N° 2333

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
EN NOUVELLE LECTURE


visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires
et à améliorer l’accompagnement des victimes (n° 2308)

PAR Mme Brigitte LISO

Députée

——

 

 

 

 

 

 

 

 Voir les numéros :

Sénat :   1ère lecture : 111, 200, 201 et T.A. 44 (2023-2024).

  Commission mixte paritaire : 404 et 405 (2023-2024)

Assemblée nationale :  1ère lecture : 2014, 2157 et T.A. 241.

  Commission mixte paritaire : 2306

 


 


SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

commentaire des articles

Chapitre Ier A Consacrer les pouvoirs et le rôle de l’administration chargée de la mise en œuvre de la politique de prévention et de la lutte contre les dérives sectaires

Article 1er A (art. 21 bis [nouveau] de la loi n° 2001-504 du 21 juin 2001) Statut législatif de la MIVILUDES

Article 1er BA (art. L. 132-5 et L. 132-13 du code de la sécurité intérieure) Élargissement aux dérives sectaires de compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Chapitre Ier Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Article 1er B (suppression maintenue) (art. 223152 du code pénal) Circonstance aggravante en cas d’abus de faiblesse  au moyen d’un support numérique ou électronique

Article 1er  (art. 223152, 223153 [nouveau], 223154 et 223155 du code pénal, art. 704 et 70673 du code de procédure pénale, art. L. 4446 du code de l’éducation et art. 19 de la loi n° 2001504 du 12 juin 2001) Singulariser le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse résultant d’un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état

Article 1er bis (art. 1378 octies du code général des impôts) Inéligibilité aux avantages fiscaux des dons faits  au bénéfice d’organismes condamnés pour abus de faiblesse ou sujétion

Article 2 (art. 2214, 2223, 2224, 2228, 22210, 22212, 22213, 22214 et 3132 du code pénal) Introduire une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences  et les escroqueries

Article 2 bis A (art. 225413 du code pénal) Introduire des circonstances aggravantes liées aux dérives sectaires pour les « thérapies de conversion »

Chapitre Ier bis Renforcer la protection des mineurs victimes de dérives sectaires

Article 2 bis (art. 8 du code de procédure pénale) Allongement des délais de prescription applicables en cas d’abus de faiblesse d’un mineur

Article 2 ter (art. 22715 et 22717 du code pénal) Circonstance aggravante des délits de privation d’aliments ou de soins et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur en cas de manquement à l’obligation de déclaration à l’état civil d’un enfant

Article 2 quater (art. 6 de la loi n° 2004575 du 21 juin 2004) Inclusion de l’abus de faiblesse et du délit de sujétion parmi les infractions contre lesquelles doivent lutter les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs de contenus

Chapitre II Renforcer l’accompagnement des victimes

Article 3 (art. 26 et 217 du code de procédure pénale) Étendre les catégories d’associations pouvant se constituer partie civile  en matière d’emprise sectaire

Chapitre III Protéger la santé

Article 4 A (art. L. 4161-5, L. 4223-1 du code de la santé publique,  art. L. 132-2 du code de la consommation) Aggravation des sanctions pour les délits d’exercice illégal d’une profession médicale ou de pratiques commerciales trompeuses commises au moyen de supports numériques et création d’une peine complémentaire de suspension de l’accès au service de plateforme en ligne utilisé pour commettre ces infractions

Article 4  (art. 223-1-2 du code pénal) Création d’infractions réprimant la provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne à un risque grave ou immédiat pour sa santé

a. En séance publique

Article 5 (art. 11-3 du code de procédure pénale) Obligation pour le parquet d’informer l’ordre professionnel en cas de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire d’un professionnel de santé à raison de la commission de certaines infractions

Chapitre IV Assurer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires

Article 6 (art. 157-3 du code de procédure pénale) Permettre la transmission à l’autorité judiciaire de toute information utile sur les phénomènes sectaires

Article 6 bis (art. 226-14 du code pénal) Dérogation au secret médical pour permettre aux professionnels de santé de signaler à l’autorité judiciaire des faits de placement ou de maintien en état de sujétion

Chapitre V Dispositions diverses

Article 7 (art. 711-1 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale) Coordinations outre-mer

Article 8 Remise d’un rapport au Parlement portant sur la mise en œuvre des dispositions de la présente loi dans le domaine de la santé mentale

Article 9 Remise d’un rapport au Parlement portant sur l’usage des titres professionnels par des personnes exerçant des pratiques de santé non réglementées

Travaux de la commission

 


 

Mesdames, Messieurs,

Réunie au Sénat le 7 mars 2024, la commission mixte paritaire a constaté l’absence d’accord entre les deux assemblées sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes. Les divergences entre le Sénat et l’Assemblée nationale sont en effet apparues trop importantes pour pouvoir être conciliées, en particulier s’agissant de la position respective de chaque assemblée sur les articles 1er et 4, qui constituent les deux principales mesures du texte.

L’Assemblée nationale, et telle est également la position de votre rapporteure, considère en effet que ces dispositions sont essentielles pour moderniser et améliorer l’arsenal juridique existant pour lutter efficacement contre les dérives sectaires et mieux protéger leurs victimes.

Dans la mesure où le Sénat a été la première assemblée saisie du projet de loi, la procédure parlementaire conduit à ce que, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale se trouve, en nouvelle lecture, saisie de son propre texte.

Dès lors, à l’exception de certains ajustements, notamment sur l’article 4, le texte adopté par la Commission des Lois correspond à celui adopté en première lecture en séance en février dernier, et votre rapporteure renvoie au rapport de première lecture la présentation détaillée des dispositions autres que celles introduites lors de l’examen du texte en séance ([1]).

Votre rapporteure forme désormais le vœu que ce projet de loi, utilement enrichi par les débats parlementaires puisse être définitivement adopté dans les meilleurs délais afin d’être mis en œuvre le plus rapidement possible, dans l’intérêt de l’ensemble de la société et des victimes de dérives sectaires en particulier.

 


   commentaire des articles

Chapitre Ier A
Consacrer les pouvoirs et le rôle de l’administration chargée de la mise en œuvre de la politique de prévention et de la lutte contre les dérives sectaires

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a modifié l’intitulé du chapitre Ier A pour tirer les conséquences de l’adoption, en première lecture en séance, d’un amendement de Mme Béatrice Descamps (LIOT) à l’article 1er A ([2]).

Adopté par la Commission avec modifications

Introduit par le Sénat, le présent article entend conférer un statut législatif à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES).

  1.   La position du Sénat en première lecture

● Cet article, introduit par le Sénat en commission à l’initiative de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR), consacre dans la loi l’existence et les missions de la MIVILUDES, en y inscrivant les missions actuellement prévues par le décret du 28 novembre 2002 modifié ([3]).

Le dispositif introduit par la commission prévoyait également l’irresponsabilité pénale du président de la MIVILUDES à raison des opinions émises dans le rapport annuel de la mission, et entendait préciser les modalités de recueil et de publication des témoignages et informations par la MIVILUDES.

● En séance, à l’initiative de M. Guy Benarroche (Écologiste – Solidarité et Territoires), le Sénat a complété les missions de la MIVILUDES d’un volet relatif à la coordination de l’action des associations impliquées dans la lutte contre les dérives sectaires et l’accompagnement des victimes, et a prévu l’information de la MIVILUDES sur les travaux conduits dans le domaine des dérives sectaires par les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Tout en validant le principe de la consécration législative de la MIVILUDES, l’Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au dispositif introduit par le Sénat.

  1.   La position en commission

Quatre modifications principales ont été apportées en Commission :

– à l’initiative de votre rapporteure, la Commission a supprimé la mention expresse de l’appellation « MIVILUDES » dans la loi, et a inscrit le dispositif dans la loi dite « About‑Picard » du 12 juin 2001 ([4]) ;

– toujours sur proposition de votre rapporteure, la Commission a supprimé l’irresponsabilité pénale du président de la MIVILUDES, au nom du principe constitutionnel d’égalité devant la loi, et est revenue sur l’exigence que la publication de témoignages par la MIVILUDES dans son rapport annuel doive faire préalablement l’objet de l’accord des personnes dont ils émanent ;

– enfin, à l’initiative M. Philippe Dunoyer, la Commission a expressément précisé que la compétence de la MIVILUDES s’exerce bien sur l’ensemble du territoire national, et donc dans les outre-mer.

  1.   La position en séance

Outre des aménagements rédactionnels réalisés à l’initiative de votre rapporteure ([5]), l’Assemblée, en séance, a procédé à plusieurs modifications de l’article.

● Deux modifications, apportées en suivant les avis favorables de la Commission et du Gouvernement, ont permis de poursuivre les travaux engagés en Commission :

– d’une part, à l’initiative de votre rapporteure, l’Assemblée a créé dans la loi « About-Picard » un nouveau chapitre dédié à la MIVILUDES, accueillant les dispositions introduites par le présent article ([6]) ;

– d’autre part, sur proposition de Mme Béatrice Descamps (LIOT) et plusieurs de ses collègues, la nature de « mission interministérielle » de la MIVILUDES a été expressément inscrite dans la loi ([7]) ;

● Plusieurs autres modifications en séance ont porté sur les missions conférées à la MIVILUDES :

– sur une proposition de Mme Descamps ayant fait l’objet d’un avis favorable de la Commission mais d’un avis défavorable du Gouvernement, l’Assemblée a précisé que l’analyse des mouvements sectaires par la MIVILUDES inclut également les nouvelles formes que ces mouvements peuvent prendre ([8]) ;

– à l’initiative de M. Hervé Saulignac (soc) et plusieurs de ses collègues, malgré les avis défavorables de la Commission et du Gouvernement, l’échange d’informations entre la MIVILUDES et les administrations a été étendu aux enjeux de financements des mouvements sectaires ([9]) ;

– dans le cadre de la mission d’information et de formation des agents publics, ont été expressément mentionnés :

– suivant les avis favorables de la Commission et du Gouvernement et à l’initiative de M. Hadrien Ghomi (RE), un aménagement a été apporté pour préciser les liens entre la MIVILUDES et les associations d’aide et d’accompagnement des victimes de dérives sectaires ([12]).

● Enfin, l’Assemblée a supprimé l’interdiction faite à la MIVILUDES, dans le dispositif introduit par le Sénat, de communiquer des informations n’émanant pas des victimes de dérives sectaires. En effet, la majeure partie des informations recueillies par la MIVILUDES n’émanent pas des victimes, qui n’ont au demeurant pas toujours conscience d’en être, mais de tiers. L’interdiction initialement prévue aurait ainsi pu considérablement entraver l’action de la MIVILUDES.

Cette suppression, adoptée avec les avis favorables de la Commission et du Gouvernement, est le fruit de l’adoption de deux amendements identiques de votre rapporteure et de Mme Desjonquères et des membres du groupe Dém ([13]).

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

● La Commission, en adoptant deux amendements de votre rapporteure, est revenue sur deux des modifications apportées à cet article contre son avis lors de l’examen en séance.

D’une part, la question du financement des mouvements sectaires a été supprimée du champ des échanges d’informations entre administrations organisés par la MIVILUDES. Les modalités de financement de ces mouvements ne relèvent en effet pas de sa compétence, mais de celle de services spécialisés en la matière, tels que Tracfin ([14]).

D’autre part, la Commission a supprimé la mention de certaines catégories d’agents publics que la MIVILUDES forme et informe ([15]) :

– une telle mention, au demeurant parfaitement satisfaite juridiquement par le dispositif et donc superfétatoire, aurait présenté le risque d’une hiérarchisation entre agents publics, ceux n’étant pas mentionnés pouvant alors être vus comme n’étant pas prioritaires ;

– il a été jugé préférable, sur cet aspect du texte, de conserver la rédaction qu’avait adoptée le Sénat, validée par la Commission en première lecture ;

– en tout état de cause, les agents publics qui étaient mentionnés seront, comme les autres, formés et informés par la MIVILUDES, ce dont témoigne d’ailleurs la Stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027, qui vise expressément ces catégories dans son objectif n° 5 ([16]).

● Outre ces modifications de fond, quatre aménagements d’ordre rédactionnel ont été apportés à l’article 1er A, là aussi à l’initiative de votre rapporteure, dont l’un prévoyant que la MIVILUDES est instituée par voie réglementaire, sans précision quant à la nature de l’acte réglementaire prévu afin d’en laisser le choix au Gouvernement, dont relève l’organisation de l’administration ([17]).

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Article 1er BA
(art. L. 132-5 et L. 132-13 du code de la sécurité intérieure)
Élargissement aux dérives sectaires de compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Adopté par la Commission avec modifications

Introduit par le Sénat en séance, le présent article élargit les compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) en matière de dérives sectaires.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Cet               article est le fruit de l’adoption par le Sénat, en séance, d’un amendement de M. Guy Benarroche (Écologiste – Solidarité et Territoires) et plusieurs de ses collègues, et prévoit d’étendre les compétences des CLSPD, régis par les articles L. 132‑4 et suivants du code de la sécurité intérieure (CSI), en permettant aux groupes de travail constitués au sein de ces conseils de traiter des questions liées à la prévention des phénomènes sectaires et à la lutte contre ceux-ci.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Cet article a été réécrit par la Commission, à l’initiative de votre rapporteure, afin d’en étendre le champ d’application aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, prévu à l’article L. 132‑13 du CSI.

Aucune modification n’a été apportée en séance.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a procédé à une coordination tirant les conséquences des modifications apportées à l’article L. 132‑13 du CSI par l’article 14 de la proposition de loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux ([18]).

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Chapitre Ier
Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Suppression maintenue par la Commission

Le présent article, introduit par le Sénat, prévoit que la commission en ligne de l’abus de faiblesse constitue une circonstance aggravante.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Introduit par le Sénat à l’initiative de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR), le présent article érige en circonstance aggravante la commission du délit d’abus de faiblesse en utilisant un service de communication au public en ligne ou au moyen d’un support numérique ou électronique : les peines sont alors portées de trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

En Commission, cet article a été supprimé à l’initiative de votre rapporteure et de M. Jean‑François Coulomme et les membres du groupe LFI‑NUPES.

Cette suppression reposait sur des motivations distinctes : celle mue par votre rapporteure reposait sur l’insertion, à l’article 1er, rétabli par la Commission, du dispositif prévu au présent article.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

La Commission a maintenu la suppression de cet article.

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Adopté par la Commission sans modification

Le présent article distingue formellement, à travers un nouvel article 223‑15‑3 du code pénal, l’abus de faiblesse sectaire reposant sur l’état de sujétion de la victime, de l’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse d’un mineur ou d’une personne vulnérable prévu à l’article 223‑15‑2 du même code, auquel une nouvelle circonstance aggravante de commission en bande organisée est prévue.

L’article prévoit en outre de réprimer, dans une nouvelle infraction autonome prévue à l’article 223‑15‑3 du code pénal, le placement ou le maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d’altérer gravement la santé, indépendamment de tout abus éventuel.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Le Sénat, en commission et à l’initiative de la rapporteure Lauriane Josende (LR), a supprimé cet article.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Tout en rétablissant cet article, l’Assemblée lui a apporté plusieurs modifications.

  1.   La position en Commission

La Commission a rétabli cet article 1er, par l’adoption de cinq amendements identiques de votre rapporteure, de M. Philippe Pradal (HOR) et plusieurs de ses collègues, de Mme Mathilde Desjonquères (Dém) et plusieurs de ses collègues, de M. Didier Paris (RE) et plusieurs de ses collègues et de M. Arthur Delaporte (soc) et plusieurs de ses collègues.

Ce rétablissement a porté non seulement sur le dispositif initialement prévu à l’article 1er, mais aussi sur celui prévu à l’article 1er B que le Sénat avait introduit : la circonstance aggravante initialement prévue par cet article 1er B pour l’abus de faiblesse prévu à l’article 223‑15‑2 du code pénal a été étendue aux infractions prévues au nouvel article 223‑15‑3 du même code.

  1.   La position en séance

Outre deux amendements rédactionnels de votre rapporteure ([19]), l’Assemblée, en séance et suivant les avis favorables de la Commission et du Gouvernement, a précisé la nouvelle incrimination de placement ou de maintien en état de sujétion, à l’initiative de votre rapporteure et de M. Arthur Delaporte (soc) et plusieurs de ses collègues ([20]).

Pour mémoire, cette nouvelle incrimination prévoyait que l’état de sujétion devait résulter de l’exercice « direct » de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement de la personne. Or, ce caractère direct des pressions ou manipulations n’est pas exigé dans le cadre de l’abus de faiblesse actuel, et ne l’est pas non plus dans le cadre de l’abus de faiblesse sectaire dans sa rédaction prévue par le projet de loi.

Outre une différence rédactionnelle de nature à induire une confusion s’agissant d’une notion pourtant bien connue et balisée par la jurisprudence, ce hiatus était susceptible de conduire à une difficulté d’intelligibilité de la loi dans la mesure où d’autres dispositions du projet de loi, en particulier son article 2, renvoient à l’état de sujétion au sens de l’article 223‑15‑3 du code pénal : si le caractère direct pour la nouvelle incrimination avait été conservé, il y aurait eu deux définitions différentes de cet état de sujétion au même article.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

La Commission a adopté cet article sans le modifier.

Adopté par la Commission sans modification

Cet article a été introduit par l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi en séance publique.

● La législation fiscale prévoit plusieurs mécanismes de réduction d’impôt pour les contribuables, en contrepartie de dons qu’ils font au profit de certains organismes, et notamment d’associations.

Les deux dispositifs les plus connus sont :

– la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons faits par les particuliers, prévue à l’article 200 du code général des impôts (CGI) et égale à 66 % du montant du don réalisé – voire à 75 % dans certaines hypothèses ;

– le dispositif du mécénat d’entreprises, prévu à l’article 238 bis du CGI et consistant en une réduction d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés égale à 60 % du montant du don – taux ramené à 40 % pour la fraction de certains dons excédant 2 millions d’euros.

● Toutefois, lorsqu’un organisme susceptible de bénéficier de tels dons est définitivement condamné pour certaines infractions, les dons qui lui sont faits n’ouvrent plus droit, pour les personnes les réalisant, au bénéfice des avantages fiscaux. Le don demeure possible, mais le donateur ne bénéficie pas de la réduction d’impôt à laquelle il aurait pu prétendre.

Cette exclusion, qui réduit l’attrait du don, est de nature à limiter les sources de financement des organismes condamnés – et empêche une forme de financement public indirect desdits organismes.

Ce mécanisme d’exclusion, prévu au II de l’article 1378 octies du CGI, ne concernait à l’origine que les organismes définitivement condamnés pour escroquerie aggravée ou pour abus de confiance. Son champ a été substantiellement étendu par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ([21]), et inclut désormais aussi, notamment, le recel, le blanchiment, le terrorisme ou encore la menace ou l’intimidation d’une personne exerçant une fonction publique.

● Le présent article résulte de l’adoption par l’Assemblée, en séance, d’un amendement de Mme Marie Pochon et les membres du groupe Écolo, sous-amendé par votre rapporteure – l’ensemble faisant l’objet d’avis favorables de la Commission et du Gouvernement.

Modifiant le II de l’article 1378 octies du CGI, il étend le champ d’application de l’exclusion du bénéfice des avantages fiscaux attachés aux dons fait au profit d’organismes définitivement condamnés pour certaines infractions, en incluant parmi les infractions concernées :

– l’abus de faiblesse, l’abus de l’état de sujétion et le nouveau délit de sujétion, prévus aux articles 223‑15‑2 et 223‑15‑3 du code pénal dans leur rédaction issue de l’article 1er du projet de loi ;

– le délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques manifestement dangereuses, créé par l’article 4 du projet de loi.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Adopté par la Commission sans modification

Le présent article prévoit l’introduction d’une nouvelle circonstance aggravante pour le meurtre, les actes de tortures et de barbarie, les violences et l’escroquerie, reposant sur l’état de sujétion psychologique ou physique de la victime, au sens du nouvel article 223‑15‑3 du code pénal introduit par l’article 1er du projet de loi, si cette sujétion est connue de l’auteur.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Cet article a été supprimé en commission à l’initiative de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR), tirant les conséquences de la suppression de l’article 1er du projet de loi.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

La Commission a rétabli cet article, par cohérence avec le rétablissement de l’article 1er, à l’initiative de votre rapporteure, de M. Arthur Delaporte (soc) et plusieurs de ses collègues, de M. Philippe Pradal (HOR) et plusieurs de ses collègues, de Mme Mathilde Desjonquères (Dém) et plusieurs de ses collègues et de M. Didier Paris (RE) et plusieurs de ses collègues.

Aucune modification n’a été apportée lors de l’examen en séance.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

Cet article a été adopté par la Commission sans modification.

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Adopté par la Commission sans modification

● Introduit par la Commission des Lois de l’Assemblée nationale à l’initiative de votre rapporteure, cet article prévoit de nouvelles circonstances aggravantes liées aux dérives sectaires dans le cadre de l’infraction relative aux « thérapies de conversion ».

Prévue à l’article 225‑4‑13 du code pénal, cette infraction sanctionne de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende les pratiques, comportements ou propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, dès lors qu’ils ont pour effet d’altérer la santé physique ou mentale.

Le présent article prévoit trois nouvelles circonstances aggravantes :

– si la victime est en état de sujétion, au sens du nouvel article 223‑15‑3 du code pénal introduit par l’article 1er du projet de loi, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ;

– les mêmes peines sont prévues si l’infraction est commise par le dirigeant d’un mouvement sectaire (« gourou ») ;

– enfin, si l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un mouvement sectaire, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

● Cet article n’a pas été modifié en séance.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

Aucune modification n’a été apportée à cet article.

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Chapitre Ier bis
Renforcer la protection des mineurs victimes de dérives sectaires

Adopté par la Commission sans modification

Introduit par le Sénat, puis réécrit par l’Assemblée nationale, cet article porte de six à dix ans le délai de prescription de l’action publique des délits d’abus de faiblesse et de sujétion, lorsque la victime est mineure, et fixe le point de départ de ce délai à la majorité de la victime.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Le présent article a été introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR), et de Mme Nathalie Delattre (RDSE) et plusieurs de ses collègues.

Dans sa rédaction adoptée par le Sénat, il fixait à la majorité de la victime, et non à la date de la commission de l’infraction, le point de départ du délai de prescription de l’action publique des délits d’abus de faiblesse lorsqu’ils sont commis sur un mineur, modifiant à cet effet l’article 8 du code de procédure pénale (CPP).

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

L’Assemblée a réécrit cet article afin d’en étendre la portée, d’abord en commission, puis en séance publique.

  1.   La position en Commission

À l’initiative de M. Didier Paris (RE) et plusieurs de ses collègues, la Commission a réécrit le présent article afin de porter de six à dix ans le délai de prescription du nouveau délit de sujétion, prévu à l’article 223‑15‑3 du code pénal introduit par l’article 1er du projet de loi, lorsque ce délit est commis sur un mineur, le point de départ du délai de prescription étant fixé à la majorité de la victime.

Les modalités de cette modification reposaient sur l’inclusion, à l’article 706‑47 du CPP, de la référence à cette nouvelle infraction. Or, cet article concerne le champ d’application de la procédure particulière prévue au titre XIX du livre IV du CPP et qui concerne essentiellement des infractions de nature sexuelle. Cette inclusion n’avait pas paru opportune à votre rapporteure, qui avait demandé le retrait de l’amendement finalement adopté.

  1.   La position en séance

L’examen en séance publique de cet article a permis de tenir compte des observations qu’avait faites votre rapporteure.

À travers l’adoption de deux amendements identiques de M. Erwan Balanant et les membres du groupe Dém et de M. Didier Paris et les membres du groupe RE, ayant recueilli les avis favorables de la Commission et du Gouvernement ([22]), l’Assemblée a réécrit le présent article :

– pour porter de six à dix ans le délai de prescription de l’action publique, non seulement du délit de sujétion, mais aussi des délits d’abus de faiblesse, dès lors que la victime est mineure, le point de départ du délai étant la majorité de la victime ;

– et en sortant le dispositif du champ de la procédure particulière concernant les infractions de nature sexuelle.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

La Commission a adopté cet article sans lui apporter de modification.

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Adopté par la Commission sans modification

Cet article érige le défaut de déclaration d’un enfant à l’état civil dans les délais légaux en circonstance aggravante de deux délits relatifs à la mise en péril des mineurs.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Le présent article, introduit par la commission des lois du Sénat à l’initiative de sa rapporteure, fait du défaut de déclaration d’un enfant à l’état civil dans les délais légaux, qui constitue un délit prévu à l’article 433‑18‑1 du code pénal, une circonstance aggravante pour :

– le délit de privation d’aliments ou de soins prévu à l’article 227‑15 du code pénal, portant les peines de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende à dix ans d’emprisonnement et à 300 000 euros d’amende ;

– le délit de soustraction, par les parents, à leurs obligations de nature à compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de leurs enfants, prévu à l’article 227‑17 du même code, les peines passant de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende à quatre ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Tout en conservant l’économie générale du dispositif introduit par le Sénat, la Commission, à l’initiative de votre rapporteure, outre une coordination avec le code civil, a ramené les peines aggravées prévues à l’article 227‑17 du code pénal à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, afin d’assurer le respect de l’échelle des peines correctionnelles : l’article 131‑4 du code pénal ne prévoit en effet pas de peine encourue de quatre ans d’emprisonnement.

Aucune autre modification n’a été apportée lors de l’examen du présent article en séance.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

Cet article a été adopté sans modification.

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Adopté par la Commission sans modification

● Le présent article, introduit par notre Commission, est le fruit de l’adoption d’un amendement de M. Erwan Balanant (Dém) et plusieurs de ses collègues ayant fait l’objet d’un avis de sagesse de votre rapporteure.

Il étend le champ des infractions contre la diffusion desquelles les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs de contenus en ligne doivent lutter, en application du 7 du I de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite « LCEN » ([23]), afin d’y inclure l’abus de faiblesse et le délit de sujétion prévus aux articles 223‑15‑2 et 223‑15‑3 du code pénal, dans leur rédaction résultant de l’article 1er du projet de loi.

● Lors de l’examen en séance, à l’initiative de M. Balanant et les membres du groupe Dém, le dispositif a été complété d’une précision d’ordre légistique ayant recueilli l’avis favorable de la Commission – le Gouvernement s’en remettant à la sagesse de l’Assemblée.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

Aucune modification n’a été apportée à cet article.

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Chapitre II
Renforcer l’accompagnement des victimes

Adopté par la Commission sans modification

Le présent article élargit les catégories d’associations, intervenant en matière de dérives sectaires, auxquelles peut être reconnu l’exercice des droits de la partie civile, en substituant à la condition actuelle tenant à la reconnaissance d’utilité publique celle d’obtenir un agrément, délivré après avis du parquet.

Cette modification est assortie d’une période transitoire afin que les associations remplissant les conditions actuellement prévues puissent continuer à exercer les droits reconnus à la partie civile en attendant la délivrance de leur agrément.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Outre une coordination liée à la suppression de l’article 1er du projet de loi, la commission des lois du Sénat, à l’initiative de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR), a augmenté de neuf à douze mois la période transitoire durant laquelle les associations actuellement reconnues d’utilité publique peuvent continuer à exercer les droits reconnus à la partie civile – c’est-à-dire, en pratique, l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI).

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

Tout en approuvant les mesures prévues au présent article, la Commission, outre un aménagement rédactionnel, a élargi le dispositif proposé à l’initiative de votre rapporteure et de M. Raphaël Gérard (RE) et plusieurs de ses collègues :

– en rétablissant le nouveau délit de sujétion, prévu à l’article 223‑15‑3 du code pénal dans sa rédaction issue de l’article 1er du projet de loi, dans le champ des infractions au titre desquelles les associations intervenant en matière de dérives sectaires peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, en application de l’article 2‑17 du code de procédure pénale (CPP) ;

– en incluant, dans ce champ, l’infraction relative aux « thérapies de conversion » prévue à l’article 225‑4‑13 du code pénal ;

– et, enfin, en supprimant l’exigence de l’accord de la victime pour qu’une association luttant contre les discriminations puisse, en application de l’article 2‑6 du CPP, exercer les droits reconnus à la partie civile dans le cadre d’une « thérapie de conversion », sous réserve que la victime soit placée dans un état de sujétion au sens de l’article 223‑15‑3 du code pénal.

  1.   La position de la Commission en nouvelle lecture

Cet article a été adopté par la Commission sans être modifié.

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Chapitre III
Protéger la santé

Adopté par la commission avec modifications

Introduit par le Sénat en commission en première lecture, l’article 4 A du projet de loi vise à renforcer la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie, de la biologie médicale, et de pratiques commerciales trompeuses en :

– aggravant les peines encourues lorsque ces délits ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique et

– prévoyant l’application, à l’encontre de l’auteur reconnu coupable de l’un de ces délits, d’une peine complémentaire de suspension du compte d’accès au service en ligne ayant été utilisé pour commettre l’infraction.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Lors de l’examen du projet de loi par la commission des Lois, le Sénat a adopté un amendement de la rapporteure ([24]) introduisant l’article 4 A.

D’une part, cet article crée une circonstance aggravante applicable aux délits d’exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses qui sont commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique. Les peines sont alors portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Le champ d’application de cette circonstance aggravante a été étendu aux délits d’exercice illégal de la pharmacie et d’exercice illégal de la biologie médicale, par l’adoption par le Sénat en séance publique de deux amendements identiques de M. François Bonneau ([25]) et de Mme Corinne Imbert ([26]).

D’autre part, l’article 4 A instaure une peine complémentaire de suspension de l’accès au service de plateforme en ligne qui est encourue pour les délits d’exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.

Lors de l’examen du texte en séance publique, en adoptant deux amendements identiques de M. François Bonneau ([27]) et de Mme Corinne Imbert ([28]),le Sénat a étendu l’application de cette peine complémentaire aux délits d’exercice illégal de la pharmacie et d’exercice illégal de la biologie médicale.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture
    1.   En commission

La commission des Lois a adopté quatre amendements de votre rapporteure ([29]) afin d’harmoniser la rédaction de la peine complémentaire de suspension du compte d'accès au service de plateforme en ligne prévue par l’article 4 A du présent projet de loi avec la rédaction de l'article 5 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 octobre 2023.

  1.   En séance publique

En séance publique, à l’initiative de Mme Louise Morel (Dém) ([30]), avec l’avis favorable du Gouvernement et une demande de retrait de la rapporteure, l’Assemblée nationale a supprimé l’application de la peine complémentaire de suspension du compte d'accès au service de plateforme en ligne pour les délits de d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie, de la biologie médicale, et de pratiques commerciales trompeuses.

  1.   La position de la commission en nouvelle lecture

À l’initiative de votre rapporteure ([31]), la commission des Lois a adopté, en nouvelle lecture, un amendement rétablissant la peine complémentaire de suspension du compte d'accès au service de plateforme en ligne, en prévoyant son application pour les délits d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie, de la biologie médicale, et de pratiques commerciales trompeuses.

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Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 crée deux nouvelles infractions de provocation :

– Le délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, alors que cet abandon ou cette abstention est manifestement susceptible, en l’état des connaissances médicales et compte tenu de la pathologie de la personne visée, d’entraîner pour elle des conséquences graves pour sa santé physique ou psychique.

– Le délit de provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, alors qu’il est manifeste que ces pratiques, en l’état des connaissances médicales, exposent la personne visée à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

Ces infractions sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, ou, lorsque la provocation a été suivie d’effet, de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Lors de l’examen du texte en commission en première lecture, le Sénat a supprimé l’article 4 du projet de loi en adoptant un amendement de la rapporteure ([32]) et un amendement identique de M. Alain Houpert ([33]). Cette position a été confirmée en séance publique.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture
    1.   En commission

En commission, l’Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques, dont l’un présenté par votre rapporteure ([34]), pour rétablir l’article 4 dans sa rédaction initiale.

a.   En séance publique

Après avoir supprimé l’article 4 en séance publique, l’Assemblée nationale a, lors d’une seconde délibération, réécrit cet article pour mieux circonscrire le champ d’application des nouveaux délits de provocation, en adoptant un amendement présenté par votre rapporteure ([35]).

Pour répondre aux critiques formulées par le Conseil d’État dans son avis ([36]), cette réécriture permet :

– En premier lieu, de mieux encadrer les éléments constitutifs du nouveau délit de provocation à l'abstention ou l'abandon de soins, en prévoyant, d’une part, que la provocation doit être faite au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées et, d’autre part, que l'abandon de soins doit avoir des conséquences particulièrement graves pour la santé ;

– En deuxième lieu, de préciser le champ d'application des deux nouveaux délits de provocation, qui ne remettent pas en cause la liberté d’accepter ou de refuser un traitement médical.

D’une part, après avoir adopté un sous-amendement de M. Arthur Delaporte ([37]), sur avis de sagesse du Gouvernement et de votre rapporteure, il a été prévu que les délits peuvent ne pas être constitués lorsque la provocation s’accompagne d’une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé et que les conditions dans lesquelles cette provocation a été faite ne remettent pas en cause la volonté libre et éclairée de la personne.

D’autre part, il a été précisé que cette information est présumée ne pas garantir la volonté libre et éclairée de la personne lorsque celle-ci est placée ou maintenue dans un état de sujétion psychologique ou physique.

- En dernier lieu, de garantir la protection accordée aux lanceurs d’alerte en prévoyant explicitement que l'information signalée ou divulguée par le lanceur d'alerte ne constitue pas une provocation punissable.

  1.   La position de la commission en nouvelle lecture

Outre un amendement rédactionnel ([38]), la commission des Lois a adopté en nouvelle lecture quatre amendements identiques ([39]), dont l’un de votre rapporteure ([40]) précisant les conditions dans lesquelles les délits de provocation ne sont pas constitués tout en garantissant la protection de la personne placée en état de sujétion.

Cette réécriture vise à exclure de manière explicite l’application de ces infractions lorsqu'il résulte des circonstances de commission des faits que la personne a, en toute connaissance de cause, librement consenti à l'abandon ou à l'abstention de soins ou à l'adoption de certaines pratiques.

Afin d’assurer la protection des personnes qui sont placées ou maintenues dans un état de sujétion psychologique ou physique, il est prévu que cette dérogation à l’application des délits est exclue lorsqu’il est établi que la victime était placée dans un tel état de sujétion.

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Adopté par la commission sans modification

L’article 5 crée un nouvel article 11-3 au sein du code de procédure pénale visant à rendre obligatoire, et non plus facultative, la transmission aux ordres professionnels nationaux de santé, par le procureur de la République, d’informations relatives à certaines décisions judiciaires prises à l’encontre d’un professionnel placé sous leur contrôle, lorsqu’elles concernent une procédure pour des infractions qui sont en lien avec les dérives thérapeutiques à caractère sectaire.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté l’article 5 sans modification.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

En première lecture, la commission des Lois a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteure ([41]).

L’article 5 a été adopté en séance publique par l’Assemblée nationale sans autre modification.

  1.   La position de la commission en nouvelle lecture

La commission des Lois a adopté cet article en nouvelle lecture sans modification.

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Chapitre IV
Assurer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires

Adopté par la commission avec modifications

L’article 6 introduit en matière pénale une procédure d’« amicus curiae » applicable en cas de poursuites pour des infractions en matière de dérives sectaires, permettant au ministère public ou à la juridiction de solliciter par écrit tout service de l’État dont la compétence serait de nature à l’éclairer utilement.

  1.   La position du Sénat en première lecture

En commission en première lecture, le Sénat a adopté deux amendements de la rapporteure visant à :

– limiter l’application de la procédure de recours à un « amicus curiae » aux poursuites exercées sur le fondement de l’article 223-15-2 du code pénal qui réprime l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse ([42]).

– préciser que les éléments produits par un service de l’État, dans le cadre de la nouvelle procédure de recours à un « amicus curiae », sont soumis au débat contradictoire ([43]).

L’article 6 n’a pas fait l’objet de modification lors de l’examen du projet de loi en séance publique en première lecture par le Sénat.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

En première lecture, la commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteure ([44]) rétablissant le champ d’application initial de la procédure de recours à un « amicus curiae », en faisant référence aux poursuites exercées sur le fondement du nouveau délit de maintien ou de placement dans un état de sujétion ou qui sont relatives à des infractions commises avec une circonstance aggravante relative à cet état de sujétion.

L’Assemblée nationale n’a pas davantage modifié l’article 6 en séance publique en première lecture.

  1.   La position de la commission en nouvelle lecture

Cet article a été adopté en nouvelle lecture par la commission des Lois après y avoir apporté une modification rédactionnelle à l’initiative de votre rapporteure ([45]).

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Adopté par la commission avec modifications

Introduit par la commission, cet article prévoit la levée la levée du secret médical pour permettre aux médecins et aux professionnels de santé de signaler à l’autorité judiciaire des faits de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique ou physique.

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture
    1.   En commission

L’article 6 bis a été introduit lors de l’examen du texte en commission des Lois en première lecture, à l’initiative de M. Erwan Balanant (Dém) ([46]). Il prévoit l’irresponsabilité pénale, civile et disciplinaire du médecin ou professionnel de santé qui porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des faits de placement ou maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, lorsqu’il estime que cette sujétion a pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

  1.   En séance publique

En séance publique en première lecture, en adoptant un amendement de M. Erwan Balanant ([47]) après avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteure, l’Assemblée nationale a précisé le champ d’application de cette nouvelle dérogation au secret médical en délimitant l’objet du signalement au procureur de la République par référence au nouveau délit prévu à l’article 225-15-3 du code pénal et en clarifiant le principe selon lequel il est réalisé avec l’accord de la victime. Ce n’est que lorsque la victime est mineure ou qu’elle n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique que son accord n’est pas nécessaire. Il a également été précisé qu’en cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, la victime devait être informée du signalement effectué.

  1.   La position de la commission en nouvelle lecture

En-dehors d’une amélioration rédactionnelle à l’initiative de votre rapporteure, la commission des Lois a adopté cet article sans y apporter de modifications sur le fond ([48]).

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Chapitre V
Dispositions diverses

Adopté par la commission sans modification

L’article 7 du projet de loi prévoit l’application aux collectivités d’outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie, des dispositions de droit pénal et de procédure pénale du projet de loi.

  1.   La position du Sénat en première lecture

Après avoir supprimé l’article 7 lors de l’examen du projet de loi en commission en première lecture, le Sénat a rétabli ces dispositions de coordinations en séance publique en adoptant un amendement du Gouvernement ([49]).

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

En première lecture, la commission des Lois a adopté, à l’initiative de votre rapporteure, un amendement de coordination ([50]) permettant d’étendre l’application des dispositions de droit pénal prévues à l’article 4 A du projet de loi aux collectivités d’outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.

L’article 7 n’a pas fait l’objet d’autres modifications en séance publique en première lecture.

  1.   La position de la commission en nouvelle lecture

L’article 7 a été adopté en nouvelle lecture par la commission des Lois sans modification.

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Adopté par la commission sans modification

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

L’article 8 a été introduit en commission en première lecture, à l’initiative de M. Éric Poulliat ([51]). Il prévoit la remise d’un rapport au Parlement, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, portant sur la mise en œuvre des dispositions de la présente loi dans le domaine de la santé mentale.

Cet article n’a pas fait l’objet de modification en séance publique.

  1.   La position de la commission en nouvelle lecture

L’article 8 n’a pas fait l’objet de modification en commission en nouvelle lecture.

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Adopté par la commission avec modifications

  1.   La position de l’Assemblée nationale en première lecture

L’article 9 a été introduit par l’Assemblée nationale en séance publique en première lecture, à la suite de l’adoption d’un amendement de Mme. Annie Vidal (RE) ([52]) et d’un sous-amendement de M. Didier Paris ([53]).

Cet article prévoit la remise d’un rapport au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, portant sur l’utilisation des titres professionnels par des personnes exerçant des pratiques de santé non réglementées. Le rapport vise à examiner l’effet de cette utilisation sur les dérives thérapeutiques à caractère sectaire, sur la protection des patients et sur l’intégrité des professions médicales, à identifier les cas d’usurpation de titre et à évaluer l’efficacité du cadre législatif dans la prévention de ces pratiques.

  1.   La position de la commission en nouvelle lecture

En-dehors de précisions rédactionnelles ([54]), la commission n’a adopté aucune autre modification en nouvelle lecture sur l’article 9.


   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 13 mars 2024 matin, la Commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes (n° 2308) (Mme Brigitte Liso, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/bELwMr

M. le président Sacha Houlié. Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes revient devant notre commission. L’Assemblée l’avait adopté en première lecture le 14 février dernier. La commission mixte paritaire (CMP) n’ayant pu que constater le désaccord entre les deux chambres concernant les principales dispositions du texte, nous l’examinons en deuxième lecture.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je me réjouis de vous retrouver pour examiner à nouveau le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires, même si je regrette que la CMP n’ait pas abouti.

Ce projet de loi ambitieux entend réformer et moderniser le cadre applicable aux dérives sectaires, ce qui est plus que jamais nécessaire. Ce texte s’inscrit dans la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires et permet d’adapter notre arsenal législatif à l’émergence de nouvelles formes de dérives, notamment celles qui se propagent par l’intermédiaire des réseaux sociaux.

Nous avons adopté en séance publique un texte dont l’équilibre d’ensemble répond aux enjeux, en renforçant la protection des victimes et en adaptant nos moyens de lutte contre toutes les formes de dérives sectaires. Je souhaite que nous nous appuyions sur les acquis de l’important travail mené en première lecture pour accroître l’efficacité de ce texte, sans remettre en question son équilibre.

Vous ne serez donc pas étonnés que je reste défavorable, comme en première lecture, à la plupart des amendements remettant en cause le texte adopté en séance publique.

Je demeure évidemment défavorable à la suppression des articles 1er, 2 et 3, essentiels pour mieux lutter contre les dérives sectaires et accompagner les victimes, et je m’oppose toujours à ce que nous revenions sur les importantes avancées concernant les victimes de thérapies de conversion.

Sur l’article 1er A, je proposerai quelques ajustements pour rendre le texte aussi opérationnel que possible.

Enfin, concernant l’article 4, je souhaite rappeler les efforts que nous avons accomplis pour parvenir à une rédaction équilibrée des dispositions créant de nouvelles infractions de provocation. Cette rédaction tient compte des préoccupations qu’a suscitées l’article : elle permet de préserver la liberté individuelle et le rôle des lanceurs d’alerte tout en répondant à l’enjeu majeur d’une lutte efficace contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire. Je suis intimement convaincue que ces dispositions constituent une avancée décisive face à la diffusion de discours à caractère sectaire dans le domaine de la santé, phénomène qui prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux.

Je me réjouis donc que ce dispositif ait été voté, mais je note qu’il existe encore quelques marges d’amélioration. Pour cette raison, je proposerai par amendement de clarifier ces dispositions, dans la continuité des efforts tendant à renforcer la protection des libertés individuelles, notamment la liberté d’expression, sans sacrifier l’efficacité des nouvelles incriminations.

Je souhaite que nos travaux préservent l’équilibre du texte que nous avons adopté et son caractère ambitieux, qui nous permettra d’atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Didier Paris (RE). Il y a trois dispositions principales. La première, à l’article 1er, vise à ce qu’existe enfin un délit autonome qui protège les personnes contre les dérives sectaires. Le droit ne visait jusqu’à présent que les abus de faiblesse, dans un cadre essentiellement patrimonial. Nous tenons donc à cette nouvelle disposition, ainsi qu’à l’aggravation des pénalités qui l’accompagne à l’article 2.

La troisième disposition tient à l’article 4, celui qui a fait capoter la CMP, avec les articles 1er et 2. Cet article permet de poursuivre et de réprimer les provocations à l’abandon de soin et à l’adoption de fausses pratiques thérapeutiques, qui mettent en danger la vie des personnes. Il s’agit d’une évolution fondamentale de notre droit. Nous regrettons à ce propos les postures prises sur le sujet, en ne considérant que le texte initial, sans tenir compte des modifications que nous avions apportées. Nous continuerons d’ailleurs de le faire : par un amendement conjoint des trois groupes de la majorité et conforme à celui de Mme la rapporteure, nous entendons en effet ajouter les éléments qui sans doute manquaient encore pour préserver un équilibre et garantir les libertés individuelles. Comme cela apparaît dans l’avis du Conseil d’État, la volonté libre et éclairée des personnes doit pouvoir s’exprimer en matière de soins.

En résumé, nous sommes favorables à la présente rédaction du texte, fruit d’un travail conséquent, même si nous envisageons encore des évolutions mineures.

M. Thomas Ménagé (RN). Nous voilà donc au deuxième examen de ce texte devant notre commission. Les débats se cristallisent autour de l’article 4, qui n’est ni fait, ni à faire. Ce sont les errements juridiques graves de cet article qui empêchent l’adoption du texte. L’échec de la CMP s’explique sans doute par votre refus de faire un pas vers la suppression de cet article.

Se tromper est humain, mais persister dans son erreur est diabolique. Vous préférez pourtant persister au lieu d’écouter ce que tout le monde vous dit depuis le début de l’examen de ce texte, et que nous répéterons encore ce matin. Le Conseil d’État vous l’a dit ; le Sénat vous l’a fait savoir, par son vote et par la voix de la rapporteure de sa commission des lois ; l’Assemblée nationale vous l’a répété en commission et, j’y insiste, lors d’un premier vote en séance. Après l’échec de la CMP, nous vous le disons encore : renoncez à l’article 4 !

Il ne s’agit pas de renoncer à l’ensemble du texte, seulement à cet article. Vous avez vous-mêmes admis qu’il devait être modifié, quand vous l’avez fait évoluer en catastrophe pendant la séance publique. D’autres évolutions, certainement bienvenues, interviendront encore. Nous les appuierons mais elles ne suffiront pas à lever les principales difficultés qui se posent. Cette seule disposition empêche notre groupe de soutenir ce texte. Lutter contre les dérives sectaires est une noble tâche et le texte serait déjà voté, si vous aviez été capables d’écouter au lieu de vous obstiner.

Si vous cherchez sincèrement le consensus sur un sujet si important – un reportage de l’émission « Zone interdite » sur M6 nous en rappelait, cette semaine encore, la gravité –vous devriez écouter les oppositions. L’avis de sagesse rendu par une secrétaire d’État au sujet d’un de nos amendements, pourtant susceptible de tous nous réunir, aura suffi à provoquer un incident de séance et une catastrophe dans les rangs macronistes. Une partie de notre assemblée, manifestement moins soucieuse de lutter contre les dérives sectaires que pour sa propre survie politique, défend son camp plutôt que les victimes de ce mal qui ne fait que progresser.

Vous savez du reste pertinemment que l’article 4 risque fort d’être censuré par le Conseil constitutionnel. Vous préférez pourtant foncer tête baissée vers le mur : comme à votre habitude, vous faites passer votre fierté mal placée avant l’intérêt des Français, et en l’occurrence avant l’intelligibilité et la certitude de la loi.

Ce qui s’est passé en séance est proprement scandaleux. L’incident révèle votre fébrilité, peut-être liée aux élections européennes. Après avoir perdu le premier vote, vous avez rappelé vos troupes pour revenir sur la suppression de cet article 4. Après un rejet du Sénat, un avertissement du Conseil d’État et un vote de suppression, il vaut mieux accepter sa défaite et respecter la démocratie parlementaire !

Plusieurs dispositions de ce texte pourraient pourtant motiver un vote favorable de notre groupe, en particulier le statut législatif de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). D’autres dispositions suscitent notre inquiétude. Ainsi, l’article 6 bis risque de créer une chape de plomb : en permettant aux médecins de casser le secret médical, il risque de dissuader les victimes de se confier, aggravant leur enfermement mortifère – l’exemple même d’une fausse bonne idée.

Bref, évoluez au sujet de l’article 4 et vous obtiendrez un vote consensuel sur un texte susceptible d’apporter des solutions aux victimes de dérives sectaires !

M. le président Sacha Houlié. Une précision, monsieur Ménagé : l’application du règlement en séance publique n’a, à mes yeux, rien de scandaleux.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Bis repetita ! Notre commission examine à nouveau la version qui nous était parvenue il y a quelques semaines. Pourquoi ? Parce que la majorité fait le choix de n’écouter personne. Il y a plus d’un an, les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires avaient réuni les experts du secteur, professionnels ou associatifs, et abouti à plusieurs recommandations : l’accompagnement des victimes, la prévention auprès du grand public, la coopération entre services, la sensibilisation des agents. Pas une seule de ces recommandations ne se retrouve dans ce texte, qui marque sa rupture sur le fond avec les expertes et les experts. La chose est d’autant moins acceptable qu’il fait l’objet d’une procédure accélérée – on ne voit pas très bien pourquoi il fallait gagner quinze jours…

Dans ce contexte donc, nous nous retrouvons avec un texte purement répressif, qui envisage le problème par le petit bout de la lorgnette. Et on s’étonne ensuite – voire on verse de grosses larmes ! – que ni le Conseil d’État, ni le Sénat, ni la CMP ne s’en satisfassent.

Comment expliquer ce rejet ? D’abord, le texte affiche une approche exclusivement répressive. Utile dans certains cas, la répression ne permettra aucunement de mettre les gourous concernés hors d’état de nuire. Disons les mots : le texte n’est pas seulement inefficace – nous en avons l’habitude – il constitue une menace pour le système français de lutte contre les dérives sectaires.

Un gourou cévenol de 71 ans qui se faisait appeler Loup blanc, dont Mme la rapporteure connaît bien le cas, a été poursuivi pour viols, abus de faiblesse sur personnes en état de sujétion, et escroquerie. Que s’est-il passé lors du procès ? À l’extérieur du palais, nombre de ses adeptes étaient venus lui apporter leur soutien, convaincus que la répression pénale montrait juste qu’il dérange. Pire, à l’intérieur, plaignantes et plaignants saluaient encore le siège vide de cette personne contre laquelle ils avaient porté plainte.

J’en tire trois conclusions. Premièrement, le code pénal n’a jamais permis de rompre un rapport de sujétion et d’emprise, bien qu’il puisse aider, pendant les poursuites. Deuxièmement, les gourous représentant un danger pour l’ordre public, la loi permet déjà de les déférer, comme dans le cas que je viens de citer. Troisièmement, la sujétion ne disparaît pas comme par enchantement au cours du procès : la capacité d’accompagner les victimes est cruciale pour qu’elles se détachent du gourou contre qui elles ont porté plainte. On a vu, par exemple lors de procès autour de Raël, nombre de ses victimes se retirer de la procédure en cours, parce qu’elles étaient toujours sous son emprise. Ce dernier point n’est pas aussi distant du texte qu’il peut paraître. En effet, en retirant aux associations reconnues d’utilité publique le monopole de la constitution de partie civile, l’article 3 du texte permet à n’importe quelle association qui aura votre sympathie de le faire. Nous n’aurons aucune garantie quant à la capacité des associations nouvellement agréées à prendre en charge les victimes et à les soutenir psychologiquement tout au long de l’épreuve que représente le procès.

Bref, ce texte repose sur la croyance en la seule vertu de la répression pénale – que vous parvenez encore à désorganiser – pour arracher les consciences à certaines dérives sectaires. Il me semble au contraire que le recul de ce type de croyance et de sujétion au cours du XXe siècle est avant tout dû à l’école, aux soignantes et soignants, à la démocratisation des sciences. Tel sera le sens de nos amendements : le renforcement de la République, seul chemin pour libérer les consciences et voter un texte consensuel.

M. Xavier Breton (LR). Nous voilà en nouvelle lecture après l’échec de la CMP. La nécessité de lutter contre les dérives sectaires faisait initialement l’objet d’un accord unanime. Plus nombreuses, ces dérives touchent aussi de nouveaux domaines : la santé, l’alimentation, le bien-être, le développement personnel. Elles se diffusent par de nouveaux canaux, notamment les réseaux sociaux.

Le projet de loi initial se concentrait essentiellement sur la réponse pénale. L’arsenal répressif existant n’était pas évalué. Les actions de prévention, pourtant indispensables dans ce domaine, n’étaient pas plus évoquées que le renforcement des moyens de la justice, en particulier ceux des enquêteurs spécialisés. Le Sénat a apporté d’importantes améliorations sans que la CMP parvienne à un accord pour autant. J’y vois deux raisons : les défauts du texte initial, et le choix d’une procédure accélérée – on connaît la tendance du Gouvernement à en abuser. En l’occurrence, la navette parlementaire aurait sans doute permis d’améliorer la rédaction, au lieu d’en arriver directement à la confrontation entre les deux chambres, ou plutôt entre les deux rapporteures.

Cette réunion devrait être l’occasion de l’amender, en particulier l’article 4, sorte d’article maudit, objet d’avis très sévères tant du Conseil d’État qu’au sein de notre propre commission. Il n’a été maintenu qu’au prix d’une deuxième délibération peut-être conforme à la lettre de notre règlement, mais scandaleuse au vu du déroulement des débats. Les rédactions s’empilent, le texte devient de moins en moins lisible alors même qu’il touche à des sujets d’importance comme la liberté d’expression et la liberté de conscience. Il nous faut trouver un équilibre qui garantisse ces libertés, et nous interroger en conséquence sur le devenir de l’article 4, malgré l’entêtement de la majorité à le maintenir.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Les dérives sectaires ne constituent pas un phénomène nouveau : il a été identifié dans les rapports parlementaires dès les années 1990, mais les moyens modernes de communication ont rendu sa diffusion massive et difficilement contrôlable. Les scandales sanitaires et la remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé publique, mais également des données scientifiques relatives aux caractéristiques des pathologies, à l’efficacité et aux risques des traitements, ont renforcé la crédibilité de ceux que l’on peut qualifier de charlatans. Cependant, la lutte contre ces dérives ne doit en aucun cas nous conduire à stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles et la recherche du bien-être, ou à entraver la liberté d’accepter ou de refuser un traitement médical, qui est essentielle à la maîtrise de son propre destin et à l’autonomie personnelle en l’absence de pressions inappropriées, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 10 juin 2010. Il reste donc nécessaire de protéger tant les victimes de ces dérives que les praticiens honnêtes, en sanctionnant plus efficacement les personnes malintentionnées.

Je félicite la rapporteure pour son souci d’écouter les avis et demandes de chacun. Ce travail collaboratif a permis d’aboutir à un texte qui soit à la fois protecteur pour les victimes et respectueux des libertés individuelles.

De nombreuses dérives sectaires portent également atteinte à la santé des victimes, notamment lorsque celles-ci interrompent des traitements médicaux, y compris pour de graves pathologies. Il est donc essentiel que les mesures de bannissement prévues par le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique s’appliquent également aux pratiques visées par le texte que nous examinons.

Pour toutes les raisons évoquées, le groupe Démocrate votera ce texte.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je constate que le texte suscite des interrogations légitimes dans les deux assemblées, les sénateurs partageant notre souci de ne pas légiférer pour rien. En réalité ce n’est d’ailleurs jamais pour rien : un mauvais texte vient troubler le travail du juge et le ralentir, sans bienfait pour la société. D’où notre exigence quant à la qualité légistique des textes.

Celui-ci revient devant nous après l’échec de la CMP dans le cadre d’une procédure accélérée. Il faudrait d’ailleurs cesser d’y recourir si souvent vu le nombre de textes que notre commission examine. Contrairement à ce que prétend l’article d’un quotidien qui épingle bien injustement le travail du Parlement, nous sommes en effet très occupés en commission des lois, l’agenda le montre bien.

Ce texte procède d’un constat : le phénomène des dérives sectaires n’a pas faibli. Les gourous peuvent désormais passer par de multiples canaux, comme les stories Instagram ou les groupes Telegram. Les victimes de ces influenceurs dangereux, qui seraient de plus en plus jeunes, tombent ainsi dans l’isolement car ces intrusions à l’aide des réseaux sociaux se produisent souvent à l’insu de l’entourage. Cette situation mérite que le législateur s’y penche. Le texte procède donc d’une bonne intention, mais nous partageons les craintes exprimées par le Sénat de la voir dériver en atteintes à la liberté d’expression et à la liberté d’être, voire en abandon d’une forme de responsabilité individuelle pourtant constitutive de notre société.

Cela étant dit, ce texte est aussi une réponse à une situation préoccupante, aggravée par les réseaux sociaux et les multiples interactions possibles dans le monde numérique. Comme l’a dit Xavier Breton, l’article 4 pose problème. La loi doit préserver un équilibre. Nous l’examinerons en ce sens, sans vous donner pour le moment nos intentions de vote.

M. Philippe Pradal (HOR). Si nous pouvons regretter le désaccord, d’ailleurs prévisible, avec nos collègues du Sénat en CMP, le retour du projet de loi devant notre commission me donne l’occasion d’affirmer à nouveau la position du groupe Horizons et apparentés en faveur d’un texte complet, barrant fermement la route aux dérives sectaires et prenant en compte leurs nouveaux aspects, leurs nouveaux instigateurs et leurs nouveaux modes de diffusion.

Comme législateur, nous devons toujours avoir la main qui tremble en abordant des sujets aussi sensibles que les croyances et la liberté d’expression. Il nous faut pourtant jouer notre rôle politique, en particulier à cette étape du parcours législatif. En séance publique, j’avais cité cette phrase de Voltaire : « Toute secte, en quelque genre que ce puisse être, est le ralliement du doute et de l'erreur. » Voici ma position : ne pas être dans le doute et nous garder d’une erreur qui consisterait à nous éloigner de l’intention initiale de ce projet de loi.

La lutte contre les dérives sectaires répond à des enjeux de cohésion sociale, mais aussi de santé et d’ordre publics. Ces dérives constituent un dévoiement de la liberté de penser, d’opinion ou de croyance, et portent atteinte à l’ordre public, aux droits fondamentaux, à la sécurité et à l’intégrité des personnes. S’il est quelquefois difficile de détecter et de qualifier ces dévoiements, la liberté de conscience et de pensée étant au cœur de nos valeurs fondamentales, une frontière est systématiquement franchie lorsqu’on parle de dérives sectaires, qui ont pour leurs victimes des conséquences physiques ou psychologiques graves.

La loi About-Picard du 12 juin 2001 a renforcé notre arsenal législatif, en réprimant notamment l’abus de faiblesse par sujétion psychologique. Mais nous savons que les dérives sectaires ont profondément changé : aux groupes à prétentions religieuses ou spirituelles se sont ajoutées de multiples entités, investissant les champs de la santé, de l’alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation. Des gourous 2.0 autoproclamés diffusent désormais leurs doctrines sur des plateformes numériques et fédèrent de véritables communautés autour d’eux.

En entraînant une crise de confiance en la parole scientifique et médicale, la crise sanitaire a constitué un catalyseur pour ces dérives, dont la nature, les modes opératoires et l’ampleur sont préoccupantes. L’augmentation constante du nombre des saisines de la Miviludes en témoigne. Nous devons mieux prendre en compte l’évolution des techniques employées. Ne soyons pas dupes : les gourous se savent protégés par les lois visant à garantir la liberté d’expression. Ils utilisent la défiance des Français à l’égard des institutions et des représentants, politiques notamment, pour instiller le doute chez ceux qui les écoutent et affermir leur propre influence.

Nous nous réjouissons donc que l’examen du texte par notre assemblée ait permis la réintégration de l’article 4, qui vise à répondre à un problème de santé publique aussi nouveau que dangereux en créant un délit de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins et à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave ou immédiat pour sa santé.

En première lecture, nous nous sommes employés à tenir compte des remarques du Conseil d’État afin d’aboutir à une rédaction équilibrée de cet article. Nous restons néanmoins particulièrement attentifs à sa sécurisation juridique. Pour limiter le risque d’inconstitutionnalité et préserver la liberté de conscience, il est primordial de préciser que l’infraction de provocation à l’abandon de soins ne serait pas constituée dès lors que la personne concernée aurait pu exprimer une volonté libre et éclairée de remplacer un traitement par un autre, alors même qu’elle était consciente des risques que cela entraînait. Nous soutiendrons une amélioration du texte en ce sens lors de nos débats.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de ce projet de loi.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Nous partageons évidemment l’objectif de ce texte, qui est de protéger des personnes vulnérables, les victimes de gourous. Nous regrettons néanmoins l’approche répressive d’un sujet qui doit être traité de manière bien plus large. Comme Xavier Breton, nous regrettons l’usage de la procédure accélérée ainsi que l’impossibilité pour la CMP de débattre, les deux rapporteures étant venues présenter des positions fermement en désaccord. D’un tel texte, il faut au contraire débattre publiquement et longuement afin d’épuiser toutes les réserves qu’il peut susciter. Il touche en effet à des sujets aussi sensibles que la liberté d’expression, la responsabilité individuelle et le secret médical, l’article 6 bis soulevant sur ce point de sérieuses questions. Les rédactions successives ont levé certains doutes, mais il en reste. Je pense notamment à l’exemption pour les lanceurs d’alerte ajoutée à l’article 4, avancée qui ne couvre sans doute pas tous les cas susceptibles de présenter des difficultés.

Nous sommes donc assez réservés sur l’opportunité de ce texte. Quant à sa compréhension, pour en avoir discuté avec de nombreuses personnes, elle est vraiment à parfaire. Peut-être y a-t-il lieu de faire un effort de pédagogie, mais la construction du texte, ses intentions, le message émis posent sans doute aussi problème. À ce stade, il me semble prématuré de dire que le texte serait consensuel. Nous réservons donc notre position de vote, qui évoluera en fonction des amendements retenus en commission et en séance.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Nous nous retrouvons à peu près au même point qu’en première lecture. Nous répétons donc que tout le monde partage l’objectif de lutter contre les dérives sectaires et surtout d’en protéger les victimes, mais qu’il nous semble important pour cela d’emprunter d’autres chemins que celui de la répression, qui est le seul que vous vouliez suivre. Même dans ce domaine, votre façon de l’envisager soulève des risques importants pour des principes qui animent notre république et notre Constitution. Peut-être faudrait-il écouter un peu plus ce que disent les parlementaires aussi bien à l’Assemblée qu’au Sénat, que leurs différences n’empêchent pas d’exprimer des critiques communes.

Lors de la première lecture à l’Assemblée, vous aviez fait un premier effort, notamment au sujet de l’article 4. Nous avions modifié en conséquence notre vote concernant cet article, preuve de notre ouverture. Nous nous en tenons donc pour l’instant à la position d’ensemble que nous avions choisie en première lecture, l’abstention, tout en restant attentifs aux efforts d’écoute que vous pourriez fournir pendant ce nouvel examen du texte.

M. Paul Molac (LIOT). Chacun ici s’accorde à dire que ce projet de loi touche à un vrai problème : l’espèce de commerce auquel certains gourous se livrent sur les réseaux sociaux. En première lecture, nous nous étions trouvés d’accord pour une réglementation des réseaux sociaux et aussi pour une certaine limitation de la liberté des individus à appréhender ce qui touche, par exemple, à leurs soins et leur confort.

Notre inquiétude venait de l’article 4, qui doit être réécrit de façon à empêcher clairement les lobbys de faire pression sur les lanceurs d’alerte. Il arrive malheureusement que des médicaments posent problème : pensons au talc Morhange de nos grands-mères, ou au Mediator. En dépit de toutes les règles qui existent, certaines situations ne sont pas réglées. Et il reste particulièrement difficile d’obtenir gain de cause contre de grands laboratoires, qui ont une armada d’avocats qui leur permet de tirer avantage de la loi. On ne peut pas leur en vouloir, mais l’asymétrie de leurs moyens avec ceux d’un lanceur d’alerte est évidente. Sauf qu’il arrive que David, ou en l’occurrence Irène Frachon, gagne contre Goliath !

Voilà en tout cas le point qui nous inquiète. Nous réservons donc notre vote pour l’instant.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Les dérives sectaires ont évolué. Protéiformes, elles se diffusent de plus en plus rapidement, à l’aide d’internet et des réseaux sociaux. Le nombre de signalements adressés à la Miviludes a augmenté de 33 % en un an et de 86 % depuis 2015. Il est donc nécessaire d’agir pour sauvegarder la dignité humaine et préserver l’ordre public, mais sans attenter aux libertés individuelles, en particulier les libertés de conscience et d’opinion.

Or le projet de loi met ces libertés à mal. Dès le début, le Conseil d’État nous a alertés sur l’absence de nécessité et de proportionnalité des nouvelles incriminations. En effet, l’article 4 crée un nouveau délit, la provocation à abandonner les soins ou à s’en abstenir, lorsque cela peut entraîner des conséquences graves pour la santé et exposer les personnes à un risque immédiat de mort ou de blessure.

Le Sénat avait supprimé ce fameux article 4 ; celui-ci a été réintroduit lors de l’examen en commission à l’Assemblée, avant d’être à nouveau supprimé en séance publique. Vous nous avez alors imposé une seconde délibération. Un nouvel article 4 a fait son apparition à la sauvette, et c’est à la sauvette aussi que nous avons dû le sous-amender, pour tenter de tirer les leçons des avertissements du Conseil d’État. Pour ma part, j’avais défendu un amendement visant à le compléter par un alinéa prévoyant que les délits ne sont pas constitués dès lors que la liberté de conscience des patients s’exerce pleinement. Il s’agit d’une mesure de bon sens pour préserver l’équilibre entre les libertés, mis en exergue par le Conseil d’État.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je me réjouis que tous les groupes soient désormais convaincus de l’utilité de légiférer sur ce sujet. Cela a été dit, la CMP n’a pas pu aboutir : la rapporteure du Sénat et moi-même avions une même ligne rouge, l’article 4, mais nous étions chacune d’un côté ! Pour moi, sans l’article 4, le texte n’aurait plus de raison d’être, je le dis à M. Ménagé. Dussé-je rester la dernière, je continuerais à le soutenir. Pour l’améliorer encore, je défendrai deux amendements et je remercie les groupes ouverts à une nouvelle discussion.

Monsieur Clouet, les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires ont permis de définir une stratégie en trois axes : mieux prévenir les risques ; mieux accueillir et soutenir les victimes ; et renforcer l’arsenal juridique. Le présent texte porte uniquement sur ce troisième axe. Mais la prévention est bien évidemment essentielle et est prévue ; et ne nous privons pas d’un autre texte, peut-être transpartisan, sur ce sujet !

Monsieur Breton, il est vrai que le Sénat a amélioré le texte. Nombre de ses modifications ont été conservées, en particulier celles relatives au statut de la Miviludes, à l’allongement du délai de prescription, aux circonstances aggravantes en cas de mise en danger d’enfants et à l’aggravation des peines pour les faits commis en ligne. Cependant, l’article 4 nous sépare toujours.

Je remercie les trois groupes de la majorité. Nous avons travaillé conjointement sur ce texte, notamment pour améliorer l’article 4.

Madame Faucillon, j’ai entendu vos doutes. Je vous demande d’écouter attentivement les propositions de rédaction que nous défendrons.

Chapitre Ier A
Consacrer les pouvoirs et le rôle de l’administration chargée de la mise en œuvre de la politique de prévention et de la lutte contre les dérives sectaires

Avant l’article 1er A

Amendement CL51 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination qui fait suite à l’adoption en première lecture de l’amendement n° 24 de Mme Béatrice Descamps.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er A (art. 21 bis [nouveau] de la loi n° 2001‑504 du 21 juin 2001) : Statut législatif de la MIVILUDES

Amendement CL52 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet amendement vise à préciser la rédaction. La Miviludes sera « instituée par voie réglementaire », et non « désignée par décret du Président de la République » - les décrets du Président de la République concernant en principe des nominations.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL53 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

Amendement CL33 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Vous disiez, madame la rapporteure, que nous pourrions prendre en considération les autres axes de la stratégie nationale : cet amendement nous en offre l’occasion.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Le rôle de la Miviludes n’est pas de s’immiscer dans les programmes scolaires. Je suis pour former et sensibiliser les enfants, mais ils le sont déjà. La stratégie nationale renforce les actions en ce sens, grâce à un volet conçu pour la protection de l’enfance. Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). L’intention n’est pas que la Miviludes vienne « s’immiscer » dans les programmes de l’éducation nationale ; nous proposons d’y intégrer une sensibilisation aux dérives thérapeutiques ou sectaires. Cela participerait à la prévention, cet objectif que nous partageons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL54 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Les questions financières relèvent du champ de compétence de Tracfin. De plus, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République lui a confié le devoir de veiller particulièrement aux mouvements financiers de certaines organisations. Ce service dispose de l’expertise nécessaire dans ce domaine, qu’il ne convient donc pas d’inscrire au nombre des missions de la Miviludes.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL55 de Mme Brigitte Liso et CL8 de M. Thomas Ménagé (discussion commune)

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’alinéa 8 prévoit que la Miviludes contribuera à l’information et à la formation des agents publics, et l’Assemblée a souhaité mentionner expressément certaines catégories d’entre eux dans le texte lors de l’examen en première lecture, contre mon avis. Le présent amendement tend à supprimer cette précision car dès lors qu’on établit une liste, on risque d’oublier des catégories, sans compter celles qui sont susceptibles de se créer par la suite. Je le répète, tous les agents publics sont bien concernés, sans qu’il soit besoin de les nommer.

M. Thomas Ménagé (RN). Nous voilà revenus à la discussion qui a semé la discorde lors de l’examen en première lecture, provoquant un incident de séance. Gabriel Attal avait annoncé vouloir travailler « avec tout l’hémicycle », car « derrière chaque député, il y a des Français. Qu’on en soit heureux ou non » – et vous n’êtes clairement pas heureux de la présence de 88 députés du Rassemblement national. Mme la secrétaire d’État Agresti-Roubache, voulant respecter cet engagement, a émis un avis de sagesse sur notre amendement visant à élargir la mission d’information et de formation de la Miviludes aux élus locaux.

L’amendement CL8 et le CL9 qui suivra reprennent cette proposition de bon sens et consensuelle. En séance, nous avons soutenu la position de la rapporteure contre l’établissement d’une liste à la Prévert des agents publics concernés par cette formation. En revanche, les élus locaux ne sont pas des agents publics, et ils ne sont pas cités. Je suis élu d’un territoire rural du Loiret où il n’y a pas d’agents publics. Dans ce cas, ce sont les élus qui se trouvent en première ligne, par exemple dans les communes de 100 ou 200 habitants. Indirectement, le texte implique les élus dans la lutte contre les dérives sectaires, en créant des groupes de travail chargés de ces questions dans les CLSPD et les CISPD, les conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Il faut aller plus loin. Essayez d’ouvrir votre esprit. C’est ce qu’avait fait la ministre avant de se faire taper sur les doigts pour avoir fait son travail.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je le redis, votre demande est satisfaite. L’objectif n° 2 de la stratégie nationale est d’informer et de sensibiliser le public et les élus. Les actions menées associeront les associations d’élus, comme l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’Assemblée des départements de France et Régions de France. Je vous propose donc de retirer votre amendement, sinon j’émettrai un avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CL55.

En conséquence, l’amendement CL8 tombe.

Amendement CL32 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à charger la Miviludes d’informer et de sensibiliser les organismes de formation professionnelle. En effet, 14 % des signalements viennent du monde du travail, notamment du secteur de la formation – et cela risque de ne pas s’améliorer après l’application d’une franchise de 100 euros sur le recours au compte personnel de formation (CPF). La Miviludes a même publié en 2012 un guide intitulé « Savoir déceler les dérives sectaires dans la formation professionnelle ». Certaines entreprises s’adonnent pourtant à des pratiques de cette nature, même hors du cadre du CPF : Fleury Michon par exemple fait dessiner à ses salariés des ennéagrammes, méthode ésotérique et farfelue. Il faut permettre l’intervention de la Miviludes pour prévenir et accompagner les personnes exposées à de telles pratiques en milieu professionnel, où la sujétion au patron s’ajoute à la sujétion au gourou.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La stratégie nationale prévoit des actions de formation pour les acteurs du contrôle de la formation professionnelle. Une nouvelle fois, votre amendement est satisfait : demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). J’en déduis que des actions en ce sens seront menées tant que votre majorité sera au pouvoir. Cependant, si la loi ne prévoit pas que cette mission relève des compétences de la Miviludes, cela pourrait changer en cas d’alternance politique. Voter cet amendement vous permettrait de faire vivre vos idées au-delà de votre mandat !

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La liste des attributions de la Miviludes n’est pas exhaustive. Par ailleurs, une nouvelle majorité pourrait aussi changer la loi : adopter une disposition ne prémunit de rien.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL9 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Cet amendement vise à accompagner les membres des CLSPD et des CISPD qui travailleront à lutter contre les dérives sectaires. Le voter ne serait pas idiot, sauf si l’on estime que la secrétaire d’État était à côté de la plaque lorsqu’elle a émis un avis de sagesse. Il est gênant pour une majorité de considérer que les membres du Gouvernement ne comprennent rien, surtout s’agissant d’un projet de loi, donc dû à l’initiative du Gouvernement. Or la secrétaire d’État a jugé que cette disposition servirait la lutte contre les dérives sectaires.

En effet, si les personnes concernées ne disposent pas des connaissances et des clés de lecture appropriées, elles ne pourront pas travailler efficacement. Les dérives sectaires, multiformes, évoluent très rapidement ; elles augmentent fortement. Cela justifie d’adopter cet amendement qui n’est d’aucun groupe en particulier, mais relève du bon sens. Même en période d’élections européennes, ne craignez pas d’émettre un avis favorable, cela ne nous fera pas progresser dans les sondages, mais contribuera à atteindre l’objectif que nous partageons tous.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je le redis, la Miviludes intervient déjà auprès des élus locaux et la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires prévoit expressément des actions de formation et de sensibilisation spécifiques pour eux. Avis défavorable.

M. Thomas Ménagé (RN). Je transmettrai à Mme la secrétaire d’État, qui n’avait donc pas compris l’amendement ni lu le texte. C’est inquiétant, ou dommage. Soit vous avez tout compris et nous rien, soit votre position est sectaire. Malheureusement, je penche pour la deuxième hypothèse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL18 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). La Miviludes conclut des conventions avec les agences régionales de santé (ARS). L’objectif est aussi bien de lui faire remonter des informations utiles à son action que de lui permettre d’accompagner les ARS dans le ciblage et la prévention des dérives sectaires dans le domaine de la santé publique.

Cette possibilité est actuellement laissée à la discrétion des institutions concernées. Il existe par exemple une convention en Île-de-France, qui s’est révélée très efficace : les cadres de l’ARS peuvent se former auprès de la Miviludes et y trouver des interlocuteurs immédiats. Le présent amendement vise à systématiser ces conventions. Le dispositif existe, il ne s’agit que d’en faire la norme : c’est efficace et peu coûteux. Là encore, il s’agit d’une recommandation des assises nationales.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous venez de le préciser : des partenariats entre la Miviludes et certaines ARS existent déjà. Les rendre obligatoires ne va pas de soi. Conservons ce qui fonctionne. La Miviludes entretient déjà des relations avec les ARS et participe à la formation de leurs agents ; la stratégie nationale prévoit par ailleurs de renforcer les actions conjointes de la Miviludes et des autres administrations. Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous sommes d’accord : l’obligation ne va pas de soi, sinon je ne défendrais pas un amendement. Vous venez de le dire, certaines ARS ont déjà une convention, mais qu’en est-il des autres ? Ce n’est pas une question de volonté, mais de temps ou de priorité. Nous avons là l’occasion de systématiser un dispositif efficace.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL56 et CL57 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

La commission adopte l’article 1er A modifié.

 

 

Article 1er BA (art. L. 132‑5 et L. 132‑13 du code de la sécurité intérieure) : Élargissement aux dérives sectaires des compétences des conseils locaux
de sécurité et de prévention de la délinquance

La commission adopte l’amendement de coordination CL58 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

Amendement CL21 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement est presque rédactionnel : il vise à remplacer le terme « phénomènes » par celui de « dérives », plus adapté au champ du texte.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La notion de « phénomènes sectaires » est claire et suffisamment large. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 1er BA, modifié.

Chapitre Ier
Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Article 1er B (supprimé) (art. 223‑15‑2 du code pénal) : Circonstance aggravante en cas d’abus de faiblesse au moyen d’un support numérique ou électronique

La commission maintient la suppression de l’article 1er B.

Article 1er (art. 223‑15‑2, 223‑15‑3 [nouveau], 223‑15‑4 et 223‑15‑5 du code pénal, art. 704 et 706‑73 du code de procédure pénale, art. L. 444‑6 du code de l’éducation et art. 19 de la loi n° 2001‑504 du 12 juin 2001) : Singulariser le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse résultant d’un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état

Amendements de suppression CL1 de M. Xavier Breton et CL35 de M. Jean-François Coulomme

M. Xavier Breton (LR). Le droit en vigueur sanctionne déjà l’abus de faiblesse et satisfait donc les besoins auxquels entend répondre l’article 1er dans ce domaine. L’article 222‑33‑2‑2 du code pénal, lui, permet de réprimer les comportements visés par l’infraction qu’il crée, relative à l’état de sujétion. De plus, sa rédaction excéderait largement les cas de sujétion liés à des dérives sectaires : la loi pourrait s’appliquer à d’autres types d’emprise, de manière indéterminée, ce qui serait dangereux. C’est pourquoi il convient de supprimer cet article, comme le Sénat l’avait fait en première lecture.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet article fait d’abord doublon avec le délit existant d’abus de faiblesse – c’est du bavardage pénal. Ensuite, il est source de confusion : il instaure un abus qui n’est pas spécifique aux dérives sectaires, donc qui n’a pas sa place dans le texte. Enfin, il accrédite l’idée qu’il suffirait d’aggraver les peines encourues pour combattre les gourous. Or nous ne souffrons pas d’un déficit de peines, mais de moyens policiers et judiciaires pour identifier les délits commis, les poursuivre et les sanctionner.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Lors de l’examen en première lecture, la commission a rétabli l’article 1er ; en séance publique, nous avons rejeté, sans aucune ambiguïté, les amendements de suppression. À ce stade de la navette, il n’est pas utile d’approfondir le débat. Je précise seulement que le texte ne crée aucun doublon : il prévoit une nouvelle infraction, qui distingue la sujétion de l’abus de faiblesse. Avis très défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Le texte définit deux infractions identiques : c’est bien un doublon.

M. Thomas Ménagé (RN). En première lecture, le groupe Rassemblement national était défavorable à l’article 1er, et donc à l’article 2, qui est son pendant. Nous ne sommes pas convaincus de l’utilité de ce réagencement juridique, qui scinde en deux un même dispositif. Mais les auditions, les retours et le travail que vous avez réalisé nous ont convaincus qu’il pouvait se révéler utile dans certains cas spécifiques – nous sommes capables d’écouter, de comprendre et d’évoluer, ce qui n’est pas le cas de tout le monde ici. Sur ces amendements de suppression, nous nous abstiendrons donc.

M. Xavier Breton (LR). Vous avancez, Madame la rapporteure, que l’article crée un délit supplémentaire. Est-ce à dire que la législation ne répondait pas à certains cas, ou alors que vous apportez une nouvelle distinction – et dans ce cas, quels cas précis seront visés ? Vous posez une frontière sans la définir clairement, ce qui soulèvera des problèmes d’interprétation.

M. Didier Paris (RE). Ce débat est fictif. Le texte ne supprime aucunement l’abus de faiblesse du code pénal, n’en parlons pas. En revanche, le droit français est trop restreint à cette notion d’abus de faiblesse, dont le champ est limité : il concerne essentiellement les personnes âgées. Le projet de loi prévoit des dispositions nouvelles, propres à réprimer des comportements qui ne relevaient pas jusqu’à présent du champ pénal. Elles sont complémentaires, et visent un objectif différent : sanctionner le fait de créer ou de maintenir un état de sujétion psychologique ou physique, par l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement d’une personne. Relisez le code pénal : le délit d’abus de faiblesse ne permet pas de réprimer des situations de cette nature.

L’article 1er, comme les articles 2 et 4, est essentiel au texte ; ils visent à adapter le droit à la réalité des dangers que font courir les dérives sectaires.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’article 1er, non modifié.

Article 1er bis (art. 1378 octies du code général des impôts) : Inéligibilité aux avantages fiscaux des dons faits au bénéfice d’organismes condamnés pour abus de faiblesse ou sujétion

Amendement CL17 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Il s’agit d’un amendement de cohérence, mais par anticipation. Nous soutenons la suppression de l’article 4, qui constitue notre ligne rouge car il est attentatoire aux libertés et susceptible de bâillonner le débat scientifique, mais ne résoudra pas le problème des dérives sectaires. L’amendement vise donc à supprimer dans l’article 1er bis la référence au délit que crée l’article 4.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je vous demande de retirer votre amendement. En effet, il porte sur les peines applicables aux auteurs d’abus de faiblesse ou de sujétion et non sur l’infraction que crée l’article 4 du texte. Si vous ne le retirez pas, j’émettrai un avis défavorable.

M. Thomas Ménagé (RN). J’avais de toute façon prévu de le retirer.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er bis, non modifié.

Article 2 (art. 221‑4, 222‑3, 222‑4, 222‑8, 222‑10, 222‑12, 222‑13, 222‑14 et 313‑2 du code pénal) : Introduire une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences et les escroqueries

Amendements de suppression CL2 de M. Xavier Breton et CL36 de M. Hadrien Clouet

M. Xavier Breton (LR). Si nous avions voté la suppression de l’article 1er, il aurait été cohérent de supprimer également l’article 2.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous pensons qu’un tel arsenal juridique n’est pas nécessaire pour lutter contre les dérives sectaires : le délit d’abus de faiblesse suffit, avec tous les avantages d’un droit plus léger et plus adaptable. En réalité, c’est une autre question qui se pose : la Miviludes n’a pas les moyens de faire son boulot.

Il arrive que les citoyens s’interrogent sur les liens que l’État entretient avec telle ou telle secte. Je pense au projet de la Famille missionnaire de Notre-Dame d’édifier une basilique pouvant accueillir 3 500 personnes à Saint-Pierre-de-Colombier en Ardèche. L’ire des citoyens a été éveillée entre autres par le fait que le permis de construire d’une telle bâtisse ait pu être instruit sans prendre en considération qu’elle se situe en plein parc naturel régional, ce qui aurait dû modifier la décision. La Miviludes a également publié un rapport qui recense plusieurs signalements relatifs à cette congrégation, faisant état de gens manipulés et dépouillés, sans qu’il y ait aucune suite. Je ne dresse pas de procès mais j’appelle votre attention sur le fait que, s’il n’est pas nécessaire de créer un délit, qui ne coûte rien il est vrai, il est essentiel de donner à la Miviludes les moyens dont elle a besoin pour avancer.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Avis défavorable, puisque nous avons maintenu l’article 1er.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 2 bis A (art. 225‑4‑13 du code pénal) : Introduire des circonstances aggravantes liées aux dérives sectaires pour les « thérapies de conversion »

Amendements de suppression CL3 de M. Xavier Breton et CL37 de Mme Ségolène Amiot

M. Xavier Breton (LR). Nous ouvrons un débat dans le débat avec cet article 2 bis A relatif aux thérapies de conversion, qui a été introduit lors de l’examen en première lecture.

Pendant la discussion de la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, j’avais affirmé que nous légiférions mal. Il s’agissait de créer un délit autonome pour sanctionner les thérapies de conversion, alors qu’il existait déjà des dispositions à même de réprimer les excès. Au cours des débats, la rédaction avait été quelque peu bâclée, portant atteinte à la solidité juridique du dispositif : déplacement des futures dispositions dans le code pénal, risques de conflits de qualification, problèmes sur l’échelle des peines… Nous retrouvons ici les mêmes difficultés légistiques. D’ailleurs l’exposé sommaire de l’amendement à l’origine du présent article précisait qu’il visait à lever une difficulté d’application de la loi du 31 janvier 2022 !

Comme par hasard, la procédure accélérée avait été engagée sur cette loi et beaucoup d’articles ont été insérés par voie d’amendement, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État. Quand nous dénonçons la mauvaise rédaction d’un texte, on nous répond « Circulez, y’a rien à voir ». Résultat, deux ans après, nous y revenons.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Toute la question est en effet de savoir à quel point nous avons besoin de nouvelles dispositions législatives. L’exploitation d’une sujétion psychologique ou physique est déjà considérée par le code pénal comme un abus frauduleux, y compris en bande organisée. L’ensemble des infractions que vous souhaitez poursuivre dans ce projet de loi est donc déjà couvert. Il n’y a pas de valeur ajoutée à créer ce nouveau délit, d’autant plus que l’infraction que vous proposez pourra être moins poursuivie que ce qui existe déjà en matière d’abus de faiblesse. Vous joignez donc le doublon à l’inutile, ce qui fait deux raisons de ne pas adopter cette disposition.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet article est une mesure de cohérence avec les articles 1er et 2. Il étend aux thérapies de conversion des circonstances aggravantes qui correspondent aux dérives sectaires. Par ailleurs, étant présidente du groupe d’études VIH et sida, je peux vous affirmer que ces sujets reviennent très souvent et qu’il est véritablement nécessaire de créer ce nouveau délit et d’alourdir les peines. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 2 bis A non modifié.

Chapitre Ier bis
Renforcer la protection des mineurs victimes de dérives sectaires

Article 2 bis (art. 8 du code de procédure pénale) : Allongement des délais de prescription applicables en cas d’abus de faiblesse d’un mineur

La commission adopte l’article 2 bis non modifié.

Article 2 ter (art. 227‑15 et 227‑17 du code pénal) : Circonstance aggravante des délits de privation d’aliments ou de soins et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur en cas de manquement à l’obligation de déclaration à l’état civil d’un enfant

Amendement de suppression CL22 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Il s’agit de savoir si le renforcement des sanctions en cas d’isolement social volontaire des enfants aura un effet. L’amende est multipliée par 100 et la peine de prison portée à 10 ans : vous pourriez la porter à 500 ans, cela ne changerait pas grand-chose, car les gourous qui font en sorte de soustraire des enfants à un environnement sain et sécurisé le font rarement avec le code pénal sous le bras ! Dès lors, nous ne pouvons pas vous suivre dans la surenchère pénale.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Votre position est de ne jamais enchérir sur les sanctions pénales, par principe. Je peux le comprendre. Néanmoins, si les sanctions n’existaient pas, que serait notre société ? Prenez le code de la route : les risques ne justifient-ils pas que nous adaptions la loi ? Attacherions-nous tous notre ceinture de sécurité si le non-port n’était pas puni ? Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nous sommes favorables à cette sanction et n’envisageons absolument pas de la supprimer. En revanche, nous sommes contre son alourdissement car la littérature scientifique a prouvé que cela n’avait aucun impact. Je peux entendre que vous considériez que les scientifiques, en France et dans le monde, se plantent totalement, mais il va falloir l’assumer. En effet, ils ont démontré par a + b qu’alourdir une sanction n’avait pas d’impact sur la commission ou non d’un crime ou d’un délit.

Il serait bien préférable de parler de prévention, le plus tôt possible en amont de la commission du délit, plutôt que d’alourdir encore les sanctions et de remplir un peu plus les prisons sans pour autant faire quoi que ce soit des délinquants et des criminels.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 ter non modifié.

Article 2 quater (art. 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004) : Inclusion de l’abus de faiblesse et du délit de sujétion parmi les infractions contre lesquelles doivent lutter les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs de contenus

La commission adopte l’article 2 quater non modifié.

Chapitre II
Renforcer l’accompagnement des victimes

Article 3 (art. 2‑6 et 2‑17 du code de procédure pénale) : Étendre les catégories d’associations pouvant se constituer partie civile en matière d’emprise sectaire

Amendement de suppression CL23 de M. Jean-François Coulomme

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). L’article 3 concentre une partie des faiblesses de votre texte. Vous proposez en effet une modification du régime de la partie civile. Aujourd’hui, une association de lutte contre les dérives sectaires doit être reconnue d’utilité publique pour pouvoir se porter partie civile. Vous souhaitez remplacer la reconnaissance d’utilité publique par un agrément, à caractère plus discrétionnaire, remis par les ministères.

Nous ne sommes pas d’accord, pour deux raisons essentielles. La première, c’est qu’il y a une raison pour laquelle il faut être reconnu d’utilité publique pour se porter partie civile : l’autonomie, voire l’indépendance totale par rapport au ministère en place. Pour ma part, je n’ai aucune confiance dans les agréments que les sarkozystes, s’ils revenaient au pouvoir, distribueraient à des associations de lutte contre les dérives sectaires. La reconnaissance d’utilité publique est une protection car elle garantit que les associations habilitées à se porter partie civile ne sont pas purement partisanes.

Par ailleurs, dans de nombreux procès, des victimes de dérives sectaires se retirent de la procédure pénale, soit parce que le lien de sujétion n’est pas rompu, soit parce qu’elles font l’objet d’intimidations. C’était le cas par exemple durant le procès de Raël et des Raëliens. La reconnaissance d’utilité publique constitue une garantie que seules les associations ayant toutes les compétences pour accompagner, protéger et soutenir les victimes peuvent les mener dans les méandres de la procédure pénale.

Votre disposition aura pour conséquence d’affaiblir l’autonomie associative et fera peser un risque sur les poursuites judiciaires elles-mêmes si une association ayant la sympathie d’un décideur public peut être habilitée à aller en justice sans en avoir les compétences.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit d’étendre la possibilité de se constituer partie civile en accordant à certaines associations un agrément délivré sous certaines conditions très précises – intérêt général, transparence financière, collégialité, souscription d’un contrat d’engagement républicain. Les agréments ne seront donc pas distribués comme des bonbons. À vous entendre, seule l’Unadfi (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes) devrait bénéficier de cette possibilité. Le Caffes (Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire), le Gemppi (Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la protection des individus) ou le CCMM (Centre contre les manipulations mentales) seraient ravis de s’entendre dire qu’ils ne sont pas compétents ! Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Dès lors que différentes associations sont compétentes, pourquoi faites-vous le choix de leur ouvrir le droit de se porter partie civile plutôt que de les accompagner vers la reconnaissance d’utilité publique ? Cela leur permettrait de sanctuariser dans le temps long leur capacité d’intervention. De plus, cela acterait qu’elles sont là au titre de leurs compétences et de leur savoir-faire, et non parce qu’un agrément à caractère politique, voire partisan, leur aurait été remis.

Je suis évidemment favorable à ce qu’un plus grand nombre d’associations de lutte contre les dérives sectaires soient accompagnées vers la reconnaissance d’utilité publique. Vous n’en prenez pas le chemin avec votre texte, parce que n’importe quel membre d’une association reconnue d’utilité publique aura intérêt à la quitter pour créer la sienne dans le but de bénéficier d’un agrément, affaiblissant ainsi le monde associatif engagé dans ce combat. C’est pour cela que nous proposons la suppression de l’article 3, ou à défaut l’instauration d’un double régime faisant coexister les agréments et le maintien des associations reconnues d’utilité publique. Ainsi, chacun sera satisfait d’avoir contribué à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Pour être reconnue d’utilité publique, une association doit respecter plusieurs critères, en particulier celui du nombre d’adhérents. Or des associations, comme le CCMM et le Gemppi, peuvent ne pas atteindre le nombre requis. Cet effet de seuil les prive alors de la possibilité de se porter partie civile. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les associations bénéficiant d’un agrément puissent le faire. Les associations attendent vraiment beaucoup de l’article 3.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL4 de M. Xavier Breton et CL10 de M. Thomas Ménagé

M. Xavier Breton (LR). L’article 3 permet à des associations d’exercer les droits de la partie civile. Toutefois, sous couvert de lutter contre les thérapies de conversion, cet ajout compromettrait gravement la possibilité de prendre en charge des patients, en particulier les enfants et adolescents qui ressentent de la souffrance liée à la dysphorie de genre.

Les dispositions que nous contestons soumettent parents et professionnels à la pression d’associations militantes qui cherchent à assimiler toute prise en charge prudente d’enfants et d’adolescents en questionnement de genre à une thérapie de conversion. Ce sont des sujets sensibles et la prudence devrait être nécessaire s’agissant de traitements encore expérimentaux présentant des conséquences lourdes et irréversibles, particulièrement s’agissant de jeunes en proie aux questionnements de leur âge. Il nous semble donc nécessaire d’arrêter cette fuite en avant sur la thérapie de conversion et l’identité de genre, et de commencer par appliquer la réglementation existante, qui est suffisante.

M. Thomas Ménagé (RN). Nous avons déposé cet amendement de suppression pour d’autres raisons que notre collègue : nous considérons qu’il doit y avoir un accord de la victime dès lors qu’une association catégorielle se constitue partie civile.

Nous ne remettons absolument pas en cause la lutte contre les thérapies de conversion. La loi de 2022 était souhaitable et les députés du Rassemblement national l’avaient votée. Il faut continuer, bien entendu, à lutter contre les dérives et les attaques contre les homosexuels. Nous souhaitons simplement que la victime soit associée au procès.

Je tenais à revenir sur les fake news que M. Kerbrat, de La France insoumise, a encore une fois publiées sur les réseaux sociaux, donnant le sentiment que nous voudrions autoriser les thérapies de conversion. Ce n’est absolument pas le cas et je trouve franchement dégueulasse, j’assume le terme, d’utiliser cette lutte noble contre les thérapies de conversion à des fins politiques, en attaquant le groupe Rassemblement national qui a toujours été aux côtés des homosexuels et contre les thérapies de conversion. (Exclamations.)

Pire, M. Kerbrat m’a attaqué personnellement sur mon coming out, en utilisant des faits de ma vie personnelle. La France insoumise a tout simplement fait preuve d’homophobie à mon encontre en sous-entendant que j’étais pour les thérapies de conversion. Je trouve vraiment honteux d’utiliser la vie personnelle d’un collègue à des fins politiciennes.

Nous réaffirmons donc notre soutien à la lutte contre les thérapies de conversion mais nous considérons que les victimes de ces thérapies doivent avoir leur mot à dire dans les procès.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La logique est exactement la même que pour les dérives sectaires : les victimes sont en état de sujétion, donc empêchées de s’exprimer. Il est bien évident que si elles en avaient la possibilité, on leur donnerait volontiers la parole, mais il arrive qu’une personne en état de sujétion retire sa plainte après l’avoir déposée parce qu’elle subit encore cette chape de plomb qui l’empêche d’être véritablement libre de ses propos. Voilà pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Dans les pas de notre collègue Kerbrat, nous ne voterons bien évidemment pas ces amendements. Nous n’oublions pas que, le 1er mars 2018, les élus du Rassemblement national au Parlement européen ont voté contre la motion condamnant les thérapies de conversion. Je constate que vous-même, monsieur Ménagé, avez changé d’avis – c’est à croire qu’une élection arrive ! De plus, un certain Jean-Marie Le Pen a été condamné en appel pour avoir comparé l’homosexualité à de la zoophilie. Cela fait donc deux bonnes raisons de ne pas vous suivre sur ce point particulier et de douter plus généralement de vos propos sur le sujet.

M. Thomas Ménagé (RN). Vous qui êtes perpétuellement dans la compromission avec les islamistes et qui les soutenez depuis des mois – une partie d’entre vous allant jusqu’à soutenir le Hamas en le qualifiant de mouvement de résistance – alors même que les islamistes tuent les homosexuels, qu’ils sont engagés dans une lutte à mort contre eux, vous devriez balayer devant votre porte avant de faire de l’archéologie vis-à-vis de notre mouvement. Les homosexuels et les Français de confession juive savent très bien que Marine Le Pen a toujours été un rempart face aux islamistes qui font la loi dans certains quartiers, où les jeunes homosexuels ne peuvent pas vivre ni se balader en se tenant par la main. Cela, vous voulez le cacher, par clientélisme électoral !

Madame la rapporteure, je comprends vos arguments mais ils soulèvent la question beaucoup plus large des moyens à mettre en œuvre pour accompagner les victimes des thérapies de conversion. Ce n’est pas en laissant des associations catégorielles se constituer partie civile sans leur accord que l’on aidera les victimes à se reconstruire : cela ne peut fonctionner que si elles le font de leur plein gré. Il faut donc prévoir, ce qui manque dans votre projet de loi, des moyens d’accompagnement psychologique et psychiatrique afin de leur donner le courage de mener ce combat devant les tribunaux. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons aider les jeunes homosexuels à lutter contre ces pratiques honteuses.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CL45 de M. Philippe Schreck, CL5 de M. Xavier Breton, CL24 de Mme Ségolène Amiot, CL6 de M. Xavier Breton et CL25 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

M. Philippe Schreck (RN). Une association reconnue d’utilité publique présente plus de garanties pour ester en justice car, par rapport à une association simplement agréée, elle dispose d’un nombre d’adhérents, d’un rayonnement territorial et de capacités financières et de management étendus. À l’inverse, les conditions d’octroi et de retrait de l’agrément sont floues, voire discrétionnaires. Il faut inciter les associations agréées à obtenir la reconnaissance de l’utilité publique et à travailler ensemble lorsqu’elles n’atteignent pas la taille critique.

M. Xavier Breton (LR). Si les thérapies de conversion ont pu donner lieu à des abus qui doivent être réprimés, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse. Avec l’article 3, on peut se demander comment les professionnels de santé pourront s’interroger sur le mal-être de leurs patients, notamment mineurs, et leur prodiguer les soins psychologiques ou psychiatriques souvent associés à cette prise en charge. S’ils peuvent être la cible d’associations militantes, comment les parents pourront-ils offrir à leur enfant une prise en charge complète des troubles qui se dissimulent souvent derrière une demande de transition ? Tout cela nous semble très dangereux, d’autant que l’on assiste de plus en plus à des phénomènes de détransition, qui génèrent beaucoup de souffrances, même si les tenants de la logique transaffirmative refusent de le reconnaître. Ceux qui votent ces textes seront un jour comptables des souffrances qu’ils auront occasionnées avec leur législation.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). L’amendement CL24 tend à reconnaître le travail accompli par les associations reconnues d’utilité publique en les maintenant aux côtés des associations agréées. Cela permettrait d’élargir le spectre des associations autorisées à se porter partie civile. Il s’agit donc de rechercher le mieux-disant : puisque des associations font déjà le travail, pourquoi leur retirer cette possibilité au bout d’un an ? A-t-on quelque chose à leur reprocher ? Je n’en suis pas sûre.

M. Xavier Breton (LR). Les processus de transition peuvent avoir des conséquences physiques et psychologiques irréversibles. Si l’on supprime la possibilité de détransitionner, cela risque d’occasionner des drames de plus en plus nombreux.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Vous avez rappelé à juste titre, madame la rapporteure, que certaines associations ont des compétences mais n’atteignent pas la taille critique en nombre d’adhérents pour être reconnues d’utilité publique, en l’occurrence 200 membres. Une véritable politique de lutte contre les dérives sectaires, avec notamment des campagnes de prévention, favoriserait très rapidement le développement des associations et leur permettrait d’atteindre cette taille critique. En étant reconnues d’utilité publique, elles deviendraient indépendantes du pouvoir exécutif, quel qu’il soit. L’objet de mon amendement est donc de porter à quatre-vingt-dix-neuf ans la durée de la période transitoire pendant laquelle les associations reconnues d’utilité publique peuvent continuer à se porter partie civile, afin de nous donner le temps de la réflexion. Nous concilierions ainsi variété des acteurs et sécurité en cas de changement de gouvernement.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Tout d’abord, le critère de l’utilité publique n’est pas inscrit dans la Constitution : il peut être modifié. Ensuite, vous craignez qu’un futur gouvernement ne remette en cause l’agrément. Mais celui-ci ne sera délivré qu’après avis du parquet, et à condition que l’association agisse dans l’intérêt général, fonctionne de façon démocratique, assure la transparence financière et respecte les règles du contrat d’engagement républicain, qui sont des critères prévus par la loi. Maintenir un double régime me paraît déséquilibré et risque d’établir une hiérarchie entre les associations. Quant à la période transitoire, nous proposons de la fixer à une année afin de laisser à l’Unadfi le temps d’obtenir l’agrément. Avis défavorable à tous ces amendements.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Madame la rapporteure, l’avis du parquet que vous invoquez n’est qu’un avis et une autre majorité que la vôtre pourrait décider de s’asseoir dessus. De même, vous arguez que les associations doivent agir dans l’intérêt général, mais ce n’est pas une garantie si un nouveau pouvoir exécutif promeut une autre définition de l’intérêt général. Cette borne ne me paraît pas pérenne.

Vous évoquez ensuite un risque de hiérarchisation entre les associations. Mais dans votre système, les deux catégories d’associations cohabiteraient, une seule ayant le droit de se porter partie civile : la hiérarchie existerait aussi. Du reste, en quoi une hiérarchisation devrait-elle poser problème ? L’essentiel est que chaque victime puisse obtenir l’accompagnement le plus approprié.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 3 non modifié.

Chapitre III
Protéger la santé

Article 4 A (art. L. 4161-5, L. 4223-1 du code de la santé publique, art. L. 132-2 du code de la consommation) : Aggravation des sanctions pour les délits d’exercice illégal d’une profession médicale ou de pratiques commerciales trompeuses commises au moyen de supports numériques et création d’une peine complémentaire de suspension de l’accès au service de plateforme en ligne utilisé pour commettre ces infractions

Amendement de suppression CL27 de M. Jean-François Coulomme

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Il existe deux manières d’envisager la lutte contre les dérives sectaires. La première consiste à créer de nouvelles infractions et à alourdir les peines, la mesure de la réussite reposant sur le nombre de personnes condamnées. La deuxième, qui est celle que nous défendons, consiste à faire de la prévention, le but étant la réduction du nombre de victimes. Votre texte permettra de mettre plus longtemps à l’ombre les gourous et tous ceux qui exercent une sujétion sur autrui, mais il ne protègera pas davantage les victimes. Pour ce faire, il faudrait renforcer les services publics dans les domaines de la santé, de l’accompagnement psychologique, de la police, de la magistrature, etc.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet que nous avons déjà largement évoqué. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL43 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). L’article 4 A érige en circonstance aggravante des infractions d’exercice illégal de certaines professions médicales le fait qu’elles ont été commises en ligne. Cette mesure nous paraît aller dans le bon sens pour mieux lutter contre le charlatanisme qui se répand sur internet.

Cependant, les organisations sectaires peuvent disposer de ressources financières importantes. Certaines peuvent déployer des campagnes de publicité sur les réseaux sociaux pour des montants dépassant celui de l’amende, à savoir 75 000 euros. De ce fait, les fournisseurs d’accès et les réseaux sociaux pourraient être tentés de payer les amendes, pour conserver ces campagnes : c’est leur intérêt économique. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons augmenter substantiellement le montant de l’amende encourue.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Avis défavorable. Le montant prévu de 75 000 euros me paraît tout à fait proportionné et adapté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL59 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet amendement a pour objet le rétablissement de la peine complémentaire de suspension du compte d’accès au service en ligne utilisé pour commettre les délits d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie, de la biologie médicale et de pratiques commerciales trompeuses. Dans ces circonstances, le bannissement numérique s’impose.

M. Thomas Ménagé (RN). Il faut bien entendu fermer ces comptes et se montrer très sévère face à de telles dérives en ligne. Toutefois, la peine de bannissement n’est pas recevable parce qu’elle nécessiterait la création d’une identité numérique, actuellement impossible en raison de problèmes techniques.

Certes, cela part d’un bon sentiment : une personne ayant utilisé un compte pour commettre des actes répréhensibles en ligne ne devrait pas pouvoir en créer un nouveau. Mais ce qui me choque, c’est que vous souhaitiez revenir non pas sur une proposition du Rassemblement national – nous avons l’habitude d’être ostracisés, bien qu’il y ait derrière nous des millions de Français –  mais sur un amendement de bon sens déposé par une députée de votre majorité, Mme Louise Morel, et qui avait été adopté de façon consensuelle. La peine que vous prévoyez n’est pas applicable. Je vous invite donc à un peu de bon sens, et à retirer votre amendement.

M. Philippe Latombe (Dem). L’amendement de Louise Morel sur lequel vous souhaitez revenir avait fait l’objet d’un important travail. Il est en outre conforté par le fait qu’au niveau de l’Union européenne, le digital wallet (portefeuille électronique) qui est en cours d’adoption ne sera qu’une possibilité offerte à l’ensemble des citoyens européens et non une obligation. Vous n’aurez donc pas la possibilité technique d’opérer des contrôles à partir du digital wallet, qui devrait emporter une grande partie de l’identité numérique en Europe. Enfin, votre amendement serait anticonventionnel. Restons-en donc à la rédaction de bon sens qui avait été proposée par Louise Morel, et qui avait fait l’objet d’un consensus.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 4 A modifié.

Article 4 (art. 223-1-2 du code pénal) : Création d’infractions réprimant la provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne à un risque grave ou immédiat pour sa santé

Amendements de suppression CL7 de M. Xavier Breton et CL11 de M. Thomas Ménagé

M. Xavier Breton (LR). L’article 4 est l’article maudit de ce projet de loi. Mme la rapporteure a certes déposé des amendements visant à l’améliorer mais il est devenu inintelligible. La prudence devrait prévaloir lorsque l’on touche à la liberté d’expression et de conscience. Nous proposons donc de supprimer cet article.

M. Thomas Ménagé (RN). Je ne suis pas certain, madame la rapporteure, que l’article 4 mérite que vous restiez la dernière, comme vous l’avez dit, pour le défendre ! Le Conseil d’État, la rapporteure du texte au Sénat et les parlementaires sont unanimes : la création d’une nouvelle infraction n’est pas nécessaire. Les infractions existantes, comme la mise en danger de la vie d’autrui ou l’exercice illégal de la médecine, constituent un arsenal suffisant pour lutter contre les abandons de soins. Je comprends que vous ayez été touchée par certains témoignages, mais un cas particulier ne saurait entraîner une atteinte aussi importante et aussi disproportionnée à la liberté d’expression, comme le souligne le Conseil d’État dans son avis. Il arrive que les faits ne soient pas constitués. Lorsque l’on touche aux libertés fondamentales, il faut le faire d’une main tremblante et il me semble en l’occurrence que vous manquez de prudence. C’est la raison pour laquelle notre groupe propose la suppression de l’article 4.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet article n’est pas maudit, monsieur Breton, mais attendu. Lors de l’examen du texte en première lecture, nous avons travaillé à une rédaction équilibrée qui a permis de mieux circonscrire les éléments constitutifs des nouvelles infractions : pour que l’infraction de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins soit caractérisée, il faut désormais que les conséquences soient particulièrement graves pour la santé de la personne.

Nous avons aussi tenu à préciser les conditions d’application de ces infractions pour garantir le respect de la liberté de conscience et en matière de choix d’un traitement : il a ainsi été précisé que les infractions ne sont pas applicables lorsque les circonstances de commission des faits permettent de retenir que la personne disposait de toutes les informations pour librement consentir à l’abandon de soins ou à l’adoption de certaines pratiques. Ne sera pas sanctionnée une personne qui, par exemple, conseillerait un proche de bonne foi et de façon bienveillante. Comme pour l’ensemble des infractions en droit pénal, la caractérisation de celles-ci nécessitera d’apporter la preuve d’une intention – exclusive de toute bonne foi – de tromper, ou de profiter de la vulnérabilité d’un malade pour le manipuler, le détourner de soins indispensables ou l’inciter à adopter – bien souvent à acheter – de prétendus remèdes mettant gravement sa santé en péril.

La rédaction à laquelle nous sommes parvenus est aboutie et équilibrée, mais elle peut sans doute être encore améliorée : j’ai déposé un amendement visant à clarifier les garanties apportées au respect de la liberté de conscience et du libre choix d’un traitement.

Je donne bien évidemment un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Didier Paris (RE). Il ne fait aucun doute que le texte initial présentait une faiblesse, dans la mesure où il n’intégrait pas suffisamment les précautions demandées par le Conseil d’État.

Voter la suppression de l’article 4, ce serait ne pas reconnaître les évolutions que les discussions en commission et en séance ont permises – et que les sénateurs ont refusé de considérer lors de la CMP. Nous devons encore éliminer quelques scories purement juridiques, s’agissant notamment du régime de présomption qui était dangereux sur le plan des libertés individuelles. Mais nous sommes parvenus à un équilibre entre la protection de la santé psychique ou physique et la liberté de conscience : il est parfaitement naturel, en effet, de pouvoir refuser un traitement ou une thérapie. Plutôt que de supprimer l’article, nous vous invitons chers collègues à voter l’amendement à venir CL65 de la rapporteure, qui permettra d’aboutir à une rédaction équilibrée, parfaitement conforme au droit français et à l’évolution de la législation.

M. Thomas Ménagé (RN). Le cas des lanceurs d’alerte est depuis l’origine un point d’inquiétude. Vous vous efforcez de nous rassurer sur ce point, madame la rapporteure, mais l’encadrement que vous avez prévu n’est pas satisfaisant. Vous essayez de vous rattraper aux branches pour sauver votre article, mais votre rédaction ne règle pas le problème.

Avant d’être un lanceur d’alerte, on est un fou, ou à tout le moins quelqu’un dont les positions ne sont pas conformes au consensus scientifique. On pourra donc être condamné sur le fondement de l’article 4 et n’être reconnu comme un lanceur d’alerte que cinq ou dix ans plus tard. Comment le texte pourra-t-il protéger des lanceurs d’alerte qui n’en sont pas encore ? Je le répète : l’article 4 constitue une remise en cause du débat scientifique et une atteinte profonde à nos libertés fondamentales.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL46 de M. Philippe Schreck

M. Philippe Schreck (RN). L’article 4 n’ayant pas été supprimé, nous allons passer notre temps à le triturer pour essayer de l’améliorer. Cet amendement a pour objet de préciser qu’il n’est applicable que lorsque la provocation est adressée à une personne ou à un groupe de personnes déterminées. Dès lors qu’il se pose en des termes généraux, le débat pourra ainsi se poursuivre librement.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement qui restreint beaucoup trop le champ d’application des nouvelles infractions, en interdisant, par exemple, de réprimer les faits de provocation commis au moyen de vidéos ou de publications largement relayées sur internet.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL60 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

Amendements identiques CL65 de Mme Brigitte Liso, CL48 de M. Philippe Pradal, CL49 de M. Didier Paris et CL50 de Mme Mathilde Desjonquères

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Ces amendements visent à réécrire les alinéas 5 et 6 afin de préciser les conditions dans lesquelles les délits ne sont pas constitués, tout en garantissant la protection de la personne placée en état de sujétion.

La rédaction actuelle de ces deux alinéas comporte des imprécisions qui sont de nature à nuire à l’application correcte du dispositif et à son efficacité. D’une part, la référence aux conditions dans lesquelles la provocation a été faite mérite d’être mieux explicitée. Il est difficile de définir les conditions dans lesquelles un acte de provocation est susceptible ou non de remettre en cause la volonté de la personne. Les praticiens ne pourront que se heurter à cette difficulté, qui pourrait aussi alimenter les débats devant la justice et fragiliser les procédures. D’autre part, il existe en l’état actuel de la rédaction un doute sur les conditions dans lesquelles les délits peuvent être ou non constitués, qui risque de contrevenir aux principes de légalité des délits et de précision de la loi pénale. Enfin, la rédaction actuelle de l’alinéa 6 est imprécise et fait dépendre l’application de la protection bénéficiant à la personne en état de sujétion de la délivrance d’une information ; cela ne correspond pas parfaitement aux conditions d’exclusion de la responsabilité pénale qui sont prévues à l’alinéa 5.

La réécriture que je vous propose corrige ces difficultés. Elle permettra d’exclure les cas dans lesquels la personne a, en toute connaissance de cause, librement consenti à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de certaines pratiques. Il appartiendra au juge de prendre en compte les circonstances de commission des faits et d’établir si la personne disposait, dans ce contexte particulier, d’une pleine et entière volonté.

L’actualité démontre l’importance de protéger les personnes : récemment encore, la presse s’est fait l’écho de l’arrestation d’un prétendu « yogi-gourou » qui faisait signer à ses victimes une décharge de responsabilité pour se prémunir de tout dépôt de plainte.

M. Philippe Pradal (HOR). Les groupes de la majorité ont souhaité déposer des amendements identiques à celui de Mme la rapporteure, visant à ce que l’article 4 soit plus équilibré et plus fidèle à l’avis du Conseil d’État. Il s’agit de protéger non seulement la victime – c’est l’objet principal du texte – mais aussi la liberté de conscience de chacun, qui est libre d’entrer ou non dans certains protocoles de soin.

M. Didier Paris (RE). Ces amendements améliorent très sensiblement le texte en rétablissant la notion de volonté libre et éclairée de la personne, dès lors que l’information qui lui a été adressée est claire et complète. Je souhaite qu’à l’instar de tous les groupes de la majorité, l’ensemble des membres de la commission les adoptent.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Ces amendements fluidifient le texte en précisant les conditions de traitement des infractions de provocation prévues par l’article 4. Ils mentionnent la garantie du respect de la liberté individuelle dans le choix d’un traitement, ce qui était essentiel.

M. Xavier Breton (LR). Cette nouvelle rédaction est un bricolage de plus ! Plutôt que de me lancer dans un long discours, je vais simplement lire votre proposition : « Lorsque les circonstances dans lesquelles a été commise la provocation, définie au premier alinéa, permettent d’établir la volonté libre et éclairée de la personne, eu égard notamment à la délivrance d’une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé, les délits définis au présent article ne sont pas constitués, sauf s’il est établi que la personne était placée ou maintenue dans un état de sujétion psychologique ou physique, au sens de l’article 223-15-3. » C’est inintelligible ! Je ne doute pas de votre intention d’apporter la meilleure réponse possible aux questions essentielles qui sont posées, mais vous êtes lancés dans une fuite en avant. Le texte est mal écrit et son application va susciter des dangers.

M. Philippe Schreck (RN). Oui, il s’agit d’un bricolage. Par définition, une victime parfaitement informée et dont le consentement est libre et éclairé n’est pas une victime ! Ces amendements cherchent à sauver un article au destin cauchemardesque.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Notre groupe s’abstiendra sur le vote de ces amendements : ils améliorent certes la version initiale, mais ne lèvent pas nos réticences s’agissant de l’ordonnancement des peines et de leur place dans notre droit. Nous ne sommes toujours pas convaincus par la rédaction de l’article 4 dans son ensemble.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Souscrivant à tout ce qui vient d’être dit, je pense qu’il serait utile de réécrire l’article dans la perspective de la séance. Plutôt que de commencer par écarter ce qui ne serait pas un délit, allez directement au sujet et définissez ce qui le serait ! Cela tiendra en trois lignes et cela sera plus lisible.

M. Didier Paris (RE). La rédaction que nous avons retenue permet justement d’écarter les situations dans lesquelles les personnes sont correctement informées et exercent leur liberté de conscience, monsieur Schreck. Vous avez parfaitement compris le texte, ne cherchez pas à en faire une mauvaise interprétation.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements CL15 et CL16 de M. Thomas Ménagé tombent.

Elle adopte ensuite l’article 4 modifié.

M. le président Sacha Houlié. Certains d’entre vous semblent douter du résultat du vote. Je vous confirme que l’article 4 a été largement adopté. Les socialistes n’ont pas voté. Pour la majorité, seul M. Latombe a voté contre.

Article 5 (art. 11-3 du code de procédure pénale) : Obligation pour le parquet d’informer l’ordre professionnel en cas de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire d’un professionnel de santé à raison de la commission de certaines infractions

Amendement de suppression CL28 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Les députés du groupe LFI-NUPES sont attachés au secret de l’enquête, auquel il ne doit pas être possible de déroger n’importe comment. Les magistrats peuvent déjà le faire lorsqu’ils l’estiment nécessaire. Néanmoins, il nous paraît disproportionné de faire de cette possibilité une obligation. Cela pourrait nuire gravement et durablement à la réputation de professionnels mis hors de cause par la suite.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Le décompte du vote précédent n’est pas bon, monsieur le président.

M. le président Sacha Houlié. Cet article a été largement adopté. À la commission des lois, c’est moi qui compte, et je le fais avec précision. On ne remet pas en cause mon décompte.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Le code de procédure pénale prévoit déjà une faculté d’information des ordres de santé, mais force est de constater que cette disposition est très peu employée. L’article 5 permet de répondre aux enjeux spécifiques attachés à la limitation de la propagation des dérives sectaires. Surtout, les ordres professionnels que j’ai eu l’occasion d’auditionner ont demandé à maintes reprises que cette obligation de les informer soit instituée. Il paraît donc essentiel de conserver cet article. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL44 de M. Philippe Schreck

M. Philippe Schreck (RN). Le texte prévoit une information des ordres professionnels, lesquels peuvent et doivent avoir un rôle à jouer en la matière, mais uniquement en cas de condamnation. Je propose que les ordres soient informés plus tôt, dès lors qu’une juridiction de jugement ou d’instruction est saisie. Ayant communication du dossier en amont, ils pourraient ainsi envisager l'opportunité de se constituer partie civile et faire des demandes d’actes.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’information obligatoire de l’ordre professionnel de santé concerné est déjà prévue en cas de placement sous contrôle judiciaire. Il serait excessif de déroger au secret de l’enquête et d’informer les ordres de santé dès lors qu’une information judiciaire est ouverte. Avis défavorable.

M. Philippe Schreck (RN). Il ne s’agit pas de rendre l’information obligatoire dès lors qu’une enquête est déclenchée, mais lorsqu’une juridiction d’instruction ou de jugement est saisie, afin que les ordres puissent avoir accès au dossier comme toutes les parties au procès.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 5 non modifié.

Chapitre IV
Assurer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires

Article 6 (art. 157-3 du code de procédure pénale) : Permettre la transmission à l’autorité judiciaire de toute information utile sur les phénomènes sectaires

La commission adopte l’amendement rédactionnel de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

 

Elle adopte l’article 6 modifié.

Article 6 bis (art. 226-14 du code pénal) : Dérogation au secret médical pour permettre aux professionnels de santé de signaler à l’autorité judiciaire des faits de placement ou de maintien en état de sujétion

Amendements de suppression CL12 de M. Thomas Ménagé et CL38 de M. Jean-François Coulomme

M. Thomas Ménagé (RN). L’article 6 bis part d’une bonne intention : permettre la détection des dérives sectaires. Il pourrait néanmoins avoir des effets contre-productifs. On parle librement à son médecin, quand on a la chance d’en avoir un, parce que l’on sait que ces échanges sont couverts par un secret quasiment absolu. Un équilibre a été trouvé entre le secret dû par le professionnel de santé à son patient et la nécessité de protéger l’intérêt général, ainsi que celui des mineurs. Mais en envisageant de lever le secret médical pour lutter contre les dérives sectaires, on risque paradoxalement de conduire les patients à se taire et à se priver de l’accompagnement de leur médecin. Cet article est vraiment une fausse bonne idée.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Notre groupe n’a pas d’hostilité de principe à la levée du secret médical, qui existe déjà. Mais, si la rédaction de l’article a été améliorée lors de l’examen du texte en séance s’agissant du consentement de la personne concernée, elle continue de poser deux problèmes. D’abord, en l’absence d’une définition de l’état de sujétion qui doit déclencher l’information du procureur, les pratiques risquent d’être très diverses, voire contradictoires d’un praticien à l’autre. Peut-être conviendrait-il d’abord de préciser cette définition. Par ailleurs, ce n’est pas la croyance qui est réprimée, mais la dérive qui en est issue – par exemple la mise en danger. L’article 226-14 du code pénal prévoit d’ores et déjà des exceptions au secret professionnel, en cas de privations, de sévices ou de violences intrafamiliales notamment. Nous ne voyons pas les lacunes que viendrait combler le nouvel alinéa. De ce fait, nous sommes défavorables à l’article 6 bis.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Lorsque cette disposition a été introduite en commission, en première lecture, j’avais émis un avis défavorable. Aucun ordre professionnel, en effet, n’en avait évoqué la nécessité. Elle a néanmoins été retravaillée et le périmètre du dispositif est mieux défini. Ainsi rédigé, cet article me convient. Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). J’en tire une conclusion politique importante : lorsque nous rejetons vos articles, vous les réécrivez mieux. Je propose que nous poursuivions ainsi afin d’aboutir à un texte plus satisfaisant d’ici l’examen en séance !

M. Thomas Ménagé (RN). Avez-vous envisagé, madame la rapporteure, l’effet contre-productif que pourrait avoir cet article ? Je le répète : aujourd’hui, les gens parlent à leur médecin sans crainte – ce qu’ils ne seraient pas forcément capables de faire avec un policier. Si leurs propos sont désormais susceptibles de déclencher une procédure judiciaire sans leur accord, ils risquent de ne plus se confier. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?

La commission rejette les amendements.

Amendement CL14 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Il ne faut pas considérer à la légère la levée du secret professionnel : cet amendement de repli vise à préciser que le professionnel doit disposer d’éléments suffisamment probants laissant supposer que les faits sont établis et que la sujétion cause une altération grave de la santé de la victime. Il n’est pas raisonnable en effet de se fonder sur une estimation « en conscience » du professionnel de santé, qui pourrait ne reposer sur aucun élément tangible. La formulation que nous proposons, plus adaptée aux enjeux, aurait le mérite de protéger le praticien et son patient tout en élargissant le champ des faits considérés.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement qui ferait du médecin un enquêteur. Il devrait aller chercher lui-même des éléments de preuve pour se forger une conviction et décider si les faits de placement ou de maintien en état de sujétion sont établis. Cela relève des compétences de l’autorité judiciaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL13 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Cet amendement vise à rendre plus objective l’appréciation sur laquelle se fonde le professionnel de santé pour lever le secret médical. La formulation actuelle, désignant une personne qui « n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique », n’est pas assez précise. Nous proposons de se fonder plutôt sur une notion juridique qui existe déjà en circonscrivant la levée du secret médical aux personnes bénéficiant du statut de majeur protégé, dont l’autorité judiciaire a déjà reconnu qu’elles ne sont pas capables de se protéger elles-mêmes.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Votre amendement est trop restrictif. Il faut pouvoir protéger les personnes qui ne sont pas en état de le faire elles-mêmes mais qui ne font pas l’objet d’une mesure de protection. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL62 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

La commission adopte l’article 6 bis modifié.

 

Chapitre V
Dispositions diverses

Article 7 (art. 711-1 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale) : Coordinations outre-mer

La commission adopte l’article 7 non modifié.

Article 8 : Remise d’un rapport au Parlement portant sur la mise en œuvre des dispositions de la présente loi dans le domaine de la santé mentale

La commission adopte l’article 8 non modifié.

Article 9 : Remise d’un rapport au Parlement portant sur l’usage des titres professionnels par des personnes exerçant des pratiques de santé non réglementées

La commission adopte les amendements rédactionnels CL63 et CL64 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Titre

Amendement CL40 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous examinons un projet de loi « visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes ». Il ne s’est pourtant enrichi durant nos débats d’aucune mesure sur ce dernier point. Des amendements ont proposé d’associer les agences régionales de santé à la lutte contre les dérives sectaires, de sanctuariser la possibilité, pour les associations reconnues d’utilité publique, d’exercer les droits reconnus à la partie civile, ou encore de renforcer les moyens de la magistrature, mais ils n’ont pas été adoptés. Nous proposons donc de mettre le titre du texte en cohérence avec son contenu et de remplacer les termes « à améliorer l'accompagnement des victimes » par les termes « à accompagner l’inflation pénale ».

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je vous trouve sévère, monsieur Clouet : ce texte privilégie certes la réponse pénale, mais il permet une meilleure indemnisation des victimes, prévoit l’extension du délai de prescription et élargit la possibilité pour les associations d’agir en justice. Le titre est donc adapté au contenu du texte, et je suis donc défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

 

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes (n° 2308) (Mme Brigitte Liso, rapporteure) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 


([1]) Mme Brigitte Liso, Rapport sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires, Assemblée nationale, XVIe Législature,  2157, 7 février 2024.

([2]) Amendement CL51 de Mme Liso, rapporteure.

([3]) Décret n° 2002‑1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, modifié par le décret n° 2020‑867 du 15 juillet 2020.

([4]) Loi n° 2001‑504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

([5]) Amendements n°s 145 et 147 de Mme Liso, rapporteure.

([6]) Amendement n° 144 de Mme Liso, rapporteure.

([7]) Amendement n° 24 de Mme Descamps.

([8]) Amendement n° 34 de Mme Descamps.

([9]) Amendement n° 51 de M. Saulignac.

([10]) Amendement n° 1 de M. Cordier.

([11]) Amendement n° 143 de Mme Desjonquères.

([12]) Amendement n° 138 de M. Ghomi.

([13]) Amendements n°s 146 de Mme Liso, rapporteure, et 151 de Mme Desjonquères.

([14]) Amendement CL54 de Mme Liso, rapporteure.

([15]) Amendement CL55 de Mme Liso, rapporteure.

([16]) Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, Stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027, novembre 2023, objectif n° 5, page 5.

([17]) Amendements CL52, CL53, CL56 et CL57 de Mme Liso, rapporteure.

([18]) Amendement CL58 de Mme Liso, rapporteure.

([19])  Amendements n°s 149 et 150 de Mme Liso, rapporteure.

([20]) Amendements n°s 148 de Mme Liso, rapporteure, et 35 de M. Delaporte.

([21]) Loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, article 20.

([22]) Amendements n°s 10 de M. Balanant et 73 de M. Paris.

([23]) Loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

([24]) Amendement n° COM-21.

([25]) Amendement n° 6.

([26]) Amendement n° 14.

([27]) Amendement n° 6.

([28]) Amendement n° 14.

([29]) Amendements n° CL100, CL101, CL122, CL123 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

([30]) Amendement n° 47.

([31]) Amendement n° CL59.

([32]) Amendement n° COM-22.

([33]) Amendement n° COM-1.

([34]) Amendements n° CL128 de Mme Brigitte Liso, rapporteure, et n° CL47 de Mme Stéphanie Rist.

([35]) Amendement n° 3.

([36]) Le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi avait en effet alerté sur l’atteinte portée par ces infractions à la liberté d’expression en incitant à élaborer nouvelle rédaction pour mieux en encadrer les éléments constitutifs (avis du Conseil d’État sur le projet de loi, parag. 16).

([37]) Sous-amendement n° 5.

([38]) Amendement n° CL60 de la rapporteure, Mme Brigitte Liso.

([39])  Amendements n° CL48 de M. Philippe Pradal (HOR), n° CL49 de M. Didier Paris (RE) et n° CL50 de Mme Mathilde Desjonquères (Dém).

([40]) Amendement n° CL65.

([41])  Amendement n° CL124 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

([42]) Amendement n° COM-23.

([43]) Amendement n° COM-24.

([44]) Amendement n° CL125 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

([45]) Amendement n° CL61.

([46]) Amendement n° CL85.

([47]) Amendement n° 64.

([48]) Amendement n° CL62.

([49]) Amendement n° 22.

([50]) Amendement n° CL126, de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

([51]) Amendement n° CL76.

([52]) Amendement n° 160.

([53]) Sous-amendement n° 191.

([54]) Amendements n° CL63 et n° CL64 de la rapporteure, Mme Brigitte Liso.