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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 27 janvier 2010

Questions au Gouvernement

Première séance du mercredi 27 janvier 2010

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Tarifs d'EDF

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Paul Bacquet. Ma question s’adresse à Mme la ministre des finances – qui n’est pas là, mais je suppose qu’elle sera largement suppléée.

Un journal économique s’est fait l’écho, cette semaine, de la volonté d’EDF d’augmenter de 24 % le tarif pour les particuliers entre 2010 et 2011. Bien sûr, cette hausse ne s’expliquerait pas par le salaire mirobolant du nouveau PDG, M. Proglio, mais se justifierait par deux raisons.

Il s’agit tout d’abord de financer les investissements à venir pour remettre EDF à niveau alors que le système électrique s’est dégradé, nous obligeant d’ailleurs pendant cinquante-sept jours cette année à acheter de l’électricité à l’étranger. Pourquoi faire supporter la charge de ces investissements aux particuliers, alors que les actionnaires – au premier rang desquels figure l’État –, devraient d’autant plus les financer qu’ils se partagent 3,1 milliards de bénéfices?

Il faut par ailleurs tenir compte du nouveau système de tarification applicable à partir du 1 er juillet 2010, conséquence de votre choix d’ouvrir intégralement le marché de l’énergie et de ne pas intervenir avec fermeté pour maintenir un tarif réglementé.

Alors que la précarité énergétique prend une ampleur sans précédent dans notre pays, que l’électricité représente jusqu’à 15 % du budget des ménages, le Gouvernement va-t-il confirmer ou démentir l’augmentation des tarifs de l’électricité?

Si EDF maintient sa position, quelle sera son attitude?

En ce qui concerne M. Proglio, après avoir annoncé au Sénat, le 5 novembre, qu’il ne serait payé que par EDF, Mme la ministre des finances a affirmé le 20 janvier, dans cet hémicycle, qu’il percevrait une indemnité de Véolia en plus du salaire d’EDF, avant de nous expliquer sans complexe, et avec le même aplomb, le 24 janvier, qu’il n’aurait droit qu’à la rémunération d’EDF. Nos concitoyens attendent aujourd’hui une réponse claire et un engagement ferme qui ne seront pas démentis dans huit jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Vous avez raison, monsieur le député, notre pays, d’exportateur d’énergie, est devenu importateur. Nous aurons l’occasion de débattre, en particulier dans le cadre de la loi qui sera soumise au Parlement dans les prochaines semaines, de cette question globale qui concerne l’investissement dans les réseaux et dans nos capacités de production. Vous le savez, puisque des commissions plurielles, dont vous faisiez partie, ont travaillé sur le sujet.

En ce qui concerne le tarif réglementé, les choses sont parfaitement claires: le tarif réglementé sera maintenu pour les résidentiels. Quant aux grandes entreprises, le système évoluera dans le temps, mais nous prendrons garde de préserver la compétitivité des entreprises françaises.

Pour le reste, nous n’avons pas été saisis par l’opérateur de la moindre demande d’augmentation. L’évolution à terme se verra dans le cadre de la loi NOME – nouvelle organisation du marché de l’électricité.

J’ajoute que le Président de la République a clairement exposé la situation lundi. Le plus important est aujourd’hui de travailler au développement industriel d’EDF et de ses capacités, en s’appuyant sur les compétences de son très remarquable président. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. À suivre!

Priorités pour l’emploi

M. le président. La parole est à M. Christian Ménard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Ménard. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi,…

M. Patrick Roy. Et du chômage!

M. Christian Ménard. …le Président de la République a rappelé, lundi dernier, que la principale préoccupation des Français était l’emploi.

Nous avons connu une crise exceptionnelle, d’une ampleur supérieure à celle du choc pétrolier des années soixante-dix; et même si la croissance repart, la crise ne sera terminée que lorsque le chômage baissera de nouveau.

C’est pour cela que le Gouvernement s’est mobilisé depuis de longs mois, poursuivant un triple objectif: tout faire pour maintenir l’emploi et éviter les licenciements, aider les salariés qui ont perdu leur travail à rebondir en facilitant leur reconversion vers des secteurs porteurs, et stimuler la création d’emplois dans les secteurs qui restent dynamiques.

Dans ce cadre, une série de mesures ont été prises, des mesures que vous voulez, vous l’avez rappelé à plusieurs reprises, simples, pragmatiques et rapidement opérationnelles: amélioration du dispositif de l’activité partielle, extension du contrat de transition professionnelle, mise en place du dispositif « zéro charges », renforcement du soutien à l’alternance pour les jeunes. Au total, ce sont plus de 2,5 milliards d’euros supplémentaires par rapport au budget de l’emploi initial qui ont été consacrés à ces mesures en 2009.

Monsieur le secrétaire d’État, je sais votre engagement et votre détermination dans ce domaine. Comment envisagez-vous l’année 2010 sur le front de l’emploi,…

M. Jacques Desallangre. Très mal!

M. Christian Ménard. …et pourriez-vous nous indiquer quelle sera la poursuite de ces mesures sur le terrain? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur Christian Ménard, l’intervention du Président de la République, suivie par 8,6 millions de téléspectateurs (Vives protestations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR) , a clairement montré à quel point l’emploi constituait la priorité absolue du Gouvernement.

M. Jean Glavany. Vous l’aurez, votre médaille en chocolat!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Au début de l’année 2009, nous avons subi une crise des plus rudes et nous avons essayé, avec les partenaires sociaux, de mettre en œuvre des mesures simples, directement opérationnelles. Je pense notamment au programme « zéro charges » destiné à favoriser l’embauche dans les toutes petites entreprises.

Au bout d’un an, nous enregistrons les premiers résultats. (« C’est faux! » sur plusieurs bancs du groupe GDR.) D’abord, la France est, avec l’Allemagne, le pays qui, dans la crise, a le mieux su sauvegarder son emploi. Ensuite, par rapport aux premiers mois de 2009 qui se sont révélés très rudes, nous sommes progressivement parvenus à inverser la tendance et nous commençons à espérer pouvoir faire reculer le chômage.

M. Maxime Gremetz. C’est honteux d’entendre cela!

M. Philippe Plisson. C’est la méthode Coué!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Nous espérons pouvoir le vérifier ce soir avec la publication des données du mois de décembre.

L’emploi des jeunes constitue l’une des illustrations les plus frappantes en la matière. Pour les quatre premiers mois de l’année 2009, on a enregistré 70000 jeunes chômeurs supplémentaires. Or, depuis le mois de mai, avec la mise en place du plan d’action pour l’emploi des jeunes, la situation s’est systématiquement améliorée, 20000 jeunes étant parvenus à retrouver du travail.

Cela suppose que nous fassions des choix et que nous prenions des décisions dont on peut juger la pertinence au bout d’un an d’application. En ce qui concerne le plan de relance, qui a permis de sauver de nombreux emplois pendant cette période, la majorité a eu raison de le soutenir. À l’inverse, les socialistes proposaient de baisser la TVA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Royaume Uni a expérimenté cette solution et, tout au long de l’année 2009, le chômage y a augmenté deux fois plus qu’en France.

M. Pierre Forgues. Ce n’est pas la question!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. En matière d’emploi, il y a les donneurs de mauvaises leçons et ceux qui continueront à agir en 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Eh bien, vous n’êtes pas encore Premier ministre!

Retraites

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alain Bocquet. Monsieur le ministre du travail, le Président de la République a confirmé à la télévision sa volonté de s’attaquer à la question des retraites. Or la présidente du MEDEF, Mme Parisot, propose de mettre « d’autres systèmes en place par capitalisation, pour donner une plus grande offre en matière de retraite ».

M. Patrick Roy. Scandaleux!

M. Alain Bocquet. Autrement dit, place aux assurances et aux banques pour faire des retraites un marché.

Le choix est clair: ou poursuivre ce qui a échoué avec les réformes de MM. Balladur et Fillon, ou mettre à contribution ceux qui peuvent et doivent payer, tels les richissimes groupes du CAC 40.

Dans le premier cas, cela s’est déjà traduit par l’allongement de la durée des cotisations des salariés et par une baisse des pensions de 20 %. Dans l’autre hypothèse, le financement pérenne des retraites pourrait être garanti: 150 milliards d’euros de produits financiers échappent à tout prélèvement. Or un prélèvement de 1 % représenterait 1,5 milliard d’euros pour la sécurité sociale.

Taxer les stock-options, comme le recommandait en 2007 la Cour des comptes, rapporterait 3 milliards d’euros. Ce même rapport s’interrogeait sur la nocivité des exonérations sociales patronales qui représentent 30,6 milliards d’euros pour les comptes sociaux.

En outre, augmenter de 1 % les salaires, ce sont 3 milliards d’euros de cotisations en plus. Enfin, une véritable politique de l’emploi bonifierait la sécurité sociale puisque 100000 emplois, c’est 1,3 milliard d’euros de cotisations en plus.

Quand on cherche, on trouve, monsieur le ministre. Vous l’avez fait si promptement en faveur des banquiers!

Cette conquête de civilisation – le droit à la retraite pleine et entière à soixante ans – peut être garantie durablement et la revalorisation des pensions est, elle aussi, possible puisque l’argent existe. C’est une question de choix politique et de justice sociale. Êtes-vous prêt à relever ce défi? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Patrick Roy. Et des parachutes dorés!

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur Bocquet, il y a au moins une qualité qu’il faut reconnaître à l’opposition: c’est la constance, pour ne pas dire l’obstination. Lorsqu’il s’est agi de revaloriser les petites retraites et les pensions, vous avez voté contre. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Lorsqu’il s’est agi de s’occuper des droits des nouveaux salariés âgés, vous avez voté contre. Lorsqu’il s’est agi de taxer les retraites chapeaux dont vous parlez tant, vous avez voté contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.

Permettez à cette majorité d’affirmer qu’elle, au moins, s’est occupée de la question des retraites avec Xavier Bertrand et avec le Premier ministre François Fillon. (Mêmes mouvements. – La voix de l’orateur est couverte par la clameur.)

M. le président. Je vous en prie, on se calme, mes chers collègues!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Nous avons pris un engagement devant les Français, le Président de la République l’a rappelé: il s’agit de sauver le principe de retraite par répartition.

M. Jean Glavany. Voilà qui nous rappelle Chirac super-menteur!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Nous le sauverons grâce aux cotisants et grâce aux générations futures qui ne devront pas être victimes de notre aveuglement, voire de notre égoïsme. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Observez la réalité, monsieur Bocquet, et admettez que les partenaires sociaux évoluent: ils sont prêts à parler de cette question.

M. Roland Muzeau. C’est malhonnête de présenter les choses ainsi!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Voyez ce que nous disons: nous pouvons jouer en effet sur la manière dont les gens cotisent, sur la manière dont les gens travaillent.

M. Jean-Claude Sandrier. Ridicule!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Nous pouvons jouer sur un certain nombre de paramètres, mais nous sauverons le principe de retraite par répartition, car il s’agit d’un principe d’équité.

Nous tiendrons compte de la variété des situations. Ainsi, la pénibilité de leur travail nous conduira à considérer différemment certains salariés, certains travailleurs.

M. Pierre Gosnat. Comme les banquiers?

M. Xavier Darcos, ministre du travail. En tout cas, contrairement à l’opposition, nous aurons pris nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Desallangre. Pourquoi ne taxez-vous pas les revenus du capital?

Régulation du système bancaire international

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Le Président américain a annoncé, jeudi dernier, qu’il proposerait au Congrès des mesures de régulation fortes du secteur bancaire, qui s’articulent autour de trois idées.

La première idée consiste à plafonner le montant des actifs des banques pour éviter, en cas de dépôt de bilan, le risque dit systémique, dont le coût est toujours pris en charge par les contribuables. Cette première norme a pour objet de faire mentir le vieil adage « too big to fail », c’est-à-dire « trop gros pour faire faillite ».

La seconde idée vise à interdire aux banques collectant des dépôts les opérations de spéculation pour compte propre. En d’autres termes, il s’agit d’interdire la spéculation en interdisant les dépôts des clients sur lesquels cette spéculation a lieu.

La troisième idée consiste à interdire la détention de hedge funds , ou de fonds d’investissement à risque, par les banques qui recueillent l’épargne des particuliers.

L’objectif de ce plan est de mettre en place une régulation efficace du système bancaire international, dont les failles ont été mises en lumière par la dernière crise financière, et de recentrer les banques sur leur vocation première, qui n’est pas de spéculer, mais de collecter des dépôts et d’accorder des prêts aux particuliers comme aux entreprises.

J’ai lu que Mme la ministre estimait ce plan conforme aux ambitions de notre pays en matière de moralisation du capitalisme.

Ma question est donc toute simple: le Gouvernement envisage-t-il de soutenir ces trois idées lors du prochain sommet des ministres des finances du G20, ainsi qu’au sein de l’Eurogroup et de l’Union européenne? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Michel Sapin. Il n’y connaît strictement rien!

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le député, je vous prie d’abord d’excuser l’absence de Christine Lagarde, qui est en ce moment en déplacement avec le Président de la République.

M. Roland Muzeau. Elle est à Davos!

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Depuis août 2007, la France est à la manœuvre pour engager nos partenaires de l’Union européenne à tirer les leçons de la crise. Et, depuis août 2007, je crois que nous avons fait beaucoup de chemin.

Nous avons d’abord mis en œuvre la concertation au sein du G20 pour faire disparaître le secret bancaire. Beaucoup pensaient que cela était impossible.

Nous nous sommes aussi mis d’accord sur un encadrement des bonus. Nous avons mis en œuvre ces règles dès le mois de novembre au niveau national. Nous avons également annoncé, avec le Royaume-Uni, la création d’une taxe sur les bonus.

Sous l’impulsion de la France, l’Union européenne agit pour la création d’un contrôle des agences de notation, un encadrement des hedge funds , et la création d’autorités européennes de surveillance et de contrôle du secteur financier.

Au niveau national, nous ne sommes pas restés inertes. Christine Lagarde a présenté, le 20 janvier, une ordonnance qui fusionne les autorités de contrôle bancaire et assuranciel. Vous avez adopté, à l’unanimité, dans la loi de finances pour 2010, la proposition du Gouvernement de créer une taxe afin que les banques paient pour leur contrôle et leur surveillance.

Vous le voyez, la France est engagée en faveur de la réforme du système financier.

Les États-Unis montrent une volonté sans faille de s’attaquer aux défaillances du système. Nous nous en félicitons. Le président Obama a identifié un enjeu clé, à savoir réduire la taille des activités risquées. Au sein du G20, nous avons décidé de multiplier par trois les exigences en capital pour les activités risquées des banques.

Vous le voyez, monsieur le député, la France n’arrête pas son effort en faveur de la régulation et du contrôle du système financier mondial. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe NC.)

Demandeurs d’emploi en fin de droit

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Liebgott. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi.

Personne ne peut nier l’importance de la crise économique que nous traversons. Dans chacune de nos circonscriptions, ce sont des milliers de demandeurs d’emploi supplémentaires qui s’ajoutent sur les listes de Pôle emploi. Et je ne parle même pas de ceux qui n’y sont plus parce que rayés, ou qui n’y sont plus par désespoir.

Or, eu égard à la gravité de la situation, vos réponses sont dérisoires. Pour ceux qui sont encore indemnisés, nous vous demandons une revalorisation de l’allocation spécifique de solidarité. Comment peut-on vivre avec 454 euros par mois? Il faut manger, se déplacer, payer ses factures, parfois rembourser un emprunt, et, quand on le peut, se chauffer par ce rude hiver.

Et pour le million de demandeurs d’emploi non indemnisés, il y a urgence. Le chef de l’État nous a dit: « Circulez, il n’y a rien à voir. » Il est fidèle à son slogan: travailler plus pour gagner plus. Mais comment admettre que le Gouvernement continue à mettre de l’argent dans le paquet fiscal, exonère de charges sociales des heures supplémentaires, pendant que certains pleurent misère sans qu’on leur accorde un seul regard?

Vous nous parlez d’emplois aidés. Mais, monsieur le secrétaire d’État, dans nos communes, ils sont tous pourvus. Nous avons fait l’effort que vous nous avez demandé. Vous les aviez tous supprimés, sans exception. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous vous avons aidé à les recréer, tous. C’est notre boulot, et nous l’avons fait.

Contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, il n’y a pas de reprise tangible de la création d’emplois. Or, à situation exceptionnelle, il faut une réponse exceptionnelle: attribuer l’allocation spécifique de solidarité à ceux qui n’ont plus rien. Et n’oubliez pas, surtout, ceux qui ont moins de vingt-cinq ans, et qui n’ont rien, parce qu’ils ne peuvent pas percevoir le RSA.

Le Président de la République affirme que la France n’a pas besoin d’assistanat. Eh bien, nous, socialistes, nous affirmons que l’État a un devoir de solidarité…

M. le président. Merci, monsieur Liebgott.

M. Michel Liebgott. …envers ceux à qui la… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le député, la question des demandeurs d’emploi qui sont au bout de leurs droits à assurance chômage est très importante en période de crise. Nous avons été amenés à en parler plusieurs fois, suite à des questions émanant des divers groupes. Il sera évoqué avec les partenaires sociaux lors de la réunion de l’agenda social autour du Président de la République, le 15 février.

M. Henri Emmanuelli. Nous voulons des réponses!

M. Jean-Pierre Kucheida. Le baratin, c’est très bien!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je voudrais juste corriger certaines de vos affirmations. Chaque année, même en période de croissance, il y a entre 800000 et 850000 personnes qui arrivent au bout de leurs droits à assurance chômage. Avec la crise, cette situation peut frapper entre 100000 et 150000 personnes en plus. Deux cent mille d’entre elles sont couvertes par le RSA. Grâce aux réformes qui ont été entreprises, notamment par Martin Hirsch, le RSA pourra également apporter une réponse pour des jeunes qui sont en situation difficile.

Contrairement à ce que vous avez dit, l’ASS ne bénéficie pas aux demandeurs d’emploi indemnisés, mais aux demandeurs d’emploi non indemnisés.

M. Henri Emmanuelli. Vous bottez en touche!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Enfin, il y a également 200000 personnes qui, parmi les demandeurs d’emploi en fin de droits, ont une activité réduite.

Derrière ces chiffres, on a des situations humaines très douloureuses, mais très différentes.

M. Patrick Roy. Nous voulons une réponse!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. La demande des partenaires sociaux est donc que l’on puisse mieux connaître la situation, et l’identifier rapidement pour apporter les réponses dont on a besoin.

Mais la seule vraie réponse est l’emploi. Il ne peut y avoir de réponse durable autrement que par l’emploi. Et ce qu’attendent les demandeurs d’emploi au bout de leurs droits à assurance chômage, ce n’est pas de l’assistanat, c’est que nous répondions en matière d’emploi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Répondez!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Il existe des solutions sur lesquelles on peut travailler: zéro charge; le fait d’aider des demandeurs d’emploi qui ne trouvent pas d’emploi à se reconvertir; et les contrats aidés. De ce point de vue, pardonnez-moi de le dire, je suis moi-même maire, le PS n’a pas le monopole des élus locaux, et ce sont tous les élus de la République qui ont travaillé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Réforme des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Xavier Bertrand. Monsieur le ministre de l’intérieur, qu’un parti politique utilise son budget pour financer des opérations de communication politique, c’est normal, c’est la démocratie. Qu’un parti politique utilise le budget des collectivités locales qu’il gère, c’est tout simplement un scandale! (Applaudissements sur les bancs dupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) grou C’est pourtant ce à quoi se livre le parti socialiste dans nombre des départements qu’il gère, dans nombre des communes qu’il gère. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Les Français doivent savoir que leur argent est en train, aujourd’hui, de financer les opérations de communication politique. (« L’Élysée! L’Élysée! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie!

M. Xavier Bertrand. Prenez notamment le conseil général du Val-d’Oise, dont le président est aujourd’hui minoritaire, qui veut faire croire que la réforme des collectivités locales va amener à fermer les centres de sapeurs pompiers. (Claquements de pupitres sur les bancs des groupes SRC dont les députés continuent de scander « Élysée! Élysée! ».)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues! Pensez à l’image que vous donnez!

M. Xavier Bertrand. Dans le même esprit, le département de Loire-Atlantique, que connaît bien M. Ayrault, le conseil régional des Pays-de-la-Loire, la mairie de Nantes présentent un budget de communication supérieur au budget de communication de l’Élysée! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Ayrault. C’est ignoble!

M. Xavier Bertrand. Cela doit être dit aussi! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Toutes ces opérations sont un tissu de mensonges! Comme si la moindre des réformes pouvait conduire à fermer des crèches.

Ce que les Français doivent savoir, c’est que tout cela est faux. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce que les Français doivent savoir, c’est que tout cela intervient en violation des lois de la République sur le financement des campagnes électorales. (Mêmes mouvements.)

Si vous avez des choses à dire, vous pouvez les dire dans cet hémicycle. Si vous avez des choses à dire, vos militants peuvent le dire sur le terrain, mais avec l’argent du parti socialiste, pas avec l’argent des impôts des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Les députés du groupe SRC protestent vivement et pointent le pouce vers le bas.)

Si vous avez le courage de vos opinions, dites-le avec votre formation politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Xavier Bertrand, vous avez naturellement raison sur un premier point: la réforme des collectivités est une nécessité qui mérite un débat serein, apaisé.

M. Henri Emmanuelli. Il aura lieu en mars!

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement n’a pas souhaité demander l’urgence. Le texte sera donc examiné calmement, sereinement, au fil des semaines et des mois à venir, comme au Sénat, où le débat est déjà engagé.

Vous avez raison sur un deuxième point. Certaines collectivités, pas toutes, ont lancé des campagnes non d’information, mais de désinformation. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Mensonges!

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Affirmer, comme je l’ai vu dans un département de la région parisienne, sur des documents distribués, ou sur des affiches, que les bus allaient être supprimés, que les manifestations culturelles ne seraient plus financées (Protestations sur les bancs du groupe SRC) , que les routes, faute d’entretien, allaient se transformer en pistes... (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, calmez-vous!

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. …n’est pas de l’information, mais de la désinformation.

La raison, monsieur le député Bertrand, vous la connaissez, c’est que, faute d’idées nouvelles, faute de propositions, faute d’initiatives, on tente de fausser le débat, d’agiter les peurs, de propager les rumeurs. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Noël Mamère. C’est exactement ce que fait Sarkozy!

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Au regard de la jurisprudence, il existe un doute sérieux, très sérieux, sur la légalité de ces agissements. (Vives Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Le moment venu, la Commission nationale des comptes de campagne, dès lors qu’elle sera informée de ces agissements, aura à se prononcer, voire à sanctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Revenons à l’essentiel. Cette réforme a une ambition toute simple: ne pas se limiter aux postures, aux caricatures, aux anathèmes, mais faire évoluer le paysage local français, qui a vu les structures s’empiler sans cesse depuis trente ans.

Je vous le rappelle, ce que nous voulons c’est alléger, simplifier et clarifier. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Accession à la propriété

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Abelin, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Pierre Abelin. Monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, l'accession à la propriété est un axe important de la politique du logement du Gouvernement et répond à une attente d’un grand nombre de nos concitoyens.

Grâce aux mesures prises par le Gouvernement et votées par le Parlement – le prêt à taux zéro, le prêt d'accession sociale, la défiscalisation des emprunts – 5 millions de Français ont accédé à la propriété depuis le 1 er  janvier 2003.

La crise économique et ses conséquences sur l’emploi et le pouvoir d'achat ont impacté les ressources d'un certain nombre de ces accédants et parfois précarisé leurs emplois. Les assurances pertes d'emploi ne sont que peu souscrites, vous le savez.

Nous ne sommes, certes, ni aux États-Unis ni en Grande-Bretagne, où les accédants ont subi les effets dévastateurs des subprimes et des emprunts à taux variables. Nous ne sommes pas non plus dans la France du début des années quatre-vingt, où certains accédants ont été piégés par les taux élevés et par la chute brutale de l’inflation.

Il reste que les conséquences de ce retournement économique entraînent une augmentation du surendettement pour certains de ces accédants et une augmentation du taux d'effort pour beaucoup. Nous connaissons tous des accédants qui, contraints à la vente, se retrouvent avec des emprunts résiduels importants.

Le président du Conseil national de l’habitat, notre collègue Michel Piron, avait mis en place un groupe de travail sur la sécurisation de l'accession à la propriété, dont les conclusions ont été rendues publiques le 19 mai 2009.

La question que je pose est double. Quelles réflexions tire le Gouvernement de cette situation et de ce rapport? Quelles mesures envisage-t-il pour atténuer les difficultés de ces accédants et faciliter le redémarrage des projets des candidats à l'accession? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur Abelin, devenir propriétaire, c’est le rêve de chacun de nos concitoyens, notamment des plus modestes d’entre eux. Le Président de la République a décidé de faire de ce rêve une priorité, dès 2007.

Pour répondre à cet objectif, nous avons mobilisé quatre outils.

Premier outil: le prêt à taux zéro, qui, dans un contexte de crise, a été doublé, et triplé à l’occasion du Grenelle de l’environnement – 215000 prêts à taux zéro ont été consentis en 2009.

Deuxième outil, le prêt d’accession sociale: 50000 PAS sécurisés ont été attribués en 2009, soit une augmentation de 33 %.

Troisième outil: la vente de logements sociaux à leurs occupants. Les résultats actuels en la matière ne sont pas satisfaisants.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une honte!

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je souhaite attendre l’objectif de 1 % du parc, soit 40000 ventes à leurs occupants tous les ans.

Quatrième élément: le PASS-foncier qui répond à votre préoccupation de sécurisation

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Logez d’abord les demandeurs de logements!

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cet été, nous avons négocié avec les partenaires sociaux. Ce dispositif apporte maintenant aux propriétaires, en cas d’accident de la vie, une garantie de rachat et une garantie de relogement.

Il ne s’agit pas d’inciter les Français à accéder à la propriété sans prévoir un filet de sécurité. Il s’agit de ne pas tomber dans les excès qui se sont développés à l’étranger. Nous souhaitons assurer un avenir aux Français, et non l’hypothéquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Marc Ayrault. J’ai entendu la question et la réponse de l’UMP. C’est une véritable provocation... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.- Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Christian Paul. Provocateurs!

M. Jean-Marc Ayrault. …une manipulation, mais aussi une insulte à ceux qui, tous les jours, dans les régions, font leur travail avec dévouement: les présidents de région que vous insultez à travers votre propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La propagande que vous êtes en train d’instiller partout est indigne. Mais ces menaces ne nous impressionnent pas. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est tout de même pas vous qui allez vous ériger en défenseurs de la vertu républicaine! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous n’avons pas peur du verdict républicain et du choix des électeurs. Nous, nous respectons leur opinion! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et c’est avec dignité que nous allons à ce combat des élections régionales. Vous, vous en avez peur (Rires sur les bancs du groupe UMP) : alors vous croyez que tout vous est permis. Rien ne vous arrête! Vous allez jusqu’à mentir et à insulter les dirigeants des régions: (Protestations sur les bancs du groupe UMP.- Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) c’est-à-dire les présidents socialistes, mais aussi le reste de la gauche – et bien au-delà de nos rangs – qui est indigné cet après-midi. (Mêmes mouvements.)

Monsieur le président, ce n’est pas au ministre de l’intérieur, le ministre de la police, de dire la vérité et de nous menacer des tribunaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Calmez-vous, chers collègues.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas à l’UMP de faire la leçon, vous qui avez refusé au groupe socialiste le droit d’enquêter sur les sondages de l’Élysée, parce que vous en aviez peur! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous n’avons qu’une seule conviction: la démocratie. Nous allons livrer bataille sans peur de vos menaces. Nous irons jusqu’au bout de cette confrontation républicaine. La réforme des collectivités territoriales que vous voulez imposer – y compris maintenant par la menace‚– est une régression démocratique. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ceux qui jugeront – et ce sera un référendum sur la réforme que vous voulez imposer‚– ce sont les citoyennes et les citoyens au mois de mars prochain! (Les membres du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement – Claquements de pupitres et huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Calmez-vous, chers collègues, et asseyez-vous.

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président Ayrault, je ne peux pas répondre à votre question, puisque vous n’avez pas posé de question…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non, il n’y en avait pas, c’était une mise au point!

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Votre intervention n’était qu’une affirmation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Un projet de réforme des collectivités territoriales est en cours, c’est vrai.

M. Henri Emmanuelli. Ce projet est nul!

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Ce projet de réforme mérite un débat calme, apaisé et serein. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au demeurant, vous avez bien conscience de la nécessité de cette réforme, puisque l’ensemble des formations politiques propose aujourd’hui de réformer un système devenu complexe. Quant aux propos de M. Xavier Bertrand, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur la totalité des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il s’agit seulement de rappeler les faits et de dire que certaines d’entre elles ont lancé une campagne de désinformation (« Eh oui » sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en faisant croire que les communes allaient être supprimées, et que les conseils généraux n’auraient plus le droit d’aider les petites collectivités rurales, alors que vous savez pertinemment que cela est faux! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous réclamez la vérité? Commencez par vous l’appliquer à vous-mêmes! ( Les membres du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement. - Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Situation des migrants kurdes

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Claude Guibal. Ma question s'adresse à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Vendredi dernier, 123 ressortissants étrangers étaient découverts sur une plage de Corse du Sud, à proximité de Bonifacio. Ils n'avaient sur eux aucun document permettant de les identifier, mais disaient être des Kurdes de Syrie et avoir transité par la Tunisie.

Nous avons déjà connu en 2001 l'échouage à Saint-Raphaël d'un cargo chargé de 910 Kurdes syriens. L'Italie est quant à elle régulièrement confrontée à ce type de situation. La répétition de ces drames humains pose la question des moyens qui pourraient être mis en œuvre pour protéger les frontières maritimes de la Méditerranée contre l'immigration clandestine et les réseaux mafieux de plus en plus structurés qui l'exploitent.

Par ailleurs, la situation à laquelle les autorités ont été confrontées vendredi dernier à Bonifacio a soulevé des difficultés judiciaires.

Le procureur de la République d'Ajaccio avait en effet ouvert une information judiciaire et décidé d'entendre les personnes découvertes sur la plage en tant que témoins, sans pouvoir les mettre en garde à vue en raison de l'impossibilité de réunir sur place, dans le délai prévu par la loi, un nombre suffisant d'avocats et d'interprètes. L'absence de notification des droits a évidemment créé une faille dans la procédure, ce qui a conduit les juges des libertés et de la détention à remettre en liberté les personnes placées en rétention. Ce même processus s'était déjà produit à la suite du démantèlement de la « jungle » de Calais en septembre2009, comme d'ailleurs de l'échouage de Saint-Raphaël en 2001, ce qui laisse penser que notre législation n'est pas adaptée à l'afflux massif et inopiné d'étrangers en situation irrégulière.

Voici donc ma question, monsieur le ministre: comment, dans de telles circonstances, assurer le respect de la procédure légale et en particulier la bonne notification des droits? Plus généralement, quelles mesures comptez-vous prendre?

M. le président. La parole est à M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

M. Patrick Roy. Et des charters!

M. le président. Monsieur Roy!

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Vous avez raison, monsieur le député Jean-Claude Guibal, sur les deux points que vous venez d’évoquer.

Notre pays, comme toute l’Europe, est la cible des filières mafieuses de l’immigration clandestine et c’est l’un des fléaux qui nous guettent. De plus, ce trafic est extrêmement lucratif, ce qu’on oublie généralement de dire.

M. Henri Emmanuelli. En Seine-saint-Denis.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Ainsi les passeurs qui ont fait leur sale travail ces derniers jours ont empoché environ un million d’euros... Et de l’autre côté – je le dis sobrement, mais je le dis‚– cette affaire coûtera quelques centaines de milliers d’euros à nos concitoyens, aux contribuables français.

La seule réponse consiste à lutter avec une détermination encore plus grande contre les filières mafieuses de l’immigration clandestine. C’est ce que la France fait, et propose à ses partenaires européens. C’est sur la base de notre proposition de protection accrue en Méditerranée et de création de garde-frontières européens que nous discutons.

M. Pierre Gosnat. Les mafieux, vous les connaissez, mais vous, vous en prenez aux immigrés!

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. J’ai demandé à la présidence espagnole de réunir très prochainement un sommet de crise sur la situation en Méditerranée.

Vous avez eu raison aussi de souligner que nos procédures n’étaient pas adaptées à l’arrivée massive et inopinée d’étrangers en situation irrégulière. Vendredi, nous n’étions pas capables de réunir des dizaines d’avocats, de médecins et de policiers pour auditionner toutes ces personnes dans un gymnase. Nous vous proposerons une adaptation de la législation, qui sera conforme aux droits de l’homme et aux directives européennes. Le message de la France est clair: oui à notre tradition d’asile que nous respectons scrupuleusement; non au détournement de la procédure de l’asile et non, plus que jamais, au développement des filières criminelles et mafieuses de l’immigration clandestine! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. En Seine-Saint-Denis!

Situation en Haïti

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Patricia Adam. Vous le savez, un séisme a ravagé Haïti il y a maintenant quinze jours. C’est aujourd’hui que la situation est la plus grave: les rescapés sont au bord de l’épuisement, la tension est à son paroxysme et les effets de l’aide paraissent encore trop faibles. Et bien sûr, comme toujours, ce sont les enfants qui sont les plus touchés et les plus fragilisés.

Alors que le Canada, les États-Unis et le Brésil ont immédiatement déployé des moyens très importants, la France, qui aurait pourtant pu tirer profit de la proximité de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane, a semblé bien plus en retrait. Aujourd’hui, les ONG et les OAA nous alertent et lancent un appel au secours: le Gouvernement doit se mobiliser vite, encore plus vite.

Voici ma première question: une fois passée la première urgence, quels moyens humains et financiers la France engagera-t-elle à long terme pour accompagner la reconstruction sociale et économique du pays? Ces moyens doivent être à la mesure de la générosité des Français.

Deuxièmement, la France doit faire de l’aide à l’enfance une priorité. Plus que jamais, au cours de la phase de reconstruction qui s’ouvre, nous devrons être vigilants à l’égard des institutions qui prennent en charge les enfants, en particulier ceux qui sont délaissés. L’UNICEF a déjà donné l’alarme. Dans quelle mesure la France a-t-elle l’ambition d’accompagner les autorités haïtiennes en la matière, s’agissant en particulier des mesures d’urgence qui concernent les crèches?

Ma troisième question est la plus importante: où en est l’ouverture de négociations avec l’État haïtien afin de permettre aux quelque 900 enfants qui font l’objet de procédures d’adoption, dont 400 environ ont donné lieu à un jugement, de rejoindre rapidement leurs parents adoptifs dans des conditions sécurisées et conformes à la convention de La Haye? Alors que d’autres pays ont ouvert ces négociations, la France est particulièrement en retard en la matière. J’attends de vous des engagements précis et des délais certains. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie . Madame la députée, nous avons travaillé ensemble, avant l’ouverture de la séance…

M. Maxime Gremetz. Oh!

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État . …, avec les membres du groupe d’amitié entre la France et la République d’Haïti, que préside Mme George Pau-Langevin, ce qui m’a permis de vous apporter plusieurs précisions.

Je tiens à rappeler devant la représentation nationale que la France a été l’un des premiers pays à réagir au séisme: quelques minutes après la nouvelle, le 12 janvier dernier, cinquante personnes ont été mobilisées au centre de crise pour déclencher l’intervention française. Au moment où nous parlons, 775 personnels français sont encore sur le terrain, où ils disposent de moyens techniques très importants. Nous avons permis à 1662 personnes de quitter Haïti, dont 925 ressortissants français. Je rappelle également que nous déplorons le décès de vingt-quatre de nos compatriotes et que dix autres sont portés disparus.

S’agissant de l’adoption, la position de la France a été saluée par l’UNICEF. Nous traitons actuellement les dossiers de 400 enfants environ; 900 familles se sont mobilisées, et la régularisation des dossiers a permis de faire venir en France une centaine d’enfants. Quarante et un enfants sont en ce moment même dans un avion à destination de notre pays. Notre position est équilibrée; nous ne faisons rien sans le gouvernement haïtien, auquel nous demandons, pour chaque enfant, une autorisation de quitter le territoire.

Nous voulons également nous conformer à la convention de La Haye sur les droits de l’enfant, car il faut naturellement accueillir tous ces enfants en respectant leurs droits. Enfin, nous sommes particulièrement présents dans les crèches, au côté du Programme alimentaire mondial et de l’ONU, afin de veiller sur la santé et sur la sécurité des enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Conclusions des états généraux de l’industrie

M. le président. La parole est à M. François Loos, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François Loos. Monsieur le ministre chargé de l’industrie, les travaux des états généraux de l’industrie, placés sous l’égide d’un comité national présidé par le grand industriel Jean-François Dehecq, s’achèvent. Tous ont beaucoup travaillé et tous, syndicats et patrons, se réjouissent du travail considérable accompli, qui a permis de formuler des propositions dans tous les secteurs et sur tous les thèmes.

Ce mouvement, que vous avez impulsé et qui a donné lieu à de très nombreuses contributions, a également fait naître de grands espoirs, dans le secteur privé comme à l’égard du secteur institutionnel, qui va devoir réagir: on attend de l’État qu’il fasse preuve d’un véritable volontarisme industriel.

Il faut remettre l’industrie au cœur du redémarrage de l’économie: c’est l’industrie qui innove, c’est elle qui exporte…

M. Jacques Desallangre. Et qui délocalise!

M. François Loos. … même si la part de l’industrie française dans le PIB a perdu quelques points, passant en une décennie de 17 à 14 % de la valeur ajoutée.

Comment faire? Les pistes ouvertes par les états généraux sont nombreuses, de la relation entre banque et industrie à la promotion des métiers techniques auprès des jeunes, en passant par la relocalisation d’activités…

M. Jacques Desallangre. Ah!

M. François Loos. … et la gestion de l’emploi.

M. Maxime Gremetz. Ah! Il en perd ses cheveux!

M. François Loos. Tels sont quelques-uns de ces thèmes fondamentaux, trop nombreux pour être tous énumérés.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement et vous-même comptez-vous traduire cet espoir de renouveau en initiatives et en mesures concrètes? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Monsieur Loos, vous avez su trouver les mots justes (« Ah! » sur les bancs du groupe GDR) pour rappeler la nécessité de relancer une grande stratégie industrielle dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En trois mois, les états généraux de l’industrie auront réuni près de 5000 participants – partenaires sociaux, chefs d’entreprise, économistes, scientifiques, universitaires, élus locaux, acteurs économiques et sociaux de toutes les régions de France.

M. Roland Muzeau. Et des experts!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Il en est résulté près de 800 propositions relatives à cette nouvelle stratégie industrielle.

Lundi dernier, le comité national s’est efforcé d’identifier cinquante grandes pistes, budgétaires et non budgétaires, qui me permettront d’engager une concertation avec tous les partenaires sociaux et les grandes fédérations industrielles, en vue de remettre mes propositions, d’ici à la fin du mois de février, au Président de la République, lequel dessinera la nouvelle stratégie industrielle. (« Ah! » sur les bancs du groupe GDR.)

M. Roland Muzeau. Le grand leader!

M. Jacques Desallangre. Le Líder Máximo  ! Le géant des Carpathes!

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Parmi les mesures budgétaires, certaines relèvent du grand emprunt, dont celles que vous vous apprêtez à voter dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2010 – « prêts verts » et aides à la relocalisation, entre autres.

D’autres mesures, non budgétaires, devront être fondées sur une nouvelle politique de filières, qui mette fin aux rapports de dominant à dominé (« Ah! » sur les bancs du groupe GDR) , de donneur d’ordres à sous-traitant, et impose enfin le respect entre fournisseurs de composants, PME et grands groupes industriels.

Il s’agit de favoriser la grande politique d’innovation que vous avez évoquée, de lutter contre les délocalisations et de promouvoir l’emploi. Ainsi rendrons-nous leurs lettres de noblesse aux ouvriers, aux usines, aux ingénieurs et, tout simplement, aux industries de France! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Desallangre. Alléluia!

Situation de la justice en Guyane

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Chantal Berthelot. Madame la garde des sceaux, le 22 janvier dernier, comme beaucoup de mes collègues, j'ai assisté à l'audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance de Cayenne. Ce fut une cérémonie plutôt morose: cette année, tous les magistrats du siège et les avocats du barreau de Guyane étaient absents.

Et savez-vous pourquoi?

Permettez-moi de vous rapporter les raisons invoquées par les magistrats guyanais eux-mêmes.

Comme tous les magistrats de la nation, ils dénoncent l'indigence des moyens de la justice, les réformes qui se succèdent sans préparation et sans concertation ainsi que les critiques injustifiées contre l'institution judiciaire lancées par certaines autorités irrespectueuses de leur devoir de réserve.

Ils protestent également contre les dysfonctionnements dont souffre depuis de nombreuses années la justice en Guyane.

Ils n'ont, par ailleurs, reçu aucune réponse de votre ministère concernant la manière dont vous comptez remédier à la pénurie de magistrats et de fonctionnaires qui empêche de rendre une justice de qualité au justiciable guyanais.

Enfin, depuis mars2009, date à laquelle les avocats ont lancé un mouvement de grève, ils sont en attente de la construction d'une cité judiciaire, de moyens renforcés pour Saint-Laurent du Maroni et de la création d'une cour d'appel de plein exercice. S'agissant de cette dernière, ils ont appris par les médias que vous auriez donné votre accord, mais ils n'ont aucune autre information sur la mise en œuvre de cette décision.

Madame la garde des sceaux, allez-vous entendre leur plaidoirie en faveur d’une justice digne de la République sur l’ensemble du territoire de la Guyane? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Berthelot, il est vrai que la justice en Guyane connaît depuis de longues années certaines difficultés de fonctionnement. Un engagement de remise à niveau a été pris en début d’année. Bien entendu, il fallait savoir ce qu’il convenait de faire. C’est pourquoi deux missions se sont rendues sur place. Sur la base de leurs rapports, huit postes ont été ouverts à Cayenne. C’est ainsi que la Guyane dispose aujourd’hui de vingt-huit magistrats et de cinquante-huit fonctionnaires.

Pour ce qui est des problèmes immobiliers, une première enveloppe, d’un montant de 100000 euros, a été ouverte au cours de l’année 2009 afin de réaliser des travaux indispensables. Une deuxième enveloppe sera ouverte dans les prochaines semaines afin de mener à terme ces travaux.

Pour ce qui est de la création d’une cité judiciaire, je rappelle qu’elle suppose un investissement extrêmement lourd. J’attends donc de connaître quels engagements les collectivités territoriales sont prêtes à prendre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Encore les collectivités territoriales!

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Eh oui, comme partout ailleurs!

Pour ce qui concerne la cour d’appel de Cayenne, qui correspond à une demande ancienne, j’ai informé par lettre Mme Penchard, ministre déléguée à l’outre-mer, de ma décision de donner mon aval à sa création, ce qui, vous en conviendrez, est la procédure classique. Aujourd’hui, tout le monde est informé.

L’installation de cette juridiction va entraîner la création de six postes de magistrats et sept de fonctionnaires. Il me paraît donc difficile de prétendre que Cayenne serait abandonnée par la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Précarité énergétique

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la secrétaire d’État au développement durable, mettre en œuvre le Grenelle de l’environnement est une exigence du quotidien qui devrait nous rassembler sur tous les bancs pour sauver notre planète, conformément aux orientations proposées par le ministre d’État Jean-Louis Borloo.

Aujourd’hui, en France, 3,5 millions de ménages, parmi les plus modestes, consacrent plus de 10 % de leur budget à leur chauffage et n’ont plus les moyens d’entretenir leur logement: ils vivent dans une situation que l’on qualifie de précarité énergétique.

Vous avez pris ce problème à bras-le-corps, madame la secrétaire d’État, aux côtés du secrétaire d’État au logement, Benoist Apparu. Vous avez ainsi mis en place un groupe de travail qui a associé des experts et des représentants de toutes les associations caritatives, en particulier la fondation Abbé Pierre. Il a rendu des conclusions que vous et le ministre d’État avez décidé de suivre. En tant que président de l’Agence nationale de l’habitat, je me réjouis de cette démarche.

Hier, avec les deux ministres que je viens de citer, vous avez présenté un plan important, qui prévoit de rénover 300000 logements sur une période de huit ans, en consacrant des moyens importants pour aider les ménages en situation de précarité à faire des travaux, et en finançant des diagnostics énergétiques.

Pourriez-vous nous exposer le détail de ces mécanismes, madame la secrétaire d’État, et nous montrer en quoi il s’agit d’un dispositif écologiquement efficace, économiquement essentiel pour nos artisans et socialement juste? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allo, allo!

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur Daubresse, comme vous l’avez rappelé, plus de 3 millions de nos concitoyens en France sont en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire qu’ils consacrent plus de 10 % de leur budget au paiement des charges liées au chauffage et à la consommation d’énergie dans leur logement.

Grâce au plan d’engagement national contre la précarité énergétique que Jean-Louis Borloo, Benoist Apparu et moi-même avons annoncé hier matin, nous voulons éradiquer d’ici à huit ans les situations que vivent les plus précaires d’entre eux.

Il s’agit tout d’abord de réhabiliter, de 2010 à 2017, les logements des 300000 petits propriétaires-occupants aux revenus les plus faibles, dont plus de la moitié vit dans les territoires ruraux. Concrètement, ces foyers bénéficieront d’une visite gratuite à leur domicile et d’un diagnostic portant sur les travaux à réaliser. Il leur sera proposé ensuite un accompagnement pour monter leur dossier. Pour ce qui est du financement, nous compléterons les prêts aidés existants par une nouvelle aide de solidarité écologique, financée par un fonds doté de 1,25 milliard d’euros, dont 500 millions issus du grand emprunt, les autres sommes provenant des apports des fournisseurs d’énergie et de l’ANAH, monsieur le président Daubresse.

Pour des travaux de 10000 euros en moyenne dans des logements anciens dégradés, un ménage pourra bénéficier d’une aide de solidarité écologique non remboursable, cumulée avec un crédit d’impôt lié au développement durable, ce qui assurera les deux tiers du financement des travaux, le solde étant couvert par un prêt aidé, dont le remboursement sera compensé en totalité par les économies d’énergie réalisées sur la facture de chauffage.

Un gain de pouvoir d’achat pour les ménages modestes, une amélioration de la qualité de vie et plus de respect pour l’environnement, enfin, de l’emploi pour nos artisans du bâtiment, voilà le résultat de la solidarité écologique, voilà le résultat des Grenelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Situation du journaliste tunisien Taoufik Ben Brik

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le président, ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères.

Samedi prochain, 30 janvier, la Cour d'appel de Tunis examinera l'appel présenté par le journaliste Taoufik Ben Brik, condamné le 28 novembre 2009 à six mois de prison ferme par un tribunal correctionnel.

Les circonstances électorales de l'arrestation de Taoufik Ben Brik, les conditions de sa détention comme celles de son procès interpellent les consciences démocratiques.

L’attention du ministre des affaires étrangères et du Gouvernement a été attirée de façon particulière et pressante sur la dégradation persistante des libertés en Tunisie. Le sort injuste réservé à M. Ben Brik par les autorités de son pays n'est malheureusement que la pointe visible d'une réalité démocratique très dégradée.

Plusieurs autres journalistes, des syndicalistes, ont été malmenés et arrêtés ces derniers mois. Certains candidats ont même été interdits de campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2009.

La perpétuation du silence en de telles circonstances aurait valeur de blanc-seing; c'est inacceptable sur le plan des principes. L'amitié traditionnelle que nous portons tous à la Tunisie et à son peuple impose la franchise. Le silence validerait l'impunité. Il est temps de réagir et de parler vrai.

La France a-t-elle fait savoir au gouvernement tunisien, ou a-t-elle l'intention de lui communiquer sa déception démocratique et son attente d'une libération de M. Ben Brik, qui sanctionnerait le vide d'un dossier fondamentalement politique? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie . Madame la députée, je vous prie d’excuser l’absence de Bernard Kouchner,...

M. Maxime Gremetz. Où est-il? En Guyane? À Davos?

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État . ...qui a fait part publiquement de sa déception face à l’arrestation de journalistes en Tunisie.

Vous m’interrogez sur la situation de M. Taoufik Ben Brik qui a été condamné à six mois de prison ferme, et dont le procès en appel aura lieu le 30 janvier.

Le ministère des affaires étrangères suit avec attention la situation de ce journaliste. Ainsi, son épouse a-t-elle été reçue la semaine dernière au Quai d’Orsay. Elle a d’ailleurs choisi de rendre public ce rendez-vous. Nous continuons à œuvrer. La France agit à sa manière, dans l’intérêt de ce journaliste.

M. Noël Mamère. Il s’appelle Taoufik Ben Brik!

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État . S’il y a bien quelque chose que nous partageons sur l’ensemble de ces bancs, c’est bien la préoccupation des droits de l’homme et celle de la liberté d’expression des journalistes où qu’ils se trouvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Indemnisation des victimes de l'amiante

M. le président. La parole est à M. André Wojciechowski, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. André Wojciechowski. Monsieur le ministre du travail, ma question, à laquelle s’associe mon collègue Guy Lefrand, porte sur l’indemnisation des personnes reconnues en maladie professionnelle, suite à l’inhalation de poussières d’amiante.

Les victimes de l’amiante disposent, depuis la création du FIVA, d’un recours auprès de cet organisme, tout en pouvant, dans le même temps, se tourner vers le TASS.

Afin d'indemniser au mieux les requérants, et cela au regard des montants proposés par le FIVA, une large vague de recours en justice prolifère, tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, ce qui permet une majoration de la rente à son taux maximal,

Ces recours connaissent beaucoup d'issues positives. À ce jour, pour une population de près de 1000 retraités d'une usine de l'Est de la France, 380 sont reconnus comme étant victimes d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante et 40 sont reconnus décédés de la maladie provoquée par ce fléau.

La centième condamnation de l'employeur vient d'être prononcée et près de 150 dossiers sont encore pendants au tribunal des affaires de la sécurité sociale de cette région. Les tribunaux sont engorgés et la procédure est longue.

M. Maxime Gremetz. Eh oui!

M. André Wojciechowski. Monsieur le ministre, fort de ces arrêts donnant gain de cause aux salariés et qui se multiplient, ne paraît-t-il pas opportun de majorer directement la rente à son taux maximal? Ce serait le minimum de reconnaissance à accorder aux victimes et à leurs familles, déjà si durement éprouvées à cause de la négligence de leur employeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Desallangre. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le député, si la maladie est toujours quelque chose de terrible, la maladie professionnelle est à la fois terrible et injuste.

Comme vous le savez, en cas de maladie à caractère professionnel, la réparation prend la forme d’une indemnisation forfaitaire, celle-ci pouvant être augmentée de manière extrêmement sensible lorsqu’il est démontré qu’il y a, de la part de l’employeur, une faute inexcusable.

M. Maxime Gremetz. Grave et sérieuse!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Vous avez raison de poser la question puisque, s’agissant des autres maladies, les majorations ont été traitées au cas par cas. Vous le savez, la question ne se pose plus pour les victimes de l’amiante puisque le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, a été précisément créé pour accorder une réparation intégrale aux victimes, qu’il y ait ou non faute inexcusable de l’employeur.

M. Maxime Gremetz. Mais non!

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Si, je vous l’assure! Il appartient d’ailleurs au FIVA lui-même d’intenter des actions subrogatoires pour récupérer auprès de l’employeur les sommes qu’il a versées, s’il dispose d’éléments lui permettant de démontrer qu’il y avait, de la part de l’employeur, une faute inexcusable.

M. Patrick Roy. À quand un procès pénal?

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Il n’y a donc pas lieu de modifier les règles, et vous le savez aussi bien que moi, monsieur Roy, puisque j’ai signé, avec le FIVA, un contrat de performance qui accélérera sensiblement le traitement des indemnisations. Ce contrat permettra d’accorder une réparation intégrale aux victimes dans les meilleurs délais. Ce n’est que justice pour ces victimes d’un fléau social et professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
Présidence de M. Marc Laffineur
vice-président

M. le président . La séance est reprise.

Débat sur la sécurité des réseaux d'approvisionnement en électricité

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la sécurité des réseaux d’approvisionnement en électricité.

L’organisation du débat ayant été demandée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Yves Cochet, orateur de ce groupe.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues – peu nombreux –, notre groupe a effectivement souhaité qu’il y ait un débat sur la sécurité ou la vulnérabilité du système électrique français, car, depuis plusieurs années, celui-ci montre ses faiblesses; ce fut le cas au début de l’année 2010, mais aussi en 2009. Ce sera peut-être également le cas – nous avons des raisons de le craindre, j’y reviendrai – au cours des prochaines années. Ainsi, des dizaines de milliers, sinon des millions, de foyers, des dizaines de milliers, sinon des millions, de nos concitoyens ont été privés d’électricité pendant plusieurs jours en raison d’aléas climatiques qui, d’après ce que nous savons, ne cesseront probablement pas de se multiplier.

Le samedi 24 janvier 2009, une violente tempête a secoué la France. Le Sud-Ouest, particulièrement touché, a déploré jusqu’à 1,7 million de foyers privés d’électricité. Selon le gestionnaire RTE – le réseau de transport d’électricité – 118 lignes à haute et très haute tension et 93 postes de transformation ont été hors service au plus fort de la crise. Les lignes à basse et moyenne tension ont également subi de graves avaries.

Malgré la rapidité et l’ampleur des moyens mis en œuvre par les agents d’EDF, de RDF et de RTE, il a fallu plus d’une semaine pour rétablir l’électricité partout. Pourtant, cette tempête avait été annoncée par Météo France. On ne peut donc que constater l’extrême fragilité du réseau électrique français face aux aléas climatiques.

Ainsi, aujourd’hui, il fait froid. Nous verrons ce qui se passera entre dix-huit heures et vingt heures, au moment où la consommation sera la plus forte. Au début de cette année 2010, des milliers de familles provençales ont été privées d’électricité jusqu’à quatre jours consécutifs pendant une vague de froid, comme celle que nous connaissons aujourd’hui.

Nous avons même entendu des responsables d’EDF appeler les Provençaux et les Bretons à réduire leur consommation électrique, alors que, depuis une quarantaine d’années, un matraquage publicitaire fait par EDF les a incités à s’équiper en chauffage électrique, lequel est l’un des facteurs de la fragilisation du système électrique français. EDF stigmatise les familles qui ont suivi ses propres recommandations: c’est scandaleux!

Le système électrique français est beaucoup trop vulnérable, pour trois raisons principales.

Premièrement, l’enfouissement des lignes à basse et moyenne tension, ainsi que des lignes à haute et très haute tension, est insuffisant, par rapport à des pays comme l’Allemagne, où l’impact des aléas climatiques est fortement réduit. Je ne fais qu’évoquer le problème du coût, car nous pourrons en parler davantage au cours du débat.

Deuxièmement, la concentration de la production électrique sur de grosses centrales, notamment nucléaires, est excessive. Ceci implique la nécessité d’entretenir un réseau important de lignes à haute et très haute tension qui, quand elles sont touchées, affectent des populations importantes. Le réseau est, en principe, maillé, un peu comme l’internet, mais il est beaucoup moins résilient, et lorsqu’une ligne tombe…

M. Jean-Claude Lenoir. Internet va en Chine!

M. Yves Cochet. Heureusement, nous n’exportons pas d’électricité en Chine!

Lorsqu’une ligne tombe, il peut y avoir un effet de dominos – un tel incident s’est produit en Allemagne –, c’est-à-dire que l’ensemble du réseau peut basculer. Là réside la fragilité de la région PACA et de la Bretagne. On n’est pourtant jamais en bout de ligne dans un réseau maillé. Or il s’agit là d’un réseau dont la topologie est différente, d’un réseau arborescent. Dans ce cas, si l’on est derrière la feuille du réseau, la ligne est coupée.

Troisièmement, la vulnérabilité de notre système électrique provient d’une trop forte demande d’électricité due à la promotion du chauffage électrique au détriment d’autres modes, pour rentabiliser la filière nucléaire, qui a bénéficié de nombreux investissements depuis trente-cinq ans. Cette dépendance oblige la France, pendant les pics de consommation – nous en connaîtrons peut-être un ce soir –, à atteindre les limites du système en matière de production, de transport, de répartition et de distribution, à risquer le black-out, comme nous l’avons vécu en 2009 et en 2010, et à surinvestir dans les infrastructures de production ou de transport pour seulement quelques jours par an.

Ce débat doit donc nous éclairer sur les moyens de « dévulnérabiliser » le système électrique français, au vu de ces trois risques. À cette fin, nous devons élaborer un plan d’urgence visant à faire face aux conséquences des aléas climatiques; évaluer la capacité de résistance des réseaux de production, de transport et de distribution; évaluer le coût et la faisabilité de l’enfouissement des lignes – ce qui peut être une solution partielle; étudier l’impact sur la santé et l’environnement des lignes à très haute tension – qui est aujourd’hui l’objet de polémiques; réorienter notre production d’électricité vers plus de décentralisation et de diversité – je pense bien sûr aux énergies renouvelables; enfin, tenter, par des mesures drastiques, de réduire significativement notre consommation d’électricité.

J’ai déjà indiqué les six conditions de « dévulnérabilité » du réseau électrique. Je vais maintenant me concentrer sur l’une d’entre elles: la réduction de la consommation. Ma critique portera essentiellement sur le chauffage électrique, qui a fait l’objet d’une politique constante de la France, concomitante au lancement du programme électronucléaire français, il y a environ trente-cinq ans, au moment du premier choc pétrolier, sous le gouvernement Messmer. La France a investi, depuis cette époque, environ 400 milliards d’euros. Je le dis en regardant M. Lenoir, cela a été, d’une certaine manière, une réussite industrielle…

M. Jean Proriol. Vous avez été ministre sous la gauche!

M. Yves Cochet. Je le reconnais, la gauche a fait la même chose. Mais pas les écologistes! Nous avions pour notre part anticipé les conséquences d’une telle politique, lesquelles n’avaient pas été envisagées à l’époque par les dirigeants.

Nous avons de nombreux exemples de ces conséquences, comme les aléas climatiques qui entraînent la rupture d’approvisionnement en électricité de nos concitoyens. Je vais démontrer l’aspect pervers du chauffage électrique. Le risque principal est une panne lorsqu’il fait froid ou lors d’une tempête, ou encore, lorsqu’il fait très chaud, la mode nouvelle consistant à climatiser les bâtiments.

Quels sont les perdants de ce surdimensionnement du système électrique français? D’abord, la sécurité énergétique, nous l’avons constaté avec les deux incidents qui ont eu lieu, cette année et l’année dernière; ensuite, les émissions de CO 2 , catastrophiques à cause des pics de consommation; la collectivité, c’est-à-dire les contribuables, qui financent le surdimensionnement du système électrique français; EDF elle-même, qui est perdante puisqu’elle investit beaucoup trop dans ce qui pourrait être lissé autrement; enfin, les consommateurs, qui paient au prix fort cette électricité de pointe.

D’ailleurs, selon Les Echos, l’avant-projet de loi sur la réforme du marché de l’électricité prévoit que les tarifs réglementés seront plus élevés pendant les périodes de pointe. Vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point. Il y a eu hier un démenti d’EDF. Le président Gadonneix avait dit qu’il faudrait augmenter de manière générale les tarifs de l’électricité. Il a été remercié, notamment pour cette raison. M. Proglio augmentera-t-il les tarifs? Nous l’ignorons. Cela étant, nous aurons bientôt une nouvelle loi portant sur le marché de l’électricité. Monsieur le ministre d’État, cette loi prévoit-elle d’augmenter les tarifs pour les heures de pointe, qui peuvent se produire pendant quelques jours, voire quelques semaines? Je vais sans doute vous étonner, mais je ne suis pas opposé à une telle mesure, qui pourrait inciter à ne plus construire de bâtiments tributaires du chauffage électrique, comme c’est le cas actuellement pour 70 % des logements neufs. Il y a eu un véritable matraquage pour convaincre les gens que l’électricité était une énergie formidable. En réalité, elle peut nous conduire au black-out.

Les gagnants sont les traders d’électricité, les constructeurs de logements et les fabricants de convecteurs électriques, ceux que j’ai appelés lors du débat sur le Grenelle, de manière amicale, le « gang des grille-pains »! Cette tendance est encore renforcée par les dispositions que vous avez prises en faveur d’une mauvaise taxe carbone – qui a certes été retoquée par le Conseil constitutionnel et qui va revenir devant notre assemblée –, qui n’inclut pas l’électricité dans l’assiette de la taxe. Ainsi, vous incitez nos concitoyens à choisir le chauffage électrique, dans la mesure où il n’est pas soumis à la taxe carbone!

Quel choix avons-nous?

Soit nous poursuivons la fuite en avant à travers les fausses bonnes idées, telles que gérer la pointe, produire plus d’électricité ou créer de nouveaux usages, comme la climatisation – il y en a bien d’autres, telles les pompes à chaleur.

Soit nous choisissons la seule approche rationnelle du point de vue thermodynamique, mais aussi du point de vue politique et des investissements financiers, une démarche de type « négawatt », c’est-à-dire la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables, par la mise en œuvre de mesures tarifaires, réglementaires et fiscales simples.

Il existe une contrainte structurelle sur le système électrique: il faut produire à tout instant autant d’électricité que la demande. Il n’y a en effet que très peu de stockage. La pointe de puissance est le moment de l’année où la demande est la plus importante, à cause du chauffage électrique. C’est cette pointe de puissance qui entraîne un surdimensionnement considérable, même pour quelques heures par an, parce que ce sont des centrales à flammes et elles seules qui peuvent être appelées au moment des demandes de pointe.

Ceci est considérable. Par exemple, la consommation due au chauffage électrique durant la pointe hivernale du 7 janvier 2009 est responsable d’une surconsommation en puissance de 34000 mégawatts, soit l’équivalent de la moitié du parc électronucléaire français.

Nous sommes donc en face d’une contradiction majeure du système électrique français: d’un côté, nous avons un parc électronucléaire excédentaire en base – lorsque la demande est moindre, nous produisons beaucoup trop – et, de l’autre, une demande excédentaire en pointe. C’est ce qui s’est produit le 7 janvier 2009 et qui se produira peut-être ce soir.

L’usage du chauffage électrique représente à lui seul 60 térawattheures de consommation, soit 12,3 % de la consommation annuelle totale de la France en électricité. Mais, pendant l’hiver 2008-2009, nous avons dépassé 70 térawattheures, soit près de 15 % de la consommation électrique totale de la France. C’est l’équivalent de la consommation totale d’un pays comme la Suisse, simplement à cause du chauffage électrique!

Aujourd’hui, et plus encore avec cette mauvaise taxe carbone, 70 % des logements neufs sont chauffés à l’électricité, soit 27 % de la consommation totale du parc résidentiel. Cette situation est unique en Europe. Les conséquences en termes de fragilité du système électrique sont désastreuses.

Je ne parlerai pas du gradient thermique, car ce sujet serait trop technique. J’en viens à ma conclusion.

Le rendement du chauffage électrique est particulièrement faible, alors que l’électricité est une matière noble. Mais la dégrader dans des convecteurs est une bêtise thermodynamique que je n’ai jamais comprise! le rendement global de la filière est de l’ordre de 25 %, soit la moitié de ce que font les autres pays en Europe. Le rendement thermodynamique est nul. Nous pouvons faire beaucoup mieux.

Quelles sont les orientations que je propose, aujourd’hui, à l’occasion de ce débat?

M. le président. Il faut conclure!

M. Yves Cochet. Je conclus, monsieur le président.

S’agissant de la sobriété et de l’efficacité des énergies renouvelables, nous pourrions prendre les mesures suivantes: revoir la politique tarifaire pour favoriser les économies d’énergie dans la future loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi NOME; imposer une réglementation contraignante sur toutes les énergies, je l’ai également souligné, à savoir: imposer cinquante kilowattheures pour tous les bâtiments neufs et non exempter les bâtiments faisant appel à l’électricité.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue!

M. Yves Cochet. Il faut renforcer la réglementation thermique de 2005 et, enfin, revoir la fiscalité et, notamment, inclure l’électricité dans l’assiette de la taxe carbone qui serait mieux intitulée ainsi: contribution énergie climat!

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, ce sujet est à la fois français, européen et mondial. Même si notre système est finalement bien organisé, plutôt abondant et sécurisé dans un pays qui n’a pas connu de choc climatique particulièrement important, il est toutefois vital à l’échelle de la planète, et donc des grandes filières professionnelles. En effet, la moitié des êtres humains n’ont pas accès à l’énergie et l’autre moitié disposent d’un modèle énergétique qu’il conviendra de faire évoluer le plus rapidement possible en s’orientant vers des énergies locales. Tout le monde comprendra que la géothermie, la biomasse pour les uns, le vent pour certains, le soleil pour d’autres, sont des énergies locales. Nous constatons, et c’est nécessaire et heureux, un mouvement général du monde en faveur des énergies locales durables. Cela n’autorise pas, pour autant, à brader ce qui existe, à ne pas s’intéresser à la performance générale des modèles et des systèmes que l’on peut modifier à la marge dans leur équilibre, sans tomber dans certaines positions de principe qui me paraissent excessives.

S’agissant, premier point, de la consommation énergétique, nous sommes – et c’est une décision nationale, collective, unanime – en faveur de la réduction des besoins énergétiques et, donc, de la réduction de la consommation d’énergie. Ce problème n’est pas nouveau, monsieur Cochet, puisqu’il a tout de même vingt ans! Tout le monde sait qu’il est préférable de réaliser des économies et les énergies sont des économies. J’observe qu’il a fallu attendre 2005 pour que soit adopté un texte contraignant en matière d’utilisation globale des énergies dans le bâtiment, alors que les réglementations intérieures étaient indicatives, et que l’on avait laissé construire annuellement, en France, 600000 à 700000 bâtiments aux taux de consommation de l’ordre de 300 kilowattheures par an et par mètre carré. Cela nous pose d’ailleurs aujourd’hui un problème majeur. Cette majorité et ce Gouvernement ont proposé, et cela a été voté à l’unanimité, des mesures extrêmement restrictives en matière de consommation. Sous le gouvernement Jospin, il n’y avait pas de contrainte, c’est aujourd’hui le cas avec la RT-2005 et l’obligation, votée en 2009, de diviser par quatre les émissions de CO 2 avec application progressive en 2011, puis en 2012. Sur ce point, il n’y a pas matière à lancer des anathèmes. Nous avons collectivement intérêt à réduire nos consommations énergétiques. C’est vrai dans le bâtiment, quelle que soit sa forme, c’est vrai dans les activités économiques, industrielles et agricoles. Il en va de l’intérêt de tout le monde. C’est même un élément de notre compétitivité et de notre pouvoir d’achat. Il n’y a donc pas de désaccord sur ce point, si ce n’est que je considère simplement que vous êtes dans le rôle du donneur de leçons qui a oublié de faire le travail quand il était en situation!

M. Yves Cochet. Nous n’étions pas majoritaires!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Certes, mais vous souteniez une majorité.

M. Jean-Claude Lenoir. Il était solidaire!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Votre remarque, vous en conviendrez, était quelque peu excessive.

Le deuxième point – et je ne comprends pas la raison pour laquelle vous ne l’avez pas évoqué – concerne le phénomène de l’intelligence dans les réseaux. Nous faisons face, aujourd’hui, à la révolution numérique. Il est, par conséquent, indispensable que nous financions l’intelligence dans les réseaux. En effet, dans vingt ans, on ne trouvera rien de plus bête que de se contenter d’appuyer sur un bouton permettant, quelle que soit la forme d’énergie, de faire appel à un mode de production un peu éloigné, et ce en temps réel et en situation standard. C’est une décision majeure dont vous savez qu’elle peut modifier les appels de charges de l’ordre de 50 à 60 %. Des travaux sont d’ailleurs réalisés par l’équipe de Jean Therme à Chambéry sur un tout petit ensemble qu’est la batterie « lithium-ion ». On sait très bien que l’« appel de vie », c’est-à-dire le nombre de fois où l’on peut la solliciter, est totalement dépendant du moment et de la puissance de la sollicitation. Ainsi, les systèmes de stockage intermédiaire et de gestion de réseaux, d’intelligence dans les réseaux, dans la domotique sont vitaux. C’est la stratégie française.

Troisième aspect: la sécurité réside dans la diversification des approvisionnements. Il n’y a pas un modèle unique, dominant à imposer à tous et pertinent à 100 % de la journée, de l’année. Et, monsieur Cochet, vous êtes en retard d’une guerre dans ce domaine. La France a décidé – et vous l’avez voté – d’équilibrer son modèle entre l’énergie traditionnelle, qui est renouvelable par la biomasse, l’hydraulique et le nucléaire pour l’essentiel, et le développement d’énergies locales. Je me permets de vous rappeler, monsieur Cochet, que nous faisons actuellement face à une surchauffe dans cet accroissement et non à une difficulté! L’installation photovoltaïque française – le solaire français, en général – est aujourd’hui la plus nerveuse d’Europe. Nous enregistrons environ 5000 conventionnements par mois, donc plus que l’intégralité du parc installé en 2007! L’explosion s’avère ainsi tout à fait considérable. Notre véritable responsabilité publique, quels que soient les bancs, est de disposer d’une recherche suffisante et des capacités industrielles pour éviter tout appel à une importation massive de produits venant de très loin et sur la qualité desquels les appréciations peuvent diverger. Nous devons disposer de filières professionnelles françaises et européennes très performantes. Tel est notre enjeu! Nous avons, de ce point de vue, et vous étiez quelque peu en responsabilité, « loupé » la filière professionnelle de l’éolien.

M. Yves Cochet. On a voté la loi du 8 février 2000!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Il n’est pas trop tard pour tenter de s’y associer massivement. Les grands énergéticiens français investissent maintenant énormément dans des capacités de production et pas seulement d’installation. Ce virage est pris. La semaine dernière, j’ai donné mon accord pour trente-cinq unités de biomasse succédant à trente-cinq autres. Notre installation annuelle est absolument considérable. Nous atteindrons les 23 % d’énergie renouvelable dans le délai prévu.

M. Yves Cochet. Il faut baisser le dénominateur!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Nous serons un peu en avance par rapport à 2020. Nous devons encore travailler sur des points particuliers: à savoir les filières professionnelles. Au-delà de notre propre équipement, c’est, en effet, un enjeu de compétitivité mondiale. Il faut stabiliser le système pour qu’il n’y ait pas, à un certain moment, des bulles qui se retournent contre les opérateurs, comme nous l’avons récemment constaté en Espagne, pays ami proche. Nous avons besoin de réseaux intelligents, de deux piliers énergétiques, d’interconnexions et, surtout et en priorité, de la réduction des besoins énergétiques. Telle est la stratégie de la France.

Nous assisterons peut-être, dans les mois qui viennent, à une nouvelle donne, mais bien malin, quels que soient les bancs, celui qui sait ce qui se passera! La stratégie du Grenelle a consisté à s’orienter le plus rapidement possible vers des voitures décarbonées de mass-market . Dans ce domaine, il existe les très hybrides et les électriques intégrales par recharge ou par changement de batterie. L’ensemble de la chaîne maintenant en marche, l’unité de production de batteries dans les deux technologies au monde – lithium-ion et polymère – la mise en place de réseaux d’infrastructures de recharge par changement de batterie ou par recharge accélérée, les décisions prises par les industriels et les aides fiscales votées par ce Parlement conduiront à une très rapide électrification du parc automobile français. Nous n’en connaissons pas la vitesse, mais cela introduira une donnée nouvelle que nous devrons intégrer à 15, 35 ou à 5 %.

Je citerai un dernier point sur lequel nous travaillons, monsieur Cochet, celui de l’introduction massive des énergies renouvelables dans le réseau et, donc, de la gestion d’une énergie intermittente par rapport à une énergie qui ne l’est pas. J’ai eu l’occasion de voir récemment à RTE la mise en place des premiers systèmes de gestion à distance de réseaux et d’informations permettant de parvenir à un équilibre.

Telle est la situation de notre sécurité énergétique.

Permettez-moi, même si ce n’est pas essentiel, de rectifier une erreur ou approximation de votre part concernant les lignes à très haute tension et leur enfouissement. Contrairement à ce que vous avez indiqué et sous bénéfice d’inventaire, la France est le troisième pays au monde en matière d’enfouissement de lignes à très haute tension, après le Japon.

M. Yves Cochet. Je parlais de la basse tension!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Vous avez cependant raison sur un point. Pour l’ensemble des autres lignes, l’effort a davantage porté sur des enfouissements à caractère urbain, donc esthétique et de maintenance, que sur des enfouissements de sécurité pure. Vous n’avez pas fait cette remarque, mais vous l’avez pensée tellement fort que je me permets d’y répondre! Nous avons nommé une inspection chargée d’analyser les points précis de vulnérabilité et de danger. Vous savez que nous développons énormément cette politique.

Au fond, monsieur Cochet, notre point de désaccord ne porte que sur un élément. Il est vrai que nous considérons globalement que le fioul importé et le charbon ne sont pas forcément le mode énergétique le plus souhaitable, si l’on se place dans une perspective de longue durée.

M. Yves Cochet. Nous sommes d’accord!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Nous devons trouver le bon mixte énergétique. Je pense très sincèrement que la politique poursuivie est parfaitement cohérente dans ce sens.

Permettez-moi, pour conclure, de remercier très sincèrement M. le député Claude Birraux pour son rapport rédigé à la demande unanime de cette assemblée. Le sujet imposait de prendre beaucoup de distance et d’avoir un grand sens de la responsabilité, ce qui est difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, suppléant M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.

M. Serge Poignant , suppléant M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Daniel Paul et les membres du groupe GDR ont souhaité débattre sur la sécurité des réseaux d’approvisionnement des réseaux d’électricité, et nous avons ainsi entendu M. Cochet, dont nous connaissons bien sûr la position sur l’électricité d’origine nucléaire.

Cette question est néanmoins vitale et appelle une réflexion qui s’inscrit dans le cadre de la programmation des grands équipements de la nation.

Une étude récente montre que les grands énergéticiens européens consacrent déjà plus du quart de leurs investissements à l’entretien et à la construction de leurs réseaux.

D’énormes sommes sont en jeu, dans un marché de l’électricité qui, pour la première fois depuis longtemps, a fléchi quelque peu en 2009 dans les principaux pays industrialisés. Cette légère restriction de la consommation française, de 1,6 % en 2009, contre 6,7 % en Italie et 5 % en Allemagne et en Espagne, s’explique principalement par la crise économique. Un tel phénomène ne doit toutefois pas empêcher nos opérateurs de préparer l’avenir, tout en confortant leurs atouts.

En 2009, RTE a d’ailleurs investi sur ses réseaux un peu plus d’un milliard d’euros, soit 23 % de plus qu’en 2008. Pour 2010, ce gestionnaire de réseaux prévoit d’accroître son effort de 8 %, notamment en poursuivant ses travaux d’interconnexion avec l’Espagne et de raccordement du futur réacteur EPR de Flamanville, cher à M. Gatignol.

M. Yves Cochet. Hélas!

M. Serge Poignant , suppléant M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La gestion quotidienne des réseaux est devenue un « art » difficile. La sécurité d’approvisionnement de nos industries et des ménages repose parfois sur des situations exceptionnellement tendues. De plus, des accidents ou des défaillances humaines sont toujours possibles: un événement ponctuel ou une opération apparemment anodine peut avoir des conséquences très lourdes si elle est mal conduite, par un effet domino dévastateur.

Je rappellerai simplement pour mémoire la panne géante de novembre2006, qui a touché plus de 15 millions de foyers en Europe. Cette panne avait pour origine un simple délestage inapproprié par un opérateur allemand.

Deux années plus tard, la foudre, en s’abattant sur une ligne de 400000 volts, privait d’électricité 1,5 million d’abonnés dans le Var et les Alpes-Maritimes. Encore plus récemment, le 21 décembre dernier, dans cette même région, un accroissement de la demande par une journée de grand froid a fragilisé les installations au point d’imposer une coupure d’un peu moins de deux heures à 2 millions de foyers.

Pour tenir compte de tels événements, les investissements à consacrer aux réseaux doivent porter à la fois sur la prévention, c’est-à-dire l’entretien et la maintenance, et les capacités à toujours mieux réagir aux ajustements de la demande, après, bien sûr, l’avoir maîtrisée.

Dans ce contexte, il peut se révéler improductif de trop solliciter les réseaux. À cet égard, nous devons nous poser la question des conséquences de l’accès des énergies renouvelables à ces réseaux, énergies au demeurant globalement nécessaires, sur lesquelles nous avons pris des engagements partagés.

Le droit d’accès reconnu aux producteurs de ces sources d’énergie, les contrats de raccordement dont ils disposent s’agissant de productions non maîtrisables car aléatoires par nature, les font injecter dans les réseaux des puissances unitairement modestes. Cette donnée complique la tâche des gestionnaires de réseaux. On lit ainsi dans la PPI, programmation pluriannuelle des investissements, 2009-2020 que le caractère très variable de la production d’énergie éolienne pose un problème à RTE.

M. Yves Cochet. Ce n’est pas la cause de la fragilité actuelle du réseau!

M. Serge Poignant , suppléant M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. D’après les calculs de cette entreprise, l’intégration des énergies intermittentes au système électrique français, qui n’est toutefois pas infaisable sur le plan technique, exigera un effort financier évalué à 1 milliard d’euros afin d’adapter le réseau.

Un autre élément entraînera nécessairement une adaptation de nos réseaux. Dans l’hypothèse d’un parc d’un million de véhicules électriques en 2020, la puissance instantanée nécessaire au chargement des batteries serait de l’ordre de 1 gigawatt, en supposant qu’un tiers seulement des véhicules soient rechargés simultanément. Il conviendra donc de privilégier pour ces opérations les périodes creuses de la demande électrique, donc la nuit. À défaut, les réseaux se trouveraient fragilisés par un tel appel en puissance en période de pointe.

À votre demande, monsieur le ministre d’État, j’anime depuis le mois de novembre, avec le sénateur Bruno Sido, un groupe de travail de spécialistes sur l’effacement en période de pointe. Nous vous remettrons sans doute notre rapport fin février et nous ferons des propositions techniques et financières tant en matière de maîtrise de la demande que de sécurité d’approvisionnement en période de pointe.

Quelle que puisse être l’évolution de nos sociétés, les besoins de l’industrie et les modes de vie des foyers exigeront dans les sociétés développées une desserte électrique de plus en plus exigeante. À cet égard, de nombreux acteurs prônent l’avènement des smarts grids , c’est-à-dire de réseaux intelligents de nouvelle génération, vous en avez parlé, monsieur le ministre. Je pense que notre rapport en fera largement état car cette question doit être abordée à la fois techniquement et financièrement sous tous ses aspects. Les États-Unis ont de très grands projets dans ce domaine, même si c’est parce que la qualité actuelle de leurs réseaux appelle d’urgence des mises à niveau et des modernisations.

Dans le domaine des réseaux français, il se révèle donc absolument nécessaire de maîtriser la consommation de pointe, bien sûr, monsieur Cochet,…

M. Yves Cochet. Parlez des radiateurs électriques, c’est la cause de la consommation de pointe.

M. Serge Poignant , suppléant M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On connaît les raisons pour lesquelles vous les critiquez!

…mais certainement aussi de conforter nos acquis.

De manière impérative, il nous faut également, monsieur le ministre, poursuivre l’effort d’interconnexion avec nos partenaires européens.

Il s’agit ainsi d’établir une programmation à moyen et long terme des investissements. La bonne conduite d’un plan d’entretien et de modernisation des réseaux électriques conditionne la compétitivité de notre économie. Ces opérations représentent d’ailleurs des opportunités de marché non négligeables pour les entreprises industrielles et technologiques des secteurs électriques et électroniques, et domotiques, enjeu de compétitivité mondiale, comme vous l’avez souligné.

En tout cas, la commission des affaires économiques veillera tout spécialement à ce que les pouvoirs publics apportent dans l’ensemble de ces domaines un soutien constant à cette priorité, à l’échelon national comme à l’échelon européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Cochet. Très mauvais!

M. le président. La parole est à M. Claude Birraux, président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Claude Birraux, président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques . Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier notre président et le bureau, qui m’ont autorisé à présenter devant vous, à l’occasion de ce débat, un compte rendu de l’audition publique ouverte à la presse organisée le 16 décembre dernier, à l’instigation de Jean-Pierre Brard, membre du groupe GDR, sur les conditions d’approvisionnement en électricité de la France cet hiver.

De nombreux journalistes étaient présents, les plus beaux parleurs de cette assemblée n’étaient pas venus, et tous les protagonistes du sujet y ont participé, M. Maillard pour RTE, M. Proglio pour EDF, M. Ladoucette pour la CRE, M. Durdilly pour l’Union française de l’électricité, M. Guillard, directeur adjoint de la direction générale de l’énergie et du climat, et divers autres collaborateurs.

M. François Brottes. Et pour Veolia?

M. Jean-Claude Lenoir. Provocateur!

M. Claude Birraux, président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques . Soyez sérieux!

M. le président. Poursuivez, monsieur Birraux. Vous êtes le seul à avoir la parole.

M. Claude Birraux, président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques . Notre audition visait à faire le point après l’alerte lancée par RTE en octobre dans le cadre de son travail prévisionnel.

La tonalité générale était plutôt rassurante, avec des tensions dans deux régions.

Il y en a d’abord en Bretagne, car il est difficile d’y construire de nouvelles unités de production, de nouvelles lignes d’acheminement. En particulier, il n’y a pas de bouclage du réseau breton en acheminement en haute et très haute tension. L’équilibre dépend de la vieille centrale de Cordemais, près de Nantes, de 2,6 gigawatts, qui fonctionne au charbon et au fioul. De plus, quand il fait froid, les éoliennes ne fonctionnent pas très bien, et celles qui sont installées en Bretagne, d’une capacité de 300 mégawatts, ont débité 15 mégawatts sur le réseau.

M. Claude Gatignol. Très bonne précision!

M. Claude Birraux, président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques . Il y en a également en PACA. La situation est moins critique du fait du doublement de la capacité d’acheminement électrique à partir de la vallée du Rhône, mais avec trois facteurs pénalisants: une forte augmentation démographique, la difficulté de construire de nouvelles lignes et la faible capacité de liaison avec l’Italie.

La situation conjoncturelle était également défavorable. La disponibilité du parc nucléaire était réduite, en raison, d’une part, de grèves pendant les opérations de maintenance, et, d’autre part, d’une gestion pour le moins maladroite de ces opérations. Sur cinquante-huit tranches nucléaires, quinze étaient à l’arrêt le 10 novembre 2009, contre dix l’année précédente, huit le 15 décembre, contre six en 2008, et quatre en janvier2010, contre une en 2009.

M. Proglio a assuré que la reprise en main de son entreprise privilégierait l’option industrielle plutôt que l’option financière, qui ne prend pas en compte les objectifs de long terme.

Pour le réseau européen, nous pouvons nous approvisionner chez nos voisins jusqu’à 9 gigawatts au plus, et les investissements à venir étendront cette capacité à 14 gigawatts. La plaque européenne joue un rôle stabilisateur pour le parc nucléaire français, avec un décalage horaire dans les pics de consommation par exemple entre la France, l’Espagne et l’Angleterre.

Le chauffage électrique s’est effectivement fortement développé…

M. Yves Cochet. Ah!

M. Claude Birraux, président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques . …en raison des écarts de prix. L’office parlementaire, je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le ministre, vient de rendre une étude sur la consommation des bâtiments neufs pour 2012, dite RT2012. Nous confirmons un coefficient de conversion de 2,58 pour l’électricité, après être allés vérifier dans les bouquins de physique pour étudiants les principes de la thermodynamique. Nous confirmons également la valeur des 50 kilowattheures par mètre carré et par an avec une modulation en fonction de la géographie, de l’altitude et, pour les petits logements, en s’inspirant du modèle allemand de Passive Haus . Nous préconisons en plus un plafond de cinq kilos de CO 2 par mètre carré et par an, pour ne pas oublier l’objectif, qui est la lutte contre le réchauffement climatique, pour pousser à chercher toujours des solutions innovantes et lutter contre l’effet de serre.

Nous ne sommes pas entrés dans le débat des émissions marginales, car il nous paraît incohérent vis-à-vis de la lutte contre l’effet de serre. Le seul exemple breton des éoliennes qui ont une puissance de 300 mégawatts mais n’en ont débité que 15 montre en quelque sorte l’irréalité du débat, car quelle est alors l’émission marginale de l’éolien?

Il me paraît intéressant de rappeler également le contenu moyen en 2008 du CO 2 par kilowattheure électrique produit dans différents pays européens: en Allemagne, que l’on cite volontiers comme modèle, 412 grammes; au Danemark, autre modèle, 314; en France, 90.

Il existe une alternative à l’appel au réseau européen, c’est le stockage d’énergie en France, qu’il faut rémunérer à hauteur du service rendu.

Un premier rapport rendu au mois de mars par le duo habituel Bataille-Birraux préconise des atolls de stockage énergétique. Nous devons sérieusement y réfléchir.

Tels sont les éléments de cadrage qui sont ressortis de cette audition de plus de deux heures.

En conclusion, monsieur le ministre, en ce qui concerne la loi NOME, il faut être très prudent sur le partage de la rente pour éviter toute dérive lente à la californienne qui permettrait une bonne rémunération des vendeurs mais enlèverait aux sociétés les capacités d’investissement nécessaires. Or, dans le monde, il est nécessaire d’investir, quelle que soit la forme d’énergie. Pour cela, il faut des industriels solides et puissants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Durand, premier orateur inscrit.

M. Raymond Durand. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ces dernières semaines, tout un chacun l’aura remarqué, il a fait froid, et même très froid.

La consommation d’électricité s’en est ressentie, au point de culminer à des niveaux historiquement hauts.

Ainsi, la consommation française a atteint le record des 91000 mégawattheures, et ce n’est pas dérisoire puisque les régions PACA et Bretagne ont vécu plusieurs jours sous tension.

La région Ouest, grâce à sa grande vitalité économique et démographique, est en évolution constante, ce qui se reflète dans sa consommation d’électricité, en augmentation de 2,7 % par an, soit plus que la moyenne française, qui est autour de 1,2 %.

Quant à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, elle est fragilisée par l’absence d’artère de secours, qui fait que tout incident, toute vague de froid intense, peut engendrer des coupures, surtout dans l’est de la région, à l’extrémité de cette péninsule électrique.

Ainsi, le 21 décembre, un tiers des habitants de cette région ont été privés d’électricité, RTE ayant opéré des délestages afin de ne pas mettre en péril l’approvisionnement électrique de l’ensemble de la région.

Une question simple mais pourtant fondamentale se pose alors: pourquoi, en période de grand froid, l’approvisionnement dans les zones sensibles de l’Ouest et du Sud-Est pourrait-il atteindre ses limites?

Les causes d’un approvisionnement structurellement sous tensions sont multiples. J’en dénombrerai quatre.

Premièrement, nous le rappelons, la particularité de la source énergétique électrique est qu’elle ne se stocke pas. Il revient donc au gestionnaire qu’est, en France, RTE de s’assurer à tout instant de l’équilibre entre l’offre et la demande en électricité. Ce délicat équilibre est une condition nécessaire de la sécurité globale de notre approvisionnement.

Deuxièmement, du fait de l’importance des interconnexions internationales, la sûreté des réseaux français dépend aussi des gestionnaires des pays voisins. La panne du 4 novembre 2006 l’a démontré; à cette date, plus de quinze millions de foyers européens et français ont été plongés dans l’obscurité suite à un incident sur le réseau de transport d’électricité allemand.

Troisièmement, si l’ensemble du territoire français semble correctement maillé au regard des exigences de sûreté, il reste à réaliser des investissements dans les réseaux de transport d’électricité pour décloisonner les péninsules électriques. Nous avons parlé de la Bretagne et de PACA.

Il reste aussi à réaliser des investissements de distribution pour enfouir les lignes. C’est en effet une protection qui aurait été utile lors de la tempête Klaus de 2008 qui a touché le Sud-Ouest et laissé les foyers plusieurs jours sans électricité et, bien souvent, sans chauffage. Enfin, des investissements sont à réaliser dans certaines interconnexions européennes, notamment avec l’Espagne.

La quatrième et dernière cause spécifique à la France que je voudrais mettre en exergue, c’est le gourmand chauffage électrique.

M. Yves Cochet. Ah! Enfin!

M. Raymond Durand. En raison du recours massif des Français au chauffage électrique, encouragé au lendemain de la construction du parc nucléaire hexagonal, la consommation française en électricité est fortement soumise aux variations de température.

M. Yves Cochet. Eh oui!

M. Raymond Durand. Face à cet éclairage, le Nouveau Centre s’est posé la question de la sécurité de l’approvisionnement en électricité de la France dans les termes suivants: quels risques pour la France à court et long termes?

S’agissant de la sécurité de l’approvisionnement, l’opinion pense fréquemment aux risques à court terme car nous savons aisément les appréhender. Il s’agit là de se prémunir contre les ruptures d’approvisionnement d’origine météorologique. Je pense aux sécheresses affectant la production hydroélectrique, aux sécheresses affectant aussi le refroidissement des centrales nucléaires au moment des canicules estivales,…

M. Yves Cochet. C’est vrai!

M. Raymond Durand. …ou encore à l’absence de vent dans les zones à forte concentration d’éoliennes. L’origine de ces ruptures peut encore être accidentelle, à l’instar de la rupture survenue sur le réseau allemand en 2006.

Cependant, il convient de ne pas oublier la sécurité à long terme. Pour le Nouveau Centre, une question doit être posée: la croissance de la production d’électricité réussira-t-elle à suivre la croissance de la demande souhaitée?

M. Yves Cochet. La croissance de la demande n’est pas souhaitée!

M. Raymond Durand. Je m’explique. Si la France encourage aujourd’hui le développement de la voiture électrique ou du fret, elle doit veiller à équilibrer l’offre et la demande en électricité.

Ne nous trompons pas; loin de moi l’idée de remettre en cause un tel dispositif, qui permettra par ailleurs de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, de développer les technologies et le savoir-faire français, et j’en passe. La France est clairement engagée dans cette voie, et le Nouveau Centre s’y associe. Néanmoins, la question est bien là.

RTE prévoit une augmentation de la consommation d’électricité entre 0,8 et 0,9 % par an en moyenne d’ici à 2025. Ce scénario conduit à une consommation annuelle d’énergie en France continentale de 515 milliards de kilowattheures en 2015 et de 560 milliards en 2025.

Il faut savoir, par exemple, que le taux de pénétration du chauffage électrique, toutes technologies confondues, est de l’ordre de 70 % depuis trois ans.

M. Yves Cochet. C’est vrai!

M. Raymond Durand. On conçoit donc bien l’importance du Grenelle de l’environnement et de la maîtrise de la demande d’électricité proposée par les deux lois Grenelle.

M. André Wojciechowski. Oui, c’est essentiel!

M. Raymond Durand. Au titre des solutions pour assurer une plus grande sécurité de l’approvisionnement, le Nouveau Centre compte un certain nombre de réponses qui, à notre sens, font consensus.

Selon nous, il convient tout d’abord de diversifier les sources d’énergie et des fournisseurs, ce qui réduirait les risques en les répartissant.

D’autre part, notre marché de l’électricité étant européen, il nous faut investir dans une interconnexion toujours plus poussée avec nos voisins, ce qui permettrait des échanges d’électricité transfrontaliers permanents, une solidarité des réseaux électriques.

Car, il ne faut pas se leurrer, dans une économie ouverte, importer de l’électricité n’est pas un problème en soi. L’indépendance énergétique que nous vantent certains n’est pas réalisable pour la plupart des pays développés, et a contrario l’utilisation du critère de taux de dépendance risque de conduire à des décisions absurdes pour la croissance et la protection de l’environnement.

Je m’explique. Le postulat selon lequel seule l’énergie domestique offre la sécurité ne résiste pas à l’examen des trente dernières années. J’en veux pour preuve les défaillances domestiques telles que l’impact de la sécheresse sur l’hydroélectricité en Espagne ou en Grèce ces dernières années, ou encore la gestion calamiteuse de graves incidents nucléaires qui ont mis en péril l’approvisionnement en électricité du Japon.

Autre réponse, et non des moindres, que nous apportons à ce débat sur l’approvisionnement en électricité: la maîtrise de la consommation. Renforcer l’efficacité énergétique des bâtiments, utiliser des équipements vertueux, à l’image du compteur intelligent ou des technologies modernes en remplacement de l’éclairage par incandescence, apparaissent comme des leviers fondamentaux pour équilibrer l’offre et la demande en électricité.

Enfin, pour le Nouveau Centre, la maîtrise de la consommation doit être associée à des investissements à l’attention des péninsules électriques et de l’ensemble du réseau en général. Nous proposons à ce titre d’encourager la création de sites de production d’électricité propre – photovoltaïque, éolien –, et ce en veillant à durcir les normes de construction et de connexion de ces moyens décentralisés, afin que ces installations ne se déconnectent pas instantanément en cas de perturbations du réseau. D’une manière plus générale, la responsabilité doit prévaloir.

Le sous-investissement dans le réseau électrique entre1997 et2005 a créé un véritable trou d’air en matière d’investissement sur le réseau français.

Aujourd’hui, il nous faut veiller au partage du volume des investissements d’EDF et de RTE entre l’aspect commercial, l’aspect production et l’aspect réseau. Pour le Nouveau Centre, c’est bien le réseau qui doit primer, ou plutôt qui doit primer à nouveau, dans les investissements, pour sécuriser l’approvisionnement en électricité de nos concitoyens.

Pour conclure, je voudrais rappeler qu’encourager les comportements nouveaux, protéger la planète sont des préoccupations que les députés du Nouveau Centre partagent depuis longtemps. Nous considérons qu’il faut convaincre nos concitoyens de la nécessité d’agir concrètement pour une meilleure maîtrise de la consommation d’électricité, et c’est pour cela que nous sommes ravis d’avoir pu débattre de ce sujet aujourd’hui dans l’hémicycle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ce débat sur la sécurité des réseaux d’alimentation électrique a été initié par le groupe auquel appartient M. Yves Cochet.

M. Cochet a cependant préempté le débat à son idée, en avançant avec un faux nez, qui n’est autre que le nez de Pinocchio, car ce qu’il a dit à la tribune ne correspond pas du tout à ce qu’avaient demandé les collègues de son groupe.

M. André Wojciechowski. C’est vrai!

M. Yves Cochet. Bien sûr que si, pour l’essentiel!

M. Jean-Claude Lenoir. M. Cochet a utilisé son temps de parole pour dénoncer le nucléaire et le chauffage électrique. Ce n’était pas du tout la question posée par certains de ses collègues.

M. François-Michel Gonnot. Eh oui! Les communistes ne sont pas d’accord!

M. Jean-Claude Lenoir. Je ne suis d’ailleurs pas surpris que M. Cochet soit le seul membre de son groupe dans l’hémicycle; ses collègues ont dû comprendre que le débat allait porter sur tout autre chose.

M. François-Michel Gonnot. Bien vu!

M. Jean-Claude Lenoir. Pourquoi ce débat? Il y a eu au cours de l’hiver des inquiétudes concernant la fourniture d’électricité.

M. Yves Cochet. Pas des inquiétudes, des événements! Des black-out!

M. Jean-Claude Lenoir. Il n’y a pas eu de black-out en France.

M. Yves Cochet. Bien sûr que si! Pendant quatre jours!

M. Jean-Claude Lenoir. Il y en a eu dans d’autres pays. Certaines zones en France ont été privées d’électricité, en raison de délestages, mais les catastrophes auxquelles nous avons assisté dans certains pays voisins nous ont été épargnées.

Pourquoi ces inquiétudes? La demande augmente régulièrement. Alors que les centrales étaient sollicitées de produire 92400 mégawatts en janvier2009, nous savons qu’il faudra produire 104000 mégawatts en 2015 et 108000 mégawatts en 2020.

M. Yves Cochet. Ce n’est pas une fatalité!

M. Jean-Claude Lenoir. Il y a eu des problèmes, des inquiétudes, il a fallu acheter du courant à nos voisins, mais en dehors de certaines régions, où quelques dizaines de milliers de consommateurs ont été privés de courant, nous n’avons pas connu de coupure générale comme on aurait pu le redouter.

M. Yves Cochet. Il y a un an, pendant une semaine!

M. Jean-Claude Lenoir. Notre système est pourtant très sensible à la diminution de la température. Il faut savoir qu’une diminution d’un degré exige de faire appel à deux réacteurs nucléaires supplémentaires, c’est-à-dire de produire 2000 mégawatts.

M. Yves Cochet. Ce n’est pas le nucléaire, là!

M. Jean-Claude Lenoir. M. Cochet, qui est manifestement très énervé à son banc, devrait comprendre que ni le Gouvernement ni la majorité n’ont de prise sur la température qu’il fait à l’extérieur.

M. Jean Gaubert. Mais sur la température qu’il fait dans cet hémicycle, si!

M. Jean-Claude Lenoir. De même, les tempêtes qui ont balayé le Sud-Ouest l’année dernière ont certes été responsables de coupures, mais il ne s’agit pas du tout du même débat.

M. Cochet, auquel il convient tout particulièrement de répondre puisque c’est lui qui a initié cette discussion, impute les problèmes au fait, entre autres, que les centrales nucléaires sont fortement concentrées en France. En l’écoutant, je devinais son sourire, mais il n’a pas osé dire le fond de sa pensée. Mon cher collègue, il est vrai qu’il n’y a pas de centrale nucléaire en Bretagne, mais ce n’est pas la faute des pouvoirs publics!

M. Yves Cochet. Il y en a beaucoup en PACA?

M. Jean-Claude Lenoir. La Bretagne – je m’en excuse auprès de nos collègues bretons – produit 8 % de l’électricité qu’elle consomme. Comme, en même temps, il existe de fortes résistances – sans jeu de mots – à l’implantation de lignes à haute tension, on comprend qu’il puisse y avoir des problèmes.

Pour le Sud-Est, une autre difficulté se présente, celle de l’interconnexion avec l’Italie.

M. Yves Cochet. Non, c’est la topologie des réseaux!

M. Jean-Claude Lenoir. Ce facteur pèse fortement dans la configuration des risques.

M. Cochet, parlant du chauffage électrique, a également indiqué que les problèmes tenaient à des pics de plus grande consommation arrivant sur le réseau. Sans vouloir trop entrer dans les détails, je rappelle qu’un réseau électrique doit assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. Il y a déséquilibre si l’offre ne correspond à la demande ou si la demande ne correspond pas à l’offre.

Si, s’agissant du chauffage électrique, la demande augmente à cause du froid, il faut que la production s’adapte. Mais quand c’est l’offre qui excède la demande, notamment lorsque la production est aléatoire, comme dans le cas des éoliennes, que se passe-t-il?

M. Yves Cochet. L’Espagne sait très bien gérer ce problème!

M. Jean-Claude Lenoir. Une éolienne tourne en permanence et ne cesse donc de produire de l’électricité dès lors qu’il y a du vent.

M. Jean-Pierre Nicolas. C’est une catastrophe!

M. Jean-Claude Lenoir. Il faut donc évacuer cette électricité sur le réseau. C’est l’un des problèmes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés, tout comme l’Espagne, qui produit beaucoup d’électricité à partir d’éoliennes.

C’est un risque de déséquilibre. Il ne convient donc pas d’avancer cet argument comme s’il était à sens unique, avec le chauffage électrique, parce que cela nous arrange, en oubliant que les déséquilibres peuvent aussi provenir de la présence de plus en plus importante d’unités de production éoliennes.

M. Yves Cochet. Les problèmes sont asymétriques!

M. Jean-Claude Lenoir. Néanmoins, les difficultés doivent être relativisées. RTE affirme qu’il n’y aura pas véritablement de problème d’ici à 2015.

M. Yves Cochet. Tous les ans!

M. Jean-Claude Lenoir. Si la consommation augmente de 0,7 % ou 0,8 % par an, il y a des échanges internationaux: en nous fournissant de l’électricité, nos voisins nous ont permis de faire face à un certain nombre de difficultés.

Quelles mesures faut-il prendre à court terme? Avant tout, tirons notre chapeau à RTE, qui a été capable de maîtriser ces difficultés, grâce à un grand savoir-faire. Ce sont les champions en matière d’organisation de la fourniture d’électricité sur le réseau de transport.

M. François-Michel Gonnot. Il fallait le dire!

M. Jean-Claude Lenoir. RTE a également appelé à une modération de la consommation, et je dois dire que les bras m’en sont tombés quand j’ai entendu M. Cochet ironiser sur le fait que RTE invitait les Français à faire des économies.

M. Yves Cochet. Pas les Français: les Bretons et les Provençaux!

M. Jean-Claude Lenoir. RTE est une filiale chargée du transport, ce n’est pas elle qui vend du courant. Elle est indépendante d’EDF aux plans managérial, juridique et comptable.

Il y a, d’autre part, les mécanismes d’effacement, qui nous permettent de diminuer les pointes pour éviter les difficultés sur le réseau.

Il y a encore les délestages tournants. On y a eu effectivement recours; c’était le prix à payer pour sécuriser les réseaux.

À long terme, il faut bien sûr investir, notamment pour la pointe, et enfouir les réseaux. Le ministre d’État a rappelé que la France fait partie des pays qui investissent le plus pour l’enfouissement des réseaux,…

M. André Wojciechowski. Oui, et il faut continuer!

M. Jean-Claude Lenoir. …et nous devons nous en réjouir. Il faut aussi sécuriser les interconnexions. À cet égard, beaucoup est déjà fait. Mais nous devons aussi investir sur des territoires fragilisés, en production, y compris dans le renouvelable, et en transport d’électricité. Cette question regarde les élus responsables des régions concernées.

Je conclurai sur les réseaux intelligents. Monsieur Cochet, j’ai été vraiment surpris que vous n’en ayez pas dit un mot.

M. Yves Nicolin. Eh oui!

M. Yves Cochet. On en parlera quand ils le seront!

M. Jean-Claude Lenoir. Le ministre d’État, lui, les a évoqués, et d’autres orateurs le feront certainement après moi. C’est vraiment le sujet dont on parle aujourd’hui. La commission de régulation de l’énergie lui consacre un colloque à l’Assemblée: j’y ai participé ce matin, et je sais que mon collègue François Brottes y sera cet après-midi. L’avenir est aux réseaux intelligents.

M. André Wojciechowski. C’est très vrai!

M. Jean-Claude Lenoir. Ils vont nous permettre d’adapter de façon extrêmement fine la production à la consommation et de favoriser les économies d’énergie non seulement dans les ménages mais chez les professionnels, y compris dans les grosses entreprises industrielles, ce qui est tout de même très vertueux.

M. André Wojciechowski. Et cela permet de créer les emplois de demain!

M. Jean-Claude Lenoir. Ces réseaux du futur propageront des services importants et permettront au client de participer à la maîtrise de l’énergie et de comprendre qu’il a un rôle à jouer: de consommateur passif qu’il est, il va devenir un acteur de tout le système électrique et un citoyen en ce domaine aussi. Je vous remercie, monsieur Cochet, de m’avoir donné l’occasion de vous le dire. Le débat que vous avez initié a au moins cette utilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. Yves Cochet. Voici un parlementaire plus intelligent que ces réseaux!

M. François Brottes. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, chers collègues, j’apprécie beaucoup la conversion tardive de M. Lenoir aux réseaux intelligents.

M. André Wojciechowski. Il n’est jamais trop tard! Tant mieux!

M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes de mauvaise foi, monsieur Brottes!

M. François Brottes. Je me souviens qu’en 2004, Jean Gaubert et moi avions proposé de généraliser de façon volontariste les compteurs intelligents dans tous les foyers. Malheureusement, vous, monsieur Lenoir, et vos collègues de la majorité n’aviez pas souhaité adhérer à cette proposition. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Mais je note qu’en effet, comme le dit M. Wojciechowski, il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Le débat peut apparaître extrêmement technique puisqu’il est centré sur les réseaux d’approvisionnement. Mais – je demande à M. Cochet de me pardonner – je ne m’en tiendrai pas à cela dans mon intervention car on ne peut pas isoler la question des réseaux de la question globale du secteur de l’énergie. Il me semble nécessaire, indispensable et urgent, monsieur le ministre d’État, de mettre un peu de cohérence dans la gouvernance de ce secteur. Vous êtes en charge de ces questions, et il serait utile que vous soyez la seule parole autorisée dans ce domaine. À l’heure actuelle, nous avons des dispositions prises par l’Agence des participations de l’État à Bercy, nous avons la loi de finances qui prévoit des mesures sur le plan fiscal, la loi Grenelle qui prévoit des dispositions ici et là, notamment à l’égard des énergies renouvelables et des économies d’énergie, et puis il y a le régulateur, et vous-même qui prenez des décrets sur le sujet… Bref, nous sommes en présence d’un dispositif qui conduit beaucoup de gens à s’occuper du sujet sans qu’il y ait véritablement un pilote dans l’avion du secteur de l’énergie. Je sais bien que nous sommes dans un système libéral et que ce marché est ouvert. Mais il s’agit, je le rappelle, de biens de première nécessité et d’un réseau unique. Au passage, je remercie RTE d’assurer à lui seul tout le travail de cohérence dans notre pays – certes, le législateur l’a mandaté pour cela. Car si on considère tout le reste, à savoir la production, la distribution et la commercialisation, nous sommes dans une panne, qui n’est pas encore un black out mais qui pose tout de même de nombreux problèmes.

Dans le dernier courrier que m’a envoyé un industriel de ma circonscription – une PME –, il m’explique que la reprise n’est pas encore tout à fait au rendez-vous et que pourtant son opérateur, EDF, vient de lui annoncer qu’après le renouvellement de son contrat annuel, les tarifs allaient augmenter de 23 %. Il a essayé de discuter, mais l’opérateur lui a dit qu’il n’avait qu’à aller à la concurrence s’il n’était pas content.

M. Jean-Claude Lenoir. Pourquoi n’a-t-il pas quitté ce type de tarification?

M. François Brottes. Il s’agit des tarifs verts, monsieur Lenoir, des tarifs réglementés dont vous savez qu’EDF reste l’unique prestataire. Tant mieux sur ce dernier point, mais un tel témoignage montre que le système ne va pas bien, que nos industriels souffrent. Ce ne sont pas les réseaux intelligents qui régleront les problèmes des électro-intensifs.

Il y a des dispositions importantes en jachère, d’autres en attente: cela ne peut plus durer. Ainsi, la loi NOME, qui vise à prendre en compte les nouvelles règles d’organisation du marché de l’électricité, nous est annoncée depuis plusieurs mois. Un tel texte est indispensable. Monsieur le ministre d’État, vous faisiez le reproche à M. Cochet de ne pas avoir pris, avec le gouvernement de l’époque, certaines dispositions en la matière. Mais je rappelle qu’il était membre d’un gouvernement qui n’avait pas privatisé Gaz de France, ni changé le statut d’EDF, ni mis en œuvre une série de dérégulations que l’on paye cher aujourd’hui. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Yves Cochet. Nous, on a fait la loi du 8 février 2000!

M. François Brottes. L’État est schizophrène – ce qui, je vous l’accorde, mon cher collègue Jean-Claude Lenoir, n’est pas nouveau – puisqu’il a du mal à arbitrer entre la recherche du maximum de dividendes versés par les entreprises de l’énergie et la préservation des tarifs payés par le consommateur.

M. Jean Gaubert. Très juste!

M. François Brottes. Ce n’est pas nouveau, cette schizophrénie existe depuis longtemps. Mais il y en a une nouvelle, née de l’attitude du Gouvernement et de la majorité: le président d’EDF, quel qu’il soit, ne parvient plus dorénavant à arbitrer entre sa responsabilité de producteur d’énergie, sa responsabilité de transporteur et celle de distributeur – cela a été aussi le cas d’ailleurs pour Eon. De ce fait, des impasses sont souvent faites sur le réseau de distribution. Ma collègue  Frédérique Massat le montrera très bien puisqu’elle a fait le décompte du temps mis, dans sa circonscription, pour réparer un réseau ou pour installer un nouveau compteur: cela devient totalement insupportable. Autre exemple: le groupe Eon a fait une mauvaise manœuvre en considérant qu’il était plus important de vendre de l’énergie que de bien gérer un réseau de transport émaillé dans l’ensemble du réseau européen. Un tel arbitrage a mis dans le noir, pendant quasiment une heure, des millions de nos concitoyens,…

M. Yves Cochet. Ah! C’est la faute à Lenoir! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Je n’y suis pour rien! (Sourires.)

M. François Brottes. … sans que le groupe en soit jamais puni.

Les réseaux conduisent à se poser plusieurs questions.

La première est celle de la séparation patrimoniale. Le Gouvernement a évacué ce sujet de débat parce que cela aurait fait perdre de leur valeur à des entreprises telles que GDF-Suez ou EDF. Mais la schizophrénie n’en demeure pas moins à l’intérieur de ces entreprises où l’on ne fait pas forcément les bons choix au service de l’intérêt général du fonctionnement du réseau.

Il y a aussi la question de l’articulation entre un réseau national et des schémas régionaux. Comment trouver la cohérence? Comment mettre en œuvre des dispositions à l’échelle régionale en cohérence avec un réseau national et européen? Je suis extrêmement sceptique. Nous aurons un débat là-dessus dans le cadre du Grenelle II, mais je me demande si on n’est pas encore en train d’inventer un texte qui ne servira à rien et qui, en tout état de cause, ne trouvera pas sa propre cohérence dans le fonctionnement des réseaux.

La question de l’équilibre a été très bien évoquée, et de façon technique, par mon collègue  Jean-Claude Lenoir, qui connaît par cœur ces choses-là. Oui, le réseau d’électricité doit être équilibré, il faut qu’il y ait autant d’électrons qui entrent que d’électrons qui sortent. Mais cela revient à faire une gymnastique très compliquée en permanence: on ne peut donc pas prendre des initiatives sauvages, sans arbitrages coordonnés. Il faut une meilleure régulation, un meilleur contrôle de tous ceux qui s’occupent de produire de l’énergie. Il est vrai que c’est difficile quand il s’agit de production d’énergie intermittente. Cela étant, je ne ferai pas le procès de l’éolien ou du solaire sans rappeler que le nucléaire a, lui aussi, quelques défaillances. Le fait que nous ayons cinquante-huit jours d’importations d‘énergie alors que nous n’en avions que six en 2008 n’est pas un titre de gloire!

M. Yves Cochet. En effet!

M. François Brottes. Cela signifie qu’il y a bien eu un problème d’arbitrage. Peut-être a-t-il fait un plus froid en 2009, mais la vraie raison, c’est qu’on a mal géré AREVA, qui, aujourd’hui, a un parc nucléaire sur la tangente pour ce qui est de l’efficacité.

M. Jean Gaubert. Eh oui! On a fait des économies nuisibles!

M. François Brottes. Les critiques de cette filière ont donc de beaux jours devant eux. Nous ne devons pas nous en réjouir. Au contraire, il faut se reprendre et que le pilote, monsieur le ministre d’État, tape sur la table pour que les choses soient mieux organisées.

Compte tenu de toutes ces questions à régler, il faut traiter très rapidement de l’avenir du TARTAM. On ne peut pas admettre que la fin, en juillet prochain, du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché laisse les entreprises sans aucune visibilité sur leurs futurs tarifs. De même, il faut se demander ce que l’on va mettre à la place du fameux groupement d’achat Exeltium qui, au terme d’une discussion compliquée avec la Commission européenne, avait permis aux électro-intensifs d’obtenir des tarifs contractuels à long terme. Cela fait des années qu’on en parle et, pendant ce temps, les entreprises industrielles continuent à fermer alors que l’emploi industriel demeure un enjeu important dans notre pays.

Autre question qui nous attend: celle de la réversibilité des tarifs. Depuis le 1 er janvier, quand un usager quitte le secteur réglementé, il ne peut plus y revenir. Alors que nous avions souhaité que ce soit possible puisque le marché est ouvert. Au passage, je note que le problème se pose aussi pour le gaz.

Quant à l’Europe de l’énergie, elle reste à construire. On ne peut pas en accuser le gouvernement français, mais les États membres ont refusé jusqu’à présent de traiter à fond cette question parfaitement vitale. Ils ont considéré que le marché de l’énergie n’était qu’un marché européen alors que quand les grands industriels se demandent s’ils vont ou non maintenir leurs activités dans nos pays, c’est en fonction des avantages qu’offrent l’Australie, la Chine, l’Amérique du Sud ou l’Afrique du Sud, et non seulement par rapport à la Suisse, l’Italie ou l’Angleterre.

Ce débat nous permet de prendre conscience qu’en matière de gouvernance et de cohérence, il est temps, monsieur le ministre d’État, de prendre le taureau par les cornes. Ainsi, nous pourrons aller vite sur les urgences que j’ai signalées et les pouvoirs publics reprendront la main. Il est impossible de traiter de l’avenir du nucléaire seulement en jouant au Monopoly! Le démantèlement progressif d’AREVA, pour des raisons qui nous échappent en matière de stratégie industrielle – mais je pense que d’autres considérations entrent en ligne de compte – nous a beaucoup émus! Il s’agit d’une filière extrêmement importante, qui a vocation à être internationalement reconnue, et elle l’est. On ne peut donc pas la traiter à la petite semaine, sans que ni le Parlement ni les ministres concernés n’y soient associés. On ne peut pas non plus laisser nos patrons d’entreprise publique dire tout et son contraire, et surtout l’inverse les uns des autres.

Il est donc temps de mettre un peu d’harmonie dans la mise en musique du secteur de l’énergie. J’en appelle au ministre d’État chargé de l’énergie pour qu’il reprenne la main sur bon nombre de dossiers. Il y a urgence. Je pense que certaines de nos industries ne sauront pas patienter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.

M. François-Michel Gonnot. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je veux revenir sur deux points.

Premièrement, il me paraît important d’évoquer les difficultés qui nous attendent concernant la politique tarifaire de l’électricité. Mes collègues ont rappelé, et c’est en effet l’essentiel du débat proposé aujourd’hui. Nous avons devant nous un mur d’investissements: RTE en a fait, hors interconnexions, 1 milliard l’année dernière, 1,2 milliard attendu cette année et sans doute le même rythme les années à venir; ERDF a investi 2 milliards en 2010, dont la moitié pour permettre le raccordement des énergies renouvelables au réseau. De tels investissements ne sont pas financés par l’argent public, mais bien évidemment par les factures des clients d’EDF. La politique tarifaire actuelle permet de les financer. La Commission de régulation de l’énergie et le Gouvernement ont compris la nécessité de bien investir pour éviter certaines catastrophes, et nous sommes arrivés à un point d’équilibre qui permet d’assurer le financement, en tout cas à court terme.

Mais, pour ce qui est de la production, il ne s’agit plus d’un mur d’investissements, mais d’une muraille. Sans m’attarder sur le renouvellement du parc car le moment n’est pas venu, je rappelle que les investissements s’élèvent tout de même à 7 milliards d’euros en 2009. M. Proglio, devant l’office parlementaire, a annoncé 24 milliards dans les trois années qui viennent, simplement pour la maintenance du parc.

EDF doit donc pouvoir financer ses investissements, grâce à sa politique tarifaire en particulier. Toutefois, ses demandes de hausse de tarifs, parfois élevées, apparaissent insupportables à l’opinion et sont politiquement difficiles à gérer. C’est toute la difficulté du problème.

Nous avons deux atouts pour le résoudre. D’abord, l’existence de deux secteurs – l’un monopolistique et l’autre ouvert à la concurrence – permet de trouver un juste milieu tarifaire, afin de payer ces investissements. Ensuite, la France mène une politique originale qui mériterait sans doute d’être étendue en Europe, notamment aux grands pays producteurs d’électricité: une programmation pluriannuelle des investissements qui permet d’en avoir une vision à moyen terme.

Monsieur le ministre d’État, outre l’investissement, je voulais aborder un sujet dont personne n’a encore parlé et qui fait pourtant partie du débat sur les réseaux: l’acceptation des infrastructures. Ce problème se pose dans ce secteur-là comme dans beaucoup d’autres, et il est tout aussi difficile à résoudre que celui de l’investissement.

Nous le rencontrons dans le cas des lignes à haute tension qui doivent sortir l’électricité du futur EPR de Flamanville, et lors de la construction de diverses autres infrastructures électriques de transport, voire de distribution.

Même si ce n’est pas politiquement correct de le dire, l’empilement des procédures et des droits accordés notamment aux riverains et à des associations favorise des actions qui empêchent parfois la réalisation de projets, même lorsque le problème du financement de l’investissement a été réglé, car l’acceptation est de plus en plus difficile à obtenir.

Nous devons aussi traiter cette question à l’occasion de ce débat sur l’avenir des réseaux de transport et de distribution d’électricité.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien!

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, chers collègues, il y a un an la tempête Klaus frappait le Sud-Ouest de la France, en particulier le département de l’Ariège.

Le samedi 24 janvier 2009, 45000 usagers du département étaient privés d’électricité. Dans 45 % des communes ariégeoises, plus de 75 % d'abonnés étaient sans électricité, et 80 % du réseau moyenne tension était touché.

Le traitement de la crise n’a pas été à la hauteur de l’événement. Et pour cause! La perte de connaissance du terrain couplée à un niveau de décision recentré à l'échelon régional a freiné une réalimentation plus rapide des usagers.

Nous avons déploré des erreurs de livraison dans l'acheminement des matériels venus de l'extérieur du département, et une pénurie de moyens humains connaissant le terrain et les réseaux qui auraient permis une détection plus rapide des incidents.

La centralisation régionale de l'agence de conduite des réseaux est responsable d'importants délais d'attente – une demi-journée – entre la réparation d'un incident et l’autorisation de remise sous tension.

L’insuffisance des informations données à l'autorité concédante et aux maires a alimenté les inquiétudes des habitants.

En ces moments de crise, tous ces éléments n'ont pas facilité le retour à la normale pour les populations.

Mais la gestion d’un tel événement climatique doit être faite en amont, en considérant la sécurisation comme une priorité nécessitant des investissements lourds sur les territoires.

En Ariège, depuis 1999, ERDF a orienté ses investissements sur le bouclage HTA souterrain autour des zones boisées et sur l'élagage. Malgré ces travaux, la tempête Klaus de 2009, bien que moins forte que celle de 1999, a tout de même touché 80 % du réseau aérien moyenne tension.

Si des travaux ont été réalisés, on doit constater leur insuffisance et surtout leur médiocre réalisation: l'élagage a été confié à des entreprises peu chères mais peu sérieuses et qui n’ont pas travaillé correctement.

Dans un département de montagne tel que l'Ariège dont les réseaux sont réputés très sensibles aux aléas climatiques et à la végétation, le pourcentage de réseau moyenne tension souterrain est passé de 14,2 % en 1999 à seulement 26,4 % en 2009, ce qui représente au total 380 kilomètres enterrés en neuf ans. C’est tout de même peu, monsieur le ministre d’État.

Il est nécessaire d'orienter massivement et prioritairement les investissements vers ces aménagements cohérents.

Parlons maintenant de la qualité, selon les critères utilisés par ERDF en la matière. Au niveau national, le temps de coupure moyen par usager, en basse tension et par an, a baissé: une heure cinquante-cinq minutes en 1992; une heure trente-quatre minutes en 2007; une heure vingt minutes en 2009.

En Ariège, ce critère temps de coupure moyen par usager, toutes causes confondues, est passé d’une heure quarante-cinq minutes en 2000 à deux heures quarante-huit minutes en 2008 et à neuf heures deux minutes en 2009. En Ariège, pendant plusieurs jours, des populations ont été sans alimentation électrique.

Ces valeurs confirment les faibles investissements réalisés pour la mise en souterrain des ouvrages et le remplacement des lignes aériennes en fils nus. Ceux-ci doivent en effet être privilégiés pour rendre les réseaux moins sensibles, moins vulnérables aux aléas climatiques, et pour renforcer la continuité de la fourniture et la qualité de l'électricité distribuée.

L'engagement du concessionnaire, à travers la signature du cahier des charges, vise à ce qu’aucun client ne subisse plus de six coupures supérieures à une minute par an, en raison d'incidents sur le réseau moyenne tension.

Cet objectif est loin d'être atteint en Ariège: en 2004, quelque 1331 clients ont subi plus de six coupures par an; en 2008, ils étaient 8192. D'où l'urgence à agir.

La tempête de janvier2009 a permis de constater qu'avec des moyens additionnels venus de toute part, l’alimentation des usagers a été rétablie, mais cela n’est pas suffisant.

Certaines résolutions prises après la tempête de 1999 ont été malheureusement abandonnées; elles doivent être reprises et menées à terme.

Ainsi, en Ariège, la démarche de sécurisation des lieux de vie par commune, s'est brusquement arrêtée en juin2003, faute d'interlocuteur à ERDF et de moyens financiers.

À l'évidence, tous les acteurs – concessionnaire, communes, syndicats d’électricité, État – doivent désormais travailler rapidement à la sécurisation des points de vie.

À l'échelle nationale, prévue en 2002 au rythme de 6000 kilomètres par an, la dépose des fils aériens – leur passage en souterrain – a rapidement plafonné à 3000 kilomètres par an. Cela n’est pas suffisant.

Pour la basse tension, la dépose des fils aériens s'est stabilisée à 4250 kilomètres par an, alors qu’elle devait atteindre 8000 kilomètres par an.

À présent, il faut mener une politique ambitieuse. Il est nécessaire d’harmoniser le rythme des investissements sur le réseau de distribution avec celui engagé sur le réseau de transport, afin de parvenir à une remise à niveau des deux réseaux, au moins dans les dix ans à venir.

M. le président. Veuillez conclure, madame Massat.

M. Jean Mallot. C’est très intéressant, ce qu’elle dit!

Mme Frédérique Massat. Il est primordial que le concessionnaire se réapproprie la connaissance du terrain, qu’il a perdue, et qu’il investisse notamment dans l’humain: nous avons besoin de personnels sur nos territoire. Vous avez parlé de réseaux intelligents, mais il faudra aussi des hommes pour les faire fonctionner.

Il est temps que l’État rappelle EDF et ERDF à leurs obligations…

M. le président. Il faut vraiment conclure.

Mme Frédérique Massat. … et que ce vaste et coûteux chantier soit sérieusement engagé et devienne une priorité. Il s’agit de moderniser le réseau en y injectant des énergies vertes, renouvelables, qui se heurtent actuellement à de véritables difficultés.

M. Jean Gaubert. Très bien!

M. Jean Mallot. Excellente conclusion!

M. le président. La parole est à M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, chers collègues, même si le groupe GDR est un peu absent, il a lancé un débat intéressant.

Nous discutons d’une forme d'énergie particulière et spécifique – l'électricité –, en mettant l’accent sur les réseaux, donc le transport et la distribution.

Qu'attend-t-on d'un bon réseau électrique? En premier lieu, on lui demande d'assurer la nécessaire continuité d'acheminement entre la production et le consommateur, quel que soit ce dernier. En un mot, on lui demande d’être fiable.

Après un essor remarquable au XX e  siècle, l’électricité est devenue, c'est une certitude, la grande énergie du XXI e  siècle.

M. Yves Cochet. C’est un vecteur!

M. Claude Gatignol. La décision politique doit veiller à en garantir la production, le transport, la distribution en tous domaines.

Lorsque des événements – en général météorologiques – perturbent gravement le réseau, on mesure mieux l'importance de l'énergie électrique.

Dans la vie quotidienne, elle ne fournit pas seulement la lumière, mais assure aussi le confort de la maison et de la vie familiale: l'eau, le chauffage et la domotique, sans oublier la gastronomie.

Dans la vie sociale, l’électricité permet de faire fonctionner les télécommunications, la télévision, le téléphone, la surveillance médicale et aussi le four du boulanger.

Dans le domaine de la santé, aucun hôpital ne peut fonctionner sans électricité, qu’il s’agisse de soins, de diagnostics ou d’accompagnement des malades.

Dans le domaine professionnel, sans électricité, l'informatique devient inerte, et l'agriculteur est bien démuni quand la salle de traite est panne!

M. Yves Cochet. La traite peut se faire à la main!

M. Claude Gatignol. Prenons le domaine, ô combien sensible, des transports. Le transport ferroviaire est désormais essentiellement sous propulsion électrique.

Dans le secteur routier, monsieur le ministre d’État, vous avez proposé l’objectif de deux millions de véhicules électriques. Je m’en réjouis car c’était l’une des conclusions d’un rapport de 2004 sur la voiture du futur. Rappelons que ces deux millions de véhicules nécessitent le potentiel de production d’un EPR nouveau et dédié.

La sécurité des réseaux passe donc par une maintenance de ce qui existe et par des investissements visant à une augmentation renforcée des capacités, à une évolution des systèmes, à une innovation qui tienne compte des changements de production et de consommation, des pics en particulier.

Quelles réponses doit-on apporter? Il y a deux niveaux: le grand réseau de transport à très haute tension – les fameux 400000 volts en France, dits « autoroutes de l'électricité » –; et le réseau de distribution qui est la toile d'araignée locale gérée par ERDF.

Le grand réseau est confié à RTE. Je tiens à souligner l'efficacité de cette récente entité issue d'EDF, sa maison mère. Son rôle est difficile car il y a instantanéité entre la production et la consommation: il n’existe pas de stockage d’électricité.

Par nature instable, l'équilibre doit cependant être toujours obtenu. Dans le centre de régulation de Saint-Denis, la tension ne s’exerce pas que sur les câbles. Le personnel, du président à l'agent de ligne, est remarquable. Son excellence est d’ailleurs reconnue sur le plan international, aux États-Unis comme sur d'autres continents, et l'Association européenne des gestionnaires de réseau en témoigne.

RTE est innovant, c'est ce que je veux retenir. Cependant, sa mission devient cependant de plus en plus difficile. Il faut développer les interconnexions avec nos voisins pour le maillage européen, gage de sécurité d’approvisionnement, car nous importons de plus en plus et nous exportons aussi, fort heureusement.

Monsieur le ministre d’État, le Gouvernement envisage-t-il d'intervenir dans les décisions d'investissement sur le réseau RTE et sur le réseau ERDF? Dans quel sens et avec quels moyens?

S’agissant des interconnexions avec l’Europe, il subsiste des interrogations. Qu’en est-il de la ligne Catalogne transfrontière? Qu’en est-il de la ligne non construite vers l’Aragon et de l’indemnisation qui avait été exigée? Qu’en est-il des lignes vers l’Italie, l’Allemagne, la Suisse, la Belgique?

Qu’en est-il des câbles sous-marins vers la Grande-Bretagne d’une part, et vers les États anglo-normands qui ne sont pas en Europe, certes, mais qui attendent ce type de connexion?

En dehors de ces réseaux européens, il faut développer notre réseau national. C’est là une démarche de solidarité, de partage social entre les sites de production les plus sûrs, les moins chers et les plus écologiques, c'est-à-dire les centrales nucléaires et hydrauliques…

M. Yves Cochet. Les centrales nucléaires ne sont pas les plus écologiques!

M. Philippe Gosselin. Nous avons besoin du nucléaire en France, monsieur Cochet!

M. Claude Gatignol. … et les futures centrales à biomasse.

Refuser ces équipements indispensables, c'est faire preuve d'un égoïsme forcené et indéfendable, alors que la concertation sur les fuseaux de lignes est largement mise en place par RTE, afin d’obtenir le minimum de nuisances visuelles et paysagères.

J’insiste sur les qualificatifs « visuelles et paysagères », puisque tous les arguments sur le risque santé sont nuls et non avenus à ce jour…

M. Yves Cochet. Comment pouvez-vous dire cela?

M. Claude Gatignol. … ce qui est démontré par des décennies d’études internationales très sérieuses et multiples.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Gatignol.

M. Claude Gatignol. Refuser ces équipements, c’est méconnaître les besoins croissants d’électricité: la demande progresse de 0,8 à 0,9 % par an, et les pics sont de plus en plus hauts.

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Gatignol.

M. Claude Gatignol. S’agissant de ces lignes intérieures, quelles orientations ont-elles été retenues pour la région PACA? Pour la ligne Cotentin-Maine de Flamanville vers le nord-ouest, il faut agir avec réalisme et vérité.

M. Philippe Gosselin. Et précaution aussi!

M. Claude Gatignol. Qu’en est-il du coût selon les solutions techniques? On nous dit que le souterrain coûte douze à quinze fois plus cher que l’aérien.

M. le président. Veuillez conclure, s’il vous plaît. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Gatignol. Ces grandes infrastructures ont une haute valeur stratégique. N’est-il pas temps, monsieur le ministre d’État, de faire reconnaître un statut prioritaire, français et européen, à ce produit bien particulier, au-delà de la DUP?

Il faut faire des évaluations, respecter des temps de concertation, aller vers des solutions communes…

M. le président. Monsieur Gatignol, il faut conclure.

M. Claude Gatignol. … mais décider ensuite sans tergiversations supplémentaires.

D’ailleurs, ne pourrait-on pas organiser des concours ouverts à des équipes associant designers, ingénieurs et paysagistes, chargées d’imaginer de nouveaux types de pylônes validés par les communes traversées?

M. Yves Cochet. Pour l’acceptation?

M. Claude Gatignol. Je n’ai pas le temps, M. le président me le rappelle, d’évoquer les réseaux dits intelligents.

M. le président. Non!

M. Claude Gatignol. Je n’aime pas beaucoup ce mot, d’ailleurs.

M. François-Michel Gonnot. Nous sommes tous intelligents!

M. Claude Gatignol. Je préfère parler de réseaux communiquants ou interactifs, ce qui est plus clair pour tout le monde.

Toutefois, il y a un « mais »:…

M. le président. Merci, monsieur Gatignol.

M. Claude Gatignol. …le coût, estimé à 20 milliards d’euros. Qui l’assume, et selon quelle répartition?

L’électricité, énergie du futur, comporte des impératifs:…

M. le président. Je vais être obligé de vous interrompre, monsieur Gatignol.

M. Claude Gatignol. …une production à la demande, un transport garanti en qualité et en fiabilité, et une distribution interactive et communicante. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le président, Frédérique Massat n’a eu droit qu’à cinq secondes de dépassement! M. Gatignol parle depuis six minutes!

M. le président. Merci, monsieur Gatignol.

M. Claude Gatignol. Quelle belle approche pour une énergie non carbonée à 95 %, qui, comme toute bonne chose, est à consommer sans limitation quand c’est nécessaire mais avec modération en toute circonstance! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marylise Lebranchu. Frédérique Massat a eu beaucoup moins de temps!

M. le président. Elle a dépassé aussi, même si c’était d’un peu moins.

Mme Marylise Lebranchu. De cinq secondes!

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je veux ajouter quelques considérations au propos précédents, en commençant par le couple production-consommation. En cette matière – qui concerne le chauffage électrique et les questions énergétiques du bâtiment –, le maître mot, nous en sommes d’accord, est l’économie et la maîtrise; telle est l’orientation que nous souhaitons depuis longtemps. Mais regardons un peu en dehors de nos frontières. En dépit de tous leurs efforts, en vingt ans, les Californiens ont seulement réussi à stabiliser leur consommation, sans jamais la diminuer. Ferons-nous mieux qu’eux? Je n’en suis pas tout à fait sûr, tant l’inertie dans le secteur du bâtiment est forte, et le restera sans doute longtemps.

S’agissant du développement des applications, la voiture électrique ne m’inquiète guère, car on pourra la recharger pendant les heures creuses et même, dans certains cas, la nuit. Mais que dire du développement envisagé pour le transport collectif et le fret? Pour le transport collectif, les pointes de consommation interviennent surtout le matin et le soir, lorsque les gens vont au travail et rentrent chez eux: ce pic se cumule donc avec celui qui existe déjà. Nul, je crois, n’a soulevé ce problème que je tenais à rappeler, car il bat en brèche la croyance selon laquelle on gommerait ainsi les pointes de consommation. S’il faut en effet les gommer, c’est précisément parce que les systèmes que nous envisageons en créeront de nouvelles.

Ma deuxième observation concerne la production. Tout le monde est d’accord sur le mix énergétique – le vent, le soleil, l’eau, la biomasse ou la cogénération –, même s’il faudra discuter de la proportion d’intégration de chacune de ses composantes. Toutefois, monsieur le ministre d’État, dans ma région, les légumiers se plaignent de ce que la saisonnalité des tarifs rend difficile la cogénération, laquelle représente pourtant une source considérable, qui pourrait d’ailleurs les aider financièrement. Je vous invite donc à examiner la question de ses tarifs.

Quoi que nous produisions, il faudra, pour apporter ou évacuer l’énergie, des réseaux; d’où la nécessité de produire au plus près des lieux de consommation.

M. Yves Cochet. Très bien!

M. Jean Gaubert. En effet, monsieur Cochet. Dans mon département, le débat n’est pas de savoir s’il faut une centrale à la pointe, mais pourquoi l’énergie arrive de la Basse Loire alors qu’il eût été plus intelligent de la produire dans les lieux de consommation.

M. Yves Cochet. Cela dépend du type de production.

M. Jean Gaubert. Si la fermeture d’une centrale au fuel ou au charbon est un jour envisagée en Basse Loire, peut-être, en échange, faudra-t-il construire une centrale de base ou de semi-base dans un autre lieu en Bretagne, car les éoliennes ne suffisent pas. Je ne me prononce pas sur le type d’énergie qui sera alors consommée.

Puisque Frédérique Massat a évoqué les investissements pour les réseaux, je veux parler de leur entretien. Sur ce sujet, si le déficit se mesure à l’augmentation du temps moyen de coupure, c’est surtout l’augmentation des temps extrêmes qui compte.

Mme Marylise Lebranchu. Très juste!

M. Jean Gaubert. Or ceux-ci restent très élevés dans certains endroits. À l’heure d’Internet et des réseaux intelligents, la priorité est d’assurer la fiabilité des réseaux d’électricité. Le directeur départemental d’EDF, que j’ai interrogé l’autre jour, m’a adressé une lettre au sujet des coupures d’électricité et notamment de la dernière, qui a duré dix heures: « Des branches d’arbre », écrit-il, « ont provoqué plusieurs déclenchements successifs du poste. » Pourquoi des branches d’arbres? Parce que l’entretien, depuis plusieurs années, n’est plus assuré, les équipes d’ERDF ayant été largement démantelées au profit d’appels d’offres à l’issue desquels le moins-disant – donc, souvent, le moins performant – l’emporte.

On retrouve la même logique dans nos centrales nucléaires: M. Proglio, récemment auditionné par notre commission des affaires économiques, a lui-même reconnu, s’agissant de l’entretien des centrales, que les restrictions sur les dépenses de personnel avaient permis d’économiser 200 millions d’euros mais coûté, en termes de recettes, 1,5 milliard d’euros à l’entreprise.

M. le président. Merci de conclure.

M. Jean Gaubert. Cette tendance s’était amorcée, il est vrai, au milieu des années mille neuf cent quatre-vingt-dix, mais elle s’est aggravée depuis la privatisation. Voilà, monsieur le ministre d’État, ce que nous ne voulons plus voir. Je sais que vous en êtes conscient et que vos services ont consenti des moyens supplémentaires; mais pour le moment, ceux-ci ne sont pas à la hauteur des enjeux. Puisque l’État est actionnaire de l’entreprise, ses représentants doivent recevoir des consignes afin de peser sur les futures orientations: on peut avoir de beaux réseaux, s’ils ne sont pas entretenus, nos concitoyens n’en auront aucune…

M. le président. Merci.

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Ils n’en tireront aucun bénéfice!

M. Jean-Claude Lenoir. Nous ne connaîtrons jamais la fin! (Sourires.)

M. Claude Gatignol. C’est ce que l’on appelle une coupure! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je veux réagir rapidement aux différentes interventions.

S’agissant des réseaux et de leur entretien par ERDF, j’ai bien entendu les messages. Il n’existe par de réels problèmes de financement, monsieur Gonnot et monsieur Birraux, puisque 1,5 milliard d’euros sont prévus. La question est donc d’affecter les sommes, non aux premiers demandeurs ou aux plus influents d’entre eux, ni en fonction de considérations esthétiques, mais là où elles génèrent le plus d’efficacité. Des groupes de travail y réfléchissent avec les acteurs territoriaux.

M. Gonnot a aussi évoqué la muraille des futurs investissements. Depuis environ quinze ans, nous nous sommes habitués à des succès faciles. En termes de pilotage – pour reprendre l’expression de François Brottes – et de choix d’investissements pour l’avenir, y compris pour les ressources humaines, le système n’a pas été aussi performant qu’auparavant. Certaines décisions récemment prises sous l’autorité du Premier ministre, car il y a bien un pilote dans l’avion désormais, visent à redéfinir l’intelligence générale du système. La mission confiée au président d’EDF est bien d’atteindre, et de façon immédiate, un coefficient de disponibilité de 85 %, contre 76 ou 77 % actuellement – ce qui explique en partie que nous devions importer et ne puissions pas exporter. L’autre objectif est de préparer les investissements les plus pertinents pour l’avenir, en fonction des équilibres que nous avons évoqués. C’est pourquoi le choix s’est porté sur Henri Proglio, lequel a parfaitement en tête la lettre de mission qui lui a été adressée.

De manière plus générale, l’État doit reprendre son rôle de stratège. Le fait qu’il y ait beaucoup d’acteurs, même si ce ne sont plus des administrations, n’empêche pas notre pays de développer une stratégie nationale et internationale en matière énergétique.

Ma troisième observation concerne la performance énergétique et la pointe de consommation, atteinte lorsque les gens rentrent chez eux, allument la lumière et utilisent leurs appareils domestiques. La France, monsieur Cochet, est le premier pays d’Europe à avoir retiré de la vente les ampoules de 100 watts; la mesure s’applique désormais à celles de 75 watts et concernera bientôt celles de 50 watts. Personne d’autre ne l’a fait!

M. Yves Cochet. Ce n’est pas ainsi qu’on réglera le problème.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. À vous entendre, ce n’est jamais le bon sujet, ni le bon jour, ni les bons moyens! La vérité est que nous avons mis en œuvre cette mesure à l’issue d’une négociation avec les industriels et les distributeurs, anticipant ainsi largement sur une directive européenne.

Quant à l’acceptation, l’interconnexion espagnole, hautement symbolique, est au cœur de toutes les contradictions. Les Espagnols nous disent qu’ils ont développé les énergies renouvelables, et je l’approuve: nul ne peut me suspecter du contraire. Mais, comme leur mix énergétique a une forte composante éolienne et, dans une moindre mesure, solaire, ils sollicitent la connexion pour pallier leurs besoins en énergie non intermittente.

M. Jean-Claude Lenoir. Tout à fait!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Dans le même temps, ils nous avertissent que, malgré l’éolien et le solaire, ils ont dépassé de 56 % les quotas européens d’émission de CO 2 ; dès lors, il faut veiller à la qualité environnementale des systèmes d’interconnexion. Nous y veillerons, nous y veillons déjà, et de bon cœur; mais le caractère péninsulaire de l’Espagne, joint à l’intermittence énergétique et au refus d’assumer soi-même ce que l’on demande aux autres, résument la problématique des acceptations. Ces phénomènes, compte tenu de l’organisation de nos sociétés, ne sont pas globaux mais locaux; leur développement futur sera donc différent de ce que l’on a connu dans le passé.

Plusieurs d’entre vous sont intervenus sur les transports. Il n’y a pas de difficultés financières sur ce point, toute la question étant de hiérarchiser les dépenses. Oui, madame Massat, la gestion humaine est essentielle. La France s’est un peu endormie sur ses succès de naguère; elle a désormais besoin d’un pilotage, d’une réflexion approfondie et de financements d’avenir importants.

Merci en tout cas pour ce débat, dont je retiendrai plusieurs points pour ma gouverne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Le débat est clos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Moyens du Parlement pour le contrôle de l’action du Gouvernement

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques (n os 2081, 2216, 2220).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements identiques n os  28 rectifié et 29 rectifié, tendant à introduire un article additionnel après l’article 1 er .

Après l’article 1 er (suite)

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour défendre l’amendement n° 28 rectifié.

M. René Dosière. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour défendre l’amendement n° 29 rectifié.

M. Jean Mallot. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour donner l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, sur ces amendements.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Même avis.

(Les amendements identiques n os  28 rectifié et 29 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os  16 rectifié et 17.

La parole est à M. René Dosière, pour défendre l’amendement n° 16 rectifié.

M. René Dosière. L’amendement n° 16 rectifié tend à prévoir que les propositions de résolution visant à la création d’une commission d’enquête pourront être amendées par la commission permanente, sauf si leur auteur s’y oppose.

Pourquoi une telle précision? Nous en avons eu récemment la démonstration, lorsqu’un groupe d’opposition demande, en vertu de son droit de tirage, la création d’une commission d’enquête, la majorité se réserve le droit d’en modifier le périmètre et l’objet, ce qui revient à vider de son sens le droit de tirage. Nous souhaitons, comme cela devait être le cas pour les résolutions demandées par les groupes, que seul le groupe auteur de la demande de création d’une commission d’enquête puisse accepter une quelconque modification par la majorité, et qu’il conserve donc un droit de veto.

En acceptant cet amendement de bon sens, on rendra effectif le droit de tirage de l’opposition. On passera du virtuel au réel.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour défendre l’amendement n° 17.

M. Jean Mallot. Nous avons déjà échangé sur ce sujet hier avec M. le rapporteur, M. le ministre et nos collègues de l’UMP. Bien entendu, nous pouvons nous entendre entre nous pour faire un bon usage des règles que vous avez décidé d’appliquer dans cette assemblée, mais il peut malheureusement arriver que nous n’y parvenions pas, d’où la nécessité de poser des principes pour garantir en particulier les droits de l’opposition.

La révision constitutionnelle – que je qualifie de funeste, mais que l’UMP applaudit des deux mains – devait prétendument permettre à l’opposition de demander la création de commissions d’enquête, sauf si trois cinquièmes des députés s’y opposaient. En réalité, comme on a pu le constater lorsque nous avons demandé la création de commissions d’enquête relatives à France Télécom – sur le stress et les suicides au travail – ou aux sondages, la majorité simple, c’est-à-dire l’UMP seule, peut vider de son sens le contenu d’une résolution et priver de tout intérêt une commission d’enquête. De ce fait, le droit de tirage n’est une réalité ni pour l’opposition ni pour tout groupe minoritaire, y compris ceux de la majorité.

Nous proposons que cette dérive soit contenue et que l’on donne du sens au droit de tirage. Cet amendement vise donc à ce que les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête puissent être amendées par la commission permanente, sauf si leur auteur s’y oppose. De cette manière, l’intention initiale de l’auteur sera préservée et, M. Urvoas le répétera sans doute après moi, le droit de tirage deviendra bien réel.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Pardonnez-moi d’être essoufflé, mais je viens de quitter précipitamment la commission des lois pour venir vous rappeler que le président de cette commission nous avait assurés que ce débat n’aurait pas lieu tant qu’elle n’aurait pas terminé nos travaux! Je viens de poser à nouveau la question au président, qui nous a répété qu’il ne souhaitait pas que le débat ait lieu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais nous sommes pourtant là!

M. le président. Ce n’est pas le président de la commission des lois qui préside l’Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je demande une suspension de séance pour en discuter avec mon groupe.

M. le président. Je suis désolé, mais vous n’avez pas de pouvoir pour demander une suspension de séance.

Après l’article 1 er (suite)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques n os  16 rectifié et 17?

M. Claude Goasguen, rapporteur . Personnellement, je serais plutôt favorable à ces amendements. Encore faut-il que vous respectiez la Constitution, laquelle dispose, en son article 51-2, que la loi détermine les « règles d’organisation et de fonctionnement » des commissions d’enquête. « Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée. » Il revient donc au règlement de l’Assemblée nationale de répondre à votre proposition et vous pouvez le faire par une proposition de résolution.

Si vous intégrez cet article dans la loi, il risque d’être frappé d’inconstitutionnalité, car votre proposition de loi n’est pas adaptée à la règle de la Constitution. Je vous conseille par conséquent de faire une proposition de résolution pour demander une modification du règlement intérieur. En toute hypothèse, vous ne pouvez pas prendre le risque de l’inconstitutionnalité. Je trouve légitime que vous souhaitiez en discuter sur le fond, mais faites une proposition de résolution. Avis défavorable.

M. François Goulard. Cela s’appelle une leçon.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. L’avis du Gouvernement est très simple et a d’ailleurs déjà été donné hier. Il ne s’agit pas, par un amendement, de dénaturer l’objet, mais peut-être de vérifier le périmètre de telle sorte que celui-ci soit constitutionnel. Tirons les leçons de ce qui s’est récemment passé dans cette assemblée. Le Gouvernement, qui fait sien le raisonnement du rapporteur, émet un avis défavorable.

M. Jean Mallot. M. le ministre a été élevé chez les Jésuites!

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Les explications du rapporteur et du ministre sont certes très argumentées, mais que valent-elles pour les citoyens et pour l’opposition à qui l’on a voulu faire croire que, en permettant à l’opposition de demander la création de commissions d’enquête, la révision constitutionnelle ouvrait de nouveaux droits à l’opposition, de nouveaux moyens d’action, faisait de notre Assemblée un hyper-Parlement? Le public qui se trouve aujourd’hui dans les tribunes doit être d’ailleurs bien étonné de voir un hémicycle quasi vide, où les fonctionnaires semblent plus nombreux que les parlementaires! Ces commissions d’enquête, on nous a affirmé, la main sur le cœur, qu’elles représentaient une grande avancée. Or, aujourd’hui, le ministre, comme tous ses collègues du Gouvernement, nous fait comprendre qu’il ne s’agissait que d’une mesure purement médiatique, que l’opposition n’a plus qu’à se calmer et à se taire…

M. François Goulard. Si seulement c’était vrai! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela se saurait!

M. Patrick Roy. …qu’elle n’aura pas de commission d’enquête! Telle est la triste réalité, mes chers collègues, et vous ne pouvez pas la nier. Vous pouvez rire, mais je vous mets au défi de citer un seul exemple d’une commission d’enquête qui aurait été acceptée! Vous venez de démontrer – mais c’est vrai pour toutes vos promesses de tirer le pays de la crise et de combattre le chômage – que, entre vos déclarations et la réalité, il y a un fossé, un gouffre, un canyon du Colorado.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je ne voudrais pas laisser M. Roy dans l’expectative et je vais lui donner deux exemples de commissions d’enquête qui seront créées dans les prochains jours, l’une à l’Assemblée nationale, l’autre au Sénat, sans que le texte ait été modifié, pour la simple raison qu’il respecte totalement la Constitution.

M. Jean Mallot. Pas du tout!

(Les amendements identiques n os  16 rectifié et 17 ne sont pas adoptés.)

M. Jean Mallot. Vous n’avez pas appelé l’amendement n° 19 de M. Urvoas!

M. le président. Il est identique aux amendements n os  16 rectifié et 17 qui viennent d’être rejetés.

M. François Goulard. C’est le président qui préside!

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Que les choses soient claires: M. Dosière et moi-même avons en effet présenté nos amendements n os  16 rectifié et 17, auxquels le rapporteur a répondu – d’une manière fort intéressante –, de même que le ministre, mais en nous rapportant une contre-vérité, sur laquelle nous aurons à revenir.

M. Urvoas aurait dû défendre son amendement n° 19, il a même pris la peine de rejoindre notre hémicycle en courant après avoir quitté la commission des lois qui, en infraction à notre règlement, siégeait au même moment. Je vous demande de lui donner la parole.

M. le président. J’ai donné la parole à M. Urvoas, qui a fait un rappel au règlement. Les amendements identiques ont été rejetés et nous pouvons passer aux suivants.

Après l’article 1 er (suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, n os  7 à 10.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Cet amendement a pour objet de modifier l’ordonnance de 1958 relative aux commissions d’enquête. Remettons-nous dans le contexte: en 1958, l’objectif étant de limiter les pouvoirs du Parlement, les conditions de création des commissions d’enquête étaient très strictement encadrées par rapport aux pratiques de la IV e République. Plus de cinquante ans après, la situation peut évoluer. Aussi vous proposons-nous de supprimer la disposition par laquelle il serait impossible de créer une commission d’enquête sur des faits qui donnent lieu à des poursuites judiciaires.

Supprimer cette référence n’a rien de révolutionnaire: avant la réforme constitutionnelle, la commission présidée par Édouard Balladur l’avait elle-même suggéré, jugeant la disposition en question dépourvue d’objet.

En effet, une commission d’enquête n’a pas vocation à mener des investigations au même titre que le pouvoir judiciaire. Il s’agit de réunir un certain nombre de faits concernant une situation donnée; rien, donc, ne s’oppose à la constitution d’une commission d’enquête alors même que, par ailleurs, des poursuites judiciaires sont engagées.

C’est d’autant plus vrai que, au cours de la précédente législature, l’Assemblée avait interprété cette disposition de manière très restrictive pour pouvoir créer la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, des procédures judiciaires étant en cours.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Dosière.

M. René Dosière. Je conclurai en rappelant qu’on constate l’absence d’une telle disposition à l’étranger, notre Parlement demeurant l’un des rares, parmi les démocraties, où l’on ne peut créer de commission d’enquête lorsqu’une procédure judiciaire est en cours.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je suis très étonné par les réactions de la majorité. Nous défendons des amendements auxquels elle devrait se montrer sensible, puisqu’ils visent à garantir un minimum de droits pour l’opposition. Or une majorité n’étant jamais éternelle, nous lui rendons service pour l’avenir.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle grandeur d’âme!

M. Jean Mallot. Qui sait? Vous seriez peut-être les premiers, en 2012 ou, au pire, en 2017, à avoir besoin de ces procédures. Réfléchissez-y bien!

Ensuite, M. le ministre a mentionné les débats en commission sur les résolutions visant à créer des commissions d’enquête conformes à la Constitution. Or rien de tel, par exemple, pour la résolution qui vise à créer une commission d’enquête sur le stress au travail et sur ce qui se passe en particulier à France Télécom. C’est en effet pour des raisons d’opportunité que les députés UMP ont considéré qu’il ne fallait mentionner ni France Télécom ni des restructurations industrielles en cours. Nous pensions le contraire. La position de la majorité tient à des considérations politiques et certainement pas à une question de conformité avec la Constitution. Cet argument de M. le ministre tombe.

En ce qui concerne le présent amendement, il vise, nous l’avons dit, à supprimer la disposition interdisant la création d’une commission d’enquête lorsque les faits sur lesquels elle porte donnent lieu à des poursuites judiciaires. Nous sommes confrontés à un paradoxe que j’ai moi-même vécu récemment au sein de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Le sujet sur lequel nous travaillons – en l’espèce un établissement hospitalier – donne lieu, depuis peu, à des poursuites judiciaires; or, si nous pouvons continuer nos travaux, c’est parce que nous ne sommes pas une commission d’enquête mais une mission d’information.

Nous nous trouvons donc dans la situation où les missions d’information disposent, d’une certaine manière, de plus de pouvoirs que les commissions d’enquête. Reconnaissez que c’est paradoxal.

M. François Goulard. Mais non!

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je réitère mes regrets quant aux conditions dans lesquelles ce débat a été entamé, qui ne respectent pas l’article 41 du règlement. Nous avions longuement discuté, au moment de la révision du règlement, de la question du chevauchement des réunions des commissions et de la séance publique. Nous étions unanimement tombés d’accord pour considérer que les commissions saisies au fond ne devaient pas se réunir en même temps qu’un débat avait lieu dans l’hémicycle. C’est la raison pour laquelle, ce matin, le président Warsmann a garanti à l’ensemble des membres de la commission qu’il n’y aurait pas de chevauchement. Je constate malheureusement que ce fut pourtant le cas pendant les vingt minutes qui viennent de s’écouler. Ainsi, un certain nombre de mes collègues n’ont pas pu assister au début de la discussion et moi-même, souhaitant y participer, j’ai été privé de la fin de l’audition de M. le ministre de l’intérieur,…

M. Claude Goasguen, rapporteur . Mais c’est terrible, ça!

M. Jean-Jacques Urvoas. …à propos du projet de loi d’orientation sur la performance et la programmation de la sécurité intérieure.

L’amendement n° 10 que je défends est évidemment lié à nos récents débats sur un rôle du Parlement que tout le monde s’accorde à considérer comme essentiel: le contrôle. Or les commissions d’enquête constituent l’un de ces instruments de contrôle. J’ai déjà eu l’occasion de défendre le même amendement quand nous avons réformé l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958. En effet, subsiste dans notre droit une scorie qui n’a rien à voir avec la séparation des pouvoirs.

M. Claude Goasguen. Mais si!

M. Jean-Jacques Urvoas. Notre collègue Dosière l’a dit: ce veto posé par la chancellerie sur la capacité d’investiguer n’existe dans aucun autre pays.

J’ai pris bonne note de l’information de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement selon laquelle la prochaine commission d’enquête – j’imagine qu’il s’agit de celle réclamée par nos collègues du Nouveau Centre sur la grippe – ne sera pas modifiée à l’initiative du groupe majoritaire. Ce n’est pourtant pas ce que l’on nous avait dit jusqu’à présent. Aussi, je me félicite pour nos collègues du groupe Nouveau Centre.

Je propose donc que nous supprimions cet alinéa qui constitue une hérésie au regard de ce qu’on appelle l’équilibre des pouvoirs.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ce débat était censé nous permettre de parvenir à un accord. Or la majorité a subrepticement amendé le texte sans paraître s’inquiéter des conséquences de ses actes. C’est que le degré de qualité de notre démocratie se mesure aussi à la place que l’on réserve à l’opposition dans l’examen d’un texte destiné à améliorer les moyens de contrôle donnés au Parlement. Et force est de constater le peu de pouvoirs dont celle-ci dispose, même si l’on doit donner acte à la majorité d’améliorations telle que l’attribution à l’opposition de la présidence de la commission des finances. Rappelons que c’est l’opposition qui est concernée au premier chef par les conséquences de cette volonté de rationaliser le dispositif en vigueur.

Nos collègues ont évoqué le problème majeur des missions d’information. Dans quelles circonstances avons-nous une capacité de saisine? Lorsque l’on détient la présidence d’une mission d’information. Si l’on décide que seules les structures permanentes pourraient prendre ce type d’initiative, on voit bien qui va en subir les conséquences, ce qui ne nous paraît ni raisonnable ni acceptable, et qui est en tout cas très largement en décalage avec l’esprit de ce texte.

Nous espérons que la raison finira par l’emporter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Claude Goasguen, rapporteur . Il convient d’être honnête dans cette affaire. Je répète que je n’ai pas le sentiment de parler au nom de la majorité, mais, autant que possible – M. le ministre ne m’en voudra pas –, au nom du législateur. Je m’y suis essayé malgré les malheureuses péripéties politiques que vous savez. Je pense que la majorité a certainement sa part de responsabilité et l’opposition également,…

M. François Goulard. En effet!

M. Claude Goasguen, rapporteur . …dans la mesure où c’est pour elle un bon thème de campagne que de prétendre être opprimée à l’Assemblée.

MM. Jean Mallot, Patrick Roy et Jean-Jacques Urvoas. Elle l’est!

M. Claude Goasguen, rapporteur . Non, elle ne l’est pas, et vous le savez bien!

M. François Goulard. L’opposition, chacun l’a constaté, c’est le muet de service! Du moins dans nos rêves…

M. Patrick Roy. On ne nous laisse pas parler!

M. Claude Goasguen, rapporteur . Vous êtes d’ailleurs un exemple formidable du mutisme de l’opposition, monsieur Roy! Vous êtes même le muet du sérail!

Prenons l’exemple des commissions d’enquête. Une commission d’enquête n’a pas vocation à pénétrer sur le terrain judiciaire. Vous excipez des parlements étrangers. Il faut que l’instance soit déclenchée par la chancellerie et le procureur, ou bien par une partie civile. C’est l’instance qui est prise en compte et, quand l’instance est « lâchée », vous allez à l’encontre du système français qui n’est pas le système américain.

Les commissions d’enquête américaines ont en effet des pouvoirs judiciaires, mais, j’insiste, le système américain n’a rien à voir avec le système français. Les juges ne sont pas désignés de la même manière: aux États-Unis, ils sont la plupart du temps élus, alors que prévaut en France le principe de séparation des pouvoirs.

Je ne pense pas utile, alors que les relations sont difficiles en ce moment entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, de secouer un système qui, bon an, mal an, donne en fin de compte satisfaction. C’est la raison pour laquelle, je l’ai dit à M. Balladur, on ne peut accepter que les commissions d’enquête s’immiscent dans l’instance judiciaire.

M. François Goulard. Excellente intervention!

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. M. Mallot a estimé que mon argument était tombé. D’abord, cela me fait de la peine.

M. Jean Mallot. Il n’était pas bon!

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Ensuite, cet argument, je le ramasse.

M. François Goulard. Et même: vous le relevez!

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. À l’évidence, vous savez très bien que la commission d’enquête à laquelle je me référais n’était pas du tout celle que vous avez mentionnée, à savoir celle concernant France Télécom,…

M. Jean Mallot. Pas du tout, mon propos était d’ordre général!

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. …mais celle dont vous avez demandé récemment la création, avant d’y renoncer hier.

Le Gouvernement fait sienne l’argumentation développée à l’instant par le rapporteur.

Je suis même quelque peu surpris que l’on imagine qu’une commission d’enquête puisse être constituée alors qu’une procédure judiciaire est en cours. Je vous laisse imaginer l’éventuelle collision que pourrait provoquer une telle situation. Comment la sérénité de la justice serait-elle dès lors préservée?

M. Jacques Remiller. Le ministre a raison!

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Dans aucun cas on ne saurait parler de collision ni de collusion. Le but d’une commission d’enquête n’est pas le même que celui poursuivi par l’autorité judiciaire. Cette dernière cherche des coupables pour les punir tandis que la commission d’enquête vise à éclairer la législation afin de proposer d’éventuelles améliorations.

M. François Goulard. Pas du tout!

M. Jean-Jacques Urvoas. Observez la situation de tous les pays de l’Union européenne! Ce n’est pas parce qu’une procédure est en cours qu’une commission d’enquête parlementaire ne peut pas être constituée. C’est d’ailleurs ce qui fait le sel des enquêtes.

Au Royaume-Uni, l’ancien Premier ministre, Tony Blair, va témoigner devant l’une d’elles.

M. Claude Goasguen, rapporteur . Mais les juges, là-bas, sont élus!

M. Jean-Jacques Urvoas. En aucune manière il ne s’agit d’une remise en cause du pouvoir exécutif.

L’idée que nous défendons s’inscrit parfaitement dans la conception française. Les étrangers ne comprennent pas pourquoi nous ne pourrions pas investiguer pour savoir si la réglementation ne recèle pas d’éventuelles lacunes.

Je conteste donc l’argumentation du rapporteur et du ministre parce que les objets d’une commission et ceux de l’autorité judiciaire ne sont pas identiques.

(Les amendements identiques n os  7 à 10 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n os  13 rectifié, 14 rectifié et 15 rectifié.

La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Cet amendement n° 13 rectifié nous renvoie à l’ordonnance du 17 novembre 1958. Le deuxième alinéa du II de l’article 6 précise que « les rapporteurs des commissions d’enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l’exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs ».

Le présent amendement vise à supprimer la fin de la phrase: « et sous réserve du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs ». L’interprétation qui en est faite, Jean-Jacques Urvoas y a fait allusion, conduit à une dérive des plus regrettables: on empêche des commissions d’enquête de travailler pour éviter qu’elles ne pénètrent dans le champ judiciaire, idée que soutient M. Goasguen, alors qu’il ne s’agit pour elles que de s’informer pour comprendre des affaires qui peuvent être l’objet d’une instance judiciaire.

La commission d’enquête n’a pas pour objet, on l’a dit, de prononcer un jugement, mais de recueillir des informations, raison pour laquelle elle dispose de pouvoirs sur place et sur pièces de manière à permettre à la représentation nationale de se faire son opinion et de tirer les enseignements de l’affaire en question.

Je reviens au paradoxe déjà évoqué: les missions d’information n’étant pas des commissions d’enquête, elles peuvent continuer de travailler sur des affaires qui font l’objet d’une instance judiciaire, et non une commission d’enquête. Le dispositif que nous proposons n’empêchera pas la justice de suivre son cours. Il s’agit seulement de recueillir des informations et de produire un rapport qui n’a pas vocation à gêner la justice dans son travail.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Chacun est dans son rôle. Par conséquent, nous proposons de supprimer ce membre de phrase, de façon que les choses soient claires.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. C’est un débat de fond que celui qui porte sur le champ d’investigation des commissions d’enquête, notamment en ce qui concerne le périmètre du chef de l’État, et surtout celui des instances judiciaires en cours.

Le principe de précaution appliqué à la séparation des pouvoirs est une fausse bonne idée. Évidemment, cela a le mérite de la simplicité, mais cela n’a pas celui de l’efficacité du point de vue du fonctionnement démocratique.

D’abord, sur un plan très théorique – et je sais que M. Goasguen sera attentif à cette argumentation –, on met sur un pied d’égalité deux pouvoirs qui, en fait, n’existent pas: il n’y a pas de pouvoir judiciaire. Il y a une autorité judiciaire, dont la Constitution garantit l’indépendance. Lorsque l’on met à égalité la démarche du pouvoir législatif et celle du « pouvoir judiciaire », on se trompe quant au contenu de la Constitution. Il me semble que, de ce point de vue, une hiérarchie est établie: il n’y a pas de pouvoir judiciaire, il y a une autorité, dont nous assurons l’indépendance.

C’est à partir de ce débat de fond que l’on peut répondre à la question: « Que ferions-nous dans cette démarche? » Il ne s’agit pas de se mêler des procédures judiciaires, mais nous avons, nous, en tant que pouvoir législatif, la capacité de prendre des initiatives, et de le faire sans être dépendant de l’autorité judiciaire. Nous n’allons pas prononcer, in fine , des mises en examen ou des condamnations, mais il est arrivé que des événements susceptibles d’entraîner des poursuites judiciaires aient entraîné une intervention du législateur.

Si le législateur en reste au principe actuellement en vigueur, il se prive d’un moyen d’intervenir. Dès lors, le système fonctionne à l’envers: c’est l’autorité judiciaire qui tient à sa botte le législateur, qui ne peut pas intervenir tant que la justice n’a pas achevé ses travaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je n’aurais pas déposé cet amendement s’il n’y avait pas eu l’épisode qui a largement été commenté. Il me semblait que le règlement de l’Assemblée était limpide, qu’il n’y avait pas de flou: il y avait un droit de tirage, qui ne pouvait être empêché que par un vote à la majorité des deux tiers de notre assemblée. Et puis est venue cette histoire de séparation des pouvoirs. Il ne m’a pas semblé que l’argument développé par la majorité soit juste. Quand la Cour des comptes, qui est une juridiction, contrôle le budget de l’Élysée, personne n’estime que cela constitue une atteinte à la séparation des pouvoirs.

M. François Goulard. Voyons, monsieur Urvoas! C’est la fonction même de la Cour des comptes que de contrôler la dépense publique. Vous nous avez habitués à plus de sérieux.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne voyais donc pas pourquoi le pouvoir législatif ne pourrait pas mener des investigations. Il m’a donc semblé logique de déposer cet amendement. Il vise à clarifier cette notion de séparation des pouvoirs.

Peut-être me suis-je mal fait comprendre tout à l’heure. Évidemment, ce n’est pas la chancellerie qui empêche la constitution d’une commission d’enquête. Elle informe le Parlement pour lui dire si une procédure judiciaire est en cours. Mais le fait même qu’une commission d’enquête ne puisse pas se constituer si une procédure judiciaire est en cours permet au pouvoir exécutif de se protéger. Si une plainte est déposée – et cela peut arriver à tout instant –, elle bloquera la naissance d’une commission d’enquête. Par exemple, nos collègues du Nouveau Centre vont obtenir la constitution d’une commission d’enquête sur la grippe H1N1. Si, demain, une plainte est déposée, cette commission d’enquête ne pourra pas être constituée.

Cette disposition est donc handicapante. Voilà pourquoi il faut modifier cette fameuse ordonnance du 17 novembre 1958, de façon que nous ne soyons pas confrontés, demain, aux mêmes difficultés, et que nous puissions garantir ce qui nous avait été promis, à savoir un droit de tirage, c’est-à-dire une capacité de s’exonérer du fait majoritaire, une possibilité pour l’opposition de mener une investigation, chose qui, jusqu’à présent, nous a été refusée, comme elle a été refusée au groupe GDR.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Claude Goasguen, rapporteur . Effectivement, l’autorité judiciaire, c’est l’autorité judiciaire. Mais vous avez parfaitement la possibilité de faire une commission d’enquête sur l’autorité judiciaire. Vous en avez un exemple type, celui d’Outreau. Mais cette commission d’enquête sur Outreau a été constituée après l’instance. Alors qu’avec cet amendement, vous pénétrez en pleine instance judiciaire, de sorte que, pour le coup, vous touchez à l’indépendance du judiciaire. Or il faut la sauvegarder: vous êtes d’accord sur ce point, n’est-ce pas? Par conséquent, vous ne pouvez pas, lorsque l’instance est déclenchée, vouloir qu’une deuxième instance, concurrente, remette en cause l’indépendance de la justice.

En revanche, il est parfaitement possible, et même souhaitable, dans certains cas, que l’on examine, après l’instance, les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée, et que l’on étudie comment les choses se sont passées. C’est tout à fait légitime.

En ce qui concerne le pouvoir exécutif, l’argument qui a été mis en avant n’est pas celui que vous dites. Le problème, c’est que deux principes constitutionnels s’entrechoquent. Par conséquent, demandez au Conseil constitutionnel: il est fait aussi pour donner des avis. C’est à lui qu’il appartient de trancher entre deux principes constitutionnels d’égale importance: d’une part, l’irresponsabilité du Président de la République et, d’autre part, la possibilité donnée à l’Assemblée nationale de contrôler l’exercice budgétaire qu’elle a voté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Il est identique. Nous répétons inlassablement les mêmes choses. S’agissant de la Présidence de la République, c’est l’article 51-2 de la Constitution qui s’applique. Les choses sont claires.

D’autre part, l’autorité judiciaire, comme cela a été dit, est totalement indépendante. Il faut par conséquent la préserver de toute difficulté.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. Je suis convaincu, comme vous, mes chers collègues, que l’opposition doit avoir des droits reconnus dans le fonctionnement de notre assemblée.

M. Jean Mallot. C’est gentil!

M. François Goulard. Et je l’ai déjà montré par un certain nombre de votes et d’actes.

Je trouve cependant, mes chers collègues de l’opposition, que vous défendez ces droits en avançant des arguments peu solides. Il y a d’autres terrains, d’autres combats. Celui-là ne me paraît pas le meilleur.

Notre collègue Vidalies nous dit que, parce qu’il y a, dans la Constitution de 1958, une distinction sémantique entre « pouvoir » et « autorité », cela devrait affaiblir l’idée même de séparation des pouvoirs. Si je l’ai bien entendu, le législatif aurait une sorte d’autorité sur le judiciaire.

M. Alain Vidalies. Je n’ai pas dit cela!

M. François Goulard. Je pense qu’il faut faire attention aux propos que l’on tient et à la manière dont on use des notions juridiques. Je suis certain que ce n’est pas ce que vous pensiez, monsieur Vidalies. Ce n’est pas argument, c’est une argutie.

Deuxièmement, ne faisons pas, les uns et les autres, comme si nous étions innocents comme l’agneau qui vient de naître. Notre République fonctionne depuis 1958. Il y a eu des commissions d’enquête, lesquelles ont porté sur des sujets qui n’étaient pas très éloignés d’affaires pour lesquelles des poursuites judiciaires avaient été engagées. Cela est arrivé à maintes reprises. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant. Quand nous décidons la création d’une commission d’enquête, il arrive assez fréquemment qu’il y ait des poursuites sur tel ou tel point, qui n’est pas très éloigné du dossier dont nous nous emparons. Chaque fois, nous avons trouvé des solutions pour faire en sorte que le libellé du thème de la commission d’enquête ne porte pas précisément sur le point qui fait l’objet d’une poursuite judiciaire. La disposition que vous proposez de supprimer n’a donc jamais été un moyen d’empêcher le Parlement de faire son travail et de conduire, comme il l’a fait bien souvent, des commissions d’enquête dont les résultats sont extrêmement intéressants.

Franchement, il y a de meilleurs terrains pour défendre les droits de l’opposition.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. J’ai beaucoup de respect et d’estime pour l’orateur qui vient de s’exprimer, mais je voudrais lui dire que je ne suis pas tout à fait d’accord avec lui.

Prenons un exemple qui occupe, et même qui angoisse nombre de parlementaires, le crime commis avec l’amiante. Je dis bien: le crime. Dix morts par jour. Certains estiment qu’il devrait y avoir au total 100000 morts.

L’amiante, nous en avons parlé cet après-midi dans l’hémicycle. Nous avons parlé du FIVA, nous avons abordé la question des indemnisations, mais pas l’affaire pénale. Une enquête judiciaire est en cours depuis plusieurs années, en vertu de quoi on nous a toujours refusé la création d’une commission d’enquête sur l’amiante, alors qu’il s’agit de la plus grande catastrophe, du plus grand crime commis en France en matière de maladies professionnelles.

Il y a là un paradoxe, monsieur le ministre. D’un côté, on nous dit qu’il n’est pas possible de créer une commission d’enquête parce qu’il y a une procédure en cours. Soit. Mais de l’autre côté, le Gouvernement fait tout ce qu’il peut – je l’ai dénoncé, je continuerai de le faire, et de manière de plus en plus forte – pour que le procès pénal n’ait pas lieu: en limitant les moyens d’investigation du juge chargé de l’enquête,…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Patrick Roy. Cela me paraît extrêmement important, monsieur le président.

Nous avons été reçus à plusieurs reprises par différents ministres – Mme Dati, M. Bockel, Mme Alliot-Marie – qui nous ont dit, la main sur le cœur, que nous n’avions pas à nous inquiéter, qu’ils allaient y mettre les moyens. Mais le Gouvernement bloque.

D’un côté, il bloque, il freine, il ne veut pas d’un procès pénal. Et, de l’autre, on nous interdit aussi de créer une commission d’enquête. Sur un sujet aussi important, on voit bien qu’il y a une faille. Il serait bon de tirer les choses vers le haut.

(Les amendements identiques n os  13 rectifié, 14 rectifié et 15 rectifié ne sont pas adoptés.)

Article 2

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. Sur l’article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’article 3 vise à donner contenu à l’application de l’article 47-2 de la Constitution, qui dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. »

La version initiale de l’article 3, rédigée par le président Accoyer, a été quelque peu amendée par la commission des lois. Dans la version initiale, il était prévu que la Cour des comptes « peut être saisie d’une demande d’évaluation d’une politique publique par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou par le président de toute instance créée au sein du Parlement ou de l’une de ses deux assemblées pour procéder à l’évaluation des politiques publiques ». Il s’agit là d’une disposition générale, qui donne effectivement contenu et réalité à l’article 47-2 de la Constitution.

La commission des lois a quelque peu réduit le champ d’application de cette disposition, puisqu’elle réserve la faculté de saisir la Cour des comptes aux présidents des deux assemblées, « de leur propre initiative ou sur proposition d’une commission permanente dans son domaine de compétence ou de toute instance permanente créée au sein d’une des deux assemblées parlementaires pour procéder à l’évaluation de politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente ».

On voit bien là le retour du fait majoritaire, puisque, pour le coup, ce filtre éviterait que le président d’une mission d’information ou le co-président d’une instance d’évaluation comme la MECSS puisse seul saisir la Cour des comptes, et ce alors même que, depuis de nombreuses années, nous avons de bonnes relations avec la Cour des comptes. Elle dispose de beaucoup d’éléments qui nous sont très utiles. Cet échange est fructueux, nous souhaitons qu’il se poursuive, et que nous puissions lui donner un cadre juridique. C’est l’objet de cet article. Voilà pourquoi nous souhaitons qu’il soit adopté dans sa version initiale.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Nous avons encore la démonstration, en lisant l’article 3, qu’il y a loin entre les déclarations généreuses sur le respect de l’opposition et la réalité des faits.

Nous venons de débattre assez longuement des fameuses commissions d’enquête. Dans la réalité, nous voyons que le droit de tirage n’en est pas vraiment un.

Lorsque le texte a été proposé, nous avions l’impression que la possibilité de saisine de la Cour des comptes serait assez large. Mais le filtre majoritaire jouera – comme l’a démontré, avec le talent qu’on lui connaît, notre collègue Jean Mallot‚– et cette disposition ne pourra pas être utilisée par l’opposition. Je regrette qu’il ne puisse y avoir une véritable interaction avec la Cour des comptes. Cet avis est partagé par tous mes collègues présents et par ceux qui assistent actuellement à d’autres réunions.

Une fois de plus, le filtre majoritaire écrasera et bâillonnera l’opposition.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 11.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous avons ici un désaccord avec le rapporteur, et nous avons déposé cet amendement pour prendre date. En effet, le droit est affaire d’interprétation, rarement de connaissance.

Le texte du président Accoyer nous satisfaisait. L’ensemble des commissions permanentes pouvait saisir la Cour des comptes. Nous sommes en désaccord avec le rapporteur qui estime que la saisine de la Cour des comptes par les commissions permanentes risque de créer un effet d’embouteillage et de saturer la Cour, qui aurait ensuite quelques difficultés pour honorer sa mission.

Je veux certes saluer cette avancée réelle de la révision de la Constitution – il y en a eu peu‚– qui permet la collaboration de la Cour des comptes avec le Parlement. Mais encore faudrait-il que les différentes instances du Parlement puissent solliciter cette collaboration.

Nous pensons que la vision prudente de la commission des lois est trop restrictive. Nous aurions aimé qu’elle fasse preuve d’une vision plus audacieuse, faisant confiance à l’épanouissement du contrôle, donc à la collaboration avec la Cour des comptes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Claude Goasguen, rapporteur . Nous avons évoqué ce sujet à plusieurs reprises.

Je rappelle à nos collègues socialistes que, si la commission des lois a été restrictive, ce fut aussi le cas de la commission des finances. Son président notamment a insisté, avec toute sa force et sa compétence, pour qu’il en soit ainsi.

Mais l’argument essentiel est qu’il ne faut pas noyer la Cour des comptes pour le moment. Nous verrons cela plus tard. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement tient le même raisonnement que le rapporteur.

Je pense en outre que tout président d’assemblée est très attentif au respect de tous les groupes et de toutes les sensibilités politiques. Faites confiance aux présidents des assemblées et vous ne serez pas déçus. Avis défavorable.

(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur . Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Avis favorable.

(L'amendement n° 1 est adopté.) (L'article 3, amendé, est adopté.)

Après l'article 3

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6, portant article additionnel après l’article 3.

La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’amendement n° 6 vise à permettre aux instances parlementaires chargées d’évaluer les études d’impact de bénéficier, pour le bon déroulement de leur mission, de l’assistance de la Cour des comptes.

Depuis le 1 er  septembre dernier, tous les projets de loi adoptés par le Conseil des ministres puis déposés sur le Bureau d’une assemblée doivent être accompagnés d’une étude d’impact.

Il existe une contrainte de temps. Si l’assemblée saisie la première considère que l’étude d’impact n’est pas satisfaisante, elle ne dispose que de dix jours pour refuser l’inscription à l’ordre du jour de ce projet de loi. Ce délai est extrêmement court. C’est une sanction forte par rapport à l’insuffisance des études d’impact, mais cela exige une réaction très rapide.

Le Comité d’évaluation des politiques publiques peut d’autre part être saisi par le Président de l’Assemblée ou le président d’une commission permanente pour donner son avis sur l’étude d’impact. Mais, je le répète, le délai de dix jours est très court, surtout si l’on se rappelle que le Conseil des ministres se réunit généralement le mercredi alors que la Conférence des présidents a lieu le mardi suivant, soit six jours après.

M. Claude Goasguen et moi-même avons récemment « commis » un rapport au titre du Comité d’évaluation et de contrôle. Nous avons fourni une sorte de grille d’analyse pour rationaliser l’examen des études d’impact et le rendre plus objectif. Nous avons également souhaité une définition plus précise du rôle de la Cour des comptes, afin qu’elle assiste aussi le Parlement dans l’examen de ces études d’impact. Feu le président Séguin était sur la même ligne que nous.

Nous considérons que la Cour des comptes dispose, sur ces sujets, d’informations qui nous seraient très utiles et qu’elle n’a pas toujours publiées, mais qu’elle est susceptible de nous fournir dans un délai très court. Je pense en particulier à l’analyse des incidences budgétaires des projets de loi déposés.

Lorsque Claude Goasguen et moi avons auditionné des membres de la Cour des comptes, nous nous sommes rendu compte qu’ils étaient disposés à jouer le jeu, dans un délai extrêmement court, pour faire en sorte que l’examen des études d’impact soit plus fructueux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Claude Goasguen, rapporteur . Je comprends parfaitement le but de cet amendement. Mais la loi y répond déjà. Dix jours, c’est effectivement un délai très court lorsqu’une contestation est élevée lors du débat. Rien n’interdit aux rapporteurs nommés d’aller à la Cour des comptes. Celle-ci est, en effet, chargée d’aider le Parlement à examiner les projets du Gouvernement. Par conséquent le texte me paraît limpide.

Personne ne pourra empêcher un rapporteur d’aller à la Cour des comptes, même s’il est vrai qu’il aura beaucoup de choses à faire et devra choisir de ne rencontrer qu’une ou deux institutions. Je considère que la possibilité pour un rapporteur de s’adresser à la Cour des comptes, y compris au sujet des études d’impact, est déjà intégrée dans le texte, et donc que toute autre précision est inutile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Il s’agit du fonctionnement de l’Assemblée, et je partage le raisonnement développé par le rapporteur. Je ne souhaite rien y ajouter. Je pense qu’aujourd’hui l’Assemblée dispose de tous les moyens pour répondre à la question soulevée par les auteurs de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous croyons peu à l’implicite. Il nous semble toujours mieux de préciser les choses. Si elles font consensus, il est aussi bien que les dispositions fassent l’objet d’un vote idoine.

Nous n’en sommes qu’aux balbutiements des études d’impact. Nous commençons à les découvrir. Il existe encore une marge de progression assez considérable.

Comme je le faisais remarquer en commission des lois tout à l’heure, nous étudions actuellement la LOPPSI. Elle a fait l’objet d’une étude d’impact; et pourtant nous ne disposons quasiment d’aucun élément financier sur cette loi, qui est censée courir jusqu’en 2013. Il aurait été utile d’avoir l’avis de la Cour des comptes sur ce sujet.

Cet amendement vise à permettre aux instances parlementaires chargées de l’évaluation des études d’impact de bénéficier de la compétence que chacun reconnaît à la Cour des comptes. Ce serait fort utile pour la clarté de nos travaux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur . Monsieur Urvoas, la première phrase de l’article 47-2 de la Constitution me paraît explicite: « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. » L’étude d’impact étant intégrée dans un projet de loi, il s’agit bien de contrôler l’action du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Nous pensions aussi que l’article 47-2 de la Constitution se suffisait à lui-même, à tel point que nous avions prévu dans le règlement de l’Assemblée nationale – que ce soit le président Accoyer lui-même, ou nos amendements – la possibilité de recourir à la Cour des comptes.

Mais le Conseil constitutionnel a rejeté cette partie du texte, en demandant que ce soit une loi qui prévoie et donne corps à l’application de l’article 47-2. Par conséquent, l’« implicite » a été sur ce point explicitement rejeté par le Conseil constitutionnel!

(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)

Explication de vote

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour une explication de vote au titre du groupe SRC.

M. Jean Mallot. Le texte dont nous achevons l’examen a pu être considéré par certains comme mineur. Sans doute pensait-on qu’il n’occuperait l’Assemblée que peu de temps, de sorte qu’il a été programmé par le Gouvernement entre deux autres textes. Nous avons pu constater que cette proposition de loi nécessitait plus de travail que certains l’avaient cru.

Ce texte donne au Parlement, par l’article 1 er , je le reconnais, un certain nombre de possibilités supplémentaires pour faire vivre, par le biais des droits de convocation, les instances d’évaluation et de contrôle. Je passe rapidement sur l’article 2, qui n’est pas le plus important.

L’article 3 ouvre la possibilité, sous certaines conditions, de faire appel au concours de la Cour des comptes pour les travaux d’évaluation et de contrôle. Cela dit, et nous avons eu l’occasion de nous en expliquer à propos des articles et des amendements – y compris les amendements portant articles additionnels, qui ont tous été rejetés par la majorité‚–, nous considérons que ce texte est insuffisant. Nous en reconnaissons l’intérêt. Mais il eût été préférable, de notre point de vue, de préciser certains points et de concrétiser certains droits.

Notre pratique relativement brève de ce que vous appelez « les nouvelles institutions », qui devaient prétendument donner un rôle supplémentaire au Parlement, nous a appris que de la coupe aux lèvres il y avait loin.

En réalité, ces droits censément donnés au Parlement par la révision constitutionnelle, singulièrement à l’opposition, ne sont pas de véritables droits. Les droits de l’opposition sont dans la main du fait majoritaire; dès lors ils n’ont pas de contenu réel.

Nous prenons acte des avancées contenues dans ce texte, mais nous regrettons que nos amendements et les diverses suggestions tendant à faire progresser le texte n’aient pas été retenus. Nous déplorons également que la pratique institutionnelle depuis plusieurs mois ne corresponde pas aux intentions affichées par le Gouvernement et la majorité.

Nous nous abstiendrons donc sur cette proposition.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Lutte contre les violences de groupe

Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public (n os 2093, 2237).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 3 bis.

Article 3 bis

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’article 3 bis porte sur l’organisation des forces de police et de gendarmerie dans la région parisienne et sur ce que l’on appelle le « Grand Paris de la sécurité », présenté depuis plusieurs mois par le Gouvernement, et singulièrement par le ministre de l’intérieur, comme la principale mesure destinée à répondre aux problèmes de l’évolution, du durcissement et de l’augmentation de la délinquance en Île-de-France,

Mon intervention sur cet article sera en quelque sorte un rappel au règlement. Discuter de cet article en l’absence du ministre de l’intérieur, alors qu’il le présente comme une réforme majeure, nous paraît en effet incohérent.

M. François Pupponi. C’est vrai!

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous étions, avant le début de la discussion de ce texte, en commission des lois, où M. le ministre de l’intérieur était auditionné. Il a lui-même vanté l’intérêt d’une telle réforme, expliquant qu’il ne pouvait pas être présent en séance aujourd’hui parce que le texte était défendu par le secrétaire d’État à la justice.

Il devrait y avoir une logique dans l’intervention du Gouvernement. J’avoue cependant perdre un peu mon latin sur le Grand Paris.

Il y a le « Grand Paris » de M. Hortefeux, qui s’arrête à la petite couronne.

Il y a le « Grand Paris » de M. Christian Blanc qui traite du métro sur la petite couronne, Paris et la grande couronne.

Il y a le « Grand Paris » du Président de la République, qui va jusqu’au Havre.

Ici, il s’agit du mode d’intervention des pouvoirs publics sur la région capitale, qui est la région Île-de-France.

Chacun le sait – et le ministre en parlait tout à l’heure –, la délinquance a évolué. Auparavant, elle allait de Paris vers la banlieue. Elle vient maintenant principalement de la banlieue vers Paris, et l’examen des statistiques des personnes interpellées à Paris lors d’actes délictueux commis prouve qu’elles viennent pour la plupart de banlieue. On pourrait d’ailleurs faire des statistiques plus pointues pour savoir quel pourcentage vient de la banlieue la plus éloignée: elles montreraient, j’en suis convaincu, qu’un certain nombre de personnes commettant des actes délictueux sur Paris viennent de la partie de l’Île-de-France située au-delà de la petite couronne.

En tant qu’élu d’un département limitrophe de la Seine-Saint-Denis, je peux témoigner que les délinquants connaissent parfaitement les limites d’intervention de la police; ils passent de la Seine-Saint-Denis au Val d’Oise et vice-versa. S’ils ont commis un délit en Seine-Saint-Denis, il leur suffit de faire quelques mètres pour se retrouver dans le Val d’Oise. Ils ne pourront ainsi être interpellés immédiatement, car la police ne peut sortir de son périmètre d’intervention. La logique voudrait que, s’il doit y avoir une police du Grand Paris, elle puisse intervenir sur l’ensemble du territoire francilien. Les délinquants ne connaissant pas les frontières, il n’y a aucune raison de créer des frontières fictives pour les policiers qui doivent arrêter ces délinquants.

M. le président. Veuillez conclure.

M. François Pupponi. Comme vient de le faire remarquer ma collègue Delphine Batho, avoir ce débat quelques jours avant la discussion de la LOPPSI et en l’absence du ministre de l’intérieur est pour le moins contradictoire.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je m’étonne, monsieur le président, qu’il n’y ait pas eu de suspension de séance, ne serait-ce que de cinq minutes, après l’adoption du texte précédent.

M. le président. Ce n’est pas la première fois, madame Mazetier, que nous enchaînons sur l’examen d’un autre texte sans pour autant suspendre la séance. Il n’y a là rien d’anormal.

Mme Sandrine Mazetier. Il est peu régulier,en revanche, monsieur le président, que la modification du périmètre d’intervention du préfet de police de Paris soit d’abord envisagée dans le cadre d’une loi de programmation sur la sécurité intérieure, puis réapparaisse de manière anticipée au cours de la deuxième lecture d’une proposition de loi.

Mme Delphine Batho. Tout à fait!

Mme Sandrine Mazetier. Je ne suis pas sûre qu’il y ait jamais eu un exemple équivalent dans cet hémicycle, et qui plus est en l’absence du ministre concerné…

M. Jean Mallot. Il est sans doute en campagne en Auvergne!

Mme Sandrine Mazetier. …et des élus franciliens qui pourraient être intéressés par ce tour de passe-passe: ils aimeraient sans doute comprendre pourquoi cette modification intervient dans le cadre d’une proposition de loi relative à la lutte contre les violences en bandes, et au nom de quoi les violences en bandes seraient censées s’arrêter aux limites de la petite couronne! On comprend mal comment, alors qu’elles franchissent allégrement le périphérique, elles seraient comme suspendues par la limite du département de Seine-Saint-Denis ou du Val de Marne…

Nous n’obtiendrons aucune réponse de la part du Gouvernement. Malgré toute sa bonne volonté, M. Bockel n’est pas le ministre compétent pour nous répondre sur ces points. Nous n’avons du reste pas davantage obtenu de réponses de la part du ministre compétent, le ministre de l’intérieur, que nous avions interrogé en commission. Il n’a pu justifier les raisons pour lesquelles la police du Grand Paris s’arrêtait désormais aux limites administratives des départements de la petite couronne et en quoi cela allait résoudre les problèmes.

M. le président. Veuillez conclure.

Mme Sandrine Mazetier. Nous demandons la présence du ministre compétent afin qu’il s’explique, et qu’il réponde sur le fond aux amendements que nous avons déposés, sur les missions de la police du Grand Paris et de son périmètre d’intervention. Cela relève du maintien de l’ordre et non de la garantie de la sécurité de l’ensemble des Franciliens.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 5.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Moi aussi, monsieur le président, je pensais qu’il y aurait une suspension de séance.

Notre amendement vise à supprimer l’article 3 bis dont on ne sait ce qu’il vient faire dans cette proposition de loi.

À l’évidence, il s’agit d’un cavalier législatif surprenant. Il empêche en outre nos collègues de la région parisienne de participer à un débat qui les intéresse au premier chef, davantage en tout cas que ceux qui sont présents ici, car ils sont plus au fait de la question.

M. le président. La parole est à M. Eric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. L’avis de la commission est défavorable. Mme Batho et Mme Mazetier ont eu l’occasion d’interroger le ministre de l’intérieur pendant près de deux heures et demie, en commission, au sujet de la LOPPSI. Il vous a du reste précisé que la proposition de loi que nous examinons relevait du ministère de la justice.

Pour donner toute sa pertinence à la police d’agglomération, une nouvelle organisation est prévue visant à donner à la police des moyens d’action et de réactivité beaucoup plus importants. Le décret créant la police d’agglomération a été pris le 24 juillet dernier; il a donné compétence au préfet de police de Paris sur l’ensemble des services de police de la petite couronne. Les résultats enregistrés depuis sont extrêmement positifs, le ministre l’a rappelé tout à l’heure en commission des lois, et il faut poursuivre en ce sens. Mme Mazetier a évoqué la possibilité d’étendre ce dispositif. Après en avoir, dans un premier temps, contesté le principe, voilà maintenant que vous souhaitez l’étendre: c’est le meilleur compliment que vous puissez faire à ce dispositif, qui a démontré son efficacité. Nous verrons bien dans l’avenir comment il sera possible d’en adapter le périmètre. En tout cas, il fallait bien en choisir un, et c’est celui proposé par le ministre de l’intérieur qui a été retenu: Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne. Le dispositif est aujourd’hui en service, il fonctionne; demain, le Gouvernement appréciera s’il convient de l’étendre. Il est d’ailleurs prévu de l’appliquer aussi à Lille, Lyon et Marseille, car cette nouvelle forme d’organisation paraît être extrêmement efficace.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Je partage l’analyse du rapporteur. Vous avez eu en commission des réponses de la part du ministre de l’intérieur, même si manifestement, il y a des points de désaccord. En aucun cas, le ministre de l’intérieur ne refuse d’évoquer ces questions avec vous. Vous pouvez vous référer à ce qui a été dit en commission, dont les séances ne sont pas secrètes et font l’objet d’un compte rendu.

Mme Sandrine Mazetier. Il n’y a rien.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Cela étant, cette proposition de loi relève du ministère de la justice. C’est à ce titre que je suis là et que je tenterai, modestement, de vous répondre.

M. Michel Vaxès. Vous n’avez pas répondu à mes objections, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur. Je n’ai pas porté d’appréciation sur le fond. J’ai seulement dit que l’article 3 bis n’avait pas sa place dans un texte relatif aux violences de bandes. De plus, dans la mesure où cet article introduit des dispositions qui concernent principalement nos collègues parlementaires de la région Île-de-France, j’ai indiqué qu’il eût été normal que ces collèges participent à ce débat. Enfin il aurait toute sa place dans le cadre de la LOPPSI qui va venir en discussion très prochainement.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Interroger le ministre en commission est une chose, voter la loi en séance publique en est une autre, monsieur le rapporteur. Or nous allons être dans l’obligation de discuter de l’article 3 bis sans connaître la position du ministre de l’intérieur sur nos amendements, même si M. Bockel représente le Gouvernement. Premier problème.

Deuxième problème: il se trouve que l’article 3 bis reprend les dispositions de l’article 32 de la LOPPSI! Cela signifie-t-il que nous débattons ce soir du Grand Paris, sans la présence du ministre de l’intérieur? Et que ces dispositions ne figureront plus dans la LOPPSI? Cela pose un problème majeur.

Troisième problème: depuis de nombreuses années, je suis favorable à l’organisation des forces de la police nationale à l’échelle de la région Île-de-France. Mais il y a toujours eu un blocage à ce niveau: comme la préfecture de police est une sorte d’État dans l’État, cela impliquait de lui donner des superpouvoirs. Et c’est ce qui bloque toujours, et fait que vous vous en tenez à la petite couronne.

Votre conception de la police d’agglomération est celle d’une police de maintien de l’ordre...

Mme Sandrine Mazetier. Voilà!

Mme Delphine Batho. …pour protéger la capitale des bandes. En aucun cas, il ne s’agit d’une politique de reconquête de la sécurité publique et de la tranquillité pour tous les habitants, à Paris comme en banlieue.

Force nous est donc de soutenir l’amendement de notre collègue Vaxès tendant à supprimer l’article 3 bis , alors que telle n’était pas notre intention au départ.

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je me fonde sur l’article 58 alinéa 2 de notre règlement.

Nous examinons un texte relatif à la lutte contre les violences de groupes. Je viens d’entendre M. le secrétaire d’État nous renvoyer à des réponses que M. le ministre de l’intérieur a faites en commission des lois. Manifestement, il y a interférence entre les textes!

Je regrette que l’article 41 de notre règlement ne soit pas respecté. Cet article dispose qu’une commission ne peut se réunir lorsqu’un texte de sa compétence est examiné en séance publique. Nous étions tout à l’heure présents en séance publique pour discuter d’une proposition de loi relative aux moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement. Nous ne pouvions donc pas participer aux travaux de la commission des lois. Notre collègue Urvoas a été obligé de courir de l’une à l’autre, et le fonctionnement du débat parlementaire a été perturbé.

Voilà un exemple parfait du bien-fondé de l’article 41 de notre règlement. Nous souhaitons qu’il soit respecté afin d’éviter de tels télescopages gênants pour le travail parlementaire.

M. le président. Ce n’était pas un rappel au règlement: le problème concerne la commission et non la séance.

M. Jean Mallot. Si, il s’agit de l’application du règlement!

Article 3 bis ( suite )

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 27.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. L’amendement concerne l’articulation entre les forces de police et celles de la gendarmerie. Nous avons légiféré cet été pour modifier le statut de la gendarmerie. Or la proposition de loi sur les violences de bandes n’a pas pris en compte cette modification: elle a omis de préciser que les pouvoirs du préfet de police de Paris s’exercent dans le respect de la chaîne de hiérarchie comme le prévoit le I de l’article 6 de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, lequel modifie l’alinéa III de l’article 34 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Nous demandons donc que cette modification législative soit prise en compte.

Nous sommes, mes chers collègues, en droit de nous demander à quoi nous servons, car tout ce que vous soumettez à la discussion est déjà en application! Cela vaut aussi pour le Grand Paris. Delphine Batho a, à juste tire, fait remarquer qu’une fois le dispositif intégré dans la proposition de loi, vous nous expliquerez qu’il n’y aura plus lieu d’en parler dans le cadre de la LOPPSI.

À quoi sert une loi qui valide a posteriori  des décisions déjà en vigueur? C’est une curieuse conception du travail législatif.

Je souligne en outre que cet article 3 bis n’est apparu qu’en seconde lecture! Il concerne tout de même 40000 fonctionnaires qui sont au service du préfet de police de Paris lequel est, dans l’ordre protocolaire, placé avant le directeur général de la police nationale. Tout cela au détour d’un petit article d’une proposition de loi parce que l’on veut nous faire travailler à pas cadencés!

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.

M. Jean Mallot. Toujours défavorable!

M. Éric Ciotti, rapporteur . Je m’exprimerai à la fois sur l’amendement n° 27 et sur l’amendement n° 28, qu’avait déposé M. Lambert. S’appuyant sur des arguments qui méritaient d’être étudiés, celui-ci avait en effet exprimé en commission des lois ses inquiétudes quant au statut de la gendarmerie: le préfet de police aurait-il directement autorité sur les unités de gendarmerie?

Ces amendements sont satisfaits quant au fond; je vais tenter de vous l’expliquer, madame Batho, même si vous protestez avant même d’avoir entendu mes explications.

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est qu’elle connaît bien les textes!

M. Éric Ciotti, rapporteur . J’espère moi aussi les connaître!

M. le président. Poursuivez, monsieur le rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur . La dérogation aux dispositions de l’article 34 de la loi du 2 mars 1982, tel qu’il a été modifié par la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, ne conduit qu’à substituer le préfet de police au préfet du département, sans invalider l’ensemble de l’article 34, et notamment la mention « dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale ». Le texte précise par conséquent que le préfet de police dirige l’action des services de la police nationale et des unités de gendarmerie nationale, mais sans remettre en cause cette partie de l’article 34.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, puisque nous sommes d’accord quant au fond.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Madame Batho, l’expression « par dérogation » introduite à l’alinéa 4 ne porte que sur le champ de compétence du préfet. Elle n’a absolument pas pour effet d’écarter les dispositions du III qui viennent d’être rappelées. Le statut de la gendarmerie ne pose donc aucun problème.

Par conséquent, votre amendement est superfétatoire, comme l’a dit le rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je regrette, mais je ne suis absolument pas convaincue. Ce qui est écrit est écrit: « par dérogation aux dispositions des I et III » signifie bien que l’on déroge à toutes les dispositions du III, sans exception. Le texte ne précise pas que la dérogation ne concerne que les dispositions du III relatives aux compétences du préfet de police.

Or le paragraphe III précise notamment, depuis sa modification par la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale: « dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l’exécution et des résultats de leurs missions en ces matières ».

Par conséquent, la dérogation aux dispositions du III mentionnée à l’alinéa 4 de l’article 3 bis concerne notamment la disposition que le Parlement a votée en adoptant la loi du 3 août 2009.

Nous maintenons donc cet amendement.

M. Jean Mallot. C’est imparable!

(L’amendement n° 27 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 30.

La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je souhaite faire part de mon expérience: comme d’autres communes, celle dont je suis maire a été confrontée il y a une dizaine d’années au phénomène des bandes – qui n’est donc pas nouveau, contrairement à ce qui a été dit à propos de l’évolution des formes de délinquance. Dans plusieurs territoires, il existe même depuis plus de vingt ans.

Naturellement, les élus concernés ont travaillé avec les autorités compétentes, notamment les commissaires de police, afin d’éradiquer ce phénomène. Pour notre part, nous avons notamment créé, dans le cadre du contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance, un groupe opérationnel chargé de connaître les bandes, de les suivre, de les répertorier et de tenter de lutter efficacement contre elles, en particulier en réagissant immédiatement à leurs initiatives.

Ainsi, dès qu’une bande pose le moindre problème en ville, nous en sommes informés et nous pouvons intervenir. Quant au commissaire de police, il peut agir plus efficacement puisque, grâce à ce groupe opérationnel, il connaît parfaitement les bandes, leurs membres et les quartiers où elles opèrent.

Ne pourrait-on tout simplement généraliser ce dispositif en l’étendant à des communes qui n’y sont pas encore accoutumées et en le rendant obligatoire? On m’a certes répondu en première lecture qu’il était possible d’y recourir, sans obligation; mais il me semble que, pour lutter efficacement contre ce grave phénomène, il faudrait obliger les élus, les commissaires de police et les membres de ces groupes à travailler ensemble de manière organisée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable, non quant au fond, mais sur la forme: une telle disposition ne relève pas de la loi, monsieur Pupponi.

Les CLSPD peuvent parfaitement constituer ces groupes. Il existe également d’autres outils tout à fait pertinents qui ne relèvent pas des CLSPD, tels les groupements locaux de traitement de la délinquance, qui opèrent dans certains quartiers difficiles, ou les états-majors de sécurité, en cours d’installation. Je suis du reste personnellement favorable à la création de tels groupes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. J’irai plus loin encore: quant au fond, je suis doublement d’accord avec vous, monsieur Pupponi, non seulement pour les raisons que le rapporteur vient d’évoquer, mais parce que j’ai moi-même expérimenté comme maire, au sein des instances qui ont été citées, plusieurs innovations de ce type. Les règlements ont parfois même suivi la pratique.

Toutefois, ce que vous proposez relève en effet du domaine réglementaire: gardons-nous de multiplier de telles dispositions dans la loi.

Enfin, vous souhaitez que la constitution de tels groupes soit non seulement possible, mais obligatoire. Je vous entends; mais pourquoi alors ne pas la rendre systématique au sein des CLSPD, sans que la loi ait besoin de le préciser, puisqu’une circulaire ou tout autre texte réglementaire y suffirait? J’y serais personnellement favorable.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. En effet, on pourrait choisir d’en passer par une circulaire, auquel cas il serait grand temps de le faire. Mais l’inscription de cette disposition dans la loi aurait une vertu préventive.

En effet, les maires qui ont eu recours à ces dispositifs sont ceux qui ont été confrontés au phénomène; d’autres ne l’ont pas fait, parce qu’ils n’imaginaient pas être un jour concernés par une réalité qui les rattrape pourtant aujourd’hui. Il s’agirait donc d’alerter les élus et de les obliger à dialoguer avec les forces de police par l’intermédiaire des commissaires, ce qui ne se fait pas partout, même lorsque des CLSPD existent.

On croit parfois pouvoir résoudre le problème des bandes sans l’aide des autres; mais mon expérience m’a intimement convaincu que seul un dialogue organisé et intelligent entre toutes les autorités publiques responsables d’un territoire permet de lutter efficacement contre ce phénomène.

Ainsi, même si cette disposition relève peut-être du domaine réglementaire, son inscription dans la loi obligerait ceux qui se croient ainsi protégés à nouer le dialogue.

(L’amendement n° 30 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n° 31.

M. François Pupponi. L’amendement, d’objet voisin, a été défendu.

(L’amendement n° 31, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 37.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il s’agit d’ajouter à la liste des missions confiées à la police du Grand Paris un alinéa précisant que le préfet de police « coordonne la mise en place de la police de quartier et évalue le service rendu aux habitants ».

Ce qui est en jeu, c’est la conception que nous nous faisons de cette police d’agglomération à l’échelle de l’Île-de-France. La logique qui semble présider à sa création la destine à apporter un renfort ponctuel, à conduire des opérations « coup de poing », comme le ministre de l’intérieur le disait tout à l’heure en commission, mais nullement à occuper durablement le terrain et à fournir un travail approfondi, notamment dans les territoires les plus exposés à l’insécurité, en vue de lutter contre l’économie souterraine.

En somme, les orientations actuelles du Gouvernement semblent ressusciter la police des années 1960, qui se contentait de maintenir l’ordre et de contenir les désordres, au lieu d’assurer la tranquillité des riverains et la sécurité publique. Des éclaircissements sont donc nécessaires; tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable, car cette précision ne relève évidemment pas de la loi. Le domaine de compétence du préfet de police inclut naturellement le maintien de l’ordre public, dont la police de quartier est chargée. Cet amendement est donc largement satisfait. Par conséquent, il a été repoussé par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Même avis.

Je m’exprime au nom du Gouvernement tout entier, dont les membres ont discuté ensemble de cette question. Vous l’avez rappelé, et nul ne le conteste: la création de la police de quartier est un objectif du Gouvernement…

Mme Sandrine Mazetier. Pas du tout!

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. … que s’emploie actuellement à réaliser le directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, placé sous l’autorité du préfet de police.

Cette police de quartier, dont la création se poursuivra après l’intervention de la loi, sera ensuite évaluée régulièrement par le préfet de police, sur le modèle de ce qui se pratique à Paris depuis un certain temps. Le préfet de police pourra ainsi apprécier le service rendu à la population et adapter le dispositif le cas échéant.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. En écoutant le ministre, je pensais au destin qu’ont connu les UTEQ.

Mme Sandrine Mazetier. Feu les UTEQ…

M. Jean-Jacques Urvoas. Leur création avait été annoncée à grands frais par Mme Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur. Des engagements chiffrés avaient même été pris: on annonçait 100 UTEQ implantés dans différents endroits; il en existe aujourd’hui une trentaine, si je ne me trompe.

Or le ministre de l’intérieur vient de nous apprendre qu’un rapport sur le sujet – qui devait être remis fin novembre, mais dont on nous dit aujourd’hui qu’il ne l’a pas été, bien que la presse ait annoncé le contraire – préconise la suspension des UTEQ.

Ce pas de deux est fort déplaisant pour ceux qui considèrent que, s’il est bon que les pompiers arrivent rapidement sur les lieux de l’incendie, il vaut encore mieux que celui-ci ne prenne pas: une phase de présence permanente et d’anticipation est indispensable pour éviter qu’une situation se détériore. Par quelque nom qu’on la désigne, la police de quartier existe et doit être utilisée, y compris à Paris. Tel est le sens de notre amendement. Sur ce point, j’avoue n’avoir été convaincu ni par le rapporteur, ni par le ministre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Nos deux collègues ont présenté sous un jour trompeur la police d’agglomération, qui n’est nullement une police d’ordre public stricto sensu .

Si, depuis 2002, la délinquance a diminué deux fois plus vite à Paris qu’en petite et en grande couronne, c’est grâce à l’efficacité de notre organisation, celle qui va justement être étendue à tout le ressort de la police d’agglomération. Cette organisation repose sur la mutualisation des moyens, que permettront d’améliorer les centres d’information et de commandement de l’agglomération, ainsi que sur l’existence d’unités mutualisées pérennes – des compagnies de sécurisation de jour, qui ont produit d’excellents résultats à Paris, aux brigades anti-criminalité de nuit. L’habilitation des OPJ sera également étendue.

S’y ajoutent le renforcement des stratégies de lutte contre le phénomène des bandes et contre les autres formes de délinquance et la création de groupes d’enquête pour combattre la délinquance enracinée dans les quartiers difficiles – deux groupes cités ont déjà été constitués. Enfin, une police de la circulation œuvrera dans tout le ressort et au-delà.

L’organisation des forces de sécurité dans le ressort de cette police d’agglomération est donc tout à fait pérenne; elle favorisera la mutualisation et permettra le maillage de tout le secteur, où la présence policière sera de ce fait renforcée.

(L’amendement n° 37 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 29.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je remercie M. Goujon d’avoir rappelé que Paris est le seul endroit de France où la police urbaine de proximité n’a pas été supprimée. Cela permet en effet d’obtenir des résultats.

Mais tous les élus de banlieue vous diront que les modalités d’intervention des patrouilles à Paris leur donnent l’impression – même si celle-ci n’est pas partagée par les Parisiens et leurs élus‚–que les policiers sont en surnombre dans la capitale, compte tenu du déficit considérable d’effectifs qu’ils connaissent. Nos collègues de Seine-Saint-Denis qui sont intervenus hier, notamment Daniel Goldberg, ont fait état de la multiplication des attaques de bureaux de poste à l’explosif et de l’augmentation des vols avec violence, et souligné le sentiment d’abandon qui règne dans certains territoires.

La question est de savoir si la police du Grand Paris se placera dans une logique de reconquête de ces territoires. Il ne s’agit pas d’effectuer des opérations coup-de-poing ou d’envoyer de temps à autre la cavalerie, mais d’occuper de manière pérenne ces territoires à travers des contacts quotidiens avec la population.

L’amendement n° 29 prévoit, dans les territoires classés « zones urbaines sensibles » de l’Île-de-France, la mise en place d’un mécanisme de convention entre la préfecture de police et les élus locaux dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Ainsi nous pourrions obtenir un engagement très clair de l’État sur l’affectation des effectifs mais aussi sur leur nature. En effet, il ne s’agit pas seulement d’assurer une présence policière, il faut encore que des officiers de police judiciaire puissent prendre part aux difficiles investigations que rend nécessaires la lutte contre l’économie souterraine.

Nous vous invitons donc à adopter ce dispositif, déjà proposé en première lecture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable.

Ce n’est pas à la loi de fixer l’organisation territoriale de la police. Si le préfet de police souhaite procéder à la signature de telles conventions, il peut le faire. Il n’est pas nécessaire de légiférer sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est doublement défavorable.

En premier lieu, cet amendement encourt la censure du Conseil constitutionnel au regard du principe selon lequel l’État ne peut se lier par convention pour l’exercice de ses missions de souveraineté. Plusieurs éléments de sa jurisprudence récente vont en ce sens.

En deuxième lieu, on ne saurait accepter qu’un changement de cette importance se limite à l’Île-de-France alors que ces questions de dialogue entre la police et la population et de moyens nouveaux se posent à l’échelon du territoire national. Cela dit, même si vous proposiez cette disposition pour la France entière, j’y serais, en tant que ministre et en tant que maire, totalement hostile. Ce mélange des genres n’apportera rien. On peut coopérer, établir des partenariats, formuler des attentes fortes en matière de moyens et même exprimer des désaccords, mais faire intervenir le conventionnement en ce domaine est non seulement inacceptable, mais totalement inopportun. Je ne suis même pas certain que les communes y gagneraient.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que c’est le Gouvernement qui a décidé d’aborder la question de l’organisation de la police et des forces de sécurité en Île-de-France et de créer un Grand Paris de la sécurité.

Votre réponse m’étonne beaucoup. Il faut avoir à l’esprit les situations dramatiquement ubuesques que nous connaissons aujourd’hui. Lorsqu’à l’occasion de manifestations au cœur de Paris, des bandes violentes quittent certains de nos territoires, elles sont accompagnées jusqu’à la gare par les forces de police des commissariats locaux afin d’éviter toute exaction dans la commune de départ. Une fois que ces bandes arrivent à Paris, on sait ce qu’il peut advenir: rappelons ce qui s’est passé aux Invalides lors des manifestations étudiantes ou encore récemment au Champ de Mars lorsqu’une société a voulu se faire de la publicité en donnant de l’argent et que des personnes ont été sauvagement agressées. Quand ces bandes reprennent le train, les forces de police de Paris, qui les ont pourtant raccompagnées, ne préviennent pas les commissariats locaux concernés…

Et lorsque des bandes suburbaines se sont affrontées au cœur de la capitale, la préfecture de police de Paris ne prévient pas les commissariats locaux des interpellations qu’elle a pu effectuer. Ceux-ci ignorent ce qui s’est passé alors même qu’il y a des risques de représailles, une fois les bandes revenues dans leurs communes.

Nous demandons donc que les forces de police de l’ensemble de la région parisienne travaillent ensemble pour suivre ces bandes. C’est une demande légitime, compte tenu des situations ubuesques que nous vivons. J’ai du mal à comprendre que vous refusiez une telle coordination alors que vous entendez lutter efficacement contre ces bandes.

(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.) (L'article 3 bis est adopté.)

Après l'article 3 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 12 rectifié.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement vise à combler un important vide juridique en matière de vidéosurveillance embarquée des services de police.

En dehors des systèmes fixes de vidéoprotection, placés dans l’espace public, dont l’usage s’est généralisé dans beaucoup de villes de l’Île-de-France comme de province, certaines forces de police municipale ont recours à des caméras vidéo embarquées.

Par cet amendement, nous souhaitons encadrer les garanties offertes au justiciable en cas de recours à ces dispositifs et permettre aux préfets de s’assurer que ces derniers font l’objet d’une procédure normalisée et juridiquement encadrée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable.

Lors de l’examen du texte en commission, nous avons supprimé l’article 4 qui prévoyait les conséquences procédurales des enregistrements effectués par les forces de police lors de leurs interventions. Nous avons estimé qu’un tel dispositif n’était pas juridiquement requis, les forces de l’ordre pouvant d’ores et déjà filmer leurs interventions.

L’amendement présenté par M. Lagarde vise à permettre aux polices municipales de procéder à de tels enregistrements. Cette rédaction soulève cependant certaines difficultés.

D’abord, elle insère un article dans le code de procédure pénale alors qu’elle ne concerne pas la procédure pénale.

Ensuite, la vidéo embarquée ne relève pas seulement des polices municipales. Il ne faudrait pas que ce dispositif laisse croire que ce serait le cas.

Enfin, le rôle attribué au préfet n’est pas conforme aux règles habituelles. On voit mal, en effet, pourquoi il serait chargé d’agréer des locaux utilisés par une police municipale. De même, la commission préfectorale compétente n’est pas définie; et la vidéo embarquée ne relève pas du régime de la loi de 1995 sur la vidéoprotection, car elle n’a pas pour finalité la surveillance de la voie publique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Avis défavorable.

Aux raisons invoquées par M. le rapporteur, j’ajouterai le fait que si les services de police ne pouvaient recourir à la vidéo embarquée sans autorisation de la loi, cela aurait des effets contre-productifs et dissuasifs.

(L'amendement n° 12 rectifié n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 40 rectifié.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, je dois vous préciser que cet amendement n° 40 rectifié, ainsi que le suivant, l’amendement n° 41 rectifié, visent à insérer des articles additionnels après l’article 4 bis et non après l’article 3 bis .

M. le président. Nous procèderons donc à leur examen après l’article 4 bis.

Article 4 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6, de suppression de l’article.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Nous ne nions pas les résultats qui peuvent être obtenus grâce à la vidéosurveillance, comme l’identification des auteurs de délits ou la prévention des actes de délinquance. Mais nous sommes mesurés dans l’appréciation des vertus de cet outil. Je rappelle qu’en Grande-Bretagne, une étude a démontré que 80 % des images ainsi enregistrées étaient inutilisables et que celles-ci n’avaient permis de résoudre que 3 % des affaires de vol dans la ville de Londres.

La rédaction de l’article 4 nous paraît floue, vague, imprécise, en particulier l’alinéa 2 où il est fait mention d’événements ou de situations « susceptibles de nécessiter l’intervention des services de police ou de gendarmerie ». Qui en jugera?

Comment le système de vidéosurveillance fonctionnera-t-il? Ou les services de police et de gendarmerie seront branchés en direct et en permanence sur les images des parties communes, ou bien il appartiendra au bailleur de les transmettre. Mais dans quelles conditions? Je ne vois pas comment ces dispositions pourraient être opérationnelles.

J’ajoute, par anticipation, que je m’oppose à la suppression de l’article 4 ter A introduit par le Sénat, qui vise à conditionner ce dispositif à une acceptation unanime des propriétaires, lesquels pourraient estimer qu’il constitue une atteinte à leur vie privée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable à la suppression de l’article 4 bis . C’est un article important qui permet la transmission des images enregistrées dans un hall d’immeuble d’habitat collectif aux forces de police nationale, de gendarmerie ou de police municipale. On ne saurait contester l’efficacité d’un tel dispositif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Cet article pallie une lacune. Il faut le conserver.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. J’aimerais revenir à ce qu’a dit notre collègue sur l’efficacité de la vidéoprotection.

Il faut savoir que le dispositif anglais est très ancien. Il repose sur un système analogique, qui donne des images de mauvaise qualité. Que de telles conclusions aient pu être dressées n’a donc rien de surprenant.

Pour notre part, nous avons recours à un système numérique moderne. Dans les 300 villes françaises, de gauche comme de droite, où le dispositif a été mis en œuvre, il a abouti à une baisse de la délinquance. Des rapports de l’IGA, de l’IGPN et d’autres instances évoquent une baisse de 20 % à 40 % dans les zones vidéoprotégées.

Par ailleurs, la transmission des images dans la salle de commandement du commissariat de police et un visionnage en continu ont l’avantage de permettre une bonne adaptation du dispositif policier à l’incident identifié dans les halls d’immeuble et la mise en œuvre de moyens proportionnés. Cela a une importance particulière à l’échelle d’une agglomération car cela évite de rassembler tous les effectifs en un même point.

Ce dispositif ne comporte donc que des avantages, d’autant que ces images ne sont pas enregistrées.

M. Michel Vaxès. M. Goujon vient d’indiquer que des caméras de vidéosurveillance avaient été installées dans 300 villes. Par suite, ou bien ce système est hors la loi, ou bien la loi n’était pas nécessaire pour l’établir!

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je vous ai demandé qui déclenchait le système de vidéosurveillance, quand, et pourquoi? Vous ne m’avez pas répondu. Et je persiste à ne pas voir comment fonctionnera le système proposé.

M. Philippe Goujon. C’est le bailleur qui le déclenche!

(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente:

Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma