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N
° 
1388

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense
pour les
exercices 2011 et 2012

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. François ANDRÉ et Philippe VITEL,

Députés.

——

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits
de la Défense pour les exercices 2011 et 2012 est composée de :

– MM. François André et Philippe Vitel, rapporteurs ;

– MM. Guy Chambefort, Jean-Jacques Bridey, Jacques Lamblin et Maurice Leroy, membres.(*).

(*) Composition modifiée lors de la réunion de la commission du 10 avril 2013.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE 11

I. LE BILAN DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2009-2014 11

A. LA PERTINENCE D’UNE PROGRAMMATION DES CAPACITÉS MILITAIRES DE LA FRANCE EST RECONNUE DEPUIS LONGTEMPS 11

1. Quoiqu’en grande partie dépourvue de portée normative, la programmation militaire est une nécessité, mais son respect est loin d’être toujours assuré 11

a. Le financement de la fonction de défense implique de la continuité 11

b. La loi de programmation militaire comporte, en règle générale, un volet normatif assez limité 12

c. Des écarts significatifs entre les lois de programmation militaire et leur exécution se sont déjà produits par le passé 13

2. L’économie d’ensemble de la loi de programmation militaire 2009-2014 14

a. La LPM 2009-2014 organisait une profonde transformation des armées 15

b. Le plan de relance 16

B. LES AJUSTEMENTS SUBIS DANS L’EXÉCUTION DE LA LPM 2009-2014 19

1. Les contraintes ayant affecté l’exécution 19

a. De fortes contraintes budgétaires ont conduit à des corrections de trajectoire 19

b. Plusieurs des hypothèses de la loi de programmation militaire ne se sont pas réalisées 21

i. La masse salariale n’a pas baissé comme attendu 21

ii. Des hypothèses d’exportation ne se sont pas réalisées 23

2. L’écart de trajectoire de la LPM a-t-il empêché les armées de remplir leur contrat opérationnel et à quelles insuffisances celles-ci ont-elles dû faire face ? 23

a. Le contrat opérationnel pour les grandes fonctions stratégiques a été globalement tenu 23

b. L’appréciation des armées sur les conditions d’exécution de la loi de programmation militaire 26

i. L’armée de terre 27

ii. L’armée de l’air 28

iii. La marine nationale 31

II. COMMENT ÉVITER À L’AVENIR UN ÉCART ENTRE LES PRÉVISIONS ET LES RÉALISATIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION ? 35

A. SI LA DERNIÈRE LOI DE PROGRAMMATION A ÉTÉ GLOBALEMENT RESPECTÉE LES DEUX PREMIÈRES ANNÉES, L’ÉCART S’EST ACCENTUÉ EN 2011 ET SURTOUT EN 2012, CE QUI NÉCESSITE UNE ANALYSE PLUS APPROFONDIE DE L’EXÉCUTION DES CRÉDITS 2011 ET 2012 35

1. L’exécution des crédits de l’année 2011 35

a. L’écart par rapport à la loi de programmation s’est accentué à compter de 2011 35

b. L’exécution des crédits 2011 sur les programmes de la mission Défense 37

i. L’exécution budgétaire du programme 144 37

ii. L’exécution budgétaire du programme 178 38

iii. L’exécution budgétaire du programme 212 38

iv. L’exécution budgétaire du programme 146 39

c. Le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense pour 2011 met en lumière plusieurs points d’attention 40

i. L’exécution 2011 se caractérise par un déficit du titre 2 40

ii. Le poids des opérations extérieures a continué de dépasser le montant de la provision prévue en loi de finances initiale 40

iii. Contrairement aux années 2009 et 2010, les recettes exceptionnelles ont été au rendez-vous en 2011, mais leur perception a été tardive 41

iv. Les intérêts moratoires sont demeurés élevés en 2011 41

2. L’exécution des crédits 2012 41

a. L’écart continue de s’accroître 2012 par rapport à la trajectoire de la loi de programmation militaire 42

b. L’exécution des crédits 2012 sur les programmes de la mission Défense 44

i. L’exécution budgétaire du programme 144 44

ii. L’exécution budgétaire du programme 178 44

iii. L’exécution budgétaire du programme 212 45

iv. L’exécution budgétaire du programme 146 46

c. L’exécution des crédits de la Défense pour 2012 confirme ou fait apparaître certaines difficultés dans l’exécution budgétaire 46

i. L’absence de contrôle de la masse salariale devient préoccupante 46

ii. La sous-budgétisation des opérations extérieures se poursuit en 2012 47

iii. Les ressources extrabudgétaires restent incertaines dans leur montant et dans leur calendrier de réalisation 48

d. La trajectoire financière de la loi de programmation militaire 2009-2014 n’est plus soutenable 49

B. QUELLES SONT LES PISTES POUR ÉVITER LA POURSUITE DE CES ÉCARTS ? 50

1. L’optimisation des moyens de la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire 50

a. Le coût actuel de la dissuasion nucléaire 51

b. Les débats sur l’existence même de la dissuasion nucléaire française ou sur le maintien d’une double composante ont été tranchés, mais plusieurs questions sur son coût demeurent 54

i. L’existence de forces nucléaires comprenant une double composante aéroportée et océanique est réaffirmée 54

ii. Faut-il poursuivre la réduction du format de la composante aérienne ? 55

iii. Est-il vraiment nécessaire d’organiser une permanence à la mer ? 57

iv. Les dépenses liées à la dissuasion représentent un investissement productif pour la Défense nationale et l’économie du pays 57

v. De nouvelles pistes d’économies peuvent néanmoins être exploitées 59

2. Comment mettre fin au paradoxe de dépenses de personnel en hausse et d’un niveau insuffisant de crédits prévus pour faire face au besoin du titre 2 du ministère en dépit de la poursuite de la baisse des effectifs 60

a. Plusieurs explications ont été avancées pour tenter d’expliquer ce découplage entre la diminution des effectifs et l’augmentation de la masse salariale 61

b. Quels pourraient être les axes de progrès pour maîtriser les dépenses de titre 2 63

i. Faut-il conduire un effort volontariste de dépyramidage des effectifs ? 63

ii. La fidélisation 65

iii. La résolution des dysfonctionnements du système LOUVOIS 66

iv. Un meilleur pilotage des effectifs et de la masse salariale est nécessaire 66

3. La gestion des bases de défense est-elle optimale ? 67

a. Les bases de défense, créées dans une optique de recherches d’économies, sont aujourd’hui opérationnelles 68

b. Le bilan économique de la création des bases de défense reste difficile à établir et de nombreuses BdD se plaignent d’une « impasse budgétaire » 70

i. L’identification distincte et exhaustive des économies directement liées à l’embasement reste délicate 70

ii. Des difficultés budgétaires affectent les crédits du soutien par les BdD 72

c. Quels sont les gisements d’économies envisageables pour optimiser la gestion financière des BdD ? 73

i. Élargir le champ de compétence et le périmètre budgétaire des commandants de bases de défense 73

ii. Poursuivre les mesures d’intéressement aux économies réalisées 74

iii. Supprimer l’échelon intermédiaire des états-majors de soutien défense (EMSD) 76

iv. Réduire le nombre de bases de défense 77

v. Harmoniser les procédures et développer de nouveaux systèmes informatiques 78

vi. Faut-il externaliser davantage le soutien ? 78

4. Les règles d’attribution des marchés de maintien en condition opérationnelle peuvent-elles être améliorées ? 79

a. Le MCO des matériels des armées a déjà fait l’objet de mesures d’optimisation depuis le début des années 2000 80

i. Des réformes ont déjà été conduites afin de restaurer une disponibilité technique opérationnelle des matériels de la défense, fortement dégradée à la fin des années 1990 80

ii. Les objectifs initiaux des réformes, relevant principalement de la restauration des disponibilités techniques des matériels, n’ont été que partiellement atteints et restent à nuancer en fonction des armées et des parcs 85

iii. Des marges de manœuvres existent encore pour optimiser les dépenses de l’État en matière de marchés de MCO 88

iv. Les limites des marges de progrès restantes ne doivent toutefois pas être ignorées 94

v. La future loi de programmation militaire devra veiller à l’adéquation des ressources disponibles aux besoins en MCO des matériels militaires 94

5. Le recours à des ressources exceptionnelles versées au budget de la Défense est-il satisfaisant ? 95

a. Les recettes issues de cessions de bandes de fréquences ont été encaissées plus tardivement que prévu, mais pour un montant supérieur aux hypothèses retenues en LPM 96

b. Les recettes issues de cessions d’emprises immobilières ont été encaissées pour un montant moindre que celui prévu en LPM 96

i. L’impact du dispositif de cession à l’euro symbolique aux collectivités locales 97

ii. L’impact de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social 98

c. Les perspectives de recours aux ressources exceptionnelles dans la prochaine LPM 99

6. Comment améliorer la prise en compte budgétaire des OPEX compte tenu de leur caractère imprévisible ? 100

a. L’évolution du montant de la provision budgétaire au titre des surcoûts OPEX 101

b. L’identification et la méthodologie retenue pour le calcul des surcoûts OPEX 103

c. Le mécanisme de financement des OPEX a-t-il réellement permis d’éviter que le financement de celles-ci ne pèse sur la réalisation de la programmation des investissements 105

EXAMEN EN COMMISSION 107

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION D’INFORMATION 111

INTRODUCTION

Le bureau de la commission de la Défense nationale et des forces armées a décidé, le 3 octobre 2012, de pérenniser le contrôle régulier qu’elle exerce depuis une dizaine d’années sur l’exécution des crédits du budget de la Défense.

Depuis 2003, et à l’initiative de son précédent président, M. Guy Teissier, la commission de la Défense a en effet créé des modalités spécifiques de contrôle des conditions de l’exécution des crédits du budget de la Défense, conformément au rôle confié aux commissions permanentes par l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale d’assurer « l’information de l’Assemblée pour lui permettre d’exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement » et les autorisant à créer à cet effet des missions d’information portant sur l’application d’une législation. Depuis cette date, les missions d’information successives sur le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense ont rendu six rapports visant à s’assurer, année après année, du respect des engagements financiers pris dans la loi de programmation militaire et du bon emploi de ces crédits par le ministère de la Défense. Le dernier rapport (1) publié sous la précédente législature était ainsi consacré à l’exercice 2010.

Il revenait donc naturellement au présent rapport de porter son attention sur l’exécution des crédits de la Défense de l’exercice 2011 et 2012.

Par ailleurs, la publication, le 29 avril 2013, d’un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (2) définissant les principes, les priorités, les cadres d’action et les moyens qui assureront dans la durée la sécurité de la France, a conduit à la présentation par le ministre de la Défense, lors du Conseil des ministres du 2 août 2013, d’un projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. L’examen par le Parlement, à l’automne prochain, de ce projet de loi de programmation militaire, destinée à mettre en œuvre les orientations de la politique de défense française pour les six prochaines années, ne s’effectuera dans les meilleures conditions possibles qu’une fois analysées les conditions d’exécution de la loi de programmation en cours.

Le présent rapport de la mission sur le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense est également l’occasion de dresser un bilan financier synthétique de la dernière LPM, plus d’un an après le rapport public thématique de la Cour des comptes relatif au bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire (3). Dans ce cadre, les rapporteurs ont souhaité mener une réflexion sur les raisons de l’écart grandissant, à partir de 2011, entre les réalisations et les prévisions de la loi de programmation militaire, sur les moyens d’éviter une telle distorsion à l’avenir et sur les conditions de soutenabilité de la prochaine loi de programmation militaire.

Les rapporteurs ont également souhaité ne pas se limiter à un bilan purement rétrospectif mais réfléchir également à des pistes de progrès possibles pour les années à venir en explorant, comme cela s’est d’ailleurs déjà fait par le passé (4), six thématiques plus spécifiques, qui ne se limitent pas à l’examen de la seule exécution des crédits, qu’il s’agisse :

– du niveau optimal du coût de la mise en œuvre de la dissuasion, dont le Président de la République, chef des armées, a décidé la sanctuarisation ;

– du bilan de la gestion financière des bases de défense ;

– de l’optimisation des règles d’attribution des marchés de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels des armées ;

– du bilan des conditions de recours, dans la programmation budgétaire, à des recettes exceptionnelles liées aux cessions de bandes de fréquence et de biens immobiliers ;

– des économies attendues de la réduction des emplois et des réalisations effectives, avec le paradoxe de dépenses de personnel en hausse et d’un niveau insuffisant de crédits prévus pour faire face aux besoins en titre 2, en dépit de la poursuite de la baisse des effectifs, qui ne permet pas une réaffectation des économies au bénéfice des équipements ;

– des modalités spécifiques de budgétisation et financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX) difficilement prévisibles.

Ils ont, tout au long des travaux de la mission, eu à cœur de se garder d’empiéter sur le périmètre d’autres missions d’information de la commission de la Défense, qu’il s’agisse de la mission d’information relative à la revue capacitaire des armées (5), ou de celle sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense (6).

Au cours de son programme de travail, la mission a procédé à de multiples auditions, tables rondes et réunions, dont une réunion au ministère de la Défense regroupant, autour du conseiller spécial du ministre de la Défense, près de 45 personnes, dont le conseiller budgétaire du ministre, le directeur des affaires financières, le directeur des ressources humaines et les responsables de tous les services intéressés.

Aux termes de ses travaux, fruits d’une réflexion qui transcende les clivages partisans puisqu’ils ont été conduits par deux rapporteurs de sensibilités politiques différentes, la mission a pu non seulement dresser un bilan financier synthétique de la loi de programmation militaire 2009-2014 et une analyse de l’exécution des crédits des exercices 2011 et 2012 mais également esquisser des pistes pour éviter à l’avenir un trop grand écart entre les prévisions et les réalisations de la future loi de programmation militaire.

PREMIÈRE PARTIE

I. LE BILAN DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2009-2014

A. LA PERTINENCE D’UNE PROGRAMMATION DES CAPACITÉS MILITAIRES DE LA FRANCE EST RECONNUE DEPUIS LONGTEMPS

La loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense a fixé les grandes orientations du ministère de la Défense en matière d’évolution des budgets et des effectifs.

1. Quoiqu’en grande partie dépourvue de portée normative, la programmation militaire est une nécessité, mais son respect est loin d’être toujours assuré

a. Le financement de la fonction de défense implique de la continuité

Comme le souligne Louis Gautier (7), « la constitution d’un outil militaire performant implique, à l’époque contemporaine, la mobilisation de ressources financières, l’accumulation d’investissements technologiques et industriels, la réalisation d’équipements et enfin la mobilisation de moyens humains qui ne peuvent être qu’organisés et programmés dans la durée ».

C’est depuis les années 1960 que la France a associé le développement de ses forces armées à une planification budgétaire pluriannuelle. Il s’agissait à l’époque d’assurer la mise en place de sa force de dissuasion nucléaire, grâce à des lois de programme censées garantir le développement de celle-ci, étapes par étapes, avec les financements correspondant. Cette méthode a permis à la France combler son retard dans ce domaine, assurant effectivement l’affectation des crédits nécessaires et affirmant par là même la détermination de la Nation à tenir « l’ardente ambition » qu’elle s’était fixée. Trois lois programmes successives ont ainsi encadré le développement de l’arme nucléaire française.

La notion de loi de programmation militaire (LPM) est quant à elle plus tardive. Si le concept date de 1977, son périmètre s’est progressivement élargi pour comporter de plus en plus de dispositions relatives aux rémunérations, aux charges sociales et au fonctionnement.

Louis Gautier inscrit ces lois de programmation militaire dans des cycles plus vastes, des « macrocycles » d’une quinzaine d’années, correspondant à l’orientation générale de l’effort de défense :

– développement de l’armement nucléaire (1960-1975) ;

– poursuite de l’effort nucléaire et modernisation des équipements conventionnels (1975-1990) ;

– passage à une armée professionnelle et révision du modèle d’armée (1990-2005) ;

– stabilisation du modèle d’armée professionnelle (2005-2020).

Ces lois de programmation militaire s’articulent avec des exercices prospectifs définissant les ambitions opérationnelles de l’outil de défense.

Elles découlent en effet souvent de la rédaction d’un Livre blanc sur la défense, qui permet de réunir un large panel d’experts actualisant les objectifs du pays en matière de défense. Une fois adopté par le Président de la République, le Livre blanc, exercice prospectif, oriente le détail de la programmation militaire.

Par ailleurs, un plan prospectif à 30 ans permet de tracer les ambitions capacitaires du pays à long terme. Actualisé régulièrement, il concilie objectifs stratégiques militaires et technologiques. La Direction générale de l’armement (DGA) élabore parallèlement un état des capacités technologiques, qui identifie les technologies indispensables au développement des programmes à venir.

Enfin, le chef d’état-major des armées réalise également, depuis 2006, un plan stratégique des armées, document triennal glissant.

L’ensemble de ces outils offre la visibilité indispensable aux armées pour se projeter dans l’avenir et représente un puissant levier de politique industrielle aux mains de l’État, qui peut ainsi instaurer une politique pluriannuelle d’investissements.

Pour ne prendre que l’exemple des investissements, les dépenses de la mission « Défense », dont les contrats d’armement constituent une part importante, peuvent s’étaler sur plusieurs décennies, rendant d’autant plus nécessaire une vision pluriannuelle des besoins et des ressources budgétaires.

La plupart des grandes puissances militaires se sont d’ailleurs dotées d’instruments nécessaires à la planification et à la programmation de leurs capacités militaires.

b. La loi de programmation militaire comporte, en règle générale, un volet normatif assez limité

À la différence des lois de finances, les lois de programmation sont le plus souvent dépourvues de portée normative. Le volet programmatique, qui détermine, tant dans la loi elle-même que dans son rapport annexé, les objectifs de la politique de défense, comme la programmation financière, les prévisions d’équipements et les futurs formats des armées, constitue son objet principal. La loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 du 29 juillet 2009 se limite, par exemple, à établir les grandes lignes d’évolution des crédits de paiement (article 3), des ressources exceptionnelles (article 3) et des plafonds d’emploi de la mission Défense (article 4). Elle approuve également un rapport annexé à la loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés et précise les orientations en matière d’équipement des armées (article 2).

La loi de programmation militaire se borne donc à établir des prévisions de dépenses, qui devront nécessairement être reprises par les lois de finances. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 réaffirme d’ailleurs clairement la primauté des lois de finances sur les engagements pluriannuels de l’État. Une loi de programmation militaire relève ainsi plus d’un engagement politique que d’une obligation juridique.

Ce n’est que par exception, lorsque des dispositions législatives existantes sont par exemple explicitement modifiées par certains articles de la loi de programmation militaire, que ces derniers acquièrent une portée normative.

S’agissant de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, ce volet normatif traitait, par exemple, du cadre juridique de l’organisation des pouvoirs publics dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale (chapitre II), de dispositions relatives aux modalités de cession des installations de la défense et de la réindustrialisation (chapitre IV), de l’ouverture du capital de certaines entreprises du secteur de la défense (chapitre V) ou de dispositions relatives au secret de la Défense nationale (chapitre VI).

c. Des écarts significatifs entre les lois de programmation militaire et leur exécution se sont déjà produits par le passé

Dépourvues de force contraignante, tributaires des dispositions adoptées en lois de finances initiales ou rectificatives et des mesures de régulation budgétaire, les lois de programmation militaire restent assez souvent en partie inexécutées, à de rares exceptions près, comme avant 1980 ou entre 2003 et 2007.

La distorsion fréquente entre les objectifs de la programmation militaire et son exécution apparaît dans le graphique ci-dessous, qui présente un profil dit en « arêtes de poisson ».

ÉCART ENTRE LES OBJECTIFS ET L’EXÉCUTION
DES LOIS DE PROGRAMMATION MILITAIRE (1971-2011)

Source : direction du Budget.

À partir de l’année 1985, on constate que les lois de finances initiales s’écartent de plus en plus souvent des lois de programmation militaire successives. La loi de programmation 1995-2000 présente même cette caractéristique particulière d’être inexécutée par la loi de finances dès la première année de sa mise en application.

C’est indéniablement l’inadéquation de la ressource budgétaire avec les objectifs affichés qui est à l’origine de ce découplage entre les ambitions de la loi de programmation militaire et les traductions concrètes qui en résultent dans les lois de finances.

Dans une tribune du journal « Le Monde » daté du 8 septembre 2013, sept dirigeants des plus grands groupes français du secteur (8) ont rappelé aux pouvoirs publics la nécessité de respecter les engagements de la prochaine loi de programmation militaire en soulignant qu’« aucune mandature n’a vu l’exécution dans sa totalité d’une loi de programmation militaire ».

2. L’économie d’ensemble de la loi de programmation militaire 2009-2014

Présentée comme une « loi de production », la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 avait pour objectif de définir précisément les modalités physiques et financières destinées à réaliser l’ambition définie par le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de juin 2008.

a. La LPM 2009-2014 organisait une profonde transformation des armées

Elle donnait la priorité à l’équipement des forces en matériels modernes et mettait également l’accent sur la préparation et l’entraînement des forces. Son principe était que les marges de manœuvre dégagées par la diminution des parcs de matériels découlant de la réduction des contrats opérationnels des armées, ainsi que celle des coûts de fonctionnement induite par la réorganisation de l’administration générale et des soutiens, devaient être réinvesties au profit du ministère de la Défense pour être consacrées à la fois à la modernisation des équipements et à la revalorisation de la condition du personnel.

Examiné au printemps 2009 par le Parlement, ce texte souffrait, dès l’origine, d’un handicap par rapport à l’ambition affichée par le Livre blanc de 2008, la crise financière internationale de l’automne 2008 ayant en effet contraint les pouvoirs publics à adopter une nouvelle stratégie pour les finances publiques.

Cette loi de programmation militaire n’en demeurait pas moins ambitieuse. Son axe structurant était le renforcement de l’outil de défense, par un effort significatif sur les équipements. Ainsi, elle prévoyait de nombreuses commandes et livraisons pour la plupart des grands contrats d’armement (avion de combat Rafale, FREMM (9), A400M (10), sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) « Barracuda », MRTT (11), VBCI (12) et système Félin (13)), permettant d’engager le renouvellement des principaux matériels des armées caractérisés alors par une forte ancienneté.

Sur la période de la programmation 2009-2014, les crédits d’équipement devaient bénéficier globalement de 101,25 milliards d’euros, passant de 15,4 milliards d’euros en 2008 à plus de 18 milliards d’euros en 2014.

Au total, la masse de fonds publics affectée à la mission « Défense » durant les années 2008-2020 devait être de 377 milliards d’euros de 2008.

Ce modèle devait être financé par une progression en volume des crédits de la mission « Défense » à compter de 2012, complétée par des recettes exceptionnelles (14) estimées à 3,7 milliards d’euros sur la période 2009-2014, ainsi que par un redéploiement au profit des dépenses d’équipement des économies réalisées sur les dépenses du personnel et le fonctionnement dues à la réduction du format des armées (-54 000 postes prévus) et la réforme du soutien des armées. L’équilibre général de la LPM reposait également sur la réalisation d’hypothèses d’exportation pour certains des matériels majeurs, comme l’avion de combat Rafale par exemple.

b. Le plan de relance

À cette enveloppe de la loi de programmation militaire est venu s’ajouter le « volet défense » d’un plan de relance de l’économie. Le 4 décembre 2008, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a en effet présenté les principales orientations de ce plan destiné à accélérer les investissements publics. L’État devait ainsi consacrer 26 milliards d’euros à ces investissements, dont près de 2,4 milliards d’euros pour la Défense nationale. Ces crédits devaient notamment permettre d’anticiper des acquisitions d’équipements qui n’étaient jusque-là programmés qu’après 2014.

Bilan des crédits du plan de relance de l’économie

Le plan de relance a consisté d’une part en une ouverture de crédits, à hauteur de 1 755 millions d’euros en 2009 et 2010, et d’autre part, en une autorisation exceptionnelle de consommation de reports de crédits, à hauteur de 500 millions d’euros en 2009, pour apurer une partie des retards de paiement du ministère de la Défense.

Les consommations de crédits ouverts au titre du plan de relance se sont élevées à 985 millions d’euros en 2009 et 770 millions d’euros en 2010 répartis comme suit :

– 40 millions d’euros en 2009 et 70 millions d’euros en 2010 au profit du P144 ;

– 625 millions d’euros en 2009 et 606 millions d’euros en 2010 au profit du P146 ;

– 100 millions d’euros en 2009 et 94 millions d’euros en 2010 au profit du P178 ;

– 220 millions d’euros en 2009 au profit du P212.

Les projets financés par le programme 144 dans le cadre du plan de relance concernaient 12 secteurs d’activité industrielle et portaient notamment sur des études relatives :

– à l’aéronautique de combat (11,2 millions d’euros de paiements 2009-2010) ;

– à l’électronique embarquée (27,8 millions d’euros de paiements 2009-2010), navale (9,8 millions d’euros de paiements 2009-2010), terrestre (6,2 millions d’euros de paiements 2009-2010) et de défense (9,3 millions d’euros de paiements 2009-2010) ;

– au démonstrateur de guerre des mines (11,7 millions d’euros de paiements 2009-2010) ;

– à la technologie des missiles complexes (6,3 millions d’euros de paiements 2009-2010) ;

– à l’espace (8,6 millions d’euros de paiements 2009-2010) ;

– à la sécurité des systèmes d’information (0,8 million d’euros de paiements 2009-2010).

Ces projets figuraient, avant anticipation, dans la planification 2009-2014 des études amont et visaient à soutenir l’activité des entreprises (bureaux d’étude) tout en préparant l’avenir par le biais des investissements réalisés.

L’ouverture des CP sur le programme 146 a permis, non seulement d’anticiper en 2009 des commandes qui avaient été initialement programmées à des dates ultérieures, mais également de resserrer le calendrier de réalisation de plusieurs opérations et, en conséquence, de faciliter une meilleure cohérence de la charge de travail de l’outil de production de l’industrie et une livraison plus rapide aux forces armées. Le plan de relance a ainsi permis d’anticiper ou de globaliser commandes et livraisons. Ces crédits exceptionnels ont permis de lancer 28 opérations en matière d’équipement des forces.

Dans le cadre du plan de relance de l’économie, les actions lancées en 2009 ont porté sur des acquisitions anticipées de nouveaux systèmes planifiés en grande partie sur la prochaine loi de programmation militaire et des accélérations de cadences de production. C’est ainsi qu’ont été commandés un bâtiment de projection et de commandement (BPC « Dixmude »), cinq hélicoptères EC725 CARACAL, des munitions, des moyens de protection des forces terrestres tels que des véhicules blindés de transport de troupes (PVP, ARAVIS, VBCI), des moyens de vision nocturne, des moyens de communication (stations sol SYRACUSE III), des équipements pour l’avion Rafale, quatre engins de débarquement amphibie rapides, différents bâtiments de soutien et de servitude pour la marine, deux avions de surveillance maritime, différents équipements d’autodéfense pour hélicoptères, des données numériques de géographie, des moyens d’essais pour les opérations d’armement, des groupes électrogènes, des nacelles de désignation laser DAMOCLES et des drones tactiques. De plus, le plan de relance de l’économie a permis de lancer par anticipation des travaux de développement sur le programme satellitaire MUSIS et a donné les moyens de maintenir la cadence de production des avions Rafale.

Les engagements relatifs au programme 178 ont consisté en totalité à anticiper des achats de prestations de maintien en condition opérationnelle, de petits équipements et de rechanges, avec pour objectif d’accroître la disponibilité technique opérationnelle :

– des matériels terrestres de l’armée de terre (38,8 millions d’euros) ;

– des hélicoptères de l’armée de terre (13,2 millions d’euros) ;

– des navires de la marine nationale (30,0 millions d’euros) ;

– des aéronefs de l’aéronautique navale (17,5 millions d’euros) ;

– des aéronefs de l’armée de l’air (85,5 millions d’euros).

En outre, une mesure d’achat complémentaire de bombes aéronautiques (9 millions d’euros) a permis de recompléter un stock déficitaire.

Les opérations financées sur le programme 212 se sont réparties selon quatre grandes catégories :

– rattrapage d’entretien et de remise aux normes (50 millions d’euros AE).

Ce programme exceptionnel a été consacré aux sites militaires qui sont conservés dans le cadre du nouveau plan de stationnement mais qui ne bénéficient pas, par ailleurs, du programme de financement consacré aux restructurations et à la densification des bases de défense. Cette catégorie concourt directement à l’amélioration de la qualité des infrastructures et du patrimoine public dans l’ensemble des régions françaises.

– investissements dont les ressources n’étaient pas prévues (149 millions d’euros AE), soit 224 opérations.

Les tranches conditionnelles ou optionnelles de certains contrats mises en suspens faute de ressources suffisantes, ont pu être lancées immédiatement. Ces travaux d’investissement participent directement à l’enrichissement de l’actif de l’État. À titre d’exemple, peuvent être cités :

– un bâtiment d’hébergement au quartier Rendu à Marseille ; des installations pour le centre entraînement combat en zone urbaine à Sissonne (Picardie) ; la construction d’un Poste de Commandement régiment à Brive (Corrèze) ; l’adaptation d’un hangar pour l’arrivée de l’hélicoptère NH 90 à Hyères (Var) ; le redéploiement du 9e RIMa sur le quartier de La Madeleine à Cayenne (Guyane) ; la construction d’un bâtiment multiservices au quartier Marescot à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) ; la construction d’un centre médical de garnison à Besançon (Doubs) ;

– dépollution de sites à céder (7 millions d’euros AE) et rénovations énergétiques (11 millions d’euros AE).

Les travaux de dépollution préalables ont porté sur des sites qui seront cédés rapidement (notamment aux collectivités, en vue de réaliser des logements sociaux) et dont les dossiers étaient d’ores et déjà prêts (dépollution d’emprise à Compiègne, des atolls du Pacifique, etc.). Ces chantiers de dépollution génèrent une activité directe mais permettront aussi, par les projets qu’ils libèrent, de créer des emplois après cession.

Le plan ministériel de rénovation énergétique s’est traduit par la pose de compteurs de consommation d’électricité, de chauffage et d’eau sur les bâtiments de plus de 1 000 m² ; ces compteurs permettront de mener une véritable politique d’économie d’énergie. Par ailleurs, l’achat et la pose de ces compteurs mobilisent principalement l’activité de PME et contribuent à la sauvegarde de l’emploi dans ce secteur.

– réhabilitation des nécropoles nationales (3 millions d’euros d’AE).

Les nécropoles et hauts lieux de mémoire méritaient un plan ambitieux de réhabilitation de leur infrastructure, à l’image de ce qui a été réalisé par la Grande-Bretagne et l’Allemagne pour leurs propres cimetières militaires. Ces travaux ont par ailleurs, permis de générer de l’activité et de sauvegarder des emplois dans des régions peu concernées par les autres investissements en infrastructures. À titre d’exemple, peuvent être cités les nécropoles nationales de : Souain – Perthes les Hurlus (Champagne Ardennes) ; Notre-Dame de Lorette (Nord-Pas de Calais) ; Fleury devant Douaumont (Meuse) ; Oeuilly (Aisne) ; Bazeilles (Ardennes) ; Berry au Bac (Aisne) ; Mery la Bataille (Oise).

Les prestations ainsi que les opérations d’infrastructure étant réalisées essentiellement par des PME-PMI, ces dernières ont profité pleinement des effets du plan de relance.

Source : direction du Budget.

Le délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon, a souligné que ce plan de relance de l’économie avait constitué un « effet d’aubaine » pour le début d’exécution de la LPM, en permettant, en 2009, un niveau total record d’engagement de 19 milliards d’euros et la commande, dès avril 2009, du troisième BPC qui a permis de sauver les chantiers de Saint-Nazaire, lesquels n’avaient plus de charge à l’époque.

B. LES AJUSTEMENTS SUBIS DANS L’EXÉCUTION DE LA LPM 2009-2014

Si la loi de programmation militaire 2009-2014 a été globalement respectée les deux premières années de son exécution (2009 et 2010), l’écart s’est sensiblement creusé à partir de 2011, puis prolongé en 2012.

Lors de son audition en date du 23 avril 2012, le chef d’état-major des armées, l’amiral Édouard Guillaud a confirmé que « sur la période 2009-2011, l’exécution a été globalement conforme à la LPM » mais que « l’année 2012 constitue véritablement une rupture liée au décrochage des crédits affectés au ministère ».

Selon les chiffres de la direction du budget communiqués aux rapporteurs, l’écart total, à la fin de l’année 2012, entre l’exécution et la programmation était de 2,9 milliards d’euros (-2,3 %), soit 125,8 milliards dépensés sur 128,7 prévus, ce qui représente un taux d’exécution de 97,7 %.

Si trois objectifs majeurs ont été atteints avec succès – l’avance dans la manœuvre de déflation des effectifs, un bon départ de la transformation des armées, avec notamment la mise en place des bases de défense, et un effort soutenu sur les équipements majeurs et la fonction « Connaissance et anticipation », dont la cyberdéfense – d’importantes contraintes ont affecté l’exécution de la LPM, qui n’ont pas été sans conséquences sur les armées.

1. Les contraintes ayant affecté l’exécution

a. De fortes contraintes budgétaires ont conduit à des corrections de trajectoire

Les deux premières années d’exécution de la LPM ont été globalement conformes aux prévisions, puisque l’écart cumulé à la fin de l’année 2010 entre la LPM et son exécution n’était que de 600 millions d’euros (64,2 milliards d’euros exécutés contre 64,8 prévus), soit un taux d’exécution de 99 %.

EXÉCUTION DE LA LPM POUR LES ANNÉES 2009 À 2012

Source : direction du Budget.

Les ressources extrabudgétaires, constituées de recettes exceptionnelles issues de cessions de bandes de fréquences, de cessions d’emprises immobilières et de cessions de matériels n’ont certes pas été encaissées selon le calendrier prévu, mais elles ont été compensées par celles issues du plan de relance de l’économie.

Ainsi, seulement 562 millions de recettes exceptionnelles sur 1,68 milliard prévu avaient été encaissés fin 2009 et 197 millions sur 1,26 milliard pour l’année 2010. Ce manque à gagner total de plus de 2,14 milliards euros a toutefois été en grande partie compensé par les crédits issus du plan de relance de l’économie pour un montant total de 1,8 milliard d’euros en 2009 et 2010.

L’exécution constatée sur la période 2009-2012 des ressources extrabudgétaires a été la suivante :

Source : direction du Budget.

Une partie thématique procède dans la partie II du présent rapport à une analyse plus détaillée des conditions d’abondement des crédits de la Défense par des ressources exceptionnelles.

Dès l’été 2010, dans un contexte de crise économique et financière s’amplifiant et de volonté de maîtrise des comptes publics, l’élaboration de la programmation budgétaire triennale (PBT) 2011-2013 a marqué une première inflexion par rapport à la trajectoire définie par la LPM, avec une baisse des ressources allouées. À la fin de l’année 2011, l’écart entre l’exécution et la programmation s’élevait à 1,3 milliard d’euros (1,9 milliard en cumulé depuis 2009) puis à 1 milliard d’euros à la fin de l’année 2012 (soit 2,9 milliards d’euros en cumulés depuis 2009).

La loi de programmation avait en effet été construite sur la base d’hypothèses budgétaires de 2009 qui prévoyaient un retour à l’équilibre des finances publiques dès 2012, devant permettre une croissance de 1 % par an du volume du budget de la Défense à partir de 2012.

Compte tenu de la crise des finances publiques, cette hypothèse n’a évidemment pas pu se concrétiser et la programmation budgétaire triennale 2013-2015 a ainsi rectifié la trajectoire initiale en imposant une évolution en « zéro valeur » du budget de la Défense. Cette évolution en « zéro valeur » revient, dans les faits, à une baisse significative des ressources disponibles pour les armées, compte tenu de l’inflation et de l’actualisation des contrats de maintenance des équipements des armées. Comme l’a souligné le délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon, lors de son audition en date du 18 avril 2013, « ce zéro valeur budgétaire revient en pratique à une attrition des ressources puisque l’inflation est alors subie de plein fouet ».

Enfin, pour faire face à l’aggravation des déficits publics, le Gouvernement a dû procéder, en gestion, à d’importantes annulations de crédits, formalisées dans les différentes lois de finances rectificatives. Ce sont ainsi pas moins de 200 millions d’euros qui ont été retirés au programme 146 « Équipement des forces » en 2011, et 500 millions en 2012.

b. Plusieurs des hypothèses de la loi de programmation militaire ne se sont pas réalisées

Aux décisions budgétaires de l’été 2010, sont venues s’ajouter des contraintes liées à la non-réalisation de certaines des hypothèses sur lesquelles était fondée la LPM 2009-2014.

i. La masse salariale n’a pas baissé comme attendu

En premier lieu, le niveau de déflation des effectifs devait en théorie permettre des économies de masse salariale destinées au financement de l’équipement des forces et à la revalorisation de la condition des militaires. L’article 4 de la loi de programmation militaire prévoyait ainsi une réduction nette de 45 888 équivalents temps plein entre 2009 et 2014, dont 30 964 sur la période allant de 2009 à 2012.

RÉDUCTIONS NETTES D’EFFECTIFS PRÉVUES PAR LA LPM
(EXPRIMÉS EN ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

- 7 999

- 7 926

- 7 577

- 7 462

- 7 462

- 7 462

Source : article 4, paragraphe II de la loi n° 2009-928 du 29 juillet relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.

Les objectifs de suppression d’emplois prévus par la loi de programmation militaire ont bien été atteints et la déflation des effectifs s’est même avérée en avance sur les prévisions de la loi de programmation militaire 2009-2014.

RÉDUCTIONS NETTES D’EFFECTIFS EXPRIMÉS EN ÉQUIVALENTS TEMPS PLEIN
(Y COMPRIS LES EMPLOIS DES COMPTES DE COMMERCE)

Source : direction du Budget.

Finalement, la réduction nette sur la période allant de 2009 à 2012 a été de 31 631 équivalents temps plein.

Pourtant, la masse salariale a baissé moins que prévu sous l’effet d’une forte augmentation des dépenses de mobilité, d’indemnisations diverses et de nombreuses requalifications. Les hypothèses retenues pour le « glissement vieillissement technicité » (GVT) se sont également avérées inadaptées.

Pour la période 2008-2012, un rapport commun de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Contrôle général des armées (CGA) a évalué le coût de l’insuffisante maîtrise de la masse salariale du ministère de la Défense à 108 millions d’euros. Par ailleurs, le rythme d’avancement et les volumes de recrutement annuel d’officiers, qui sont restés stables en valeur absolue, n’ont pas tenu compte de la déflation des effectifs ni de l’allongement des durées de carrière. Ce phénomène s’est traduit par l’augmentation de 50 % du taux de GVT positif des militaires, qui est passé de 2,2 % à 3,4 % entre 2008 et 2011 selon le rapport précité.

De plus, le système très complexe des indemnités militaires, avec plus de 170 primes diverses, a contribué à l’inflation des rémunérations. Enfin, l’attribution des aides au départ, très coûteuses (180 millions d’euros en 2012 en incluant les dispositifs militaires et civils) a été insuffisamment ciblée, ce qui a entraîné des effets d’aubaine massifs, toujours selon le même rapport précité.

Cela a nécessité d’importantes dotations complémentaires de crédits pour les dépenses de personnel – plus de 1,5 milliard d’euros en lois de finances entre 2009 et 2012 –, au détriment en premier lieu des dépenses d’équipement, tant pour les programmes d’armement que pour l’entretien programmé du matériel (EPM).

Une partie thématique du rapport est consacrée à ce paradoxe de dépenses de personnel en hausse et d’un niveau insuffisant de crédits prévus pour faire face au besoin du titre 2 du ministère en dépit de la poursuite de la baisse des effectifs.

ii. Des hypothèses d’exportation ne se sont pas réalisées

En second lieu, les hypothèses d’exportation de l’avion de combat Rafale retenues dans la construction de la loi de programmation militaire 2009-2014 ne se sont pas vérifiées. L’exportation de cet avion de combat devait alimenter le plan de charge des industriels à hauteur d’un appareil en 2010 et de quatre appareils en 2011. L’État s’étant engagé auprès des industriels pour la production de 11 Rafale par an, l’absence d’exportation l’a contraint à accélérer le rythme de ses propres commandes. Cela a entraîné un surcoût de l’ordre de 350 millions d’euros sur la période de 2009 à 2011.

2. L’écart de trajectoire de la LPM a-t-il empêché les armées de remplir leur contrat opérationnel et à quelles insuffisances celles-ci ont-elles dû faire face ?

a. Le contrat opérationnel pour les grandes fonctions stratégiques a été globalement tenu

Le Livre blanc sur la défense et de la sécurité nationale de 2008 avait fixé un contrat opérationnel pour chacune des grandes fonctions stratégiques (connaissance et anticipation, prévention, dissuasion, protection, intervention). Ce contrat opérationnel ne détermine pas un plafond de forces ou de moyens, mais dimensionne les capacités que les armées doivent mettre en œuvre, en fonction des circonstances et sur décision de l’autorité politique.

Si le contrat opérationnel a été globalement tenu, la fonction stratégique intervention a été lourdement affectée par les contraintes pesant sur la disponibilité technique des matériels et ses conséquences sur l’entraînement des forces.

Les indicateurs publiés chaque année dans les projets et rapports annuels de performance, permettent de retracer l’exécution du contrat opérationnel.

Exécution du contrat opérationnel

 

Unité

réalisation 2009

réalisation 2010

réalisation 2011

réalisation 2012

prévisions 2013

Fonction stratégique connaissance - anticipation

Capacité d’anticipation opérationnelle

%

69

73,3

79,7

86

80

Satisfaction du besoin de renseignement d’intérêt militaire

%

71

73

76

80

90

 

Unité

2009 réalisation

2010 réalisation

2011 réalisation

2012 réalisation

2013 prévisions

Fonction stratégique de prévention

Taux des FP (15)engagées dans un délai < à 5 jours

%

78

73

83,4

88

85

Taux de réalisation de formation des forces étrangères par les FP

%

91

90

109

106

95

Fonction stratégique dissuasion

Taux de satisfaction de la posture de dissuasion nucléaire

Informations classifiées. Ne sont informées que les personnes, en nombre très limité, chargées d’une éventuelle mise en œuvre de l’arme nucléaire.

Fonction stratégique de protection (sauvegarde)

Niveau de réalisation des alertes A.T

%

100

100

100

100

100

Niveau de réalisation des alertes M.N

%

96,5

93

95

97

100

Niveau de réalisation des alertes A.A

%

99,5

99,2

99,3

98,9

100

Couverture des zones de surveillance (aérienne / maritime)

%

66.7 / 88.1

65.3/81.8

65.3/83

75/83

65/70

Niveau de réalisation des interceptions

%

94.9

95.7

98.3

100

100

Fonction stratégique intervention

Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France

A.T

(5 000 h / 10 000 heures / 30 000 heures)

%

98/100/100

98,5/100/95

98,5/100/82,6

98/100/80

100/100/82,5

M.N

(GAN (16) / GA (17) / GAM (18) / GGDM (19))

%

17/ 70/ 41/ -

53/79/32/-

67/100/33/50

59/63/60/48

75/75/50/50

A.A

(chasse / transport / soutien-hélico)

%

71/ 40/ 73/81

69/ 77/ 60/ 57

81/ 53/ 69/ 80

61/50/58/53

65/65/65/65

Fonction stratégique intervention

Taux de satisfaction des contrats opérationnels permettant de circonscrire les crises

A.T

Niveau de réalisation

%

100

100

100

100

100

M.N

(GAN- GA- GAM -GGDM)

%

17 / 70 / 41

53 / 79 / 32

67/100 /33 /50

59/63/60/48

75/75/50/50

A.A

(chasse - transport -soutien - hélico)

%

82/ 74/71/49

96/ 71 / 84 / 58

78/ 59/ 71/ 83

79/55/66/49

75/60/65/65

Source : État-major des armées.

Le contrat opérationnel pour la fonction stratégique connaissance – anticipation prévoyait le renforcement des capteurs spatiaux optiques infrarouges et électromagnétiques, l’équipement en drones de théâtre (drone MALE (20) et de niveau tactique, la rénovation ou constitution des systèmes d’écoute électromagnétique terrestres, embarqués, aéroportés et spatiaux, ainsi que la mise en œuvre d’une capacité de détection des tirs de missiles balistiques et d’alerte.

Cette fonction a bénéficié d’une priorité effective, tant en terme de ressources humaines qu’en matière d’équipement. Elle a ainsi pu accroître, de façon significative, la capacité d’anticipation des crises, tout en améliorant la qualité du renseignement d’intérêt militaire produit.

La fonction stratégique prévention s’est réorganisée, comme prévu autour de deux points d’appuis principaux en Afrique, d’une base nouvellement créée aux Émirats arabes unis et d’un dispositif remanié dans les départements et collectivités d’outre-mer. Ce nouveau déploiement a été l’occasion de démontrer son adaptation au besoin opérationnel, en étant sollicité massivement lors des déclenchements de différentes opérations extérieures, comme l’opération Serval au Mali, par exemple.

Le taux de satisfaction de la fonction stratégique dissuasion est classifié. Néanmoins, d’après les informations recueillies par les rapporteurs, cette fonction a bénéficié de moyens conformes à la programmation durant toute son exécution.

Le contrat lié à la fonction stratégique protection a été et reste tenu en permanence, en dépit d’une contrainte forte sur les hélicoptères de l’armée de terre et de difficultés liées à la disponibilité des frégates de surveillance.

Ce contrat opérationnel prévoyait un dispositif permanent de surveillance et de contrôle des approches maritimes, pouvant être renforcé par des patrouilleurs et des bâtiments de guerre des mines ou d’assistance hauturière, un dispositif permanent de surveillance et de contrôle des approches aériennes, disposant d’une capacité d’interception d’aéronefs rapides (jusqu’à six patrouilles opérationnelles de deux avions de combat) et d’aéronefs lents (hélicoptères), le dispositif Vigipirate pour la protection des points sensibles, une capacité de renfort pouvant atteindre 10 000 hommes de l’armée de terre, tant pour les missions de sécurisation que pour les interventions en renfort de la sécurité civile ainsi que des forces de souveraineté dans les DOM-COM, avec des moyens de théâtre concentrés sur la Guyane, la Réunion et la Nouvelle-Calédonie.

Dans le cadre de la fonction stratégique intervention l’engagement opérationnel soutenu des armées depuis 2008 a fortement sollicité les capacités opérationnelles.

Ce contrat opérationnel se déclinait de la manière suivante :

– la capacité de projeter en six mois et pour une durée d’un an, une force terrestre pouvant atteindre 30 000 hommes ;

– la capacité de projeter 70 avions de combat en opérations ;

– une force navale ou aéronavale, comportant des bâtiments majeurs (un porte-avions, deux ou trois bâtiments de projection et de commandement), leurs frégates d’escorte, leur soutien logistique à la mer (pétroliers ravitailleurs et bâtiments atelier), un ou deux sous-marins nucléaires d’attaque ;

– une composante de forces spéciales ;

– la capacité à armer un état-major interarmées stratégique pour une opération multinationale en tant que nation-cadre, ou un état-major interarmées de théâtre, ainsi que des états-majors de composante (terre, air, mer, opérations spéciales) ;

– une capacité d’intervention en réserve préservée en permanence en métropole, composée de 5 000 hommes de l’armée de terre, de dix avions de combat de l’armée de l’air avec leurs moyens d’accompagnement et de deux ou trois bâtiments amphibie et/ou frégates.

Aujourd’hui, les contrats à forte réactivité (échelon national d’urgence et opérations en cours) sont assurés.

Ce n’est pas le cas, en revanche, des contrats les plus dimensionnants, dont les délais de réaction et la capacité à durer en opération sont limités par les contraintes qui pèsent sur les ressources matérielles et humaines, sur la disponibilité technique et, in fine, sur le niveau global d’entraînement des forces.

Ces contrats sont en effet affectés par des réductions temporaires de capacités (RTC) essentiellement imputables à des problématiques d’équipements, telles que le sous-dimensionnement de certains parcs et stocks, des retards dans le renouvellement d’équipements ainsi qu’une disponibilité insuffisante liée au vieillissement ou au contraire au renouvellement de certains équipements qui augmentent les besoins financiers en soutien (rechanges, visites industrielles, rénovation), ainsi qu’à des limitations industrielles (cadence, rechanges…).

Les ressources humaines s’inscrivent dans un processus de « temps long ». Elles interviennent de façon encore marginale dans les réductions de capacités, à l’exception de quelques viviers de spécialistes déficitaires.

La dégradation du niveau d’activité est, de ce fait, sensible. Il se situe, en 2012, globalement de 10 à 15 % en deçà des normes fixées dans la loi de programmation militaire et peut atteindre 35 % dans certains domaines, comme dans l’aviation de transport. Il résulte de ce déficit une fragilisation de certains savoir-faire complexes, de la capacité à monter en puissance dans les délais requis par les contrats opérationnels et de la capacité à durer dans les engagements.

L’insuffisance du niveau d’activité impose de rechercher un équilibre entre l’entretien des qualifications des unités ou équipages entraînés (aptes missions de guerre) et l’acquisition de qualifications pour les plus jeunes. Elle fait peser, à terme, un risque d’altération des contrats opérationnels par déficit de compétences.

b. L’appréciation des armées sur les conditions d’exécution de la loi de programmation militaire

Avec l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et le nouveau périmètre de compétences des chefs d’état-major, les armées ne sont plus capables de suivre précisément l’évolution de leurs crédits en dehors du budget opérationnel (BOP) spécifique qui leur est consacré au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces ». Les ressources financières allouées au programme 146 « Équipements des forces » et au programme 178 hors BOP de l’armée concernées ne sont plus précisément quantifiables. De même, le suivi par armée du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » ne peut être que partiel. L’appréciation globale que portent les états-majors des trois armées sur les conditions d’exécution de la loi de programmation militaire présente toutefois tout son intérêt.

Les auditions des chefs d’états-majors des armées et les réponses apportées aux questionnaires qui leur ont été adressés ont ainsi apporté un éclairage précieux sur l’exécution de la LPM 2009-2014 pour les trois armées.

i. L’armée de terre

L’état-major de l’armée de terre indique que si les ressources mises à sa disposition ont été quasiment à la hauteur de ce que prévoyait la LPM, les objectifs fixés par cette dernière n’ont cependant été que partiellement atteints.

Les économies attendues en titre 2 n’ont ainsi pas été au rendez-vous. L’armée de terre a pourtant réalisé la déflation programmée des effectifs a exécuté les mesures de sur-déflation imposées en 2012. Entre 2008 et 2013, l’armée de Terre a réalisé une réduction de 20 768 effectifs. Le BOP terre présentera ainsi, au regard du PMEA (21) 2013, une avance globale de déflation en gestion de -2 468 ETPT (-1 258 personnels militaires et - 1 210 personnels civils).

Toutefois, le poids des pensions, les mesures générales et le coût des mesures d’accompagnement des restructurations n’ont pas permis de traduire ces efforts sur la masse salariale.

Cela a eu pour conséquence la remise en cause du financement des programmes à effet majeur (PEM). Si les commandes et livraisons des PEM ont été globalement respectées jusqu’à 2011, moyennant quelques décalages, dont certains sur des renouvellements ou acquisitions de capacités majeures, les objectifs de certains programmes de cohérence opérationnelle ont en revanche été modifiés par la suite. Pour 2012-2013, l’armée de terre a été particulièrement touchée par les mesures d’attente de la future LPM. Dans le domaine des équipements au titre du programme 146, plusieurs programmes emblématiques tels que le Tigre, ou plus modestes, comme le véhicule léger tactique polyvalent (VLTP), ont connu des livraisons plus étalées, voire des décalages répétés. De façon générale, les fortes contraintes budgétaires de la période 2009-2014 ont plutôt réduit les cibles des programmes prévus et allongé les délais de commande et de livraison des systèmes d’armes.

Pour ce qui concerne le BOP « préparation des forces terrestres », l’exécution de la LPM est en apparence relativement satisfaisante, avec une ressource allant de 90 à 95 % du montant inscrit en LPM. Cependant, le BOP Terre a dû faire face à l’enchérissement de l’entretien programmé des matériels (EPM) et au financement de besoins nouveaux, comme la mobilité du personnel affecté aux Émirats arabes unis et à l’OTAN suite au retour de la France dans le commandement intégré ainsi qu’à des urgences opérationnelles acquises au titre des équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC) qui ont entraîné également un surcoût en EPM.

L’écart entre le besoin d’EPM et les ressources est ainsi allé s’accroissant, fragilisant la soutenabilité du MCO de l’armée de terre. Depuis le début de la LPM 2009 - 2014, c’est ainsi l’équivalent de 315 millions d’euros d’EPM aéroterrestre et 133 millions d’EPM terrestre qui n’ont pas été réalisés. Dans ce contexte, la hausse des moyens financiers n’est aujourd’hui plus suffisante pour couvrir à la fois la montée en puissance des parcs de nouvelle génération et le soutien du matériel d’ancienne génération. Si la disponibilité des matériels en opérations demeure satisfaisante, elle est aujourd’hui critique pour les hélicoptères - même engagés en opérations - et à peine suffisante pour réaliser les activités d’entraînement et de formation en métropole.

Aussi, l’armée de terre a-t-elle été contrainte dans tous les agrégats à des renoncements lourds de conséquences : abaissement des normes de préparation opérationnelle (105 JPAO (22) pour une cible de 120), non-constitution des stocks « guerre » (matériels terrestres et aéroterrestres, munitions, matériels de vie en campagne), non-réalisation du potentiel nécessaire à l’entraînement (chars Leclerc, VAB, hélicoptères…).

ii. L’armée de l’air

L’état-major de l’armée de l’air estime, de façon générale, que l’exécution 2009-2011 a été globalement conforme à la loi de programmation militaire. En revanche, l’exécution post 2011 se caractérise, selon elle, par :

– une sous-évaluation du MCO par rapport aux crédits d’équipement, induisant une paupérisation globale des moyens et une préparation opérationnelle insuffisante. Depuis 2009, cette opération stratégique a fait régulièrement l’objet d’une insuffisance initiale de ressources, aggravée par un décalage de près de 200 millions d’euros entre les niveaux d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement alloués, qui a conduit à un report de charge élevé. Cette insuffisance de crédits pour le MCO a conduit à une érosion de la disponibilité des flottes, une incapacité à réaliser l’activité garantissant la formation ou le maintien de savoir-faire de tous les équipages opérationnels. À plus long terme, le renoncement contraint à reconstituer le potentiel logistique consommé, entrave le retour à une situation plus équilibrée et contribue à dégrader encore les perspectives opérationnelles (baisse d’activité des équipages). À titre d’exemple, l’armée de l’air a dû renoncer en 2012 à commander des visites pour rétablir le potentiel technique de 12 Mirage 2000 et d’un C160. Cette mesure équivaut, du fait de l’absence de marge financière, à un retrait forcé de service de ses aéronefs ;

– une sous-évaluation de la masse salariale et une insuffisance chronique de financement nécessitant des dotations budgétaires supplémentaires;

– une programmation budgétaire triennale (PBT) 2011-2013 qui a diminué de façon importante les ressources prévues à la fois pour les équipements et pour les crédits de fonctionnement.

Ainsi, les travaux de VAR (23) successifs ont conduit à de fortes contraintes sur le MCO aéronautique. L’armée de l’air a dû prendre des mesures drastiques de réductions d’activité et des mesures (compressions logistiques, pression sur les SIC (24)…) faisant peser un risque important sur la disponibilité des matériels et la capacité à assurer les engagements opérationnels importants simultanés.

La PBT 2011-2013 s’est traduite pour l’armée de l’air par une pression supplémentaire, entrainant une baisse significative de l’activité aérienne et une contrainte importante sur les crédits de fonctionnement :

– alors que la LPM 2009-2014 mettait l’accent sur la préparation et l’entraînement des forces, avec des cibles ambitieuses d’entraînement des équipages (180 heures annuelles pour les équipages chasse, 400 pour le transport et 200 pour les hélicoptères), les ressources n’ont plus permis de satisfaire tous les objectifs d’entraînement et de maintien des savoir-faire ;

– par ailleurs, dans un contexte de fortes restructurations (fermeture de bases aériennes, augmentation des charges de mobilité), les contraintes budgétaires de fonctionnement ont induit des tensions sur les exercices (frais de déplacement) et sur la formation (simulateur, formation Air France).

Les travaux de VAR 2012 se sont quant à eux soldés, pour 2013, par une diminution des ressources allouées au BOP Air. La construction du projet de loi de finances pour 2013 a mis en lumière le décalage entre la programmation de la LPM 2009-2014 et son exécution.

L’état-major de l’armée de l’air a fait valoir que la dégradation constante des ressources par rapport aux prévisions de la LPM, notamment à partir des travaux sur la période budgétaire triennale 2011-2013, a représenté une véritable rupture pour l’armée de l’air dans la rénovation de son outil de combat. Tous les nouveaux programmes ont ainsi été reportés de trois à quatre ans, éloignant l’échéance de renouvellement de capacités essentielles, telles que les programmes de l’A400M, des ravitailleurs (MRTT), des radars de surveillance et de défense aérienne (SCCOA 4 étape 2) et de rénovation du Mirage 2000D.

Par ailleurs, en raison d’une programmation réalisée au plus juste et fondée sur des hypothèses optimistes, l’armée de l’air a été contrainte de procéder sur son périmètre de responsabilité du programme 178 à une réaffectation de ses ressources au profit de l’entretien programmé des matériels et de l’activité opérationnelle (AFA) (25), sous dotés, au détriment de l’acquisition et du renouvellement de petits équipements de la gamme équipement accompagnement et de cohérence (EAC) et de l’entretien programmé du personnel (EPP).

S’agissant des personnels, l’armée de l’air a réalisé, année après année, la déflation qui lui incombait.

CIBLES DE DÉFLATION

Déflation Armée de l’Air
(PMEA 
(26) retranscris en ETPE)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Suppres.
Recrut. 2013

TOTAL

Militaires

-910

-1934

-2084

-2008

-2090

-1991

-271

-11 288

Civils

-106

-320

-336

-307

-205

-313

-8

-1 595

TOTAL

-1 016

-2 254

-2 420

-2 315

-2 295

-2 304

-279,0

-12 883

DÉFLATION RÉALISÉE (PRÉVISIONNELS POUR 2013) AU 31 DÉCEMBRE DE CHAQUE ANNÉE

Déflation (ETPE)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

TOTAL

OFFICIERS

-155

-27

-44

-32

-127

-149

-534

SOUS-OFFICIERS

-1 482

-1 239

-1 371

-1 138

-1 156

-1 081

-7 467

MDRE

-332

-85

-673

-712

-927

-817

-3 546

VOLONTAIRES

-26

22

-155

-86

-110

-71

-426

TOTAL PM

-1 995

-1 329

-2 243

-1 968

-2 320

-2 118

-11 973

Catégorie A

44,85

2,37

66,7

22,97

78,44

8,3

223,63

Catégorie B

8,93

-50,37

-35,92

-50,31

-70,51

2,5

-195,68

Catégorie C

3,69

-109,23

-146,78

-352,34

-481,55

-57,2

-1 143,41

Ouvriers de l’État

43,96

-254,47

-385,93

-505,19

-406,85

-203,6

-1 712,08

TOTAL CIVILS

101,43

-411,7

-501,93

-884,87

-880,47

-250

-2 827,54

TOTAL

-1 894

-1 741

-2 745

-2 853

-3 200

-2 368

-14 801

               

Source : État-major de l’armée de l’air.

Ces tableaux montrent que les objectifs de déflation ont même été dépassés pour l’armée de l’air.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, a indiqué qu’en 2015, terme de la LPM en cours, l’armée de l’air aura perdu 15 900 personnes soit un quart de ses effectifs de 2008 pour atteindre un format dit des « 50 000 ». Il a fait remarquer que l’armée de l’air supportait donc l’effort le plus important du ministère, avec douze bases aériennes - dont huit en métropole - fermées (un quart des implantations) et un format de l’aviation de chasse réduit de 30 %.

Pour ce qui concerne, l’activité et l’entraînement de l’armée de l’air, la période 2009-2014 a été marquée par une baisse quasi continue de son activité, hormis en 2011 en raison de l’opération Harmattan en Libye. La réalisation de l’activité est restée bien en deçà des besoins, l’écart allant de 10 à 15 % par rapport à ces derniers. Au total l’activité annuelle sera passée de 218 000 à 183 300 heures de vol.

L’impact opérationnel, surtout en fin de LPM, se fait sentir par des retards dans le renouvellement d’équipements majeurs, une difficulté croissante pour tenir les contrats opérationnels, ainsi que pour entretenir les compétences en qualité (savoir-faire) comme en quantité (nombre de pilotes qualifiés). L’attention des rapporteurs a été appelée sur le fait que cette situation obère notamment la capacité d’entrée en premier, la capacité à durer dans le cas d’une opération de haute intensité, la Resco (27), la reconstitution du potentiel (notamment celle nécessaire après l’opération Harmattan, qui n’a pas pu aboutir à cause de l’opération Serval) et la formation, par manque d’équipements de mission (pod optronique, guerre électronique…).

iii. La marine nationale

D’après les informations communiquées aux rapporteurs par l’état-major de la marine, les réalisations de commandes et les livraisons prévues par la LPM ont été globalement respectées entre 2009 et 2012, sachant que pour la marine nationale, le format défini dans le Livre blanc sur la défense et de la sécurité nationale de 2008, et notamment l’objectif de dix-huit frégates de 1er rang, ne devait être atteint qu’après 2015.

Le plan de relance de l’économie a permis d’obtenir le 3e bâtiment de projection et de commandement (BPC) dès 2012, ainsi que quatre engins de débarquements amphibies rapides et quatre aéronefs de surveillance maritime.

Des mesures sur les commandes et les livraisons, introduites principalement en 2010, 2011 et 2012, ont certes conduit à des décalages, retards, réductions de cibles et annulations d’opérations, mais sans toutefois avoir d’impact capacitaire significatif sur la période 2009-2014.

Les décisions prises ont par exemple conduit à un décalage de un à cinq ans du remplacement de certains équipements (FLOTLOG (28), SLAMF (29), AVSIMAR (30), BATSIMAR (31), ANL (32), SDAM (33), rénovation Atlantique 2), qui n’a pas été entièrement compensé par des prolongations de durée de vie ou des commandes palliatives.

Ces décisions ont également entraîné des réductions temporaires de capacités (RTC) et l’étirement des calendriers en ce qui concerne les remplacements d’équipements majeurs (FREMM, MM40 (34), BATSIMAR, AVSIMAR, HIL (35)).

Pour limiter les engagements, la loi de finances pour 2013 a reporté plusieurs commandes (Barracuda n° 4, frégate anti-sous-marines « Tourville », rénovation Atlantique 2, BSAH (36)et B2M (37), lancement ANL (38)). En dépit du principe assumé de préservation des choix de la LPM, ces décisions ont néanmoins fragilisé certaines opérations majeures ou de cohérence (autodéfense).

La priorité initiale donnée par la LPM au remplacement des moyens de la marine dans la période 2015-2020 par le paragraphe 2.5.1 du rapport annexé, combinée avec les retards pris à partir de 2010, aboutirait mécaniquement à des difficultés à partir de 2015. La forte contrainte budgétaire constatée sur cette période rend donc impossible pour la marine nationale le maintien de la programmation actuelle.

Par ailleurs, dès la programmation budgétaire triennale 2011-2013, une pression s’est exercée sur les crédits de fonctionnement de la marine nationale. L’érosion des ressources a en outre été accompagnée de l’émergence de besoins initialement non budgétés, comme le coût de la réintégration des structures de commandement de l’OTAN, le démantèlement des bâtiments désarmés, le maintien d’un format outre-mer supérieur aux objectifs de la LPM, la prise en compte des contraintes environnementales, la fin d’exonération de la taxation de l’affrètement de moyens de soutien à l’action de l’État en mer – bâtiment de soutien et d’assistance contre la pollution, par exemple.

Dans ces conditions, le déficit en ressources à partir de 2012 a accentué le report de charges et contraint la marine à prendre des mesures de réduction de ses besoins. Ainsi, l’activité réalisée en 2012 se situe-t-elle, pour la flotte, 10 % environ en dessous de l’objectif de la LPM et celle des pilotes d’avions de patrouille maritime également. Le renouvellement des stocks de rechanges, essentiellement dans le domaine aéronautique, n’a pas pu être maintenu en proportion des consommations, traduisant une érosion du potentiel global des flottes. Enfin, les petits équipements ont été placés sous une contrainte qui a imposé de repousser le renouvellement de matériel participant à la préparation opérationnelle ou aux missions.

S’agissant des effectifs, la marine s’est vue assigner en début de réforme un objectif de déflation de 5 600 emplois (dont 1 180 civils). Celui-ci a été augmenté de 300 emplois, du fait de la décision ministérielle d’annulation d’une partie du recrutement du personnel militaire au cours de l’année 2012 par défaut de masse salariale. Elle a respecté l’ensemble de ces objectifs. Le tiers des déflations a été constitué par l’adaptation de la marine à son nouveau format capacitaire (notamment avec le remplacement de bâtiments anciens à grands équipages par des bâtiments à équipages optimisés) et un autre tiers a été consécutif aux objectifs fixés dans le cadre de la rationalisation générale des politiques publiques (RGPP)

L’évolution des ressources budgétaires du MCO (hors dissuasion) a eu des conséquences tant sur l’EPM Milieu naval que sur l’EPM Milieu aéronautique. En ce qui concerne l’EPM Milieu naval, le niveau des ressources a conduit à une disponibilité inférieure à celle nécessaire à l’activité fixée par la LPM (- 10 % environ) et s’est accompagné de prises de risques logistiques, malgré une réduction du format due au retrait du service actif de nombreux bâtiments dans la période et des espacements de maintenance programmée (SNA, frégates, avisos A69). S’agissant de l’EPM Milieu aéronautique, la dotation du MCO de l’aéronautique navale (206 aéronefs dont 120 embarqués) n’a pas non plus permis de réaliser les normes de la LPM. Le coût d’entretien élevé des nouveaux aéronefs (Rafale, NH90) a entraîné une hausse des dépenses et l’impossibilité de couvrir le renouvellement des stocks de rechanges consommés. Cette situation a été aggravée par l’existence de nombreux micro-parcs hétérogènes et des flottes vieillissantes (SEM (39), Alouette, Lynx). La disponibilité en a été durablement affectée, en particulier pour certains parcs d’aéronefs (ATL2 – Lynx – Panther). Il en résulte une grande sensibilité aux aléas pour honorer les contrats opérationnels.

Concernant l’entraînement, l’activité inscrite dans les projets annuels de performance (PAP) a été globalement conforme, de 2009 à 2011, à la norme fixée par la LPM pour l’aéronautique et les sous-marins. En 2012, les difficultés de financement ont néanmoins conduit à réduire de 8 % l’activité aéronautique des équipages. Pendant cette même période, l’activité des bâtiments de surface n’a en revanche pas pu dépasser 90 % du seuil prévu par la LPM en raison des contraintes financières. En raison d’une importante activité opérationnelle, la part consacrée à l’entraînement a diminué en 2010, mais surtout en 2011 (opération Harmattan en Libye), ce qui a conduit à réaliser des activités d’entraînement davantage ciblées. En 2012, une pause opérationnelle a ensuite permis de disposer d’un volume d’entraînement plus satisfaisant.

En conclusion, l’écart entre les réalisations et les prévisions de la LPM a entraîné pour la marine nationale :

–  un niveau d’entraînement et d’activité des forces en retrait des objectifs de la LPM (jours de mer, heures de vol) ;

– des indisponibilités de matériels et des réductions temporaires de capacité sur plusieurs équipements en attente de remplacement (frégates, hélicoptères embarqués, BATRAL (40), CMT (41)) qui affectent directement le contrat opérationnel global de la marine qui ne parvient plus à tenir son contrat intervention.

D’après l’état-major de la marine, 2011 a été l’année du décrochage budgétaire par rapport aux ambitions initiales de la LPM, suite aux mesures d’économies décidées par le gouvernement.

II. COMMENT ÉVITER À L’AVENIR UN ÉCART ENTRE LES PRÉVISIONS ET LES RÉALISATIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION ?

A. SI LA DERNIÈRE LOI DE PROGRAMMATION A ÉTÉ GLOBALEMENT RESPECTÉE LES DEUX PREMIÈRES ANNÉES, L’ÉCART S’EST ACCENTUÉ EN 2011 ET SURTOUT EN 2012, CE QUI NÉCESSITE UNE ANALYSE PLUS APPROFONDIE DE L’EXÉCUTION DES CRÉDITS 2011 ET 2012

1. L’exécution des crédits de l’année 2011

La Cour des comptes estime, dans sa note d’exécution budgétaire pour 2011, que le budget 2011 est « exécuté globalement de façon régulière ». Toutefois, l’écart par rapport à la trajectoire fixée par la LPM s’est accentué à compter de cet exercice.

a. L’écart par rapport à la loi de programmation s’est accentué à compter de 2011

La loi de programmation militaire de 2009 prévoyait, au titre de 2011, un objectif de 31,5 milliards d’euros de crédits pour la mission Défense, comprenant 30,9 milliards de crédits budgétaires et 0,6 milliard de recettes extra budgétaires, constituées essentiellement de recettes issues de cessions de fréquences, de cessions immobilières et de cessions de matériels.

Alors que le plan de relance avait permis en 2009 et 2010 d’abonder les crédits de la mission Défense à hauteur de près de 1,8 milliard d’euros au total pour les deux années, il convient de souligner que celui-ci a cessé, comme prévu, de produire ses effets à compter de 2011.

L’exécution de la loi de programmation militaire pour l’année 2011 s’établit comme suit :

(en milliards d’euros courants)

   

2011

LPM

crédits budgétaires

30,9

REB

0,6

plan de relance

-

total

31,5

 

LFI

crédits budgétaires

30,1

REB

1,0

plan de relance

-

total

31,2

 

Exécution

crédits budgétaires

30,0

REB

0,2

plan de relance

-

total

30,2

 

Écart exécution -LPM

crédits budgétaires

- 0,9

REB

- 0,4

plan de relance

-

total

- 1,3

total cumulé

- 1,9

% d’écart cumulé

- 2,0 %

Source : direction du Budget.

On constate ainsi, dès la loi de finances initiale pour 2011, que celle-ci est en retrait, d’un montant de 0,3 milliard d’euros, par rapport aux ambitions de la loi de programmation militaire.

La comparaison avec les crédits exécutés montre un écart négatif plus important encore avec la loi de programmation militaire, puisqu’il s’élève à 1,3 milliard d’euros, alors qu’il était de + 0,5 milliard d’euros en 2009 et de - 1,1 milliard d’euros en 2010.

Il convient toutefois de nuancer l’appréciation portée sur l’écart par rapport à la trajectoire de la loi de programmation militaire. En effet, au regard des 96,3 milliards de crédits qui devaient être affectés à la mission Défense sur la période 2009-2011 (32,4 milliards au titre de 2009, 32,4 au titre de 2010 et 31,5 au titre de 2011), l’écart cumulé sur la même période, qui représente tout de même à - 1,9 milliard, ne correspond en définitive qu’à - 2 % d’écart cumulé.

Il n’en demeure pas moins que l’écart cumulé par rapport à la trajectoire de la loi de programmation militaire s’accroît nettement en 2011, puisqu’il était de + 1,7% en 2009 et de – 0,9 % seulement en 2010.

L’examen pour l’année 2011 de l’exécution de la loi de programmation militaire par agrégat (équipement, hors équipement et titre 2 (42)) permet d’apporter un éclairage différent et d’affiner l’analyse.

(en milliards d’euros courants)

   

2011

LPM

équipement

16,7

hors équipement

3,7

titre 2

11,1

total

31,5

 

LFI

équipement

16,0

hors équipement

3,8

titre 2

11,4

total

31,2

 

exécution

équipement

15,0

hors équipement

3,6

titre 2

11,6

total

30,2

 

écart exécution - LPM

équipement

- 1,7

hors équipement

- 0,1

titre 2

0,5

total

- 1,3

Source : direction du Budget.

Ce tableau met en évidence que le titre 2 est une source de difficultés pour la mission Défense dès 2011. Ce constat est quelque peu paradoxal dans la mesure où l’exécution du budget 2011 en termes de plafonds d’emploi de la mission Défense a dépassé les objectifs fixés par l’article 4 de la loi de programmation militaire pour les années 2009 et 2014.

En effet, cet article fixait le plafond d’emploi de la mission Défense pour 2011, à périmètre constant 2008, à 298 500 ETPT (équivalents temps plein travaillé(43)). Or, l’exécution 2011 s’est soldée par un plafond d’emploi de la mission Défense de seulement 289 208 ETPT, en avance de phase par rapport aux objectifs de décroissance des emplois fixés par la loi de programmation militaire. L’analyse des raisons qui expliquent ce paradoxe de dépenses de personnel en hausse et d’un niveau insuffisant de crédits pour faire face aux besoins en titre 2 est examinée dans une partie thématique du II du présent rapport.

b. L’exécution des crédits 2011 sur les programmes de la mission Défense

L’examen de l’exécution des crédits de la mission Défense par programmes permet également d’approfondir le contrôle de l’exécution budgétaire.

i. L’exécution budgétaire du programme 144

D’un volume financier bien inférieur à celui des autres programmes, le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de la défense », placé sous la responsabilité du directeur des affaires stratégiques, regroupe la recherche en amont des programmes d’armement, les activités de la direction générale de la sécurité extérieure, la prospective et l’analyse stratégique, ainsi que le réseau des attachés de défense.

EXÉCUTION 2011 DU PROGRAMME 144

(en millions d’euros)

 

2011

 

AE

CP

Loi de finances initiale

1 840

1 791

Dont titre 2

569

569

Crédits ouverts

1 858

1 791

Dont titre 2

578

578

Exécution

1 757

1 783

Dont titre 2

577

577

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2011.

Comme le souligne la note de la Cour des comptes d’analyses de l’exécution du budget de l’État par missions et programmes relative à l’exercice 2011, « l’exécution budgétaire sur le programme 144 n’a pas posé de difficulté particulière ».

Il convient néanmoins de souligner que, contrairement à la tendance générale des effectifs de la mission Défense, le programme 144 a connu une hausse programmée de ceux-ci, du fait de la priorité accordée par le Livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale à la fonction « connaissance et anticipation ».

ii. L’exécution budgétaire du programme 178

Le programme 178 « Préparation et emploi des forces », placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées et représentant plus de la moitié des moyens alloués à la mission Défense, englobe l’ensemble des forces armées et leurs soutiens et regroupe l’essentiel des effectifs du ministère de la Défense. Il recouvre tous les aspects opérationnels de la défense, qu’il s’agisse des ressources humaines, de l’entraînement des forces, de l’entretien de leurs matériels ou des opérations extérieures.

EXÉCUTION 2011 DU PROGRAMME 178

(en millions d’euros)

 

2011

 

AE

CP

Loi de finances initiale

22 564

21 891

Dont titre 2

15 491

15 491

Crédits ouverts

25 252

23 414

Dont titre 2

16 059

16 059

Exécution

23 495

23 396

Dont titre 2

16 054

16 054

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2011.

L’exécution budgétaire sur le programme 178 s’est caractérisée en 2011 par des difficultés liées, d’une part à une insuffisance de crédits pour faire face aux besoins de titre 2 et, d’autre part, à des surcoûts résultant des opérations extérieures.

Les lois de finances rectificatives de l’exercice ont permis au programme 178 de bénéficier d’un apport net de ressources complémentaires de 604 millions d’euros.

Par ailleurs, le décret d’avance du 30 novembre 2011 a compensé la forte hausse des surcoûts liés aux opérations extérieures, l’opération Harmattan en Libye représentant à elle seule 370 millions d’euros.

iii. L’exécution budgétaire du programme 212

Le programme 212 « Soutien de la politique de défense », placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration, est un des principaux acteurs des réformes engagées par le ministère de la Défense et regroupe la politique immobilière du ministère, la politique des ressources humaines, la communication et les dépenses liées aux restructurations en cours.

EXÉCUTION 2011 DU PROGRAMME 212

(en millions d’euros)

 

2011

 

AE

CP

Loi de finances initiale

4 374

3 014

Dont titre 2

1 032

1 032

Crédits ouverts

4 609

3 084

Dont titre 2

1036

1036

Exécution

4284

2 954

Dont titre 2

1035

1 035

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2011.

Du fait de l’engagement de 1,15 milliard d’euros pour le projet de regroupement de l’administration centrale du ministère de la Défense à Balard, l’exercice 2011 du programme 212 se caractérise par une consommation élevée d’autorisations d’engagement.

Si les recettes exceptionnelles liées aux cessions immobilières se sont révélées moins importantes que prévues, l’exécution budgétaire a toutefois été conforme aux prévisions.

iv. L’exécution budgétaire du programme 146

Deuxième programme de la mission Défense en volume, le programme 146 « Équipements des forces », placé sous la responsabilité conjointe du délégué général pour l’armement et du chef d’état-major des armées, représente une part très importante des dépenses d’investissement de l’État, dans la mesure où il porte l’ensemble des programmes d’armements et les moyens d’essais et d’expertise du ministère.

EXÉCUTION 2011 DU PROGRAMME 146

(en millions d’euros)

 

2011

 

AE

CP

Loi de finances initiale

13 194

10 712

Dont titre 2

1 870

1 870

Crédits ouverts

16 566

10 609

Dont titre 2

1 862

1 862

Exécution

9 457

10 617

Dont titre 2

1 862

1 862

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2011.

Si le besoin de crédit de paiement a été très élevé pour le programme 146 du fait de l’important montant d’autorisations d’engagement engagées en 2009 pour le plan d’équipements des forces, d’importantes annulations de crédits l’ont néanmoins touché lors des lois de finances rectificatives de juillet et septembre 2011, principalement en raison de l’appel en garantie de l’État dans l’affaire de la vente des frégates à Taiwan.

Par ailleurs, ce programme est apparu dépendant des aléas liés à la perception et à l’utilisation des recettes exceptionnelles issues de la cession des fréquences. Si ces recettes ont été plus élevées en 2011 que les années précédentes et supérieures aux prévisions, elles ont néanmoins été versées tardivement sur le compte d’affectation spéciale « fréquences » et n’ont pu être que très partiellement utilisées sur le programme 146, à hauteur de 89 millions d’euros, les 847 millions d’euros restant étant reportés sur 2012.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que le programme 146 ne bénéficiait plus en 2011, contrairement aux exercices 2009 et 2010, des crédits du plan de relance (respectivement 625 et 606 millions d’euros supplémentaires en 2009 et 2010), qui avaient permis aux crédits de paiement d’atteindre des niveaux élevés.

Ainsi, comme le souligne la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire pour 2011, « une fois de plus, l’équipement des forces sert donc de variable d’ajustement au bouclage du budget du ministère », situation dont les rapporteurs ne sauraient évidemment se satisfaire.

c. Le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense pour 2011 met en lumière plusieurs points d’attention

i. L’exécution 2011 se caractérise par un déficit du titre 2

Malgré une diminution de 9 086 ETPT en 2011, les dépenses de titre 2 de la mission ont continué de progresser, pour atteindre 19,5 milliards d’euros.

Cette progression de la masse salariale s’explique en partie par une insuffisance des crédits destinés à financer le surcoût des opérations extérieures. Elle s’explique également par le dynamisme du glissement vieillesse technicité (GVT), avec un repyramidage de la structure des effectifs caractérisé par une proportion croissante d’officiers et de cadre A, par une prise en compte insuffisante des mesures concernant les bas salaires (revalorisation du SMIC intervenue par décret du 13 janvier 2011 par exemple) et des dépenses liées aux indemnités chômage, aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, ou par des dépenses liées à la mobilité dans le cadre des restructurations trop faiblement budgétées.

Cette insuffisance de masse salariale a été principalement couverte par le décret d’avance du 30 novembre 2011, tandis que des mesures d’économies ont également été prises en gestion, en reportant des recrutements et en réduisant certaines mesures catégorielles ainsi que l’activité des réservistes.

ii. Le poids des opérations extérieures a continué de dépasser le montant de la provision prévue en loi de finances initiale

La provision au titre des surcoûts des OPEX, inscrite à hauteur de 630 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2011, a été sous-évaluée par rapport au surcoût total prévisible. Dès l’élaboration du budget, il semblait en effet évident que cette provision ne serait pas suffisante pour financer un volume d’opérations similaire à celui de 2010, qui avait déjà entraîné un surcoût total de 860 millions d’euros.

Sur les 1 246 millions d’euros de surcoût total des opérations extérieures pour le ministère de la Défense en 2011, le montant imputable à l’opération Harmattan en Libye, certes imprévisible, ne représente en effet que 368 millions d’euros. Hors cette opération, le surcoût des OPEX au titre de 2011 est de 878 millions d’euros, montant similaire à celui constaté en 2010.

La question de savoir si un tel décalage en exécution par rapport aux prévisions ne doit pas conduire à une réévaluation de la provision initiale est examinée dans la partie thématique relative à la prise en compte budgétaire des OPEX dans le II du présent rapport.

iii. Contrairement aux années 2009 et 2010, les recettes exceptionnelles ont été au rendez-vous en 2011, mais leur perception a été tardive

Contrairement aux années précédentes, les recettes exceptionnelles liées à la cession de bandes de fréquence et d’emprises immobilières ont été, en 2011, conformes dans l’ensemble aux recettes attendues par la loi de programmation militaire, avec 936 millions de recettes de fréquence pour une prévision de 850 millions d’euros et 109 millions de recettes immobilières pour une prévision de 158 millions d’euros.

Toutefois, l’encaissement tardif de recettes exceptionnelles tirées de la vente des fréquences n’a permis leur utilisation par la mission Défense en 2011 qu’à hauteur de 89 millions d’euros, le reste faisant l’objet d’un report en 2012.

Ce thème de la perturbation du calendrier de perception et de consommation des ressources exceptionnelles est approfondi dans une partie thématique du II du présent rapport.

iv. Les intérêts moratoires sont demeurés élevés en 2011

D’après les chiffres provisoires des services du contrôleur budgétaire comptable ministériel du ministère de la Défense publiés par la note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2011, le montant des intérêts moratoires est resté significativement élevé en 2011, à un niveau de 75 millions d’euros.

Les rapporteurs estiment en conséquence qu’il convient de mettre en œuvre dans les meilleurs délais des méthodes de gestion efficaces pour réduire les retards de paiement du ministère de la Défense et la charge qui en découle pour son budget.

2. L’exécution des crédits 2012

La Cour des comptes indique dans sa note d’exécution budgétaire pour 2012, publié en mai 2013 qu’elle « n’a pas relevé dans ses travaux de problème de régularité stricto sensu ». Toutefois, l’écart par rapport à la programmation militaire continue de s’accroître en 2012

a. L’écart continue de s’accroître 2012 par rapport à la trajectoire de la loi de programmation militaire

La loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 prévoyait, au titre de 2012, un objectif de 32,3 milliards d’euros de crédits pour la mission Défense, comprenant 32,1 milliards de crédits budgétaires et 0,2 milliard de recettes extrabudgétaires, constituées essentiellement de recettes issues de cessions de fréquences, de cessions immobilières et de cessions de matériels.

L’exécution de la loi de programmation militaire pour l’année 2012 s’établit comme suit :

(en milliards d’euros courants)

   

2012

LPM

crédits budgétaires

32,1

REB

0,2

plan de relance

-

total

32,3

 

LFI

crédits budgétaires

30,4

REB

1,1

plan de relance

-

total

31,4

 

Exécution

crédits budgétaires

30,1

REB

1,2

plan de relance

-

total

31,3

 

Écart exécution

crédits budgétaires

- 2,0

REB

1,0

plan de relance

-

total

- 1,0

total cumulé

- 2,9

% d’écart cumulé

- 2,3%

Source : direction du Budget.

Au vu de ces données, on constate, que la loi de finances initiale est en retrait, d’un montant de 0,9 milliard d’euros, par rapport aux ambitions de la loi de programmation militaire.

Par ailleurs, les lois de finances rectificatives du 14 mars 2012, du 16 août 2012 et du 29 décembre 2012, ont procédé à des annulations de crédits qui ont significativement affecté la capacité d’investissement dans les matériels militaires.

La comparaison avec les crédits exécutés montre un écart négatif avec la loi de programmation militaire légèrement supérieur, puisqu’il représente un milliard d’euros. Si on met à part l’exécution au titre de 2009, où l’écart était de + 0,5 milliard d’euros en 2009, l’écart négatif en 2012 par rapport à la trajectoire de la loi de programmation militaire tend donc à se réduire par rapport à 2010 (- 1,1 milliard d’euros) et 2011 (-1,3 milliard d’euros).

Par rapport aux 128,7 milliards de crédits qui devaient être affectés à la mission Défense sur la période 2009-2012 (32,4 milliards au titre de 2009, 32,4 au titre de 2010, 31,5 au titre de 2011 et 32,3 au titre de 2012), l’écart cumulé sur la même période s’élève toutefois à - 2,9 milliards (+ 0,5 milliard en 2009, - 1,1 milliard en 2010, - 1,3 milliard en 2011 et - 1 milliard en 2012), ce qui correspond au total à - 2,3 % d’écart cumulé.

L’écart cumulé par rapport à la trajectoire de la loi de programmation militaire s’accroît donc de nouveau en 2012, puisqu’il était de + 1,7 % en 2009, de - 0,9 % en 2010 et de - 2 % en 2011.

L’exécution de la loi de programmation militaire par agrégat (équipement, hors équipement et titre 2) permet d’affiner l’analyse. Elle s’établit comme suit en 2012 :

(en milliards d’euros courants)

   

2012

LPM

équipement

17,4

hors équipement

4,0

titre 2

11,0

total

32,3

 

LFI

équipement

16,2

hors équipement

4,0

titre 2

11,2

total

31,4

 

exécution

équipement

15,4

hors équipement

4,2

titre 2

11,6

total

31,3

 

écart exécution - LPM

équipement

- 1,9

hors équipement

0,2

titre 2

0,7

total

- 1 ,0

Source : direction du Budget.

Ce tableau met en évidence que le titre 2 demeure, comme lors de l’exercice 2011, source de difficultés pour la mission Défense, ce qui justifie pleinement que les rapporteurs aient décidé d’y consacrer une partie thématique spécifique.

Ce constat reste paradoxal dans la mesure où l’exécution du budget 2012 en termes de plafonds d’emploi de la mission Défense a de nouveau dépassé les objectifs fixés par l’article 4 de la LPM.

Pour 2012, ce dernier fixait en effet le plafond d’emploi de la mission Défense à 291 000. Or, l’exécution s’est traduite par un plafond d’emploi de la mission Défense de seulement 281 520 ETPT, toujours en avance de phase par rapport aux objectifs de décroissance des emplois.

b. L’exécution des crédits 2012 sur les programmes de la mission Défense

L’examen de l’exécution des crédits de la mission Défense par programmes permet d’approfondir le contrôle de l’exécution budgétaire.

i. L’exécution budgétaire du programme 144

L’exécution du programme 144 n’appelle pas de remarques particulières, dans la mesure où les crédits de paiement exécutés ont été très proches des montants votés en loi de finances initiale.

Autorisations d’engagement
(en millions d’euros)

LFI 2012

Crédits disponibles 2012

Exécution 2012

Évolution de la dépense 2011/2012

Titre 2

597

608

607

+ 30

Hors titre 2

1 306

1 314

1 184

+ 4

Total P 144

1 903

1 922

1 791

+ 34

         

Crédits de paiement
(en millions d’euros)

LFI 2012

Crédits disponibles 2012

Exécution 2012

Évolution de la dépense 2011/2012

Titre 2

597

608

607

+ 30

Hors titre 2

1 192

1 175

1 174

- 32

Total P 144

1 789

1 783

1 781

-2

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2012.

Comme en 2011, la croissance de la masse salariale s’explique principalement par la priorité qui a été donnée dans le Livre blanc de 2008 au renforcement des effectifs de la fonction « connaissance et anticipation ».

ii. L’exécution budgétaire du programme 178

Le programme 178 a consommé en 2012 des montants globalement stables par rapport à 2011.

Autorisations d’engagement
(en millions d’euros)

LFI 2012

Crédits disponibles 2012

Éxécution 2012

Différence

Titre 2

15 534

 

16 306

772 (+ 5 %)

Hors titre 2

7 366

 

7 036

- 300 (- 4 %)

Total P 178

22 900

 

23 342

442 (+ 2 %)

         

Crédits de paiement
(en  millions  d’euros)

LFI 2012

Crédits disponibles 2012

Exécution 2012

Différence

Titre 2

15 534

 

16 306

772 (+ 5 %)

Hors titre 2

6 670

 

7 139

469 (+ 7 %)

Total P 178

22 204

 

23 445

1 241 (+ 6 %)

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2012.

Il convient toutefois de remarquer que les dépenses de titre 2 sont en augmentation sensible, alors même que le programme 178 compte 7 570 ETP de moins qu’en 2011.

Inversement, les dépenses hors titre 2 sont en baisse, conséquence de la fin du surcoût budgétaire lié à l’opération Harmattan en 2011, même si cette diminution est en partie compensée par une hausse des dépenses d’entretien programmé des matériels et par une augmentation du prix des carburants opérationnels.

Finalement, l’écart par rapport à la loi de finances initiale sur le programme 178 est essentiellement explicable par des dépenses de personnel en hausse, contrairement à l’exécution 2011 qui avait été surtout affectée par l’opération Harmattan en Libye.

iii. L’exécution budgétaire du programme 212

Autorisations d’engagement (en millions d’euros)

LFI 2012

Crédits disponibles 2012

Exécution 2012

Évolution de la dépense 2011/2012

Titre 2

   

1 193

159 (+ 15 %)

Hors titre 2

   

2 040

- 1 209 (- 37 %)

Total P 212

   

3 233

- 1 051 (- 25 %)

         

Crédits de paiement (en millions d’euros)

LFI 2012

Crédits disponibles 2012

Exécution 2012

Évolution de la dépense 2011/2012

Titre 2

   

1 193

159 (+ 15 %)

Hors titre 2

   

1920

1 (+ o %)

Total P 212

   

3 114

160 (+ 5 %)

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2012.

La forte baisse des autorisations d’engagement en 2012 s’explique par le fait que celles-ci avaient atteint précédemment un montant particulièrement élevé en raison de l’engagement du projet Balard.

L’augmentation de crédits de paiement s’explique principalement par la forte augmentation des dépenses de titre 2, alors même que, comme pour le programme 178, le programme 212 a connu une baisse de ses effectifs.

iv. L’exécution budgétaire du programme 146

Autorisations d’engagement (en millions d’euros)

LFI 2012

Crédits disponibles 2012

Exécution 2012

Évolution de la dépense 2011/2012

Titre 2

1 894

1 904

1 904

+ 42

Hors titre 2

9 890

16 387

4 568

- 3 027

Total P 146

11 784

18 291

6 472

- 2 985

         

Crédits de paiement (en millions d’euros)

LFI 2012

Crédits disponibles 2012

Exécution 2012

Évolution de la dépense 2011/2012

Titre 2

1894

1 904

1 904

+ 42

Hors titre 2

9 068

8 667

8 632

- 123

Total P 146

10 962

10 571

10 536

- 81

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2012.

L’exécution budgétaire du programme 146 laisse apparaître, pour la première fois, une croissance extrêmement forte de la masse salariale.

Elle se caractérise surtout par un niveau historiquement bas d’autorisations d’engagement, inférieur à la loi de finances initiale et au montant engagé en 2011.

Si ce faible niveau d’autorisations d’engagement s’explique en partie par les annulations de crédits sur ce programme par les lois de finances rectificatives, contribuant au rétablissement des finances publiques, il résulte également de la volonté, dans l’attente du nouveau Livre blanc et de la prochaine loi de programmation militaire, de ne pas lancer de nouveaux programmes d’armement ni de procéder à des arrêts de programme en cours, difficilement réversibles.

Les rapporteurs se félicitent de ce choix qui traduit une volonté de ne pas préempter des arbitrages politiques qui interviendront dans les prochains mois lors des examens du projet de loi de finances pour 2014 et du projet de loi de programmation pour les années 2014 à 2019.

c. L’exécution des crédits de la Défense pour 2012 confirme ou fait apparaître certaines difficultés dans l’exécution budgétaire

i. L’absence de contrôle de la masse salariale devient préoccupante

Comme le souligne, en mai 2013, la Cour des comptes dans son analyse de l’exécution du budget de l’État par mission et programme pour l’exercice 2012, « l’absence de maîtrise et de pilotage de la masse salariale apparaît comme une des failles majeures de la mission, qui finance une partie de ces dépassements de charges par des crédits dévolus aux investissements du ministère ».

En 2012, comme en 2011, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) a ainsi refusé son visa au document prévisionnel de gestion du titre 2 de la mission Défense du fait du caractère insoutenable de ce dernier.

Il convient également de souligner que la situation s’est dégradée en 2012 par rapport à celle de 2011, avec une insuffisance de crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale. En effet, pour la première fois, le dérapage de la masse salariale a concerné l’ensemble des programmes de la mission.

D’après les auditions menées par les rapporteurs, une partie significative de ces difficultés serait liée, à côté d’autres facteurs explicatifs comme l’évolution de la pyramide des effectifs constatée par la Cour des comptes dans son rapport public thématique de juillet 2012 sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire, aux dysfonctionnements liés à la mise en place du système informatique de paye LOUVOIS. Cet aspect majeur, pour lequel le ministère de la Défense a déjà entrepris des démarches correctives pour se donner les moyens d’améliorer la prévision et la gestion de la masse salariale, est plus spécifiquement traité dans le cadre des travaux de la mission d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense et ne sera donc pas développé davantage dans le présent rapport.

Les Rapporteurs estiment qu’il est impératif de remédier dans les meilleurs délais à cette absence de contrôle de la masse salariale, dans la mesure où il n’est pas envisageable qu’un défaut de maîtrise et de pilotage de cette dernière continue de conduire à l’annulation de crédits destinés aux équipements des armées et aux investissements.

Comme la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire pour 2012, ils sont d’avis qu’il est anormal que la masse salariale hors pensions soit autant en augmentation malgré les fortes réductions d’effectifs.

ii. La sous-budgétisation des opérations extérieures se poursuit en 2012

Au regard du point 6.3 de l’annexe à la loi de programmation militaire, définissant les montants des dotations prévues pour les années 2009 à 2011 et prévoyant une augmentation de 60 millions d’euros tous les ans, la trajectoire définie pour la budgétisation des opérations extérieures a certes été respectée en 2012, comme elle l’avait été en 2011, avec un montant de 630 millions d’euros.

Toutefois, cette provision au titre des opérations extérieures continue, en 2012, à être insuffisante pour couvrir l’ensemble des surcoûts liés aux OPEX. Conformément aux dispositions du rapport annexé à la loi de programmation militaire 2009-2014 disposant qu’« en gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle », ce mécanisme de financement interministériel a été mis en œuvre en 2012, comme il l’a d’ailleurs été chaque année depuis 2009.

OPÉRATIONS EXTÉRIEURES – ÉVOLUTION DU BESOIN DE FINANCEMENT
ET DES RESSOURCES

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

Surcoûts OPEX déclarés par Mindef

870

867

1 171

873

T2

350

339

380

312

HT2

520

528

791

561

         

Ressources

575

620

709

686

         

Provision LFI

510

570

630

630

T2

310

310

310

310

HT2

200

260

320

320

Remboursements ONU (HT2)

65,0

50,0

79,2

55,8

         

Ouvertures

228

247

462

187

dont ouverture T2

27

29

70

2

dont ouverture HT2

201

218

392

185

Source : direction du Budget.

La situation de l’année 2012 se distingue néanmoins de celle de l’année précédente pour ce qui concerne les OPEX, dans la mesure où cet exercice n’a pas connu d’engagement imprévisible sur un théâtre extérieur au cours de l’exercice, comme ce fut le cas pour l’opération Harmattan en Libye en 2011.

iii. Les ressources extrabudgétaires restent incertaines dans leur montant et dans leur calendrier de réalisation

La cession de bandes de fréquence

En 2012, le produit de la cession des bandes de fréquence hertziennes Rubis et Félin a été encaissé avec retard sur les prévisions initiales de la loi de programmation militaire, mais pour un montant supérieur de 800 millions d’euros aux hypothèses retenues par cette dernière.

Par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2012 (900 millions d’euros), l’exécution budgétaire a été, selon la direction des affaires financières du ministère de la Défense, de 1 100 millions d’euros, soit un écart de + 200 millions d’euros.

Les recettes exceptionnelles immobilières

De la même façon, le calendrier et le montant des réalisations de recettes exceptionnelles immobilières restent très incertains. Les recettes issues des cessions immobilières ont été encaissées en 2012 pour un montant moindre que celui prévu par la loi de programmation militaire, notamment du fait de la non-réalisation de l’opération de cession de l’hôtel de la Marine et du décalage de la vente de l’Ilot Saint-Germain et de l’hôtel de l’artillerie.

Néanmoins, au regard des prévisions de la loi de finances pour 2012 (163 millions d’euros), l’exécution budgétaire a été, selon la direction des affaires financières du ministère de la Défense, de 190 millions d’euros, soit un écart de + 27 millions d’euros.

d. La trajectoire financière de la loi de programmation militaire 2009-2014 n’est plus soutenable

La loi de programmation militaire 2009-2014 définissait une trajectoire financière de ressources sur six ans pour la mission Défense, incluant des ressources extrabudgétaires. L’échéancier des crédits budgétaires que sous-tendait cette loi était réputé s’inscrire dans la trajectoire de dépenses budgétaires de l’État, telle qu’elle était définie dans la loi de programmation des finances publiques.

Or, si la loi de programmation militaire 2009-2014 a été construite en cohérence avec le triennal budgétaire 2009-2011, les arbitrages rendus en 2010 dans le cadre du triennal budgétaire 2011-2013, comme la trajectoire prévue en 2012 pour la mission Défense dans le cadre du triennal budgétaire 2013-2015, montrent que la trajectoire de la LPM 2009-2014 n’est aujourd’hui plus soutenable, avec une prévision d’écart cumulé de 12,82 milliards d’euros en 2015.

TRAJECTOIRE DES DÉPENSES DE LA MISSION DÉFENSE (ÉCARTS ENTRE LA TRAJECTOIRE DE LA LPM, LA TRAJECTOIRE DES TRIENNAUX BUDGÉTAIRES
ET LA TRAJECTOIRE DES DÉPENSES EXÉCUTÉES 
(44)

(en milliards d’euros)

Source : Cour des comptes.

Dès lors, l’adoption d’une nouvelle loi de programmation militaire qui permettra de concilier la programmation du ministère de la Défense avec la trajectoire budgétaire des finances publiques apparaît plus que jamais nécessaire.

B. QUELLES SONT LES PISTES POUR ÉVITER LA POURSUITE DE CES ÉCARTS ?

Au regard des défis financiers majeurs de la prochaine loi de programmation militaire 2014-2019, les rapporteurs ont souhaité approfondir six aspects thématiques.

Sujet de débats récurrents sur la possibilité de réaliser d’importantes économies budgétaires, le thème de l’optimisation des moyens consacrés à la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire a retenu en premier lieu leur attention.

Au regard des enjeux importants concernant le périmètre des fonctions d’administration et de soutien des armées, ils ont également souhaité :

– examiner la gestion des ressources humaines, en analysant notamment plus spécifiquement comment mettre fin au paradoxe de dépenses de personnel en hausse et d’un niveau insuffisant de crédits prévus pour faire face aux besoins en titre 2, qui ne permet pas une utilisation satisfaisante des économies au bénéfice des équipements, et ce en dépit de la poursuite de la baisse des effectifs ;

– s’interroger sur le fait de savoir si l’organisation des soutiens en bases de défense était aujourd’hui optimale ;

– voir dans quelle mesure les règles de maintien en condition opérationnelle des matériels (MCO), et notamment les conditions d’attribution des marchés, pouvaient encore être améliorées.

Les rapporteurs relèvent que ces trois derniers thèmes, qu’ils avaient arrêtés dès le début des travaux de la présente mission d’information, en automne 2012, ont été jugés « prioritaires » dans le rapport annexé au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

Ils se sont également attachés à examiner si le recours à des recettes exceptionnelles, incertaines dans leur montant et dans leur calendrier, était satisfaisant et ont enfin porté leur attention sur les modalités de financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX).

1. L’optimisation des moyens de la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire

La dissuasion nucléaire a non seulement pour mérite de sanctuariser le territoire national et de préserver son autonomie stratégique, mais elle a également permis d’initier la notion de programmation militaire (cf. supra). L’acquisition des outils de la dissuasion (composantes aéroportées, sous-marine et terrestre), ainsi que des outils de simulation, a demandé un effort budgétaire constant et déterminé de la Nation depuis les années 1950, l’alternance des cycles d’investissement expliquant la variation des ressources qui y sont consacrées.

Le rapport annexé de la loi du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 accorde « une priorité marquée (…) à la dissuasion » nucléaire, en indiquant que ses besoins, comprenant l’ensemble des crédits d’investissement, d’études, d’infrastructures et de maintien en condition opérationnel (MCO) seront « couverts à hauteur de 20,2 Md€ 2008 cumulés de 2009 à 2014 ». D’après ce rapport annexé, la dissuasion « demeure un fondement essentiel de la stratégie nationale. Elle est la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance de la France. Elle a pour fonction d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux du pays, d’où qu’elle vienne et qu’elle qu’en soit la forme », avec pour objectif « d’empêcher tout État de croire qu’il pourrait porter atteinte aux intérêts vitaux de la Nation sans s’exposer à des risques pour lui inacceptables ».

La LPM de 2009 réaffirme le maintien, dans le respect du principe de stricte suffisance, de deux composantes nucléaires différenciées et complémentaires – la composante océanique et aéroportée –,la poursuite de leur modernisation, le maintien d’une crédibilité technique reposant sur la poursuite d’un programme de simulation s’appuyant sur le laser mégajoule (LMJ), l’adaptation de transmissions nucléaires permanentes et la réduction d’un tiers du nombre d’armes nucléaires, de missiles et d’avions de la composante aéroportée, avec comme cible final un arsenal comprenant moins de 300 têtes nucléaires.

Si la stratégie française de défense était essentiellement centrée sur la dissuasion nucléaire dans le Livre blanc de 1972, celle-ci demeure identifiée dans le Livre blanc de 2013, comme elle l’était déjà dans celui de 2008, comme une des cinq grandes fonctions stratégiques, au côté de la connaissance et anticipation, la protection, la prévention et l’intervention.

Les objectifs de la loi de programmation militaire concernant la composante aéroportée ont été globalement respectés, mais il convient de souligner que le programme de modernisation de la flotte d’avions ravitailleurs a subi de nombreux décalages et un maintien des aéronefs C135 a dû être mis en place pour pallier le retard de livraison des MRTT après 2017.

Pourtant, dans un contexte économique contraint, la question de l’opportunité pour la France de maintenir en l’état sa dissuasion nucléaire est néanmoins régulièrement posée.

a. Le coût actuel de la dissuasion nucléaire

L’annuaire statistique de la défense 2012-2013 publié par le ministère de la Défense en avril 2013 rappelle l’évolution des dépenses d’équipement liées à la dissuasion en loi de finances initiale (en millions d’euros courants) : 3 731 en 2009, 3 547 en 2010, 3 410 en 2011 et 3 343 en 2012, soit un niveau moyen d’un peu plus de 3,5 milliards d’euros.

Ces dotations se répartissent entre le programme 146 « Équipement des forces » (simulation, missile balistique M51, …), le programme 144 (études opérationnelles et technico-opérationnelles, études amont dans le domaine nucléaire), le programme 178 (maintien en condition opérationnelle de la force océanique stratégique et activité des forces aériennes stratégiques) et le programme 212 (infrastructures liées à la dissuasion).

L’organisation et le poids budgétaire (45) de la dissuasion en 2011 et 2012 s’établissent de la façon suivante.

Les réponses au questionnaire précis que les rapporteurs ont adressé au ministère de la Défense sur le coût de la dissuasion nucléaire, son imputation budgétaire et surtout son exécution depuis 2009 sont classifiées « Confidentiel Défense ».

Il est néanmoins possible d’indiquer que l’écart cumulé par rapport aux ressources prévues en LPM a été limité sur la période 2009-2013, grâce à des mesures de report principalement financières, sans conséquences sur l’atteinte des objectifs de dissuasion tels que définis par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, ce qui est d’autant moins surprenant que les gouvernements successifs ont toujours veillé par le passé à pourvoir aux besoins de financement que la dissuasion nécessitait.

Le budget d’un peu plus de 3,4 milliards d’euros consacré en 2012 à la dissuasion représente ainsi environ 10 % du budget total de la défense de la France, qui est de 31,5 milliards d’euros selon le périmètre OTAN -dit V2 – utilisé pour mesurer l’effort de défense d’un pays (c’est-à-dire hors anciens combattants et hors pensions).

Après un pic des dépenses relatives à la dissuasion en 1990 (près de cinq milliards d’euros courants), suivi d’une tendance à la baisse s’expliquant par l’arrêt du programme de missiles sol-sol Hadès, le passage de six à quatre SNLE et le démantèlement des missiles et des installations du plateau d’Albion, la part des budgets de la dissuasion est assez stable depuis la fin des essais nucléaires en janvier 1996, qui ont entraîné des économies en terme de matière première utilisée et d’entretien des infrastructures (46).

Au total, les dépenses liées à la dissuasion nucléaires représentent, pour 2012, environ 1,2 % des dépenses du budget de l’État.

Lors de son audition du 11 juillet 2012 devant la commission de la Défense et des forces armées, l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées a indiqué que « la Force océanique stratégique (FOST) est mise en œuvre par 3 200 marins, effectif équivalent à celui des agents municipaux d’une ville comme Montpellier » et affirmé que le chiffre d’un peu plus de 3,4 milliards d’euros consacré à la dissuasion nucléaire, véritable « assurance-vie de la Nation », « couvre tout, y compris les hommes de la Force océanique stratégique, les Rafale des Forces aériennes stratégiques, les missiles ASMP-A et M51. C’est presque bon marché ! ».

Ce constat est d’autant plus valable que le choix de la France d’inscrire le maintien de sa dissuasion à un niveau de « stricte suffisance », c’est-à-dire au plus bas niveau possible au vu du contexte stratégique, permet de réduire les arsenaux et donc les coûts de fonctionnement et de maintien en condition opérationnelle (MCO) associés. Le Livre blanc de 2013 précise d’ailleurs que la cible prévue par la loi de programmation militaire de 2009 a bien été atteinte, en mentionnant que la France « a indiqué que son arsenal comprenait moins de 300 têtes nucléaires ».

b. Les débats sur l’existence même de la dissuasion nucléaire française ou sur le maintien d’une double composante ont été tranchés, mais plusieurs questions sur son coût demeurent

i. L’existence de forces nucléaires comprenant une double composante aéroportée et océanique est réaffirmée

Le débat récurrent sur le coût de la dissuasion nucléaire n’est pas récent puisque, dès 2009 par exemple, MM. Alain Juppé et Michel Rocard et le général Bernard Norlain, ancien conseiller militaire de Jacques Chirac à Matignon, demandaient dans une tribune commune (47) la fin de l’armement nucléaire.

Au début de l’été 2012, un ancien ministre de la Défense, M. Paul Quilès (48), et un ancien Premier ministre, Michel Rocard, ont également préconisé un abandon de la dissuasion nucléaire française, ce dernier estimant le 21 juin 2012, avant de se rétracter, que la suppression de cette force ferait économiser « seize milliards d’euros par an qui ne servent absolument à rien ».

Pourtant, disposer de la dissuasion nucléaire reste un privilège extrêmement rare et demeure le propre des grandes puissances : tous les membres permanents (49) du Conseil de sécurité des Nations unies en disposent. Alors que d’autres pays consentent des efforts colossaux pour acquérir cette technologie, il serait regrettable d’abandonner une maîtrise technologique acquise au prix de décennies d’effort.

Si l’on excepte l’abandon a priori de la technologie nucléaire, qui ne ferait d’ailleurs pas apparaître d’économies avant un certain temps, en raison du coût du démantèlement des installations, deux arguments émergent essentiellement :

– le coût de la dissuasion en valeur absolue : elle absorbe une quantité importante de ressources et les maintenir à un niveau constant, voire les augmenter car les besoins liés au renouvellement de la composante océanique vont accroître mécaniquement les besoins de financement, à hauteur de quatre milliards d’euros à l’avenir, exerce par ricochet un effet d’éviction sur l’effort conventionnel, lequel est perçu avec le plus d’acuité par l’armée de terre, puisque les forces nucléaires françaises ne disposent plus de composante terrestre depuis 1996 ;

– son poids relatif : les théâtres sur lesquels la France est engagée ne nécessitent pas le recours à l’arme atomique. L’arme nucléaire, pertinente durant la guerre froide, ne serait plus adaptée au nouveau contexte stratégique et inefficace pour faire face aux nouvelles menaces auxquelles doit faire face la France, telles le terrorisme ou la piraterie. À ressources limitées, peut-être faudrait-il en conséquence en récupérer une partie substantielle au profit des forces conventionnelles.

Le Président de la République François Hollande a cependant rapidement annoncé, le 26 juin 2012, que la dissuasion nucléaire ne serait pas remise en cause car « renoncer à la dissuasion nucléaire pour des raisons d’économie budgétaire n’est pas aujourd’hui la position de la France ». Il a même embarqué dans le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) « Le Terrible » en indiquant « par sa présence, réaffirmer solennellement l’attachement irréductible de la France à sa force de dissuasion ».

Par ailleurs, le Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale maintient clairement, dans la continuité de la loi de programmation militaire de 2009, les deux composantes des forces nucléaires (50) en indiquant que « [leurs] performances, l’adaptabilité et les caractéristiques complémentaires permettent le maintien d’un outil qui, dans un contexte stratégique évolutif, demeure crédible à long terme, tout en restant à un niveau de stricte suffisance ». Ce choix se justifie pleinement dans la mesure où les deux composantes disposent en premier lieu de spécificités propres en termes de précision, de portée et de modes de pénétration qui permettent au Chef de l’État de disposer d’un plus large spectre d’options adapté aux situations de mise en œuvre de la dissuasion et qu’il permet, en second lieu, de faire face, le cas échéant, à une défaillance d’une des deux composantes.

Néanmoins, si le débat sur la pertinence du nucléaire militaire et l’existence d’une double composante des forces nucléaires semble clos, il n’est pas illégitime, au regard de la situation économique et des difficultés budgétaires actuelles, de s’interroger sur une rationalisation de l’emploi du format respectif des deux composantes nucléaires, dans une logique de réduction et d’optimisation des coûts.

ii. Faut-il poursuivre la réduction du format de la composante aérienne ?

La composante aéroportée des forces nucléaires a déjà connu ces dernières années une réduction sensible de son format.

Ainsi, le nombre des bases de dépôt d’armes nucléaires a été réduit de 5 à 4 en 2007 par la décision de ne pas transformer au standard ASMPA (51) la base aérienne de Mont-de-Marsan. Par ailleurs, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy a décidé, en 2008, la réduction d’un tiers du format de la composante aéroportée par la suppression d’un escadron de Mirage 2000N, qui est intervenue entre 2010 et 2011 lors de la transition ASMP (52)/ASMPA. Outre la force aéronavale nucléaire (FANU), capable d’effectuer des frappes nucléaires depuis le porte-avions Charles de Gaulle, la composante aéroportée de dissuasion est donc aujourd’hui constituée de deux escadrons de chasse des forces aériennes stratégiques (FAS).

La décision de réduire d’un tiers le format de la composante aérienne a permis de ne pas lancer la fabrication d’un certain nombre de têtes nucléaires et de missiles, de ne pas adapter un deuxième escadron de Mirage 2000N à l’ASMPA (le deuxième escadron équipé de l’ASMPA étant un escadron de Rafale) et de ne pas réaliser les travaux d’infrastructure du dépôt et de la zone d’alerte de la base aérienne de Luxeuil. Au total, des économies globales estimées à 5 % du montant total du coût de la rénovation de la composante aéroportée ont ainsi été réalisées.

Dans ces conditions, la question de la réduction de la composante aéroportée à un seul escadron dans une optique d’économies budgétaires peut légitimement se poser.

Toutefois, il apparaît, dans une optique purement financière, que la réduction du format des FAS à un escadron n’entraînerait pas d’économies immédiates et substantielles. En effet, le renouvellement de la composante aéroportée est aujourd’hui terminé et payé. Les vecteurs ASMPA et les têtes TNA (53) ont déjà été livrés entre 2008 et 2011 et les avions Rafale devant équiper le deuxième escadron nucléaire des FAS ont été commandés et seront livrés à compter de 2013. Les gains financiers associés à une réduction à un seul escadron seraient en conséquence limités à une partie du maintien en condition opérationnelle (MCO) des têtes et des vecteurs s’il était décidé que le nombre d’armes soit également revu à la baisse, sachant en outre que le démantèlement de ces armes retirées du service présenterait également un coût non négligeable.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, a fait valoir que la composante aéroportée apporte une contribution significative à la dissuasion nucléaire pour un coût en définitive limité. Pour la composante aéroportée, les budgets représentent ainsi annuellement environ 260 millions d’euros, sur un total des crédits affectés à l’agrégat dissuasion représentant environ chaque année un peu plus de 3,5 milliards d’euros, soit 7,2 % du prix de la dissuasion dans son ensemble.

Au-delà de l’aspect budgétaire, la réduction du format des FAS à un escadron présenterait plusieurs inconvénients. Celle-ci réduirait la dilution des moyens mis en alerte au sol sur les bases aériennes et amoindrirait ainsi la capacité de survie. De plus, la diminution du format de la composante aéroportée fragiliserait dangereusement le maintien des savoir-faire indispensables et risquerait d’entraîner une suractivité nucléaire pour maintenir l’expertise technique des équipes de mise en œuvre et de maintenance des armes et vecteurs nucléaires, dont les normes d’entraînement sont particulièrement élevées.

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs considèrent que la réduction du format des FAS de deux à un escadron fragiliserait la composante aéroportée dans son ensemble, sans pour autant permettre d’économies significatives.

iii. Est-il vraiment nécessaire d’organiser une permanence à la mer ?

Le maintien en permanence à la mer d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) sur les quatre dont dispose aujourd’hui la Force océanique stratégique (FOST), qui fait partie du socle de la posture de la dissuasion française depuis 40 ans, est parfois remis en question, avec l’idée sous-jacente de réaliser des économies.

D’un point de vue politique et stratégique, un abandon de la permanence à la mer représenterait une rupture majeure. Il entraînerait de facto le retrait de la France du groupe très restreint des nations (États-Unis, Royaume Uni, Russie) ayant cette capacité de démontrer une volonté politique forte d’assurer en toutes circonstances la défense des intérêts vitaux de la Nation. Un tel abandon restreindrait en outre la liberté d’action du Président de la République et l’avantage de l’incertitude, alors que tant qu’aucun SNLE n’a appareillé, la situation peut être considérée par l’agresseur comme étant susceptible d’être sous son contrôle. Il fragiliserait de même dangereusement, en cas de crise avec une puissance nucléaire, la capacité pour le Président de la République d’avoir l’assurance, si cette puissance exerçait une frappe nucléaire sur la France, de pouvoir délivrer une « frappe en second », gage de la crédibilité de la dissuasion. Il risquerait également d’avoir des conséquences négatives sur le maintien de l’expertise et de la motivation des équipages de la FOST, avec un risque de diminution de la sécurité de mise en œuvre.

D’un point de vue purement budgétaire, l’abandon de la permanence à la mer nécessiterait surtout un réexamen complet du système de protection de la base de l’Ile Longue et l’augmentation du besoin en forces conventionnelles pour la protection et l’accompagnement des SNLE lors de leur appareillage. Cela reviendrait en définitive à transférer la charge financière de la permanence à la mer d’un SNLE à l’accroissement des moyens financiers mis en œuvre pour assurer la garantie d’entrée et de sortie du SNLE de sa base aux moyens de forces de surface, d’avions de patrouille maritime et de sous-marins nucléaires d’attaque dont la disponibilité aurait un coût élevé.

Les rapporteurs estiment en conséquence nécessaire de conserver la posture constante de la France de maintien en permanence à la mer d’au moins un SNLE.

iv. Les dépenses liées à la dissuasion représentent un investissement productif pour la Défense nationale et l’économie du pays

D’un point de vue militaire, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 rappelle à juste titre qu’« il existe des liens forts entre la dissuasion nucléaire et les capacités conventionnelles ».

Il est en effet peu pertinent d’opposer l’armement nucléaire au conventionnel, dans un simple rapport de force comptable, dans la mesure où l’un ne va pas sans l’autre. Le fait de disposer d’une force de dissuasion crédible permet par exemple de diminuer les moyens dévolus à la protection du territoire national. La menace atomique est suffisamment dissuasive pour préserver le pays d’une attaque conventionnelle à court terme, ce qui permet de consacrer d’importantes ressources à la projection.

Si la France ne disposait pas de l’arme atomique, elle n’aurait d’autre choix que de maintenir à grands frais des forces conventionnelles bien plus importantes, sauf à renoncer à toute capacité à défendre son territoire. Il faudrait alors s’en remettre à d’autres, ce qui représente également un coût.

De plus, il convient de souligner, comme le précise le dernier Livre blanc, que « certains moyens des forces nucléaires peuvent être utilisés pour les opérations conventionnelles sur décision du Président de la République. Cela a été le cas pour de nombreuses opérations récentes », qu’il s’agisse de l’opération Harmattan en Libye ou de l’opération Serval au Mali. Ainsi, la dissuasion nucléaire a permis de hisser le standard de nos armements conventionnels et le Rafale, par exemple, conçu pour remplir les missions les plus exigeantes de la dissuasion, présente des capacités supérieures à beaucoup de ses concurrents sur le marché de l’aviation de combat.

D’un point de vue plus économique, il est par ailleurs utile de rappeler que les dépenses liées à la dissuasion ne sont pas engagées en pure perte économique. Plus que tout autre secteur de la défense, celui-ci repose par nature sur un tissu industriel national. C’est ainsi que les dépenses liées au nucléaire irriguent un vaste réseau d’entreprises de haute technologie, notamment des PME. Par ailleurs, les technologies issues de la dissuasion se caractérisent par une forte dualité au profit d’autres secteurs civils.

Le développement du projet TERA de supercalculateur pour les moyens de calcul de la direction des applications militaires du CEA, mis en service en 2011, a ainsi permis par exemple à l’entreprise Bull de devenir un acteur clef sur les calculateurs de grande capacité. À ce sujet, l’audition du directeur des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, responsable notamment de la fabrication des armes, a permis aux rapporteurs de constater l’excellence de l’exécution budgétaire des moyens alloués au CEA et d’entendre que celui-ci n’avait pas souffert dans ses missions d’une quelconque restriction des crédits préjudiciables à son activité.

De même, les compétences acquises au titre des programmes de missiles balistiques nucléaires sont mises à profit des lanceurs spatiaux, le bureau d’études des Mureaux qui conçoit Ariane 5 étant le même que celui qui développe le missile nucléaire M51.

Ainsi, comme le souligne le Livre blanc de 2013, « de par ses exigences en termes d’efficacité, de fiabilité et de sûreté, la dissuasion nourrit nos efforts de recherche et développement et contribue à l’excellence de notre industrie de défense ».

v. De nouvelles pistes d’économies peuvent néanmoins être exploitées

Les traités de Lancaster House ont donné une nouvelle ambition à la relation franco-britannique en ciblant une série de projets de coopération dans lesquels les deux pays pourraient s’investir et réaliser ainsi d’importantes synergies. Parmi ces projets, le plus spectaculaire et certainement le plus solide porte paradoxalement sur le cœur de la souveraineté nationale, à savoir la simulation nucléaire.

Partant du constat que les deux pays partageaient un même besoin en analyses radiographiques et hydrodynamiques, les gouvernements français et britanniques ont convenu, dans le cadre d’un programme intitulé « TEUTATES », de mutualiser les coûts des installations. Il s’agit des programmes EPURE à Valduc et du centre de développement technologique (TDC) à Aldermaston. Ce projet, qui progresse, présente le double avantage de permettre des économies substantielles aux deux États (450 millions d’euros chacun sur la durée du programme) et d’affirmer l’attachement des deux pays à leur force de dissuasion (54).

Les rapporteurs saluent cette démarche, à la fois audacieuse et réaliste, qui s’appuie sur un besoin commun clairement identifié.

Il n’a pas en revanche pas encore été mis à profit les stipulations du traité franco-britannique de novembre 2010 ouvrant la possibilité, en matière coopération dans le domaine des SNLE, de rapprocher les spécifications et de mutualiser les achats et développements, afin de réaliser des économies sur ces deux aspects.

En conclusion de cet éclairage sur les moyens de la dissuasion nucléaire, les rapporteurs constatent qu’ils rejoignent largement les conclusions de leurs collègues sénateurs (55) et appellent de leurs vœux le maintien d’une vision partagée, non partisane et consensuelle sur la dissuasion nucléaire.

Comme le souligne en effet Philippe Wodka-Gallien, auteur de l’ouvrage « Le Dictionnaire de la dissuasion » (2012) et membre de l’Institut Français d’Analyse Stratégique, « socialistes et gaullistes ont bâti, puis modernisé, au rythme des alternances politiques, tour à tour, voire ensemble, la force de frappe. C’est le général de Gaulle qui fonde le Commissariat à l’Énergie Atomique en octobre 1945. C’est en 1954, Pierre Mendes-France qui crée clandestinement le Bureau des Études Générales, ancêtre de la Direction des Applications militaires du CEA suite à la défaite de Dien Bien Phu. Puis, c’est Guy Mollet, suite à l’humiliation de Suez de 1956, qui donne l’impulsion en augmentant les budgets. En revenant au pouvoir en 1958, le général de Gaulle donne alors une « voix » à ce qui était jusque-là un programme clandestin, pour s’en servir comme d’un instrument d’émancipation, notamment vis-à-vis des États-Unis ».

2. Comment mettre fin au paradoxe de dépenses de personnel en hausse et d’un niveau insuffisant de crédits prévus pour faire face au besoin du titre 2 du ministère en dépit de la poursuite de la baisse des effectifs

Les données du problème du découplage entre effectifs et masse salariale ont déjà été abordées dans la partie relative à l’exécution de la loi de programmation militaire.

L’équilibre de cette dernière reposait en grande partie sur le succès d’une réforme des ressources humaines de très grande ampleur. Celle-ci a atteint ses objectifs au plan quantitatif sur la période 2008-2011, allant même au-delà des cibles de déflation prévues. Pour autant, la masse salariale correspondante s’est montrée insuffisante sur la période 2009-2012 et ces insuffisances chroniques ont nécessité des modifications d’affectation des crédits de la mission Défense.

À cet égard, l’état-major de la marine défend une position originale en indiquant qu’il n’est pas exact de dire que les effectifs diminuent et que la masse salariale augmente en valeur absolue car ce n’est pas le cas, hors cotisations pensions. La marine nationale observe en effet, depuis janvier 2010, une baisse de la dépense des rémunérations et charges sociales (RCS) de son BOP, hors pensions, et souligne que le cas des pensions est particulier, car il augmente fortement depuis sept ans sous l’effet de la hausse continue des cotisations, pour les mêmes raisons que dans le régime général des retraites en France et sans que la marine n’ait prise sur la fixation du taux du compte d’affectation spéciale Pensions. Cependant, hors pensions, la masse salariale de la marine ne baisse pas non plus à due proportion de la diminution des effectifs.

D’un point de vue général, alors que le niveau de déflation des effectifs prévu par l’article 4 de la loi de programmation militaire devait permettre des économies de masse salariale destinées à être utilisées pour le financement de l’équipement des forces et la revalorisation de la condition des militaires et que cette déflation des effectifs a été réalisée en avance de phase sur les prévisions, les économies attendues sur les dépenses de masse salariale (titre 2 du budget) sont donc loin d’avoir été réalisées et une absence de maîtrise de la masse salariale a, au contraire, été constatée sur la période 2009-2013.

Cette situation a conduit la Cour des comptes, dans son rapport de juillet 2012, à considérer que « la poursuite de la croissance du titre 2 (dépense de personnel) du budget malgré la réduction d’effectifs est préoccupante dans un contexte de ressources limitées pour le budget de la Défense ».

a. Plusieurs explications ont été avancées pour tenter d’expliquer ce découplage entre la diminution des effectifs et l’augmentation de la masse salariale

Le ministère de la Défense a par exemple indiqué que les dépenses de rémunération dites « dépenses socles » (56) ont diminué entre 2008 et 2012 très faiblement de 30 millions d’euros (soit une réduction de - 0,3 %), sous l’effet de la réduction d’emploi et de l’absence de revalorisation du point de la fonction publique, mais que les « dépenses hors socle » (57) ont augmenté de 199 millions d’euros (soit une hausse de + 38,5 %), traduisant notamment les coûts de transition liés à la mise en œuvre des réformes (dispositifs d’accompagnement des restructurations, indemnisation du chômage, etc.).

D’autres raisons ont été avancées pour expliquer pourquoi, en dépit d’une réduction ses effectifs, les dépenses hors CAS Pensions et hors OPEX du ministère, ont augmenté durant la même période de 169 millions d’euros (soit une hausse de 1,47 % de 2008 à 2012) :

– par décision gouvernementale, 50 % des économies obtenues par les déflations sont destinées à financer des mesures générales et catégorielles au profit du personnel restant en activité (grilles indiciaires, par exemple) ;

– certaines mesures générales ou catégorielles, non programmées et budgétées initialement, doivent cependant nécessairement être appliquées en cours de gestion. Ainsi, des mesures de préservation du pouvoir d’achat - revalorisation du point fonction publique et des bordereaux des salaires ouvriers, revalorisation de bas salaires, indemnité de garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA) - ont contribué à absorber une part des économies. Après avoir augmenté entre 2008 et 2009, le coût de ces mesures générales a régressé à partir de 2010 en raison du gel de la revalorisation du point fonction publique et du bordereau des salaires ouvriers. En revanche, en 2012, les revalorisations successives des plus bas salaires du 1er janvier et du 1er juillet ont porté sur environ 80 000 agents du ministère (essentiellement des militaires), pour un coût d’environ 50 millions d’euros ;

– le glissement vieillesse technicité (GVT) des militaires est positif comme celui de l’ensemble de la fonction publique et a parfois été appliqué de façon déconnectée avec la réalité de la composition des effectifs, sans tenir compte que la population de référence avait vieilli depuis 2008 du fait de la réforme des retraites. La différence entre le GVT constaté a posteriori et sa dotation en construction budgétaire est restée élevée chaque année depuis 2009, ce qui a fortement contribué à la rigidité de la dépense. Au total, l’impact cumulé de ces écarts annuels entre le GVT solde retenu en construction et le GVT solde constaté atteint près de 730 millions d’euros sur la période 2009-2012 ;

– un nombre important d’indemnités n’est pas directement concerné par la manœuvre de déflation (surcoût OME (58), indemnités opérationnelles, réserve, PHT (59), PQS (60), NBI (61), pensions…) et le poids de certaines de ces « charges fixes » augmente les coûts moyens per capita ;

– le ministère a également dû faire face à des besoins nouveaux, comme la réintégration du commandement militaire intégré de l’OTAN, la création d’une base aux Émirats arabes unis ou encore des créations de postes pour la cyberdéfense ;

– toute manœuvre de déflation induit nécessairement des coûts immédiats, dont l’amortissement prend plusieurs années, qu’il s’agisse par exemple des « pécules » ou de l’aide à la mobilité du conjoint ;

– dans les économies attendues du fait de la déflation des effectifs, les dépenses de chômage, qui correspondent aux remboursements à l’URSSAF des indemnités de chômage pour les personnels contractuels ayant quitté le ministère de la Défense sans retrouver d’emploi, auraient également été insuffisamment prises en compte ;

– la Cour des comptes indique par ailleurs dans son rapport de juillet 2012 qu’« il est tout à fait possible que les économies soient moins importantes qu’envisagé au départ en raison d’un renforcement du poids des officiers et des cadres civils de catégorie A dans la structure des emplois du ministère » ;

– enfin, l’année 2012, qui voit une légère augmentation des dépenses de socle, à l’opposé de la tendance observée entre 2008 et 2011 (- 112 millions d’euros, soit une baisse des dépenses de socle de -1 %), doit être considérée comme atypique, notamment en raison de l’impact important des dysfonctionnements du système LOUVOIS en raison des indus de solde (trop versés sur rémunération).

b. Quels pourraient être les axes de progrès pour maîtriser les dépenses de titre 2

i. Faut-il conduire un effort volontariste de dépyramidage des effectifs ?

Un repyramidage effectif depuis 2008 qui a un coût

PART PAR CATÉGORIE D’EMPLOIS EN 2008 ET 2012

%

2008

2012

OFFICIERS

12,7

16,3

SOUS-OFFICIERS

55,5

45

MILITAIRES DU RANG

26,5

37,6

VOLONTAIRES

5,2

1,1

Source : ministère de la Défense.

Plusieurs éléments expliquent le phénomène de déformation des pyramides depuis 2008. L’essentiel de l’effort de très grande ampleur conduit en matière de réduction d’emplois a porté sur les formations de base, dont le taux d’encadrement était structurellement plus faible que dans les administrations centrales et les états-majors qui, outre des fonctions de direction et de commandement, regroupent de nombreuses fonctions d’expertise. Par ailleurs, l’allongement des carrières lié aux réformes des retraites a pu également conduire à des modifications de comportements individuels, dont les résultats sont un volume de départs inférieur à celui du passé. Des réformes structurelles (les personnels mis en place à l’OTAN, les créations d’emplois dans la cyberdéfense concernent essentiellement des officiers et du personnel de catégorie A) et l’insuffisant effet des mesures d’aide au départ pour réaliser les volumes annuels de déflation dans les hauts de pyramide peuvent également expliquer la déformation de cette dernière. Enfin, le maintien d’un nombre important de postes de débouchés de fin de carrière pourrait s’expliquer par la nécessité de maintenir une attractivité forte pour le recrutement dans les écoles d’officiers.

Une mission conjointe constituée entre l’Inspection générale des finances et le Contrôle général des armées sur le repyramidage des effectifs et la gestion du titre 2 du ministère de la Défense, qui a remis son rapport le 4 février 2013, a ainsi estimé le coût de l’évolution de la pyramide des effectifs militaires à près de 112 millions d’euros au cours de la période 2007-2012.

La Cour des comptes recommande de ramener le taux d’encadrement supérieur du ministère à son niveau de 2008

La Cour des comptes préconise dans son rapport de juillet 2012 de réduire le taux d’encadrement supérieur du ministère, en estimant que la répartition des effectifs du ministère de la Défense traduit un taux d’encadrement élevé, avec un officier pour six sous-officiers et militaires du rang et un cadre A pour huit agents de catégories B et C.

Elle appelle de ses vœux la conduite d’un effort volontariste de dépyramidage de la structure, en réduisant fortement, au moyen d’arrêtés de contingentement pluriannuels, le nombre d’officiers généraux et d’officiers supérieurs, ainsi que le nombre de cadres civils de catégorie A et A+.

Les armées font néanmoins valoir qu’une réduction excessive du taux d’encadrement supérieur pourrait s’avérer contreproductive

L’état-major de l’armée de terre précise par exemple que son taux d’encadrement demeure bas et ne s’élève qu’à 11,7 % en 2012. Les réformes en matière de ressources humaines sur la période 2008-2014 ont déjà pris en compte les orientations du Livre blanc de 2008 et réalisé une réduction de 2 707 postes d’officiers (soit 9,5 % des déflations du personnel militaire du BOP Terre). Ce taux d’encadrement est de plus très inférieur à celui des armées de terre alliées (17 % en Allemagne, 16,5 % au Royaume-Uni et aux États-Unis). Au regard des besoins opérationnels et des standards internationaux, le taux d’encadrement du BOP Terre lui semble donc aujourd’hui à un seuil plancher. Une réduction supérieure risquerait d’entraîner une déstructuration de son organisation, qui n’a pas encore assimilé la réforme en cours, et pourrait conduire à un déclassement des forces terrestres françaises, préjudiciable à l’interopérabilité avec les forces alliées. De plus, un dépyramidage excessif obligerait à mettre en œuvre des mesures de ressources humaines en complément des départs incités, par le biais de réductions sévères des tableaux d’avancement, d’une augmentation significative des non-renouvellements de contrat des officiers contractuels et de fortes diminutions des flux de recrutement des officiers, mesures qui comporteraient nécessairement un coût et qui pourraient en outre avoir des conséquences négatives en termes de condition du personnel. Un tel repyramidage risquerait également de remettre en cause la promotion sociale, qui fait encore aujourd’hui la force des armées.

Dans le même sens, l’état-major de l’armée de l’air fait remarquer que la pyramide des grades de l’armée de l’air tend à se déformer au fur et à mesure des réformes car les réductions d’emplois inhérentes aux rationalisations et aux externalisations touchent principalement des postes de militaires du rang. Selon elle, le repyramidage entre catégories budgétaires (officiers, sous-officiers et militaires du rang) a aujourd’hui atteint ses limites. Les emplois du cœur de métier de l’armée de l’air, c’est-à-dire ceux supportés financièrement par son Budget opérationnel de programme (BOP), exigent de plus en plus un haut niveau de technicité et donc une rémunération adaptée.

L’état-major de la marine souligne quant à lui que, quoiqu’armée réputée technique, sont taux d’encadrement n’est que de 12 % contre 20 % dans la marine britannique, tout en se déclarant prêt à être un acteur du processus économe de dépyramidage.

La Cour des comptes reconnaît elle-même les limites du dépyramidage.

Elle admet que plusieurs raisons peuvent justifier la nécessité d’utiliser du personnel hautement qualifié pour faire face à des besoins essentiels.

Ainsi, le renforcement de la fonction connaissance anticipation a conduit à créer environ 700 postes hautement qualifiés, conformément à l’article annexe 2.1.1.1 de la loi de programmation militaire. De même, l’accroissement de la présence française au sein du commandement intégré de l’Alliance atlantique a également nécessité la mise en place d’environ 900 postes, dont un grand nombre d’officiers.

Les armées ont d’ores et déjà pris des mesures pour pallier le phénomène de déformation des pyramides

Pour pallier l’effet mécanique de ce repyramidage, les effectifs militaires sont désormais contingentés par grades et, pour les non-officiers, par échelle de solde. Cette démarche s’inscrit dans un corpus réglementaire, avec la publication chaque année d’un arrêté interministériel. Par ailleurs, une réduction sensible de l’avancement a été décidée en 2013.

Ce dispositif constitue désormais l’un des principaux outils de régulation qui permet de poursuivre la réforme des effectifs, en assurant la satisfaction du besoin tout en offrant une meilleure maîtrise de la masse salariale.

Les rapporteurs proposent en conséquence d’améliorer les mesures déjà prises pour pallier le phénomène de déformation des pyramides tout en se gardant d’une réduction excessive du taux d’encadrement supérieur qui pourrait effectivement s’avérer contreproductive.

ii. La fidélisation

La fidélisation est certainement une piste de nature à limiter les coûts de recrutement.

L’armée de terre a ainsi par exemple développé des mesures de fidélisation concernant les sous-officiers, par la mise en place d’un nouveau parcours professionnel produisant des effets encourageants, et les militaires du rang, avec la redéfinition d’un parcours professionnel se caractérisant par des perspectives de progression de carrière plus importantes et par un suivi renforcé.

De son côté, l’armée de l’air a également mis en place des méthodes de fidélisation alliant flexibilité et réactivité, de façon à conserver les compétences nécessaires à la réalisation de la mission opérationnelle et à réaliser des économies de recrutement. Dans cet esprit, elle a transformé la prime réversible des spécialités critiques (PRSC), qui ne répondait qu’imparfaitement à cet objectif de fidélisation, en prime réversible des compétences à fidéliser (PRCF). Prévue par un décret du 20 janvier 2010, cette PRCF concerne les sous-officiers, caporaux-chefs et caporaux remplissant certaines conditions et détenant une compétence particulière.

Les rapporteurs estiment en conséquence qu’il convient d’encourager et de développer les mesures de fidélisation déjà engagées par les armées.

iii. La résolution des dysfonctionnements du système LOUVOIS

Indépendant de la mise en place des BdD, le projet LOUVOIS (62) consiste à relier les systèmes d’information « ressources humaines » des armées à un calculateur de rémunération.

Lors de son audition en date du 23 avril 2013, le chef d’état-major des armées, l’amiral Édouard Guillaud a affirmé que « s’agissant de la masse salariale, l’équilibre du titre 2 est largement conditionné par la résolution des problèmes de Louvois et par le recouvrement des indus ».

Ce point ne sera pas néanmoins développé dans le présent rapport, puisqu’il a été spécifiquement traité par la mission d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense, dont Mme Geneviève Gosselin-Fleury et M. Damien Meslot sont rapporteurs.

iv. Un meilleur pilotage des effectifs et de la masse salariale est nécessaire

Les rapporteurs estiment que l’enjeu d’une meilleure maîtrise de la masse salariale est déterminant en vue de s’assurer d’une bonne exécution de la prochaine loi de programmation militaire.

À cet égard, ils approuvent pleinement les orientations fixées dans le paragraphe 6.3 du rapport annexé au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019.

La maîtrise de la masse salariale

« Le renforcement du pilotage des effectifs et de la masse salariale du ministère est engagé. Il doit permettre de garantir une meilleure maîtrise des dépenses de personnel.

En cas de risque de dépassement de la masse salariale qui ne serait pas dû à une mesure générale non connue au moment de la construction de la loi de finances, le ministère de la Défense proposera et mettra en œuvre des mesures d’économies permettant de couvrir ce risque.

La rénovation de la gouvernance de la politique de ressources humaines et de son volet budgétaire conduit à confier la responsabilité des dépenses de personnel aux gestionnaires, précisément chargés de la gestion de ces personnels, sous l’autorité fonctionnelle du directeur des ressources humaines, responsable opérationnel de la gestion et de la maîtrise des crédits du titre 2.

Pour une meilleure visibilité de l’effet des déflations sur la masse salariale, la présentation du titre 22 dans le rapport annuel d’exécution de la loi de programmation militaire fera apparaître, pour chaque annuité, l’évolution :

– d’une part, des rémunérations et charges afférentes (économies brutes liées à la déflation, atténuées des mesures générales et catégorielles, et complétée du glissement vieillesse technicité) ;

– d’autre part, des dépenses conjoncturelles de l’accompagnement des restructurations ».

Source : paragraphe 6.3 du rapport annexé au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019.

3. La gestion des bases de défense est-elle optimale ?

La création des bases de défense (BdD) fait partie des grandes innovations de la programmation 2009-2014 issues des travaux engagés dans le cadre de la RGPP sur la réorganisation des soutiens, dont l’axe principal visait à mettre en place une nouvelle architecture de soutien interarmées, fondée sur la mise en place progressive de BdD, afin d’améliorer l’efficacité opérationnelle et la condition militaire.

Circonscriptions de soutien et unique formation administrative de la défense à l’échelle locale, elles ont été créées afin de diminuer le coût des fonctions de supports attachés au fonctionnement des bases et ont pour mission d’assurer l’administration générale et le soutien commun (AGSC) des formations implantées dans leur secteur de responsabilité. L’objectif de la réforme était que la plupart des fonctions non opérationnelles soient gérées par une BdD, placée sous l’autorité d’un chef militaire, commandant de base de défense (ComBdD), qui n’a pas d’autorité hiérarchique sur les soutiens dits « spécialisés » comme l’informatique, les infrastructures ou le centre médical.

Chaque BdD est intégrée de façon optimisée dans une chaîne interarmées de soutien organisée suivant plusieurs niveaux.

Le niveau national comprend un sous-chef d’état-major « soutien » placé auprès du chef d’état-major des armées, le commandant interarmées du soutien (COMIAS), qui est assisté par le « centre de pilotage et de conduite du soutien » (CPCS), structure chargée de préparer les budgets des bases, de coordonner leur action avec celle des autres services de soutien, et de soutenir les forces en opération extérieure en prélevant sur les moyens des bases de défense.

Un échelon intermédiaire regroupe, d’une part :

– cinq « états-majors de soutien défense » (EMSD), placés sous l’autorité d’un officier général de zone de soutien (63), qui constituent un niveau de pilotage et de synthèse, apportent leur expertise aux commandants des bases de défense dans les domaines pour lesquels ces derniers ne disposent pas des ressources appropriées (notamment l’environnement et le développement durable, la protection et la sécurité des installations, les affaires pénales militaires) et servent de relais entre le CPCS et les bases de défense (sur lesquelles ils n’ont toutefois pas d’autorité hiérarchique) ;

– d’autre part, des plateformes de mutualisation de services ou d’expertise, qui fournissent aux bases de défense des soutiens spécialisés : établissements du service d’infrastructure (ESID), plateformes achats-finances (PFAF) et centres ministériels de gestion (CMG).

Le niveau local est constitué des 60 BdD (64), qui comportent chacune un « groupement de soutien de base de défense » (GSBdD), dont le chef peut être un cadre supérieur militaire ou civil, et qui exerce les services d’AGSC (actes administratifs, ressources humaines, action sociale, budget de fonctionnement courant, une partie du maintien en condition, transports, carburants, moyens généraux, alimentation, loisirs, infrastructure, habillement, informatique courant, moyens communs d’instruction, service général, accueil/filtrage). Sur les sites les plus étendus, le GSBdD dispose d’antennes détachées au sein des formations éloignées. Une BdD regroupe également des organismes de soutien spécialisés comme le Centre médical des armées (CMA), l’Unité de soutien d’infrastructure de la défense (USID) ou le Centre interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (CIRISI) dont l’activité est coordonnée et arbitrée par le ComBdD au profit des formations soutenues.

Cette manœuvre de réorganisation et de rationalisation était le pendant de la décision de réduire les effectifs du ministère de la Défense de 54 000 ETPT, en faisant porter l’effort pour deux tiers sur les moyens dévolus au soutien.

a. Les bases de défense, créées dans une optique de recherches d’économies, sont aujourd’hui opérationnelles

Alors qu’il était prévu, en 2008, de constituer 90 BdD mises en place de façon progressive jusqu’au 1er janvier 2014, le calendrier de leur déploiement a par la suite été accéléré et le maillage territorial resserré, de façon à bénéficier le plus rapidement possible des bénéfices attendus de la réforme.

Depuis le 1er janvier 2011, les BdD sont opérationnelles, avec le déploiement de la totalité des BdD de plein exercice (dont neuf outre-mer et à l’étranger), faisant suite à celui de 11 BdD expérimentales en 2009 et de 18 BdD pilotes en 2010.

IMPLANTATION GÉOGRAPHIQUE DES BASES DE DÉFENSE EN MÉTROPOLE

Source : annuaire statistique de la Défense 2012/2013, ministère de la Défense.

En 2013, les 60 BdD regroupent 28 000 agents, dont 17 000 militaires, pour un budget de 720 millions d’euros (CP) en LFI 2013 (contre 556 en 2011).

Depuis leur mise en place, les BdD ont répondu avec réactivité aux divers besoins opérationnels, ont absorbé de nouvelles dépenses comme les charges supplémentaires liées au soutien des forces françaises aux Émirats arabes unis et une hausse continue du prix de l’énergie (premier poste de dépenses du budget des BdD), en dépit d’un contexte général non encore stabilisé et tout en conservant une bonne qualité du soutien. Les opérations Harmattan en Libye et Serval au Mali ont montré que les armées n’avaient pas perdu en réactivité et que le soutien avait été assuré d’une façon tout à fait satisfaisante.

Le récent rapport du Sénat consacré à la mise en place de la réforme des BdD (65) met en évidence certaines réussites exemplaires, comme celle de la BdD de Toulon, qui, quoi que connaissant également un phénomène d’impasse budgétaire, est une « base navale de grande dimension, dans laquelle les bénéfices de la densification des soutiens sont les plus manifestes », avec :

– « un ratio gérants-gérés à 7,5 %, le plus bas, qui montre toute l’efficacité de l’embasement et de la mutualisation pour faire des gains de productivité » ;

– « une réforme qui n’a pas affecté la qualité du soutien, notamment en opérations » ;

– « des nouveaux outils financiers maîtrisés : en particulier le déploiement des ‘cartes achats’ sur la base » ;

– « un sentiment de reconnaissance accru, découlant, pour les spécialistes du soutien, de la nouvelle organisation, qui permet de se retrouver « entre professionnels » de la même filière, pour aborder les questions « métier », là où leurs problématiques propres pouvaient auparavant ne pas être la priorité des unités auxquelles ils appartenaient » ;

– « une très bonne coordination entre les soutiens généraux, les soutiens spécialisés et les soutiens spécifiques d’armée, facilitée par la « double casquette » du commandant de base, qui est également adjoint territorial du commandant en chef pour la Méditerranée (CECMED) ».

b. Le bilan économique de la création des bases de défense reste difficile à établir et de nombreuses BdD se plaignent d’une « impasse budgétaire »

i. L’identification distincte et exhaustive des économies directement liées à l’embasement reste délicate

L’évaluation des économies réalisées par la mise en place des BdD reste difficile à apprécier, notamment parce que le ministère de la Défense ne dispose pas d’outils de comptabilité analytique. Dès un référé de mars 2011 (66) émis à l’issue d’un contrôle mené fin 2010, la Cour des comptes regrettait la faiblesse de l’expertise financière du ministère pour suivre les économies dégagées par la réforme des BdD.

Sur un plan budgétaire, le responsable de programme (RPROG) 178 « Préparation et emplois des forces » a décidé, pour une gestion plus efficace, de regrouper en 2011 les crédits relatifs au soutien dans un nombre limité de budget opérationnel de programme (BOP) :

– le BOP « soutien des forces », qui intègre les BdD, mais également le service des essences des armées (SEA), la logistique interarmées (LIA), le service interarmées des munitions (SIMu) et le service du commissariat des armées (SCA). Ce BOP est atypique dans la mesure où il regroupe 67 unités opérationnelles (UO), dont 60 au titre des BdD, ce qui rend d’autant plus compliqué le suivi précis de l’exécution budgétaire des UO BdD ;

– les BOP du service de santé des armées (SSA) et de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), qui ont conservé leur autonomie, en raison de leur poids financier et de leur forte spécificité.

De l’aveu même du ministère de la Défense, « la création récente du BOP ‘Soutien des forces’ ne permet pas de tirer un bilan définitif ».

Au départ, la mise en place des BdD s’est avérée complexe, car il s’est agi de réorganiser les structures de soutien, de les regrouper, tout en diminuant fortement les effectifs. Elle a par conséquent représenté un coût initial important.

La montée en puissance des BdD a ensuite permis des gains fonctionnels et la réalisation d’économies, dont les plus visibles sont :

– une meilleure programmation des dépenses ;

– un regroupement des marchés ;

– l’imposition de normes communes de soutien, permettant un ensemble de mesures concrètes de maîtrise des dépenses prises localement (énergie, entretien immobilier, carburant, fournitures courantes, téléphone).

Les BdD ont ainsi indéniablement contribué aux économies générées par les projets de réforme conduits par le ministère de la Défense dans le cadre de la LPM 2008-2013 et de la révision générale des politiques publiques, soit 1,7 milliard d’euros entre 2008 et 2015, mais un chiffrage précis de leur contribution à l’effort d’économies global réalisé par le ministère sur ses dépenses de fonctionnement reste difficile.

Pour le ministère de la Défense, cette contribution peut cependant être évaluée à l’aune de la déflation d’environ 10 000 effectifs liée à la mutualisation au niveau local de l’administration générale et du soutien commun, soit près de 20 % de l’objectif ministériel entre 2008 et 2015. C’est sur cette base qu’ont été estimées les dépenses évitées en matière de « coûts liés à l’homme » (alimentation, habillement) grâce à la réduction des effectifs imputable à l’embasement. Une étude spécifique a, en outre, permis d’évaluer les économies liées à la rationalisation des achats au niveau local. Au total, ces gains de fonctionnement directement rattachables aux BdD sont estimés par le ministère de la Défense à 137 millions d’euros en AE et 124 millions d’euros en CP pour la période 2008-2015. Ces économies profitent à l’ensemble des programmes de la mission « Défense », notamment au programme 178, qui porte le budget des bases de défense et celui des forces qu’elles soutiennent.

Cependant, le chiffrage de l’impact économique net de la création des BdD s’avère néanmoins compliqué, car il est difficile d’isoler les effets de leur mise en place d’autres réformes structurantes, comme celles de la rationalisation des achats et des procédures de gestion des ressources humaines par exemple.

Les rapporteurs déplorent comme leurs collègues sénateurs la grande difficulté pour le Parlement à obtenir des évaluations précises des gains permis par la réforme des BdD, l’absence d’outils de comptabilité analytique justifiant généralement des estimations plus intuitives que comptables.

ii. Des difficultés budgétaires affectent les crédits du soutien par les BdD

Le Centre d’audit des armées (CAA) a souligné récemment, à l’occasion d’un audit relatif à la détermination des besoins des BdD, l’insuffisance des dotations budgétaires allouées à celles-ci pour couvrir leurs besoins. Ce constat a été confirmé à plusieurs reprises lors des auditions organisées par les rapporteurs.

Les difficultés budgétaires affectant les crédits du soutien par les bases de défense résultent en premier lieu d’une insuffisance de construction initiale dès 2011.

La ressource initiale arrêtée en loi de finances pour 2011 en faveur des BdD s’élevait à 517 millions d’euros. Ce montant tenait compte de données partielles issues des déclarations des 18 BdD expérimentales et de celles transmises par les échelons de préfiguration des 42 BdD créées à compter du 1er janvier 2011, qui manquaient de fiabilité. Il prenait aussi en considération les directives interministérielles relatives à la baisse des dépenses de fonctionnement de l’État dans le cadre de la programmation budgétaire 2011-2013. Or, en exécution 2011, 556 millions d’euros de crédits de paiement ont été consommés.

Le budget 2012, construit sur un socle de 650 millions d’euros en CP, a partiellement corrigé cette sous-budgétisation initiale. Par ailleurs, ces ressources ont été complétées en cours de gestion pour atteindre 710 millions d’euros.

Toutefois, en dépit de ces corrections nécessaires, des difficultés ont continué de perturber l’exécution budgétaire des BdD.

En premier lieu, la souplesse en gestion dont bénéficiaient auparavant les BOP d’origine, pour ajuster en interne leurs ressources aux besoins en matière de soutien commun, a disparu avec le transfert des ressources à un seul BOP. En effet, le périmètre du BOP « Soutien des forces » étant essentiellement composé de dépenses de fonctionnement (agrégat « fonctionnement et activités spécifiques »), il est désormais impossible de pratiquer en gestion la fongibilité antérieure entre les crédits d’activité, les crédits d’équipement et les crédits de fonctionnement courant, dont l’inconvénient était certes de dégrader l’activité des forces et la disponibilité des matériels.

De plus, certaines externalisations réalisées ont rigidifié la structure de la dépense, tandis que la pression budgétaire s’accentuait, le tout dans un contexte marqué par le poids d’un effet « prix » sur certaines catégories de coûts (en particulier celles relatives aux énergie-fluides et au carburant routier, qui représentent plus de 40 % des dépenses des BdD).

D’autres aléas sont, en outre, venus perturber l’exécution budgétaire des BdD, tels que la prise en compte de charges nouvelles dans un périmètre AGSC encore évolutif avec des ressources ne correspondant pas toujours à la réalité de la charge ou dont le transfert est parfois différé.

En conséquence, des mesures ont été prises pour pallier l’insuffisance budgétaire en gestion 2012 :

– réallocation des crédits en cours de gestion au sein du programme 178 ;

– contribution des autres UO du BOP Soutien (SCA, SEA, SIMu, LIA), afin de compenser le manque de ressources en LFI et l’augmentation des charges en cours d’exercice ;

– mesures significatives de restriction des dépenses, à compter de mai 2012, dans les domaines suivants : énergie, maintenance immobilière, carburant, nettoyage, espaces, verts, fournitures, téléphone ;

– amélioration du pilotage budgétaire des UO dans l’outil CHORUS afin d’optimiser l’emploi de la ressource.

c. Quels sont les gisements d’économies envisageables pour optimiser la gestion financière des BdD ?

i. Élargir le champ de compétence et le périmètre budgétaire des commandants de bases de défense

Dans son référé précité de mars 2011, la Cour des comptes estimait insuffisante la responsabilisation des ComBdD : « malgré le renforcement de leurs prérogatives, les commandants des bases de défense ne disposent pas de suffisamment de moyens d’action, pour assumer pleinement le rôle essentiel qui leur est assigné. Ils n’ont pas d’autorité hiérarchique sur les multiples structures nouvelles de soutien qui se déploient au profit des bases de défense. Leur capacité d’arbitrage est limitée par la constitution d’échelons intermédiaires, les états-majors de soutien de la défense, s’instituant en instance d’appel pour les formations soutenues. Les budgets de fonctionnement réduits dont ils sont responsables offrent des perspectives de mutualisations limitées, en raison de la trop faible taille des bases de défense ».

Elle estimait en conséquence nécessaire de « renforcer le rôle des commandants de base de défense, au-delà de ce qui a été réalisé dans l’instruction du 17 décembre 2010, en leur donnant autorité hiérarchique sur l’ensemble des soutiens ».

D’un point de vue budgétaire, le périmètre de responsabilité des ComBdD apparaît également trop limité. Alors que l’organisation financière instaurée avec la mise en place des BdD visait, dans une logique conforme à la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, à doter les ComBdD de moyens financiers fongibles sur lesquels il aurait un pouvoir d’arbitrage afin d’optimiser la gestion et réaliser des économies en exploitant les possibilités de fongibilité, son périmètre de crédits apparaît plutôt limité en pratique.

En effet, il ne s’étend pas aux systèmes d’information, aux infrastructures ou à la masse salariale par exemple. Par ailleurs, l’essentiel des dépenses qui lui sont confiées sont contraintes, ne laissant parfois comme seule dépense à réguler que l’essence ou le fioul.

L’état-major de l’armée de terre estime ainsi que l’élargissement du périmètre budgétaire confié aux commandants de base de défense est indispensable. En effet, ces derniers sont l’autorité de coordination de tous les soutiens au niveau local et doivent disposer de leviers d’action efficaces dans un contexte de fortes contraintes budgétaires. Dans une logique d’optimisation de la ressource, cet élargissement leur permettrait de réaliser des « bascules d’efforts » en fonction des priorités opérationnelles et des situations locales.

Les rapporteurs estiment qu’il est nécessaire de renforcer le champ de compétence et d’augmenter le périmètre budgétaire des commandants de bases de défense, acteurs clefs de la réussite des BdD, pour leur donner davantage de marges de manœuvre.

ii. Poursuivre les mesures d’intéressement aux économies réalisées

L’intéressement aux économies des BdD est une piste à poursuivre pour améliorer leurs performances et favoriser la réalisation d’économies. Trois modalités d’intéressement pourraient utilement être développées :

– l’intéressement des ComBdD aux économies de fonctionnement de la BdD

Le but de ce dispositif est d’encourager les ComBdD à rechercher et à mettre en pratique toutes les pistes d’économies permises par la réforme (mutualisation des moyens, rationalisation de l’entretien infrastructure, redéfinition des contrats) et de mettre en œuvre les normes de soutien édictées par le CPCS. Un premier travail a permis d’identifier les dix bases de défense les plus performantes en 2012 et de leur allouer une enveloppe supplémentaire de 0,5 million d’euros en 2013.

Ce mécanisme incitatif devrait évoluer à court terme vers un intéressement des ComBdD à la satisfaction de normes de performance établies selon des déterminants physiques de la dépense par grande famille de coût. Inscrit dans les objectifs 2013 du CPCS, ce mode d’intéressement pourrait être mis en pratique dès 2014-2015.

– l’intéressement des ComBdD à la rationalisation de l’infrastructure

Ce dispositif vise à encourager les ComBdD à rationaliser davantage le patrimoine immobilier en permettant le réinvestissement d’une partie des gains issus des cessions dans l’amélioration des infrastructures restantes. Cette démarche peut également se traduire par une aide au financement d’un projet de rénovation ou de remise aux normes énergétiques d’un bâtiment, permettant soit une meilleure exécution du schéma directeur, soit une réduction du budget d’entretien ou de chauffage. En effet, la part des énergies et fluides dans le budget des BdD est en moyenne de 40 %. D’après les informations recueillies par les rapporteurs auprès du ministère de la Défense, quatre à cinq bases de défense ayant conduit une action positive de rationalisation du parc infrastructure ont déjà été retenues et pourraient se voir attribuer un complément de crédits ;

– l’intéressement des soutenus aux économies de fonctionnement de leur entité

L’une des difficultés liées à la mise en œuvre de la réforme des BdD réside dans le fait qu’elle sépare de manière plus marquée l’autorité responsable de l’expression du besoin et celle chargée de le satisfaire. Il a donc été envisagé de sensibiliser le soutenu à son niveau de consommation physique en le faisant bénéficier d’un intéressement, par exemple par un abondement de la carte « achats » dont il dispose pour ses achats de proximité.

Ce dispositif pourrait concerner les plus gros postes de coûts que sont les énergies et fluides. Il suppose toutefois la réalisation d’investissements préalables pour équiper les différents réseaux concernés d’instruments de mesure (kWh, m3 de fuel, d’eau...) permettant de disposer d’une cartographie des consommations par unité. D’après le ministère de la Défense, les expérimentations menées pourraient trouver leur application à compter de 2015.

Les rapporteurs estiment opportun de poursuivre et d’accélérer la mise en œuvre de ces dispositifs d’intéressement aux économies réalisées par les BdD.

iii. Supprimer l’échelon intermédiaire des états-majors de soutien défense (EMSD)

Créés en 2011, les EMSD, échelons légers de pilotage et de synthèse au sein de la chaîne de soutien, ont indéniablement joué un rôle positif dans la montée en puissance des BdD.

Cependant, ils constituent également ce que les sénateurs MM. Gilbert Roger et André Dulait ont considéré comme un « risque de suradministration » dans les conclusions de leurs travaux sur les BdD (67), où ils se montraient alors hésitants entre l’option du maintien des EMSD dans un format resserré autour de « missions expertes » et celle d’une suppression des EMSD, adossée à un renforcement du CPCS en termes de moyens dédiés à la coordination, de missions expertes (environnement, développement durable, droit pénal militaire, protection des installations).

L’état-major des armées a procédé, fin 2012, à une évaluation de ces EMSD afin d’étudier leur efficacité et leur efficience et d’envisager les évolutions nécessaires. De son constat ressortent quelques plus-values en matière d’appui métier, de mutualisation d’expertises rares et de déconcentration de certains travaux mais des bénéfices très limités en matière de pilotage des BdD ou de coordination zonale.

À la demande du ministre de la Défense, le contrôle général des armées a ensuite procédé à une étude détaillée sur les échelons intermédiaires et plus précisément sur le rôle des EMSD. Cette étude conclut que les motifs pour lesquels il avait été envisagé de créer puis de pérenniser les EMSD ne sont plus avérés. Les EMSD, tels qu’ils sont aujourd’hui organisés, risquent en effet d’affaiblir l’autorité des commandants de base de défense et de porter atteinte à leur mission de coordination des soutiens ainsi qu’au lien direct avec le centre de pilotage et de coordination des soutiens (CPCS).

Par ailleurs, les EMSD mobilisent un nombre important de personnels, puisque chacun de ces états-majors compte en moyenne une centaine de personnels. Dans le contexte de la poursuite de la déflation des effectifs décidée tant par le Livre blanc de 2013 que par le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, la suppression des effectifs des EMSD constituerait une économie certaine.

Dans ces conditions, les rapporteurs préconisent une rationalisation de l’organisation territoriale des soutiens et la suppression de l’échelon intermédiaire des états-majors de soutien défense (EMSD).

Il convient toutefois de souligner que l’état-major de l’armée de terre n’est pas favorable à la suppression des EMSD, structures qu’il estime essentielles au bon fonctionnement organique, à la fois niveau zonal de coordination de la chaîne du soutien et relais de commandement et d’expertise au profit du commandement de zone Terre.

iv. Réduire le nombre de bases de défense

La Cour des comptes a préconisé, dès le référé de mars 2011 précité, puis dans son rapport de juillet 2012, de supprimer certaines bases de défense de taille trop faible.

En effet, 34 BdD sont aujourd’hui en dessous du seuil des 5 000 soutenus jugé « critique », tant par la Cour des comptes que par l’inspection des armées, pour permettre des gains conséquents par mutualisation des soutiens, dont 14 bases qui soutiennent moins de 3 000 personnes et une dizaine qui soutiennent moins de 1 800 personnes.

Il est évident que les possibilités de mutualisation dans des bases de taille importante comme celle de Toulon sont bien supérieures à celles de dimension inférieure. Le ministère de la Défense reconnaît lui-même que le format actuel retenu pour les BdD résulte d’un compromis entre une recherche de l’efficacité (mutualisation et densification du soutien, qualité et réactivité du soutien) et l’acceptabilité de la réforme, qui ne permet sans doute pas de tirer tous les bénéfices possibles du concept d’embasement.

L’état-major de l’armée de terre se montre très ouvert à revoir la cartographie des bases de défense en corrélation avec la réduction du format des armées. Cette manœuvre permettrait, selon lui, à la fois des économies d’effectifs grâce à la réduction du nombre de bases de défense mais aussi une amélioration fonctionnelle, en renforçant la cohérence géographique entre l’organisation territoriale des armées et celle des soutiens.

Si le modèle des BdD, qui est aujourd’hui entré dans une phase de consolidation de son organisation et de ses processus, ne doit pas être remis en cause dans son principe et si les moyens de fonctionnement et les dotations en effectifs des BdD ont déjà été réduits à un niveau tel qu’une nouvelle restriction des ressources qui leur sont consacrées comporterait le risque de dégrader la qualité du service rendu, il n’est néanmoins pas interdit de s’interroger sur une évolution de la carte d’implantation de celles-ci.

Dans la mesure où le Livre blanc sur la défense et de la sécurité nationale de 2013 et le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 prévoient une nouvelle contraction du format des armées, qui entraînera nécessairement des fermetures partielles ou totales de sites, et sans aller jusqu’à recommander, comme la Cour des comptes dans son référé précité de mars 2011, de « réduire le nombre de bases de défense à une vingtaine en métropole », les rapporteurs estiment souhaitable d’engager une réflexion sur la diminution du nombre de BdD en métropole, en cohérence avec le format des armées retenu par la prochaine loi de programmation militaire.

v. Harmoniser les procédures et développer de nouveaux systèmes informatiques

Pour atteindre sa pleine efficacité, le dispositif des BdD doit encore poursuivre les chantiers d’harmonisation des procédures.

La mutualisation des achats au niveau des BdD et des plateformes achats finances (PFAF) a déjà été engagée, mais ne portera ses fruits en termes d’économies d’échelle que progressivement. En effet, les leviers immédiats engendrant des économies ont été mis en œuvre dès 2011 par le biais des premières mutualisations d’actes contractuels. Une autre piste d’économies pourrait concerner la mutualisation des approvisionnements et des prestations à 1’échelle de marchés régionaux et nationaux.

Par ailleurs, le constat selon lequel les BdD ont été mises en place sans que les outils informatiques nécessaires soient mis en rapport avec les besoins semble unanimement partagé. Dès lors, la rationalisation et l’harmonisation des systèmes d’information devraient permettre d’accroître l’efficacité des services rendus aux unités.

Les rapporteurs estiment en conséquence que le déploiement de nouveaux systèmes d’information (SI) communs, concernant notamment les applications budgétaires et comptables, en remplacement des SI d’armées ou de services, doit être recherché.

vi. Faut-il externaliser davantage le soutien ?

L’externalisation consiste à confier à des sociétés privées spécialisées des activités réalisées jusque-là en interne, afin de recentrer les tâches sur le « cœur de métier » et réaliser des économies à qualité de service identique.

Sachant que le ministère de la Défense s’est déjà engagé dans certaines expériences d’externalisations (68), concernant des domaines très variés tels que la restauration, le maintien en condition opérationnel (MCO), la formation et l’achat d’heures de vol et de jours de mer, les transmissions et télécommunications, l’informatique ou le gardiennage/filtrage, il est tout à fait possible d’imaginer que le périmètre des missions des BdD soit réduit par l’externalisation de certaines missions et fonctions de soutien assumées jusqu’ici par ces dernières.

Cependant, les avantages de l’externalisation en matière de soutien ne doivent pas être surestimés. En effet, les gains économiques attendus peuvent être diminués de l’acquittement de la TVA, qui ne touche pas les activités menées en régies, et les dispositions de la loi du 3 août 2009 et du décret du 21 septembre 2010 relative à la mise à disposition de longue durée entraînent un coût pour le ministère de la Défense. De plus, la notification de contrats d’externalisation importants s’inscrit souvent dans une perspective de moyen ou long terme qui rigidifie de facto la dépense. Enfin, l’externalisation ne doit pas affecter la capacité des armées à réaliser leurs missions opérationnelles et doit préserver également les intérêts du personnel.

Dans ces conditions, les rapporteurs estiment nécessaire d’adopter une démarche pragmatique en matière d’externalisation des fonctions de soutien assurées à ce jour par les BdD, en incitant le ministère de la Défense à étudier chaque projet d’externalisation au cas par cas et à le comparer à une démarche de projet d’amélioration de l’existant en régie, dite régie rationalisée et optimisée (RRO).

4. Les règles d’attribution des marchés de maintien en condition opérationnelle peuvent-elles être améliorées ?

Le maintien en condition opérationnelle du matériel des armées désigne l’ensemble des moyens et interventions qui permettent à celui-ci, durant toute sa durée d’utilisation, de rester à tout moment apte à l’emploi qui lui est assigné en corrigeant les effets du vieillissement (corrosion, obsolescences techniques), les défauts constatés ainsi que les effets liés à l’emploi (pannes, remplacement des produits consommables).

Sur le plan budgétaire, le MCO regroupe les dépenses d’entretien programmé des matériels (EPM), les masses salariales du personnel relevant de la maintenance, les dépenses de fonctionnement des organismes en charge du MCO ainsi que le soutien initial des programmes d’armement en phase de réalisation.

Dans la nomenclature budgétaire, le MCO relève à la fois :

– du programme 146 « Équipement des forces » pour la constitution initiale du système de soutien (bancs de test, documentation, formation des futurs instructeurs des armées), l’éventuel soutien initial après la mise en service et la modernisation des équipements en service (refonte à mi- vie) ;

– du programme 178 « Préparation et emploi des forces » pour l’EPM qui regroupe les crédits (titre 3) nécessaires aux marchés de maintenance industrielle et d’achat de pièces de rechanges au-delà de la phase de soutien initial durant les premières années qui suivent la mise en service de l’équipement (marchés de soutien en service). Depuis 2010, des crédits d’EPM du programme 178 sont prévus pour le traitement industriel des matériels retirés du service et voués à la déconstruction. L’EPM ne finance pas la masse salariale des maintenanciers (titre 2), à l’exception du personnel du service industriel de l’aéronautique (SIAé) dont la masse salariale est intégrée dans les facturations des prestations de cet organisme.

Dans l’optique de l’adoption de la prochaine loi de programmation militaire, le MCO revêt une importance toute particulière dans la mesure où tout l’enjeu est d’en maîtriser le coût et d’améliorer sa performance. D’après le rapport public annuel de février 2013 de la Cour des comptes, les achats de maintenance du ministère de la Défense recèlent en effet « un fort potentiel d’économies ». D’après ce même rapport, « une économie de 10 % par comparaison avec les coûts actuels, représentant de l’ordre de 300 millions d’euros, apparaît comme un objectif que le ministère pourrait se fixer et que l’organisation actuelle du ministère ne permet pas d’atteindre ».

Il convient toutefois de souligner que l’état-major de l’armée de l’air estime que cet objectif est moins réaliste qu’ambitieux, en particulier pour le milieu aéronautique, dans une période de réduction des budgets consacrés à l’acquisition, réduction qui pousse les industriels à reporter une partie de leurs coûts de développement sur le MCO.

a. Le MCO des matériels des armées a déjà fait l’objet de mesures d’optimisation depuis le début des années 2000

i. Des réformes ont déjà été conduites afin de restaurer une disponibilité technique opérationnelle des matériels de la défense, fortement dégradée à la fin des années 1990

La disponibilité technique des matériels de la défense est mesurée par le taux de « disponibilité technique opérationnelle » (DTO) qui correspond au volume de matériels en parc disponibles rapporté aux exigences des contrats opérationnels.

Le premier indicateur d’une bonne performance du MCO est ainsi l’absence de rupture opérationnelle. Or, les trois armées ont été confrontées à la fin des années 1990 à une grave crise de disponibilité des matériels, situation qui est devenue particulièrement préoccupante dans les années 2000, où se sont fait sentir de surcroît les effets de la diminution des effectifs résultants de la suspension de la conscription. Le rapport public thématique de la Cour des comptes consacré en 2004 au MCO des matériels des armées constatait ainsi une forte dégradation du taux de disponibilité des matériels à la fin de la décennie 1990 et déplorait la réduction des budgets consacrés à cette fonction.

Cette situation a entraîné l’adoption par le ministère de la Défense d’un ensemble de mesures réformant à la fois le mode de gouvernance, les structures et les pratiques du MCO, fonction essentielle de la défense française.

Un nouveau mode de gouvernance du MCO a été mis en place

Dans le cadre de la réforme du commandement, la responsabilité du MCO a été unifiée en la personne du chef d’état-major des armées.

Par ailleurs, l’organisation du MCO s’articule désormais autour de trois niveaux de responsabilité pour chaque milieu (terrestre, aéronautique et maritime) : les maîtrises d’ouvrages (chefs d’états-majors d’armée par délégation du chef d’état-major de l’armée), les maîtrises d’ouvrage déléguées (services de soutien – cf. infra) et les maîtrises d’œuvre (opérationnelles ou industrielles, étatiques ou privées).

Des services de soutien unifiés à vocation interarmées ont été créés pour chaque milieu et attribuent les marchés de MCO

Plusieurs réformes de structures ont été mises en place dès 2000 et sont aujourd’hui achevées.

– S’agissant du milieu naval, la principale évolution s’est traduite par la création, en 2000, du service de soutien à la flotte (SSF), regroupant les éléments de maîtrise d’ouvrage dispersés jusqu’à cette date entre la DGA et la marine.

Le SSF a été créé par décret en juin 2000 pour assurer la maîtrise d’ouvrage de la maintenance des bâtiments de surface et des sous-marins de la marine nationale. Son effectif était de 788 agents en 2012. Il a acheté des services de réparation et d’entretien de navires pour 840 millions d’euros en 2011.

Parallèlement, la DCN est sortie de la DGA, devenant un service à compétence nationale puis, à partir de 2003, une société anonyme à capitaux publics.

Modalités de passation des marchés par le SSF

Les marchés de MCO du SSF sont systématiquement passés selon une procédure négociée et pour la grande majorité après publicité préalable et mise en concurrence. Seuls les marchés concernant les navires à propulsion nucléaire et quelques exceptions pour des matériels transverses spécifiques sont négociés sans mise en concurrence ;

Les marchés d’achat de rechanges sont, pour la plupart, passés selon une procédure d’appel d’offres ouvert/restreint, sauf les marchés à bons de commande pluriannuels passés auprès des grands motoristes, qui sont négociés sans mise en concurrence ;

Enfin les marchés à procédure adaptée, servant à répondre à des besoins urgents et généralement ponctuels, font systématiquement l’objet d’une publicité adaptée et sont négociés.

Source : ministère de la Défense.

– S’agissant du milieu aéronautique, la forte dégradation de la disponibilité des aéronefs constatée à la fin des années 1990 a incité à opter, en décembre 2000, pour une intégration poussée de l’ensemble des procédures et métiers dans un cadre interarmées au travers de la constitution d’une maîtrise d’ouvrage délégué unique, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques (SIMMAD).

La SIMMAD dispose d’un effectif de 977 agents en 2012. Elle achète des prestations d’entretien et de réparation pour tous les matériels aéronautiques militaires des trois armées (moteurs, transmissions, et autres sous-systèmes des aéronefs, télémétrie, canons, systèmes de conduite de tir, etc.) pour un montant total de 1,75 milliard d’euros en 2011. Toutefois, elle ne contractualise pas la totalité du budget dédié à la maintenance aéronautique, puisqu’une part significative est versée au service industriel de l’aéronautique (SIAé), qui a un caractère public, et, qu’une autre part, en croissance, est destinée aux programmes internationaux.

Modalités de passation des marchés par la SIMMAD

Pour ce qui concerne le mode de passation des marchés de la SIMMAD, les procédures utilisées sont, par ordre de décroissance de volume :

– marchés négociés avec les fournisseurs exclusifs ;

– appels d’offres restreints (concurrence ouverte sur l’Europe, mais sélection des candidats sur leurs capacités) ;

– marché passé selon une procédure adaptée (MPPA), pour les petits achats de réparations ou de rechanges pour des volumes modestes ;

– appel d’offres ouvert, ou des dialogues compétitifs, lorsque les informations ne sont pas sensibles.

L’article 53 du code des marchés publics prévoit l’attribution du marché au candidat présentant l’offre la plus avantageuse en se fondant sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché. Pour les MPPA, les règles d’attribution sont généralement de 80 % sur le critère du prix et 20 % sur le critère des délais. Pour les autres marchés formalisés, les critères d’attribution sont :

– au minimum 50 % pour le critère du prix (maximum 70 %) ;

– valeur technique (20 à 30 %) ;

– délais (10 à 20 %).

Le critère « Service » peut compléter les critères afférents à la valeur technique et aux délais dans des marchés de fournitures de services intégrés (externalisation Xingu par exemple). Les coûts induits pour l’État (frais liés au convoyage sur les sites de maintenance éloignés) peuvent également être pris en compte dans l’analyse.

Source : ministère de la Défense.

S’agissant des maîtrises d’œuvre, les ateliers industriels de l’aéronautique (AIA) ont été, dans un premier temps, regroupé en 1997 au sein du service de la maintenance aéronautique (SMA) relevant de la DGA, puis ont gagné leur autonomie en janvier 2008 avec la création du service industriel de l’aéronautique (SIAé).

– Enfin, pour le milieu terrestre, la réorganisation des structures autour des nouveaux modes de gouvernance a donné lieu à la création d’une maîtrise d’ouvrage délégué unique, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) et d’une maîtrise d’œuvre, le service de la maintenance industriel terrestre (SMITer)

La SIMMT a été créée en octobre 2010. Elle comptait 798 agents en 2012. Elle conçoit, contractualise et pilote la maintenance des équipements et en assure la logistique. La SIMMT a repris les missions de la direction centrale du matériel de l’armée de terre (DCMAT) qu’elle exerce désormais pour l’ensemble des armées et des services du ministère. Les marchés de maintenance qu’elle passe consistent principalement en l’achat de pièces de rechange pour les véhicules militaires, mais aussi en l’achat de prestations de maintenance d’équipements complexes, comme les chars Leclerc ou les véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI). Elle a consommé 500 millions d’euros de crédits en 2011.

Le SMITer exerce la double responsabilité de la préparation opérationnelle et la planification de la projection en opérations des maintenanciers, domaine autrefois dévolu aux brigades logistiques, et de l’optimisation de l’outil de production de la maintenance réalisée en différé. Il assure également, dans le cadre de l’entraînement à la logistique opérationnelle, le soutien direct des parcs d’entraînement au profit des unités en exercice.

Modalités de passation des marchés par la SIMMT

La politique d’achat de la SIMMT vise à instaurer un juste équilibre entre la recherche d’une rationalisation des actes contractuels (par le développement de marchés centraux) et le maintien d’une capacité réactive centrale et locale pour répondre à des besoins urgents ou, si nécessaire, assurer la continuité des approvisionnements lors du renouvellement des marchés centraux.

La cartographie des achats du MCO terrestre concerne essentiellement l’acquisition de rechanges, d’outillages, de documentation, de certains matériels complets, de prestations de réparation de sous-ensembles ou de matériels complets, de prestations logistiques, voire de prestations globales comprenant tout ou partie des items précédemment évoqués.

En fonction de la nature des acquisitions, les principes suivants seront appliqués :

– recherche de la globalisation des prestations de MCO afin de réduire le nombre de marchés à gérer par parc dans un souci d’amélioration de la productivité des équipes de maintenances intégrées (EMI) ;

– recherche d’un allongement de la durée des contrats en vue de réduire les risques de ruptures contractuelles et d’obsolescences en général, de sécuriser dans la durée les réapprovisionnements critiques, de mieux négocier les prix en bénéficiant de la visibilité apportée aux fournisseurs sur le moyen ou long terme, de favoriser l’établissement de convergences d’intérêts et de réduire la charge globale de contractualisation des EMI.

En conséquence, le choix de la typologie des actes contractuels doit répondre aux orientations suivantes :

– les achats en quantité fixe qui concernent essentiellement la constitution de stocks de rechanges sont réservés principalement pour des commandes non récurrentes ;

– le recours à des marchés à bons de commande est systématique pour répondre aux consommations en rechanges ayant un caractère à la fois récurrent et fluctuant. Ils apportent une plus grande souplesse, permettent de réduire les stocks État, stabilisent les prix et réduisent les risques d’obsolescence (sous réserve d’un certain niveau de commandes garanti dans la durée) ;

– la forfaitisation des prestations « au juste prix » est systématiquement étudiée pour les principaux flux récurrents de besoins (consommation de rechanges, de réparations etc.). Cette couverture forfaitaire des principaux flux doit permettre de garantir au mieux le maintien d’une disponibilité des parcs à court voire moyen terme ;

– le recours à la Nato Support Agency (NSPA) est développé, notamment le recours à la bourse d’échange (CASA COMMIT : Comité d’Association du Système d’Armes COmmon ITem Material Management) pour l’acquisition de matériels de guerre complets ou de rechanges quand aucun marché SIMMT existant ne couvre le besoin ;

– le recours à l’union des groupements d’achats publics (UGAP) est privilégié lorsque le besoin peut être satisfait par un produit figurant au catalogue (cela concerne essentiellement des matériels de la gamme civile et les prestations associées).

Source : ministère de la Défense.

De nouvelles pratiques en matière de MCO se sont développées

– Un nouveau mode de contractualisation : les contrats globaux

Les pouvoirs adjudicateurs (SSF, SIMMAD, SIMMT) mettent en œuvre une part croissante des contrats passés en recourant à un nouveau mode de contractualisation dans le domaine du MCO : les contrats dits globaux (qualifiés également de « complexes », « de troisième génération » ou d’« innovants »), donnant à l’industrie un rôle de prestataire de services beaucoup plus marqué.

Ces contrats visent à offrir une plus grande visibilité aux industriels pour permettre d’optimiser les coûts, de réduire les stocks mais aussi les risques de ruptures de pièces de rechange et de mieux gérer les obsolescences. Ces contrats ont pour caractéristiques la globalité du périmètre des prestations, la pluriannualité, un maître d’œuvre d’ensemble unique et un paiement forfaitisé de la maintenance récurrente, assorti de barèmes pour les opérations de maintenance incertaines.

L’état-major de la marine a ainsi indiqué que, dans le domaine naval, la réalisation de contrats globaux de MCO par le SSF (CAP 2005 et CAP 2008), conjugué avec le changement de statut de la direction des constructions navales (DCN), en 2003, a permis de redresser et de stabiliser la disponibilité technique de la flotte au-delà de 70 %.

Toutefois, les limites des contrats globaux ne doivent pas être négligées.

Le rapport de la Cour des comptes au Président de la République de décembre 2004 sur le maintien en condition opérationnelle des matériels des armées soulignait déjà que la formule des contrats globaux n’est pas une panacée et faisait valoir que « si les contrats globaux impartissent au titulaire du marché une obligation de résultat quels que soient les éventuels événements, y compris les plus improbables, et si, de plus, le titulaire du contrat de maintien en condition opérationnelle est en situation de monopole parce qu’il a construit le matériel neuf, sa position dans les négociations financières peut être très forte. Le risque est d’autant plus réel que, par la force des choses, la globalisation de l’entretien entraîne immanquablement une perte d’informations du prescripteur étatique ».

Par ailleurs, les contrats globaux apportent des rigidités contractuelles (paiements inéluctables) peu compatibles avec les aléas budgétaires ainsi que ceux liés à l’emploi opérationnel des matériels, en particulier en opérations extérieures, sauf à accepter de très forts surcoûts.

Enfin, les industriels sont souvent réticents à continuer à assurer le soutien des matériels vieillissants, dont la rentabilité économique est jugée insuffisante.

– le recours à l’externalisation

L’externalisation de certaines fonctions de MCO, qui ne risquent pas d’affecter la capacité des armées à réaliser leurs missions opérationnelles, s’est également développée.

L’externalisation consiste à confier, en partie ou en totalité, à un ou plusieurs opérateurs extérieurs au ministère de la Défense, quel que soit le mode de contractualisation retenu, une fonction, une activité ou un service jusqu’alors assuré partiellement ou totalement en régie, c’est-à-dire selon un mode d’exploitation reposant sur les moyens propres du ministère de la Défense. Les objectifs poursuivis par le ministère sont le recentrage de ses moyens sur les missions opérationnelles, ainsi que l’obtention d’améliorations significatives en termes de coût et de qualité de service.

Parmi les principales opérations concernant le MCO, on peut citer le MCO de l’aéronef Xingu, le MCO de l’aéronef Falcon 10 de la marine nationale, la mise à disposition et la maintenance des avions-écoles de la base de Cognac, ainsi que la mise à disposition et la maintenance des hélicoptères à l’EALAT de Dax.

L’état-major de l’armée de terre a toutefois indiqué que les premières expériences en matière d’externalisation qui ont été menées n’ont pas prouvé à ce jour qu’un recours à l’externalisation permettait des économies. Selon lui, si la suppression des ETP auparavant consacrés à la fonction externalisée permet en apparence de réduire les coûts de masse salariale, les coûts de reclassement du personnel sont rarement pris en compte dans les devis initiaux. De même, les contraintes auxquelles peuvent être soumises les formations imposeraient une réactivité du prestataire extrêmement onéreuse.

ii. Les objectifs initiaux des réformes, relevant principalement de la restauration des disponibilités techniques des matériels, n’ont été que partiellement atteints et restent à nuancer en fonction des armées et des parcs

Les mesures prises depuis 2000 pour améliorer le MCO des matériels des armées ont permis d’enregistrer, dès fin 2003, de réels progrès quant à la disponibilité globale des matériels de la marine et de l’armée de l’air, même si les matériels terrestres n’ont pas bénéficié pleinement de la même dynamique.

Aujourd’hui, les performances apparaissent plus contrastées selon les armées et les parcs, même si on ne peut que saluer la grande performance des équipes en charge du MCO, qui ont su maintenir un haut niveau de service, malgré un contexte de changements profonds lié à la réforme ainsi que de restrictions de moyens, tant sur le plan des recrutements que du fonctionnement.

Pour l’armée de terre, la disponibilité des matériels terrestres en 2012 baisse légèrement par rapport à 2011 et reste sous le seuil critique pendant toute l’année 2012. La DTO des parcs de chars Leclerc, AMX10 et VAB a ainsi sensiblement diminué. Si la DTO de de ses matériels aéronautique est restée stable en 2012 par rapport à 2011, elle est également demeurée sous le seuil critique pendant toute l’année 2012. Après l’important engagement opérationnel de l’ALAT en 2011, tant en Afghanistan, en Côte d’Ivoire qu’en Libye, la remise à niveau des hélicoptères a été complexe du fait de l’état des parcs d’ancienne génération, d’attente d’approvisionnements et d’un manque de maintenanciers. La situation s’avère particulièrement préoccupante pour les hélicoptères de manœuvre (Puma et Cougar).

Pour la marine, la reconfiguration du plan d’entretien du porte-avions, suite à l’opération Harmattan en 2011, a eu un impact positif sur sa disponibilité sur l’année 2012 qui progresse légèrement par rapport à 2011. La situation des SNA s’est améliorée, tandis que la situation des frégates s’est dégradée dans le domaine des armes-équipements. La DTO des chasseurs de mine tripartites s’est maintenue à un bon niveau et la composante amphibie a vu sa disponibilité s’améliorer avec l’admission au service actif du BPC « Dixmude ». La situation du parc des bâtiments de souveraineté et de présence demeure critique, même si une légère hausse de disponibilité a été observée. La plupart des parcs de l’aéronautique navale continue de se situer sous les seuils critiques sous l’effet de contraintes techniques (opérations de maintenance curative lourdes, durée de visites préventives excessive), logistiques (carences chroniques), d’immobilisations pour modification ou modernisation et de contraintes humaines et budgétaires.

Pour l’armée de l’air, la reconstitution du potentiel technique nécessitée par la suractivité engendrée par l’opération Harmattan et a entraîné une baisse de disponibilité pour les flottes concernées (chasse, transport, E3F et C135). Pour les flottes de transport tactique, les difficultés perdurent, avec un vieillissement des C160 et des difficultés industrielles pour le C130. Globalement, les difficultés logistiques (manque de pièces de rechanges) portent sur l’ensemble de la flotte et la disponibilité 2012 est restée insuffisante pour satisfaire les besoins opérationnels.

Pour les trois armées, il convient de souligner que le fort taux de disponibilité des matériels engagés en opérations extérieures (OPEX) sur les différents théâtres ne doit pas masquer la situation plus difficile de l’ensemble des parcs de matériels resté en métropole, qui supporte le poids de la priorité donnée aux matériels affectés aux troupes engagées en OPEX.

D’après les informations du ministère de la Défense relatives aux crédits de la maintenance et à leur évolution ces dernières années, il apparaît que l’écart entre les dépenses exécutées et ce que prévoyait la LPM atteint, sur la période 2009-2012, 0,6 milliard d’euros courant sur les crédits d’entretien programmé du matériel (EPM). Cette pression a porté sur le niveau des stocks de rechanges puis progressivement sur l’activité opérationnelle, dont la baisse a atteint, en 2012, un peu plus de 10 % par rapport à l’activité nominale prévue par la LPM 2009-2014.

Cet écart doit néanmoins être apprécié en prenant en compte le contexte de réduction importante d’effectifs des effectifs du MCO dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour les milieux aéronautique et terrestre, le milieu naval n’étant pas concerné par le chantier RGPP.

ÉVOLUTION DES RÉDUCTIONS D’EFFECTIFS DU MCO

Effectifs MCO aéronautique : gains depuis le lancement de la RGPP

 

2008

2009

2010

2011

2012

Effectifs en organisation au 1er janvier 2013

MCO milieu aéronautique

- 551

- 1 310

- 759

- 580

- 310

19 989

           

Dont passation marchés (SIMMAD) : 21

Source effectifs en organisation : Mission pour la Coordination de la Réforme.

Source effectifs d’acheteurs : rapport Cour des comptes sur les achats du ministère de la Défense.

Effectifs MCO terrestre : gains depuis le lancement de la RGPP.

 

2008

2009

2010

2011

2012

Effectifs en organisation au 1er janvier 2013

MCO milieu terrestre

- 2

- 638

- 1 595

- 839

- 628

16 259

           

Dont passation marchés (SIMMT) : 66

Source effectifs en organisation : Mission pour la Coordination de la Réforme.

Source effectifs d’acheteurs : rapport Cour des comptes sur les achats du ministère de la Défense.

Effectifs MCO naval : gains depuis le lancement de la RGPP.

           

Effectifs en organisation au 1er janvier 2013

MCO milieu naval

         

2 223 (69)

         

Dont passation marchés (SSF) : 50

Source effectifs d’acheteurs : rapport Cour des comptes sur les achats du ministère de la Défense.

Pour l’année 2013, la priorité du ministère en faveur de la préservation de la disponibilité des équipements et de l’activité des forces s’est traduite par un niveau de ressources consacrées à l’EPM en hausse de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, ces crédits de paiement s’élevant à 2,91 milliards d’euros.

iii. Des marges de manœuvres existent encore pour optimiser les dépenses de l’État en matière de marchés de MCO

Il convient d’explorer les voies et moyens d’une accélération des progrès déjà enregistrés en matière de marchés de MCO. Cet effort est d’autant plus nécessaire qu’il s’inscrit dans un contexte d’une croissance continue des besoins financiers en MCO due à la fois à l’arrivée de nouveaux matériels modernes, à forte dimension technologique et à coût d’entretien unitaire élevé, et au maintien en service de certains parcs de matériels vieillissants, dont les coûts d’entretien augmentent avec l’âge.

Renforcer la fonction achat

La partie du rapport public annuel 2013 de la Cour des comptes consacrée aux achats de maintenance du ministère de la Défense souligne que les acheteurs professionnels de prestations de maintenance des équipements (70) demeurent trop peu nombreux.

Alors que les services de maintenance des matériels naval, aéronautique et terrestre sont chargés de passer les marchés d’acquisition de rechanges et de prestations de maintenance, le nombre de leurs acheteurs, mais également de leurs spécificateurs techniques du besoin (qualitatif et quantitatif), de leurs négociateurs et du personnel chargé du suivi de l’exécution des marchés est limité et souvent insuffisamment qualifié.

Pour effectuer leur mission et acheter au mieux, la SIMMT est la structure qui dispose des effectifs les plus importants (66 acheteurs), soit 8 % de son effectif total de 798 personnes. Les effectifs d’acheteurs affectés au sein des services de maintenance naval (SSF) et aéronautique (SIMMAD) sont plus faibles. Les acheteurs du SSF ne sont que 50, soit 6 % de l’effectif total (788) du SSF. La situation de la SIMMAD est encore plus préoccupante et ne cesse de se dégrader depuis 2007, avec le nombre d’acheteurs le plus faible (21) sur un effectif de 977 personnes, soit seulement 2 % de l’effectif total.

Le format de ces équipes d’acheteurs apparaît à l’évidence sous-dimensionné par rapport aux enjeux financiers, techniques et opérationnels des marchés qu’elles doivent passer.

De plus, leur niveau de qualification n’est souvent pas suffisant pour leur permettre d’acheter les prestations de maintenance au meilleur coût. Les équipes sont en effet très hétérogènes, avec une coexistence d’agents de catégorie B et C spécialisés dans l’application des procédures du code des marchés publics pour des marchés simples et de trop peu nombreux acheteurs de catégorie A chargés de mener des négociations complexes avec les entreprises.

Les rapporteurs partagent ainsi pleinement la proposition n° 35 du rapport IGF-CGA de septembre 2011 relatif au maintien en condition opérationnel des matériels militaires selon laquelle il convient de « renforcer les services achats et les fonctions acheteurs dans les services de soutien » ainsi que le constat du rapport public annuel 2013 de la Cour des comptes selon lequel, « au regard des risques des risques et des enjeux financiers associés à l’achat de prestations de maintenance, le nombre d’acheteurs professionnels et expérimentés pour mener le dialogue avec les entreprises-fournisseurs est insuffisant. Les effectifs doivent être renforcés de manière urgente, en particulier à la SIMMAD ».

Les rapporteurs estiment ainsi que le renforcement de la fonction achat serait de nature à améliorer la performance économique et se félicitent de la volonté affichée du ministère de la Défense de professionnaliser ses acheteurs, qui s’est déjà traduite par l’affectation de personnels expérimentés de la DGA dans les structures de soutien.

Impliquer plus en amont les services de soutien dans la question de la maintenance

Les marchés de « soutien initial », passés pour l’acquisition et la mise en service des équipements, et contenant les prestations de maintenance de fourniture de rechanges des premières années, sont en règle générale négociés par la direction générale de l’armement et financés sur les crédits du programme 146 « Équipement des forces ».

Ce n’est qu’après que les services de maintenance négocient, sur les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces », les marchés dits de « soutien en service » consacrés à la maintenance, qui se succèdent durant toute la vie des équipements.

Dans ce schéma, le coût complet de l’acquisition et de la possession des équipements peut ainsi être mal évalué lors des décisions initiales d’investissements.

Les rapporteurs partagent ainsi les préconisations du rapport public annuel 2013 de la Cour des comptes selon lesquelles « les services de maintenance devraient être mieux associés à l’évaluation des coûts de possession futurs des matériels en développement », tant il est « essentiel que les services chargés des achats de maintenance participent à la préparation et à la conclusion des négociations menées en vue de l’acquisition des équipements pour renforcer leurs capacités de négociation ».

Cette démarche permettrait en effet d’anticiper, dès le stade d’acquisition, les négociations avec les industriels sur les coûts de maintenance, dans une démarche cohérente (renforcement du lien soutien initial – soutien en service) et globale (sur l’ensemble du cycle de vie des équipements).

Au regard de cette nécessité de garantir la prise en compte des impératifs de soutien tout au long du cycle de vie du matériel, y compris lors des phases amont des programmes, il convient de saluer l’actualisation de la directive régissant les relations entre la DGA et les armées qui comporte le renforcement du rôle du responsable du soutien en service (RSS), agissant dès la phase de conception des nouveaux matériels.

Les rapporteurs considèrent que la création de la composante RSS auprès des unités de management de la DGA permet une prise en compte du volet soutien très en amont dans les programmes et constitue un axe de progrès évident.

Mieux faire face aux situations non concurrentielles

Le rapport précité de l’IGF-CGA de 2011, dont le rapport de la Cour des comptes en 2013 sur le MCO rejoint l’analyse, souligne à juste titre que « la SIMMAD, le SSF et la SIMMT ont en commun de passer des marchés avec des industriels fréquemment en situation non-concurrentielle. Cette situation est, par nature, déséquilibrée puisque ces entreprises sont en mesure d’imposer une marge de monopole (…). Le ministère de la Défense est un client captif des sociétés qui lui fournissent des équipements ou des services spécifiques, de haute technologie ou liés à la souveraineté nationale. La maintenance est, dans la plupart des cas, assurée, quand elle n’est pas réalisée en interne, par les entreprises qui ont livré les équipements dont ils maîtrisent l’ensemble des données techniques et il n’est pas toujours possible de s’adresser à d’autres fournisseurs ».

La Cour des comptes précise en 2013 que les achats des prestations de maintenance des matériels d’armement « ont pour particularité commune d’être concentrés sur un nombre réduit d’industriels. Sur les 33 marchés nouveaux passés en 2011 par la SIMMAD, 23, représentant 85 % de la valeur totale des achats, l’ont été, sans mise en concurrence, auprès de 16 industriels en position de fournisseurs uniques. La moitié des crédits de la SIMMT ont été alloués à quatre industriels, les trois-quarts de ceux du SSF à une seule entreprise. Ces marchés ont également pour caractéristique d’être passés fréquemment selon des procédures négociées sans mise en concurrence et pour des durées longues ».

Pour tenter de minimiser les inconvénients de ces situations non concurrentielles, plusieurs pistes méritent d’être explorées.

– Améliorer les prérogatives d’enquêtes sur les coûts de revient des fournisseurs en situation de monopole

L’État doit s’efforcer de rétablir une relation plus équilibrée dans la relation client-fournisseur en perfectionnant son droit de regard sur les coûts de revient et sur les marges des entreprises intervenant dans un contexte non concurrentiel.

D’ores et déjà, le personnel habilité de la division des enquêtes de coûts (BEDC), qui est une des divisions du service central des achats au sein de la direction des opérations de la direction générale de l’armement, comptant une trentaine d’enquêteurs, dispose d’un droit d’enquête et de pouvoirs d’investigation importants pour la réalisation d’enquêtes de coût de revient. Celles-ci ont pour objet l’examen détaillé, a posteriori, des coûts de revient des fournisseurs de l’État pour des postes achevés de marchés ou en fin d’exécution. Le droit d’accès des enquêteurs aux informations internes de l’entreprise titulaire du marché est désormais complet puisque depuis septembre 2011, le code des marchés publics prévoit dans son article 289 que le service contractant a le droit de demander au titulaire du marché de fournir tous renseignements sur les éléments techniques et comptables du coût de revient des prestations. Toutefois, ce dispositif présente plusieurs lacunes.

En effet, les effectifs de la BEDC consacrés aux enquêtes de coût sont en premier lieu très limités en comparaison avec d’autres pays.

COMPARAISON INTERNATIONALE DES EFFECTIFS CONSACRÉS
AUX ENQUÊTES DE COÛT (2008)

Les services de maintenance du ministère de la Défense n’ont d’autre part qu’un accès très limité aux services de la BEDC, qui sont utilisés à près de 80 % pour les besoins propres de la DGA.

Par ailleurs, la faculté donnée au pouvoir adjudicateur de sanctionner une obstruction aux enquêtes, en refusant par exemple l’accès aux données de comptabilité analytique de l’entreprise, n’est pas systématiquement utilisée.

Principalement, les pouvoirs d’investigation de ces enquêteurs demeurent limités dans la mesure où ils ne leur donnent, dans l’état actuel du droit, un accès complet à l’information que pour l’examen a posteriori des marchés (ou des tranches de marché), déjà exécutés ou en cours d’exécution. La possibilité d’accéder à une information complète avant la conclusion des marchés de maintenance permettrait pourtant aux services d’être véritablement en mesure de respecter les principes posés par la circulaire du Premier ministre du 10 octobre 1969 qui définit la notion de « marge raisonnable » devant guider l’achat public, pour les marchés négociés sans mise en concurrence. Il convient ici de préciser que le législateur français n’a pas adopté de loi encadrant les marges autorisées sur les contrats de soutien, à l’image de ce que pratiquent certains de nos voisins, tels l’Allemagne par exemple.

Dans ces conditions, les rapporteurs partagent la recommandation du rapport public annuel 2013 précité selon laquelle « une modification des dispositions législatives et réglementaires est nécessaire afin de rendre possible l’examen détaillé, non seulement, des dépenses a posteriori mais, encore, des devis proposés par les industriels en vue d’obtenir les marchés », dans la mesure où l’exploitation des données issues d’enquêtes de coûts, à des fins de négociation, permet de mieux apprécier le caractère raisonnable des marges contractuelles des industrielles, particulièrement ceux en situation de monopole.

D’après les informations recueillies par les rapporteurs, un effort serait actuellement porté par le ministère de la Défense sur les effectifs des enquêteurs de coûts, ainsi que sur le renforcement de leurs pouvoirs de contrôle, ce qui apparaît hautement nécessaire.

– Conserver des compétences industrielles étatiques afin de ne pas dépendre complètement du secteur privé

Pour limiter les inconvénients constitués par la situation de quasi-monopole du tissu industriel français privé, il apparaît indispensable de préserver, pour des raisons tant économiques qu’opérationnelles et techniques, des compétences industrielles propres qui offrent à l’État une souplesse d’emploi ainsi qu’une expertise pour analyser les contrats de MCO.

À cet égard, les rapporteurs partagent avec le ministère de la Défense la volonté de conserver le double rôle du SIAé, à la fois en tant qu’organisme possédant les références de coûts, de manière à mieux négocier les marchés avec les industriels privés, et en tant qu’organisme capable d’entretenir les matériels. Les actions positives du SIAé sur l’entretien programmé des Mirage ou sur le contrat de réparation du vecteur Harfang en Afghanistan en sont des illustrations éloquentes.

Augmenter la part des marchés attribués après mise en concurrence

Au lieu de généraliser le recours aux marchés globalisés, qui intéressent nécessairement davantage les grandes entreprises, une autre voie que celle de la globalisation pourrait, dans certains cas, consister à allotir les marchés pour faciliter l’accès des PME les plus compétitives à la commande publique lorsque les opérations de maintenance sont accessibles à leurs compétences, ce qui accroîtrait la concurrence.

Cependant, comme le fait remarquer l’état-major de l’armée de terre, la recommandation d’augmenter la mise en concurrence dans le domaine du MCO se heurte parfois à la réalité industrielle : « quel industriel hormis NEXTER pourrait soutenir le char Leclerc ? ».

Recourir davantage à la simulation

D’après les informations recueillies par les rapporteurs auprès du ministère de la Défense, une réflexion sur la simulation, permettant de réduire l’activité d’entraînement sur des matériels réels et, par voie de conséquence, les dépenses d’entretien programmé des matériels, est en cours.

Cette piste semble effectivement de nature à permettre de réduire les coûts du maintien en condition opérationnelle des matériels militaires.

La démarche « supply chain »

Une piste d’amélioration prometteuse est également d’améliorer l’efficience de la chaîne logistique par l’application de la démarche « supply chain ».

Celle-ci vise à optimiser l’ensemble de la chaîne et non chacun des maillons pris séparément.

La mise en service du système d’information interarmées central COMP@S

La mise en service du système d’information interarmées central COMP@S, interfacé avec le système local (ATAMS) et avec CHORUS (71), doit permettre de fluidifier le traitement des données, d’améliorer la prévision du besoin de rechanges, d’harmoniser les procédures entre armées et ainsi d’accroître l’efficience des opérateurs.

Doit-on s’inspirer de l’exemple britannique qui confie l’ensemble de la logistique en matière de MCO à une seule entité responsable de la réalisation des objectifs de disponibilité ?

Dans son rapport public particulier publié en décembre 2004 relatif au maintien en condition opérationnelle des matériels des armées, la Cour des comptes avait regretté que le ministère de la Défense ne se soit pas résolu à créer, comme au Royaume uni, une grande direction interarmées de la logistique.

En fait, l’exemple britannique va désormais au-delà d’un simple regroupement des moyens de soutien et de logistique au sein d’une structure unique interarmées : la « defense logistics organisation » (DLO), créée dès avril 2000. En 2008, cet organisme a fusionné avec l’agence en charge de l’acquisition des matériels (l’équivalent de la DGA) pour former une structure unique rattachée au ministre, la « defense equipment and support » (DE&S). Celle-ci constitue une maîtrise d’ouvrage, aux effectifs très resserrés, mettant en œuvre des contrats de très longue durée associant étroitement les industriels au soutien, y compris en amont, au sein même des équipes de programme intégrées.

Cette organisation traduit une volonté de développer au maximum les partenariats avec le secteur privé, avec une externalisation de l’essentiel de la maintenance.

Les rapporteurs considèrent que ce type d’organisation n’est pas souhaitable en France dans la mesure où elle risque de se heurter aux inconvénients d’une externalisation trop poussée et qu’il est préférable de conserver une logique de rationalisation par milieu, accompagnée d’une complémentarité entre soutien industriel et opérationnel au travers de maîtrises d’œuvres étatiques et privées.

iv. Les limites des marges de progrès restantes ne doivent toutefois pas être ignorées

L’État ne poursuit en effet pas la seule optimisation économique de ses achats.

La partie du rapport public annuel 2013 de la Cour des comptes consacrée aux achats de maintenance du ministère de la Défense reconnaît que « l’État ne se contente pas d’être un acheteur qui viserait à obtenir le meilleur service au meilleur prix. Par sa politique d’achats, il consolide la base industrielle et technologique de défense (BITD (72)) composée des entreprises qui concourent à la production et à l’entretien des systèmes d’armes et des équipements militaires. Le ministère évalue leur nombre à 2 600 ».

Ce même rapport souligne qu’« en tant qu’actionnaire de certains de ses fournisseurs, il accompagne le développement des entreprises publiques du secteur. Comme actionnaire, il est également attentif aux résultats de ces entreprises dans une perspective patrimoniale et espère un retour sur investissement en bénéficiant des dividendes servis ».

Très logiquement, la Cour des comptes en conclut que « ces différentes logiques peuvent entrer en contradiction ».

v. La future loi de programmation militaire devra veiller à l’adéquation des ressources disponibles aux besoins en MCO des matériels militaires

L’importance et la croissance des coûts de maintenance sont susceptibles de conduire à de futures impasses budgétaires et donc, à terme, à un manque de disponibilité des équipements achetés.

Les réformes de structure réalisées, comme l’adoption de nouveaux modes de contractualisation, ont certes permis d’améliorer la situation du MCO des matériels des armées et des marges de manœuvres existent encore, même si les perspectives prometteuses proposées par la Cour des comptes peuvent paraître quelque peu ambitieuses.

Cependant, comme le fait remarquer l’état-major de l’armée de l’air, force est de constater que les mesures de rationnalisation du fonctionnement des structures de pilotage du soutien et de maintenance étatiques ne suffiront pas, à elles seules, à compenser le manque de ressources financières.

La loi de programmation militaire 2014-2019 et les lois de finances qui la déclineront devront impérativement apporter une solution à la problématique de l’adéquation des ressources disponibles aux besoins en MCO des matériels militaires, sauf à prendre le risque d’une crise de disponibilité préjudiciable à notre défense et à notre sécurité nationale.

Les rapporteurs estiment donc qu’il est nécessaire de maintenir la priorité accordée par le ministère de la Défense en faveur de la préservation de la disponibilité des forces et de poursuivre la hausse des ressources accordées à l’entretien programmé des matériels.

5. Le recours à des ressources exceptionnelles versées au budget de la Défense est-il satisfaisant ?

Comme il a déjà été indiqué, l’équilibre de la loi de programmation 2009-2014 reposait en grande partie sur l’abondement des crédits de la Défense par des ressources exceptionnelles, issues pour l’essentiel de cessions immobilières et de cessions de bandes de fréquences.

L’article 3 de cette loi pour les années 2009 à 2014 disposait en effet que les crédits de paiement de la mission Défense, hors charges de pensions, seraient complétés par des ressources exceptionnelles pour un montant total de 3,67 milliards d’euros, réparties comme suit.

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

1,61

1,22

0,54

0,20

0,10

0

Il convient de souligner que si ces ressources exceptionnelles étaient principalement attendues de ventes immobilières et de cessions de bandes de fréquences hertziennes, la rédaction retenue (« notamment ») n’excluait nullement la mobilisation d’autres recettes exceptionnelles.

Dans son rapport précité de juillet 2012, la Cour des comptes souligne que « cette dernière ressource est incertaine dans son montant et dans son calendrier de réalisation, faisant peser un risque sur l’exécution de la loi de programmation militaire dès sa construction ».

Ce complément, indispensable à l’exécution de la programmation, a effectivement posé deux difficultés majeures. Les ressources extrabudgétaires prévues ont été encaissées avec retard et selon une répartition immobilier/fréquences différente de celle qui était anticipée.

a. Les recettes issues de cessions de bandes de fréquences ont été encaissées plus tardivement que prévu, mais pour un montant supérieur aux hypothèses retenues en LPM

La loi de programmation militaire sur la période 2009-2014 prévoyait un montant total de recettes exceptionnelles liées aux cessions de bandes de fréquences hertziennes (cession des bandes du système Rubis, servant jusqu’alors aux communications de la gendarmerie ; vente des bandes du système de communication Félin de l’armée de terre et cession de l’usufruit des satellites Syracuse, dans le cadre d’un projet d’externalisation dénommé « Nectar ») de 1 450 millions d’euros.

Prévues initialement à partir de 2009, les premières recettes n’ont été perçues que fin 2011. Dans ce contexte, le ministère n’a pu consommer que 89 millions d’euros en 2011 malgré un montant encaissé de 936 millions d’euros. L’intérêt économique de l’opération Nectar (de cession de l’usufruit du système de communication satellitaire SYRACUSE) n’ayant pas été avéré à l’issue de la consultation, celle-ci a été abandonnée en 2012. En exécution 2012, la mission Défense a ainsi consommé 1 100 millions d’euros sur le CAS « Fréquences ».

Le niveau de consommation affiché en LFI 2013 est de 1 067 millions d’euros, soit l’utilisation de la totalité des recettes disponibles issues des gestions antérieures.

Au total, la cession des fréquences Félin et Rubis a rapporté 2 256 millions d’euros, soit un écart de + 806 millions d’euros par rapport à ce que prévoyait la loi de programmation militaire.

b. Les recettes issues de cessions d’emprises immobilières ont été encaissées pour un montant moindre que celui prévu en LPM

La loi de programmation militaire sur la période 2009-2014 prévoyait un montant total de recettes exceptionnelles liées aux cessions d’emprises immobilières libérées par le ministre en conséquence de la réorganisation des forces et des services de 2 018 millions d’euros. Cette prévision a été affectée par un décalage des cessions.

Les prévisions de cessions 2009, 2010 et 2011 n’ont pas été atteintes, ce qui a conduit à un décalage des encaissements jusqu’en 2016. Cela tient notamment à des contraintes calendaires, à des appels d’offres infructueux ainsi qu’à deux dispositifs législatifs réduisant la valeur des biens à céder.

i. L’impact du dispositif de cession à l’euro symbolique aux collectivités locales

En application de l’article 67 de la loi de finances pour 2009, de nombreuses emprises en province ont été cédées à des collectivités territoriales à l’euro symbolique, d’où un manque à gagner certain.

Cessions d’emprises à l’euro symbolique

En 2009, le ministère de la Défense a cédé dix-sept emprises à l’euro symbolique, évaluées à un montant total de 16 127 500 €, notamment :

– l’établissement central des matériels de mobilisation du service de santé situé à Mondeville (14), évalué à 4 865 800 € ;

– le quartier Craplet situé à Barcelonnette (04), évalué à 2 758 000 € ;

– une fraction du quartier de Lattre de Tassigny située à Sourdun (77), évaluée à 2 600 000 € ;

– la caserne Mangin située à Givet (08), évaluée à 1 273 400 € ;

le bâtiment des cadres célibataires - Citadelle situé à Arras (62), évalué à 1 275 000 €.

En 2010, le ministère a cédé onze emprises à l’euro symbolique, évaluées à un montant total de 24 508 810, notamment

– la citadelle Z. TURENNE située à ARRAS (62), évaluée à 14 890 000 € ;

– l’entrepôt C situé à ARRAS (62), évalué à 3 960 000 € ;

– la caserne SCHRAM située à ARRAS (62), évaluée à 3 700 000 €.

En 2011, le ministère a cédé vingt-neuf emprises à l’euro symbolique, évaluées à un montant total de 51 636 623 €, notamment :

– le quartier général Ferrie situé à Laval (53), évalué à 8 950 000 € ;

– le quartier Berniquet situé à Genvry et Noyon (60), évalué à 8 283 050 € ; le quartier Koenig situé à Bretteville-sur-Odon (14), évalué à 7 809 000 € ;

– une fraction du quartier de Beaublanc située à Limoges (87), évaluée à 6 363 000 € ;

– le terrain de Lagord situé à Lagord (17), évalué à 4 000 000 €.

En 2012, le ministère de la Défense a cédé cinq emprises à l’euro symbolique, évaluées à un montant total de 1 469 800 € :

– le champ de manœuvre du Mas de l’Age situé à Couzeix (87), évalué à 802 000 € ;

– une fraction de la base aérienne 217 située au Plessis Pâté (91), évaluée à 197 000 € ;

– le logement des familles du centre de ravitaillement des essences à Coucy-les-Eppes (02), évalué à 291 000 €;

– le centre de ravitaillement Dépôt de Mauregny à Mauregny-en-Haye (02), évalué à
2 800 € ;

– le bureau interarmées de codification des matériels situé à Reims (51), évalué à
177 000 €.

Le total des manques à gagner liés aux cessions à l’euro symbolique accordées à certaines communes, sur la période 2009 et 2012, s’élève à 93 742 671 €.

Depuis le début de l’année 2013, deux nouvelles emprises ont été cédées à l’euro symbolique, pour un montant total de 7,1 millions d’euros, dont celle du site de La Martinerie (situé sur plusieurs communes de l’Indre) estimé à 6 745 602 €, soit 100 millions d’euros depuis 2009.

Source : ministère de la Défense.

ii. L’impact de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social

Les dispositions de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dont l’article 1er institue une procédure de cession à titre gratuit de certaines emprises immobilières appartenant à l’État au profit de collectivités territoriales qui les transformeraient en logements sociaux et qui concernent le projet de programme de logements sociaux de la ville de Paris, constituent un facteur de risque supplémentaire pour le ministère de la Défense, réduisant potentiellement la valeur des biens mis en vente. À ce jour, certaines cessions sont en effet suspendues, car conditionnées aux modalités de mise en œuvre de cette loi.

Les rapporteurs considèrent que ces deux dispositifs, légitimes mais entrant en contradiction avec la logique des recettes exceptionnelles, ont eu, du fait de la non-compensation des parts de recettes afférentes pour le ministère de la Défense, un effet significativement négatif sur le niveau total des recettes issues de cessions d’emprises immobilières.

Pour faire face aux aléas liés à l’encaissement, des recettes tant immobilières que de cessions de fréquences, le ministère a procédé aux ajustements nécessaires pour garantir la soutenabilité de sa programmation à travers notamment des retards des commandes et des livraisons.

c. Les perspectives de recours aux ressources exceptionnelles dans la prochaine LPM

L’article 5.1. « Nature des ressources » du rapport annexé au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale envisage de continuer à faire reposer une partie de l’effort de financement sur des ressources exceptionnelles.

Cette option semble inévitable mais il convient de souligner qu’il est prévu un montant de 6,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles sur la période 2014-2019, donc très supérieur à celui prévu (3,7 milliards d’euros) pour la LPM 2009-2014.

Dans ces conditions, il convient de tirer certaines leçons de la période 2009-2014 :

– les ressources immobilières sont incertaines lorsqu’elles reposent sur des lots particulièrement atypiques. Il pourrait sembler périlleux de reconduire les espérances de recettes liées à la cession de l’îlot Saint Germain par exemple ;

– la nature des ressources compte peu, au contraire de la fiabilité de leur calendrier de perception ;

– les règles comptables organisant l’engagement de ces ressources doivent impérativement être simplifiées afin de permettre au ministère de la Défense d’organiser le plus librement possible sa politique d’acquisition.

Les rapporteurs considèrent que ces ressources exceptionnelles peuvent représenter une solution ponctuelle pour financer un surcroît de dépenses présentant également un caractère exceptionnel, sous réserve d’être programmées de manière sincère et prudente tant en termes de montant que de calendrier, et qu’elles présentent l’intérêt de comporter une incitation, pour le ministère cédant, à valoriser son patrimoine matériel et immatériel.

Le recours à de telles ressources extrabudgétaires, par nature limitées dans le temps, ne saurait cependant constituer le moyen de financer une dépense pérenne, dans la mesure où elles demeurent incertaines dans leur montant et dans leur calendrier de réalisation et qu’elles constituent donc un risque pour l’exécution de la prochaine loi de programmation militaire.

Ce risque n’est purement hypothétique puisqu’il semblerait (73) qu’une étude technique sur la vente par l’État de la bande des 700 MHz (30 % des fréquences audiovisuelles disponibles) indique que l’opération ne pourra pas être effective avant 2016. Ce constat vaut aussi pour la mise aux enchères des fréquences 4G, du fait de la durée des appels d’offres et des contraintes réglementaires européennes

Afin d’atteindre le montant prévu de ressources exceptionnelles affectées à la mission « Défense » et d’éviter ce risque, le projet de loi relatif à la programmation militaire 2014-2019 élargit les ressources potentielles qui pourront être mobilisées, en y incluant notamment, à côté des désormais traditionnelles cessions immobilières et de fréquence, un nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA) au bénéfice de l’excellence technologique de l’industrie de défense, financé par le produit de cessions de participations d’entreprises publiques.

La direction du Budget a appelé l’attention des rapporteurs sur le fait que les produits de ces cessions de participations financières de l’État ne pourraient, aux termes de la LOLF, qu’être réinvestis (éventuellement dans le domaine de la défense, à condition que ces investissements soient avisés) ou affectés au désendettement de l’État, mais qu’en aucun cas ils ne sauraient être directement employés pour financer des dépenses courantes du ministère de la Défense. Par ailleurs de telles cessions se traduiraient par une perte définitive de dividendes pour le budget de l’État. Enfin, l’utilisation au profit exclusif de la Défense de ces produits de cessions risque de faire peser un risque de soutenabilité sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » (CAS PFE), qui devra faire face prochainement à d’importants besoins de financements.

L’article 5.1. « Nature des ressources » du rapport annexé dispose également que « dans l’hypothèse où le montant de ces recettes exceptionnelles, ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants pourraient être affectés au budget de la Défense feraient l’objet d’une modification substantielle, ayant une conséquence significative sur le respect de la programmation, d’autres recettes exceptionnelles seront mobilisées ».

Les rapporteurs se félicitent en revanche que le projet de loi prévoit également, dans l’hypothèse inverse où le montant des ressources exceptionnelles disponibles sur la période 2014-2019 excéderait 6,1 milliards d’euros, que l’excédent, à concurrence de 0,9 milliard d’euros supplémentaire, puisse bénéficier au ministère de la Défense.

6. Comment améliorer la prise en compte budgétaire des OPEX compte tenu de leur caractère imprévisible ?

La LPM 2009-2014 a fixé, dans l’article 6.3 de son rapport annexé, les modalités de financement des opérations extérieures (OPEX), lequel obéit à une méthode particulière de budgétisation.

Cet article insiste sur le fait qu’il convient « d’éviter que le financement des opérations extérieures ne pèse sur la réalisation de la programmation des investissements », se fixe en conséquence comme objectif « un niveau de budgétisation suffisant, assorti d’une meilleure identification des surcoûts » liés aux opérations extérieures (OPEX), précise l’évolution du « montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures » en disposant que celle-ci « portée à 510 M€ en 2009, sera augmenté de 60 M€ en 2010 puis de 60 M€ en 2011 » et indique qu’« en gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».

Il convient donc d’examiner si ces grandes orientations ont bien été respectées dans l’exécution de la LPM 2019-2014.

a. L’évolution du montant de la provision budgétaire au titre des surcoûts OPEX

La dotation au titre des surcoûts des opérations extérieures, inscrite en loi de finances initiale et figurant dans le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX du programme 178 « Préparation et emploi des forces », ne constitue pas un objectif pour le financement des OPEX, dont l’article 6.3 précité rappelle néanmoins la nécessité « d’une maîtrise du coût », mais une simple provision pour couvrir les dépenses supplémentaires, dénommées « surcoûts OPEX », correspondant globalement à l’écart entre le coût des forces engagées en OPEX et ce qu’elles auraient coûté en métropole.

SURCOÛT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Source : Annuaire statistique de la Défense 2012/2013, ministère de la Défense.

Ces données mettent en évidence que le montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures inscrite en loi de finances initiale est en forte progression depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, puisqu’il a été multiplié par 3,6.

Son évolution est parfaitement conforme à celle prévue par la loi de programmation militaire pour 2009-2014 qui définissait les montants des dotations prévues pour les OPEX pour les années 2009 à 2011, avec une augmentation de 60 millions d’euros tous les ans. La trajectoire de la LPM a donc été respectée sur ce point en 2011 et 2012.

En 2012, cette provision a représenté 72 % du montant des surcoûts OPEX de l’année (51 % en 2011 – année atypique en raison de l’opération Harmattan en Libye –, 66 % en 2010) contre seulement 59 % en 2009 en début de LPM.

Ce taux de couverture permet au ministère de financer les opérations jusqu’à la mise en œuvre du mécanisme de couverture du solde des surcoûts par financement en cours de gestion prévue par la LPM. Concrètement, ce financement complémentaire est réalisé par décrets portant ouverture de crédits à titre d’avance (dits DA-OPEX) et par les lois de finances rectificatives. Le ministère de la Défense bénéficie ainsi d’une source externe pour financer le surcoût des opérations extérieures au-delà de la provision en loi de finances initiale et des éventuels remboursements des organisations internationales (l’ONU et l’Union européenne principalement). D’après les informations recueillies par les rapporteurs, il a été décidé, depuis 2012, de responsabiliser le ministère de la Défense et de l’inciter à une maîtrise des surcoûts OPEX en le faisant contribuer aux ouvertures interministérielles à la hauteur de sa quote-part dans la mise en réserve interministérielle. Ce mécanisme s’inscrit parfaitement dans la logique de « maîtrise du coût des opérations extérieures » affirmée par l’article 6.3 du rapport annexé de la LPM.

Cependant, on ne peut que constater que le montant de cette provision est systématiquement insuffisant depuis 2009 pour couvrir les surcoûts OPEX. On peut donc s’interroger sur le fait de savoir si le montant de ces provisions correspond bien à l’objectif défini par la LPM d’un « niveau de budgétisation suffisant », même si le caractère aléatoire du surcoût des OPEX, qui tient à la part d’imprévisibilité des opérations liée à l’évolution du contexte politique sur les théâtres d’opération (regain de tensions, changement de dispositif, désengagement comme en Afghanistan, contexte multinational et interallié) et au déclenchement d’opérations nouvelles (Harmattan en 2011 et Serval en 2013 par exemple), ne peut être nié. À cet égard, la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-238-DC souligne la forte fluctuation de dépenses liées à des opérations dont la prévisibilité est faible et admet que le législateur n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, au regard du principe de sincérité budgétaire.

Il n’en reste pas moins que les surcoûts liés aux opérations extérieures sont restés en moyenne à 961,5 millions d’euros par an sur la période 2009-2012. Ce décalage récurrent par rapport aux prévisions ne devrait-il pas conduire dans ces conditions à une réévaluation de la dotation initiale ?

Les rapporteurs ne partagent pas le point de vue exprimé lors de son audition par le directeur du Budget, M. Julien Dubertret, selon lequel la question de l’augmentation de cette provision ne se pose plus, dans la mesure où le désengagement du théâtre afghan devait conduire à une stabilisation du montant des surcoûts liés aux opérations extérieures, voire à une décrue.

Ils partagent en revanche son appréciation selon laquelle, au regard notamment de l’opération Serval au Mali, il serait imprudent de réduire cette provision en deçà de son niveau actuel de 630 millions d’euros dans la mesure où, compte tenu des risques géostratégiques actuels et au vu d’une exécution qui n’est jamais descendue en deçà de 528 millions d’euros sur les 10 dernières années, une telle réduction risque d’entraîner un appel important à la solidarité interministérielle, alors que les crédits de hors titre 2 des ministères subissent d’ores et déjà une contrainte très élevée.

L’idéal serait peut-être, pour les années à venir, de prévoir des clauses de réexamen des besoins en cours d’exercice, en associant pleinement le Parlement à leur évolution. Mais, par définition, il conviendra de conserver un régime souple afin de gérer les sollicitations sur le théâtre, qui dépendent avant tout de décisions politiques.

Les rapporteurs préconisent en conséquence de maintenir a minima la dotation OPEX prévue en loi de finances au niveau actuel de 630 millions d’euros.

Ils constatent néanmoins que l’article 5.3 du rapport annexé au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale retient un montant de seulement 450 millions d’euros pour la dotation prévisionnelle et que les modalités de financement des surcoûts OPEX sont sensiblement modifiées puisque le même article dispose qu’« en gestion, les surcoûts nets non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures maintenues en 2014 seront financés sur le budget de la mission “Défense”. En revanche les surcoûts nets (hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales) non couverts par cette dotation qui résulteraient d’opérations nouvelles, de déploiements nouveaux ou de renforcements d’une opération existante en 2014 feront l’objet d’un financement interministériel ».

b. L’identification et la méthodologie retenue pour le calcul des surcoûts OPEX

Sur le plan formel, la composition des surcoûts est fixée par une instruction du 25 mai 1984 toujours en vigueur qui fait l’objet de travaux interministériels périodiques d’actualisation. Les rapporteurs ont parfois eu l’impression que la méthodologie retenue pour le calcul du surcoût des opérations extérieures faisait parfois l’objet de désaccord entre le ministère de la Défense et Bercy, le ministère du Budget, à la différence de l’état-major des armées, s’en tenant apparemment à une définition très restrictive du coût des opérations extérieures, considéré principalement sous l’angle des rémunérations et des frais de fonctionnement.

Si, dans les réponses écrites au questionnaire que lui a adressé les rapporteurs, le ministère du Budget affirme que « les modalités de calcul ne font aujourd’hui plus l’objet de débats entre le ministère de la Défense et celui du budget et les méthodes de calcul présentées par le ministère de la Défense sont de facto retenues » et qu’« aucune évolution n’est envisagée à ce stade », celui-ci admet toutefois que « certaines dépenses sont calculées a posteriori et ne sont pas contre-expertisables par la direction du budget. C’est le cas du maintien en condition opérationnelle (MCO), des munitions, ou de l’entretien programmé du personnel (EPP), qui ne sont pas imputées dans le BOP OPEX, mais fongibilisées au sein des différents BOP ministériels et restitués ex post de manière extrabudgétaire par le ministère », ce qui peut être une source potentielle de conflit.

Ces surcoûts comprennent principalement deux types de dépenses :

1. des dépenses directement engagées au titre des forces en opération :

– des surcoûts de solde en OPEX (titre 2) : indemnités de sujétion de service à l’étranger (ISSE OPEX) représentant en moyenne 3 000 euros par homme et par mois ;

– des dépenses de fonctionnement (titre 3), dont notamment les transports de personnels et de matériels entre les théâtres et la métropole, le soutien au stationnement des forces (installation et sécurité de celles-ci), les télécommunications, le soutien courant (alimentation, fonctionnement courant des emprises, dont externalisation le cas échéant) ;

– des surcoûts d’approvisionnement en carburant ;

– des dépenses d’intervention (titre 6) qui sont notamment les contributions françaises aux budgets de l’OTAN ainsi qu’au mécanisme de financement des opérations militaires de l’Union européenne.

2. Des dépenses correspondant essentiellement à des consommations sur stocks :

– de l’entretien programmé du matériel (maintien en condition opérationnelle) ;

– de l’entretien programmé du personnel (habillement et effets de protection) ;

– des munitions consommées en OPEX.

La première catégorie de dépenses est directement imputée au BOP OPEX du programme 178. La deuxième est préfinancée par les armées et retracées ex post à partir des consommations constatées. La somme des deux agrégats constitue le surcoût OPEX de l’année considérée.

Lorsque le surcoût dépasse la provision inscrite en loi de finances initiale, le mécanisme d’abondement interministériel de complément prévu à l’article 6.3 du rapport annexé précité s’applique. Au titre des d’opérations extérieures, l’armée de l’air a par exemple bénéficié en 2011 d’une ouverture de crédits complémentaires (101,7 millions d’euros pour l’EPM aéronautique) compensant les surcoûts notamment liés à Harmattan tandis qu’en 2012, ses ressources ont bénéficié du remboursement par décret d’avance (35,51 millions d’euros) des dépenses supplémentaires générées par les théâtres extérieurs, principalement l’Afghanistan.

La Cour des comptes souligne toutefois que « ce mode de financement présente des risques de tension en gestion, lorsque les crédits arrivent trop tardivement pour être consommés et doivent être reportés l’année suivante », ce qui ne permet pas toujours de réemployer la ressource à temps.

L’état-major de la marine a confirmé que toute mission non permanente de la marine non couverte par le BOP OPEX se traduit par une charge supplémentaire non budgétée. Si le report de cette charge n’est pas suffisamment abondé, il s’ensuit mécaniquement un moins-perçu sur le BOP marine qui, au fur et à mesure, appauvrit la capacité de la marine à régénérer ses équipements et sa préparation opérationnelle.

c. Le mécanisme de financement des OPEX a-t-il réellement permis d’éviter que le financement de celles-ci ne pèse sur la réalisation de la programmation des investissements

Comme le note la Cour des comptes dans un récent rapport public thématique sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire (LPM) 2009–2014, ce mécanisme « a limité l’impact constaté dans le passé sur les budgets d’équipement », qui avaient dû être réduits de 732 millions d’euros dans les années 2006 à 2008 pour compenser les surcoûts liés aux opérations extérieures.

Lors de leur audition, les chefs d’états-majors des armées ont toutefois appelé l’attention sur le fait que les montants alloués étaient parfois insuffisants pour couvrir in fine la totalité des surcoûts et que ce sous-financement des opérations extérieures risquait, dans un contexte budgétaire déjà particulièrement tendu pour les armées, de se traduire par des restrictions regrettables sur l’entretien programmé des matériels et des personnels.

Il convient de souligner que la Cour des comptes leur donne implicitement raison en indiquant notamment qu’en 2009, le mécanisme de couverture des surcoûts liés aux opérations extérieures « n’a pas permis de couvrir en totalité le surcoût et 59 millions d’euros sont demeurés à la charge de la Défense ».

L’état-major de la marine a ainsi indiqué, qu’au titre de 2011, les 33 millions d’euros de crédits de paiements manquants pour couvrir la totalité des surcoûts OPEX ont créé une charge non financée sur les gestions 2012 et 2013. Pour 2012, malgré un abondement de 26 millions d’euros (AE et CP) au titre du remboursement des surcoûts OPEX et de 18 millions d’euros (AE seulement) au titre de la clause de sauvegarde (74) carburant, l’absence de couverture en CP des surcoûts de carburants opérationnels induit une charge supplémentaire de même montant sur la gestion 2013. Des ressources donc ont dû être réorientées en gestion à partir des opérations stratégiques « entretien programmé du personnel » et « équipements d’accompagnement et de cohérence » vers l’OS « activités et fonctionnement des armées », afin de couvrir les dépenses les plus urgentes, au détriment des investissements.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense pour les exercices 2011 et 2012 au cours de sa réunion du mercredi 18 septembre 2013.

Un débat suit l’exposé des rapporteurs.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. La hausse des dépenses de personnels, dont vous indiquez qu’elle a atteint plus d’un milliard d’euros sur la période 2008-2011, s’est-elle poursuivie en 2012, si l’on met à part l’impact des dysfonctionnements de Louvois ?

Par ailleurs, avez-vous évalué précisément l’impact financier de la hausse du taux d’encadrement ?

Mme Sylvie Pichot. La précédente LPM ne comportait pas de « clause de revoyure », contrairement à la prochaine, qui en prévoit une pour 2015. En quoi l’absence d’une telle clause a-t-elle été préjudiciable à la bonne exécution de la précédente LPM, et qu’en attendez-vous pour la prochaine ?

M. François André, rapporteur. Les dépenses de personnel se sont élevées à 20 milliards d’euros en 2012, contre 19,5 milliards d’euros en 2011 : elles ont donc bien continué à progresser. Leur pilotage se heurte à des inerties puissantes, malgré les déflations d’effectifs opérées. C’est, en quelque sorte, un paquebot difficile à manœuvrer…

Il n’est pas possible à ce jour de chiffrer précisément les erreurs de calcul du système Louvois.

S’agissant du surcoût lié au repyramidage des effectifs, il faut se garder de dénoncer trop vite le risque de voir nos forces se transformer en « armée mexicaine » ! La réponse doit être nuancée. En effet, certaines missions nouvelles ou renforcées appellent des compétences de pointe et justifient ainsi le recrutement de personnels de haut niveau : officiers, ingénieurs, cadres civils de catégorie A. C’est le cas notamment en matière de cyberdéfense. Tout cela plaide en faveur d’un contrôle précis, approfondi et permanent de l’évolution des dépenses de personnel du ministère.

M. Philippe Vitel. Entre 2010 et 2012, la masse salariale a crû de 2 % par an. On espère une stabilisation en 2013. Ce phénomène peut s’expliquer par une professionnalisation encore inaboutie dans certains domaines, mais il est plus difficilement justifiable dans d’autres secteurs.

La LPM porte sur six exercices, c'est-à-dire deux budgets triennaux. Il est logique que la « clause de revoyure » intervienne à l’échéance du premier triennal de la programmation, sauf accident brutal du type de celui que l’on a connu avec la crise économique de 2010.

M. Christophe Léonard. La précédente LPM a été globalement respectée dans les premières années, puis l’écart s’est creusé entre les prévisions et les réalisations. La Cour des comptes montre que cet écart s’explique en partie par les conséquences de la crise. Dans la construction de la prochaine LPM, il nous faut donc tirer toutes les leçons du passé. La précédente était-elle ab initio irréaliste ?

M. Jean-Jacques Candelier. Constater qu’entre 2009 et 2013, la masse salariale a continué de progresser alors que l’on supprimait 40 000 postes montre un dysfonctionnement grave dans le contrôle de ces dépenses. Il en va de même des recettes exceptionnelles : elles n’ont pas été suivies, ni contrôlées avec suffisamment de sérieux – tout gestionnaire d’une collectivité locale ne peut qu’être choqué de cette légèreté.

S’agissant de la dissuasion, compte tenu de son coût certain, je crois qu’il serait utile, dans le long terme, de réfléchir à un désarmement multilatéral.

M. François André, rapporteur. Les écarts entre les réalisations et les prévisions s’expliquent à la fois par la conjoncture, c’est incontestable, mais aussi par des raisons plus structurelles.

Mon point de vue personnel est le suivant : pour construire une LPM, on a le choix entre deux stratégies. D’une part, celle retenue en 2009, qui consiste à fixer des objectifs ambitieux puis à les revoir à la baisse. D’autre part, celle qui sous-tend la future LPM, qui consiste à fixer des objectifs modestes, tout en ouvrant la voie à une révision en cours de programmation en cas de retour à meilleure fortune.

En tout état de cause, j’attache beaucoup d’importance au principe de sincérité budgétaire. Et lors de nos déplacements, nous avons pu constater quel impact négatif a sur le moral des armées le décalage entre des ambitions très hautes et des moyens qui ne suivent pas…

M. Philippe Vitel, rapporteur. La LPM 2009-2014 était très ambitieuse : elle constituait le fil conducteur d’un plan de réorganisation et de restructuration sans équivalent dans l’histoire récente de nos armées. Nous avons ainsi mené à bien la fermeture de 80 régiments, la création des bases de défense, etc. tout en conservant un outil opérationnel performant et un haut niveau d’engagement.

Rien n’était évident au départ dans cette manœuvre ambitieuse : on a appris en marchant, et nous avons ainsi pragmatiquement constaté que l’outil opérationnel n’était nullement affecté par les 32 000 premières suppressions de postes. Les contraintes budgétaires et l’engagement de nos forces dans des conflits de haute intensité nous ont conduits à des réajustements. Mais dans l’ensemble, la LPM 2009-2014 n’a pas été mal exécutée.

Quant au pyramidage des effectifs, on peut le voir comme un problème, mais il faut aussi rappeler que la promotion sociale et professionnelle de certaines catégories de personnels est une bonne chose. À titre d’exemple, je crois que la promotion de certains corps de techniciens au rang d’ingénieurs est une bonne chose.

M. Alain Moyne-Bressand. Vous n’avez pas évoqué le projet Balard : avez-vous des informations à nous communiquer à son sujet ? Est-ce que le retard de livraison va influer sur le calendrier des cessions immobilières prévues ?

M. Jacques Lamblin. Vous avez parlé tout à l’heure de l’évolution de la masse salariale : alors qu’on attendait une économie de 1,2 milliard d’euros sur la période, on est arrivés à un surcoût d’un milliard d’euros ! J’aimerais savoir si les chiffres cités sont en euros constants ou en euros courants. Alors que le point d’indice de la fonction publique avait été gelé ces dernières années, je me demande en effet comment le ministère pourra faire face à une éventuelle augmentation dans les années qui viennent.

Par ailleurs, j’aimerais vous interroger sur l’augmentation envisagée de la budgétisation intiale des OPEX. Ne craignez-vous pas qu’en cas de sous-consommation, les crédits soient retirés du budget de la défense l’année suivante ?

M. François André, rapporteur. Le projet Balard entrait dans le champ d’investigation de nos collègues Geneviève Gosselin-Fleury et Damien Meslot, qui nous ont présenté leur rapport la semaine dernière, davantage que dans le nôtre.

Les chiffres cités dans notre rapport sont en euros constants. L’évolution de la masse salariale doit faire l’objet d’un contrôle plus régulier, à la fois de la part de l’administration et de notre part.

Concernant les montants dédiés aux OPEX, il pourrait y avoir effectivement un risque de voir les crédits non consommés supprimés l’année suivante. Il faudra donc appuyer le ministère de la Défense pour faire en sorte que les crédits restants soient reversés à son budget.

M. Philippe Vitel, rapporteur. Les montants consacrés aux OPEX oscillent entre 580 et 630 millions chaque année et il est important qu’une part de leur financement demeure interministérielle.

Pour revenir sur la question de la masse salariale, il ne faut pas voir que des éléments négatifs dans cette augmentation – même si le repyramidage a donné lieu à des résultats étonnants. De nombreuses promotions étaient justifiées et des embauches de personnels civils hautement qualifiées nécessaires. Il y a eu donc une hausse globale des compétences sur cette période. Je suis d’accord avec mon collègue François André pour dire que le contrôle parlementaire doit être plus vigilant.

M. Philippe Nauche, président. Il nous reste peu de temps et je remercie Sylvain Berrios d’avoir renoncé à son temps de parole.

Mme Edith Gueugneau. Je voudrais revenir sur la ligne budgétaire consacrée aux OPEX. Elle était de 630 millions d’euros l’année dernière mais ne sera que de 450 millions dans le projet de LPM. Comment s’établissent les prévisions, alors que le niveau des OPEX est, par définition, peu prévisible ?

M. Christophe Guilloteau. Avez-vous étudié l’hypothèse, parfois évoqué, qui consisterait à retirer un des quatre SNLE chargés de la dissuasion ?

Je m’interroge sur le montant très élevé des recettes exceptionnelles prévues par le projet de LPM, 6,3 milliards d’euros. On se souvient que notre ancien collègue, Bernard Cazeneuve avait le même type de craintes, justifiées, lors de la discussion de la précédente LPM. Pensez-vous que ces prévisions de recettes sont tenables ?

M. François André. La sincérité des prévisions budgétaires nous conduirait à retenir pour les OPEX un chiffre plus proche de 630 millions que de 450 millions d’euros. Pourquoi ce chiffre de 450 a-t-il été retenu ? C’est un point que nous devrons éclaircir avec le ministère de la Défense.

M. Philippe Vitel. Nous avons besoin de quatre SNLE pour assurer la permanence à la mer de notre dissuasion. Combiné avec les six SNA, il s’agit d’un format cohérent qu’il convient de préserver.

*

* *

La commission, à l’unanimité, autorise le dépôt du rapport d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la Défense pour les exercices 2011 et 2012 en vue de sa publication.

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées par la mission d’information

Ø Table ronde du 23 avril 2013 :

– général Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées ;

– M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l’administration ;

– M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement.

Ø CEMAA – général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air.

Ø CEMAT – général Bertrand Ract Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre.

Ø CEMM – général Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine.

Ø DGA – M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, M. Guillaume Vega, conseiller technique, M. François Coté, directeur plan programme budget, M. Jacques Cousquer, chargé de mission « dissuasion ».

Ø Direction du Budget – M. Julien Dubertret, directeur, M. Arnaud Phelep, sous-directeur, et M. Julien Alix, chef du bureau défense.

Ø Cour des comptes – M. Gilles-Pierre Lévy, président de la deuxième chambre, Mme Françoise Saliou, conseillère-maître, présidente de la 1ère section, et M. Jean-Eudes Picard, auditeur.

Ø M. Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires au CEA, M. Patrick Donguy, directeur contrôle et gestion, Mme Anne Falanga, adjointe au directeur et M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du Service des Affaires publiques - chargé des Relations avec le Parlement, Mme Emmanuelle Volant, assistante communication.

Ø EMA – général de division Le Ray, chef de la division « plans, programmation, évaluation », spécialiste des questions financières au sein de l’EMA, colonel Gournay, et Lieutenant colonel Montvoisin.

Ø Général de corps d’armée de Saint Salvy, sous-chef d’état-major « ressources humaines ».

Ø SIMMAD – GCA Michel Pinaud, directeur central.

Ø SIMMT –  GCA Dominguez, directeur la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres.

Ø SSF – M. François Pintart, ingénieur général HC de l’armement,  directeur central, et Mme Fabienne Maguet, capitaine de frégate, chef de cabinet et le capitaine de frégate Djanny Rabaud.

1 () Rapport d’information n° 3664 par la commission de la défense nationale et des forces armées, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 13 juillet 2011, en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 22 juin 2010 sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour l’exercice 2010 et présenté par M. Guy Teissier, député.

2 () Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2013, la Documentation française, mai 2013.

3 () Cour des comptes, Le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire, rapport public thématique, juillet 2012.

4 () En 2011, la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour l’exercice 2012 a ainsi souhaité mettre l’accent sur cinq thèmes spécifiques : la consommation des crédits d’investissement qui regroupent à la fois les dépenses d’équipement et celles d’infrastructures ; la mise en œuvre du progiciel CHORUS et ses conséquences sur les intérêts moratoires ; le financement des opérations extérieures ; la situation des personnels avec un premier bilan de la réforme et l’avenir de l’hôtel de la marine.

5 () Rapport d’information n°1244 par la mission d’information commune à la commission de la Défense nationale et des forces armées et à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur l’exécution des crédits 2012 sur le programme 146 « Équipement des forces », enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juillet 2013 et présenté par MM. Jean-Jacques Bridey et François Cornut-Gentille, députés.

6 () Rapport d’information n°1353 par la mission d’information de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 septembre 2013 et présenté Mme Geneviève Gosselin-Fleury et M. Damien Meslot, députés.

7 () Louis Gautier, La défense de la France après la guerre froide, Presses universitaires de France, 2009.

8 () MM. Éric Trappier (Dassault), Patrick Boissier (DCNS), Marwan Lahoud (EADS France), Antoine Bouvier (MBDA), Philippe Burtin (Nexter Systems), Jean-Paul Herteman (Safran) et Jean-Bernard Lévy (Thales).

9 () Frégates multimissions.

10 () Avion de transport militaire polyvalent conçu par Airbus Military.

11 () Multi-role transport tanker - avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport.

12 () Véhicule blindé de combat d’infanterie.

13 () Programme fantassin à équipement et liaisons intégrés (FÉLIN).

14 () En matière immobilière, l’article 47 de la loi de finances pour 2006 a mis en place un régime dérogatoire, jusqu’au 31 décembre 2014, exonérant le ministère de la Défense de la contribution au désendettement de l’État à laquelle sont soumis les autres ministères pour des opérations de même nature tandis que l’article 55 de la loi de finances pour 2009 a prévu un dispositif équivalent pour ce qui concerne les fréquences hertziennes.

15 () Forces prépositionnées.

16 () Groupe aéronaval

17 () Groupe amphibie

18 () Groupe d’action maritime

19 () Groupe de guerre des mines

20 () Moyenne Altitude Longue Endurance.

21 () Plafond ministériel des emplois autorisés.

22 () Journée de préparation et d’activités opérationnelles. On distingue les « journées d’activité opérationnelle » (JAO) et les « journées de préparation opérationnelles » (JPO). La somme des JAO et des JPO forment les JPAO, mesure de l’activité opérationnelle réelle du militaire.

23 () Le ministère de la Défense conduit chaque année une révision du référentiel (le référentiel est un tableau actualisé et détaillé des échéanciers physiques et financiers sur la période de programmation, des opérations relevant du budget de la défense, classées par types - études, développements et fabrications - de la programmation. Il peut ainsi, dans la limite de ses responsabilités, actualiser ce référentiel de façon à optimiser la réalisation de la loi en cours. La procédure de VAR (Version actualisée du référentiel) donne une plus grande souplesse au dispositif de la LPM.

24 () Systèmes d’information et de communications.

25 () Activités et fonctionnement des armées.

26 () Plafond ministériel des emplois autorisés.

27 () Recherche et sauvetage au combat.

28 () Bâtiment de soutien logistique.

29 () Système de lutte anti-mines futur.

30 () Avions de surveillance et intervention maritime (avions Falcon 50, Guardian ou équivalent) et bâtiments de surveillance et intervention maritime (patrouilleurs hauturiers).

31 () Bâtiments de surveillance et intervention maritime.

32 () Missile antinavire léger.

33 () Système de drone aéromaritime.

34 () Missile Exocet.

35 () Hélicoptère interarmées léger.

36 () Bâtiment de soutien et d’assistance hauturier.

37 () Bâtiments multi-missions.

38 () Programme de missiles anti navires légers.

39 () Super-Étendard modernisé.

40 () Bâtiment de transport léger.

41 () Chasseurs de mines tripartites.

42 () Dépenses de personnel.

43 () L’ETPT est l’unité de décompte dans laquelle sont exprimés à la fois les plafonds d’emplois et les consommations de ces plafonds. Ce décompte est proportionnel à l’activité des agents, mesurée par leur quotité de temps de travail et par leur période d’activité sur l’année.

44 () Le triennal comprend des recettes exceptionnelles jusqu’en 2013 (1,27 milliard d’euros cette année- là) et stabilise les crédits budgétaires de la mission à 30,15 Md€ pour la période 2013-2015; la ligne exécution présente pour 2013 le montant de la LF1 2013 et pour 2014 et 2015 le montant du triennal budgétaire 2013-2015.

45 () Les charges étatiques de démantèlement des anciennes installations nucléaires de défense sont financées à partir d’un fonds spécifique, hors budget défense.

46 () Avec son programme de simulation, la France a environ divisé par deux son budget consacré à la validation et à l’entretien de ses armes nucléaires en comparaison avec la technique des essais réels réalisés jusqu’en 1996 dans le Pacifique.

47 () Dans un texte publié par Le Monde, dans son édition datée du 15 septembre 2009, les deux anciens Premiers ministres Michel Rocard et Alain Juppé disent leur conviction que l’arme nucléaire a fait son temps et qu’il convient d’en « réexaminer le rôle ».

48 () « Nucléaire, un mensonge français – réflexions sur le désarmement nucléaire », Paul Quilès, éditions Charles Léopold Mayer, juin 2012.

49 () États-Unis d’Amérique, Fédération de Russie, Chine, Royaume Uni et France.

50 () La force de dissuasion britannique ne repose par exemple que sur une seule composante océanique.

51 () Missile ASMPA (air-sol moyenne portée amélioré).

52 () Missile ASMP (air sol moyenne portée).

53 () La tête nucléaire aéroportée (TNA), conçue et réalisée par la direction des applications militaires du CEA, est l’ogive thermonucléaire française qui équipe le missile de croisière ASMPA

54 () Avis n°3401de Monsieur Marc Joulaud sur le projet de loi n°3385 autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, déposé le 10 mai 2011.

55 () Rapport d’information n°668, enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2012, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées par le groupe de travail sur l’avenir des forces nucléaires françaises et présenté par MM. Didier Boulaud et Xavier Pintat.

56 () Il s’agit de toutes les dépenses récurrentes de personnel liées à l’évolution des effectifs et à l’évolution des rémunérations récurrentes.

57 () Il s’agit des dépenses de titre 2 non récurrentes comme l’indemnisation au titre du chômage et de l’amiante ou les différentes mesures d’incitation au départ volontaire dans le cadre des restructurations.

58 () Outre-Mer et étranger.

59 () Prime de haute technicité.

60 () Prime de qualification.

61 () Nouvelle bonification indiciaire.

62 () Logiciel Unique à Vocation Interarmées de la Solde.

63 () À Brest-Lorient et Toulon, les fonctions d’EMSD sont assurées par la BdD.

64 () 51 bases de défense en métropole et neuf bases de défense outre-mer.

65 () Sénat, rapport d’information n° 660 (2011-2012) sur la mise en place de la réforme des bases de défense de MM. Gilbert Roger et André Dulait, fait au nom de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, 11 juillet 2012.

66 () N° 60 366 du 7 mars 2011.

67 () Sénat, rapport d’information n° 660 (2011-2012) sur la mise en place de la réforme des bases de défense de MM. Gilbert Roger et André Dulait, fait au nom de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, 11 juillet 2012.

68 () Le Rapport public annuel 2011 de la Cour des comptes est ainsi consacré à « un premier bilan des externalisations au ministère de la Défense ».

69 () Hors équipages embarqués et personnels affectés dans les états-majors organiques (EMM, ALFAN, ALFOST) (environ 12 000 effectifs)

70 () La maintenance désigne les actions d’entretien, de réparation, de révision, de contrôle des équipements militaires. Les opérations de maintenance sont effectuées en interne : dans les forces et dans les services techniques des armées (ateliers de la flotte, ateliers aéronautiques, service de la maintenance industrielle terrestre) et/ou en externe auprès des industriels.

71 () Système d’information financière intégré commun à toutes les administrations centrales et déconcentrées de l’État.

72 () La BITD est composée des unités qui concourent à la production des systèmes d’armes et des équipements létaux, de la recherche et développement jusqu’à l’entretien.

73 () La lettre Action publique, N°1604 du 5 septembre 2013.

74 () L’article 6.2 (« La sécurisation des crédits d’activité et d’entraînement des forces » du rapport annexé de la LPM 2009-20014 dispose qu’« en cas de hausse du coût constaté des carburants opérationnels, le budget du ministère de la défense fera l’objet de mesures de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation opérationnelle des forces ».


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