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Assemblée nationale

Commission élargie

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 25 octobre 2011

Présidence de M. Jean Launay,
secrétaire de la Commission des finances,
de M. Guy Tessier,
président de la Commission
de la défense,
et de M. Jean-Luc Warsmann,
président de la Commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures cinq.

projet de loi de finances pour 2012

Sécurité

M. Jean Launay, suppléant M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, le président Jérôme Cahuzac, retenu, m’a prié de l’excuser auprès de vous et m’a demandé de coprésider cette réunion.

Monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, je suis heureux de vous accueillir, avec Guy Teissier, président de la Commission de la défense nationale, et Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois, afin d’examiner en commission élargie les crédits de la mission « Sécurité » pour 2012.

L’organisation des débats en commission élargie a été affinée : désormais, ceux-ci seront chronométrés afin de s’assurer du respect de la durée prévue. Pour la mission « Sécurité », le temps de parole total a été fixé à trois heures. Les rapporteurs disposent de cinq minutes pour poser leurs questions, contre deux minutes pour les autres députés – un peu plus, le cas échéant, pour les porte-parole des groupes. Les auteurs de question disposeront par ailleurs d’un droit de suite en cas de réponse incomplète.

M. le président Guy Teissier. Je souhaite la bienvenue à M. le ministre, dont j’attends en particulier qu’il fasse le point sur l’intégration de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Nous disposons désormais d’un recul suffisant pour évaluer cette réforme, à laquelle notre collègue Alain Moyne-Bressand a récemment consacré un rapport.

Cette séance sera également l’occasion d’évoquer la mise en œuvre de la LOPPSI 2 (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) et les mesures d’amélioration des équipements prises notamment en faveur de la gendarmerie.

La Commission de la défense a par ailleurs constaté avec inquiétude, après l’audition du général Jacques Mignaux, une diminution importante, par rapport à 2011, des crédits d’investissement pour l’année à venir.

M. le président Jean-Luc Warsmann. La mission « Sécurité » est évidemment particulièrement suivie par la Commission des lois. Je salue le travail effectué par tous les fonctionnaires de police et de gendarmerie dans notre pays et leur engagement au service de la sécurité de nos concitoyens.

Dans un cadre budgétaire contraint comme il ne l’a jamais été depuis des décennies, vous nous proposez, monsieur le ministre, des crédits en augmentation de 1,4 %, essentiellement à cause de l’accroissement de la masse salariale. Nos unités disposeront-elles des moyens nécessaires pour fonctionner ? Où en est-on du recentrage des forces de sécurité sur leur métier de base, alors qu’un certain nombre de réorganisations ont déjà été effectuées ?

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. Depuis 2002, des changements très profonds sont intervenus dans la politique de sécurité publique. Ils concernent aussi bien l’organisation que les méthodes et les moyens des services : rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, redéploiement des zones de compétence, mutualisation des moyens, fusion des services de renseignement, création d’une police d’agglomération, généralisation des communautés de brigade, réorganisation de la chaîne de commandement de la gendarmerie ont permis de traiter une délinquance plus mobile, plus violente et plus imprévisible.

S’agissant des méthodes, le recours systématique aux moyens de la police scientifique et le développement de la vidéosurveillance ont accru l’efficacité des moyens d’investigation et préparé le passage d’une culture de l’aveu à une culture de la preuve. Le renforcement des moyens matériels, des véhicules, des systèmes radio, de l’informatique a accompagné la revalorisation de la condition des agents.

Cette politique a porté ses fruits : diminution constante de la délinquance, amélioration des taux d’élucidation, renforcement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique et, par ailleurs, baisse remarquable du nombre des accidents et des tués sur les routes.

Le budget de 2012 vise à poursuivre et à amplifier ces actions. Il se monte à 17,17 milliards d’euros, dont 9,28 milliards pour la police et 7,89 milliards pour la gendarmerie. Les effectifs diminuent de 2 606 équivalents temps plein travaillé hors transferts : c’est la conséquence de l’application à la police et à la gendarmerie du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. La masse salariale, malgré tout, continue d’augmenter de 2,04 %, tandis que les moyens de fonctionnement progressent de 2,2 %.

La police technique et scientifique (PTS), la recherche systématique des indices sur les lieux où les infractions ont été commises, l’effort considérable de formation des agents à ces nouvelles disciplines et la constitution de nouveaux fichiers, le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) expliquent pour une large part l’amélioration remarquable du taux d’élucidation, qui est passé de 26,2 % en 2002 à 37 % en 2010. Mais, d’une certaine façon, la police scientifique a parfois été victime de son propre succès. La multiplication des relevés entraîne un véritable embouteillage des laboratoires publics, lequel impose un recours fréquent à la sous-traitance et s’accompagne souvent d’un allongement des délais d’attente. Il faut donc renforcer, moderniser, peut-être à terme réinstaller nos laboratoires. Il faudra par ailleurs poursuivre les avancées scientifiques – je pense en particulier à la reconnaissance faciale.

Monsieur le ministre, comment voyez-vous, dans les années qui viennent, l’évolution de la police technique et scientifique ?

Les mutualisations entre police et gendarmerie – commandes publiques, gestion des moyens logistiques – sont probablement un gisement important, non seulement d’économies, mais également d’efficacité, amenant les services à travailler davantage ensemble. Mais il faut éviter qu’elles en viennent à gommer la spécificité des deux forces, qui doivent rester séparées et garder chacune leur statut, leurs règles de fonctionnement et leur culture. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser votre position sur ce point, faire un premier bilan des mutualisations opérées jusqu’ici et tracer les perspectives dans ce domaine pour 2012 ?

Les policiers et les gendarmes n’échappent pas à la règle du « un sur deux », mais il est essentiel que la diminution des effectifs qui en résulte ne se traduise pas par une baisse de la disponibilité opérationnelle des services et par une moindre présence des agents sur la voie publique. Quels sont les mesures de réorganisation intervenues et leur impact précis sur la disponibilité effective des agents ? La présence des forces de police et de gendarmerie sur la voie publique est une attente forte de la population, à laquelle il est important que le Gouvernement réponde en dépit des contraintes budgétaires.

Je finirai par la réforme de la garde à vue. Celle-ci était nécessaire pour les raisons que l’on sait, mais elle a eu pour effet de rendre les enquêtes plus difficiles et par conséquent plus lentes. En outre, une adaptation des locaux des brigades et des commissariats s’est révélée nécessaire pour que les avocats puissent intervenir dans des conditions satisfaisantes. La première loi de finances rectificative de 2011 avait d’ailleurs ouvert un crédit de 15 millions d’euros à cet effet.

Quel est le bilan de la réforme de la garde à vue ? Risque-t-elle d’entraîner, comme certains le craignent, une baisse des taux d’élucidation ? Les investissements destinés à l’aménagement des locaux pourraient-ils être beaucoup plus lourds que prévu ? Une seconde réforme, dont la nécessité est évoquée par certains, est-elle à l’ordre du jour ?

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis de la Commission de la défense. Je me réjouis que, dans un cadre de réduction des dépenses publiques, les crédits du programme « Gendarmerie nationale » soient maintenus, ce qui témoigne de la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité.

Ces dernières années, la gendarmerie a connu de nombreuses réformes structurelles, au premier rang desquelles son intégration au ministère de l’intérieur. Ces réformes, elle les a assimilées avec succès, comme j’ai pu le constater lors de la mission d’évaluation de la loi du 3 août 2009 que j’ai conduite avec Mme la sénatrice Anne-Marie Escoffier.

L’ensemble des acteurs que j’ai rencontrés à cette occasion m’a d’ailleurs confirmé leur souhait de voir la gendarmerie conserver son statut militaire, gage d’efficacité et de réactivité. J’en profite pour adresser toutes mes félicitations à la gendarmerie pour l’action qu’elle mène, tant sur le territoire national que sur des théâtres d’opérations extérieurs.

Je souhaite cependant attirer l’attention du Gouvernement sur l’aggravation des conditions de logement des gendarmes, qui doivent pourtant être logés par nécessité absolue de service. L’état du parc domanial, qui représente plus de 40 % du parc immobilier de la gendarmerie, est particulièrement préoccupant. En effet, 70 % des logements domaniaux ont plus de vingt-cinq ans et nécessitent des travaux de rénovation importants. Or, dans ce domaine, l’insuffisance des crédits est récurrente.

À la question de l’entretien des casernes s’ajoute celle de leur construction. Sur ce point, force est de constater que le développement de procédures de financement innovantes n’a pas permis de résorber l’ampleur du problème. Certaines d’entre elles, comme les baux emphytéotiques administratifs ou les partenariats public-privé (PPP), génèrent même des surcoûts importants.

La situation est d’autant plus préoccupante que le projet de loi de finances pour 2012 ne prévoit de consacrer que 40,78 millions d’euros à la réhabilitation des casernes et 15,9 millions d’euros à leur construction.

S’agissant de l’équipement, je me réjouis que près de 16 millions d’euros soient dégagés en 2012 pour l’acquisition de trois EC135, qui vont permettre de poursuivre la modernisation du parc d’hélicoptères de la gendarmerie – des appareils dont j’ai pu mesurer l’importance, notamment pour le GIGN, en me rendant récemment au groupement central des forces aériennes de la gendarmerie, à Villacoublay.

J’appelle toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur la question du renouvellement des véhicules blindés à roues de la gendarmerie mobile, qui ont plus de quarante ans et pour lesquels aucun financement n’a encore été débloqué.

Enfin, je souhaiterais connaître la situation des mutualisations avec la police nationale – qui doivent permettre de réaliser des économies et d’améliorer l’efficacité du service –, notamment dans les domaines du soutien des véhicules et du développement des systèmes d’information.

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Nous allons entrer dans l’avant-dernière année de mise en œuvre de la LOPPSI 2.

Les échéanciers et les objectifs de cette loi de programmation ont-ils été respectés et vont-ils continuer de l’être en 2012 et en 2013 ?

La police technique et scientifique est un des grands enjeux de cette loi, et nous en attendons beaucoup en termes de performance. Or, si l’augmentation du nombre de scientifiques est visible dans la police nationale comme dans la gendarmerie, des interrogations, voire des inquiétudes demeurent. La « PTS de masse » repose sur les prélèvements sur site effectués par des agents de terrain dits « polyvalents », dont ce n’est pas la mission principale et qui, en toute logique, sont moins performants que les scientifiques spécialisés. En dépit de ces difficultés, estimez-vous, monsieur le ministre, que le système de la polyvalence donne satisfaction ? Quel est selon vous le nombre de scientifiques supplémentaires qu’il faudra envisager de recruter dans les années à venir ?

D’une façon générale, les effectifs vont à nouveau être réduits en 2012 à concurrence de 1 682 équivalents temps plein. Je rappelle que les services de police et de gendarmerie ont dû consentir de gros efforts depuis le début de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques. Pour maintenir une présence constante sur le terrain, vous avez donc opéré des redéploiements internes, réduit le format de certaines forces, comme les forces mobiles, et redéfini certains concepts relatifs à la présence sur le terrain. Compte tenu des efforts déjà engagés, pouvez-vous confirmer que le nombre de policiers et de gendarmes sur la voie publique sera maintenu en 2012, voire augmenté ? Qu’en sera-t-il les années suivantes ?

En ce qui concerne les personnels administratifs, le ministère a mis en œuvre une politique tendant à affecter des personnels dédiés aux tâches qui ne requièrent pas de disposer d’un statut actif, afin d’améliorer l’efficacité de nos forces de sécurité et de réduire les coûts. Des efforts notables ont déjà été accomplis en ce domaine, si bien que, cette année, le nombre de recrutements de personnels administratifs, techniques et scientifiques est désormais supérieur à celui des gardiens de la paix. Pourtant, l’effort en faveur de ces personnels devrait et pourrait être renforcé. Cela permettrait en particulier de valoriser leurs fonctions et de les rendre plus attractives, surtout depuis la fusion de ce corps avec ceux des préfectures. Quels sont vos projets en ce domaine ?

On l’a dit, les dépenses de fonctionnement et d’investissement s’inscrivent dans un contexte très contraint. Le budget de fonctionnement de la gendarmerie est globalement stabilisé à périmètre constant, et la police a obtenu un abondement bienvenu de ses dotations pour 2012. Ces deux forces auront-elles des moyens suffisants sur le terrain pour accomplir leurs missions essentielles ? Estimez-vous possible que ces budgets puissent être à nouveau limités sans que les capacités opérationnelles en soient affectées ?

Je note qu’un effort notable sera accompli cette année en faveur de l’immobilier. Cette question est essentielle pour le « moral des troupes ». Une telle politique pourra-t-elle être poursuivie dans les années à venir ?

Le rapprochement entre police et gendarmerie semble se dérouler correctement. Je me félicite des initiatives qui tendent à améliorer la coordination de ces deux forces, notamment grâce à la CORAT (coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires) bientôt mise en œuvre dans chaque département. Quels efforts reste-t-il à accomplir en ce domaine ?

Le recentrage sur le cœur de métier se poursuit : la prise en charge des transfèrements judiciaires par l’administration pénitentiaire est en cours ; des mesures ont été prises pour réduire le nombre de gardes statiques ; l’encadrement des convois exceptionnels ne sera plus assuré par l’État. Quelles sont, si elles existent, les marges supplémentaires dont vous pouvez disposer ?

Enfin, où en est la mise en œuvre de la réforme de la médecine légale ?

M. Jean Launay, président. Pour sa part, le président Cahuzac souhaitait vous interroger sur les remarques concernant la politique de rémunération dans la police exprimées par la Cour des comptes dans sa note d’exécution budgétaire sur le budget de 2010, ainsi que sur la partie du rapport de la Cour sur la sécurité publique relative aux effectifs de la police et de la gendarmerie.

Quant à moi, je m’interroge sur les conditions de mise en œuvre de la réforme de la garde à vue.

M. Éric Ciotti. Au moment où nous examinons les crédits de la mission « Sécurité », permettez-moi de saluer l’action des forces de police et de gendarmerie et d’avoir une pensée particulière pour la famille d’Anne Pavageau. L’assassinat de cette policière, il y a quelques jours à la préfecture du Cher, nous rappelle l’importance et la difficulté du travail qu’accomplissent au quotidien, avec beaucoup de courage, les policiers et les gendarmes.

Au nom du groupe UMP, je voudrais apporter mon soutien à ce budget. Réalisé dans le contexte financier difficile que l’on connaît, il n’en traduit pas moins la volonté forte du Gouvernement en faveur de la sécurité dans notre pays, puisque les crédits connaissent une augmentation de 1,55 %, soit 50 millions d’euros de plus par rapport à la loi de programmation des finances publiques adoptée l’année dernière.

Ce budget nous permettra donc de poursuivre une politique dont les résultats très positifs ont déjà été soulignés – en particulier la baisse de 17 % de la délinquance générale depuis 2002. Il permettra également la mise en œuvre concrète des objectifs défini par la LOPPSI 2, notamment en termes de modernisation, qu’il s’agisse de la police technique et scientifique – entre 2002 et 2011, le nombre d’empreintes dans le FNAEG est passé de 2000 à plus de 2,2 millions, ce qui a contribué à l’augmentation de 26 à 37 % du taux d’élucidation –, de la vidéoprotection ou des fichiers d’analyse sérielle.

En dépit de ce que l’on entend de façon récurrente – mais mensongère –, les effectifs ont augmenté de 1 700 depuis 2002. Nous mesurons l’effort engagé au titre de la RGPP dans le budget de 2012, mais nous constatons aussi que la présence sur le terrain de la police et de la gendarmerie sera accrue grâce à la mobilisation des réserves et à une meilleure coordination entre les deux forces permise par l’application de la loi d’août 2009.

Je note enfin l’effort particulier consenti en faveur de l’immobilier et l’acquisition de plus de 4 000 véhicules neufs.

Le groupe UMP soutien donc ce budget, qui permettra aux forces de police et de gendarmerie d’accomplir les missions toujours plus difficiles qui leurs sont assignées.

M. Jean-Jacques Urvoas. J’aurais pu concentrer mon propos sur ce qui restera la marque de cette législature, à savoir l’éradication des effectifs de policiers et de gendarmes. En effet, si l’on considère le nombre de fonctionnaires – et non celui des adjoints de sécurité, de gendarmes adjoints ou de réservistes –, vous en avez supprimé 12 500 depuis 2007, dont 3 148 dans ce seul budget.

Ce sujet ayant été largement traité ailleurs, je préfère vous interpeller sur ce que vous avez présenté comme un effort exceptionnel en faveur de l’équipement des forces de sécurité.

Le projet annuel de performance nous indique que la gendarmerie est censée financer l’achat de véhicules à hauteur de 20 millions d’euros, et la police à hauteur de 40 millions d’euros. Mais la plaquette de communication éditée par votre ministère évoque une enveloppe globale de 100 millions d’euros. Ou sont passés les 40 millions manquants ?

Si les chiffres transmis annuellement par le ministère sont exacts, entre 2007 et 2012 la part d’investissement a chuté de 40 % dans la police et de 75 % dans la gendarmerie – les capacités d’investissement de cette dernière ont été divisées par quatre en quatre ans. Ainsi, cette année, tant pour la police que pour la gendarmerie, les dotations en crédits de paiement ne serviront en réalité qu’à couvrir des engagements antérieurs, notamment ceux pris au titre de la LOPPSI 1. Il s’agit donc seulement de solder les factures du passé !

Les autorisations d’engagement sont certes en hausse, mais, pour la police, les crédits supplémentaires seront principalement affectés – à hauteur de 131 millions d’euros – à une seule opération, le projet de relogement de la police judiciaire, à Paris, sur la ZAC des Batignolles. En comparaison, les 40 millions d’euros destinés aux opérations de réhabilitation et de construction pèsent peu.

En cinq ans, la baisse des crédits dédiés à l’immobilier est impressionnante : 40 % ! Les crédits passeront en effet de 350 millions d’euros en 2007 à 210 millions en 2012. Vous visitez des commissariats de police, monsieur le ministre, mais vous devriez aussi voir ce que l’on ne veut pas vous montrer : dans le Val-d’Oise, notamment, certains commissariats sont indignes de recevoir les personnels comme les autres personnes amenées à les fréquenter.

De la même manière, il faudrait 250 millions par an pour l’entretien courant des casernes de la gendarmerie. Or seulement 50 millions d’euros y seront affectés en 2012. Lorsqu’on traverse les bâtiments de la caserne Babylone où logent les gardes républicains – le rapporteur spécial pourra le confirmer –, on croise des rats ! Quant à l’installation électrique, elle date des années 1960 !

Le budget de 2012 ne redressera pas, évidemment, une situation que l’impéritie gouvernementale a laissé se dégrader continûment.

Pour le groupe SRC, il s’agit d’un budget de renoncement, qui s’accommode de la paupérisation des forces de sécurité, de la clochardisation de bien des services et du déclin de l’État dans l’exercice d’une de ses missions fondamentales.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je classerai mes réponses par thèmes.

Je tiens tout d’abord à signaler que les engagements pris sont scrupuleusement respectés. Vous avez voté une LOPPSI dont les crédits sont bien inscrits dans le projet de loi de finances.

Du reste, monsieur Urvoas, deux LOPPSI ont été successivement adoptées. La première était une loi de rattrapage, la seconde une loi de consolidation, ce qui rend difficiles les comparaisons entre les deux textes. Depuis 2002, l’effort de modernisation de l’équipement des services de police s’est élevé à 3,4 milliards d’euros. D’ailleurs, et je m’en étonne, alors que les crédits prévus dans le cadre de la LOPPSI 1 étaient importants, vous ne les avez jamais votés.

Les accords signés par les ministres de l’intérieur successifs et les organisations représentatives du personnel ont été, eux aussi, respectés de manière scrupuleuse. De plus, par souci de parité et d’équité de traitement, ils sont déclinés également en faveur des militaires de la gendarmerie nationale.

Monsieur Moyne-Bressand, la gendarmerie a la capacité d’acheter trois hélicoptères C135, qui seront livrés en 2012 et 2013.

Par ailleurs, au-delà même des engagements pris par la LOPPSI, deux programmes sont privilégiés cette année.

Il s’agit tout d’abord d’un programme d’acquisition de véhicules, à hauteur de 100 millions d’euros, lesquels résultent des inscriptions de 2012 et de réservations de crédit sur l’exercice 2011. Il est très important pour les forces de police et de gendarmerie de disposer d’un parc satisfaisant de véhicules : 4 400 véhicules seront livrés l’année prochaine, moitié pour la police nationale et moitié pour la gendarmerie.

D’autres éléments forts de modernisation sont également prévus. Outre la police scientifique et technique, sur laquelle je reviendrai, le développement de la lecture automatisée des plaques d’immatriculation : 350 véhicules sont en cours d’équipement. Ce programme donne des résultats remarquables. Deux gendarmes dans l’Ain m’ont confié récemment qu’ils faisaient en deux jours le travail de cent gendarmes en un an. Ce dispositif permet de lire les plaques de tous les véhicules visés et de les confronter au fichier des véhicules volés. La détection est immédiate.

L’évolution des effectifs tient compte de la nécessité de maîtriser les finances publiques. J’ai remarqué que la gauche confirmait sa propension à dépenser de l’argent : tel n’est pas le choix du Gouvernement ni de la majorité. Parler d’ « éradication » des effectifs me paraît bien excessif. Nous faisons la démonstration, monsieur Urvoas, qu’en dépit de la diminution des effectifs la délinquance recule tous les ans. La police et la gendarmerie ne sont donc pas si mal administrées que cela ! De plus, les gendarmes et les policiers français sont des militaires et des fonctionnaires compétents et ardents au travail.

La police technique et scientifique est en grande partie à l’origine de l’amélioration du taux d’élucidation des affaires délictuelles et criminelles, qui est passé de 26 % à 37 %, ce qui est considérable. Je pense notamment au fichier des empreintes génétiques, évoqué à l’instant par M. Éric Ciotti, ainsi qu’au développement de nouvelles technologies, comme la préservation des odeurs, qui est appelée à un grand développement, ou à l’augmentation du régime du fichier des empreintes digitales.

Mais l’équipement n’est pas tout. La préparation de la police et de la gendarmerie à l’utilisation des technologies de la police technique et scientifique est tout aussi importante. Monsieur Geoffroy, des gendarmes à l’origine polyvalents sont formés au relevé des traces et équipés de kits qui leur permettent de faire ces relevés. Les équipes sont beaucoup plus nombreuses que par le passé et tous les services sont désormais capables de faire immédiatement des relevés.

Vous avez également évoqué l’équilibre entre les fonctionnaires de police ou les gendarmes affectés à des tâches de police technique et scientifique et les fonctionnaires ou militaires exclusivement spécialisés dans ces tâches : le sens de l’histoire conduit au renforcement des équipes spécialisées.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la réforme de la garde à vue, qui est inéluctable et ne saurait être remise en cause : le Conseil constitutionnel a clairement indiqué que les droits de la défense devaient être renforcés et la loi que vous avez votée va dans ce sens. Le Conseil constitutionnel, sollicité par une question prioritaire de constitutionnalité, rendra un avis d’ici à quelques jours. Il nous faut donc progresser encore dans le passage d’une culture de l’aveu à une culture de la preuve, ce qui implique de développer la police technique et scientifique.

De nouvelles technologies sont très prometteuses à cet égard. L’un de vous a évoqué la reconnaissance faciale. La semaine dernière se tenait à Paris le salon Milipol – le salon mondial de la sécurité intérieure des États – : les technologies de la reconnaissance faciale, développées notamment par les entreprises françaises, atteindront très vite un degré de fiabilité d’autant plus intéressant que les différents fichiers déjà possédés par la police et la gendarmerie comptent déjà quelque 5 millions de photographies. Assez rapidement, l’acquisition de ces nouvelles technologies aura des effets opérationnels considérables.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué la mutualisation des services de police et de gendarmerie, le président de la commission de la défense, M. Guy Teissier, et M. Moyne-Bressand ayant plus précisément évoqué le cas de la gendarmerie.

Comme ont pu le constater M. Moyne-Bressand et Mme Escoffier, sénatrice, qui ont travaillé ensemble sur l’évaluation du rapprochement de la police et de la gendarmerie, celui-ci est, à mes yeux, un véritable succès. Après avoir longtemps fréquenté le ministère lui-même, je suis devenu ministre de l’intérieur après l’adoption de la loi de 2009 : j’ai été très agréablement surpris du caractère aisé, naturel, voire spontané des coopérations entre policiers et gendarmes. C’est très satisfaisant pour la qualité du service public rendu à nos concitoyens.

Des conventions CORAT sont déjà en vigueur dans soixante-huit départements. Des services sont devenus communs au niveau central, notamment la Direction de la coopération internationale : un seul service fonctionne désormais à la plus grande satisfaction de chacun, ambassadeurs compris.

Le Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure du ministère de l’intérieur a, quant à lui, été confié à la gendarmerie, qui avait plus d’expertise et de moyens en ce domaine : ce service fonctionne, lui aussi, à la satisfaction de la gendarmerie comme de la police nationale, qui se consacre par ailleurs à un grand nombre de tâches des services centraux.

Il en est de même sur le terrain : c’est de manière tout à fait naturelle qu’aujourd'hui policiers et gendarmes se prêtent main forte – il y a même des exemples de coopération très poussée dans le département de l’Isère entre les unités d’intervention. Sans plus aucun problème, les policiers peuvent désormais compter, en cas de difficulté, sur un regroupement rapide de gendarmes, rendu possible par les règles d’emploi et de disponibilité de la gendarmerie. À l’inverse, une brigade de gendarmerie en difficulté peut faire appel à la BAC du commissariat le plus proche, qui arrive aussitôt.

Cette coopération se fait bien sûr – j’y veille particulièrement – dans le respect de l’identité de chaque corps. Il n’est pas question de toucher au caractère militaire de la gendarmerie et il faut veiller à ne pas conforter tout ce qui pourrait être interprété de manière contraire.

S’agissant de la disponibilité des services, notamment de leur présence sur la voie publique, elle s’accroît, comme l’a constaté le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité publique, qui a noté une augmentation avoisinant les 10 % – vous vous rappelez que j’étais loin d’être en accord avec l’ensemble de ses conclusions. Je continue d’œuvrer en ce sens en renforçant les moyens mis sur le terrain : 800 adjoints de sécurité et 200 gendarmes adjoints volontaires ont été recrutés et seront opérationnels avant la fin de l’année 2011. De plus, 3 000 autres équivalents temps plein de fonctionnaires ou de militaires sont rendus actuellement disponibles grâce au recours à des heures supplémentaires ainsi qu’à la réserve, qui est un moyen aussi souple qu’efficace de répondre aux besoins. Pour l’essentiel, la réserve de la police nationale et celle de la gendarmerie reposent sur le recours à des fonctionnaires de police ou des militaires fraîchement retraités, la gendarmerie pouvant, en sus, faire appel à des civils volontaires. Demain, le conseil des ministres adoptera un projet de décret, que je lui présenterai, sur les réserves civiles de la police nationale afin de les aligner sur les modalités de la gendarmerie.

Outre les moyens humains à développer, il convient de renouveler les méthodes. J’ai demandé aux deux directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale de développer les patrouilles sur le terrain. Une politique de sécurité doit en effet comporter plusieurs éléments : une politique de prévention, une politique visant à faire reculer la délinquance et la criminalité – elles ont reculé de quelque 17,5 % depuis 2002, ce qui a fait 500 000 victimes en moins en 2010, en dépit d’un accroissement de la population de 3,5 millions d’habitants – et une politique visant à rassurer nos concitoyens. À cette fin, les forces de sécurité doivent être présentes et visibles sur le terrain. C’est pourquoi la quasi-totalité des nouveaux véhicules seront sérigraphiés, et donc identifiables par nos concitoyens. Les véhicules banalisés, qui sont nécessaires dans certaines missions, ne sauraient, en effet, être ressentis comme appartenant aux forces de sécurité. Tel est le sens de la politique de patrouilleurs, que j’ai développée à partir du mois de juillet. Le nombre de patrouilles a d’ores et déjà augmenté de 17 % sur l’ensemble du territoire par rapport au mois de juin, le nombre des patrouilles pédestres ayant connu un accroissement significatif. J’ai pu mesurer sur le terrain combien la formule était appréciée.

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le directeur général a décidé de demander à ses effectifs de renouer avec la grande tradition des patrouilles à deux, qui avait été délaissée au profit de l’utilisation de l’automobile. Cette mesure est aussi appréciée de nos concitoyens.

M. le rapporteur spécial m’a demandé d’évaluer la loi sur la garde à vue, notamment en matière de taux d’élucidation. Nous sommes dans les premiers mois d’application du texte : il faut attendre le rapport qui doit être rendu par les ministres de la justice et de l’intérieur, auquel participent, pour l’Assemblée nationale, MM. Sébastien Huyghe et Philippe Gosselin. Une mission de l’inspection générale travaille également sur le sujet.

On a d’ores et déjà pu remarquer que la nouvelle garde à vue impose aux enquêteurs des charges très importantes de procédure : ils doivent rédiger dix procès-verbaux supplémentaires par garde à vue, ce qui, à la fois, est consommateur de temps et tend à transformer la garde à vue, de moment privilégié de l’enquête qu’elle était, en une étape de la procédure.

De plus, selon les enquêteurs, leurs relations avec les avocats n’ont pas encore trouvé leur rythme de croisière. Sans évoquer des esclandres, les enquêteurs ne travaillent plus aussi facilement qu’auparavant, surtout lorsqu’ils ont affaire à des avocats qui, bien qu’ils n’aient pas le droit d’intervenir dans les auditions, se montrent bavards : deux enquêteurs sont alors nécessaires pour faire face, ce qui consomme des effectifs.

Nous avons noté dans les premiers mois d’application de la loi une petite diminution du taux d’élucidation. Peut-être s’agit-il d’un résultat provisoire, les enquêteurs devant, eux aussi, s’adapter au nouveau dispositif. Traditionnellement, on procédait à la garde à vue immédiatement après l’interpellation. Les praticiens estiment aujourd'hui qu’il vaut mieux procéder à une garde à vue après avoir rassemblé quelques éléments de preuve, afin de la rendre plus productive. Les enquêteurs doivent s’adapter à cette nouvelle démarche. Il convient également de recourir davantage à la preuve scientifique et d’apporter quelques corrections de détail aux textes actuellement en application. Il faut toutefois attendre la décision du Conseil constitutionnel pour nous déterminer de manière plus précise.

Monsieur Geoffroy, la médecine légale a fait l’objet d’une modification de son fonctionnement, en début d’année, laquelle ne donne pas satisfaction. Le garde des sceaux et moi-même avons pris la décision de principe de revenir dessus, une fois que nos directions générales, qui travaillent en commun, auront rendu leur rapport.

Cette modification, dois-je le rappeler, a tendu à spécialiser des services dans l’accueil de la médecine légale. J’ai entendu en début d’année à la radio – je n’étais pas encore ministre de l’intérieur – un syndicaliste de la police expliquer que tous les véhicules de patrouille disponibles étaient affectés au transport d’interpellés vers l’hôpital, ce qui prenait beaucoup de temps. Nous avons le même problème pour la thanatologie, qui consomme elle aussi beaucoup du temps des fonctionnaires de police et immobilise trop de véhicules de patrouille. Auparavant, on demandait au médecin de passer.

Un autre inconvénient, très regrettable, concerne les victimes, qui sont désormais priées d’aller dans des services si éloignés qu’elles ne s’y rendent pas, ce qui nuit à l’expression de leurs droits.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le ministre, permettez-moi d’abord de me réjouir de l’effort financier consenti par le Gouvernement cette année encore en faveur de la sécurité, surtout en cette période de rigueur budgétaire.

La sécurité de nos concitoyens est une des missions fondamentales de l’État, qui les concerne au quotidien et qui continue de les préoccuper, comme l’indiquent les derniers sondages de l’IFOP.

Le budget que vous nous proposez cette année indique que les forces de sécurité continueront de s’impliquer dans les dispositifs de prévention de la délinquance mis en œuvre par les maires dans le cadre de la loi du 5 mars 2007, que je connais bien. Je ne peux qu’approuver votre démarche, prônant moi-même cette prévention depuis des années, et encore dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre au début de l’année.

La sécurité passe aussi par la prévention de la délinquance. Y mettre les moyens, c’est, paradoxalement, économiser beaucoup sur les conséquences de la délinquance, évaluée pour 2010 à quelque 117 milliards d’euros.

Je me félicite que, déjà, un grand nombre de propositions aient été concrétisées dans différents textes adoptés comme la LOPPSI 2 ou, dernièrement, le service citoyen. Il aurait toutefois fallu que les actions de prévention de la délinquance soient réellement mises en œuvre dans un programme dédié spécifiquement à celle-ci. La prévention de la délinquance, ce n’est pas que la vidéoprotection qui, certes, est essentielle pour élucider les affaires mais dont les subventions devraient être proportionnées au potentiel financier ou fiscal des différentes villes. La prévention repose également sur toute une série d’actions sur le terrain, souvent financées en grande partie par les villes pauvres.

La loi de 2007 est encore trop peu appliquée par les maires qui, par manque de moyens ou de pédagogie, n’ont pas encore pris la mesure des outils mis à leur disposition. La prévention de la délinquance des mineurs doit devenir une priorité clairement affichée car, les chiffres le montrent, les crimes et délits sont désormais commis par des délinquants de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Il nous faut donc nous adapter à cette évolution et redéfinir et les objectifs et les moyens sur le terrain.

Il importera également de mettre l’accent sur les actions des Conseils locaux de sécurité et de la prévention de la délinquance (CLSPD) et du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), et de favoriser les villes qui ont fait des efforts en ce sens et qui, elles, appliquent la loi.

Pensez-vous, monsieur le ministre, développer ces différentes mesures qui ont fait largement leurs preuves ces dernières années ? Allez-vous dégager enfin, dans le budget global, un vrai budget pour la prévention de la délinquance juvénile ?

M. Philippe Goujon. Monsieur le ministre, le Président de la République a engagé un grand plan national de vidéoprotection afin de combler l’énorme retard de la France en la matière : où en est le déploiement de ce plan ?

À Paris, l’État le finance à plus de 95 % : les études nécessaires pour engager un deuxième plan de 1 000 caméras supplémentaires – à Londres 75 000 caméras sont reliées à Scotland Yard – sont-elles envisagées ?

Vous avez vous-même étudié aux Halles un dispositif dit de vidéopatrouilleurs : a-t-il vocation à s’étendre ?

Quelles sont par ailleurs les perspectives d’extension de la police d’agglomération, notamment avec les départements contigus aux trois départements de la petite couronne parisienne ?

Le législateur est intervenu pour combattre les incivilités en créant de nouvelles infractions, comme les occupations illicites des halls d’immeubles, les délits de vente à la sauvette, la mendicité agressive ou le racolage passif. Or c’est un contentieux de masse qui ne donne pas encore lieu de la part de la justice à un traitement satisfaisant. Quelle est votre analyse en la matière ? Quelles améliorations apporter ?

M. Patrice Calméjane. Je vous interroge en mon nom et au nom de M. Gérard Gaudron, qui a eu un empêchement de dernière minute.

La lutte contre l’insécurité constitue une des priorités de votre action. Les résultats obtenus dans ce domaine dans le département de la Seine-Saint-Denis sont encourageants puisque la délinquance de proximité a baissé de 3,96 % pour les huit premiers mois de 2011 et de 12,64 % en 2010, alors qu’elle avait augmenté de 22 % entre 1997 et 2001. La mobilisation des forces de sécurité dans le département de la Seine-Saint-Denis, sous l’impulsion du préfet Lambert, permet d’obtenir des résultats prometteurs qui devront être pérennisés en 2012.

Dans le projet de loi de finances que nous examinons, il est prévu d’inscrire un crédit de 73 millions d’euros pour l’immobilier de la police, ce qui correspond à une augmentation de 60 % par rapport à 2011. Ces crédits seront affectés à la construction, aux restructurations et à la modernisation des commissariats. Pouvez-vous nous donner quelques exemples significatifs des réalisations prévues dans le budget de 2012 pour le département de la Seine-Saint-Denis – je pense notamment au commissariat du Raincy-Villemomble ? De même, est-il envisagé d’inscrire le déplacement et la reconstruction du commissariat d’Aulnay-sous-Bois, réclamé par tous les Aulnaysiens et les fonctionnaires de police de ce commissariat ?

M. Jacques Valax. La répartition spatiale des forces de l’ordre sur notre territoire devrait être adaptée au nombre d’habitants et à l’importance de la délinquance constatée, plutôt qu’à la « qualité » de la population. La présence de la police de l’État devrait être renforcée là où la délinquance est la plus grave et la plus importante, et là où les agressions, ne serait-ce que verbales, sont quotidiennes, faute de quoi l’égalité des citoyens au regard de leur droit à la sécurité se trouverait compromise. Monsieur le ministre, que pouvez-vous faire en la matière, sachant que l’effectif global des forces de l’ordre ne cesse de diminuer ?

Mme Marylise Lebranchu. Je voudrais vous faire part de mon inquiétude concernant l’augmentation continue du nombre des infractions économiques et financières, en hausse de 8,2 % cette année. Malheureusement, je crains que ce chiffre ne soit encore fort éloigné de la réalité, dans la mesure où nous manquons de policiers et de magistrats spécialisés, notamment dans les pôles compétents, pour traquer cette forme de délinquance. Il s’agit là d’un vrai recul !

Vous estimez, monsieur le ministre, que tout se passe bien entre policiers et gendarmes, chacun étant dans son rôle. Il est certain que les policiers et les gendarmes font en ce sens des efforts très importants, qui leur semblent parfois excessifs, et les gendarmes que nous rencontrons sur le terrain ne font pas montre du même enthousiasme que vous !

Votre projet de budget ne les rassurera pas, car on note une précarisation et une déqualification des personnels. Il est ainsi prévu, pour compenser le nombre important des départs en retraite, de recruter près de 60 % du nouveau personnel sous le statut de volontaire des armées, avec un contrat d’un an renouvelable quatre fois. On voit mal comment des officiers de police judiciaire pourraient être remplacés par des jeunes peu qualifiés et interdits de maintien de l’ordre !

Les gendarmes, ayant un statut militaire et n’ayant pas droit au refus, se sentent obligés de compenser les absences de leurs collègues policiers, lesquels ne peuvent répondre à toutes les demandes. Il s’agit d’une spirale dangereuse, que les collectivités territoriales tentent de contrecarrer au moyen des polices municipales, mais cette réponse ne pourra jamais être considérée comme satisfaisante.

M. Daniel Boisserie. Lors de son audition devant la Commission de la défense, le 12 octobre dernier, le général Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, notait que la zone de compétence de ses services était actuellement soumise à une forte pression en matière de petite délinquance et de cambriolage des résidences principales. La diminution des effectifs – avec une réduction de 1 185 équivalents temps plein travaillé par rapport à l’année dernière – n’est-elle pas à l’origine cette hausse considérable de la délinquance ? Le général Mignaux précisait que le budget de fonctionnement des unités opérationnelles était déjà sous tension et ne pouvait être réduit davantage.

En ce qui concerne l’immobilier, les ressources ne suffisent pas à combler les besoins, et la dotation pour les loyers est nettement insuffisante. Il en résulte que les logements des gendarmes sont de plus en plus petits et que l’on ne construit plus de garages. Les collectivités locales sont obligées d’aménager des terrains à leurs frais, en utilisant notamment, quand elles le peuvent, la Dotation d’équipement des territoires ruraux (DUTR), qui n’est pas faite pour cela. Cela pose d’énormes problèmes !

Enfin, j’ai cru comprendre que l’État financerait à hauteur de 95 % la vidéoprotection à Paris ; mais qu’en sera-t-il dans les communes rurales ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Bénisti, je considère, comme vous, que nous n’avons pas suffisamment tiré parti, au plan national, du dispositif prévu par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance – toiletté par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) –, qui avait pour objet de créer dans nos communes des conseils des droits et devoirs des familles (CDDF). Alors que les comités de prévention de la délinquance déterminent, de façon globale, les orientations à décliner par les services, ces conseils – dont les noms peuvent varier suivant les lieux – regroupent, autour du maire, les représentants du parquet, de l’éducation nationale et des services sociaux, afin de rappeler à l’ordre, avec effet immédiat – ce qui est un avantage par rapport aux procédures judiciaires –, les personnes qui dévient du droit chemin. Lorsqu’il s’agit de mineurs, cela se fait en présence des parents, ce qui permet de responsabiliser ces derniers. J’ai noté, depuis le printemps, une multiplication du nombre de ces conseils sur l’ensemble de notre territoire ; je crois qu’il faut aller encore plus loin.

Comme vous, je constate que la délinquance des mineurs continue d’augmenter, qu’elle commence de plus en plus jeune et qu’elle est de plus en plus violente. La délinquance des très jeunes adolescents de treize ans me soucie tout particulièrement. Il faut trouver le moyen de les remettre dans le droit chemin dès qu’ils dérapent. D’après une étude du célèbre criminologue Sébastien Roché, si un mineur commet un dérapage avant l’âge douze ans, il y a 75 % de chances qu’il récidive en commettant des actes graves ; cette probabilité tombe à 15 % si le dérapage survient plus tard, par exemple à quatorze ans.

Nous devons donc assister les parents défaillants. Des réponses peuvent certainement être trouvées du côté de l’éducation nationale. Je propose en outre de sanctionner les parents qui laissent leurs enfants de moins de treize ans traîner la nuit dans la rue, afin de les inciter à exercer pleinement leurs responsabilités. Ce serait la suite logique de la disposition que vous avez votée, à l’initiative d’Éric Ciotti, sur la suspension des allocations familiales. Je note à ce sujet que seulement une cinquantaine de suspensions ont été prononcées sur l’ensemble du territoire, alors que les autorités académiques ont prononcé quelque 30 000 avertissements, ce qui démontre l’efficacité du dispositif.

Monsieur Goujon, la vidéoprotection est très efficace, puisqu’elle permet à la fois de faire de la prévention et d’apporter une preuve judiciaire : chacun d’entre nous se souvient du tabassage en région parisienne dont les auteurs ont été très rapidement retrouvés grâce aux images de vidéoprotection.

La vidéoprotection peut en outre être un guide extrêmement utile pour l’action policière. Vous faisiez ainsi référence à la vidéo patrouille utilisée dans le forum des Halles. Dans un lieu aussi complexe, qui comporte de nombreuses voies de circulation étagées sur plusieurs niveaux, la trentaine de fonctionnaires de police qui y sont affectés de façon permanente ne peuvent surprendre des actes de délinquance que de façon aléatoire, en déambulant à l’aveuglette. Le système de vidéoprotection permettra de remarquer les comportements anormaux ainsi que la préparation d’affrontements entre bandes rivales et, par conséquent, d’orienter les effectifs de police vers les lieux concernés.

Le mouvement doit donc être poursuivi : 1 000 caméras de vidéosurveillance seront déployées dans Paris d’ici à la fin de l’année prochaine. La Ville de Paris refusant d’assurer le financement de ce programme, l’État s’en chargera.

J’en viens à la police d’agglomération. Après Paris et les trois départements de la petite couronne, ce dispositif gagne d’autres sites, dont Marseille et Lyon. L’objectif reste inchangé : il s’agit d’assurer la continuité de la gestion de la sécurité d’un territoire. Les résultats en sont très positifs. Ainsi, tout match ou tout spectacle organisé au Stade de France mobilisait auparavant la quasi-totalité des forces de l’ordre de Seine-Saint-Denis ; depuis la mise en place de la police d’agglomération, elles restent au service des habitants du département, tandis que les compagnies de sécurité de la préfecture de police assurent la sécurité du Stade de France. Tout le monde y gagne.

Les « contentieux de masse » sont effectivement un souci. La prostitution visible déplaît aux Parisiens, et j’ai donné ces derniers jours des instructions pour mener de nouvelles actions, qui semblent avoir été efficaces. La mendicité agressive insupporte nos concitoyens, qui ressentent une pression physique à l’origine d’un fort sentiment d’insécurité ; elle fait l’objet depuis 2003 d’une répression particulière, avec l’instauration d’un nouveau délit. La LOPPSI 2 a par ailleurs créé le délit de vente à la sauvette, qui constitue non seulement une concurrence déloyale, mais aussi une forme d’insécurité, car on ne vend pas que des reproductions de la tour Eiffel près du Champ de Mars : il s’agit aussi, dans les arrondissements de l’est parisien, de se débarrasser d’objets volés, issus de la contrebande ou dangereux pour la santé. Il convient donc de réprimer ces pratiques.

Il est vrai qu’il existe des problèmes d’articulation entre l’action de la police et les capacités de la justice. Je me suis entretenu récemment à ce sujet avec le garde des sceaux, en présence du procureur de Paris, afin qu’une réponse judiciaire minimale permette de faire vivre les textes et de dissuader les auteurs d’infractions.

Monsieur Calméjane, les 73 millions inscrits au budget de cette année – soit une augmentation de 60 % par rapport à l’année dernière – devraient permettre, en sus de la poursuite des opérations en cours, la restructuration, l’extension ou la construction des commissariats de Sarcelles, Boulogne-Billancourt, Évry, Torcy, Wattignies, Gap, Saint-Chamond, Livry-Gargan, Valenciennes, Le Raincy, ainsi qu’un certain nombre de mises aux normes.

Monsieur Valax, croyez que nous veillons en permanence à ce que les effectifs soient répartis de façon équitable. Il convient de prendre en compte, non seulement les effectifs des circonscriptions, mais aussi ceux des départements. Il faut en outre utiliser les vrais chiffres ; récemment, des élus ont comparé dans la presse les effectifs de la Seine-Saint-Denis et ceux des Hauts-de-Seine : outre le fait que ce dernier département n’est pas aussi uniforme qu’on veut bien le dire, les chiffres cités étaient erronés. Nous faisons indubitablement porter notre effort sur la Seine-Saint-Denis, qui a de grands besoins.

Madame Lebranchu, il convient de distinguer deux types d’infractions économiques et financières. J’ai le sentiment que vous aviez à l’esprit les grandes infractions, qui sont du ressort des juridictions spécialisées ; or ce ne sont pas celles-là qui se multiplient, mais les infractions liées à l’utilisation d’internet pour l’achat à distance d’objets. J’espère que, dans quelques semaines, le Parlement votera la création de la carte nationale d’identité électronique, qui permettra de garantir l’authenticité de la signature électronique et de sécuriser le commerce sur internet.

Il est vrai que la gendarmerie fait beaucoup d’efforts – tout comme la police, d’ailleurs. Je rencontre pour ma part surtout des gendarmes heureux, et je ne crois pas que ce soit ma seule présence qui les réjouisse ! Mes prédécesseurs et moi-même avons toujours eu le souci de faire en sorte que ces deux forces soient traitées de façon équitable, dans le respect de leurs singularités.

L’arrivée de la gendarmerie au ministère de l’intérieur a permis un repyramidage des grades, qui n’aurait pas été facile à obtenir dans un autre cadre. Quand je vais – comme vous – sur le terrain, j’observe qu’une brigade d’une vingtaine d’hommes a désormais fréquemment à sa tête un gendarme lieutenant, souvent un ancien sous-officier, ce qui semble logique étant donné qu’un chef de section ou de peloton est responsable d’un effectif équivalent. Le rapprochement a donc ouvert des possibilités de promotion aux gendarmes.

Monsieur Boisserie, cette année, nous remettrons en état 2 200 logements de gendarmes. Néanmoins, beaucoup d’efforts sont faits pour rénover les logements en dehors du secteur domanial. Je rends hommage aux collectivités locales qui en prennent l’initiative. Il m’est agréable de visiter les nouvelles gendarmeries, composées de petits pavillons, où les gendarmes sont logés comme des cadres moyens.

Les crédits sont évidemment limités. Nous allons pouvoir faire davantage cette année : pour la gendarmerie, les dotations immobilières réservées au casernement sont en augmentation de 45 % par rapport à l’année dernière. Il faut aussi imaginer des formules innovantes : par exemple, une partie du terrain disponible au cantonnement de Satory sera vendue à la ville de Versailles, le produit de la cession permettant de rénover les logements existants.

M. Jean-Claude Bouchet. L’une des prérogatives fondamentales de l’État est d’assurer de manière continue la protection et la sécurité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire. C’est pourquoi nous devons aborder l’examen de la mission « Sécurité » en étant conscients que nous touchons au cœur du pacte républicain. À ce titre, je salue, monsieur le ministre, votre engagement et votre travail, qui permettent de faire de la lutte contre l’insécurité une action prioritaire de notre Gouvernement.

Le bulletin mensuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) fait toutefois apparaître une forte augmentation du nombre de cambriolages des habitations principales enregistrés entre octobre 2010 et septembre 2011, par rapport à la période correspondante en 2009 et 2010, avec une hausse de 17,5 % et 28 726 cambriolages en plus. Il semblerait que ces cambriolages, commis pour la plupart en zones rurales ou pavillonnaires, mais aussi en zone urbaine, offrent en ces temps de crise un rapport qualité-prix plutôt intéressant pour les voyous ; la flambée du cours de l’or entre également en ligne de compte, les gens conservant chez eux nombre de bijoux.

Selon la même source, le nombre des violences contre les personnes – point noir de la délinquance depuis plusieurs années – augmente de 1,6 %. Il s’agit à 70 % de violences physiques crapuleuses, c’est-à-dire de vols avec violence, et d’infractions connexes, dont la hausse sur la même période est de 4,3 %.

Monsieur le ministre, ces cambriolages et autres vols de biens nourrissent un fort sentiment d’insécurité chez nos concitoyens. Les crédits de la mission « Sécurité » progressent cette année de 1,53 % – je m’en réjouis, mais cela suffira-t-il pour lutter efficacement contre ce type de délinquance ?

M. Bernard Carayon. La délinquance est concentrée dans les grandes métropoles, mais elle tend depuis quelques années à se diffuser à la périphérie de celles-ci, en territoire rural. En raison de leur étendue, la réponse de l’État y est difficile à apporter, même si la réorganisation des zones de compétence respectives de la police et de la gendarmerie ainsi que la mutualisation de leurs moyens ont accru la disponibilité opérationnelle des forces de sécurité.

L’occasion nous est offerte ce soir de saluer la disponibilité, le dévouement et l’engagement des policiers et des gendarmes, qui sont souvent l’objet d’agressions de toute nature. Vous apparaissent-ils suffisamment protégés juridiquement ?

En revanche, je ne saluerai pas le rapport de la Cour des comptes sur l’organisation et la gestion des forces de sécurité, qui a été élaboré dans un esprit militant inédit. Il ne met pas en perspective les bons résultats obtenus depuis 2007 – une diminution de 17 % – avec l’examen de la situation antérieure et la progression inverse de 17 % de la criminalité et de la délinquance sous le gouvernement de Lionel Jospin.

Enfin, à titre d’exemple d’un territoire rural, je souhaiterais attirer votre attention sur la situation particulière du département du Tarn, situé à proximité de la métropole toulousaine et traversé par des réseaux routiers à grande circulation. Quel sera, pour ce département, l’effort de l’État en termes d’effectifs et de moyens matériels ? Confirmez-vous la rénovation du commissariat de Castres, ainsi que la pérennité des effectifs de police affectés à Castres et à Mazamet, issus pour l’essentiel du redéploiement des effectifs du commissariat de Graulhet, qui a fermé à la satisfaction de tous ?

M. Jean Proriol. Nous avons adopté la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Le maire doit-il jouer un rôle de premier plan dans la mise en place des politiques locales de prévention, sachant qu’il dispose des instances locales que sont le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et les observatoires locaux de la délinquance et, bien sûr, de la police municipale, pour faire respecter la législation et ses arrêtés ?

S’agissant des addictions, les communes sont également aux premières loges pour constater le développement de la consommation d’alcool, notamment – mais pas seulement – chez les jeunes, ainsi que l’évolution de l’usage des stupéfiants.

Vous proposez une coopération renforcée de l’ensemble des acteurs de la sécurité dans chaque bassin de délinquance. Les cambriolages se développent, en milieu urbain, en milieu rural, et surtout en milieu semi-rural et péri-urbain. Pour y remédier, des actions telles que les opérations « Tranquillité vacances » ou « Tranquillité seniors » ont été engagées.

Le colonel de gendarmerie de mon département a fait, samedi dernier, un certain nombre de suggestions aux maires. Il a souhaité des contacts plus fréquents entre les gendarmes et les maires. Nous y sommes quant à nous favorables, mais peut-être faudrait-il inciter les gendarmes à l’être tout autant ! Il a également encouragé les maires à mettre en place des caméras de vidéoprotection, qui permettent d’élucider les affaires plus rapidement et de dissuader les infractions. Enfin, il a signalé le développement des cambriolages dans les lotissements dortoirs, désertés durant le jour par les habitants.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quel rôle le maire doit jouer dans ces différentes matières ?

Mme Sylvia Pinel. La délinquance augmente dans notre pays et les grandes villes ne sont plus les seules concernées par les violences, les affaires de stupéfiants et les cambriolages : c’est l’ensemble du territoire qui est touché, y compris les zones rurales.

Les policiers et les gendarmes doivent s’adapter à ces évolutions. Or, malgré leur courage, ils sont aujourd’hui désabusés. Vous laissiez entendre, il y a quelque temps, qu’ils pourraient être épargnées par la RGPP en 2012, mais ce n’est pas du tout ce que nous constatons : il est prévu de réduire les effectifs de 1 148 postes, soit quatre fois plus qu’en 2011. Ne pensez-vous pas que les moyens devraient plutôt être augmentés ou redéployés, notamment dans les grandes banlieues et les zones rurales, aujourd’hui moins bien couvertes par les forces de police que les quartiers aisés des grandes agglomérations ?

Ne faudrait-il pas, en particulier, augmenter les moyens des brigades en charge de lutter contre les trafics de stupéfiants, qui sont à l’origine de nouvelles formes de criminalité organisée, toujours plus violentes ? Ne pensez-vous pas qu’il serait également urgent de moderniser les équipements et les matériels ? La légère hausse du budget de fonctionnement qui nous est proposée ne suffira pas.

Les forces de police sont, en outre, découragées de constater que leurs efforts ne sont pas toujours suivis d’effets parce que les sanctions ne sont pas systématiques ou bien parce qu’elles ne sont pas nécessairement exécutées. Une réponse pénale proportionnée et immédiate ne devrait-elle pas être apportée dès le premier acte délictueux ? N’est-ce pas votre responsabilité d’y veiller ?

En dernier lieu, ne pourrait-on pas imaginer une meilleure collaboration entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice ? Les policiers, les gendarmes et les magistrats ne devraient-ils pas unir leurs efforts pour travailler avec plus d’efficacité ?

M. Alain Vidalies. J’avais l’intention de vous demander grâce à quelle recette miracle vous espériez améliorer la sécurité avec moins de policiers, mais j’ai constaté, en suivant les différents budgets, que c’était en fait une règle générale du Gouvernement : Luc Chatel va améliorer l’enseignement avec moins d’enseignants et Xavier Bertrand la couverture sociale avec moins de prestations.

Même si l’on est encore loin de ce que nous souhaitons en matière de police de proximité, et même si vous avez recours à un autre nom pour éviter de montrer que vous revenez en arrière, vous avez commencé à avouer, en créant les « patrouilleurs » qu’il était nécessaire de redéployer les forces sur le terrain. J’aimerais savoir qui sont les personnels concernés par ce redéploiement et quelles missions leur étaient précédemment dévolues. Par ailleurs, comment comptez-vous concilier la généralisation de cette mission nouvelle avec la RGPP ?

M. Dominique Raimbourg. Chacun sait que les chiffres de la police et de la gendarmerie ne mesurent pas la délinquance, mais l’activité des services. Que comptez-vous faire pour que les statistiques soient plus objectives ? Tant que nous n’aurons pas avancé dans ce domaine, il sera toujours possible de prétendre que la délinquance augmente ou qu’elle se réduit, mais ces affirmations resteront dénuées de sens.

La Cour des comptes a observé, par exemple, que les statistiques s’étaient améliorées pour la seule raison que l’on avait refusé d’enregistrer les plaintes en cas d’escroquerie à la carte bancaire, au motif que les véritables victimes étaient les banques. Sans être forcément critiquable en tant que tel, ce choix a une incidence sur les statistiques. Procède-t-on à des rectifications ?

J’en viens au fonds interministériel de prévention de la délinquance, auquel on reproche souvent d’être centré sur la vidéosurveillance au détriment des crédits précédemment consacrés à la prévention de la délinquance. Indépendamment de la discussion sur la vidéosurveillance, que pourrait-on faire pour que ce sujet n’absorbe pas entièrement les moyens de ce fonds ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Tous types de cambriolages confondus, on enregistre cette année une augmentation d’environ 5 % – et même un peu plus en ce qui concerne les résidences. Nous avons désormais affaire à une nouvelle espèce de cambrioleurs, des raiders, notamment issus d’Europe centrale, qui sont organisés en réseaux internationaux parfois très développés, avec de véritables chefs de mafia à leur tête. La gendarmerie a ainsi procédé à l’interpellation de 23 personnes qui avaient commis une centaine de cambriolages en Alsace et plus de 400 en Allemagne. Installés à Strasbourg, ces individus se rendaient, dans des voitures puissantes, à Hambourg ou à Berlin pour y opérer pendant quelques heures, avant de revenir en France avec leur butin.

Jean Proriol évoquait tout à l’heure le souhait d’un colonel de gendarmerie d’obtenir le concours des maires pour lutter contre ces cambriolages, mais il faut aussi utiliser pleinement les moyens de la police technique et scientifique, ainsi que ceux de la vidéoprotection, dont j’ai encore pu constater, la semaine dernière, les résultats dans l’Ain. J’ai également demandé le déploiement de six unités mobiles dans les secteurs les plus touchés. À cela doivent s’ajouter des moyens nouveaux de solidarité : la gendarmerie nationale a ainsi lancé une opération dite des « voisins vigilants », qui consiste à demander à nos concitoyens de se préoccuper de ce qui se passe à côté de chez eux, dans les lotissements et les zones pavillonnaires, en prêtant attention aux allées et venues anormales ou aux stationnements prolongés de véhicules. Le maire a naturellement un rôle à jouer dans ce domaine, car la gendarmerie nationale ne développe ces structures de coopération avec la population qu’avec son accord et son concours.

Selon une idée reçue, la hausse des violences aux personnes serait un échec de ce gouvernement. Or c’est inexact : ces violences ont augmenté de 72 % sous le gouvernement de Lionel Jospin, contre seulement 22 % depuis 2002.

Il faut, par ailleurs, distinguer plusieurs types de violences : il n’est pas facile d’intervenir pour éviter les débordements dans le cercle familial ou amical, même si nous réalisons des efforts très importants pour prévenir les difficultés et pour aider les victimes à se confier – les brigades de protection des familles sont ainsi dotées de psychologues et d’assistantes sociales. Nous pouvons plus facilement lutter, en revanche, contre les violences crapuleuses, commises par des voyous. Depuis 2002, nous avons constaté une diminution de 10 % dans ce domaine. Je le répète : il est faux de dire que les violences aux personnes sont en hausse !

M. Carayon a raison de souhaiter une égalité de traitement entre les territoires. Ce gouvernement accorde autant d’intérêt à la sécurité des habitants des territoires ruraux qu’à celle des habitants des quartiers difficiles, car tout le monde a droit à la sécurité, en ville comme à la campagne. À cet effet, la gendarmerie a développé des méthodes modernes, elle s’est dotée d’équipements supplémentaires et elle s’organise pour être plus disponible – la création des communautés de brigades, hier contestée, avait précisément pour but de faire en sorte que les effectifs disponibles soient plus présents. M. Binetruy pourra vous confirmer que la brigade de gendarmerie de Pierrefontaine-les-Varans ne recevait qu’une visite par semaine, alors qu’un gendarme y était affecté en permanence ; il nous a semblé préférable qu’il sillonne en voiture le territoire.

S’agissant de la protection juridique contre les agressions, le dispositif me paraît aujourd’hui satisfaisant, à condition que l’on utilise les moyens prévus par la loi. C’est ce que le ministère de l’intérieur a fait contre le site scandaleux Copwatch, malheureusement répliqué par d’autres. Il faudra donc engager de nouvelles procédures judiciaires pour interdire aux fournisseurs d’accès de transmettre ces informations.

En ce qui concerne le rapport de la Cour des comptes, j’ai déjà eu l’occasion d’indiquer, en particulier devant la Commission des finances, que certains éléments étaient extrêmement critiquables. Il est ainsi affirmé que la baisse des atteintes aux biens a été compensée par une augmentation équivalente des atteintes aux personnes. Sans répéter ce que je vous indiquais tout à l’heure, je tiens à rappeler que les atteintes aux personnes représentent 13 % du total, et les atteintes aux biens 87 %. La comparaison était donc fallacieuse et malvenue de la part de la Cour des comptes, même si elle n’intervenait pas en l’espèce comme juridiction.

Quant à la criminalité dans le Tarn, je peux vous dire que la délinquance générale a encore diminué d’environ 2 % en 2011, et que la délinquance de proximité, notamment les vols et les agressions, a reculé de presque 9 %. Nous continuons donc à aller dans le bon sens. Un montant de 150 000 euros a, par ailleurs, été dégagé pour remettre en état les locaux de garde à vue. Je suis prêt à examiner avec vous d’autres cas particuliers si vous le souhaitez.

Comme l’a indiqué Jean Proriol, la question des addictions est très préoccupante : on observe aujourd’hui des phénomènes d’alcoolisation massive, notamment chez les jeunes et en milieu urbain. Nous devons nous mobiliser sur ce sujet comme nous le faisons en matière de stupéfiants.

Pour ce qui est des moyens, dont Mme Pinel a regretté l’insuffisance, je dois rappeler que l’impératif du Gouvernement et de la majorité est de rétablir l’équilibre des finances publiques pou parvenir à rembourser la dette dans quelques années. C’est notre priorité absolue, car nous devons éviter une hausse du coût du crédit – ses conséquences seraient catastrophiques tant pour les particuliers que pour notre économie. Les fonctionnaires de la police et de la gendarmerie doivent s’adapter, mais cela ne nous condamne pas à l’immobilisme : nous pouvons nous efforcer d’utiliser les forces de l’ordre aussi efficacement que possible.

Si nous parvenons à faire mieux avec moins d’effectifs, monsieur Vidalies, ce n’est pas grâce à une quelconque recette miracle, mais grâce une plus grande efficacité et une volonté de se remettre en cause, qui est partagée par les policiers et les gendarmes.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, il existe une différence considérable entre les « patrouilleurs » et la police de proximité : le seul élément commun est la présence sur le terrain. Comme pourraient le montrer différents rapports datant du gouvernement de Lionel Jospin, la police de proximité tendait à venir au contact des populations sans assumer de fonctions de répression, à savoir l’interpellation des délinquants en vue de les déférer à la justice. Les « patrouilleurs » exercent, en revanche, l’ensemble des missions de prévention, de dissuasion et de répression. Il y a là une différence fondamentale et ce n’est pas un hasard si l’instauration de la police de proximité a correspondu à une explosion de la délinquance dans notre pays !

Si nous écoutions Dominique Raimbourg, l’évolution des statistiques importerait peu en réalité. Or je pense que nos concitoyens sont sensibles à une évolution négative de 17 % de la délinquance ou à une baisse du nombre des victimes de 500 000. C’est une réalité qui est perceptible et qui compte en matière de gouvernance. Je crois, en outre, que la demande d’instruments de mesure supplémentaires est satisfaite : le ministère de l’intérieur finance, depuis plusieurs années, des enquêtes de victimation réalisées par des organismes indépendants. Au demeurant, les conclusions de l’enquête qui sera rendue publique au mois de novembre sont encore plus favorables à l’action du Gouvernement que les statistiques de la police.

M. Lionnel Luca. La politique de sécurité menée depuis 2002 a largement fait ses preuves : l’évolution des chiffres de l’insécurité a, en effet, été inversée. Nous le devons à la qualité des personnels, policiers et gendarmes, qui font honneur à notre pays. Personne ne peut sérieusement remettre en cause les résultats obtenus, mais il reste des sujets de préoccupation : la politique budgétaire drastique qui est aujourd’hui menée connaît ses limites. La rigueur est certes indispensable en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, mais elle ne doit pas conduire à une réduction des effectifs et des moyens matériels, car cela ne permettrait plus aux personnels d’être efficaces et cela les démotiverait.

La mise en place de la culture du résultat, en 2002, était certes nécessaire et légitime – elle a produit les effets que l’on connaît –, mais elle me paraît conduire, dans un trop grand nombre de cas, à une politique du chiffre pour le chiffre qui va à l’encontre des objectifs fixés. On constate ainsi des excès de zèle commis par une hiérarchie qui n’a pas toujours le sens du discernement dans son désir de satisfaire aux attentes placées en elle.

Une jeune policière du commissariat de Cagnes-sur-Mer, qui était bien notée et ne souffrait d’aucun problème personnel, s’est ainsi suicidée en « zone gendarmerie » après avoir laissé une lettre très explicite sur la pression qu’elle avait subie – celle-ci a d’ailleurs été confirmée par tous ses collègues, de tous bords syndicaux, que j’ai rencontrés. Il y a aujourd’hui, chez de trop nombreux personnels, un malaise et un doute sur le sens de leur engagement. Je voudrais que vous puissiez les rassurer, monsieur le ministre. Ceux qui ont le commandement doivent, par ailleurs, faire preuve de discernement en veillant à rester dans le cadre de la culture du résultat que l’actuel Président de la République a inculquée lorsqu’il était ministre de l’intérieur – elle ne doit pas être confondue avec la politique du chiffre.

Enfin, je le répète, les moyens nécessaires pour obtenir les bons résultats que nous avons connus doivent être maintenus.

M. Yves Nicolin. Nous avons effectivement obtenu, depuis quelques années, des avancées significatives dans notre combat quotidien pour la sécurité, même si ces avancées sont sans doute insuffisamment perçues par nos concitoyens.

Je rappelle que le développement de la vidéoprotection est un des moyens utilisés par le Gouvernement. Pourriez-vous dresser le bilan de ce projet depuis son lancement ? J’aimerais savoir combien il y a de caméras et combien de faits ont été élucidés. Va-t-on continuer dans cette voie et, dans l’affirmative, à quel rythme ?

Mme Chantal Berthelot. Étant ministre de l’intérieur, vous n’ignorez certainement pas ce qui se passe actuellement en Guyane.

Lorsque je vous ai interrogé sur la sécurité dans l’Ouest guyanais, au mois de mai dernier, vous vous êtes placé sur le terrain de l’orpaillage illégal, ce qui était quelque peu hors sujet. Depuis dix jours, on constate une recrudescence des actes les plus violents contre les personnes – le directeur de la poste de Saint-Georges-de-l’Oyapock s’est ainsi fait sauvagement agresser, puis ce fut le tour des commerçants de Saint-Laurent-du-Maroni ; les communes de Mana et d’Iracoubo ont ensuite été touchées et un homme de quatre-vingt-neuf ans a été retrouvé mort, avant-hier, après avoir été ligoté sur son lit et volé.

Pour avoir rencontré toutes les brigades de Guyane, la semaine dernière, je peux témoigner qu’elles sont à leur poste et qu’elles travaillent durement. Cela étant, on ne peut pas attendre qu’elles puissent sécuriser un territoire aussi grand que ce département. Quels moyens comptez-vous donc déployer pour permettre aux Guyanais d’avoir la sécurité qu’ils sont en droit d’attendre ?

Mme Brigitte Barèges. La question du rapprochement entre la police et la gendarmerie et celle de la mutualisation des moyens ont été abordées à plusieurs reprises ce soir. Vous avez ainsi rappelé, monsieur le ministre, les succès obtenus dans le respect de l’identité de chacun – il existe un véritable attachement aux différents statuts.

Pour ma part, j’aimerais savoir dans quelle mesure nous pourrions encore avancer : tout n’est pas encore mis en commun sur le terrain – je pense, en particulier, aux parcs automobiles, aux garages et aux fournisseurs d’équipement. De plus, il n’existe pas partout des salles opérationnelles départementales, permettant à toutes les forces de sécurité de se réunir, comme c’est aujourd’hui le cas à Paris dans le cadre de la Direction de l’ordre public et de la circulation. J’ajoute qu’on pourrait aussi mutualiser les centres de formation et d’entraînement.

Tout cela prendra sans doute un peu de temps, mais ce gisement d’efficacité et d’économies ne permettrait-il pas de déplacer certains crédits pour réaliser des efforts en faveur des personnels et des rémunérations, ou d’enrayer, dans une certaine mesure, les effets de la RGPP ?

Je rappelle, en dernier lieu, que vous vous êtes fixé comme objectif de conforter la coopération avec l’ensemble des partenaires de la sécurité. Qu’avez-vous prévu en ce qui concerne la police municipale ? Peut-on envisager, par exemple, une mutualisation de la consultation des fichiers en matière d’immatriculation automobile, comme c’est déjà le cas pour les garages mécaniques ?

M. Claude Bodin. Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, le Parlement a adopté plusieurs mesures tendant à assouplir, sans laxisme, les règles de récupération des points du permis de conduire. Pouvez-vous nous dire si ces dispositions, qui étaient particulièrement attendues par nos concitoyens, sont entrées en application ?

Sous la pression des associations et en réaction à l’augmentation des accidents de la route, laquelle s’est heureusement atténuée depuis, il a été décidé de remplacer les panneaux signalant la présence des radars par des panneaux dits « pédagogiques ». Pouvez-vous nous indiquer où en est la mise en place de ce dispositif et quel est le budget prévu en la matière ?

Je rappelle, en dernier lieu, que l’Assemblée a adopté à l’unanimité, au mois de janvier dernier, une proposition de loi tendant à moderniser profondément la législation sur les armes. Or, ce texte, qui bénéficiait du soutien du Gouvernement, n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Souhaitez-vous, monsieur le ministre, qu’il soit rapidement examiné par cette assemblée et qu’il soit adopté avant la fin de la législature ?

M. le président Guy Teissier. Le commissariat central des quartiers sud et est de Marseille, qui regroupe les services de sécurité publique pour les 8e, 9e, 10e, 11e et 12e arrondissements – cet ensemble d’arrondissements constitue à lui seul une ville plus grande que Dijon –, est situé dans le 10e arrondissement de la ville. Je crois savoir que, dans le cadre de la rationalisation des missions et des moyens, ce commissariat est appelé à accueillir de nouveaux services, dont un service de police judiciaire. Afin d’accompagner le développement des missions dévolues à ce commissariat, et compte tenu de l’ancienneté, voire de la vétusté de ses locaux, avait été évoquée la réfaction du bâtiment actuel et son extension. Mais depuis plusieurs mois, je n’ai plus aucune information sur ce dossier, ce qui m’inquiète d’autant plus que vous avez été appelé à plusieurs reprises à venir à Marseille pour mesurer nos difficultés en matière de sécurité.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, me confirmer le renforcement du commissariat du 10e arrondissement de Marseille par des fonctionnaires de la police judiciaire ? Si oui, pouvez-vous me préciser le nombre d’effectifs supplémentaires sur site, et les autres services qui pourraient y être implantés ?

Pouvez-vous me confirmer l’extension de ce commissariat, et selon quel échéancier ? En tant que député-maire de ces arrondissements, je serai sensible à la précision de votre réponse, s’agissant d’un secteur municipal malheureusement confronté à une augmentation des actes de délinquance de voie publique.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je déplore autant que vous, monsieur Luca, le passage de la culture du résultat à une culture du chiffre. Si j’adhère sans réserve à la culture du résultat, la police et la gendarmerie, comme n’importe quelle organisation, ayant besoin d’objectifs qui guident leur action, il peut arriver que sa traduction confine au ridicule. Il faut agir avec discernement.

Quant au suicide que vous avez évoqué, il s’agit d’un événement douloureux qui s’est inscrit dans un contexte particulier, le climat qui régnait dans le commissariat de la jeune femme concernée pouvant expliquer les choses. J’en ai d’ailleurs tiré les conclusions en termes d’affectation des personnels.

Monsieur Nicolin, les services de vidéoprotection disposent aujourd’hui d’environ 40 000 caméras, l’objectif étant de porter ce nombre à 60 000 en 2012. J’ai demandé aux inspections générales du ministère de dresser un bilan de ce dispositif, que je vous communiquerai dès que j’en disposerai. Ce travail vise à opposer aux critiques une démonstration incontestable de l’intérêt de la vidéoprotection, à la fois en termes de prévention, de guidage de l’action policière et de fourniture de la preuve judiciaire.

Il est vrai, madame Berthelot, que la situation en Guyane est préoccupante, et il faut que nous trouvions des réponses. Il faudra très certainement envisager des réorganisations afin que la répression de la délinquance gagne en efficacité, notamment autour de Cayenne. C’est un dossier dans lequel il faut que je me plonge, quitte à me rendre éventuellement sur place.

Vous avez, madame Barèges, appelé de vos vœux un approfondissement de la mutualisation des actions et des moyens de fonctionnement de la police et de la gendarmerie. Sachez que les achats sont déjà presque systématiquement mutualisés dès que c’est possible. S’agissant des missions à caractère strictement militaire de la gendarmerie, il ne saurait évidemment y avoir d’achats en commun. En revanche, les achats de véhicules, de matériels informatiques, de consommables divers, etc., sont mutualisés. Des ateliers de maintenance automobile communs aux deux forces ont même été créés, qui me semblent donner tout à fait satisfaction.

Quant à la possibilité de salles opérationnelles communes, on peut y réfléchir, tout en gardant à l’esprit la nécessité de respecter les besoins opérationnels et les spécificités de chacun. Il arrive d’ores et déjà que des gendarmes soient affectés dans des salles de commandement de la police, mais de vastes salles opérationnelles ne sont pas forcément gage d’efficacité.

Vous m’invitiez par ailleurs à faire preuve d’audace en matière de comptabilité publique, jusqu’à envisager l’affectation de crédits de fonctionnement à la rémunération d’effectifs. C’est déjà le cas s’agissant de la rémunération des heures supplémentaires ou des réservistes, mais vous n’ignorez pas que les emplois budgétaires sont strictement définis par le Parlement, sans que nous puissions y déroger.

La loi, ainsi que tous les observateurs reconnaissent maintenant que les polices municipales sont un acteur important de la sécurité en France. Il est temps désormais de définir le champ de compétence privilégié des polices municipales. Même si ce n’est évidemment pas à l’État de définir leurs missions, cela ne nous empêche pas d’élaborer une doctrine situant le rôle de la police municipale dans l’ensemble de la production de sécurité en France. À cet égard, la décision du Conseil constitutionnel annulant certaines dispositions de la LOPPSI 2 relatives aux polices municipales nous a donné un cadre juridique. D’ores et déjà, les polices municipales peuvent, par exemple, accéder au fichier des véhicules volés.

Monsieur Bodin, l’article 18 de la LOPPSI 2 n’est pas encore entré en vigueur, non du fait de la mauvaise volonté du Gouvernement, évidemment tenu d’appliquer la loi, mais à la suite d’une concertation avec l’Assemblée nationale : celle-ci a souhaité que soient mises à plat les décisions du conseil interministériel de sécurité routière, et la mission diligentée sur ce sujet vient de nous transmettre ses conclusions.

En 2011, 26 millions d’euros ont été réservés pour financer la mise en place de radars pédagogiques, et 20 millions supplémentaires y seront affectés en 2012, cette dépense devant être financée par le produit des amendes. Ce sont 4 000 radars pédagogiques qui seront installés en 2012. Les 300 radars pédagogiques qui se sont d’ores et déjà substitués à des panneaux indicateurs de radars traduisent un état d’esprit différent, puisqu’ils ne sont pas installés aussi près des radars fixes. Je crois que cette substitution s’est déroulée dans de bonnes conditions.

Les dispositions de la directive européenne sur les armes seront transposées dans le respect de l’accord issu d’une concertation particulièrement productive que nous avons menée notamment avec le comité Guillaume Tell, qui fédère l’ensemble des associations d’utilisateurs d’armes à feu, au premier chef les 1,3 million de chasseurs, mais aussi les organisations de tir sportif, les amateurs et collectionneurs d’armes anciennes, etc. À cet égard, il est essentiel que la proposition de loi à laquelle vous faites allusion trouve un débouché au Sénat. Je crois qu’elle est déjà inscrite à son ordre du jour. Notre objectif est que ce texte soit adopté au cours de cette législature.

Monsieur Teissier, les travaux d’extension et de modernisation du commissariat du 10e arrondissement de Marseille seront entièrement financés sur 2012, pour un montant de 2,8 millions d’euros. Par ailleurs, les renforts de police judiciaire sur Marseille sont de 41 unités.

M. Yves Vandewalle. L’état des logements de la gendarmerie à Satory est particulièrement mauvais. Pouvez-vous me préciser les modalités et le calendrier de l’opération de rénovation que vous allez conduire avec la ville de Versailles et que vous avez évoquée très brièvement ?

M. Michel Hunault. Il n’est pas inutile d’exprimer notre reconnaissance et notre solidarité envers ceux et celles qui assurent la sécurité des biens et des personnes.

Peut-on dresser un bilan des groupes d’intervention régionaux (GIR), et des moyens qui y sont affectés ? Qu’en est-il notamment de l’application des dispositions législatives autorisant la confiscation du produit du crime, un des outils dont, au cours de ces dix dernières années, le Gouvernement a demandé l’adoption au législateur pour renforcer la lutte contre le crime organisé ?

Je voudrais par ailleurs vous interpeller sur l’avis de la CNIL relatif à la vidéosurveillance. La CNIL y regrette la possibilité d’installer des dispositifs de vidéosurveillance aux abords des cités scolaires. Il me semble pourtant que la vidéosurveillance contribue à la sécurité, notamment à la prévention des délits et des crimes. Et l’on sait très bien que les rackets et les trafics de drogue sévissent autour des cités scolaires. Avons-nous les moyens juridiques de passer outre l’avis de la CNIL ?

M. Philippe Armand Martin. Le budget de la mission « Sécurité » pour 2012 traduit la poursuite des engagements de la majorité. Je me félicite que des mesures d’amélioration de la condition des personnels et de rénovation et d’amélioration des équipements figurent parmi les principales orientation de ce budget. Si j’attache une attention particulière au respect de ces deux engagements, c’est que j’ai constaté que les personnels ont le sentiment que leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur, et qu’ils doivent assumer toujours plus de tâches induites et périphériques, au détriment de leurs missions premières.

J’attire cependant votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessaire présence des forces de sécurité publique sur le terrain, même si des efforts ont déjà été consentis dans ce domaine. Les habitants des communes rurales sont eux aussi victimes de certains délits, rendant le maintien des effectifs tout autant nécessaire que la revalorisation des carrières et le renouvellement des moyens matériels. Pouvez-vous me confirmer que les effectifs des communautés de brigades de gendarmerie officiant en milieu rural demeureront stables ?

Je tiens par ailleurs à vous remercier des renforts, notamment de gendarmerie à cheval, que vous avez accordés à ma circonscription pour y assurer la sécurité durant les vendanges.

Enfin, puisque vous avez parlé de rénovation et de reconstruction, je profite de l’occasion pour vous signaler l’état déplorable dans lequel se trouve le commissariat de la ville d’Épernay et qui interdit aux forces de police d’exercer leurs missions dans les meilleures conditions. L’accompagnement d’une nouvelle construction fait-il encore partie de vos priorités ?

M. Patrice Verchère. La tarification de la pratique des services d’ordre indemnisés – dispositifs mis en place par la police ou la gendarmerie pour assurer la sécurité des événements sportifs ou culturels importants – et les coûts facturés aux organisateurs de ces événements ont récemment fait l’objet d’une révision. Pouvez-vous nous indiquer si le coût de ces dispositifs est aujourd’hui compensé par les recettes engendrées par les indemnisations, notamment lors de matches de football, qui génèrent une présence très importante des forces de l’ordre aux abords des stades ?

Il est normal que des réformes soient engagées dans le cadre de la RGPP pour optimiser le potentiel opérationnel des forces de sécurité intérieure, avec l’objectif de mieux répondre aux attentes de nos compatriotes en matière de sécurité, tout en participant à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. On peut comprendre à ce titre la réduction du nombre de fonctionnaires. Il me paraît cependant important de préserver les moyens matériels nécessaires aux services de police et de gendarmerie pour que ces derniers puissent mener à bien leurs missions.

Or les interventions de la gendarmerie en zone rurale, qui nécessitent de parcourir de grandes distances, entraîne une usure prématurée des véhicules. Pouvez-vous assurer aux élus ruraux que les crédits consacrés aux moyens matériels, notamment au parc automobile, permettent de doter les unités opérationnelles de gendarmerie des matériels modernes et efficaces nécessaires à l’accomplissement de leurs missions ?

M. Christophe Guilloteau. Pourriez-vous nous faire le point des cybermenaces et de la cyberdélinquance ? De quels moyens disposent la gendarmerie pour lutter contre ces nouveaux fléaux ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez souligné, monsieur le ministre, les avancées permises par le rattachement organique de la gendarmerie à votre ministère depuis le 1er janvier 2009. En effet, la mutualisation des moyens de tous les services qui concourent à la sécurité, notamment ceux de la police et de la gendarmerie, est porteuse de synergie, et constitue certainement une meilleure adaptation aux mutations de la délinquance. Elle a également permis d’importantes économies quant aux fonctions support – systèmes d’information et de communication, commande publique. Mais qu’en est-il du parc immobilier ? Reste-il des marges de progression dans ce domaine ?

Quel bilan tirez-vous de l’action de l’unité mixte d’intervention rapide mis en place il y a quelques mois par le préfet de l’Isère ? Ce dispositif est-il appelé à être étendu à tout le pays ?

M. Marc Francina. Pouvez-vous préciser quelles sont les responsabilités des maires en matière de police ? Comment se répartit la charge financière des patrouilles franco-suisses ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je voudrais vous rappeler, monsieur Vandewalle, que, depuis 2005, 29 millions d’euros ont été consacrés à la rénovation des logements de Satory. C’est vrai qu’il reste beaucoup à faire, et d’autres rénovations sont prévues, notamment dans le quartier Delpal. Les ascenseurs seront également rénovés dans un millier de logements. Quant à la cession de foncier dont nous avons parlé, je dois, avec Valérie Pécresse, signer dans quelques semaines le document qui nous permettra d’amorcer l’opération et de financer par conséquent d’autres rénovations.

Les confiscations des avoirs criminels, monsieur Hunault, sont extrêmement morales. Surtout, elles ont permis d’améliorer de façon significative les budgets de la police ou de la gendarmerie. Il me semble qu’il est encore possible d’améliorer la loi, afin de permettre la saisie des avoirs criminels dissimulés dans des sociétés écrans.

Je connais mal l’avis de la CNIL que vous avez évoqué. Il est vrai cependant qu’il faudrait pouvoir protéger plus efficacement les jeunes victimes de rackets ou de trafics de stupéfiants aux abords des cités scolaires.

Monsieur Martin, le budget de 2010 avait déjà consacré une enveloppe de 110 000 euros au commissariat d’Épernay. Cela étant, je suis tout à fait d’accord pour engager dès 2012 l’étude d’un déménagement de ce commissariat.

Vous me demandez de maintenir les effectifs des forces de sécurité dans le département de la Marne. J’observe cependant que la délinquance de proximité a baissé de 7 % depuis le début de l’année. En outre, en dépit de la diminution des effectifs budgétaires depuis 2007 dans la police et la gendarmerie, nous faisons l’impossible pour maintenir les effectifs opérationnels. En dépit de la réduction des effectifs de toutes les CRS et de la suppression de quinze escadrons de gendarmerie mobile, priorité sera donnée à la sécurité quotidienne de nos concitoyens plutôt qu’à l’ordre public. La suppression des gardes statiques et le transfert des transfèrement judiciaires à l’administration pénitentiaire obéissent au même objectif.

Une démarche est actuellement en cours, monsieur Verchère, pour que la facturation des dispositifs chargés de la sécurité des manifestations sportives ou culturelles se rapproche de leur coût réel. On peut d’ores et déjà observer que la sollicitation des forces de l’ordre diminue en proportion.

Par ailleurs, les budgets de fonctionnement de la gendarmerie et de la police seront maintenus en 2012, afin que les moyens matériels soient à la hauteur des besoins, notamment dans le cadre du plan de rénovation des véhicules automobiles.

Face à l’explosion de la cyberdélinquance, monsieur Guilloteau, les services s’organisent, notamment via la création d’un office central de police judiciaire dédié à la lutte contre cette nouvelle forme de délinquance.

Madame Dalloz, l’expérimentation en cours en Isère d’une unité mixte police-gendarmerie constitue sans doute une réponse à la situation dans ce département. Je ne pense pas cependant que cette expérience doive être systématisée, dès lors que des unités homogènes exécutent déjà leur mission.

Je crois, monsieur Francina, que les polices municipales doivent être davantage insérées dans le paysage de la sécurité d’aujourd’hui, notamment sur le plan juridique. Quant à la répartition de la charge financière des patrouilles franco-suisses, elle est très simple : chacun finance ses propres policiers.

M. Jean Launay, président. Nous vous remercions de vos réponses, monsieur le ministre.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures trente-cinq.

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