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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 126

Réunion du mercredi 11 mai 2005 à 9 heures 30

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Communication de MM. Bernard Deflesselles et Christophe Masse sur les travaux de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne

MM. Bernard Deflesselles et Christophe Masse, rapporteurs, ont indiqué qu'ils avaient représenté l'Assemblée nationale à la première session ordinaire de l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne qui s'est tenue au Caire du 12 au 15 mars 2005, et qu'ils l'avaient également représentée, respectivement M. Deflesselles à la réunion de la Commission de la culture et des échanges humains, à Rome les 31 janvier et 1er février, et M. Masse à la réunion de la Commission économique en Jordanie les 14 et 15 février. MM. Del Picchia et le président Haenel ont représenté le Sénat respectivement à la réunion de la Commission politique à Bruxelles le 25 janvier et à la session de l'APEM.

M. Christophe Masse a rappelé que la première session ordinaire de l'APEM s'est déroulée à un moment où les trente-cinq pays partenaires euro-méditerranéens vont fêter le dixième anniversaire du processus de Barcelone.

Il y a en effet bientôt dix ans à Barcelone, les 27 et 28 novembre 1995, la conférence euro-méditerranéenne des ministres des affaires étrangères a fondé le partenariat euro-méditerranéen pour développer la coopération entre l'Union européenne et les pays du pourtour méditerranéen. Le partenariat rassemblait en 1995 vingt-sept pays : les quinze de l'Union européenne et douze pays méditerranéens. Après l'élargissement de l'Union européenne au 1er mai 2004 et le passage de Chypre et Malte d'un groupe à l'autre, il rassemble désormais trente-cinq pays : les vingt-cinq de l'Union européenne et dix pays du pourtour méditerranéen (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie). Certains pays ont également été invités à s'en rapprocher, comme la Libye ou la Mauritanie.

Ce projet unique par son envergure poursuit trois objectifs, politique, économique et culturel :

- d'abord la définition d'un espace commun de paix et de stabilité grâce au renforcement d'un dialogue politique et de sécurité ;

- ensuite, la construction d'une zone de prospérité partagée grâce à un partenariat économique et financier ainsi qu'à l'instauration progressive d'une zone de libre-échange en 2010 ;

- enfin, le rapprochement des peuples grâce à un partenariat social, culturel et humain en vue de favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles.

Le partenariat s'appuie sur un réseau d'accords d'association entre l'Union européenne et les pays méditerranéens et sur les financements substantiels du programme Meda et de la Banque européenne d'investissement (BEI).

L'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) représente l'institution parlementaire du partenariat euro-méditerranéen. Compte tenu de l'importance des enjeux, il est regrettable qu'il ait fallu attendre près de dix ans pour construire le pilier parlementaire d'un partenariat capital pour la sécurité et la prospérité des deux rives de la Méditerranée.

En revanche, l'APEM a tenu sa première session ordinaire à un moment particulièrement opportun, dans la mesure où, derrière le bilan mitigé d'une décennie de partenariat, des signes montrent que les lignes sont en train de bouger.

La création de l'APEM était devenue indispensable pour plusieurs raisons.

D'abord, elle répondait à une exigence figurant dans les textes de la conférence de Barcelone. Le programme de travail accompagnant la Déclaration précisait dans son chapitre V sur les contacts institutionnels que « le Parlement européen est invité à prendre l'initiative, auprès d'autres parlements, pour lancer le futur dialogue parlementaire euro-méditerranéen, qui pourrait permettre aux élus des différents partenaires de procéder à des échanges de vues sur une vaste gamme de sujets ».

Ensuite, cette création a mis fin au déséquilibre institutionnel jouant au sein du partenariat en faveur des exécutifs et de leurs administrations. Les gouvernements ont en effet noué depuis dix ans un dialogue intense à travers onze conférences euro-méditerranéennes des ministres des affaires étrangères et vingt-et-une conférences ministérielles dans l'ensemble des secteurs concernés, complétées par des rencontres au niveau des ministres, des hauts fonctionnaires et des experts.

Enfin, l'APEM pourrait constituer le médiateur le plus puissant des attentes des populations et devenir, grâce au débat public, un accélérateur de réformes dans des systèmes politiques et des sociétés souffrant de nombreux blocages.

Le Forum parlementaire euro-méditerranéen, créé en 1998 à l'initiative du Parlement européen, n'était qu'une étape transitoire et la recommandation de transformer le Forum en assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, suggérée par la cinquième conférence euro-méditerranéenne des ministres des affaires étrangères, tenue à Valence les 22 et 23 avril 2002, a été présentée par le cinquième Forum parlementaire euro-méditerranéen et approuvée par la VIème conférence ministérielle euro-méditerranéenne, à Naples les 2 et 3 décembre 2003.

L'APEM a tenu sa session inaugurale à Athènes les 22 et 23 mars 2004, au cours de laquelle elle a adopté son règlement. Celui-ci s'efforce d'organiser un fonctionnement aussi souple que possible pour une assemblée aux équilibres complexes.

L'Assemblée dispose d'un rôle consultatif sur l'ensemble des sujets du partenariat euro-méditerranéen. Elle assure le suivi de l'application des accords d'association. Elle peut ainsi adopter des résolutions et adresser des recommandations à la conférence ministérielle.

Elle est composée de 240 membres, représentant à parité les parlements de l'Union européenne et les parlements des pays partenaires de la Méditerranée. Les dix pays méditerranéens sont représentés par 120 membres. Les parlements nationaux des vingt-cinq pays de l'Union européenne sont représentés par 75 membres, le Parlement européen par 45 membres. Le parlement français dispose donc de trois représentants : deux députés et un sénateur.

La participation à l'Assemblée est volontaire et les sièges vacants demeurent à la disposition des parlements auxquels ils ont été attribués, afin de ne pas redistribuer les sièges des Etats qui ne souhaiteraient pas, dans un premier temps, participer à l'Assemblée.

Le Bureau de l'APEM est composé de quatre membres dont deux désignés par les parlements des pays méditerranéens, un pour les parlements nationaux de l'Union européenne et un pour le Parlement européen, pour un mandat de quatre ans. Les quatre membres du Bureau qui ont été désignés assureront la présidence tournante de l'Assemblée, pour un mandat d'un an, de mars 2004 à mars 2008, dans l'ordre suivant : Egypte, Parlement européen, Tunisie, Grèce.

L'Assemblée s'organise en trois commissions chargées de suivre les trois volets du partenariat. Elles comprennent chacune 80 membres dont 40 des pays partenaires, 25 des parlements nationaux de l'Union et 15 du Parlement européen. Le Bureau des trois commissions est composé pour deux ans (2004-2005 et 2005-2006) comme suit :

- la commission politique, de sécurité et des droits de l'homme est présidée par le Parlement européen, assisté de trois vice-présidents : Israël, Palestine et Espagne ;

- la commission économique, financière, des affaires sociales et de l'éducation est présidée par la Jordanie assistée par l'Irlande, la Turquie et le Parlement européen ;

- la commission de la promotion de la qualité de la vie, des échanges humains et de la culture est présidée par l'Italie, assistée par le Maroc, l'Algérie et Malte.

L'Assemblée décide par consensus et en présence de la moitié des délégations plus une au sein de chacune des deux composantes - européenne et méditerranéenne - de l'Assemblée. En l'absence de consensus, les décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée d'au moins quatre cinquièmes des voix des représentants de chacune des deux parties de la composante européenne et d'au moins quatre cinquièmes des voix des représentants des pays partenaires. Chaque délégation dispose par ailleurs d'un nombre de voix égal aux sièges qui lui sont attribués, même si tous ses représentants ne sont pas présents mais, bien entendu, une délégation ne peut participer au vote que si au moins un de ses représentants est présent.

Les langues officielles de l'Assemblée sont les langues officielles de l'Union européenne ainsi que l'arabe, l'hébreu et le turc. Les trois langues de travail sont le français, l'anglais et l'arabe. L'interprétation des débats de l'Assemblée et des commissions est assurée dans les trois langues de travail, sous réserve de l'interprétation dans toutes les langues officielles de l'Union européenne lorsque les réunions se tiennent au Parlement européen. Chaque délégation doit traduire les documents qu'elle soumet dans au moins deux des trois langues de travail.

Les commissions se sont constituées après les élections au Parlement européen en juin 2004, non sans difficultés avec la contestation par la Syrie et le Liban d'une décision d'Athènes attribuant une vice-présidence de la commission politique à Israël que le Bureau de l'APEM a confirmée.

Elles se sont ensuite réunies au premier trimestre 2005 pour proposer trois résolutions qui ont servi de supports aux débats de la séance plénière de l'APEM, les 14 et 15 mars au Caire.

Cette première session ordinaire d'une assemblée politiquement et techniquement aussi complexe, globalement réussie, montre néanmoins que l'APEM doit améliorer son fonctionnement dans quatre domaines. Il appartiendra au président du Parlement européen, qui préside l'APEM d'avril 2005 à mars 2006, d'y être particulièrement attentif.

Les débats en commissions et en séance plénière ont montré que les trois langues de travail sont utilisées selon une répartition assez égale d'un tiers et que le français a toute sa place dans l'espace euro-méditerranéen aussi bien auprès de nos partenaires européens que méditerranéens. En revanche, une meilleure traduction dans notre langue des documents écrits apparaît nécessaire dans certains cas, pour éviter une discordance entre les résolutions dans les trois langues de travail de nature à brouiller les débats et les décisions de la plénière.

Ensuite, l'organisation des débats en plénière nécessite, d'une part, l'établissement d'une liste des présents pour une claire application du quorum et des règles de majorité qualifiée, d'autre part, la désignation par l'Assemblée d'un comité de rédaction pour éviter d'alourdir la plénière d'un travail de coordination formel entre les résolutions des trois Commissions.

Par ailleurs, le respect de leurs compétences respectives par les trois commissions est impératif pour que les débordements de l'une n'aboutissent pas à des contradictions. La commission politique présidée par le Parlement européen a largement empiété sur le champ couvert par les autres commissions et a abouti à une résolution beaucoup plus longue que les deux autres : 25 considérants et 54 points pour la résolution de la commission politique, pas de considérants et 10 points pour la commission économique et 15 points pour la Commission culturelle.

La commission économique soutenait la création d'un groupe de travail pour l'investissement et le partenariat euro-méditerranéen et cette question relevait de sa compétence, alors que la commission politique proposait la transformation de la FEMIP (Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat) en Banque euro-méditerranéenne de Développement, avec majoration des crédits alloués aux pays partenaires du Sud. Notre délégation a fait adopter un amendement transactionnel, souhaitant la création d'un groupe de travail pour étudier l'utilité et les conditions d'une transformation de la FEMIP en une Banque euro-méditerranéenne de Développement.

Enfin, il conviendrait d'éviter qu'un certain déséquilibre dans le fonctionnement des trois composantes de l'Assemblée et le jeu des règles de majorité qualifiée n'aboutissent à la constitution de blocs de nature à figer les débats.

D'une manière générale, le Parlement européen prend une place très importante au sein de l'APEM parce qu'il est par nature l'entité la mieux organisée et qu'il suit de près une politique euro-méditerranéenne prenant sa source dans les initiatives de la Commission et les décisions du Conseil. Un déséquilibre peut également apparaître avec la composante des pays arabes lorsqu'ils forment un bloc sur certains sujets sensibles comme le règlement du conflit israélo-palestinien ou les rapports entre Israël, la Syrie et le Liban. Il serait d'abord nécessaire que tous les parlements nationaux de l'Union européenne participent à l'APEM. Cette composante devrait ensuite établir des contacts préparatoires entre ses membres, mais aussi avec le Parlement européen et les partenaires méditerranéens, de manière à surmonter la logique des blocs et à développer des approches communes entre les deux rives, conformément à l'objectif central du partenariat euro-méditerranéen.

Les débats ont reflété des insuffisances et les blocages du processus mais aussi une nouvelle volonté de réforme.

La première session ordinaire de l'APEM a débattu de tous les aspects du partenariat, sous la présidence du président du Parlement égyptien, M. Ahmed Fathi Sorour, avec la participation de nombreux présidents d'assemblées, notamment le président du Parlement européen, M. Josep Borrell, et le président de la Knesseth, M. Reuven Rivlin.

Plusieurs personnalités sont intervenues, en particulier M. Schmit, ministre luxembourgeois délégué des affaires étrangères, en qualité de président du Conseil de l'Union européenne, M. Gheit, ministre égyptien des affaires étrangères, Mme Wallstrom, vice-présidente de la Commission européenne, M. Moussa, secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, et M. Mubaza'a, président de la Chambre des députés tunisienne.

Le débat général a porté principalement sur le partenariat stratégique de l'Union européenne avec la Méditerranée et la politique de voisinage européenne et sur les rapports finals des trois commissions.

Les 25 considérants et les 79 points des conclusions de la première session de l'APEM ont exprimé des préoccupations et des priorités communes qu'on peut tenter de regrouper autour de quatorze thèmes.

Cinq thèmes concernent l'ensemble du processus.

La « centralité » du processus de Barcelone est affirmée par rapport à la nouvelle politique européenne de voisinage (PEV) et au partenariat stratégique entre l'Union européenne et la région, afin de dissiper la confusion actuelle liée à la multiplicité des initiatives concernant la région méditerranéenne.

Le partenariat stratégique renforce la coopération en matière de lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, ainsi qu'en matière d'immigration, de sécurité et de défense. Mme Wallstrom a notamment expliqué que le partenariat euromed met plutôt l'accent sur ce qui rapproche l'ensemble de ses membres au niveau régional et que la PEV le complète en traitant au niveau bilatéral ce qui les différencie.

L'APEM répond que la PEV ne doit éclipser ni les principes - égalité, co-responsabilité, solidarité et coopération - ni le cadre multilatéral de Barcelone. Une approche exclusivement bilatérale et différenciée risquerait d'accroître la dépendance bilatérale des pays partenaires à l'égard de l'Union et de saper la faible coopération sous-régionale entre eux.

l L'APEM appelle à fournir les moyens nécessaires pour soutenir la volonté de réformes dans tous les domaines que les pays arabes ont exprimée en adoptant, au sommet de la ligue arabe de Tunis, les 22 et 23 mai 2004, le document sur « le processus de développement, de modernisation et de réforme dans le monde arabe ». Les réformes doivent être menées de l'intérieur, par les sociétés de la région.

l Les propositions des trois commissions en faveur de la promotion des droits des femmes ont été adoptées :

- la mise en place d'un plan d'action régional visant à promouvoir les droits des femmes et l'égalité des sexes et la levée des réserves émises à l'égard de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (CEDAW), demandées par la Commission politique ;

- la création d'une Commission ad hoc, au sein de l'APEM, pour traiter des questions concernant la femme dans les pays partenaires méditerranéens, proposée par la Commission économique ;

- la coordination de l'APEM avec le Forum euro-méditerranéen des femmes parlementaires, afin de déployer une action commune sur les gouvernements de tous les Etats membres du processus de Barcelone, proposée par la Commission culturelle.

l L'APEM demande une stratégie commune de lutte contre les catastrophes naturelles en Méditerranée, notamment par la mise en œuvre d'un système d'alerte précoce et de programmes de coopération pour la reconstruction des régions dévastées, couvrant aussi les côtes atlantiques des pays membres considérés comme zones à risques.

l A été adoptée la proposition de la Commission politique d'attribuer un statut spécifique aux représentants de la société civile pour l'impliquer dans les travaux de l'APEM et de ses commissions.

M. Bernard Deflesselles a poursuivi l'exposé et indiqué que cinq thèmes concernaient le volet politique.

l Dans le domaine de la sécurité, en dépit du blocage de l'adoption de la charte euro-méditerranéenne pour la paix et la stabilité à cause du conflit du Proche-Orient, des progrès sont constatés dans les discussions sur les mesures contre-terroristes et la non-prolifération de l'armement. La lutte contre le terrorisme doit toutefois respecter strictement les droits de l'homme et la prohibition de la torture.

L'APEM salue l'introduction de clauses de non-prolifération des armes de destruction massive dans les prochains accords et plans d'actions, qui devraient être mises en œuvre par tous les partenaires sans exception, et demande que tous les pays euro-méditerranéens soient signataires du Traité de non-prolifération (TNP).

l Dans le domaine des droits de l'homme, l'APEM demande la mise en place de sous-comités des droits de l'homme dans le cadre des accords d'association et considère que l'Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) doit jouer un rôle crucial dans la promotion des valeurs fondatrices de l'Union européenne au sein du processus de Barcelone, en consolidant les sociétés civiles et les acteurs non gouvernementaux.

l Sur le conflit israélo-palestinien, à l'initiative de la Commission politique, l'APEM a décidé de créer un groupe de travail pour un suivi actif du processus pour la paix et la sécurité dans la région. Elle a également approuvé la proposition de la Commission économique appelant tous les pays partenaires euro-méditerranéens à jouer un rôle plus actif pour l'application de la feuille de route, afin de mettre un terme au conflit israélo-palestinien et de remettre sur les rails les processus de paix israélo-syrien et israélo-libanais.

l Après l'assassinat de l'ancien président du Conseil du Liban M. Rafic Hariri, sur lequel elle attend une pleine coopération des autorités libanaises avec la mission d'enquête de l'ONU, l'APEM a réaffirmé son attachement à la poursuite d'un processus électoral démocratique et transparent dans les délais fixés. Elle a estimé que, si le gouvernement libanais envoyait une invitation, il incomberait au Parlement européen de décider d'une mission d'observation des élections législatives au Liban. Enfin, elle a rappelé l'importance de la mise en œuvre de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU et demandé que le retrait total des troupes syriennes du Liban soit ordonné dans les plus brefs délais.

l Un groupe de travail sera chargé d'étudier le problème des mines terrestres posées par les armées européennes en Egypte et dans l'ensemble de la région lors de la deuxième guerre mondiale. Les partenaires européens ont refusé de s'engager au-delà, sans connaître le coût d'une telle opération de déminage.

Deux thèmes concernent le volet économique.

l Les préoccupations spécifiquement économiques se sont concentrées principalement sur la volonté, d'une part, de renforcer l'intégration économique entre les pays du Sud et entre le Sud et le Nord en aidant les pays de la région à s'adapter à la création d'une zone de libre-échange en 2010, d'autre part, d'encourager les investissements européens pour faciliter le transfert de technologie, éradiquer la pauvreté, lutter contre l'immigration illégale et la fuite des cerveaux. A également été soulignée la nécessité de soutenir le secteur privé et d'ouvrir davantage l'accès au marché européen, notamment par une amélioration progressive des échanges agricoles.

l L'APEM a mis l'accent sur le rôle-clé de l'assistance financière et technique dans le processus de réforme, notamment pour construire une économie du savoir et réduire l'écart numérique Nord-Sud, en s'appuyant sur un engagement fort de l'Union européenne à travers la FEMIP, Meda III et les plans d'action de la politique européenne de voisinage. Elle a souligné l'importance de l'éducation dans le développement économique et social durable et a appelé au renforcement de la coopération scientifique et éducative, notamment entre les universités et les centres de recherche scientifique.

Trois thèmes concernent le volet culturel et humain.

l En matière de migrations, après des débats très denses en commission politique et en commission culturelle qui en avait fait un thème central de la réunion de Rome en auditionnant le Vice-Président de la Commission européenne chargé de la liberté, de la sécurité et de la justice, M. Franco Frattini, l'APEM est parvenue aux conclusions suivantes :

- la résolution politique, d'une part, s'inquiète que les centres de premier accueil d'immigrés dans les pays méditerranéens, à la demande de certains Etats membres de l'Union, n'offrent pas de garanties minimales des droits fondamentaux, d'autre part, rappelle la responsabilité partagée, pour le Sud, de lutter contre l'immigration clandestine et la traite des êtres humains, pour le Nord, de créer les conditions économiques pour le développement social du Sud ainsi qu'un accueil convenable et respectueux de la dignité humaine ;

- la résolution culture demande :

. l'assouplissement et l'humanisation des procédures des conditions d'octroi des visas par les Etats membres de l'Union,

. une implication des pays méditerranéens, au niveau gouvernemental et de la société civile, dans une véritable stratégie européenne sur l'immigration légale ainsi que la gestion des phénomènes d'immigration illégale selon le principe de co-responsabilité des partenaires,

. une approche européenne en matière de répartition des charges résultant de l'accueil des migrants,

. des mesures pour éviter la fuite des cerveaux des pays d'origine et une politique favorisant leur retour dans leur pays.

l En matière de renforcement du dialogue entre les cultures, l'APEM souhaite :

- la constitution d'une base commune de valeurs partagées, tout en respectant l'identité nationale de chaque Etat et les diversités culturelles ;

- une concentration du troisième volet du partenariat sur dix thèmes : valorisation de l'héritage culturel, de la diversité culturelle et du patrimoine historique et artistique ; dialogue entre les religions et les différentes convictions philosophiques ; échanges entre jeunes ; relance du dialogue interculturel ; promotion de la culture des droits de l'homme ; promotion de l'égalité des sexes ; priorité aux projets concernant l'alphabétisation et la scolarisation des couches sociales défavorisées ; sensibilisation à l'environnement ; implication des médias dans la diffusion des résultats du partenariat et la connaissance objective des civilisations ; lutte contre la propagation des stéréotypes des peuples dans les médias et la littérature ;

- un renforcement des échanges de professeurs et d'étudiants et la création éventuelle d'une université de la Méditerranée ;

- l'ouverture du financement de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures, basée à Alexandrie et dotée actuellement de 11 millions d'euros grâce à la contribution volontaire de tous les Etats partenaires, à des contributions de nouveaux donateurs, tels que les collectivités locales et régionales, les ONG et les organismes privés.

l En matière de qualité de vie, l'APEM souhaite une nouvelle impulsion au développement durable, pour préserver l'eau en particulier, ainsi qu'une coopération en faveur du développement rural intégré et de la promotion de l'agriculture durable, afin d'assurer la cohésion et de prévenir une dégradation environnementale supplémentaire dans la région. Le thème de l'environnement n'a été qu'effleuré et devra être approfondi lors des prochaines rencontres.

Le consensus réalisé sur les conclusions à la fin des travaux de l'APEM ne doit cependant pas masquer l'âpreté des débats sur certains sujets.

La session avait commencé par un différend entre le Parlement européen et le pays hôte à propos du député d'opposition égyptien, M. Ayman Nour, emprisonné depuis janvier. Il s'est réglé par la libération de M. Nour et par le retrait d'un amendement à la résolution politique de l'Assemblée qui condamnait son arrestation. Cette heureuse conclusion fut interprétée comme un geste symboliquement fort pour la démocratie arabe et l'influence de l'APEM.

Le consensus a été obtenu parfois au prix de quelques ambiguïtés et même de plusieurs réserves sur la résolution politique. Une réserve a été présentée par la Syrie qui aurait voulu que l'exigence de retrait des troupes étrangères du Liban s'étende à toute la région, en référence au Golan syrien occupé par Israël. La Turquie en a présenté une autre à l'encontre de la mission de suivi permanent de la question chypriote, confiée à la commission politique. Sur un plan plus général, le groupe des pays arabes a émis une réserve par le biais d'une déclaration séparée qui marque le refus de l'intervention dans les affaires intérieures des pays et rejette aussi l'envoi d'observateurs internationaux sans l'accord de l'Etat concerné. Ces pays s'opposeront à toute expression unilatérale d'un point de vue sur un pays ou sur la situation dans le monde arabe de la part des Européens.

Enfin, dans la déclaration finale adoptée sans débat et rédigée par ses soins, le Président Sorour a tenu à rappeler que les principes de la Déclaration de Barcelone obligeaient les partenaires à s'abstenir de toute intervention directe ou indirecte dans les affaires intérieures d'un autre partenaire, à respecter leur souveraineté et à développer la démocratie dans leurs systèmes politiques, tout en reconnaissant le droit de chacun de choisir et développer librement son propre système politique, socio-culturel, économique et judiciaire.

Pour sa part, le président du Conseil de l'Union européenne, M. Schmit, a évoqué la perspective du dixième anniversaire du partenariat euro-méditerranéen en novembre prochain qui a conduit la conférence ministérielle euro-méditerranéenne de La Haye, le 30 novembre 2004, à décider que 2005 serait l'année de la Méditerranée. Il a appelé à une évaluation sans concession de ce partenariat unique afin d'en tirer les leçons pour l'avenir.

L'évaluation des dix ans de partenariat euro-méditerranéen aboutit à un bilan mitigé.

Le partenariat euro-méditerranéen a constitué un formidable réseau de solidarité autour de la Méditerranée à tous les niveaux et a disposé de moyens considérables pour des coopérations sur des sujets majeurs d'intérêt commun, comme l'environnement, la mer, les infrastructures énergétiques, les télécommunications, ou sur des micro-projets rapprochant les sociétés civiles (droits de l'homme, femmes, médias, urbanisme).

L'Union européenne a alloué 6,4 milliards d'euros d'aides à ses partenaires méditerranéens depuis 1996 et 1,8 milliards d'euros de subventions à l'Autorité palestinienne depuis le début du processus de paix en 1994. Pour la seule période 2000-2006, le montant de l'allocation pour le programme Meda II s'élève à 5,35 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les projets de la Banque européenne d'investissement, dans le cadre de la FEMIP qui prévoit d'investir 8 à 10 milliards d'euros. Le financement de l'Union européenne pourrait atteindre 13 milliards d'euros pendant cette période de sept ans (2000-2006).

Le partenariat euro-méditerranéen n'a pourtant pas atteint ses grands objectifs.

Dans un rapport présenté à Bruxelles à la 9ème conférence annuelle euromed sur la transition économique, les 11 et 12 avril, le Femise (Forum euromed des instituts de recherche en économie) constate que, dix ans après le lancement des processus de Barcelone, la position des partenaires méditerranéens a peu évolué et se situe en dessous de la moyenne des pays à revenus intermédiaires.

Les échanges commerciaux avec l'Union européenne restent très déséquilibrés en faveur de l'Union et l'intégration régionale Sud-Sud patine. L'accord d'Agadir pour le libre-échange entre le Maroc, la Tunisie, la Jordanie et l'Egypte, signé en 2004, n'a toujours pas été ratifié par tous ses membres.

La région n'attire pas suffisamment les investissements directs étrangers en raison de son instabilité, du manque de main d'œuvre suffisamment formée et de marchés trop cloisonnés. La réussite de l'Irlande fascine les partenaires méditerranéens, mais elle souligne l'importance des investissements dans les infrastructures et l'éducation à côté d'un meilleur accès aux marchés extérieurs. Le poids de la dette obère la capacité de certains de ces pays d'investir dans les infrastructures, la santé, l'habitat et l'éducation, et le fossé se creuse entre les catégories sociales.

Enfin, tous les pays de la région accusent un retard dans le processus des réformes internes tant économiques que politiques. Le Femise constate que ces réformes supposent la responsabilisation de l'élite dirigeante, la non-discrimination, l'affirmation de l'Etat de droit et la levée des blocages politiques liés à la préservation d'intérêts particuliers, grâce à l'intervention démocratique des citoyens. La mise aux normes mondiales de compétitivité est liée à la démocratisation de certains Etats autoritaires.

L'enjeu de la réforme est immense pour l'avenir de la région et, par contrecoup, de l'Union européenne. Soixante-cinq pour cent de la population de ces pays a moins de 25 ans et, dans la période 2000-2010, le nombre de nouveaux entrants dans la population active sera en moyenne de 4,2 millions de personnes par an, soit deux fois le nombre des nouveaux entrants au cours des deux décennies précédentes. La région, dont le taux de chômage est le plus élevé du monde en dehors de l'Afrique sub-saharienne, devra créer quarante-deux millions d'emplois dans les dix ans à venir afin de stabiliser le chômage actuel.

L'établissement d'un marché unique euro-méditerranéen de 720 millions d'habitants, de loin plus important que celui de la Chine, attirerait irrésistiblement les investisseurs et répondrait aux besoins de développement de la région.

Mais un projet de cette envergure ne pourra être envisagé tant que les problèmes de sécurité de la région paralyseront les efforts de modernisation et de démocratisation des gouvernements arabes.

L'instabilité régionale engendre des dépenses d'armement excessives qui entravent le développement de la région : le Moyen-Orient y consacre 60 milliards d'euros, soit 16,3 % du PIB contre 3 % dans les pays membres de l'OCDE.

La pauvreté engendre un risque de radicalisation des populations que des gouvernements invoquent pour ne pas démocratiser et éviter l'élection de forces extrémistes.

Le processus de Barcelone correspondait à une vision apaisée des relations internationales. Il avait été conçu dans la suite du processus de paix d'Oslo pour le règlement du conflit israélo-palestinien et ses membres pensaient que le développement économique allait fortifier l'apaisement politique, alors que le contraire s'est produit : les tensions politiques ont contaminé l'économie. La détérioration du processus de paix, puis le 11 septembre, la deuxième Intifada et la guerre d'Irak ont complètement modifié les conditions de la coopération en Méditerranée. Ils ont en partie paralysé le développement des processus de Barcelone tout en montrant que son approche était la plus pertinente pour éviter la marginalisation de la région et un choc des civilisations.

Après la paralysie du processus qui était pleinement apparue lors de la conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Marseille en novembre 2000 et la tentative de relance de la conférence de Valence en avril 2002, des signes montrent que les lignes sont en train de bouger.

Les gouvernements des pays partenaires ne peuvent plus rester sourds aux pressions multiples qui leur sont adressées pour qu'ils modernisent et démocratisent leurs pays.

La frustration des populations a été relayée par les experts arabes qui dénoncent depuis trois ans les retards culturels et le déficit démocratique dans le monde arabe, dans un rapport annuel sur le développement humain dans le monde arabe publié par le programme des Nations-unies pour le développement (PNUD).

L'impatience des Etats-Unis les a amenés à concevoir, en février 2004, un plan pour « le Grand Moyen-Orient », visant à bouleverser la donne politique et économique dans une région allant du Maghreb au Pakistan. Ce plan a été ramené à des ambitions plus mesurées, lors du sommet du G8 de juin 2004, par les partenaires des Etats-Unis qui en ont exclu toute idée d'ingérence ou de changement de régime. Il est devenu plus proche de l'esprit du partenariat euro-méditerranéen et de la volonté des pays arabes qui ne souhaitent pas une intervention dans leurs affaires intérieures mais une coopération pour les aider à se reformer.

Toutefois, la lassitude de l'Union européenne devant le manque de résultats pourrait la conduire à ne plus accorder les mêmes priorités à l'Euro-méditerranée et à se tourner vers d'autres cieux dans le cadre de l'élargissement et de la nouvelle politique européenne de voisinage.

Enfin, la concurrence économique des pays émergents comme l'Inde ou la Chine menace directement l'industrie textile qui représente le cœur des emplois industriels de la région. Deux millions d'emplois sur les six que compte ce secteur dans les pays méditerranéens risquent d'être emportés prochainement en raison d'un coût de la main d'œuvre cinq à six fois supérieur à celui de la Chine.

De nouvelles perspectives de réformes sont heureusement en train de s'ouvrir dans la région.

Les élections en Irak mais surtout les élections palestiniennes et la perspective d'un Liban souverain après les élections de mai ont suscité l'espoir d'un printemps arabe de la démocratie. La perspective d'un accord entre Israéliens et Palestiniens s'améliore. Le Liban pourrait recouvrer son rôle de lien entre les communautés de la région. La réforme du droit de la famille au Maroc a été le signe d'un progrès du statut de la femme. Le dernier accord d'association à signer avec la Syrie pourrait l'engager dans une logique d'ouverture. Des intérêts communs apparaissent notamment dans le secteur textile et devraient conduire à une plus grande intégration de cette activité entre les deux rives, conformément aux propositions de la Commission et de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne de Tunis, le 26 septembre 2004, sur l'avenir de cette activité.

L'Union européenne propose de consolider ces évolutions, d'abord en nouant une « alliance des civilisations » comme le suggère M. Zapatero, ensuite en relevant quatre défis, énoncés par M. Solana au sommet de la Ligue arabe à Alger, les 21 et 22 mars : conforter l'esprit de paix au Moyen-Orient ; aider l'Irak à trouver sa place dans le concert des nations ; consolider un Liban souverain, indépendant et démocratique ; renforcer le partenariat euromed.

La Commission vient d'adopter le 12 avril un plan de cinq années (2005-2010) pour renforcer le partenariat euromed dans trois domaines clés : l'éducation, la croissance économique durable ainsi que les droits de l'homme et la démocratie.

L'aide communautaire à l'éducation serait relevée de 50 % et les partenaires s'engageraient sur un nouvel objectif à l'horizon 2015 en vue d'éradiquer l'illettrisme dans la région, de scolariser tous les enfants dans l'enseignement primaire et d'éliminer les inégalités entre les filles et les garçons à tous les niveaux du système éducatif. Un programme de bourses universitaires en Europe serait lancé en 2006, soit dans le cadre du programme Erasmus Mundus en vigueur, soit en renforçant les activités liées à la mobilité dans le cadre du programme Tempus, avec un pourcentage réservé aux femmes. Le taux d'alphabétisation des femmes est en moyenne de 50 % dans la région et, si 63 % des personnes ayant un titre universitaire sont des femmes, elles ne représentent que 32 % de la main-d'œuvre, entraînant une déperdition pour la croissance économique de la société tout entière.

A cinq ans de l'objectif de conclure un accord de libre-échange en 2010, la Commission propose le lancement, en 2005, sur une base volontaire, des négociations régionales sur la libéralisation des services et du droit d'établissement, ainsi que la fixation d'une feuille de route pour la libéralisation du commerce de produits agricoles, notamment des produits agricoles transformés, et des produits de la pêche. Le protocole sur l'origine pan-euro-méditerranéenne devrait être progressivement mis en œuvre dans toute la zone euromed à partir de 2005. Par ailleurs, une réunion des ministres euro-méditerranéens des Transports devrait se tenir avant la fin de l'année pour approuver un réseau régional d'infrastructures de transports interconnecté au réseau de transport transeuropéen. Les travaux sur le rapprochement de la législation technique et des procédures de certification devraient s'intensifier en 2006 afin d'ouvrir la voie à des négociations sur des accords d'évaluation de la conformité.

Enfin, la Commission souhaite recentrer le partenariat sur la protection des droits de l'homme, le renforcement de l'autonomie des femmes, la démocratie, le pluralisme et la mise en place d'un système judiciaire indépendant, notamment par la création d'une nouvelle facilité pour la démocratie visant à soutenir les pays partenaires qui font des progrès concrets dans ces domaines.

Le programme de travail couvre encore d'autres secteurs, tels que l'environnement (avec l'adoption en 2006 d'un calendrier assorti de mesures concrètes visant à dépolluer complètement la mer Méditerranée d'ici à 2020), les flux migratoires, les armes de destruction massive et la lutte contre le terrorisme (avec l'établissement d'un code de conduite). Ce programme de travail sera discuté une première fois avec les pays de la région lors de la réunion des ministres des affaires étrangères euromed, en mai à Luxembourg, ainsi que lors de la conférence pour le dixième anniversaire à Barcelone en novembre.

L'année de naissance de l'APEM pourrait donc être également celle de la renaissance du partenariat euro-méditerranéen.

Le Président Pierre Lequiller a remercié les deux rapporteurs de cette présentation très complète et intéressante et regretté que de nombreux membres de la Délégation n'aient pas participé à la présente réunion. Les relations euro-méditerranéennes constituent un sujet capital et l'APEM devrait prendre de plus en plus d'essor, notamment dans le cadre du traité établissant une Constitution européenne dont la première partie consacre un Titre VIII à l'Union et à son environnement proche. Même si le bilan actuel peut apparaître mitigé, il serait dommageable que l'Union européenne se décourage.

M. Daniel Garrigue s'est tout d'abord interrogé sur la pertinence du cadre euro-méditerranéen défini par le processus de Barcelone, conduisant à exclure des Etats tels que l'Arabie saoudite ou les Emirats arabes unis, susceptibles d'être les vraies « locomotives » économiques et politiques du monde arabe. Il serait peut être plus approprié d'engager un dialogue euro-arabe, dont les aspects stratégiques et politiques passent par ces pays-là, et notamment relancer l'association parlementaire euro-arabe en activité jusqu'à ces dernières années. Par ailleurs, compte tenu du risque d'enlisement du règlement du conflit israélo-palestinien en l'absence de perspectives après le retrait israélien en cours de la bande de Gaza, il serait opportun que la France, très engagée sur cette question, incite l'Union européenne à prendre une initiative pour favoriser son règlement.

M. Bernard Deflesselles a observé que le cadre euro-méditerranéen avait une cohérence, dans la mesure où il vise à rapprocher les pays de l'Union avec ceux des rives de la Méditerranée et rassemble trente-cinq pays selon une logique qu'il serait désormais difficile de modifier. Il faut souligner qu'au demeurant, la Ligue arabe participe aux réunions de l'APEM et que son secrétaire général a pu exprimer les préoccupations du monde arabe lors de la session du Caire.

M. Christophe Masse a ajouté que la question palestinienne ne pouvait évidemment être réglée dans le cadre de l'APEM, mais que celle-ci a toujours placé le règlement de ce conflit au centre de ses travaux. Ce règlement constituerait, en effet, un pas en avant non seulement au niveau politique mais également au plan économique, en donnant à cette région la stabilité indispensable à son développement.

M. Bernard Deflesselles a indiqué qu'il s'était rendu en Israël le mois dernier et qu'il avait perçu une vraie volonté du gouvernement israélien d'agir rapidement. Il y a lieu de craindre, en effet, que tout retard empêche la réalisation d'un accord dans une situation aussi complexe. Cependant, l'APEM ne peut se substituer à l'action des gouvernements. Elle permet uniquement de faire de la démocratie parlementaire et de contribuer à la constitution d'un état d'esprit facilitant le règlement des problèmes. Au demeurant, l'Union européenne peut parfaitement prendre des initiatives en dehors du cadre euro-méditerranéen et ces initiatives seraient d'ailleurs les bienvenues compte tenu de la forte présence américaine dans tous les Etats de la région.

Le Président Pierre Lequiller a proposé que la Délégation organise une audition du Président du Parlement européen, M. Josep Borrell, pour évoquer, notamment, la perspective euro-méditerranéenne et connaître les projets du Président en exercice de l'APEM. Il pourrait être envisagé également de proposer au Président de l'Assemblée nationale, qui attache la plus grande importance à ce sujet, l'organisation d'un événement exceptionnel. Celui-ci pourrait consister dans une invitation à l'Assemblée nationale de tous les présidents de parlements des 35 pays participant au processus de Barcelone.

Après avoir rappelé que l'un des principaux dysfonctionnements de l'APEM réside à la fois dans une faible présence et une participation trop discrète des représentants des parlements nationaux de l'Union européenne, disséminés dans des délégations nationales de trois membres, alors qu'au contraire, les 45 représentants du Parlement européen et ceux des dix partenaires méditerranéens sont extrêmement actifs, M. Bernard Deflesselles a souligné qu'il serait surtout souhaitable de mobiliser les parlements nationaux de l'Union européenne au sein de l'APEM et d'éviter d'organiser une nouvelle assemblée parallèle à l'APEM.

Le Président Pierre Lequiller a néanmoins considéré que, sans refaire une APEM et en s'assurant qu'une telle invitation rencontrerait l'accord politique de nos partenaires, l'Assemblée nationale pourrait avoir un rôle moteur en invitant l'ensemble des présidents de parlements nationaux du processus de Barcelone ainsi que le Président du Parlement européen.

II. Communication de M. Daniel Garrigue sur la communication de la Commission européenne relative aux lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi (2005-2008) (document E 2861)

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a présenté à la Délégation le document élaboré par la Commission dans le prolongement direct des conclusions du Conseil européen des 22 et 23 mars derniers : les « lignes directrices intégrées » qui théoriquement devraient regrouper les anciennes « grandes orientations des politiques économiques » (GOPE) et les anciennes « lignes directrices pour l'emploi » (LDE). L'une des ambitions de ce Conseil européen du mois de mars, dans le cadre de la relance de la stratégie de Lisbonne, a été de donner à ces instruments une portée plus grande que par le passé.

Mais le document présenté par la Commission se limite à un simple replâtrage. Il n'y a de lignes directrices « intégrées » que dans son titre. La procédure d'examen reste partagée puisque le Conseil « Compétitivité » a examiné les orientations de politique micro-économique le 10 mai, le Conseil « Emploi, politique sociale, consommation » va examiner le volet relatif à l'emploi les 2 et 3 juin prochains, et le Conseil « Ecofin » adoptera formellement les GOPE au mois de juillet. C'est le Conseil européen des 16 et 17 juin qui devrait donner un caractère intégré à l'ensemble ainsi élaboré.

C'est sur le fondement de ces lignes directrices intégrées que devront ensuite être préparés les « programmes nationaux de réformes » pour la période 2005-2008, qui permettront aux Etats de mieux s'approprier les objectifs de la stratégie de Lisbonne. M. Daniel Garrigue a souligné l'intérêt de ces programmes, qu'il a qualifiés d'outils d'interface entre ces objectifs et les politiques nationales. La Commission a demandé aux Etats de présenter leurs programmes nationaux de réformes d'ici le 15 octobre 2005, alors que le Conseil européen des 22 et 23 mars avait prévu leur présentation dans le courant de l'automne. Cette date du 15 octobre n'est pas nécessairement un inconvénient pour la France puisqu'elle permettrait d'assurer une meilleure coordination entre le programme national de réformes et le prochain projet de loi de finances.

La mise en œuvre de chaque programme national de réformes fera l'objet d'un rapport qui fusionnera plusieurs rapports jusqu'alors trop peu connus.

En parallèle, la Commission définira un programme d'action communautaire pour 2005-2008. Elle va d'autre part présenter dans les prochaines semaines une communication relative à la méthode d'élaboration des programmes nationaux.

La présente communication sur les lignes directrices intégrées opère une mise en perspective intéressante dans la mesure où elle comporte des analyses lucides qui ne sont pas nécessairement formulées au plan national, notamment sur les effets du vieillissement de la population européenne et son impact sur le taux d'activité, ou sur l'insuffisance de la création d'emplois dans l'Union européenne.

Les objectifs chiffrés qui avaient été fixés à Lisbonne sont rappelés : le but était d'atteindre en moyenne un taux d'emploi total de 70 %, un taux d'emploi des femmes de 60 % et un taux d'emploi des travailleurs âgés de 55 à 64 ans de 50 %. Le taux d'emploi total actuel dans l'Union européenne n'est encore que de 62,9 %, soit sept points de moins qu'aux Etats-Unis.

Les analyses de la Commission font également état du manque de flexibilité du marché du travail, des insuffisances en matière de recherche-développement et de pénétration des Technologies de l'information et de la communication (TIC), et de l'impact des nouveaux pays émergents en termes de concurrence et d'évolution du cours des matières premières et énergétiques.

La plupart des lignes directrices proposées s'inscrivent dans le droit fil des conclusions du Conseil européen, qu'il s'agisse de l'ouverture et de la compétitivité des marchés, du respect des impératifs budgétaires, de l'amélioration des infrastructures européennes ou du thème de la création d'un espace attrayant pour les entreprises et l'investissement. En ce qui concerne la zone euro, la Commission soulève une question sur laquelle il serait utile de se pencher, celle de la représentation extérieure de la zone euro. S'agissant de l'amélioration du marché intérieur, sont évoqués le problème de son approfondissement, notamment dans le domaine des services, et le taux insuffisant de transposition des directives concernant le marché intérieur, ce qui intéresse la France.

Le thème de la recherche-développement est bien développé au sein des lignes directrices, et permet d'évoquer le septième programme-cadre qui est en cours d'élaboration.

Enfin, les lignes directrices pour l'emploi reprennent des thèmes particulièrement intéressants par rapport aux débats actuels en France, comme celui de la flexibilité, et celui de l'activité tout au long du cycle de vie qui mériterait cependant d'être plus développé.

Au-delà de ces éléments positifs, le document de la Commission présente néanmoins, sur le fond, certaines faiblesses.

En premier lieu, il n'y a pas de véritable intégration entre les GOPE et les LDE, ce qui n'est pas conforme aux conclusions du dernier Conseil européen de printemps et n'est pas non plus sans incidence sur les objectifs poursuivis. Ainsi le texte proposé affirme-t-il moins nettement que ne l'a fait le Conseil européen, que la croissance et l'emploi doivent bien être au service de la cohésion sociale.

En deuxième lieu, deux éléments posent problème. D'une part, la ligne directrice n° 21 relative à l'évolution des salaires et des autres coûts du travail, évoque l'hypothèse d'un cadre pour les mécanismes de négociation salariale. En France, cette question est de la compétence des partenaires sociaux. D'autre part, la notion de services économiques d'intérêt général (SIEG) apparaît en retrait par rapport aux GOPE de la période antérieure, dans lesquelles c'est la notion de « services d'intérêt général » qui était évoquée. La communication présente les SIEG comme un « sous-produit » de l'amélioration du marché des industries de réseau, ce qui n'est pas totalement conforme aux conceptions précédemment retenues.

S'agissant en troisième lieu de la gouvernance économique, notion à laquelle il faut préférer celle de Gouvernement économique de l'Union européenne, le flou actuel doit laisser place à plus de force, de cohérence et de volontarisme politique.

En quatrième lieu, si les différents thèmes relatifs à la recherche-développement sont bien développés, celui de la base industrielle de l'Europe n'est pas suffisamment appuyé. La document de la Commission doit également être complété par la mention d'une politique européenne de l'énergie et des matières premières. L'ensemble des grands acteurs économiques, les Etats-Unis, la Chine, le Japon, ont chacun une stratégie dans ce domaine.

Enfin, le rôle du Parlement vis-à-vis de ce document communautaire, qui définit les orientations européennes en matière de croissance et d'emploi, ainsi que des suites qui lui sont données, doit être réaffirmé et renforcé. Les assemblées parlementaires doivent consacrer d'autant plus de temps à l'examen de ces objectifs que la perspective de l'élaboration des futurs Programmes nationaux de réforme est dès à présent très proche.

La proposition de résolution qu'il est ainsi proposé à la Délégation d'adopter vise notamment à ce que les commissions concernées s'en saisissent.

M. Bernard Deflesselles a indiqué soutenir la proposition de résolution. On constate en effet une certaine dichotomie entre ce que dit le Conseil et les propositions de la Commission.

A l'issue de ce débat et après que le Rapporteur y eut apporté quelques aménagements, la Délégation a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la communication du président de la Commission, en accord avec le vice-président Verheugen et les commissaires Almunia et Spidla, comprenant une recommandation de la Commission relative aux grandes orientations des politiques économiques (GOPE) des Etats membres et de la Communauté (en application de l'article 99 du traité CE) et une proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l'emploi (LDE) des Etats membres (en application de l'article 128 du traité CE), (COM (2005) 141 final / E 2861),

Considérant que cette communication s'inscrit dans le droit fil des conclusions du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 relatives à la relance de la stratégie de Lisbonne dans le cadre du partenariat pour la croissance et l'emploi, ce qui donne à ces lignes directrices intégrées, qui regroupent les GOPE et les LDE, une importance particulière ;

Considérant que cette communication sera soumise au prochain Conseil européen des 16 et 17 juin et que c'est sur cette base que les Etats membres établiront les premiers Programmes nationaux de réforme ;

Considérant que cette communication formule un diagnostic lucide sur certaines des faiblesses de l'économie de l'Union européenne, notamment sur l'insuffisance du taux d'emploi global, du taux d'activité des femmes et de celui des travailleurs âgés, l'insuffisante prise en compte des conséquences, à terme, du vieillissement de la population et les effets de la concurrence des pays tiers émergents ;

Considérant que celle-ci reprend bien plusieurs des orientations définies par le Conseil européen précité des 22 et 23 mars, notamment en ce qui concerne le recentrage de la stratégie de Lisbonne sur la croissance et l'emploi, l'impératif de compétitivité, la nécessité d'un espace attrayant pour investir et travailler, et l'importance primordiale de l'innovation et de la recherche pour la croissance ;

Mais considérant que cette communication reste trop imprécise sur les modalités de mise en œuvre d'une gouvernance économique européenne et, ce qui serait préférable, d'un véritable gouvernement économique de l'Union européenne ;

Considérant également que si elle reprend bien certains thèmes tels qu'une approche du travail fondée sur le cycle de vie, la recherche d'un équilibre entre flexibilité et sécurité sur le marché du travail, l'insertion des demandeurs d'emploi et des personnes défavorisées ainsi que le Pacte européen pour la jeunesse, elle ne réalise pas une véritable intégration entre les GOPE et les LDE, ce qui affaiblit à la fois l'objectif de cohésion sociale affirmé lors du Conseil européen précité des 22 et 23 mars et la référence au modèle social européen ;

Considérant que si la communication met bien l'accent sur les éléments relatifs à l'espace européen de recherche et d'innovation, elle reste beaucoup trop imprécise sur les conditions de création d'une base industrielle européenne solide alors que cet objectif avait été affirmé par le Conseil européen ;

Considérant que c'est dès à présent que les Programmes nationaux de réforme prévus dans le cadre de la relance de la stratégie de Lisbonne doivent être préparés et qu'il est indispensable que le Parlement français, et notamment les commissions compétentes, y soient étroitement associés ;

Approuve, pour l'essentiel, la communication de la Commission mais juge indispensable qu'elle soit complétée sur l'ensemble de ces points. »

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Conseil concernant la gestion de restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie (document E 2855) ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie relatif au commerce de certains produits sidérurgiques (document E 2856).

Point B

¬ Droit civil et commercial

- Livre vert sur une procédure européenne d'injonction de payer et sur des mesures visant à simplifier et à accélérer le règlement des litiges portant sur des montants de faible importance (document E 2179) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une procédure européenne d'injonction de payer (document E 2553).

Le traité d'Amsterdam a fixé comme objectif à l'Union européenne d'instaurer progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice, notamment en adoptant des mesures relevant de la coopération judiciaire en matière civile. Le Président Pierre Lequiller a précisé que, dans ce contexte, la Commission a décidé de poursuivre deux objectifs : la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions portant sur des créances incontestées et l'instauration d'une procédure spécifique pour l'obtention de décisions sur les créances incontestées. Ainsi, la Commission a adopté une proposition de règlement portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, puis, dans une seconde étape, une proposition instituant une procédure européenne d'injonction de payer.

Le Président Pierre Lequiller a jugé les orientations de cette proposition de règlement globalement satisfaisantes, tout en émettant une réserve sur son champ d'application. En effet, celui-ci est trop général et donc ne respecte pas le principe de subsidiarité. C'est pourquoi ce texte devrait se limiter aux affaires transfrontalières. Aussi, la Délégation, sur la proposition du Président Pierre Lequiller, a-t-elle approuvé la proposition de règlement sous réserve que son champ d'application soit, conformément au respect du principe de subsidiarité, limité aux affaires transfrontalières.

Par ailleurs, la Délégation a pris acte de l'approbation, selon la procédure d'examen en urgence, des trois textes suivants :

- projet de décision du Conseil de l'Union européenne relative à l'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne (document E 2851) ;

- projet d'action commune relative à la mission de conseil et d'assistance de l'Union européenne en matière de reforme du secteur de la sécurité en République démocratique du Congo (RDC) (document E 2852) ;

- projet de position commune 2005/.../PECS du Conseil prorogeant et modifiant les mesures restrictives à l'encontre de la Birmanie/du Myanmar (document E 2859).

S'agissant du document E 2851, le Président Pierre Lequiller a précisé qu'il avait été saisi tardivement de la demande d'examen et que, dans sa réponse favorable au courrier de la ministre, il avait indiqué que la Délégation avait examiné le processus d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie lors de sa réunion du 3 mars 2004 et s'était prononcée pour leur adhésion en 2007. Dans sa lettre, le Président Pierre Lequiller a rappelé les observations des rapporteurs sur les efforts que ces deux pays doivent fournir en vue de leur entrée dans l'Union européenne.

M. Jérôme Lambert a regretté que, le lendemain de la signature de son traité d'adhésion, la Roumanie ait baissé de 25 % à 16 % son taux d'imposition sur les sociétés.

Enfin, la Délégation a pris acte de l'accord tacite de l'Assemblée nationale, en vertu d'une procédure mise en œuvre en 2000, dont a fait l'objet le texte suivant :

- lettre de la Commission européenne du 17 janvier 2005 relative à une demande de dérogation présentée par le République fédérale d'Allemagne en date du 14 janvier 2005, en application de l'article 30 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, relative aux taxes sur le chiffre d'affaires. Système commun de taxe sur la valeur ajoutée, assiette uniforme (document E 2818).