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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 159

Réunion du mercredi 22 février 2006 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen du rapport d'information de M. Daniel Garrigue sur le 7ème programme-cadre de recherche et de développement des Communautés européennes (PCRD)

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a tout d'abord souligné les enjeux fondamentaux liés à la recherche. Celle-ci est en effet l'une des conditions de la croissance et de l'emploi, mais aussi un instrument essentiel pour répondre aux grands défis actuels en matière de santé, d'environnement, d'énergie ou de développement. Elle prend également une place déterminante dans la mondialisation, qui ne saurait se résumer à l'abaissement des barrières douanières mais concerne plus profondément l'éclatement des connaissances et de l'intelligence sur l'ensemble de la planète.

La discussion parallèle du projet de loi de programme pour la recherche, que l'Assemblée examinera la semaine prochaine, et de la proposition de 7ème programme-cadre de recherche et développement communautaire, actuellement débattue par les institutions européennes, nous donne aujourd'hui la chance de pouvoir réfléchir aux interactions entre recherche française et recherche européenne.

La recherche française met en œuvre une démarche spécifique, mais elle est l'un des secteurs les plus ouverts sur l'Europe. La France a des difficultés à s'inscrire dans la stratégie de Lisbonne, probablement parce que celle-ci, qui vise à faire de l'économie européenne l'économie la plus compétitive du monde d'ici 2010, n'est pas en réalité une stratégie mais un ensemble d'objectifs dont la réalisation repose sur les Etats. La France est relativement bien placée par rapport aux objectifs quantifiés, notamment celui de 3 % du PIB affectés à la recherche, puisqu'elle y consacre 2,2 %, ce qui la place au-dessus de la moyenne européenne de 1,90 %. Le projet de loi de programme pour la recherche prévoit une augmentation substantielle des crédits, qui permettra de progresser vers les 3 %. En revanche, la mise en œuvre par la France du programme national de réforme (PNR), principale nouveauté résultant de la révision de la stratégie de Lisbonne en 2005, a été très progressive. Du fait du calendrier imposé par la Commission, le Parlement n'a pu être consulté sur le PNR avant sa transmission à la Commission à la fin octobre 2005. Il a cependant été présenté à la commission des affaires économiques de l'Assemblée par M. Thierry Breton, ministre de l'économie et des finances, le 30 novembre dernier. Pour le prochain exercice, il a été décidé lors du comité interministériel sur l'Europe du 11 octobre 2005 que le PNR serait présenté aux assemblées lors du débat d'orientation budgétaire. Sur le fond, l'un des aspects les plus marquants du PNR français était le volet consacré à la recherche.

La France joue un rôle majeur dans les grands programmes européens qu'il s'agisse du nucléaire, de l'espace, de l'aéronautique ou des programmes Eureka. Ces programmes évoluent fréquemment aujourd'hui d'un mode de gestion intergouvernemental vers une gestion partagée avec l'Union européenne (par exemple pour les projets ITER, Galileo et GMES). La superposition des opérateurs peut poser des difficultés en termes de gouvernance.

Le positionnement de la France dans les programmes-cadres européens, principaux instruments de l'Union dans le domaine de la recherche, est relativement solide. A bien des égards, la France était en avance sur le concept d'espace européen de la recherche initié par M. Philippe Busquin, ancien commissaire à la recherche. Trois traits caractérisent la place de la France dans le 6ème PCRD : une participation élevée, des inégalités fortes entre les thématiques et des difficultés de participation pour les universités et les PME.

Les instruments du 7ème PCRD sont novateurs mais encore mal stabilisés. La Commission avait fait des propositions ambitieuses pour le 7ème PCRD, puisqu'elle prévoyait un doublement du budget, sur une période correspondant à celle des perspectives financières. La proposition de programme-cadre repose également sur la volonté de couvrir tous les champs de la recherche, de la recherche fondamentale à la recherche technologique.

L'accord du Conseil européen de décembre 2005 sur les perspectives financières, s'il est confirmé par l'accord institutionnel, aura un impact fort sur le 7ème PCRD. Cependant, la volonté affirmée par le Conseil européen de faire appel à des prêts de la Banque européenne d'investissement, via un mécanisme de garantie du risque financier -ainsi que la France l'avait proposé- pourrait permettre de dégager des financements supplémentaires.

La Commission a proposé des instruments généralement novateurs. Les réseaux d'excellence créés dans le 6ème PCRD seront maintenus ; des efforts de simplification sont nécessaires car ils se sont révélés très lourds. La création d'un Conseil européen de la recherche, finançant des projets de recherche fondamentale, est proposée. Ce projet présente des similitudes avec l'Agence nationale de la recherche (ANR) créée en France. Par ailleurs, la Commission souhaite renforcer les actions de coordination des programmes de recherche nationaux (ERA-NET). En matière de recherche industrielle, certaines plates-formes technologiques (c'est-à-dire des forums d'industriels visant à définir des objectifs et des agendas de recherche communs) pourront évoluer vers de grands projets impliquant des financements publics et privés, les initiatives technologies conjointes. Cette démarche se rapproche de celle de l'Agence de l'innovation industrielle. La Commission souhaite également que puissent être financée la création de grandes infrastructures de recherche européennes, ce qui revêt une réelle importance compte tenu de l'ampleur des investissements nécessaires. Un programme pour l'innovation et la compétitivité, distinct du PCRD, est proposé, à l'initiative du commissaire Verheugen. Ce programme n'est pas très bien défini et semble être surtout la juxtaposition d'initiatives existantes, mais il peut déboucher sur des programmes mobilisateurs pour les PME. Enfin, la Commission souhaite la poursuite et le renforcement des actions en faveur de la mobilité des chercheurs.

La réduction du format budgétaire devrait conduire à des arbitrages dans le choix des instruments. Il faut espérer que ces choix permettront de faire réellement vivre les nouveautés proposées, en particulier le Conseil européen de la recherche. Des arbitrages pourraient également concerner les thématiques de recherche, bien que l'on ait l'impression que les réductions de moyens seront équilibrées.

Trois critiques peuvent être adressées à la proposition de la Commission : les instruments sont trop nombreux par rapport aux crédits disponibles ; certains sont trop sophistiqués et leur gestion est trop coûteuse (notamment les réseaux d'excellence) ; la réflexion sur les finalités de la recherche a été négligée au profit de celle sur les instruments.

La convergence entre recherche française et recherche européenne est nécessaire. Celle-ci doit tout d'abord se traduire par une recherche française plus soucieuse d'excellence. La participation aux projets européens a une influence très positive sur la recherche française et favorise le passage d'un système de répartition des moyens à une émulation entre les équipes. Cette démarche est celle de l'ANR, qui sera confortée par le projet de loi de programme.

L'évaluation est un enjeu important. Le projet de loi prévoit de renforcer la participation d'experts d'autres Etats membres. Il serait souhaitable de créer la possibilité d'une véritable mise en commun des experts avec nos partenaires.

Le projet de loi est quelque peu en retrait sur la question des universités. Il est vrai que tous les dossiers ne peuvent être traités en même temps. La participation des universités françaises à la recherche est très inégale. La situation diffère fortement de celle du Royaume-Uni, où l'essentiel de la recherche est mené dans les universités. Le projet de la Commission de créer un institut européen de technologie, même s'il n'est pas encore bien défini, représente pour la France une chance à saisir. Un projet existe à Paris, associant des grandes écoles, des universités et des organismes de recherche. Celui pourrait se développer grâce à des accords avec des universités européennes.

Le renforcement de l'excellence de la recherche française repose également sur une approche volontariste des grands enjeux industriels et technologiques, avec la création de l'Agence de l'innovation industrielle. L'accès des PME à la recherche constitue encore une faiblesse. Enfin, il convient de renforcer l'attractivité des carrières scientifiques. Cet objectif est largement développé dans le projet de loi mais la comparaison avec certains de nos partenaires souligne les difficultés du système français.

Le deuxième axe de convergence à encourager est l'émergence d'une recherche européenne plus lisible et plus ambitieuse. Il convient de simplifier les procédures, mais aussi de renforcer la gouvernance, par exemple par la création d'agences, ainsi que la désignation de chefs de file quand plusieurs directions générales de la Commission sont responsables de la conduite des programmes.

Au-delà de la recherche, l'Union européenne devrait se donner une véritable stratégie face aux problèmes de la mondialisation. A l'instar d'autres Etats, elle devrait se doter de moyens d'analyse et d'intelligence économique, d'une capacité à définir les enjeux énergétiques, industriels et technologiques et mettre en place les instruments pour appuyer et défendre ces enjeux.

La proposition de résolution que le rapporteur demande à la Délégation d'approuver reprend ces différents points.

M. Jacques Myard a souligné qu'il avait écouté le rapporteur avec beaucoup d'intérêt, mais la recherche européenne a existé bien avant la Commission et elle existera bien après la disparition de cette dernière. Dans son propos liminaire, le rapporteur a opportunément observé que la recherche s'inscrit dans une dimension internationale, ce qui ne constitue pas une nouveauté. En 1934, par exemple, le congrès des scientifiques nucléaires à Paris permettait à Frédéric Joliot-Curie et à Otto Hahn, scientifique travaillant en Allemagne nazie, d'échanger leurs connaissances.

La démarche de la Commission européenne visant à institutionnaliser la recherche est donc vouée à l'échec puisque les connaissances scientifiques se diffusent hors des cadres institutionnels. De plus, la mondialisation rend inutile la focalisation au seul niveau européen. Ce qui importe, c'est de définir une ligne politique commune, telle que la volonté de consacrer 3 % du produit intérieur brut à la recherche, et ensuite de laisser les Etats décliner la mise en œuvre de cette politique. Les pratiques actuelles prouvent qu'il est d'ores et déjà possible pour les laboratoires de s'associer sans passer par un cadre européen rigide décalé par rapport à la réalité mondiale de la recherche. Il faut d'ailleurs rappeler que le programme Airbus s'est élaboré sans accord de la Commission ou des gouvernements, mais seulement grâce à des arrangements simplement approuvés par les Etats. En fait, il existe des besoins réels de collaboration internationale dans le domaine de la recherche et il est inutile de monter des usines à gaz pour les susciter. Il faut surtout mettre en place des crédits financiers et définir une volonté politique commune pour servir d'aiguillon.

M. Jérôme Lambert a remarqué que si la recherche était effectivement mondiale, les brevets étaient américains. Il existe donc bien un problème auquel l'Europe doit répondre. Toutefois, en écoutant le rapporteur, on se rend compte de la complexité « aberrante » de la démarche suivie par la Commission. Dès lors, il pourrait être souhaitable de modifier la proposition de résolution, afin de mettre au premier rang l'actuel point numéro 11 qui propose que l'Europe se donne enfin une véritable stratégie.

M. Pierre Forgues a également pris acte de la mondialisation, que l'Europe encourage d'ailleurs au plan économique. En conséquence, rien ne fait obstacle, d'ores et déjà, à la collaboration de laboratoires français et de laboratoires européens et l'on sait bien que toutes les publications des chercheurs français sont rédigées en anglais. On ne perçoit donc pas clairement la finalité d'une recherche européenne. S'il s'agit de détenir des brevets pour obtenir des monopoles empêchant la diffusion de médicaments contre le SIDA en Afrique, cela n'a guère d'intérêt. Ce qui compte, c'est qu'il y ait un bon niveau de recherche en France et que les résultats obtenus servent non seulement l'Europe, mais aussi le monde entier. Les instruments qui pourraient être mis en place à l'échelle européenne seraient obligatoirement sophistiqués et surtout destinés à masquer l'absence de moyens. A cet égard, quand le rapporteur constate que certaines universités françaises ne pratiquent aucune recherche, cela doit conduire à nous interroger puisqu'il est évident que cela traduit une insuffisance de financements.

Une démarche européenne ne se justifie que pour les très grands projets qui impliquent des dépenses importantes. Dans ce cas de figure, un objectif précis est d'abord défini par les Etats membres et, ensuite, des crédits sont dégagés, à la hauteur de l'ambition partagée. En revanche, une politique européenne couvrant tous les champs d'investigation et d'action ne peut être considérée comme une démarche réaliste et fructueuse.

En conséquence, M. Pierre Forgues a jugé qu'une approche par le haut qui accorderait une place centrale au Conseil européen de la recherche, risquerait d'aboutir à l'élimination pure et simple de certains projets, insusceptibles de se poursuivre car ne bénéficiant d'aucun financement public.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- le choix entre l'ouverture totale et le libre accès des équipes de chercheurs, sur le plan mondial, et une approche tendant à concentrer les moyens sur le territoire national ou communautaire constitue un faux dilemme. La politique de recherche doit se structurer autour de deux pôles : celui de la puissance, qui nécessite des moyens, des objectifs et des calendriers pour ne pas perdre la course face aux Etats-Unis et aux pays émergents, et celui de l'excellence, reposant sur la mise en réseau des intelligences, par delà les frontières. Ni la France ni l'Europe ne doivent se refermer, mais toutes deux doivent promouvoir une approche conciliant ces deux pôles ;

- en ce qui concerne l'argument selon lequel le système européen de recherche serait compliqué, il convient de rappeler que la recherche elle-même est compliquée. En réalité, le mot « recherche » désigne une réalité qui comprend plusieurs modes de fonctionnement et niveaux de recherche ;

- une partie de la recherche doit être pilotée « d'en haut » ; c'est le cas des grands projets. Une autre a plutôt besoin de l'éclosion des idées, surtout pour les projets où la frontière entre recherche fondamentale et recherche appliquée est ténue. Dans ce dernier cas, les idées révolutionnaires naîtront « à la base ». En conséquence, elles ne doivent pas être étouffées par un système de recherche cloisonné, dans lequel les crédits seraient répartis à l'avance ;

- cette observation conduit à souligner la nécessité du Conseil européen de la recherche, qui permettra de préserver la liberté des chercheurs. Avec ce nouvel instrument, un projet aura au moins le mérite d'être toujours présenté à une instance. L'effet catalyseur d'un tel projet n'est pas une vue de l'esprit. Ainsi, il est réjouissant de constater qu'en France, l'Agence nationale de la recherche, depuis sa création, a vu le dépôt, en quelques mois, de plus de 5 000 projets, dont une partie est présentée dans les secteurs « blancs » de la recherche, ceux qui sont traditionnellement délaissés ;

- les nouveaux outils doivent s'accompagner de critères de sélection nouveaux. Or, tel sera le cas du Conseil européen de la recherche, au sein duquel l'évaluation sera menée par les scientifiques eux-mêmes. D'une manière générale, la réflexion sur la recherche ne peut laisser de côté la question des outils, car une partie de la recherche est constituée par les instruments eux-mêmes.

Le Président Pierre Lequiller ayant interrogé le rapporteur sur la proposition de M. Jérôme Lambert tendant à placer le point 11 en début du dispositif de la résolution, le rapporteur a considéré que ce point, qui aborde une question plus large que le cadre traité par le présent rapport, doit figurer à la fin de la résolution.

A l'issue de ce débat, la proposition de résolution suivante a été adoptée à l'unanimité :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) et la proposition de décision du Conseil relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire (2007-2011) (COM [2005] 119 final/n° E 2869),

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013) (COM [2005] 121 final/n° E 2881),

Vu la proposition de décision du Conseil relative à un programme spécifique à mettre en oeuvre au moyen d'actions directes par le Centre Commun de recherche au titre du septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 439 final/n° E 2995),

Vu la proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique « Coopération » mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 440 final/n° 2996),

Vu la proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique « Idées » mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 441 final/n° E 2997),

Vu la proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique « Personnel » mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 442 final/n° E 2998),

Vu la proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique « Capacités » mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 443 final/n° E 2999),

Vu la proposition de décision du Conseil relative un programme spécifique à mettre en oeuvre au moyen d'actions directes par le Centre Commun de recherche au titre du septième programme-cadre (2007-2011) (7ème PCRD) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche nucléaire et de formation (COM [2005] 444 final/n° E 3000),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en œuvre du septième programme cadre de la Communauté européenne et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2013) (COM [2005] 705 final/n° E 3057),

Vu la proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2011) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire (COM [2005] 445 final/n° E 3063),

Vu la proposition de règlement du Conseil (Euratom) définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en œuvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2011) (COM [2006] 42 final/n° E 3083),

Considérant l'implication déjà ancienne et importante de la France dans les différents programmes européens de recherche ;

Considérant l'effort engagé par l'Union européenne pour élargir le champ de ses actions dans le domaine de la recherche ;

1. Souhaite que, dans le cadre du projet de loi de programme pour la recherche, la France sache tirer pleinement parti des instruments proposés par l'Union européenne et des expériences conduites par ses partenaires ;

2. Demande en particulier que les mécanismes nouveaux d'appel à projets soient renforcés et pérennisés ;

3. Souhaite que les évaluations fassent une part importante aux experts venus de pays de l'Union européenne et que, dans cet esprit, une mise en commun systématique des experts soit envisagée avec nos partenaires ;

4. Estime nécessaire que la France se positionne, éventuellement, avec d'autres Etats membres, sur le projet d'Institut européen de technologie ;

5. Est favorable à ce que la démarche d'une nouvelle politique industrielle (mise en œuvre par l'Agence de l'innovation industrielle) soit ouverte vers nos partenaires et que la mise en place de mécanismes et de réseaux appropriés permette à nos PME d'accéder aux programmes européens de recherche et d'innovation ;

6. Souhaite d'autre part que la recherche européenne soit plus lisible et plus ambitieuse ;

7. Demande en particulier que les moyens budgétaires mis en œuvre permettent de faire réellement vivre les nouveaux instruments proposés pour le 7ème programme-cadre, tels que le Conseil européen de la recherche ;

8. Souhaite qu'un effort général de simplification des procédures permette de réduire les coûts de gestion de certains outils tels que les réseaux d'excellence ;

9. Estime nécessaire que la gouvernance des programmes européens soit renforcée, notamment par la désignation de véritables chefs de file lorsque la conduite de certains programmes est partagée entre plusieurs directions générales de la Commission européenne ;

10. Insiste pour que des moyens plus significatifs soient consacrés à encourager la mobilité des chercheurs, notamment dans le cadre des actions « Marie Curie » ;

11. Demande enfin que, face aux enjeux de la mondialisation, l'Union européenne se dote de véritables capacités d'analyse et d'intelligence économique, qu'elle soit capable de définir les enjeux énergétiques, industriels et technologiques vitaux pour son avenir, et qu'elle mette en place les instruments propres à soutenir et affirmer ces enjeux, en un mot que l'Europe se donne enfin une véritable stratégie. »

II. Examen du rapport d'information de Mme Arlette Franco sur les changements démographiques et la nouvelle solidarité entre générations

Mme Arlette Franco, rapporteure, a rappelé qu'en lançant en 2005 son Livre vert sur les perspectives démographiques de l'Europe, intitulé « Face aux changements démographiques, une nouvelle solidarité entre les générations », à l'initiative de M. Vladimir _pidla, Commissaire européen à l'emploi, aux affaires sociales et à l'égalité des chances, la Commission avait entrepris une démarche essentielle, dans un domaine très délicat qui touche à l'humain.

Sur la forme toutefois, on peut regretter l'intitulé des questions du Livre vert, qui empêche, dès lors que l'on s'attache à y répondre question par question, d'avoir la vision d'ensemble nécessaire à la compréhension globale du sujet. C'est pourquoi, le rapport repose sur une vision plus large dans la perspective d'une intervention de l'Union en la matière.

La situation démographique actuelle de l'Europe n'est, en effet, pas bonne. L'Europe du baby boom est révolue depuis plus de trente ans, plus de quarante ans d'ailleurs pour les Etats où il a pris fin le plus tôt. On constate donc, dans l'ensemble, une natalité trop faible à raison d'un taux de fécondité de 1,46 enfant par femme en 2002, 1,5 en 2004, inférieur au seuil de renouvellement de 2,1.

Le paysage européen n'est toutefois pas homogène. Certains Etats, parmi lesquels la France, perçue comme un modèle pour sa politique familiale avec 1,9 en 2004, et l'Irlande, avec 1,99, ainsi que dans une moindre mesure, les pays scandinaves, sont en meilleure situation que les autres. Mais ils sont en dessous du seuil précité, et donc leur population n'augmente plus que sous le seul effet de l'augmentation de l'espérance de vie.

En outre, ils ne représentent pas un poids suffisant face à la situation particulièrement déprimée, notamment de la Pologne, qui se dépeuple d'ores et déjà, l'Allemagne et l'Italie, où le nombre des décès excède celui des naissances, depuis plus de trente ans d'ailleurs en Allemagne, ainsi que de l'Espagne, où l'indice de fécondité est de 1,3 enfant par femme après être descendu jusqu'à 1,15 lors de la dernière décennie, en 1998. L'image de la famille nombreuse méditerranéenne appartient au passé, notamment en Catalogne. L'Allemagne est dans une situation paradoxale, avec à l'Est des structures d'accueil adaptées, mais une population inquiète, et à l'Ouest, des problèmes de mentalité, les mères qui travaillent étant parfois qualifiées de « mère corbeau ».

Le vieillissement est particulièrement accentué dans nos Etats : l'effet de l'allongement de la durée de vie, est amplifié par l'effet naturel du vieillissement des générations nombreuses du baby boom, qui devient un papy boom, et de la faible natalité depuis plusieurs décennies.

La proportion des personnes âgées de plus de 65 ans s'accroît donc, passant pour les vingt-cinq de 9,1 % en 1950 à 16,5 % actuellement et 22,7 % en 2025, dont 6,5 % pour les plus de 80 ans à cette même date, selon Eurostat.

A l'opposé, la part de moins de 25 ans qui était de 40,7 % en 1950, et qui est de 29 % actuellement, passera à 24,9 % en 2025.

Une telle situation menace notre croissance économique en raison des nombreux liens entre le dynamisme économique et la situation démographique. Le premier de ces éléments est que la population en âge de travailler va diminuer. Le second est le lien entre innovation et démographie, qui met directement en cause les ressorts de la stratégie de Lisbonne.

Par ailleurs, cette situation entraîne une augmentation des dépenses de santé et de retraite ce qui accroît le problème du financement de ces mêmes retraites.

En réponse, l'immigration ne peut être qu'envisagée à titre de complément et avec précaution, la question de l'intégration en France ayant d'ailleurs fait l'objet d'une grande attention de la part de nos partenaires étrangers. Certains suédois envisagent par exemple l'appel à une immigration européenne pour les provinces du Nord, en voie de dépeuplement.

Le monde est, en effet, en phase de transition démographique, et, plus de la moitié du monde est en zone de basse pression démographique : le sud de l'Inde, le Brésil et la Tunisie notamment, ont récemment rejoint la liste des régions ou pays en dessous du seuil de 2,1 enfants par femme.

La Chine, le Japon, la Russie sont dans des situations bien moins favorables que l'Europe et seront confrontés à des problèmes de même nature et d'une autre ampleur qu'elle.

Il faut donc trouver des solutions d'ordre interne.

Après une mission en Suède, où la fécondité n'est pas mauvaise et fait l'objet d'une politique adaptée, centrée sur les besoins de l'enfant et la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, avec des structures de garde d'enfants et un congé parental très souple partagé entre le père et la mère, puis une autre mission en Allemagne, où, à l'opposé, le manque de structures de garde d'enfants et la scolarisation la moitié de la journée est source de difficultés, ainsi qu'en s'appuyant enfin sur l'exemple de la France, qui a une large gamme de services, de prestations sociales et de dispositifs fiscaux, et bénéficie des avantages d'une scolarisation précoce toute la journée et d'une restauration scolaire qui décharge les parents de ce souci, il est apparu que la natalité pouvait spontanément remonter dans l'Union européenne dès lors que l'on respectait trois principes :

- la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, par des mesures adaptées et très concrètes sur la garde, qui aboliraient les obstacles actuels, sachant qu'il faut naturellement tenir compte des éléments psychologiques tels que les anticipations sur l'avenir des enfants ;

- une certaine prise en charge, par des allocations notamment, des coûts de l'enfant, de manière à permettre aux parents notamment d'assumer les frais qui ne peuvent être pris en charge directement par la collectivité ;

- la parité, de manière à éviter notamment que la maternité n'oppose le « plafond de verre » au déroulement de la carrière des femmes.

Il appartient à l'Union, dans le cadre souple de la méthode ouverte de coordination, de diffuser les bonnes pratiques correspondantes, et de s'appuyer également sur des indicateurs chiffrés ainsi que sur des actions pilotes ou des actions de communication. Pour l'essentiel, en application du principe de subsidiarité et compte tenu des grandes spécificités de chacun des Etats membres, les mesures doivent être prévues au niveau national.

Naturellement, cette approche purement technique ne doit pas conduire à négliger l'aspect humain de la valeur de l'amour de l'enfant et de la continuité de la vie, et de la société.

En ce qui concerne le vieillissement, le constat auquel on aboutit est celui d'un recentrage de la solidarité sur les personnes les plus âgées, dans une société où cohabitent, dans l'ensemble, quatre générations, ce qui est un élément important et nouveau dans notre histoire.

C'est donc le recul de l'âge de la retraite qui s'impose, et il faut considérer que la vie professionnelle ne s'arrête pas vers 55 ans, notamment dans une société où l'on reconnaît par ailleurs la vitalité des jeunes retraités en leur offrant une large gamme d'activités.

Enfin, il convient d'entamer aussi au niveau européen, une réflexion sur les conséquences de l'immigration des retraités dans des pays autres que ceux où ils ont travaillé. Il faut en effet anticiper d'ores et déjà les conséquences sur les finances publiques de la prise en charge future de populations qui seront bientôt dépendantes.

Tels sont les éléments qu'il est possible d'avancer à ce stade, sachant que ces problèmes devraient dorénavant faire l'objet d'un suivi attentif de la part des Conseils européens de printemps, notamment du prochain.

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'importance de ces questions, qui ne sauraient se réduire à des chiffres. Il a indiqué qu'elles avaient été évoquées lors de la dernière réunion des présidents des commissions des affaires européennes, à Vienne, le 20 février dernier, et qu'à cette occasion tous les intervenants ont cité la France comme un modèle en raison de la continuité de sa politique familiale.

M. Pierre Forgues a dénoncé le fait que, sur ces problèmes de natalité et de démographie, on trompe souvent l'opinion publique. Il n'est pas honnête de lier ainsi le problème du financement des retraites et le vieillissement à ces problèmes démographiques. La population vit plus longtemps, ce dont on doit se réjouir. Pour autant, doit-elle avoir plus d'enfants ? Non. La raison mise en avant est le financement des retraites. Or il ne faut pas rester fixés sur le schéma dans lequel d'une part, seul le travail finance les retraites, et d'autre part, tous les travailleurs partent à la retraite au même âge. Dans certaines professions, il est tout à fait concevable de ne partir à la retraite qu'à 65 ou 68 ans. Les arguments habituels sur les conséquences du vieillissement sont contestables. Charles Quint a dû abdiquer à 55 ans parce qu'à cet âge il était déjà un vieillard ; mais il était alors dans une situation que l'on n'atteint aujourd'hui qu'à 70 ans. La population vieillit mais elle peut travailler davantage. Puisque l'espérance de vie moyenne est autour de 80 ans, la population se découpe logiquement entre environ 50 % qui a moins de 40 ans, un quart qui a entre 40 et 60 ans, et un quart qui a entre 60 et 80 ans. C'est une répartition naturelle, dont il n'y a pas lieu de s'étonner.

Quelle est la politique qui doit être menée ? C'est celle qui permet d'arriver au seuil de renouvellement de la population, et non pas celle qui cherche à faire augmenter la population. Car si la population augmente dans son ensemble, le nombre de personnes dont il faudra financer la retraite progressera aussi dans des proportions élevées. L'Europe est très peuplée en termes de densité de population sur son territoire. Il faut donc seulement viser le renouvellement de sa population. Si l'on crée les conditions pour permettre l'accueil des enfants, notamment en créant des crèches, en France comme ailleurs, les couples essayeront naturellement d'avoir plus d'un enfant. Il ne faut plus tromper l'opinion, et il convient pour cela de dissocier clairement le problème de la natalité du problème des régimes de retraite.

Mme Arlette Franco, rapporteure, a souligné qu'en aucun cas elle n'a préconisé d'avoir des enfants à n'importe quel prix, mais qu'aujourd'hui, étant donné les caractéristiques actuelles du système des retraites, il est normal que la question de son financement se pose en ces termes.

M. Daniel Garrigue a fait remarquer qu'il faut être lucide concernant les possibilités d'immigration intra-européenne, qui reviennent à faire diminuer la population d'un pays pour permettre à la population d'un autre pays d'augmenter : le problème démographique concerne tous les pays européens.

Il existe un lien étroit entre l'augmentation de la durée de vie et la baisse de la fécondité, pour deux raisons : d'une part, au niveau individuel, lorsque quelqu'un a la possibilité de vivre 75 ou 80 ans, d'une certaine façon il se perpétue à travers lui-même et non pas à travers des enfants ; d'autre part, collectivement une société qui vit dans le danger a besoin de produire de nombreux enfants, tandis que dans une société caractérisée par la sécurité, les individus n'éprouvent pas ce besoin. Toutes les phases de la vie se ré-étagent en fonction de la durée de la vie : l'âge du mariage, l'âge du premier enfant, reculent au fur et à mesure que l'âge moyen du décès augmente.

Pour autant, M. Daniel Garrigue s'est déclaré favorable à une politique très nataliste car à tous points de vue une « société de jeunes » est plus agréable qu'une « société de vieux ».

M. Jérôme Lambert s'est associé à ces derniers propos. Il s'est notamment dit sensible au fait que la jeunesse soit porteuse d'idées neuves, d'évolutions et de révolutions. A l'inverse, une société vieillissante risque de se replier sur elle-même, ce qui conduit à terme à son appauvrissement.

Mais en l'état, il a indiqué ne pas être particulièrement préoccupé par le vieillissement de la population dès lors que celui-ci va de pair avec un accroissement de la richesse produite, notamment en raison des progrès scientifiques et techniques qui accompagnent l'évolution humaine. Pour cette raison, il s'est démarqué des partisans d'une politique nataliste à tout prix qui, si elle devait être appliquée à l'échelle de l'humanité, ne serait pas sans poser de réelles difficultés en termes de ressources disponibles sur la planète.

Evoquant l'allongement de l'espérance de vie, M. Jérôme Lambert s'est félicité de cette donnée objective, estimant que les personnes âgées ne doivent pas être mises à l'écart de la société. A 60 ans, en l'absence de pénibilité du travail, nombreux sont celles et ceux qui peuvent encore avoir des activités ; quant aux personnes qui ont quitté la vie active, elles n'en demeurent pas moins des consommateurs qui génèrent de la production de richesse.

En réponse, la rapporteure a précisé que l'objet de son rapport concernait avant tout la situation démographique des pays européens et mis en avant l'enjeu consistant à redonner aux couples l'envie d'avoir des enfants afin de rompre avec une diminution continue du taux de natalité.

III. Examen d'un texte soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné un texte soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé le texte suivant :

¬ PESC

- projet d'action commune du Conseil modifiant l'action commune 2005/643/PESC concernant la mission de surveillance de l'Union européenne à Aceh (Indonésie) (document E 3079).