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le 4 avril 2003

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N° 752

(1ère partie)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2003.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 710) portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit.

PAR M. Étienne BLANC,

Député.

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Administration.

INTRODUCTION 7

I. - L'INFLATION NORMATIVE 8

A. UN PHÉNOMÈNE INQUIÉTANT 8

B. UNE PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE 9

II. - L'IMPÉRATIF DE SIMPLIFICATION 10

A. ALLÉGEMENT, HARMONISATION ET ABROGATION 11

1. Une préoccupation ancienne 11

a) Un thème de discours récurrent 11

b) Une série de programmes gouvernementaux 12

2. Des progrès certains 13

3. Une amplification attendue des efforts de simplification 15

a) Une méthode originale 15

b) Des simplifications générales 18

c) Des simplifications par matière 19

B. LA CODIFICATION 20

1. Une réponse au principe d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi 20

a) Une procédure délicate à manier 21

b) Des avantages non négligeables 22

2. Une relance récente de la codification 22

a) Une tradition française qui s'était essoufflée 22

b) Un renouveau décisif à la fin des années 1980 24

3. Une accélération souhaitable du processus 26

III. - LE CHOIX DE L'HABILITATION 27

A. UNE UTILISATION FRÉQUENTE 28

1. Un recours régulier à l'habilitation 28

2. Des motifs variés 28

B. UNE PROCÉDURE ENCADRÉE 29

C. UN DROIT DE SUITE INDISPENSABLE 30

1. L'intervention d'une ratification explicite ou implicite 30

2. La mise en place d'un dispositif de suivi 31

Audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, et discussion générale 32

EXAMEN DES ARTICLES 41

Chapitre Ier - Mesures de simplification de portée générale 41

Article premier :  Simplification des relations entre le citoyen et les services publics 41

Article 2 :  Publicité et diffusion des lois et actes administratifs 51

Article 3 :  Procédures de la commande publique 55

Article 4 :  Contrats de coopération entre personnes de droit public et personnes de droit privé 62

Article 5 :  Législation fiscale et modalités de recouvrement de l'impôt 69

Article 6 :  Suppression de l'obligation d'affirmation de procès-verbaux 74

Chapitre II - Mesures de simplification des démarches des particuliers 75

Article 7 :  Modalités de preuve de la nationalité 75

Article 8 :  Régime juridique des associations syndicales de propriétaires 79

Article 9 :  Validation du permis de chasser et adjudication des droits de chasse en forêt domaniale 83

Article 10 :  Relations entre particuliers employeurs et salariés 85

Article 11 :  Formalités imposées aux usagers bénéficiaires de prestations sociales 87

2ème partie du rapport

Chapitre III - Mesures de simplification des procédures électorales

Chapitre IV - Mesures de simplification et de réorganisation dans le domaine sanitaire et social

Chapitre V - Mesures de simplification des formalités concernant les entreprises

3ème partie du rapport

Chapitre VI - Ratification d'ordonnances et habilitation du Gouvernement à procéder à l'adoption de la partie législative de codes

Chapitre VII - Dispositions finales

TABLEAU COMPARATIF

4ème partie du rapport

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 

 SÉLECTION DE TEXTES CITÉS EN RÉFÉRENCE DANS LE PROJET DE LOI OU DANS LES COMMENTAIRES D'ARTICLES

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE I : LES MESURES DE SIMPLIFICATION DE LA VIE DES ENTREPRISES

ANNEXE II : AVANT-PROJET DE LOI RELATIF AUX MODALITÉS ET EFFETS DE LA PUBLICATION DES LOIS ET DE CERTAINS ACTES ADMINISTRATIFS

ANNEXE III : LISTE DES COMMISSIONS ADMINISTRATIVES CRÉÉES PAR UNE LOI

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

MESDAMES, MESSIEURS,

Dans le flot ininterrompu des normes, le citoyen risque de se noyer. L'adage en vertu duquel nul n'est censé ignorer la loi pourrait bien être relégué au rang de simple proverbe et l'exception d'ignorance, définie par un décret toujours en vigueur du 5 novembre 1870 pris par le gouvernement de Défense nationale, devenir la règle (1).

Il y a urgence à simplifier. Le citoyen souhaite moins de guichets, moins de liasses à remplir et moins de démarches. C'est, avec la décentralisation - dont l'approfondissement a, d'ores et déjà, été largement engagé -, un des impératifs de la réforme de l'État, qui doit s'adapter aux mutations profondes de la société et répondre à la question des relations entre services publics et usagers. Témoigne également de ce mouvement la création récente auprès du Premier ministre (2) d'une délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'État, d'une délégation aux usagers et aux simplifications administratives et d'une agence pour le développement de l'administration électronique.

Devant cette nécessité, le législateur se trouve pris dans une contradiction. Comment poursuivre l'œuvre législative qui monopolise son ordre du jour et, dans le même temps, prendre le recul nécessaire pour simplifier le droit en vigueur ? Si le législateur souhaite prendre ses responsabilités et refuser tout irénisme, l'urgence de la situation et le dépassement de cette contradiction appellent une seule solution : le recours aux ordonnances et, par conséquent, le vote d'une loi d'habilitation sur le fondement de l'article 38 de la Constitution.

Aux termes du premier alinéa de cet article, « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Cette procédure est encadrée par plusieurs conditions. Une loi d'habilitation doit préalablement être adoptée par le Parlement selon la procédure législative ordinaire. Cette loi doit préciser les matières législatives à l'égard desquelles le Gouvernement peut prendre des ordonnances. Elle fixe également le délai pendant lequel le Gouvernement peut le faire. Elle précise enfin le délai imparti à celui-ci pour déposer au Parlement le projet de loi de ratification.

Le Premier ministre, dès son discours de politique générale du 3 juillet 2002, l'a indiqué : « Je vous demanderai l'autorisation de légiférer par ordonnance pour simplifier nos législations dans un certain nombre de domaines qui ne toucheront pas aux équilibres fondamentaux de notre République, mais qui concernent la paperasse, qui concernent tous les ennuis et toutes les tracasseries qui font qu'aujourd'hui les acteurs sociaux, économiques sont transformés en bureaucrates alors que nous attendons qu'on puisse libérer leur énergie. Ces demandes-là sont des demandes qui sont formulées dans l'administration elle-même pour que les fonctionnaires eux-mêmes se consacrent aux tâches qui les passionnent, se consacrent aux services publics et fassent en sorte qu'ils aient le contact avec le citoyen, ce qu'ils nous demandent pour être finalement ces premiers militants de la République qu'est leur mission. » Il a confirmé cette orientation à l'occasion de son intervention devant l'assemblée générale du Mouvement des entreprises de France, le 14 janvier 2003 : « Tout ceci ajoute complexités sur complexités. Nous sommes, là, souvent responsables. Là, j'ai pris une décision : la simplification nous la ferons par ordonnances, de manière à ce que l'on puisse aller rapidement. » C'est l'objet du présent projet de loi, premier élément d'un « traité de non-prolifération normative ».

I. - L'INFLATION NORMATIVE

A. UN PHÉNOMÈNE INQUIÉTANT

L'État encourt souvent des critiques nombreuses et souvent justifiées concernant la prolifération des normes, leur absence de nécessité, leur caractère incantatoire. Certains sont allés jusqu'à constater que « les institutions majeures de l'État souffrent de surchauffe normative » (3). Or, tous les problèmes en jeu ne sont pas réductibles au traitement normatif et, pourtant, le plus souvent, l'État transforme la promesse en réglementation. Le Conseil d'État, dans son rapport annuel de 1991 (4), faisait observer que le nombre annuel des lois adoptées s'était accru de 35 % en trente ans, celui des décrets de 25 % et que le nombre de pages du Journal officiel avait doublé en quinze ans. Le stock actuel des normes serait de 8 000 lois et 400 000 textes réglementaires. La France est partie à plus de 6 000 traités ou accords internationaux. Le conseil des impôts faisait observer pour sa part, dans son rapport 2000, qu'au cours des années 1990 la documentation fiscale de base avait crû de plus de 30 %. Le droit communautaire suit le même mouvement avec 1 000 règlements de la Commission en 1993 et 3 000 règlements en 2000. 15 000 textes communautaires, règlements compris, sont en vigueur.

Les fondements de ce phénomène ont été maintes fois analysés. En premier lieu, le progrès technologique et de la mondialisation accroissent le besoin de sécurité, ce que traduit la noria des normes. Chaque crise (économique, sociale, alimentaire...) trouve souvent sa solution dans un encadrement juridique renforcé. En second lieu, les modes d'intervention politique et administrative amplifient ce mouvement. L'adoption ou le changement de la loi apparaît fréquemment comme un moyen d'expression de la volonté de traiter un problème. Chaque catégorie demande « sa » loi, qui n'est pourtant jamais assez adaptée aux situations particulières.

Les conséquences de ce mouvement ne sont pas dénuées d'inconvénients. Les termes du rapport public du Conseil d'État de 1991 sont devenus célèbres : « Qui dit inflation, dit dévalorisation : quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite ». Ce constat a été repris par le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale de 1995 intitulé L'insoutenable application de la loi (5). À l'occasion du débat sur le projet d'habilitation pour codification, lors de la séance du 23 novembre 1999 devant l'Assemblée nationale, M. François Colcombet a déclaré : « Nous disposons de textes nombreux, sophistiqués, compliqués, autant de couches successives qui résultent du cours de l'histoire. On commence par voter un texte, après quoi on en modifie un bout, on le complète au détour du vote de diverses mesures d'ordre législatif et, au bout d'un certain temps, on se retrouve face à un glorieux fatras dans lequel personne ne se retrouve plus. » L'interpénétration croissante entre le domaine de la loi défini par l'article 34 de la Constitution et celui du règlement régi par l'article 37 contribue à troubler l'ordonnancement juridique.

D'abord, la complexité des réglementations qui s'accumulent entraîne inégalité et insécurité pour les citoyens. Le coût d'entrée dans certains dispositifs interdit aux personnes les moins favorisées de faire valoir leurs droits. Ensuite, la norme, dans sa complexité, ne reçoit pas toujours une application pleine et entière et risque de perdre de sa crédibilité. Or, Hans Kelsen l'a souligné : « L'efficacité est une condition de la validité dans la mesure où une norme seule et un ordre normatif dans son entier perdent leur validité s'ils perdent leur efficacité ou la possibilité d'une efficacité » (6). Inefficace, la norme peut devenir incompréhensible. Ainsi, comme le relève le conseil des impôts, l'inflation de la législation fiscale donne l'impression aux contribuables que la pression fiscale progresse. Complexité, délais trop longs, empilement, voire contradiction des normes mettent en cause les autorités qui les édictent. Enfin, il convient de ne pas négliger le coût financier que représente l'accroissement de la réglementation. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (ocde), les formalités administratives imposées aux seules entreprises coûtaient, en 1997, entre trois et quatre points de produit intérieur brut (7).

B. UNE PRISE DE CONSCIENCE INTERNATIONALE

Les travaux menés par l'ocde en vue d'améliorer le cadre d'intervention des acteurs économiques se sont naturellement orientés vers leur environnement réglementaire, la qualité et la lisibilité de la norme constituant indéniablement un facteur de développement et de compétitivité. Dès 1995, dans ses Recommandations du conseil de l'ocde concernant l'amélioration de la qualité de la réglementation officielle adoptées le 9 mars, l'institution posait la question suivante : « La réglementation est-elle claire, cohérente, compréhensible et accessibles aux usagers ? ». Cette question et ses relations avec l'attractivité des territoires ont trouvé un large écho en France, en particulier dans les rapports de MM. Frédéric Lavenir, Alexandre Joubert-Bompard et Claude Wendling sur L'entreprise et l'Hexagone (2000) et de MM. Michel Charzat, Pierre Hanotaux et Claude Wendling sur L'attractivité du territoire français (2001).

Le même souci d'améliorer l'environnement des acteurs économiques a guidé l'Union européenne dans ses recherches sur une meilleure réglementation. Le Conseil du marché intérieur a pris plusieurs initiatives dans ce sens. Des règles opaques nuisent à la concurrence et à l'attractivité de la zone euro. Ce thème a été récemment prolongé par celui du bon gouvernement (good governance). La qualité de la réglementation est devenue pour les institutions européennes une condition d'efficacité et de crédibilité. Les processus d'élaboration des normes doivent être transparents et participatifs. De manière plus large, le 24 mars 2000, lors du Conseil européen de Lisbonne, la Commission européenne a reçu un mandat, confirmé lors des réunions du Conseil européen de Stockholm du 23 mars 2001, de Laeken du 9 décembre 2001 et de Barcelone du 16 mars 2002, pour présenter un plan d'action « visant, par une nouvelle stratégie coordonnée, à simplifier l'environnement réglementaire », tant au niveau national que communautaire. Ces normes doivent être lisibles, simples, efficaces (8). Il convient d'évoquer à ce propos le rapport de novembre 2001 sur la qualité de la réglementation du « Groupe consultatif de haut niveau » présidé par M. Dieudonné Mandelkern (9), groupe créé à la suite du Conseil européen de Feira en 2000. Ce mouvement est renforcé par l'inscription dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du droit du citoyen européen à une bonne administration.

Dans ce contexte, la simplification s'impose. Il s'agit de simplifier non seulement les formalités et les procédures administratives, mais également les règles. Pour reprendre les termes de M. Étienne Marie, « la qualité d'un service public s'apprécie aussi à ses "produits" qui doivent être adaptés aux besoins des usagers, mais aussi lisibles et compréhensibles par eux » (10). Dans le rapport précité, le Conseil d'État soulignait en 1991 que « longtemps ce problème de l'insécurité juridique n'a inquiété que la doctrine ; il préoccupe aujourd'hui le juge ; demain il peut provoquer la colère de l'usager, censé, selon l'adage, ne pas ignorer les règles qu'il lui devient impossible de connaître ». Aujourd'hui, c'est au tour du législateur de prendre en main cette question.

II. - L'IMPÉRATIF DE SIMPLIFICATION

L'affaiblissement de la confiance dans l'État a partie liée avec la critique de l'ordonnancement juridique, si bien que la complexité du droit en vigueur place le législateur dans une situation d'urgence. La tâche de simplification est ingrate. Il faut aller contre des habitudes de pensée, dépasser les contraintes liées aux attentes des publics spécialisés et à l'attitude conservatrice des corps et organismes intermédiaires représentatifs d'intérêts catégoriels qui croient trouver leur justification existentielle dans le maquis normatif. Deux catégories de solutions cumulatives existent : la première s'attache à alléger les normes à vigueur, à les harmoniser et à abroger les dispositions devenues obsolètes ou inapplicables ; la seconde consiste à faciliter l'accès à la loi, c'est la codification.

A. ALLÉGEMENT, HARMONISATION ET ABROGATION

Lutter contre ce mouvement d'inflation normative est une préoccupation ancienne. Des progrès ont été réalisés en la matière. Le mouvement doit cependant être amplifié et doit porter plus profondément le fer de la simplification.

1. Une préoccupation ancienne

a) Un thème de discours récurrent

Nombreux ont été les Premiers ministres de la Ve République à engager des programmes de simplification des procédures et des normes. M. Pierre Messmer dans son discours de politique générale, le 3 octobre 1972, relevait que « la simplification des procédures et l'insertion plus directe de l'administration dans la vie sont une œuvre discrète et minutieuse à laquelle se sont attachés récemment plusieurs organismes (...). Il faut aller plus loin. Sans doute, l'État fait-il lui-même la discipline de ses erreurs et de ses fautes grâce aux juridictions impartiales et indépendantes qui sont le recours normal des administrés. Mais aujourd'hui l'opinion, irritée par l'inertie ou l'anonymat de certains mécanismes administratifs, ou ce qui lui est présenté comme tel, apprécierait l'existence d'un pouvoir de redressement et de régulation qui serait saisi directement et personnellement. »

M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, le 5 juin 1974, s'engageait dans son discours de politique générale sur la même ligne : « Nous nous attacherons à l'allégement du formalisme administratif. Qu'on ne s'y méprenne pas. Nul plus que moi, qui ai l'honneur d'être issu de la fonction publique, n'a conscience de la très grande qualité de nos fonctionnaires. Ce n'est donc pas mettre en cause leurs mérites et leur dévouement que de constater que nous ne sommes pas parvenus à maîtriser l'envahissement paperassier, qui est une des formes de l'aliénation moderne. Je suis décidé, dans ce domaine, à donner une impulsion majeure à l'action gouvernementale et à procéder, chaque fois que possible, par des actions radicales. Il n'est plus supportable pour l'individu d'être enfermé dans un ghetto de formulaires contraignants et inintelligibles qui développent chez lui des réflexes de culpabilité et de rejet. Pour mieux stimuler et éclairer cet effort, je demande à chaque ministre de constituer auprès de lui un comité d'usagers chargé de faire entendre l'avis des intéressés et de proposer toutes les formules permettant d'humaniser les rapports entre le citoyen et l'administration, de simplifier ou de mieux faire comprendre les inéluctables contraintes législatives ou réglementaires de la vie contemporaine. » Les mêmes thèmes étaient repris par M. Raymond Barre, à l'occasion de son discours de politique générale du 5 octobre 1976 : « La réforme de l'administration, la simplification des procédures, la lutte contre l'anonymat, voire l'irresponsabilité, seront un souci permanent pour le Gouvernement. » Ces déclarations avaient débouché notamment sur la codification d'un nombre important de textes.

La simplification disparaissait ensuite des politiques des discours de politique générale, avant que M. Alain Juppé ne mentionne, le 23 mai 1995, la nécessité de simplifier les procédures administratives pour libérer l'initiative des entreprises, notamment des petites et moyennes (pme) : « Le plan pme doit comporter un allégement de ce qu'on a appelé "l'impôt-formulaire" qui les frappe, c'est-à-dire une simplification drastique des formalités administratives ou para-administratives de tous ordres qui leur sont infligées. L'une des premières mesures concrètes consistera à ouvrir un guichet unique pour l'emploi dans des conditions sur lesquelles je reviendrai dans un instant. » M. Lionel Jospin s'est inscrit dans la même logique, le 19 juin 1997 : « Nous créerons des conditions propices au développement de ces entreprises, par une fiscalité favorable à l'investissement, par la mobilisation de l'épargne pour le renforcement des fonds propres des pme, par la simplification des procédures administratives ».

b) Une série de programmes gouvernementaux

Au-delà des discours, des programmes précis ont été lancés. Les rapports présentés par M. Hector Rolland en 1975 et le rapport « Guillenschmidt » de 1978 ont contribué à faire de la simplification un thème privilégié de la politique gouvernementale d'amélioration des relations entre l'administration et les citoyens. Un secrétariat d'État chargé des réformes administratives a été créé en avril 1977 auprès du Premier ministre. La politique d'allégement des procédures et formalités s'est développée essentiellement de 1977 à 1981, période au cours de laquelle cinq programmes annuels, portant sur plus de 400 mesures ont été adoptés, dont 70 % ont été prises par circulaires, instructions ou lettres ministérielles, 7 % par arrêté ministériel, 12 % par décret, 11 % par la loi.

Par ailleurs, alors qu'en 1966 avait été créé un centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (cerfa), des centres de formalités des entreprises (cfe) sont mis en place en mars 1981. C'est durant cette période qu'ont été adoptées les grandes lois de transparence du service public : loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, qui reconnaît un droit d'accès aux documents administratifs ; loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs.

Cette politique a été certes poursuivie à partir de mai 1981, mais avec un rythme moins soutenu. Le décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers prolonge les lois de 1978 et 1979, codifie la procédure administrative non contentieuse (recours amiable auprès des préfets), tandis que des centres « administration à votre service » (avs) sont ouverts. Une commission de simplification des formalités des entreprises (cosiforme) est créée. En outre, 164 mesures ont été retenues dans le programme de simplifications administratives arrêté pour 1984-1986. Entre 1986 et 1988, l'accent a été mis sur les simplifications des formalités imposées aux entreprises, dans un mouvement plus général d'allégement des contraintes découlant de la réglementation, notamment dans les domaines économique et social, mais aussi en matière d'urbanisme (11).

À partir de juin 1988, les autorités ont manifesté le soin d'intensifier les actions de simplification des formalités administratives, qui était l'objet d'une partie de la circulaire du 23 février 1989 relative au renouveau du service public. Cette volonté s'est traduite en particulier par la réorganisation des structures chargées de promouvoir ces simplifications (création de la commission pour la simplification des formalités - cosiform - en décembre 1990) et par le développement de l'usage des moyens télématiques dans les relations entre l'administration et les usagers.

2. Des progrès certains

Le contenu des politiques de simplification administrative s'est considérablement élargi au cours des dernières années, qu'il s'agisse de ses destinataires
- particuliers mais aussi professionnels -, de ses contenus - juridiques, organisationnels, pratiques - ou de ses outils, avec notamment le rôle croissant des nouvelles technologies de l'information et de la communication. La conception et le pilotage de ces politiques et des programmes qui en découlent ont ainsi donné lieu à l'apparition de nouveaux organismes et à des formes relativement inédites de coopération interministérielle, mais aussi à des échanges sans cesse croissants entre échelons centraux et déconcentrés, d'une part, entre l'État et ses principaux partenaires, collectivités locales, associations, monde économique, d'autre part.

Dans la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, le législateur a abordé les questions de la simplification de la vie sociale des entreprises, de la protection sociale et du droit du travail. D'importantes mesures, plus générales, ont été mises en œuvre à partir de 1995, par le biais notamment du plan de réforme de l'État de 1996 - qui prévoyait notamment la diminution du nombre des régimes d'autorisations préalables, une accélération des délais de réponse des administrations et la codification systématique des textes
législatifs et réglementaires. 209 mesures de simplifications des formalités des entreprises avaient été examinées au niveau interministériel le 4 décembre 1996. La plupart ont touché des régimes au caractère très technique, le plus souvent gérés par l'administration centrale. Il faut citer parmi elles la simplification du bulletin de salaire, à la suite du rapport de la commission présidée par M. Patrick Turbot (12). En effet, elle paraît emblématique des difficultés de la politique de simplification : l'objectif recueille un consensus de toutes les parties ; mais le choix d'une circulaire, en date du 9 avril 1997, n'est guère favorable au caractère obligatoire des recommandations. Le passage par la loi peut donc s'avérer nécessaire dans certains cas pour imposer une mesure à l'ensemble des partenaires.

Une nouvelle série de mesures de simplification des formalités en faveur de la création des entreprises - le « Plan pme » avec ses trente-sept mesures de simplifications - a été présentée en Conseil des ministres en décembre 1997, complétée par de nouvelles dispositions en novembre 1998. Relevons, en particulier, la simplification des formalités d'immatriculation pour les activités réglementées et la réduction du délai d'immatriculation des entreprises au registre du commerce et des sociétés (l'immatriculation s'effectue désormais en vingt-quatre heures). L'accent a été, par ailleurs, mis sur l'amélioration des relations des entreprises avec les organismes sociaux en renforçant les garanties des entreprises en cas de contrôle exercé par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (urssaf). Ainsi, le chef d'entreprise doit désormais être préalablement avisé et le droit de réponse du cotisant est porté à trente jours, comme en procédure fiscale. Au plan fiscal, le régime de la micro-entreprise a été rendu plus accessible grâce à un relèvement de son seuil d'application : près de 500 000 très petites entreprises (tpe) sont ainsi dispensées du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (tva) et du dépôt de la déclaration de bénéfices. Par ailleurs, les obligations déclaratives et de paiement de la TVA ont été assouplies pour les entreprises relevant du régime simplifié d'imposition. Cette mesure permet à près d'un million d'entreprises de ne déposer chaque année qu'une seule déclaration. L'ensemble des mesures de simplification sont retracées dans l'annexe I du présent rapport.

Par ailleurs, la commission pour les simplifications administratives (cosa), présidée par le Premier ministre, créée par le décret n° 98-1083 du 2 décembre 1998, modifié par le décret n° 2001-452 du 25 mai 2001, succède à la cosiform et au cerfa. Les démarches des usagers ont été allégées. Le décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification de formalités administratives a permis de supprimer les fiches familiales d'état civil dans nombre de procédures ainsi que les justificatifs de domicile. La durée de validité du passeport a été allongée. La dématérialisation des concours de recrutement de la fonction publique d'État a été engagée. Les dossiers d'allocations familiales ont été allégés. Le traitement des demandes de cartes grises a été déconcentré et celui des procédures de naturalisation facilité. Le 3 juillet 2001 était installé un comité pour la simplification du langage administratif (cosla). Le décret n 2001-899 du 1er octobre 2001 a abrogé certaines dispositions réglementaires relatives à la certification conforme des copies de documents délivrés par les autorités administratives. Il est précisé qu'il est « interdit désormais aux administrations (...) d'exiger des usagers la production d'une copie certifiée conforme d'un document délivré par l'un d'entre eux ». Il convient de relever que ce texte ne s'applique pas aux relations entre administrations. Néanmoins, dans certains cas, des instructions administratives ont allégé les procédures (13).

Des progrès substantiels ont été accomplis grâce à la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dite « loi dcra », dont une partie importante des dispositions était reprise du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, qui avait donné lieu à deux lectures à l'Assemblée nationale (15 et 16 janvier et 27 mars 1997) et une lecture du Sénat (26 février 1997), l'examen de ce projet de loi ayant été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale. La loi du 12 avril 2000 renforce l'accès aux documents administratifs. Une obligation générale d'accuser officiellement réception de toute demande d'un administré s'impose à toutes les administrations qu'elles relèvent de l'État, des collectivités locales ou des hôpitaux. Par ailleurs, toute administration saisie à tort d'une demande a l'obligation de la transmettre à l'administration compétente pour la traiter. L'anonymat des fonctionnaires est levé par l'article 4, qui pose une double règle : dans toutes les relations entre les administrations et le public, notamment dans les correspondances, le nom et les coordonnées de l'agent chargé du dossier doivent être indiqués ; toute décision administrative doit comporter précisément le nom et les qualités de son auteur. En outre, la loi reconnaît également les délégués du Médiateur de la République et donne une existence légale aux maisons des services publics.

Enfin, le rapporteur souhaite faire observer que la création d'un portail unique de l'administration « service-public.fr » a constitué un progrès indéniable dans l'accès au droit, de la même façon que la création du site « Legifrance » décidée par le comité interministériel pour la réforme de l'État du 12 octobre 2001.

3. Une amplification attendue des efforts de simplification

L'évolution de l'ordonnancement juridique, suscitée par la logique administrative, aboutit souvent à la mise en place de procédures de plus en plus lourdes jusqu'à former des écheveaux difficiles à démêler. La complexité a un coût. Elle a un coût pour les citoyens qui doivent le connaître, le comprendre et faire valoir leurs droits. Elle lui impose certains choix de vie. Elle accroît les risques d'inégalité et d'insécurité. Pour les pouvoirs publics, cette complexité présente un coût de gestion. Elle pèse sur la qualité et la lisibilité de l'action publique. Elle a un coût en termes démocratiques : les objectifs des politiques publiques sont brouillés ; les services publics sont déconsidérés ; les tensions entre usagers s'accroissent, chacun ayant l'impression qu'il est lésé par rapport aux autres.

Le droit est aussi un « élément du passif national » et l'on doit éviter que par sa précarité, sa formulation ou ses contradictions, le droit n'entretienne des incertitudes ou des désordres. Il peut ainsi contribuer à affaiblir l'attractivité de la France. Plus une réglementation est effervescente et moins elle est prise au sérieux.

La simplification doit porter à la fois sur les relations entre l'administration et les citoyens et sur certains domaines du droit en particulier, tels que le droit du travail, le droit social ou encore le droit fiscal.

a) Une méthode originale

La simplification ne saurait ni être synonyme de déréglementation, de contractualisation des normes, ni être assimilée à la réduction drastique du nombre de textes. Le rapporteur rappelle à ce propos le principe posé par notre collègue Alain Juppé, alors Premier ministre, dans sa circulaire du 26 juillet 1995 : l'édiction de règles nouvelles doit se traduire par la suppression d'un nombre au moins équivalent de règles existantes. Certains pays ont pu utiliser des méthodes radicales pour corseter leur production normative, à l'instar du Royaume-Uni. De la même manière, la Suède s'est engagée à produire trois fois moins de lois et règlements. Le pays a obtenu des résultats importants par le biais de nombreuses réformes : déréglementation, rationalisation des structures administratives, adoption d'une langue plus moderne et compréhensible, repérage et suppression systématiques des réglementations inutiles, instructions générales aux services chargés de la réglementation, recours à des textes « à validité temporaire ».

Sans aller jusqu'à cette extrémité, le Parlement italien vote, de manière régulière depuis 1997 (14), une loi annuelle de simplification qui autorise le Gouvernement à supprimer par ordonnances (« décrets législatifs ») certaines dispositions législatives sur le fondement de principes généraux édictés par le texte d'habilitation. La loi n°59 du 15 mars 1997 a donné délégation au gouvernement pour réformer l'administration publique et pour simplifier les procédés administratifs, tandis que la loi n°127 du 15 mai 1997 a permis de mettre en œuvre des « mesures urgentes pour l'accélération de l'activité administrative et des procédés de prise de décision et contrôle ». Entre 1997 et 2000, ce ne sont pas moins de cinq lois de délégation du Parlement au Gouvernement qui ont été adoptées (lois « Bassanini » I, II, III, IV et V, du nom du ministre de la fonction publique d'alors), suivies d'un grand nombre d'ordonnances. Une unité pour la simplification, forte de soixante-cinq personnes, le Nucleo per la semplificazione, a été mise en place auprès du ministre de la fonction publique dans le seul but de contrôler la qualité de la réglementation, de soutenir les efforts de simplification des ministères et de fournir des éléments aux assemblées parlementaires pour l'élaboration et le suivi des lois de simplification.

Aux États-Unis, la loi de 1980 sur la réduction des formalités administratives a permis également de fixer un objectif annuel quantitatif de réduction et a limité à trois ans la durée de vie de toutes les nouvelles formalités envisagées. La Belgique s'est engagée dans une voie plus modeste avec la création, en 1998, d'une agence pour la simplification administrative, chargée de proposer des mesures limitant la complexité administrative pour les entreprises ainsi que les coûts y afférents. Néanmoins, le pays s'est engagé, par un accord fédéral en date du 7 juillet 1999, à réduire la charge administrative des citoyens et des entreprises de 10 % les deux premières années et de 25 % d'ici la fin de la législature.

En France, aujourd'hui, le processus de simplification des textes existants repose sur l'établissement par chaque ministère d'un programme annuel dont la cosa veille à ce qu'il soit mis en œuvre. En s'appuyant sur cet exercice, qui fait remonter des propositions provenant de l'expérience des administrations, le Gouvernement peut accroître l'impulsion et la visibilité données au processus de simplification. Le processus engagé depuis la déclaration de politique générale de juillet 2002 s'avère, de ce point de vue, original. En effet, le Premier ministre a envoyé une circulaire à tous les ministres leur demandant de faire des propositions en matière de réforme avec une date butoir fixée le 30 septembre 2002. Les réponses ont été progressivement traitées et les arbitrages ont été rendus. Il convient de relever que certains ministères se sont montrés moins empressés que d'autres pour répondre. Parallèlement, l'ensemble des parlementaires ont été consultés. Par ce biais, de nombreuses propositions concrètes ont été retenues.

Pour la réalisation des ordonnances, le Gouvernement pourra s'inspirer, par ailleurs, des travaux de nombreux groupes de travail mis en place, soit auprès de certains ministres, soit au sein des assemblées sous forme de mission d'information.

Ainsi peut-on citer le groupe de parlementaires réunis autour de notre collègue Xavier de Roux auprès du secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, groupe qui a rendu une première série de propositions en janvier 2003. Il a abordé successivement les questions posées par le droit des sociétés et par l'accès des petites et moyennes entreprises au marché des capitaux. Il a proposé à cet égard un certain nombre d'outils, comme la possibilité pour les sociétés à responsabilité limitée (sarl) d'émettre des obligations simples et comme la création d'un warrant industriel ou encore la location d'actions. Il a proposé de supprimer le capital minimum requis pour la création d'une sarl ou d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (eurl).

Il a ensuite proposé de supprimer au sein de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite « loi nre », ce qui lui semblait très superflu, complexe ou de nature à créer des blocages. Il a effectué le même travail en ce qui concerne le droit du travail, rejoignant d'ailleurs le Gouvernement lorsque ce dernier a proposé de suspendre un certain nombre de dispositions. Il a suggéré la dépénalisation partielle du code de commerce, en supprimant ce qu'il est convenu d'appeler les « délits sentinelles ». Il a examiné le foisonnement des organismes de perception des cotisations sociales qui rendent difficile la création d'un guichet unique pour que les entreprises puissent cotiser dans les meilleures conditions. Il a enfin étudié les dispositions du code des marchés publics qui pourraient être simplifiées.

Il convient également d'évoquer la mission d'information mise en place par la commission des Lois sur le droit des sociétés, celle créée au sein de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur la réforme de l'hôpital ou encore la mission conduite par notre collègue Jean-Yves Cousin au nom de la commission des Finances de cette même assemblée sur l'amélioration des relations entre l'administration fiscale et les contribuables.

Le programme gouvernemental, incarné dans le présent projet de loi, par contraste avec tous les programmes précédents de simplification, intègre une autre dimension originale : il touche, pour la première fois, de manière étendue, la matière législative. L'objectif est d'aller au-delà des mesures ponctuelles, qui ne sont pas critiquables en elles-mêmes, mais qui n'ont qu'un impact limité et ne peuvent tenir lieu de programme de lutte contre la « maladministration ». Il faut donc s'attaquer aux causes mêmes de la complexité.

L'effort de simplification devrait suivre une base annuelle. Une nouvelle série de mesures pourrait être proposée à l'automne prochain et pourrait porter sur des projets préparés par le ministère de l'agriculture, par celui chargé de l'équipement et des transports, ou encore par ceux chargés de l'écologie et de la santé. Ainsi, le Gouvernement s'est engagé à déposer sur le bureau des assemblées, chaque année, un projet de loi d'habilitation pour simplifications, dans l'esprit des propositions faites par le groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation, présidé par M. Dieudonné Mandelkern (15). Ce dernier demandait que soit présenté, « chaque année, par le Gouvernement un programme de simplification des règles, des formalités et des procédures sur la base des propositions faites par chaque ministre. Ce programme serait accompagné, dans chaque secteur considéré, d'une analyse du nombre des normes en vigueur, d'une analyse du coût de la complexité pour les usagers et pour l'administration, d'une étude de la perception des usagers sur la complexité de la réglementation, d'une comparaison avec les mesures prises à l'étranger et une prise en compte des recherches sur le thème. Le programme désignerait des objectifs de résultat avec des indicateurs appropriés. Il serait transmis au Parlement où il pourrait donner lieu à un débat (à l'instar du débat d'orientation sur les finances publiques). Il serait mis en œuvre à l'occasion des textes législatifs ad hoc ou de textes spécifiques. Chaque projet de loi de finances et chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale pourrait contenir une partie consacrée à la simplification dans le champ qui les concerne. » En cela, le présent projet de loi répond aux vœux exprimés par M. François d'Aubert et plusieurs de ses collègues dans leur proposition de loi de janvier 2003 (16) tendant à imposer au Gouvernement le dépôt d'un projet de loi de simplification législative et réglementaire annuelle.

Le rapporteur souligne que le présent projet de loi n'épuise pas la question de la simplification. D'autres projets en cours de discussion portent des éléments de simplification, tels le projet de loi sur l'initiative économique et celui portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction. Le premier comporte ainsi de nombreuses mesures de simplification : liberté de fixer le montant du capital social de son entreprise, mise en place d'un récépissé de création d'entreprise (rce) permettant à l'entreprise de débuter son activité sans attendre le délai d'immatriculation, possibilité de s'immatriculer par Internet, de domicilier sa société pendant cinq ans à son domicile.

b) Des simplifications générales

Le présent projet de loi propose, en premier lieu, d'habiliter le Gouvernement à prendre des mesures de simplification de portée générale, destinées à faciliter la vie quotidienne des particuliers dans leurs relations avec les services publics, mais également la vie quotidienne de ces services publics.

Ainsi, les démarches que les citoyens ont à effectuer auprès des administrations, qu'elles relèvent de l'État, des collectivités locales ou des organismes sociaux, seront allégées : les pièces justificatives seront remplacées par des déclarations sur l'honneur ; l'administration qui reçoit un document de la part de l'usager sera chargée de le transmettre à toutes les autres administrations qui ont besoin du même document ; l'administration se verra obligée d'indiquer un délai de traitement des demandes des usagers, tandis que les très nombreuses commissions administratives seront rationalisées dans leur fonctionnement (article premier).

Les règles tenant à la publicité et l'entrée en vigueur des normes, aujourd'hui disparates et compliquées, seront simplifiées. Un même système devrait être instauré sur l'ensemble du territoire et l'utilisation des nouvelles technologies de l'information sera élargie (article 2).

Les rapports qu'entretiennent les administrations avec leurs fournisseurs et avec les prestataires privés s'avèrent souvent compliqués. C'est pourquoi il convient de permettre au Gouvernement, d'une part, de simplifier les procédures de la commande publique (article 3) et, d'autre part, de développer de nouvelles formes de contrats entre personnes de droit public et personnes de droit privé (article 4).

c) Des simplifications par matière

La diversité des simplifications demandées et leur caractère technique, qui justifient le recours aux ordonnances, s'expliquent, pour partie, par l'intervention fréquente de la loi dans le domaine réglementaire, soit qu'elle a été adoptée avant 1958, soit sous l'effet des circonstances de son adoption.

La facilitation de l'établissement de la preuve de la nationalité, notamment pour les Français nés à l'étranger (article 7), la rationalisation du fonctionnement des associations syndicales de propriétaires (article 8), de la même façon que l'allégement des procédures de validation du permis de chasser participent de la volonté de simplifier la vie des particuliers (article 9).

La fiscalité constitue un domaine dans lequel les simplifications s'avèrent primordiales dans la relation entre l'administration et le citoyen. Le présent projet de loi propose donc d'abroger certaines dispositions devenues obsolètes et d'alléger les modalités et les procédures de recouvrement de l'impôt (article 5).

Le droit électoral fait également figure de domaine privilégié des relations entre les citoyens et la sphère publique, dans lequel une simplification permettrait de renforcer les liens entre eux. Ainsi le vote par procuration pourrait être développé (article 12) et les formalités imposées aux candidats ainsi que les modalités d'organisation de certaines élections allégées (article 13). La même volonté simplificatrice pourrait animer une rationalisation des organisations non politiques, telles que les élections dans les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers, les chambres d'agriculture, les tribunaux de commerce ou les élections prud'homales (article 14).

Les entreprises devraient pouvoir bénéficier d'allégements significatifs. Ainsi, des régimes d'autorisation préalable seront remplacés par des régimes déclaratifs, sanctionnés par un contrôle renforcé (article 17), tandis que le système d'enquêtes auxquelles sont soumises les entreprises sera rationalisé (article 18) et le dispositif des déclarations sociales simplifié (article 19), grâce en particulier à une harmonisation et à une réduction du nombre des régimes d'exonération de cotisations sociales. Parallèlement, le droit des sociétés sera aménagé de telle sorte que leurs règles de fonctionnement soient assouplies et n'entravent pas leur développement (article 21). Une attention particulière devra être apportée à l'adaptation de notre corpus juridique aux petites et moyennes entreprises. Le régime de nombreuses professions réglementées serait allégé (article 22).

Le droit du travail constitue également un domaine dans lequel la complexité, facteur de rigidité, nuit à la fois au développement des entreprises et à la stabilité à laquelle les salariés ont droit. Un droit du travail transparent ne peut que bénéficier à l'attractivité de la France. Par exemple, le présent projet de loi permettra au Gouvernement d'harmoniser les définitions relatives aux effectifs et de regrouper les seuils d'effectifs très proches, d'harmoniser les délais de licenciement ou encore de simplifier la procédure de demande de congés (article 20). L'harmonisation des dispositifs du chèque service et du titre du travail simplifié participe de ce même mouvement de simplification des relations entre employeurs particuliers et salariés (article 10).

Le secteur sanitaire et social apparaît sans conteste comme un refuge de la complexité des règles de droit. Dans le domaine de la protection sociale, le présent projet de loi, outre les simplifications qu'il permettra d'apporter aux entreprises, devrait faciliter la vie des bénéficiaires de prestations sociales (article 11). Il devrait permettre de faciliter la rationalisation et la coordination des divers documents d'organisation sanitaire ainsi que la coopération entre établissements, de même que la création des établissements et services sociaux et médico-sociaux, et d'alléger certaines procédures d'autorisation en matière d'équipements hospitaliers (articles 15 et 16).

B. LA CODIFICATION

L'accessibilité et l'intelligibilité de la loi sont des objectifs à valeur constitutionnelle. Dans sa décision n° 99-421 DC en date du 16 décembre 1999 sur la loi autorisant le gouvernement à procéder par ordonnance à l'adoption de la partie législative de certains codes, le Conseil constitutionnel a reconnu que la codification y concourt : l'achèvement des codes est une finalité qui « répond au demeurant à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'en effet l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la "garantie des droits" requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables. »

1. Une réponse au principe d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi

Pour éviter que l'instabilité du droit objectif n'atteigne les droits subjectifs, la codification reste un élément déterminant de l'accès du droit, voire, lorsqu'elle est suivie ou s'accompagne d'une remise en ordre, de sa clarification. Elle a fait ses preuves. Elle permet en outre une transmission facilitée de notre modèle juridique à l'étranger. Dans son message au Parlement du 19 mai 1995, le Président de la République a pu ainsi évoquer « une remise en ordre de la législation par un exercice général de codification et de simplification des textes ». M. Dominique Perben, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, dans une communication en date du 21 février 1996, a prêté à cet exercice une portée quasi universelle en évoquant ce « nouvel exemple de remise en ordre du droit qui pourra inspirer l'Union européenne et se répandra au-delà de ses frontières ».

Pour atteindre ces objectifs, deux voies sont possibles : d'une part, la mise à jour des textes au regard des principes constitutionnels et du droit européen en distinguant les textes toujours en vigueur de ceux qui ont été abrogés implicitement et en décelant au sein de ces derniers les ambiguïtés et les contradictions - c'est la codification à droit constant - et, d'autre part, la modernisation du droit - c'est la codification à droit « inconstant ». La première ouvre le chemin à la seconde. Sans qu'il soit besoin de faire un éloge convenu de la codification, il convient d'en admettre les avantages sans en méconnaître les défauts.

a) Une procédure délicate à manier

La stabilisation du droit à laquelle la codification peut conduire et que certains ont dénoncée, n'est pas nécessairement garantie par elle. Il suffit de rappeler qu'un an après son adoption, le code général des collectivités territoriales faisait déjà l'objet de modifications portant sur une centaine de ses dispositions. La codification ne permet que de canaliser l'énergie normative.

En outre, les erreurs ne sont pas rares. Il faut rappeler ainsi la suppression accidentelle, lors d'un travail de codification, du délit d'usure entre commerçants résultant d'une mauvaise évaluation des conséquences d'une abrogation. La plupart des erreurs peuvent être corrigées de manière rapide. Ainsi la loi « nre » du 15 mai 2001 a rectifié une erreur de codification à l'article L. 225-185 du code de commerce et la loi du 11 décembre 2001 a pu rectifier les articles L. 145-34 et L. 225-22 de ce code. La volonté codificatrice n'échappe pas à la complexité et peut entraîner des redondances, par exemple, entre le droit locatif et le droit des sociétés. Le découpage est souvent délicat à opérer. Chaque ministère peut souhaiter avoir « son » code. Ainsi, M. Guy Braibant, vice-président de la commission supérieure de codification, a relevé que « ces répartitions peuvent donner lieu à quelques frictions. Car "faire le code" pour un ministère signifie qu'il sera, par la suite, compétent pour le modifier » (17). De ce point de vue, le rapporteur souhaite l'intégration, dans des codes plus vastes, de plusieurs codes existants.

En troisième lieu, la codification exige une grande vigilance : elle conduit inévitablement à déporter vers la partie réglementaire nombre de dispositions adoptées par le Parlement, souvent à l'initiative du Gouvernement, dans le domaine de l'article 37 de la Constitution. Mais, rien ne s'oppose en droit à ce que le Gouvernement procède ainsi. Le Conseil constitutionnel ne possède pas un monopole du déclassement des dispositions de forme législative postérieures à 1958. Certes, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 37 de la Constitution, le pouvoir réglementaire ne peut opérer un tel déclassement sans avoir recueilli au préalable l'assentiment de ce dernier. Le législateur peut quant à lui abroger des dispositions législatives, parce qu'il estime qu'elles sont de nature réglementaire. Or, en vertu de l'article 38 de la Constitution, les auteurs d'une ordonnance peuvent faire, dans le champ de l'habilitation, tout ce que le législateur ordinaire peut faire. En l'espèce, le Gouvernement n'aura pas à saisir le Conseil constitutionnel des déclassements réalisés par les ordonnances de codification. En revanche, le Conseil d'État aura à en connaître lorsqu'il sera saisi des projets d'ordonnances.

Trois questions ne sont pas aujourd'hui tranchées. D'abord, si une disposition peut avoir sa place dans deux codes, elle figurera à titre principal dans celui auquel elle se réfère le plus et sera reproduite telle quelle dans l'autre, de sorte que toute modification du premier entraînera automatiquement celle du second, comme le précisent les lois de validation, selon la formule du « code pilote » et du « code suiveur », qui peut conduire à alourdir les codes et compliquer leur gestion. Ensuite, se pose la question du traitement des règlements de plus en plus importants et nombreux provenant des autorités administratives indépendantes, telles que la commission des opérations de bourse. Enfin, le droit européen échappe à la codification nationale.

b) Des avantages non négligeables

Il n'en reste pas moins que la codification rend d'importants services. Ses objectifs sont multiples : création d'un instrument juridique unique pour une matière déterminée (code rural), clarification du droit (code de justice administrative), rassemblement de textes épars jusqu'alors (code de commerce), nécessité d'homogénéiser le droit (code général des collectivités territoriales), sécurité du droit et accessibilité pour l'usager (code de la route), abrogation systématique de textes obsolètes ou des textes codifiés, suppression d'incohérences ou d'incompatibilité - le code de la route ancien contenait ainsi des dispositions contradictoires sur les mêmes infractions, en matière de délit de fuite ou d'atteinte à l'intégrité d'une personne -, mise en lumière de lacunes ou de réformes nécessaires, accessibilité et maniabilité (code de l'action sociale et des familles), gestion des exceptions et des particularités (dispositions particulières à l'Alsace-Moselle, à la Corse, aux départements d'outre-mer, à Mayotte...).

Ainsi, la codification permet un recensement systématique de tous les textes en vigueur dans une matière. Elle offre la possibilité de définir un plan rationnel et cohérent et constitue en cela un outil de simplification des textes et des procédures. Ensuite, elle permet de rendre le droit accessible. Comme le rappelle M. Guy Braibant, « les normes ne deviennent pas plus simples du fait de la codification, mais on peut les retrouver, se repérer, s'y retrouver » (18). Enfin, la codification permet de fournir une base aux réformes, aux simplifications et à la cohérence de l'action publique.

2. Une relance récente de la codification

a) Une tradition française qui s'était essoufflée

En France, l'entreprise de codification est ancienne. En 1453, l'ordonnance de Montils-lès-Tours engage un processus de rédaction des coutumes des diverses régions, mise en forme de règles d'usage, en principe sans modification. Henri III, par une ordonnance de Blois de 1579, décide qu'un recueil complet des édits et ordonnances serait établi. Il confie ce travail à Barnabé Brisson, président au Parlement de Paris, qui achève le travail en 1587. Il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour assister à la reprise d'un processus semblable. L'ordonnance de 1673 sur le commerce de la terre, appelée également « code marchand » ou « code Savary » en témoigne. Il s'agit alors, non de compiler purement et simplement des textes existants, mais de moderniser et d'adapter des pans entiers de la législation dans des textes cohérents et généraux.

L'article 19 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, toujours en vigueur, dispose que : « Les lois civiles seront revues et réformées par les législateurs ; et il sera fait un code général de lois simples, claires, et appropriées à la Constitution ». Trois décrets de l'an II créent une commission du recensement et de la rédaction complète des lois, chargée de « rédiger un code succinct et complet des lois rendues jusqu'à ce jour en supprimant celles qui sont devenues confuses » et animée par Couthon et Cambacérès. Des éléments pour une quinzaine de codes furent réunis par plusieurs commissions dans les années suivantes et quelques codes furent adoptés, à l'exemple du code criminel et du code hypothécaire (1795).

Ce même souci de modernisation guidera l'œuvre codificatrice entreprise sous le Consulat et le premier Empire pour l'élaboration des grands codes napoléoniens : code civil en 1804, code de procédure civile en 1806, code de commerce en 1807, code d'instruction criminelle en 1808 et code pénal en 1810. Ces codes rassemblaient au total plus de cinq mille articles, répartis en livres, titres et chapitres. Le premier, présenté par Portalis, a marqué un tournant dans l'évolution de la France, en combinant les règles de droit écrit et les traditions des différentes régions, en assurant leur cohésion dans une « législation uniforme », et en les adaptant aux exigences de la société contemporaine.

Par la suite, la codification ne constituera plus un souci majeur et l'élan créatif s'étiolera. Quelques tentatives ont néanmoins été menées de manière dispersée. Un projet de code rural lancé sous l'Empire a été abandonné en 1818. Repris sous le second Empire, un code a été finalement adopté sur le fondement de plusieurs lois votées à la fin du siècle. Un code forestier avait été adopté en 1827. Au début du XXe siècle, un projet de code du travail fut lancé et aboutit en 1927 après un long processus d'élaboration. Un code de la route était parallèlement créé.

Entre les deux guerres mondiales, le nombre de codes s'accroît sensiblement. Ils sont divers par leur nature, leur dimension et leur valeur juridique. Certains d'entre eux sont édictés sous la forme d'un décret-loi et sont appelés codes pour les revêtir d'une solennité que leur ampleur ne méritait pas. C'était le cas du code de la famille adopté en 1939 et du « code de la nationalité française » en 1945. En outre, une quinzaine, de 1935 à 1940, furent promulgués par décret sur le fondement de lois d'habilitation, à l'exemple des codes du blé et du vin ou de celui de la Banque de France, mais aussi des premiers codes fiscaux.

Marque d'une démarche plus volontariste et organisée, une commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires est mise en place par un décret n° 48-800 du 10 mai 1948. L'objectif est d'améliorer le rendement des services publics, de retrouver le respect de la loi et du règlement et de faciliter les réformes. Plusieurs codes ont été élaborés : assurances, agriculture, aviation civile, postes et télécommunications, famille et aide sociale, mutualité, santé publique, sécurité sociale, communes, domaine, élections, expropriation, marchés publics, urbanisme, voirie routière, monnaies et médailles, débits de boissons. Certains d'entre eux ont été validés par le législateur. Ainsi, une loi globale n° 58-346 du 3 avril 1958 a été adoptée pour quinze d'entre eux : code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, code des pensions civiles et militaires de retraite, code des instruments monétaires et des médailles, code des caisses d'épargne, code de l'artisanat, code des postes, télégraphes et téléphones, code de la santé publique, code de l'urbanisme et de l'habitation, code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme, code rural, code de la mutualité, code de l'aviation civile et commerciale, code de la famille et de l'aide sociale, code de l'industrie cinématographique et code des ports maritimes.

Entre 1960 et 1982, sur vingt et un codes publiés comprenant une partie législative, seuls trois ont résulté d'une loi (code du service national : loi du 10 juin 1971 ; code de la nationalité : loi du 9 janvier 1973 ; code de la justice militaire : loi du 8 juillet 1975) et seulement six autres ont fait l'objet d'une validation législative. Au cours des années suivantes, le processus de codification s'est ralenti et a requis une nouvelle intervention du législateur : le code de la sécurité sociale, tout d'abord publié par décret en Conseil d'État en décembre 1985, a reçu force législative par la loi du 30 juillet 1987 ; le code de la mutualité fut refondu dans sa partie législative par la loi du 25 juillet 1985. Une dizaine de codes ont conservé un caractère purement réglementaire, à l'exception de celles de leurs dispositions qui ont été ultérieurement modifiées par la loi.

La procédure administrative en vigueur sous la IVe République et au début de la Ve République reposait sur un mécanisme d'« habilitation permanente » qui ne requérait pas la validation du Parlement. Par exemple, le code du domaine de l'État prévoit ainsi, dans son article L. 93 qu'« il sera procédé tous les ans, par décret en Conseil d'État, pris sur le rapport du ministre des finances et des ministres contresignataires, après avis de la commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires, à l'incorporation, sans modification de fond, dans le présent code, des textes législatifs le modifiant ou le complétant ». De la même façon, la loi n° 68-946 du 31 octobre 1968 modifiant le statut de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés, dans son article 34, dispose qu'« il sera procédé, par décret en Conseil d'État pris après avis de la commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires, à la codification des textes portant statut de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Ce décret apportera aux textes en vigueur les adaptations de forme rendues nécessaires par le travail de codification, à l'exclusion de toute modification de fond. »

Cette méthode présentait plusieurs inconvénients. Le Conseil d'État, concentré sur le flot quotidien des projets de textes, ne parvenait pas à assurer le suivi de la codification, qui exige un travail considérable. Mais, surtout, la méthode faisait peser sur la procédure une incertitude sur sa portée juridique. En effet, la codification par décret en Conseil d'État se superposait aux textes d'origine qui n'étaient pas abrogés. Par conséquent, lorsque le Parlement modifiait par la suite des articles codifiés et donc les validait de manière implicite, des règles identiques à l'origine, figurant à la fois dans un code et dans une loi, connaissaient des évolutions divergentes. La relance de la codification exigeait une nouvelle méthode.

b) Un renouveau décisif à la fin des années 1980

Depuis la fin des années 1980, la codification est placée au rang des priorités gouvernementales et a acquis un caractère systématique. Le décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 a créé la commission supérieure de codification, qui a succédé à l'ancienne commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs instaurée en 1948. À l'origine, a été adjointe une commission spécifiquement chargée de recenser la législation applicable dans les territoires d'outre-mer, qui a été intégrée à la commission supérieure par le décret n° 97-894 du 2 octobre 1997. Un décret du 16 juin 2000 a prévu que « la commission peut également être consultée sur les projets de textes modifiant les codes existants ».

Cette commission est présidée par le Premier ministre et son secrétariat est assuré par le secrétariat général du Gouvernement. Son vice-président, qui assure la présidence de fait, est un président de section au Conseil d'État, en activité ou honoraire ; elle comprend des représentants du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, des commissions des Lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, des ministères de la justice, de la fonction publique et de l'outre-mer, du secrétariat général du Gouvernement, le directeur des Journaux officiels ainsi que, pour chaque code, des représentants des commissions parlementaires et des sections du Conseil d'État compétentes. Elle dispose d'un rapporteur général et d'une dizaine de rapporteurs particuliers, choisis, dans les faits, parmi les membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes.

Cette commission s'est fixé de nouveaux objectifs et a redéfini les méthodes de la codification. Il a été décidé que la partie législative des codes serait en principe soumise au vote du Parlement. L'approbation de la partie législative des codes par décret avait, en effet, présenté plusieurs inconvénients. D'une part, les lois codifiées demeuraient en vigueur puisque le décret ne pouvait les abroger. D'autre part, un risque important de contentieux apparaissait : on pouvait soutenir que le texte codifié avait illégalement modifié la loi. Le Conseil d'État et la Cour de cassation ont ainsi pu écarter l'application de certains articles de codes. Lorsque, de surcroît, une loi venait modifier lesdits codes, la situation devenait encore plus complexe.

Entre 1989 et 1995, quatre codes ont été adoptés définitivement par le Parlement : le code de la propriété intellectuelle (loi n° 92-597 du 1er juillet 1992), le code de la consommation (loi n° 93-949 du 26 juillet 1993), les trois premiers livres du code des juridictions financières (loi n° 94-1040 du 2 décembre 1994 et loi organique n° 94-1132 du 27 décembre 1994) et six livres du code rural (lois n° 91-363 du 18 avril 1991, n° 92-1283 du 11 décembre 1992, n° 93-934 et n° 93-935 du 22 juillet 1993). Ont également été adoptées les parties réglementaires du code de la consommation et des livres Ier et III et VIII du code rural.

On notera, par ailleurs, que le code pénal a été totalement refondu selon une méthode toute différente : c'est en effet le législateur qui y a procédé directement, à partir de projets de loi qui lui ont été soumis au cours de la IXe législature. Il s'agit là sans doute de la meilleure méthode de codification et la meilleure forme de co-opération législative entre le Parlement et le Gouvernement comme en témoignent les débats extrêmement riches et fructueux qui ont caractérisé cette patiente élaboration. Mais le recours à la procédure législative ordinaire pour une œuvre d'une telle ampleur nécessite naturellement un temps très long et un ordre du jour peu encombré.

Au milieu des années 1990, le processus a marqué le pas et ce malgré la circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires. Le code général des collectivités territoriales a été publié en février 1996 (loi n° 96-142 du 21 février 1996). Avant 1999, seul le livre VI du code rural (loi n° 98-565 du 8 juillet 1998) est également parvenu à vaincre l'engorgement du calendrier législatif, qui a conduit à différer l'inscription à l'ordre du jour des codes prêts à l'examen.

Comme en Italie, le processus de codification a été relancé en 1999. La loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 a habilité le Gouvernement à adopter par ordonnance la partie législative de neuf codes : les codes de l'action sociale et des familles, du commerce, de l'éducation, de l'environnement, de justice administrative, monétaire et financier, de la route, de la santé publique, les livres VII et IX du code rural. Les parties réglementaires du code général des collectivités territoriales, du code des juridictions financières et du code de justice administrative étaient également adoptées. L'article 3 de la loi « dcra » du 12 avril 2000 a réitéré le principe de la codification à droit constant.

Les codes visés par la loi du 16 décembre 1999 devaient être réalisés à droit constant, les dispositions codifiées étant celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve des modifications rendues nécessaires : pour respecter la hiérarchie des normes ; pour assurer la cohérence rédactionnelle des textes rassemblés ; pour « harmoniser l'état du droit ». Chaque code devait faire l'objet d'une ordonnance distincte. La loi a également autorisé le Gouvernement à étendre l'application des dispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer ainsi qu'aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, avec les adaptations nécessaires. L'ensemble des projet de loi de ratification devait avoir été déposé dans les quatorze mois suivant la publication de la loi d'habilitation.

Entre 1989 et 1999, les parties législatives de cinq codes avaient été adoptées par le Parlement. Entre 2000 et 2001, ce sont les parties législatives de neuf autres codes qui ont été publiées par ordonnance. Ces mêmes années, les parties réglementaires du code général des collectivités territoriales, du code des juridictions financières et du code de justice administrative ont été publiées.

3. Une accélération souhaitable du processus

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 décembre 1999 précitée (19), a reconnu que l'urgence qu'il y a à surmonter l'encombrement de l'ordre du jour, pour mener à bien le programme de codification, est une justification légitime de l'utilisation d'ordonnances, puisqu'elle est consubstantielle à l'intérêt général qui s'attache à rendre plus effective la connaissance de la loi par les citoyens. De surcroît, le recours à l'article 38 concourt à l'accessibilité et à l'intelligibilité de la loi, dans lesquelles le Conseil a vu un objectif de valeur constitutionnelle découlant de la combinaison des articles 4, 5, 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Si l'objectif de codification de l'ensemble du droit en 2000 fixé par le rapport de M. Jean Picq intitulé L'État en France, servir une nation ouverte sur le monde (mai 1994) paraissait quelque peu utopique, il convient de poursuivre et d'accélérer le processus enclenché en 1999, et ce dans cinq directions :

· la ratification des ordonnances de codification publiées sur le fondement de la loi du 16 décembre 1999 précitée : code de justice administrative et code de la route ; c'est l'objet de l'article 23 du présent projet de loi ;

· la ratification de codes accompagnée de rectifications d'erreurs : livres VII et IX et mise à jour des livres Ier, III et VI du code rural et code de l'environnement (article 24) ;

· une habilitation pour corriger certaines erreurs, assurer la mise à jour et réparer les insuffisances de codifications de trois codes : le code rural, le code général des collectivités territoriales, le code de l'environnement (article 25).

· une habilitation accordée au Gouvernement pour procéder à de nouvelles codifications à droit constant et portant sur les secteurs suivants : patrimoine, recherche, tourisme et organisation judiciaire (article 26) ;

· une habilitation accordée au Gouvernement pour réaliser une codification à « droit inconstant », dans des secteurs particuliers : les métiers de l'artisanat, le domaine public et privé de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics, l'organisation de la défense, le code monétaire et financier (article 27).

Ainsi, la complexité de notre corpus juridique appelle une solution urgente, sous peine de laisser se distendre le lien entre le citoyen et la norme et de renoncer à faire respecter la règle de droit dans certaines matières. À situation d'urgence, solution particulière. Dans ce contexte, et pour éviter que le droit ne se transforme en catoblépas, ce monstre qui se nourrit de sa propre chair, le choix de l'habilitation, qui permet assurément de gagner du temps, est justifié.

III. - LE CHOIX DE L'HABILITATION

Stigmatisée comme participant de la dépossession du Parlement de son pouvoir législatif, la procédure d'habilitation constitue cependant pour lui un moyen de légiférer par une autre voie, lorsque les circonstances ou la nature de la matière en cause rendent ce biais plus adéquat : le législateur, pragmatique, a d'abord une obligation de résultat. Devant la complexité du droit en vigueur et face à l'impératif de transparence des relations entre le citoyen et le service public, la voie de l'habilitation doit être suivie ; c'est le choix de l'efficacité. L'encadrement strict de la procédure et la capacité du Parlement à en suivre l'application et à en assurer la ratification ne sauraient, par ailleurs, la rendre assimilable à un simple blanc-seing.

A. UNE UTILISATION FRÉQUENTE

1. Un recours régulier à l'habilitation

La procédure de l'article 38 de la Constitution doit être distinguée des procédures d'habilitation « directes », dans le cadre des ordonnances budgétaires de l'article 47 ou des anciennes ordonnances ayant force de loi de l'article 92 abrogé par la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995. Elle se rapproche de la procédure des décrets-lois de la IIIe République : elle constitue, en effet, comme cette dernière, une dérogation au principe d'interdiction des délégations de compétences en droit public. Interdite par le texte de la Constitution de 1946, la pratique des délégations a très vite repris vie par le biais de l'adoption de lois-cadres. Les constituants de 1958 ont décidé de prendre acte de ce phénomène en introduisant, à l'article 38 de la Constitution, une disposition offrant la possibilité au Parlement de demander au Gouvernement d'intervenir, par ordonnance, dans le domaine législatif.

Délibérées en Conseil des ministres, les ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 doivent faire l'objet d'un avis en Conseil d'État et porter le contreseing du Premier ministre et des ministres responsables ainsi que la signature du Président de la République. Si le Gouvernement ne dépose pas de projet de loi de ratification à l'expiration du délai fixé, les ordonnances deviennent caduques. Lorsque le Gouvernement a déposé le projet de loi de ratification, le Parlement peut ratifier les ordonnances et leur conférer ainsi valeur législative ou ne pas être appelé à en débattre auquel cas les ordonnances demeurent des actes de l'autorité réglementaire. La procédure d'habilitation par application de l'article 38 n'est cependant pas d'usage exceptionnel. Elle a été utilisée à de multiples reprises et pour maints objets. Elle a été utilisée près quarante fois depuis 1958 et a conduit à prendre plus de deux cent quarante ordonnances. Sous la précédente législature, neuf lois ou articles d'habilitation ont été adoptés ; elles ont donné lieu à soixante-dix-sept ordonnances. Cette procédure est ainsi entrée dans la liturgie républicaine de la production législative.

2. Des motifs variés

Les objectifs poursuivis ont été divers, du maintien de l'ordre en Algérie à la transposition de directives européennes, en passant par la codification, l'adaptation du droit à l'outre-mer, les privatisations, la législation du travail ou encore le droit commercial. Dans certains cas, il s'agissait de faire face à des situations d'urgence ou encore de mettre en place rapidement un programme gouvernemental, dans la foulée des élections. Dans d'autres cas, la technicité de la matière en cause imposait un traitement du problème par les administrations.

Le retard pris par notre pays dans la transposition des directives communautaires a justifié le recours à l'habilitation dans ce secteur. En mai 2001, la France se situait au quatorzième rang sur quinze pour la transposition. Ainsi, de ce point de vue, la loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance près de quarante-huit directives communautaires permet de se mettre en conformité avec le droit européen dans nombre de domaines : médicaments vétérinaires, diplômes de l'enseignement supérieur, sécurité et santé des travailleurs, aliments pour les animaux, information en matière d'environnement, rayonnements ionisants, étiquetage des substances dangereuses, assurance sur la vie, formation professionnelle, protection des jeunes au travail, égalité des femmes et des hommes dans les régimes professionnels de sécurité sociale, produits biocides, diagnostic in vitro, etc. En novembre 2001, le taux de non-transposition était tombé à 3 % au lieu de 3,5 % en mai 2001 et 4,6 % en mai 1999.

B. UNE PROCÉDURE ENCADRÉE

Des limites sont posées par la Constitution elle-même. Le deuxième alinéa de l'article 38 prévoit en effet que « les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. » Il est ajouté au troisième alinéa qu'« à l'expiration du délai (...) les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ». Les projets d'ordonnances peuvent être soumis à l'avis du Conseil économique et social en vertu de l'article 69 de la Constitution.

L'initiative du Gouvernement est donc enfermée dans deux délais fixés par la loi d'habilitation : celui pendant lequel il peut prendre des ordonnances et celui qui l'oblige à déposer un projet de loi de ratification. C'est l'objet, dans le présent projet de loi, de l'article 26.

Le Conseil constitutionnel est venu enrichir les dispositions constitutionnelles. Il a, tout d'abord, admis sa compétence pour juger de la conformité des dispositions d'une loi d'habilitation à la Constitution. À cette occasion, il a pu préciser que le programme gouvernemental visé par l'article 38 ne pouvait être assimilé ni à celui énoncé lors du discours de politique générale visée à l'article 49, alinéa 1er, de la Constitution, ni à celui contenu dans les lois de programme visée par l'article 34 (20). L'article 38 ne saurait s'appliquer au domaine organique de l'article 46 : « le texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel ne permet aucunement l'intervention d'ordonnances dans des matières que la Constitution réserve à de telles lois » et le Gouvernement doit respecter les principes et règles de valeur constitutionnelle (21).

Plus encore, ce dernier est tenu « d'indiquer avec précision au Parlement (...) pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre ». Le Conseil constitutionnel n'a cessé de répéter cette nécessité : « Ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre et leurs domaines d'intervention ». Cependant, dans la même décision, il a précisé que le Gouvernement n'est pas tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra et il ne lui est pas interdit de faire dépendre cette teneur des résultats de travaux et d'études dont il ne connaîtra que plus tard les conclusions (22). Les ordonnances sont soumises aux consultations prévues par des dispositions législatives autres que celles édictées par la loi d'habilitation, comme l'a rappelé le Conseil d'État dans un arrêt du 27 avril 1998, Confédération des syndicats médicaux.

On évoquera enfin un autre aspect de la dépossession résultant de l'habilitation et qui est prévu par l'article 41 de la Constitution En vertu de cet article, « s'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement (...) est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité. En cas de désaccord entre le Gouvernement et le Président de l'Assemblée intéressée, le Conseil constitutionnel, à la demande de l'un ou de l'autre, statue dans un délai de huit jours ».

La procédure d'habilitation n'interdit pas au Parlement d'exercer ses prérogatives. Il dispose en effet d'un droit de suite.

C. UN DROIT DE SUITE INDISPENSABLE

1. L'intervention d'une ratification explicite ou implicite

Le Parlement est loin d'être dépossédé de toute prérogative par la loi d'habilitation.

En premier lieu, il lui appartient, soit à l'occasion du vote de la loi de ratification, soit, de sa propre initiative, après l'expiration du délai imparti au gouvernement en vertu du premier alinéa de l'article 38, d'amender le contenu des lois issues des ordonnances. Ni l'article 38, ni aucune autre disposition de la Constitution, ne s'oppose à ce que le Parlement intervienne selon d'autres modalités que celle de l'adoption du projet de loi de ratification. Comme l'a relevé le Conseil constitutionnel, cette intervention peut résulter d'une manifestation de volonté implicitement mais clairement exprimée par le Parlement (23). La Cour de cassation et le Conseil d'État ont adopté une position identique (24).

Ainsi, la modification par le Parlement des dispositions d'une ordonnance peut résulter d'une loi qui, sans avoir la ratification pour objet direct, l'implique nécessairement. Saisi d'une loi de cette nature, il appartient au Conseil constitutionnel de dire si la loi comporte effectivement ratification de tout ou partie des dispositions de l'ordonnance en cause et, dans l'affirmative, si les dispositions auxquelles la ratification confère valeur législative sont conformes à la Constitution (25). La portée de la ratification implicite peut être plus ou moins importante. Une loi prévoyant l'application d'un titre de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence a eu pour effet de ratifier l'ensemble des dispositions de l'ordonnance (Conseil d'État, 7 février 1994, Ghez). La ratification implicite peut se limiter aux seules dispositions modifiées ; dans ce cas, il faut considérer que la ratification porte également sur les dispositions de ces articles qui n'ont pas été modifiées sans pour autant s'étendre à l'ensemble de l'ordonnance, comme l'a jugé le Conseil d'État dans un arrêt du 17 décembre 1999, Union hospitalière privée et autres.

En deuxième lieu, les membres du Parlement peuvent toujours, à l'expiration du délai d'habilitation, « déposer toute proposition de loi visant à modifier les ordonnances » (26).

En troisième lieu, avant même toute ratification, l'ordonnancement juridique est garanti. Il est vrai que, jusqu'à leur ratification, les dispositions de nature législative qui vont être définies par le Gouvernement suivront le régime contentieux des actes réglementaires. Mais, d'une part, elles n'en deviendront pas pour autant des règlements, puisqu'elles ne pourront être modifiées par décret et, passé le délai d'habilitation, ne pourront plus l'être que par la loi dans les matières qui relèvent du domaine législatif. D'autre part, le Conseil d'État vérifie la conformité des projets d'ordonnances à la Constitution, d'abord, de manière obligatoire, à titre consultatif, puis, le cas échéant, leur légalité à l'occasion d'un contentieux. En outre, si le Conseil constitutionnel est saisi d'une loi ratifiant explicitement ou implicitement tout ou partie d'une ordonnance, il sera à son tour appelé à contrôler le contenu des ordonnances (27).

Si les ordonnances ne sont pas ratifiées, le dépôt d'un projet de loi de ratification suffit cependant à leur conférer une valeur juridique au-delà du délai fixé par le projet de loi d'habilitation. Dans ce cas, même non ratifiées, elles restent soumises au contrôle juridique du juge de l'excès de pouvoir (28).

2. La mise en place d'un dispositif de suivi

Le rapporteur insiste sur la nécessité, pour le Parlement, de se doter de moyens de suivi et d'évaluation des simplifications qui seront, chaque année, demandées par le Parlement et mises en œuvre par ordonnance. L'examen, chaque année, d'un nouveau projet de simplification, constituerait ainsi l'occasion de mesurer les progrès accomplis et l'état d'avancement des programmes, selon un processus itératif. À cet égard, l'exemple italien de constitution d'une commission parlementaire spéciale chargée de se prononcer sur toutes les ordonnances et décrets d'application mériterait d'être examiné.

Par ailleurs, compte tenu de l'ampleur du programme de codification prévu par le présent projet de loi, il serait bon d'organiser un rapprochement entre la commission supérieure de codification et les commissions parlementaires auxquelles pourraient être communiqué, régulièrement, un état d'avancement du travail et de la réflexion ainsi que les observations du Premier ministre qui jalonnent l'élaboration des codes. Dans cette matière, la présence de deux parlementaires au sein de la commission ne saurait suffire.

Dans un premier temps, comme l'a suggéré le président de la Commission lors de la réunion du 26 mars, il pourrait être envisagé de créer une mission d'information de l'Assemblée, sur le fondement du nouvel alinéa complétant l'article 145 du Règlement, en vertu duquel « Des missions d'information peuvent également être créées par la Conférence des Présidents sur proposition du Président de l'Assemblée. Les rapports des missions d'information créées par la Conférence des Présidents peuvent donner lieu à un débat sans vote en séance publique. » Ainsi, un groupe de députés, issus de différentes commissions, pourrait suivre l'état d'avancement de la préparation des ordonnances prévues par le présent texte et évaluer dans quelle mesure elles sont mises en œuvre par les administrations compétentes. Il pourrait également établir des propositions sur la meilleure manière d'examiner, chaque année, le projet de simplification qui sera déposé par le Gouvernement, mais aussi sur des simplifications à mettre en œuvre.

*

* *

Avant d'examiner le projet de loi, la Commission a procédé, le mardi 25 mars 2003, à l'audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, et à la discussion générale.

Présentant, en préambule, les objectifs de simplification et clarification poursuivis par le projet de loi, le président Pascal Clément a estimé qu'ils devraient recueillir un large consensus. Il a néanmoins considéré que la méthode retenue pouvait susciter des interrogations et des inquiétudes, l'habilitation législative demandée par le Gouvernement dans le cadre de l'article 38 de la Constitution revêtant une ampleur sans précédent. Il a en conséquence jugé indispensable d'associer le Parlement au suivi du processus d'élaboration des ordonnances ; évoquant les dispositions que l'Assemblée est sur le point d'introduire dans son Règlement, il s'est demandé si la création d'une mission d'information par la Conférence des Présidents à l'initiative du Président de l'Assemblée, qui lui confèrerait une certaine solennité, ne constituerait pas la procédure la plus appropriée. Il a rappelé - pour le regretter - que si l'habilitation était une pratique relativement courante de la Ve République, l'examen des projets de loi de ratification par le Parlement était très rare ; il a donc considéré que la création d'une telle mission serait de nature à préparer dans de bonnes conditions le débat sur les projets de loi de ratification.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, a souligné que le projet de loi, de grande envergure, traduisait l'implication de tous les ministères dans la réforme de l'État. Il a rappelé que cet effort de simplification constituait, avec la relance de la décentralisation, la modernisation des procédures budgétaires et la réforme de l'administration centrale, un pilier de la réforme de l'État. Tout en soulignant que le projet d'habilitation contenait des mesures pragmatiques et de bon sens, il a reconnu qu'une telle démarche n'avait pas été exempte de difficultés, tant les résistances sont grandes lorsqu'il s'agit de changer des méthodes de travail. Il s'est félicité que ces résistances aient pu être vaincues, ajoutant que la dynamique de la réforme était désormais enclenchée, puisqu'un deuxième projet de loi d'habilitation devrait être présenté à l'automne. Il a souhaité que ce rythme soit maintenu à l'avenir, afin qu'un véritable effet d'entraînement puisse propager la simplification. Tout en précisant que le choix de ce rythme soutenu exigeait le recours à l'habilitation législative, il a convenu avec le président de la commission des Lois qu'une telle procédure exigeait une concertation étroite avec le Parlement.

Présentant ensuite les principaux points du projet, il a indiqué que le Gouvernement sollicitait l'autorisation de rédiger quatre codes selon la technique du droit constant - dans les secteurs du patrimoine, de la recherche, du tourisme et de l'organisation judiciaire - ainsi que trois nouveaux codes à droit non constant dans les domaines de la propriété publique, de l'artisanat et de la défense, ainsi que la révision du code monétaire et financier. Il a ensuite exposé les principes directeurs qui fondent les autres réformes proposées, et qui sont inspirées par le souci de proximité, le rétablissement de la confiance entre usagers et administrations, la recherche de la cohérence et la démarche de performance dans l'action administrative. Il a émis le souhait que ces mesures contribuent à réduire le fossé entre public et privé, la rapidité de la réponse de l'administration étant trop souvent entravée par des procédures inutiles liées notamment à la réunion de très nombreuses commissions. Évoquant ensuite les craintes que peuvent éprouver des fonctionnaires face à ce mouvement de simplification, il a fait ressortir les aspects de la réforme qui auraient pour effet de valoriser les compétences des agents publics, parfois enfermés dans des tâches stériles. Il a conclu son propos en souhaitant que les structures s'adaptent aux problèmes, plutôt que l'inverse, comme c'est trop souvent le cas.

M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a souligné que la volonté de restaurer une certaine idée de la loi était au cœur du chantier de la simplification administrative, la norme législative devant définir l'essentiel, sans être encombrée de procédures et de détails dont la complexité ne conduit qu'à son affaiblissement. Citant le propos de Montesquieu selon lequel « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », il a souligné combien la législation française s'était éloignée de ce modèle de clarté et de concision, universellement connu, qu'était à l'origine le code civil, dont notre pays célébrerait le bicentenaire en mars 2004.

Mettant en lumière le caractère tout à fait innovant de la démarche proposée par le gouvernement, il a expliqué que, dans ce travail de simplification majeur qui porterait sur une trentaine de lois et une quinzaine de codes, le concours de la représentation nationale serait essentiel, qu'il s'agisse, en amont, de définir le contenu de l'habilitation, puis de suivre sa mise en œuvre et de participer à l'élaboration des ordonnances, enfin de débattre de ces sujets lors de la discussion des projets de loi de ratification des ordonnances. Évoquant l'exemple de la réforme du code des marchés publics, il a rappelé que la tentative du Gouvernement sous la précédente législature n'avait pas conduit à une simplification, la définition de la nomenclature applicable dans ce domaine par les seules structures administratives ayant, au contraire, conduit à rendre le dispositif plus complexe encore.

Abordant les domaines dans lesquels l'habilitation était demandée, il a cité, outre celui des relations générales entre les usagers et l'administration, les dispositions relatives aux entreprises, notamment l'instauration d'un titre emploi simplifié et la mise en place d'un guichet social unique permettant aux artisans, commerçants, indépendants et professions libérales de verser leurs cotisations sociales à un organisme unique. Il a également mis l'accent sur l'harmonisation des dispositifs d'allégement de cotisations sociales, actuellement au nombre de trente-six, et, en matière de santé publique, sur la simplification de la chaîne hospitalo-sanitaire. À cet égard, il a souligné l'importance de la simplification du régime des autorisations des activités de soins et des équipements en matériels pour la réussite du plan « Hôpital 2007 » lancé par le ministre de la santé, et mis l'accent sur l'avancée que représentait l'ouverture aux professionnels médicaux libéraux des groupements de coopération sanitaire, notamment en matière d'amortissement d'équipements lourds. Il a insisté sur les dispositions relatives aux délais applicables à la commande publique, qu'il s'agisse de la simplification du code des marchés publics ou de la possibilité de mettre en œuvre des partenariats associant des financements publics et privés le plus en amont possible du processus et à permettre à l'administration de passer des contrats globaux, allant de la conception à la maintenance, de façon à ouvrir au secteur privé la possibilité de contribuer activement à la réalisation d'infrastructures nécessaires, que l'État éprouve des difficultés à financer.

Il a ajouté que le Gouvernement préparait une circulaire visant à donner un contenu réel aux études d'impact sur les projets de loi, de façon à évaluer la nécessité d'une intervention législative, les moyens prévus pour sa mise en œuvre et le coût induit par la complexité qu'elle est susceptible d'introduire.

M. Étienne Blanc, rapporteur, ayant salué l'avancée que constituerait l'obligation pour l'administration d'indiquer le délai de traitement d'une demande, a interrogé les ministres sur les moyens de contrôler le respect effectif de cette contrainte. Il leur a demandé comment les pme pourraient être associées aux nouveaux contrats de partenariat public-privé, qui permettront de définir des marchés globaux comprenant à la fois la conception, la réalisation et la maintenance.

En réponse, M. Jean-Paul Delevoye a relevé la nécessité de faire accéder l'administration à l'âge de la contractualisation et de lui permettre de tenir ses engagements, en particulier par le biais d'indication de délais, ce qui offrira à ses partenaires une sécurité juridique qui fait aujourd'hui défaut. Il a rappelé que l'administration qui ne respectait pas les délais de paiement se voyait d'ores et déjà contrainte de payer des intérêts moratoires et que cette logique de compensation et de réparation du préjudice causé par l'absence de réponse de l'administration dans le temps imparti mériterait d'être étendue. Il s'est déclaré favorable à la mise en place d'un système de lettre de change tirée sur l'administration, qui éviterait de fragiliser le tissu économique et qui devrait s'accompagner de la contractualisation entre les différentes collectivités, les décisions de l'une ne devant pas conduire une autre à dépasser les délais malgré elle.

Il a souligné que la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances renforcera le mouvement de responsabilisation et d'évaluation des différentes administrations dans leurs rapports avec les citoyens. Il a jugé nécessaire de mener une réflexion permettant de définir un système de responsabilité collective fondé sur un engagement par service et sur la « traçabilité » des dossiers, de telle sorte que le citoyen puisse être informé de l'état d'avancement de sa demande et connaître le responsable de la procédure.

Abordant la question des partenariats entre commanditaires publics et opérateurs privés, le ministre a jugé utile de définir des outils juridiques susceptibles de faire jouer à l'investissement public un rôle pro-cyclique ou contra-cyclique renforcé, ce qui suppose des délais de mise en œuvre moins longs que ceux qui prévalent aujourd'hui. Il a ajouté que cette évolution ne pouvait être engagée qu'à condition de laisser aux collectivités publiques une certaine marge de négociation dans la définition des procédures. Il a estimé que la place des pme dans ces partenariats dépendrait de la volonté des acheteurs publics de les associer, notamment grâce à l'allotissement des marchés, les pme disposant d'avantages comparatifs indéniables dans le domaine de la maintenance et des services de proximité.

Il a récusé tout amalgame entre le comportement des élus locaux et les pratiques de financement occulte de formations politiques par le biais de contrats globaux, tels que les marchés d'entreprise de travaux publics (metp), et a jugé impératif d'accompagner la création de nouveaux partenariats d'éléments de transparence des procédures et d'information des assemblées délibérantes.

Répondant à son tour au rapporteur, M. Henri Plagnol a observé que la question des délais avait suscité le plus de résistance au sein des administrations et que leur réduction constituait un instrument de responsabilisation des services publics et de mobilisation des personnels. Il a précisé que cet impératif de qualité entraînerait la création de grilles de comparaison, avant d'attirer l'attention de la Commission sur la difficulté d'établir des sanctions adaptées à chaque cas d'espèce, le schéma simple des intérêts moratoires en cas de dépassement des délais de paiement ne pouvant être étendu à l'ensemble des procédures.

Il a jugé possible de parvenir, dans les partenariats public-privé, à un équilibre entre la globalisation des contrats, source d'économies et d'efficacité, et l'affectation de certains lots aux pme, riche en capacités d'adaptation et de réaction.

Soulignant combien il estimait souhaitable, de prime abord, de procéder à une simplification des procédures administratives, M. Jérôme Lambert a néanmoins souligné que cette démarche se traduirait, paradoxalement, par une certaine inflation législative, et regretté de ne pas retrouver dans les propos des ministres nombre d'annonces figurant dans l'exposé des motifs du projet de loi. Rappelant que ce texte aurait pour effet de dessaisir le Parlement, au profit du Gouvernement, de son pouvoir de légiférer, il a noté que l'habilitation demandée ne portait pas sur des questions subalternes et rejoint les propos du président Pascal Clément sur le caractère inédit d'un dessaisissement aussi vaste. Il a fait observer, en effet, que les lois d'habilitation autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur le fondement de l'article 38 de la Constitution portaient habituellement sur la transposition de directives européennes ou sur l'extension à l'outre-mer de textes ayant déjà fait l'objet de débats au Parlement. Il a ajouté que, même en admettant que l'urgence puisse justifier le recours aux ordonnances, le temps du débat n'en restait pas moins incompressible, puisque le Gouvernement avait l'intention d'associer les parlementaires à l'élaboration des ordonnances et d'inscrire à leur ordre du jour les projets de loi de ratification. Il s'est donc demandé si un tel argument ne masquait pas en réalité une simple volonté de dépossession du Parlement. Estimant, en outre, que la diversité des dispositions du projet, notamment en matière sociale, aurait dû inciter d'autres commissions à se saisir pour avis, il s'est également étonné que le projet de loi d'habilitation conduise à laisser lettre morte la volonté de concertation avec les partenaires sociaux pourtant affichée par le Gouvernement. Évoquant les dispositions relatives à la simplification des démarches des usagers, il a regretté que le projet ne contribue pas à simplifier la situation des étrangers résidant en France, obligés de fournir aux services administratifs de multiples documents justificatifs, souvent difficiles à obtenir dans leur pays d'origine.

Après s'être interrogé sur les délais dans lesquels les parlementaires seraient remboursés de leurs frais de campagne, M. Jérôme Bignon s'est déclaré impressionné par le contenu du projet de loi et a indiqué qu'il présenterait des amendements aux dispositions relatives à la simplification des formalités des entreprises. Il s'est enfin demandé si les délais impartis au Gouvernement pour prendre les ordonnances n'étaient pas trop limités, compte tenu de l'ampleur des réformes envisagées.

Après avoir salué l'esprit qui animait le projet, M. Xavier de Roux a estimé que l'accumulation de textes législatifs, souvent stigmatisée, ne permettait plus à quiconque de connaître l'état du droit en vigueur et nuisait à l'attractivité de notre territoire. Jugeant indispensable d'abroger nombre de dispositions, il a regretté que cette solution ne soit pas davantage retenue, au profit de la logique de la codification à droit constant, qui conduit à accumuler des textes parfois inutiles. Il a donc souhaité savoir si les ordonnances prises par le Gouvernement procéderaient à une réécriture ou une abrogation des dispositions obsolètes. S'interrogeant ensuite sur la possibilité de vaincre les réticences des administrations face à toute tentative de simplification des procédures, il a noté que l'article 19 du texte reprenait une disposition introduite par l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à l'initiative économique, tendant à permettre aux travailleurs indépendants de choisir un guichet unique pour le recouvrement de leurs cotisations, disposition que le Gouvernement allait sans doute supprimer au Sénat, compte tenu des protestations qu'elle suscitait à l'urssaf - alors qu'elle ne concerne pourtant que 3 % des cotisations recouvrées - au motif qu'elle allait conduire à la suppression de trois mille emplois.

Évoquant les principes de confiance, de contractualisation et de responsabilité évoqués par les ministres lors de la présentation de la réforme, M. Christian Decocq a estimé qu'ils seraient mieux admis par les nouvelles générations de fonctionnaires, qui n'ont pas connu la période antérieure à la décentralisation, et qui sont donc plus respectueux des élus locaux que leurs prédécesseurs. Tout en déclarant comprendre la notion de contractualisation défendue par les ministres, il s'est interrogé sur les moyens qui seraient mis en œuvre pour garantir le respect des objectifs fixés, dès lors que la fonction publique est l'une des parties au « contrat ». Enfin, s'interrogeant sur la possibilité de responsabiliser les administrations sans susciter la crainte d'une prise de risque et conduire ainsi à une forme d'immobilisme, il s'est demandé quelle place serait fait aux procédures dites de « certification-qualité ».

Évoquant la substitution de déclarations sur l'honneur à la production de pièces justificatives, M. Jacques-Alain Bénisti s'est demandé, d'une part, quelle serait la sanction d'une fausse déclaration et, d'autre part, si cette disposition serait appliquée aux demandes de diplômes aujourd'hui requis pour présenter des concours administratifs. Si tel devait être le cas, il a souhaité que soit mis en place un système dans lequel les candidats ayant réussi le concours seraient tenus de fournir les pièces justificatives. Abordant l'organisation de la transmission de documents entre les administrations, il s'est félicité de cette disposition, très attendue par les usagers, tout en s'interrogeant sur les modalités pratiques de leur réalisation, sur les sanctions en cas de non-respect des délais de transmission par les services concernés, ainsi que sur les aides financières qui seront accordées aux administrations pour s'équiper. Il a estimé que l'article 4 du projet de loi répondait à une attente des collectivités locales en simplifiant les conditions de passation de contrats conclus par des personnes publiques, ou des personnes privées chargées d'une mission de service public, pour la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement de services. Il a demandé quelles procédures de contrôle et de sanctions seraient prévues dans les ordonnances pour éviter les dérives auxquelles avaient pu donner lieu dans le passé des pratiques comme celles des metp. Il a souhaité savoir si les préfets pourraient saisir les chambres régionales des comptes aux fins d'examen de la régularité de ces contrats et s'il était envisagé de modifier la procédure applicable aujourd'hui, afin de laisser à la commission permanente le soin de choisir l'entreprise lauréate, le conseil municipal ne devant être appelé à intervenir que dans le lancement de l'appel d'offres. Enfin, tout en approuvant les dispositions de l'article 12 relatives au vote par procuration, il a souhaité que soit modifié le décret du 22 novembre 1985, afin de permettre aux maires de vérifier la validité des procurations faites par les électeurs.

M. Jean-Christophe Lagarde a jugé dangereuses les dispositions assouplissant le vote par procuration, dont il sera impossible d'assurer le contrôle. Tout en admettant que la législation actuelle était trop restrictive, il a considéré que la prudence s'imposait en raison des risques de fraude massive. S'agissant des marchés publics, il a mis en doute l'efficacité du cadre juridique en vigueur, dont la complexité nuit à l'exécution des opérations envisagées, sans contenir pour autant les risques de financements occultes ou d'ententes entre les entreprises. Il a jugé préférable de laisser aux élus locaux une plus grande liberté de contracter, y compris à l'issue des appels d'offres. Il a regretté, par ailleurs, que le Gouvernement ait renoncé à mettre en place un système de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, estimant qu'une telle réforme, très attendue par de nombreux contribuables, aurait été emblématique de la volonté de simplification. Il a souhaité également que des décisions soient prises en ce qui concerne l'identification des fonctionnaires, jugeant inacceptable que des personnes théoriquement au service du public usent encore de leur anonymat. Il a insisté enfin sur la nécessité de simplifier réellement les règles de preuve de la nationalité française.

M. Émile Blessig a jugé qu'il serait important, parmi les mesures de simplification envisagées, d'harmoniser les voies et les délais des recours contentieux. S'agissant des études d'impact présentées par le Gouvernement à l'appui des projets de loi, il s'est félicité de la volonté des ministres d'insister auprès de leurs collègues sur leur importance pour le travail parlementaire, jugeant très inégale la qualité de ces études. Il s'est interrogé par ailleurs sur les outils dont dispose le Parlement pour apprécier la pertinence des informations ainsi communiquées.

M. Jean Leonetti a demandé des précisions sur la portée des mesures envisagées sur le fondement de l'article 16 du projet et notamment sur la suppression du critère du « lit hospitalier » pour l'attribution des dotations publiques. Il a salué la volonté du Gouvernement de simplifier les formalités exigées en matière de preuve de la nationalité française. Il s'est inquiété, en revanche, du risque de contentieux qui pourrait résulter d'une simplification excessive des modalités de vote par procuration.

M. Dominique Tian a qualifié de révolution la suppression de l'autorisation exigée pour les lits et places d'hospitalisation. Évoquant l'harmonisation des seuils d'effectifs pour l'adaptation de certaines dispositions du code du travail prévues par le projet de loi, il a souhaité en connaître la portée exacte, soulignant que les pouvoirs publics devaient prendre garde à ne pas durcir davantage des règles déjà très strictes pour les entreprises. Faisant part de son expérience de membre d'une commission d'appel d'offres, il a critiqué l'existence de l'enveloppe administrative et proposé la mise en place d'un bureau régional ou national de vérification des pièces, qui permettrait d'agréer une fois pour toutes les sociétés souhaitant concourir à des appels d'offres.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Paul Delevoye a convenu de la nécessité d'associer les parlementaires à l'élaboration des ordonnances et de respecter les délais relativement courts fixés par le projet de loi pour réaliser le programme d'ordonnances. Il s'est rallié au principe d'abrogation des lois devenues obsolètes, au-delà du respect des principes de la codification à droit constant. Il a rappelé que les vives résistances manifestées par les administrations au début du processus avaient été vaincues par la ferme volonté exprimée par le Président de la République et le Premier ministre et par la ténacité du secrétaire d'État à la réforme de l'État.

Il a indiqué que la mise en place d'un guichet unique social pour les travailleurs non salariés non agricoles posait des difficultés d'organisation incontestables, lesquelles ne pourraient être résolues sans concertation, et que le prochain rapport confié de manière conjointe à l'inspection générale des affaires sociales, à l'inspection générale de l'industrie et du commerce et à l'inspection générale des finances permettra de définir certaines modalités pratiques. Il s'est dit confiant dans la capacité des structures de l'État à s'adapter à l'approfondissement de la décentralisation et a émis l'idée de réunir autour du préfet les différents services en quelques pôles de compétence plus rationnels, en souhaitant que s'engage une réflexion plus approfondie sur la possibilité d'accorder un plus grand pouvoir d'appréciation aux préfets.

Il a souligné que le remplacement de certaines pièces justificatives par une déclaration sur l'honneur devait être réalisé de manière pragmatique et permettre une accélération des procédures pour le citoyen, tout en préservant la possibilité d'exercer des vérifications a posteriori, la confiance n'excluant pas le contrôle.

Il s'est déclaré réservé sur la possibilité de déléguer à la commission d'appel d'offres certains des pouvoirs exercés aujourd'hui par les assemblées délibérantes des collectivités locales, leur consultation constituant un élément indéniable de transparence.

Complétant les réponses apportées par M. Jean-Paul Delevoye, M. Henri Plagnol a confirmé que les procurations pourront être attribuées par simple déclaration sur l'honneur effectuée à la marie, les préfectures conservant la possibilité d'effectuer des contrôles. Il a ensuite donné les éléments d'information suivants.

- Dans le cadre de la loi d'habilitation, les Français nés à l'étranger ou dans les anciens territoires de la République bénéficieront désormais d'une présomption de nationalité qui les dispensera d'en apporter la preuve. Cette simplification ayant été très difficile à obtenir des administrations concernées, il serait souhaitable que les parlementaires la soutiennent afin d'éviter toute modification lors de l'élaboration de l'ordonnance.

- L'identification du fonctionnaire est un sujet majeur, qui a été en partie résolu par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dite « loi dcra », qui a prévu l'obligation de mentionner le nom de la personne responsable du dossier dans l'accusé de réception d'une lettre adressée à l'administration. Toutefois, l'identification des fonctionnaires présents aux guichets ou répondant au téléphone est plus difficile à mettre en œuvre, les précédentes tentatives ayant échoué en raison du harcèlement dont auraient été victimes certains agents.

- La question du prélèvement fiscal à la source n'a pas sa place dans ce projet de loi, mais relève du ministère des finances, qui travaille actuellement sur cette question.

- L'État doit garder un certain contrôle sur les marchés publics tout en laissant aux collectivités locales la liberté de contracter.

- Les pouvoirs publics doivent tenir compte de la mobilité de la société dans l'établissement des modalités du vote par procuration ; parallèlement à la libéralisation de celles-ci, il convient, en amont, de renforcer le contrôle de l'établissement des listes pour combattre la fraude à la source. Cette libéralisation du vote par procuration ne devrait pas contribuer à augmenter de manière directe le contentieux électoral.

- L'harmonisation des délais et des voies de recours constitue un enjeu majeur pour le justiciable ; toute suggestion de la commission des Lois en ce sens sera la bienvenue dans le cadre de la préparation d'une future loi de simplification.

- Les études d'impact n'ont pas eu les effets escomptés en raison, d'une part, de l'absence de réel intérêt du Parlement à leur égard, et d'autre part, de leur caractère partial, puisqu'elles sont utilisées par le Gouvernement pour justifier le texte présenté. La transposition des modèles étrangers, dans lesquels l'élaboration de l'étude donne lieu à un débat contradictoire préalable, entraînerait une modification de l'ensemble du calendrier de la discussion d'un projet de loi.

- L'harmonisation des seuils relatifs aux marchés publics a pour objet de simplifier le droit applicable aux acheteurs publics, en ne retenant que les seuils fixés par le droit communautaire.

- La suppression de l'autorisation exigée pour les lits d'hospitalisation, qui constitue en effet une mesure très importante, a été proposée par le ministre de la santé lui-même.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Jean-Marc Ayrault, la Commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier

Mesures de simplification de portée générale

La simplification des procédures en vigueur ne doit être confondue avec le simplisme. La production normative se doit de traduire le caractère de plus en plus complexe des rapports de droit. Il faut par conséquent que, tout en adaptant l'ordonnancement juridique aux besoins de la société, l'État s'attache à en simplifier l'application, ce qui conduit, par exemple, à mettre en cause des procédures lourdes fondées sur des contrôles a priori, telles que les demandes d'autorisation préalable. Ce qui est critiquable, c'est une réglementation compliquée parce que est mal rédigée, incertaine, lacunaire, contradictoire.

Le présent chapitre permettra de simplifier les relations entre les administrations et les citoyens. Les garanties dont bénéficieront ces derniers seront accrues. Le nombre des procédures, des formalités et des commissions administratives sera réduit. Seront concernées l'ensemble des administrations visées par la loi « dcra » du 12 avril 2000 précitée, qu'il s'agisse des services de l'État, des administrations locales ou des organismes de sécurité sociale.

Article premier

Simplification des relations entre le citoyen et les services publics

L'administration doit gérer sa propre complexité et ne pas en faire supporter tout le poids à l'usager. Cet article autorise le Gouvernement à procéder, par ordonnance, à la réduction de la production de pièces justificatives, du nombre et du détail des formulaires réclamés aux usagers, au remplacement des pièces justificatives par des déclarations sur l'honneur, à l'organisation de la transmission de documents et d'informations entre administrations, à la généralisation d'une indication du délai d'instruction de certaines demandes, à la simplification de la composition et du fonctionnement et à la réduction du nombre de commissions intervenant dans les démarches des usagers.

Il ne s'agit pas d'aller jusqu'au « ruling » pratiqué par l'administration aux États-Unis, forme de procédure entre l'administration et l'administré qui donnerait à ce dernier un accord a priori sur l'application de telle règle de droit. Cette procédure, qui trouve à s'appliquer en matière fiscale en France par le biais de la procédure du rescrit définie à l'article L. 64 B du livre des procédures fiscales, peut, en effet, entraîner une rupture de l'égalité entre les citoyens, surtout lorsque la demande de garantie juridique constitue de facto une demande de dérogation.

Le passage par l'ordonnance, et par voie de conséquence l'intervention dans des matières législatives, s'impose pour trois séries de raison : les règles devant s'appliquer à l'ensemble des administrations, seule une mesure de caractère législatif peut fixer des aménagements du principe de libre administration des collectivités territoriales ; ensuite, les règles générales édictées, qui pourront toucher aux garanties des citoyens pour l'exercice de leurs libertés publiques, devraient, en matière de procédure non contentieuse, s'imposer au pouvoir réglementaire ; enfin, les règles qui seront posées permettront de généraliser des règles procédurales limitées aujourd'hui à certains secteurs.

1. La simplification des démarches des usagers

Le 1° de cet article porte sur l'ensemble des autorités administratives telles que définies par l'article premier de la loi « dcra » du 12 avril 2000 : « Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif ».

a) L'encadrement des demandes de pièces justificatives

Il s'agit d'abord, avec le a) du 1° de cet article de rompre avec la « doctrine du guichet » : la loi doit fixer comme principe qu'aucun justificatif ne peut être demandé sans un fondement textuel. Pour une même demande, le citoyen ne devrait pas avoir à fournir des pièces justificatives différentes. L'autorité administrative fixera la liste des pièces qui devront être jointes à telle ou telle demande. Elle devra justifier ses choix.

Aujourd'hui, chaque administration, qu'elle relève de l'État, d'une collectivité locale ou d'un organisme de sécurité sociale, établit, en général, à l'appui d'un formulaire associé à une démarche, la liste des pièces justificatives à fournir par les usagers, particuliers comme professionnels. Si la cosa a reçu compétence pour apprécier la simplicité des formulaires qui lui sont présentés avant leur diffusion, elle ne peut demander aux administrations de limiter le nombre des pièces qu'elles exigent à l'appui d'un formulaire, dans des conditions parfois excessives, en particulier dans le domaine économique.

b) La politique de simplification des formulaires administratifs

D'après une étude réalisée en mai 2001 par la Sofres en faveur du service d'information du Gouvernement et de la cosa, quel qu'il soit et avant même d'être vu, tout formulaire administratif fait l'objet d'un a priori défavorable de la part de l'usager. Il incarne la complexité administrative. Il n'est pas perçu comme directement ou pleinement « utile » à la personne qui le remplit. Il entraîne une angoisse certaine parmi les publics fragilisés. Pour répondre à ces questions, le b) du 1° de cet article a pour objectif de donner une base législative au travail de la cosa, en particulier dans ses fonctions de simplification et d'évaluation des formulaires administratifs.

Placée, depuis le décret n° 2003-141 du 21 février 2003 portant création de services interministériels pour la réforme de l'État, dans le sein de la nouvelle délégation aux usagers et aux simplifications administratives, la cosa, présidée par le Premier ministre, mise en place en 1998, renforcée en 2001, a succédé au cerfa créé en 1966 et à la cosiform créée en décembre 1990.

Elle est chargée d'assurer l'étude, l'impulsion et le suivi des simplifications administratives. Dans ce cadre, elle assure la mission d'homologation et de révision des formulaires administratifs précédemment dévolue au cerfa ainsi que leur mise en ligne au service des usagers. La circulaire du Premier ministre en date du 25 mai 2001 interdit aux services de réclamer à ces derniers un document dont ils disposent déjà, exige une étude d'impact mesurant la simplification introduite par tout projet de texte et mobilise les corps de contrôle de l'État pour alimenter les propositions destinées à la commission. Cette dernière peut également instituer des groupes de travail associant les particuliers, les professionnels et les entreprises. Elle rend des avis et émet des recommandations en liaison avec l'instance interministérielle de réforme de l'État. Depuis la circulaire du 6 mars 2000, les différents départements ministériels doivent élaborer un programme annuel de simplification et le transmettre à la cosa pour le 1er janvier de l'exercice considéré. Les usagers peuvent directement lui adresser leurs propositions et suggestions. Un rapport public est remis chaque année au Premier ministre sur les mesures de simplification proposées par chacun des ministres.

En ce qui concerne plus particulièrement le traitement des formulaires administratifs, la commission a indiqué, dans son rapport 2001, qu'elle a recensé 1 677 formulaires d'administrations centrales, dont 1 123 ont été mis en ligne sur Internet. Or, le ministre chargé de la fonction publique a fixé pour objectif que tous les formulaires administratifs fassent l'objet d'une téléprocédure en 2005. Depuis 2001, c'est la cosa qui est chargée d'homologuer cette démarche.

La modification de la loi est nécessaire, d'abord pour stabiliser des procédures dont la base juridique est étroite (circulaires), ensuite pour impliquer l'ensemble des administrations, en particulier les organismes de sécurité sociale, dans le travail de simplification. Certains organismes, tels que la Caisse nationale des allocations familiales, ont d'ores et déjà réalisé d'importantes avancées. En revanche, d'autres, tels que l'Institut national de la statistique et des études économiques (insee), peuvent hésiter à participer au mouvement compte tenu des contraintes légales dans lesquelles leur action est enserrée en matière de protection des données.

c) L'extension du système de déclaration sur l'honneur

Le c) du 1° du présent article permettra de traduire, dans le droit français, la notion anglo-saxonne de compliance, qu'on serait tenté de traduire par « empathie du citoyen avec la norme » : l'usager, a priori, est honnête ; il faut lui faire confiance et substituer à un système d'autorisation un système de déclaration. Si la norme est de qualité, si l'avis du citoyen est pris en compte lors de son élaboration, elle est bien acceptée. Le citoyen n'a donc aucune raison de chercher à la contourner. Il n'est pas utile de poser des règles respectées par 99 % des usagers pour obliger le 1 % de citoyens récalcitrants à les respecter, au prix de contraintes très importantes pour la quasi-totalité de la population. Il faut avoir le courage de prendre le risque de voir des règles plus simples contournées par 2 % des citoyens si la simplification se fait au bénéfice des 98 % restants. Le groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation, présidé par M. Dieudonné Mandelkern, dans son rapport rendu en 2002, fonde ainsi la simplification sur « un principe de confiance dans le comportement des usagers incitant à poser des règles larges lorsqu'elles sont de nature à être respectées spontanément par la quasi-totalité des usagers, et renvoyant, pour la très faible minorité qui ne les respecteraient pas, à de fermes sanctions pénales ou une mise en cause de leur responsabilité ».

On peut prendre l'exemple de la déclaration de revenus qui, si elle est faite par voie électronique, n'oblige pas le contribuable à joindre les pièces justificatives : la déclaration sur l'honneur, dans ce domaine, suffit déjà. Il faut étendre ce système. Pour imposer aux administrations locales et aux organismes de sécurité sociale cette réforme, la modification de la loi s'impose. Deux stratégies peuvent être envisagées. La première consisterait à poser pour principe l'absence de pièces justificatives et de prévoir quelques exceptions. La seconde reviendrait à fixer le principe de l'apport pièces justificatives et de définir, par exception, les cas où l'usager en sera dispensé.

Mais quelle que soit la voie choisie par le Gouvernement, celui qui fera une fausse déclaration sera plus sévèrement sanctionné. La sanction, ce peut être la nullité d'un acte, la perte d'un avantage fiscal, une amende civile ou administrative. En tout état de cause, il convient de trouver une réponse adaptée à chaque situation.

Un seul exemple suffira à le montrer. Le décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification de formalités administratives a permis de supprimer les fiches familiales d'état civil dans nombre de procédures. Sa légalité a été reconnue par le Conseil d'État alors même qu'il s'imposait aux collectivités locales. Dans le même texte, les justificatifs de domicile ont été supprimés. Le ministère de l'éducation nationale avait demandé un délai pour mettre en œuvre cette mesure de simplification. Ainsi les inscriptions scolaires réalisées depuis le 1er janvier 2003 ne peuvent plus donner lieu à l'exigence d'un justificatif de domicile. Lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 17 décembre 2002, le ministre de l'éducation nationale a annoncé qu'il demandera « que le décret soit modifié de façon à ce qu'un justificatif de domicile continue d'être exigé pour les inscriptions scolaires ». Dans les faits, la situation ne peut être gérée dans de bonnes conditions, car les établissements sont dans l'incapacité de contrôler les fausses déclarations. Le code pénal prévoit certes une peine d'emprisonnement pour la fausse déclaration. Mais, compte tenu du caractère disproportionné de cette sanction, elle ne serait jamais mise en œuvre en l'espèce. On voit, dans cet exemple, quelle importance peut prendre la sanction de la fausse déclaration en dehors d'une sanction pénale ou de la simple amende. L'idée est d'attribuer le pouvoir de sanctionner à l'autorité qui gère la procédure. On peut imaginer des sanctions du type de celle pratiquée pour le passage du baccalauréat. Ne peut, en effet, s'inscrire à cet examen que celui qui a obtenu un justificatif prouvant qu'il a effectué sa journée d'appel à la défense.

En Italie, la loi n° 127/1997, dite « loi Bassanini II » du nom du ministre de la fonction publique d'alors, a introduit plusieurs dispositions visant à simplifier les rapports entre citoyens et administration publique et a relancé, en particulier, la procédure d'« autocertification » en élargissant son étendue, ce qui a permis de réduire dans une large mesure le nombre des certificats délivrés par les administrations publiques.

Dans le même esprit de diffusion d'une culture de confiance dans les relations entre l'administration et les citoyens, l'article 17 du projet de loi prévoit la substitution, en faveur des entreprises, de régimes déclaratifs à certains régimes d'autorisation préalable. Il serait souhaitable d'étendre ce système à tous les usagers, y compris aux entreprises et, en conséquence, de supprimer l'article 17.

d) La promotion des échanges de données entre administrations

Le d) du 1° de cet article autorise le Gouvernement à organiser la transmission de documents entre les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale ainsi que les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif.

- La prise en charge par l'administration de sa propre complexité

Un service administratif ne devrait plus demander à l'usager un renseignement ou une pièce qu'un autre service possède déjà, mais devrait le demander directement à ce service. D'ores et déjà, tout dossier mal aiguillé devrait être réorienté par l'administration elle-même en vertu du principe posé par l'article 20 de la loi « dcra » du 12 avril 2000 en vertu duquel « lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé ».

Le Gouvernement pourrait être habilité à prendre des dispositions permettant d'instituer des échanges d'informations obligatoires entre les administrations
elles-mêmes. Ainsi, selon le principe du « guichet unique », une administration chef de file pourrait avoir la charge de diffuser certaines informations aux autres services. Par exemple, un usager qui déménage ne serait obligé de faire qu'une seule déclaration, à charge pour l'administration qui recueille cette déclaration de la diffuser auprès des autres autorités administratives. La Poste, exploitant public, pourrait être habilitée à diffuser les changements d'adresse, conformément à une proposition déjà formulée par M. Pierre-Rémy Houssin, parlementaire en mission, dans son rapport au Premier ministre sur La simplification de l'État dans ses relations avec le public et avec les collectivités locales de janvier 1997. Cette mesure implique de passer par le biais de la loi, dès lors que les missions de l'exploitant public et certaines dispositions du livre des procédures fiscales devraient être modifiées, mais également pour impliquer les administrations locales et les organismes sociaux. De la même manière, l'administration fiscale ne pourrait-elle fournir directement à l'organisme social qui distribue des prestations sociales sous condition de ressources un certificat d'imposition, au lieu d'obliger le demandeur à solliciter lui-même cette pièce pour la retransmettre ?

Pour imposer aux administrations une obligation d'échanges de données, deux voies sont possibles : soit est énoncé un principe général du droit en vertu duquel la transmission d'un document à une administration suffit à déterminer l'information de toutes les autres ; soit, de manière plus modeste, est organisé un échange d'informations obligatoires par type de matière ou de procédure (par exemple, déménagement, mariage, naissance).

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés soumet à un contrôle strict les fichiers administratifs. Elle interdit aux administrations de croiser, dans une certaine mesure, les informations qu'elles possèdent, ce qui a pour conséquence de multiplier les demandes d'information redondantes adressées aux administrés. La « révolution » proposée par le présent article doit donc se faire dans le respect de la liberté individuelle et de la vie privée. La commission nationale de l'informatique et des libertés (cnil) estime que « le développement des téléservices, dès lors qu'ils peuvent permettre de simplifier les démarches administratives et de rapprocher le citoyen de son administration ne peut que rencontrer (sa) faveur ». L'ordonnance devra prévoir, lorsque les données ont un caractère confidentiel ou qu'elles relèvent d'un secret protégé par la loi, un système d'autorisation accordée par l'intéressé. Cette évolution s'inscrit dans la logique de l'affirmation progressive du contrôle des personnes sur leurs données personnelles, le droit d'opposition cédant progressivement le pas à un devoir pour les opérateurs de fichiers de recueillir le consentement exprès des personnes, comme l'ont souligné MM. Pierre Truche, Jean-Paul Faugère et Patrice Flichy dans leur Livre blanc sur l'administration électronique et la protection des données personnelles de 2002. Ces auteurs considèrent que « la cnil et la loi actuelle ne s'opposent en rien au développement de l'administration électronique (...) dès lors que des garanties suffisantes sont apportées (finalité, chiffrement, signature, information et droit d'accès) ».

Il convient de relever, par ailleurs, qu'une partie de la fraude pourrait se trouver éliminée par le développement des échanges de données entre les administrations : en effet, la transmission de documents d'une administration à l'autre, par des voies sécurisées, diminuera le nombre de contrôles à effectuer, dont la multiplicité et, souvent, la dispersion encourageaient les fraudeurs.

- La poursuite du développement de l'administration électronique

La mise en œuvre de ces mesures supposera que soit développée l'administration électronique. Les rapports sur le développement de cette dernière et des échanges de données entre autorités publiques se sont multipliés ces dernières années :

Valeur juridique des documents conservés sur support photographique numérique de M. Dominique Ponsot pour l'observatoire juridique des technologies de l'information, en septembre 1995 ;

L'administration communicante, rapport sur l'échange de données dans l'administration (EDI) de M. Rémi Marchand pour la commission de simplification administrative, de novembre 1996 ;

Rapport sur l'impact des nouvelles technologies de l'information sur la modernisation de l'État de M. Jean-Paul Baquiast, en juin 1998 ;

Internet et les administrations à l'étranger par Bruno Oudet et Bernard Battail pour le commissariat général du plan, en 1998 ;

Diffusion des données publiques et révolution numérique de MM. Dieudonné Mandelkern et Bertrand du Marais pour le commissariat général du plan, en octobre 1999 ;

L'État et les technologies de l'information et de la communication, Vers une administration « à accès pluriel » de M. Bruno Lasserre, en 2000 ;

Pour une administration électronique citoyenne, méthodes et moyens, contribution au débat, Rapport au Premier ministre de M. Thierry Carcenac, en 2001 ;

Administration électronique et protection des données personnelles, Livre blanc, de MM. Pierre Truche, Jean-Paul Faugère et Patrice Flichy, en 2002 ;

L'Hyper-République, bâtir l'administration en réseau autour du citoyen par MM. Pierre de La Coste et Vincent Bénard, en 2003, qui proposent la mise en place d'un plan sur cinq ans.

Une étude récente a confirmé les attentes des Français en ce domaine. L'étude quantitative réalisée pour Cap Gemini Ernst & Young par Taylor Nelson Sofres, présentée en septembre 2002, visait à cerner le rapport des Français avec les services publics sur Internet : l'administration en ligne fait déjà partie de l'univers des internautes ; aujourd'hui, les usages concernent la recherche d'information plus que les services interactifs ; Internet est perçu comme un outil de simplification des démarches administratives et de proximité ; qualité, développement de l'accessibilité à Internet, simplification des procédures et du langage administratif et communication sont les quatre clés de succès pour le rapprochement entre usagers et administrations.

Plusieurs textes ont déjà réglé certaines questions. Ainsi, la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, dans son article 4, a défini un principe selon lequel toute déclaration d'une entreprise à une administration peut être faite par voie électronique. Une référence à Internet et au courrier électronique a été introduite dans notre droit électoral par le décret n° 2002-105 du 25 janvier 2002 (articles R. 249 et R. 277 du code électoral) en ce qui concerne la mise à disposition des électeurs des bulletins de vote ou circulaires. Des dispositions allant dans le même sens ont également été définies pour l'obtention de documents d'état civil par exemple. De même, les déclarations d'impôt peuvent désormais se faire par Internet, les contribuables se voyant attribuer un certificat de sécurité. Dans la logique du plan « RE/SO 2007 » pour une République numérique dans la société de l'information présenté par le Premier ministre, le 12 novembre 2002, le secrétaire d'État à la réforme de l'État a annoncé, en janvier 2003, la création d'une agence de l'administration électronique, mise en place par le décret n° 2003-141 du 12 février 2003 portant création de services interministériels pour la réforme de l'État.

Il faut aller plus loin, en particulier dans la diffusion et la publicité des normes. Il convient de dépasser la notion d'archivage numérisé des textes pour développer les liens dans le domaine du droit. Dans cet esprit, et conformément aux recommandations faites en 2002 par le groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation présidé par M. Dieudonné Mandelkern, « il est certain que la diffusion de la jurisprudence, dont les sources sont multiples, ainsi que des conclusions des commissaires du gouvernement devant les juridictions administratives ou encore des commentaires devrait être développée, dans le respect des rôles respectifs du service public et des éditeurs privés ». Cette préoccupation rejoint celle exprimée par notre collègue Jean Dionis du Séjour qui a souhaité, dans son rapport sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (29), que soit élargie la diffusion des décisions de justice par voie électronique.

2. La réduction des délais

Auguste Vivien, dans ses Études administratives de 1859, observait déjà « combien l'administration française est lente, embarrassée, chargée de complication (...). On prodigue la correspondance et les écritures (...). Chaque bureau est un atelier d'écritures (...). C'est ainsi que le temps se perd, que les dossiers s'enflent et que des légions de commis deviennent nécessaires. » (30) L'accélération des délais de réponse est un des axes des politiques de modernisation administrative qui se sont développées en France depuis la fin des années 1970. Placée « au service » du public, l'administration est tenue de satisfaire le mieux possible les attentes de célérité ; or, ses lenteurs, insuffisances et carences sont de plus en plus mal supportées par des usagers devenus plus exigeants.

Dans ce contexte, imposer des délais de réponse aux administrations est de bonne politique. Des règles de délais existent déjà. Ainsi, la loi du 17 juillet 1978 impartit à l'administration des délais précis pour répondre à une demande de communication de documents administratifs ou décider de la suite à donner à l'avis formulé par la commission d'accès aux documents administratifs. Par ailleurs, l'inversion de la règle classique du droit administratif en vertu duquel le silence gardé par l'administration vaut décision de rejet dans un nombre grandissant de cas, grâce à des textes particuliers, impose à cette dernière de s'exprimer dans un certain délai (31).

Le projet de loi relatif à l'amélioration de relations entre l'administration et le public, adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 27 mars 1997 allait plus loin. Constatant qu'aucun texte ne faisait obligation aux administrations d'instruire et de répondre rapidement aux demandes ou réclamations qui leur sont adressées et que celles-ci peuvent, sans sanction de quelque nature que ce soit, ne donner aucune suite à ces demandes ou réclamations, le projet de texte prévoyait non seulement le raccourcissement de deux mois du délai dans lequel le silence gardé par l'administration valait décision de rejet, mais également l'extension des hypothèses inverses dans lesquelles le silence gardé valait décision d'acceptation.

Ces innovations ont été reprises dans les articles 21 et 22 de la loi « dcra » du 12 avril 2000. Désormais, le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative saisie d'une demande vaut décision d'acceptation dans les cas prévus par décrets en Conseil d'État. Cette décision peut, à la demande de l'intéressé, faire l'objet d'une attestation délivrée par l'autorité administrative. Le développement des décisions implicites d'acceptation constitue un facteur incontestable de traitement plus rapide et efficace des demandes adressées aux administrations. En outre, lorsque l'administration fiscale est saisie d'un projet de création d'entreprise nouvelle, elle dispose d'un certain délai pour se prononcer sur l'exonération sollicitée. Passé ce délai, l'exonération est réputée accordée.

De plus, l'article 19 de la loi « dcra » du 12 avril 2000 précitée a fait obligation aux autorités administratives d'accuser réception de toute demande qui leur est adressée. Cet accusé de réception obligatoire pourrait servir de support à l'inscription du délai de réponse visé par le présent article. Cette mesure aurait pour avantage d'inciter les administrations, y compris les administrations locales, à mieux organiser la maîtrise des délais de traitement et à instaurer une démarche qualité systématique. À terme et si la mesure ne permet pas de résoudre les questions de délai par le développement d'une culture de performance, il pourrait même être envisagé de voir la responsabilité financière des administrations engagée lorsqu'elles ne respectent pas les délais qu'elles se sont fixés.

3. La réorganisation des commissions administratives

Le 3° de cet article donne au Gouvernement les moyens de lutter contre la polysynodie, maladie byzantine qui se caractérise par la création d'une commission à l'apparition de chaque problème. M. Pierre-Rémy Houssin dans son rapport précité sur La simplification de l'État dans ses relations avec le public et avec les collectivités locales a souligné que le coût en « heures-fonctionnaires » était particulièrement élevé dans le cas des autorisations délivrées après avis d'une commission consultative qui sont « beaucoup trop nombreuses et exigent une révision rapide ». Par ailleurs, la multiplication des commissions peut accroître les blocages, diluer les responsabilités et retarder les décisions.

a) La prolifération

M. Pierre-Rémy Houssin, dans son rapport précité de janvier 1997, avait estimé à 350 le nombre de commissions administratives dans chaque département (32). L'inspection générale de l'administration, dans une étude rendue en janvier 2003, a confirmé ces chiffres. Elle a pu recenser 221 commissions relevant des préfets de département, dont 47 créées par une loi. On peut citer le comité de pilotage de la charte de lutte contre les exclusions (loi n° 98-567 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions), le comité de pilotage de veille sociale (loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat et loi du 29 juillet 1998 précitée), le comité de pilotage départemental du fonds d'aide aux jeunes (loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 modifiant la loi n° 88-1988 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion) ou encore la commission de sélection des adjoints de sécurité (loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité).

84 commissions administratives relèvent des préfets de région, dont 20 créées par une loi, au nombre desquelles figurent, par exemple, le comité de coordination régionale de l'emploi et de la formation professionnelle (loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale), le comité des élus de la région Île-de-France (loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes) ou encore la commission régionale du patrimoine et des sites (loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État).

Plusieurs domaines sont propices à la floraison des commissions. Ainsi, la matière environnementale s'est prêtée à la création de très nombreuses commissions d'importance inégale : cellule d'analyse du risque et d'information préventive, comité de pilotage départemental de l'observatoire du bruit et du transport terrestre, comité de suivi des données sur l'eau, comité des immeubles côtiers, comité consultatif de gestion des réserves naturelles, comité de rivière, comité de suivi des rejets des installations nucléaires, commission consultative d'élaboration du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés, commission départementale « printemps de l'environnement », commission départementale de suivi du cormoran... Encore ne s'agit-il là que d'un échantillon ! Le domaine électoral est également marqué par la multiplicité des instances : établissement des listes, propagande, tarifs, recensement des votes, proclamation des résultats.

b) La nécessité d'un plan de limitation

L'inspection générale de l'administration rappelle opportunément que les tentatives précédentes de suppression n'ont pas rempli tous leurs objectifs. En vertu de deux décrets du 10 mai 1982 (33), l'ensemble des commissions départementales et régionales étaient appelées à disparaître à l'échéance du 30 juin 1984. Seul un décret pouvait les maintenir et seul un décret pouvait en créer de nouvelles. Le nombre de commissions qui subsistent aujourd'hui suffit à montrer la réussite de ce processus !

Le législateur pourrait substituer à l'existence de nombreuses commissions le principe de consultation, essentiel dans l'élaboration de normes bien acceptées. L'autorité administrative, notamment locale (le préfet, le maire, le président de conseil général...), serait alors libre de fixer les modalités de la consultation. Cette réforme permettrait, conformément aux recommandations formulées en 2002 par le groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation présidé par M. Dieudonné Mandelkern, de mieux organiser le temps de la concertation et d'éviter la multiplication de réunions « chronophages ».

Certaines commissions pourraient être supprimées en raison de leur caractère obsolète, de leur légitimité faible ou de leur efficacité réduite.

De nombreuses commissions pourraient être fusionnées dans plusieurs grandes commissions : agriculture, logement, environnement, délinquance, sécurité routière, emploi et insertion, commerce et tourisme... L'objectif pourrait être de ramener les commissions départementales, d'une part, et les commissions régionales, d'autre part, à moins de dix par échelon territorial.

Le nombre des commissions présidées par des magistrats pourrait également être réduit, conformément aux orientations du rapport annexé à la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, dans lequel il était relevé que « la participation des magistrats de l'ordre judiciaire à des commissions administratives représente une charge lourde, correspondant à environ 130 000 heures de travail par an. Il est ainsi prévu d'engager une démarche de retrait de ces magistrats des commissions à caractère purement administratif ou dans lesquelles l'institution judiciaire n'a pas vocation à figurer, eu égard à ses missions. »

Une charte législative de fonctionnement des commissions pourrait être définie par ordonnance. Elle fixerait par exemple des règles de quorum, poserait le principe selon lequel un maire peut, dans tous les cas, se faire représenter par un conseiller municipal et encadrerait la détermination de la présidence des commissions, la forme des avis ou encore la possibilité de substituer des consultations à des réunions.

À cet article, la Commission a tout d'abord rejeté trois amendements de M. Jacques-Alain Bénisti : le premier dispose que les ordonnances ayant pour objet de substituer des déclarations sur l'honneur à la production de pièces justificatives devaient également prévoir des sanctions appropriées en cas d'allégations inexactes ; le second tend à sanctionner les autorités administratives manquant à leur obligation de transmission des documents à d'autres administrations ; le dernier prévoit que les usagers dont la demande n'est pas traitée dans les délais impartis bénéficieront de compensations appropriées.

Elle a adopté quatre amendements du rapporteur, les deux premiers d'ordre rédactionnel (amendements nos 4 et 5), les deux suivants ayant respectivement pour objet d'étendre le système de déclaration préalable à certaines procédures aujourd'hui soumises à un régime d'autorisation préalable et d'élargir les possibilités de suppression de commissions administratives (amendements nos 3 et 6). La Commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

Article 2

Publicité et diffusion des lois et actes administratifs

Il existe une présomption irréfragable selon laquelle nul n'est censé ignorer la loi. La première condition de l'accès au droit est sa publicité et sa diffusion. En 1993, la Cour de cassation s'interrogeait « sur l'adaptation, aux réalités du monde moderne de dispositions qui remontent toutes à plus d'un siècle » et considérait « souhaitable qu'une simplification intervienne en cette matière » (34).

Le présent article autorise le Gouvernement à modifier le régime actuel de publicité et de diffusion des lois et actes administratifs, régime caractérisé par la complexité et marqué par certaines ambiguïtés. Cette modification apparaît indispensable. À ce propos, la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt en date du 16 décembre 1992, a rappelé que les modes de publicité des normes doivent être suffisamment simples pour ne pas créer pour le citoyen d'insécurité juridique, c'est-à-dire présenter « une cohérence et une clarté suffisante ».

a) Un état du droit complexe

Le système actuel est caractérisé par un empilement des textes, un chevauchement des normes, une obsolescence des règles. La publicité des normes législatives et réglementaires conditionne leur entrée en vigueur, mais ne correspond pas nécessairement à la date de cette entrée en vigueur.

Ainsi, une loi peut comporter une disposition fixant avec précision sa date d'entrée en vigueur. En outre, l'entrée en vigueur de certaines dispositions législatives est parfois explicitement subordonnée à la publication d'un décret d'application. En l'état actuel des textes, une loi muette sur sa date d'entrée en vigueur et qui ne nécessiterait pas de décrets d'application, ne peut, sauf urgence, entrer en vigueur ni à la date de sa publication au Journal officiel ni à la même date partout. Deux régimes doivent être distingués : le régime « normal » et le régime d'urgence. Le tableau suivant présente les différents cas de figure.

RÉGIME DES LOIS NE COMPORTANT PAS DE DATE EXPLICITE D'ENTRÉE EN VIGUEUR

Régime

Type de loi

Lieu

Entrée en vigueur

Texte de référence

Normal

Toute loi

Paris

1 jour franc à partir de la date de publication au Journal officiel

Décret du 5 novembre 1870

Toute loi

France métropolitaine, départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon

1 jour franc à partir de l'arrivée du Journal officiel au chef-lieu d'arrondissement ou dans les collectivités territoriales

Décret du 5 novembre 1870

Loi de
souveraineté

Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, îles Wallis et Futuna et Terres australes et antarctiques françaises

1 jour franc à partir de l'arrivée du Journal officiel dans la collectivité territoriale

Décret du 5 novembre 1870

Autre loi

Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, îles Wallis et Futuna et Terres australes et antarctiques françaises

Date de publication du texte au journal officiel particulier du territoire

Article 1er de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie ; article 1er de la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 pour la Polynésie ; article 8 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 rendant applicable dans le territoire de Wallis et Futuna l'article 72 du décret du 12 novembre 1874 concernant le gouvernement de la Calédonie ; articles 1er et 13 du décret n° 56-935 du 18 septembre 1956 pour les Terres australes et antarctiques françaises

Urgence

Toute loi

En France métropolitaine

Date de la publication de la loi ; les préfets doivent assurer immédiatement par impression et affichage « partout où besoin sera »

Article 4 de l'ordonnance royale du 27 novembre 1816 et de l'ordonnance royale du 18 janvier 1817

Cet état du droit, construit progressivement au XIXe siècle, s'est maintenu jusqu'à présent, malgré plusieurs tentatives de réforme dès le début du XXe siècle.

La loi du 12 vendémiaire an IV est le texte fondateur qui organise un système complet de diffusion des lois, pose le principe de gratuité et de diffusion à toutes les autorités judiciaires et administratives. L'article premier du code civil, résultat d'un compromis laborieux entre des considérations de principe et des considérations liées à des contingences politiques, pose le principe selon lequel la loi ne peut être exécutée que lorsque sa promulgation est « réputée connue ». Il y a présomption légale irréfragable de connaissance de la loi un jour après la date de sa promulgation, ce délai d'un jour étant, le cas échéant, augmenté d'un délai de distance.

Les ordonnances royales du 27 novembre 1816 et du 18 janvier 1817 procèdent à l'extension du système de l'article premier du code civil aux ordonnances. Le décret du gouvernement de la Défense nationale du 5 novembre 1870 relatif à la promulgation des lois et décrets étend aux décrets le système retenu pour les lois, en conservant le principe du jour franc, mais abandonne le système du délai de distance, au profit du système Paris/province : le texte entre en vigueur un jour franc après la promulgation à Paris, un jour franc après la réception au chef-lieu du département en province. Ce décret de force législative est encore en vigueur.

Comme le relève le Conseil d'État dans son étude de 2001 intitulée Publication et entrée en vigueur des lois et de certains actes administratifs, si les idées qui ont inspiré les textes maintenus en vigueur restent pertinentes, les solutions juridiques auxquelles elles ont conduit ne correspondent plus aux réalités actuelles. Certes, il apparaît nécessaire de maintenir le principe d'une publication officielle et la date d'entrée en vigueur doit pouvoir être déterminée de la façon la plus incontestable possible. Mais quel sens cela a-t-il, aujourd'hui, que le point de départ du délai d'un jour franc soit différent à Paris et en province ? De la même façon quel est le sens du principe même du délai d'un jour franc ? Les rédacteurs du code civil avaient vu dans l'institution de ce délai une garantie raisonnable que tout citoyen éclairé tire spontanément les conséquences, pour sa conduite, de la loi promulguée après avoir été mis en mesure de la lire et de la comprendre. Aujourd'hui, les obstacles résident plus sûrement dans la technicité et la complexité des matières traitées. Or, la réforme qui sera conduite par ordonnance sur le fondement du présent article doit avoir pour ambition de régler plus la question de l'accès de la loi que celle de son accessibilité.

Le régime d'entrée en vigueur des actes administratifs n'est guère plus clair. Si aucun texte de portée générale n'exige que des actes administratifs autres que les ordonnances et les décrets soient publiées au Journal officiel, un souci de sécurité juridique conduit les autorités centrales à prévoir la publication sur ce support d'un nombre très important d'arrêtés ministériels ou de circulaires et des textes particuliers l'ont, en outre, exigé pour les actes d'autres autorités administratives à compétence nationale. Ainsi, les actes administratifs autres que les décrets, publiés au Journal officiel, entrent en vigueur dans les mêmes conditions que ces derniers, c'est-à-dire qu'en l'absence dans le texte même des précisions sur leur date d'entrée en vigueur, s'appliquent les règles exposées plus haut en ce qui concerne les normes législatives.

La loi du 17 juillet 1978 précitée organise le principe de liberté d'accès aux documents administratifs et précise les modalités selon lesquelles certains textes doivent être mis à disposition des administrés. Mais elle ne traite pas directement des effets de la publication sur l'entrée en vigueur des actes. S'il existe un texte précis pour les actes des collectivités locales, aucun texte n'a prévu, pour les autres actes administratifs, un régime général de publicité. Celle-ci se fait par le biais de l'affichage, de l'insertion dans la presse locale ou professionnelle ou encore dans le recueil des actes administratifs de la préfecture. Pour de très nombreuses catégories d'actes, et notamment les arrêtés ministériels, les dispositions relatives à leur publicité restent très lacunaires. C'est le juge qui tranche ; à défaut d'une publicité adéquate, la norme en cause n'est pas obligatoire et n'entre pas en vigueur.

Le caractère complexe et lacunaire du dispositif de publicité et d'entrée en vigueur des textes appelle une remise à plat.

b) Une nécessaire réorganisation

Le Gouvernement, dans l'ordonnance qu'il prendra pour réorganiser la publicité et l'entrée en vigueur des lois et actes administratifs, pourra utilement s'inspirer de l'avant-projet de loi établi par le Conseil d'État à l'occasion de l'étude de 2001 précitée et reproduit dans l'annexe II du présent rapport.

Trois principes méritent d'être retenus.

En premier lieu, il convient de redéfinir les conditions d'entrée en vigueur des lois et actes réglementaires publiés au Journal officiel. L'évolution des technologies devrait permettre de parvenir à une simplification largement souhaitée. En effet, la rapidité des communications permet aujourd'hui de diffuser un texte sur l'ensemble du territoire de la République de manière quasi instantanée. À l'inverse, le délai d'un jour franc après la publication ne permet pas de remplir l'objectif auquel répondait son institution. Si un délai devait être instauré avec pour seule finalité de permettre au citoyen de prendre effectivement connaissance de la norme nouvelle dans toutes ses implications, et notamment sur les situations individuelles, alors ce délai devrait être plus long, comme c'est le cas en Italie (quinze jours) et pour les normes européennes (vingt jours après leur publication au Journal officiel des Communautés européennes en vertu de l'article 254 du traité instituant la Communauté européenne). L'auteur de la norme devrait fixer le délai idoine pour atteindre l'objectif de faciliter l'entrée en vigueur de celle-ci, notamment pour adapter les règles aux situations individuelles, faute de quoi on pourrait retenir, pour date d'entrée en vigueur, le lendemain de sa publication au Journal officiel. Dans cette logique, il est nécessaire de prendre en compte certaines contraintes, de principe et matérielles : l'auteur de la norme est le mieux à même de déterminer le délai d'entrée en vigueur de celle-ci ; il devra trouver un compromis entre la nécessité pour le citoyen de disposer d'un délai pour prendre connaissance de la norme nouvelle et celle de ne pas retarder la date à laquelle la loi peut, en droit, entrer en vigueur et donc être exécutée.

En deuxième lieu, le Journal officiel « Lois et décrets » pourrait être publié le même jour sous forme imprimée et sous forme électronique, dans des conditions de nature à assurer l'authenticité et l'accessibilité permanente du public aux textes qu'il contient, ainsi que la possibilité de le consulter gratuitement sous forme électronique.

Enfin, son contenu devrait être précisé. Pourrait être prévue, de façon progressive et dans des conditions strictement définies, la possibilité que certaines catégories d'actes administratifs ne fassent l'objet d'une publication que dans l'édition du Journal officiel mise en ligne et non sur support papier. Le rapporteur relève à ce propos que, s'agissant de clauses contractuelles, l'article 1316-1 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique, prévoit que l'écrit sous forme électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier. Reste le problème de la publication d'un certain nombre d'actes ou de décisions à seule fin de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des tiers.

Ces trois principes doivent être introduits dans l'ordre juridique par des dispositions de nature législative. La publicité des lois et des décrets et la détermination de leur entrée en vigueur constituent, en effet, une garantie fondamentale de l'exercice des libertés publiques. Par ailleurs, il paraît nécessaire de rendre la loi applicable dans les collectivités et territoires d'outre-mer. En effet, la notion de « promulgation » spéciale par le représentant de l'État a perdu la portée juridique qu'elle pouvait avoir au XIXe siècle. Devraient être désignés par décret les actes qui ne peuvent faire l'objet d'une mise en ligne, parce que relatifs à l'état des personnes (nationalité, changement de nom).

La réforme que le Gouvernement engagera par ordonnance devrait rendre obligatoire la diffusion en ligne des lois et des décrets, permettre de diffuser certains types de textes uniquement en ligne, assurer une unification territoriale du régime d'entrée en vigueur des textes, modifier la rédaction de l'article premier du code civil et abroger le décret du 5 novembre 1870 relatif à la publication des lois et décrets.

c) Des compléments utiles

Outre la clarification des règles de publication des actes législatifs et réglementaires, il conviendrait de faciliter la lecture de ces textes. Pourquoi ne pas accompagner la publication des lois d'un exposé des motifs ou des éléments susceptibles d'en permettre une lecture directe, à l'heure où la législation par renvoi est fréquente ? De la même façon, les décrets pourraient être publiés accompagnés de leur rapport de présentation.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3

Procédures de la commande publique

Le droit des marchés publics et de la commande publique, même après sa rénovation, demeure difficile dans sa mise en œuvre et compliqué dans son interprétation. Les procédures manquent souvent de souplesse et ont attiré les critiques des instances européennes, mais aussi des acteurs nationaux que sont les collectivités territoriales, les administrations ou les entreprises. Les enjeux financiers sont considérables. La commande publique est en effet estimée à 110 milliards d'euros par an, soit environ 9 % du produit intérieur brut, près de 90 % étant soumis au code des marchés publics. Un cadre rénové de la commande publique ne peut que favoriser une relance nécessaire de l'investissement public.

Le Conseil d'État, dans son Rapport public 2002, a souligné, en la matière, « l'impérieuse nécessité d'apporter aux collectivités publiques, comme aux opérateurs, la clarification et la sécurité juridique dont ils ont besoin et qu'ils sont en droit de revendiquer ». Le présent article habilite donc le Gouvernement à opérer une simplification et une harmonisation des procédures qui régissent la commande publique.

1. Le caractère insatisfaisant de l'état du droit

a) La refonte du code des marchés publics a entraîné des progrès certains

La réforme du code des marchés publics, sous contrainte du droit communautaire, est un « serpent de mer » de la réforme de l'État. Un premier « nettoyage » administratif était intervenu avec le décret du 15 décembre 1992 modifié par celui du 27 mars 1993, qui avait abrogé près d'une centaine d'articles de l'ancien code, en avait remplacé quarante et modifié quatre-vingts. Cependant, manquait une réforme globale. Elle a fait l'objet d'un important rapport, le rapport « Trassy-Paillogues » du 8 mars 1996, du dépôt d'un projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale le 20 mars 1997, avant que ne soit finalement de nouveau choisie la voie réglementaire, ce qui peut constituer une source de difficultés.

À la suite de la concertation engagée en avril 1999 sur la base d'un document d'orientation, le ministère chargé de l'économie et des finances a décidé de procéder à une première refonte des dispositions du code des marchés publics. Cette refonte a été opérée par le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001. Le nouveau code est entré en vigueur le 8 septembre 2001. Seul l'article 27, qui fixe les règles de détermination des seuils, n'est entré en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2002. Cette réforme a été complétée par l'adoption de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (murcef).

Un des aspects majeurs de la réforme consiste en l'unification des règles, qu'il s'agisse des règles applicables aux marchés de l'État et aux marchés des collectivités territoriales ou des dispositions d'origine communautaire et d'origine interne. Le champ d'application du code a été redéfini, en partie à partir de notions communautaires. Les règles générales de passation ont subi d'importantes modifications puisqu'une procédure a été supprimée (l'adjudication, tombée progressivement en désuétude) et une nouvelle procédure a été créée (la mise en concurrence simplifiée). Le droit de l'exécution des marchés a lui aussi connu quelques changements, les plus importants concernant le règlement du marché et la sous-traitance.

Par ailleurs, dans la logique de la simplification des formalités imposées aux entreprises et conformément aux vœux réitérés de la cosa, alors que l'ancien code exigeait nombre de formulaires, certificats, attestations, justificatifs, le nouveau code se fait plus souple. Le candidat peut fournir une déclaration sur l'honneur selon laquelle il a bien satisfait à ses obligations sociales et fiscales. Ce n'est que lorsqu'il est finalement attributaire du marché qu'il produit, dans un délai fixé par la personne publique, les certificats et justificatifs correspondants. S'il ne le peut pas, c'est l'entreprise suivante, dans l'ordre des candidats retenus, qui décrochera le marché : dès lors, autant s'assurer, dès l'avis d'appel à concurrence publié dans le journal d'annonces légales, que l'on détient tous les justificatifs.

Un dispositif plus précis relatif aux délais de paiement a été élaboré. Ainsi, un délai de paiement, contractuel ou global du marché (articles 12 et 96) a remplacé le très critiqué délai de mandatement, fondé sur l'ordre donné au comptable public de procéder au paiement du marché, ce qui ne permettait pas à l'entreprise de connaître la date du paiement effectif. Ce principe d'un délai de paiement effectif a été consacré par la loi « nre » du 15 mai 2001 : ses articles 54 et 55 obligent l'acheteur public à procéder au paiement des marchés dans un délai maximal dont le non-respect est sanctionné par des intérêts moratoires qui courent de plein droit et sans autre formalité à compter du jour suivant l'expiration dudit délai ; quand ces intérêts moratoires sont dus au titre du marché d'une collectivité locale en raison d'un retard imputable au comptable public, ils sont à la charge de l'État. Les décrets n° 2002-231 et n° 2002-232 du 21 février 2002 ont précisé la durée et les conditions d'application du délai global de paiement. Ce dernier est fixé à cinquante jours pour les marchés publics des établissements publics de santé des armées et à quarante-cinq jours pour tous les autres marchés publics ; toutefois des dispositions transitoires sont prévues pour les marchés passés par les collectivités locales qui bénéficient d'un délai de paiement de soixante jours jusqu'au 30 décembre 2002 puis de cinquante jours jusqu'au 30 décembre 2003.

La loi du 11 décembre 2001 dite « murcef » a permis de compléter utilement la réforme du code. Elle soumet aux règles du nouveau code des marchés publics les missions accomplies par les services de l'État, des départements et des régions au bénéfice des collectivités territoriales ou des établissements publics à l'exception de l'assistance technique apportée aux petites communes par les services de l'État. Elle qualifie sans équivoque les marchés publics de contrats administratifs et donne de ce fait compétence au juge administratif pour tout le contentieux relatif à ces derniers, dessaisissant le juge judiciaire des contentieux qui relevaient jusqu'alors de sa compétence dans le domaine des assurances et des services financiers. Le Conseil d'État a eu l'occasion de préciser cette règle dans un avis du 29 juillet 2002, Société MAJ Blanchisseries de Pantin. La loi « murcef » clarifie les dispositions applicables aux délégations de service public et ouvre aux communes qui ne disposent pas d'un réseau public de gaz naturel des possibilités élargies de concession de la distribution de gaz combustibles. Elle modifie la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance afin d'interdire la sous-traitance de la totalité d'un marché, de limiter la sous-traitance en chaîne, de protéger les sous-traitants d'un sous-traitant et d'obliger le soumissionnaire d'un marché public à déclarer tous ses sous-traitants à l'acheteur public.

Elle soumet à des mesures de publicité et à des procédures de mise en concurrence la passation des marchés de certains pouvoirs adjudicateurs tels un groupement de droit privé formé entre des collectivités publiques, la Banque de France, certains établissements publics à caractère industriel ou commercial de l'État ou certains groupements d'intérêt public. Elle permet la délégation du conseil municipal au maire pour préparer, passer, exécuter et régler les marchés publics passés sans formalités préalables en raison de leur montant. Cette même délégation de pouvoirs est autorisée au profit des présidents de conseil général et de conseil régional. Elle dispense les marchés passés sans formalités préalables en raison de leur montant de l'obligation de transmission au représentant de l'État et prévoit la réservation d'un quart des lots d'un marché faisant l'objet d'un allotissement à certaines coopératives et associations.

b) Le droit de la commande publique excède le champ du seul code des marchés publics

Le droit des marchés publics excède très largement aujourd'hui le champ du code. Les textes législatifs, traditionnellement peu nombreux en la matière, se sont multipliés au cours des dernières années. Après la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, dite « loi mop », est intervenue la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de concurrence, en particulier les marchés publics d'organismes considérés comme des pouvoirs adjudicateurs par le droit communautaire, à l'exemple des personnes privées agissant pour le compte de personnes publiques ou pour l'exécution du service public. La loi de 1991 a été complétée, dans certains secteurs d'activité, par la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 pour les marchés passés, dans les secteurs spéciaux, par des personnes non soumises au code des marchés publics, d'autres lois ayant institué des recours juridictionnels adaptés aux exigences des marchés publics.

Le dispositif d'ensemble a été précisé par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », qui, d'une part, définit le régime de la délégation de service public, codifié pour les collectivités locales aux articles L. 1411-11 et suivants du code général des collectivités territoriales, avalisé par la Commission européenne dans une communication d'avril 2000 (35) et par un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes en décembre 2000 (36), et, d'autre part, soumet à des règles de publicité et de concurrence les marchés conclus pour l'exécution du service public par les sociétés d'économie mixte (sem) et ceux des organismes privés d'habitations à loyer modéré. L'article 70 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a assoupli les conditions de prolongation des conventions de délégation et allégé les formalités préalables dans le cas où le montant total des sommes perçus par le délégataire est inférieur à 106 000 euros. La loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public est venue préciser certaines règles en regard du droit communautaire.

Des personnes privées sont désormais soumises à des règles de publicité et parfois à des procédures de mise en concurrence dans la passation de leurs propres marchés, qu'il s'agisse des marchés des concessionnaires, de ceux conclus par des organismes privés pour l'exécution du service public ou la construction d'ouvrages du génie civil ou des marchés des sem.

La multiplication des textes a conduit à la création d'une réglementation complexe, surabondante, catégorielle, casuistique même, que la refonte du seul code des marchés publics n'a pas suffi à corriger.

c) Le nouveau code des marchés publics est lui-même contesté dans certaines de ses dispositions

Le nouveau code des marchés publics est contesté par la Commission européenne. Cette dernière a ainsi demandé à la France de le modifier, afin de le rendre conforme aux directives « marchés publics » et au traité instituant la Communauté européenne. Cette demande, en date du 17 octobre 2002, formulée sous forme d'avis motivé, constitue la deuxième étape de la procédure de l'article 226 du traité précité. Si les autorités françaises ne s'y conforment pas, la Commission peut décider de saisir la Cour de justice.

Les points litigieux concernent essentiellement les marchés de maîtrise d'œuvre de l'État et porte notamment sur le fait que trop de contrats (les contrats de mandat, les achats d'œuvres d'art et les contrats conclus avec des personnes bénéficiant de droits exclusifs) sont exclus du champ des marchés publics. Par ailleurs, les seuils français ne seraient pas conformes à ceux prévus par les directives « services » et trop de marchés sont dispensés de l'obligation de mise en concurrence. Selon la Commission, les motifs sociaux ne peuvent justifier que telle ou telle catégorie de contrat relève d'un régime concurrentiel allégé. Elle estime que « les marchés de définition » ne sont pas spécifiques. Elle relève ensuite que le code français autorise le recours au marché négocié sans publicité préalable alors que cela n'est pas autorisé par les directives, notamment lorsque le titulaire d'un précédent marché fait preuve de défaillance et doit être remplacé. Les dispositions du code relatives à la pré-information et aux variantes constitueraient une transposition erronée des dispositions des directives. Enfin, les modes de preuve de la situation régulière des soumissionnaires européens ne seraient pas conformes au droit communautaire faute de prévoir des formes alternatives, par exemple, une déclaration sous serment, tandis que le nombre de candidats admis à se présenter à une offre en cas d'appel d'offres restreint apparaît imprécis.

La légalité de certaines dispositions du nouveau code a été contestée devant le Conseil d'État. Ainsi, un texte de nature réglementaire peut-il contraindre les collectivités locales dans le choix de leurs procédures de passation de marché ? De la même façon, les collectivités locales peuvent-elles, par le biais des contrats de mandat, traiter avec leur sem sans mise en concurrence préalable ? Dans un arrêt du 5 mars 2003, le Conseil d'État a répondu positivement à la première question, mais a relevé, en revanche, que les contrats de mandat devaient obéir aux règles posées par le code des marchés publics. Sur ce point de divergence avec la Commission européenne, la question est donc d'ores et déjà réglée par la jurisprudence. Il serait bon de l'intégrer dans notre droit.

2. Le bien-fondé d'une réforme

a) Une habilitation pour opérer une série d'ajustements immédiats

Devant ces risques, il convient d'adopter de nouvelles dispositions dans le domaine législatif, touchant en particulier la loi du 3 janvier 1991 et la loi du 29 janvier 1993 précitées. Parallèlement, devra être engagée la réforme réglementaire du code des marchés publics proprement dit. Elle devra s'inscrire dans la ligne définie par le Conseil européen en mai (secteurs non « spéciaux ») et septembre 2002 (secteurs « spéciaux » : eau, énergies, télécommunications, transport), sur la voie d'une plus grande transparence dans la passation de marchés dans les services publics. La politique européenne, dans ce domaine, s'attache à définir un processus d'adjudication plus transparent, à fixer des critères plus lisibles d'adjudication des marchés et de sélection des soumissionnaires et à simplifier la soumission par voie électronique.

Il conviendrait, par ailleurs, d'intégrer dans notre droit l'ensemble des directives communautaires relatives à la commande publique, ce qui implique de clarifier les règles applicables à des organismes qui ne sont pas aujourd'hui soumis au code des marchés publics, mais qui sont concernés par les dispositions communautaires. C'est le cas notamment des sem, soumises à la loi du 29 janvier 1993 précitée et aux règles communautaires mais pas au code des marchés publics, et des sociétés d'habitation à loyer modéré, pour certaines de leurs opérations. L'alignement des textes qui régissent ces catégories d'organismes sur les règles du code des marchés leur permettra de simplifier leur paysage et de « sécuriser » les procédures. De la même manière, il conviendrait d'ajuster le champ d'application exact des directives communautaires. Par exemple, France Télécom, compte tenu des changements intervenus dans son statut et dans le secteur des télécommunications depuis la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, ne devrait plus être soumis au code des marchés publics, contrairement à ce qui est indiqué dans la loi du 3 janvier 1991 précitée.

Il s'agit là d'un travail de grande ampleur, tant notre droit d'entreprendre a besoin d'être simplifié et harmonisé, de façon à devenir un outil moderne de gestion des entreprises et tant le foisonnement et la complexité des nombreuses dispositions ne semblent plus aujourd'hui avoir réellement de cause. Il faut rappeler le projet de code des marchés et des contrats d'intérêt général, né au début des années 1990, et qui avorta sous le double effet de l'examen, concomitant, d'une loi sur la prévention de la corruption et d'un projet de code des marchés publics.

Les ordonnances devront clarifier et rendre juridiquement plus sûre la transposition du droit communautaire, sans pour autant imposer de nouvelles contraintes. Le ministère de l'économie, dans une réponse à une question écrite de notre collègue Jacques-Alain Bénisti en date du 27 janvier 2003, a pu indiquer que « sensible aux difficultés rencontrées par les acheteurs publics dans l'application de l'article 27 (du code des marchés publics) ou de la nomenclature qui lui est associée, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, après avoir demandé un bilan de leur mise en œuvre, a souhaité que soit uniformisé et simplifié le régime d'appréciation des seuils des marchés de fournitures et de services prévu à l'article 27. Par ailleurs, afin de transposer en droit national les souplesses offertes par le droit communautaire, il est envisagé de supprimer le seuil actuel de 90 000 euros afin de retenir uniquement les seuils inscrits dans les directives "marchés publics" en dessous desquels les acheteurs publics peuvent passer des marchés sans formalités préalables. Ainsi, la réforme du code des marchés publics, en cours de préparation, aura pour seul objet l'allégement des contraintes qui pèsent sur les acheteurs publics. Le niveau de contrainte juridique qui résulte directement de l'application des textes communautaires doit seul subsister. »

Pourrait également être réglée une question de procédure. Lorsqu'un candidat à une délégation de service public présente un dossier, il a la possibilité de régulariser, à la demande de la collectivité publique délégataire, des éléments de son dossier de présentation. En matière de marchés publics, l'absence d'une pièce suffit à disqualifier le dossier. Il serait peut-être utile de prévoir un alignement, sur ce point, de la procédure des marchés publics sur celle de la délégation.

Les ordonnances pourraient permettre de faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics, conformément aux préconisations établies, le 14 janvier 2003, par le groupe de travail réuni autour de notre collègue Xavier de Roux par le secrétaire d'État chargé aux petites et moyennes entreprises.

b) La nécessité de prévoir, à terme, une refonte globale du droit de la commande publique

Au-delà de la simplification de certaines règles, il conviendrait de réunir dans un seul code l'ensemble des règles régissant la commande publique. Ce vœu avait déjà été émis par le groupe de travail institué par M. Philippe Séguin, alors président de l'Assemblée nationale, en 1994 (37). La question se pose alors d'une codification à droit constant ou à droit variable. Le regroupement de l'ensemble des règles régissant les contrats conclus dans le but de satisfaire un besoin public, quelle que soit la qualité des personnes qui contractent avec les entreprises et quelle que soit la nature de l'opération (marché, délégation de service public, contrat complexe), conduira à revoir la stratification des régimes applicables, dont la juxtaposition ne permet pas à l'opérateur de dégager des principes clairs.

Une réforme globale du droit de la commande publique devrait se fonder sur la définition d'un tronc commun de règles de transparence et de mise en concurrence, applicables à la définition des besoins de la collectivité, à la décision de recourir à une entreprise pour les satisfaire, à la publicité de cette décision, à l'examen des propositions des entreprises, à la publication du nom du cocontractant choisi, au suivi de l'exécution et aux modalités de contrôle de la commande et, enfin, aux recours juridictionnels et sanctions liées à la violation de ces règles.

Dans son douzième rapport relatif à l'année 2001, la commission supérieure de codification relevait qu'un « code de la commande publique, intégrant le nouveau code des marchés publics, devra sans doute être conçu ». Ce nouvel outil pourrait intégrer les autres dispositions concernant la commande publique, en particulier celles des lois des 3 janvier 1991 et 11 décembre 1992 précitées, ainsi que celles de leurs textes d'application. Le décret du 26 mars 1993 relatif aux sem pourrait également être inséré dans le nouveau document.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4

Contrats de coopération entre personnes de droit public
et personnes de droit privé

Longtemps, l'État a fait preuve d'un grand conservatisme juridique en matière d'occupation des locaux et de construction. Les règles fixées par la loi « mop » du 12 juillet 1985 précitée s'avèrent d'un maniement délicat et contribuent à allonger les délais de réalisation des équipements les plus complexes. Entre les marchés publics et la délégation de service public, il existe une place à prendre pour des contrats d'un type nouveau, complexe, de long terme, alliant conception, réalisation et maintenance, dans lequel l'exploitant, qui peut être une personne privée, est rémunéré par la personne publique, dans un cadre respectueux des principes de transparence et de contrôle.

Des progrès importants ont été introduits, par les articles 2 et 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et par l'article 3 de la loi du 9 septembre 2002 précitée d'orientation et de programmation pour la justice, en faveur de la construction des gendarmeries, des commissariats, des palais de justice ou encore des établissements pénitentiaires. L'objectif du présent article est de permettre au Gouvernement d'étendre, au besoin en les adaptant, ces nouvelles procédures à de nouveaux besoins et de nouvelles administrations.

1. Un cadre juridique rigide

Pour gérer au mieux leur domaine et réaliser et entretenir des équipements de plus en plus complexes à coût contrôlé, dans des délais rapides, les personnes publiques ont disposé longtemps de peu de moyens. Enserrées dans une alternative marché public-délégation de service public, elles ont développé des outils incertains juridiquement ou d'un maniement délicat, à l'exemple des metp ou des baux emphytéotiques administratifs.

- Des règles légales strictes

La loi « mop » du 12 juillet 1985 pose comme principe, notamment dans ses articles 7 et 18, un découpage strict des opérations d'équipement public en plusieurs tranches, chacune étant mise en œuvre par une personne distincte.

L'article 7 dispose que, pour la réalisation de l'ouvrage, la mission de maître d'œuvre doit être distincte de celle de l'entrepreneur. Elle ne permet donc pas l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage dans un couple concepteur-constructeur. Or, la complexité représentée par certaines constructions exigerait que ces deux fonctions soient réunies au sein d'une même structure.

Une dérogation est cependant apportée par l'article 18, qui prévoit que « le maître de l'ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, lorsque des motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage ». Cette dérogation est cependant limitée, d'un triple point de vue. En premier lieu, sa mise en œuvre est soumise à la présence de motifs d'ordre technique, dont le contenu est précisé dans l'article premier du décret n° 93-1270 du 29 novembre 1993 portant application de l'article 18 : « Sont concernées des opérations dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en œuvre ainsi que des opérations dont les caractéristiques intrinsèques (dimensions exceptionnelles, difficultés techniques particulières) appellent une exécution dépendant des moyens et de la technicité des entreprises. » En deuxième lieu, cette exception n'intéresse que les groupements ou personnes de droit privé. Enfin, l'article 18 ne concerne pas les opérations d'aménagement.

Ces contraintes pèsent immanquablement sur les délais de réalisation des équipements sous maîtrise d'ouvrage publique. Ainsi, le découpage de l'opération de construction d'un bâtiment en plusieurs phases distinctes et les procédures particulières de choix du maître d'œuvre, puis des entreprises, ne permettent pas actuellement de livrer un ouvrage immobilier dans un délai inférieur à cinq ou six ans selon la taille du projet.

- Un assouplissement pratique contesté : le marché d'entreprise de travaux publics (METP)

Face à la rigidité des règles existantes, certaines personnes publiques ont recouru à des contrats non prévus par le code des marchés publics et qui ne sont pas assimilables à des délégations de service public. La jurisprudence administrative, éprouvant quelque difficulté à qualifier de tels contrats, hésite toujours entre la tendance à les requalifier en marché public bénéficiant d'une dérogation aux conditions de paiement prévues par le code, à les requalifier de délégation de service public, ou à reconnaître la validité de contrats complexes comprenant à la fois la construction d'un ouvrage et sa maintenance moyennant des conditions de paiement qui ne sont ni celles des marchés publics, ni celles des délégations de service public.

C'est le cas des metp, issus d'arrêts du Conseil d'État (38) et dont la finalité est plus claire que les modalités de mise en œuvre, qui ont conduit, certes, à privilégier une nouvelle approche de la réglementation fondée sur les objectifs plutôt que sur des catégories d'opérations, mais aussi à troubler le jeu des relations entre personnes publiques et partenaires privés. Par le biais de ce type de contrat, l'entreprise chargée de construire un ouvrage était également chargée de l'exploiter et bénéficiait d'une rémunération versée par la collectivité publique pendant la durée d'exécution du contrat. Ainsi s'est progressivement mise en place une catégorie de contrats spéciaux qui n'étaient ni des concessions, puisqu'ils ne donnaient pas lieu à une redevance versée par l'usager, ni des marchés publics car ils s'affranchissaient des règles de paiement prévues par le code.

Devant ces incertitudes, le nouveau code des marchés publics a remis en cause l'existence de tels contrats, puisque, dans son article 10, il impose le recours à l'allotissement pour les marchés ayant à la fois pour objet la construction et l'exploitation ou la maintenance d'un ouvrage. Dans ce cas, la construction fait obligatoirement l'objet d'un lot séparé. Si la passation de tels contrats demeure possible, sous réserve du principe d'interdiction des paiements différés posé à l'article 94 du code précité, c'est à la condition qu'une mise en concurrence ait été organisée à deux niveaux : pour l'attribution du lot portant sur la construction d'une part, pour l'attribution du lot portant sur l'exploitation ou la maintenance, d'autre part. En pratique, cela signifie qu'une entreprise ne peut être certaine de se voir attribuer le marché dans son ensemble, cela d'autant moins que le code interdit aux candidats de présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus.

- Un instrument alternatif complexe : le bail emphytéotique administratif

Un autre instrument que les metp a été utilisé pour des opérations complexes : le bail emphytéotique administratif. C'est un instrument complexe qui permet à une collectivité territoriale de passer un contrat de louage d'immeuble, dont la durée exceptionnellement longue, comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans, confère au locataire un droit réel sur le bien.

Les personnes publiques y ont recouru pour obtenir un financement privé de leurs équipements publics, en particulier pour la réalisation et l'exploitation d'usines d'incinération des déchets. Mais son régime juridique, sophistiqué, est aussi incertain. En principe, les dispositions du code des marchés publics ne lui sont pas applicables (Conseil d'État, section, 25 février 1994, S.A. Sofap-Marignan Immobilier et autres). Mais, si le bail est conclu en combinaison avec une convention dont l'objet porte sur la conception, la réalisation et l'exploitation d'un ouvrage public, il doit être regardé comme un METP, soumis au code des marchés publics (Conseil d'État, 9 décembre 1996, Préfet du Gard). Et, si le bail a pour objet la construction d'un bâtiment par une société rémunérée par l'exploitation de l'ouvrage pendant la durée du bail, ce dernier doit être regardé comme une concession de travaux publics, ce qui le fait entrer dans le champ de compétence du référé précontractuel régi par les articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative (Conseil d'État, assemblée, 10 juin 1994, Commune de Cabourg).

2. Des avancées récentes

a) La création de contrats de conception-réalisation-maintenance dans certains secteurs

Des exceptions ont cependant été apportées dans notre droit. Ainsi, l'article 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, modifié par l'article 3 de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice précitée, permet de confier à une personne morale de droit privé ou de droit public une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement (mobilier) d'établissements pénitentiaires. Ces contrats « globaux » présentent un triple avantage : d'abord, un prix fixe sur lequel s'engage le partenaire privé est connu dès le début du contrat ; ensuite, cette méthode permet une meilleure coordination entre les concepteurs, à savoir les architectes, les réalisateurs, c'est-à-dire les ingénieurs et les entreprises de travaux publics, et enfin les responsables de l'entretien ; les délais sont raccourcis, parce que l'administration n'est pas contrainte de multiplier les procédures de sélection à chaque étape, avec le cumul des risques d'appels d'offre infructueux ou de contentieux que cela implique. En définitive, cette procédure permet des économies d'échelle et une utilisation optimale des deniers publics.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 Loi d'orientation et de programmation pour la justice, a considéré qu'« en dérogeant, pour les marchés en cause, aux articles 7 et 18 de la loi du 12 juillet 1985 et à l'article 10 du code des marchés publics, le législateur n'a porté atteinte à aucune règle ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ». Il a ajouté, à propos des pme, que « les dispositions critiquées, qui ont pour objet de faciliter et d'accélérer la construction des établissements pénitentiaires, ne portent pas atteinte, par elles-mêmes, au principe d'égalité d'accès à la commande publique ; qu'au demeurant, l'article 3 de la loi déférée prévoit la possibilité, pour les petites et moyennes entreprises, de se grouper pour présenter une offre commune ; qu'il n'écarte pas la faculté pour l'État, maître d'ouvrage, d'allotir le marché ; que, ne privant pas le titulaire du marché du droit de recourir à la sous-traitance, il permet aux petites et moyennes entreprises d'accéder par cette voie à la commande publique. »

Les dérogations aux règles fixées par la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique valables pour les établissements pénitentiaires ont été étendues, par l'article 3 de loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure précitée, à la construction des commissariats et des gendarmeries. Ainsi, depuis lors, l'État est autorisé à passer avec une personne ou un groupement de personnes, de droit public ou privé, un marché unique portant à la fois sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance d'immeubles affectés à la police ou à la gendarmerie nationales. Il s'agit de permettre à l'État de construire plus vite et à moindre coût, tout en assurant une gestion plus performante de ses bâtiments.

b) Le développement de la maîtrise d'ouvrage privée

L'article 3 de la loi du 29 août 2002 précitée a autorisé le préfinancement privé des bâtiments construits pour les besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales sur le domaine public de l'État. À cette fin, il introduit deux nouveaux articles dans le code du domaine de l'État : l'article L. 34-3-1, qui crée un dispositif spécifique de location avec option d'achat, et l'article L. 34-7-1, qui autorise le recours au crédit-bail.

L'article L. 34-1 du code du domaine de l'État autorise la délivrance d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public conférant à leurs titulaires des droits réels sur les constructions immobilières réalisées pour l'exercice de l'activité autorisée par le titre d'occupation. Sur la base de cet article, l'État délivre à des opérateurs privés une autorisation d'occupation temporaire de son domaine public en les chargeant de construire des bâtiments qu'il prend ensuite à bail avec une option d'achat. Le nouvel article L. 34-3-1 autorise explicitement l'État à accorder des autorisations d'occupation temporaire de son domaine public à des personnes privées pour conclure ensuite avec elles des baux portant sur des bâtiments à construire. Il précise que ces baux comporteront une option d'achat permettant à l'État d'acquérir les bâtiments avant le terme fixé par l'autorisation d'occupation. Cette précision est nécessaire puisque, à l'heure actuelle, l'article L. 34-3 du code du domaine de l'État prévoit uniquement la remise gratuite à l'État des constructions édifiées par le titulaire de l'autorisation temporaire à l'échéance de celle-ci.

Le loyer versé par l'État pour la location des bâtiments construits peut être fixé en tenant compte de l'amortissement financier et de l'investissement effectué par le bailleur et non seulement par référence au marché locatif local. La valeur de rachat des bâtiments est égale au coût global de l'opération moins les loyers déjà versés. Ces nouvelles possibilités de calcul du loyer versé par l'État rendent le recours aux autorisations temporaires d'occupation du domaine public beaucoup plus incitatif. La conclusion du bail à construire est précédée d'une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable. Cette précision est essentielle puisque ni la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique, ni le code des marchés publics, qui ne concerne pas les contrats de location, n'ont vocation à s'appliquer en l'espèce.

Le nouvel article L. 34-7-1 du code du domaine de l'État autorise le financement par crédit-bail des constructions qui sont édifiées sur la base du nouvel article L. 34-3-1 de ce code. Cette disposition déroge à l'article L. 34-7 qui interdit le recours à ce mode de financement pour les ouvrages affectés à un service public et aménagés à cet effet ou directement affectés à l'usage du public ainsi que pour les travaux exécutés pour une personne publique dans un but d'intérêt général.

La possibilité de recourir au crédit-bail, précédemment réservée aux constructions à usage privé, a été introduite par la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l'État et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public. On rappellera brièvement que le crédit-bail (leasing) est une technique de financement des investissements mobiliers ou immobiliers principalement utilisée par les entreprises commerciales et industrielles. Ainsi, le propriétaire d'un immeuble peut en concéder l'usage, à titre professionnel, à une entreprise utilisatrice qui pourra l'acquérir à l'issue d'une période irrévocable de location, moyennant un prix forfaitaire convenu au moment du contrat et qui tient compte du montant des loyers s'appliquant pendant la période de location. La durée de la location correspond en principe à la période d'amortissement fiscal des biens. Le montant du prix de vente de l'immeuble (ou valeur résiduelle) doit toujours être précisé dans le contrat ; il est souvent symbolique.

Dans le cadre de l'article L. 34-7-1 précité, le contrat de crédit-bail doit comporter des clauses permettant de préserver les exigences du service public. Cette disposition permet à l'État de charger directement un organisme de crédit-bail de la construction des bâtiments destinés aux besoins de la justice, de la gendarmerie et de la police nationales. Elle autorise également une entreprise privée chargée de la construction de ces bâtiments à recourir au crédit-bail.

Un dispositif identique a été mis en place, de manière temporaire, par la loi du 29 août 2002 précitée en faveur des collectivités locales, qui sont désormais encouragées à prendre part au financement et à la construction d'opérations
immobilières concernant des bâtiments affectés à l'usage de la police et de la gendarmerie nationales afin de démultiplier l'effort de l'État. Ainsi, a été créé un nouvel article L. 1311-4-1 dans le code général des collectivités territoriales, qui s'inspire du dispositif prévu par la l'article 18 de la loi n° 90-587 du 4 juillet 1990 pour les bâtiments de l'enseignement supérieur. Il autorise les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à construire, acquérir ou rénover, y compris sur leur domaine public, des bâtiments destinés à être mis à disposition de l'État pour les besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie nationales. L'article L. 1311-4-1 déroge donc à l'article 2 de loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique, selon laquelle le maître de l'ouvrage est la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit.

Par parallélisme avec les dispositions introduites pour les opérations réalisées sur le domaine public de l'État, le dernier alinéa de l'article L. 1311-4-1 précise que les constructions initiées par les collectivités territoriales peuvent faire l'objet de contrats de crédit-bail. Ces contrats devraient également comporter des clauses permettant de préserver les exigences du service public.

Par ailleurs, l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales permet aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de conclure, avec des personnes privées, des baux emphytéotiques sur des dépendances du domaine public, en vue de l'accomplissement, pour leur compte, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de leur compétence. Il ouvre aux collectivités territoriales la faculté de recourir à ces baux, à titre transitoire, jusqu'au 31 décembre 2007, pour des opérations immobilières liées aux besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie nationales. Il s'agit, là encore, de faciliter le préfinancement privé des opérations immobilières envisagées par les collectivités territoriales et de permettre le recours au crédit-bail. En effet, les baux emphytéotiques prévus à l'article L. 451-1 du code rural, dont la durée est comprise entre dix-huit et quatre-vingt dix-neuf ans, confèrent au preneur privé un droit réel sur une dépendance du domaine public qu'il peut hypothéquer pour garantir les emprunts contractés en vue de financer la réalisation ou l'amélioration des ouvrages qu'il est chargé de construire.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002, a validé les innovations apportées par cette loi en matière de propriété publique.

3. La nécessité d'élargir les réformes

Les personnes publiques ont besoin d'un outil moderne, plus souple que les marchés publics, plus large que les délégations de service public, dont le régime restera à définir en ce qui concerne ses règles de passation, d'exécution, de contrôle, de résiliation.

Dans cette logique, l'idée de développer les contrats de conception-réalisation-maintenance ainsi que le recours au crédit-bail a été reprise par le ministre chargé de la santé, qui, lors de la présentation du plan « Hôpital 2007 », le 20 novembre 2002, a déclaré que, dans la construction des établissements de santé, « L'intervention des entreprises privées sera facilitée. J'ai proposé de modifier les textes pour faciliter l'implication des personnes privées, des collectivités territoriales et des sociétés d'économie mixte dans les opérations de construction et d'aménagement immobilier à l'hôpital. » En effet, le niveau de vétusté des bâtiments et équipements hospitaliers, estimé à 68 %, a justifié la mise en place d'un programme d'investissement supplémentaire de 6 milliards d'euros sur cinq ans. Comme pour la programmation relative aux commissariats et aux gendarmeries et pour celle relative à la justice, la mise en œuvre de sommes très importantes dans des délais contraints nécessite de repenser les procédures.

Cette mesure souhaitée pour le secteur hospitalier pourrait être étendue à de nombreux autres secteurs d'intervention de la puissance publique et servir de fondement à la création d'une nouvelle forme de contrat de coopération entre personnes publiques et personnes privées, hors les cas de marchés publics et de délégations de service public.

Cette extension des procédures jusque là admises pour les secteurs limités de la police et de la justice devra obéir au principe de transparence et s'accompagner de l'institution de règles de contrôle dans le choix du prestataire, le mode de rémunération et la qualité des prestations, conformément à la réglementation communautaire. Par exemple, si une collectivité locale souhaite recourir à ce type d'instruments, il conviendra de prévoir des dispositifs juridiques qui permettent à l'assemblée délibérante de se prononcer de manière séparée sur le choix du prestataire et sur le coût du contrat, notamment sur celui de l'intermédiation financière. De la même façon, il faudra définir un régime clair pour les avenants. Sur ce point, un compromis devra être trouvé entre la nécessité pour le concepteur-réalisateur-exploitant de bénéficier d'une certaine stabilité et celle pour la personne publique d'assurer une certaine adaptation du service à l'évolution des besoins. De la même façon, un équilibre devrait être trouvé entre des critères encadrés de choix du prestataire et une liberté de négociation.

Pourrait également être réglée la question de la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée, aussi bien pour les collectivités locales, qui ne peuvent aujourd'hui récupérer cette taxe sur les dépenses de fonctionnement, que pour les ministères qui doivent, lorsqu'ils assurent le paiement d'un exploitant qui a obtenu une délégation, payer l'équivalent de la taxe sur la valeur ajoutée au ministère des finances.

Dans le développement des marchés de conception-réalisation-maintenance, les architectes conservent leur rôle. Le développement de marchés globaux n'interdira pas non plus aux pme d'y participer, soit par le jeu de la sous-traitance, soit directement parce que leur compétence en matière de maintenance est souvent reconnue. Il serait peut-être utile à cette occasion de se pencher plus avant sur la définition de règles plus protectrices des sous-traitants. Le rapporteur fait observer, par ailleurs, que les marchés globaux ne porteront pas nécessairement que sur des équipements très lourds. Sur les opérations plus modestes, les pme sauront faire valoir leurs avantages comparatifs. Mais, plus généralement, il en va de l'accès des pme comme de l'accès des créateurs d'entreprise aux marchés publics. M. Jean-Marie Bockel l'a rappelé dans son rapport sur la simplification de la vie des entreprises de 2001 : « ce n'est pas par la voie réglementaire que peut être créé un environnement positivement favorable à l'accès des créateurs d'entreprises aux marchés publics. En effet, au-delà du seuil du gré à gré, les donneurs d'ordre sont liés par des procédures strictes d'appel à la concurrence. En deçà de ce seuil, leur liberté de choix est plus grande, mais elle doit demeurer inspirée par le désir d'obtenir au meilleur prix des prestations satisfaisantes. C'est, en réalité, en sensibilisant les acheteurs publics à l'importance que l'obtention d'un marché peut avoir pour une petite entreprise (...) qu'il convient d'agir. » (39)

Dans le paysage complexe de la commande publique, les nouveaux instruments que le Gouvernement sera habilité à créer doivent trouver une place claire entre les marchés publics, les délégations de service public et les différents contrats domaniaux. Il faut éviter le tracé flou de frontières qui ont pu conduire, par le passé, à confier au seul juge la qualification de tel ou tel contrat. Les règles de passation sont aujourd'hui satisfaisantes du point de vue de la transparence. En amont, il faut trouver le moyen d'enrichir la réflexion que chaque commanditaire doit avoir sur le mode de gestion approprié à l'opération qu'il souhaite lancer. En aval, il faut trouver le moyen, pour le commanditaire et le citoyen, de mieux contrôler l'exécution des contrats et notamment son coût, la qualité des prestations et le respect des exigences du service public.

Après avoir adopté deux amendements d'ordre rédactionnel du rapporteur (amendements nos 7 et 8), la Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5

Législation fiscale et modalités de recouvrement de l'impôt

Le présent article étend les principes de simplification et d'allégement à la matière fiscale. Il prévoit de permettre au Gouvernement d'harmoniser les dates de paiement et de supprimer certains acomptes, d'abroger des dispositions et formalités obsolètes ou sans objet, d'assouplir des modalités d'option pour des régimes fiscaux spécifiques, d'alléger les démarches des usagers et de réduire les obligations déclaratives, de simplifier et d'alléger certaines modalités de recouvrement et, enfin, de clarifier les différentes formulations des actes administratifs liés à l'assiette et au recouvrement de l'impôt.

a) Un besoin urgent de simplification de la matière fiscale

- Un constat peu flatteur

Le Conseil d'État, dans son Rapport public pour 1991, relevait que « la partie législative du code général des impôts et du livre des procédures fiscales s'est alourdie de 35 % en quinze ans ». M. Patrice Maynial, dans son rapport de 1997 sur « Le droit du côté de la vie : réflexions sur la fonction juridique de l'État », rappelait que le code général des impôts pouvait connaître jusqu'à mille modifications par an. Entre 1990 et 2000, 881 articles ont été créés dans le code général des impôts et dans le livre des procédures fiscales, 3 177 articles ont été modifiés, tandis que 520 ont été abrogés. Pour l'édition 2000, la mise à jour du code général des impôts et du livre des procédures fiscales a concerné 981 articles sur 5 000, tandis que 112 ont été créés et 142 abrogés, 124 sont devenus sans objet et 19 étaient périmés.

La législation fiscale et les modalités de recouvrement de l'impôt constituent un point nodal de la simplification administrative. Elles sont à la fois à la pointe des préoccupations simplificatrices des gouvernements qui se sont succédé et l'objet d'une grande complexité.

Nombreux sont les rapports qui ont constaté la nécessité de dénouer la complexité fiscale, à l'exemple des rapports du conseil des impôts, en particulier le Vingtième rapport au Président de la République sur les relations entre les contribuables et l'administration fiscale de 2002, du rapport de M. André Ferrand, sénateur, sur l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises du 14 juin 2001 ou encore du rapport du groupe de travail présidé par MM. Thierry Bert et Paul Champsaur, sur la réforme du ministère de l'économie, intitulé Mission 2003 et publié en janvier 2000. Le présent article autorise le Gouvernement à procéder, par ordonnance, à la mise en œuvre de certaines des recommandations de ces travaux. Il permet la déclinaison, dans un secteur particulier des relations entre l'administration et les usagers, des principes généraux visés par l'article premier du présent projet de loi.

La norme fiscale elle-même est en cause. Le conseil des impôts, dans le rapport précité, considère que les contribuables ne sont pas suffisamment associés à la réflexion sur la norme fiscale et que la codification du droit fiscal n'en garantit pas l'intelligibilité. Il relève que le vocabulaire y est parfois désuet, que la rédaction est souvent obscure, que de nombreux articles ont perdu leur cohérence et que des renvois innombrables et quasi systématiques nuisent à la lisibilité du texte. Il rappelle que le foisonnement de la doctrine administrative porte atteinte à la sécurité juridique que peuvent attendre les citoyens.

- Des avancées à la marge

Certes, des progrès ont été réalisés. La loi de finances pour 2000, dans ses articles 30 et suivants, a supprimé près de quarante-neuf taxes, droits de timbre ou taxes assimilées, à l'exemple de la taxe forfaitaire annuelle sur les services de communication audiovisuelle, de la taxe sur les livraisons de postes émetteurs-percepteurs fonctionnant sur les canaux banalisés, de diverses taxes pesant, en sus du droit de licence, sur les débits de boissons, de la taxe sur les jeux de boules et de quilles, du prélèvement spécial sur les bénéfices réalisés à l'occasion de la création d'une force de dissuasion nucléaire et du droit d'inscription au baccalauréat, et ce pour un coût limité à 22,5 millions d'euros.

Certains services fiscaux ont initié des projets facilitant la vie des contribuables. Ainsi, dans plusieurs directions des services fiscaux a été expérimentée l'idée d'un correspondant fiscal spécial pour les entreprises nouvelles afin de faciliter, notamment, le traitement rapide des demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée. Dans une mesure plus ample, le ministre de l'économie a récemment annoncé la mise en place en 2004 d'un interlocuteur fiscal unique pour les entreprises.

- Des conditions favorables à une réforme plus large

Trois facteurs permettent d'engager utilement cette réforme indispensable : l'administration fiscale a été autorisée par la loi à utiliser un identifiant unique pour simplifier les procédures d'assiette et de recouvrement de l'impôt ; la généralisation des nouvelles technologies et de la communication « fluidifie » les relations avec les contribuables et entre les différents services ; enfin, le rapport d'analyse comparative des administrations fiscales établi en 1999 par l'inspection générale des finances a démontré, à partir d'observations effectuées dans neuf pays de l'ocde, le retard pris par l'administration fiscale française dans le traitement de l'impôt (40). Le nouveau modèle italien, mis en place en 1998, apparaît à cet égard particulièrement en avance : les particuliers transmettent leur déclaration unique à l'administration fiscale par voie électronique. Ils remettent à leur banque un formulaire de versement unique, valable pour tous les impôts. Les données du versement sont saisies par les banques. Par voie électronique, elles transmettent les fonds à la banque d'Italie qui crédite le compte de l'État et les données électroniques sur les paiements à l'administration fiscale, qui crédite le compte des contribuables.

La réforme initiée par le présent projet de loi doit tendre à ne plus faire du contribuable une « balle de ping-pong » comme l'avait qualifié la Mission 2003. Les démarches doivent être allégées. La complexité procédurale est fortement dénoncée et parfois considérée comme injuste. Le caractère à la fois flou et contraignant des procédures de déclaration, mais surtout de réclamation, impliquant de multiples justificatifs à tout propos - une lettre recommandée est exigée pour contester une taxation indue dans le cas de la redevance audiovisuelle -, éloigne les services fiscaux des usagers. La complexité procédurale des changements est une autre constante des remarques des usagers, surtout lorsqu'elle se combine avec le transfert nécessaire d'un dossier de mensualisation. Le principe de la déclaration unique du changement d'adresse, qui pourrait être posé par les ordonnances visées à l'article premier du présent projet de loi, trouverait sa pleine utilité dans le domaine fiscal. De la même façon, la demande de duplicata d'avis de non-imposition, qui ne peuvent être demandés par téléphone et envoyés par courrier, mais dont les détenteurs sont souvent privés par des organismes sociaux qui en exigent les originaux, contrairement aux réglementations en vigueur, relève plus de l'univers kafkaïen que de l'administration moderne.

b) Les mesures proposées

Un arbitrage doit être fait entre une simplification maximale, qui peut être facteur d'injustice sociale par l'oubli d'un certain nombre de situations particulières, et une complexité croissante des procédures, qui peut être porteuse d'un autre type d'injustice, dès lors que les contribuables les mieux armés sont, par construction, ceux qui sont le mieux à même d'en tirer parti. Le conseil des impôts, dans le rapport précité, souligne la nécessité de simplifier les textes en vigueur et de renforcer la sécurité juridique du droit fiscal.

- Abroger les dispositions devenues sans objet et adapter celles qui sont obsolètes

Plusieurs dispositions du code général des impôts sont obsolètes. Par exemple, l'exonération de taxe professionnelle des pêcheurs « lors même que la barque qu'ils montent leur appartient », telle qu'elle figure à l'article 1455, prend un tour anachronique. De même, il n'est plus besoin de faire figurer dans notre droit une référence aux « personnes qui vendent en ambulance dans les rues (...) de l'amadou, des balais, des statues et figures en plâtre » ou encore « les chiffonniers au crochet, les rémouleurs ambulants » que l'article 1457 du code précité exonère de taxe professionnelle.

Au-delà de ces simplifications, il pourrait être utile de supprimer des procédures qui ne sont plus utilisées, telles que l'avis de mise en recouvrement collectif prévu à l'article L. 256 du livre des procédures fiscales. Cette procédure a pour objet d'authentifier les créances fiscales dont des tiers peuvent être tenus solidairement, comme dans le cas des associés de sociétés en nom collectif ou d'héritiers, ou conjointement au paiement, comme dans le cas des associés de sociétés civiles immobilières dont les associés sont tenus au paiement des dettes à hauteur de leur participation dans le capital social. Le redevable légal reçoit un avis de mise en recouvrement collectif, chaque coobligé en reçoit un extrait. Or, cette procédure, lourde en gestion, est devenue obsolète. En conséquence, la remise en cause de cette disposition pourrait être envisagée sans dommage.

- Assouplir certains régimes d'option

Le régime des options est compliqué et rigide. M. Jean-Marie Bockel, dans son rapport sur la simplification de la vie des entreprises (41), avait notamment relevé qu'une harmonisation des délais d'application du régime fiscal choisi sur option par le créateur d'entreprise méritait d'être réalisée. En effet, ce régime fiscal s'applique obligatoirement pendant deux ans en matière de taxe sur la valeur ajoutée et pour les bénéfices industriels et commerciaux (bic) en cas d'option pour le bénéfice réel d'une entreprise relevant normalement du régime simplifié d'imposition et pendant cinq ans pour l'imposition des bic pour les entreprises relevant en droit du régime des micro-entreprises et qui optent pour un régime de bénéfice réel. Les dates d'option qui s'appliquent aux professions libérales sont diverses et gagneraient à être réexaminées.

Selon la même logique, le régime fiscal applicable aux entreprises unipersonnelles, régi aujourd'hui par l'article 239 du code général des impôts, pourrait faire l'objet d'une simplification. En effet, les SARL qui deviennent passibles du régime fiscal applicable aux sociétés de personnes soit par réunion de toutes les parts entre les mains d'une même personne physique soit, lorsqu'elles avaient un associé unique personne morale, par cession des parts à une personne physique doivent, pour continuer à être soumises à l'impôt sur les sociétés, opter dans les trois mois du début de l'exercice au titre duquel elles souhaitent opter. Cette option pourrait être exercée dans les trois mois qui suivent la réunion des parts entraînant de plein droit la modification du régime fiscal. Cette modification offrirait la possibilité aux entreprises de bénéficier d'une continuité de leur régime fiscal sans être contraintes de modifier la date de clôture de leur exercice.

- Alléger les formalités de déclaration et faciliter les modalités de recouvrement et de paiement de certains impôts

Les modalités de déclaration, de recouvrement et de paiement doivent être simplifiées et modernisées. Ces réformes doivent bénéficier aussi bien aux usagers qu'à l'administration fiscale, qui finit par se perdre dans sa propre complexité.

Pour certains régimes fiscaux, il existe des obligations déclaratives particulières et diversifiées, qui peuvent n'être que très peu utilisées, mais qui nécessitent de préparer une documentation particulière et de prévoir un traitement informatique spécial.

Dans la logique de l'article premier du présent projet de loi, pourrait être encouragée l'utilisation par les organismes sociaux des données fiscales pour éviter les déclarations multiples. Dans l'état du droit, certaines catégories de contribuables doivent procéder à une déclaration de revenus ou de résultats puis déclarer tout ou partie de ces revenus aux organismes de sécurité sociale. Le fait d'autoriser par la loi la mise en place d'un transfert automatisé de données entre les différents services, tel que prévu au d) du 3° de l'article premier précité, pourrait permettre de supprimer certaines déclarations faites aux administrations de sécurité sociale, en reprenant les données de la déclaration de revenus faite aux services fiscaux.

Le paiement de l'impôt devrait faire l'objet d'une simplification. Aujourd'hui, il peut être effectué en numéraire, par mandat, par virement, par chèque, par titre interbancaire de paiement, par prélèvement automatique ou encore par télérèglement. Il serait possible d'éliminer les paiements par timbre et de diffuser l'usage du chèque, conformément à l'évolution générale des moyens de paiement. Le système de paiement par timbre se caractérise, en effet, par une particulière lourdeur de gestion : obligation de tenir une comptabilité par matière, gestion des achats et des stocks, mesures de sécurité dans le transport et la sécurité des valeurs. Ces timbres, utilisés dans nombre de domaines (redevance d'occupation du domaine maritime...) pourraient être remplacés par des versements par tout moyen de paiement auprès du comptable public compétent et directement aux centres d'encaissement. L'exemple des timbres que les notaires doivent apposer sur certains actes, pour marquer que les droits qui y sont attachés ont été payés, constitue également une illustration du caractère daté de certaines procédures qu'il conviendrait de revoir.

La dématérialisation des paiements doit être favorisée en particulier pour les entreprises, sur le modèle de ce qui existe d'ores et déjà pour l'impôt sur le revenu. Le paiement par Internet des impôts assure la sécurité des paiements pour l'entreprise, une économie de gestion pour les services et s'avère plus efficace pour gérer la trésorerie de l'État.

Simplifier le système de déclaration et de paiement de l'impôt nécessite d'alléger ses modalités de recouvrement. Certaines procédures sont archaïques. Une disposition de nature législative impose, dans la mise en recouvrement de certains impôts, l'usage de la lettre recommandée (article L. 256 du livre des procédures fiscales). Cette formalité concerne 1,7 million de plis par an, ce qui s'avère lourd en frais postaux. Il ne pourrait être fait recours à cette procédure que dans les cas les plus difficiles.

- Simplification de la « langue fiscale »

L'objectif est de clarifier la formulation d'actes administratifs résultant de dispositions de forme législative du code général des impôts et du livre des procédures fiscales et relative à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt. Un groupe de travail a été mis en place pour rechercher des intitulés moins datés et plus compréhensibles et pour assurer une meilleure information du contribuable sur le contenu et les conséquences des pièces de procédure.

Ces simplifications devraient se faire à coût budgétaire constant. Il paraît, en effet, de bonne politique de laisser au débat sur les lois de finances le soin de modifier les taux et assiettes des différents impôts. La réforme devrait se limiter à clarifier la « forme extérieure » des impôts, qu'il s'agisse de la forme de leur déclaration ou des modalités de leur recouvrement.

Au-delà des quelques mesures qui seront prises sur la base du présent article, le rapporteur insiste sur l'utilité qu'il y aurait à engager une refonte complète du code général des impôts. Il rappelle à ce titre que l'article 78 de la loi de finances pour 1962 portait déjà cette demande, renouvelée par le conseil des impôts dans son rapport 2002. Il souligne, enfin, que la révision de la norme fiscale n'exonère pas les pouvoirs publics de poursuivre les réformes de structure que justifie un service public de qualité.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur clarifiant la rédaction de cet article en réunissant dans un même alinéa l'ensemble des dispositions concernant la simplification des relations des usagers avec l'administration fiscale (amendement n° 9), puis elle a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6

Suppression de l'obligation d'affirmation de procès-verbaux

Cet article autorise le Gouvernement à supprimer une formalité devenue inutile : l'affirmation de procès-verbaux dressés oralement par certains fonctionnaires ou agents compétents pour constater des infractions. Cette procédure, très ancienne, permettait de donner une existence juridique à des actes réalisés par oral par des agents qui ne savaient pas écrire. Dès le début du XIXe siècle, l'obligation de savoir lire et écrire le français a été imposée dans l'administration. La procédure d'affirmation a malgré tout été maintenue. Mais très tôt des dispenses sont intervenues. Ainsi, la loi du 17 juillet 1856 dispense de l'affirmation les procès-verbaux dressés par les brigadiers de gendarmerie et les gendarmes. Lors des entretiens de Vendôme, organisés par le ministère de la justice en 2001, il a été demandé la suppression pure et simple de certaines tâches, parmi lesquelles figuraient les affirmations des procès-verbaux des gardes particuliers assermentés d'Électricité de France (42).

On peut citer l'exemple de l'article L. 231-1 du code forestier qui prévoit que les gardes des bois et forêts des particuliers et les gardes champêtres des communes peuvent rechercher et constater les délits et contraventions commis dans les bois non soumis au régime forestier. Ils peuvent dresser des procès-verbaux, qu'ils doivent affirmer par devant le juge chargé du tribunal d'instance ou par devant le maire ou l'adjoint. De la même façon, l'application de l'article L. 774-2 du même code peut nécessiter l'affirmation des procès-verbaux de contraventions de grande voirie. On peut encore citer la procédure fixée par les articles L. 331-4 et L. 331-5 du code des ports maritimes qui prévoient que les infractions à la police du balisage, lorsqu'elles sont constatées par les syndics des gens de mer, les fonctionnaires et agents assermentés des ponts et chaussées, les guetteurs des postes sémaphoriques et les pilotes, le sont par voie de procès-verbaux qui doivent être affirmés, soit devant le président du tribunal d'instance, soit devant le maire de la commune où réside l'agent qui a dressé le procès-verbal.

De manière plus fréquente et en vertu de l'article 333 du code des douanes, les procès-verbaux constatant les délits de douane remis au procureur de la République peuvent soumis à une affirmation. L'article 328 dudit code précise que les procès-verbaux sont affirmés devant le juge d'instance. Les agents des douanes et les fonctionnaires assermentés des autres administrations sont dispensés de la formalité de l'affirmation.

Comme l'a récemment rappelé M. Christian Cointat, sénateur, dans son rapport sur l'évolution des métiers de la justice (43), l'obligation d'affirmation des procès-verbaux, par ailleurs déjà dressés par des agents le plus souvent assermentés, que ce soit en matière de balisage des ports maritimes, d'infractions à la distribution d'énergie par Électricité de France ou encore d'infractions douanières, est pesante et souvent inutile. Il convient donc de permettre au Gouvernement de procéder, par ordonnance, à la suppression, dans certaines matières, de ces procédures le plus souvent superfétatoires.

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Chapitre II

Mesures de simplification des démarches des particuliers

Article 7

Modalités de preuve de la nationalité

Cet article a pour objet d'offrir la possibilité au Gouvernement d'effectuer un allégement des dispositions du code civil relatives à la preuve de la nationalité, en permettant, en particulier, à nos concitoyens nés à l'étranger de produire un nombre plus limité de documents ou de faire la preuve de leur nationalité en arguant, par exemple, d'un emploi dans l'administration française.

La matière de la preuve de la nationalité est délicate. Les intérêts considérables attachés à la nationalité ont conduit le législateur à éviter que la preuve soit laissée au hasard des présomptions de fait et à établir, dans toute la mesure du possible, un système de preuve légale. Ces règles, originellement présentes dans le code de la nationalité de 1945 (articles 138 à 151), ont été codifiées dans le code civil par la loi du 9 janvier 1973, complétée par le décret du 10 juillet 1973 et par le décret du 30 décembre 1993.

1. Le régime de la preuve de la nationalité

La nationalité française peut être accordée ou reconnue sur le fondement du droit du sol, par filiation, grâce à l'acquisition par naturalisation ou par déclaration et par possession d'état de Français par application des règles classiques du droit civil.

La charge de la preuve incombe à celui dont la nationalité est en cause, selon la maxime « actori incumbit probatio ». Ainsi, l'intéressé doit produire les actes et documents pertinents pour l'établissement de sa nationalité. Néanmoins, lorsque la personne titulaire d'un certificat de nationalité délivré dans les règles se voit contester sa nationalité française par un tiers, la charge de la preuve est renversée et repose sur ce dernier. La force probante du certificat peut, dans certains cas et notamment lorsque l'administration a des doutes sur l'authenticité des documents présentés pour l'obtenir, être incertaine.

a) Les différents régimes de preuve

L'individu qui veut prouver sa nationalité française doit démontrer qu'il se trouve dans un des cas d'attribution ou d'acquisition de cette nationalité. Lorsque cette nationalité dépend d'une déclaration de l'intéressé (réclamation, reconnaissance, réintégration) ou d'un décret, la preuve est « préconstituée » et n'est entachée d'aucune incertitude. Bien que la production d'une copie certifiée de l'acte de naissance, qui doit porter depuis la loi n° 78-731 du 12 juillet 1978 la mention des actes et des déclarations ayant pour effet l'acquisition de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité, doit pouvoir suffire à remplacer la production de l'ampliation du décret ou l'exemplaire enregistré de la déclaration, cet acte de naissance ne dispense pas l'intéressé de produire un certificat de nationalité lorsque celui-ci demeure exigé. Il n'existe pas de système généralisé de preuve de la nationalité par les registres de l'état civil.

Un premier assouplissement a été apporté par la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité. En effet, la nouvelle rédaction de l'article 28 du code civil prévoit que la première délivrance d'un certificat de nationalité sera mentionnée en marge de l'acte de naissance, ce qui a eu pour effet d'étendre le mécanisme de la preuve par l'état civil à des cas où la preuve n'est pas « préconstituée », comme celui de l'acquisition de plein droit à la majorité. Les mentions relatives à la nationalité sont désormais portées non seulement sur les copies des actes de naissance, mais aussi, à la demande des intéressés, sur les extraits de ces actes et sur le livret de famille. Encore faut-il que les intéressés en fassent la demande.

Lorsque la nationalité française ne peut résulter que de la filiation, il faut établir que l'auteur de l'intéressé était lui-même français, ce qui suppose que l'auteur de l'auteur ait lui-même été français, etc. Le système de la double naissance, prévu par les articles 19-3 et 19-4 du code civil permet de pallier cette difficulté : l'intéressé doit produire son acte de naissance et, selon son âge, celui de son père ou de ses deux parents. Si ce système ne fonctionne pas, il faut revenir à la preuve de la filiation : la nationalité française est alors établie si le père ou la mère de l'intéressé ont joui de façon constante de la possession d'état de Français. Le code civil exige donc la possession d'état pendant deux générations, sauf preuve contraire.

La question devient plus difficile lorsque l'intéressé réside habituellement à l'étranger. En effet, dans le cas où un individu réside à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus de cinquante ans, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses parents qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de français. C'est donc une fin de non-recevoir à la preuve de la nationalité française par filiation qui est opposée à l'intéressé.

Lorsqu'on ne se trouve ni dans un cas de preuve préconstituée (déclaration ou décret), ni dans un cas de nationalité française par filiation, l'article 30-1 du code civil précise que la preuve ne peut être faite qu'en établissant l'existence de toutes les conditions requises par la loi. Cette disposition trouve à s'appliquer lorsque la nationalité résulte de la naissance en France, de la résidence en France à l'âge de la majorité et, dans les années antérieures à la loi du 22 juillet 1993, du mariage avant la loi de 1973 ou de la fixation du domicile hors des États de l'ex-Communauté
lorsqu'ils sont devenus indépendants. Les modes de preuve sont alors ceux applicables à l'acte (adoption, mariage) ou au fait (lieu de naissance, de résidence).

b) La simplification apportée par l'usage du certificat de nationalité française et de la fiche de nationalité

Les complications nées des modalités d'établissement de la preuve de la nationalité française, accompagnées par la nécessité fréquente de fournir cette preuve, ont conduit à créer, dès avant la création du code de la nationalité en 1945, un titre officiel établissant, en dehors de toute contestation, la nationalité française des individus : le certificat de nationalité français régi par les articles 31 à 31-3 du code civil modifiés par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. La procédure de délivrance de ce dernier étant elle-même relativement lourde, un titre établi plus simplement a été créé : la fiche de nationalité.

Le certificat de nationalité est délivré par le greffier du tribunal d'instance depuis la loi du 8 février 1995 précitée. Est compétent le greffier en chef du tribunal spécialisé du domicile du requérant, s'il réside en France ; celui de son lieu de naissance s'il ne réside pas en France mais y est né ; celui du 1er arrondissement de Paris si le requérant est né et réside à l'étranger. Des exceptions sont prévues pour certains pays, notamment pour ceux d'Afrique du Nord. Le certificat doit être motivé par la mention de la disposition légale en vertu de laquelle l'intéressé a la qualité de Français et doit comporter la mention des documents qui ont permis de l'établir. S'il s'avère que ces documents ne sont pas eux-mêmes probants, le certificat peut être contesté. La fiche de nationalité délivrée sur simple présentation par le requérant de sa carte d'identité simplifie un certain nombre de démarches mais ne saurait avoir la même force probante qu'un certificat. Elle est suffisante pour l'immatriculation dans un consulat. En revanche, elle ne saurait suffire pour la délivrance d'un passeport. Ce dernier ne constitue pas lui-même un mode de preuve de la nationalité, alors même que la production d'un certificat a été exigée pour son obtention.

Les contrôles liés à la nationalité se sont rapidement révélés excessifs dans un certain nombre de cas. Le dispositif a été assoupli par deux circulaires du 27 mai 1991 et du 21 février 1996. Mais la persistance de nombreuses difficultés a conduit le ministère de l'intérieur à prendre plusieurs initiatives. Le 23 décembre 1997, une nouvelle circulaire a été adressée aux préfets rappelant les instructions précédentes. Les cas d'assouplissement concernent principalement, d'une part, les Français nés à l'étranger, d'autre part, les personnes nées en Algérie ou dans des territoires d'outre-mer avant l'indépendance de ces collectivités. Pour ces personnes, l'analyse de leur situation au regard de la nationalité française doit pouvoir être effectuée par la lecture de leur extrait de naissance, dès lors qu'il comporte des indications sur la filiation. À défaut, les préfectures peuvent recourir à la notion de possession d'état, qui ressort de la constatation qu'une personne a été considérée comme française, notamment par les autorités françaises, et a exercé les droits et satisfait aux obligations qui s'attachent à cette qualité. En outre, a été mis en place un programme de formation des responsables des services de délivrance des cartes nationales d'identité des préfectures et des sous-préfectures. Des stages ont été animés par des fonctionnaires des ministères de l'intérieur, des affaires étrangères, de la justice et de l'emploi et de la solidarité. Les sessions de formation visent notamment à harmoniser les pratiques et à éviter que des pièces justificatives ne soient inutilement exigées. Mais la situation reste insatisfaisante.

2. L'habilitation proposée

Face à la complexité des régimes d'établissement de la preuve de la nationalité française, il apparaît opportun d'habiliter le Gouvernement à prendre toute mesure utile à leur simplification, de telle façon que les doublons de nature procédurale soient évités et que ceux qui, par leur situation (exemple des Français nés à l'étranger), se trouvent en grande difficulté pour produire certaines pièces puissent bénéficier de certaines facilités pour établir leur possession d'état de Français. Il n'est pas normal qu'une personne, qui a été fonctionnaire pendant toute sa vie professionnelle ou qui a effectué son service militaire en temps de guerre, à l'exemple des rapatriés d'Algérie, éprouve des difficultés à prouver sa nationalité parce qu'elle est née à l'étranger ou dans un territoire devenu indépendant et parce que, de surcroît, son acte de naissance a été dressé par l'état civil local sans avoir été transcrit par les services consulaires français. L'ordonnance à venir pourrait ainsi fixer pour règle que la soumission à un régime spécifique aux Français, tel que le service national ou une carrière de fonctionnaire, permet de présumer la nationalité française.

En la matière, une circulaire, comme celle du 10 janvier 2000 précitée sur la carte nationale d'identité, ne saurait être considérée comme satisfaisante pour fonder une simplification des procédures. Seule une mesure de niveau législatif permettra d'accorder aux usagers un droit à la simplification dans cette matière. Elle facilitera la coordination d'un nombre important de services. Le ministère de la justice est responsable des règles ; le ministère des affaires sociales instruit les demandes individuelles de naturalisation, tandis que le ministère de l'intérieur gère les documents d'identité et de voyage et que le ministère des affaires étrangères est compétent pour assurer le déroulement des formalités accomplies à l'étranger. Au niveau déconcentré interviennent les préfectures et les consulats qui délivrent les titres justifiant la nationalité, sous le contrôle du juge administratif. Les greffes des tribunaux d'instance statuent quant à eux sur les cas douteux.

La Commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8

Régime juridique des associations syndicales de propriétaires

Cet article habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance permettant d'actualiser et de simplifier les modalités de création, de fonctionnement et de dissolution ainsi que des règles budgétaires, comptables et financières applicables aux associations syndicales de propriétaires, réforme qui est en préparation depuis 1997.

a) Le régime des associations de propriétaires

Ces associations, régies par la loi du 21 juin 1865, plusieurs fois modifiée, et par le décret du 18 décembre 1927 modifié, rassemblent des propriétaires en vue de permettre l'exécution et l'entretien à frais communs de très nombreuses catégories de travaux immobiliers d'utilité collective et d'utilité publique, dont la liste est déterminée par la loi.

OBJET DES ASSOCIATIONS DE PROPRIÉTAIRES RÉGIES PAR LA LOI DU 21 JUIN 1865

CATÉGORIES DE TRAVAUX

TEXTE FONDATEUR

Travaux de défense contre la mer, les fleuves, les torrents et rivières navigables et non navigables, les incendies dans les forêts, landes boisées et landes nues, les avalanches, les chutes de rochers ou de blocs, les glissements de terrains, les manifestations volcaniques

Loi du 22 décembre 1888

Loi du 13 décembre 1902

Loi n° 85-30 du 30 janvier 1985

Travaux destinés à prévenir la pollution des eaux

Ordonnance n° 59-47 du 6 janvier 1959

Travaux destinés à la réalimentation des nappes d'eau souterraines

Loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964

Travaux de défense et de lutte contre les termites

Loi n° 99-471 du 8 juin 1999

Travaux de curage, approfondissement, redressement et régularisation des canaux et cours d'eau non domaniaux et des canaux de dessèchement et d'irrigation

Loi du 22 décembre 1888

Travaux de dessèchement des marais

Loi du 22 décembre 1888

Exécution et entretien des étiers et ouvrages nécessaires à l'exploitation des marais salants

Loi du 22 décembre 1888

Travaux d'assainissement des terres humides et insalubres

Loi du 22 décembre 1888

Travaux d'assainissement dans les villes et faubourgs, bourgs, villages et hameaux

Loi du 22 décembre 1888

Travaux d'ouverture, d'élargissement, de prolongement et de pavage des voies publiques, et de toute amélioration ayant un caractère d'intérêt public dans les villes et faubourgs, bourgs, villages et hameaux

Loi du 22 décembre 1888

Travaux d'irrigation et de colmatage

Loi du 22 décembre 1888

Travaux de drainage

Loi du 22 décembre 1888

Travaux d'aménagement des sols après exploitation de carrières en vue de l'exploitation coordonnée de carrières

Loi n° 77-620 du 16 juin 1977

Exécution et entretien des chemins d'exploitation, notamment forestiers

Loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001

Travaux d'amélioration agricole d'intérêt collectif, notamment d'amenée d'eaux pour les besoins domestiques de dessalage des terres, d'emploi d'eaux usées, de reboisements

Décret-loi du 21 décembre 1926

Travaux de construction de voies mères d'embranchement particuliers, de câbles porteurs et autres moyens de transport, d'utilisation de l'énergie électrique

Décret-loi du 21 décembre 1926

Travaux de défense et de lutte contre la grêle et la gelée

Loi n° 51-343 du 20 mars 1951

Travaux d'assainissement destinés à la suppression des gîtes à moustiques

Loi n° 64-1246 du 16 décembre 1964

Travaux de protection des peuplements forestiers contre les dégâts de gibier. Les statuts de l'association doivent prévoir les modalités selon lesquelles celles-ci représente ses adhérents auprès de l'autorité administrative compétente en matière d'attribution de plan de chasse ainsi qu'auprès des fédérations départementales des chasseurs

Loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001

Trois catégories d'associations syndicales peuvent être distinguées : les associations syndicales libres (asl), groupements privés qui se forment par le consentement unanime des propriétaires intéressés ; les associations syndicales autorisées (asa) qui sont constituées par le préfet avec l'accord d'une majorité des intéressés et fonctionnent sous le contrôle de l'administration ; enfin, les associations syndicales forcées (asf) qui sont créées d'office par l'administration dans l'intérêt public.

Les asl sont des personnes morales de droit privé. Leur constitution obéit aux règles suivantes :

- consentement unanime des associés constaté par écrit ;

- détermination précise de l'objet de l'association dans l'acte de son mode d'administration, des limites du mandat confié aux syndics, de ses conditions de fonctionnement, notamment de ses ressources ainsi que du mode de recouvrement des cotisations ;

- établissement des statuts par un acte notarié ou sous seing privé accompagnés d'un plan périmétral des immeubles et d'une déclaration de chaque propriétaire ;

- rédaction d'un cahier des charges ;

- transmission au préfet dans le délai d'un mois des statuts et des pièces annexées ;

- publication dans le délai d'un mois qui suit la signature de l'acte constitutif d'un extrait dans le journal d'annonces légales de l'arrondissement et dans l'un des journaux du département.

La constitution d'une association de propriétaires peut sembler nécessaire pour réaliser certains travaux. À cette fin et pour empêcher que quelques propriétaires empêchent la réalisation de ces travaux, le préfet peut décider de créer une association par arrêté préfectoral. Les asa sont des établissements publics régis par les règles du droit public, dont la création doit obéir aux modalités suivantes :

- établissement d'un projet d'association à l'initiative d'un ou de plusieurs propriétaires, du maire ou du préfet, qui détermine le but de l'entreprise, les voies et moyens pour la financer, les pouvoirs relatifs de chaque propriétaire, les modes de fonctionnement (nombre et mode de désignation des syndics, ...) ;

- prise d'un arrêté préfectoral qui ordonne une enquête administrative, désigne un commissaire enquêteur, convoque une assemblée générale après clôture de l'enquête et avertit les propriétaires qui n'auraient pas formulé leur opposition par écrit avant l'assemblée ou par un vote à cette assemblée qu'ils seront considérés comme adhérents ;

- notification, au plus tard cinq jours après l'ouverture de l'enquête, aux propriétaires intéressés de l'arrêté, notification qui doit être constatée par un émargement de l'intéressé ;

- publication de l'arrêté dans les communes intéressées ;

- enquête administrative et dépôt pendant vingt jours dans chacune des mairies intéressées d'un registre destiné à accueillir les observations de toutes les personnes concernées par le projet d'association ;

- transmission du registre et des pièces de l'instruction au préfet ;

- réunion de l'assemblée générale des propriétaires au moins un mois après la clôture de l'enquête ;

- délibération prise selon des majorités qui diffèrent selon l'objet du groupement ;

- établissement du procès-verbal auquel est joint les actes constatant le consentement ou le refus d'adhésion par écrit de ceux qui n'étaient pas présents à la réunion ;

- décision du préfet de constituer ou de refuser l'autorisation ;

- affichage et insertion de la décision au recueil des actes de la préfecture dans les quinze jours à compter de la date de l'arrêté.

La procédure est caractérisée par la possibilité pour toute personne intéressée de déférer l'arrêt du préfet au ministre compétent dans le délai d'un mois à partir de son affichage. Le recours est déposé à la préfecture et transmis dans le délai de quinze jours au ministre, qui prend un décret en Conseil d'État. Les règles de fonctionnement de l'association s'avèrent également particulièrement compliquées. La gestion comptable est soumise aux règles de la comptabilité publique, ce qui implique la nomination d'un receveur et un contrôle étroit du préfet. Les causes de dissolution sont nombreuses : terme fixé par les statuts, décision de l'assemblée générale, cessation de toute activité depuis cinq ans au moins, interruption ou défaut d'entretien des travaux.

Des asf, établissements publics à caractère administratif, peuvent être créées par le préfet, lorsque certains travaux d'intérêt collectif sont nécessaires pour assurer la sécurité ou la salubrité publique. Seuls les travaux de défense contre la mer, les fleuves, les torrents et rivières, les incendies, les avalanches, les chutes de rochers, les glissements de terrains, les manifestations volcaniques, les travaux d'entretien des canaux et les travaux de dessèchement des marais sont concernés. Leur fonctionnement suit celui des associations autorisées.

En outre, on peut se demander quelle est l'utilité de faire délibérer le conseil général pour autoriser le préfet à adhérer à une association syndicale pour les biens du département (article 4, alinéa 2). Ces quelques éléments permettent de constater la nécessité d'assurer une réglementation plus moderne, harmonisée des trois types d'associations de propriétaires déterminés par la loi de 1865 précitée. Devra notamment être réglée la question de la détermination des dispositions qui, dans le décret du 18 décembre 1927, ont acquis une valeur législative.

b) Les simplifications susceptibles d'être engagées

Dans une réponse à une question parlementaire, le ministère de l'intérieur, le 22 octobre 2001, soulignait que « le Gouvernement envisage leur réforme de manière à rendre le cadre juridique dans lequel elles agissent plus simple, leur régime financier plus certain et adapter leur mode de fonctionnement à l'évolution du paysage institutionnel français et du rôle de l'État depuis plus d'un siècle. Cette réforme a fait l'objet d'ores et déjà de réunions interministérielles et de la rédaction d'un avant-projet de loi. » Il ajoutait que « compte tenu du nombre de textes actuellement en cours de discussion et des priorités fixées par le Gouvernement, il apparaît difficile à ce jour d'envisager l'inscription de l'examen d'un projet de loi sur ce sujet d'ici la fin de la (...) législature ». Les mêmes arguments peuvent être repris aujourd'hui et justifier le passage par la voie de l'habilitation.

Cette dernière devrait permettre au Gouvernement de définir des règles communes aux trois types d'association, qu'il s'agisse de leur définition, de la détermination du périmètre syndical, de leur objet respectif, de leur nature juridique, des servitudes et de l'hypothèque légale dont elles peuvent bénéficier ou encore du régime de publicité foncière et des conditions d'adhésion des collectivités publiques. Compte tenu de leur nature, des règles communes particulières pourront être édictées pour les asa et les asf : régime juridique des actes de l'association placée sous la tutelle du préfet, statut du personnel, application du code des marchés publics, application de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, sortie définitive du périmètre de l'association, règles budgétaires et comptables.

Devraient être établies les règles particulières applicables à chaque type d'associations. Ainsi, le nouveau régime des asl devrait déterminer quelles sont les modalités de constitution, quel objet particulier peut justifier leur constitution, quelles sont les règles de publicité de leurs statuts et de leur modification, quelles sont les conditions et les modalités de conversion en asa. Des règles de transparence devraient s'appliquer aux marchés de travaux et au régime comptable. De la même façon, les règles applicables aux asa devraient être précisées, en particulier celles relatives aux modalités de constitution, à la composition, aux attributions et au fonctionnement du conseil et de l'assemblée, à la modification des conditions initiales de composition et de fonctionnement de l'association ou encore aux conditions de réalisation des travaux. La réforme devrait déterminer les règles de constitution, de publicité de l'arrêté de constitution, de perception des taxes et de transformation éventuelle des asf en asa. Enfin, le Gouvernement devrait définir les règles applicables aux unions d'associations syndicales.

L'ordonnance pourrait modifier non seulement la loi du 21 juin 1865 précitée, mais aussi la loi n° 95-101 du 21 février 1995 relative au renforcement et à la protection de l'environnement dans son article 24, le code de l'expropriation pour cause de l'utilité publique dans son article L. 13-11-1, la loi du 5 août 1911 relative aux associations syndicales autorisées ainsi que la loi n° 47-520 du 21 mars 1947 portant diverses dispositions d'ordre financier dans son article 73, la loi du 22 juillet 1912 relative à l'assainissement des voies privées et certaines dispositions du code rural et du code de l'urbanisme.

La Commission a adopté l'article 8 sans modification.

Article 9

Validation du permis de chasser et adjudication des droits
de chasse en forêt domaniale

Cet article a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances, d'une part, tendant à simplifier les procédures de validation du permis de chasser, et, d'autre part, à moderniser la procédure d'adjudication des droits de chasse dans les forêts domaniales.

a) La simplification des procédures de validation du permis de chasser

L'objectif général de simplification de la vie des chasseurs a été rappelé lors du débat sur la chasse qui s'est tenu à l'Assemblée nationale le 11 février 2003. À cette occasion, la ministre de l'écologie a rappelé qu'il était nécessaire de « simplifier la réglementation, car aujourd'hui plus personne ne se retrouve dans le maquis des textes. J'ai confié une mission à un groupe d'études composé de spécialistes de la chasse, de parlementaires, de membres du Conseil d'État, de représentants des administrations, de l'office national de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération nationale des chasseurs. La simplification doit surtout concerner la pratique quotidienne de la chasse, qu'il s'agisse de validation annuelle du permis de chasser ou du transport du gibier. (...) Ces dispositions concernent le statut des fédérations, la déconcentration du jour de non-chasse, l'instauration d'un guichet unique pour la validation annuelle du permis de chasser, la mise en place du fichier national des permis, la définition des heures légales de chasse, l'adaptation du statut des associations communales et intercommunales de chasse agréées... »

Chacun s'accorde pour considérer que les procédures qui régissent la délivrance et la validation du permis de chasser, déterminées aux articles L. 423-5 à L. 423-26 du code de l'environnement et aux articles R. 223-2 à R. 223-36 du code rural, ne constituent pas un modèle de simplicité. La création d'un guichet unique faisait partie des principales mesures proposées par M. Pierre-Rémy Houssin, parlementaire en mission, dans son rapport au Premier ministre sur La simplification de l'État dans ses relations avec le public et avec les collectivités locales de janvier 1997.

Il n'est pas question de supprimer le permis de chasser, à la fois moyen de réguler l'activité cynégétique et de tirer des ressources non négligeables tant au profit de l'État que des fédérations de chasse. De la même façon, le fait qu'il ne puisse être délivré qu'à ceux qui passent avec succès certaines épreuves s'impose. En revanche, il ne paraît pas raisonnable d'obliger plusieurs millions de chasseurs à renouveler chaque année quatre opérations en des lieux différents : l'achat du timbre de la fédération, la prise d'une assurance, l'obtention du visa du maire, la validation par le percepteur et l'achat du timbre fiscal et, le cas échéant, l'adhésion à une société de chasse.

Si la délivrance du permis reste à ce stade du ressort des préfectures, une administration ou un organisme pourrait être désigné comme chef de file et serait chargé, à ce titre, d'accomplir l'ensemble des formalités liées aux opérations de validation en lieu et place du candidat chasseur. Le pouvoir de valider les permis de chasser pourrait ainsi être transféré aux fédérations départementales des chasseurs, auprès desquelles serait placé un régisseur de recettes de l'État qui serait compétent pour encaisser les cotisations et redevances. La mise en œuvre de cette simplification implique que les ministères de l'agriculture, de l'intérieur et des finances se concertent. En outre, l'ordonnance à venir pourrait supprimer les timbres demandés aujourd'hui pour constater le recouvrement des redevances cynégétiques. Pour ce faire, il pourrait être nécessaire de modifier les articles L. 421-1, L. 423-9, L. 423-12 et L. 423-21-1 du code de l'environnement.

b) La modernisation de la procédure d'adjudication des droits de chasse en forêt domaniale

Dans les forêts et terrains domaniaux, figurant sur les listes prévues par l'article L. 121-2 du code forestier, l'office national des forêts détermine les parties du domaine sur lesquelles le droit de chasse sera exploité, respectivement, par mise en adjudication en vue d'une location, par concession de licences à prix d'argent ou par location amiable. L'exploitation de la chasse dans les forêts et terrains à boiser de l'État s'effectue dans les conditions prévues par les articles L. 137-3 et R. 137-6 à 137-29 du code forestier. Généralement, le droit de chasse est loué pour une période de douze ans. Pour chaque lot de chasse, des clauses particulières définissent le « gibier chassable », le mode de chasse, les périodes, le nombre de fusils et les aménagements cynégétiques.

L'adjudication publique est prononcée par le préfet assisté du directeur départemental des services fiscaux et du représentant du service gestionnaire. Dans le cas où l'adjudication se révélerait infructueuse, la chasse est exploitée par concession de licences à prix d'argent ou par location à l'amiable. Dans le cadre d'une adjudication, le locataire sortant, en place depuis au moins six années sur le lot ou sur la majeure partie du lot et qui a satisfait aux obligations de son bail, peut, en application de l'article L. 137-3 du code précité et de l'article L. 422-29 du code de l'environnement, bénéficier d'une priorité pour louer le lot à l'enchère la plus élevée. Il doit en faire la demande à l'office national des forêts qui doit lui faire connaître son acceptation ou son refus avant la séance d'adjudication.

Par ailleurs, des licences peuvent être délivrées ou des locations amiables peuvent être consenties, sans mise en adjudication préalable, dans les cas et selon les conditions prévus par la réglementation. Ainsi, aux termes de l'article R. 137-7 du code forestier, les licences peuvent être octroyées lorsque l'autorité gestionnaire l'estime nécessaire pour la bonne gestion technique ou financière du domaine, en vue d'assurer notamment la sécurité des usagers, la prévention des incendies ou un meilleur contrôle des effectifs de gibiers susceptibles de causer des dommages aux cultures riveraines ou à la forêt. Selon les dispositions des articles R. 137-8 et R. 137-10 du code forestier, les locations amiables sont réservées à l'office national de la chasse pour constituer des réserves de chasse et de faune sauvage, à des organismes scientifiques ou techniques pour conduire des recherches ou des expérimentations, aux associations communales ou intercommunales de chasse agréées, ou, à défaut, à des associations, déclarées conformément à la loi de 1901, remplissant certaines conditions garantes d'une bonne gestion cynégétique. Afin de résorber les enclaves cynégétiques, des locataires des territoires de chasse voisins peuvent également bénéficier de locations amiables.

Les lots de chasse loués en adjudication publique représente 70 % des recettes totales (environ 30 millions d'euros par an), les 30 % restant sont les recettes liées aux locations amiables, aux licences et à la vente du gibier. 50 % des lots de chasse sont attribués par adjudication, 20 % de gré à gré à des associations de chasse communale agréée, et 30 % par de simples autorisations de chasser, des « licences annuelles », accordées à une personne ou à un groupe de personnes.

La lourdeur de la procédure d'adjudication et la diversité des règles applicables à l'attribution des droits de chasse en forêt domaniale selon les régions mériteraient d'être simplifiées. C'est pourquoi le présent article habilite le Gouvernement à en conduire, par ordonnance, la réforme, en permettant d'octroyer une priorité comparable à celle du locataire sortant à l'ancien concessionnaire d'une licence de chasse sur un territoire qui fait l'objet d'une adjudication publique en vue de la location du droit de chasse.

La Commission a adopté l'article 9 sans modification.

Article 10

Relations entre particuliers employeurs et salariés

Les dispositifs du chèque service, communément dénommé « chèque emploi service » et du titre de travail simplifié sont régis respectivement par les articles L. 129-2 et L. 812-1 du code du travail.

En vertu de l'article L. 129-2 issu de la loi n° 96-63 du 29 janvier 1996 en faveur du développement des emplois de services aux particuliers, un chèque service peut être utilisé par les particuliers pour assurer la rémunération et la déclaration en vue du paiement des cotisations sociales des salariés occupant des emplois de services rendus aux personnes physiques à leur domicile. Il peut s'agir des salariés titulaires d'un emploi relevant de la convention collective des employés de maison (femmes de ménage, garde occasionnelle d'enfants, garde-malade à l'exception des soins), des salariés effectuant occasionnellement des tâches de jardinage et des salariés apportant une aide scolaire aux enfants. En revanche, ne peuvent être rétribués à l'aide d'un chèque service ni les emplois exercés à domicile dans le cadre professionnel de l'employeur (pour des tâches de secrétariat, par exemple), ni les services relatifs à la réfection ou à l'aménagement des locaux d'habitation ou l'installation et le dépannage d'équipements domestiques, ni les gardiens, concierges et personnels d'immeubles collectifs embauchés par le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires.

Le chèque service ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Il se substitue à la remise du bulletin de paie prévue par l'article L. 143-3 du code précité. Pour les emplois dont la durée de travail n'excède pas huit heures par semaine ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans l'année, l'employeur et le salarié qui utilisent le chèque service sont réputés satisfaire aux obligations mises à la charge de l'un ou l'autre par les articles L. 122-3-1 et L. 212-4-3 du même code ou par les articles 1031 et 1061 du code rural. Pour les emplois dont la durée dépasse celles définies ci-dessus, un contrat de travail doit être établi par écrit. La rémunération portée sur le chèque inclut une indemnité de congés payés dont le montant est égal à un dixième de la rémunération. Les chèques service sont émis et délivrés par les établissements de crédit ou par les institutions ou services énumérés à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, à savoir les banques et les établissements de crédit qui ont passé convention avec l'État, mais aussi La Poste, la Banque de France et le Trésor public. Le chèque service se compose d'un chèque qui sert à rémunérer le salarié et d'un volet social comportant les mentions relatives à l'employeur, au salarié, à l'emploi et aux cotisations (nombre d'heures de travail effectuées, période d'emploi, salaire horaire et total net versé) et l'option retenue pour le calcul des cotisations sociales.

L'envoi des volets sociaux se fait auprès de l'urssaf de Saint-Étienne, qui a été désignée centre national de traitement du chèque emploi service et qui gère les contentieux. Elle délivre une attestation d'emploi aux fins de permettre au salarié de justifier de ses droits aux prestations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de retraite complémentaire. Elle assure par ailleurs le calcul et l'encaissement des cotisations sociales.

L'article L. 812-1 du code du travail, créé par l'article 22 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer, précise que le mécanisme du chèque service n'est pas applicable dans les départements d'outre-mer et y institue un titre de travail simplifié pour assurer la rémunération et pour la déclaration en vue du paiement des cotisations sociales des personnes employées par les entreprises occupant moins de onze salariés - contrairement à ce que permet le chèque service - et des personnes effectuant des travaux et services au domicile des particuliers - comme le chèque service. Comme ce dernier, le titre de travail simplifié ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Il se substitue également à la remise du bulletin de paie. Les titres de travail simplifiés sont émis et délivrés par les mêmes établissements que ceux qui délivrent le chèque service.

L'habilitation a pour objectif de permettre au Gouvernement :

- d'unifier le régime contentieux de ces deux instruments, pour lesquels interviennent trois organismes : les urssaf, l'institution de retraite complémentaire des employés de particuliers (ircem) et les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (assedic) ;

- de donner aux particuliers employeurs la possibilité de remplir en ligne le volet social de ces supports et de l'adresser par voie électronique.

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11

Formalités imposées aux usagers bénéficiaires de prestations sociales

En matière sociale, des simplifications ont été réalisées, à l'exemple de celle des formalités et de l'accélération des remboursements des dépenses de maladie par la sécurité sociale. Les formalités que les demandeurs d'emploi doivent remplir ont été réunies dans un guichet unique, situé dans une assedic, laquelle se charge de transmettre les informations au bureau de l'agence nationale pour l'emploi concerné. Il convient néanmoins de permettre au Gouvernement d'aller plus loin.

1. La gestion de l'assurance maladie des assurés pluriactifs

Aujourd'hui, pour obtenir leurs prestations en nature d'assurance maladie, les assurés pluriactifs, qui sont environ 700 000, doivent changer d'interlocuteur selon que leur activité non salariée est exercée à titre principal ou à titre accessoire. En effet, conformément aux dispositions de la loi n° 79-1130 du 28 décembre 1979 relative au maintien des droits, en matière de sécurité sociale, de certaines catégories d'assurés complétée par la loi n° 84-575 du 9 juillet 1984 portant diverses dispositions d'ordre social, les personnes qui exercent plusieurs activités professionnelles doivent être affiliées et cotiser en assurance maladie auprès de chacun des régimes dont relèvent ces activités. À ce propos, M. Hervé Gaymard, alors député, dans une question au Gouvernement de décembre 1997, avait pu souligner que « nous sommes dans une démocratie sociale suffisamment compliquée pour transférer les embêtements (...) qui pèsent sur les citoyens, sur les structures qui sont payées pour ça. Les arguments dits techniques sont de mauvais arguments. Ce qui importe, c'est la simplicité, l'égalité d'accès aux soins et le fait que les pluriactifs aient un seul interlocuteur social. Si l'on reste sur les vieux schémas, les vieux débats et les vieilles querelles autour de l'activité principale, on sait très bien que l'on n'y arrivera jamais. »

Sur le fondement de l'article 43 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture qui a modifié l'article 34 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social et depuis un décret n° 97-362 du 16 avril 1997, les assurés sociaux pluriactifs ont la possibilité de choisir, parmi les caisses auprès desquelles ils sont normalement affiliés au titre de chacune de leurs activités, une caisse unique de rattachement dite « caisse pivot ». Cette caisse pivot est l'interlocuteur unique pour le compte des différents régimes dont ils relèvent, tant en ce qui concerne l'information et l'assistance dans les démarches que le versement des prestations et l'encaissement des cotisations. Mais, dans les faits, l'assuré social pluriactif n'a jamais pu désigner la « caisse pivot » à laquelle il souhaite être rattaché. Cette situation maintient pour les assurés sociaux qui, du fait de l'exercice de plusieurs activités de nature différente, relèvent de plusieurs régimes de sécurité sociale, les difficultés liées à la multiplicité d'interlocuteurs pour la gestion de leur protection sociale.

M. Bernard Kouchner, alors secrétaire d'État à la santé, en réponse à la question précitée de M. Hervé Gaymard, avait souligné qu'« un décret ne suffit pas à régler le problème », chaque organisme ne pouvant appliquer la législation applicable aux autres organismes. Le passage par la loi s'avère donc nécessaire. Le Gouvernement précédent avait annoncé « qu'il présenterait, au cours du premier semestre de l'année 1998, les mesures législatives nécessaires pour permettre à ces pluriactifs de n'être affiliés qu'à un seul régime de sécurité sociale, celui de leur activité principale lorsque les revenus qu'ils tirent de leurs activités accessoires sont d'un faible montant. »

Certes, l'article 53 de la loi n° 99-574 d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a introduit une disposition codifiée à l'article L. 171-3 du code de la sécurité sociale, visant à faciliter l'exercice de la pluriactivité des non-salariés. Cette mesure, qui a fait l'objet du décret d'application n° 2001-372 du 26 avril 2001, permet de rattacher la personne exerçant une activité non salariée agricole et une activité non salariée non agricole, au seul régime de protection sociale de son activité principale. Cependant, cette règle de rattachement est optionnelle pour les pluriactifs non salariés lors de l'entrée en vigueur de la mesure (9 juillet 1999), à l'exception de ceux dont les revenus sont imposés dans la même catégorie fiscale et qui sont maintenus au seul régime de l'activité principale dont ils relèvent déjà. Cette mesure ne résout pas la question de la multiplicité des organismes interlocuteurs pour un grand nombre de pluriactifs.

L'objectif de l'habilitation accordée par le présent article est donc de simplifier cette situation en permettant à ces assurés pluriactifs d'être rattachés, par principe, à la caisse de leur activité principale tout en leur laissant la possibilité de choisir celle de leur activité secondaire.

2. Les conditions de rachat des rentes accidents du travail

Les salariés gardant des séquelles d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ont droit à une rente d'incapacité permanente lorsque l'incapacité permanente est égale ou supérieure à 10 % ou bien à une indemnité en capital pour une incapacité permanente inférieure à 10 %.

Les prestations destinées à réparer l'incapacité permanente consécutive à un accident du travail sont susceptibles de faire l'objet d'une conversion en capital sous forme de rachat de sa rente par la victime. Ainsi, dans l'état du droit, en vertu de l'article L. 434-3 du code de la sécurité sociale, la pension allouée à la victime d'un accident peut, après l'expiration d'un délai déterminé, être remplacée, en partie, par un capital. Le rachat, c'est-à-dire la conversion, est obligatoire lorsque l'incapacité permanente reconnue est inférieure à 10 % : la réparation est alors compensée par le versement d'une indemnité forfaitaire en capital. Le rachat est facultatif lorsque l'incapacité permanente est supérieure à 10 % : la rente versée est alors partiellement convertible en capital, après un certain délai.

Selon l'article R. 434-5 du code précité, le rachat d'une rente d'accident du travail ne peut intervenir qu'après un délai de cinq ans à compter du lendemain de la date de consolidation. Par ailleurs, la part susceptible d'être rachetée est limitée à un quart du capital de référence, lorsque le taux d'incapacité est supérieur à 10 % sans dépasser 50 %. En revanche, lorsque le taux d'incapacité est supérieur à 50 %, la fraction de la rente représentative du taux d'incapacité supérieur à 50 % ne peut jamais être convertie en capital. Seule la fraction inférieure à 50 % peut alors être rachetée, toujours dans la limite du quart du maximum de son montant.

L'habilitation pourrait permettre au Gouvernement, d'une part, d'autoriser le rachat de la rente dès l'ouverture du droit à la rente et, d'autre part, d'augmenter la quotité du capital rachetable du quart à la moitié.

3. Le calcul des indemnités journalières accidents du travail-maladies professionnelles

Le calcul des indemnités journalières des accidents du travail et des maladies professionnelles mériterait d'être révisé sur deux points.

D'une part, en cas de rééducation professionnelle (44), le salaire de référence devrait être le salaire perçu avant l'accident ou le salaire minimum interprofessionnel de croissance (smic) et non plus le salaire du manœuvre de la profession pour laquelle la victime est rééduquée. La référence est devenue désuète. Cette réforme nécessitera de modifier l'article L. 432-29 du code de la sécurité sociale qui précise que « l'indemnité journalière (...) ou la rente est intégralement maintenue au mutilé en rééducation. Si elle est inférieure au salaire minimum du manœuvre de la profession en vue de laquelle la victime est réadaptée, celle-ci reçoit, à défaut de rémunération pendant la durée de la rééducation, un supplément à la charge de la caisse, destiné à porter cette indemnité ou rente au montant dudit salaire. »

D'autre part, les indemnités journalières devraient être versées les jours fériés pendant les quinze premiers jours d'arrêt de travail comme dans le cas de l'assurance maladie. En effet, en vertu de l'article L. 323-1 du code précité, l'indemnité journalière prévue en cas de maladie, accordée à l'expiration d'un délai déterminé suivant le point de départ de l'incapacité de travail, est due pour chaque jour qu'il soit ouvrable ou non. En revanche, l'article L. 433-1 de ce même code précise que l'indemnité journalière, dans le cas des prestations en espèces liées à un accident du travail, « n'est pas due pour les jours non ouvrables qui suivent immédiatement la cessation du travail consécutive à l'accident sauf dans le cas où la durée de l'incapacité est supérieure à une durée déterminée ».

4. La suppression de la procédure d'enquête légale

En cas d'accident du travail, le praticien qui examine la victime doit établir un certificat indiquant son état et les conséquences de l'accident ou les suites éventuelles, en particulier la durée probable de l'incapacité de travail. Il l'adresse directement à la caisse primaire d'assurance maladie de la victime. En outre, dès qu'elle a eu connaissance d'un accident du travail par quelque moyen que ce soit, la caisse primaire est tenue de faire procéder aux constatations nécessaires. Un avis de l'accident est donné immédiatement par la caisse à l'inspecteur du travail chargé de la surveillance de l'entreprise ou au fonctionnaire qui en exerce les attributions en vertu d'une législation spéciale.

Lorsque, en application de l'article L. 442-1 du code de la sécurité sociale, soit d'après le certificat médical transmis à l'occasion de l'accident, soit d'après un certificat médical produit à n'importe quel moment à la caisse primaire par la victime ou par ses ayants droit, la blessure paraît devoir entraîner la mort ou une incapacité permanente totale de travail ou lorsque la victime est décédée, la caisse primaire d'assurance maladie doit, dans les vingt-quatre heures, faire procéder à une enquête par un agent assermenté, agréé par l'autorité compétente de l'État dans des conditions prévues par décret et qui ne pourra, en aucun cas, appartenir au personnel de la caisse primaire ou de la caisse régionale d'assurance maladie. Cette procédure est lourde. Elle mérite d'être supprimée.

5. Le minimum vieillesse

Le mécanisme du minimum vieillesse constitue un revenu minimal garanti à toutes les personnes âgées d'au moins soixante-cinq ans ou soixante ans en cas d'inaptitude et dont les ressources sont inférieures à certains seuils. Ce mécanisme est composé de deux étages regroupant une dizaine de prestations.

Le premier étage - la pension majorée - varie selon la situation dans laquelle la personne s'est trouvée, selon qu'elle a travaillé ou non... En fonction de sa situation, elle est susceptible de recevoir différents types de prestations : allocation aux vieux travailleurs salariés (avts) régie par les articles L. 811-1 à L. 811-20 du code de la sécurité sociale, de moins en moins servie, allocation aux vieux travailleurs non salariés régie par l'article L. 812-1, allocation aux mères de famille déterminée par les articles L. 813-1 à L. 813-5, allocation spéciale vieillesse encadrée par les articles L. 814-1 à L. 814-9, tandis que l'article L. 814-2 permet de majorer cette dernière pour la porter au niveau de l'avts.

Le deuxième étage est constitué par l'allocation supplémentaire dont le régime est défini par les articles L. 815-2 à L. 816-1 du code de la sécurité sociale. Elle est financée par le fonds de solidarité vieillesse (fsv).

Le Gouvernement pourra, par ordonnance, remplacer les prestations du minimum vieillesse par une prestation unique, sous condition de ressources, sur le modèle d'une allocation différentielle comme le revenu minimum d'insertion. Cette réforme doit se faire à coût constant et sans qu'aucun bénéficiaire actuel ne voit ses prestations diminuer. Comme aujourd'hui, le fonds compenserait intégralement à chaque régime les dépenses entraînées par la nouvelle allocation.

6. La procédure de garantie des intérêts financiers des assurés sociaux

Sur le fondement de l'article L. 165-3-1 du code de la sécurité sociale, créé par l'article 24 de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002, les organismes d'assurance maladie sont garants des intérêts financiers des assurés dans le cadre de la réglementation des prix des produits ou prestations remboursables inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code précité, introduit par l'article 32 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Lorsque des assurés sont confrontés à des fournisseurs qui ne respectent pas les prix de vente fixés, les organismes d'assurance maladie peuvent exiger de ces derniers qu'ils remboursent aux assurés la différence entre le prix facturé et le prix plafond. Une double procédure peut être engagée. Lorsqu'un organisme constate à l'encontre d'un fournisseur de l'un des produits ou prestations remboursables le non-respect du prix, le directeur de cet organisme adresse au fournisseur une notification par laquelle il lui indique les faits reprochés. Une copie de ce courrier est adressée à l'assuré. Le fournisseur a la possibilité de faire parvenir ses observations à l'organisme, notamment lorsque des possibilités de dépassement ont été prévues par l'arrêté des ministres compétents, pris après avis du comité économique des produits de santé et fixant le prix des produits et prestations. L'assuré peut également faire part de ses propres observations à l'organisme d'assurance maladie. En cas de confirmation de la matérialité des faits, l'organisme adresse au fournisseur une mise en demeure de rembourser à l'assuré la différence entre le prix facturé et le prix fixé par arrêté. Une copie de ce courrier est adressée à l'assuré.

En cas de non-exécution de la mise en demeure, l'organisme peut prononcer à l'encontre du fournisseur, en fonction de la gravité des faits reprochés, une pénalité financière dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. L'organisme verse à l'assuré la différence entre le prix facturé et le prix fixé par arrêté. Lorsque la gravité ou la répétition des faits est constatée, une suspension du conventionnement, pour une durée maximale de deux ans, peut également être prononcée. La mesure prononcée par l'organisme d'assurance maladie est exécutoire à compter de sa notification au fournisseur. Elle est motivée et peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif.

Cette procédure n'apparaît pas suffisamment efficace, parce que le contrôle de l'exécution de la mise en demeure nécessite, pour l'organisme chargé de le conduire, d'assurer des vérifications, principalement par voie épistolaire. Elle oblige, par ailleurs, l'assuré à être de nouveau confronté aux fournisseurs. Par comparaison, la procédure de recouvrement direct auprès des fournisseurs fautifs et de reversement aux assurés apparaît traditionnelle et ne pose aucune difficulté de mise en œuvre aux organismes concernés.

L'habilitation accordée au Gouvernement par le présent article permettrait de modifier, par ordonnance, le deuxième alinéa de l'article L. 165-3-1 du code précité et donc de systématiser, une fois la matérialité des faits avérée, la procédure de récupération directe des sommes dues par les fournisseurs au titre d'un dépassement de tarifs et de reversement immédiat aux assurés victimes de ce dépassement.

7. Les règles d'indemnisation d'une perte de revenus ou de frais de remplacement en cas d'interruption de travail ou de collaboration

Le préjudice subi à raison de l'interruption du travail ou de la collaboration pour des raisons de maladie, de maternité ou de décès est indemnisé par le versement de prestations en espèces. Ce système d'indemnisation est diversifié et se révèle lourd à gérer pour les organismes concernés.

L'objectif de l'habilitation accordée par cet article est d'offrir au Gouvernement les possibilités de simplifier les règles en cause par quatre catégories de mesures :

- la réforme des règles de maintien de droits aux prestations en espèces pour certaines catégories d'assurés, telles que les demandeurs d'emploi, les personnes en congé sabbatique ou en congé sans solde afin de simplifier leur gestion par les caisses ;

- l'harmonisation des régimes des conjoints collaborateurs des praticiens médicaux aujourd'hui différents selon que l'assuré est infirmier ou non ;

- la possibilité de permettre éventuellement aux bénéficiaires d'un congé de présence parentale qui succède immédiatement à un congé parental d'éducation de retrouver en cas de reprise d'activité, les droits aux prestations en espèces acquis antérieurement à l'ouverture du congé parental d'éducation ;

- la simplification des modalités d'attribution et de calcul du capital décès.

Les règles du capital décès fixées par le titre VI du livre III du code de la sécurité sociale s'avèrent ainsi particulièrement complexes. Cette assurance sociale garantit à certains ayants droit de l'assuré social qui décède un « capital décès » égal à un multiple (quatre-vingt-dix fois) du gain journalier de base lorsque l'assuré, moins de trois mois avant son décès, exerçait une activité salariée, percevait l'une des allocations de reclassement ou de conversion ou un revenu de remplacement, était titulaire d'une pension d'invalidité ou d'une rente allouée en vertu de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles, ou lorsqu'il bénéficiait, au moment de son décès, du maintien de ses droits à l'assurance décès pendant la période transitoire durant laquelle il a cessé de relever du régime général. La dévolution du capital décès obéit à ses règles propres : il est accordé en priorité aux personnes qui étaient, au jour du décès, à la charge effective de l'assuré, puis, à défaut, au conjoint survivant non séparé de droit ou de fait, au partenaire auquel le défunt était lié par un pacte civil de solidarité ou à défaut aux descendants et, dans le cas où le de cujus ne laisse ni conjoint survivant, ni partenaire d'un pacte civil de solidarité, ni descendants, aux ascendants. Par ailleurs, son mode de calcul est particulièrement compliqué.

8. La prise en charge médicale de la mère, du père, de l'enfant

La prise en charge des soins, frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareils et d'hospitalisation dispensés à la mère, au père ou à l'enfant en matière d'examen prénatal, de grossesse, d'accouchement et de ses suites ainsi que de naissance implique la mise en œuvre de régimes différents et lourds de complexité de gestion pour les caisses. Se superposent ainsi, d'une part, des prestations en nature d'assurance maladie, qui comprennent elles-mêmes des possibilités d'exonération en fonction des périodes, du caractère pathologique ou non des grossesses et des suites de ces dernières, et, d'autre part, des prestations en nature d'assurance maternité touchant la grossesse, l'accouchement et ses suites.

Le présent article habilite donc le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires à la simplification des conditions de prise en charge des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareil et d'hospitalisation de la femme enceinte ou ayant accouché et des membres de sa famille, qu'il s'agisse de son conjoint ou de ses enfants à charge.

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

2ème partie du rapport
3ème partie du rapport
4ème partie du rapport

N° 0752 - Rapport sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de codification du droit (M. Etienne Blanc)

1 () L'article 5 de ce décret autorise les tribunaux et les autorités administratives à considérer que des citoyens mal informés peuvent être exonérés de la responsabilité de certaines fautes.

2 () Décret n° 2003-141 du 12 février 2003 portant création de services interministériels pour la réforme de l'État.

3 () M. Patrice Maynial, Rapport au Premier ministre : le droit du côté de la vie, réflexions sur la fonction juridique de l'État, Paris, La documentation française, 1997.

4 () « De la sécurité juridique » in Rapport public 1991, La documentation française, Études et documents du Conseil d'État, n° 43, 1992.

5 () MM. Jérôme Bignon, président, et François Sauvadet, rapporteur, L'insoutenable application de la loi, rapport de la mission d'information commune sur les problèmes généraux liés à l'application des lois, Assemblée nationale, Xe législature, document n° 2172, 21 juillet 1995.

6 () Hans Kelsen, Théorie générale des normes, chapitre 34, Vienne, 1979.

7 () OCDE, L'observateur, n° 206, juin-juillet 1997.

8 () Commission des Communautés européennes, Plan d'action « simplifier et améliorer l'environnement réglementaire », Bruxelles, communication du 6 juin 2002 COM(2002) 278 final/2.

9 () Groupe de travail consultatif de haut niveau (groupe « Mandelkern ») sur la qualité de la réglementation, 2001.

10 () « La simplification appropriée des règles et des procédures », Contribution au groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation, présidé par M. Dieudonné Mandelkern, 2002.

11 () Loi n° 86-13 du 6 janvier 1986 relative à diverses simplifications administratives en matière d'urbanisme.

12 () Commission « Turbot », Document sur la simplification du bulletin de salaire remis au ministre du travail et des affaires sociales, 11 décembre 1996.

13 () Exemple de l'instruction de la direction générale de la comptabilité publique en date du 3 mai 2002 supprimant la certification conforme par l'ordonnateur des copies de documents lorsque cette formalité est prévue par des instructions de la direction générale.

14 () Une première loi habilitant le Gouvernement à simplifier certaines procédures a été adoptée en 1993 (n° 537/1993).

15 () Groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation, présidé par M. Dieudonné Mandelkern, Rapport, 2002.

16 () M. François d'Aubert, Proposition de loi visant à instaurer une loi de simplification législative et réglementaire annuelle, Assemblée nationale, XIIe législature, document n° 578, 30 janvier 2003.

17 () Entretien au Figaro en date du 14 juillet 1996.

18 () Guy Braibant « La problématique de la codification », Revue française d'administration publique, n° 82, avril-juin 1997, page 168.

19 () Conseil constitutionnel, décision n° 99-421, 16 décembre 1999.

20 () Conseil constitutionnel, décision n° 77-72 DC du 12 janvier 1977, Territoire français des Afars et des Issas.

21 () Conseil constitutionnel, décision n° 81-134 DC du 5 janvier 1982, Mesures d'ordre social.

22 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986, Diverses mesures d'ordre économique.

23 () Conseil constitutionnel, décisions n° 72-73 L, 29 février 1972 et n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence.

24 () Cour de cassation, chambre commerciale, 6 octobre 1992, SA Entreprise Lefebvre ; Conseil d'État, 10 juillet 1972, Compagnie Air Inter.

25 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-224 DC, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence.

26 () Conseil constitutionnel, décision n° 99-421, 16 décembre 1999, Habilitation pour codification.

27 () Conseil constitutionnel, décision n° 83-156 DC du 28 mai 1983, Prestations de vieillesse.

28 () Conseil constitutionnel, décision n° 85-196 DC du 8 août 1985, Évolution de la Nouvelle-Calédonie ; Conseil d'État, section, 3 novembre 1961, Damiani.

29 () M. Jean Dionis du Séjour, Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, Assemblée nationale, XIIe législature, document n° 612, 12 février 2003, commentaire de l'article additionnel après l'article 5.

30 () Auguste Vivien, Études administratives, Paris, 3e édition, 1859.

31 () Exemples du défrichement des bois particuliers et du cumul d'exploitations agricoles, du permis de construire et du permis de démolir, de la création de magasins à grande surface, de l'ouverture d'établissements sanitaires privés comportant des moyens d'hospitalisation, de l'inscription au tableau de certains ordres professionnels, des autorisations de licencenciement.

32 () Voir en Annexe III du présent rapport la liste des commissions administratives déconcentrées créées par la loi.

33 () Décrets n° 82-389 relatif aux pouvoirs des commissaires de la République de département et n° 82-390 relatif aux pouvoirs des commissaires de la République de région.

34 () « Note sur la publication des lois et décrets », in Rapport annuel, 1993, page 23.

35 () Commission des Communautés européennes, Communication interprétative de la Commission sur les concessions en droit communautaire, 12 avril 2000.

36 () Cour de justice des Communautés européennes, 7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH, Telefonadress GmbH / Post & Telekom Austria AG.

37 () M. Philippe Séguin, Rapport du groupe de travail « Politique et argent », Assemblée nationale, Xe législature, 1994, tome 1, pages 52 et suivantes.

38 () Conseil d'État, 1963, Ville de Colombes ; section, 26 novembre 1971, SIMA.

39 () M. Jean-Marie Bockel, Rapport au Premier ministre sur la simplification de la création d'entreprise, de la vie des créateurs et de la gestion de leurs entreprises, 23 janvier 2001, page 25.

40 () MM. Jean-Luc Lepine, Pierre-François Gouiffès et Julien Carmona, Mission d'analyse comparative des administrations fiscales, rapport de synthèse, Inspection générale des finances, mars 1999.

41 () M. Jean-Marie Bockel, Rapport au Premier ministre sur la simplification de la création d'entreprise, de la vie des créateurs et de la gestion de leurs entreprises, 23 janvier 2001, page 32.

42 () Ministère de la justice, Rapport de synthèse des entretiens de Vendôme présenté par M. Jean-Paul Collomp, 2001, page 77.

43 () M. Christian Cointat, Rapport d'information sur l'évolution des métiers de la justice, Sénat, 2001-2002, n° 345, 3 juillet 2002.

44 () Si, à la suite d'un accident du travail, la victime devient inapte à exercer sa profession ou ne peut le faire qu'après une nouvelle adaptation, elle a le droit, qu'elle ait ou non bénéficié de la réadaptation fonctionnelle prévue au présent code, d'être admise gratuitement dans un établissement public ou privé de rééducation professionnelle ou d'être placée chez un employeur pour y apprendre l'exercice d'une profession de son choix.


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