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Assemblée nationale

Commission élargie

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des affaires sociales

(Application de l’article 120 du Règlement)

Jeudi 3 novembre 2011

Présidence de M. Yves Censi,
vice-président
de la Commission des finances,
de M. Serge Poignant,
président de la Commission
des affaires économiques,
et de M. Pierre Méhaignerie,
président de la Commission
des affaires sociales

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures dix.

projet de loi de finances pour 2012

Ville et logement

M. le président Serge Poignant. Monsieur le ministre de la ville, monsieur le secrétaire d’État chargé du logement, le président Jérôme Cahuzac, retenu, nous a priés de l’excuser auprès de vous et a demandé à monsieur Yves Censi, vice-président de la Commission des finances, de coprésider cette réunion, avec M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, et moi-même.

Comme vous le savez, nous sommes réunis dans le cadre de cette commission élargie afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Ville et logement » dans le projet de loi de finances pour 2012. Je rappelle que la procédure de la commission élargie est destinée à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés en donnant toute la place au jeu des questions et des réponses.

Nos débats seront chronométrés afin de respecter la durée de trois heures trente qui leur a été assignée par la Conférence des présidents. Je rappelle à nos collègues que la Conférence des présidents a également décidé que le temps de parole serait limité à cinq minutes pour les questions des rapporteurs, et à deux minutes pour les questions des autres députés. La question du temps de parole des porte-parole des groupes a été soulevée lors de la dernière commission élargie. Avec le président Cahuzac, nous sommes convenus de leur accorder un temps de parole de cinq minutes pour s’exprimer sur l’ensemble de la mission concernée. Les auteurs de questions disposeront le cas échéant d’un droit de suite en cas de réponse incomplète.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le moins qu’on puisse dire, messieurs les présidents, est que nos conditions de travail sont encore perfectibles, tant la disproportion reste criante entre les temps de parole accordés à la majorité et à l’opposition. Alors que les cinq rapporteurs et les deux membres du Gouvernement sont appelés à s’exprimer, ce dont nous nous félicitons, les représentants des deux groupes de l’opposition ne disposeront que de deux fois cinq minutes. Une telle situation ne peut pas durer : des semaines de travail pour cinq minutes de temps de parole, on est loin de la tribune chère à Victor Hugo ! Et pendant ce temps, nous ne pouvons pas participer au débat en séance publique sur la péréquation, qui est pourtant au cœur de la politique de la ville.

M. Yves Censi, vice-président de la Commission des finances. Il est inutile, mes chers collègues, de remettre en cause à chacune de vos prises de parole des procédures qui ne peuvent être fixées que par la Conférence des présidents. C’est à votre président de groupe que vous devez soumettre toute proposition de révision de ces procédures, charge à lui de les défendre en Conférence des présidents.

M.  François Goulard, rapporteur spécial pour la ville. Dans le contexte peu ordinaire de nos débats, chacun est conscient que la priorité est, non pas tant à la réduction qu’à l’efficacité de la dépense publique. Nous n’avons pas le droit aujourd’hui de poursuivre des politiques qui ont fait la preuve de leur inefficacité. Il faut le dire carrément : la structure budgétaire du programme 147 n’a plus aucun sens aujourd’hui. Éclater 500 millions d’euros entre une vingtaine de politiques différentes induit la mise en place d’une machinerie administrative extrêmement gaspilleuse, non seulement de crédits, mais aussi de temps pour les collectivités locales, et pour une efficacité qui n’a jamais été démontrée. Il est temps d’abandonner l’absurde politique des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), faux contrats que les collectivités signent parce qu’elles n’ont pas le choix : pour avoir de l’argent, elles doivent entrer dans les cadres que l’État leur a imposés sans jamais en avoir délibéré avec elles.

Dans la période actuelle, il importe non seulement de faire des économies sur ces crédits, mais également de les concentrer au bénéfice des communes qui en ont le plus besoin – c’est le but de la péréquation financière – : il faut avoir le courage de dire que certaines communes bénéficient de CUCS sans avoir véritablement besoin de l’aide de l’État.

Enfin, on doit faire disparaître l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé), « machin administratif » totalement dénué d’intérêt. Le directeur général de cette institution lui-même n’a pu lui trouver comme seul mérite que de permettre de mieux suivre l’affectation des crédits budgétaires, ce que je croyais acquis dans notre pays depuis le xixsiècle !

Deuxièmement, le financement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont nul ne conteste la réussite, est assuré depuis que le « 1 % logement » y contribue, ce qui pose la question de la pertinence des règles qui ont présidé jusqu’à présent à l’affectation de ce prélèvement. Quant au financement d’une deuxième phase du programme national de rénovation urbaine – un PNRU 2 –, il suppose que l’on concentre les crédits et que l’on fasse jouer davantage les solidarités à l’échelle des territoires. Il faut dire que celles-ci existent à peu près partout, excepté en Île-de-France, où les problèmes sont pourtant les plus graves : il n’est pas normal que ce soit au voisinage de la capitale de la France que se concentrent les communes qui ont les besoins les plus aigus en matière de rénovation urbaine.

Les zones franches urbaines (ZFU), nous offrent l’exemple classique d’une initiative de bon sens, mais rendue totalement illisible par sa traduction législative et réglementaire. Aucun petit entrepreneur n’a à perdre le temps nécessaire à comprendre à quelles conditions il aurait droit aux allégements de charges sociales et fiscales prévus par ce dispositif, et l’on se trouve une fois encore face à une politique totalement inefficace à force de complexité. Maintenant que le coup est parti, il est trop tard pour simplifier les régimes d’exonération en vigueur. Mais le défi de l’avenir est de trouver un système simple dont le coût sera calibré, bien loin de ces usines à gaz incompréhensibles.

Ces réserves étant faites, je vous propose d’adopter les crédits de la ville.

M. François Scellier, rapporteur spécial pour le logement. Pour respecter les nouvelles règles qui organisent nos échanges, je ne développerai pas ici une analyse du budget de la politique du logement et de la prévention de l’exclusion, que vous trouverez dans mon rapport spécial.

Je préciserai seulement que ce budget devrait s’élever à 7,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 7,2 milliards en crédits de paiement, soit une progression respective de 261,5 millions et de 165 millions d’euros. Cette progression, qui semble contredire les directives d’économies du Gouvernement, est en réalité due essentiellement à l’augmentation de 281 millions des aides personnelles au logement, au détriment des aides à la pierre, sur lesquelles se concentre l’essentiel des efforts de rigueur.

Mes questions seront au nombre de quatre.

Le projet de budget maintient l’objectif ambitieux de construction ou d’acquisition de 120 000 logements sociaux en 2012, niveau équivalent aux projections pour 2011. Avec des autorisations d’engagement en baisse de 10 % et des crédits de paiement en diminution d’environ 16 %, si l’on tient compte des 140 millions issus du prélèvement de mutualisation HLM et si l’on considère que le coût de revient d’un logement social a par ailleurs augmenté de près de 86 % en dix ans, comment cet objectif pourra-t-il être atteint ?

Le bénéfice de la réduction d’impôt sur les investissements locatifs privés est exclu, ou varie, selon que le territoire où il est réalisé est classé en zone plus ou moins tendue. Le même zonage est appliqué à l’allocation des subventions pour le logement social. Cependant, dans un cas comme dans l’autre, ce zonage se révèle souvent trop simplificateur, voire inadapté, jusqu’à décourager des investissements pourtant nécessaires pour faire face aux besoins présents et à venir des territoires. Comment améliorer la prise en compte de la réalité des besoins, immédiats et futurs, des territoires, dans la répartition des efforts et des moyens de la politique du logement ? Comment notamment améliorer l’adéquation des zonages avec ces réalités locales ? Que pensez-vous des propositions contenues dans le rapport d’information que nous avions, avec M. Le Bouillonnec, consacrée à l’évaluation des dispositifs fiscaux d’encouragement à l’investissement locatif ?

Étant donné que le manque de foncier constructible est l’un des principaux obstacles à la production de logements en zones tendues ainsi qu’un puissant facteur de renchérissement des opérations, quelles mesures pourrait-on prendre pour libérer du foncier dans ces territoires ?

Les paramètres du prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM institué par la loi de finances pour 2011 ont été adaptés en fonction des déclarations de situation établies au cours des trois derniers mois afin de répartir équitablement la charge des 175 millions attendus de cette contribution. Quels paramètres ont finalement été retenus ? Comment se fera cette répartition entre les différents types d’organismes et sur le territoire ?

Ces questions étant posées, je suis favorable au projet de budget de 2012 pour le logement.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour la ville. Les paroles fortes, sinon définitives, prononcées par M. Goulard me permettent d’aller directement au sujet. Je me demande si ce que notre collègue met en cause, ce n’est pas tout simplement la centralisation excessive de la politique « de la ville », alors que nous avons besoin de politiques « des villes ». Après tout, la machine administrative n’est jamais que la médiation entre le centre et la périphérie.

On ne peut cependant que se féliciter du maintien au même niveau des crédits de la politique de la ville dans un contexte budgétaire extraordinairement contraint. Ainsi les crédits de l’action « Rénovation urbaine » sont maintenus, même s’ils ne proviennent plus des mêmes sources. Les difficultés de financement de cette action sont la rançon du succès rencontré par une politique dans lesquels nous étions bien peu nombreux à croire au moment de son lancement, au bénéfice de quelque 170 quartiers. Aujourd’hui que le nombre de ses destinataires a doublé, il ne faut pas s’étonner que les crédits aient du mal à suivre, surtout dans le contexte budgétaire actuel.

L’article 64 du projet de loi de finances, relatif aux ZFU, fait l’objet de plusieurs amendements. Je tiens pour ma part à saluer cette politique, qui a focalisé l’attention sur les difficultés de ces quartiers, et mérite à tous points de vue d’être poursuivie.

Quant aux CUCS, ils posent la question globale du lien nécessaire entre politique d’urbanisme et accompagnement des personnes, comme le souligne le rapport d’information sur l’évaluation des aides aux quartiers défavorisés commis par nos collègues François Pupponi et François Goulard. Les conclusions de ce rapport doivent contribuer à alimenter la réflexion, notamment en ce qui concerne la possibilité de globaliser ces crédits.

Pourriez-vous lever l’incertitude qui subsiste quant à la répartition de la contribution d’Action Logement entre financement de l’ANRU et financement de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ?

Ne faudrait-il pas faire des préfets, aujourd’hui ballottés entre des consignes ministérielles parfois contradictoires, les véritables arbitres, sur le terrain, des priorités assignées à leurs services ?

Afin de mieux territorialiser nos politiques, ne conviendrait-il pas de laisser à certains territoires, tels que l’Île-de-France, une marge d’adaptation des règles en vigueur, qui permettrait d’insuffler au système plus de globalisation et de confiance ? Ne pourrait-on pas envisager une contractualisation globale de la politique de la ville, réunissant dans un même contrat les volets urbain et humain de la politique définie sur un même quartier, sans nier les spécificités des différents acteurs ?

Ne pensez-vous pas que l’évaluation des politiques soit trop pointilleuse et qu’il vaudrait mieux procéder par sondages, tant en ce qui concerne la politique de la ville que la prévention de l’exclusion ? Je n’en donnerai qu’un exemple : imposer des reportings de plus en plus précis aux travailleurs sociaux n’alimente-t-il pas une bureaucratie inutile ?

En matière d’éducation enfin, ne pensez-vous pas que, dans le contexte budgétaire actuel, l’accent devrait être mis sur l’école primaire, qui reste, avant même le collège, le véritable creuset de l’égalité des chances, et sur les apprentissages fondamentaux – lire, écrire, compter. Comment y renforcer, notamment, l’accompagnement des élèves après la classe, qui est un des problèmes majeurs des quartiers défavorisés ?

Enfin, comment relever le défi de la généralisation du droit au logement opposable (DALO), en 2012 ?

Il reste que ce projet de budget, sous réserve de l’adoption de quelques amendements, sauvegarde l’essentiel.

M. Jean-Pierre Abelin, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour le logement. Dans un contexte budgétaire contraint, les deux programmes concernant le logement augmentent globalement de 2,85 % par rapport à 2011, à hauteur de 5,968 milliards d’euros. Cette augmentation est due principalement à la hausse de 5,66 % du programme « Aide à l’accès au logement », autrement dit les aides personnelles au logement qui bénéficient à plus de six millions de ménages. La contribution de l’État est portée à 5,558 milliards d’euros, soit une augmentation de 281 millions d’euros. Elle tient compte de l’évolution prévisible du nombre de bénéficiaires, de leurs ressources et de la revalorisation au 1er janvier 2012 du plafond des loyers et du forfait de charges indexé sur l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL).

Il faut noter également le doublement, à 37 millions d’euros, de la dotation de l’État au fonds de garantie universelle des risques locatifs, destinée à couvrir la sur-sinistralité liée à l’élargissement des critères d’éligibilité au titre des sinistres constatés en 2011. Pourriez-vous nous dire un mot sur la montée en puissance du dispositif ?

Par ailleurs, le programme « Développement et amélioration de l’offre de logement » – il s’agit essentiellement de l’aide à la pierre – voit ses crédits baisser globalement de 7,52 % en autorisations d’engagement et de 27,2 % en crédits de paiement. Ces derniers seront complétés par 140 millions d’euros prélevés, pour la deuxième année, sur le potentiel fiscal des organismes HLM. En dépit de cette baisse globale, vous prévoyez le maintien d’objectifs ambitieux en matière de constructions, avec 120 000 nouveaux logements locatifs sociaux, dont 55 000 réalisés à l’aide de prêts locatifs à usage social (PLUS), 22 500 réalisés à l’aide de prêts locatifs aidés dits d’intégration (PLA-I), 42 500 réalisés à l’aide de prêts locatifs sociaux (PLS), soit le maintien de l’objectif élevé de 2011.

À côté des crédits budgétaires, l’essentiel de l’aide de l’État réside dans les niches et les aides fiscales en faveur du logement, estimées à 15,2 milliards d’euros en 2012, soit à peu de choses près le même montant qu’en 2011. Je ne reviendrai pas sur les différentes réformes des dispositifs fiscaux en faveur du logement contenues dans la première partie du projet de loi de finances, et qui visent à leur assurer une plus grande efficacité – je pense notamment à l’« avantage Scellier », à la réduction d’impôt sur le revenu en faveur des investissements immobiliers réalisés dans le secteur de la location meublée non professionnelle, ou encore au dispositif de lutte contre la spéculation sur les loyers élevés de micrologements en zone A, et à la révision des aides à l’amélioration de la performance énergétique, qui vise notamment à autoriser le cumul de différents dispositifs.

Pouvez-vous nous dire un mot de la répartition de la contribution d’Action logement – anciennement « 1 % logement » – entre l’ANRU et l’ANAH ? Quels seront l’avenir et les moyens d’Action Logement au-delà de 2014 ?

Étant donné la baisse de 10 % des autorisations d’engagement et la baisse de la subvention unitaire par logement, comment comptez-vous atteindre l’objectif de construction de 120 000 logements locatifs en 2012 ?

Quelle est la situation financière des organismes HLM après une première année de prélèvement sur leur potentiel financier ?

Quels sont vos objectifs pour 2012 en matière de réorientation des crédits vers les marchés tendus, qui est d’ores et déjà amorcée ?

On entend beaucoup parler de l’instauration d’un taux intermédiaire de TVA. À partir de quel montant la revalorisation du taux de 5,5 % sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien des logements risque-t-il d’avoir un impact négatif sur l’emploi ?

Quel est le bilan de la réforme des aides de l’ANAH ?

Quels moyens l’État a-t-il prévu pour faire face à la généralisation du droit au logement à compter du 1er janvier 2012 ?

Quelles actions l’État a-t-il entrepris pour dégager de la ressource foncière en faveur de la construction de logements ? Quel est le bilan de l’action de l’État en la matière dans les zones particulièrement tendues ?

M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales, pour la prévention de l’exclusion et l’insertion des personnes vulnérables. Le programme 177, « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », voit ses crédits maintenus au niveau des crédits votés pour 2011, ce dont je me félicite au vu de la situation actuelle de nos finances publiques.

Néanmoins, je m’étonne qu’une fois encore le budget primitif de 2012 ne prévoie pas de rebasage des crédits au niveau des besoins constatés, alors qu’il est d’ores et déjà reconnu que les crédits votés en loi de finances initiale pour 2011 ne suffiront pas. En effet, le Premier ministre a annoncé, le 26 septembre dernier, que ce programme serait abondé à hauteur de 75 millions d’euros en loi de finances rectificative. Plus inhabituel, le Gouvernement a indiqué que cet abondement doit non seulement couvrir les besoins de 2011, mais aussi financer, par reports de crédits, une partie des dépenses de l’exercice 2012. Dans ces conditions, la reconduction des crédits à l’identique proposée par le projet de loi de finances pour 2012 relève de l’affichage. Une fois de plus, on propose à la représentation nationale un budget, sinon insincère, du moins incomplet, qui ne permettra pas d’éviter le recours à des décrets d’avance et aux collectifs budgétaires.

Certes, la sincérité budgétaire n’est pas une fin en soi, mais elle assure une visibilité financière aux services préfectoraux et aux associations du secteur. En raison de la fongibilité des crédits du programme, l’insincérité budgétaire conduit à ce que les dispositifs d’urgence de « sortie de la rue » continuent de primer sur les dispositifs de moyen et long terme visant le « logement d’abord », ce que je déplore.

Lors des auditions que j’ai organisées dans le cadre de mon rapport, j’ai été frappé par l’écart considérable entre le discours de l’administration centrale et le ressenti local.

Prenons l’exemple des pensions de famille, auxquelles la seconde partie de mon rapport s’intéresse plus particulièrement. Au niveau central, elles sont présentées comme un des leviers de la stratégie du « logement d’abord », et les services préfectoraux sont fortement incités à financer de nouvelles places. Pourtant, les associations gérant des pensions de famille m’ont fait part, courriers à l’appui, de plusieurs projets avortés ou retardés à la suite d’un refus préfectoral motivé par le manque de crédits.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez vous indiquer pour quelles raisons les directives nationales ne sont pas totalement appliquées au niveau déconcentré ?

À propos des capacités d’hébergement, vous indiquez vouloir maintenir le nombre de places financées. Je suis toutefois étonné par la faiblesse du nombre de places supplémentaires prévues pour la période hivernale : seulement 3 453, d’après les documents budgétaires. Confirmez-vous ce chiffre ?

Pouvez-vous, plus largement, faire le point sur les capacités d’hébergement, pendant l’hiver ou en dehors de cette période ? Je trouve scandaleux qu’une femme enceinte sans domicile – elles seraient malheureusement plusieurs centaines dans ce cas – ait été amenée à accoucher il y a quarante-huit heures dans la rue, son enfant étant de surcroît décédé.

Par ailleurs, une lettre du 22 février 2008 donnait instruction aux préfets de ne pas organiser d’expulsion sans offrir aux personnes concernées une solution d’hébergement de rechange. Trois ans plus tard, quel en est le résultat ?

Qu’il s’agisse des centres d’accueil des demandeurs d’asile ou de l’hébergement d’urgence, les places financées par la mission « Immigration, asile et intégration » sont insuffisantes pour couvrir les besoins, ce qui conduit une partie des demandeurs d’asile à se tourner vers les centres d’hébergement d’urgence ou les chambres d’hôtel financés par le programme 177. Dans ces lieux, en effet, l’accueil est assuré sans que des conditions soient posées. Êtes-vous en mesure de chiffrer ce déport de charges entre la mission « Immigration » et la mission « Ville et logement » ? Quelles sont les mesures qui sont envisagées pour y remédier ?

Comment allez-vous appliquer, à partir du 1er janvier, l’extension de la loi DALO à tout demandeur de logement n’ayant pas reçu de réponse après un délai qualifié de « raisonnable » – même si l’on peut juger ce délai anormalement long ?

Enfin, que pensez-vous de la suggestion de votre collègue Laurent Wauquiez de réserver en priorité des logements sociaux aux personnes ayant un emploi ?

M. Yves Censi, président. Le projet de loi de finances pour 2012 annonce une hausse modérée du budget d’intervention de l’Agence nationale de l’habitat. Mais cette hausse paraît incertaine compte tenu de la réduction de l’enveloppe qu’Action Logement consacrera à l’ANRU et à l’ANAH sur les trois prochaines années : 3,28 milliards d’euros, en retrait de 650 millions d’euros par rapport au précédent budget triennal. Pouvez-vous préciser le montant de la part allouée à l’ANAH en 2012, 2013 et 2014 ? Si cette contribution diminue, comment l’Agence sera-t-elle en mesure d’appliquer son programme d’intervention ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Il y a quelques années, dans ma permanence, une personne s’est adressée à moi en ces termes : « Y a-t-il une subvention à laquelle j’ai droit et que je ne connais pas ? ».

Il est devenu très difficile pour les élus locaux de connaître les différents mécanismes d’intervention en matière de logement. Auparavant, ils pouvaient compter sur les conseils et le soutien des directions départementales de l’équipement. Mais, aujourd’hui, les directions départementales du territoire jouent de plus en plus un rôle de contrôle, de façon parfois tatillonne.

Les moyens financiers mobilisés sont importants, mais ne pourraient-ils pas être employés de façon plus efficace au niveau des territoires ? Dans un système déconcentré, la communauté d’agglomération ne représente-t-elle pas l’échelon à la fois le plus proche des citoyens et le plus à même de rendre l’action publique efficace ?

M. le président Serge Poignant. La Commission des affaires économiques est très attachée à la politique de la ville et du logement. En 2011, elle a abordé ces questions à travers plusieurs textes : projet de loi sur la consommation, proposition de loi relative à l’habitat insalubre en outre-mer, mesures d’urgence en faveur des villes, mise en œuvre des dispositions du Grenelle 2 relatives au logement, entre autres.

Michel Piron a souligné l’intérêt des zones franches urbaines. Quel est votre avis sur l’idée de prolonger la durée de validité de ce dispositif au-delà de 2014 ? Pourquoi vouloir renforcer la clause d’embauche ?

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Le budget de la politique de la ville porte un espoir, celui des 8 millions de Français qui vivent dans les quartiers prioritaires, et une ambition, celle de faire de nos quartiers des lieux où il fait mieux vivre.

Le projet de budget de 2012 s’inscrit dans un contexte difficile, celui de la crise économique et financière internationale. L’équation n’était donc pas simple à résoudre. Nous devions concilier deux paramètres : d’un côté, la responsabilité et la maîtrise des dépenses publiques ; de l’autre, le devoir de solidarité et le respect des engagements pris.

Comme on dit au Quai-d’Orsay, M. Goulard – dont je partage cependant l’avis sur de nombreux points – a été franc et cordial. Je lui répondrai de la même façon, sans user de la langue de bois. Nous avions d’ailleurs déjà abordé toutes ces questions de fond ici même, le 1er février, lors du débat organisé à la suite de la remise du rapport qu’il avait rédigé avec M. Pupponi sur l’évaluation des aides aux quartiers défavorisés.

Je partage une des conclusions du rapport : le maire doit jouer un rôle de chef d’orchestre en matière de politique de la ville. Cependant, comme l’a souligné Pierre Méhaignerie, sa vision doit s’étendre au périmètre de la communauté de communes ou d’agglomération. C’est particulièrement vrai en Île-de-France, en raison du projet du Grand Paris.

Il reste que notre réunion d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre de la discussion budgétaire. Je comprends parfaitement les analyses et les questionnements de François Goulard et de Michel Piron, mais nous aurons de toute façon un débat, notamment à l’occasion des prochaines échéances électorales, présidentielle et législatives. En outre, comme l’a dit M. Goulard à propos des ZFU ou des CUCS, le coup est déjà parti. Il n’en demeure pas moins que la question de l’efficacité des dispositifs en matière de politique de la ville devra être examinée en faisant preuve d’un grand courage politique. J’ai, sur ce sujet, quelques idées que j’exposerai le moment venu. Ce débat ne m’effraie donc pas mais, pour le moment, ma mission est de gérer le financement des dispositifs existants.

Comme l’ont souligné les rapporteurs, les crédits de la politique de la ville sont préservés malgré le contexte de crise. De même, les crédits d’intervention de l’ACSé sont stabilisés. Quant à la dotation de solidarité urbaine, son montant a progressé de 133 % entre 2002 et 2012, pour atteindre aujourd’hui 1,37 milliard d’euros. Enfin, la dotation de développement urbain est stabilisée à 50 millions d’euros.

On parle peu de la DSU dans les débats sur la politique de la ville, alors que c’est aussi une question qui réclame un certain courage politique. À quoi sert-elle ? Ne devrait-elle pas être mieux fléchée ? On parle du financement des CUCS, mais l’enveloppe de la DSU, qui joue également un rôle en matière de solidarité urbaine, est encore plus conséquente.

Depuis 2004, la rénovation urbaine se poursuit et représente une incontestable réussite. Non seulement ce programme sera mené jusqu’à son terme, mais le Premier ministre m’a demandé de réfléchir à un deuxième acte.

De même, l’article 64 du projet de loi de finances prolonge jusqu’au 31 décembre 2014 le dispositif des zones franches urbaines, qui concernait, en 2010, 307 000 salariés et 61 558 établissements. Si nous avons choisi cette date, c’est par cohérence : en 2014 aura lieu la révision globale de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Ce sera également l’année des prochaines élections municipales.

En ce qui concerne les zones franches urbaines, tous les maires, quelle que soit leur sensibilité, s’y disent favorables, mais tous en dénoncent dans le même temps les effets d’aubaine. Certains jugeront que l’on peut s’en accommoder, mais nous avons le devoir de veiller à la bonne utilisation de l’argent public, et ce d’autant plus qu’il est rare. Nous ne pouvons donc accepter que cet argent serve à financer l’implantation d’entreprises réduites à de simples boîtes aux lettres.

Les zones franches urbaines ont été créées dans le cadre de la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, lorsque Éric Raoult était ministre de la ville. L’objectif était de créer des emplois au bénéfice des habitants des quartiers sensibles. Pour la même raison, nous proposons qu’un emploi sur deux – contre un sur trois à l’origine – soit réservé à ces habitants dans les entreprises bénéficiaires du dispositif. Qui peut s’opposer à un tel renforcement de la clause d’embauche ?

L’ensemble des ministères a maintenu ses efforts en faveur des quartiers : en 2012, près de 2 milliards d’euros de crédits leur seront consacrés. Pour la première fois depuis près de deux ans, un conseil interministériel des villes s’est réuni le 18 février sous la présidence du Premier ministre, François Fillon.

Afin de d’orienter plus précisément l’emploi des aides de droit commun, j’ai voulu que soient conclus, à titre expérimental, des contrats urbains de cohésion sociale donnant explicitement le pouvoir aux maires, en concertation avec l’ANRU et les acteurs de la rénovation urbaine. Cette politique s’inspire directement du rapport de François Goulard et François Pupponi. Ces expérimentations concernent trente-trois sites et portent sur trois thèmes prioritaires : l’emploi, l’éducation et la sécurité.

Quinze mille contrats d’autonomie supplémentaires sont prévus en 2011 et 2012. Les services publics de l’emploi sont également mobilisés, grâce aux contrats aidés et à l’apprentissage, tandis que le soutien à la création d’entreprise – microcrédit, « Cordées de l’entrepreneuriat » – est renforcé.

Je partage le sentiment de Michel Piron sur l’éducation : l’école est le creuset de la République, le lieu par excellence de la mixité sociale. Elle doit donc – l’école primaire en particulier – offrir partout les mêmes chances de réussir. Le programme de réussite éducative concernera 135 000 enfants en 2011 et 2012. Nous consolidons également les « Cordées de la réussite », dont le succès est reconnu par tous. Par ailleurs, à la rentrée 2011, trente académies ont offert 10 300 places en internat d’excellence.

La mobilisation des moyens de droit commun, c’est aussi la recherche d’une solidarité plus efficace en direction des villes. La péréquation est à cet égard un enjeu vital, en donnant plus à ceux qui ont le moins. En 2012, un nouveau fonds de péréquation sera mis en œuvre, et 250 millions d’euros seront redistribués aux communes les plus pauvres.

Il existe aujourd’hui une véritable attente, une véritable exigence de la part de nos concitoyens en matière de politique de la ville. Le Gouvernement y répond par un objectif, une méthode et un résultat. Un objectif : la consolidation de la République dans tous nos quartiers populaires ; une méthode : conjuguer l’humain et l’urbain ; un résultat : le lancement d’un véritable développement économique, social et urbain dans nos quartiers, qui regorgent de talents dont notre économie ne saurait se passer.

C’est en nous en tenant résolument à cette ligne que nous réduirons les écarts entre les territoires, afin que nos quartiers retrouvent la confiance et soient tournés vers l’avenir.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. La réponse aux questions posées par les différents rapporteurs me donnera l’occasion de balayer l’ensemble de la politique du logement.

François Scellier se demande comment l’objectif de construire 120 000 logements sociaux pourra être atteint compte tenu de la diminution de l’aide à la pierre. En fait, l’aide budgétaire allouée aux bailleurs sociaux ne représente que 5 % des aides de l’État au bénéfice du logement social, soit une part infime. En outre, les conventions d’utilité sociale (CUS), signées par les bailleurs sociaux à un moment où tous les éléments de financement étaient déjà connus, montrent que les engagements de ceux-ci seront à la hauteur des attentes en 2012.

En ce qui concerne le zonage pour l’application de la loi Scellier, plusieurs questions se posent : sa définition doit-elle être effectuée à l’échelon préfectoral ? Faut-il le mettre à jour plus fréquemment qu’aujourd’hui, ou vaut-il mieux généraliser le dispositif mis en place pour les zones C et prévoir des dérogations spécifiques au bénéfice de certains territoires ?

J’estime pour ma part que remettre la décision entre les mains du corps préfectoral aurait un effet inflationniste. La dernière fois que j’ai demandé aux préfets de revoir le zonage de la politique de la ville, afin d’en préciser la cible, le nombre de quartiers éligibles est passé de 600 à 900 ! Or il ne me paraît pas souhaitable de voir exploser le nombre de communes concernées par le dispositif Scellier.

C’est pourquoi la technique actuelle me paraît la moins mauvaise, même si l’on sait très bien que certains territoires non éligibles mériteraient de l’être. Le zonage de la loi Scellier devra être revu en 2012 ; environ 180 communes situées en zone B2 devront alors passer en zone C. J’imagine que les 180 maires concernés valideront cette décision avec enthousiasme…

Dans les zones tendues, la disponibilité du foncier constructible est évidemment le problème principal, et a un impact sur le coût de construction des logements, qu’il s’agisse du parc social ou du parc privé. À titre personnel, je suis convaincu de la nécessité de revoir les décisions prises par le Parlement concernant la partie foncière des plus-values immobilières. Le choix d’une durée de détention de trente ans et une fiscalité foncière dégressive ne me semblent pas le moyen idéal de trouver rapidement les terrains nécessaires. Il convient au minimum de revenir au projet du Gouvernement, voire d’aller plus loin et de se poser la question d’une surfiscalisation de la détention de foncier. En effet, la rétention foncière est aujourd’hui un des facteurs de l’explosion des prix, notamment en Île-de-France.

J’en viens au prélèvement sur les organismes d’HLM qui, je le rappelle, comprend deux éléments : un prélèvement de 175 millions d’euros sur le potentiel financier, et une augmentation plafonnée à 70 millions d’euros de la cotisation additionnelle due à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Le premier concerne pour un tiers les SA et pour deux tiers les offices, mais le deuxième fait passer à 55 % la part du prélèvement supporté par les offices et à 45 % celle due par les SA, ce qui correspond peu ou prou à la répartition actuelle.

M. Piron, entre autres, s’est interrogé sur les parts du produit du 1 % logement respectivement allouées à l’ANAH et à l’ANRU. Sur ce point, les arbitrages ne sont pas rendus, mais lorsqu’ils le seront, vous en serez les premiers informés.

En ce qui concerne la montée en puissance de la garantie des risques locatifs, évoquée par M. Abelin, nous aurons réalisé à la fin de l’année 240 000 contrats sur un objectif de 400 000. Cela signifie que ce produit ne fonctionne pas comme nous l’aurions souhaité et qu’il devra probablement être revu pour la troisième fois. Si la garantie des risques locatifs (GRL) a trouvé sans difficulté son public, son modèle économique reste insatisfaisant. La question de son rapprochement avec son concurrent privé, la garantie des loyers impayés (GLI) finira par se poser, car la présence de deux produits sur un même marché nuit au développement de la GRL.

J’en arrive aux moyens du « 1 % logement » au-delà de l’année 2014. Je rappelle que le produit du prélèvement servant à financer l’ANAH et l’ANRU a diminué de 650 millions d’euros. En effet, à la différence de ce qui a été décidé pour la première programmation triennale 2009-2011, nous avons souhaité réduire progressivement le montant du prélèvement pour les trois années suivantes, avec l’objectif de mettre en place, après 2014, un prélèvement pérenne à la mesure des capacités d’Action Logement.

En tout état de cause, la viabilité financière d'Action Logement est aujourd'hui assurée. Le premier prélèvement a permis d'assécher pour partie la trésorerie et le montant restant à la fin de 2011 est raisonnable, de l’ordre de 1,5 milliard d'euros. Compte tenu du projet de décret sur l'utilisation des fonds du « 1 % logement » pour la période 2012-2014, la trésorerie d'Action Logement ne sera jamais négative.

Monsieur Goulard, je ne suis pas certain qu'il faille rebudgétiser le « 1 % logement ». Action Logement représente en effet aujourd'hui 4 milliards d'euros en faveur du logement – 50 % en collecte et 50 % en retours de prêts. Budgétiser ce dispositif reviendrait à transformer tous les prêts d'Action Logement en subventions : les dépenses annuelles au bénéfice du logement ne seraient plus de 4 milliards d'euros par an, mais de 1,7 milliard d'euros. Les politiques du logement n'ont rien à y gagner.

Monsieur Abelin, je ne pourrai vous dire que dans quelques jours si le taux de TVA à 5,5 % sera modifié.

La réforme profonde de l’ANAH engagée l'année dernière visait notamment à réorienter en partie les financements des propriétaires bailleurs vers les propriétaires occupants. L’équation financière du « 1 % logement » faisait en effet apparaître que 80 % des financements bénéficiaient aux propriétaires bailleurs et 20 % aux propriétaires occupants. Or, un rapport rédigé par l’ANAH et la Fondation Abbé-Pierre a fait apparaître que les propriétaires occupants très modestes – disposant de revenus inférieurs au plafond retenu pour le PLA-I – étaient plus nombreux que les locataires de propriétaires bailleurs et ils nous a semblé souhaitable de trouver un équilibre entre ces deux catégories dans les financements de l'ANAH. Cette réorientation ayant eu lieu en 2011, je ne dispose pas encore de son bilan, qui devrait être dressé en 2012.

Monsieur Pinte, le rebasage budgétaire est une difficulté à laquelle nous sommes confrontés depuis de nombreuses années. Le budget présenté à la représentation nationale est plus ou moins sincère, car nous savons chaque année que plusieurs décrets d'avance et une loi de finances rectificative seront nécessaires pour le rebaser – en règle générale à hauteur de 10 % du montant prévu par la loi de finances initiale, parfois davantage. Un effort important a été réalisé l'année dernière, la loi de finances initiale pour 2011 prévoyant une augmentation de 8 % des crédits, ce qui permettait un rebasage sur l’exécuté 2010 au moment de l’examen de la loi de finances initiale pour 2011. Une nouvelle loi de finances rectificative est intervenue deux mois plus tard et, sans l’abondement de 75 millions d’euros en loi de finances rectificative annoncé par le Premier ministre le 26 septembre aux acteurs associatifs, l’exécuté 2011 aurait été inférieur de 3 % à celui de 2010. Une partie de ces 75 millions sera affectée en 2011 pour permettre que l’exécuté corresponde à sa valeur de 2010 et l’autre moitié sera reportée en 2012 pour atteindre la même valeur et nous éviter la traditionnelle cavalerie budgétaire des décrets d’avance et lois de finances rectificatives. Il n'y aura donc pas de rebasage en cours d'année 2012.

Nous avons en outre prénotifié le 24 octobre aux territoires l’ensemble des crédits du programme 177 afin que ces crédits puissent être délégués aux associations pour toute l'année 2012, et cela dès la fin janvier – et non pas, comme c’est généralement le cas, en avril ou mai.

Les capacités hivernales mobilisables en fonction des besoins des préfectures sont de l'ordre de 10 000 places – elles étaient au nombre de 9 600 pour l’hiver 2010-2011 et nous en avons déjà identifié 10 000 pour l’hiver 2011-2012, avec un surcroît de capacités d'environ 5 000 places en cas de très grands froids. Ces capacités s'ajoutent aux 116 000 places ouvertes toute l'année. Ce chiffre est un record en la matière : il était de 90 000 places en 2007 et nous avons donc créé depuis lors 26 000 places supplémentaires.

Quant au bilan de l'instruction donnée aux préfets en 2008 sur les expulsions sans proposition de relogement, je ne suis pas en mesure de vous répondre immédiatement, mais je vous ferai parvenir une réponse très prochainement.

Je ne puis non plus vous fournir immédiatement de réponse sur le transfert de charges réel entre les CADA et le programme 177. Il est néanmoins utile de rappeler que, même si le mouvement s’établit majoritairement du programme 303, qui relève du ministère de l’intérieur, vers le programme 177, ce transfert peut néanmoins se faire dans les deux sens. De fait, les publics déboutés du droit d'asile qui restent plusieurs mois pris en charge par les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) relèveraient plutôt du programme 177. Je ne suis pas en mesure, je le répète, de quantifier immédiatement ces transferts.

M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis. Vous n’avez pas répondu à ma dernière question.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. En ce qui concerne la suggestion de M. Laurent Wauquiez de réserver une partie des attributions de HLM aux salariés, il me semble sain et naturel qu'en période préélectorale, les différentes formations politiques formulent des propositions relevant de tous les champs ministériels. Il est heureux qu'un ministre en exercice puisse intervenir à propos d’un champ relevant d'un de ses collègues. Il est probable que, dans les prochaines semaines, M. Leroy et moi-même ayons à nous exprimer aussi sur des questions relatives à d’autres champs ministériels.

Après cet exercice de langue de bois, je vous répondrai sur le fond. Une grande partie des logements sont déjà réservés aujourd'hui aux salariés, comme les 20 % du stock qui correspondent au « 1 % logement ». Ce point fait l’objet d’un débat profond, tant entre parlementaires qu'avec le mouvement HLM : la question est de savoir qui doit être logé en HLM, mais les fédérations de bailleurs sociaux et le Gouvernement ne lui apportent pas la même réponse. Alors que, pour la fédération des HLM, l’ensemble de la société doit être logée dans ce cadre, je considère quant à moi que ce sont les plus modestes qui devraient l'être. C'est là une différence d'appréciation non négligeable et la préconisation de M. Wauquiez me semble plus proche de la tradition du monde HLM que de ma propre position.

M. Georges Mothron. Je tiens à attirer l'attention du Gouvernement sur le problème récurrent de l'habitat indigne proposé par les marchands de sommeil. Nous constatons en effet depuis trop longtemps l'implantation de filières qui louent à des personnes ou à des familles, souvent d’origine étrangère, des logements indignes, voire insalubres, aux loyers exorbitants.

Cette situation fait naître des conditions qui nuisent au bon fonctionnement des collectivités, car les victimes de ces marchands de sommeil feront tôt ou tard appel aux offices HLM pour demander à être relogées dans des conditions décentes. Devant la situation inadmissible dans laquelle se trouvent ces personnes, leurs dossiers sont traités en priorité – et c’est là le nœud du problème. De fait, ces personnes sont remplacées dans les mêmes logements par d'autres personnes, qui demandent à leur tour aux mêmes offices HLM à être relogées. Il s’agit là d’une fraude, identifiée depuis longtemps.

Il importe de trouver sans délai un moyen de lutter contre ces pratiques. Par exemple, lorsqu'une collectivité ne fait pas son travail en ne demandant pas la fermeture de ces logements indignes ou insalubres, ce pouvoir devrait être donné au préfet.

Afin de compléter ces éventuels dispositifs, il conviendrait de durcir la répression à l'encontre des marchands de sommeil au moyen d'amendes importantes, voire de peines de prison, dissuasives. Je rappelle que, dans le département dont je suis élu, une famille entière est morte récemment dans l'incendie qui s'est déclaré en pleine nuit dans le logement insalubre qu'elle occupait. Les personnes peu scrupuleuses qui provoquent de telles situations doivent être mises hors d'état de nuire.

Que comptez-vous faire pour mettre fin dans les meilleurs délais à ce problème ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, vous avez été plus sincère en défendant l’insincérité du budget consacré à l’exclusion et à l’hébergement qu’en évoquant le sujet abordé par M. Wauquiez.

En préliminaire aux questions du groupe SRC, je tiens à recadrer les difficultés financières dont vous avez parlé. Si nul ne nie la crise financière que nous connaissons, il n'en reste pas moins que les difficultés rencontrées en matière de logement et dans la politique de la ville et de lutte contre l'exclusion sont la conséquence de plusieurs années de votre politique. Les marges de manœuvre dont vous disposez sont réduites par les choix qui ont été faits – comme les 400 millions d’euros imputables au dispositif Robien, qui a certes été modifié, mais trop tard. Ce dispositif, qui a représenté un effet d'aubaine, a en outre provoqué des catastrophes dans les stratégies de construction.

Il s’agit aussi des choix que vous faites aujourd'hui pour prendre en charge, malgré la crise, ceux qui connaissent des galères en matière de logement. Y a-t-il aujourd'hui moins de demandeurs de logement ou d'hébergement ? Y a-t-il moins de personnes sans abri ? Le droit au logement opposable est-il prêt à fonctionner, à quelques semaines de l'application du dispositif ? Le nombre de personnes expulsées a-t-il diminué ? Le nombre de personnes ayant réduit leur taux d’effort pour le logement a-t-il augmenté ? Le nombre de personnes dans l'incapacité de se loger a-t-il diminué ?

Le logement social est indispensable dans les territoires denses. La réponse à apporter à M. Wauquiez est qu’il faut loger tout le monde : c’est cela, la République !

La politique conduite ces dernières années fait face à un mur. Les rapporteurs, tout en préservant leur loyauté envers le Gouvernement, ont posé des questions sur lesquelles nous nous retrouvons tous depuis plusieurs années. Certaines situations doivent être corrigées – mais on ne peut pas les corriger ! En matière de construction, par exemple, quelle que soit la volonté des organismes sociaux, vaut-il la peine de s’engager dans un prêt locatif à usage social avec 600 euros, même si ce mécanisme déclenche d’autres avantages, comme le bénéfice des taux de TVA réduits ou de l’allégement de la fiscalité foncière ? La politique engagée par le Gouvernement a complètement désactivé l'aide de l'État à la pierre et est la cause du blocage que nous observons.

Sur le plan financier, vous ne faites pas les bons efforts. Nous verrons ainsi à la fin de l’année que le PTZ aura eu un effet d’aubaine pour certains investisseurs. Il fallait maintenir la stratégie consistant à utiliser ce prêt pour l'accession des personnes les plus modestes, sans créer cet effet d'aubaine. Face au montant de 1,3 milliard d’euros qui figure dans le budget de 2012 pour le prêt à taux zéro, il était légitime de se demander s'il fallait maintenir l'ouverture de ce taux.

Pour ce qui concerne la politique de la ville, nous refusons d’aborder la question d’un deuxième PNRU 2 s’il n'est pas d'abord confirmé que les opérations du PNRU 1 ont été financées jusqu'à leur terme. Le Parlement ne doit pas être placé dans une situation de mensonge. En effet l’État, qui devait consacrer 6 milliards d'euros au PNRU, ne lui a attribué que 900 millions d’euros. Les conditions de financement de ce plan doivent être mises sur la table, car ce sont les conditions de sa réussite.

Enfin, pour ce qui est de l’exclusion, se pose un vrai problème de sincérité budgétaire – que vous ne niez d’ailleurs pas. Pourquoi donc n'avons-nous pas introduit dès le budget de 2012 les 75 millions d'euros annoncés par le Premier ministre ?

Vous cultivez l’insincérité ! La première conséquence de cette insincérité est l'aléa dans lequel se trouvent les associations. Certaines d'entre elles sont en effet contraintes de licencier et plusieurs centres d'hébergement ne peuvent maintenir leurs activités car ils ignorent quels seront les modes de financement.

M. Yves Censi, président. J’invite les orateurs qui vont s’exprimer à respecter leur temps de parole…

M. Pierre Gosnat. Ce temps est trop court !

M. Yves Censi, président. C’est comme ça !

M. François Pupponi. Ce n’est pas parce que c’est comme ça que c’est bien !

M. Pierre Gosnat. Je me limiterai à une seule intervention pour les deux rapports. En effet, mon collègue François Asensi, qui devait s'exprimer sur les crédits de la ville, est retenu par un deuil familial.

Par ailleurs, la limitation du temps de parole de la représentation nationale à cinq minutes pour chaque groupe – même si cinq valent mieux que deux – est antidémocratique, et même ridicule si l’on se souvient que votre majorité prétendait revaloriser le rôle de l'Assemblée nationale.

M. Yves Censi, président. Cher collègue, votre groupe a accepté cette procédure et j'ai donc demandé qu'on ne la conteste pas à chaque prise de parole.

M. Pierre Gosnat. Je la conteste totalement ! Vous avez accepté cette règle, pas nous ! Notre porte-parole, M Roland Muzeau, a exprimé notre désaccord à M. le président de l’Assemblée nationale.

Considérant qu’avec 3,6 millions de personnes en situation de précarité en matière de logement, 1,3 million de demandeurs de logements sociaux et quelque 100 000 jugements d’expulsion prononcés chaque année, le logement et la politique de la ville concernent au plus près notre peuple, j'interviens dans ce débat sans autre limite de temps que l'intérêt de toutes ces personnes qui ne bénéficient pas du droit au logement, pourtant inscrit dans le préambule de la Constitution.

J'en viens maintenant à la mission « Ville et logement » et j'espère pouvoir aller au bout de mon propos – à défaut de quoi je considérerai qu’il y a censure.

Le budget de 2012 s'établit à 7,721 milliards d’euros, en augmentation de 89 milliards d'euros par le seul fait de l'explosion du nombre de bénéficiaires des aides à la personne. Depuis 2008, la part du budget qui leur est consacrée n'a cessé de croître. Ce phénomène traduit en réalité la dégradation inquiétante des conditions de vie de nos concitoyens. Véritable thermomètre social, l'accroissement du nombre de bénéficiaires des aides personnalisées au logement (APL) est une illustration concrète et tragique des conséquences de votre politique.

Malgré cette augmentation en trompe-l'oeil, le budget de 2012 est donc bel et bien en régression. Il ne s'en cache d'ailleurs pas, car on pouvait lire dans le « bleu » que « la mission “ Ville et logement ” participe à l'objectif de réduction des déficits publics. Notamment, conformément aux orientations gouvernementales visant la réduction des dépenses de fonctionnement de 13 % sur trois ans, la plupart des crédits concernés de la mission diminuent de 2,5 %, après une première diminution de 5 % réalisée en 2011 ».

Cela se vérifie dans les chiffres – et ne date d'ailleurs pas de 2011. Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, il n'est pas un budget qui n'ait été en baisse. Pour les aides à la pierre, la diminution a été de 330 millions d’euros en 2009, avec la fin du financement de l’ANRU, puis de 70 millions d'euros en 2010, de 110 millions d’euros en 2011 et de 51 millions d’euros en 2012. Pour la politique de la ville, elle a été de 351 millions d'euros en 2009, avec la fin du financement de l’ANAH, de 48 millions d'euros en 2010, de 84 millions d'euros en 2011 et de 76 millions d'euros en 2012.

Telle est, monsieur le ministre, la réalité de votre politique ! Le logement et la politique de la ville ne sont clairement pas la priorité de ce gouvernement. D'ailleurs, selon un sondage Nexity-Ipsos publié le 14 octobre, 61 % des Français considèrent que le Gouvernement ne fait pas assez en la matière.

Examinons maintenant de plus près le projet de loi de finances pour 2012.

Tout d'abord, il est plusieurs fois fait mention des crédits extérieurs finançant la politique du logement – investissements des collectivités locales, Action Logement ou taxe sur les bailleurs sociaux. Ces financements ne sont pas des crédits d'État et les parlementaires n'ont à ce titre aucun moyen de contrôle sur eux. Une question posée à M. le secrétaire d'État sur l’ANRU ou l’ANAH n’a d’ailleurs pas obtenu de réponse : nous ignorons tout des décisions qui seront prises.

À force de sous-financer la politique du logement, le Gouvernement dessaisit le Parlement de ses droits. Comment nous exprimer sur les crédits de l’ANAH ou de l’ANRU ? Ne s’agit-il pas, comme l'ont dénoncé nos partenaires sociaux, d'un détournement de fonds, voire d’un racket ?

Ainsi, le programme 135, « Développement et amélioration de l’offre de logement », enregistre une nouvelle baisse des aides à la pierre. Sur l'ensemble du programme, les autorisations d'engagement diminuent de 50 millions d'euros pour s'établir à 458 millions d'euros, et les crédits de paiement régressent de 147 millions d'euros pour s'établir à 322 millions. Cette baisse est incompréhensible à l'heure où les besoins en matière de logements sociaux sont criants. Il est cependant tout à fait significatif de noter que les objectifs de construction, quant à eux, ne varient pas et restent fixés à 120 000 unités – 22 500 PLA-I, 55 000 PLUS et 42 500 prêts locatifs sociaux (PLS).

Ce procédé est d'autant plus cynique que, cette année encore, les financements de l'État destiné aux PLUS et PLA-I régressent, comme cela a été rappelé : de 800 à 600 euros pour les PLUS et de 10 760 à 9 600 euros pour les PLA-I. Ces derniers avaient déjà baissé en 2011. En quelques années, la part de l'État dans le financement du logement social s'est effondrée, tombant à 4 %, sans que vous cessiez pour autant de magnifier votre politique.

Parallèlement au sous-financement chronique du logement social, les dispositifs fiscaux de subvention du logement privé spéculatif fleurissent – les 15 milliards d'euros de niches fiscales et le prêt à taux zéro ont déjà été évoqués. En fait, chaque logement privé coûte…

M. Yves Censi, président. Cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole…

M. Pierre Gosnat. Je ne l’ai pas dépassé !

M. Yves Censi, président. La limitation du temps de parole est un système qui a été défini en Conférence des présidents pour fixer les règles des commissions élargies. Il n’est pas question de contester ces règles, mais de les appliquer !

M. Pierre Gosnat. Je considère que c’est de la censure ! Il est inadmissible de laisser cinq minutes à chaque groupe pour évoquer un budget de plus de 7 milliards d’euros ! Je ne puis rester dans une assemblée où les députés n’ont pas le droit de parler plus de cinq minutes.

M. Yves Censi, président. La Conférence des présidents a décidé que les rapporteurs s'exprimeraient pendant cinq minutes et les orateurs pendant deux minutes, mais nous avons porté à cinq minutes le temps dont peuvent disposer les orateurs s'exprimant au nom de chaque groupe. Nous sommes essentiellement là pour écouter les réponses des ministres.

M. Pierre Gosnat. Puisqu’il en est ainsi, je m’en vais !

M. François Rochebloine. M. Francis Vercamer, qui devait prendre la parole au nom de notre groupe, ayant été retenu par d'autres obligations, je poserai dès maintenant, si vous le permettez, monsieur le président, la question que je prévoyais de poser dans la suite du débat.

La gouvernance des offices publics d’habitat a fait l’objet d’une réforme visant à moderniser leur fonctionnement et leur management en confortant le statut d’établissement public et le rattachement aux collectivités territoriales. Sachant que ces organismes publics contribuent pour une part très importante à la politique du logement dans notre pays, il convient de répondre aux préoccupations largement exprimées par nos concitoyens, qui sont attachés à une gestion de l’offre de logement social conforme aux principes républicains.

Il s’agit d’un sujet sensible, d’où l’exigence de procédures rigoureuses et d’un minimum de transparence. À cet égard, la composition des conseils d’administration n’est pas neutre si l’on considère qu’ils fixent les orientations et la conduite des politiques des offices publics d’habitat, tout comme les commissions d’attribution de logement.

Ayant constaté que, sur ce point, les textes en vigueur ne permettent pas d’atteindre les objectifs de transparence et de pluralisme, j’ai déposé une proposition de loi visant, d’une part, à ouvrir les conseils d’administration des offices à des représentants des oppositions locales et, d’autre part, à renforcer l’obligation d’information.

Sur ce point, il convient de souligner qu’actuellement les organes délibérant des collectivités territoriales auxquelles sont rattachés les offices ne disposent même pas d’un rapport annuel d’activité permettant de présenter la situation budgétaire, la politique des loyers, les investissements, etc. Or nul ne peut nier le rôle de ces organismes dans la vie locale. Renforcer le pluralisme, renforcer l’obligation d’informer : voilà deux propositions touchant à la démocratie locale qui n’alourdissent en aucune façon le fonctionnement des offices. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

M. Yves Censi, président. Je rappelle que chacun des intervenants ne disposera que de deux minutes pour poser sa question.

M. François Pupponi. Monsieur le président, informez le Bureau de notre mécontentement. Cette organisation est absurde : nos collègues débattent actuellement dans l’hémicycle de la péréquation en Île-de-France et au niveau national, mais nous ne pouvons participer à la discussion !

M. le président Serge Poignant. Cela relève de la Conférence des présidents et non du Bureau. C’est auprès de vos présidents de groupe qu’il faut manifester votre mécontentent.

M. François Pupponi. Je le répète, il est très compliqué pour nous de défendre nos amendements dans deux endroits différents.

Quant aux zones franches, le Gouvernement a annoncé qu’il les « prorogeait ». Le terme me paraît inexact : tel qu’il est rédigé, l’article 64 ne concerne en effet que les entreprises qui se créent…

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Non, vous faites une mauvaise interprétation de l’article.

M. François Pupponi. Monsieur le ministre, les entreprises actuellement en zone franche bénéficieront-elles de la prorogation ? Ce serait logique surtout pour celles qui sont implantées dans les territoires relevant de l’ANRU et classés zones urbaines sensibles (ZUS). Il serait bon que les commerçants et chefs d’entreprise, qui ont subi la rénovation urbaine du quartier pendant des années, puissent profiter d’une nouvelle ouverture de droits. À défaut, on pourrait parler de concurrence déloyale. Des amendements ont été déposés sur ce point. J’attends avec impatience de connaître l’avis du Gouvernement.

M. Jacques Alain Bénisti. Certes, il est primordial de mettre l’accent sur le logement, qui est l’une des principales préoccupations de nos concitoyens. Mais imposer à une ville comprenant déjà 35 % de logements sociaux d’en construire de nouveaux est une aberration. Je regrette que les budgets concernant plus spécifiquement l’humain soient en diminution, ou pour le moins réduits à une part congrue. On ne peut continuer à vouloir concentrer dans certaines villes toute la misère du monde sans prévoir de les accompagner dans leur politique d’insertion et d’intégration.

La cohésion sociale est un tout et les enjeux sont grands. S’il est vrai que nous devons tous participer à l’effort de réduction des coûts en ces temps de crise, certains territoires, qui sont de véritables poudrières, devraient être sanctuarisés. Mettre l’accent sur le bâtiment et l’environnement est indispensable, mais il ne faut pas négliger l’humain. Le discernement devrait être privilégié, certains secteurs méritant d’être consolidés et d’autres rationalisés.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de maintenir les efforts engagés sur les programmes touchant directement les CUCS et d’effectuer une répartition financière plus équitable. Voilà les deux pieds sur lesquels la cohésion sociale doit continuer d’avancer. Si le maire est le chef d’orchestre, il ne faut pas le priver des principaux instruments !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je vous interrogerai, monsieur le ministre, sur le programme 177.

L’hébergement d’urgence fait actuellement l’objet de plusieurs évaluations et j’ai l’honneur d’en corapporter une avec mon collègue de la majorité Arnaud Richard. Ce travail est mené conjointement avec la Cour des comptes. Certes, il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives de ces travaux, mais les chiffres que vous avez annoncés ne m’ont pas convaincue.

Je reviens sur les 75 millions d’euros : 35 pour 2011 et 40 pour 2012. Cela fait des années que nous entendons M. Pinte se plaindre de l’insincérité des budgets du programme 177, que les centres d’hébergement ne peuvent pas boucler leur budget, que les associations « galèrent » parce qu’elles ne savent jamais de combien elles vont disposer : les chiffres sont annoncés toujours trop tard.

La pauvreté augmente, tout comme le « sans-abriisme ». Vous promettez des places supplémentaires en cas de catastrophe cet hiver, mais le manque de places est chronique. Je ne nie pas que des structures aient été construites, elles ne sont cependant pas suffisantes. Du fait du chômage, de la pauvreté, des accidents de la vie, le nombre de sans-abri ne cesse en effet d’augmenter. Il est donc urgent de rendre ce budget plus sincère !

M. Claude Bodin. La loi DALO du 5 mars 2007 prévoit que toute personne qui effectue une demande de logement et qui n’a pas reçu de proposition adaptée à sa demande, c’est-à-dire tenant compte de ses besoins et capacités, peut saisir une commission de médiation dans son département au titre du droit au logement opposable. Lorsque cette commission considère que la demande est prioritaire et qu’un logement doit lui être attribué en urgence, elle transmet cette demande au préfet qui dispose d’un délai de trois à six mois, selon les départements, pour faire des propositions de logement adaptées aux besoins et capacités du demandeur.

L’application de cette loi s’accompagne malheureusement d’effets pervers pointés du doigt par de nombreux maires de mon département, et plus largement d’Île-de-France. Ils ont constaté que, lorsqu’un logement social devient vacant, il est aussitôt attribué par la préfecture à une personne relevant des critères de la loi DALO. De ce fait, l’équilibre social disparaît peu à peu, laissant la place à un phénomène de ghettoïsation, de paupérisation des logements sociaux, qui regroupent désormais de plus en plus de personnes ayant des problèmes d’intégration.

Ce phénomène est amplifié par la mise en œuvre, depuis le 1er janvier 2009, du supplément de loyer de solidarité, obligatoire pour tout locataire dépassant de plus de 20 % les plafonds de ressources fixés pour l’attribution d’un logement social. Cette disposition résulte de l’application de la loi portant engagement national pour le logement de juillet 2006, qui vise à instaurer une équité de traitement au sein du parc social locatif, grâce à l’instauration d’un surloyer qui varie en fonction du niveau de ressources des locataires. À la suite d’une augmentation de leur revenu fiscal, qui leur fait franchir un palier, de nombreux locataires se voient ainsi obligés d’acquitter un surloyer, qui accroît de façon disproportionnée leur loyer au regard de la hausse de leurs revenus. Dans ces conditions, beaucoup d’entre eux préfèrent déménager, accentuant de la sorte les effets collatéraux de la loi DALO.

Les conséquences issues de l’application de ces deux lois réduisent quasiment à néant la politique de mixité sociale menée depuis de nombreuses années par les communes, et portent atteinte à l’équilibre sociologique des villes.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?

Mme Frédérique Massat. L’actualité dramatique de ces derniers jours montre que le Gouvernement n’a pas pris les mesures qui s’imposaient en matière d’hébergement d’urgence.

Le budget d’affichage apparemment stable cache une autre réalité budgétaire. Faute de moyens, le secteur associatif est incapable de mener à bien ses missions alors même que la demande ne cesse de croître. Plus de 280 personnes sont mortes l’année dernière dans la rue, et les centres d’hébergement sont confrontés à des situations catastrophiques qui vont à l’encontre de l’article 4 de la loi DALO, aux termes duquel nul ne peut quitter un centre d’hébergement sans bénéficier d’une solution de logement ou d’accompagnement dans un cadre adapté. Ainsi le droit au logement et à l’hébergement social est-il quotidiennement bafoué en France.

Dans le même temps, les dépenses fiscales connaissent une hausse de 3,9 %. De nombreux dispositifs ont été mis en place. Mais la plupart sont inutiles puisqu’ils ne profitent qu’à une faible part de la population – 10 % des plus riches.

Monsieur le ministre, alors que les associations d’hébergement d’urgence réclament de plus en plus de logements sociaux, pourquoi maintenez-vous ces dispositifs fiscaux qui vous empêchent de mener à bien une véritable politique du logement et, de ce fait, accentuent les problèmes sociaux dans des territoires déjà précarisés par le chômage ?

Mme Cécile Dumoulin. Le projet de loi de finances prévoit la prolongation du dispositif des ZFU qui devait prendre fin le 31 décembre 2011. Cela confirme l’intérêt que le Gouvernement porte à ces zones qui ont permis la création d’emplois, la dynamisation commerciale et le maintien de certaines activités, notamment médicales, dans nos quartiers – élue de Mantes-la-Jolie, je peux en témoigner.

Toutefois, le dispositif a été modifié et appelle certaines interrogations. Si je souscris tout à fait à la volonté du Gouvernement d’augmenter le niveau d’emploi des habitants de ces zones où le taux de chômage est plus important qu’ailleurs, je crains que la nouvelle clause d’embauche ne soit pénalisante. Si le dispositif est trop contraignant, il n’aboutira pas aux effets recherchés car, sans entreprise, il n’y aura pas d’emploi.

Monsieur le ministre quelles mesures comptez-vous prendre afin que cette clause soit une opportunité, et non un frein ?

De même, le maintien du plafond des exonérations de charges sociales aux rémunérations inférieures à deux fois le SMIC ne semble pas donner un bon signal car seuls les emplois peu qualifiés sont réservés aux habitants de ZUS. Ne pourrait-on pas maintenir l’exonération pour la partie inférieure à 1,4 % du SMIC, quel que soit le niveau de rémunération ?

Enfin, je m’interroge sur la sortie du dispositif pour les commerçants et les associations. La suppression des exonérations de charges sociales débouchent en effet souvent sur des licenciements. Peut-être faudrait-il envisager un dispositif plus pérenne. Qu’en pensez-vous ?

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le secrétaire d’État, l’inquiétude d’Action Logement persiste, l’équilibre économique étant remis en cause à terme. Permettez-moi une suggestion : ne serait-il pas opportun de contractualiser avec Action Logement la répartition des fonds ? Cela permettrait d’éviter qu’un certain nombre d’entreprises ne s’organisent individuellement pour fournir un logement à leurs salariés. Il est urgent de travailler à cette contractualisation et de les faire participer à l’orientation des fonds.

M. Alain Ferry. Depuis 2005, les personnes âgées faisant des dépenses d’installation ou de remplacement d’un équipement de l’habitation principale pour l’adapter au vieillissement peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sans conditions d’âge ou de ressources. Cette mesure, dont le coût budgétaire s’élève à 32,5 millions d’euros, n’a bénéficié qu’aux contribuables les plus riches. C’est une niche fiscale inefficace. Les contribuables non imposables sont également concernés, mais peu le savent.

Pour donner un véritable élan au dispositif, il pourrait être intéressant de le faire évoluer et de mieux l’encadrer. Nous pourrions ainsi fixer des conditions d’éligibilité aux bénéficiaires : conditions de ressources – reprendre par exemple celles de l’ANAH – et d’âge.

En parallèle et pour promouvoir une solidarité intergénérationelle plus active, nous pourrions envisager d’offrir la possibilité d’accorder cet avantage fiscal aux enfants ou neveux qui financent les travaux de la propriété de leurs parents. Ainsi, à périmètre budgétaire constant de 32 millions d’euros, ce dispositif jouerait vraiment son rôle d’outil de solidarité nationale pour un plus grand nombre de bénéficiaires. Il accompagnerait aussi la prévention de la dépendance en repoussant l’entrée en établissement. Enfin, il contribuerait à soutenir l’activité des entreprises artisanales.

S’agissant de la dotation pour le parc HLM 2011, une enveloppe régionale alsacienne avait été fixée à 7,680 millions d’euros. Elle avait été conditionnée à la mise en œuvre d’un programme de travaux dans les zones les plus tendues. Les acteurs du logement des collectivités locales et les délégataires des aides à la pierre ont tout mis en œuvre pour répondre aux objectifs fixés. Des agréments ont été accordés aux bailleurs pour une concrétisation rapide. Or nous venons d’être informés que l’enveloppe alsacienne était passée à 6,650 millions d’euros, mettant ainsi en difficulté les délégataires pour lesquels les opérations sont d’ores et déjà engagées.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Monsieur Le Bouillonnec, je le répète, le programme national de rénovation urbaine est financé et sera financé jusqu’à son terme. C’est un engagement du Premier ministre.

Le conseil interministériel des villes m’a confié la mission, le 18 février dernier, de tirer les leçons du PNRU 1, mis en œuvre en 2004 et dont les effets sur le terrain se sont fait sentir en 2008 et 2009. C’est pour contrecarrer cette force d’inertie que le Premier ministre m’a demandé de travailler à la préparation du PNRU 2. Mais nous irons au bout du PNRU 1, qui sera intégralement financé. Les engagements de l’État seront respectés.

Monsieur Pupponi, vous faites une confusion. L’article 64 modifie l’article 44 octies A du code général des impôts. Donc tout ce qui ne figure pas dans l’article 64 demeure inchangé. Tel est le cas des activités existantes implantées ou transférées. En séance publique, je serai par conséquent amené à vous demander de retirer vos amendements qui n’apportent rien.

Je vous renvoie à l’article 44 octies relatif aux contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines. Il prévoit que, lorsque l’activité non sédentaire d’un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais exercée en tout ou partie en dehors des zones franches urbaines, l’exonération s’applique notamment si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent. Ces dispositions ne sont pas modifiées, monsieur Pupponi.

M. François Pupponi. Nous parlons des entreprises implantées dans ces quartiers depuis 2001 et qui ont bénéficié des conditions de la zone franche. Tel ne sera plus le cas dans le cadre de la prorogation du dispositif !

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Mais si ! Le dispositif est en vigueur jusqu’en 2014 pour ces entreprises. En outre, il y a bien un dispositif de sortie, madame Dumoulin.

Je maintiens donc que le dispositif des zones franches est prorogé, mais il n’y aura pas d’extension géographique.

Quelle sera la géographie prioritaire de la politique de la ville ? Cette question de fond fera l’objet de débats pendant les campagnes électorales à venir.

Monsieur Bénisti, je consolide les CUCS. J’ai donné des instructions très claires au directeur général de l’ACSé pour qu’il favorise l’échelon local. On maintient donc les CUCS en essayant d’être le plus équitable possible dans les enveloppes. J’avais pris l’engagement le 1er février dernier de me battre pour faire en sorte que les crédits de l’ACSé votés en décembre – ce sera le 15 décembre prochain pour cet exercice budgétaire – soient délégués à tous les préfets dans les départements concernés dès le début de l’année n + 1. Tel est bien le cas et c’est la première fois depuis vingt ans. Ces crédits ne servent plus aux associations à payer à la banque les agios de la subvention de l’année n – 1, ce qui est une petite révolution.

Aujourd’hui, de 80 à 90 % des crédits sont délégués. J’ai tenu mon engagement et je remercie l’ACSé et les préfets pour leur excellent travail. Si des difficultés persistent ici ou là, je suis à votre entière disposition pour les résoudre. Cela étant, certains maires ont parfois souhaité renégocier des avenants. La concertation locale s’est alors exercée pleinement.

M. Jacques Alain Bénisti. Ma question portait davantage sur les critères d’attribution. On ne fait pas de distinction aujourd’hui entre villes pauvres et villes riches.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Cela relève de la révision de la géographie prioritaire. Il faut pour cela attendre 2014.

M. Jacques Alain Bénisti. Les collectivités ne tiendront pas !

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Je vous renvoie au rapport très instructif que m’a remis Bernadette Malgorn. Il montre que, grâce à la politique menée, les quartiers connaissant des difficultés sur le plan de la cohésion sociale ont pu bénéficier d’un certain nombre d’acquis. Il ne s’agit pas seulement de rénovation urbaine.

Notre modèle républicain d’intégration n’a pas que des ratés et des manquements. Le rapport de l’ONZUS le montre particulièrement bien, lui aussi.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Monsieur Mothron, pour accélérer les opérations de lutte contre les marchands de sommeil, une proposition de loi déposée par M. Sébastien Huyghe propose un outil, qui me paraît intéressant : il s’agit de permettre aux maires – et aussi aux préfets – d’infliger à ceux-ci des amendes allant de 50 à 500 euros par jour tant que les travaux d’office ne sont pas réalisés.

Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, cette proposition de loi est aujourd’hui déposée sur le Bureau du Sénat. Je ne peux que vous inviter, les uns et les autres, à appuyer son inscription à l’ordre du jour de celui-ci.

Monsieur Le Bouillonnec, vous voulez supprimer les tranches 9 et 10 du PTZ. Mais pouvez-vous nous expliquer comment on peut être trop riche pour avoir droit à l’aide que représente le PTZ pour devenir propriétaire tout en étant éligible à l’accès à un HLM ? Vous ne voulez pas aider des locataires en HLM à devenir propriétaires parce qu’ils seraient déjà trop riches !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vous qui avez fixé les règles !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Le coût du PTZ n’est pas de 1,3 milliard d'euros par an. Vous parlez du passé. La dépense inscrite en 2012 correspond à une dépense de génération. Mais, et nous le savons, vous avez du mal avec cette notion. M. François Hollande n’arrive toujours pas à comprendre que les 12 000 postes qu’il veut créer pendant cinq ans correspondent à une dépense, non pas de 2,5 milliards, mais de 7,5 milliards d'euros.

Le calcul à faire pour le PTZ ou pour le dispositif Scellier doit être le même : il faut cumuler année après année le coût des actions conduites.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes d’accord !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. C’est pour cela que l’État continue à payer pour le dispositif Robien, et que la charge du dispositif Scellier va beaucoup augmenter dans les années futures alors même que ses montants ont diminué.

Le 1,3 milliard d'euros correspond donc au PTZ ancien et non au PTZ actuel.

Grâce à la réforme de l’accession à la propriété que nous avons élaborée, nous allons, avec 1,6 milliard d'euros d’économies par génération, pouvoir faire passer de 200 000 à 400 000, soit un doublement, le nombre de personnes que nous allons aider à devenir propriétaires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est faux !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Monsieur Gosnat, nous avons diminué les aides à la pierre, et je l’assume. Mais pour autant, le nombre de logements sociaux construits a-t-il diminué ? Non ! De grâce, jugez-nous sur les résultats…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce ne sont pas les vôtres !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. …des politiques que nous menons. Ces résultats indiquent bien qu’en diminuant la dépense publique de logement social consacrée à l’aide à la pierre, nous arrivons à accroître le nombre de logements sociaux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas vrai !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Cela signifie bien que, dans le passé, il y a eu des effets d’aubaine, et que nous pouvons conduire une politique aussi efficace qu’auparavant, permettant la construction du même nombre de logement sociaux, avec moins d’argent public. C’est effectivement le modèle économique nouveau que nous appelons de nos vœux. À nous de corriger les effets d’aubaine par une politique qui sera moins coûteuse sans perdre en efficacité. C’est ce que nous avons fait avec le PTZ et c’est ce que nous montrons très clairement avec le logement social.

Monsieur Gosnat, 45 % du 1,3 million de demandeurs de logement sociaux occupent déjà un logement social.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sont des mal-logés !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Par ailleurs, il n’est pas vrai que l’État ne financerait plus que 4 % du logement social. Je le répète, si l’on considère que les aides fiscales dont bénéficie le logement social sont inutiles, il faut nous le dire. On ne peut pas nous reprocher les dépenses fiscales induites par le dispositif Scellier et oublier les dépenses fiscales consacrées au logement social ! En cumulant les dépenses budgétaires et les dépenses fiscales, on aboutit à une part de l’État dans le financement du logement social de 40 %, et non de 4 % !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous dépensez quatre fois plus pour le dispositif Scellier que pour le logement social !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Monsieur Rochebloine, l’objectif premier de la réforme des conseils d’administration des offices d’HLM était d’y faire apparaître des vraies majorités, de façon à leur donner les moyens d’assurer un pilotage efficace. Bien évidemment, une évaluation de la réforme sera conduite. Nous examinerons ensemble s’il convient de faire bouger tel ou tel curseur, notamment pour instaurer une représentation de l’opposition.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais elle y participe déjà !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. L’obligation d’élaborer un rapport annuel retraçant l’ensemble de la politique, et de le présenter au conseil municipal, pourrait être une idée intéressante. Il semble qu’aujourd’hui l’élaboration de tels rapports n’aient pas lieu dans toutes les communes.

M. François Rochebloine. En tout cas pas dans ma ville, Saint-Chamond, qui compte 35 000 habitants.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Mme Hoffman-Rispal, les structures d’hébergement n’ont pas pour objet d’accueillir des chômeurs, ni de se substituer à l’insuffisance du nombre de logements sociaux. Ce type d’hébergement a pour objet l’accueil de personnes en très grande fragilité, souvent victimes d’affections psychiatriques sévères ou encore de dépendances très fortes. Les orienter vers l’accueil de personnes au chômage, voire en fin de droits, et qui n’arrivent pas à trouver de logement serait la marque d’un échec collectif.

C’est bien la raison pour laquelle, avec l’ensemble du monde associatif, nous avons mis en place une nouvelle stratégie, « Le logement d’abord », pour accélérer les sorties des structures d’hébergement vers le logement.

À ce titre, je regrette que certaines collectivités locales, et certains bailleurs sociaux – je pourrais citer Paris Habitat et la RIVP (Régie immobilière de la Ville de Paris) – refusent de signer les conventions d’utilité sociale parce qu’à travers celles-ci l’État souhaite leur imposer un taux de 7,5 % de sorties d’un dispositif d’hébergement. Paris Habitat et la RIVP sont les deux seuls bailleurs sociaux d’Île-de-France à refuser de signer des engagements avec l’État pour le relogement des publics relevant de la loi DALO et de celui sortant de structures d’hébergement !

Donner des leçons de morale n’empêche pas d’appliquer dans sa politique au quotidien les actions que l’on prône. Vu les exemples permanents qu’elle nous donne, la Ville de Paris pourrait signer les CUS.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Combien de logements ont-ils été construits à Paris cette année ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Trois mille, sur 6 000 financés. Beaucoup de ces logements, vous le savez, sont issus d’acquisitions et de réhabilitations.

Je rappelle aussi que la Ville de Paris bénéficie de 20 % du total national des aides à la pierre, pour 5 % du nombre de logements sociaux réalisés.

Monsieur Bodin, vous avez raison d’évoquer le risque de recréation de ghettos via l’application de la loi DALO. C’est pour cette raison que nous avons souhaité signer avec les bailleurs sociaux des conventions pour reloger les personnes pouvant se prévaloir de cette loi en dehors des zones urbaines sensibles. Malheureusement, un tiers seulement de ces bailleurs ont accepté de signer.

L’État a l’obligation de reloger les publics relevant de la loi DALO. Pour ce faire, nous utilisons en effet le contingent préfectoral, dont j’ai entrepris la reconquête à cette fin. Si nous ne l’utilisons pas, comment pourrons-nous reloger ces personnes ?

Pour autant, je comprends les réserves de ceux qui s’inquiètent d’une proportion trop importante de publics relevant de la loi DALO au sein du contingent préfectoral. Pour éviter cet écueil, il nous faut passer un engagement avec les collectivités locales qui le souhaitent pour reloger ces publics dans les communes dont ils sont originaires. Si chaque commune d’Île-de-France les relogeait chez elle – en accord avec l’État, les difficultés de l’application de la loi DALO dans cette région serait réglé.

M. François Pupponi. Les pauvres chez les pauvres !

M. Claude Bodin. La vraie difficulté réside dans la conjonction de la loi DALO et des surloyers. On remplace des personnes dont les revenus sont considérés comme trop élevés par des personnes relevant de la loi DALO.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. C’est bien pour éviter les ghettos que vous évoquez que nous avons souhaité proposer aux bailleurs sociaux des conventions visant à ne pas reloger les personnes relevant de la loi DALO dans les zones urbaines sensibles. Je regrette, une fois de plus, qu’un tiers seulement des bailleurs sociaux ait accepté de les signer.

Je ne partage pas votre analyse sur les surloyers de solidarité (SLS). La somme du loyer et du surloyer est limitées à 25 % des revenus des titulaires de l’appartement HLM. En zone A, les revenus à partir desquels s’applique le SLS sont supérieurs à 5 000 euros par mois. Qu’un foyer logé en HLM et percevant de tels revenus paie un surloyer ne me paraît pas particulièrement choquant. Même en Île-de-France, mis à part à Paris, il me semble qu’un foyer percevant de tels revenus est en mesure de se loger dans le privé.

Madame Massat, qui considère que nous ponctionnons les pauvres et donnons tout aux riches et nous reproche les niches fiscales consacrées au logement, devrait nous préciser lesquelles de ces niches il faudrait supprimer : la TVA à 5,5 %, les exonérations d’impôt sur les sociétés dont bénéficie le logement social ? Il est facile de dénoncer des politiques sans aller jusqu’au bout de sa propre logique. Si elle était décidée, la suppression de la dépense fiscale coûterait très cher au logement HLM.

Monsieur Ferry, le projet de loi de finances prolonge de trois ans le crédit d’impôt sur les travaux de mise en accessibilité des logements, qui devait cesser fin 2011. Une discussion sur la modification des curseurs pourrait avoir lieu en séance en séance publique.

Les crédits destinés à l’Alsace sont en effet passé de 7,6 à 6,6 millions d'euros. Ce différentiel de 1 million d'euros doit être comparé aux 2 millions d’euros de reliquat figurant dans les comptes des délégataires d’aide à la pierre. Il ne me paraît donc pas illogique, pour pouvoir redistribuer aux régions, qui en ont besoin, ces fonds non utilisés, de récupérer 1 million d’euros.

Enfin, accrus des 2 millions d’euros de reliquat,les 6,6 millions d'euros permettront à l’Alsace de réaliser des objectifs supérieurs de 113 % aux engagements qui avaient été pris. C’est une nouvelle démonstration qu’il est possible de faire plus avec un peu moins de crédits.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le ministre de la ville, dans les zones urbaines sensibles, 43 % des jeunes actifs et 37 % des jeunes actives sont au chômage. Dans le journal Le Monde d’hier vous prétendez que la République, malgré ses défauts, ne laisse pas les gens de côté. Ces jeunes ne sont-ils pas au contraire en droit de penser qu’ils sont abandonnés par votre gouvernement ? Avec un budget pour les actions de revitalisation économique et de l’emploi en baisse de 77 millions d’euros, que comptez-vous faire, dès maintenant en non pas en 2014, pour agir concrètement pour l’emploi dans nos quartiers ?

Monsieur le secrétaire d’État au logement, comment construire lorsque les bailleurs sociaux peinent à boucler leur opérations en raison d’aides à la pierre en diminution permanente – avec 450 millions d'euros, leur baisse en 2012 sera de 13,2 % ? Alors que le logement social est un maillon indispensable et un investissement d’avenir, vous êtes en train de lui couper les vivres : dévoiement des fonds collectés par le Livret  A vers un autre usage, interruption en mai dernier de la distribution de l’écoprêt, qui avait pour objet la rénovation de 800 000 logements d’ici à 2020. Les fonds propres des organismes HLM ne pourront pas éternellement compenser cette érosion, surtout s’ils sont « siphonnés » par l’État. En dix ans, parallèlement au désengagement de l’État, la contribution des collectivités locales à la réalisation de logements sociaux a été multipliée par cinq. Force est de constater que, sans un soutien fort de l’État, la construction de logement sociaux fléchira. Comment comptez-vous concrètement, au regard du budget dont vous disposez, accroître le nombre de logements sociaux construits ou rénovés et tenir ainsi vos engagements ?

M. Daniel Goldberg. Dès l’origine du projet Grand Paris, l’État s’était engagé à y consacrer un montant de 4 millions d'euros. Les ministres successifs ont confirmé ce montant. Bien évidemment, il ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2012. Qu’en est-il exactement ?

Lors de la discussion du projet de loi sur le Grand Paris, un sujet essentiel avait été débattu : la construction de 70 000 logements en Île-de-France. Notre collègue Étienne Pinte était intervenu avec force à ce sujet. Or, j’ai cru comprendre que, pour financer partiellement cette obligation prévue par la loi, notre rapporteur général, Gilles Carrez, avait annoncé la création d’un fonds doté de 80 millions d'euros environ obtenus par prélèvement sur les droits de mutation et destinés aux seules villes dotées d’un contrat de développement territorial. Monsieur le ministre, pouvez nous nous éclairer sur ce point majeur, alors que 400 000 familles sont en attente d’un logement social en Île-de-France ?

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons avec vous une divergence récurrente. Qui doit avoir accès au logement social ? L’ensemble de la société, comme vous nous l’avez dit ? Les plus pauvres ? Pour nous, ce sont tout simplement ceux qui se trouvent en dessous d’un certain plafond de revenu. Cette définition nous semble permettre une certaine stabilité dans les quartiers.

La grande différence entre vos propos sur les niches fiscales et nos propositions est que, pour nous, les niches fiscales doivent avoir pour objet l’intérêt collectif. Au contraire, les niches fiscales destinées notamment à l’investissement dans le dispositif Scellier profitent aux intérêts privés !

Les niches fiscales ont vocation à servir l’intérêt collectif, alors que le dispositif Scellier sert les intérêts privés !

Je reprendrai aussi bien les propos de certains de nos collègues sur la ghettoïsation que l’analyse de M. Bodin sur les effets croisés de certains dispositifs. Alors que le ministre de la ville nous indique que les quartiers populaires participent à la richesse nationale et au développement du pays, les choix opérés depuis dix ans en matière de construction de logements sociaux aboutissent à la poursuite de la concentration des logements sociaux dans certaines communes, tandis que, dans d’autres, leur nombre ne s’accroît pas.

M. Laurent Hénart. La loi de décentralisation de 2004 avait prévu la possibilité de délégations sur cinq ans de l’ensemble des crédits de l’État consacrés à la construction et à l’aide à la pierre – l’idée étant de favoriser des politiques cohérentes à l’échelle des bassins de vie.

Messieurs les ministres, vous savez à quel point, pour des opérations de grande ampleur, il est délicat de ne pas s’inscrire dans une démarche globale – par exemple de ne pas faire appel à des bailleurs sociaux à côté du CROUS, ou de ne pas gérer l’ensemble des opérations lorsqu’il s’agit, en rénovation urbaine, de reloger les populations des quartiers prioritaires.

Quel suivi de ces mesures de délégation effectuez-vous ? Ne pensez-vous pas que, pour répondre à nombre des difficultés évoquées, leur relance serait nécessaire ? Certes, cela peut être difficile lorsque les communautés d’agglomération ne sont pas outillées pour élaborer et rendre efficace un programme local de l’habitat. Il reste que, sur des questions comme l’accroissement du logement social étudiant – problématique que vous avez lancée, monsieur le secrétaire d’État –, qui n’est pas encore satisfaisant, ou la poursuite d’une politique de mixité sociale, le développement de la délégation quinquennale des aides de l’État en matière de logement est prioritaire.

M. William Dumas. Les crédits du programme 135  « Développement et amélioration de l’offre de logement » inscrits au projet de loi de finances pour 2012 sont en diminution de 136 millions d'euros par rapport à ceux de 2011. Cela représente une baisse de 30 %, alors que 160 millions d'euros seront consacrés, sous forme d’exonération fiscale, à l’investissement locatif, par le biais du dispositif Scellier, dont bien des observateurs s’accordent à souligner l’insuffisance des contreparties sociales. Il est très regrettable que la politique du logement social, qui devrait être l’une de nos priorités, soit ainsi amputée.

Les crédits de paiement consacrés à l’amélioration du parc locatif social sont en baisse de 60 millions d'euros alors que la programmation prévoit un nombre identique de logement sociaux concernés. Je m’interroge donc sur la réalisation de l’objectif.

Enfin, les crédits destinés à l’Agence nationale de l’habitat étant en légère baisse, je crains que ceux qui sont destinés à la lutte contre l’habitat indigne ne diminuent également, alors que vous nous aviez dit l’an dernier en avoir fait une priorité.

M. Jean-Michel Villaumé. J’ai bien entendu les propos rassurants de M. le ministre sur les contrats urbains de cohésion sociale – quelque peu en opposition avec ceux de notre collègue Goulard, qui veut, en en supprimant l’accès, faire preuve de courage politique.

Il reste que, si les crédits sont maintenus pour les banlieues des grandes villes, ceux destinés aux villes moyennes – celles de 10 000 ou 20 000 habitants – ont notablement diminué. Ainsi, ceux destinés à la commune dont je suis le maire ont baissé l’an dernier de 38 %. Autrement dit, le financement de notre programme de cohésion sociale a perdu 50 000 euros. Toute une série de dispositifs de lien social, que nous avons mis en œuvre depuis des années dans les ZUS en liaison avec les associations et les acteurs sociaux, ont été fragilisés, à un moment où la population connaît des difficultés liées à la précarisation – je pense notamment au taux de chômage considérable des jeunes. Les associations d’insertion, d’accompagnement vers l’emploi, de prévention et de lutte en faveur de la santé sont également touchées.

Monsieur le ministre, le budget prévu pour 2012 peut-il nous rassurer ? Allez-vous rééquilibrer les enveloppes au profit des villes petites et moyennes où se trouvent également des quartiers sensibles de 700 à plus de 1 000 logements, que le budget de 2011 a fragilisées ?

M. Marc Goua. J’ai entendu de la part de certains collègues des propos tels que : « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », « Haro sur l’État », « Haro sur l’administration », et presque « Vive la Grèce » !

Ne faut-il pas se limiter dans la provocation ? Qui peut mieux que l’État assurer la péréquation ainsi que la protection des plus faibles ? Oui à la concentration, comme nous l’a proposé notre collègue Goulard. Mais non à la diminution des fonds. Les besoins des quartiers en faveur de l’emploi, des jeunes et des budgets des associations sont énormes.

Personne ne nie que le contexte soit difficile. Contrairement à l’an dernier, où j’avais protesté contre la baisse des crédits, je donne aujourd’hui un satisfecit pour le maintien de l’enveloppe destinée à la politique de la ville, même si la répartition entre villes a pu évoluer.

Monsieur le ministre, chaque année – c’est une demande des préfectures –, les collectivités doivent présenter à leurs conseils un état de la ventilation des crédits de la dotation de solidarité urbaine. Il s’agit donc, sinon d’un fléchage proprement dit, au moins d’une présentation a posteriori.

Vous avez exposé votre satisfaction d’avoir pu en déléguer les fonds en temps et en heure. Pourriez-vous travailler à ce qu’il en soit de même pour la dotation de développement urbain, qui n’a vu en général ses fonds affectés qu’en août et septembre, au lieu de février ?

Il semble qu’un amendement vise, pour faire des économies sur les collectivités locales, à gagner 200 millions d'euros sur les contributions de l’État en direction des personnes les plus en difficulté, notamment dans le secteur du logement social. Vous engagez-vous à vous opposer à cette proposition ?

M. Christophe Sirugue. Monsieur le secrétaire d’État, deux lignes du programme 177, notamment celles qui concernent la prévention de l’exclusion, voient leurs crédits diminuer de 11 %. Les cibles sont clairement identifiables : les points d’accueil et d’écoute jeunes, les allocations et aides pour les personnes âgées et les personnes handicapées, et surtout les aides en direction des gens du voyage. Or des programmes départementaux sont en cours. Cette baisse est notamment inquiétante pour la gestion des aires d’accueil. Les collectivités locales seront-elles livrées à elles-mêmes, alors que les financements relèvent de l’État ?

S’agissant de l’aide alimentaire, M. Pinte a justement observé que la somme inscrite était insuffisante par rapport aux coûts constatés l’an dernier – 28,4 millions d’euros l’an dernier contre 22,6 millions inscrits. S’ajoute à cela l’incertitude qui pèse sur le programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD). Rien n’est prévu pour le cas où les 60 à 65 millions d’euros que nous touchons généralement de l’Europe ne seraient pas au rendez-vous. Comment entendez-vous accompagner les associations qui se retrouveraient alors dans une situation dramatique, notamment en ce qui concerne l’aide alimentaire ?

M. François Brottes. Que M. Censi me permette de lui rappeler qu’en Conférence des présidents, où je siège parfois, les décisions sont prises à la majorité. L’opposition est donc bien souvent mise devant le fait accompli, y compris sur les modalités d’organisation de nos réunions.

Je voudrais faire part de mon indignation devant la suspension par le Gouvernement de l’agrément de la Confédération nationale du logement (CNL) pour siéger au Conseil national de la consommation (CNC). Vous n’y êtes certes pour rien, monsieur le secrétaire d’État, mais c’est un scandale.

Nous évoquons régulièrement, dans cette instance comme en Commission des affaires économiques, l’accession à la propriété des personnes qui ne disposent pas de hauts revenus. Nous avons ainsi travaillé sur l’accession sociale à la propriété sous forme d’autopromotion et d’autoconstruction, en habitat groupé, avec la création de coopératives de propriétaires. Pour avoir expérimenté ce dispositif sur le terrain, je puis vous dire qu’il est juridiquement impossible à mettre en œuvre. Auriez-vous une solution à nous proposer pour sortir de l’ornière ? Dès lors qu’ils peuvent bénéficier de prêts aidés en matière d’accession sociale, ces projets peuvent en effet permettre à un certain nombre de personnes de sortir du logement locatif HLM classique.

Ma dernière question portera sur la possibilité de « verrouiller » les clauses anti-spéculatives. Lorsque les collectivités ou la puissance publique apportent leur soutien à une opération d’accession sociale, les contrats d’acquisition peuvent prévoir des clauses anti-spéculatives. Mais quelle est la valeur constitutionnelle de ce dispositif au regard du droit de propriété ? Nous serions intéressés d’avoir votre avis sur ce point.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Permettez-moi quelques observations sur les surloyers, dont j’ai toujours ardemment défendu le principe.

Le taux d’effort maximum de 25 % que l’on peut demander au locataire ne correspond pas au surloyer, mais au total – surloyer et loyer. C’est ce total qui ne peut excéder 25 % des ressources de la famille. Nous avons entendu citer quelques exemples parisiens où le surloyer s’élèverait à 1 000 euros. Cela signifie que, même si le loyer acquitté jusque-là était de 500 euros, les revenus de la personne ou de la famille concernée doivent atteindre au minimum quatre fois 1 500 euros, soit 6 000 euros. À ce niveau-là, ne peut-on supporter un surloyer ?

Je rappelle d’autre part que l’obligation de quitter les lieux s’applique dans un délai de six ans, et seulement à certaines conditions. Je me bornerai à un exemple : pour pouvoir imposer à une famille avec deux enfants de quitter un logement soumis à surloyer, il faut que ses revenus dépassent 9 000 euros par mois. Est-il indécent de penser qu’à ce niveau de revenus, on peut se tourner vers le parc privé et faire place à des gens dont les ressources sont infiniment moindres ?

Notre débat avait permis à un certain consensus de s’établir. Je maintiens que le surloyer reste tout à fait raisonnable – c’est le moins que l’on puisse dire.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Si j’ai fait cette réponse à la demande d’entretien qui m’était adressée à la suite du rapport de l’ONZUS, madame Robin-Rodrigo, c’est parce que nous savons tous, quelles que soient nos convictions politiques, que les quartiers populaires subissent plus fortement les crises. Nul ne s’étonne donc que le taux de chômage puisse être plus élevé que la moyenne nationale dans les quartiers, y compris sous des gouvernements de gauche. Il faut donc rester prudent dans ses déclarations. Pour ma part, je garde trace de toutes les miennes – peut-être aurons-nous l’occasion d’en reparler un jour.

S’il existait des recettes miracle, cela se saurait. Nous le savons, la situation de l’emploi dans les quartiers est difficile. C’est pourquoi Xavier Bertrand met en œuvre une politique de l’emploi plus territorialisée. Ainsi, 15 000 contrats d’autonomie – un dispositif efficace, qui débouche sur 42 % de sorties positives – sont prévus pour les quartiers difficiles. Il y a donc bien une politique de l’emploi en direction de ces quartiers. Nous concentrons également nos efforts sur l’emploi dans les 33 CUCS que nous expérimentons. Mais, je le répète encore une fois, l’emploi ne se décrète pas !

Que M. Goldberg, qui suit de près le dossier du Grand Paris, soit rassuré, les moyens de la société du Grand Paris sont suffisants par rapport à ses besoins. Il sait par ailleurs mieux que personne que les 4 milliards qu’il a évoqués font l’objet d’un engagement de l’État à partir de 2014. Le plan de financement de l’État – qui englobe les crédits relatifs au plan de mobilisation pour les transports, inscrits au budget du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement –, mais aussi de la région, figure du reste en annexe de l’accord que j’ai signé le 26 janvier avec le président de la région Île-de-France, Jean-Paul Huchon. Tous les financements sont donc au rendez-vous. Je tiens à saluer le travail de votre rapporteur général Gilles Carrez, mais aussi de Jean-Yves Le Bouillonnec, qui a beaucoup contribué à Paris Métropole, avec Jacques JP Martin et Patrick Braouezec, qui en deviendra prochainement le président et ne pouvait être là ce matin. Tous les élus d’Île-de-France qui s’intéressent au projet du Grand Paris savent que la société du Grand Paris n’a pas de difficultés de financement, et que tous les engagements pris ont été tenus. Je reste bien entendu à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

Jean-Michel Villaumé a posé une vraie question, que son collègue Jean Dionis du Séjour évoque souvent devant la Commission des affaires économiques : celle des villes moyennes. Je dis souvent qu’en matière de politique de la ville, certains lieux demandent l’intervention de Canadair, tandis que d’autres ont besoin d’extincteurs, mais que, si l’on n’utilise pas d’extincteurs, on aura besoin de Canadair. Bref, vous prêchez un convaincu. La rénovation urbaine est souvent plus difficile à conduire dans les villes moyennes que dans les grandes villes, y compris en termes d’ingénierie. Car il faut le redire, le génie de Jean-Louis Borloo dans cette affaire de rénovation urbaine ne tient pas seulement aux crédits, mais aussi à l’ingénierie, même si les 12 milliards d’euros vont générer environ 43 milliards d’euros de travaux – qui sont aussi des emplois pour nos quartiers, madame Robin-Rodrigo, avec des clauses d’insertion. Les entreprises de BTP de vos circonscriptions vous diront mieux que tous les experts ce que la rénovation urbaine apporte à nos départements et à nos villes en termes de développement économique. Je veillerai donc à faire en sorte que les villes moyennes continuent d’être éligibles aux CUCS.

Sans esprit de polémique et en toute amitié, je crois pouvoir à M. Villaumé qu’il offre l’exemple typique de ce que j’évoquais dans mon propos introductif. Il déplore une diminution de 50 000 euros sur le CUCS…

M. Jean-Michel Villaumé. Vous allez me parler de la DSU !

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Donnez-nous donc son montant et sa progression sur les dix dernières années. C’est un tout : nous sommes dans une politique globale.

Lorsqu’il présidait la Commission des finances du Sénat, Christian Poncelet aimait à raconter l’anecdote suivante : il produisait de l’alcool de mirabelle à partir des fruits des mirabelliers de son jardin, et ses enfants venaient chaque année le voir pour s’approvisionner en alcool de mirabelle. Une année, les mirabelliers ont gelé ; mais les enfants ont exigé leurs « acquis sociaux », autrement dit l’alcool de mirabelle auquel ils avaient droit. Comment faire ?...

Avez-vous remarqué que les recettes de l’État ont diminué de 22 %, et que malgré cette diminution, les dotations aux collectivités ont progressé ?

Reconnaissez donc que, si vous avez eu 50 000 euros de moins sur le CUCS, ce n’est pas le cas sur la DSU ! Votre collègue Marc Goua pourrait d’ailleurs vous dire que si son CUCS a diminué de 14 %, sa DSU a augmenté de 52 % en dix ans ! Reprenez donc tous les éléments de la politique de la ville, qui est aussi, comme l’a fort bien dit Michel Piron, la politique « des » villes, et mettez en regard les financements des CUCS et ceux de la DSU !

Non, monsieur Goua, les crédits de la DSU ne sont pas fléchés. Regardons les choses en face : un maire peut parfaitement les utiliser pour financer les pots de fleurs de son centre-ville. Cela ne l’empêchera pas de remettre un beau rapport au préfet – quand il est fait.

Pierre Méhaignerie et François Goulard ont raison : il faudra bien un jour poser la question de l’efficacité de toutes ces interventions et ces aides. Soyons honnêtes : nous avons tous des exemples, dans nos départements respectifs, d’endroits où il faudrait avoir ce courage, précisément pour pouvoir « mettre le paquet » là où le besoin s’en fait sentir. Les débats de la campagne présidentielle devraient en offrir l’occasion. Nous n’aurons d’ailleurs pas d’autre choix.

Ce n’était pas rien d’obtenir les délégations aux préfets et la mise en œuvre effective des financements. C’est chose faite, et les bonnes pratiques se diffuseront, pour le plus grand bénéfice des associations qui œuvrent sur le terrain.

Je réponds enfin – ce que j’avais omis de faire tout à l’heure – à Cécile Dumoulin sur la clause emploi des zones franches urbaines. Là encore, ayons le courage de dire que la ZFU est un dispositif de politique de l’emploi. Je ne doute d’ailleurs pas que Mme Robin-Rodrigo, qui appelle de ses vœux une politique de l’emploi efficace, votera l’article 64, qui propose non seulement de proroger ce dispositif, mais aussi de faire en sorte qu’un emploi sur deux – et non plus sur trois – soit issu du quartier. Le vote ne manquera pas d’être instructif !

M. Yves Censi, président. Je vous remercie d’avoir rappelé le contexte de raréfaction de la ressource publique en ces temps de discussion budgétaire.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Vous vous demandez comment on peut faire plus de logements avec moins d’aides à la pierre, madame Robin-Rodrigo. C’est pourtant ce que nous faisons depuis plusieurs années. Si vous vous inquiétez pour les fonds propres des bailleurs sociaux, n’hésitez pas à essayer avec moi de les convaincre de développer la vente de logements HLM, afin de leur permettre de reconstituer leurs fonds propres pour en construire de nouveaux. J’avoue n’avoir jamais compris en quoi il serait préférable d’être locataire d’un logement HLM plutôt que propriétaire du même logement.

Vous nous avez interrogés sur le logement dans le Grand Paris, monsieur Goldberg. Vous citez l’objectif de 70 000 logements à construire. Nous en sommes aujourd’hui à 42 000. Il nous faut donc développer fortement la production de logements en Île-de-France, là où se situe le cœur du problème, et ce tous types de logements confondus. Quant aux idées évoquées par Gilles Carrez, ce sont en effet des pistes de travail, qui sont en cours de discussion. Je précise que l’idée n’est pas de réserver la péréquation DMTO aux seuls CDT. Ceci étant, les décisions ne sont pas encore prises.

Vous avez relancé le débat sur le logement locatif social qui, dites-vous, répond à l’intérêt général. Dois-je comprendre que la propriété n’est pas l’intérêt général, que le logement locatif privé n’est pas l’intérêt général ? Il me semble que la production de l’ensemble des logements correspondant aux besoins des Français, c’est l’intérêt général, et qu’en fonction du type de production et des sorties de loyer, nous devons aider plus ou moins – et donc aider davantage le logement social que le logement privé, ce que nous faisons.

Je rappelle une fois de plus qu’il ne sert à rien de comparer la dépense fiscale et la dépense budgétaire : soit on compare toutes les dépenses fiscales et toutes les dépenses budgétaires, soit on se contente de comparer les seules dépenses budgétaires – et il n’y en a pas pour le logement locatif privé.

Laurent Hénart m’a interrogé sur les premières délégations de l’aide à la pierre. Selon les premières analyses dont nous disposons, celles-ci fonctionnent bien : elles nous ont permis de développer la production de logements sur notre territoire, en rassemblant dans une seule main l’ensemble des décisions. Le taux de délégation est de 50 % sur le logement social, de 80 % sur l’ANAH. Je ne dispose pas des chiffres qu’il demande concernant le logement étudiant. Je reste comme lui convaincu qu’il faudra essayer d’inclure certaines institutions très atypiques, qui mènent leur propre politique en la matière – je pense bien sûr aux CROUS.

Monsieur Goua, je crois comprendre que vous souhaitez exonérer les collectivités locales de l’effort d’économie. Vous souhaitez donc qu’il pèse exclusivement sur les particuliers et les entreprises. Je m’étonne que l’on puisse défendre cette position.

En ce qui concerne les gens du voyage, le montant unitaire de l’aide – 132,45 euros par mois – reste le même. C’est l’enveloppe globale qui diminue, pour la simple raison qu’il y a moins de personnes dans les aires d’accueil.

De même, les crédits de l’aide alimentaire ne diminuent pas, ou presque – moins 100 000 euros. Reste le problème du PEAD. Si nous allions au bout de la réforme aujourd’hui préconisée par six pays, nous passerions de 72 à 15 millions d’euros pour la France, ce qui serait un drame pour les associations et ceux qu’elles soutiennent. C’est pourquoi le Premier ministre et le ministre de l’agriculture continuent de se battre sur ce front. Nous espérons toujours parvenir à infléchir la position d’un des six pays concernés à l’occasion du prochain Conseil des ministres de l’agriculture, qui doit se tenir en novembre. Rappelons qu’il s’agit bien de la position de six États, et non de la Commission européenne, laquelle partage notre point de vue.

S’agissant du « scandale » dénoncé par M. Brottes, je rappelle que le droit prévoit que l’avis du procureur de la République concerné doit être demandé pour donner l’agrément à la CNL pour ester en justice afin de défendre les consommateurs. En l’espèce, cet avis a été négatif : le procureur de la République a considéré que la CNL était également financée par des entreprises et que, pour ce motif, il lui était difficile d’ester en justice au nom de la défense du consommateur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elle n’est pas la seule dans ce cas : toutes le sont !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Je n’ai pas à juger du bien-fondé de cette décision de justice, qu’il appartient au Gouvernement de respecter…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas une décision de justice, mais un avis !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement. Le ministère du logement continue de financer la CNL à la même hauteur que l’an dernier.

Des études ont été conduites en ce qui concerne l’accession sociale à la propriété et l’autoconstruction. Mes services m’ont fait part de difficultés liées notamment au partage des risques, y compris sur le capital, qui pourraient faire le lit de copropriétés dégradées. Quoi qu’il en soit, je suis prêt à essayer d’avancer.

Nous pourrions examiner ensemble la question des clauses anti-spéculatives, et peut-être saisir le Conseil d’État pour voir si un problème de constitutionnalité se pose effectivement.

M. Yves Censi, président. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous remercions pour votre concision et la précision de vos réponses.

La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures dix.

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