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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Deuxième session extraordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 22 septembre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Revenus du travail

Question préalable

M. Jérôme Cahuzac

M. Francis Hillmeyer, M. Roland Muzeau, M. Marcel Rogemont

Discussion générale

M. Roland Muzeau

M. Francis Hillmeyer

M. François Cornut-Gentille

Mme Catherine Lemorton

M. Frédéric Lefebvre

Rappel au règlement

M. Christian Eckert

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

Reprise de la discussion

M. Gérard Bapt

Mme Arlette Grosskost

M. Olivier Dussopt

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Jean-Pierre Balligand

M. Lionel Tardy

M. Gérard Charasse

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Pierre Brard

M. Jean Mallot, M. Yvan Lachaud

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Revenus du travail

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi en faveur des revenus du travail. (nos 1096, 1107, 1108, 1106).

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette question préalable est peut-être la dernière du genre, en tout cas il faut l’espérer. Autrement formulée, elle pourrait être : pendant combien de temps encore l’opposition devra-t-elle se contenter de motions de procédure pour faire valoir son point de vue, faute d’avoir d’autres opportunités pour cela dans le cadre du débat parlementaire ?

Combien de temps encore devrons-nous attendre pour que les dispositions constitutionnelles adoptées il y a quelques semaines soient appliquées ? Certains ont trouvé que ces dispositions étaient satisfaisantes, d’autres qu’elles ne l’étaient pas. Ces dispositions doivent permettre au débat parlementaire de se dérouler dans des conditions plus satisfaisantes que celles que le Parlement connaît depuis l’avènement de la Ve République. En effet, depuis cette époque, seules les motions de procédure permettent à l’opposition de faire valoir son point de vue.

Faire valoir son point de vue est tout à fait légitime dans ce forum de la démocratie qu’est l’Assemblée nationale. C’est le lieu du débat démocratique ; un débat que personne ne doit fuir, naturellement pas les parlementaires et certainement pas davantage le pouvoir exécutif qui, bien sûr, a des comptes à rendre à la représentation nationale. À cet égard, permettez-moi de noter, pour m’en amuser, que, pour l’instant, la seule application de la réforme constitutionnelle ne concernera que les ministres de l’actuel gouvernement – prochainement touchés, c’est ce que l’on entend ici ou là par la disgrâce présidentielle. Ils retrouveront, pour ceux qui ont pu être élus, leur siège de parlementaire et intégreront donc le groupe majoritaire avec l’obligation – rien de choquant – d’être loyal à l’égard du pouvoir exécutif, mais aussi – c’est peut-être plus contestable – la nécessité d’approuver bruyamment et dans l’enthousiasme toutes les initiatives présidentielles, ou à défaut de respecter un silence prudent à l’égard des volontés du Très Haut – pardon, du Président de la République.

Oui ! Il est choquant que, pour l’instant, la seule application concrète soit cette mesure-là, quand – et ce projet de loi le démontre – les dispositions adoptées auraient permis, je le crois, un débat plus intéressant. Les motions de procédure – c’est je crois notre collègue Cornut-Gentille qui le faisait remarquer – sont un rituel supporté stoïquement par les membres du Gouvernement, qui en profitent en général pour apurer le courrier en retard ; supporté parfois avec irritation par nos collègues de la majorité qui voudraient que les choses aillent plus vite, et naturellement vécu comme une forme de frustration par les députés de l’opposition, qui aimeraient que les points de vue qu’ils exposent puissent être davantage pris en considération.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac. J’en viens à la question essentielle du pouvoir d’achat. Monsieur le ministre, nous avons réentendu tout à l’heure, au cas où nous l’aurions oubliée, votre antienne : le travail doit être remis au centre de la politique gouvernementale.

Examinons la situation à la lumière de vos résultats et ensuite les cinq articles du projet de loi que vous soumettez au Parlement.

Le travail, le pouvoir d’achat devaient être le grand œuvre du Président de la République, de son gouvernement et de sa majorité, en particulier la rémunération du travail et le pouvoir d’achat. À ce sujet, des motifs d’inquiétude existaient déjà lors de l’examen de la loi de finances initiale l’hiver dernier, puisque les annexes produites par le ministère de l’économie et des finances indiquaient déjà que si ce pouvoir d’achat devait progresser en 2008, la progression serait moindre qu’en 2007, chose étonnante au regard des textes qui avaient déjà été adoptés, je pense au fameux « paquet fiscal » !

M. Jean Launay. Péché originel !

M. Jérôme Cahuzac. Mais c’était encore trop optimiste car les salariés du secteur privé ne connaîtront pas cette année de progression du pouvoir d’achat. La chose est maintenant connue. En réalité, monsieur le ministre, il régressera. Si le salaire mensuel de base a incontestablement progressé, l’inflation a progressé davantage et les salariés du privé connaîtront une régression de leur pouvoir d’achat de l’ordre de 0,4 ou 0,5 %. Beau succès ! Permettez-moi d’ironiser, même si la matière s’y prête relativement peu.

Pour les salariés des différentes fonctions publiques, le résultat sera le même. Une note de conjoncture de l’INSEE publiée au mois de juin dernier a indiqué que la régression du pouvoir d’achat avoisinerait les 0,9 ou 1 %.

Pas plus que leurs collègues du privé, les salariés des fonctions publiques ne connaîtront une quelconque progression du pouvoir d’achat en 2008. Là encore, bel ouvrage !

Quant aux retraités – les grands oubliés, d’une certaine manière, de la politique gouvernementale depuis maintenant plus d’un an – il leur a été accordé par M. Bertrand une hausse de 1,1 % au début de l’année, une hausse justifiée par celle, à ses yeux excessive – c’était du moins le sens de ses propos tenus à plusieurs reprises et dans cette enceinte –, accordée l’année passée. Depuis, le Gouvernement et le ministre chargé de la solidarité ont tenté de se reprendre en accordant une hausse complémentaire de 0,8 %. Cela représentera un peu moins de 2 % de hausse des retraites uniquement à compter du quadrimestre. Comme la hausse du coût de la vie est de 3,6 %, le calcul est assez simple à faire. Des catégories socioprofessionnelles précédemment décrites, ce sont les retraités qui perdent le plus. C’est peu surprenant, au regard de l’ignorance dans laquelle le Gouvernement tient, non pas les régimes de retraites – il s’en occupe beaucoup –, mais les retraités qui ont déjà liquidé leur pension ou leur retraite.

Qui a donc pu bénéficier de hausse de pouvoir d’achat dans notre pays depuis le mois de juin 2007 ? On peut s’essayer à cet exercice, non pas par ordre croissant de gain de pouvoir d’achat, mais au moins dans un certain ordre chronologique.

Le premier – il tient la corde – c’est incontestablement le Président de la République, qui en deux fois, une première fois de sa propre initiative, une deuxième fois avec un vote de sa majorité, a obtenu une augmentation de 200 % – un peu moins, pardonnez-moi – de ses indemnités.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac. C’est un record en la matière. Cela fait beaucoup. Lui n’a pas attendu un quelconque projet de loi ou je ne sais quel débat. Ce fut fait et manifestement sans états d’âme de sa part, pas plus que de la majorité d’ailleurs, qui a accepté cela.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Propos démagogique et honteux !

M. Jérôme Cahuzac. La deuxième catégorie socioprofessionnelle qui aurait profité de ces augmentations de pouvoir d’achat, ce sont bien sûr les bénéficiaires du bouclier fiscal à 50 %. Cela fait davantage de monde pour beaucoup d’argent. Mais cela reste une très faible minorité au sein de notre pays.

La troisième – on l’a su plus tard – sont les principaux dirigeants des quarante plus grandes entreprises françaises, dont les gains de rémunération ont progressé de 20, 40 ou 50 %. À ce stade de progression et vu les montants atteints, les chiffres donnent le vertige, vous me pardonnerez donc ces imprécisions.

M. Jean Launay. Il faut taxer les stocks-options !

M. Jérôme Cahuzac. Ils ont clairement profité de gains de pouvoir d’achat absolument considérables.

La liste s’arrêtait là jusqu’à une période récente, puisque, me semble-t-il, le dernier à avoir bénéficié d’une hausse considérable de pouvoir d’achat est M. Bernard Tapie, compte tenu du chèque de 390 millions d’euros que le Gouvernement a consenti que l’EPFR lui fasse (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), au terme d’une procédure extrêmement contestable et qui a gêné des parlementaires siégeant sur de nombreux bancs de notre assemblée.

M. Jean Launay. C’est le résultat de l’arbitrage !

M. Jérôme Cahuzac. Au total, ce grand œuvre pèche un peu, à la fois par pragmatisme et par ambition, puisque limiter aux seules catégories que je viens de citer le bénéfice de la hausse du pouvoir d’achat est très éloigné des promesses d’une campagne présidentielle qui avait incontestablement convaincu une majorité de nos concitoyens que ce sujet-là serait enfin traité convenablement.

Au regard de ce bilan, somme toute assez critiquable et dont les Français ne semblent pas particulièrement satisfaits, qu’en est-il du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui ?

Il est difficile d’imaginer que l’article 1er de ce projet puisse corriger quoi que ce soit pour les salariés du privé dans les mois ou les deux ans à venir. Ce sera peut-être ultérieurement une mesure qui contribuera à l’augmentation de leurs revenus, mais ce n’est pas certainement pas la mesure qui permettra ni en 2008 et pas davantage en 2009 de corriger une anomalie évidente aujourd’hui. Si le Gouvernement en est à son troisième ou quatrième texte visant à améliorer le pouvoir d’achat, cela signifie que les précédents n’ont pas donné entière satisfaction. Contrairement aux engagements solennels qui sont pris et aux discours qui sont tenus, y compris dans cette enceinte et du haut de cette tribune par le ministre tout à l’heure, le travail ne permet pas à de trop nombreux salariés d’assurer matériellement leur destin ou celui de leur famille. D’où quelques échappatoires avec l’article 1er sur l’intéressement.

Au demeurant, soulignons que cet article crée une dépense fiscale à un moment où l’ensemble des députés de la commission des finances s’accordent à reconnaître qu’il faut en finir avec les dépenses fiscales nichées dans presque tous les projets de loi. En l’occurrence, il est tout de même question d’un milliard d’euros. Mais comment raisonnablement s’appuyer sur cette estimation puisque ce chiffre provient de l’étude menée par un cabinet dont on ignore tout et qui aurait interrogé un panel d’entreprises : lesquelles, selon quels critères, pendant combien de temps ? Là encore, on ne le sait pas. Mes chers collègues, nous ne disposons d’aucun élément d’appréciation pour juger de la pertinence de ce chiffre ; or un milliard d’euros par an, ce n’est tout de même pas rien. J’avais pourtant cru comprendre que le Premier ministre avait, dans un accès de lucidité, estimé que l’État était en faillite. Le ministre des comptes publics avait, lui, répété à l’envi que les caisses étaient vides. En dépit de ces affirmations, on procède à une dépense fiscale d’un milliard d’euros par la création d’une nouvelle niche fiscale alors que je pensais que l’heure était à leur réduction ! La solution retenue va à rebours des préconisations des uns et des autres. L’article 1er est donc inutile en matière de pouvoir d’achat à court terme pour les salariés et, de surcroît, dangereux pour nos finances publiques, qui ne peuvent supporter de tels efforts supplémentaires compte tenu de leur situation réelle.

L’article 2 relatif à la participation gêne beaucoup de monde dans cette enceinte. C’est la troisième ou la quatrième fois que l’on fait appel à la participation parce que le Gouvernement est en panne d’idées, de projet économique et de perspectives en matière de pouvoir d’achat. Preuve en est cet aveu au moment de la présentation du projet de loi : il s’agit bien d’une fusion entre l’intéressement et la participation, c’est-à-dire une confusion entre deux systèmes dont les fondements et les finalités n’ont rigoureusement rien à voir. Permettez-moi de vous rappeler que l’intéressement date de la fin des années cinquante, 1957 et 1959, et la participation de 1967. Si les plus hautes autorités de l’époque – le général de Gaulle et Georges Pompidou – avaient voulu que les deux systèmes fussent identiques, elles n’auraient pas créé la participation qui présente une dimension supplémentaire que l’intéressement n’a jamais eu et n’aura jamais, Patrick Ollier lui-même l’a rappelé, même s’il est arrivé à une conclusion en contradiction avec le raisonnement qu’il a tenu.

La participation est la tentative de transcender les divergences entre le capital et le travail pour arriver à ce qu’ils ont de commun ; ce n’est évidemment pas le cas de l’intéressement qui n’a rigoureusement rien à voir avec la participation.

Plus grave, l’article 2 commet une triple erreur ; d’abord, il pèche contre l’esprit même de la participation. Invoquer les mânes du général de Gaulle au secours du sarkozysme est pour le moins gênant. Il me semble qu’entre gaullisme et sarkozysme, il y a bien plus qu’une différence de style.

M. Marcel Rogemont. Une différence de taille !

M. Jérôme Cahuzac. Mais je laisse nos collègues de la majorité en juger. Il en existe encore pour se réclamer de la mémoire et de l’action du général de Gaulle. À eux de s’arranger avec celles et ceux qui, siégeant dans la même majorité, appartiennent à une famille politique qui ne fut pas pour rien dans la chute politique de l’ancien chef de l’État.

La participation fait l’objet d’une regrettable confusion avec l’intéressement ; première erreur. La deuxième vise les salariés. Si, au départ, il n’était pas prévu que la participation puisse servir à acheter un logement ou améliorer une retraite, l’usage et la tradition ont de fait abouti à cela. Comment ne pas voir qu’autoriser le déblocage – c’est-à-dire le siphonnage de cette épargne au motif que les besoins courants ne sont plus satisfaits par le salaire – c’est reconnaître, contrairement aux affirmations maintes fois assénées, que le travail n’est pas au centre des préoccupations gouvernementales ou, en tout cas, que sa rémunération n’est plus une priorité. Bref, c’est méconnaître la spécificité de la participation, laquelle, si ce texte est adopté, aura définitivement disparu, ce qui est pour le moins regrettable.

La troisième erreur concerne les entreprises : la transcendance à laquelle les pouvoirs publics appelaient le capital et le travail dans les années soixante avait aussi pour objectif de doter les entreprises de fonds propres et de permettre la stabilité de l’actionnariat. Dans une période où les entreprises « bénéficient » d’un autofinancement parmi les plus faibles de ces vingt dernières années, où les banques refusent tout crédit quelle que soit la pertinence des projets, croyez-vous vraiment, mes chers collègues, qu’il faille, comme vous le proposez à l’article 2, siphonner l’épargne des salariés et pénaliser les entreprises en leur interdisant de fait de moderniser leur outil de travail et d’investir alors que l’on sait que la modernisation est indispensable si leur compétitivité doit être restaurée ? Cet article va à rebours des mesures économiques que les pouvoirs publics devraient promouvoir afin que les petites et moyennes entreprises se développent, innovent, soient compétitives et exportent, à l’instar de ce que les Allemands ont su faire après beaucoup d’efforts.

M. Jean Mallot. En effet !

M. Jérôme Cahuzac. L’article 3, qui propose de changer la date de revalorisation annuelle du SMIC, est soit anodin, soit dangereux. Il crée une commission supplémentaire. Pourquoi pas ? Mais fallait-il vraiment convoquer le Parlement en session extraordinaire et déclarer l’urgence sur un texte qui modifie la date de revalorisation du SMIC et qui une crée une nouvelle commission ? À chacun d’en juger. Pour ma part, poser la question, c’est y répondre ! Tout cela n’est évidemment pas très sérieux s’il ne s’agit que de cela. Créer une commission dont on nous dit qu’elle sera indépendante ne valait pas la peine que l’on convoque le Parlement en session extraordinaire. Vous remarquerez que lorsque le pouvoir exécutif propose la création d’une commission ou d’un comité, celle-ci est toujours affublée du qualificatif « indépendant » ! De quelle indépendance s’agit-il ? On ne le sait pas, mais le fait qu’elle soit indépendante est manifestement la qualité indispensable pour qu’une commission soit soumise au vote du Parlement. Soit. Le SMIC a été créé pour assurer, par le biais d’une rémunération minimale, sinon le bien-être, en tout cas la survie matérielle de salariés qui travaillent pour gagner leur vie. Si le rôle de la commission est de passer de ce critère à un autre – la compétitivité, les exemples étrangers, les mouvements erratiques de la Bourse de Francfort ou de New York –, alors là, c’est beaucoup plus dangereux. Ce serait clairement rompre avec l’esprit qui a toujours présidé à l’établissement du salaire minimum. On ne garantit en rien que le salaire minimal rétribue justement le travail. Dans un cas, il était inutile de présenter un tel article. Dans l’autre, il est dangereux et, de surcroît, contradictoire avec les objectifs que semble poursuivre le Gouvernement, à savoir revaloriser le travail.

L’article 4 rappelle que la négociation annuelle obligatoire est obligatoire ! Fallait-il convoquer le Parlement et déclarer l’urgence pour en débattre ? Il ne s’agit vraiment pas d’un saut conceptuel, pas plus que ne le serait le fait de conditionner les allégements de charges sociales par l’ouverture de négociations. Ouvrir des négociations ne garantit en rien que l’on aboutisse à des conclusions et à des conclusions positives pour les salariés, c’est-à-dire pour le pouvoir d’achat.

M. Jean Launay. Comme pour le chèque-transport !

M. Jérôme Cahuzac. Fallait-il vraiment que le Parlement examine un tel article qui rappelle ce que la loi prescrit déjà ? Il nous semble que non. Là encore, il s’agit d’un article parfaitement inutile.

L’article 5 peut laisser espérer, à terme, une augmentation de salaire, donc, de pouvoir d’achat, parce que les minima de branche seraient alignés sur le SMIC. S’il s’agit vraiment de traduire enfin dans les actes gouvernementaux les promesses faites par le candidat Nicolas Sarkozy, pourquoi, dans ces conditions, attendre 2010 pour faire un rapport et 2011 pour que le Gouvernement, et le cas échéant, le Parlement se saisissent de cette question et prennent les mesures qui s’imposent afin que les négociations aient lieu, que les minima de branche soient alignés sur le SMIC et que le travail soit enfin revalorisé et reconnu pour ce qu’il est : un acte essentiel de chaque citoyen dans une nation de citoyens.

Mon analyse est, certes, quelque peu succincte, mais je ne pense pas qu’elle trahisse réellement le contenu des articles de ce projet de loi. Vous aurez beaucoup de mal, monsieur le ministre du travail, à nous convaincre que ces articles revêtent une importance telle qu’il fallait convoquer le Parlement et déclarer l’urgence sur ce projet de loi. L’opposition, par ma voix, a fait savoir ce qu’elle en pense. Se pose donc la question des raisons qui vous ont amené à venir devant nous pour présenter ce texte.

M. Marcel Rogemont. Occuper l’espace !

M. Jérôme Cahuzac. Il s’agit de démontrer, par une activité incessante, que vous appartenez à un Gouvernement réformateur et que vous-même, vous êtes un ministre réformateur. Acceptez cependant que l’on vous fasse remarquer que la qualité de réformateur se juge moins au poids du papier noirci pour rédiger des projets de loi souvent inutiles ou dont on ne constate pas les effets, pas davantage au bruit médiatique autour de ces projets, qu’à leur qualité.

Ce projet est présenté dans la précipitation, certes un peu moindre que celle qui a prévalu pour le projet qui a abouti à la loi de février que vous êtes venu présenter alors que le texte n’était même pas disponible pour les parlementaires. Ce texte reste toujours dépourvu de la moindre étude d’impact comme de la moindre évaluation. Or la précipitation ne se justifiait en aucune façon. Il s’agit donc, ni plus ni moins, de s’agiter et de montrer que le pouvoir d’achat reste l’une de vos préoccupations. Mais vos marges de manœuvre étant ce qu’elles sont – les caisses sont vides – vous faites beaucoup de bruit avec peu de choses, attaché que vous êtes à votre image de ministre réformateur. Finalement, il en ressort un projet bâclé que le Président de la République – qui vous tient, paraît-il, en grande estime – vous a confié le soin de présenter. Cela peut en surprendre plus d’un. Vous qui vous vous targuez d’être le réformateur et qui taxez de conservateurs tous ceux qui osent s’opposer à vous, êtes-vous vraiment ce ministre réformateur que vous prétendez être ?

M. Marcel Rogemont. Bonne question !

M. Bernard Deflesselles. Oui !

M. Jérôme Cahuzac. Au fond, qu’avez-vous réussi ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. L’interdiction de fumer dans les lieux publics.

M. Jérôme Cahuzac. Vous êtes obligé de revenir sur le texte qui a abouti à la loi de février en le complétant ou en l’amodiant. Bref, vous êtes obligé de convenir que ce qui a été fait dans l’urgence n’a pas produit les résultats que vous en attendiez.

M. Roland Muzeau. On gouverne au doigt mouillé !

M. Jérôme Cahuzac. Votre grand œuvre ? Cette grande réforme de l’assurance-maladie. En 2004, vous expliquiez qu’il s’agissait de la dernière réforme de l’assurance-maladie, que les comptes seraient durablement équilibrés.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Le déficit a été divisé par trois !

M. Jérôme Cahuzac. Vous ayant interpellé en commission sur ce sujet, vous m’aviez répondu que vous aviez divisé le déficit de l’assurance-maladie par trois, en passant de douze milliards à un peu plus de quatre milliards l’année dernière. Permettez-moi de vous faire remarquer que, lorsque vous avez pris la maison de l’assurance-maladie, le déficit ne s’élevait pas à douze milliards.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. À combien ?

M. Jérôme Cahuzac. Moins de deux milliards d’euros en 2001, monsieur le ministre. En 2003, vous l’avez trouvé à douze milliards d’euros, mais vous vous arrangerez avec les responsables de l’époque, je crois que vous siégiez dans le même gouvernement qu’eux !

M. Jean-Pierre Brard. La réponse est dans le nouveau livre de Martine Aubry, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Je ne sais pas si cela va rassurer !

M. Jérôme Cahuzac. Une chose est certaine, mes chers collègues : en 2008, ce déficit ne sera pas de 4 milliards d’euros mais de bien plus. Il atteignait déjà ce niveau au mois de juin et le ralentissement de la croissance intervenu depuis laisse deviner sans peine ce qu’il va devenir d’ici à la fin de l’année.

Surtout, se vanter d’avoir divisé le déficit de l’assurance maladie par trois, c’est, de la part du ministre, tenter prudemment de faire oublier les moyens qu’il a utilisés à cette fin. La différence de huit milliards d’euros recouvre cinq milliards d’euros de prélèvements supplémentaires et trois milliards d’euros de déremboursements.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Prouvez-le !

M. Jérôme Cahuzac. Si pour être réformateur, il faut ponctionner la société française de cinq milliards d’euros de plus, alors oui, vous êtes un grand réformateur, monsieur le ministre. Vous me demandez de le prouver, eh bien, c’est assez simple. Vous avez augmenté la CSG pour les retraités non imposables ainsi que pour les salariés, en élargissant l’assiette à partir de laquelle elle est calculée de 95 % à 97 % ; vous avez augmenté de 15 % le forfait journalier hospitalier ; enfin, vous avez accru de 0,8 % à 0,13 % la contribution sociale de solidarité, que l’on oublie souvent mais qui est très rentable. Au total, on aboutit à peu près à cinq milliards d’euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez donc beaucoup prélevé, monsieur le ministre, mais comme si cela ne vous suffisait pas, vous avez procédé à des déremboursements.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Comme il est dommage que vous ne connaissiez pas vos dossiers !

M. Jérôme Cahuzac. Peut-être avez-vous la mémoire courte, je vois bien que le rappel de vos actes semble vous gêner un peu. L’euro non remboursé pour les consultations, c’est bien vous qui l’avez décidé. La franchise à acquitter pour les actes onéreux, c’est aussi vous qui l’avez instaurée.

Je vous vois sourire, monsieur le ministre, vous avez bien tort. Ne savez-vous donc pas que la coloscopie est un acte essentiel pour la prévention du cancer colorectal, qui est actuellement l’un des cancers qui fait le plus de ravages dans notre pays ?

M. Bernard Deflesselles. Ça, c’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac. Êtes-vous certain que ce que vous avez fait est bien conforme aux impératifs de santé publique alors que, désormais, toute personne souhaitant bénéficier de cet examen de dépistage doit s’acquitter d’une franchise ?

Je le maintiens, les 8 milliards d’euros représentent 5 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires et trois milliards d’euros de déremboursements. Parce que vous êtes à l’origine de ces deux décisions, vous vous targuez d’être un grand réformateur. Permettez-moi d’en douter. Je connais des responsables politiques, y compris dans votre camp, qui ont su réformer l’assurance maladie et la sécurité sociale sans recourir à des expédients aussi sommaires et aussi classiques. Réformateur, peut-être le deviendrez-vous, mais aujourd’hui rien de ce que vous avez accompli dans le précédent ou dans l’actuel gouvernement ne vous permet de vous prévaloir de cette qualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mes chers collègues, pardonnez-moi d’avoir saisi l’occasion de l’examen de ce projet pour rappeler à M. Bertrand un passé…

M. Marcel Rogemont. Douloureux !

M. Jérôme Cahuzac.…qu’il préférerait oublier. Mais la chose m’a paru importante. Le Parlement est convoqué en session extraordinaire, l’urgence est déclarée pour ce projet de loi. Et à ceux qui s’opposent à ses mesures soit inutiles soit dangereuses, on rétorque qu’ils sont des conservateurs sans imagination. Mais quand ces compliments viennent d’une personne qui n’a de réformateur que l’apparence, souffrez qu’ils ne nous atteignent que bien peu.

Ce projet de loi comprend cinq articles : le premier n’aura aucune conséquence dans l’immédiat ; le deuxième, extrêmement regrettable, prépare la disparition programmée de la participation ; le troisième a pour caractéristique principale d’être d’une invraisemblable fadeur ou bien d’un danger tout aussi invraisemblable ; le quatrième rappelle ce que la loi prévoyait déjà, à savoir que les négociations annuelles sont obligatoires ; quant au cinquième, il peut permettre à certains salariés d’espérer bénéficier d’une hausse de leur pouvoir d’achat mais, dans le meilleur des cas, dans trois ans, ce qui n’est évidemment pas à la hauteur des enjeux auxquels notre pays est confronté.

J’ai dit, au début de mon intervention, mon espoir que cette question préalable serait la dernière du genre et que notre Parlement respecterait enfin les dispositions prévues par l’article 51-1 de la Constitution récemment révisée.

M. Bernard Deflesselles. Oui, c’est urgent !

M. Jérôme Cahuzac. Ce serait un bien pour le Parlement et pour tous les parlementaires, y compris vous-même, monsieur Deflesselles, qui vous agacez de nous entendre, que l’opposition puisse exposer ses arguments et défendre ses amendements de manière sereine et simple, comme cela se passe dans tous les autres Parlements, sans avoir à mettre en avant une éventuelle inconstitutionnalité, fort improbable, ou devoir prétendre qu’il n’y a pas matière à délibérer, alors que c’est souvent le cas.

Mais, en l’occurrence, y a-t-il vraiment matière à délibérer de ce projet de loi qui ne comporte que cinq articles dont j’ai indiqué la teneur ? La majorité de notre assemblée en décidera. Mais de deux choses l’une : ou bien vous êtes convaincus que ce texte est important, ce qui suppose de l’amender très sérieusement et de l’enrichir considérablement, car il est aujourd’hui tout à fait indigne d’être présenté en tant que projet de loi et, dans ce cas, mes chers collègues, vous devrez faire preuve de patience car nous défendrons nos amendements ; ou bien vous estimez que cette patience est au-dessus de vos forces et pour ne pas souffrir de ces amendements qui, pour certains, risquent de vous mettre face à vos contradictions, il vous faudra voter cette question préalable pour vous donner un peu de temps. Vous nous éviterez alors à tous l’examen de ce texte qui n’a de projet de loi que le nom. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. Francis Hillmeyer. Tous les travailleurs devraient pouvoir bénéficier du partage des profits de leur entreprise, ce qui est bien loin d’être le cas actuellement. En ce domaine, le projet de loi instaure non pas une contrainte mais une réelle incitation. Certes, l’article 2 peut prêter à discussion, mais le déblocage anticipé de la participation est laissé à l’appréciation de ceux qui en bénéficient. Quant à la critique sur la pertinence de l’article 3, il faut se dire que ce projet de loi ne comporte pas que cet article.

M. Jérôme Cahuzac. Encore heureux !

M. Francis Hillmeyer. L’article 4, pour sa part, répond à un réel besoin de créer les conditions de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires.

M. Jérôme Cahuzac. Qui sont déjà prévues par la loi !

M. Francis Hillmeyer. L’article 5 n’en est que la prolongation logique.

Ce projet de loi est attendu par les salariés et le Nouveau Centre votera, bien sûr, contre la question préalable.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

M. Roland Muzeau. Notre collègue Jérôme Cahuzac a dit avec beaucoup de talent tout le mal qu’il y avait à penser de ce projet de loi. Nos collègues de l’UMP et du NC ont sans doute compris que les salariés avaient peu à attendre de ce texte qui ne comporte aucune nouveauté et ne leur laisse aucun espoir de vivre un peu mieux au lendemain de son adoption.

Le pouvoir d’achat des salariés ne peut s’apprécier raisonnablement que sous l’angle du salaire, aspect que ce projet de loi n’aborde bien évidemment pas puisqu’il s’agit toujours de rechercher de nouveaux stratagèmes afin d’éviter d’augmenter salaires et pensions. Mais n’oublions jamais que le salaire est la contrepartie normale d’un travail rendu. Que cela vous plaise ou non, le salarié n’est pas sur un pied d’égalité avec l’employeur et l’est encore moins avec les actionnaires quand il y en a. Imaginons dans quel rapport il se trouve face aux fonds de pensions qui dévorent les emplois, précipitent la fermeture des entreprises et alimentent les bas salaires et une précarité accrue.

C’est également dans un contexte financier et bancaire fou, tant au plan national qu’international, que nous discutons de ce petit texte consacré au pouvoir d’achat des salariés. Cette période a de quoi nous faire tourner la tête : la presse parle de milliers de milliards d’euros envolés en quelques jours ! Je ne sais pas, chers collègues, si vous mesurez l’ampleur du gâchis planétaire que nous avons sous les yeux. Pour les salariés, il se soldera par les traditionnelles suppressions d’emplois, dans la finance mais aussi dans l’industrie. Et ce ne sont pas les rodomontades du Président de la République prononcées lors de ses visites à Arcelor-Mittal ou Alstom contre un patronat dont il prétend combattre les objectifs qui y changeront quoi que soit.

Les salariés ont cruellement besoin de quelques euros supplémentaires ; les capitaines de la finance et de l’industrie, eux, ont vu leurs émoluments augmenter de 40 % en 2007, avec des gains se chiffrant en milliards d’euros, alors qu’ils ont entraîné leurs sociétés dans la tourmente, licencié à tour de bras, délocalisé dans la zone dollar et dans les pays à faible coût de main-d’œuvre. Une règle semble s’être imposée : les bénéfices sont privatisés et les pertes socialisées.

En 2007, selon les chiffres de la DARES, la perte de pouvoir d’achat des salariés a représenté 4 % et a été encore plus importante pour les retraités et les demandeurs d’emploi.

La question incontournable du pouvoir d’achat, vous tentez sans cesse de l’éviter, vous contentant d’y répondre par des gestes de propagande, ce qui conduit à des dérives extrêmement préoccupantes pour les salariés.

Quatorze mois après, quel impact a eu la loi TEPA sur le pouvoir d’achat des salariés ? Eh bien, c’est un drame pour des millions d’entre eux mais un cadeau palpable pour quelques dizaines de milliers d’autres, avec 14 milliards d’économies fiscales dont l’essentiel a permis de satisfaire les plus nantis de notre pays : bouclier fiscal, exonération des successions et minoration de l’ISF.

Monsieur le ministre, nous le voyons bien : texte après texte, vous essayez de bidouiller un système à bout de souffle. Rien ne vient. Ne reste plus que la propagande et, pour reprendre une expression célèbre du président Chirac, cela fait souvent « pschitt ! ». L’adoption de ce texte ne changera strictement rien pour les millions de nos concitoyens qui ne vivent que des revenus de leur travail. C’est pourquoi nous voterons la question préalable.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Marcel Rogemont. Permettez-moi en premier lieu de saluer l’intervention de Jérôme Cahuzac, tant sur le fond que sur la forme.

Une question préalable revient d’abord à s’interroger sur l’utilité d’avoir recours à un texte de loi. En l’occurrence, la question mérite vraiment d’être posée.

Sur la forme d’abord. N’est-il pas étonnant que ce projet ait fait l’objet d’une déclaration d’urgence ? À cet égard, je serais curieux de savoir combien de lois votées en urgence ces derniers mois sont aujourd’hui applicables ? Ce procédé devient une maladie chronique. De surcroît, l’urgence est déclarée alors qu’il s’agit d’une session extraordinaire.

Sur la forme ensuite. Le texte dont nous sommes saisis à la hâte est censé répondre à la question du pouvoir d’achat, sur laquelle beaucoup de discours ont été prononcés ces derniers temps, notamment pendant la campagne présidentielle. Ces discours étaient beaux, ils sentaient bon le sable chaud des lendemains qui chantent. Mais le problème, c’est que les lendemains ne chantent pas. Ils sont même plutôt durs.

M. Jean Mallot. Sauf pour Tapie !

M. Marcel Rogemont. Oui, mais c’était inespéré.

Il importe donc de savoir si ce texte répond aux angoisses des Français, aux craintes des retraités dont le pouvoir d’achat va être rogné de deux fois l’inflation, à la souffrance du salariat, dont l’impatience suscitée par les propos présidentiels s’est muée en déception, dont les conditions de travail et de rémunération se dégradent et pour qui la précarité et le chômage sont devenus un horizon indépassable. Il s’agit donc d’une vraie question. C’est une vraie question que de voir se développer la précarité et le chômage car cela provoque angoisse et inquiétudes.

Ce texte répond-il aussi à la souffrance du salariat qui voit son avenir sans cesse plus sombre ? Il n’est que de regarder ce qui se passe en matière de santé, dont Jérôme Cahuzac vient de parler. Chaque décision prise remet en cause les remboursements et pénalise l’accès aux soins. Et il en est de même s’agissant des retraites, leur perpétuelle remise en cause, tant pour les conditions d’accès à la retraite que pour leur montant, ne faisant qu’amplifier la crainte de l’avenir et développer une souffrance supplémentaire.

Ce texte n’apporte pas de réponses susceptibles de permettre aux salariés d’être plus confiants et ainsi de consommer, ce qui entraînerait une croissance économique. Au contraire, tout laisse à penser que les Français sont malheureusement frappés injustement suivant qu’ils sont forts ou faibles.

Jérôme Cahuzac a rappelé, à juste titre, que le bouclier fiscal ne bénéficiait pas aux petits salaires. Voilà pourquoi des mesures devraient être prises en faveur des personnes aux revenus modestes.

S’agissant du SMIC, Il a laissé entendre que le présent texte n’avait pas une grande utilité. Mais il en a probablement une : celle de créer les conditions de sa remise en cause.

Telles sont les raisons pour lesquelles, en l’état, ce projet de loi nous paraît inutile. En votant la question préalable, nous en aurons fini avec un texte indigne, insipide et purement déclaratif. Après tout, les cinq articles du projet de loi n’auraient-ils pas plutôt mérité d’être rattachés à la loi de finances ?

Si, au contraire, on considère que ce texte est utile pour les Français, il faut repousser la question préalable. Et je suis prêt, avec plusieurs de mes collègues, à discuter et améliorer le texte...

M. Jean Mallot. Nous sommes en effet prêts !

M. Bernard Deflesselles. Chiche !

M. Marcel Rogemont. ...afin d’enrichir les Français les plus en difficulté. Voilà pourquoi nous avons déposé plus d’un millier d’amendements.

M. Bernard Deflesselles. 1 800 !

M. le président. Monsieur Rogemont, soyez concis !

M. Marcel Rogemont. Je conclus, monsieur le président.

Le groupe socialiste vous propose d’en venir directement à l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active, qui est probablement plus utile que le présent texte...

M. Jean Mallot. C’est sûr !

M. Marcel Rogemont. ...et qui méritait peut-être d’être discuté dans le cadre d’une session extraordinaire. Si vous souhaitez retarder l’examen du RSA, libre à vous !

M. Bernard Deflesselles. Achevons d’abord l’examen du présent texte avant d’aborder le suivant !

M. Marcel Rogemont. Auquel cas nous sommes prêts à travailler davantage pour tenter de rendre ce texte insipide utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.

Mme Muriel Marland-Militello. Cette question préalable est surprenante. Et encore plus surprenantes sont les attaques proférées ici contre le Président de la République, qui paraissent profondément déplacées (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Napoléon !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. En effet, des propos scandaleux ont été tenus !

Mme Muriel Marland-Militello. La question préalable est surprenante car ce texte est équilibré, pédagogique, centré sur les salariés modestes, incitatif pour le développement du dialogue social dans les entreprises, et il contribue à améliorer le pouvoir d’achat. Car un SMIC pour tous les travailleurs n’est pas notre idéal de société.

Qui peut bien être contre un projet de loi qui propose un rééquilibrage entre les revenus du travail et ceux du capital ? C’est pourtant une mesure de justice économique.

Le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont promis de revaloriser le travail. Ce texte est un nouvel exemple de notre attachement à tenir nos promesses.

En outre, à l’heure où le capitalisme financier international montre certaines limites,...

M. Roland Muzeau. Ce sont plus que des limites !

Mme Muriel Marland-Militello. ...la France donne un signal fort en faisant le choix d’un capitalisme qui reconnaît et valorise le salarié et pas uniquement le financier.

Ce projet de loi est donc aussi un projet de société. Là encore, comment des personnes se définissant comme de gauche peuvent-elles être contre ?

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne pouvez pas comprendre parce que vous êtes de droite !

Mme Muriel Marland-Militello. Par ailleurs, ce texte propose, à juste titre, de conditionner les exonérations de charges par la négociation salariale. À cet égard, je me réjouis de l’amendement adopté en commission à l’initiative du rapporteur qui vise à éteindre au bout de trois années le dispositif d’exonérations fiscales pour les entreprises qui ne jouent pas le jeu de la négociation. Il faut aller plus loin dans ce domaine, car la négociation salariale est le socle d’une économie moderne et dynamique.

Enfin, ce texte incite fortement les branches qui ne l’auraient pas encore fait à ajuster leurs minima sociaux. Là encore, comment peut-on être contre ?

Pour ce qui concerne le SMIC, tout le monde s’accorde à dire qu’une meilleure expertise économique est nécessaire. A cet égard, je me réjouis que l’idée de créer une commission ad hoc, répondant au réflexe bien ancré « un problème, une commission », ait été abandonnée. Avant de créer une nouvelle instance, regardons toujours si la mission qu’on s’apprête à lui confier ne peut pas être remplie par une instance existante. La majorité présidentielle a donc, une fois de plus, fait preuve de bon sens pour nos finances comme pour la clarté de notre système institutionnel.

Oui, vraiment, il faut être de mauvaise foi pour trouver à redire sur ce texte, il en faut de la mauvaise foi pour agiter des fantasmes, des craintes infondées au détour de chaque phrase. Mais, avec nos collègues de l’opposition, tout est décidément possible !

Les mêmes qui refusèrent en bloc de moderniser nos institutions en juillet refuseront-ils en septembre de moderniser notre économie et le dialogue social dans notre pays ?

M. Jean-Pierre Brard. Quelle médiocrité !

Mme Muriel Marland-Militello. Non, vraiment, mes chers collègues, écoutez la voix de la raison ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce projet est objectivement et incontestablement un bon texte au service de la valeur travail. C’est pourquoi le groupe UMP repoussera la question préalable qui n’est que la manifestation d’un esprit d’opposition systématique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la question préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(La question préalable est rejetée.) 

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas plus qu’il n’est nécessaire sur les conditions affligeantes dans lesquelles nous entamons le débat sur ce texte, le premier de cette nouvelle session extraordinaire.

Je soulignerai simplement que, tout juste après avoir fait adopter un texte de réforme constitutionnelle dont l'objectif affiché était de donner plus de pouvoir au Parlement, la précipitation et le mépris du travail parlementaire restent visiblement de mise. Chassez le naturel, il revient au galop !

C'est ainsi que nous sommes conviés à débattre, au cours de la même semaine, de deux textes importants touchant à la vie au travail : d’abord, le présent projet de loi sur les revenus du travail, troisième loi du genre depuis le début de la législature, ce qui témoigne de la cacophonie ambiante et de l’inefficacité pour les salariés de tout ce qui a été adopté ici même ; ensuite, le RSA.

Ironie de l’histoire, nos débats se déroulent dans une période touchée par la crise boursière internationale dont les coûts s’élèvent déjà, selon certains spécialistes, à 20 000 milliards de dollars.

Alors que plusieurs dizaines de conventions collectives ont aujourd'hui des grilles salariales où le premier échelon démarre en dessous du SMIC et qu'un tiers des SDF sont des gens qui travaillent, ces sujets mériteraient que l'on s'y attarde. Nous serions en droit d'attendre autre chose que des débats menés à la hussarde, au rythme des caprices présidentiels.

Vous noyez l'Assemblée sous une avalanche de textes législatifs, sans doute pour mieux en étouffer l'expression démocratique. À croire que vous redoutez le débat !

S’agissant du projet de loi qui nous occupe, vous affirmez qu'il porte l'ambition de mettre en place « un cadre plus favorable à la dynamisation des revenus du travail ». Rien de moins ! Qu'en sera-t-il vraiment, par-delà l'affichage politique ?

Ce texte est-il de nature à apporter un début de réponse à l'inquiétude croissante de nos concitoyens, qui placent le pouvoir d'achat au premier rang de leurs préoccupations ? Il est permis d'en douter. Car fidèles à votre politique de rigueur salariale et de baisse du coût du travail, laquelle trouve un puissant appui auprès de la Banque centrale européenne, vous n'entendez en aucune manière vous pencher sur l'épineux dossier de la hausse des salaires.

Vous entreprenez donc de relancer le pouvoir d'achat en usant des recettes désormais éculées qui consistent à engager de nouvelles dépenses fiscales et inciter les salariés à puiser dans leur épargne. Une stratégie vouée à l'échec, mais à laquelle vous vous accrochez comme l'huître à son rocher, malgré les remous de la conjoncture économique.

M. Jean-Pierre Brard. C'est une huître polluée !

M. Roland Muzeau. Si votre loi ne produit pas les effets attendus en termes de stimulation du pouvoir d'achat des ménages, en particulier des plus modestes, elle aura en revanche pour conséquence de fragiliser un peu plus le salaire par rapport aux autres éléments de rémunération, au risque d'une détérioration accrue des comptes sociaux comme de la disparition progressive et programmée des garanties du salaire.

Afin d'inciter les entreprises, et plus particulièrement celles de moins de cinquante salariés, à mettre en place ou améliorer l'intéressement, vous nous proposez dans un premier temps d'instituer un nouveau crédit d'impôt sur les sociétés au bénéfice des entreprises qui concluront à l'avenir un accord d'intéressement, en l'assortissant de quelques mesures transitoires qui permettront notamment aux entreprises qui signeront un accord avant le 30 juin 2009 de bénéficier rétroactivement du crédit d'impôt sur les sommes versées début 2009.

Lors de sa présentation aux partenaires sociaux dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective, début juillet, ce dispositif avait été assez vertement critiqué par les organisations syndicales de salariés, qui ont unanimement dénoncé une logique d'aggravation des inégalités et le caractère pour le moins aléatoire de ces substituts de salaires que représentent les primes d'intéressement.

Nous partageons la même opinion. Les dispositifs d'intéressement comme de participation génèrent en effet de nombreux effets pervers.

Premièrement, une individualisation croissante des salaires, dont la part fixe a tendance à se réduire au profit d'éléments individualisés tels que les primes. Cette évolution tend à fragiliser le caractère de garantie collective que constitue le salaire proprement dit.

Deuxièmement, un manque à gagner considérable pour les comptes sociaux, ces primes n'étant pas soumises à cotisations.

Troisièmement, un manque à gagner pour les salariés sur le long terme, puisque ces primes ne sont évidemment pas intégrées dans le calcul de leur retraite.

Vous faites évidemment litière de ces préventions, offrant au contraire aux entreprises l’opportunité de bénéficier d’un nouveau cadeau fiscal, que le Gouvernement ne s’est d’ailleurs pas donné la peine de chiffrer, en dépit de la conjoncture économique et budgétaire. Cette mesure apparaît d’autant plus absurde qu’il aurait été plus simple et moins coûteux de rendre obligatoire la négociation d’accords d’intéressement dans toutes les entreprises, notamment celles de moins de 50 salariés. Il est vrai que vous ne vous montrez guère avares en avantages fiscaux dès lors que les entreprises ou les ménages les plus aisés en sont les premiers bénéficiaires. Outre que nous demanderons au cours du débat que cet avantage fiscal soit supprimé, nous vous proposerons de plafonner le montant des primes d’intéressement à 20% du salaire. Il est en effet indispensable que le salaire conserve son rôle de référent et de socle de la rémunération. C’est la seule garantie.

S’agissant du déblocage permanent de la participation, qui constitue le second volet de votre réforme, vous donnez un nouvel exemple de votre capacité à recycler les recettes les moins efficaces et les plus indigestes de la précédente législature. Le dispositif n’est pas neuf, même s’il faisait jusqu’alors l’objet de mesures transitoires. Dernière péripétie en date : la loi du 8 février 2008 «pour le pouvoir d'achat» qui a permis aux salariés de débloquer, par anticipation, tout ou partie de leurs droits à participation aux résultats de l'entreprise affectés au plus tard le 31 décembre 2007. Un déblocage qui devait bien entendu rester « exceptionnel » !

Notons que le promoteur de ce énième dispositif de déblocage, M. Nicolas Sarkozy, n'avait alors pas fait mystère du souhait de voir cette mesure « remettre du carburant dans la croissance française et du pouvoir d'achat ».

Votre gouvernement et sa majorité misaient alors sur l'injection de 12 milliards dans l'économie. On voit ce qu'il en est advenu. Au final, les salariés ont débloqué leur épargne pour seulement 3,9 milliards. Un tel résultat témoigne de la limite de l'exercice consistant à stimuler le pouvoir d'achat en « autorisant » les salariés à puiser dans leur épargne, quand les plus modestes l'ont déjà épuisée et que les mieux lotis préfèrent la faire fructifier.

Que peuvent bien attendre nos concitoyens des nouvelles mesures que vous proposez en terme de stimulation du pouvoir d'achat et de relance de la croissance ?

Surtout, pourquoi serait-il possible de distribuer du revenu sous forme de dividendes, alors que ce serait exclu sous forme de salaires ?

L'idée que vous défendez souvent, selon laquelle la compétitivité impose la rigueur salariale mais peut s'accommoder de largesses en matière de dividendes, ne s'appuie sur aucun argument économique sérieux, sinon que les rémunérations non salariales ne paient pas de charges sociales, du côté de ceux qui les versent, et paient moins d'impôts, du côté de ceux qui les reçoivent.

A l'échelle d'une entreprise, on peut certes avoir le sentiment d’un jeu gagnant-gagnant, puisque les employeurs acquittent moins de charges et les salariés moins d'impôts, mais ce gain « paritaire » oublie le troisième sommet du triangle, à savoir la protection sociale : ce que l'on paiera en moins comme impôts ou cotisations fera défaut du côté des prestations sociales ou des services publics.

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’objectif !

M. Roland Muzeau. On oublie par la même occasion que tout le secret de votre manœuvre est d'échanger un gel global des salaires contre une redistribution, individualisée et donc sélective, de dividendes, peut-être hypothétiques.

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait !

M. Roland Muzeau. La participation et l'épargne salariale vont de pair avec le creusement des inégalités de revenus.

Nous sommes favorables à un tout autre dispositif: indexer les salaires sur les gains de productivité des entreprises, seule véritable garantie de la progression réelle du pouvoir d'achat de l'ensemble des salariés.

S'agissant de votre réforme du SMIC, nous partageons là encore les réticences et les objections exprimées par nombre d'organisations syndicales, en juillet dernier. Certaines d'entre elles avaient souligné le risque que cette réforme conduise à l'annualisation du SMIC, réclamée de longue date par le patronat.

En avançant le calendrier de sa revalorisation annuelle du 1er juillet au 1er janvier, vous prétendez donner une lisibilité accrue aux partenaires sociaux dans les branches pour relever les grilles des minima conventionnels et dans les entreprises pour négocier des augmentations salariales.

Il faudrait être aveugle pour ne pas voir dans cette réforme un premier pas vers la généralisation des négociations salariales portant sur des revenus annuels, comme c'est déjà le cas dans de nombreuses branches. Annualisation qui concourt à la déstructuration du salaire et des grilles, et à l'éclatement de ses composantes.

Vous comprendrez que nous soyons donc particulièrement hostiles à cette réforme comme à votre proposition de créer une commission d'experts dite indépendante à caractère consultatif, qui aurait pour mission de remettre chaque année un rapport sur les évolutions souhaitables du SMIC.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Hostilité automatique.

M. Roland Muzeau. C'est là encore une revendication ancienne du MEDEF, qui juge évidemment plus confortable d'avoir affaire à une poignée de technocrates dociles, sur lesquels il reste possible d'exercer d'amicales pressions, que de devoir être soumis à une décision politique qui prendrait éventuellement en compte les attentes et les besoins de nos concitoyens.

Je m'attarderai pour finir sur les deux dernières dispositions de votre projet de loi, qui se présentent sous des dehors particulièrement vertueux puisqu'il s'agirait de relancer les négociations salariales, tant au niveau des branches que de l'entreprise, par la mise sous condition des allégements généraux de cotisations patronales.

Malheureusement, une fois de plus, vous mettez sensiblement plus d'empressement à sanctionner les personnes privées d'emploi qui peinent à en retrouver qu'à contraindre les entreprises à respecter leurs obligations en termes de négociation salariale.

Vous nous avez de longue date habitués à ces deux poids deux mesures, mais votre dispositif frise ici la caricature.

Vous ne proposez en effet que de réduire de 10% le montant des allégements de cotisations des quelque 25% d'entreprises assujetties qui ne respectent pas la négociation annuelle obligatoire. Gageons que l'effet dissuasif d'une telle pénalité sera pour le moins modeste.

En ce qui concerne les négociations de branche, vous nous proposez un mécanisme un peu similaire, qui pourrait être potentiellement efficace, mais qui dépendra très étroitement du coefficient de la réduction des allégements de charge qui sera appliqué dans les quelque 71 branches, sur 160, où les minima sociaux, auxquels vous donnez par ailleurs une existence légale, sont inférieurs au SMIC.

Nous demeurons donc circonspects quant à l'efficacité réelle de vos dispositifs visant à pallier l'insuffisance de la négociation salariale dans notre pays.

Nous apportons d'autant moins de crédit à votre volonté affichée d'améliorer les salaires et à votre vaine tentative de contenir le mécontentement grandissant de nos concitoyens, que vous restez tributaires de la politique économique européenne dont la stabilité des prix reste la pierre angulaire, de sorte que rien n'est plus urgent en période d'inflation que de contenir les revendications salariales.

Nous ne partageons pas davantage les propos dogmatiques de Jean-Claude Trichet, estimant au contraire urgent de retrouver le chemin de la croissance en améliorant les conditions d'existence de nos concitoyens.

Nous voterons en conséquence contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui se situe à la confluence de deux préoccupations majeures pour les travailleurs français : la revalorisation de leur pouvoir d'achat et du dialogue social.

Il s'inscrit également dans une dynamique globale de réhabilitation du travail, après le vote de plusieurs projets de loi visant à défiscaliser les heures supplémentaires, à redéfinir les droits et les devoirs des demandeurs d'emploi, à moderniser le service public de l'emploi, et avant l’indispensable réforme de la formation professionnelle, le revenu de solidarité active qui privilégie enfin le travail par rapport à l'assistanat, et bien d'autres textes que nous examinerons prochainement.

Celui qui nous est présenté aujourd'hui comporte trois volets distincts qui poursuivent le même objectif : dynamiser les revenus du travail.

La première partie de ce projet de loi a pour ambition d'impliquer davantage les salariés à la vie de leur entreprise afin qu’ils deviennent de véritables « associés ».

Tous les travailleurs français doivent pouvoir bénéficier du partage des profits de leur entreprise dont ils sont la source. De ce constat sont nés l'intéressement et la participation sous l'impulsion du général de Gaulle, ainsi que l’a rappelé le président Ollier.

À la veille du 50e anniversaire de l'intéressement, et au lendemain du 40e de la participation, personne ne conteste le bien-fondé de ces dispositifs.

Malheureusement, la moitié des salariés français sont toujours orphelins de ces instruments de justice sociale : l'intéressement se développe encore trop lentement, notamment dans les petites entreprises, où le travail et l'effort de nos concitoyens ne sont pas suffisamment récompensés. De surcroît, les fonctionnaires étaient oubliés : aussi nous félicitons-nous de la mise en place d’un dispositif d’intéressement collectif dans la fonction publique en 2010.

Revenons aux entreprises, dont seules 10 % des moins de 50 salariés et 3 % des moins de 10 salariés y ont accès, ce qui amplifie les inégalités entre les grosses entreprises et les PME.

Les mesures que le Gouvernement propose vont dans le bon sens. À la contrainte est préféré un dispositif d'incitation fiscale pour inciter les entreprises à conclure des accords d'intéressement ou à renégocier des accords existants afin qu'ils soient plus favorables aux salariés.

Le crédit d'impôt qui leur est accordé devrait encourager un grand nombre de chefs d'entreprises à répandre cet instrument qui leur apporte un intérêt financier et patrimonial.

En revanche, l'objectif de doubler les montants distribués au titre de l'intéressement en quatre ans nous laisse sceptiques. Sur quelle méthode le Gouvernement fonde-t-il sa prévision ?

Nous sommes plus réservés sur l'article 2 du projet de loi.

Respectueux de la liberté individuelle, le Nouveau Centre ne s'oppose pas au libre choix du salarié quant au déblocage anticipé de sa participation, même s’il tient à mettre en garde contre les risques de cette disposition.

Le Nouveau Centre est fermement attaché à l'esprit de la participation, qui permet de réconcilier le capital et le travail. Dans une économie hautement capitalistique, il est essentiel que les salariés aient le sentiment d'appartenir à un groupe tourné vers un projet collectif.

La participation a toujours été conçue comme un instrument servant à consolider le capital des entreprises, et à garantir aux salariés un outil d'épargne efficace.

En débloquant précocement ses droits, le salarié risque de compromettre la constitution d'une épargne pour ses futurs investissements, mais surtout pour sa retraite.

Certains salariés pourraient débloquer leurs droits dans une logique de consommation à court terme au détriment de la constitution de compléments de revenus disponibles lors de leur départ en retraite.

Parce que les taux de remplacement vont inexorablement baisser d'année en année, il est urgent d'informer et d'inciter les salariés les plus jeunes et les plus modestes…

M. Marcel Rogemont. À ne pas appliquer la loi !

M. Francis Hillmeyer. …. à s'assurer un niveau de retraite équivalent à celui des retraités d'aujourd'hui, grâce à des instruments comme le plan d'épargne retraite collectif.

À ce titre, nous saluons les amendements du rapporteur qui visent à inciter les salariés à investir leur participation dans un plan d'épargne entreprise et à permettre aux règlements des PERCO de prévoir une clause d'adhésion automatique des salariés.

Il est regrettable que l'ambition initiale de la participation – intéresser le salarié à la performance de son entreprise tout en lui permettant de se constituer une épargne à moyen et long terme – soit partiellement détournée au profit de la relance de la consommation immédiate des ménages, d'autant plus que sur les 7 milliards débloqués en 2005, seuls 30% ont entraîné un surplus de consommation.

Le deuxième volet du projet de loi modernise les règles de fixation du SMIC, qui sera désormais revalorisé le 1er janvier suite aux recommandations d'un groupe d'experts.

Ces derniers s'appuieront sur un ensemble d'analyses économiques pour élaborer un rapport sur les évolutions souhaitables du salaire minimum, en cohérence avec la conjoncture économique.

Nous nous félicitons de cette disposition, car les règles de fixation du SMIC doivent s'affranchir des pressions sociales qui précèdent l'annonce du « coup de pouce » annuel du gouvernement. Ces pressions sont évidemment légitimes et participent du dialogue social, mais elles donnent lieu à des décisions politiques qui ne devraient se fonder que sur la réalité économique de notre marché du travail.

Le dernier volet de ce texte se concentre sur le problème des bas salaires, que le Gouvernement entend revaloriser par la relance des négociations salariales, au niveau de l'entreprise et de la branche.

Ainsi, l'article 4 prévoit de conditionner les allégements de cotisations patronales par le respect par l'employeur de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires.

Il est absolument nécessaire de revaloriser les bas salaires. Il est anormal que plus d'un quart des entreprises qui doivent ouvrir une négociation sur les revenus de leurs salariés s'affranchissent de cette obligation légale tout en continuant à bénéficier des allégements de charges patronales.

Nous nous félicitons de cette approche volontariste du Gouvernement, sensiblement améliorée par le rapporteur, qui a introduit une progressivité du dispositif de pénalisation, afin qu'une entreprise qui n'engage pas de négociation durant trois années consécutives perde le bénéfice des exonérations de charges sociales. Il n'y a aucune raison que l'État continue de soutenir des entreprises qui ne jouent pas le jeu de la négociation.

Dans le même esprit, l'article 5 du projet de loi transpose ce dispositif de conditionnalité au niveau de la branche, en aménageant le barème de la réduction générale de cotisations patronales pour prendre en compte le premier niveau de la grille salariale de branche applicable à l'entreprise. Désormais, les branches seront incitées à réajuster leurs grilles de salaires à un niveau au moins égal au SMIC pour obtenir le plein avantage des allégements de charges.

En revanche, il nous semble injustifié de sanctionner des entreprises qui ont porté leur premier niveau de salaire pratiqué au niveau du SMIC et qui ont respecté l'obligation légale d'ouvrir la négociation annuelle sur les salaires. Les comportements vertueux doivent être encouragés et ne pas faire les frais de pratiques qui ne sont pas de leur fait.

C'est l'objet de l'amendement que nous avons déposé et sur lequel nous souhaiterions avoir des précisions de la part du Gouvernement.

Pour conclure, nous tenons à saluer l'ambition du Gouvernement de tenir le cap de la revalorisation du pouvoir d'achat des Français, notamment des plus modestes d'entre eux. Nous ne doutons pas de l'efficacité de ce texte qui, conjointement avec l'instauration du revenu de solidarité active, devrait apporter une réponse rapide et ciblée à l'urgence de la situation des travailleurs pauvres.

Le groupe Nouveau Centre ne doute pas que le débat parlementaire permettra de perfectionner ce texte auquel il apportera son soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer la qualité du travail effectué par notre rapporteur, Gérard Cherpion. Avec les nombreuses auditions menées, nous disposons d'un rapport qui s’inscrit pleinement dans la revalorisation du rôle du Parlement telle que nous l'avons voulue lors de la réforme constitutionnelle de juillet dernier.

M. le ministre du travail, M. le secrétaire d'État chargé de l’emploi et M. le rapporteur ont excellemment présenté le texte et les apports de la commission : il est donc inutile d’y revenir. Je voudrais, pour ma part, insister sur les qualités propres du projet de loi qui méritent d'être mises en valeur.

En effet, placé entre le débat sur l'Afghanistan, qui constitue une première sur un sujet d'actualité majeur, et celui sur le RSA, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, ce texte d'apparence modeste et technique suscite bien moins l'attention des médias. Il aura pourtant un impact important sur la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens.

Le projet de loi en faveur des revenus du travail tire en vérité sa force de sa concision, de sa simplicité, de sa cohérence et de son pragmatisme, qui doivent permettre à chacun, quelle que soit son origine idéologique, d'adhérer à une démarche efficace et de bon sens. Nous pensons que la qualité et l'importance d'un texte ne se mesurent ni à sa longueur, ni aux polémiques qu'il suscite, mais à sa capacité à produire des avancées concrètes.

Il ne nous est pas proposé de décréter un nouvel ordre des choses mais de contribuer à des améliorations tangibles en modernisant les relations sociales dans les entreprises par le dialogue et l'incitation.

Il est donc parfaitement logique de s'appuyer sur la philosophie de l'intéressement et de la participation, qui ont pour objectif de renforcer, par la discussion, la compréhension mutuelle du chef d'entreprise et des salariés en leur permettant de trouver le point d'équilibre entre les justes revendications sociales et la réalité économique. Plus que jamais ce débat reste d'actualité dans le désordre économique que nous connaissons.

C'est dans cet esprit que je soulignerai ce qui constitue à mes yeux le fil directeur du texte qui nous est soumis : une volonté de modernisation des relations sociales par la pédagogie. Les cinq articles que comporte le projet de loi s'inscrivent tous dans cette dimension.

L'article premier accorde aux entreprises des incitations fiscales pour développer l'intéressement. La cible visée est clairement les entreprises de moins de cinquante salariés. Dans ce contexte, privilégier l'intéressement, plus souple que la participation, est pleinement justifié. Il en est de même du choix de l'incitation plutôt que de l'obligation. Le dialogue en effet ne s'instaure pas de la même manière dans les grandes entreprises que dans les petites car les relations humaines et hiérarchiques y sont très dissemblables.

L'article 2 accorde un délai de réflexion au salarié sur le devenir de sa participation, non sur sa totalité mais simplement sur son versement annuel qui, je le rappelle, est variable dans son montant. Je vois dans cette mesure un outil de responsabilisation et de pédagogie qui répond au déficit d'information déjà constaté en 2005 et à la difficulté rencontrée pour moderniser les cas de déblocage anticipé.

Un seul exemple suffira : il est inadmissible qu'une personne endettée ne puisse avoir recours à la participation pour rembourser ses emprunts sans devoir passer par une procédure lourde et complexe qui n'a pour effet que de l'enfoncer encore un peu plus. Cette mise à disposition ne constitue pas pour autant un cadeau puisque des prélèvements la sanctionneront. C'est en cela qu'on peut parler de responsabilisation.

L'article 3 soumet la fixation du SMIC à une commission d'experts chargés notamment d'éclairer les décideurs et tous les Français sur l'environnement économique et social dans lequel cette fixation intervient.

Bien sûr, on veillera à ne pas multiplier les commissions et autres comités Théodule. Toutefois nul ne peut nier l'utilité d'informations objectives pour sortir enfin d'un débat convenu et de plus en plus déconnecté des réalités économiques.

La modification de la date de revalorisation du SMIC procède de la même volonté pédagogique : passer du 1er juillet au 1er janvier permet d'agir non plus à la sauvette mais dans la transparence et après débat contradictoire.

Les articles 4 et 5 organisent un système de pénalités à l'encontre des chefs d'entreprise qui n'ouvrent pas de négociations salariales et des branches professionnelles qui conservent un premier niveau de grille salariale inférieur au SMIC.

En effet, ces sanctions se veulent plus incitatives que contraignantes en laissant largement le temps de se mettre en conformité avec la loi. Je tiens d'ores et déjà à souligner la pertinence de l'amendement du rapporteur adopté par la commission des affaires sociales portant à 100 % la sanction à l'issue du délai de trois ans. Je ne pense pas en effet qu'on en arrive à cette extrémité sauf mauvaise volonté manifeste de l'entrepreneur.

L'ensemble de ces mesures crée ainsi les conditions d'un dialogue constructif dans les entreprises, dans les branches et au plan national autour de la question des revenus.

C'est le contre-pied parfait de la loi autoritaire des 35 heures et de ses effets pervers pour les salariés. Ici, on est loin de l'usine à gaz administrative et idéologique : on apporte du mieux-être aux salariés, mais sans leurre.

Aussi utile soit-il, ce cadre légal incitatif n'est cependant pas suffisant pour instaurer un véritable dialogue dans les entreprises. Son succès dépend pour beaucoup d'un suivi extra-législatif sur lequel je demande au Gouvernement de s'engager pleinement et qui passe notamment par une réforme du Conseil supérieur de la participation, très utile en son temps, mais qui se révèle inadapté aux défis d'aujourd'hui.

Le temps est venu, monsieur le ministre, d'instituer un nouvel organe, à l'image du Conseil d'orientation pour l'emploi, consacré à la participation, l'intéressement et l'épargne salariale. Sur ces sujets, le besoin d'expertise et de dialogue est grand pour moderniser la réglementation et renforcer leur diffusion auprès des PME.

Je pense également à plusieurs chantiers – le livret d'épargne salariale, le Centre national de la participation ou la modernisation des cas de déblocage anticipé –, proposés dans le rapport de 2005 qui avait pour objectif de mettre en place la participation pour tous.

L'administration doit également changer de culture pour devenir un véritable promoteur de l'épargne salariale, non un contrôleur tatillon qui pèse trop souvent négativement sur son développement.

M. Jean Mallot. Un peu de respect pour les contrôleurs !

M. François Cornut-Gentille. Cette évolution administrative est en effet indispensable pour permettre la mobilisation des experts-comptables, elle-même clé du succès de l'intéressement dans les petites entreprises.

Mes chers collègues, je pense que certains d’entre vous ont lu L'Envers de l'histoire contemporaine. M. Brard, notamment – si du moins il m’écoute –, qui est un homme cultivé, l’a peut-être lu.

M. Jean-Pierre Brard. Vous racontez la même chose que Xavier Bertrand !

M. François Cornut-Gentille. Ce n'est pas l'épisode de La Comédie humaine le plus célèbre, ni l'un des meilleurs. Il est pourtant essentiel à la compréhension de l'œuvre de Balzac. Dans une société dominée par les passions et l'argent où triomphent les cyniques, il met en scène quelques personnages qui, sans bruit, anonymement et sans calcul intéressé, aident et soulagent leurs contemporains. C'est ce point de vue qui rend possible l'analyse critique balzacienne.

Il en est ainsi de ce projet de loi en faveur des revenus du travail, qui place la reconnaissance de la valeur travail au cœur de notre projet politique. Il ne s'agit pas d'un coup politique destiné à faire grand bruit. Peu importe le désintérêt des médias : quoi qu'on dise et quoi qu'on pense, ce texte sera un grand texte tout simplement parce qu'il apportera un plus indéniable à des centaines de milliers de salariés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous allons étudier revêt, me semble-t-il, une importance particulière.

Il nous est, tout d’abord, proposé en session extraordinaire : de ce fait, il sera tout particulièrement suivi. Sa philosophie, ensuite, constitue un nouveau marqueur de la direction idéologique choisie par l'actuel gouvernement, direction qui mérite une fois de plus d'être évoquée.

Un bref retour en arrière nous permet en effet de constater que, depuis l'arrivée aux responsabilités de Nicolas Sarkozy, la politique menée par le Gouvernement tend à la mise en place d'un triptyque bien établi.

Premièrement, dans la relation qu'entretient la société avec chaque individu, celui-ci n’est dorénavant plus amené à attendre de la société un soutien face aux accidents de la vie. Il est au contraire rendu plus que responsable des événements qui pourraient émailler son parcours. Il en est ainsi du chômeur, sur lequel on fait planer un doute lancinant à la fois sur sa volonté de s'en sortir et sur les raisons qui ont pu le conduire à connaître une telle situation. De même le salarié du privé, dans le cadre de l’inversion de la hiérarchie des normes, se retrouvera seul face à son employeur dans un rapport forcément déséquilibré. Le malade, quant à lui, est montré du doigt en raison de la charge qu'il représente pour la collectivité : l'allongement de la durée de la vie et le coût élevé des derniers mois de celle-ci deviennent, pour certains, surtout pour vous, incompatibles avec une prise en charge complète par la solidarité nationale. Il en va de même pour le futur retraité, qui comprend que le modèle qui a prévalu jusqu'alors risque d'être démantelé à terme.

Il ne s'agit là que de quelques exemples car la liste serait bien trop longue si elle devait être exhaustive.

Deuxièmement, alors que dans la relation qu’il entretient avec la société, l’État est un élément central, régulateur et fédérateur de celle-ci, il voit aujourd'hui son rôle totalement modifié en vue de ce que le Gouvernement nomme fort pudiquement sa « modernisation », qualifiée à chaque projet de loi d’« historique ». Vous avez une réelle facilité, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, pour l’autosatisfaction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Derrière ce mot – la « modernisation » – se cache en fait un régime drastique destiné à diminuer l'intervention de l'État, dans le cadre d’une décision prise sans réflexion préalable sur ce qu'on attend de lui aujourd'hui. Eh bien, dans le contexte trouble qui est celui de notre pays, le Gouvernement a décidé de ne s'intéresser qu'à l'aspect budgétaire sans prendre en considération les besoins sociaux exprimés par la population.

Soyons honnêtes : les actions menées sont d'une violence et d'une constance toutes particulières. Là où ce gouvernement passe, les services publics trépassent.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

M. Pierre Méhaignerie. N’importe quoi ! C’est d’une démagogie incroyable !

M. Gérard Bapt. Mme Lemorton a raison : on supprime même les sous-préfectures !

Mme Catherine Lemorton. Troisièmement, en ce qui concerne la relation que la société entretient avec la notion de revenu, le revenu d'activité reposait jusqu'alors sur un pilier majeur, le salaire. Or le projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui remet totalement en cause cette notion. Si le texte est adopté, il sera gravé dans le marbre que le revenu est constitué, mais en partie seulement, du salaire, le reste provenant des heures supplémentaires, de l'intéressement, de la participation ou encore de l'épargne salariale – bref, qu’un revenu décent ne peut être que l’addition de plusieurs sources.

Les mesures que vous proposez – crédits d'impôts, exonérations de cotisations sociales et autres niches – ont pour seule conséquence d’inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires et à privilégier toutes les formes annexes de rémunération. (« C’est vrai » sur les bancs du groupe SRC.) Quand on sait que l'augmentation du pouvoir d'achat, qui a baissé de 0,4 % durant l’année écoulée, était l'objectif central de ce texte,…

M. Marcel Rogemont. Et l’année n’est pas terminée !

Mme Catherine Lemorton. …on ne peut que s'interroger.

Comment expliquer à la population française que, dans le contexte économique que nous connaissons, ses revenus ne seront plus indexés sur le niveau d’évolution des prix mais qu’ils seront désormais garantis uniquement par le niveau de résultat des entreprises et que, de plus, on incitera les entreprises à lâcher du lest sur les salaires puisque des revenus complémentaires seront encouragés ?

Les mesures en faveur du pouvoir d'achat étaient au centre du discours du candidat Sarkozy : elles sont devenues aujourd'hui l'Arlésienne du Président de la République. Pourtant, la situation est suffisamment grave et concrète pour que le Gouvernement se mobilise pleinement et efficacement sur ce sujet. La hausse des matières premières, des denrées alimentaires, de l’essence, du gaz, les franchises médicales, les déremboursements, les dépassements d’honoraires attaquent directement le pouvoir d’achat des Français, les enfonçant un peu plus dans une perte de confiance, de repères, d’espoir, que l’absence de régulation de notre système économique provoque déjà quotidiennement.

Pouvons-nous tolérer que certains de nos compatriotes, bien sûr les plus modestes, se réfugient dans les jeux de hasard en rêvant à des jours meilleurs ?

La Française des Jeux va-t-elle devenir l’unique moyen de réaliser ses ambitions et de dynamiser le pouvoir d’achat ? Elle a déjà analysé la situation puisqu’elle vient de recevoir l’autorisation de proposer ses « services » dans certains supermarchés.

Mes chers collègues de la majorité, ne vous méprenez pas, notre position est limpide.

M. Frédéric Lefebvre. Ça change, alors !

Mme Catherine Lemorton. Notre volonté est de tout faire pour que les Français bénéficient d’un pouvoir d’achat le plus élevé possible.

Notre opposition à ce texte n’est pas une opposition de principe, de foi idéologique, mais de simple raison, parce que ce texte ne répond pas à l’objectif qu’il se fixe.

Nous devons nous battre pour augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens, quitte même à en oublier parfois notre propre clientèle électorale.

Ce ne fut, hélas, pas le cas il y a un an quand la croissance, surestimée par Mme Lagarde, fut utilisée pour favoriser les plus nantis de notre pays au travers du bouclier fiscal, dans le projet de loi TEPA.

M. Marcel Rogemont. Il faut le rappeler !

Mme Catherine Lemorton. Une année est passée, la croissance est aujourd’hui bien loin des estimations et le Gouvernement, loin de reconnaître ses erreurs et de mettre en place de véritables mesures en faveur du pouvoir d’achat, s’en tient à un texte qui s’appuie sur une croissance aléatoire.

Pas de pouvoir d’achat renforcé, pas de création d’emplois stables, pas d’actes volontaristes en direction des laissés pour compte du système actuel. On entend parfois que la gauche ferait un complexe face à la droite qu’elle sentirait meilleure gestionnaire, mais il n’y a aucun complexe à avoir, la situation actuelle et le texte proposé ce soir nous le prouvent.

En effet, pendant que vous nous proposez ce type de texte inefficace, le groupe socialiste, radical et citoyen ne se satisfait pas de combattre votre échec, il propose. Il propose la majoration de la prime pour l’emploi, il propose de conditionner les exonérations de cotisations sociales octroyées aux entreprises par l’augmentation des salaires, il propose d’instaurer un malus sur les entreprises qui abusent du travail à temps partiel et des emplois précaires. Bref, il tente d’organiser un débat national de fond pour permettre à la France de se prémunir contre la situation économique et sociale actuelle.

Mes chers collègues, pour achever mon propos, je voudrais revenir sur le triptyque que j’ai évoqué tout au long de cette intervention.

Un individu que l’on culpabilise, un État qui disparaît et un revenu qui se fragmente, ce triptyque a au moins le mérite de la cohérence, il faut le reconnaître, cohérence avec les thèses néolibérales que j’ai déjà évoquée devant vous sur un texte précédent.

Mais la politique ne se limite pas à la mise en place de thèses, puissent-elles être convaincantes sur un plan théorique. La politique doit être l’école du pragmatisme et de la prise en compte des besoins réels de la population.

Ce projet de loi en est l’exemple type puisque l’on sait que la conjoncture actuelle ne permet pas de répondre par vos propositions aux besoins de l’ensemble des Français.

C’est d’ailleurs l’ensemble de cette cohérence idéologique qui semble ne pas correspondre aux défis qui attendent notre pays.

Face à une crise économique, financière et sociale qui prend de l’ampleur, face à la donne environnementale qui modifie le cadre de notre système économique,…

M. Marcel Rogemont. C’est vrai !

Mme Catherine Lemorton. …il n’est pas possible de poursuivre une politique qui ne recentre pas son action sur la répartition des richesses. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Dans les jours à venir, messieurs les ministres, vous allez, avec l’habileté arrogante qu’on vous connaît (Protestations sur les bancs du groupe UMP), faire croire à l’ensemble des Français que ce projet de loi va renforcer leur pouvoir d’achat.

Pour déjouer cette supercherie, ma conclusion sera une question : quelle réponse allez-vous proposer aux chômeurs, aux bénéficiaires des pensions d’invalidité, aux retraités, aux salariés de la fonction publique, aux salariés des entreprises qui ne bénéficient pas de ce type de dispositif, aux adultes handicapés ?

Pour vous aider dans votre réflexion, je vous rappelle que le mot « égalité » fait partie du triptyque de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Le mot « fraternité » aussi !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Enfin des paroles vraies !

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet ambitieux du Gouvernement (Rires sur les bancs du groupe SRC) qui inscrit la volonté du Président de la République de mettre le partage de la valeur au centre des priorités de notre majorité pour augmenter durablement le pouvoir d’achat des Français, un pouvoir d’achat qui a longtemps souffert de la fausse bonne idée du partage du travail. Dix ans après, on n’a eu ni partage équitable, ni travail honorable, mais des baisses de salaires.

Mme Marylise Lebranchu. Demandez à Robien ce qu’il en pense !

M. Frédéric Lefebvre. François Bloch-Lainé, directeur du Trésor après la guerre, disait que, depuis 1880, la France était malthusienne. C’est de là que l’idée du partage du travail est née, une idée coûteuse économiquement, plus de 20 milliards d’euros de dépenses par an, et suicidaire politiquement.

M. Jean-Pierre Brard. Moi, j’ai une citation de Paul VI !

M. Frédéric Lefebvre. En France, on a longtemps cru que le partage du travail pouvait régler la question de la croissance économique et de l’emploi. Or, dans les faits, la France n’a eu ni l’une ni l’autre. Le partage du travail a rendu impossibles la modulation du temps de travail et la possibilité de travailler plus pour gagner plus. Il a augmenté le stress au travail et écrasé la progression du pouvoir d’achat.

Le partage des revenus du capital peut-il réussir là où le partage du travail a échoué ? Je dirai volontairement oui car il contribue à réhabiliter le travail. On a commencé à le réhabiliter avec les heures supplémentaires, on va maintenant réduire l’écart entre capital et travail.

Ce partage a commencé sous l’impulsion du général de Gaulle dans un discours prononcé à Strasbourg le 7 avril 1947. Il s’interrogeait sur les relations existantes au sein des entreprises :

« Faudra-t-il donc que nous demeurions dans cet état de malaise ruineux et exaspérant où les hommes qui travaillent ensemble à une même tâche opposent organiquement leurs intérêts et leurs sentiments ? [...] Non ! La solution humaine, française, pratique de cette question qui domine tout n’est ni dans cet abaissement des uns, ni dans cette servitude de tous. Elle est dans l’association digne et féconde de ceux qui mettraient en commun, à l’intérieur d’une même entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens, et qui devraient s’en partager, à visage découvert et en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques.

« Certes, ce n’est pas cette voie que préconisent, ni ceux qui ne veulent pas reconnaître que rehausser la dignité de l’homme, c’est non seulement un devoir moral mais encore une condition du rendement, ni ceux qui conçoivent l’avenir sous la forme d’une termitière. Mais quoi ? C’est la voie de la concorde et de la justice fructifiant dans la liberté ! ».

À partir de cette conviction gaullienne du partage des revenus du capital furent adoptés plusieurs textes juridiques sur la participation créant ce que l’on a progressivement appelé l’épargne salariale, avec ses dispositifs dérivés ou connexes, intéressement, plan d’épargne d’entreprise, plan d’épargne retraite collectif, actionnariat salarié.

Aujourd’hui, la France peut se féliciter que 72 % de ses salariés bénéficient d’une participation, 54 % d’un intéressement et 55 % d’un plan d’épargne, mais dire cela, c’est ne regarder que le verre à moitié plein car la moitié des Français ne bénéficient pas d’un plan d’intéressement ou d’épargne. C’est la raison pour laquelle, en matière de partage du capital, il faut plutôt inciter et assouplir pour que les PME puissent croître et distribuer équitablement à l’ensemble de leurs salariés.

Voici un exemple qui illustre parfaitement la situation. Une secrétaire d’un grand groupe comme Total qui travaille au siège dispose d’un capital quand elle part à la retraite car elle a bénéficié tout au long de sa carrière de la participation et d’un intéressement. Si elle travaille dans la station d’essence qui est en face, une PME, elle part sans rien.

C’est une inégalité, mesdames, messieurs de l’opposition, à laquelle vous ne vous êtes jamais attaqués. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Vous non plus !

M. Christian Eckert. Vous videz la participation de son sens !

M. Frédéric Lefebvre. J’ajoute que, quand le général de Gaulle a institué la participation, la gauche et les syndicats y étaient hostiles. Aujourd’hui, c’est agréable de voir des syndicats venir nous dire qu’il faut protéger la participation et l’intéressement, mais ils nous disent de ne pas aller trop loin, de ne pas trop bouger les choses. Aujourd’hui comme hier, c’est notre majorité qui a décidé de faire une réforme sociale essentielle.

Regardez l’évolution du pouvoir d’achat. Sur les cinq dernières années, il a augmenté de 5 %, corrigé de l’inflation, mais avec des évolutions inégales suivant les catégories de revenus : 15 % pour les smicards, avec l’unification et l’indexation du SMIC, 20 % pour les revenus du capital. Les exclus ou les Français moyens ont été tenus à l’écart de cette augmentation du pouvoir d’achat, d’où le RSA – on va voir si vous le votez – et ce projet sur les revenus du travail.

Pour aller plus loin dans la lisibilité et la transparence, je propose au Gouvernement d’expérimenter dans un département la possibilité qu’un salarié puisse voir directement sur sa fiche de paie l’évolution de son salaire depuis son embauche ainsi que l’évolution de l’inflation et du résultat net de l’entreprise.

M. Jérôme Cahuzac. Cela va alléger les charges administratives !

M. Frédéric Lefebvre. Cette opération transparence s’inscrit parfaitement dans ce que vient de dire Pierre Méhaignerie à propos de l’évolution des salaires en France. Heureusement pour vous que cela n’existait pas en 1999 et 2000 parce que, avec les 35 heures, les salaires ont baissé dans notre pays.

M. Marcel Rogemont. Les salaires n’ont pas baissé !

M. Frédéric Lefebvre. Les 50 % des salariés, souvent des PME, exclus du partage du capital doivent avoir droit eux aussi aux revenus du capital. Il faut une vraie volonté et une vraie détermination.

La proposition défendue par Nicolas Sarkozy lors de l’élection présidentielle, que défend aujourd’hui l’UMP, mais pas seulement, puisqu’elle intéressait M. Balligand, les stock-options pour tous, s’inscrit dans cette perspective de partage démocratisé du revenu du capital.

Elle répond à trois impératifs :

Premier impératif, la justice sociale, car il n’est pas normal que seulement 1 % des salariés du CAC 40 en profitent alors que tous les patrons en bénéficient.

Deuxième impératif, l’efficacité économique, car cette proposition est très motivante pour les salariés lorsqu’on sait par exemple que les plans de participation sont totalement déconnectés de la performance individuelle de chaque salarié. Comment voulez-vous doper la croissance économique avec seulement du salaire qui disparaît avant le 20 de chaque mois, ou avec de la participation quinquennale rongée par la bulle immobilière ?

Troisième impératif, la hausse du pouvoir d’achat, en liaison étroite avec la productivité de chaque salarié. N’oublions pas que le salaire est le prix de l’efficacité de chaque salarié et que le chef de l’entreprise ne peut l’augmenter au-delà de sa productivité au risque de perdre sa compétitivité.

J’ai donc déposé un amendement en ce sens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Nous ne sommes donc pas les seuls à déposer des amendements !

M. Frédéric Lefebvre. Vous seriez bien inspirés d’en déposer de temps en temps. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. On ne fait que ça !

M. Frédéric Lefebvre. Plutôt que de critiquer tout le temps, une petite proposition plutôt que des amendements de blocage ou de suppression, cela ne ferait pas de mal au débat parlementaire.

Ces trois impératifs sous-tendent d’ailleurs le texte tout entier. Justice sociale, efficacité économique et hausse du pouvoir d’achat sont des impératifs suffisants pour que chacun dans cet hémicycle prenne ses responsabilités et vote ce texte, mais j’ai peu d’espoir. Je ne doute pas qu’à gauche, après avoir été non républicains au point de prendre la responsabilité d’envoyer un signal négatif à nos soldats en Afghanistan (Protestations sur les bancs du groupe SRC), vous allez maintenant envoyer un signal négatif aux salariés des PME de notre pays. Croyez bien que nous le regrettons.

M. Jean-Pierre Brard. Député idolâtre !

M. Frédéric Lefebvre. À vos yeux ne compte plus qu’une chose : le premier secrétariat du PS. Il faut s’y faire et nous nous y faisons. Nous avons, pour notre part, décidé de débattre ensemble de quelque chose qui intéresse les Français : leur pouvoir d’achat, un meilleur partage du capital. Parce que c’est l’avenir des Français qui nous intéresse, plus que l’avenir de nos formations politiques respectives !

M. Alain Vidalies. C’est lamentable et scandaleux !

M. Frédéric Lefebvre. Si, au moins, cela vous fait réagir, tant mieux !

M. Alain Vidalies. De tels propos ne sont pas dignes de cette assemblée !

M. Jean Mallot. Provocateur !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Vous n’arrêtez pas de remettre en cause le Président de la République depuis tout à l’heure !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour un rappel au règlement.

M. Christian Eckert. Sur le fondement de l’article 58-1, monsieur le président. Les propos de notre collègue Frédéric Lefebvre n’ont pas leur place dans ce débat. Il a traité une partie de la représentation nationale de non-républicaine,…

M. Frédéric Lefebvre. Sur l’Afghanistan, oui ! Je le revendique.

M. Christian Eckert. … alors que les députés ont été sollicités pour un vote. Si, chaque fois que la majorité sollicite un vote, ceux qui ne suivent pas son avis doivent être qualifiés de non-républicains, nous ne pouvons pas travailler dans des conditions sereines. En conséquence, et pour que nos débats retrouvent leur calme, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance de quinze minutes, et je souhaite que M. Lefebvre retire ses propos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut ramener de la sérénité dans nos débats. Notre collègue Frédéric Lefebvre, qui par moments s’exprime plus vite qu’il ne réfléchit (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), donne parfois, à l’image de son illustre homonyme, dans l’intégrisme. Il est pétri de préjugés à la façon dont Einstein en parlait quand il disait qu’« un préjugé est plus difficile à casser que l’atome ».

On croirait, cher collègue, que vous êtes investi d’une mission. Je ne sais pas si elle vous a été confiée, mais elle vous apparente à ces autres sur lesquels la grâce est descendue…

M. Frédéric Lefebvre. Quel lyrisme !

M. Jean-Pierre Brard. … et qui ne peuvent s’exprimer autrement que de manière désagréable.

Est-ce que nous vous interrogeons, nous, sur vos relations avec M. Devedjian, telle qu’elles ressortent, par exemple, de ce que nous avons pu voir aujourd’hui à la télévision ? Monsieur Lefebvre – j’en parle librement, puisque je ne suis pas socialiste –, vous voulez semer la zizanie chez nos collègues, comme si cela faisait partie du débat !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Ils n’ont pas besoin de nous pour que ce soit la zizanie chez eux ! Ce que vous venez de dire est cruel !

M. Jean-Pierre Brard. Est-ce cruel pour vous ou pour M. Devedjian ?

Monsieur le président, nous sommes des parlementaires à égalité de dignité, investis par la confiance de nos concitoyens. Nous nous grandissons toutes les fois que nous faisons preuve de courage, mais il semblerait que ce ne soit pas une qualité également partagée !

Je voudrais vous livrer cette réflexion, monsieur Lefebvre : « Le vrai courage, c’est, au-dedans de soi, de ne pas céder, ne pas plier, ne pas renoncer ; être le grain de sable que les plus lourds engins, écrasant tout sur leur passage, ne réussissent pas à briser. » C’est de Jean-Pierre Vernant, helléniste illustre et résistant ô combien héroïque. Quand on est de gauche, on est là pour défendre ceux que vous opprimez et pressurez (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP), par exemple avec ce texte que vous voulez imposer, après une discussion à la va-vite et en donnant dans le faux-semblant.

M. Frédéric Lefebvre. C’est du grand Brard !...

M. le président. Monsieur Brard, il faut conclure. Vous étiez loin du rappel au règlement, mais nous vous avons malgré tout écouté.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je termine d’une phrase sans vouloir vous donner de conseil : que la paix revienne dans cet hémicycle !

Mme Marie-Josée Roig. Amen !

Reprise de la discussion

M. le président. Nous poursuivons la discussion générale.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans sa mise au point opportune, M. Jean-Pierre Brard a, pour ramener un calme républicain dans cet hémicycle, évoqué le souvenir de Jean-Pierre Vernant. Je voudrais l’informer que la semaine dernière, en Haute-Garonne, nous avons inauguré un collège auquel nous avons donné le nom de ce grand résistant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Comme à Montreuil !

M. Gérard Bapt. Le conseil général de Haute-Garonne est socialiste, donc républicain.

M. Jean-Pierre Brard. Il fut communiste dans une vie antérieure.

M. Gérard Bapt. Mais revenons au débat républicain qui nous occupe ce soir, avec le président de la commission des finances et le seul rapporteur présent : celui de la commission des affaires sociales.

M. le président. Monsieur Bapt, je vous signale que le rapporteur pour avis de la commission des finances est également présent.

M. Gérard Bapt. Je vous prie de m’excuser, monsieur Giscard d’Estaing. Au passage, j’indique que je vais citer votre rapport qui, fort opportunément, rappelle quelques vérités.

Face aux difficultés de pouvoir d’achat de la grande majorité de nos compatriotes, après le paquet fiscal de juillet 2007, la loi sur le pouvoir d’achat de décembre 2007, la loi de modernisation de l’économie de juillet 2008, voici la dynamisation des revenus du travail ! Mes collègues socialistes se sont déjà largement exprimés sur les insuffisances évidentes des dispositions de ce projet de loi, mais aussi sur les incertitudes et les risques qu’il recèle, notamment en ce qui concerne les quasi-fonds propres des PME – M. Balligand va s’exprimer sur ce sujet.

Dans son rapport, M. Giscard d’Estaing souligne la substitution, notée et notable, des revenus tirés des dispositifs d’épargne salariale aux salaires eux-mêmes. En effet, les dispositifs d’épargne salariale croissent deux à trois plus vite que la masse salariale globale. L’Association française de gestion financière a indiqué, la semaine dernière, que l’engouement des salariés et des entreprises pour ces dispositifs ne se démentaient pas puisque, au 31 décembre 2007, les en-cours d’épargne salariale ont atteint plus de 87 milliards d’euros et qu’ils ont crû de 6,3 % par rapport au 31 décembre de l’année précédente. Fallait-il, dans des conditions aussi incertaines, les stimuler encore ?

Certes, pour moitié, ces sommes sont investies en titres de l’entreprise. L’épargne salariale contribue donc à un renforcement durable des fonds propres des entreprises. Mais, revers de la médaille, le dynamisme d’ensemble de ces dispositifs contribue à l’augmentation des « niches sociales », c’est-à-dire à l’accroissement des sommes qui échappent aux cotisations sociales. La Cour des comptes a estimé que les pertes de recettes atteignaient un montant compris entre 6 et 8 milliards d’euros par an ! Cela n’est pas négligeable, eu égard aux déficits de nos comptes sociaux.

Ces exonérations ont également fait l’objet d’un examen de la mission d’information commune à la commission des finances et à la commission des affaires sociales, mission d’information que j’ai eu l’honneur de présider et dont notre collègue Yves Bur a été le rapporteur. Son rapport, un « petit » livre vert, mais grand par son importance, a été adopté à l’unanimité après quelques ajouts de la part de la fraction socialiste de la mission. Tous les participants ont approuvé la demande qu’un coup d’arrêt soit donné à l’extension des niches. Il s’agit, pour l’État, des niches fiscales et, pour les comptes sociaux, des niches sociales. Il y a donc une grande incohérence, messieurs les ministres, à nous proposer aujourd’hui de majorer les niches sociales, et donc les pertes de recettes,…

M. Jérôme Cahuzac. Très juste !

M. Gérard Bapt. …alors même que le rapport de M. Bur propose une taxation, certes modérée, de ces mêmes niches. Et j’aimerais que vous nous précisiez vos intentions à cet égard, dans la perspective du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Les articles 4 et 5 traitent de l’autre versant de la mission d’information : celui des allégements de charges.

L’article 4 reprend une proposition du rapport Bur : conditionner les allégements de charges à la relance de la négociation salariale. Mais la réduction de 10 % des allégements en cas de non-respect de l’obligation de négociation annuelle sur les salaires apparaissant particulièrement faible, la commission des affaires sociales a proposé de supprimer totalement – à 100 % – ces allégements s’il n’y avait toujours pas de respect de l’obligation de négocier au bout de la troisième année. Cette sanction serait néanmoins symbolique, même si elle doit s’appliquer à un quart des entreprises concernées. Le comité d’orientation pour l’emploi, lui, proposait un « abattement » de l’allégement si les négociations n’aboutissaient pas à un accord salarial – à la troisième année, par exemple – pour sanctionner l’absence d’accord. Il s’agirait là d’une incitation non seulement à respecter l’obligation de négocier, mais aussi à conclure des accords salariaux par le dialogue social dans l’entreprise.

Je terminerai par l’article 5. Le calcul des allégements au niveau du salaire minimum de branche reprend aussi une recommandation du rapport Bur. Mais il est une autre proposition de ce rapport qui, en restant dans le cadre de votre projet de redynamisation des revenus du travail, eût mérité d’être retenue : il s’agit de l’adaptation du dispositif des allégements généraux afin de réduire le travail à temps partiel subi. Celui-ci est une cause majeure des difficultés de pouvoir d’achat rencontrées par de trop nombreux salariés, notamment des femmes. Voilà pourquoi je conclus en vous demandant, messieurs les ministres, si vous reconnaissez le bien-fondé de cette proposition, au regard même des objectifs affichés par le Gouvernement et du slogan de campagne du Président de la République : « travailler plus pour gagner plus ». Vous reprochez trop souvent aux socialistes de ne pas faire de proposition : en voilà une, que nous partageons avec M. Bur.

M. Marcel Rogemont. Ils n’ont même pas lu son rapport !

M. Gérard Bapt. Reconnaître le bien-fondé de cette proposition, ce serait respecter un engagement de campagne pris envers des salariés qui sont à la peine en termes de pouvoir d’achat et qui ont vraiment besoin de travailler plus et de gagner plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. Brard a évoqué le courage, permettez-moi donc de rappeler ce que disait Jankélévitch : « Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage ». (« Très bien ! » sur divers bancs.) Pour ma part, j’aurai le courage d’être redondante (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard. Par rapport à qui ?

Mme Arlette Grosskost. …par rapport à tout ce que nous avons entendu jusqu’à présent. Je repense à ce qu’a dit Frédéric Lefebvre, et c’est un fait que je ne peux pas bouder mon plaisir de parler à nouveau de la participation, de cette belle notion, au sens large du terme évidemment, de la participation des salariés aux fruits de l’entreprise.

M. Jean-Pierre Brard. Vous y croyez ?

Mme Arlette Grosskost. Absolument, monsieur Brard, j’y crois énormément ! Et vous allez illico savoir pourquoi.

L’initiative prise le 26 mai dernier par le Président de la République, consistant à relancer l’intéressement et la participation dans les entreprises, ne peut que réjouir tous ceux qui se réclament du gaullisme social. J’en suis, et je le crie ! Mes chers collègues, ne croyez-vous pas qu’il est temps d’arrêter d’opposer, d’un côté comme de l’autre de l’hémicycle, capital et travail ? On n’entend que ça ces derniers temps, et encore tout à l’heure. Il y en a marre !

M. Jean-Pierre Brard. Ça vous fait frémir !

Mme Arlette Grosskost. Vous savez tous très bien que ces deux notions n’ont absolument rien d’antagoniste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Ah bon ?

Mme Arlette Grosskost. Le visionnaire qu’était le général de Gaulle l’avait parfaitement compris il y a déjà soixante ans, lui qui déclarait que « l’économie est au service de l’homme et non l’homme au service de l’économie », lui qui savait déjà, à l’instar de Jean Bodin, qu’il n’y a de valeur que d’hommes, y compris à l’actif du bilan de nos entreprises.

M. Jean Mallot. Dites-le à M. Lefebvre !

Mme Arlette Grosskost. C’est pour cette raison que le général de Gaulle prenait, dès 1959, une première ordonnance prônant l’intéressement – alors facultatif – puis une seconde, en 1967, sur la participation, celle-ci obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés.

Ainsi, depuis plusieurs décennies, les salariés ont été associés aux fruits de l’expansion de leur entreprise.

M. Jean-Pierre Brard. Il va falloir que vous les en convainquiez !

Mme Arlette Grosskost. Après avoir pleinement contribué au développement de leur propre outil de travail, il apparaît tout à fait logique qu’ils en perçoivent les dividendes, à l’instar des actionnaires qui touchent des dividendes en proportion des sommes investies au capital.

M. Jean-Pierre Brard. Mais dans quel pays habitez-vous, madame Grosskost ?

Mme Arlette Grosskost. Dans ce beau pays qu’est la France, et plus particulièrement en Alsace, monsieur Brard.

Bien au-delà de l’impact positif sur le pouvoir d’achat, dont on ne peut douter, les concepts de participation et d’intéressement engagent une nouvelle approche des relations au travail. En effet, l’intéressement et la participation recréent des liens entre ceux qui détiennent l’entreprise et ceux qui y travaillent, récompensent les efforts à leur juste valeur, associent les salariés plus intimement à la prise de décision.

La gauche, il n’y a pas si longtemps encore adepte de l’autogestion, a souvent tourné en dérision ce qui constitue pourtant une avancée incontestable. Ne lui en déplaise, le bilan s’avère largement positif, ainsi que cela a été rappelé par M. le ministre et par tous les intervenants précédents.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme Arlette Grosskost. L’intéressement, la participation, ça marche ! Preuve que l’idée du fondateur de la VRépublique n’avait rien d’absurde, bon nombre de pays industrialisés – Grande-Bretagne, Belgique, Suède et États-unis – ont institué, à partir des années 70, divers systèmes d’association capital-travail.

Alors que nous sortons avec beaucoup d’efforts du tunnel du chômage – le taux est passé sous la barre symbolique des 8 % –, le Président de la République, conscient des interrogations légitimes de nos compatriotes sur le pouvoir d’achat, a souhaité donner un nouvel élan à l’ordonnance de 1959 en lui impulsant une vigueur nouvelle. Pour y parvenir, le projet de loi prévoit des mesures réellement incitatives, telles que la modification de la procédure de fixation du SMIC…

M. Marcel Rogemont. Ça n’a rien à voir avec la participation !

Mme Arlette Grosskost. …ou encore le conditionnement des allégements de charges à l’ouverture de négociations sur les salaires. Il permet également aux salariés de décider s’ils souhaitent, dans le cadre de la participation, disposer de leur argent immédiatement ou l’épargner. Enfin et surtout, il incite les entreprises, via des crédits d’impôts substantiels, à distribuer plus à leurs salariés afin de mieux partager les profits. Non seulement ces dispositions impliqueront de plus en plus les salariés, mais elles redonneront ses lettres de noblesse à la valeur travail, tant dévaluée par le diktat des 35 heures.

M. Jean-Pierre Brard. Décidément, c’est une obsession !

M. le président. Ma chère collègue, il va falloir conclure.

Mme Arlette Grosskost. Aujourd’hui, alors que l’intéressement a largement fait ses preuves, il est vrai que les TPE et les PME ont été quelque peu écartées du processus. En conséquence, la loi qui nous est soumise, par son caractère fortement incitatif, répond intelligemment aux attentes et aux préoccupations exprimées par les salariés, notamment ceux des PME et des TPE, et elle permettra, par ailleurs, de consolider une authentique culture d’entreprise.

Ainsi, ensemble, dépassons ces clivages idéologiques. Ensemble, sachons renforcer et améliorer ces outils remarquables que sont l'intéressement et la participation, dans le seul but de privilégier la réussite collective sur le plan social, économique et financier.

C’est avec un grand plaisir que je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, messieurs les ministres, je serai redondant comme la collègue qui m’a précédé mais, pour ma part, je le serai avec bon nombre d’orateurs du groupe socialiste.

Le texte que nous examinons est le quatrième que le Gouvernement présente, en moins d'un an, comme une solution à la crise du pouvoir d'achat.

M. Marcel Rogemont. En urgence les quatre fois !

M. Olivier Dussopt. En urgence, en effet. Sera-t-il efficace ?

M. Marcel Rogemont. Pas davantage ! Il y en aura un autre !

M. Olivier Dussopt. L'interrogation est légitime dans la mesure où ni le paquet fiscal, ni la loi sur le pouvoir d'achat, ni celle – certes encore récente – sur la modernisation de l'économie n'ont encore porté leurs fruits et répondu aux questions des Français sur leur pouvoir d’achat,… si ce n’est pour les plus favorisés.

Nous nous interrogeons non seulement sur l’efficacité de ce texte, mais nous craignons aussi qu’il soit coûteux et trop lourd pour les finances publiques. En effet, l'article 1er prévoit de doubler le montant global de l'intéressement en quatre ans, grâce à un crédit d'impôt de 20 % sur les sommes prévues par les nouveaux accords ou sur les nouvelles sommes accordées dans le cadre de renégociations. L’intéressement représente aujourd'hui 6,5 milliards d’euros. Son doublement aurait un coût d’un peu plus d’un milliard d'euros en quatre ans, soit presque 300 millions d'euros par an. Cela nous paraît beaucoup dans le contexte budgétaire actuel.

De plus, cette mesure nous paraît contradictoire avec d’autres annonces du Gouvernement et notamment celle du 29 juillet dernier, lorsqu’il a manifesté son intention de taxer les sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation dans le cadre des mesures de redressement des comptes sociaux. Cette nouvelle taxe représenterait entre 200 et 500 millions d'euros selon les estimations, soit peu ou prou le montant des crédits d'impôts évoqués aujourd'hui.

Vous brouillez les pistes et les entrepreneurs ne s'y retrouvent déjà plus. De l'aveu même de certains d'entre eux, il n'y aurait déjà plus d'intérêt à négocier ces nouveaux accords appelés de vos vœux.

Mesure coûteuse, efficacité à vérifier, annonces contradictoires. Cela fait déjà beaucoup de reproches, mais ce n'est malheureusement pas tout : nous regrettons aussi le caractère discriminatoire de vos propositions. Trop peu de nos concitoyens seront concernés par ces mesures d'augmentation de l'intéressement ou de déblocage des sommes acquises au titre de la participation dans l'année écoulée. Retraités, chômeurs, étudiants, fonctionnaires n’y auront pas accès. De même, nous savons que seulement la moitié des entreprises de plus de cinquante salariés et pas plus de 3 % des entreprises de moins de dix salariés ont signé un accord d’intéressement.

Au passage, nous notons l'amendement présenté par le rapporteur pour avis en commission des affaires économiques : il proposait d'étendre le champ des accords d'intéressement et de participation aux entreprises publiques. Cette proposition va peut-être dans le bon sens mais nous regrettons d’autres amendements visant à étendre ces mêmes accords aux chefs d'entreprise. En l'état, ils manquent de précision, notamment sur une interdiction souhaitable de cumuler le bénéfice de ces accords avec d'autres systèmes de rémunération – le plus connu étant les stocks options, même s'il est évidemment rare dans les entreprises de moins de 250 salariés.

Vous répondrez certainement que les dispositions de ce projet de loi ont pour but d'étendre ces accords aux entreprises n'en ayant pas encore conclu. Malheureusement, nous devons aussi tenir compte du contexte économique, qui n'incite certainement pas à mettre en place de tels accords.

S’agissant de ce contexte, je souhaite aussi vous faire part de nos craintes au sujet du dispositif de déblocage de la participation, même s’il ne porterait que sur les sommes acquises au cours de l'année.

D'une part, cette possibilité encourage les salariés à diminuer ce qui représente souvent la seule épargne de précaution de nombreuses catégories professionnelles parmi les moins bien rémunérées. En commission des affaires économiques, le rapporteur pour avis affirmait : « Il faut savoir ce que l'on veut dans la vie. » Effectivement, vous faite un choix : vous ne proposez pas du pouvoir d'achat en plus à ces salariés, mais simplement de disposer immédiatement d'un pouvoir d'achat déjà acquis mais différé. Finalement, vous leur proposez d'hypothéquer leur avenir en contrepartie d'une promesse d'un éventuel intéressement, en somme d'un droit au rêve, en espérant la prospérité économique et en ne comptant que sur elle.

De plus, le déblocage anticipé de ces fonds aura une conséquence sur la capacité de financement et d'investissement des entreprises. Même si ces sommes ne constituent pas directement des fonds propres pour les entreprises, elles représentent un élément dont les établissements bancaires tiennent compte. La capacité de déblocage de ces fonds nous paraît peu opportune dans un contexte de crise bancaire et de restriction de l'accès au crédit.

M. Jean Mallot. Très juste !

M. Olivier Dussopt. De manière plus générale, nous craignons que votre texte encourage un glissement de la nature de la rémunération des salariés du salaire vers un revenu fait de primes et de commissions – et l’alinéa 18 de l’article 1er ne suffit pas à nous rassurer.

Outre le fait que ce type de revenu ne participe pas au financement des régimes sociaux et qu'en cas de glissement cela les fragilise même, nous soulignons que le bénéfice des accords d'intéressement et de participation est uniquement lié au contexte économique et à l’espoir d’une amélioration de la situation et du développement des entreprises. Cette précarité et ce risque pesant ainsi sur le niveau des revenus est trop important pour que nous puissions cautionner ce texte qui les encourage.

Même le président de la Cour des comptes – qu’on ne peut soupçonner de sympathie à notre égard – souligne le danger créé par ce glissement et par la hausse de la part des revenus non soumis aux cotisations sociales. En commission des affaires économiques, M. le rapporteur pour avis avait beaucoup insisté sur sa volonté de créer une société de participation, pour un meilleur partage de la valeur ajoutée entre capital et travail. Permettez-moi simplement de vous rappeler que, pour le groupe SRC, le meilleur outil de répartition des revenus entre le capital et le travail reste les salaires et non la participation ou l’intéressement.

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. Olivier Dussopt. En conclusion, vous l’avez compris, nous ne croyons pas que ce projet de loi réponde à la crise du pouvoir d'achat. Selon nous, il s’apparente à un outil de communication : on dit que l’on fait sans vraiment faire. Vous l'aurez compris, ce texte ne nous convient pas car il ne répond pas aux attentes des Français, qui veulent simplement vivre du fruit de leur travail, sans hypothéquer leur avenir et leur épargne de précaution, et sans se contenter d’un seul droit à espérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’évidence ce projet de loi est un bon texte. Parmi tous les arguments invoqués à cette tribune pour le démontrer, je voudrais en pointer deux. Premièrement : la forte incitation à étendre un système qui existe déjà dans de nombreuses entreprises…

M. Christian Eckert. L’art de réinventer l’eau tiède !

M. Jean-Frédéric Poisson. … et dont le principe est difficilement critiquable. Cette position est très éloignée de la politique du « tout ou rien » défendue par l’opposition et qui revient à dire : puisqu’on ne peut pas tout faire de manière automatique et obligatoire, ne faisons rien et tout le monde s’en portera mieux ! Ce n’est pas ma conception du pragmatisme politique.

M. Christian Eckert. Vous ne nous avez pas écoutés, monsieur Poisson !

M. Jean-Frédéric Poisson. Deuxièmement : la conditionnalité de l’allègement des charges. Ce motif de satisfaction doit être partagé assez largement ; je crois me souvenir qu’il s’agit d’un thème de campagne présidentielle sur lequel plusieurs candidats étaient tombés d’accord. Cette logique d’incitation plutôt que de contrainte me paraît se situer dans le droit fil des textes dont nous avons eu à débattre récemment dans cet hémicycle.

Ce texte est bon, même si quelques critiques – trois principalement – ont été formulées jusqu’à présent. Je ne comprends pas celle qui consiste à dire : au lieu de favoriser la participation et l’intéressement et l’abondement des fonds qui y sont dédiés, il faudrait entrer dans une logique salariale. À l’évidence, le coût du travail empêche les entreprises de distribuer sous forme de salaires les sommes consacrées à l’abondement de ces fonds et qui sont exonérées de charges sociales…

M. Marcel Rogemont. Cotisations sociales !

M. Jean-Frédéric Poisson. …car, évidemment, les montants sont différents de même que l’impact sur les résultats des entreprises. Ce sont tout de même des charges d’un point de vue comptable, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont. Respectez la terminologie ! Ce n’est pas indifférent.

M. Jean-Frédéric Poisson. S’agissant, en second lieu, de l’augmentation des revenus hors charges des salariés, je vous invite à nous aider à trouver toutes les solutions pour abaisser le coût du travail dans notre pays – thème cher à notre président de la commission des affaires sociales. Puisque notre préoccupation commune est d’améliorer le revenu net des salariés, je ne doute pas que nous pourrions trouver des solutions pour alléger le coût des salaires dans les comptes des entreprises.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’y a aucune raison de le faire !

M. Jean-Frédéric Poisson. Enfin, à notre collègue Jean-Pierre Brard qui citait avec bonheur – je ne sais pas si c’est le mot qui convient – l’opposition capital/travail en se référant à Marx, je veux rappeler que, dans le premier tome de ce livre qui lui est ou lui a été cher…

M. Jean-Pierre Brard. Das Kapital !

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement ! Je veux donc lui rappeler que, d’après le grand Karl lui-même, la forme pure du libéralisme consisterait à distribuer la totalité de la valeur ajoutée aux actionnaires. Nous ne sommes évidemment pas dans cette logique, au contraire. Même du point de vue de celui dont vous semblez vous réclamer, mon cher collègue…

M. Jean-Pierre Brard. Je ne semble pas, j’assume !

M. Jean-Frédéric Poisson. … le texte présenté n’est pas conforme à la forme pure du libéralisme.

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas de catéchisme, contrairement à vous !

M. Jean-Frédéric Poisson. On ne dirait pas !

Il n’existe pas d’opposition entre capital et travail dans le projet de loi, aussi l’objection formulée à cet égard est-elle infondée.

Enfin, monsieur le ministre, il me reste trois remarques à vous livrer, et d’abord celle-ci, formulée en commission : la notion de participation va très au-delà de la simple participation aux bénéfices de l’entreprise ; elle implique également la participation à sa vie et à ses décisions. Ce texte est quasi exclusivement centré sur les revenus, mais je formule le vœu que, dans un avenir très proche, nous puissions aussi – et de façon incitative également – faire en sorte que cette autre forme de participation soit effective.

M. Alain Vidalies. C'est-à-dire ?

M. Frédéric Lefebvre. Regardez les SCOOP, par exemple !

M. Jean-Frédéric Poisson. Deuxièmement, comme le rapporteur Louis Giscard d’Estaing, j’aurais souhaité une étude d’impact mesurant l’incidence des dispositions du projet de loi sur l’économie. Et pourquoi ne pas mesurer aussi l’impact qu’aurait l’alternative préconisée par nos collègues de l’opposition – intégrer dans le salaire réel le déblocage des fonds de participation – sur l’échelle des salaires, l’économie, l’inflation ? Ce serait intéressant à étudier.

Nous devons enfin être attentifs à une chose : accélérer la rotation des sommes actuellement déposées dans les fonds de participation et d’intéressement n’est pas forcément favorable à notre économie. Personne ne connaît les conséquences d’une telle accélération sur la trésorerie des entreprises et leurs comptes d’exploitation. C’est pourquoi j’ai cosigné l’amendement déposé par Sébastien Huyghe et prévoyant une différence de traitement entre les fonds de participation obligatoires ou dérogatoires. Il faut veiller aux conséquences importantes de ces mesures sur les comptes des entreprises.

Peut-être nous sommes en train de passer subrepticement d’une économie de l’épargne à une économie avec rotation rapide du capital. Il s’agit d’une opposition entre deux conceptions de l’économie. La première considère que c’est l’épargne à long terme qui crée la richesse et la redistribue le mieux ; la deuxième que c’est la rotation rapide des capitaux. Traditionnellement, le modèle européen est plutôt fondé sur la première…

M. Jean-Pierre Brard. Le modèle rhénan !

M. Jean-Frédéric Poisson. … et le modèle anglo-saxon sur la seconde. Je ne suis pas certain qu’une transition rapide du premier vers le second modèle soit complètement profitable à notre économie. C’est pourquoi je souhaite qu’à l’occasion de l’examen de ce texte, nous puissions trouver des ralentisseurs à cette rotation de capitaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Il faut en parler à Carlos Ghosn !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Balligand. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais citer d’emblée le Président de la République qui, en janvier dernier, affichait l’ambition de ce texte : « Nous allons créer les conditions réglementaires et fiscales pour que la participation et l'intéressement puissent s'étendre à toutes les entreprises. » Il ajoutait : « Un doublement, voire un triplement de la réserve de participation, ce n’est pas quelque chose qui me choquerait. » Enfin, il déclarait : « Cela fait des années que l’on parle de participation. Eh bien, il est temps de la faire de façon significative, lourde, ambitieuse, pour qu'enfin les gens y croient. »

M. Xavier Bertrand, dans Le Monde, affichait la même détermination : « Notre ambition n'est pas de faire une nouvelle réformette, mais de revoir l'ensemble des outils d'intéressement et de participation – ce qui inclut les plans d'épargne en entreprise et les stocks options. »

Voici l’ambition affichée qui devrait se traduire dans le projet de loi : le doublement, voire le triplement de la participation annoncé par le Président de la République ; une réforme, entre autres, de la fiscalité des stocks-options.

Sans m’appesantir sur l’article 1er consacré à l'intéressement, sujet auquel nous aurons l'occasion de revenir demain matin, je dirai qu’il y a décidément loin de la coupe aux lèvres puisque le projet de loi ne prévoit ni doublement, ni bien sûr triplement de la réserve de participation, et qu'il ne comprend absolument rien qui permettrait d'étendre la participation aux entreprises de moins de cinquante salariés.

M. Jérôme Cahuzac. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. Pour avoir été rapporteur de la loi Fabius, je sais qu’il faut être clair et ne pas raconter d’histoires : cette extension ne se produit pas automatiquement, sans contraintes – que nous n’avons pas imposées à l’époque.

Ce texte, monsieur Bertrand, est-il bien la réforme significative, lourde et ambitieuse que le Président de la République avait annoncée, ou, pour reprendre votre expression, une simple « réformette » ? Pour ma part, j’écarte clairement la première possibilité et je me demande comment l’on peut renier aussi vite des engagements aussi solennels et massifs.

Mais je ne suis pas pour autant certain que l’on puisse parler de « réformette ». Cela laisserait en effet penser que l'article 2 du projet de loi serait sans conséquences, ni positives ni négatives. Or, s'il ne donne effectivement rien aux salariés qu'ils n'aient déjà, cet article fragilise dangereusement le financement de nombreuses entreprises.

M. Jérôme Cahuzac. Très juste !

M. Jean-Pierre Balligand. Pour le comprendre, il faut avoir quelques chiffres en tête, par exemple ceux d'une étude de l'AMF sur les fonds communs de placement d'entreprise, qui sont les fonds de placement les plus courants pour la participation : ils représentaient ainsi 57 % des accords signés en 2004, contre 17 % pour le deuxième placement le plus fréquent, c'est-à-dire les comptes courants bloqués, aussi appelés quasi-fonds propres. Selon cette étude, en 2005, plus de la moitié des encours des FCPE, soit 36,5 milliards d’euros, étaient investis en titres de l'entreprise versant la participation. C'est dire l'importance de la participation dans les fonds propres des entreprises, notamment des PME. Cette importance est encore plus cruciale quand les entreprises peinent à obtenir des financements bancaires, comme c'est de plus en plus souvent le cas.

M. Jérôme Cahuzac. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Balligand. Si la mesure qui figure à l'article 2 ne touche pas au stock de la réserve de participation, elle va sérieusement réduire les flux qui l'alimenteront désormais, et ainsi réduire les capacités de financement de nombreuses entreprises. Or vous avez déjà touché à ce stock il y a huit mois, à hauteur de 3,9 milliards d’euros, débloqués par 1,6 million de salariés.

En 2005, M. Raffarin, alors Premier ministre, se faisait d’ailleurs l'avocat de la mesure qui figure aujourd'hui dans le projet de loi : « Je crois, disait-il, que le blocage obligatoire des sommes issues de la participation n'a plus aujourd'hui de véritable raison d'être. Le principe du blocage avait été conçu dans une période où l'accès au crédit était difficile, où le pays manquait d'épargne pour financer sa croissance ». En moyenne, en 2005, les taux de crédit aux entreprises se situaient entre 2,5 et 3 %. Ils approchent aujourd'hui de 5,5 %. Le contexte a donc fondamentalement changé, et votre dispositif accentuera selon moi la fragilisation des PME. On sait en effet que les banques ont pris des risques considérables sur le marché mondial : elles évaluent désormais les lignes de crédits en fonction des risques, et l’escompte s’en trouve affectée. Bref, cela n’est pas une petite affaire.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Balligand. L'intervention de M. Raffarin a d'ailleurs un mérite : elle montre que le blocage des sommes n'a pas été institué uniquement pour nuire aux salariés ou les infantiliser, comme pourrait le laisser penser le discours tenu par le ministre du travail. En effet, le Gouvernement ne met qu'une seule chose en avant pour justifier l'article 2 : donner le choix au salarié. À côté de la logique de pouvoir d'achat différé, via l'épargne, le Gouvernement ouvre désormais la possibilité d'un pouvoir d'achat à court terme. Encore faut-il préciser ce choix.

Tout d'abord, le code du travail ne recense déjà pas moins de neuf causes de déblocage qui répondent à ce souci de pouvoir d'achat à court terme, parmi lesquelles le mariage, la naissance du troisième enfant ou l'achat d'une maison. Ensuite et surtout, ce pouvoir d'achat à court terme sera surtout un pouvoir d'achat réduit, puisque, pour en bénéficier, le salarié devra acquitter l'impôt sur le revenu. Autant dire que le libre choix que vante le Gouvernement n'apportera rien aux salariés qu'ils n'aient déjà. D'ailleurs, le Gouvernement n'a apparemment pas pris la peine de chiffrer les conséquences sur la consommation qu'il attendait de cette mesure.

Tout à l'heure, M. Bertrand a dit qu'avec cet article 2 il voulait sortir d'une conception « dirigiste » de la participation. C'est un bien étrange hommage au général de Gaulle que de qualifier son projet de dirigiste, alors même qu'il prétendait justement échapper au « dirigisme qui ne dirige rien ». J'y vois une nouvelle preuve que c'est par pure idéologie que cette mesure nous est aujourd'hui présentée, au nom d'un libéralisme qui, comme le disait le général de Gaulle, et comme cet article 2 en fournit une nouvelle preuve, « ne libère personne ».

Si je souligne l'écart entre le discours de M. Bertrand et la vision du général de Gaulle, ce n'est pas pour constater à quel point l'héritage de celui-ci est désormais ignoré à l'UMP, encore que je le regrette. C'est parce que cela montre bien que la philosophie qui sous-tend l’article 2 mène tout simplement à la disparition de la participation.

M. le président. Merci, monsieur Balligand...

M. Jean-Pierre Balligand. Je termine, monsieur le président.

En effet, comment ne pas voir qu'en rendant la participation immédiatement disponible, on renforce le risque de substitution au salaire ? En termes plus concrets, les chefs d'entreprise écarteront d'autant plus facilement les hausses salariales que les salariés pourront utiliser directement la participation. Et surtout, comment ignorer que cette possibilité de disponibilité immédiate supprime l'une des différences les plus visibles entre la participation et l'intéressement ?

Je conclurai en citant Louis Giscard d'Estaing, qui, dans son rapport, observe qu’« avec cette réforme, les deux dispositifs se confondent presque totalement ». Et qui ajoute : « L'articulation entre intéressement, immédiatement disponible, et participation, jusqu'ici dédiée à l'épargne de moyen terme, se brouille tout à fait. » Le rapporteur pour avis de la commission des finances a bien décrit la réalité ! Tel est en effet le véritable enjeu : la confusion du texte entre participation et intéressement. Je crois que cela ne sert ni les entreprises ni les salariés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi, mes chers collègues, ce texte en faveur des revenus du travail a l'air anodin en apparence : cinq articles et pas de mesure spectaculaire, ce qui explique sans doute la discrétion des médias à son sujet, contrairement au projet de loi relatif au RSA, dont nous allons également débattre cette semaine. Et pourtant, le texte d’aujourd’hui contient nombre d'éléments positifs. J'aimerais en souligner deux.

Le premier est la volonté de développer l'intéressement dans les PME. Seulement une TPE-PME – moins de 50 salariés – sur dix a mis en place un système d'épargne salariale, avec plus de difficultés pour les TPE de moins de 10 salariés. Autrement dit, 50 % des salariés sont encore écartés des bénéfices de cette forme de rémunération périphérique et différée. Le taux de mise en place dans les TPE-PME est passé de moins de 3 % en 2002 à seulement 3,6 % en 2006.

Dans les PME de plus de 50 salariés, c'est l'obligation de la participation qui provoque la mise en place de l'épargne salariale. Si nombre de TPE-PME n'ont pas d'accord d'intéressement, c'est pour des raisons qui tiennent parfois davantage à l'indifférence, à la méconnaissance du fonctionnement de l'épargne salariale, à une mise en œuvre complexe ou à un manque de culture managériale qu'à un refus du chef d'entreprise, et ce en dépit des efforts du législateur pour encourager, depuis plusieurs années, l'accès de ces petites entreprises à l'épargne salariale.

Pourtant, ce mécanisme s'inscrit parfaitement dans la logique de l'action de Nicolas Sarkozy : « travailler plus pour gagner plus ». On peut certes augmenter les revenus des salariés en augmentant les salaires, mais cette augmentation n'a aucun lien avec les efforts spécifiques que peuvent réclamer certains types d'activité. L'intéressement, au contraire, lie le supplément de rémunération à des résultats tangibles, que l'on peut faire porter sur des critères adaptés aux besoins de l'entreprise, et qui, souvent, n'ont qu'un lien très indirect avec le résultat financier. On peut prendre des objectifs liés à la qualité, au respect de pratiques écologiques ou de normes de sécurité, bref la palette est très large.

Mais la clé de la réussite de cette mesure tiendra à la manière dont les dirigeants de PME s'approprieront l’outil. Et ce n'est pas gagné d'avance, monsieur le ministre. Le dirigeant de PME manque cruellement de temps. Il est très difficile de capter son attention pour tout ce qui ne touche pas très directement à la bonne marche de son entreprise, et la mise en place d'un accord d'intéressement entre rarement dans les urgences. Ce chef d’entreprise prend rarement le temps de se documenter et, bien souvent, passe à coté de dispositifs qui pourraient alléger ses coûts, lui permettre de créer des emplois ou intéresser ses salariés à la bonne marche de l’entreprise. Dans une petite PME, le dirigeant doit tout faire : il n'a pas de salarié dédié à la veille réglementaire et au montage de dossiers administratifs.

Il est donc absolument indispensable, j’insiste sur ce point, d'aller vers les dirigeants de PME pour les informer et les convaincre de conclure des accords d'intéressement. Si l’on attend derrière le guichet qu'ils viennent se présenter, rien ne se passera. J'en ai fait l'expérience en Haute-Savoie, où la CGPME a monté un PEI, un plan d’épargne interentreprises, clé en mains. Il n'y avait plus qu'à signer, la CGPME s'occupant de toutes les démarches et déclarations. Or, même avec cette simplicité et la garantie apportée par la CGPME, nous avons eu du mal à toucher et à intéresser les patrons de PME. Il faut donc avant tout simplifier les procédures et prévoir un accompagnement des chefs d'entreprise.

L'autre point dont je me félicite est l'affirmation de la conditionnalité des aides de l'État. Je suis assez effaré des montants que celui-ci verse au titre de ses politiques d'intervention, sans véritablement utiliser ces versements comme moyens d'action. Les allégements de charges sur certains salaires sont destinés à faire baisser le coût du travail afin de ne pas pénaliser les entreprises. Mais ils sont versés indifféremment, à tous, sans plus de conditions. Je trouve parfaitement normal que l'État fixe des conditions plus strictes pour les aides qu'il verse, et il m'apparaît indiscutable que l’une des conditions soit le respect de la loi, sous réserve que cela ne débouche pas sur la construction d'une nouvelle usine à gaz.

M. Jean Mallot. Ah !

M. Lionel Tardy. Voilà un principe qui devrait être généralisé dans notre droit fiscal : la possibilité de sanctionner financièrement, là où ça fait mal, pour des manquements à la loi qui ne justifient pas des poursuites pénales systématiques. C'est typiquement le cas des refus d'ouverture de négociations, où la seule sanction possible est la poursuite pénale pour délit d'entrave. Je vous invite donc, monsieur le ministre – puisque c'est vous qui êtes en charge de la législation fiscale –, à poursuivre dans cette voie et à mieux utiliser cet outil pour faire respecter la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent texte, qui vise à la dynamisation des revenus du travail, est présenté comme un projet de société dans le prolongement de l’association entre capital et travail proposée par le général de Gaulle, dont je ne veux mettre en doute ni la sincérité ni le caractère visionnaire en certains domaines. Mais au vu des résultats, on a vite constaté qu’une telle association ressemblait au pâté d’alouette : cheval pour les actionnaires, alouette pour les salariés.

En janvier 2008, le Président de la République a repris le flambeau pour « mieux partager les rentes et les profits » et « partager plus équitablement les efforts de tous ». Or que constatons-nous au vu de la politique menée depuis juin 2007, après le discours de Nicolas Sarkozy sur la nécessaire hausse du pouvoir d’achat et la relance de la croissance ? Le contraire, hélas : hausse des prix, faiblesse des salaires et des revenus – sauf ceux des actionnaires et des bénéficiaires de parachutes dorés –, déficit abyssal de la balance commerciale, endettement record, nouvelle progression du chômage, État « en faillite » selon les propres termes du Premier ministre, enfin une crise financière redoutable venue des États-Unis.

Hormis les quelque 13 000 contribuables qui bénéficient du bouclier fiscal, les autres, précaires, retraités ou salariés, subissent de plein fouet la perte de droits sociaux et les fins de mois toujours plus difficiles. La baisse de confiance est là, à l’égard d’une politique qui accroît les inégalités et remet en cause la cohésion sociale. Il n’y a pas eu les réponses rapides que l’on attendait, pourtant nécessaires, aux difficultés de nos concitoyens.

Or le projet de loi que nous examinons ce soir en première lecture se présente comme une étape nouvelle de la politique menée depuis juin 2007. En quoi son effet peut-il être bénéfique pour le pouvoir d’achat des Français, quand quatre textes sur le même sujet ont été adoptés en un an ? Les résultats sont là, comme lorsque M. Sarkozy, ministre de l’économie et des finances, avait débloqué les fonds de participation. L’effet sur la relance du pouvoir d’achat avait été quasiment nul, les sommes en jeu allant plutôt vers des modes de placement plus rémunérateurs.

De plus, le dispositif exclut la majorité des salariés, dont les fonctionnaires. Le déblocage des fonds inscrits au titre de la participation peut mettre à mal l’épargne de précaution des salariés les moins favorisés, qui sont obligés de choisir entre des besoins immédiats de consommation et une hausse du pouvoir d’achat à moyen terme. L’élargissement des dispositifs d’intéressement peut se substituer – c’est un danger – aux augmentations de salaire discutées dans le cadre d’indispensables négociations salariales.

De surcroît, les mesures prévues sont coûteuses à terme : nouveau crédit d’impôt au profit des entreprises, prime non soumise à cotisation sociale, prime qui entraîne le doublement de 6 à 13 milliards de l’intéressement. Cela concerne environ 1,7 milliard sur quatre ans. Ces mesures sont coûteuses pour les finances publiques et peu cohérentes avec celles d’assujettissement de l’intéressement et de la participation à un forfait social, prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Pour toutes ces raisons, les radicaux de gauche apporteront leur soutien aux amendements du groupe SRC, notamment, car ils ne peuvent donner un avis favorable au texte dans son état actuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, M. le rapporteur Cherpion a raison d’insister sur la nécessité du « service après vote », notamment à l’intention des PME, car nous savons que, dans ces entreprises, trop de salariés sont exclus des dispositifs d’épargne salariale. Il faut donc s’appuyer sur les professionnels et sur les organisations professionnelles. J’ai parlé tout à l’heure des experts-comptables. Bien évidemment, ce ne sont pas les seuls acteurs sur lesquels nous comptons pour rendre ce texte vivant et, surtout, efficace.

Le président Ollier et Arlette Grosskost ont insisté sur l’association du capital et du travail. C’est un vrai projet social pour notre majorité.

J’ai apprécié nombre des propos qui ont été tenus à ce sujet. Ce n’est pas le moindre des mérites de ce texte que de nous apporter une révélation : désormais, socialistes et communistes sont devenus gaullistes. Je vous demande d’apprécier cette conversion, même tardive, à sa juste valeur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Nous étions ensemble dans la Résistance ! Tout le monde ne peut pas en dire autant !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. On peut être libéral et social à la fois. Voilà pourquoi ce sujet permet aussi de dépasser les frontières artificielles qui voulaient opposer travail et capital.

M. Migaud a parlé des heures supplémentaires, dans l’espoir, sans doute, que le Gouvernement le remercierait de souligner l’efficacité du dispositif. Les heures supplémentaires, ça marche !

M. Jean-Pierre Brard. Comme disent les jeunes des cités : c’est mytho !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Six millions de salariés sont concernés, 40 % d’heures supplémentaires ont été effectuées en plus cette année par rapport à la même période en 2007. Un rapport que M. Migaud avait commis et qui a fait grand bruit a permis de remettre les pendules à l’heure. Je voudrais lui témoigner ici toute ma reconnaissance. (Sourires.)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Ne vous inquiétez pas, je compléterai mon rapport : vous ne serez pas déçu !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Je voudrais dire à Louis Giscard d’Estaing que nous avons évalué l’impact de ce projet sur le développement actuel de l’intéressement, qui, ces dernières années, sans dispositif spécifique, a crû de 10 % par an. À la lumière des contacts et des concertations préalables que nous avons eus, nous avons pu estimer – sans que cela revête aucun caractère scientifique – que, grâce au crédit d’impôt, on pourrait doubler la progression de l’intéressement et donc en doubler le montant en 2012.

M. Jean-Pierre Brard. C’est Mme Irma qui le dit !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. C’est l’appréciation d’un connaisseur : je vous remercie, monsieur Brard. (Sourires.)

M. Muzeau sait bien que je ne partage pas sa vision duale de la société et des entreprises. Pour lui, l’intéressement serait forcément un substitut au salaire. Je crois au contraire qu’il nous permet de reléguer la lutte des classes au siècle dernier, ce qui fera plaisir à tout le monde. J’ose espérer que M. Muzeau me suivra même sur ce point.

M. Jean-Pierre Brard. Allez demander aux ouvriers ce qu’ils en pensent !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Je confirme à M. Hillmeyer que les résultats sont là, avec un accroissement de 10 % par an. Aujourd’hui, nous voulons passer à la vitesse supérieure. La logique du crédit d’impôt nous le permettra.

Monsieur Cornut-Gentille, je partage votre souhait de moderniser le Conseil supérieur de la participation. Je procéderai d’ailleurs prochainement, par décret, à son remplacement par une nouvelle instance qui tiendra compte des préoccupations que vous avez exprimées à la tribune.

Mme Lemorton considérait que la politique devait être l’école du pragmatisme. Quel dommage que cette réflexion n’ait été que la conclusion d’un discours dans lequel l’idéologie prenait nettement le pas sur le pragmatisme. Nous, nous présentons un texte simple, concret, pragmatique, qui prévoit plus d’intéressement, une procédure de fixation du SMIC plus souple, des aides conditionnées à la tenue effective de négociations salariales. Nous avons bel et bien l’ambition de développer les revenus du travail mais, pour cela, nous privilégions le pragmatisme, et nous assumons cette méthode.

Frédéric Lefebvre a eu raison de rappeler que la diffusion de l’intéressement reste trop inégalitaire. Il nous faut aujourd’hui privilégier la voie de l’incitation. J’ai beaucoup apprécié l’aveu de M. Balligand qui, nous reprochant d’avoir choisi cette voie, a reconnu qu’autrefois la gauche avait fait le même choix, dans une loi dont il était le rapporteur.

M. Jean-Pierre Brard. Et ça n’a pas marché !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Nous avons le sentiment qu’il faut en finir avec les lois qui obligent et fixent des contraintes d’en haut, que la loi doit créer des garanties et permettre des souplesses. C’est ainsi que nous pensons pouvoir progresser. Telle est l’approche du Gouvernement, et je remercie M. Balligand de nous soutenir. (Sourires.)

Par ailleurs, j’ai bien noté que M. Lefebvre souhaite aller plus loin dans le partage des résultats. Ce texte permet aujourd’hui de réelles avancées en la matière. En ce qui concerne le dispositif de rémunération des dirigeants, sujet qui nous passionne tous, nous attendons des propositions patronales qui devraient être intéressantes,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est vous qui les rédigez !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. …faute de quoi nous serons amenés à nous prononcer sur cette question.

M. Bapt souhaite remédier au temps partiel subi. Nous partageons cette préoccupation. Nous aurons prochainement l’occasion de mesurer les avancées effectuées dans différents secteurs, notamment la grande distribution. Il faut aller aussi loin que possible dans ce secteur, comme dans d’autres, tels que celui du nettoiement, où je voudrais que les avancées soient mesurées de la même façon.

M. Dussopt évoquait la question du glissement du salaire vers des primes. Je lui rappelle que l’intéressement et la participation sont collectifs et bénéficient donc à tous les salariés.

Jean-Frédéric Poisson a raison de souligner que le mot de participation couvre aussi la participation à la décision. Il connaît bien le sujet, ayant été rapporteur du texte important sur la démocratie sociale. La participation des salariés à la vie et aux décisions de l’entreprise répond à la même logique. Je vous sais totalement mobilisé sur ce sujet, monsieur Poisson.

M. Alain Vidalies. C’est le texte sur la démocratie sociale qui a été sanctionné par le Conseil constitutionnel !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Jean-Pierre Balligand s’inquiète de l’effet du libre choix d’utilisation des fonds de la participation. Voilà au moins une différence de fond car, jusque-là, les propos que j’avais entendus étaient de simples postures. Nous aurons l’occasion d’aller au bout de cette discussion à propos de l’article 2. Ce libre choix, vous l’avez noté, ne portera que sur les flux, et non sur le stock. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Balligand. Pour le stock, c’est déjà fait ! Vous êtes un pilleur de participation !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Pourquoi ne puis-je pas développer ce sujet ?

M. Jean-Pierre Balligand. C’est honteux !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Pourquoi refusez-vous le débat, monsieur Balligand ? Seriez-vous gêné, tout à coup, pour en venir aux grands mots ? Est-ce vraiment « honteux » ?

M. Alain Vidalies. Donnez-lui encore cinq minutes et il vous expliquera !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. La vérité, c’est que, aujourd’hui, un tiers de l’intéressement ne peut être utilisé et reste bloqué.

M. Jean-Pierre Balligand. L’intéressement n’est pas bloqué !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Au lieu de faire de grandes phrases et de chercher à faire peur, constatez avec moi qu’un tiers de l’intéressement n’est pas pris par les salariés et reste épargné. Vous connaissez bien ce sujet et je m’étonne que vous n’ayez pas cité ce chiffre tout à l’heure : cela aurait éclairé le débat.

M. Tardy s’est félicité de notre volonté d’utiliser activement les sommes consacrées aux allégements de charges pour rendre effective l’obligation de négocier sur les salaires. Il en est question depuis longtemps, mais c’est nous qui le faisons, car nous avons trouvé le moyen pragmatique d’en finir avec ce nombre inacceptable d’entreprises qui n’ouvrent pas les négociations annuelles obligatoires.

Enfin, monsieur Charasse, si je compte le nombre de fois où le mot Grenelle a été cité dans le débat, je ne peux là encore que saluer une conversion, certes un peu tardive mais louable, aux préceptes du général de Gaulle. Je ne sais pas si l’on peut considérer que vous êtes sur la bonne voie. Peut-être nous rejoindrez-vous. Il en est encore temps, avant le vote final. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Je voudrais apporter un complément de réponse à propos des articles 4 et 5.

M. Hillmeyer s’est interrogé sur l’articulation entre les négociations d’entreprise et les négociations de branche. Il nous faudra être attentifs à la situation des entreprises vertueuses appartenant à l’une des sept branches n’ayant pas négocié. La question se pose en effet lorsqu’on choisit de négocier au niveau de la branche.

Les critiques formulées par l’opposition portaient peu sur le fond, et beaucoup plus sur la forme et sur la méthode. Nos débats doivent être fondés sur des précisions et non sur des malentendus. M. Muzeau a parlé de soixante et onze branches qui auraient des minima d’entrée de grille inférieurs au SMIC : en fait, il n’y en a que sept. Il vaut mieux éviter de raisonner en se fondant sur des chiffres excessivement grossis.

M. Muzeau et M. Bapt ont souhaité que les négociations soient plus « contraintes », c’est-à-dire que les sanctions soient plus fortes ou que l’on soit obligé de conclure. MM. Cornut-Gentille, Poisson et Tardy l’ont bien souligné, c’est une question de choix. Celui qui fonde les articles 4 et 5 n’entend pas forcer à un dialogue social uniforme, quelle que soit la situation des entreprises, mais utiliser les allégements de charges comme levier de la négociation et du dialogue social. Je ne sais pas si nos collègues de l’opposition considéreront qu’il est « insensé » ou « insipide » d’activer le dialogue social pour les classes moyennes modestes. En la matière, ce projet de loi peut s’avérer particulièrement utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues…

M. François Cornut-Gentille. Monsieur le marquis rouge !

M. Jean-Pierre Brard. Il vaut mieux être rouge qu’insipide et sans couleurs !

Mercredi 17 septembre, on pouvait lire l’information suivante en page 7 du journal Les Échos : « La réglementation de la gestion pour compte de tiers protège les avoirs et l’argent des clients en cas d’événements fâcheux comme la faillite de la société de gestion ou de sa maison mère, comme dans le cas de Lehman. Les actifs des fonds de placement sont ainsi à l’abri chez le dépositaire de la banque américaine, à savoir le Français CACEIS. » Sur la page voisine, on apprenait que « le temps presse pour la banque américaine » – la même banque Lehman Brothers – « dont les salariés européens ont été avisés par PricewaterhouseCoopers qu’ils pourraient ne pas percevoir leurs salaires à la fin du mois. » C’était il y a moins d’une semaine.

La juxtaposition de ces deux articles de presse éclaire crûment le titre même du projet qui nous est soumis – « projet de loi en faveur des revenus du travail » – qui dégage un fort parfum de démagogie, cette démagogie développée depuis plus d’un an sur le thème « travailler plus pour gagner plus ». D’ailleurs, comme l’a montré un récent sondage de l’institut CSA, les Français n’y croient plus : seuls 25 % – contre 27 % en 2005 – sont prêts à accroître leur temps de travail ; la majorité d’entre eux, 59 %, ne souhaitent pas travailler plus, et 13 % veulent travailler moins. En outre, les cadres sont encore moins nombreux que les autres salariés à vouloir travailler plus, ce qui est probablement lié au fait qu’ils ont été parmi les plus lésés par la récente réforme du temps de travail.

Pour beaucoup de salariés, gagner plus, c’est d’abord, très concrètement, être mieux payé pour le même effort, ce qui est totalement légitime, compte tenu du faible niveau chronique des salaires dans notre pays, contrairement à ce qu’a affirmé notre collègue Jean-Frédéric Poisson.

Au-delà des slogans faciles, des effets d'estrade électorale, des promesses vaines et des rafales de lois supposées doper le pouvoir d'achat, il faut, avant de légiférer, s'interroger sur ce que représente réellement le travail aujourd’hui pour les salariés.

Stephen Bouquin, maître de conférence en sociologie à l'université d'Amiens, souligne l'écart entre une représentation abstraite et idéalisée du travail et la réalité de l'exploitation des salariés. Le Président de la République, qui s’intéresse aux intellectuels quand ils disent comme lui et qui ne s’y intéresse plus dès lors qu’ils le contredisent, pourrait lire avec intérêt ce que M. Bouquin a écrit :

« Le discours de Nicolas Sarkozy avait d'abord une finalité idéologique : distinguer les salariés méritants qui veulent se retrousser les manches, pour stigmatiser les autres comme profiteurs. »

« Ce discours avait pour finalité de masquer une paupérisation rampante du salariat, qui a des raisons systématiques liées à l'offensive globale du capital contre le travail. Une offensive qui s'exprime par la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée comme par l'intensification du travail et par la précarisation de l'emploi. »

« Plus on travaille, plus on fournit de l'effort, plus on serait rémunéré, plus on aurait de revenus et d'opportunités de grimper sur l'échelle sociale. C'est là une vision économiciste et libérale du travail. Les garde-fous, les cadres juridiques et réglementaires sur le temps de travail, sont précisément en voie de démantèlement. C'est sur cela que notre attention devrait se focaliser. »

« Ce qui doit nous préoccuper aujourd'hui, c'est qu'il existe des situations, des cultures d'entreprise exigeant des individus qu'ils se vouent corps et âme à leur activité professionnelle, non seulement sur le lieu de travail, mais aussi le week-end, le soir avec le fil à la patte qu'instaurent les objets de communication nomade, le mail, etc. »

M. Bouquin conclut ainsi : « Il serait bénéfique de jeter un regard critique sur le travail tel qu'il est réellement pour la majeure partie de la population salariée, à savoir un travail sans qualités, une activité peu réjouissante et, qui plus est, nocive pour la santé. »

José Calderon, docteur en sociologie, chercheur au CNRS, confirme l'analyse dans Les Mondes du Travail de janvier 2008 :

« Le projet de Nicolas Sarkozy doit vivre au travail, chaque jour, dans chaque geste : travailler plus pour gagner plus. C'est un projet qui reconnecte le travail avec la politique au sens noble du terme : c'est par le travail que l'on ordonne la société. Or il l'ordonne tout en la désordonnant, tout en favorisant la désintégration des solidarités et du lien social, des valeurs qui ont jusqu'ici été véhiculées par le travail. De ce point de vue, la victoire du candidat de la droite n'est peut-être que l'épiphénomène d'un processus plus vaste encore qui a ses racines dans les transformations contemporaines du travail et qui implique une désolidarisation des individus au travail, une socialisation dans des valeurs individualistes. C'est cette désintégration de la société au travail qui m'interroge le plus en tant que sociologue. »

« Les promoteurs de la valeur du travail nous invitent à rêver avec eux à une société où le zèle au travail serait un accomplissement individuel et moral. Ils le font tout en anéantissant le noyau non marchand de la relation salariale, celui par lequel les salariés acquièrent des droits sociaux qui sont indissociables des droits civils et politiques, et qui sont donc au cœur de la citoyenneté. Alors, réhabilitation ou disqualification sociale de la valeur travail ? Quel type de citoyenneté entendent-ils promouvoir ? Lorsque les devoirs se substituent aux droits, leur projet de gouvernement n'est-il pas en train de réduire la démocratie ? »

« Pour ajuster son comportement aux nouvelles normes, aux nouvelles exigences productives, aux nouvelles injonctions souvent contradictoires, pour assurer le maintien de la production, pour bien rendre service au client, le travailleur doit mobiliser tout son être, que ce soit mentalement, affectivement et, bien sûr, physiquement, pour parvenir aux fins non négociables fixées par les directions. »

Paul Thompson, professeur de neurologie, dans Workplaces of the future, a résumé les incidences de la restructuration productive sur les salariés : « Leurs corps sont beaucoup plus fatigués, leurs cerveaux sont arrivés à saturation et, de plus en plus, leurs cœurs doivent battre au rythme marqué par les objectifs de l'entreprise. » Il en est ainsi, ne vous en déplaise ! D’ailleurs, vous ne manquez pas de verser des larmes de crocodile quand, par hasard, survient un suicide chez Renault grâce à M. Carlos Ghosn…

Je continue de citer Paul Thompson : « Les nouveaux impératifs patronaux régissent la vie des ateliers et des bureaux et s'articulent toujours autour des mêmes principes, quelle que soit l'entreprise : la rentabilité et la productivité. C'est sur ces principes et leur matérialisation empirique, la contrainte temporelle et la contrainte des coûts, que viennent se greffer les efforts des employeurs pour mobiliser la subjectivité des salariés : « Il faut que tous les salariés mettent leur intelligence et leur meilleure volonté au service de l'entreprise » disent-ils. »

« C'est au moment où l'entreprise se dit ouverte à la société, où elle affirme enfin faire entrer la citoyenneté en son sein au travers des différentes formes de participation, qu'elle s'arroge le droit de définir une morale propre, à la mesure de ses seuls intérêts qu'elle entend imposer à tous ses salariés. Confrontés tous les jours à la matérialisation des situations, les travailleurs se voient dans l'obligation de devoir arbitrer entre des logiques diverses – marchandes, techniques, morales. »

« Ici, un clivage s'opère entre les collectifs du travail qui réussissent encore à peser sur l'orientation accordée à leur activité et les salariés qui se voient imposer des finalités externes à eux. Il n'est pas étonnant que les salariés qui se manifestent le plus activement contre la déréglementation progressive du monde du travail, et on en a encore une preuve dans les récentes mobilisations des cheminots et de la fonction publique, soient ceux qui réussissent encore à imposer des valorisations propres à leur activité. Et ils le font, cela est important, tout en réclamant l'universalité de leur expérience. »

Cette dégradation des conditions de travail et de la situation des travailleurs entraîne des pathologies diverses pouvant conduire jusqu'au suicide. M. Dominique Huez, médecin du travail, décrit ainsi, dans son ouvrage Souffrir au travail, ces phénomènes : « Ce sont bien, en première instance, les contraintes imposées par l'organisation du travail, lorsqu'elle ne permet pas au travail des individus de se déployer, qui sont délétères pour la santé. Ces contraintes sont multiples ; elles vont, par exemple, de la surcharge de travail due à une quête effrénée de productivité ou à une réduction des effectifs, à la mise en place de systèmes de contrôles tatillons ou d'évaluations inadaptées à la réalité du travail et qui contribuent à le vider de tout sens. À l’époque du taylorisme, les systèmes de production usaient les corps. Avec les nouvelles formes d'organisation, de management et de contrôle du travail, c'est le psychisme qui est d'abord attaqué. »

Le journal Le Monde a consacré, le 18 septembre dernier, une double page au mal-être des cadres, qui est ainsi résumé par l'un d'entre eux : : « Il n'y a jamais de remerciements. Atteindre les objectifs est normal. L'année suivante, on les augmente. C'est toujours plus. »

Votre projet de loi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ne répond évidemment pas à tous ces problèmes. Ce n'est visiblement pas son objectif, car vous vous cantonnez soigneusement au terrain économique et comptable, en négligeant totalement la dimension humaine du travail. Il faudrait peut-être se demander pourquoi la France est championne d'Europe de la consommation de psychotropes ! Il faut retourner en commission pour travailler sur des dispositions protectrices pour les salariés et pour renforcer leurs droits dans les entreprises, conformément au Préambule de la Constitution de 1946, qui énonce : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. »

Le texte qui nous est soumis traite de la question importante du SMIC et crée, selon l'exposé des motifs, une « commission d'experts indépendante à caractère consultatif, la commission du SMIC ». L'expert est un produit à la mode, tant dans les institutions que dans les médias. Mais c'est un produit souvent frelaté : quand il n'est pas autoproclamé, il est généralement choisi pour son adhésion aux thèmes de l'économie libérale.

Pour le choix de certains de ces experts, en la circonstance, nous ne saurions trop vous conseiller de choisir quelques smicards, ou des membres de leur famille, qui savent ce que signifie vivre avec moins de 1 040 euros nets par mois et qui sont donc des « experts du quotidien », selon l'excellente formule de notre collègue Jack Ralite.

Avec cette nouvelle commission, on voit sans peine, derrière les formules patelines dont Xavier Bertrand a le secret, telles que « moderniser la procédure » ou « favoriser une évolution du SMIC davantage en phase avec les conditions économiques », se profiler le remise en cause de la légitimité, de l'utilité et de la viabilité du SMIC. Il apparaît clairement que le Gouvernement souhaite échapper à sa responsabilité politique devant les citoyens, en particulier de décider, ou non, de donner un « coup de pouce » au SMIC – n’est-ce pas, monsieur Wauquiez ? Il pourra se dissimuler derrière les prescriptions d'un comité de technocrates judicieusement choisis, qui expliqueront doctement qu'au vu des contraintes économiques et des impératifs de la mondialisation, il n'existe pas de marge pour revaloriser le SMIC – puisque vous donnez tout aux actionnaires !

Rappelons donc ce qu'il en est pour rafraîchir les mémoires défaillantes, qui semblent être nombreuses sur les bancs de la droite. Le SMIC est d'abord un salaire. Celui-ci se distingue d'un revenu ou d'une assistance. Le salaire est dû par l'employeur et n'a pas à être pris en charge d'une manière ou d'une autre par la collectivité, c'est-à-dire pour l'essentiel par les salariés eux-mêmes, en leur qualité de contribuables. Il en est de même de la part socialisée du salaire, qui sert au financement de la protection sociale. Les compléments de rémunération tels que les primes ne doivent pas être pris en compte pour apprécier le respect de l'obligation de payer le SMIC.

Le SMIC est un salaire minimum. Un minimum qui doit être suffisant pour mener une vie décente et qui ne doit subir aucune diminution pour quelque raison que ce soit, en particulier en fonction de l'âge, en cas de réduction de la durée légale du travail ou en cas d'augmentation des prélèvements sociaux. C'est un salaire plancher qui rémunère le travail le plus élémentaire – la référence retenue à l'origine était celle du manœuvre ordinaire. Le salarié qui peut faire valoir une qualification doit donc être payé au-dessus du SMIC. Cela implique également qu'aucune grille de salaires ne démarre en dessous de ce niveau. Enfin, les éléments de rémunération qui paient des qualifications, des sujétions particulières dans le travail, une expérience, une ancienneté, un effort particulier, etc., ne doivent pas être pris en compte dans le calcul du SMIC.

Le SMIC est un salaire interprofessionnel. Il doit s'appliquer de façon identique pour tout salarié, quels que soient son emploi, ses conditions de travail et de rémunération, son secteur professionnel.

Le SMIC concerne aussi les salariés des entreprises étrangères qui exercent leur activité sur le territoire national, ce qui mérite d'être rappelé dans le contexte de déréglementation européenne,

Le SMIC est un salaire de croissance. Il devrait assurer aux salariés une participation au développement économique du pays, ce qui n’est pas le cas. Il devrait donc évoluer plus vite que l'inflation et intégrer les évolutions sociétales des besoins des salariés. Il doit intégrer les gains de productivité du travail réalisés à l'échelle du pays. En retour, la hausse du SMIC devrait alimenter une dynamique salariale qui contribue, à travers la consommation des ménages, à la croissance économique. Mais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes à des années-lumière de cette logique !

Toutes ces caractéristiques ne sont évidemment pas négociables, sauf à déstabiliser les relations sociales, car le SMIC devrait être un élément majeur du contrat social républicain et un précieux facteur de cohésion sociale, un élément de reconnaissance et de dignité pour les salariés les plus modestes. En réalité, le SMIC aujourd'hui ne permet pas de vivre. Je ne sais pas si, à Saint-Quentin, vous discutez avec des smicards, monsieur le ministre, et si vous leur demandez quand commence la fin du mois pour eux. Je ne parle pas des gens que vous fréquentez dans la bonne société dont vous êtes ici, mes chers collègues, les fondés de pouvoir !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. J’ai l’avantage d’être élu dans ma mairie !

M. Jean-Pierre Brard. On en reparlera la prochaine fois !

En réalité, le SMIC ne permet pas de vivre. Il est donc nécessaire de le porter, au moins, à 1 500 euros nets.

Malgré le niveau très insuffisant du SMIC, le patronat, dont vous vous faites les porte-voix, rêve à voix haute et depuis fort longtemps, de le supprimer ou de le démanteler en l'accusant de beaucoup de maux. Le patronat, MEDEF en tête, ne s'est jamais vraiment satisfait de l'existence du SMIC. Fréquemment critique quant à ses modalités et règles d'actualisation, il conteste maintenant, de plus en plus ouvertement l'idée même d'un salaire minimum, qui constitue à ses yeux un obstacle à la libre concurrence et un handicap pour la compétitivité des entreprises dans le contexte de la mondialisation. Selon lui, la réponse aux besoins des salariés ne relève pas de sa responsabilité et la rémunération, comme l'emploi, doit obéir à la seule loi du marché.

D'où l'idée de passer d'un salaire minimum qui s'impose à tous les employeurs à une garantie de niveau de vie, ou plutôt de survie, assurée par l'État ou les collectivités territoriales. Le salaire pourrait alors être fixé librement en dessous du salaire minimum, les autorités publiques prenant à leur charge la différence. Ceux qui prétendent revaloriser le travail sont souvent les mêmes qui refusent toute hausse du salaire minimum au prétexte que l'emploi en pâtirait.

Pourtant, aucun argument sérieux ne vient étayer cette idée. Des études, menées par des chercheurs vraiment indépendants, démontrent au contraire le rôle moteur de la hausse du pouvoir d'achat des salaires sur la croissance et donc l'emploi. Ce constat a été vérifié de façon empirique en 1968 quand le salaire minimum a été augmenté de 35 % d'un seul coup. Le débat a également été très intense en Grande-Bretagne quand le gouvernement a introduit le salaire minimum en 1999. Neuf ans plus tard et en dépit de fortes augmentations – le SMIC anglais est aujourd’hui supérieur au SMIC français – les chercheurs n'ont décelé aucun effet indésirable du salaire minimum sur l'emploi et la part des bas salaires a reculé de 10 %. Au point que l'Allemagne songe très sérieusement à emboîter le pas à la Grande-Bretagne.

Votre projet se révèle un petit florilège en matière de niches fiscales et sociales, par exemple en créant un crédit d'impôt pour les entreprises qui développent l'intéressement, en ouvrant la possibilité d'une prime exonérée de charges sociales et d'impôt sur le revenu si elle est affectée à la réalisation d'un plan d'épargne salariale, en prévoyant de développer des formules exonérées de cotisations sociales et fiscales, comme les primes d'intéressement.

Et tout cela est décidé en dehors de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale. Qu'en pense notre excellent rapporteur général de la commission des finances qui déclarait il y a peu : « Les niches fiscales ont toujours existé, mais leur coût a beaucoup progressé ces dernières années. Tout se passe comme si la fixation en 2003 d'une norme d'évolution des dépenses budgétaires avait conduit à la multiplication des dépenses fiscales. Or si nous voulons tenir notre engagement de redressement des finances publiques en 2012, il nous faut à la fois maîtriser les dépenses et préserver les recettes. L'accélération de la dépense fiscale constitue, à cet égard, un véritable problème pour le budget. Et le même phénomène se développe pour les recettes sociales. [...] Il faut créer une norme de dépense fiscale. Nous attendons du Gouvernement qu'il présente, dans le projet de loi de finances pour 2009, un objectif de dépenses fiscales pour l'année et qu'il y inscrive les mesures d'ajustement éventuellement nécessaires. Nous souhaitons également soumettre la création de toute nouvelle niche fiscale à une étude d'impact et en limiter l'application à une durée de trois ans. » Le moins que l'on puisse dire est que les vœux du rapporteur général ne sont guère suivis d'effets, et c'est là un motif de principe pour les députés soucieux de l'état finances publiques de décider le renvoi en commission.

Il faut, en effet, se poser la question de l'assiette du financement de la protection sociale qui est handicapé par le développement continu des niches sociales. Leur montant a été évalué par la Cour des comptes pour les divers dispositifs d'association des salariés aux résultats de l'entreprise – stock-options, participation, intéressement – entre 6 et 8,3 milliards d'euros. La Cour souligne qu'« en 2007, le montant total des dispositifs d'exonération atteint 27,8 milliards d'euros [...]. En 2008, leur coût attendu est estimé par le PLFSS à 32,3 milliards, y compris plus de 4 milliards au titre des exonérations sur les heures supplémentaires prévues par la loi TEPA. Ce coût représente environ 10 % des recettes du régime général ou de l'État et 70 % du déficit de ce dernier. »

Actuellement, on observe l'amplification d'un mouvement de substitution des éléments de salaire indirect au salaire direct, mouvement engagé depuis plusieurs années. Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, les sommes distribuées au titre de l'intéressement ont augmenté en moyenne de 9 % par an sur la période 2000-2005, celles attribuées au titre de la participation de 7,4 % par an et l'abondement des plans d'épargne d'entreprise de 8,3 % par an, alors que la masse salariale n'augmentait dans la même période que de 3,2 % par an, en moyenne. Cela contribue à accentuer les inégalités salariales dans l'entreprise puisque les primes, notamment d'intéressement, sont généralement proportionnelles aux salaires. Mais aussi, cela assèche les finances des systèmes de protection sociale en contribuant à leur déficit, comme l'a souligné mon ami Roland Muzeau.

Il faut revenir, à cet égard, aux analyses et aux appréciations portées par la Cour des comptes, et cela depuis plusieurs années, bien que vous refusiez de lui porter une oreille attentive. Que lisons-nous dans son rapport sur les comptes sociaux en 2007 ? « Il ressort de ces analyses que ces dispositifs ne font pas l'objet d'une évaluation financière suffisante, sont peu lisibles et mal contrôlés. Les données disponibles montrent que leur impact sur l'emploi est limité au regard des efforts financiers importants consentis par les finances publiques. » S'agissant des mesures générales d'exonération, la Cour soulignait : « Le résultat a été une forte progression du pourcentage de salaires bénéficiant des exonérations “ bas salaires ”, passé de 40 % en 1995 à plus de 50 % en 2003. » Dans ces conditions, la Cour estimait : « L'effet net des exonérations traduit plutôt un ralentissement des destructions d'emploi qu’une augmentation des créations. [...] Ces constats justifient qu'une attention particulière soit apportée aux facteurs qui contribuent le plus à l'augmentation du coût des exonérations pour les finances publiques. » La Cour a ainsi recommandé « un meilleur ciblage des exonérations, d'une part en les limitant aux entreprises de moins de vingt salariés ou en resserrant la plage de 1,6 à 1,3 SMIC, et d'autre part [...] en fixant le point de sortie en euros ou en pourcentage du plafond de la sécurité sociale en lieu et place du SMIC. »

« Par ailleurs, ajoute la Cour, ces mesures, et en particulier la loi TEPA, ont fortement complexifié les contrôles des URSSAF et ont accru les risques de contentieux et de fraude. » Il est vrai que la fraude ne vous empêche pas de dormir !

La Cour poursuit : « D'une manière plus générale, ce système est rendu complexe par l'assignation à un même instrument de politique publique, d'objectifs multiples et conflictuels. [...] Une plus grande simplicité des flux financiers ne pourra donc être atteinte que si l'État met en œuvre ses politiques publiques en ayant davantage recours à ses propres outils qu'à des instruments relevant de la sécurité sociale. »

Voilà les recommandations de la Cour auxquelles vous êtes sourds depuis des années, situation qui nécessite évidemment un retour en commission pour donner suite aux propositions des magistrats financiers que vous ne voulez pas entendre !

Comme nous y invite la Cour des comptes, sous la houlette de notre ancien président, ce projet est aussi l'occasion de revenir sur le bilan du premier texte de la législature consacré au travail : la loi TEPA en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d'achat de l'été 2007. On a vu que le fameux choc de confiance annoncé a été un flop retentissant.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Démontrez le contraire !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. C’est à vous de le faire, vous avez la parole !

M. Jean-Pierre Brard. Jean Rostand disait : « La persistance d’une opinion ne prouve rien en sa faveur. Il y a encore des astrologues. » Monsieur Bertrand, vous êtes le chef des astrologues gouvernementaux et je vous vois bien tous les matins, à l’heure du petit-déjeuner, regardant dans votre boule de cristal pour savoir ce que vous allez dire à l’opinion publique afin de continuer à l’endormir !

M. Jean Mallot. C’est Irma Bertrand ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est cela ! Je ne me serais pas, quant à moi, permis de le dire ! Mais j’entends mes collègues de travail ! (Sourires.)

Je voudrais m’acheminer vers la conclusion de mon propos, monsieur le président. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Le Gouvernement proclame que l'incitation aux heures supplémentaires est un grand succès. Mais comment se fait-il qu'alors que la quantité globale de travail fournie est censée augmenter grâce aux heures supplémentaires, le produit intérieur brut connaisse une chute brutale avec moins 0, 3 % au second trimestre 2008 et la perspective, au mieux, d'une croissance zéro au troisième trimestre ? Que dit votre boule de cristal, monsieur le ministre ? Comment se fait-il que le pouvoir d'achat des travailleurs baisse de 0, 4 %, alors que Mme Lagarde, autre adepte du club des astrologues, prétend avoir injecté 7 milliards de pouvoir d'achat supplémentaire pour la seule année 2008 ? Comment se fait-il que le Gouvernement éprouve le besoin de nous présenter un nouveau texte sur les revenus du travail, toutes affaires cessantes, en session extraordinaire ? Ne serait-ce pas le signe de l'inefficacité de la politique de l'offre dont on nous rebat les oreilles depuis plus d'un an,…

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Brard. …de l'absurdité des cadeaux fiscaux aux plus riches et des recettes économiques libérales en général, en même temps que de la volonté d'aller très vite pour engranger tout ce qui déstabilise le système du salariat et de la protection sociale, au bénéfice de l'individualisation de la relation employeur-salarié, de l'infériorisation du salarié de plus en plus aliéné à son employeur ? Oui, monsieur Bertrand, la lutte des classes existe ! Si vous l’aviez oubliée, vous êtes en train de la ressusciter !

Il faut faire maintenant ce constat, changer d'orientation politique et refondre totalement le texte qui nous est présenté. C'est pourquoi nous vous proposons d’adopter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En réponse à la motion de renvoi de M. Brard, je souhaite porter à la connaissance de l’Assemblée les informations suivantes.

La commission des affaires culturelles s’est réunie trois fois pour examiner ce projet de loi. Elle a consacré l’une de ses réunions à l’audition de Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez. Le rapporteur a procédé à plus d’une vingtaine d’auditions de personnalités venant d’horizons différents qu’il s’agisse de partenaires sociaux, de praticiens du droit, d’économistes, ou de représentants d’organismes spécialisés dans l’épargne salariale. Au total, la commission a adopté 29 amendements qui, je le crois, ont enrichi le texte gouvernemental. La commission des affaires économiques et la commission des finances, saisies pour avis, ont également adopté des amendements, dont certains communs aux trois commissions.

Tout le temps nécessaire a donc été laissé à la préparation de ce projet examiné dès le 23 juillet en conseil des ministres. Tous ceux qui le souhaitaient avaient donc la possibilité de lire, au mois d’août, l’ensemble des commentaires le concernant. De plus, les questions qu’il touche ont fait l’objet de nombreux travaux préparatoires depuis des mois. Ainsi le Conseil d’orientation pour l’emploi a rendu le 6 février dernier un avis sur la fixation du salaire minimum et la conditionnalité des allègements de charges.

Il ne semble dès lors pas opportun de reprendre à ce stade le travail des commissions mais préférable d’examiner au plus près le détail du texte qui nous est soumis, en abordant demain – et demain seulement, je l’espère – la discussion des amendements, afin que, dès janvier 2009, les salariés bénéficient des nouvelles mesures sur l’intéressement et la participation. Voilà pourquoi, chers collègues, je vous invite à ne pas adopter la motion de renvoi en commission.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le président. Dans les explications de vote sur cette motion, la parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’intervention de Pierre Méhaignerie,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Qui a du talent !

M. Jean Mallot. …qui a eu le bonheur de ne pas présider la dernière réunion de la commission des affaires culturelles – il était remplacé par un vice-président –, me donne l’occasion de revenir sur nos conditions de travail.

On a entendu au mois de juillet dans cette enceinte de nombreux discours sur la revalorisation du rôle du Parlement, sur l’amélioration des conditions de travail des parlementaires ; une disposition constitutionnelle prévoit même, désormais, un délai de six semaines entre le passage d’un texte en conseil des ministres et l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée. Or j’ai constaté que, pour le président Méhaignerie, avec l’humour qu’on lui connaît, les quatre semaines du mois d’août comptaient dans les six... Soit, mais tout de même, on aurait pu attendre le début de la session ordinaire pour entamer l’examen de ce texte.

En outre, le moins que l’on puisse dire est que la déclaration d’urgence n’était pas indispensable.

Le compte rendu des travaux de la commission des affaires sociales montrera qu’au cours de la séance d’hier, où nous devions examiner les amendements en vertu de l’article 88 du règlement, nous en avons voté je ne sais combien de centaines en un quart d’heure.

M. Jean-Frédéric Poisson. La faute à qui ?

M. Jean Mallot. Et, en fait d’examen, nous avons dû nous contenter de tourner les pages.

J’ai d’ailleurs noté avec intérêt la proposition que nous a faite M. Lefebvre de déposer des amendements ; il considère donc que nous n’en avons pas présenté assez !

M. Frédéric Lefebvre. Vous n’en avez pas déposé qui constituent de vraies propositions !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Nous préférons la qualité à la quantité !

M. Jean Mallot. Nous entendons bien lui procurer tout le plaisir de la terre en déposant quelques sous-amendements à ceux qu’il a lui-même déposés !

Le vote par les commissaires UMP des amendements fort longs pondus par M. Lefebvre et qu’ils n’avaient même pas lus a constitué le clou de la réunion d’hier.

M. Jean-Pierre Brard. Quel aveuglement !

M. Marcel Rogemont. C’est scandaleux, je n’ose le croire !

M. Frédéric Lefebvre. Mais non ! C’est cela, la confiance !

M. Jean Mallot. On peut donc remettre en cause de telles conditions de travail.

Nous en sommes au troisième ou quatrième texte sur le pouvoir d’achat depuis le début de la législature et, manifestement, à entendre les intervenants de l’UMP, y compris les rapporteurs, font défaut à cette politique une vision d’ensemble et une évaluation de l’effet de ces différents textes. La commission pourrait donc valablement se pencher à nouveau sur la question.

Vous vous souvenez sans doute qu’au mois de juin, le Gouvernement n’a rien trouvé de mieux que d’organiser une campagne de communication sur les mesures prises pour renforcer le pouvoir d’achat et sur leur effet. En réalité, on savait déjà que la défiscalisation des heures supplémentaires n’avait entraîné qu’une augmentation très faible du pouvoir d’achat puisque un tiers seulement des salariés effectuaient des heures supplémentaires, et en moyenne pas plus de 55 par an, le gain dont bénéficiait le peu de salariés concernés étant d’ailleurs plafonné à une moyenne de 40 euros par mois.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. C’est faux !

M. Richard Mallié. La situation a évolué depuis, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. En ce qui concerne le rachat des jours de RTT, seules 7 % des entreprises le proposent, et encore en imposant à leurs salariés un strict plafonnement du nombre de jours pouvant être rachetés. On voit bien, là aussi, que le gain de pouvoir d’achat reste limité.

Étant donné le temps qui m’est imparti, je n’aborderai qu’un seul autre aspect des difficultés rencontrées par les salariés.

M. Frédéric Lefebvre. Il faut travailler vos chiffres en commission, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Raison de plus pour y retourner vous-même !

M. Frédéric Lefebvre. Et vous pour au moins y assister !

M. Jean Mallot. Je fonde mon argumentation sur des données qui nous sont parvenues après la réunion de la commission et qui justifient donc qu’on y retourne. Le pouvoir d’achat a baissé de 0,4 point en douze mois. Le salaire de base progresse en effet de 3,1 % en un an quand le taux d’inflation se situe à 3,5 %. Dans le secteur tertiaire, la baisse du pouvoir d’achat atteint 0,5 point.

M. Marcel Rogemont. Oh là là !

M. Jean Mallot. Dans l’industrie, la diminution est de 0,3 point et dans la construction de 0,1.

Avec une progression salariale de 1,1 % au deuxième trimestre, les ouvriers et employés tirent mieux leur épingle du jeu que les cadres et professions intermédiaires. Cela signifie que quand on se concentre sur le salaire, on va plutôt, si l’on s’y prend bien, notamment en revalorisant le SMIC, dans le sens de la réduction des inégalités, alors que quand on utilise les procédés que nous allons examiner, on se rend compte qu’à l’inverse on accroît les inégalités.

Je citerai du reste une catégorie professionnelle qui échappe au dispositif que vous proposez : les administrations.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue !

M. Jean Mallot. Je m’achemine vers ma conclusion, monsieur le président.

M. Richard Mallié. On ne sait toujours pas ce que sera votre vote !

M. Jean Mallot. Vous allez le savoir sans tarder, et vous ne serez pas surpris.

Je terminerai par un point tout aussi important qui justifie encore, s’il en était besoin, le renvoi en commission. Nous allons examiner le projet prévoyant la généralisation du RSA. Il sera notamment question de son financement, la taxation des revenus du capital étant envisagée. Cependant, certains d’entre vous, mal à l’aise vis-à-vis du bouclier fiscal et des questions qui s’y rapportent,…

M. Marcel Rogemont. La taxation de l’épargne !

M. Jean Mallot. Certes !

M. le président. Concluez maintenant !

M. Jean Mallot. …certains, donc, évoquent le plafonnement des niches fiscales afin de réduire le manque à gagner pour l’État.

M. Frédéric Lefebvre. Ce que vous n’avez jamais fait !

M. Jean Mallot. Or que propose le Gouvernement dans le texte que nous examinons deux jours avant celui généralisant le RSA ? Il crée une nouvelle niche fiscale !

M. Marcel Rogemont. Scandaleux !

M. Jean Mallot. Nous souhaitons examiner et lever cette évidente contradiction.

Ainsi, parce que les conditions de travail ne se sont pas révélées satisfaisantes en commission,…

M. Frédéric Lefebvre. Allez-y vous-même, en commission !

M. Jean Mallot. …parce que votre projet n’est pas adapté à la réalité des difficultés des salariés et parce que des contradictions comme celle-ci demeurent, nous voterons la motion de renvoi en commission, brillamment présentée par Jean-Pierre Brard. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.

M. François Cornut-Gentille. Le président Méhaignerie a déjà tout dit concernant l’excellent travail réalisé par le rapporteur et par la commission.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Excellent, en effet !

M. François Cornut-Gentille. Je donnerai donc simplement un conseil à M. Brard : il est bien meilleur quand il fait du Brard ; quand il lit des revues de presse et cite des experts, il devient ennuyeux et difficile à suivre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Rendez-nous Brard !

M. François Cornut-Gentille. Il est étonnant de voir à quel point il se délecte des analyses de ces experts que lui-même déconseille au Gouvernement de consulter pour l’éclairer.

M. Jean-Pierre Brard. C’est que le Gouvernement ne fait appel qu’à des experts de pacotille !

M. François Cornut-Gentille. Je retiens deux points saisissants de son intervention. D’abord, dans la tradition française, c’était plutôt sur les bancs de la droite, voire de l’extrême droite, qu’on expliquait tout par un complot. Mais, à l’en croire, il y aurait aujourd’hui un complot visant à rendre plus difficile la vie des travailleurs.

M. Marcel Rogemont. Personne n’a parlé de complot !

M. François Cornut-Gentille. Bien sûr, il existe des difficultés à surmonter, mais aucun complot ! Le Gouvernement et la majorité ne sont complices d’aucun chef d’orchestre clandestin.

Ensuite, M. Brard semble s’étonner de la multiplication des textes sur le travail. C’était un axe majeur de la campagne du candidat Sarkozy,…

M. Marcel Rogemont. On en voit aujourd’hui le résultat !

M. François Cornut-Gentille. …on ne doit donc y déceler aucune ruse. La revalorisation du travail lui a permis d’attirer des catégories populaires qui ont quitté les partis dont vous vous réclamez, monsieur Brard. Nous avons donc touché juste, et si nous multiplions les textes, c’est parce que si un coup de baguette magique suffisait, il y a longtemps qu’il aurait été donné. En multipliant les textes, on peut provoquer des effets de levier successifs.

M. Jean-Pierre Brard. On en voit les résultats !

M. François Cornut-Gentille. Voilà qui explique notre démarche et, bien sûr, nous repousserons la motion de renvoi.

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Sur la forme, nous avons largement pu examiner ce projet, et l’opposition a même eu le temps de déposer quelque 1 500 ou 1700 amendements.

M. Marcel Rogemont. De les déposer, certes, mais pas de les discuter !

M. Yvan Lachaud. Je ne vois donc pas la nécessité de retourner en commission et il est maintenant urgent de débattre.

M. Jean-Pierre Brard. Sûrement pas !

M. Yvan Lachaud. Sur le fond, avant d’aborder le RSA, je suis d’accord avec vous, chers collègues, pour discuter des niches fiscales. Quant à celle que nous créons aujourd’hui, si c’en est une, elle me convient.

Vous auriez en fait aimé déposer un texte comme celui-ci, c’est ce qui vous dérange, monsieur Brard.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Voilà la vérité !

M. Yvan Lachaud. Non seulement nous parlons du pouvoir d’achat, mais nous proposons – enfin – des mesures intéressantes pour les salariés. Voilà ce qui est incompréhensible : nous allons dans votre sens et vous n’êtes pas d’accord ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je comprends bien que vous soyez désarçonnés par ce qui est proposé, parce que ça va vite. Les députés du Nouveau Centre ont envie que ça aille encore plus vite et c’est pourquoi ils ne demandent pas le renvoi en commission.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 23 septembre à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi en faveur des revenus du travail.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 23 septembre 2008, à une heure quinze.)