités servies en capital ne sont pas soumises à l’impôt de solidarité sur la fortune. Le dernier rapport administratif sur le sujet ne s’est pas appuyé sur des statistiques fiables. Les estimations varient entre 44 millions d’euros pour le Gouvernement et 258 000 euros selon les veuves. Il faudrait sans doute « creuser » davantage ce sujet, en rappelant que l’âge moyen des veuves de grands invalides atteint presque 85 ans.

M. Jean-Jacques Candelier. Je souhaite évoquer la question des « fusillés pour l’exemple », ces 650 soldats perdus face à des ordres parfois imbéciles. À l’approche du centenaire de la guerre de 1914, ne serait-il pas temps de les réhabiliter ?

Mme Sylvie Pichot, rapporteure. Il n’est pas fréquent que le montant d’une pension d’invalidité atteigne 15 000 euros. Et si l’on allait au bout de la démarche souhaitée par certaines associations, avec le versement d’une pension de réversion strictement proportionnelle à celle de la pension d’invalidité, le résultat serait à l’avantage de certaines veuves, mais au détriment de la majorité d’entre elles. En outre, les veuves ont le droit à l’aide différentielle servie au conjoint survivant (ADCS), versée par l’ONAC : elles ne sont pas abandonnées, et nous y veillons.

M. Marc Laffineur, rapporteur. Les fusillés pour l’exemple relèvent de situations très différentes qui doivent faire l’objet d’une étude au cas par cas.

Mme Sylvie Pichot, rapporteure. Le ministre est également en faveur d’un examen individuel des dossiers.

M. Frédéric Lefebvre. Je souhaite apporter une information en complément des interventions de mes collègues Folliot et Guilloteau pour éclairer le débat. Les Français de l’étranger à la retraite ont l’obligation de fournir personnellement un certificat d’existence annuel. Ce dispositif pourrait servir de modèle pour résoudre les difficultés évoquées.

M. Marc Laffineur, rapporteur. Afin d’éviter les tricheries et les documents falsifiés, le contact physique est déjà obligatoire.

Mme la présidente Patricia Adam. Ce contact est assuré en Algérie par les services de l’ONAC que vous avez pu rencontrer.

Mme Sylvie Pichot, rapporteure. L’ONAC est effectivement présent sur le terrain et se déplace lorsque les personnes concernées ne sont pas en mesure de le faire.

La Commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées par la mission d’information

Ø Associations d’anciens combattants :

– Union nationale des combattants (UNC) : M. Jean Kervizic ;

– Union française des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC) et Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc (FNCPG-CATM) : M. Jacques Goujat ;

– Fédération nationale André Maginot (FNAM) : M. Alain Clerc ;

– Le Souvenir français : M. Gérard Delbauffe ;

– Association des plus grands invalides de Guerre : M. Jean-Claude Gouellain ;

– Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’union fédérale (UF) : M. Jean-Claude Buisset ;

– Union des blessés de la face et de la tête, « les gueules cassées » (UBFT) – général Bertrand de Sauville de Lapresle, vice-président ;

– Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et paix (ARAC) : MM. Raphaël Vahé, Paul Markides et André Fillere ;

– Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) : M. Daniel Wolchowiak ;

– FNAM-OPEX – M. Laurent Attar-Bayrou, président national ;

Ø Mission du centenaire de la Grande Guerre : Général Elrick Irastorza, président, MM. Joseph Zimet et David Zivie ;

Ø M. François Le Puloc’h, directeur du service national ;

Ø M. Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins du ministère de la Santé ;

Ø Visite de l’Institution nationale des Invalides (INI) et entretien avec son directeur, le médecin-général inspecteur Jack Dorol ;

Ø M. Éric Lucas, directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense ;

Ø Mme Rose-Marie Antoine, directrice générale de l’Office national des anciens combattants (ONAC) ;

Ø Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) : M. Jean-Luc Sans, président, et M. Bruno Barrillot, membre du conseil d’administration, chargé des relations avec la Polynésie ;

Ø Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) : M. Michel Jeannoutot, président, M. Jean-Pierre Le Ridant, directeur, et M. Pierre-Alain Weill, rapporteur général ;

Ø Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires (ANVVEN) : M. Pierre Marhic, président ;

Ø Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) : Mme Marie-Eve Aubin, présidente et M. Roland Masse ;

Ø M. Hugues Bied-Charreton, directeur des affaires financières du ministère de la Défense

Ø Déplacement en Algérie du 21 au 23 mai 2013 :

– Rencontre avec des ressortissants de l’ONAC à Alger : anciens combattants et pupilles de la Nation ;

– entretiens avec MM. Philippe Pagès, directeur de l’ONAC à Alger , Christian Fradet, directeur adjoint, Dr Tarik Benchemam, médecin conseil, Jean Pilleri, chef de service, et Mme Anna Contigiani, responsable des ressources humaines ;

– entretien avec Mme Louisa Chachoua, présidente de la Commission de la santé, des affaires sociales, du travail et de la solidarité nationale du Conseil de la Nation ;

– entretien avec M.Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine ;

– visites de la nécropole nationale du Petit Lac Oran et du cimetière marin de Mers el-Kébir ;

– entretien avec le Président de l’Assemblée populaire communale d’Oran, M. Nour-Eddine Boukhatem.

1 () La réglementation fixe les limites de doses efficaces susceptibles d’être reçues chaque année pendant toute une vie. À l’époque des essais aériens, la limite annuelle de dose dans les conditions normales de travail pour les travailleurs affectés à des travaux sous rayonnement ionisants était de 50 mSv et la limite annuelle pour les personnes du public était de 5 mSv. Depuis 2006, la limite de dose annuelle pour les travailleurs directement exposés est fixée à 20 mSv et 1mSv pour les personnes du public.

2 () La CIVS a été créée par le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999, modifié par le décret n° 2000-932 du 25 septembre 2000, qui a mis en place un dispositif d’indemnisation à destination des personnes, ou descendants de personnes, ayant été victimes de spoliations matérielles ou bancaires intervenues du fait des législations antisémites en vigueur en France durant la période de l’Occupation (1940-1944).

3 () Sénat : proposition de loi n° 256 de M. Richard Tuheiava et plusieurs de ses collègues, déposée le 20 décembre 2012 ; Assemblée nationale : proposition de loi n° 1184 de M. Yannick Favennec, déposée le 26 juin 2013.

4 () La durée de présence sur le théâtre algérien avait été initialement fixée à 18 mois en 1998, avant d’être ramenée à 15 mois en 1999 puis 12 en 2000.


© Assemblée nationale