Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux de la session > Compte rendu intégral de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 23 juillet 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Marie Le Guen

1. Rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Discussion générale

Mme Martine Billard

M. Francis Vercamer

M. Benoist Apparu

M. Alain Vidalies

M. Christophe Sirugue

Texte de la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

2. Droits et devoirs des demandeurs d’emploi

Discussion générale

Mme Valérie Rosso-Debord

M. Jean-Patrick Gille

Mme Martine Billard

M. Francis Vercamer

Mme Danièle Hoffman-Rispal

Mme Catherine Lemorton

Texte de la commission mixte paritaire

Explication de vote

M. Michel Issindou

Vote sur l'ensemble

3. Clôture de la session extraordinaire

Présidence de M. Jean-Marie Le Guen,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Rénovation de la démocratie sociale
et réforme du temps de travail

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 1092).

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a adopté ce matin les dispositions restant en discussion du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail avec quelques modifications par rapport au texte issu du Sénat.

Je rappellerai ce qu’ont été, dans les grandes lignes, les résultats des travaux du Sénat, avant d’en venir aux modifications d’ajustement qui ont été adoptées ce matin par la commission mixte paritaire.

D’abord, et ce n’est pas une surprise, le Sénat n’a modifié ni l’architecture ni l’esprit de ce texte. Ses trois principales interventions ont porté sur les articles 1er, 8 et 17.

En première lecture, l’Assemblée nationale avait réintroduit, dans l’article 1er du titre Ier, la mention et le détail de la notion de valeurs républicaines, en adoptant un amendement qu’avait notamment défendu notre collègue Martine Billard, ici présente. Cet amendement reprenait ainsi le texte de la position commune, lui-même issu des négociations entre les représentants de la fonction publique et l’État qui s’étaient tenues dans le cadre de la réforme des statuts de la fonction publique.

Vous vous souvenez du débat dont cet amendement avait fait l’objet dans cet hémicycle. J’avais demandé à l’Assemblée de le repousser, non pas en raison d’un désaccord sur le fond, sur le contenu de ces valeurs, mais parce que j’avais considéré – et l’Assemblée m’en avait donné acte – que l’inventaire de ces valeurs tel qu’il figurait dans l’amendement, et donc dans le texte de la position commune, était trop restrictif par rapport à ce qu’il est convenu d’entendre par l’expression « valeurs républicaines », dont l’acception est beaucoup plus large que ce qui nous était proposé.

Au Sénat, un amendement de Mme David avait été adopté contre l’avis du rapporteur du Sénat. Ce matin, la commission mixte paritaire, sur ma proposition, jointe à celle d’Alain Gournac, rapporteur du texte au Sénat, a rétabli le texte initial de l’Assemblée nationale.

Sur le même article 1er, vous vous souvenez du débat assez fourni que nous avions eu sur un adverbe, le fameux « notamment », qui avait alimenté quelques conversations sur ces bancs, lesquelles n’allaient d’ailleurs pas sans une certaine forme de sourire. Je vois d’ailleurs M. Vidalies qui sourit à nouveau.

Le débat portait sur l’appréciation de l’influence des syndicats et sur la manière de l’évaluer. La formulation initiale proposée par le Gouvernement prévoyait que cette influence devait être appréciée en fonction de l’expérience et de l’activité de ces syndicats. Soucieux de ne pas lier le juge par l’appréciation de ces deux seuls critères, à l’exclusion de tout autre, j’avais souhaité inscrire que cette appréciation pouvait se faire « notamment » en fonction de ces deux éléments. Cela me fut, à l’époque, reproché, et en partie à bon droit, je le reconnais volontiers.

Le Sénat avait purement et simplement supprimé cet adverbe. Ce matin, en commission mixte paritaire, notre discussion m’a conduit à proposer l’introduction d’un autre adverbe, « prioritairement », qui semble en effet plus adapté. Ainsi, le juge pourra considérer d’autres éléments que ceux qui figurent dans le texte adopté par le Sénat, afin d’élargir son jugement et prendre notamment en compte, ainsi que le souhaitaient certaines organisations syndicales, le résultat des élections prud’homales dans l’appréciation de l’influence des organisations représentatives.

Voilà pour les modifications de l’article 1er proposées par la commission mixte paritaire.

Deuxièmement, toujours dans le titre Ier du projet de loi, l’article 8 adopté par notre assemblée modifiait le titre III du livre Ier de la deuxième partie du code du travail. Dans ce titre III, le Sénat a souhaité supprimer la section 3 du chapitre V.

Cette section 3 avait fait l’objet dans cet hémicycle d’un débat relativement fourni, qui portait, je vous le rappelle, sur le financement du dialogue social et la contribution des entreprises.

La suppression de cette section a été proposée au Sénat par notre collègue Philippe Dominati, sénateur de Paris, et ce, je dois le dire, à ma grande surprise, puisque la justification de son amendement consistait à dire que le dialogue social n’est pas une priorité dans les petites et moyennes entreprises et dans les très petites entreprises.

Je remercie, depuis cette tribune, le sénateur Gournac d’avoir remis les pendules à l’heure et d’avoir expliqué qu’en fait, le dialogue social était une priorité de tous les instants. Néanmoins, et contre l’avis de son rapporteur, le Sénat a adopté cet amendement tendant à la suppression de la section 3. Je n’ai pas souhaité la rétablir en CMP ce matin, même si, de nouveau depuis cette tribune, je regrette infiniment que les dispositions à mon sens équilibrées que nous avions adoptées en première lecture n’aient pas été maintenues.

En effet, je rappelle, premièrement, que le texte que nous avions adopté n’obligeait personne à payer une contribution de 0,15 % de la masse salariale pour financer le dialogue social. Deuxièmement, ce texte prévoyait que les entreprises avaient un an pour se mettre d’accord sur les modalités de ce financement. Troisièmement, elles pouvaient le faire en retenant le mode de financement de leur choix.

Je regrette donc que cette section 3 ait été supprimée. J’ai bien entendu, monsieur le ministre, que, lors des débats au Sénat, vous aviez pris l’engagement d’étendre l’accord UPA…

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. En octobre au plus tard.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. …au mois d’octobre prochain. J’attends donc avec impatience d’observer les réactions de ceux qui ont souhaité la suppression de cette section. Parce que nous aboutirons, de ce fait, à une situation que beaucoup de ceux qui souhaitaient cette suppression n’avait sans doute pas voulue. Mais la vie est ainsi faite.

Voilà pour ce qui concerne le titre Ier.

S’agissant du titre II, consacré au temps de travail, ni le Sénat ni la commission mixte paritaire n’ont apporté de modification notable. Je signale, quand même, que le Sénat a souhaité récrire totalement l’article 17, afin de renverser l’ordre des facteurs et de poser comme un dénominateur commun les dispositions concernant les modalités de signature des contrats en forfait jours pour les cadres et les salariés autonomes. Je pense que cette formulation se tient. Je n’ai pas souhaité, ce matin, proposer qu’elle soit modifiée, et ce en accord avec mon collègue du Sénat.

Au total, la commission mixte paritaire a examiné dix-neuf amendements, dont la plupart étaient rédactionnels ou de cohérence, à l’exception de ceux que je viens de mentionner.

Enfin, et pour la bonne forme, nous sommes saisis, mes chers collègues d’un amendement du Gouvernement sur le texte de la CMP. Je dirai tout à l’heure combien il me semble nécessaire. C’est un amendement de cohérence, portant sur un point qui avait échappé à la vigilance de votre rapporteur. Je le soutiendrai donc tout à l’heure, monsieur le ministre, car j’en comprends la signification.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Merci de votre confiance.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le texte de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, avec ce texte, nous rénovons notre démocratie sociale. C’est un dialogue social plus fort, plus riche, plus présent qui pourra donc se développer dans les entreprises.

Nous donnons corps à une politique contractuelle renforcée, avec une véritable participation de tous les acteurs de l’entreprise à la détermination de leurs conditions d’emploi et de travail.

Trois axes essentiels, dans la première partie de ce texte : la démocratie, la négociation et la transparence.

Désormais, ce sont les salariés, et eux seuls, qui décideront qui est habilité à négocier en leur nom. Les syndicats puiseront leur légitimité dans l’audience électorale qu’ils auront dans l’entreprise, et même les délégués syndicaux devront avoir personnellement recueilli au moins 10 % des voix aux élections professionnelles.

C’est un changement considérable, sans précédent depuis l’après-guerre, dans les règles de négociation collective.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adapté les dispositions du code qui nécessitaient de l’être du fait de la nouvelle donne créée par les nouvelles règles de représentativité. Les salariés des entreprises sous-traitantes ne voteront pas dans deux entreprises différentes – ils voteront bien, mais pas dans deux entreprises différentes –, et ils seront pris en compte de manière plus opérationnelle dans l’électorat dès lors qu’ils appartiennent à la communauté de travail.

Ce texte élargit également les possibilités de négocier. On pourra plus facilement négocier avec des représentants du personnel ou des salariés mandatés par un syndicat lorsqu’il n’y a pas de délégué syndical dans l’entreprise.

L’Assemblée nationale a complété le texte en permettant à un représentant de section syndicale de négocier un accord dans certains cas, lorsqu’il n’existe pas de délégué syndical. Toutes les entreprises auront donc une possibilité pour négocier.

Une négociation va même intervenir pour permettre la mesure de la représentativité pour les 4 millions de salariés qui, jusqu’alors, travaillant dans de très petites entreprises, n’avaient pas de représentants du personnel. L’Assemblée et le Sénat ont fixé une date butoir, le 30 juin 2009, pour cette négociation, qui sera suivie d’une loi.

S’agissant de la transparence, les comptes des organisations syndicales de salariés et d’employeurs seront certifiés et publiés. L’Assemblée nationale a gradué dans le temps, entre 2009 et 2012, en fonction des niveaux, l’entrée en vigueur des obligations en matière de certification des comptes des syndicats.

Dans la seconde partie du texte, trois axes essentiels également : plus de choix pour les salariés, plus d’espace à la négociation collective et, surtout, des règles plus simples, notamment pour sortir des 35 heures imposées, qui empêchaient de redonner de la souplesse et de la liberté de choix.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

Mme Pascale Gruny. Merci, monsieur le ministre !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Nous mettons fin à la « machine à compliquer » qui voulait créer, à chaque fois, une nouvelle disposition légale pour couvrir toutes les situations, sans bien sûr y parvenir. Comme si toutes les entreprises de France se ressemblaient, comme si leur taille était la même, comme si leur secteur était le même !

Plus de choix, donc, pour les salariés. Dès l’entrée en vigueur du texte, le salarié qui le souhaite pourra faire des heures supplémentaires sans être bloqué par le contingent, après que l’entreprise aura consulté les représentants du personnel.

Le cadre qui veut travailler au-delà du forfait annuel en jours prévu pourra le faire par accord écrit, avec son employeur, avec une majoration de salaire d’au moins 10 %, qui est pérennisée. L’Assemblée nationale a fixé un plafond en jours. Ce plafond de 235 jours ne remplace pas celui de 218 jours. C’est un plafond qui permettra, à défaut de précisions contraires d’un accord, de garantir notamment – nous y tenons – le repos de deux jours par semaine en moyenne. Et les jours fériés resteront fériés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine Billard. Mais pas payés !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le 14 juillet restera un jour férié. Le 15 août également, tout comme le jour de Noël, ainsi que le 1er janvier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Bien évidemment, la liste que je vous livre n’a aucun caractère exhaustif, si tant est qu’il y ait des esprits malins dans cette assemblée, ce ne que je ne peux imaginer une seconde. (Sourires.)

Mme Pascale Gruny. Certainement pas !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Et le Sénat a précisé, si cela était nécessaire, que ce plafond tenait compte des jours fériés chômés dans l’entreprise, qui, encore une fois, le resteront.

Toutes ces dispositions sont plus protectrices que la situation actuelle, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), où le cadre peut travailler jusqu’à 282 jours sans qu’une rémunération majorée lui soit durablement garantie.

M. Christian Eckert. Il ne faut pas exagérer !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je sais pouvoir compter sur le soutien de tous les parlementaires, d’après les propos que j’ai cru entendre.

L’Assemblée nationale a aussi rénové les règles de fonctionnement du compte épargne temps, notamment à l’initiative de Pierre Morange.

Il y a plus de choix pour les salariés, mais également plus d’espace pour la négociation d’entreprise. C’est au niveau de l’entreprise, celui où les décisions s’appliquent directement, que les règles d’aménagement du temps de travail seront fixées.

Le Sénat a maintenu en vigueur les accords de temps choisi en 2009. L’Assemblée nationale a élargi le champ de la négociation collective en rénovant aussi les règles régissant le compte épargne temps.

Le Sénat a accru les droits des salariés à congés payés, puisque ceux-ci auront un droit à congés payés dès dix jours de travail, contre un mois auparavant. Je tenais à le souligner.

Je crois qu’au bout du compte nous avons fixé un cadre efficace, avec, surtout, des règles plus simples. Nous sommes passés dans le code du travail en ce qui concerne la durée du travail de soixante-treize à trente-quatre articles.

Nous rendons enfin le droit du travail moins complexe. Il y aura une garantie supplémentaire : pour modifier les choses, il faudra un accord des représentants du personnel, de syndicats totalisant au moins 30 % des salariés. C’est une clé essentielle pour apporter les garanties nécessaires aux salariés dans notre pays.

Le Sénat a amélioré les modalités d’application du nouveau mode unique d’aménagement négocié du temps de travail, qui remplace cinq modes différents pour les salariés à temps partiel, lesquels pourront maintenant être concernés.

Ce texte change considérablement la donne en matière de négociation collective : il accorde plus de légitimité aux acteurs et leur offre plus d’espace pour leur permettre de s’exprimer. Ce sont donc maintenant les acteurs de l’entreprise qui donneront toute sa portée à ce texte.

Mesdames, messieurs les députés, vous allez voter un texte historique, …

Mme Martine Billard. Pour être historique, ce texte est historique !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. … qui va modifier notre droit du travail et qui permettra de donner des garanties, que la loi apporte et que, bien évidemment, les accords dans l’entreprise apportent. Car nous croyons au dialogue social. Il y a la loi, mais il y a aussi l’accord collectif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais préalablement souligner que le fait de disposer des textes de CMP au moment où nous entrons en séance ne me semble pas la meilleure façon de revaloriser le rôle du Parlement.

Ce texte sur le temps de travail, examiné au milieu du mois de juillet, est une régression sociale majeure !

M. Benoist Apparu. Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

Mme Martine Billard. Et le tour de passe-passe du Gouvernement pour raccrocher les éléments liés à la durée du travail à ceux réformant les critères de la représentativité syndicale issus de la position commune entre le MEDEF, la CGPME, la CGT et la CDFT ne peut faire oublier qu’il s’agit d’un passage en force.

Alors que le paysage syndical restait figé par l’arrêté de 1966, nous considérons comme positif que les critères de représentativité au niveau national et dans les branches s’appuient désormais sur des résultats électoraux, à savoir l’agrégation des résultats des élections professionnelles d’entreprise.

Mais la démocratie sociale restera tronquée, notamment dans les petites entreprises, tant que les élections professionnelles ne seront pas rétablies tous les deux ans, comme cela se faisait avant le fameux cavalier législatif voté en 2005.

De plus, la majorité a introduit un dispositif totalement étranger à la position commune concernant la situation des salariés détachés des entreprises quant au processus d’élections des représentants du personnel et des comités d’entreprise, au risque d’entraîner dans certains cas la suppression d’institutions représentatives du personnel par suite du nouveau décompte que vous avez introduit. Il est pourtant important que tous les salariés des sous-traitants puissent voter dans les entreprises utilisatrices puisque c’est là que se jouent leurs conditions de travail et leur sécurité.

Par ailleurs, le mode de validation des accords collectifs reste insatisfaisant, notamment au niveau de l’entreprise puisqu’il n’est toujours pas question de majorité d’engagement pour signer un accord collectif, mais seulement d’une représentation de 30 % des salariés, et le principe de « majorité d’opposition » est faussé puisqu’il ne s’évalue qu’à partir des organisations syndicales jugées représentatives dans l’entreprise, c’est-à-dire celles qui auront recueilli au moins 10 % des suffrages.

Désormais, au sein des entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de section syndicale, un simple délégué du personnel, non mandaté par un syndicat, pourra signer un accord collectif, y compris sur le temps de travail, selon les dispositions de la seconde partie, scélérate, de ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela nous promet, dans les petites entreprises, une floraison de délégués du personnel promus par les patrons d’ici au 31 décembre 2009, date butoir de renégociation obligatoire des accords sur le temps de travail et sur les périodes d’essai.

Nous prenons acte de l’adoption par le Sénat, et donc dans le texte de la CMP, d’un amendement que j’avais défendu au nom des députés Verts devant notre assemblée, concernant la possibilité pour le syndicat actuellement majoritaire chez les journalistes de continuer à être considéré comme représentatif dans cette profession bien que n’étant pas affilié à une organisation syndicale interprofessionnelle répondant aux critères de représentativité au niveau national.

Je regrette que notre rapporteur n’ait pas suivi en CMP la proposition d’introduire la précision relative aux valeurs républicaines.

En outre, nous ne pouvons que relever le double discours de la majorité en ce qui concerne la transposition dans la loi d’accords nationaux interprofessionnels, avec la suppression, lors du passage au Sénat d’éléments transposant l’accord UPA sur le financement du dialogue social. Rien d’étonnant ! Nous avions tous reçu, fin juin, la lettre du MEDEF, demandant que soit retirée de l’article 8 la section 3 du chapitre V. Selon que vous avez ou non l’assentiment des riches et puissants, la majorité n’écrit pas la loi sur les relations du travail de la même façon. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ne dites pas cela !

Mme Martine Billard. La partie portant sur le temps de travail rassemble contre elle l’unanimité des organisations syndicales de salariés, qu’elles aient ou non signé ladite position commune.

Cette loi est assurément un coup dur porté à la santé et la sécurité au travail de tous les salariés de notre pays. En un an, depuis juillet 2007, c’est déjà la troisième loi portant sur le temps de travail, sans parler des remises en cause permanentes de la précédente législature ! Le disque de l’UMP sur les prétendus méfaits des 35 heures commence cependant à être rayé depuis 2002, tant vous niez ce que les lois Aubry sur la réduction du temps de travail ont pu apporter de positif pour les loisirs (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

Mme Pascale Gruny. Cela rapporte à la France !

Mme Martine Billard. … qui sont aussi une branche de notre économie marchande, comme le tourisme et le bricolage, pour l’engagement bénévole dans le monde associatif – humanitaire, sportif ou culturel – ou tout simplement pour la vie de famille.

Par ailleurs, il est bien présomptueux de penser qu’il suffise de remettre en cause les 35 heures pour sauver des emplois, comme nous le montre amèrement l’exemple des usines du groupe volailler Doux Père Dodu. Le site de Locminé, dans le Morbihan, a été pionnier, en 2004, dans le chantage au renoncement des RTT, sous prétexte de sauver l’emploi, avant que la mesure ne soit étendue aux dix-huit autres sites de France de cette entreprise.

Aujourd’hui, Locminé fait partie des deux sites fermés par l’entreprise Doux, qui délocalise une partie de sa production vers le Brésil.

M. Benoist Apparu. Vous ne pouvez pas faire une généralité d’un seul cas !

Mme Martine Billard. Sur l’autre site fermé, au Châtelet, dans le Cher, des familles entières disent avoir travaillé de onze à treize heures par jour, avec des heures supplémentaires non déclarées, pour « sauver l’entreprise ». Aujourd’hui, ces salariés se retrouvent sans emploi, avec un plan de reclassement pour seulement 274 salariés sur 629 emplois touchés !

Il serait temps d’arrêter de décliner votre discours anti-RTT à toutes les sauces ! Plus personne ne peut y croire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous ne vous contentez pas de tirer un trait sur les 35 heures : vous revenez à l’époque d’avant la loi sur les 40 heures de 1936 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Benoist Apparu. Un peu plus et on faisait travailler les enfants la nuit !

Mme Martine Billard. Ce n’est pas possible : il y a heureusement les textes européens pour vous en empêcher !

Le maintien des 35 heures comme durée légale hebdomadaire ne sert plus qu’à fixer le seuil de déclenchement du calcul et du paiement des heures supplémentaires, à condition de ne pas avoir un contrat de travail fonctionnant au forfait – en heures ou en jours.

Il est vrai que le MEDEF demandait l’abrogation pure et simple de la référence légale aux 35 heures, mais le discours « travailler plus pour gagner plus » n’aurait alors plus fonctionné.

M. Benoist Apparu. C’est donc qu’il fonctionne !

Mme Martine Billard. Dorénavant, le nombre d’heures supplémentaires autorisées n’est plus fixé par décret mais par négociation, entreprise par entreprise, voire établissement par établissement. La loi supprime l’information de l’inspecteur du travail pour effectuer les heures supplémentaires dans le contingent, ainsi que l’autorisation administrative pour les heures supplémentaires effectuées au-delà. Et toutes les avancées obtenues pendant des décennies pour garantir le même niveau de protection quels que soient le secteur ou la taille de l’entreprise, à travers les conventions collectives et accords de branche étendus, sont remises en cause. Place au dumping social ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pourtant, vous avez essayé, monsieur le ministre, tout au long du débat sur ce texte, d’en cacher les pires dispositions, vous rendant bien compte qu’entre « assouplir les 35 heures » et revenir aux 48 heures du début du XXe siècle, il y avait un abîme que peu de salariés étaient prêts à franchir.

Vous avez cherché à dissimuler la banalisation de la semaine de 48 heures. Il s’agit d’une limite hebdomadaire fixée par les textes européens. Le code du travail français ne permet que 44 heures en moyenne sur 12 semaines – soit, par exemple, 6 semaines à 48 heures et 6 semaines à 40 heures sur 12 semaines consécutives.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est un petit peu exagéré !

Mme Martine Billard. Cela permet donc un total de 24 semaines à 48 heures dans l’année.

M. Benoist Apparu. Bientôt, c’est la mine !

Mme Martine Billard. Et cela ne concerne pas les conventions de forfait.

Désormais , « la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois », selon la nouvelle rédaction de l’article L. 3121-38.

Monsieur le ministre, vous avez cherché à cacher la fin des repos compensateurs obligatoires. Ainsi, le repos compensateur obligatoire pour raison de santé au delà de la quarante et unième heure de travail disparaît et le repos compensateur ne se déclenchera dorénavant qu’au-delà du contingent d’heures supplémentaires négocié dans l’entreprise. Il suffit de fixer ce contingent au nombre maximal d’heures supplémentaires pour qu’il n’y ait plus de repos compensateur.

La loi supprime la comptabilisation des repos compensateurs comme du temps de travail effectif. Cela n’a l’air de rien et c’est un peu passé inaperçu par rapport à d’autres dispositions. Pourtant, cela a des conséquences négatives dans le décompte des indemnités journalières, les indemnisations ASSEDIC ou les droits à la retraite.

Pour les cadres au forfait jours, vous continuez de nier les conséquences de l’augmentation du nombre de jours travaillés, notamment sur les jours fériés. Cependant, monsieur le ministre, contrairement aux propos que vous avez tenus au Sénat, le code du travail ne fixe pas uniquement le 1er mai comme jour férié. En effet, l’article L. 3133-1 énumère bien les onze jours fériés possibles. Est renvoyé aux conventions collectives le point de savoir si ces jours, en dehors du 1er mai, sont chômés, donc non travaillés, et surtout s’ils sont payés lorsqu’ils sont non travaillés.

Or, avec ces 235 jours travaillés, les jours fériés ne peuvent pas être non travaillés et payés. Les salariés au forfait jours devront donc bien récupérer les jours fériés chômés, soit en travaillant le samedi, soit en les prenant sur leurs jours de congé.

Mme Pascale Gruny. L’explication n’est pas facile !

Mme Martine Billard. C’est très simple, et il suffit d’avoir travaillé dans une entreprise pour le comprendre.

Contrairement à vos propos, monsieur le ministre, le fait que la convention puisse aller jusqu’à 282 jours est une nouveauté, puisque, précédemment, le principe d’un accord de forfait jours était d’offrir, en contrepartie, des jours de réduction du temps de travail. Ce qui supposait, avec le respect des jours fériés, de ne quasiment pas dépasser les 218 jours travaillés.

À défaut d’accord, le nombre sera fixé par décret à 235 jours, soit 17 jours travaillés de plus. Cela fait donc disparaître les jours de réduction du temps de travail, mais aussi tous les jours fériés, chômés et payés, à l’exception du 1er mai ! Le Gouvernement joue sur les mots quand il dit que les jours fériés chômés ne sont pas remis en cause. Effectivement, les jours fériés chômés seront toujours possibles ; il suffira de les récupérer. Mais les jours fériés chômés payés ne seront plus possibles.

Mme Delphine Batho. C’est vrai !

Mme Martine Billard. La nouvelle écriture n’y change rien. Et, contrairement aux affirmations du porte-parole du Gouvernement, M. Luc Chatel, les salariés en forfait jours n’ont plus aucune contrepartie, puisque les jours de RTT qui venaient compenser cet abandon de la référence horaire sont supprimés.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est faux !

Mme Martine Billard. Le forfait jours des cadres et assimilés est contraire au droit européen sur la semaine de travail de 48 heures et la journée de travail de 10 heures.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est faux !

Mme Martine Billard. Mais, par idéologie, vous préférez passer en force, là aussi, au risque d’une condamnation devant les tribunaux d’ici à quelques années, comme cela s’est passé pour le CNE.

En conclusion, avec cette loi, pour l’employeur tout devient possible, mais c’est une régression majeure pour les salariés.

Les députés Verts, communistes et des DOM-TOM du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la dernière phase de l’examen d’un projet de loi particulièrement important pour les salariés, puisqu’il répond à deux questions essentielles concernant les relations sociales au sein de l’entreprise : comment assurer aux salariés la représentation la plus juste et la plus légitime possible tant dans les instances représentatives du personnel au sein de l’entreprise qu’au niveau de la branche ou au plan interprofessionnel ? Comment organiser le temps de travail dans l’entreprise de manière à lui permettre d’assumer la charge de travail nécessaire pour assurer sa compétitivité, tout en garantissant les droits des salariés ?

Au regard de l’importance de ces deux sujets, on peut regretter que les débats, en particulier ceux touchant à la seconde partie du texte, relative au temps de travail, aient suscité autant de polémiques. Il est dommage que, sur un tel sujet, nous ne puissions débattre sereinement et éviter la caricature.

Notre groupe a exposé ses divergences avec le Gouvernement sur les dispositions relatives au temps de travail.

M. Christian Eckert. Il votera tout de même le texte !

M. Francis Vercamer. Ces divergences portent d’abord sur la méthode employée. Mais nous avons aussi des divergences de fond, notamment lorsque vous privilégiez l’accord d’entreprise en matière d’organisation du temps de travail, alors que nous pensons qu’il est préférable de recourir à l’accord de branche.

M. Christian Eckert. Alors, votez contre !

M. Francis Vercamer. Nous avons aussi insisté pour que les heures supplémentaires soient réellement rémunératrices.

En revanche, nous nous sommes retrouvés sur la nécessité de laisser, dans la législation, des espaces de liberté dans l’organisation du temps de travail, en respectant au mieux les besoins de l’entreprise.

En l’absence d’accord collectif, le texte limite à 235 le nombre maximal de jours travaillés dans le cadre des forfaits en jours. Or, actuellement, un cadre peut se voir imposer jusqu’à 282 jours travaillés.

Mme Valérie Rosso-Debord. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Mais non !

M. Francis Vercamer. En tout état de cause, il appartiendra aux partenaires sociaux, au sein des entreprises, de décider, par accord collectif, du nombre maximal de jours travaillés.

Mme Valérie Rosso-Debord. Absolument !

M. Francis Vercamer. Le Sénat a permis d’améliorer la rédaction de l’article 17, qui apporte des précisions quant aux garanties dont bénéficient les salariés qui sont au forfait en jours, notamment au regard du respect des jours fériés chômés dans l’entreprise.

S’agissant de la partie du texte consacrée à la rénovation de la démocratie sociale, le Nouveau Centre, attaché à la vitalité du dialogue social, salue les avancées du projet de loi en matière de représentativité des organisations syndicales.

Le Nouveau Centre souhaite une démocratie sociale qui respecte le pluralisme syndical et encourage l’engagement des salariés au sein des organisations qui défendent leurs intérêts.

Nous souhaitons une représentativité équilibrée, qui tienne compte, certes, de l’audience enregistrée à l’occasion des élections professionnelles, mais également d’autres critères, tels que le nombre d’adhérents.

M. Christian Eckert. Comme le financement des partis politiques !

M. Francis Vercamer. Aussi sommes-nous satisfaits que vous ayez accueilli nos propositions visant à renforcer le syndicalisme d’adhésion. Nous serons toutefois attentifs à ce que les nouveaux critères de représentativité introduits par le texte ne portent pas atteinte, à moyen ou à long terme, au pluralisme syndical.

Le paysage syndical français illustre, à travers l’histoire sociale de notre pays, la diversité des sources de l’engagement en faveur des salariés et du monde du travail, diversité qui nourrit la richesse du dialogue social. Nous tenons à ce que cette diversité soit respectée.

En revanche, nous regrettons que ce texte n’ait pas permis de poser les bases d’une négociation sur les critères de la représentativité des organisations patronales. Le Gouvernement a, par ailleurs, cherché une issue sur la question du financement du dialogue social dans les petites entreprises et sur le devenir de l’accord sur le financement du dialogue social dans l’artisanat. Nous prenons acte, monsieur le ministre, de votre volonté, clairement affirmée lors des débats, de réunir, au mois d’octobre, la commission d’extension des accords. Nous prenons également acte des précisions que vous avez apportées concernant les prochaines négociations sur le dialogue social dans les petites entreprises, en soulignant qu’elles aborderaient également la question du financement du dialogue social. Nous souhaitons que le dialogue social permette, dans les mois qui viennent, des avancées concrètes dans ces deux domaines.

M. Christian Eckert. Voilà qui ne mange pas de pain !

M. Francis Vercamer. En dépit des réserves que nous inspirent certains aspects de la réforme du temps de travail, notre groupe mesure pleinement la portée de l’œuvre accomplie par les partenaires sociaux et le Gouvernement pour renforcer le dynamisme de notre démocratie sociale. Que ce soit au niveau national, dans l’élaboration des règles du droit du travail, ou au niveau de l’entreprise, dans l’organisation du temps de travail, le dialogue social prendra de plus en plus d’importance. Sa place grandissante illustre la confiance que nous plaçons dans l’esprit de responsabilité et la volonté d’innover des partenaires sociaux.

Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre réservera bien sûr à ce texte un accueil favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Catherine Lemorton et M. Christian Eckert. Quelle surprise !

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté a fait l’objet de nombreux débats, mais aussi de très nombreuses caricatures.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est vrai.

M. Benoist Apparu. On voudrait nous faire croire que nous voulons, ni plus ni moins, mettre en péril la santé des travailleurs,…

Mme Delphine Batho. En effet !

M. Benoist Apparu. …supprimer les RTT et les jours fériés des cadres en les obligeant à travailler 235 jours, voire 282 jours selon certains de nos collègues.

Je tiens à rétablir la vérité sur ces 235 jours qui font débat aujourd’hui dans les médias, mais aussi dans la rue.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Les manifestations furent modestes !

M. Benoist Apparu. Permettez-moi de répéter qu’il ne s’agit évidemment pas de la nouvelle durée du travail des cadres concernés par les forfaits.

La durée de référence annuelle de travail reste évidemment fixée à 218 jours : elle prend en compte les week-ends, les vacances, mais aussi les jours fériés et les RTT. De la même façon, les 35 heures restent la durée hebdomadaire de travail. Le projet de loi ne fait qu’encadrer le dépassement de ces 218 jours et préciser des règles, qui, n’existaient pas dans les lois Aubry 2.

En fait, nous pouvons aisément établir un parallèle entre les règles encadrant la durée hebdomadaire du travail et le forfait en jours à l’année. Les 218 jours, un peu comme les 35 heures, c’est la durée légale du travail. Les 282 jours, cités par certains, c’est l’équivalent des 48 heures, à savoir la durée maximale autorisée. Entre les deux, il y a, d’un côté, les heures supplémentaires et, de l’autre, pour les cadres au forfait en jours, ce que l’on pourrait nommer les jours supplémentaires.

Le contingent d’heures ou de jours supplémentaires sera négocié entre le salarié et l’employeur par le biais des accords d’entreprise. Si les partenaires sociaux se mettent d’accord dans l’entreprise, l’accord s’appliquera et définira un contingent d’heures supplémentaires ou de jours supplémentaires. S’il n’y a pas d’accord, on appliquera pour les unes, par défaut, le contingent fixé par décret – 220 heures, nous a dit M. le ministre –, et, pour les autres, le contingent de jours supplémentaires fixé par la loi, soit 235 jours.

M. Christian Eckert. Et voilà !

M. Benoist Apparu. Les 218 jours restent la référence de la durée du travail pour les cadres au forfait.

Contrairement aux lois Aubry, les jours supplémentaires seront mieux payés qu’ils ne le sont aujourd’hui, puisque la notion de jour supplémentaire n’existe actuellement pas dans les textes.

Il est vrai que nous avons fait le choix que, d’une entreprise à une autre et dans une même branche, les règles de la durée du travail soient différentes. C’était notre objectif, et c’est tout l’intérêt de cette réforme. Car qui mieux que l’entreprise peut mesurer les besoins réels des salariés et de l’entreprise ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Eh oui !

M. Benoist Apparu. Nous voulons répondre aux besoins particuliers de chaque entreprise tout en respectant les prescriptions qui protègent la santé des salariés en matière de repos hebdomadaire ou du repos quotidien.

Il s’agit simplement de permettre aux entreprises d’adapter leurs capacités de production à leurs besoins et non aux besoins hypothétiques d’une branche, qui fait fi des différences et des besoins spécifiques des entreprises elles-mêmes.

Le texte propose également des règles nouvelles en matière de représentativité, des règles attendues depuis de très nombreuses années, et le groupe UMP se félicite de leur adoption.

J’avoue cependant ne pas bien comprendre les tergiversations sur le financement du dialogue social et j’avais, pour ma part, un faible pour la version présentée par notre excellent rapporteur en première lecture.

En tout état de cause, les députés UMP se félicitent des avancées démocratiques, économiques et sociales que comporte ce texte, et ils voteront unanimement en faveur de cette réforme structurante. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. François Brottes. Il va rétablir la vérité !

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début de l’histoire, il y avait une négociation qui a abouti sur une déclaration commune, signée par les deux principaux syndicats de salariés et le MEDEF.

Au début de l’histoire, il y avait l’espoir que le Gouvernement et l’UMP respecteraient l’accord qui traitait, à la fois, de la représentativité et de l’organisation du temps de travail. L’illusion de votre conversion au respect du dialogue social n’aura duré que quelques semaines, le temps, pour vous, d’imposer, par la force du fait majoritaire, votre vision d’une société qui renvoie les règles de protection collective au placard de l’histoire !

Mme Delphine Batho. Eh oui !

M. Alain Vidalies. À la fin de l’histoire, il y a un texte de loi qui entraîne des bouleversements sans précédent dans notre histoire sociale.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est faux !

M. Alain Vidalies. Assumez vos choix, chers collègues ! Vous avez le droit de faire un mauvais coup, mais vous ne pouvez pas changer d’explication en fonction des circonstances ou des interlocuteurs :

Mme Delphine Batho et M. François Brottes. Très juste !

M. Alain Vidalies. Devant le Sénat, vous avez dit que votre objectif était de sortir du carcan des 35 heures et de modifier les règles du code du travail. Dans cet hémicycle, parce que les cadres commencent à bouger et que l’affaire commence à émerger dans les médias, vous prenez un ton doucereux pour prétendre que rien ne change.

M. Benoist Apparu. En effet, c’est le même discours depuis le début !

M. Alain Vidalies. Nous assistons à un véritable bouleversement.

M. Benoist Apparu. C’est faux !

M. Alain Vidalies. Vous ne pouvez pas, lorsque vous êtes entre vous, au congrès de l’UMP, vous vanter de cette revanche sociale, et tenir ici le discours inverse pour essayer de passer entre les gouttes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Benoist Apparu. Non seulement nous assumons totalement, mais nous disons la vérité !

M. Alain Vidalies. Jamais une majorité de droite n’est allée aussi loin dans la déréglementation et dans l’atomisation de nos règles sociales. Le changement fondamental consiste évidemment à privilégier l’accord d’entreprise au détriment de l’accord de branche.

Mme Valérie Rosso-Debord. Vous êtes archaïques ! Nous, nous bougeons !

M. Alain Vidalies. Demain, les salariés seront seuls dans les entreprises pour négocier, souvent dans des conditions tout à fait déséquilibrées.

M. Robert Lecou. Faites confiance aux salariés et à leurs syndicats, à leur capacité de négocier !

M. Alain Vidalies. Comment le salarié pourra-t-il résister à un chantage permanent de licenciement ? Comment résister à la nécessité d’un alignement par le bas sur les accords signés dans les entreprises concurrentes ?

Le choix entre l’accord d’entreprise et l’accord de branche n’est pas un débat théorique : il oppose ceux qui pensent que la règle sociale ne doit pas être un facteur de concurrence parce qu’il y a un enjeu humain à ceux qui n’ont d’autre horizon que la loi du marché. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Delphine Batho. C’est vrai !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Caricature !

M. Lionel Tardy. Allez voir dans les PME !

M. Alain Vidalies. C’est donc un véritable débat idéologique qui nous oppose aujourd’hui !

Une fois ce choix fondamental posé, vous avez organisé la déréglementation afin de permettre aux futurs accords de donner toute leur mesure. Pour être sûrs d’y parvenir, vous avez même décidé que tous les accords en cours sur la définition du contingent des heures supplémentaires seront caducs au 1er janvier 2010. Les salariés et les syndicats seront donc obligés de renégocier dans le cadre contraint, imposé par votre projet de loi.

Oui, c’est bien d’une négociation sous contrainte qu’il s’agira et, de surcroît, entreprise par entreprise.

M. François Brottes. Le pistolet sur la tempe ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Valérie Rosso-Debord. Tout en nuances !

M. Alain Vidalies. Il faudra négocier sur le contingent d’heures supplémentaires sans aucun contrôle de l’inspection du travail. Si l’entreprise dénonce les accords en cours – et cela se produira – alors, il faudra négocier en prenant en compte la disparition des règles protectrices sur le repos compensateur. Il faudra négocier sur les forfaits en jours, sur les forfaits en heures et sur les accords de modulation.

Aujourd’hui, les cadres s’inquiètent. La CGC et la CGT cadres ont appelé à manifester, et cela vous gêne.

S’agissant des forfaits en jours, il est vrai que la règle des 218 jours deviendra, demain, la règle des 235 jours qui pourront toujours, dans certaines circonstances, devenir 282 jours ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Delphine Batho. Eh oui !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Votre intérêt pour le sort des cadres est bien tardif !

M. Alain Vidalies. Qui ne comprend que le premier accord à 235 jours aura évidemment un effet d’entraînement, de passage obligé pour tous les autres accords ?

C’est d’ailleurs l’objectif recherché : priorité à l’accord d’entreprise, augmentation du nombre maximal de jours travaillés. La machine infernale est en marche. Elle l’est aussi pour les salariés soumis au forfait en heures sur l’année. En prévoyant que le forfait en heures s’appliquerait aux salariés qui disposent d’une « réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps », vous avez choisi une formule tellement vague que vous êtes vous-mêmes incapables d’en mesurer la portée.

Entreprise après entreprise, le champ d’application du forfait en heures ne va cesser de s’étendre. Voilà la réalité ! Malheureusement, le pronostic est d’autant plus facile à faire qu’il correspond à vos objectifs : 235 jours au minimum comme règle commune pour les cadres au forfait en jours et des millions de salariés supplémentaires au forfait en heures !

M. Benoist Apparu. C’est faux !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Totalement faux, en effet !

M. Alain Vidalies. Les travaux du Sénat puis le texte issu de la CMP n’ont strictement rien changé à cette déréglementation généralisée. Pourtant, monsieur le ministre, nous avions repris quelque espoir cet après-midi, à la suite des propos de l’un de vos collègues du Gouvernement, M. Chatel. En réponse aux manifestations, il a en effet indiqué que le texte prévoyait de nouvelles contreparties et un certain nombre d’avantages supplémentaires pour les cadres par rapport aux autres salariés. Mais où sont ces contreparties ? Où sont ces avantages ? Personne, à part lui, ne les a vus dans le projet de loi.

Mme Martine Billard. Sans doute a-t-il eu une vision !

M. Alain Vidalies. Voyez où vous en êtes : un secrétaire d’État obligé de dire absolument n’importe quoi ! En fait, le Gouvernement croit bon de communiquer car il est honteux, mais il sait exactement ce qu’il en est.

Je me demande d’ailleurs où est passé l’ancien ministre du travail, Gérard Larcher, à l’issue des travaux du Sénat ? Le 16 juin 2008, il déclarait, rappelons-le : « Il y a de réelles possibilités d’amendements. Je pense que l’on peut instaurer plusieurs verrous supplémentaires pour garantir le respect de la santé et de la sécurité au travail. » Or aucun amendement n’est venu à l’appui de cette affirmation. Par voie de conséquence, les craintes qu’il a exprimées se sont révélées fondées. Je ne peux trouver meilleur expert que M. Larcher pour faire la démonstration que ce texte porte atteinte à la santé et à la sécurité au travail.

M. Benoist Apparu. C’est faux !

M. Alain Vidalies. Certes, le pire n’est jamais sûr. Le Sénat a même imaginé, dans un amendement qui a suscité peu de commentaires, que les salariés à temps partiel concernés par un accord de modulation pourraient être privés de la majoration de certaines heures complémentaires. Et j’ai trouvé le rapporteur très hésitant ce matin devant les conséquences d’une telle disposition.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est exact !

M. Alain Vidalies. J’ai moi-même dénoncé en commission mixte paritaire cette nouvelle agression. La possibilité d’établir une moyenne entre les périodes travaillées afin de diminuer le nombre d’heures complémentaires à rémunérer va d’abord concerner, vous le savez très bien, les grandes surfaces et la grande distribution, et pénaliser les salariés qui devraient être au centre de nos préoccupations, ceux qui sont le plus en difficulté, les salariés à temps partiel et, parmi eux, les femmes.

M. François Brottes. C’est scandaleux !

M. Benoist Apparu. Vous marchez sur les plates-bandes de Mme Billard !

Mme Martine Billard. Et j’en suis ravie !

M. Alain Vidalies. Nous considérons que votre projet porte atteinte à la Constitution. Vous abandonnez à la négociation d’entreprise la définition du repos compensateur, rebaptisé pour les besoins de la cause « contrepartie obligatoire en repos ». Or le repos compensateur ne peut être une modalité négociable d’aménagement du temps de travail car c’est une mesure de protection de la santé des travailleurs.

Comme le disait M. Larcher, nous estimons que les règles nouvelles du forfait en jours et du forfait en heures portent atteinte à la santé des travailleurs…

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Il n’a jamais dit ça !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. On a connu des porte-parole plus scrupuleux !

M. Alain Vidalies. …et violent, de ce fait, les dispositions du onzième alinéa du Préambule de la Constitution. Pour cette raison, vous l’avez compris, nous allons soumettre ce projet de loi à la censure du Conseil constitutionnel. Mais notre saisine sera aussi motivée par la modification profonde opérée dans le calcul des effectifs. En effet, seuls les salariés mis à disposition depuis au moins douze mois seront pris en compte pour la mise en place des institutions représentatives du personnel.

Votre système ouvre la porte à toutes les fraudes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Laissez-moi poursuivre au lieu de rire, car vous aurez à répondre de ces dispositions partout dans vos circonscriptions. Prenez donc la mesure de ce vous vous apprêtez à voter.

M. Benoist Apparu. Rassurez-vous, nous ne sommes pas complètement stupides !

M. Alain Vidalies. Aujourd’hui, une entreprise de quarante-huit salariés permanents qui a recours à huit salariés mis à disposition pendant trois mois chacun doit mettre en place un comité d’entreprise, conformément à ce que prescrit la loi depuis longtemps dans notre pays. Avec votre texte, demain, la même entreprise, avec le même effectif de quarante-huit salariés permanents, si elle a recours à trente salariés mis à disposition pendant onze mois, n’aura plus aucune obligation de mettre en place un comité d’entreprise.

Mme Martine Billard. Et voilà !

M. François Brottes. C’est ça, la démocratie sociale !

M. Alain Vidalies. C’est un comble que de parvenir à une telle aberration dans un texte censé traiter du dialogue social !

M. Christian Eckert. Et cela ne choque même pas nos collègues de la majorité !

M. Alain Vidalies. Il est vrai, et je vais terminer par là, que ce projet de loi ne déparera pas votre œuvre estivale. Les chômeurs qui verront leurs allocations réduites ou supprimées, les salariés de plus de cinquante-huit ans qui seront contraints de revenir sur un marché du travail qui ne veut pas d’eux pourront toujours devenir « auto-entrepreneurs », concept ahurissant qui permettra à des personnes d’effectuer un travail sans statut, sans règles, sans charges. Les artisans, les petites entreprises en seront les premières victimes, mais aussi, bien évidemment, les salariés directement concurrencés par ces tâcherons d’un autre temps.

Nicolas Sarkozy avait promis la rupture. Mais je ne suis pas sûr que les Français aient compris que sa priorité était la rupture avec notre histoire sociale, la rupture de notre contrat social au détriment des plus faibles, la rupture au profit d’un modèle anglo-saxon. Demain, j’en suis certain, viendra le temps d’une nouvelle rupture : celle des Français avec votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, dernier orateur inscrit.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est de tradition de dire que les mauvais coups se font toujours au cœur de l’été. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Benoist Apparu. Pas du tout ! Tout s’est passé en douceur à Versailles !

M. Christophe Sirugue. À l’évidence, ce texte sur lequel nous nous apprêtons à voter marque un recul sans précédent pour les droits des salariés dans l’entreprise. On ne peut le considérer sans tenir compte des autres textes que vous nous avez soumis, comme le projet de loi relatif à la modernisation du marché du travail ou le projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi.

Mme Valérie Rosso-Debord. Bien sûr, nous sommes cohérents !

M. Christophe Sirugue. Et quelle cohérence ! Avec tous ces textes, nous avons bien compris qu’il s’agissait avant tout pour vous de donner à nos entreprises une liberté plus grande, même si elle doit passer par la remise en cause des droits des salariés, dont la préservation est pourtant nécessaire pour la qualité de leurs conditions de travail comme pour leur santé.

Oubliées les déclarations du candidat Sarkozy lors de la campagne présidentielle en faveur des salariés ; oubliées vos propres annonces, monsieur ministre, sur le grand soir de la démocratie sociale ; oubliées, surtout, les conclusions de la position commune définie par le MEDEF, la CGPME, la CFDT et la CGT, dont nous avons le sentiment qu’elle n’était finalement pour vous qu’un prétexte pour amorcer une politique qui fait de la flexibilité et de la précarité les fondements du travail dans l’entreprise.

En outre, les modifications apportées à ce projet de loi, dans cet hémicycle et au Sénat, n’ont fait qu’ajouter à nos inquiétudes.

Il n’y a pas de caricature, chers collègues : il y a des faits.

Avec ce texte, pour la première fois, vous affirmez la supériorité de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, ce qui conduira, chacun le sait, d’une part à une atomisation des règles de l’organisation du temps de travail, d’autre part à une concurrence dévastatrice entre entreprises d’une même branche professionnelle, qui choisiront comme variable d’ajustement les conditions de travail de leurs salariés.

Pas de caricature : des faits. Avec ce texte, vous limitez le nombre de délégués du personnel et de comités d’entreprises en introduisant, pour la prise en compte des salariés mis à disposition dans le calcul de l’effectif, une condition d’ancienneté d’au moins un an dans ladite entreprise. La modification apportée par le Sénat prévoyant pour ces mêmes salariés douze mois continus pour être électeurs et vingt-quatre mois continus pour être éligibles ne fait que renforcer cette restriction.

M. Benoist Apparu. Vous préféreriez qu’ils votent deux fois ?

M. Christophe Sirugue. Pas de caricature : des faits. Avec ce texte, vous permettez d’étendre le dispositif des forfaits en jours ou en heures puisque aucune définition précise n’est venu clarifier la notion d’autonomie dans le temps travail, dont chacun pourra fixer le sens.

Pas de caricature : des faits. Avec ce texte, vous opérez une déréglementation sans précédent au détriment des cadres qui sont aujourd’hui dans la rue. La preuve qu’il y a bien une atteinte à leurs conditions de travail, c’est que M. Chatel lui-même parle de « contreparties ». Pourquoi emploierait-il ce terme si l’organisation de leur temps de travail n’était pas remise en cause ?

M. François Brottes. Quel aveu !

M. Christophe Sirugue. Pas de caricature : des faits. Avec ce texte, vous fragilisez un peu plus les salariés à temps partiel, pourtant déjà parmi les plus précaires, puisqu’une modification apportée par le Sénat étend à leur catégorie le principe de la modulation.

M. François Brottes. Scandaleux !

M. Christophe Sirugue. Pas de caricature : des faits. Avec ce texte, vous reculez une nouvelle fois sur le financement de la démocratie sociale, en renvoyant à une hypothétique promesse d’étendre à l’automne l’accord UPA signé en 2001.

Pas de caricature : des faits. Avec ce texte, vous procédez à la remise en cause du repos compensateur qui était, depuis 1976, un acquis contribuant à la préservation de la santé des travailleurs.

Et tout cela, pour quoi ? Pour être modernes et pour donner plus de compétitivité aux entreprises, nous dites-vous ! Permettez-moi d’en douter car aucune entreprise ne peut être compétitive si ses salariés, et ses cadres tout particulièrement, ne se sentent pas reconnus et associés à son développement.

M. Benoist Apparu. C’est totalement contradictoire avec ce que vous venez de dire !

M. Christophe Sirugue. Les mesures que vous proposez ne sont pas nécessaires. J’en veux pour preuve l’étude sur la compétitivité des pays européens publiée hier par le cabinet KPMG. Elle montre que la France est le pays le plus compétitif en Europe pour le coût de la main d’œuvre. Il arrive même en tête des pays étudiés avec les salaires les plus bas à compétences égales. (« Eh oui ! » sur plusieurs banc du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Vous n’aviez pas besoin de cette évolution. Mais ce qui vous guide, c’est l’idéologie, et vous refusez de le reconnaître.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Nous ne sommes pas socialistes !

M. François Brottes. C’est bien pire : vous êtes libéraux !

M. Benoist Apparu. C’est M. Delanoë qui est libéral !

M. Christophe Sirugue. Cette idéologie vous laisse penser que le salarié est un mal nécessaire et que mieux vaut le réduire le plus possible à sa seule force de travail.

Fondamentalement, chers collègues, vous faites une erreur. En effet, l’entreprise ne peut vivre sans ses salariés, et elle doit savoir rassembler tous ceux qui contribuent à sa compétitivité. Ce n’est pas dans ce sens que vous allez avec ce projet de loi, que nous ne pouvons accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur l’amendement dont je suis saisi.

Cet amendement, n° 1, du Gouvernement, est de coordination.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l’amendement qui vient d’être adopté.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Droits et devoirs des demandeurs d’emploi

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi (n° 1091).

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi, dont nous achevons ce soir l’examen, s’inscrit dans les politiques qui doivent nous permettre d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République : parvenir en 2012 à un taux de chômage de 5 % et un taux d’emploi de 70 %.

Nos concitoyens soutiennent la démarche qui inspire ce projet de loi. Selon les sondages, les quatre cinquièmes des salariés approuvent que le système d’assurance chômage soit réformé pour inciter davantage au retour à l’emploi, et les trois quarts sont favorables à ce que soit sanctionné le refus d’un emploi valable.

Quant à nos voisins européens, ils nous ont tous précédés dans cette démarche, adoptant souvent des règles beaucoup plus contraignantes.

Le texte qui nous a été présenté est équilibré et sera efficace. La consécration dans la loi du projet personnalisé d’accès à l’emploi, le PPAE, qui reçoit une portée normative nouvelle, vient parachever la démarche d’individualisation de la prise en charge des demandeurs d’emploi que nous avons engagée depuis plusieurs années. La fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC nous donnera les moyens d’offrir à tous les demandeurs d’emploi un accompagnement véritablement personnalisé.

L’introduction de la notion d’offre raisonnable d’emploi constitue une mesure d’équilibre. Il faut garder à l’esprit que le code du travail permet d’ores et déjà de sanctionner le refus par un demandeur d’emploi d’un emploi dit compatible.

La définition de l’emploi compatible est même assez rigoureuse : le demandeur d’emploi doit accepter tout emploi compatible avec sa spécialité ou sa formation quelle que soit la durée du contrat, donc même un contrat à durée déterminée court, et ce dès lors que le taux de salaire est normal, quand bien même cela entraînerait pour lui un important sacrifice salarial.

Dans le nouveau dispositif, seuls deux refus consécutifs d’offres d’emploi, contre un aujourd’hui, seront susceptibles d’entraîner une radiation.

Par ailleurs, en inscrivant dans la loi une définition précise de l’offre raisonnable d’emploi, nous éviterons des interprétations arbitraires, voire abusives, et nous garantirons l’égalité de traitement. Enfin, cette définition inscrite dans la loi sera accessible à chacun. La loi aura ainsi un véritable rôle pédagogique et un impact sur les comportements. C’est là aussi l’enjeu du caractère évolutif dans le temps des critères de l’offre raisonnable : chacun doit être convaincu qu’en situation de chômage, il faut sans délai s’engager dans la démarche de retour à l’emploi.

L’Assemblée nationale a modifié et complété de manière substantielle le projet de loi issu du Sénat. Trois articles additionnels ont été insérés. Je suis convaincue que nos travaux ont contribué tout à la fois à l’efficacité et à l’équilibre du texte. Par ailleurs, je tiens à saluer l’esprit d’ouverture du Gouvernement vis-à-vis des propositions de la majorité comme de celles de l’opposition. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En supprimant la dispense de recherche d’emploi, nous avons adopté une mesure nécessaire concernant l’une des questions sur lesquelles nous avons le plus à travailler, à savoir l’emploi des seniors. Faut-il rappeler qu’aujourd’hui 38 % des personnes de cinquante-cinq ans et plus ont un emploi dans notre pays, quand l’objectif communautaire est fixé à 50 % ? Il reste donc du chemin à parcourir. Cette mesure, discutée avec les partenaires sociaux en mai et en juin, est cependant progressive et protectrice des personnes, puisque tous ceux qui auront été dispensés de recherche d’emploi conserveront sans limitation le bénéfice de cette dérogation.

Le souci de garantir les droits de nos concitoyens demandeurs d’emploi a été à l’origine de plusieurs autres des amendements importants que nous avons apportés au texte.

Ainsi avons-nous encadré les conditions dans lesquelles l’élaboration du projet personnalisé d’accès à l’emploi pourra être déléguée par le nouvel opérateur issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC à d’autres organismes.

Nous avons également organisé l’application du nouveau dispositif aux personnes qui sont actuellement au chômage. Comme il aurait été inéquitable de décompter les délais de trois, six et douze mois en matière de critères de l’offre raisonnable d’emploi depuis l’inscription de ces personnes, nous avons considéré que ces délais devaient courir à partir du moment où un PPAE nouvelle version aura été proposé aux intéressés.

Dans le même ordre d’idées, à l’initiative de Mme Billard, nous avons prévu de proroger ces délais en cas de formation pendant la période de chômage.

La protection des droits des usagers sera également améliorée par la création d’un médiateur du service public de l’emploi, à l’initiative de M. Vercamer.

Enfin, étant moi-même particulièrement attachée à ce qu’aucune disposition nouvelle ne vienne renforcer les risques de temps partiel subi, qui concernent essentiellement les femmes,...

M. Pierre Méhaignerie, vice-président de la commission mixte paritaire. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. ...je vous ai proposé d’inscrire dans le projet de loi une protection explicite contre le temps partiel imposé.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Dans la mesure où le SMIC horaire doit par ailleurs être respecté, le fait qu’un emploi à temps partiel ne puisse être imposé signifie aussi qu’une rémunération inférieure au SMIC mensuel ne pourra non plus être imposée.

Lors de la commission mixte paritaire qui s’est réunie ce matin, nos collègues sénateurs ont entériné la totalité de ces apports. Par rapport au texte issu de notre assemblée, la commission mixte paritaire n’a procédé qu’à une poignée de rectifications visant à supprimer quelques formules inutiles car redondantes ou dépourvues de portée normative, ou bien à préciser le texte. À ce titre, il est notamment spécifié que la limite à une heure du temps de trajet domicile-travail dans le cadre de l’offre raisonnable d’emploi s’appliquera non seulement à l’aller, mais aussi au temps de retour depuis le lieu de travail, ce qui renforcera la protection des salariés.

Je vous invite donc à adopter en l’état le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le vote du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi constitue une nouvelle étape importante sur la voie de la démarche de rénovation en profondeur du service public de l’emploi qui a été initiée avec vous.

L’enjeu est fondamental car, contrairement à une idée parfois reçue, l’efficacité de l’emploi et du retour à l’emploi des demandeurs d’emploi ne dépend pas que des emplois qui sont créés, même s’ils constituent un facteur essentiel, mais aussi de notre capacité à mettre à disposition des demandeurs d’emploi un service public efficace.

De ce point de vue, malgré les efforts extrêmement importants qui ont été engagés par les agents sur le terrain depuis plusieurs années, la France avait un retard important, plus particulièrement dans trois domaines.

Premier retard : la séparation entre l’ANPE, d’une part, et les ASSEDIC, d’autre part, ce qui avait pour effet de reporter la complexité administrative sur les demandeurs d’emploi. Les demandeurs d’emploi devaient s’adapter au système et non l’inverse. Cette période-là est derrière nous, avec la mise en place progressive du nouvel opérateur.

Deuxième retard : une approche du traitement administratif de l’indemnisation du chômage, et non un accompagnement sur mesure des demandeurs d’emploi.

Troisième retard : l’absence d’une véritable logique de droits et de devoirs, contrairement à ce que tous nos voisins européens, toutes tendances politiques confondues, ont mis en place depuis plusieurs années.

Dans ce cadre, le présent projet de loi constitue un changement de cap, en particulier sur deux points qui assurent l’équilibre du texte.

Tout d’abord, il applique une véritable logique d’accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi, et ce dès le premier entretien.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Jusque-là, le demandeur d’emploi n’était pas l’objet d’un suivi personnalisé. Avec ce texte, le projet personnalisé d’accès à l’emploi est sanctuarisé, à charge pour l’opérateur de le mettre en œuvre : il sera défini dès le premier entretien, conjointement avec le demandeur d’emploi, en fonction de sa qualification, de son parcours, de ses attentes, de son lieu de vie et de sa famille. De ce point de vue, il me semble injuste de réduire la relation entre le conseiller de l’ANPE et le demandeur d’emploi à la vision caricaturale d’un rapport inégalitaire, où le second se verrait obligé d’accepter n’importe quel emploi ; au contraire, les conseillers sont là pour épauler et accompagner les demandeurs d’emploi dans une période particulièrement difficile de leur existence.

M. Richard Mallié. Exactement !

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Le second volet du projet de loi, que nous assumons tout autant, consiste à renforcer les droits et les devoirs du demandeur d’emploi.

Nous avions hérité d’un système arbitraire, sans aucune règle objective permettant un traitement équitable, ce qu’avait dénoncé M. Dominique Tian dans un rapport portant sur l’insuffisance du contrôle. (« Excellent rapport ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Notre objectif est d’améliorer l’efficacité du système de contrôle. Je veux être parfaitement clair à ce sujet – car je ne doute pas que certains feront montre, une fois encore, de mauvaise compréhension. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Richard Mallié. Ou de mauvaise foi !

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas leur genre ! (Sourires.)

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Il ne s’agit en aucun cas de stigmatiser les demandeurs d’emploi, ou de prétendre qu’une majorité d’entre eux profiterait du système. Il s’agit d’une petite minorité qui, tous ceux qui sont confrontés aux réalités du terrain le savent, peut être amenée à profiter du système. C’est une simple question d’équité : on ne peut fournir un effort pour mieux accompagner les demandeurs d’emploi sans essayer, en parallèle, de mieux lutter contre les abus.

M. Michel Issindou. Point n’est besoin d’une loi pour cela !

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Sans bien évidemment méconnaître les divergences d’approche entre les uns et les autres, nos débats ont été constructifs. À l’Assemblée, sur les cent soixante et onze amendements différents – j’insiste sur cette précision – qui ont été présentés, vingt-cinq ont été adoptés, dont plusieurs avaient été déposés par l’opposition, et certains à l’unanimité. Je m’en réjouis, d’autant que plusieurs sont très importants ; je n’ai pas peur de reconnaître qu’ils ont contribué à améliorer de façon déterminante notre dispositif sur plusieurs points essentiels.

Mme Isabelle Vasseur. Bel hommage !

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. C’est d’ailleurs une leçon d’humilité qu’il nous faudra retenir pour l’application des nouvelles règles de fonctionnement de nos institutions : quand on prend le temps d’un débat constructif, les parlementaires peuvent améliorer de manière très substantielle les textes qui leur sont soumis, et dont certaines parties méritent toujours d’être approfondies.

M. Michel Issindou. En l’occurrence, ce fut plutôt rapide !

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. À la suite de Mme la rapporteure, je veux revenir sur certains points, et saluer le remarquable travail effectué par la commission des affaires sociales, sous la présidence de Pierre Méhaignerie. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Tout d’abord, le travail de Marie-Christine Dalloz a permis d’apporter une précision essentielle (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre) : il est désormais écrit noir sur blanc qu’un emploi à temps partiel ne peut être imposé si le projet personnalisé d’accès à l’emploi mentionne la recherche d’un emploi à temps complet. Se trouve ainsi gravé dans le marbre qu’il ne s’agit pas d’acheter une amélioration de la situation de l’emploi au prix d’une plus grande précarité.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Ensuite, à l’initiative de Martine Billard et de Francis Vercamer, les périodes de formation seront pleinement prises en compte dans les délais d’évolution et dans le temps de l’offre raisonnable d’emploi, ce qui fournit d’ailleurs une transition avec la suite du travail qui nous attend en matière de formation professionnelle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

À l’initiative de Francis Vercamer, un médiateur a été créé. Il ne s’agit pas d’un pesant organisme administratif supplémentaire, mais d’une personne qui, au sein du futur opérateur, sera chargée de régler en souplesse, sans juridisme excessif, les éventuels problèmes d’application du texte.

Enfin, conformément aux annonces du Gouvernement, et avec la volonté de rompre avec une approche beaucoup trop hypocrite de la situation des seniors, l’âge de dispense de recherche d’emploi sera progressivement reculé à mesure que nous parviendrons à améliorer concrètement l’accès des seniors à l’emploi.

Mme Valérie Rosso-Debord. Très bien !

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Vous le voyez, les débats parlementaires ont permis d’enrichir profondément le contenu de ce texte, le premier que je présentais devant votre assemblée. J’en remercie, outre Mme la rapporteure, M. le rapporteur pour avis et les membres de la commission des affaires sociales et de la commission des affaires économiques, ainsi que l’ensemble des députés qui ont pris la peine d’assister à ces débats. Je pense en particulier, au sein de la majorité, à Valérie Rosso-Debord, qui a réalisé un travail remarquable (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et à Francis Vercamer, ainsi que, dans l’opposition, à M. Issindou, Mme Billard et M. Gremetz. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Benoist Apparu. Qu’attendez-vous pour vous applaudir ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Si l’on prend un peu de recul, on voit que cette loi s’inscrit dans un ensemble de réformes : une simple tête d’épingle ne pourrait à elle seule améliorer la situation de l’emploi. Il s’agit de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, de la réforme de la formation professionnelle, et, surtout, de l’effort vigoureux visant à redonner une place sur le marché de l’emploi à tous ceux qui en ont été plus ou moins hypocritement exclus au cours de ces trente années de chômage de masse : je pense notamment aux seniors et aux jeunes qui sortent du système scolaire avec de trop faibles qualifications.

Pour conclure, au-delà de ce texte, nous devons mener une réflexion plus large sur ce que doit être aujourd’hui une politique sociale moderne.

Tout d’abord – c’est une de mes convictions essentielles –, nos concitoyens ne pourront accepter de maintenir durablement des systèmes de protection sociale généreux qu’à condition d’avoir la garantie que les sommes investies, à raison, au titre de la solidarité nationale fassent l’objet d’un contrôle attentif de notre part. C’est également un gage d’équité et de justice.

M. Alain Vidalies. Il faudrait faire de même pour les stock options !

M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi. Ensuite, nous devons passer d’une politique sociale anonyme, administrative, incapable de s’adapter aux situations individuelles, à une politique sociale capable de prendre en compte la diversité des parcours et des individus afin de permettre un retour à l’emploi plus précis, voire sur-mesure.

Je remercie l’Assemblée nationale d’avoir contribué, grâce à ce texte, à une telle démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.

Mme Valérie Rosso-Debord. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’indemnisation des demandeurs d’emploi fait partie intégrante d’un dispositif visant à sécuriser les phases de transition des parcours professionnels. La flexisécurité est le terme par lequel on désigne le processus de sécurisation de ces parcours dans un environnement économique mondial de plus grande flexibilité. Dans ce processus, qui doit permettre une meilleure adéquation de l’offre et de la demande d’emploi, et donc une réduction très importante du taux de chômage, la place de l’assurance-chômage et de l’accompagnement des chômeurs est prépondérante.

Les économistes distinguent usuellement deux versants de l’assurance-chômage. D’une part, selon une logique d’assurance, il s’agit de fournir au chômeur un niveau de revenu suffisant, afin de lui éviter une perte de ressources trop importante ; les cotisations versées durant la période d’emploi permettent d’acquérir des droits à un certain montant d’indemnisation, pour une certaine durée. D’autre part, il s’agit de déterminer quel profil d’indemnisation, en termes de montant, de durée et d’éventuelle dégressivité, est efficace, c’est-à-dire incite un demandeur à reprendre un emploi s’il en a la possibilité.

Sur le premier aspect, qui contribue directement à la partie sécurité de la flexisécurité, le système d’assurance chômage français fonctionne bien, car il est objectivement généreux et donc très sécurisant – le ministre l’a rappelé. Toutefois, le sentiment de sécurité des parcours professionnels résulte aussi, sinon surtout, du fait qu’une éventuelle période de chômage sera relativement brève ou, à tout le moins, permettra d’acquérir des compétences ou d’obtenir un emploi en adéquation avec les compétences et les aspirations de chacun.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Tout à fait !

Mme Valérie Rosso-Debord. Un équilibre doit être trouvé entre la rapidité du retour à l’emploi et la qualité de l’emploi. Or en France, on le sait, la durée du chômage est beaucoup trop longue. Dans un rapport à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, les économistes Pierre Cahuc et Francis Kramarz expliquaient :

« Parce qu’elle diminue les embauches, la réglementation stricte des licenciements tend à accroître la durée du chômage, le faible accompagnement des personnes à la recherche d’emploi est peu propice aux réallocations de main-d’œuvre. C’est la prise de conscience de ces inconvénients qui a suscité des réformes à l’étranger, consistant à moins protéger l’emploi et à mieux protéger les personnes en faisant porter l’effort de reclassement sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

« Le principal obstacle à la réalisation d’un tel objectif est la grande diversité des situations des chômeurs. Certaines personnes trouvent un emploi rapidement, sans aide, d’autres ont besoin d’un soutien psychologique et social pour pouvoir en trouver voire se mettre à en chercher, d’autres d’une formation, d’autres d’une simple assistance à la recherche d’emploi ; certaines personnes sont prêtes à travailler coûte que coûte, d’autres peuvent avoir tendance à chercher moins activement un emploi lorsqu’une indemnisation chômage généreuse est versée sans condition.

« Face à une telle diversité, il faut trouver une voie permettant de concilier un impératif d’équité, donnant les meilleures conditions possibles pour les plus démunis, avec un impératif d’efficacité, qui est la seule manière d’assurer la viabilité financière de tout système assurantiel. » Ce sont précisément les droits et les devoirs du demandeur d’emploi.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

Mme Valérie Rosso-Debord. Rappelons, pour finir, le Préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir d’un emploi. »

Nous voulons donner au service public de l’emploi les moyens d’apporter une aide efficace aux demandeurs d’emploi et de leur permettre d’accéder à des emplois en adéquation avec leurs compétences et leurs aspirations. Ce texte y contribue très largement. C’est pourquoi le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le véritable objectif de ce texte est d’obliger les demandeurs d’emploi, notamment les plus fragiles, à accepter les emplois dont personne ne veut, car trop précaires ou trop mal payés. Il s’agit malheureusement de la majorité des offres disponibles à l’ANPE. S’ils refusent, on les radiera de la liste, ce qui permettra d’améliorer les statistiques, et on suspendra leur indemnité de chômage, ce qui permettra de récupérer de l’argent à l’UNEDIC, soit pour diminuer les cotisations patronales, soit pour renflouer les autres comptes sociaux déficitaires – je crains, malheureusement, que les deux ne se produisent.

Cette politique va aggraver la dualisation du marché du travail : aux uns les heures supplémentaires, aux autres les bad jobs. Elle relève d’une idéologie néolibérale qui vise à réduire à tout prix le coût du travail, quitte à briser les acquis sociaux, et qui est en train d’échouer partout parce qu’elle est inefficace dans le cadre de la mondialisation. S’engage ainsi un cycle de paupérisation croissante d’une partie des salariés : c’est l’explosion du nombre de travailleurs pauvres.

Pourtant, une autre politique est possible.

Tout d’abord, il conviendrait d’organiser un Grenelle des salaires, plutôt que de multiplier les expédients afin de maintenir le pouvoir d’achat – sans succès d’ailleurs puisque la consommation des ménages continue de baisser.

Ensuite, on pourrait utiliser les excédents de l’UNEDIC pour construire une véritable sécurisation des parcours professionnels – dont vous ne parlez plus –, assurer un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi, notamment des publics les plus fragiles, améliorer l’indemnisation pour éviter les effets de déclassement, augmenter, comme le réclame l’économie de la connaissance, la qualification et les compétences des salariés, et non enclencher un processus de déqualification des demandeurs d’emploi, qui seront obligés d’accepter cette déqualification à travers le PPAE.

Pourtant, la généralisation du PPAE pourrait être une bonne chose si le nouvel opérateur avait la capacité de le faire. Hélas, malgré mes demandes répétées, nous ne savons toujours pas la nature juridique du PPAE. Il sera, semble-t-il, contractualisé et signé, mais ce ne sera pas un contrat. Il sera obligatoire, mais tout le monde n’en profitera pas. Qui choisira les bénéficiaires ?

En outre, en soumettant au PPAE les primo-demandeurs et les seniors, vous les incluez ipso facto dans le dispositif de l’offre raisonnable d’emploi et du décompte. Pourtant, les primo-demandeurs ne touchent aucune indemnité : plutôt que de les soumettre à un compte à rebours, il faudrait les aider à valoriser leurs diplômes et leurs compétences pour qu’ils puissent acquérir une expérience.

Quant aux seniors, ils passeront d’un coup de la dispense de recherche d’emploi au contrôle renforcé. Alors qu’il faudrait se montrer incitatif vis-à-vis des employeurs, vous faites le choix d’être coercitifs avec les chômeurs.

Faut-il voir sur la question des primo-demandeurs d’emploi les prolégomènes d’une absorption des missions locales dans le nouvel opérateur ? Je me félicite toutefois que nous ayons adopté tous ensemble l’excellent amendement de Martine Billard qui suspend le décompte pendant les temps de formation professionnelle. Voilà une mesure simple, incitative à la formation et qui, de surcroît, ne coûte rien – ce qui fera plaisir à tout le monde !

Ainsi, contrairement à ce qu’on peut lire dans la presse, le travail de l’opposition existe et est pertinent. J’en veux pour preuve le fait que, comme M. le secrétaire d’État l’a reconnu à l’instant, ce travail a amené le Gouvernement à rédiger de nouveau l’article 1er en vue de préciser que l’offre raisonnable d’emploi ne peut pas être inférieure au SMIC ni être un temps partiel si ce n’est pas stipulé dans le PPAE. Toutefois, l’actualisation du PPAE deviendra d’autant plus un bras de fer entre le demandeur d’emploi et les agents du nouvel opérateur qu’elle déclenchera le décompte, d’où la création d’un médiateur – une bonne chose à mes yeux. Mais telle est votre stratégie : mettre le système sous tension. Or il n’est pas prêt, étant en pleine réorganisation et ne disposant surtout pas d’offres suffisantes. Vous prenez ainsi le risque de le voir disjoncter.

Votre précipitation au cœur de l’été ne masquera pas le mauvais coup que vous portez non seulement aux chômeurs mais à l’ensemble des salariés.

M. Richard Mallié. On n’en a jamais parlé auparavant !

M. Jean-Patrick Gille. Après la remise en cause des RTT et des repos compensateurs, comme on l’a vu tout à l’heure, c’est celle du plein droit à l’assurance-chômage, à laquelle les salariés ont pourtant cotisé : je crains, quand on voit comment se prépare la discussion sur l’assurance-chômage, que votre texte ne soit qu’une première étape.

C’est donc, mes chers collègues, en toute connaissance de cause et non par réflexe pavlovien que nous voterons sans état d’âme contre ce projet de loi qui vise essentiellement à insécuriser les chômeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, jusqu’ici les conditions de suivi des demandeurs d’emploi étaient régies par décret, dans la juste répartition fixée par la Constitution entre la loi et le règlement. Alors que, constamment, le Gouvernement tient un discours sur la nécessité de simplifier le code du travail et que, il n’y a pas six mois, la recodification du code du travail a entraîné le déclassement de très nombreux articles de la partie législative dans la partie réglementaire, aujourd’hui vous demandez à l’Assemblée de procéder exactement en sens inverse. Ce n’est pas un hasard car votre objectif n’est surtout pas de renforcer l’accompagnement des chômeurs. Si tel avait été le cas, ce texte aurait comporté toute une partie sur la formation, d’autant que seulement 5 % des chômeurs ont eu accès à des formations en 2007 et que la moitié des crédits formation de l’UNEDIC n’a pas été consommée.

Ce renforcement de l’accompagnement supposerait aussi que les agents du service public de l’emploi aient plus de dix-neuf minutes à consacrer à chaque demandeur d’emploi.

Mais si le texte est très clair sur les obligations des chômeurs, pour ce qui est des droits, on attend toujours !

Il est à ce titre significatif que le secrétaire d’État ait constamment gardé le silence sur la question de la nature des engagements futurs du service public de l’emploi, tandis que Mme la rapporteure a régulièrement répété que le projet personnalisé d’accès à l’emploi – PPAE – n’avait pas de valeur contractuelle. Ainsi, les obligations du chômeur lui seront opposables. En revanche, il n’en sera pas de même pour ses droits. Comment, dans ces conditions, parler d’équilibre ?

Le fait de refuser de reconnaître qu’il y a contrat n’est pas anodin car cela permettra de modifier à tout moment les termes de l’engagement, et ce au détriment du demandeur d’emploi, qui ne pourra refuser. Bien que ne signant pas un contrat, les termes de ce non-contrat lui seront quand même opposables ! De fait, vous êtes obligé de transférer le projet personnalisé d’accès à l’emploi, qui existait déjà, de la partie réglementaire à la partie législative pour asseoir les nouvelles sanctions pour refus de PPAE et refus d’offres d’emploi raisonnables.

Mme Lagarde, ministre de l’économie, justifie cette nouvelle loi de la façon suivante : « La définition actuelle de l’offre raisonnable d’emploi est floue ; les critères ne sont ni définis ni adaptables à la situation de la personne. Cela laisse la place à des interprétations variables, donc à l’arbitraire. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons mettre en place des critères précis. » Après une telle déclaration, on pouvait s’attendre à un texte précis. Or rien de tel. L’alinéa 2 de l’article 1er rend obligatoire le PPAE et le fait d’accepter les offres raisonnables d’emploi. Mais l’offre raisonnable d’emploi n’est ensuite définie que par le contenu du PPAE. Or, à aucun moment du débat, nous n’avons pu obtenir de réponse précise en ce qui concerne des situations qui sont pourtant facilement envisageables : que se passera-t-il en cas de désaccord sur le contenu du PPAE ? Le réfèrent du service public de l’emploi pourra-t-il imposer ses décisions contre les souhaits du demandeur d’emploi ?

Par ailleurs, qu’en est-il de l’élaboration concrète du PPAE et surtout de son évolution à partir du quatrième mois ? Le projet de loi prévoit juste, à la forme passive : « Le PPAE est actualisé périodiquement » – sans qu’on ait pu obtenir des informations plus précises.

Les sanctions, quant à elles, deviennent automatiques. C’est une première puisque notre droit constant a toujours réaffirmé la non-automaticité des peines. Même si vous avez commencé à écorner ce principe avec l’introduction des peines planchers, celles-ci ne valent qu’en cas de récidive. Les chômeurs seront donc les premiers à inaugurer la peine automatique : deux mois de suspension d’allocations en cas de refus d’une offre d’emploi considérée par le service public de l’emploi comme raisonnable. Il est indéniable que, selon les souhaits de Mme la ministre, on ne risque plus les interprétations variables : la peine sera la même pour tous ! Nous sommes en plein arbitraire de masse.

Finalement, la seule précision consacrée par cette loi comme définition d’une offre raisonnable d’emploi porte sur les déplacements entre le domicile et le travail. Ainsi, toute distance à parcourir au plus égale à soixante kilomètres ou tout temps de transport en commun au plus égal à deux heures aller et retour impose l’acceptation d’une offre d’emploi. Ces données incluent-elles les temps d’embouteillages, malheureusement fort fréquents dans un grand nombre de nos agglomérations ? Que se passera-t-il pour les demandeurs d’emploi ne possédant pas de véhicule personnel qui n’ont pas accès aux transports en commun ? Et que se passera-t-il également si ces transports terminent leur service avant la fin de la journée de travail du salarié concerné ? Ce ne sont pas des questions anodines au moment où sont constamment annoncées des ouvertures plus tardives en soirée dans le secteur du commerce et où certaines entreprises veulent imposer les semaines en quatre-huit. Comment feront les parents et surtout les femmes des foyers monoparentaux pour organiser la garde de leurs enfants en bas âge ou l’accueil de leurs enfants à la sortie des classes ? Ces deux points, transports et garde d’enfants, pourtant reconnus comme les obstacles principaux à la reprise d’emploi, ne sont même pas traités dans ce texte.

Comme d’habitude, vous êtes en retard d’un baril de pétrole en matière de déplacements ! Alors que le prix des carburants explose et que nombre de salariés et de professions indépendantes, notamment les infirmières, voient leur facture de déplacement s’alourdir et mettre en péril l’équilibre de leur budget familial, c’est le moment que vous choisissez pour inscrire dans la loi cette obligation. Vraiment, il faut, une fois de plus, ne rien comprendre à la crise écologique et refuser toute anticipation pour continuer comme si de rien n’était !

L’autre conséquence de votre projet de loi sera la pression à la baisse des salaires.

Le demandeur d’emploi étant sommé de définir un projet personnalisé d’accès à l’emploi, on pourrait penser que ce projet lui permettra de se projeter dans sa recherche d’emploi avec le plus d’atouts possible. Or le texte ne donne même pas trois mois au chômeur pour trouver un emploi correspondant à son projet. Au delà, il sera obligé d’accepter une baisse de salaire. Qu’est-ce que trois mois ? Combien de plans de reconversion pour licenciements économiques massifs n’ont pas été en mesure de reclasser tous les salariés licenciés en un an, voire plus ? Et ce à quoi ces plans, avec les moyens en conséquence, n’ont pas été capables de parvenir, le chômeur individuel devrait le réaliser ! Le temps d’obtenir le rendez-vous pour définir le PPAE, d’envoyer des candidatures et d’espérer recevoir des réponses, les trois mois sont vite passés. Au bout de six mois, le chômeur devra accepter un emploi rémunéré à moins de 85 % de son ancien salaire. Enfin, au bout d’un an, le salaire exigible ne pourra plus être qu’au niveau du revenu de remplacement. Gare aux chômeurs qui auront déclaré être prêts à reprendre n’importe quel emploi car ils pourront se voir obligés d’accepter un emploi à temps partiel ou de durée très courte, puisque la précision sur le temps partiel ne vaut que si, dès l’origine, ils ont annoncé refuser un tel emploi !

Chacun sait que le niveau de l’emploi est directement lié à l’activité économique. Or vous faites le choix de rendre responsables les chômeurs de leurs difficultés à retrouver un emploi. On ne peut pourtant pas soutenir que les sanctions n’existent pas à l’heure actuelle. Elles ont d’ailleurs pratiquement doublé entre 2004 et 2007. Dans le même temps, les radiations ont augmenté de 40 %, dont certaines, du reste, ont été abusives, comme le démontrent régulièrement les associations de chômeurs et comme l’a également démontré le dernier rapport du médiateur, et ce alors même que la relation avec l’ANPE et les ASSEDIC est de plus en plus déshumanisée, réduite aux touches d’un téléphone pour des personnes qui sont déjà dans l’angoisse du lendemain.

De plus, la sanction est d’application immédiate ; elle laisse brutalement le demandeur d’emploi dépourvu de revenus et courant le risque d’être entraîné dans la spirale de l’exclusion. Vous êtes toujours prompts à tenter de débusquer les abus infimes des chômeurs, mais vous l’êtes beaucoup moins quand il s’agit des abus des spéculateurs de toutes sortes ou des patrons qui empochent des millions après avoir fait plonger leur entreprise.

M. Jean-Patrick Gille. Exact !

M. Jean-Frédéric Poisson. Hors sujet !

Mme Martine Billard. Mais non, ce n’est pas hors sujet ! Vous parlez d’équité : l’équité ne vaut pas seulement pour les demandeurs d’emploi mais pour l’ensemble des Français !

De la même façon, vous rendez désormais responsables les salariés âgés du fait de se retrouver sans emploi. Certes, le taux d’emploi des salariés de plus de cinquante-cinq ans est particulièrement faible en France, mais, au lieu de sanctionner les entreprises, vous faites supporter en premier lieu aux demandeurs d’emploi les conséquences de votre volonté de repousser l’âge de retrait du marché du travail, avec la disparition progressive du dispositif de dispense de recherche d’emploi.

Une fois de plus, vous mettez la charrue avant les bœufs : au lieu d’améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, pour aider à une reprise du travail la plus rapide possible, en tenant compte du marché du travail, vous sanctionnez les chômeurs dès trois mois, les considérant coupables de ne pas retrouver assez rapidement du travail. Au lieu de convaincre, voire de sanctionner les entreprises pour leur politique de refus d’embauche, voire de licenciement, des salariés âgés de plus de cinquante-sept ans et demi, vous menacez ces salariés devenus chômeurs de se retrouver sans aucun revenu et de terminer leur vie de travail dans la misère si, une fois réintégrés dans la liste des demandeurs d’emploi, ils en arrivent à refuser des offres d’emplois considérées comme raisonnables par le service public de l’emploi mais que le chômeur pour une raison ou pour une autre ne se juge pas en état d’accepter.

L’objectif principal de ce projet de loi est, finalement, d’obliger à accepter des emplois quels qu’ils soient, où qu’ils soient et quelle qu’en soit la rémunération. Contrairement à ce que vous voulez faire croire à l’opinion, s’il reste des postes de travail non pourvus, ce n’est pas parce que les chômeurs font les difficiles. En effet, bien que la moitié d’entre eux ne soient pas indemnisés, ils n’arrivent pas à retrouver un emploi, ce qui montre bien que ce n’est pas en supprimant les indemnités de la petite moitié des chômeurs qui y a le droit qu’on changera quelque chose. Ou plutôt, ce qui changera pour eux, c’est qu’ils se retrouveront sans revenus ou au RMI.

Vous refusez de reconnaître que les raisons pour lesquelles des emplois ne sont pas pourvus tiennent dans la trop grande faiblesse des salaires, la pénibilité du travail, le manque de formation ou la précarité des contrats. Quelles sont les propositions du Gouvernement en ces matières ? Aucune !

Enfin, au moment où la conjoncture est à la baisse dans la création d’emplois, puisque seulement 160 000 créations nettes sont attendues au lieu des 250 000 initialement prévues, votre texte est particulièrement malvenu. Au lieu de participer à la course à la baisse des conditions de travail et de rémunération, vous feriez mieux de vous interroger sur l’évolution de la société au regard des exigences écologiques, sur les ressources qu’il faut garantir pour demain et sur le type de travail qu’on souhaite promouvoir. Veut-on que chacun puisse vivre décemment de son travail ? Peut-on se satisfaire du fait que les travailleurs ayant les salaires les plus faibles soient obligés sans cesse d’aller habiter plus loin de leur lieu de travail, faute de pouvoir se loger plus près à un coût abordable ?

Votre texte ne fait qu’accentuer les inégalités dans notre pays. Vous comprendrez que les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votent pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure. Un peu caricatural !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les députés, cette séance vient achever l’examen du projet de loi sur les droits et les devoirs des demandeurs d’emploi, projet que le Gouvernement conçoit comme l’un des textes essentiels de sa politique de l’emploi.

Le groupe Nouveau Centre, vous le savez, aurait préféré que ce texte vienne parachever l’ensemble des réformes du marché du travail visant à faciliter le retour à l’emploi et à sécuriser les parcours professionnels.

M. Christian Eckert. Vous le voterez quand même !

M. Francis Vercamer. Si nous partageons avec vous l’objectif d’encourager un retour rapide des chômeurs à l’emploi, le groupe Nouveau Centre a proposé que le dispositif mis en place par le projet de loi soit entouré de garanties pour les demandeurs d’emploi.

En effet, on ne choisit pas d’être chômeur : il convient donc de s’assurer d’abord qu’un demandeur d’emploi disposera, en fonction des spécificités de sa situation personnelle, du meilleur accompagnement possible du service public de l’emploi.

Il est également nécessaire de garantir qu’un demandeur d’emploi ne sera pas sanctionné après avoir éventuellement refusé pour des raisons indépendantes de sa volonté une offre valable d’emploi.

Toute l’architecture de votre projet de loi repose sur l’articulation entre, d’une part, le projet personnalisé d’accès à l’emploi, élaboré par le demandeur d’emploi lui-même et son réfèrent au sein de l’organisme issu de la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, et d’autre part, la notion d’offre raisonnable d’emploi, dont les caractéristiques vont dépendre, en partie, des orientations données par le demandeur d’emploi à son projet personnalisé.

Dans le cadre du débat, nous avons présenté des amendements visant notamment à compléter le contenu du projet personnalisé d’accès à l’emploi, de manière que l’offre raisonnable d’emploi tienne compte, sans entrer pour autant excessivement dans le détail, de la diversité des situations de chômage.

Monsieur le secrétaire d’État, si ces amendements n’ont pas tous été adoptés, vous avez apporté des précisions sur votre texte qui sont, pour nous, autant d’engagements pris à l’égard des demandeurs d’emplois – engagements sur lesquels nous serons particulièrement vigilants.

C’est ainsi que vous avez convenu que l’âge, l’état de santé et la pénibilité des métiers proposés sont des éléments qui doivent naturellement être pris en compte dans la situation personnelle du demandeur d’emploi.

De la même manière, vous avez souligné que les circulaires d’application de cette loi préciseront, en ce qui concerne les transports en commun, que ceux-ci doivent être opérationnels pendant les horaires de travail de l’emploi proposé pour que l’offre d’emploi soit considérée comme « raisonnable ».

Vous avez par ailleurs accepté que les délais dans lesquels l’offre raisonnable d’emploi se décline tiennent compte du temps de la formation éventuellement suivie par le demandeur d’emploi. Le fameux amendement Billard-Vercamer a ainsi été adopté, marquant un axe Verts-Nouveau Centre… (Sourires.)

Mme Martine Billard. N’exagérons rien !

M. Francis Vercamer. Vous avez enfin retenu notre amendement visant à ce qu’un médiateur, au sein du nouvel opérateur issu de la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, puisse régler les litiges intervenant entre celui-ci et les demandeurs d’emploi. Il s’agit d’une avancée importante dans le fonctionnement du service public de l’emploi pour améliorer les rapports entre ce dernier et l’usager.

Monsieur le secrétaire d’État, les précisions apportées au fil des débats ont montré votre volonté d’inscrire votre dispositif dans une logique de personnalisation du parcours et de la prise en charge du demandeur d’emploi par le service public de l’emploi.

Nous faisons également confiance aux agents de ce même service public et à leur compétence pour appliquer avec discernement ces nouvelles règles. Mais celles-ci ne suffiront pas, à elles seules, pour relever le défi de l’emploi.

Nous restons pleinement convaincus que la mobilisation des acteurs locaux de l’emploi que sont les agences du nouvel opérateur, ou les maisons de l’emploi, est essentiel pour accompagner avec efficacité les chômeurs. Elle conditionne la réussite du parcours de retour à l’emploi. Des synergies sont d’ores et déjà mises en œuvre localement en ce sens. Elles doivent être encouragées.

Il est indispensable que nous disposions, dans nos bassins d’emplois, dans les mois et années qui viennent, des moyens adaptés à la gravité et à la complexité des situations de chômage auxquelles nous sommes confrontés.

Avec les réformes que nous accomplissons, il s’agit de la seule voie possible pour faire reculer durablement les chiffres du chômage, tout en encourageant l’accès à des emplois de qualité.

C’est dans cette logique que le groupe Nouveau Centre votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, comme cela a été précisé ce matin par mes collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous nous félicitons du fait que quelques améliorations aient été apportées au projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Benoist Apparu. Enfin de la lucidité !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Comme l’a relevé M. le secrétaire d’État, ces améliorations ont été rendues possibles, notamment, grâce à l’apport des députés de l’opposition. Ils ont pourtant dû travailler, depuis plusieurs semaines, dans un contexte rendu difficile par le nombre de textes inscrits en urgence à notre ordre du jour. Malgré cela, nous avons défendu nos valeurs avec conviction et dans le respect de chacun, sans succomber à la facilité de l’obstruction que vous dénonciez.

Une preuve manifeste en est apportée par l’adoption à l’Assemblée nationale d’amendements émanant de l’opposition qui ont permis de clarifier la définition du projet personnalisé d’accès à l’emploi, par exemple en mettant en valeur les connaissances et les compétences acquises au cours des expériences professionnelles des demandeurs d’emploi. La notion trop vague d’expérience professionnelle, telle qu’elle avait été retenue initialement, s’en est ainsi trouvée enrichie.

Les améliorations retenues, pour nécessaires qu’elles aient été, ne remettent cependant pas suffisamment en question les limites de l’offre raisonnable d’emploi, ni surtout celles du système de sanctions mis en place. Ces sanctions restent beaucoup trop stigmatisantes envers les demandeurs d’emploi, alors même que les conditions nécessaires à une amélioration de la situation de l’emploi sont bien loin d’être réunies. Je pense en particulier à la croissance de notre pays, que la plupart des économistes voient culminer à 1,6 % pour cette année, alors qu’elle devait se situer selon votre estimation, pourtant déjà basse, à 1,7 %.

Ces sanctions auront pour unique conséquence d’augmenter le nombre de radiations, mais n’amélioreront en rien le marché du travail. Ces radiations que vous utilisez comme un outil d’amélioration statistique auront cependant des conséquences bien tangibles : des demandeurs d’emploi seront privés d’allocations ASSEDIC. Vous n’y voyez qu’une punition temporaire justifiée ; je constate, pour ma part, l’apparition d’une nouvelle mesure de précarisation et d’exclusion de populations pourtant déjà fragiles. Et je ne comprends pas comment une démarche qui, en retirant à quelqu’un ses allocations, l’empêcherait de payer son loyer, de faire ses courses, de se déplacer ou encore de communiquer, pourrait l’aider à retrouver un emploi !

M. Christian Eckert et M. Alain Vidalies. Très bien !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Par ailleurs, nous l’avons dit et répété lors des débats : le volet « droits » du projet personnalisé d’accès à l’emploi nous semble bien mince au regard de son volet « devoirs ». Vous avez cité, à nouveau, monsieur le secrétaire d’État, des données venant de divers pays européens. Or le montant des dépenses publiques consacrées au marché du travail en Europe en est une illustration toute simple. Il représente 4,26 % du PIB au Danemark, 3,32 % en Allemagne et seulement 2,52 % du PIB en France !

Dans ce contexte édifiant, la priorité ne nous semble pas être d’accentuer la pression sur les demandeurs d’emplois.

Vous connaissez, d’autre part, mon attachement aux questions relatives aux retraites et à l’emploi des seniors. Insérer un article 2 bis au détour d’un amendement et se contenter de déclarer qu’on « est encore en âge de travailler après cinquante-cinq ans » ne me semble pas à la hauteur de l’enjeu.

Ce genre de déclaration intempestive, sans réel plan d’action, vous conduira au même échec que celui subi par la réforme de M. Fillon de 2003, dont la Caisse nationale d’assurance vieillesse a tiré récemment un bilan peu flatteur. Mme la rapporteure a ainsi rappelé que taux d’emploi des seniors se situe à 38,1 %, bien loin de l’objectif de 50 % pour 2010. De même, le système de surcote a échoué – il est vrai que travailler plus pour ne gagner que quelques euros de plus n’a pas grand-chose d’incitatif. Enfin, l’âge moyen de départ à la retraite a baissé.

Votre cavalier législatif sur la dispense de recherche d’emploi, tout comme l’ensemble du projet de loi, n’est convaincant ni sur la forme ni sur le fond.

Vous ne vous étonnerez donc pas que nous votions contre ce projet de loi. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que dire quand tout semble avoir été dit ? Eh bien, il en reste encore à dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Que dire quand, au cœur de l’été, au moment où les Français auraient pu aspirer au repos législatif et à la tranquillité médiatique, nous sommes invités à nous prononcer sur un texte extrêmement important, tant dans son contenu que dans sa philosophie, qui plus est assorti d’une déclaration d’urgence.

M. Franck Riester. Il y avait urgence !

Mme Catherine Lemorton. En plein été, l’urgence nous semble toujours suspecte.

Sur le contenu, plusieurs points sont à souligner, et tout d’abord le retour à une conception plus classique du cheminement du demandeur d’emploi face à l’opérateur. Son parcours professionnel passé, ses ambitions, ses capacités pourront être discutés dans le cadre d’un projet personnalisé d’accès à l’emploi, ce qui était loin d’être clairement exprimé dans le texte initial.

L’importance de la formation semble sauvegardée face à une proposition qui mettait de côté cet outil pourtant essentiel pour la réinsertion professionnelle du demandeur d’emploi ; l’assurance d’un salaire minimum plus décent lors de la proposition d’une offre raisonnable d’emploi ; l’assurance du respect de la nature du contrat recherché par le demandeur ; la possibilité faite aux demandeurs de recourir à un médiateur national en cas de litige avec l’opérateur public ; la requête, enfin, de l’avis des représentants syndicaux et des organisations d’employeurs représentatives pour la rédaction du décret fixant les conditions de radiation des listes.

Mais ces quelques satisfactions sont loin de déclencher un enthousiasme débordant.

Passons alors, mes chers collègues, du contenu du texte à la philosophie qu’il va véhiculer et aux actes sur lesquels nous pouvons déjà nous appuyer.

Les actes, d’abord. Comment croire que la démocratie sociale sera plus respectée à l’avenir, alors que le Président de la République et le Gouvernement s’étaient déjà engagés à ne pas toucher au code du travail sans préalablement en référer aux partenaires sociaux – partenaires sociaux qui, je vous le rappelle, monsieur le secrétaire d’État, attendent toujours un signe de votre part dans la présente loi ?

Comment faire confiance au futur opérateur public dans le suivi des projets personnalisés d’accès à l’emploi quand, de toutes les régions de France, nous remontent des informations confirmant une tendance forte à la réduction des effectifs de l’ANPE, notamment par la non-reconduction des contrats qui arrivent à leur terme des personnels en CDD ?

Comment l’opérateur pourra-t-il gérer le passage des projets personnalisés élaborés actuellement sans les contraintes calendaires du texte que nous examinons aux projets personnalisés qui seront issus de la nouvelle loi ?

Que dire enfin de l’article 2 bis concernant le cas particulier des seniors alors qu’un plan – sans doute « d’ampleur historique » – nous a été annoncé par le Gouvernement pour le retour des seniors au travail ?

Avant même d’être réellement opérationnel, le futur opérateur public est déjà discrédité par ce projet de loi qui le place pourtant au centre du dispositif créé. D’où viendra alors le salut des demandeurs d’emploi ? D’opérateurs privés ? Les premières études sérieuses et indépendantes sur le sujet nous montrent que cette solution n’est efficace ni économiquement, ni qualitativement, ni quantitativement.

Les faits ne vont donc pas dans le bon sens. Alors, que dire de la philosophie ? Quoi que vous puissiez en penser, ce texte stigmatisera les 98 % de chômeurs sincères, pour, selon vos dires, mieux encadrer et punir les 2 % de fraudeurs.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Mais non ! Mais non !

Mme Catherine Lemorton. On ne peut pas jeter l’opprobre sur l’ensemble d’une population (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) pour mieux contrôler une infime partie de celle-ci. Ce n’est pas respectueux de la situation de centaines de milliers de personnes.

Le glissement vers la contractualisation du rapport entre le demandeur et l’opérateur, avec un déséquilibre évident en faveur de l’opérateur, et les menaces de sanction dans les cas où le demandeur refuserait une offre raisonnable d’emploi constitueront une atteinte réelle à la liberté fondamentale des chômeurs et à leur dignité.

M. François Brottes. C’est vrai !

Mme Catherine Lemorton. Plus généralement, ce texte parfait encore votre vision de la société ; une société où l’accident de la vie est considéré comme de la responsabilité directe de celui ou celle qui le subit. En témoignent les franchises que vous appliquez désormais aux accidentés du travail, aux maladies professionnelles et aux handicapés !

Mes chers collègues, ce texte n’a pas lieu d’être. Si votre volonté était de rappeler à l’ordre les fraudeurs, l’arsenal existant suffisait. Si vous souhaitiez renforcer les droits des demandeurs d’emploi, le résultat est navrant !

Plutôt que de se cacher derrière son petit doigt, la majorité aurait pu, aurait dû, assumer sa volonté véritable : la limitation de l’engagement financier de l’État et la fragilisation du chômeur.

Ce projet de loi était très mauvais ; il n’est plus que mauvais.

Parce qu’il ne répond pas aux véritables besoins des demandeurs d’emploi, parce que, une nouvelle fois, son sens est masqué par la majorité, nous ne pourrons décemment pas apporter notre soutien à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Benoist Apparu. Et c’est bien dommage !

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Explication de vote

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, pour une explication de vote au titre du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Issindou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, autant le dire tout de suite : malgré les améliorations apportées au cours du débat et la bonne volonté trop épisodique – il faut bien le reconnaître – du secrétaire d’État, ce projet de loi va porter un mauvais coup aux demandeurs d’emplois. Sous prétexte d’améliorer leur droit, vous imposez en réalité un durcissement de leurs devoirs.

La flexibilité est là ; vous venez de l’instaurer. Mais la sécurité, nous l’attendons encore dans votre texte !

Certes, vos objectifs sont en partie louables : comment ne pas partager votre volonté de ramener le taux de chômage à 5 % en 2012 ? Mais vous êtes convaincus que vous y parviendrez – ce qui n’est pas certain du tout – en forçant de manière autoritaire la rencontre entre l’offre et la demande, notamment sur les métiers en tension.

Autre objectif du Gouvernement : réduire le coût de l’assurance chômage, pour faire basculer les excédents vers les retraites. Pourquoi pas ? Mais cela ne doit pas se faire au détriment des chômeurs, qui, pour la quasi totalité d’entre eux, ne sont en rien responsables de leur situation.

Enfin, il s’agit surtout de rappeler à votre électorat, par une de ces opérations de communication dont vous êtes coutumiers, que vous pourchassez activement ceux qui abusent du système, c’est-à-dire les quelque 2 % qui profitent des failles du dispositif actuel.

Pour atteindre ces objectifs, vous n’avez pas hésité à utiliser de mauvaises méthodes. Tout d’abord, vous avez choisi de faire examiner ce texte par le Parlement au cœur de l’été, pendant une session extraordinaire, et en utilisant la procédure d’urgence, interdisant ainsi toute véritable amélioration de votre projet.

Ensuite, vous n’avez laissé aucune chance au dialogue social, que vous appelez pourtant de vos vœux quand cela vous arrange. Toutes les organisations syndicales s’opposent à ce texte, estimant que le débat aurait dû avoir lieu lors des discussions à venir sur l’assurance chômage. Mais vous n’en avez cure : vous passez en force, une fois de plus. Le dialogue social s’instaure si la confiance existe entre les partenaires ; un État trop rapide et trop brutal ne peut que l’altérer durablement.

Mais, au-delà de la méthode, contestable, c’est le fond qui manque le plus. Votre texte est en effet inutile, dangereux et humiliant, et il se révélera très rapidement inefficace.

Il est inutile parce que le code du travail permet déjà de lutter efficacement contre la fraude, qui est votre obsession. Les fraudeurs manifestes peuvent déjà faire l’objet de sanctions tout à fait légitimes et que nous ne contestons pas. Le nouveau dispositif n’apportera rien de nouveau et les 2 % de fraudeurs incriminés auront vite fait de trouver ses failles.

Votre texte est également inutile car, en favorisant la rencontre de l’offre et de la demande, on ne peut améliorer la situation qu’à la marge : c’est le manque de croissance qui crée le manque d’emploi dans notre pays. Or, dans ce domaine, depuis six ans, vous n’avez pas fait de miracle. Dernier avatar en date, la loi TEPA de juillet dernier n’a pas créé les emplois tant attendus.

M. François Brottes. Eh oui, le paquet fiscal !

M. Michel Issindou. Ce texte est dangereux, car il repose sur la définition de l’offre raisonnable d’emploi. Or cette définition, aux confins de la philosophie et de la morale, est trop floue pour ne pas susciter diverses interprétations, comme on le verra certainement très prochainement.

Dans l’élaboration de son PPAE, le demandeur d’emploi se trouvera, dès le premier entretien, sous la contrainte. Dans un premier temps, celle-ci sera empreinte de bienveillance de la part de l’opérateur, mais, très vite, les mois passant, le demandeur se verra obligé d’actualiser, forcément à la baisse, son projet initial, pour, au bout d’un an, se trouver dans l’obligation d’accepter un emploi non désiré et mal rémunéré.

Par ailleurs, ce texte, malgré son titre alléchant, crée plus de devoirs que de droits pour le demandeur d’emploi. S’agissant des droits, vous attendez beaucoup de la fusion ANPE-UNEDIC, mais on voit mal comment, à moyens constants, le suivi personnalisé, sur lequel vous comptez tant, pourra être effectif. Du reste, n’eût-il pas été plus judicieux de mettre en œuvre cette fusion après l’adoption de ce texte ?

Autre droit dont on peut douter de l’efficacité actuelle et future : le droit à la formation professionnelle. Actuellement, l’UNEDIC ne consomme que la moitié de ses crédits de formation, et très peu en direction des demandeurs d’emploi. On sait pourtant que c’est par là que passe la réussite du retour au travail. Vous annoncez une réforme de la formation professionnelle pour cet automne. Soit ! Mais pourquoi ne pas nous l’avoir soumise avant le projet de loi sur les droits et devoirs des demandeurs d’emploi ?

S’il est inutile et dangereux, ce texte est surtout humiliant pour les chômeurs. La quasi-totalité des demandeurs d’emploi sont victimes de la pénurie d’emplois disponibles sur le marché du travail. Or, par ce texte, vous en faites des coupables, en expliquant que, au fond, tout n’est qu’affaire de bonne volonté de part et d’autre. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous donnez aux chômeurs le sentiment qu’ils sont eux-mêmes responsables de ce qui leur arrive. Le chômage est dur à vivre ; plus de la moitié des Français l’ont connu ou le connaîtront. Les chômeurs ont besoin d’attention, de formation et d’allocations correctes pour garder leur dignité et l’envie de s’en sortir au plus vite.

M. Benoist Apparu. La responsabilisation, c’est la dignité !

M. Michel Issindou. Ce texte n’est pas construit dans cet esprit. Bâti pour lutter contre les fraudeurs, ses objectifs sont uniquement démagogiques et financiers. Il ne réglera pas le problème de l’emploi dans notre pays ; il donnera l’illusion que vous vous en préoccupez. Le meilleur service que vous puissiez rendre aux demandeurs d’emploi, c’est de recréer les conditions de la croissance, présente en Europe mais étrangement absente en France. Vous l’aurez compris : même amendé, ce texte n’aura donc pas notre aval, et, bien entendu, nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

3

Clôture de la session extraordinaire

M. le président. L’Assemblée a achevé l’examen des textes qui étaient inscrits à son ordre du jour.

M. le Président de l’Assemblée nationale prendra acte de la clôture de la session extraordinaire par avis publié au Journal officiel.

Je vous souhaite de bonnes vacances.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.)