Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Deuxième session extraordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 17 septembre 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Alain Néri

1. Loi pénitentiaire

Discussion des articles (suite)

Article 15 bis

Amendements nos 409, 66, 418, 70, 283, 622 (sous-amendement), 77

Après l’article 15 bis

Amendements nos 554, 90, 78, 149, 150, 552, 553

Article 15 ter

Amendement no 5

Article 15 quater

Mme Marietta Karamanli

Article 16

Amendements nos 343, 172, 175, 176, 177

Article 17

Amendements nos 421, 180, 190, 344, 423, 208, 207, 209, 210, 422 rectifié, 334

Après l’article 17

Amendement no 211

Article 18

Amendements nos 68, 425, 424

Article 18 bis

Mme Marietta Karamanli

M. Dominique Raimbourg

Amendements nos 345, 69, 72, 71

Article 19

Amendements nos 73, 426, 92, 93, 91, 429, 75, 74, 96

Article 19 bis

M. Patrick Braouezec

Amendements nos 427, 98, 99, 6, 35, 428, 103

Après l'article 19 bis

Amendement no 53

Avant l'article 20A

Amendement no 104

Article 20A

M. Noël Mamère

Article 20

Mme Jeanny Marc

Mme Michèle Delaunay

M. Michel Hunault

M. Gérard Bapt

Amendements nos 430, 432, 105, 158, 159, 592, 160

Après l’article 20

Amendements nos 539, 495

Article 20 bis A

Article 20 bis

Amendements nos 346 rectifié, 434 rectifié, 526 rectifié

Après l’article 20 bis

Amendements nos 496, 497, 499, 498

Article 21

Après l’article 21

Amendement no 500

Article 22

Article 22 bis

Amendement no 347

Après l’article 22 bis

Amendements nos 525, 504, 502, 512, 491, 509, 511, 524, 507, 508, 520, 513, 503

Article 22 ter A

Mme George Pau-Langevin

Article 22 ter

M. Serge Blisko

Amendement no 593

Article 22 quater

Article 22 quinquies

Article 22 sexies

Avant l’article 23

Amendements nos 602 rectifié, 627

Article 23

Amendements nos 529 deuxième rectification, 435 deuxième rectification

Après l’article 23

Amendement no 556

Article 24

M. Noël Mamère

M. Michel Hunault

M. Jean-Jacques Urvoas

M. Étienne Blanc

Mme Christiane Taubira

M. Christian Vanneste

Amendements nos 349, 518, 532, 437, 531, 360, 362, 436 rectifié, 281, 363 rectifié, 439, 365, 533, 438

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Alain Néri,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Loi pénitentiaire

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire, adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence (nos 1506, 1899).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 15 bis.

Article 15 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 409.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 409.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement a été repoussé par la commission.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Même avis que la commission.

(L'amendement n° 409 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 66.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement vise à assouplir les horaires de visite, de façon à éviter le surencombrement des parloirs que nous avons déjà évoqué.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

Cette disposition n’est pas du ressort de la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Il est identique à celui de la commission.

(L'amendement n° 66 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 418 et 70, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 418.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement n° 70.

Mme Marietta Karamanli. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Défavorable.

(L'amendement n° 418 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 70 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 283 et 77, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 283 fait l’objet d’un sous-amendement n° 622.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 283.

M. Guy Geoffroy. Si nous devons prendre acte, de façon positive, de l’augmentation du nombre des unités de vie familiale ou des parloirs familiaux, il ne convient toutefois d’inscrire dans la loi que des mesures d’ordre général qui soient applicables.

Derrière cet amendement de raison et de lucidité, il y a évidemment l’espoir que nous avancions le plus vite possible dans la réalisation, dans tous les établissements, de ces équipements absolument indispensables – j’interroge du reste le Gouvernement à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 622 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 283.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de souligner la volonté du Gouvernement, de l’administration pénitentiaire et, évidemment, des parlementaires, de favoriser les liens familiaux à travers les unités de vie familiale et les parloirs familiaux.

L’amendement n° 283, relatif à la fréquence des visites en UVF ou en parloir familial, repose sur le principe de réalité. Il serait grave en effet d’inscrire dans la loi une disposition qui ne pourrait pas être respectée. C’est la raison pour laquelle l’amendement prévoit une fréquence trimestrielle, qui apparaît beaucoup plus réaliste que la fréquence mensuelle adoptée par la commission.

Toutefois, cet amendement précisant que ces visites ne pourront s’exercer que dans les établissements déjà dotés d’UVF ou de parloirs familiaux, je tiens, par le sous-amendement n° 622, à supprimer cette restriction qui risque de figer la situation. Il est important, en effet, d’équiper les établissements pénitentiaires en UVF ou en parloirs familiaux, ce qui est du reste le cas de tous les établissements en cours de construction qui seront bientôt livrés, la volonté du Gouvernement en la matière étant remarquable.

Le problème persiste pour les anciennes prisons. En effet, si nous nous efforçons d’en améliorer les installations – je me contenterai d’évoquer les crédits alloués à leur restauration depuis 2002 –, il n’en demeure pas moins quelques établissements dans lesquels la création d’une UVF se révèle délicate. Toutefois, comme le texte n’est pas cumulatif mais alternatif – il prévoit l’UVF ou le parloir familial – et qu’il est relativement facile d’équiper un parloir familial, puisque celui-ci ne réclame que l’aménagement d’une pièce garantissant un minimum d’intimité, j’ai décidé de présenter ce sous-amendement à l’amendement n° 283.

La commission est donc favorable à l’amendement n° 283 sous-amendé par le sous-amendement n° 622.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement n° 283 et le sous-amendement n° 622 ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 283 ainsi sous-amendé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 77.

M. Jean-Jacques Urvoas. Depuis le début de son examen, le Gouvernement nous explique que ce texte permettra de faire un pas en avant. Or, alors que le texte du Sénat prévoyait une visite hebdomadaire et celui de la commission des lois une visite mensuelle, voilà que l’Assemblée s’apprête à voter en séance publique une visite trimestrielle ! Est-ce cela faire un grand pas en avant ? J’ai plutôt le sentiment qu’on en revient au moonwalk de Mickael Jackson, qu’a évoqué Dominique Raimbourg : on fait semblant d’avancer mais, en réalité, on recule ! Dois-je rappeler que la France compte 194 établissements pénitentiaires mais seulement vingt-huit UVF réparties sur dix établissements ? On est loin de l’excellence !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Monsieur Urvoas, cette disposition correspond à ma volonté de faire adopter des lois qui puissent être appliquées ! Il ne sert à rien de voter des lois dont on sait pertinemment, dès le départ, qu’elles ne pourront pas être mises en œuvre avant cinq ou dix ans.

J’ai pris l’engagement de multiplier les UVF et les parloirs familiaux – telle est ma politique. Il est toutefois évident que l’état actuel du parc immobilier ne permet pas d’accroître la fréquence des visites. Pensez-vous que ce soit de bonne législation que d’inscrire dans la loi une mesure dont la réalisation matérielle se révèle aujourd'hui impossible ?

Le plan de 2002 permet, actuellement, la réalisation d’un grand nombre de nouveaux établissements – neuf ouvriront l’année prochaine – qui, tous, évidemment, comporteront des UVF et des parloirs familiaux. Il en de même du plan de rénovation de 11 000 places actuellement en cours.

De plus, au fur et à mesure où nous mettrons un terme à la surpopulation carcérale par l’ouverture de nouveaux établissements, Jean-Marie Bockel et moi-même prévoyons de profiter de la place ainsi dégagée dans les anciens établissements pour y ouvrir de nouvelles structures.

Je le répète, je refuse de mettre mon nom au bas d’une loi dont chacun sait à l’avance qu’elle ne pourra pas être appliquée. Je préfère voir inscrire dans le texte des dispositions minimales, qui constitueront une base de départ et pourront être concrètement améliorées, au fait de prévoir des mesures, certes généreuses, mais qui seront matériellement impossibles à mettre en œuvre. Une loi est faite pour être appliquée : telle en est ma conception.

M. le président. Je peux donc considérer que la commission et le Gouvernement sont défavorables à l’amendement n° 77…

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Oui, monsieur le président.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Tout à fait, monsieur le président.

(Le sous-amendement n° 622 est adopté.)

(L'amendement n° 283, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 77 tombe.

(L'article 15 bis, amendé, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 15 bis.

Après l’article 15 bis

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l’amendement n° 554.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement vise à élever au niveau législatif la réglementation des permissions et à préciser que ces permissions ont pour objectif de préserver, comme la loi le prévoit du reste, le maintien des liens familiaux.

Il convient donc d’élargir le champ d’application des permissions et, par là même, d’échapper au problème matériel en donnant la possibilité à un détenu de se rendre chez lui afin de ne pas perdre le contact avec ses proches.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

Les règles qui encadrent les permissions de sortie sont clairement établies. Elles me paraissent, de plus, suffisantes, puisque le juge d’application des peines tient compte de nombreux paramètres, notamment des différentes situations pénales, comme les périodes de sûreté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Le même que celui de la commission.

(L'amendement n° 554 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 90.

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. L’amendement est défendu.

(L'amendement n° 90, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 78.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

(L'amendement n° 78, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 149...

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu, monsieur le président.

(L'amendement n° 149, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 150.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

(L'amendement n° 150, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 552...

M. Dominique Raimbourg. Il est défendu, monsieur le président.

(L'amendement n° 552, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Raimbourg, défendez-vous également l’amendement n° 553 ?

M. Dominique Raimbourg. Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 553, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Article 15 ter

M. le président. Sur l’article 15 ter, je suis saisi d'un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

(L'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 15 ter, amendé, est adopté.)

Article 15 quater

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, inscrite sur l’article 15 quater.

Mme Marietta Karamanli. Ce nouvel article pose le principe qu’une « convention entre l’établissement pénitentiaire et le département définit l’accompagnement social proposé aux mères détenues avec leurs enfants et prévoit un dispositif permettant la sortie régulière des enfants à l’extérieur de l’établissement pour permettre leur socialisation ».

Ce dispositif marque un progrès dans le sens où il encourage l’administration pénitentiaire à réaliser de nouveaux efforts pour améliorer la socialisation des enfants nés ou restés en prison avec leur mère. L’article vise aussi les enfants de moins de dix-huit mois qui, je le rappelle, n’ont pas le statut de détenu et que leur mère peut vouloir garder auprès d’elle.

La nouveauté est la décision d’impliquer formellement les départements, compétents en matière de petite enfance, et d’amplifier les efforts déjà accomplis. On peut se référer à la circulaire du 16 août 1999 qui a fixé le régime aujourd’hui applicable en matière de sortie de l’enfant avant la fin du séjour. La loi devrait-elle permettre l’amplification des possibilités offertes par cette circulaire ?

Cette dernière n’affirme pas clairement, en effet, l’obligation pour l’administration pénitentiaire de tout mettre en œuvre afin de permettre aux jeunes mères de garder leurs enfants en bas âge. Si ni l’autorité judiciaire ni l’administration pénitentiaire ne peuvent s’opposer à la décision de la mère de garder son enfant en prison, deux exceptions existent néanmoins : en cas de dépassement des capacités d’accueil des établissements équipés pour recevoir des enfants et en cas de danger pour la santé, la sécurité, la moralité de l’enfant.

Or la première restriction mérite d’être critiquée et l’État aurait dû affirmer son obligation de tout mettre en œuvre pour éviter une séparation non souhaitée par la mère ; quant à la seconde limite, elle renvoie directement à la question du nombre des établissements qui accueillent des mères de jeunes enfants et à la question des normes d’habitabilité.

Aujourd’hui, seulement 25 établissements sont équipés pour recevoir une mère avec un très jeune enfant. De plus, c’est la même circulaire de 1999 qui a fixé les normes d’accueil des détenus avec leurs enfants.

Il me semble qu’il eût été bienvenu que la loi fixe le principe de normes d’accueil et de séjour des femmes avec de jeunes enfants, en en renvoyant le détail à l’autorité réglementaire. La loi aurait pu ainsi instituer une infrastructure spéciale destinée à la protection du bien être de ces enfants comme en dispose la norme n° 36-3 des règles pénitentiaires européennes.

Enfin, l’Assemblée aurait pu décider que le mécanisme de convention avec les départements prévu par le texte fasse l’objet d’une évaluation, ce qui ne figure pas expressément dans l’article 2 quinquies qui institue un observatoire chargé de remettre un rapport.

(L’article 15 quater est adopté.)

Article 16

M. le président. Sur l’article 16, je suis saisi d’un amendement n° 343.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement vise à autoriser les détenus à téléphoner à des personnes qui n’appartiennent pas à leur famille dès lors que la situation pénale le permet. Il apparaît en effet étonnant de réserver les contacts téléphoniques aux seuls membres de la famille alors que, dans de nombreux cas, le détenu est souvent en rupture avec elle. Si l’on s’en tient à la rédaction actuelle de l’article, les détenus sans liens familiaux ne pourraient avoir aucun contact au téléphone.

En outre, pour ne pas trop restreindre ce nouveau droit, l’amendement propose de ne retenir comme critère de refus que les motifs liés à la prévention des infractions qui englobent ceux de maintien de l’ordre et de la sécurité, termes trop larges et trop flous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je ne comprends pas bien, monsieur Braouezec ; l’article 16 va en effet dans le sens que vous souhaitez et marque une véritable libéralisation de l’accès au téléphone. Lors de nos visites in situ, nous avons pu constater que les établissements pénitentiaires aménagent de plus en plus de lieux où les détenus peuvent téléphoner.

Le texte est très clair puisqu’il donne aux condamnés le droit d’appeler les membres de leur famille et ces appels ne seront plus soumis à autorisation. Le texte parle de « personnes détenues » et n’établit sur ce point aucune différence entre les condamnés et les prévenus. Les restrictions concernant les prévenus sont bien compréhensibles puisqu’elles répondent aux nécessités de l’information – on ne peut laisser téléphoner un prévenu qui vient d’être incarcéré dans une affaire de trafic sans risquer des fuites très préjudiciables à la suite de l’enquête et à la manifestation de la vérité.

L’article 16 marque donc une vraie volonté de la part du Gouvernement, du Sénat et de l’Assemblée de libéraliser l’accès au téléphone afin de permettre le resserrement des liens familiaux, gage de réinsertion. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je comprends d’autant moins l’amendement que le texte répond totalement aux préoccupations exprimées par M. Braouezec. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Notre préoccupation serait en effet entièrement prise en compte par la rédaction de l’article s’il permettait aux détenus de téléphoner aux membres de leur famille ainsi qu’à d’autres personnes pour préparer leur réinsertion.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Mais c’est justement ce que prévoit la deuxième phrase !

M. Patrick Braouezec. La rédaction du texte n’est pas tout à fait celle-ci puisque l’on peut lire que « les personnes détenues ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille » et qu’elles « peuvent être autorisées à téléphoner à d’autres personnes pour préparer leur réinsertion ». On établit donc une différence entre les membres de la famille et les autres personnes.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Eh bien, oui ! C’est logique : il y a d’un côté la famille et, de l’autre, les autres personnes !

M. Patrick Braouezec. J’en reviens donc à l’idée que je défends par le biais de cet amendement : tous les détenus privés de liens familiaux pour des raisons souvent compréhensibles n’auront pas le droit d’établir des liens avec des personnes qui n’appartiennent pas à leur famille mais devront solliciter une autorisation.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je souhaite formuler quelques critiques sur les articles 16 à 18 qui définissent les relations du détenu avec l’extérieur.

Ainsi, l’amendement que vient de défendre notre collègue Braouezec vise en fait à ce que nous nous mettions en accord avec la règle pénitentiaire européenne n° 24 ; or nous n’y sommes pas. De la même manière, nous n’appliquons pas les règles posées par l’article 8-2 de la convention européenne des droits de l’homme. Nous laissons en effet à la discrétion de l’administration pénitentiaire la restriction du droit aux contacts avec l’extérieur. Nos collègues du Sénat ont apporté très peu d’avancées sur ce point et nous n’avons toujours aucun élément sur l’information du détenu relative, notamment, au décès ou à la maladie grave d’un proche parent.

Cela montre que nous nous trouvons dans la situation où c’est l’administration qui a le pouvoir de restreindre le droit à l’information des détenus alors que la règle pénitentiaire européenne exige une interdiction expressément « prononcée par une autorité judiciaire dans un cas individuel et pour une durée spécifiée ».

Il y a donc loin de la coupe aux lèvres. Nous sommes très loin de respecter les règles européennes. Il ne s’agit pas de mettre en doute l’intégrité, le sens du service public de l’administration pénitentiaire, mais l’on ne peut pas lui laisser carte blanche dans l’exécution de la peine, comme le prévoit en l’occurrence le texte, la prison n’étant d’ailleurs pas le lieu de l’expiation, mais, puisqu’il faut donner un sens à la peine, celui de l’exécution de la peine.

Or, si les représentants du peuple doivent avoir un droit de regard qui leur est aujourd’hui pratiquement interdit, n’était la loi de 2000 qui leur permet de visiter les centres de détention et de privation de liberté, on ne peut pas laisser à l’administration pénitentiaire la possibilité de faire ce qu’elle veut.

(L’amendement n° 343 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 172.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

(L’amendement n° 172, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 175.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

(L’amendement n° 175, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 176.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

(L’amendement n° 176, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 177.

M. Jean-Jacques Urvoas. Les députés du groupe SRC se retrouvent tout à fait dans les propos de nos collègues Braouezec et Mamère sur la question du téléphone en détention. Le texte constitue certes une avancée et, puisqu’il n’a pas été modifié par le Sénat, je crédite le Gouvernement d’avoir fait un geste attendu depuis très longtemps puisque, à travers de nombreux rapports, des organisations nationales et internationales ont invité la France à évoluer – ainsi des rapports de 1991, 1994, 1996 ou de 2000 rédigés par le comité de prévention contre la torture.

De notre point de vue, les éléments évoqués ne garantissent pas le droit d’un détenu à téléphoner du fait de certaines restrictions. Dans son exposé des motifs, le Gouvernement envisage même « la mise en place progressive de cette disposition ». Il reste donc beaucoup à faire.

Mme la garde des sceaux a raison de souligner que la loi doit être applicable. Je ne siège dans cet hémicycle que depuis deux ans et je crains d’avoir déjà eu à me battre contre des textes dont nous pensions qu’ils ne seraient jamais appliqués. La majorité nous explique pourtant qu’ils étaient parfaits et performants, même si la réalité finit par nous donner raison. Je veux bien vous donner crédit que cette loi sera appliquée.

Dans cette perspective, l’amendement n° 177 est un amendement d’évidence. Nous en avons discuté en commission : les détenus en semi-liberté disposent toute la journée d’un téléphone portable qu’on leur enlève quand ils rentrent en détention – quelle peut bien être la cohérence d’une telle pratique ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Cette disposition ne relève pas forcément du domaine législatif. Je conviens toutefois qu’il ne s’agit pas d’une réponse satisfaisante. Je laisserai donc au Gouvernement le soin de s’exprimer plus avant sur le sujet puisque nous l’avons déjà évoqué en commission.

Une mesure de bon sens reste peut-être à prendre mais sous couvert d’une expérimentation étant donné qu’il convient de veiller au respect des conditions de sécurité ; n’oublions pas que nous parlons d’établissements pénitentiaires.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. L’expérimentation que vient d’évoquer M. le rapporteur est déjà en cours au centre de semi-liberté de Nîmes et est destinée à s’étendre. Il ne s’agit donc plus d’un vœu mais déjà d’une réalité. Il ne s’agit pas de mener une expérimentation pour l’expérimentation : la nuit, les personnes concernées sont en détention et il convient de savoir si la possibilité de contacts téléphoniques avec l’extérieur peut induire des problèmes tels que des trafics.

En ce qui concerne les interventions de MM. Braouezec et Mamère, les restrictions dont nous parlons s’inscrivent très clairement dans le cadre des règles pénitentiaires européennes et notamment de la règle n° 24-2 qui évoque de telles restrictions. Comme l’a très justement souligné le rapporteur, on ne doit pas confondre la famille et les autres personnes. Les restrictions dont il est ici question sont admises dans la plupart des autres pays européens.

(L’amendement n° 177, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 16 est adopté.)

Article 17

M. le président. Nous en venons à l’examen de l’article 17.

Je suis saisi de deux amendements, nos 421 et 180, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 421.

M. Noël Mamère. Cet amendement s’inscrit dans cette logique que nous avons décrite, s’agissant des articles 16 à 18, en ce qui concerne l’information et les relations avec l’extérieur.

On sait que le courrier, pour un détenu, est quelque chose d’important, puisque c’est ce qui lui permet de garder un lien avec sa famille, avec ses proches, avec l’extérieur. C’est une manière d’entretenir le lien social. Comme nous le savons par les témoignages des détenus qui nous écrivent – surtout ceux qui s’adressent aux parlementaires qui avaient été membres de la commission d’enquête sur les prisons en 2000 et qui ont gardé des relations épistolaires avec les détenus –, l’administration pénitentiaire peut utiliser le courrier pour exercer des représailles à l’encontre de certains détenus.

Cet amendement vise à ce que le courrier soit transmis ou remis aux détenus sans délai et sans altération. C’est d’ailleurs conforme à l’Accord européen. De même, nous aurons plus tard l’occasion de défendre un autre amendement que nous avons déposé parce qu’il nous paraît inacceptable que l’on puisse ouvrir le courrier d’un détenu en dehors de sa présence. C’est ne pas respecter ses droits. Je rappelle ici qu’un détenu est un citoyen privé de liberté, mais qui ne doit pas être privé de ses droits fondamentaux. Or, avoir accès à son courrier fait partie de ceux-ci.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Monsieur Mamère, vous ne pouvez pas vous empêcher, de temps en temps, de vous laisser aller et de vous égarer. Franchement, cet article n’est pas du tout ce que vous avez dit. Il consacre le principe selon lequel un détenu a le droit de correspondre librement, par écrit, avec toute personne de son choix. Évidemment, ce principe est assorti d’une réserve, parce que nous sommes tout de même dans un établissement pénitentiaire. C’est là une évidence, sur laquelle je ne reviens pas.

Et puis, vous oubliez deux choses. D’une part, le courrier peut être éventuellement retenu, pour des motifs qui sont indiqués dans la loi, mais en aucune façon il ne peut être altéré ou censuré. Cela répond à une partie de votre amendement.

D’autre part, vous oubliez l’alinéa 3 de l’article 17, qui est très important : il y a un certain nombre de correspondances qui ne font l’objet d’aucune censure, d’aucun contrôle. C’est ainsi que le détenu peut correspondre librement avec son avocat, avec des autorités judiciaires, avec les aumôniers, etc.

Mme George Pau-Langevin. C’est un minimum !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. C’est tout de même important que cela figure dans la loi. Le détenu peut également correspondre librement avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Dire, monsieur Mamère, que l’administration pénitentiaire se sert du courrier pour exercer des représailles, c’est oublier tout un aspect de la loi, et notamment la communication, d’ailleurs essentielle, avec les autorités indépendantes dont je viens de parler.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Pour compléter ce que vient de dire le rapporteur, j’ajouterai que nous appliquons, avec cet article, les Règles pénitentiaires européennes, lesquelles prévoient que, s’agissant du courrier, des restrictions sont possibles, et ce pour des raisons évidentes. Il n’y a donc pas sur ce point d’exception française. Il y a un progrès français, par rapport à la réalité actuelle.

Je rappelle simplement un élément factuel que l’on ne doit pas oublier. Pour les prévenus, le courrier est ouvert, quand cela est jugé nécessaire, par le juge d’instruction. Qui trouve cela anormal ? Pour les condamnés, l’ouverture du courrier en présence du détenu, prônée par certains d’entre vous, serait extrêmement lourde. Elle aurait un effet sur la disponibilité des personnels et ne ferait qu’allonger les délais. Elle n’est pas vraiment souhaitée par la majorité des détenus. Je crois que cela n’aurait pas de sens. Le mieux est l’ennemi du bien.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay. Je considère que vous défendez en même temps l’amendement n° 180, ma chère collègue.

Mme Michèle Delaunay. C’est d’ailleurs ce que je voulais faire, monsieur le président.

Chacun de nous sait que dans les lieux d’attente que sont l’hôpital et, plus encore, la prison, le courrier est vraiment très important, comme l’est la cantine ou le repas. Cette sévérité que nous demandons, elle vise plus que la seule conformité avec les règles européennes. Elle est extrêmement importante. Les bonnes ou les mauvaises nouvelles que le détenu attend parfois impatiemment ne doivent pas être remises. On nous a raconté le cas d’un détenu qui avait appris la mort d’un parent bien après son enterrement.

(Les amendements nos 421 et 180, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 190.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement est défendu.

(L’amendement n° 190, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 344.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. L’article 17 est assez représentatif de la façon dont ce projet de loi a été rédigé. Dans un premier alinéa, on affirme un droit, et dans l’alinéa suivant, on l’assortit de toutes les restrictions.

C’est ainsi que l’alinéa 2 de l’article 17 dispose que « le courrier adressé ou reçu par les détenus peut être contrôlé et retenu par l’administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement la réinsertion du détenu ou le maintien de l’ordre et la sécurité. » Quels sont les éléments objectifs qui permettent de dire que ce courrier « paraît » suspect ? Notre amendement propose de rétablir les choses. Il convient de considérer qu’un courrier, quel qu’il soit, ne doit pouvoir être lu aux fins de contrôles que si des indices très précis font redouter un danger ou une menace, soit pour l’établissement, soit du point de vue de contacts extérieurs.

Je le répète, je ne vois pas comment on peut juger qu’un courrier « paraît » suspect.

D’autre part, le courrier, s’il est ouvert, doit l’être devant le détenu. Cela garantirait, s’il n’y a rien de suspect à l’intérieur, que le détenu sache que le courrier qui lui est transmis a été ouvert.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Monsieur Braouezec, je vais me servir de vos arguments pour réfuter votre amendement.

Celui-ci affirme, finalement, qu’une « vérification externe » suffit. Dire que l’on procède à la vérification externe d’un courrier, cela signifie qu’on ne l’ouvre pas : on le regarde. Dans ce cas, comment peut-on, comme le propose la suite de votre amendement, ne le retenir « que s’il existe des indices graves faisant redouter qu’il comporte des indications pouvant permettre la réalisation d’une infraction pénale » ? Autrement dit, votre amendement tombe exactement sous le coup de la critique que vous adressez à l’article 17, sauf que ce dernier propose une façon de procéder totalement différente.

M. Patrick Braouezec. Des « indices graves », c’est autre chose qu’un « paraître » !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. En outre, ouvrir le courrier en présence des détenus, c’est allonger considérablement la procédure. Les détenus n’auraient leur courrier que beaucoup plus tard.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Monsieur Braouezec, les raisons pour lesquelles on peut être amené à contrôler ou à ouvrir un courrier, elles figurent dans la règle 24.2 des Règles pénitentiaires européennes. Ce n’est pas propre à notre pays, et c’est très clair : « toute restriction ou surveillance des communications », parmi lesquelles le courrier et le téléphone, doit être « nécessaire à l’enquête pénale, au maintien du bon ordre, de la sécurité et de la sûreté, ainsi qu’à la prévention d’infractions pénales et à la protection des victimes ».

J’ajoute à cette lecture un exemple, pour que nous nous comprenions bien : si votre proposition était adoptée, un détenu qui voudrait s’évader ferait écrire à l’un de ses codétenus, sans aucune restriction.

(L’amendement n° 344 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 423 et 208, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 423.

M. Noël Mamère. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 208.

M. Jean-Jacques Urvoas. Défendu.

(Les amendements nos 423 et 208, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 207.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je rappelle à l’ensemble de nos collègues qu’aux termes de l’article D. 416 du code de procédure pénale, tous les courriers peuvent être lus par l’administration, tant à l’arrivée qu’au départ. Le rapporteur va nous dire que nous sommes dans un établissement de détention, et qu’il est donc bien normal qu’il y ait des restrictions. Oui. D’ailleurs, théoriquement, la seule correspondance qui ne soit pas encadrée est celle adressée aux autorités judiciaires et aux autorités administratives indépendantes. Mais en fait, même dans ce cas, il y a une restriction. En effet, le décret du 2 avril 1996 relatif à la discipline en prison, qui modifie certaines dispositions du code de procédure pénale, prévoit que c’est une faute disciplinaire, pour un détenu, que d’utiliser de manière abusive cette liberté en multipliant les courriers adressés aux autorités administratives indépendantes. Ainsi, même quand une liberté est affirmée de manière contraignante par le code de procédure pénale, elle est ensuite restreinte.

Par l’amendement n° 207, nous proposons que la correspondance susceptible d’être surveillée soit celle qui contient « des menaces graves et précises contre la sécurité des personnes ou celle des établissements ». Nous proposons ainsi d’en rester aux dispositions actuellement en vigueur. Le texte du Gouvernement ne prévoyait pas que la condition du contrôle soit le fait que la correspondance paraisse « compromettre gravement » la réinsertion des détenus ou le maintien du bon ordre et la sécurité. C’est le Sénat qui a ajouté ces termes. C’est l’un des rares amendements du Sénat qui n’allait pas dans le bon sens. Nous suggérons donc de supprimer cette petite restriction supplémentaire qui a été apportée à un droit déjà bien peu effectif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Parler de « menaces graves contre la sécurité », c’est à mon sens beaucoup trop restrictif. Par exemple, si un détenu veut avoir des nouvelles de son trafic qui continue de se dérouler à l’extérieur, il pourra recevoir un courrier sur la comptabilité de ce trafic : car, après tout, un tel courrier ne contient pas, en tant que tel, une menace grave contre la sécurité !

M. Jacques Alain Bénisti. Évidemment !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Non, la condition que vous proposez est beaucoup trop restrictive. Je préfère de très loin la rédaction proposée dans l’article. Avis défavorable.

(L’amendement n° 207, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 209.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Défendu.

(L’amendement n° 209, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 210 et 422 rectifié.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 210.

M. Jean-Jacques Urvoas. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 422 rectifié.

M. Noël Mamère. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable. Ces amendements sont satisfaits.

(Les amendements identiques nos 210 et 422 rectifié, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 334.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement est retiré.

(L’amendement n° 334 est retiré.)

(L’article 17 est adopté.)

Après l’article 17

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 211 portant article additionnel après l’article 17.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Cet amendement est également retiré, monsieur le président. Nous avons déjà eu le débat hier, et nous ne revenons pas sur ce sujet.

(L’amendement n° 211 est retiré.)

Article 18

M. le président. Nous en venons à l’examen de l’article 18.

Je suis saisi d’un amendement n° 68.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous souhaitons, par nos amendements, poser dans la loi des principes de droit, et en l’occurrence celui du droit à l’image du détenu. La règle pénitentiaire européenne 24.12 recommande que les personnes incarcérées soient autorisées à communiquer avec les médias, et de préciser que les aménagements qui doivent lui être apportés relèvent de la loi.

Encore une fois, nous ne condamnons pas par principe le fait que l’exercice d’un droit puisse être assorti de restrictions, mais nous souhaitons que ce droit figure clairement dans la loi.

(L’amendement n° 68, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 425.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Défendu.

(L’amendement n° 425, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 424.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il s’agit de la protection du droit à l’image des prévenus. Nous savons comme il est porté atteinte à la présomption d’innocence, alors même que, sans être un prévenu, on peut avoir quelques images dans un journal de vingt heures. Il est donc absolument important qu’un prévenu – qui n’est que prévenu – puisse bénéficier du droit à l’image et que la protection de ce droit puisse être assurée lorsqu’il est incarcéré.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Avis défavorable. La loi de 1881 apporte déjà cette garantie, de même que la loi du 15 juin 2000 qui interdit de montrer, notamment à la télévision, des individus menottés. Des dispositions existent donc déjà dans la loi. Quant à l’article 18, il précise que la personne détenue doit consentir à la diffusion de son image et de sa voix. Toute une série de garanties du droit à l’image y est donc inscrite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Avec la réponse que vous m’avez faite, je me sens comme un pèlerin à Lourdes à qui l’on vend un ange grandeur nature. Rencontrant rarement des anges, je ne connais pas leur grandeur ! (Sourires.)

Il suffit de faire un montage des journaux que nous regardons tous pour savoir que la loi de 1881 est violée pratiquement tous les jours, même avec la grande loi de 2000 – je le dis devant la garde des sceaux de l’époque. Des gens menottés sont filmés, jetés en pâture au bon peuple de France qui les regarde. Nous savons tous qu’il suffit d’une image d’une personne menottée pour que sa vie soit bouleversée. Ce ne sont pas les recours qui lui sont autorisés qui vont changer la situation. En permanence, le droit à l’image est totalement violé et remis en cause. Suffisamment d’histoires célèbres ont été racontées dans les journaux et les médias pour qu’on insiste ici sur cet aspect. Nous sommes là, je le rappelle, pour construire l’État de droit et pour défendre les libertés, dans tous les compartiments du jeu, comme on dit en rugby, c’est-à-dire dans tous les compartiments de la société, y compris ceux qui sont fermés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Que proposez-vous ? La loi est la loi, mais si vous avez une proposition très pratique à ce sujet, nous sommes prêts à l’écouter.

L’article 18 garantit le droit à l’image et à la voix du détenu, ce qui est déjà très important. D’autres lois, dont celle du 15 juin 2000, traitent aussi de la question. Vous êtes en train de dire que la loi ne suffit pas. Mais alors c’est un problème de déontologie. Un code de déontologie des personnels sera mis en place dans le cadre de l’administration pénitentiaire, mais je pense que vous proposez plutôt un code de déontologie pour la presse. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Lors de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, quelques propositions en ce sens ont été faites.

M. François Vannson. Tout à fait !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Un code de déontologie de la presse, peut-être est-ce la proposition que vous faites, monsieur Mamère ?

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il est intéressant qu’un rapporteur d’une majorité élue par les Français, qui a donc pour mission d’accomplir le programme sur lequel il s’est engagé, vienne me demander, à moi qui suis dans l’opposition, de combler ses carences ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Noël Mamère. Je vous rappelle, monsieur le rapporteur, que nous discutons ici de la loi pénitentiaire, pas du tout d’une loi sur la presse.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Faites des propositions !

M. Noël Mamère. La question du code de déontologie des journalistes doit se discuter dans un autre cadre.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. C’est bien ce que l’on vous dit !

M. Noël Mamère. Je n’ai donc pas à formuler ici de proposition alternative.

M. Christian Vanneste. Voilà qui s’appelle botter en touche !

M. Noël Mamère. Monsieur Vanneste, avez-vous à nous citer une phrase d’un philosophe pour illustrer votre intervention ? Peut-être pourriez-vous nous dire, à l’image de Montaigne, que même les plus grands princes de ce monde ne sont jamais assis que sur leur cul. Voilà qui doit nous inspirer de la modestie !

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. M. Mamère voudrait remettre la presse à sa place, c’est intéressant !

(L'amendement n° 424 n'est pas adopté.)

(L'article 18 est adopté.)

Article 18 bis

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur l’article 18 bis.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. L’article 18 bis du projet de loi, qui définit le régime des documents personnels de toute personne détenue et qui renforce la protection de ceux portant le motif de l’emprisonnement, appelle de notre part deux observations.

La première est relative à la nécessité pour notre État de se conformer à ses engagements internationaux. L’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme fixe, à son alinéa 2, des limites à l’ingérence d’une autorité publique dans la vie privée et familiale des personnes : cette ingérence doit être prévue par la loi et constituer une mesure indispensable à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales. À ce titre, les restrictions aux communications doivent être réduites au minimum. On ne peut que se féliciter du progrès que constitue cette disposition.

Ma seconde remarque est relative à la nécessité de renforcer la protection de certains documents. Il conviendrait que le texte renforce les garanties données en matière médicale. L’article 20 A prévoit que l’administration pénitentiaire respecte le droit au secret médical des personnes détenues, ainsi que le secret de la consultation. Il serait alors logique que tous les documents s’y rapportant, lorsqu’ils sont confiés à un service autre que médical et soignant, soient préservés de toute prise de connaissance volontaire ou involontaire le mettant en cause. Un amendement a été déposé en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Nous sommes au cœur d’une contradiction très importante liée à la situation. La rédaction de l’article 18 bis est, me semble-t-il, ce que l’on peut faire de mieux dans une situation épouvantablement compliquée. Il cherche à concilier, d’une part, la confidentialité et, d’autre part, l’accès du détenu aux documents qui lui sont utiles, parmi lesquels son dossier pénal. Laisser au détenu accès à son dossier pénal signifie que ses codétenus sont susceptibles de savoir pourquoi il est en prison. Si jamais il est détenu pour mœurs ou s’il a bouleversé l’actualité locale, il va faire l’objet de persécutions, parfois même de violences graves. La difficulté est très grande.

Vous avez lancé un débat pour savoir si l’opposition doit fournir des solutions. Pour ma part, j’en ai une : le numerus clausus, qui va permettre d’échapper à la surpopulation carcérale, ce qui garantira un peu de confidentialité. Je nous vois bien déboucher sur un accord à la fin du texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 345.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. La proposition que vient de faire M. Raimbourg devrait prendre un certain temps, pour reprendre les termes de M. Bockel dans un hebdomadaire de cette semaine. En attendant, nous proposons un amendement qui pourrait répondre à l’élément de confidentialité en complétant la deuxième phrase de l’article par : « , si nécessaire dans un local prévu à cet effet, ».

Il n’est pas possible de respecter la confidentialité dans une cellule où cohabitent plusieurs codétenus. Il serait donc utile, si le détenu le souhaite et pour les raisons évoquées, qu’un local soit mis à sa disposition pour consulter ses documents. Cet amendement, s’il ne bouleverse pas profondément la loi, permettrait de conserver la confidentialité de certains documents pour les détenus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. La disposition proposée n’est pas du domaine de la loi.

M. Patrick Braouezec. Pourquoi ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. J’étais tout à fait d’accord avec le début de l’intervention de M. Raimbourg s’agissant de la rédaction la meilleure possible de l’article. En revanche, je ne suis pas d’accord pour ce qui est du numerus clausus, nous en reparlerons plus tard.

Cela dit, c’est une vraie question qui est posée. Je rappelle que l’article 18 bis consacre le droit à la confidentialité des documents personnels du détenu. C’est une très sérieuse avancée qu’il convient de saluer.

Vous évoquez à juste raison certains documents relatifs à la fiche d’écrou, le dossier pénal du détenu. Si le détenu garde son dossier avec lui et que ses codétenus en ont connaissance, il peut être exposé à des mesures de rétorsion. C’est pourquoi la fiche d’écrou sera conservée au greffe de l’établissement pénitentiaire. D’autres documents personnels peuvent être à la disposition du détenu, qui peut, s’il le décide, les remettre également au greffe de l’établissement pénitentiaire.

Toutes ces conditions me semblent aller dans le sens des droits du détenu, avec certaines précisions indispensables concernant l’établissement pénitentiaire. Avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ne vois pas en quoi cet amendement n’est pas du domaine de la loi. Dès lors que le texte de loi permet au détenu de consulter des documents personnels, pourquoi la loi ne lui permettrait-elle pas de le faire dans un local assurant la confidentialité ? Outre les raisons qui l’ont conduit en prison, le détenu peut avoir d’autres documents personnels qu’il ne veut pas partager avec ses codétenus dans la cellule.

(L'amendement n° 345 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 69.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Dominique Raimbourg disait, à juste titre, que le sujet était épouvantablement compliqué. J’ai déposé cet amendement en mon nom personnel, car, pour avoir suivi le débat en commission et au sein de mon groupe, je ne suis pas du tout convaincu par l’argument consistant à interdire la possession de leur fiche pénale par les détenus pour des raisons de protection, surtout pour les détenus de mœurs. Ils sont déjà, depuis de nombreuses années, les victimes de violences, alors que, à ma connaissance, ils n’ont la possibilité d’avoir leur fiche pénale que depuis un arrêt du Conseil d’État en 2005.

De plus, j’ai noté dans le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme qu’un grand nombre d’erreurs étaient constatées dans les écritures, qui ont pu conduire à des détentions arbitraires ou anticipées. D’ailleurs, la CNCDH le déplorait dès 2004.

C’est la raison pour laquelle je vous propose de supprimer la dernière phrase de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je ne reviens pas sur les observations que j’ai fournies plus haut, mais je précise à M. Urvoas que le détenu peut consulter sa fiche pénale quand il le veut. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Les situations sont diverses selon les établissements. Des réponses sont d’ores et déjà apportées, parfois il y a des impossibilités matérielles, notamment en matière de locaux. Figer par un exemple la manière dont on doit permettre à la personne de consulter ses documents en confidentialité c’est restreindre le champ des possibilités, qui peuvent être très diverses – greffe, local adapté, cellule ou autre. C’est la raison pour laquelle cet élément ne relève pas de la loi.

(L'amendement n° 69 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 72.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. L’amendement est défendu.

(L'amendement n° 72, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 71.

M. Jean-Jacques Urvoas. Défendu !

(L'amendement n° 71, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 18 bis est adopté.)

Article 19

M. le président. Sur l’article 19, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 73 et 426.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 73.

M. Jean-Jacques Urvoas. La disposition qui figure dans la phrase que nous proposons de supprimer est totalement disproportionnée au regard des exigences de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et constitue un grave recul par rapport à la situation existante. Par son truchement, rien ne s’opposera demain à l’interdiction de diffusion en milieu carcéral de journaux ou revues faisant état à l’intérieur de la détention de scandales relatifs, par exemple, au comportement de surveillants, ceux-ci pouvant déclarer s’estimer diffamés.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer la restriction introduite par cet article à l’accès des détenus aux publications écrites et audiovisuelles. De telles interdictions étaient d’ailleurs déjà rendues possibles par le droit commun de la presse.

M. le président. L’amendement n° 426 est défendu…

M. Noël Mamère. Oui

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 73 et 426 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 92.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. L’amendement est défendu.

(L'amendement n° 92, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 93.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

(L'amendement n° 93, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 91 et 429.

M. Jean-Jacques Urvoas. L’amendement n° 91 est défendu.

M. Noël Mamère. Le 429 également !

(Les amendements identiques nos 91 et 429, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 75.

M. Jean-Jacques Urvoas. Défendu !

(L'amendement n° 75, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 74.

M. Jean-Jacques Urvoas. Défendu !

(L'amendement n° 74, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 96.

M. Jean-Jacques Urvoas. Défendu !

(L'amendement n° 96, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 19 est adopté.)

Article 19 bis

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, inscrit sur l’article 19 bis.

M. Patrick Braouezec. Je souhaite m’exprimer sur l’article 19 bis, sur lequel nous avions déposé deux amendements qui sont tombés sous le coup de l’article 40.

L’article 19 bis est un acte important. Il s’agit de la reconnaissance par l’État de sa responsabilité en cas de décès dû à des violences commises sur un détenu par un autre détenu.

Ces deux amendements nous semblaient importants pour plusieurs raisons.

Ils tendaient à élargir cette réparation aux cas d’invalidité des détenus et de suicide. La protection de l’intégrité physique n’est pas rendue effective par la simple responsabilité de l’État en cas de décès causé par un autre détenu. Il faut également prévoir les cas de violences, même si elles n’ont pas entraîné la mort. En détention, certaines violences débouchent effectivement sur des dommages corporels suffisamment importants pour être reconnus.

En cas de suicide d’un détenu, il nous semble de même que la réparation de l’État devrait être automatique. Nous savons que les conditions de détention amènent un certain nombre de détenus à se suicider.

Nos amendements ont été déclarés irrecevables car ils créeraient ou aggraveraient une charge publique. Cet argument, au regard des personnes qui restent estropiées à vie par suite de dommages corporels occasionnés par un autre détenu, nous semble un peu obscène ou en tout cas déplacé.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 427.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’amendement est défendu.

(L'amendement n° 427, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 98 et 99, pouvant faire l’objet d’une présentation commune

La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Avant de passer à l’argumentation des amendements sur l’article 19 bis qui traite de la sécurité, il me semble nécessaire d’insister sur le fait qu’il n’y a pas grand-chose sur les personnels.

Il est bon de rappeler qu’il y a eu, l’année dernière, environ 600 agressions de personnels de surveillance par des détenus.

En ce qui concerne l’article 19 bis, on ne peut que se féliciter qu’il soit inscrit dans le texte que l’administration pénitentiaire est chargée d’assurer l’intégrité physique.

Il nous semble souhaitable d’ajouter – c’est le but de l’amendement n° 98 – les mots : « et psychique ».

Si la responsabilité sans faute de l’État et la réparation de l’État constituent certes une avancée, elle nous semble incomplète – et je reviens là sur les propos de M. Braouezec. Nous pensons que la responsabilité devrait être appliquée et applicable dans tous les cas d’agression sur les personnes détenues, au risque de vider de son sens le droit à la sécurité. Nous savons qu’en maison d’arrêt, tout particulièrement, ce droit n’est pas assuré aujourd’hui. Il serait donc souhaitable d’être plus précis à propos des dommages qui résultent de décès mais aussi de violences ou de blessures de personnes détenues.

L’amendement n° 103 propose d’ailleurs que le Gouvernement présente un rapport biannuel sur les violences commises et les réparations mises en place par l’administration pénitentiaire

Pour terminer, je souhaite aborder un sujet qui ne figure pas dans les amendements – mais je pense que toutes les bonnes idées sont à prendre. Il serait judicieux d’ajouter à la liste des personnes à prévenir en cas de suicide l’avocat titulaire d’un permis de visite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je voudrais avant de donner l’avis de la commission sur ces amendements souligner l’importance de l’article 19 bis, qui consiste pour l’administration pénitentiaire à assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique.

Mme Laurence Dumont. Et psychique !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il précise que même en l’absence de faute, l’État est tenu de réparer les dommages résultant du décès d’une personne détenue causée par les violences commises au sein de l’établissement pénitentiaire.

Il indique également que lorsqu’une personne détenue s’est donnée la mort, l’administration pénitentiaire informe immédiatement ses proches, sa famille.

M. Patrick Braouezec. C’est la moindre des choses !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Vous demandez dans l’amendement n° 98, en plus de la protection de l’intégrité physique, la protection de l’intégrité psychique. C’est plus difficile à assurer et à cerner, même si cela fait, à mon avis, partie d’une intégrité physique générale. Je crois qu’il est inutile d’ajouter cette mention.

Toutes les précisions apportées par l’amendement n° 99 semblent superflues puisque tout a été prévu dans le premier alinéa de l’article 19 bis.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 103, je ne rappellerai pas tous les organismes et instances qui contrôlent les établissements pénitentiaires : le contrôleur général des lieux de privation de liberté, les magistrats, la CNDS, etc.

La commission est donc défavorable aux amendements nos 98 et 99, ainsi qu’à l’amendement n° 103.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère,

M. Noël Mamère. Comment M. le rapporteur peut-il nous dire que l’intégrité physique des détenus est protégée quand on connaît le nombre d’accidents et de morts survenus au cours d’une promenade et qu’il existe une surpopulation dénoncée par tous les organismes – comité de prévention de la torture, institutions européennes ?

Dois-je vous rappeler qu’il y a 16 maisons d’arrêt dans lesquelles la surpopulation est équivalente à 200 %, qu’il y a 51 établissements dans lesquels la surpopulation oscille entre 120 % et 140 % ? Dans bien des endroits, il n’y a qu’un surveillant pour environ 80 détenus.

Il n’est pas juste de dire qu’en cas de suicide la famille est aussitôt prévenue. Je peux vous citer des cas où une famille est venue rendre visite à un détenu qui était décédé alors qu’elle n’en avait pas été prévenue.

Je peux, en revanche, citer l’exemple d’un établissement où il y a eu un cas récent de suicide. Le directeur s’est attaché à prévenir aussitôt la famille et même à lui proposer de venir dans la cellule où le détenu avait mis fin à ses jours, afin de commencer le travail de deuil. C’est une attitude remarquable du directeur du centre de détention.

Malheureusement, aujourd’hui, les suicides se multiplient. C’est un problème auquel la nation est confrontée, car l’image qui nous est renvoyée correspond à celle de notre société, qui délaisse ces hommes et ces femmes en situation de grand isolement et de grande détresse psychologique. Nous examinerons plus attentivement à partir de l’article 20 le problème de la santé. Il me semble que la santé psychique fait partie intégrante des questions liées à la santé.

Je voudrais encore citer un exemple. Les surveillants qui font des rondes la nuit pour surveiller les détenus, préalablement assommés par des somnifères, dont ils craignent le suicide – c’est la nouvelle obsession de l’administration pénitentiaire, que je peux parfaitement comprendre – doivent, pour les réveiller, taper comme des brutes sur les portes des cellules. Cela perturbe le sommeil de leurs voisins, et augmente le stress et la colère, au lieu de participer à la pacification.

Il n’y a pas de continuité – nous le redirons lors de l’examen de l’article 20 – entre le respect du code de la santé et ce qui se passe à l’intérieur de nos prisons.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de parlementaires vont demander à la Conférence des présidents que soit décidée une mission d’information sur les suicides en prison, car nous voulons connaître la vérité.

(L'amendement n° 98 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 99 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 35.

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Mme Jeanny Marc. L’amendement est défendu.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Avis défavorable !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. La définition de la santé donnée en 1998 par l’OMS comprend la santé physique, la santé psychologique et la santé environnementale.

Vos réponses, monsieur le rapporteur, montrent en quelque sorte votre impuissance (Protestations sur les bancs du groupe UMP) à parvenir aux objectifs que le projet de loi aurait dû atteindre.

Ne pas vouloir ajouter, après le mot « physique », les mots : « et psychique », montre que vous vous intéressez seulement à ce qui est visible, sans aller plus avant. Cela ne réglera pas le douloureux problème des soucis en prison.

Monsieur le rapporteur, je regrette que vous ayez rejeté ces amendements un peu légèrement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Jusqu’à présent, les choses n’ont pas été trop caricaturées. Il serait bon que l’on puisse continuer de l’éviter.

Vous savez parfaitement que nous sommes, tout autant que vous, attachés à la protection de l’intégrité physique, psychique des détenus.

Mme Laurence Dumont. Ecrivez-le alors !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Nous souhaitons tous, également, le maintien des liens familiaux.

Je ne vais pas énumérer tout ce que nous avons fait jusqu’à présent pour les détenus.

L’amendement n° 35 visait à accompagner sur le plan psychologique les proches d’un détenu décédé par suicide. Je conçois parfaitement le retentissement psychologique sur les proches. Mais cet accompagnement psychologique ne ressortit absolument pas au métier de l’administration pénitentiaire et ne peut être mis à sa charge.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bien sûr !

(L'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 428.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’amendement est défendu.

(L'amendement n° 428, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 103 a déjà été défendu.

(L'amendement n° 103, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 19 bis, amendé, est adopté.)

Après l'article 19 bis

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 53 portant article additionnel après l’article 19 bis.

La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Le point positif de ce projet de loi, c’est la volonté de personnaliser les peines. Il importe que chaque condamné soit traité en fonction de ce qu’il est et de veiller à séparer les condamnés suivant leur profil, mais également à séparer les prévenus des condamnés. La majorité actuelle peut se féliciter de l’évolution en la matière.

M. Jacques Alain Bénisti. Absolument.

M. Christian Vanneste. En 2007, on dénombrait 31,6 % de prévenus dans nos prisons, contre 25,6 % actuellement. Nous avons mis en œuvre les lois en matière de répression sans augmenter outre mesure la surpopulation carcérale. Il s’agit d’une bonne mesure qu’il faut inscrire dans le texte. Chaque prévenu a droit à un traitement de prévenu, chaque condamné doit être traité en fonction de la condamnation dont il a fait l’objet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Avis défavorable.

M. Christian Vanneste. Oh !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. La rationalisation du placement des détenus est un souci quotidien de l’administration pénitentiaire. Nous aborderons du reste également ce sujet lorsque nous débattrons des régimes différenciés – qui s’apparentent à la rationalisation du placement en fonction de la personnalité des détenus et de leur éventuelle dangerosité.

La séparation des prévenus et des condamnés est très importante et elle existe d’ores et déjà dans les maisons d’arrêt où les prévenus se trouvent avec certains condamnés. L’obligation de séparer les prévenus présumés innocents des condamnés est désormais respectée. La deuxième partie de votre amendement est donc satisfaite, monsieur Vanneste. Quant à la première, elle relève du quotidien pour l’administration pénitentiaire et fera l’objet d’un débat sur les régimes différenciés. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur Vanneste.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Une partie de l’amendement est satisfaite, l’autre le sera. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée. Compte tenu de la redondance de cet amendement, peut-être serait-il souhaitable qu’il soit retiré.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. À titre personnel, la réponse de la commission et du Gouvernement me donne satisfaction, mais, dans la mesure où je ne suis que cosignataire de l’amendement, je ne me sens pas le droit de le retirer. Je le maintiens donc, de façon assez symbolique.

(L'amendement n° 53 n'est pas adopté.)

M. le président. Nous passons maintenant à l’examen de la section 5, relative à la santé.

Avant l'article 20A

M. le président. Je suis d’abord saisi d'un amendement n° 104 portant article additionnel avant l’article 20 A.

La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Il importe, avant l’article 20 A, de faire figurer une déclaration de principe liminaire rappelant que les détenus bénéficient de l’ensemble des droits définis par le code de la santé publique et d’en donner le détail pour bien montrer l’importance de chacun d’eux afin de placer la section 5 traitant de la santé sous des auspices favorables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je vous confirme, madame Delaunay, que les détenus bénéficient de l’ensemble des droits reconnus aux patients par le code de la santé publique.

Mme George Pau-Langevin. Votre avis sera favorable alors ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Non, parce que cet amendement est satisfait : il est inutile de préciser dans la loi ce qui est une évidence.

Mme Michèle Delaunay. Je ne suis pas satisfaite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Madame Delaunay, permettez-moi de comparer le texte de votre amendement à celui de l’article. Selon votre amendement, « les détenus bénéficient de l’ensemble des droits définis dans le code de la santé publique ». L’article du projet de loi ne dit rien d’autre : « La prise en charge de la santé des personnes détenues est assurée par le service public hospitalier dans les conditions prévues par le code de la santé publique. » Je ne vois donc pas ce que votre amendement y ajoute  !

Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Il ajoute chacune des sections prévues par le code de la santé publique, car je doute fort que les personnels pénitentiaires et les détenus connaissent ce code par cœur !

(L'amendement n° 104 n'est pas adopté.)

Article 20A

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article 20 A.

M. Noël Mamère. Mon intervention portera sur les différents articles du projet de loi figurant dans la section 5 consacrée à la santé.

Pour la commission et le Gouvernement, la santé des détenus, comme ils viennent de le rappeler, se définit par ces mots : « La prise en charge de la santé des personnes détenues est assurée par le service public hospitalier dans les conditions prévues par le code de la santé publique. » Cette définition n’est rien d’autre que l’application de la loi de 1994. Or tout le monde s’accorde à dire que, depuis 1994, depuis la commission d’enquête parlementaire de 2000, l’objectif d’un équivalent de soins entre l’intérieur et l’extérieur n’est toujours pas atteint. Se contenter d’une telle précision ne constitue nullement une avancée significative en matière de soins dans les prisons au regard de l’attention toute particulière que nous devons accorder à cette question essentielle au regard notamment des règles pénitentiaires européennes. Il s’agit en fait d’un simple renvoi – pour ne pas dire d’une décharge de la responsabilité du service public hospitalier – indécent selon nous : disons les choses comme elles sont.

Au regard des articles 20 à 25, il ressort que l’administration pénitentaire est plutôt intéressée par l’inventaire des personnes autorisées à s’entretenir avec les détenus – article 21 – ou à conserver le pouvoir d’habilitation de personnes autorisées à venir en aide au détenu lorsqu’il est empêché d’accomplir lui-même des gestes qui sont liés à ses soins médicaux – article 22.

Aux termes de la règle pénitentaire 39 , les autorités pénitentiaires doivent protéger la santé de tous les détenus dont elle a la garde. Elles ont «  la responsabilité non seulement d’assurer l’effectivité de l’accès des détenus aux soins médicaux, mais également de créer les conditions qui favorisent le bien-être des détenus et du personnel pénitentiaire. » Or ce projet de loi ne fournit aucune orientation explicite sur la politique sanitaire dans les prisons ni sur l’organisation et les missions des services médicaux, chirurgicaux et psychiatriques. Il ne dit pas un mot sur le rôle du médecin et de ses relations avec l’administration des prisons, la fréquence des visites, le respect du secret médical, le signalement de violences ou de pressions psychologiques, le maintien d’un suivi et d’une assistance médicale en cas d’isolement cellulaire, l’avis des médecins sur l’hygiène, les installations sanitaires, la ventilation de la prison. Autant de carences qui témoignent des faibles ambitions, pour ne pas dire de la véritable démission de l’administration pénitentiaire en matière de santé dans les prisons. Sur ces points essentiels, force est de constater que nos collègues sénateurs n’ont pas apporté beaucoup d’améliorations.

Permettez-moi de citer la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur l’article 21 : « La CNCDH ne comprend pas les raisons pour lesquelles il est envisagé dans le texte, dans le cadre de l’accompagnement d’un détenu en fin de vie par une tierce personne, de subordonner la possibilité de rencontre hors de la présence d’un personnel pénitentiaire à l’existence d’une autorisation et d’un permis de visite spécifiques. »

« De surcroît – ajoute la CNCDH – aucune précision n’est apportée sur cette autorisation ou ce permis de visite, ni sur les motifs pour lesquels le chef d’établissement pourrait les refuser. » Encore une fois, l’arbitraire est laissé à l’administration pénitentiaire.

« Il en est de même de la disposition ( article 22) qui vise la situation d’un détenu malade, dans l’incapacité d’accomplir par lui-même les gestes liés à des soins médicaux, et qui entend subordonner la désignation de l’aidant appelé à l’assister et favoriser son autonomie à une autorisation de l’administration pénitentaire. »

« La CNCDH estime préférable que soit reconnue au détenu – et c’est ce que nous proposons – la faculté de désigner par lui-même la personne de son choix, sans interférence de l’administration. »

Aucune disposition n’est prévue pour ce qui concerne la poursuite des soins – Mme Lemorton l’a évoqué – prescrits avant incarcération, sur les situations de handicap et de dépendance, sur le respect du secret médical, sur les extractions médicales. Quant aux questions soulevées par les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire, elles sont totalement absentes du projet de loi. Quand on sait le nombre de malades psychiatriques qui se trouvent en prison, l’on est en droit de se dire qu’il y a un grave problème.

(L'article 20 A est adopté.)

Article 20

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 20.

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Mme Jeanny Marc. Ma collègue, Dominique Orliac, députée du Lot, ayant dû repartir en circonscription, j’interviens en son nom sur cet article. L’article 20 du projet de loi traite de la «prise en charge des soins par le service public hospitalier ». La question de la santé physique, mais aussi mentale, des détenus se situe au cœur de toute politique carcérale qui aurait pour ambition d'en finir avec une situation indigne de la République. Alors que cette situation est régulièrement dénoncée par l'Observatoire international des prisons, nous détenons toujours le triste record européen des suicides en prisons.

À mon sens, santé physique et santé mentale ne peuvent être dissociées quand on évoque les prisons françaises. S'agissant de la santé mentale, un rapport de 2005 dressait un constat déjà accablant : 7 fois plus de cas de schizophrénie, 21 fois plus de cas de dépression et 20 fois plus de pathologies psychiatriques.

M. Jacques Alain Bénisti. Par rapport à quoi ?

Mme Jeanny Marc. Ces chiffres en disent long également sur les difficultés à préparer la réinsertion, ce qui – faut-il le rappeler ? – est tout de même la finalité de la peine. Comment, dans de telles conditions sanitaires préparer sa sortie ? Car l'état de santé n'est pas sans effet sur la réinsertion et donc sur la récidive !

D'autres chiffres, émanant cette fois d'une étude de 2004 du ministère de la justice, sont là aussi sans appel : 80 % des hommes et 70 % des femmes présentent au moins un trouble psychiatrique. On estime que 60 % des détenus souffrent de troubles dépressifs, 24 % de troubles psychotiques et 2 % présentent une schizophrénie. Or, plus de la moitié de la population carcérale n'a pas accès à un service médico-psychologique, mais seulement à des équipes réduites issues du centre hospitalier le plus proche. À la prison de Baie-Mahault, par exemple, il existe un SMPR qui offre une potentialité de quatre-vingts places, mais il ne fonctionne pas, faute de moyens.

Mais, au-delà de la situation des seules prisons, c’est plus largement l’absence de soutien à la psychiatrie dans notre pays qui est en cause. Il n’est dès lors pas étonnant de voir la souffrance mentale s’exprimer dans la rue, avant de conduire en prison le malade devenu délinquant.

Comment peut-on inverser la tendance actuelle ? Comment permettre une amélioration sensible et rapide du bulletin de santé de la .population carcérale ? Tel devrait être à mon sens l’un des enjeux de ce projet de loi.

En premier lieu, il faut se donner les moyens d’appliquer la loi de 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale – c’est un conseil que je vous donne. Il faut ensuite se féliciter des travaux du Sénat, qui ont enrichi cet article en y inscrivant de nouveaux droits et de nouvelles garanties. Les établissements pénitentiaires doivent désormais prendre en considération l’état psychologique des détenus, favoriser la prévention et l’éducation sanitaires, ou encore assurer les conditions d’hygiène propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques – un détenu malade de la prostate peut attendre une semaine et demie que l’on change son sachet, qui devrait l’être tous les deux jours !

Mais nous pouvons faire encore mieux ; à cette fin, nous devons entreprendre un travail plus approfondi, en nous inspirant des règles pénitentiaires européennes. Les prisons françaises ne peuvent plus être des zones de non-droit ; les personnes incarcérées jouissent comme chaque Français d’un droit d’accès aux soins et, plus généralement, à la santé. Il n’est plus temps de rappeler cette règle, madame le garde des sceaux, mais bien de la respecter.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je sais, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que nous partageons à bien des égards les mêmes objectifs : donner aux détenus tous les moyens d’insertion ou de réinsertion dans la vie sociale. Même si nous ne sommes pas sûrs d’y parvenir dans tous les cas, il nous faut mettre à leur disposition toutes les armes. Nous avons ainsi parlé de l’activité ; en la matière, notre objectif est le même, bien que nous divergions quelque peu quant à la charge de la preuve.

Une exigence particulière nous anime s’agissant de la première de ces armes : l’état de santé. Elle découle bien évidemment du fait que la population concernée est plus fragile et vulnérable que la population générale. Sans rappeler les pourcentages de pathologies rencontrées en milieu carcéral, je veux simplement dire à notre collègue qui se demandait « par rapport à quoi ? » que ces pourcentages sont exprimés par rapport à la population générale…

Mme George Pau-Langevin. Évidemment !

Mme Michèle Delaunay. …, où les proportions sont naturellement bien inférieures. L’épidémiologie médicale est une science assez précise et exacte : vous pouvez vous y fier !

C’est également en milieu carcéral que l’on rencontre encore, malheureusement, des pathologies que l’on qualifie – curieusement peut-être – d’historiques. Nombre de nos collègues consultants ou médecins des prisons, en particulier en dermatologie, nous confient qu’ils n’auraient pas cru pouvoir être encore confrontés à ces pathologies. Cela donne la mesure de notre exigence de remettre ces détenus sur pied.

Je me permets de signaler à votre attention le rapport de l’académie de médecine sur la santé en prison, que je n’ai pas entendu citer. Je puis vous garantir sous le sceau du serment que l’académie de médecine n’est pas un repaire de dangereux gauchistes !

M. Gérard Bapt. On l’avait remarqué ! (Sourires.)

Mme Michèle Delaunay. Je n’en doute pas ! Et je ne doute pas davantage que le rapporteur ait lu avec intérêt ce rapport, qui montre l’ampleur de la tâche qui nous incombe. Mais nous vous donnons quitus, ainsi qu’à l’administration pénitentiaire et au personnel hospitalier, pour tenter par tous les moyens de remédier à cette situation. Soyez assurés que nos amendements n’ont d’autre objectif que de vous y aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Quelques mots seulement sur cette section 5, intitulée « De la santé ». je veux dire à nos collègues de l’opposition que nous partageons entièrement leurs préoccupations : c’est là un aspect essentiel du projet de loi pénitentiaire. Je suis certain que M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux le confirmeront tout à l’heure.

Qu’a-t-il été fait en la matière depuis trente ans ? La loi de 1994, que vous avez citée, a été votée par la majorité actuelle ; je crois très franchement qu’elle représentait un progrès dans la prise en considération et l’accès aux soins des détenus, problèmes auxquels elle a apporté une réponse tout à fait concrète.

M. Jacques Alain Bénisti. Heureusement qu’on est là !

M. Michel Hunault. Cette loi a aujourd’hui quinze ans. Madame Delaunay, vous avez eu raison de rappeler l’évolution des pathologies – on connaît vos compétences en la matière. La santé dans les prisons françaises constitue un véritable problème. Mais, grâce au compromis auquel nous sommes parvenus après le vote du texte au Sénat et les amendements examinés en commission des lois, vos préoccupations – légitimes – s’expriment dans les différents articles de cette section 5.

La véritable question – je vous la pose –, c’est celle des moyens. Car, si l’on se contente d’énoncer dans cet hémicycle des principes qui font l’objet d’un consensus (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), à quoi aboutira-t-on ? Je vous rappelle que lorsqu’il s’agit d’examiner les crédits de la justice, de l’administration pénitentiaire ou du budget de la santé (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous n’en votez aucun ! Puisque nous sommes unanimes quant au constat et aux préoccupations, joignez-vous donc à nous pour voter les crédits qui permettront de relever ce défi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Mes chers collègues, madame la ministre, je souhaite consacrer cette brève intervention à la question des soins psychiatriques en prison.

La charge émotionnelle est à son comble dans l’opinion s’agissant des crimes attribués à des personnes souffrant de troubles psychiatriques. L’appel simpliste à l’enfermement définitif, y compris à titre de précaution, relève d’un réflexe populiste, hélas trop souvent exploité à des fins politiques ou sécuritaires. Or des études épidémiologiques menées aux États-Unis, et portant sur de nombreuses années et sur des cohortes importantes, ont montré que les auteurs de crimes de sang étaient moins nombreux parmi les malades schizophrènes que dans la moyenne de la population.

Reste que l’émotion suscitée par les victimes incite à un enfermement trop souvent systématique, certes fondé sur des expertises psychiatriques, mais qui sont elles-mêmes aléatoires et éminemment faillibles, dans un sens comme dans l’autre. La pression exercée par l’opinion encourage une attitude de précaution qui se nourrit – c’est un drame ! – des insuffisances de la prise en charge et du suivi du malade à la sortie, lesquelles résultent des lacunes majeures de l’organisation des soins en matière de santé mentale.

Paradoxalement, l’amélioration de la prise en charge psychiatrique des personnes détenues – grâce notamment à la loi de 1994, mes chers collègues – pousse à prolonger l’enfermement. Car, s’il reste beaucoup à faire en matière de soins psychiatriques en milieu carcéral, le problème de la continuité des soins se pose de manière particulièrement aiguë à la sortie, s’agissant d’un malade devenu ambulatoire. Ainsi, l’insuffisance de l’organisation des soins en matière de santé mentale légitime en quelque sorte le maintien de l’enfermement.

Selon le rapporteur, page 233 du rapport, « il convient de ne pas oublier qu’un établissement pénitentiaire n’est pas un hôpital ». Certes ; mais la loi de 1994 avait aussi pour ambition d’intégrer les personnes détenues au système général de santé. Elle suppose notamment de prendre pleinement en considération la question du suicide, sept fois plus fréquent chez les détenus que dans la population générale, où il est pourtant plus répandu en France que dans les autres pays européens. C’est là une priorité de la loi de santé publique de 2004. La loi implique également la promotion des actions de prévention et d’éducation à la santé, notamment en matière de lutte contre les addictions.

Il est du reste regrettable que, dans l’organisation de nos débats, le texte n’ait pas été soumis, au moins pour avis, à la commission des affaires sociales, compétente en matière de santé. Car il faut agir pour remédier à cette situation consternante : un détenu sur trois avait déjà consulté pour raisons psychiatriques avant d’être incarcéré.

La réorganisation de notre dispositif territorial en matière de santé mentale est également essentielle pour que les mesures de suivi permettent aux stratégies de prévention et de réhabilitation de prendre le pas sur les stratégies d’enfermement, qui constituent des échecs sociétaux majeurs. Ce sera l’une des préoccupations de notre groupe à l’occasion de l’examen de la loi sur la santé mentale annoncée par Mme la ministre de la santé.

M. le président. Nous en venons à la discussion des amendements.

Je suis saisi d’un amendement n° 430.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cet amendement tire les conséquences de mon intervention avant l’article 20, qui portait sur l’ensemble de la section consacrée à la santé, laquelle s’étend de l’article 20 à l’article 24.

Il propose de réécrire l’article afin de le rendre conforme au code de santé, applicable au sein de nos prisons, et de réserver une place particulière aux questions de santé en prison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. En réponse à toutes les interventions, je souhaite formuler une remarque générale et faire une mise au point sur un sujet essentiel : la santé tant physique que psychique des détenus. Ce vaste sujet est très délicat, nous le savons tous pour y avoir tous travaillé.

Mais, puisque vous ne cessez de critiquer le texte – c’est votre rôle, certes –, négligeant les avancées considérables qu’il contient, je commencerai par rappeler quelques-uns de ses apports essentiels. Ainsi, l’article 20 A rend l’administration pénitentiaire responsable du respect du droit au secret médical ; l’article 20 indique clairement que « la prise en charge de la santé des personnes détenues est assurée par le service public hospitalier dans les conditions prévues par le code de la santé publique », et que « la qualité et la continuité des soins », monsieur Mamère, « sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population ». C’est également essentiel.

Je tiens à apporter une précision : s’il est naturellement primordial de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la santé tant physique que psychique des détenus, la prison n’est pas un hôpital. Pour autant, il faut faire en sorte que les détenus soient soignés dans des conditions équivalentes à celles qui s’appliquent à toute la population. Un détenu doit être soigné comme n’importe quel autre citoyen ; la loi en dispose ainsi.

Voilà du reste pourquoi la loi impose désormais aux directeurs des agences régionales de santé et aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires la signature d’un protocole définissant les modalités d’intervention des équipes d’urgentistes dans les établissements pénitentiaires.

Il est également spécifié que l’état psychologique des détenues est pris en considération. En outre, l’article 20 bis A – nouveau – impose une prise en charge sanitaire adaptée des femmes détenues.

Surtout, Étienne Blanc, à la suite de son rapport sur l’exécution des décisions pénales,…

M. Jacques Alain Bénisti et M. Guy Geoffroy. Excellent rapport !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. …– excellent rapport en effet – a permis d’introduire dans le projet de loi les articles 22 quinquies et 22 sexies nouveaux, qui définissent la compétence des agences régionales de santé pour l’offre de soins en milieu pénitentiaire et rendent obligatoire la définition de cette offre de soins dans les schémas régionaux d’organisation des soins. Cette prise en compte a permis un progrès très significatif.

Quant à la psychiatrie, il est bien évident qu’elle fait partie de l’offre de soins que je viens d’évoquer et qu’elle est inscrite, à ce titre, dans les SROS. Nous y reviendrons.

Avis défavorable sur l’amendement n° 430.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. S’agissant des questions de santé en prison, un premier tournant s’est opéré en 1994, qui nous a donné de l’avance grâce à la décision de confier la santé des personnes détenues au secteur public hospitalier, mesure qui n’était évidente ni à prendre ni à mettre en œuvre. Tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’elle a permis un progrès important.

Aujourd’hui, avec ce texte, et avec ces articles en particulier, nous franchissons une nouvelle étape extrêmement importante puisque, sur l’ensemble de ces questions, nous nous mettons en conformité avec toute une série de règles pénitentiaires européennes. Qu’il s’agisse des services de santé et de médecine en prison, de compatibilité des politiques de santé, d’équivalences, de dépistage, d’urgences, de visites entrantes, de visites sortantes ou de certains aspects des soins psychiatriques, les articles 40 à 47 et les articles auxquels le rapporteur faisait allusion nous permettent de progresser.

Il s’agit d’un domaine partagé avec le ministère de la santé, comme Mme la garde des sceaux a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, en commission et en séance. Plusieurs réunions de travail se sont tenues avec les services de Mme Bachelot, sur la base de perspectives que nous nous sommes données ensemble pour progresser.

En ce qui concerne la psychiatrie, nous sommes tous bien conscients que nous avons des progrès concrets à accomplir. Au moins savons-nous comment les faire. Les unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, comptent 700 places réparties sur quatorze sites en métropole et trois en outre-mer, et des ouvertures sont prévues à Lyon et à Rennes. Il s’agira de renforcer encore ces possibilités pour accroître les moyens mis en œuvre, même si, nous le savons bien, toutes les solutions à apporter ne se résument pas à ces unités. Les progrès en ce domaine ne relèvent pas forcément de la loi mais reposent sur le cadre amélioré qu’elle vise à établir.

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, dont le rapport a été cité plusieurs fois par nos collègues.

M. Étienne Blanc. Dans ce rapport, adopté à l’unanimité par la commission des lois, nous avons souligné l’existence de différences extrêmement importantes entre établissements pénitentiaires quant à l’ampleur des soins prodigués par les UHSA ou les SMPR, disparités gigantesques à lier à la diversité même de la communauté hospitalière. À cet égard, j’aimerais souligner la spécificité du métier de médecin hospitalier en milieu carcéral : il repose sur un engagement fort et une vocation personnelle, car les patients ne sont pas les mêmes que dans la société civile.

Pour remédier à ce problème, nous avons fait plusieurs propositions. Sur la vingtaine de schémas régionaux d’organisation sanitaire, seuls quatre ou cinq ont prévu un volet dédié à la santé en prison. À travers les amendements à l’origine des articles 22 quinquies et 22 sexies – je remercie le rapporteur et le Gouvernement de l’oreille attentive qu’ils ont bien voulu prêter à ces propositions –, nous avons voulu modifier le code de santé publique de manière à contraindre les agences régionales de santé et leurs directeurs à inclure dans les SROS un volet relatif à la santé publique en prison. Nous voulons ainsi attirer l’attention de la communauté hospitalière sur ce sujet, afin qu’elle reconnaisse la spécificité du travail des médecins intervenant dans ce secteur extrêmement sensible, humainement très difficile, et tenter d’aboutir à une certaine uniformité en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 430 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 432.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cet amendement important met l’accent sur les limites de l’action sanitaire en prison et de la protection de la santé des détenus. Dans la plupart des établissements pénitentiaires, la journée se termine vers dix-sept heures. Que se passe-t-il donc entre dix-sept heures et six heures, le lendemain matin ? D’après ce que l’on m’a rapporté au centre de détention de Salon-de-Provence, en l’absence de médecins, les personnes malades ou ayant des tendances suicidaires sont bourrées de somnifères – je vous renvoie à ce que j’ai raconté tout à l’heure. Le manque de personnel médical empêche ainsi tout suivi.

Manifestement, notre pays ne s’est pas doté des moyens nécessaires pour que la prison soit un endroit où les droits des personnes sont respectés, y compris le droit à la santé, et non pas un simple lieu d’expiation.

Les arguments présentés par M. le rapporteur ne nous convainquent pas. En matière de santé, l’administration pénitentiaire se décharge de ses responsabilités. Le premier alinéa de l’article 20 lui permet de garder bonne conscience et de faire croire que le code de la santé publique est respecté. Or, je le répète, depuis la loi de 1994, il existe un grand différentiel entre ce qui se passe à l’extérieur et ce qui se passe à l’intérieur en matière l’application du code de la santé publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Manifestement, monsieur Mamère, nous ne nous comprenons pas. Je me demande même si vous nous écoutez.

M. Noël Mamère. C’est bizarre, je me pose exactement la même question à propos de vous !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Comment pouvez-vous faire une telle description de la santé en détention ?

Je rappelle qu’un protocole d’intervention sera signé par les agences régionales de santé et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires afin de mettre en place un dispositif permettant aux équipes d’urgentistes d’intervenir dans les établissements pénitentiaires pour répondre aux besoins des détenus en dehors des horaires que vous avez évoqués et au moment où il le faudra. Cela est clairement indiqué dans la loi.

Je vous renvoie aussi aux excellentes observations de notre collègue Étienne Blanc sur l’inscription dans les SROS de l’offre de soins en détention.

Ces progrès sont incontestables, et il faudrait en finir avec cette vision rétrograde. Il peut toujours y avoir des cas particuliers. Reste que la loi permettra de faire de très sérieuses avancées en matière de droits à la santé des détenus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. J’aimerais avoir une précision sur ce que recouvre le terme d’« équipe urgentiste » ? S’agit-il seulement des équipes de secours du 15 ou incluez-vous dans le dispositif la permanence des soins assurée par les médecins libéraux ?

Lors de ma visite à la maison d’arrêt de Seysses, dans la banlieue toulousaine, le personnel pénitentiaire m’a fait part des problèmes qu’il rencontrait la nuit, dans la mesure où les médecins libéraux assurant la permanence des soins refusent d’entrer dans l’établissement – et cette remarque n’a rien de polémique. L’administration est contrainte de faire appel au 15, alors que, la plupart du temps, il s’agit de cas qui, bien que douloureux – colites, gastro-entérites –, ne nécessitent pas que l’on se rende aux urgences, et de mobiliser du personnel pénitentiaire pour accompagner à l’hôpital le détenu souffrant d’une pathologie aiguë.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Le protocole dont je viens de parler définira les modalités d’intervention des équipes médicales amenées à intervenir dans les établissements pénitentiaires. Cela ne relève pas du domaine de la loi.

(L’amendement n° 432 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 105.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de revenir sur ces questions qui ne sont pas aussi simples que vous voulez bien le dire.

Les ARS, créées par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » du printemps dernier, ne sont pas tout à fait au point et il risque de se passer un certain temps avant que le protocole ne soit définitivement mis en place. Nous espérons toutefois que ce délai soit le plus court possible et que ce dispositif constituera l’une des priorités du Gouvernement. Nous pourrions d’ailleurs profiter de l’occasion offerte par ce débat pour demander que chaque ARS soit dotée d’un conseiller spécial pour la santé pénitentiaire afin d’éclairer les agences qui vont avoir fort à faire – je précède peut-être Étienne Blanc dans la formulation de ce vœu.

Les problèmes qui se posent aux petits établissements la nuit demeurent. Le système actuel des rondiers, qui doivent aller chercher la clef chez les gradés, fait perdre un temps précieux pour réagir aux urgences médicales ou aux tentatives de suicide. Je ne détaillerai pas le nombre de cas médicaux où l’intervention doit avoir lieu en l’espace de quelques minutes, voire de quelques secondes, mais j’aimerais que vous répondiez à certaines questions pratiques. Par exemple, est-il prévu d’installer des défibrillateurs comme nous l’avons fait à l’Assemblée nationale à la suite d’un épisode dramatique qui nous a tous traumatisés ? Si oui, quelle formation sera donnée aux personnels ? Certes, cela ne relève peut-être pas du domaine de la loi, mais il est important d’y penser.

L’amendement n° 105 vise à affirmer que l’on ne peut opposer les exigences liées à la sécurité et à l’organisation des services pénitentiaires à la nécessité des soins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Avis défavorable.

La continuité des soins est garantie par l’article 20, dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population. Les établissements pénitentiaires disposent de matériels médicaux, notamment de défibrillateurs, mais on ne peut pas les transformer en hôpitaux. Comme le précise l’article 20, la qualité et la continuité des soins doivent être garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population. Tout ce qui a été dit jusqu’à présent montre bien quels efforts sont réalisés pour répondre aux besoins de santé physique et mentale des détenus.

La commission est défavorable à cet amendement.

(L’amendement n° 105, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 158.

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Je me réjouis que le rapport de la Délégation aux droits des femmes ait permis de prendre en compte les problèmes spécifiques de santé que peuvent rencontrer les femmes détenues.

Deux catégories de détenues posent des problèmes qui nécessitent des vacations spécifiques. Les premières sont les femmes enceintes. Le médiateur de la République, M. Delevoye, s’est demandé si la loi pénitentiaire ne devait pas aborder cette question, considérant que le suivi médical actuel n’était pas toujours optimal et que les détenues enceintes nécessitaient, dans l’accompagnement des soins, une pédagogie et un personnel médical plus adaptés.

La seconde catégorie, très fragile, est celle des jeunes filles. Trop souvent, elles sont dépourvues d’éducation sanitaire et, à la suite de leur arrivée dans l’établissement, leur santé subit une très forte dégradation. On nous rapporte que nombre d’entre elles se négligent et se mettent à grossir, ce qu’il faut surveiller.

Il serait nécessaire que des spécialistes leur délivrent, sur certains sujets, une information qui leur sera utile toute leur vie, par exemple sur les jeunes enfants, mais aussi sur la sexualité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Madame Crozon, je comprends les motivations de votre amendement. Toutefois, il n’appartient pas à la loi pénitentiaire de veiller à l’organisation du service public hospitalier, qui dépend du schéma d’organisation des soins.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je partage les préoccupations de Mme Crozon sur le fond. Toutefois, ce sujet ne relève pas de la loi.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Je souhaiterais insister sur deux spécialités : l’ophtalmologie et la médecine dentaire. Elles offrent le type de soins que se refusent les personnes qui subissent la précarité sociale, car il n’y a pas d’urgence en soi et les restes à charge sont très importants.

Puisque nous sommes tous d’accord pour faire en sorte que la prison aide les détenus à se réinsérer, nous ne pouvons demeurer indifférents au fait qu’une personne n’ait pas les moyens d’acheter une paire de lunettes ou de se faire soigner les dents afin d’avoir un bon aspect physique lors d’un entretien d’embauche.

(L’amendement n° 158 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 159.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Défendu !

(L’amendement n° 159, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 592.

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Mme Jeanny Marc. Cet amendement est défendu.

Je signale toutefois une erreur matérielle : il faut lire « alinéa 3 » au lieu de « alinéa 4 ».

(L’amendement n° 592, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 160.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Défendu !

(L’amendement n° 160, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 20 est adopté.)

Après l’article 20

M. le président. L’amendement n° 539, portant article additionnel après l’article 20, est défendu.

(L’amendement n° 539, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 495.

La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Alors que nous venons de clore le chapitre sur la santé, je veux dire à M. le rapporteur, qui a renvoyé les dispositions que nous avons proposées à un protocole et au ministère de la santé, qu’il est très dommage que Mme Bachelot, ministre de la santé, n’ai pas été présente pour cette partie de la discussion.

Madame la garde des sceaux, lorsque j’ai occupé vos fonctions, Bernard Kouchner, alors ministre de la santé, était à mes côtés pour répondre aux questions des députés relatives à la santé des détenus en prison. Il est dommage qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui. J’ajoute que nous avions commandé à M. Pradier un rapport sur les questions de santé, que vous avez certainement lu.

J’en viens à l’amendement n° 495 qui concerne l’hygiène, question qui relève exclusivement de l’administration pénitentiaire et du ministère de la justice. Nous proposons de renforcer les prescriptions en matière d’hygiène et, notamment, de garantir aux détenus un accès quotidien aux douches.

En prison, l’accès quotidien aux douches est un problème lancinant, et pas seulement dans les établissements vétustes, où l’état des douches en fait de véritables coupe-gorge et où les cas de violences sont encore plus nombreux qu’ailleurs, mais aussi dans les établissements récents touchés par la surpopulation carcérale.

À Lyon, les anciennes prisons Saint-Paul, qui étaient parmi les plus immondes que nous ayons en métropole, ont fermé au mois de mai ou juin dernier. Trois mois plus tard, la nouvelle prison de Lyon accueille 300 personnes de plus que le nombre de places disponibles. Il y a donc également un problème d’hygiène dans les prisons les plus récentes. Il est pourtant important qu’un détenu sache que rien ne l’empêche d’être propre ; il y va de sa dignité.

La première fois que j’ai visité une prison, ce problème d’hygiène a été l’une des choses qui m’ont le plus choquée. Aussi, j’avais imposé qu’un détenu puisse prendre au moins trois douches par semaine. Dix ans plus tard, on devrait en être à une douche par jour.

Cet amendement impose une obligation de résultats au ministère de la justice et à l’administration pénitentiaire. On ne peut pas attendre vos nouveaux programmes, en 2012, pour résoudre de tels problèmes.

Je signale que les nouveaux programmes de constructions que j’avais lancés après que M. Toubon eut arrêté tout financement du programme de M. Méhaignerie – crédits que j’ai rétablis lorsque je suis arrivée au ministère de la justice – prévoient une douche individuelle par cellule. C’est le cas à la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses.

Outre le problème immobilier se pose celui de la surpopulation carcérale. Nous devons nous poser la question d’une obligation de résultats, en particulier celle du numerus clausus à laquelle il faut se résigner, même si j’ai longtemps été réticente en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Madame Guigou, je comprends parfaitement les raisons qui vous conduisent à proposer cet amendement. Le sujet que vous évoquez est important. Il est certain que des progrès sont à réaliser en matière d’hygiène et d’accès aux douches.

Les DDASS sont obligées de visiter les établissements pénitentiaires et l’IGAS nous a précisé que des contrôles d’hygiène sont organisés dans les établissements pénitentiaires.

Je vous rappelle également que l’article 10 du projet de loi prévoit que l’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. Cette obligation positive me semble avoir une influence sur ce que vous évoquez.

Je sais que l’administration pénitentiaire et le ministère de la justice font tout ce qu’ils peuvent dans le cadre d’un programme immobilier qui a un important retentissement. Ainsi, les trois quarts des 13 200 places décidées dès 2002 existent déjà.

J’émets un avis défavorable à cet amendement, tout en comprenant les raisons pour lesquelles vous le présentez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Madame Guigou, les cellules de la prison de Toulouse ne sont pas les seules à bénéficier d’une douche, et il y en a désormais dans tous les établissements, y compris celui de Lyon. Quel que soit le nombre des détenus – et, même dans les nouveaux établissements, il arrive qu’il y en ait deux par cellule –, il est donc tout à fait envisageable qu’ils puissent prendre une douche chaque jour.

Effectivement, lorsque vous occupiez les fonctions que j’exerce aujourd’hui, vous aviez imposé trois douches par semaine au lieu de deux. Notre ambition est beaucoup plus grande, puisqu’il s’agit de permettre un accès quotidien aux douches, ce qui me paraît tout à fait normal. Toutefois, il existe, dans les établissements anciens, des contraintes dont il faut tenir compte. Cela dit, le plan de construction très ambitieux qui vise à remplacer plus de 11 000 places vétustes par des places nouvelles permettra de réaliser cet objectif. D’ici à la fin de l’année, cinq établissements seront livrés, et neuf l’année prochaine.

Vous reconnaîtrez que ce principe n’a pas à figurer dans la loi. Toutefois, je me réjouis que nous partagions la même volonté sur tous ces bancs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Madame la garde des sceaux, je souhaiterais que vous apportiez des précisions d’ici à la fin de nos débats sur le nombre de places supplémentaires et le nombre de places en rénovation, et que vous fassiez, notamment, le point sur les établissements du programme 13 000 et du programme 11 000. Je l’avoue, ma question n’est pas totalement innocente, puisque certains tracts émanant d’organisations syndicales du personnel pénitentiaire nous annoncent qu’un certain nombre d’établissements seraient regroupés en de gigantesques prisons.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. De mémoire, à quelques dizaines d’unités près, le plan 2002 qui s’achèvera en 2012 représente environ 13 000 places, dont 2 000 correspondent à des fermetures et à des remplacements. Le nouveau plan qui démarre prévoit l’ouverture de 11 000 places pour compenser de futures fermetures et de 5 000 places qui, elles, sont de pures créations, décidées par le Président de la République. Si vous souhaitez les chiffres précis, je vous les communiquerai.

(L’amendement n° 495 n’est pas adopté.)

Article 20 bis A

(L’article 20 bis A est adopté.)

Article 20 bis

M. le président. La commission a supprimé l’article 20 bis.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 346 rectifié, 434 rectifié et 526 rectifié, tendant à le rétablir.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. L’amendement n° 346 rectifié tend à rétablir un article retenu par le Sénat à l’issue d’un long débat, mais malheureusement supprimé par la commission des lois de notre assemblée et qui disposait qu’un acte dénué de lien avec les soins, la préservation de la santé du détenu ou les expertises médicales ne peut être demandé aux médecins et aux personnels intervenant en milieu carcéral.

La question du nécessaire lien de confiance entre le soignant et le patient détenu est ici en jeu. En effet, l’administration pénitentiaire recherche parfois auprès des personnels soignants une caution médicale à des sanctions disciplinaires ou leur demande de participer aux investigations corporelles prévues à l’article 24 du présent projet de loi. Le Sénat et sa commission ont, par des amendements à l’article 24, proposé des garanties en matière d’investigations corporelles. La commission des lois de l’Assemblée les a cependant rejetés au motif que la participation des personnels soignants aux commissions pluridisciplinaires globales ou spéciales, telles que les commissions de prévention des suicides, serait remise en cause. Nous comprenons cette légitime préoccupation, car la pluridisciplinarité des instances au sein des établissements est une avancée majeure, mais, dans ce cadre, l’argument ne tient pas, puisque ces activités relèvent de la mission de soins des personnels visés et sont dans l’intérêt de la santé des détenus dont ils ont la charge.

Ce qui est en question, ici, c’est bien l’interdiction pour les médecins de participer à des missions de sécurité, et la précision apportée à l’article 24 concernant les fouilles corporelles ne suffit pas à englober l’ensemble de ces actes. C’est pourquoi je souhaiterais, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, que vous acceptiez de rétablir cet article afin de restaurer des relations de confiance entre les professionnels de santé et les patients.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 434 rectifié.

M. Noël Mamère. Je me contenterai de compléter l’intervention de M. Braouezec. Il est ici porté atteinte au secret médical qui doit protéger ce que l’on appelle le « protocole singulier » entre le médecin et son patient. Il est vrai que l’administration pénitentiaire a plutôt tendance à écorner ce secret médical, que ce soit au travers du « partage opérationnel d’informations » ou de la « culture du secret partagé ». C’est pourquoi nous souhaitons rétablir la proposition du sénateur Nicolas About : elle est, pour reprendre ses termes, une « condition indispensable pour que ces professionnels » – c’est-à-dire les médecins – « conservent toute leur crédibilité aux yeux des détenus et que des liens de confiance puissent s’établir ».

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 526 rectifié.

M. Serge Blisko. J’adhère totalement aux propos tenus par M. Mamère et M. Braouezec. Il faut respecter la relation de confiance entre le médecin traitant – j’insiste sur ce dernier mot – et le patient détenu. Au-delà de toute considération déontologique, la moindre atteinte à ce principe conduirait le détenu à cacher la vérité à son médecin, de crainte qu’il ne divulgue des informations sur son état de santé. Nous aurions alors complètement manqué notre objectif.

Cela étant, il est vrai que nous devons nous interroger, ce que nous ne manquerons pas de faire ultérieurement, sur le rôle du médecin dans les établissements pénitentiaires, en particulier le médecin non traitant. Nous devrons être suffisamment clairs pour ne pas faire naître d’hostilité entre deux professions appelées à travailler en parallèle dans ces établissements. Le patient détenu en serait la première victime.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Si la commission a supprimé l’article 20 bis, c’est parce qu’il est satisfait par la nouvelle rédaction de l’article 24.

M. Patrick Braouezec. Non, pas tout à fait ! Vous racontez des histoires !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Le sujet est délicat. Les médecins des unités de consultations et de soins ambulatoires – UCSA – qui soignent les détenus refusent de participer à des actions telles que les investigations corporelles internes : ils ne veulent pas d’une confusion des rôles, ce que l’on peut aisément comprendre. À cet égard, la rédaction des amendements et de l’article 20 bis retenue par le Sénat faisait bien la différence et disposait clairement que les médecins des UCSA ne participeraient pas aux investigations corporelles qui pourraient être réalisées sur les détenus.

L’article 24 prévoit, en son alinéa 4, que « les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n’exerçant pas au sein de l’établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l’autorité judiciaire. » C’est pourquoi l’article 20 bis a été supprimé.

Au-delà se pose la question de la pluridisciplinarité qu’il conviendrait de renforcer au sein des établissements pénitentiaires, car il peut parfois s’avérer difficile d’étudier la personnalité du détenu et d’assurer son suivi au sein de l’établissement.

Pour revenir sur ces investigations corporelles, la loi dispose très clairement que les médecins des UCSA n’y prendront pas part, ce qui explique la suppression de l’article 20 bis et mon avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Je suis d’autant plus d’accord avec le rapporteur que l’adoption de ces amendements pourrait fragiliser cette démarche pluridisciplinaire si importante. Nous avons tous pu mesurer sur le terrain la sensibilité des personnels médicaux, chacun étant, à juste titre d’ailleurs, très attaché à sa spécialité, à son domaine d’activité, et au lien particulier qu’il a pu tisser avec le patient. Cela ne les empêche pas d’être conscients de la nécessité de travailler ensemble pour assurer une prise en charge globale de ces personnes. C’est un réel progrès auquel nous sommes parvenus.

De surcroît, une interprétation restrictive de ces amendements pourrait remettre en cause les visites des personnels en quartier disciplinaire.

Il est plus sage, comme l’a démontré le rapporteur, de nous en tenir à l’article 24.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le rapporteur, vous ne m’avez pas écouté. Loin de remettre en cause le bien-fondé de l’article 24, j’ai considéré qu’il ne permettrait pas de répondre à toutes les demandes qui pourraient être faites à des médecins intervenant en milieu carcéral à d’autres fins que la santé du détenu.

La pluridisciplinarité ne doit pas vous faire oublier la déontologie, le respect et le nécessaire lien de confiance entre un médecin et son malade, qu’il soit détenu ou pas. Si vous tenez à renforcer la pluridisciplinarité, que ce soit avec des médecins extérieurs au milieu carcéral. En tout cas, il est impératif que les médecins qui interviennent en établissement pénitentiaire ne participent pas à des opérations qui n’auraient rien à voir avec les soins. Or l’article 24 ne traite que des investigations corporelles. Notre amendement correspond mieux à l’esprit de votre loi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Par la rédaction de votre amendement, vous remettez en cause la pluridisciplinarité. Tout y est figé, catalogué.

M. Patrick Braouezec. Vous n’écoutez pas ce que je dis !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Nous voulons faire l’inverse. Les investigations corporelles étaient le problème majeur de la pluridisciplinarité, mais il est à présent réglé par l’article 24. Pour le reste, je souhaite que le personnel médical soit plus ouvert et puisse participer à certaines actions afin de mieux faire connaître l’évolution des détenus. C’est sur ce point que nous ne nous comprenons pas. Votre conception reste figée.

M. Patrick Braouezec. Non !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Afin de mieux préparer la réinsertion du détenu, il est indispensable de mieux connaître sa personnalité. Le personnel médical est encore assez réticent, mais il doit évoluer, sans pour autant participer à des actions de surveillance ou qui relèveraient du ressort exclusif de l’administration pénitentiaire, telles les investigations corporelles.

M. le président. Au vu de l’importance exceptionnelle du débat, je donne la parole à M. Noël Mamère pour une courte intervention.

M. Noël Mamère. Nous allons nous battre contre le maintien des fouilles corporelles. Vous êtes en train de nous expliquer que vous, vous évoluez, vous êtes dans le mouvement, alors que nous, nous resterions figés et serions donc, d’une certaine manière, réactionnaires.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Plutôt conservateurs, comme le parti socialiste !

M. Noël Mamère. Pour ce qui est du mouvement et de la modernité, je voudrais vous rafraîchir la mémoire, en vous rappelant que vous appartenez à une majorité qui a soutenu une loi sur la prévention de la délinquance visant à transformer les travailleurs sociaux en des sortes d’indicateurs, par suite de la suppression de la confidentialité, qui était absolument nécessaire à leur travail. Vous voulez faire de même avec le secret médical. Nous ne pouvons donc pas vous croire.

(Les amendements identiques nos 346 rectifié, 434 rectifié et 526 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 20 bis demeure supprimé.

Après l’article 20 bis

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 20 bis.

La parole est à M. Serge Blisko, pour présenter les amendements nos 496 et 497, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Serge Blisko. M. le rapporteur soulignait que, entre le contrôleur général et le juge administratif, les contrôles de la situation dans les établissements de détention étaient déjà nombreux. Pour ma part, j’en ajouterai un : celui du médecin inspecteur de santé publique. En effet, à moins de prévoir que le contrôleur général ne dispose d’une équipe plus étoffée, il ne peut traiter certaines questions qui relèvent, entre autres, du secret médical : « Ai-je été bien traité ? », « Ai-je été traité trop tard ? » « Le traitement qui m’a été administré aurait-il été le même si j’avais été en liberté ? », autant de questions qu’un détenu peut se poser. Seul le médecin inspecteur de santé publique – médecin assermenté, le second de la DASS – peut répondre aux questions portant, en particulier, sur des règles d’hygiène et de salubrité, les affaires les plus graves pouvant, effectivement, être portées à la connaissance de l’IGAS.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable. J’ai déjà répondu à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

(Les amendements nos 496 et 497, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 499.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je serai très bref, car nous avons discuté de cet amendement en commission. Il tend à éviter un cafouillis administratif quand un détenu ne peut être hospitalisé à proximité, mais dans une UHSI, qui regroupe, vous le savez, des unités spécialement aménagées pour des actes de chirurgie ou pour des traitements au long cours. Quand il doit, par exemple, suivre un programme de dialyse rénale dans un centre assez éloigné de l’établissement d’origine, il relève alors d’une maison pénitentiaire située à proximité. La situation peut donc être un peu confuse, une adresse différente entraînant de nombreuses difficultés, comme on nous l’a signalé. Une des solutions serait peut-être de le maintenir dans le registre d’écrou de l’établissement pénitentiaire dont il est issu, ce qui permettra en particulier un meilleur suivi administratif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Sans doute, le problème que signale M. Blisko mérite qu’on y réfléchisse, mais cela ne relève pas du domaine de la loi.

Donc, avis défavorable.

(L’amendement n° 499, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 498.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Cet amendement est défendu.

(L’amendement n° 498, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 21

(L’article 21 est adopté.)

Après l’article 21

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 500, portant article additionnel après l’article 21.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Il est défendu.

(L’amendement n° 500, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 22

(L’article 22 est adopté.)

Article 22 bis

M. le président. La commission a supprimé l’article 22 bis.

Je suis saisi d’un amendement n° 347, tendant à le rétablir.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement tend à rétablir une mesure initialement prévue par ce texte et qui nous paraissait de bon sens. Il s’agit donc de rédiger ainsi cet article : « Les traitements médicaux prescrits avant l’incarcération par un médecin généraliste ou un spécialiste sont poursuivis en détention. Leur interruption peut engager la responsabilité de l’administration pénitentiaire. »

Cette proposition permettrait à un détenu de continuer à suivre un traitement prescrit lorsqu’il était encore en liberté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Monsieur Braouezec, comme le prévoient la loi de 1994 et ses décrets d’application, la responsabilité du suivi a été confiée au service public hospitalier. Cela répond donc à votre demande.

(L’amendement n° 347 n’est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 22 bis demeure supprimé.

Après l’article 22 bis

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 22 bis.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 525.

M. Serge Blisko. Il s’agit toujours de la question du maintien du lien avec l’extérieur. Qu’est-ce qui s’oppose, sauf impérieuse raison de sécurité, à ce qu’un détenu reçoive la visite de son médecin traitant, généraliste, dentiste ou psychiatre, donc du professionnel de santé qui le suivait avant sa détention ? Nous souhaitons qu’il y ait le moins de rupture possible. Nous en avons parlé à propos du maintien des relations familiales. Certes, comme l’a souligné Mme la ministre, le service hospitalier prend le relais. Toutefois, il nous paraît quelque peu restrictif de ne pas permettre au médecin traitant de suivre le détenu. Restons dans le domaine des choses possibles : si le détenu se trouve dans sa ville d’origine, le médecin qui le traite depuis plusieurs années devrait pouvoir le rencontrer dans l’établissement pénitentiaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable, cela ne relève pas du domaine de la loi.

(L’amendement n° 525, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 504.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Défendu !

(L’amendement n° 504, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 502.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Cet amendement est satisfait. Avis défavorable.

(L’amendement n° 502, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 512.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Est-il besoin de le défendre ?

(L’amendement n° 512, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 491.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Défendu.

(L’amendement n° 491, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 509, qui est défendu.

(L’amendement n° 509, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 511.

La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Cet amendement tend à insérer l’article suivant : « Il est institué par le ministère de la santé et des sports une évaluation annuelle des conditions de prise en charge psychiatrique des détenus. »

La reconnaissance à toute personne détenue d’un droit à la protection de la santé, en tout point identique à celui consenti à tout citoyen, constitue une évidence qu’il convient toutefois de rappeler.

Je profiterai de cet amendement pour faire état de la situation du service médico-psychiatrique régional de Caen qui a une capacité de quatorze lits. Il a fonctionné de 1998 à 2002. Depuis sept ans, il ne peut plus remplir sa fonction faute de psychiatres. Ce SMPR dispose seulement d’un médecin à plein-temps et de psychologues et infirmiers spécialisés vacataires. Il n’y a donc ni suivi ni permanence de nuit. Aujourd’hui, les détenus en souffrance psychologique sont envoyés pour trois jours à l’hôpital psychiatrique du Bon Sauveur, puis reviennent en détention, quitte à multiplier les allers retours. Cette situation n’est pas acceptable.

En mai 2009, j’avais saisi votre prédécesseur par un courrier à ce sujet, madame la ministre. J’attends toujours une réponse. J’espère que ce débat me permettra d’en obtenir une dans les jours qui viennent. Je vous en remercie par avance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Par cet amendement, vous demandez que soit instituée une évaluation annuelle des conditions de prise en charge psychiatrique des détenus par le ministère de la santé et des sports. Une telle mesure aurait davantage sa place dans une annexe à une loi sur la santé publique. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. La prise en charge est une mission de service public qui fera l’objet d’une évaluation au sein de chaque région sous la responsabilité des agences régionales de santé. De ce point de vue, la présence du directeur de projet au sein du ministère de la santé permettra d’assurer des visites régulières sur l’ensemble des sites. Il y aura donc bien une évaluation des politiques suivies.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je tenais à apporter un complément d’information à ce que vient de préciser notre collègue Laurence Dumont. Ce qu’elle vient de décrire pour la maison d’arrêt de Caen est également valable pour celle d’Amiens, que j’ai eu l’occasion de visiter voici quelques années. On y supprimait alors le lieu collectif du SMPR permettant aux malades atteints de troubles psychiatriques d’échanger avec les personnels, et ce au profit de la construction de nouvelles cellules. Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

(L’amendement n° 511 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 524.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Nous avons souhaité, par cet amendement portant article additionnel, poser de nouveau la question frappante et angoissante de l’augmentation des suicides en prison. Cette recrudescence est inquiétante. Une récente dépêche nous apprend qu’un nouveau suicide est à déplorer à Compiègne. Et il s’agit là, nous le savons, de la face émergée d’un phénomène bien plus grave, car il est heureusement mis fin à de nombreuses tentatives de suicide avant l’issue fatale.

Nous proposons donc une espèce de guide – qui peut d’ailleurs être complété – pour que, au-delà de la formation et de la surveillance, le chef d’établissement sache qu’il peut, lorsque le comportement et l’aspect dépressif d’un détenu l’inquiètent, avertir la proche famille, s’il y en a une, ou les services d’urgence. Je sais parfaitement que l’on ne peut pas toujours tout prévoir. La réponse que Mme la ministre nous a apportée à de nombreuses reprises, à savoir que le meilleur gardien était le « frère », le codétenu, n’est pas satisfaisante. Nous aurions souhaité impliquer davantage l’administration pénitentiaire, les chefs d’établissement et, en particulier, les chefs d’équipe. Les surveillants de base nous ont, en effet, souvent expliqué leur désarroi face aux suicides.

Puisque l’on évoque les suicides en prison, j’ajoute qu’il n’y a pas que les détenus qui se suicident. Les syndicats nous l’ont encore répété, lundi matin, alors que, avec M. le président de l’Assemblée nationale et M. le rapporteur, nous visitions la prison de la Santé. Nous avons trop rapidement participé à une table ronde syndicale où la question du suicide des personnels pénitentiaires sous pression a été à plusieurs reprises évoquée. Il est délicat d’en parler sans examiner tous les cas. Je sais que nous examinons un projet de loi et que notre discussion relève par conséquent du domaine législatif, mais je tenais tout de même à dire combien cette situation nous préoccupe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il est inutile de préciser que la question du suicide est essentielle. Nous en parlerons dans les amendements suivants. Toutefois, votre proposition ne relève pas du domaine de la loi. J’émets, en conséquence, un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Vous n’êtes pas le seul, monsieur Blisko, à vous soucier du problème des suicides en prison et, d’abord, de ceux des détenus, mais il est un peu caricatural de prétendre que, en la matière, je préconise de ne se reposer que sur un codétenu. Vous savez très bien que c’est faux.

J’ai été confrontée à cette situation dès mon arrivée au ministère et j’ai essayé de voir ce qui avait déjà été envisagé par d’autres. Après un travail de réflexion de plusieurs mois, une commission avait fait des propositions : j’ai demandé qu’on les mette en œuvre immédiatement. Elles se trouvent d’ailleurs sur internet, puisque j’ai souhaité que ce rapport soit publié. J’ai ajouté qu’il fallait évidemment aller bien au-delà et avoir une vision beaucoup plus globale.

L’amendement que vous proposez est trop détaillé sur certains points qui ne relèvent pas de la loi et, en même temps, a un champ moins large que les propositions que j’ai l’intention de faire. C’est la raison pour laquelle j’y suis défavorable.

Nous avons les mêmes préoccupations : essayons de rapprocher toutes les capacités de réflexion et d’action, plutôt que de nous opposer de façon stérile.

(L’amendement n° 524 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 507.

Je vous suggère, monsieur Blisko de présenter en même temps l’amendement n° 508.

M. Serge Blisko. C’est une autre façon d’aborder la question. Il ne s’agit plus de proposer des mesures pratiques. Nous demandons tout simplement que, vu la gravité du sujet, soit instituée une commission ad hoc, un comité de suivi de la prévention du suicide en milieu carcéral.

Nous avons détaillé une composition possible, nous sommes évidemment ouverts à toute suggestion pour que ce comité, dans lequel siégeraient des parlementaires, soit à même d’aider l’administration pénitentiaire et le ministère de la justice à faire des propositions utiles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Mme la garde des sceaux nous informera bien sûr de l’évolution de la politique de prévention du suicide.

Le taux des suicides en prison a eu tendance à diminuer fortement au cours des années précédentes, passant de 24 pour 10 000 en 2000 à 15 pour 10 000 en 2007, mais il augmente actuellement de façon préoccupante.

Je vous rappelle que, hier, à l’article 2 quinquies, nous avons confié une mission supplémentaire à l’observatoire, qui devra fournir d’indispensables données statistiques sur le nombre de suicides par établissement.

Pour ces raisons, je suis donc défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. J’ai dit, en annonçant diverses mesures, que je souhaitais une totale transparence sur ce sujet. L’observatoire aura également pour rôle de donner l’ensemble des chiffres.

Dans le prolongement des préconisations du rapport Albrand, dont j’ai décidé la mise en œuvre, j’ai confié une mission au professeur Terra, qui doit faire des propositions très concrètes.

Je ne suis pas forcément favorable à la multiplication des commissions. Une commission, vous le savez, cela prend beaucoup de temps et d’énergie, souvent pour peu de résultats concrets. Cela dit, je suis prête à venir devant la commission des lois quand vous le voudrez, pour faire un bilan et commenter les chiffres qui seront fournis par l’observatoire.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je pense que le professeur Terra pourra également venir. C’est à mon avis une bonne façon d’être efficace et de montrer le rôle particulier et éminent de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Madame la garde des sceaux, je partage votre analyse. C’est un sujet douloureux, que j’ai également eu à affronter, comme ont eu à le faire nos prédécesseurs et comme devront le faire nos successeurs. Il n’est pas facile de lutter contre les suicides en prison, tout le monde est d’accord sur ce point. La mise en œuvre du rapport, c’est très bien. Il contient de bonnes suggestions et nous savons qu’il faut se donner le plus de chances possible de lutter contre les suicides. Ce qui est fondamental, c’est d’arriver par toutes sortes de moyens, et d’abord humains, grâce à une grande variété de personnels, à aider le détenu suicidaire à se restaurer comme acteur de sa propre vie et comme sujet. Cela demande des moyens supplémentaires pour toutes les catégories de personnels qui interviennent en prison. Ils ne sont pas aujourd’hui disponibles. Et, là encore, évidemment, la surpopulation est un obstacle.

Cela dit, j’insiste encore pour défendre l’amendement proposé Serge Blisko. Voilà un sujet sur lequel nous devrions faire un travail en commun et trouver un consensus, parce que, encore une fois, c’est difficile. Pourquoi ne pas accepter ce comité de suivi ? Cela ne ferait perdre de temps à personne. Nous aurions la plus grande transparence possible, le Parlement serait constamment informé, de hauts magistrats seraient impliqués. Je plaide vraiment pour que vous acceptiez cet amendement.

(Les amendements nos 507 et 508, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 520.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 520, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 513.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. J’ai dit, dans la discussion générale, combien il importait de bien dépister les comportements addictifs des détenus. On peut, c’est vrai, continuer à fermer les yeux, partir du principe qu’il n’y a pas de sexualité en prison et qu’aucune substance illicite n’y circule ou qu’aucun produit n’y est utilisé de manière détournée – je pense notamment au mésusage de la buprénorphine haut dosage –, et, dans ce cas, l’on s’en tient à ce que le ministère préconisait il y a quelques années à propos des injecteurs compulsifs, utilisant des seringues venues on ne sait d’où : « Remplir la seringue d’eau courante. Vider la seringue. Effectuer l’opération deux fois. Remplir la seringue d’eau de Javel. Attendre une minute. Vider la seringue. Effectuer l’opération deux fois. Remplir la seringue d’eau courante. Vider la seringue. Effectuer l’opération deux fois. » Vous froncez les sourcils, madame la garde des sceaux, mais c’est bel et bien ce que préconise encore le ministère. Cela veut donc bien dire qu’il y a échange de seringues dans les prisons.

J’insiste encore une fois sur un chiffre : 28 % des détenus condamnés ou prévenus sous traitement de substitution ont fait l’objet d’une primo-prescription. Cela signifie que l’on n’a pas pris le temps de se renseigner en amont lors de la première visite médicale à leur entrée en prison. Il est extrêmement important de faire le bon diagnostic pour prescrire le bon traitement. Et je ne parle pas seulement d’un traitement médical : Un accompagnement psychologique, voire psychiatrique, est également nécessaire. On sait très bien en effet, que, pour le cannabis notamment, un usage abusif et prolongé conduit souvent à la schizophrénie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Au moment de l’incarcération, un bilan de santé des détenus est réalisé. Vous mettez l’accent, madame Lemorton, sur un aspect qui a effectivement de l’importance. Chacun sait que les populations carcérales ont souvent des conduites addictives, consommant de l’alcool ou des stupéfiants.

La commission avait rejeté votre amendement, mais il est bon que l’on mette l’accent sur ce bilan. J’y suis donc favorable à titre personnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Tout détenu bénéficie en effet d’une visite médicale systématique et obligatoire quelques heures après son entrée. Cela dit, cet amendement complète assez bien le dispositif existant en mettant l’accent sur le dépistage d’un certain nombre des problématiques que l’on retrouve malheureusement de façon assez large en prison. Si l’on veut aider les gens à se reconstruire, il faut aussi leur permettre de sortir de la toxicomanie et d’un certain nombre d’addictions.

Je suis donc favorable à cet amendement.

(L’amendement n° 513 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 503.

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Nous souhaitons que s’appliquent en détention les dispositions légales concernant l’interruption volontaire de grossesse, tout en ayant bien conscience des problèmes que cela pose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Les dispositions légales concernant l’interruption volontaire de grossesse s’appliquent évidemment en détention. C’est le droit commun et il est inutile de l’écrire dans la loi pénitentiaire. Cet amendement est satisfait.

Mme Pascale Crozon. Cela va mieux en le disant !

(L’amendement n° 503, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 22 ter A

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, inscrite sur l’article 22 ter A.

Mme George Pau-Langevin. Je me félicite de l’introduction de cet article. Il était important pour la dignité des femmes en détention qu’il soit adopté. Permettez-moi simplement de regretter qu’il ait fallu des faits divers assez dramatiques pour que nous soyons obligés de légiférer sur ce qui aurait dû relever de la simple humanité.

En tout cas, cet article existe et nous devons tous en être fiers.

(L’article 22 ter A est adopté.)

Article 22 ter

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l’article 22 ter.

M. Serge Blisko. Cet article prévoit qu’une visite médicale est obligatoire avant toute libération d’un détenu, quelle que soit la forme de libération.

Vous avez déjà répondu, monsieur le rapporteur, sur la visite médicale à l’entrée, que nous souhaitons la plus complète possible. Un certain nombre de nos amendements ont été refusés de façon extrêmement restrictive au nom de l’article 40. Je souhaiterais que l’on examine la question de près, parce que l’état de santé des détenus mérite tout de même que l’on en fasse un bilan, comme on le fait pour les compétences, la formation ou l’alphabétisation.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 593.

La parole est à Mme Jeanny Marc.

Mme Jeanny Marc. Il est défendu.

(L’amendement n° 593, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 22 ter est adopté.)

Article 22 quater

M. le président. La commission a supprimé l’article 22 quater.

Article 22 quinquies

(L’article 22 quinquies est adopté.)

Article 22 sexies

(L’article 22 sexies est adopté.)

Avant l’article 23

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 602 rectifié et 627.

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l’amendement n° 602 rectifié.

M. Dominique Raimbourg. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 627.

M. Noël Mamère. Il est également défendu.

(Les amendements identiques nos 602 rectifié et 627, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Article 23

M. le président. La commission a maintenu la suppression de l’article 23.

Je suis saisi de deux amendements, nos 529, deuxième rectification, et 435, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune et tendant à rétablir un article 23.

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. L’amendement n° 529, deuxième rectification, peut paraître négligeable, mais ses conséquences psychologiques sont importantes. Il nous a été rapporté que, malgré les efforts de l’administration pénitentiaire, la propriété des biens des détenus ne pouvait leur être garantie lors de transferts réalisés en urgence. Ces objets sont parfois sans grande valeur matérielle, mais ils peuvent avoir une valeur sentimentale, étant de ceux auxquels une personne confinée dans une cellule s’attache. L’amendement prévoit un régime de protection de ces biens.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 435, deuxième rectification.

M. Noël Mamère. Cet amendement complète celui de notre collègue Dominique Raimbourg. Nous considérons que doivent être incluses dans les biens considérés les réalisations intellectuelles, techniques ou artistiques des détenus, qui doivent pouvoir les récupérer à leur sortie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Avis défavorable. De telles mesures relèvent du domaine réglementaire.

(Les amendements nos 529, deuxième rectification, et 435, deuxième rectification, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 23 demeure supprimé.

Après l’article 23

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 556.

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Cet amendement vise à régler une question qui se pose de façon parfois difficile : celle de la gestion des biens du détenu, notamment au moment de son incarcération. Lorsqu’une personne est incarcérée, il faut rendre les clés au propriétaire, faire l’inventaire de l’appartement, déposer les meubles au garde-meuble, amener le chien au chenil, et ainsi de suite. Nous souhaitons inscrire dans la loi la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance de façon qu’il désigne éventuellement un mandataire. En effet, si les proches du détenu sont parfois de bonne volonté, ce n’est pas toujours le cas, et certains profitent même de ces circonstances pour piller les biens de celui qui était leur proche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je comprends bien la préoccupation de M. Raimbourg, et nous avons d’ailleurs essayé de travailler en commission à une nouvelle rédaction, l’amendement initialement présenté ayant été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Mais la procédure de désignation d’un mandataire ad hoc prévue par le présent amendement paraît très lourde ; c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

(L’amendement n° 556, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 24

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 24.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je pense ne pas être le seul à souhaiter intervenir sur l’article 24, l’un des plus importants de ce projet de loi pénitentiaire. Cet article s’arc-boute en effet sur un principe dénoncé par l’Union européenne et la commission nationale consultative des droits de l’homme : les fouilles intégrales, dont nous demandons la suppression.

Je rappelle que la commission nationale consultative avait déjà émis un avis négatif en 2004, qui n’a jamais été suivi. Nous avons beaucoup insisté sur ce sujet en commission auprès de M. le rapporteur. Nous constatons que, si l’article 24 fixe le principe qu’il ne peut y avoir de fouille intégrale lorsque des outils techniques permettent de s’en passer, un de ses alinéas dispose tout de même que ces fouilles pourront être autorisées dans certaines circonstances.

Elles ont pourtant été dénoncées comme humiliantes et dégradantes, et comme ne respectant ni la dignité – un mot qui n’apparaît qu’une seule fois dans ce projet de loi – ni les droits fondamentaux des détenus.

Le respect des droits fondamentaux est certes inscrit dans la loi, mais les dispositions de l’article 24 encadrant la fouille corporelle intégrale ne sont pas de nature à nous rassurer, car elles ne permettront pas d’assurer une protection juridique suffisante du détenu, face à ce qui est une grave atteinte à sa dignité.

Nous faisons appel à la raison et – pourquoi ne pas le dire ? – au sens moral de notre rapporteur et de la majorité : il convient de renoncer à cette pratique, conformément à ce que réclament la CNCDH, le comité européen pour la prévention de la torture, les associations, les organisations non gouvernementales. Si vous maintenez les fouilles intégrales, monsieur le rapporteur, vous ne pourrez pas continuer de proclamer, comme vous l’avez fait tout à l’heure, que vous êtes dans le mouvement et la modernité ; vous ne serez rien d’autre qu’un conservateur, peut-être même un réactionnaire. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je souhaite aborder un point précis, mais je voudrais auparavant réagir à ce que vient de dire M. Mamère.

Nous partageons tous l’indignation du comité pour la prévention de la torture, du commissaire aux droits de l’homme, de la Cour européenne des droits de l’homme, indignation que cette dernière a signifiée à plusieurs États, dont la France.

Mme George Pau-Langevin et M. Jean-Jacques Urvoas. Passez donc à l’acte !

M. Michel Hunault. Or l’alinéa 2 de l’article 24 tel qu’il est rédigé répond à ce souci.

Je voudrais, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion de l’examen de cette section 7, intitulée « De la surveillance », vous faire part d’une réflexion et d’une suggestion.

J’avais, au nom de mon groupe, déposé un amendement concernant la généralisation des caméras de surveillance. Il a été jugé irrecevable. L’installation de ces caméras serait pourtant utile dans ce que j’appelle les « lieux publics de la prison » : couloirs, gymnases ou cours.

Vous avez évoqué tout à l’heure la sécurité des détenus, en rappelant que certains ne voulaient plus quitter leur cellule de peur d’être agressés. Le personnel pénitentiaire est lui aussi concerné. Mon collègue Dominique Raimbourg et moi, nous connaissons bien cette vieille prison de Nantes, dont les jours sont comptés puisque, grâce au plan de modernisation, un autre établissement sera bientôt construit. Dans cette prison, certains couloirs, certaines zones ne font encore l’objet d’aucune surveillance par voie de caméras.

Nous pourrions engager ensemble une réflexion – j’ignore si c’est du domaine de la loi ou du règlement – pour faire en sorte que, dans les programmes de construction de nouvelles prisons, l’installation de caméras soit généralisée sur l’ensemble des « lieux publics de la prison », dans un souci, d’une part, de sécurité du personnel et des détenus, et, d’autre part, d’apaisement du climat dans les prisons françaises.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. L’article 24 est en effet l’un des plus sensibles : nous touchons là à l’humanité. S’il est d’ailleurs un domaine sur lequel nous attendions beaucoup de la loi fondamentale qu’est, paraît-il, ce texte, c’est bien cette question des fouilles : c’était en effet un engagement du Président de la République, qui, lorsqu’il était encore candidat, avait, devant les états généraux de la condition pénitentiaire – grand moment pour l’univers pénitentiaire –, jugé indigne, comme tous ceux qui ont un jour découvert ce sujet, la manière dont nous procédions. En disant cela, je n’incrimine personne : c’est une accumulation de mauvaises pratiques qu’il convient de rectifier.

Comment ne pas dire, pour commencer, mon accord avec le constat fait par le rapporteur dans son rapport ? Je le cite : « un régime qui engendre des critiques fortes et anciennes », « un cadre juridique insuffisant », « d’importantes disparités entre les établissements », « le caractère intrinsèquement humiliant » des fouilles – ce sont d’ailleurs les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Et le rapporteur de conclure sur la nécessité « d’encadrer » ces fouilles.

Le problème, c’est que, une fois dépassé le stade du constat et atteint celui de la préconisation, cela se gâte, parce que ce qui est proposé est bien en deçà de ce que le constat appelle. Comme l’a bien dit Dominique Raimbourg, il s’agit de « droit mou », de droit déclaratoire, non de droit effectif ; l’article 24 nous propose simplement de consacrer l’existant. Nous sommes une fois de plus à droit constant ; c’est l’avis même de la commission nationale consultative des droits de l’homme, dont on conviendra qu’il s’agit d’une institution éminemment respectable et, surtout, pertinente sur ces questions.

Au-delà même de ce que dit la CNCDH, l’article 24 ne nous préserve pas des déjà nombreuses condamnations prononcées contre la France sur cette question de la dignité liée aux fouilles. L’arrêt Frérotdu 12 juin 2007 – que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur –, par lequel la France a été condamnée pour une succession de huit ou neuf fouilles en deux ans, n’est pas exécuté par la proposition que vous nous faites à l’article 24. Avec l’adoption de cet article, les condamnations continueront donc inévitablement.

Par ailleurs, dans sa décision de 1994, le Conseil constitutionnel estime que la sauvegarde de la dignité des personnes humaines contre toute forme d’avilissement et de dégradation est un principe « indérogeable », ce qui signifie, dans la terminologie du Conseil, qu’elle n’a pas à être conciliée avec d’autres principes.

La dignité humaine implique de proscrire les fouilles corporelles, ce que ne fait pas cet article, et ce que proposeront les amendements que nous défendrons dans quelques instants.

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Le sujet a évidemment fait discussion au sein de l’UMP, car nous savons bien que la pratique des fouilles dans les établissements pénitentiaires pose un problème au regard des règles européennes et des principes fondamentaux de notre droit public.

Je voudrais tout de même rappeler que nous ne pouvons évoquer cette question sans tenir compte de ce qui se passe dans nos établissements pénitentiaires. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, il y a eu 1 500 agressions graves contre des agents pénitentiaires en 2008.

M. Jacques Alain Bénisti. Absolument !

M. Étienne Blanc. Il y a eu plus de mille agressions graves – c’est-à-dire des agressions ayant conduit à plus de huit jours d’incapacité de travail – commises par des détenus contre d’autres détenus. La fouille est évidemment indispensable pour lutter contre cela. Elle est consubstantielle au monde carcéral du fait des visites et de la circulation de certains objets, qui constitue, on le sait, un problème dans nos établissements pénitentiaires. Assurer la sécurité des détenus suppose, bien sûr, d’autoriser les fouilles.

À cet égard, l’article qui nous est proposé ne pose pas de problème majeur à notre groupe, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, en effet, aux termes de l’alinéa 1, les fouilles ne peuvent être mises en œuvre que s’il y a nécessité.

Et puis, quitte à apparaître à M. Mamère comme un conservateur ou, pire encore, un réactionnaire – ce qui ne me gêne pas une seconde –, je pense que la fouille intégrale ne peut être absolument interdite. En revanche, il faut qu’elle soit réellement subsidiaire,…

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Étienne Blanc. …et l’alinéa 3 répond à cette exigence : « Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. » Le caractère de subsidiarité ainsi affirmé nous permet de satisfaire aux prescriptions européennes.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. Étienne Blanc. C’est pourquoi nous voterons cet article.

M. Jacques Alain Bénisti et M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. En écoutant M. Blanc, je me disais que si, dans cet hémicycle, l’on était obligé de partager un siège à plusieurs, une telle surpopulation susciterait peut-être quelques impatiences et quelques tentations d’intolérance parmi nous, et un gnon pourrait partir de temps en temps ! On ne peut pas se prévaloir des turpitudes de l’État, qui n’a toujours pas su mettre fin à la surpopulation carcérale, pour justifier que l’on aille crescendo dans la répression d’attitudes qui sont générées par le confinement, par la réduction de l’espace vital, par les conditions de vie extrêmement pénibles des détenus.

L’article 24 pose problème. J’ai dit que la justice était probablement, parmi les domaines régaliens, l’un de ceux où s’affrontent le plus nettement nos visions de l’homme, de son devenir et des conditions de son émancipation, et j’ai noté, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez mal reçu mon observation. Je ne vous fais pas le procès de manquer d’humanité, mais, parce qu’il ne suffit pas de dire que les politiques pénales remplissent les prisons et qu’il faut aussi comprendre ce qui les inspire, je dis que ce sont une défiance et une approche de suspicion systématiques qui inspirent les vôtres. Votre majorité a ainsi cherché à détecter des prédispositions à la délinquance chez les enfants dès la maternelle ; de même, elle est régulièrement tentée d’abaisser l’âge de la majorité pénale. Un tel rapport à l’autre, à l’homme, au citoyen – y compris lorsqu’il devient détenu – est un rapport de défiance et de suspicion.

À cet égard, les fouilles intégrales constituent une humiliation. Nous ne pouvons pas proclamer constamment notre humanisme, au motif qu’il a inspiré quelques articles de loi, si on l’oublie au moment de le mettre en pratique. Il ne suffit pas d’être humain face à celui qui est sage, raisonnable, qui a un emploi et un logement, qui traverse dans les clous et qui respecte les feux rouges… Il s’agit aussi et peut-être surtout d’avoir des gestes d’humanité vis-à-vis de celui qui se trouve en marge de la société, de celui qui a pu vaciller à un moment donné, de celui qui est en situation de vulnérabilité, y compris éventuellement en détention.

Or la fouille est intrinsèquement un geste de déni d’humanité. Il s’agit d’ailleurs de la pratique la plus courante dans les dictatures : lorsque de tels régimes veulent écraser un esprit, ses agents commencent par dénuder l’opposant, le résistant, pour le réduire à sa stricte dimension corporelle. La fouille constitue vraiment une agression insupportable.

M. Jacques Alain Bénisti. Qu’est-ce que vous proposez ?

Mme Christiane Taubira. C’est pourquoi il faut intervenir en ce domaine, non pas en usant de figures de style pour prétendre que cette pratique est subsidiaire, justifiée par des nécessités – que personne ne définit –, liée à la personnalité – dont personne n’établit la typologie. Ce n’est pas avec de telles échappatoires que vous allez réaffirmer votre humanisme, mes chers collègues, mais en reconnaissant que le prisonnier est un homme. Il l’a été avant, il le demeure emprisonné, et il le sera de mieux en mieux après si nous l’accompagnons vers sa sortie.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Je trouve qu’Étienne Blanc a parfaitement répondu aux arguments des opposants au texte…

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Il en a l’habitude ! (Sourires.)

M. Christian Vanneste. …et je suis quelque peu navré par les propos de Mme Taubira.

Mme Pascale Crozon. Qui a été excellente !

M. Christian Vanneste. Non, ma chère collègue, elle n’a pas du tout été excellente. Comme d’habitude, elle a sombré dans la caricature…

M. Noël Mamère. Vous, comme d’habitude, vous faites dans la nuance, monsieur Vanneste !

M. Christian Vanneste. …et fait un rapprochement absolument criminel entre ce qui se passe dans les dictatures et ce qui se passe dans notre démocratie, dont nous devons être fiers.

M. Michel Hunault. Non, on ne le doit pas.

Mme George Pau-Langevin. On n’est pas fiers de tout !

M. Christian Vanneste. L’article 24, que je voterai avec confiance, pose bien le problème et y répond encore mieux. Je le répète : ce problème, c’est la hiérarchie à établir entre la sécurité, une valeur noble, et la surveillance, qui n’est qu’un moyen – quelquefois, c’est vrai, peu recommandable. La surveillance n’est acceptable que par la finalité qu’elle se propose, car surveiller une personne, la contrôler, c’est limiter sa liberté, et quelquefois l’humilier. La surveillance en soi me révulse. On ne peut donc la sauver que si elle vise un but qui lui est supérieur. C’est le cas ici. Si on place des personnes en prison, c’est bien évidemment pour pouvoir contrôler leurs agissements et protéger ainsi leurs victimes passées ou potentielles, mais si l’on surveille à l’intérieur des prisons, c’est pour assurer la sécurité des personnes détenues.

S’agissant de la fouille intégrale, qui peut moralement accepter cette pratique ? Personne parce que c’est la pire des humiliations, sauf à reconnaître que, dans des cas extrêmement limités, c’est le seul moyen d’empêcher qu’arrive dans la prison un produit toxique ou un objet susceptible de mettre en péril la vie des détenus. C’est pourquoi cet article vise à limiter étroitement les fouilles : il faut des circonstances particulières, et des autorités extérieures à l’établissement interviennent dans le processus – le parquet doit donner son autorisation pour les fouilles de cellule, ainsi que pour les investigations corporelles internes, qu’un médecin extérieur est seul habilité à réaliser. J’ajoute qu’elles doivent également répondre à un but précis : mettre fin à une menace déterminée.

Nous devrions donc tous être fiers de la hiérarchie que nous avons établie dans cet article, et ne pas sombrer dans la caricature qui, je le répète, est injurieuse pour notre système. La comparaison de Mme Taubira est scandaleuse car nous devons être fiers de la démocratie et de notre république ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 24.

Je suis saisi de trois amendements, nos 349, 518 et 532, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 349.

M. Patrick Braouezec. Monsieur Vanneste, vous parlez de morale mais, pour vous, il y aurait des impératifs qui lui seraient supérieurs. J’aimerais en être convaincu, mais je ne le suis pas. Il serait d’ailleurs intéressant que vous développiez votre argumentation : quels sont ces impératifs quand il s’agit de simples gardes à vue dans des commissariats de police, ou de délits mineurs, voire seulement de présomption délictuelle ? Je vous rappelle que, dans les cas que je viens de citer, des fouilles sont réalisées. Je souhaiterais que l’on soit plus strict sur ce point, pour que de telles fouilles ne puissent plus avoir lieu.

M. Jacques Alain Bénisti. Ce n’est pas l’objet du texte.

M. Patrick Braouezec. Monsieur Bénisti, à partir du moment où la fouille intégrale, qui remet en cause la dignité humaine, est inscrite dans la loi, il faudrait que le texte soit suffisamment précis pour ne pas laisser libre cours à beaucoup d’interprétations. Or ce n’est pas le cas.

C’est pourquoi notre amendement vise à encadrer les fouilles le plus possible. Il faut que, conformément aux préconisations émises depuis 2004 par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la législation garantisse la sauvegarde du droit au respect de la dignité de chaque homme et de chaque femme, quelle que soit la gravité de l’acte qu’il a pu commettre.

Vous l’avez dit, monsieur Vanneste : il est vrai que la fouille intégrale a un caractère particulièrement avilissant. La CNCDH avait préconisé son interdiction tout en soulignant la nécessité de parvenir au même niveau de sécurité grâce à des moyens de détection modernes garantissant le respect de la dignité de la personne. Aujourd’hui, nous disposons de ces moyens de détection. Ils permettraient de ne plus effectuer de telles fouilles. Je rappelle que cette pratique est à l’origine de plusieurs condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme.

Tel qu’il est rédigé, l’article 24 n’est pas du tout de nature à assurer une protection juridique suffisante face à une mesure gravement attentatoire à la dignité et à l’intimité de la personne humaine. Notre amendement en propose donc une nouvelle rédaction, qui permettrait d’atteindre ce but.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour défendre l’amendement n° 518.

M. Jean-Jacques Urvoas. Notre collègue Étienne Blanc disait qu’il fallait raisonner en partant de ce qui se passe réellement dans les prisons. À cet effet, pour faire mûrir la réflexion de chacun – car nous allons demander un scrutin public sur l’article 24 –, je vais vous lire un texte qui relate ce qui se pratique réellement, à savoir la circulaire du 14 mars 1986,…

M. Guy Geoffroy. C’est la gauche !

M. Jean-Jacques Urvoas. …toujours en application aujourd’hui dans les établissements pénitentiaires. Elle décrit les fouilles intégrales, ce qui inclut une investigation corporelle : « L’agent, après avoir fait éloigner le détenu de ses effets, procède à sa fouille corporelle selon l’ordre suivant :

« Il examine les cheveux de l’intéressé, ses oreilles et éventuellement l’appareil auditif, puis sa bouche en le faisant tousser mais également en lui demandant de lever sa langue et d’enlever, si nécessaire, la prothèse dentaire.

« Il effectue ensuite le contrôle des aisselles en faisant lever et baisser les bras avant d’inspecter les mains en lui demandant d’écarter les doigts.

« L’entrejambe d’un individu pouvant permettre de dissimuler divers objets, il importe que l’agent lui fasse écarter les jambes pour procéder au contrôle.

« Dans les cas précis des recherches d’objet ou de substance prohibés, il pourra être fait obligation au détenu de se pencher et de tousser. Il peut également être fait appel au médecin qui appréciera s’il convient de soumettre l’intéressé à une radiographie ou à un examen médical afin de localiser d’éventuels corps étrangers.

« Il est procédé ensuite à l’examen des pieds du détenu et notamment de la voûte plantaire et des orteils. »

M. Guy Geoffroy. Qui a signé cette circulaire ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Mes chers collègues, si l’un de nous avait subi cela, pourrait-il prôner rationnellement le maintien des fouilles corporelles intégrales dans notre appareil normatif ? Je vous le demande : l’article 24 refonde-t-il ce système dont le Président de la République a dit qu’il n’honorait pas notre pays ?

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour défendre l’amendement n° 532.

Mme George Pau-Langevin. Par moments, il faut aller de l’avant, mes chers collègues. On ne peut pas se réfugier, comme certains, derrière la question : la circulaire vient-elle de la droite ou de la gauche ? Qui l’a signée ? Qui ne l’a pas signée ? Cela n’a aucun intérêt.

M. Guy Geoffroy. C’est tout de même important de le savoir !

Mme George Pau-Langevin. Il vient un moment où il faut s’élever au niveau du sujet. Notre pays ne peut plus se permettre d’admettre encore des procédures aussi dégradantes et aussi humiliantes.

Nous ne pouvons pas rester au milieu du gué, comme vous le faites dans l’article 24 tel qu’il est rédigé. Oui ou non, admettons-nous qu’un homme – même s’il a commis une faute et qu’il est condamné – soit traité de cette manière de nos jours, qu’il soit humilié en permanence parfois plusieurs fois dans une même journée ? Ou allons-nous décider une fois pour toutes de mettre un terme à une procédure humiliante, dégradante, périmée ? Il faut que nous le sachions.

Nous avons été condamnés à diverses reprises – pas seulement pour cela – mais, puisque nous disons volontiers que la France est le pays des droits de l’homme, faisons de temps à autre un geste clair, évident. Décidons que nous allons de l’avant et que, à droite comme à gauche, nous n’acceptons plus qu’un homme, quel qu’il soit, soit traité ainsi.

Vous êtes en train de proposer avec cette procédure une sorte de demi-mesure qui ne peut pas être satisfaisante. Faisons carrément le geste qui s’impose : disons que nous supprimons les fouilles à corps, ou alors encadrons-les de manière extrêmement précise comme le propose l’amendement que nous vous soumettons. Ne restons pas sur une déclaration de principe en renvoyant à des procédures floues qui vont laisser place à l’arbitraire. Quel que soit le bord de l’Assemblée où nous siégeons, nous ne pouvons plus accepter que, dans notre pays, des hommes soient humiliés et dégradés, comme c’est le cas actuellement. Il faut mettre un terme à cela.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je voudrais faire le point sur ces amendements relatifs à un sujet qui passionne – et je comprends bien pourquoi. En premier lieu, je note qu’aucun ne demande la suppression de l’article 24, et donc la suppression des fouilles en tant que telles. Nous comprenons tous, je l’espère, qu’elles sont une nécessité.

Entre des conditions qui seraient humiliantes pour les détenus et une sorte d’angélisme, il faut faire la part des choses. Face à une population qui présente des risques du point de vue de la sécurité, il importe de trouver le juste équilibre. Il faut préserver la sécurité, notamment lors de transfèrements qui comportent des risques d’évasion, des dangers : les établissements pénitentiaires hébergent des gens dangereux, excusez-moi de rappeler cette évidence. Il ne s’agit pas pour autant d’accepter l’arbitraire et les humiliations comme l’affirment certains – mais je ne répondrai pas aux provocations de M. Mamère, auxquelles je suis un peu habitué. Je le répète : nous devons faire la part des choses.

Pour ma part, je considère que l’article 24 tel qu’il est rédigé, suite aux travaux du Sénat et de notre commission, comporte toute une série de garanties. D’abord, je vous ferai observer que les dispositions encadrant les fouilles – notamment les fouilles intégrales et les investigations corporelles internes – sont élevées au niveau législatif. Je rappelle d’autre part que les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation de moyens de détection électroniques sont insuffisantes.

M. Patrick Braouezec. À quoi juge-t-on qu’elles sont insuffisantes ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je crois – je suis même certain – que des efforts sont faits en ce qui concerne les équipements électroniques. Les progrès techniques aidant, ces équipements sont de plus en plus répandus, notamment, bien entendu, dans les nouveaux établissements pénitentiaires. À terme, ils permettront certainement la suppression des fouilles intégrales.

S’agissant de l’accroissement du nombre de caméras dans les lieux collectifs, j’ai bien entendu ce qu’a dit Michel Hunault et je l’informe que le Gouvernement a déposé à ce sujet un amendement n° 630 dont nous débattrons tout à l’heure. Je dis très clairement que les fouilles intégrales n’existeront plus à terme, grâce aux progrès des moyens techniques.

Quant aux investigations corporelles internes, je rappelle qu’elles sont proscrites par la loi, « sauf impératif spécialement motivé ». Nous retombons là dans une discussion que nous avons eue sur les moyens donnés, y compris légaux – je sais bien que M. Mamère n’y croit pas trop – afin de lutter contre tout ce qui peut être humiliant. Le respect de la dignité du détenu, inscrit à l’article 10, emporte une obligation positive à la charge de l’administration pénitentiaire, qui doit le garantir.

Je pense que toutes ces garanties clairement posées à l’article 24 encadrent véritablement les fouilles et notamment les plus sévères d’entre elles, les fouilles intégrales. La commission émet donc un avis défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je voudrais faire quelques remarques complémentaires sur cette question importante. D’abord, nous avons écouté attentivement les interventions liminaires. Sauf à considérer qu’il faut supprimer la détention – je pense à certaines interventions –, la question de la sécurité…

M. Patrick Braouezec et M. Noël Mamère. Personne n’a dit cela !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. À certains moments, j’avais le sentiment qu’il s’agissait de cela. Bon, admettons !

Mme Laurence Dumont. C’est insupportable ! Ce n’est pas parce que vous avez changé de point de vue qu’il faut caricaturer !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Tout de même, nous avons entendu beaucoup de choses sur notre état d’esprit, notre intention. Sans parler des règles européennes qui prévoient de manière précise les fouilles – y compris les fouilles intégrales – et leurs conditions, regardons les différences qui existent entre les pays européens.

Tous prévoient les fouilles – et les fouilles intégrales – pour des raisons de sécurité. Certains en font moins parce qu’ils n’ont pas les mêmes systèmes de parloirs que nous. À ce propos, des parloirs sans séparation physique entre le détenu et sa famille constituent un progrès par rapport aux pratiques du passé ou de certains pays. On ne fouille pas les familles, ce qui peut toutefois faciliter l’introduction d’objets et aller à l’encontre de la sécurité. C’est un élément.

Ensuite, tout comme le rapporteur, vous avez fait allusion à cette piste d’avenir : l’amélioration de la détection électronique. Nous avons déjà commencé à expérimenter en ce domaine, et nous le ferons notamment dans un endroit bien connu, la Souricière. Il faut regarder cela de près, y compris sur le plan technique. La détection électronique intégrale efficace, y compris pour des objets non-métalliques, est une photographie complète, une sorte de mise à nu des personnes. Il faut donc en mesurer tous les aspects.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je pense qu’il faut aller dans cette direction, mais ce n’est pas simple. La technologie reste à préciser, même si nous pouvons nous inspirer de certains pays qui ont pris de l’avance dans ce domaine. De toute façon, cela prendra un certain temps, notamment dans les établissements anciens où l’adaptation ne pourra se faire que très progressivement.

Enfin, le dernier élément de ma réponse porte sur notre manière de travailler en France depuis longtemps. Certes, nous avons été condamnés par l’arrêt Frérot, en 2004. Il s’agissait d’une situation particulière totalement critiquable : une pratique systématique et injustifiée d’un unique établissement. Cela ne s’est pas reproduit depuis.

Je vais vous donner un exemple pour illustrer l’état d’esprit de l’administration pénitentiaire parce qu’à ce propos aussi, j’entends de temps en temps des choses qui me font bondir. L’an dernier, a été rendu un arrêt qui, certes, n’est pas définitif puisqu’il s’agit du rejet d’un référé, mais dont les motivations donnent une bonne indication de ce que sera l’esprit de la décision dans cette affaire El Shennawy. Le Conseil d’État écrit : « Considérant que si les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l’application à un détenu d’un régime de fouilles corporelles intégrales répétées, c’est à la double condition, d’une part, que le recours à ces fouilles intégrales soit justifié, notamment par l’existence de suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses contacts avec des tiers et, d’autre part, qu’elles se déroulent dans des conditions et selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à ces nécessités et ces contraintes. »

Sur ce point, je me bornerai à renvoyer à l’affaire Chanal, du nom de ce détenu qui n’avait pas été fouillé intégralement, qui avait une lame de rasoir sur lui et qui s’est suicidé.

M. Patrice Calméjane. Et voilà !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Ce n’est pas pour rien que l’administration est obligée d’effectuer ces fouilles dans certaines circonstances et de manière répétée. Comme le disait le rapporteur, nous devons revenir à des éléments très concrets. Tout cela n’est pas une raison pour ne pas progresser, nous en sommes tous d’accord et c’est notre état d’esprit. Cela étant, après le rapporteur, je voulais rappeler que les fouilles sont encore une nécessité et nous prenons toutes les précautions pour que la dignité humaine soit respectée, croyez-le bien.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Pour répondre au secrétaire d’État, je voudrais d’abord évoquer un point qui n’a pas encore été abordé dans notre réflexion : quelle est l’efficacité de ces fouilles ? Si elles étaient efficaces, nous ne connaîtrions pas le trafic existant actuellement dans les établissements pénitentiaires.

M. Jacques Alain Bénisti. Il y en aurait beaucoup plus !

M. Nicolas Dhuicq. Avec M. Urvoas, on voit un clivage à l’œuvre !

M. Jean-Jacques Urvoas. Deuxième observation : vous nous parlez des recommandations pénitentiaires européennes, monsieur Bockel. Je connais les textes comme vous. Mais, nous, nous parlons des condamnations rendues contre la France. Si notre texte ne sert pas à éviter de nouvelles condamnations, à quoi sert-il ?

Monsieur le secrétaire d’État, l’arrêt Frérot ne date pas de 2004, mais du 12 juin 2007. De quoi parle-t-il ? Vous le connaissez, vous l’avez lu ! Il porte sur la pratique de neuf fouilles impliquant l’obligation d’ouvrir la bouche, de se pencher et de tousser ! Que dit cet arrêt ? La Cour exige que les inspections anales fréquentes telles que celles auxquelles a été soumis le requérant reposent sur des soupçons concrets et sérieux, et c’est ce qui a motivé la condamnation de la France.

Monsieur le secrétaire d’État, il ne s’agit pas de la dernière condamnation de notre pays, contrairement à ce qu’a aussi écrit le rapporteur, sans doute parce qu’il a été nommé il y a deux ans, sinon il aurait suivi la jurisprudence ! Le 9 juillet 2009, il y a quelques semaines, la France a de nouveau été condamnée dans un arrêt Khider, pour un cas de fouilles corporelles systématiques. Et, si mes informations sont bonnes, au mois de juin dernier, après un premier examen de recevabilité, la Cour a communiqué au Gouvernement la requête d’un détenu qui a subi quatre à huit fouilles corporelles par jour, filmées par les ERIS ! Pensez-vous un instant que la loi que nous votons en ce moment empêchera cette condamnation ? En tant que juriste, je vous le dis : je ne le crois pas !

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Monsieur Urvoas, je vous écoute avec beaucoup d’attention. Puisque vous avez dit qu’il y aurait un vote public à la demande de votre groupe, vous n’allez pas manquer de voter cet article 24 !

Mme Laurence Dumont. Si vous votez pour l’amendement n° 532 !

M. Michel Hunault. En effet, vous dénoncez des choses qui ne seront plus possibles grâce aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 24. Les fouilles intégrales, c’est la réalité ! Me tournant avec amitié vers mon collègue Christian Vanneste, je dis que ces pratiques quotidiennes sont humiliantes.

Pour avoir fait partie de la commission d’enquête parlementaire dite « d’Outreau », je rappelle que treize innocents n’ont dû qu’au fait qu’ils étaient treize l’issue heureuse de cette affaire ! Ce fut une tragédie, et le Président de la République et le garde des sceaux de l’époque sont venus présenter les excuses de la nation pour ces erreurs. On se souvient de l’émotion suscitée par les témoignages de ces personnes innocentes qui ont été fouillées à corps, de manière intégrale, plusieurs fois au cours de leur incarcération. C’est la réalité, il faut la regarder en face !

Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous avez bien fait de vous plier à l’exigence de concilier la sécurité et la surveillance avec l’encadrement auquel invitent les condamnations de l’État français par les instances européennes. Très honnêtement, je crois que nous parvenons à un compromis équilibré.

C’est un vrai sujet, mais quand je vous écoute, monsieur Urvoas, je trouve que vos questionnements et votre raisonnement devraient vous conduire à voter l’article 24, et non à le combattre.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur Hunault, s’agissant du non-respect de la dignité des personnes, aucun compromis n’est possible. À cet égard, notre conception de la dignité et du respect des droits fondamentaux diffère de celle de nos collègues de la majorité. Je ne les accuse ni d’insincérité ni d’une volonté d’humilier les personnes concernées mais, au nom de la politique sécuritaire qui est l’obsession du Gouvernement, ils commettent deux graves erreurs : une erreur morale, au sens politique le plus noble du terme, et, comme l’a justement noté Jean-Jacques Urvoas, une erreur juridique.

Quand il a été question de l’arrêt Frérot et de celui de 2009, M. le secrétaire d’État a dit que la situation de notre pays ne se distinguait pas de celle d’autres, mais il a oublié de citer l’arrêt Valasinas contre la Lituanie, de 2001 : la Cour européenne des droits de l’homme a donc condamné aussi certains de ces États.

Des enquêtes ont été menées par des associations indépendantes, telle l’UFRAMA, l’Union nationale des fédérations régionales des associations de maisons d’accueil de familles et de proches de personnes incarcérées, sur le nombre de fouilles corporelles effectuées sur les détenus : la moitié d’entre eux en subit avant le parloir, et 70 % après les visites de leur famille. Répétons-le donc avec force : loin d’être isolées, ces pratiques sont répétées et quotidiennes. Cela me fait penser – vous ferez ce que vous voulez de cette comparaison – au cas de ces jeunes de banlieue, dont les policiers, afin de les humilier, contrôlent l’identité six ou sept fois par jour. Le problème des fouilles diffère par le degré de gravité, mais il est exactement de la même nature, tant la prison est elle aussi devenue un territoire de non-droit.

C’est pourquoi nous en appelons à votre conscience, chers collègues de la majorité. Ne donnez pas une autorité législative à ce vestige du XIXe siècle qui est aussi une forme de barbarie. La prison est le lieu d’exécution de la peine, et celui dans lequel on prépare la réinsertion. Si vous voulez que les hommes restent des hommes et qu’ils respectent les règles de notre société, vous ne pouvez leur infliger des traitements aussi humiliants et dégradants.

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. On ne peut accepter certains propos. L’article 24, nous le pensons au plus profond de notre conscience, répond, monsieur Urvoas, à toutes les pratiques du passé que vous dénoncez.

J’en cite le premier alinéa : « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. » Il est donc question à la fois de la sécurité du détenu et de celle des codétenus.

« Les fouilles générales », précise l’alinéa 2, « ne sont possibles qu’en cas de présomption d’une infraction et sur autorisation du procureur de la République. » Jamais, dans le passé, un texte n’a été aussi clair quant à la définition des fouilles, à commencer par celles que met en cause l’arrêt Frérot.

« Les fouilles intégrales », est-il écrit à l’alinéa 3, « ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. »

La rédaction de l’alinéa 4 clôt définitivement le débat : « Les investigations corporelles internes sont proscrites »…

M. Jean-Jacques Urvoas. Sauf…

M. Jacques Alain Bénisti. …« sauf impératif spécialement motivé. »

M. Noël Mamère. Et voilà !

M. Jacques Alain Bénisti. L’investigation corporelle est justement motivée par le soupçon d’une tentation suicidaire : c’est pour sauver la vie du détenu qu’il faut le fouiller.

Ces quatre alinéas répondent donc totalement à vos préoccupations, chers collègues de l’opposition. J’ajoute que, de toute façon, vous n’avez aucune alternative concrète à proposer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme George Pau-Langevin. C’est faux !

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 518, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Permettez-moi de revenir sur l’exégèse de M. Bénisti. Y a-t-il une différence entre les « fouilles intégrales » et les « investigations corporelles internes » ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Laquelle ? Et, en admettant qu’il y ait une différence, pourquoi les fouilles intégrales seraient-elles possibles sans un impératif spécialement motivé, puisque la seule raison de cette fouille est que les autres moyens s’avèrent insuffisants ?

Enfin, puisque M. le rapporteur a insisté sur le bon encadrement du système, que penser de la mention : « sauf impératif spécialement motivé » à l’alinéa 4 ? Qui décide de cet impératif ? Et par quoi est-il motivé ? Nos amendements, au moins, encadrent totalement les fouilles, tout en rejetant bien sûr les « investigations corporelles internes ».

M. le président. Les trois amendements en discussion ont déjà fait l’objet de cinq interventions depuis que la commission et le Gouvernement ont donné leur avis ; c’est donc à titre tout à fait exceptionnel, et pour une très courte intervention, monsieur Hunault, que je vous donne la parole.

M. Michel Hunault. Je vous remercie, monsieur le président ; je serai bref.

Monsieur Mamère, vous avez, sur le sujet de la dignité et du respect de la personne humaine, établi une distinction entre les élus de l’opposition et ceux de la majorité. Je vous rassure : cette exigence, notamment dans le cadre du présent texte, nous est commune.

Mme Laurence Dumont. Prouvez-le !

M. Michel Hunault. Chacun, dans cet hémicycle, est dépositaire d’un même idéal et de mêmes valeurs, celles résumées dans la devise de la République. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Permettez-moi par ailleurs de rappeler que je crois avoir, à titre personnel et au nom de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, œuvré à relever la dignité des personnes privées de liberté. Or le texte dont nous débattons me satisfait. Nous pouvons avoir des désaccords, mais acceptez que les élus de la majorité aient la même exigence de dignité que vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 349 n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 518.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 53

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

(L'amendement n° 518 n’est pas adopté.)

(L'amendement n° 532 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 437.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je serai bref, car nous nous sommes déjà largement exprimés sur l’article 24 et les fouilles corporelles.

S’agissant des fouilles des cellules, l’amendement vise à préciser qu’elles auront lieu « dans le respect des biens et de la vie privée des détenus ». Nous défendrons d’ailleurs un autre amendement pour que cette fouille soit réalisée en présence des détenus.

(L'amendement n° 437, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 531.

La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Avant de présenter cet amendement, je veux répondre à M. le rapporteur, qui nous a accusés à tort de dénoncer les fouilles sans en proposer la suppression : s’il avait lu notre amendement n° 518, il aurait vu que celui-ci supprimait de fait l’alinéa 4 de l’article.

Quant à l’amendement n° 531, il porte sur l’alinéa 1 et la définition des fouilles, dont la multiplication, insupportable, est un facteur d’exaspération pour les détenus. Or, dans sa rédaction actuelle, cet alinéa permet tout, puisqu’il ne fait notamment état d’aucune notion de proportionnalité. Le COR, que nous citons si souvent, recommandait ainsi de subordonner les fouilles à des « impératifs de sécurité objectivables », à la grande différence du texte, lequel suggère une présomption d’infraction. Aussi en proposons-nous une nouvelle rédaction en évoquant notamment « l’existence de suspicions ».

Nous proposons par ailleurs d’introduire les principes de « nécessité » et de « proportionnalité ». Enfin, la décision devra être motivée.

Cet amendement, qui s’inspire d’un arrêt du Conseil d’État de novembre 2008, entend définir précisément les raisons pouvant légitimer le recours à une fouille et vise à en encadrer les modalités de mise en œuvre : en la matière, le pire est de laisser libre cours à l’arbitraire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable. L’article 24 présente toutes les garanties nécessaires.

Ne confondons pas tout, mes chers collègues : ce que certains d’entre vous dénoncent, c’est moins le principe de la fouille que ses modalités, quand celles-ci sont attentatoires à la dignité. Or, au risque de me répéter, monsieur Urvoas, je rappelle que ce n’est pas le principe de la fouille que certaines condamnations récentes ont mis en cause, mais précisément ses modalités : lorsque les fouilles sont pratiquées de façon humiliante et portent atteinte à la dignité des détenus, elles sont à juste titre condamnées ; nous sommes tous d’accord sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Même avis. Sur ce sujet si important, nous sommes tous conscients que cet article constitue une amélioration – sans doute insuffisante aux yeux de certains, mais réaliste selon nous. Quoi qu’il en soit, la question des fouilles dans un certain contexte n’est pas nouvelle, et je le dis en toute bienveillance : Mme Lebranchu, alors qu’elle était garde des sceaux, avait signé un avant-projet de loi pénitentiaire – datant donc de quelques années seulement – qui, en matière de fouilles, disposait ceci : « Il peut être procédé à la fouille générale d’un établissement pénitentiaire, à la fouille d’une cellule ou à la fouille corporelle d’un détenu excédant soit une palpation de sécurité, soit la soumission à un dispositif automatique de détection dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » – ce que nous prévoyons aussi. Sachons donc raison garder !

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien !

M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas la même chose !

Mme Laurence Dumont. Nous parlons du premier alinéa ! Vous ne lisez donc pas les amendements ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Madame et monsieur les ministres, vous n’avez pas répondu à ma demande de distinction entre fouille intégrale et investigation corporelle. Je réitère donc ma question : quelle différence y a-t-il ?

Je vous ai aussi posé la question de la motivation. Qui motivera le recours à l’investigation corporelle ?

Enfin, monsieur le ministre, je m’interroge sur votre lecture du projet de loi de Mme Lebranchu qui, d’après ce que j’ai pu entendre, ne mentionnait pas l’investigation corporelle.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Si, il l’inclut !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je vous répondrai volontiers, mais brièvement, car nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises, y compris en commission. Lors de la fouille intégrale, le détenu n’est pas touché : il se déshabille, puis le surveillant procède à la fouille de ses vêtements. Les investigations corporelles, lorsqu’elles sont nécessaires, sont encadrées juridiquement et pratiquées par un médecin.

M. Guy Geoffroy. Et le procureur est impliqué !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Tout à fait. Ce sont donc deux procédures différentes – chacun l’aura compris.

M. Patrick Braouezec. Une personne peut donc être dénudée sans motivation !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Le débat me semble être à la hauteur de l’enjeu. Nous partageons un respect mutuel, une volonté d’approfondir nos arguments et un sens élevé du rôle de la loi.

À ce stade du débat, je souhaite interroger Mme la garde des sceaux. Depuis près d’une heure maintenant, nous débattons de la question des fouilles ; j’ai besoin de vous entendre sur ce sujet. Il va de soi que je respecte profondément M. le secrétaire d’État, mais vous êtes la garde des sceaux, madame. Il ne serait pas inutile que vous nous donniez votre sentiment sur cette question des investigations corporelles et des fouilles intégrales.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère

M. Noël Mamère. Au risque de nous répéter, je poserai la même question à Mme la ministre d’État. Ce n’est pas faire offense à M. le secrétaire d’État, mais la question est importante. Nous l’avons dit : au plan de la morale politique, mais aussi au plan juridique, nous avons besoin d’entendre la garde des sceaux. Elle n’a pas hésité à nous faire l’honneur de répondre à chacune de nos interventions, alors qu’elle aurait tout aussi bien pu rejeter nos amendements sans explication. Sur un sujet tel que celui-ci, nous attendons qu’elle nous éclaire. Il ne s’agit pas de lui demander d’être l’arbitre de nos élégances, mais simplement de nous donner l’avis du Gouvernement, et de nous dire si elle partage les orientations proposées par l’opposition, qui s’efforce d’être constructive.

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Je commencerai par répondre à certains de nos collègues : nous sommes tout à fait conscients de la nécessité d’assurer la sécurité, de même que nous sommes conscients de la violence qui existe dans les prisons, dont il faut se prémunir.

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien !

Mme George Pau-Langevin. Nous sommes également conscients du fait que cet article 24 constitue un pas en avant intéressant.

M. Guy Geoffroy. C’est bien de le dire !

Mme George Pau-Langevin. Cela étant, nous voulons savoir comment seront sanctionnées les fausses allégations. Quelle procédure instaurerez-vous par la loi qui permettra de s’assurer qu’une motivation sérieuse justifie que l’on procède – à titre exceptionnel, nous l’espérons – à ces fouilles intégrales, dont nous répétons qu’elles sont humiliantes et dégradantes, et qu’à ce titre, elles ne peuvent être effectuées sans un motif légitime ? Voilà ce qui manque à l’article 24 !

M. Patrick Braouezec. En effet : l’alinéa 3 n’est pas assez encadré !

M. Jacques Alain Bénisti. Mais le respect de la loi relève du droit commun !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je ne crois pas que quiconque ici ait pu, depuis le début de nos débats, mettre en cause notre souci de respecter la dignité des individus où qu’ils soient, notamment en prison – où nous savons bien qu’il s’agit d’individus souvent fragiles. Je pense aussi que nul ne contestera ici notre obligation de sécurité – à l’égard du détenu contre le risque de suicide, à l’égard des autres détenus contre le risque d’agression, voire à l’égard des personnels. Aujourd’hui même, à Meaux, une fouille a permis de trouver sur un détenu des explosifs et d’autres éléments susceptibles de causer des dégâts importants. Les fouilles sont donc nécessaires.

Pour autant, elles doivent être limitées à la stricte nécessité – et c’est bien ce que prévoit ce texte, qu’il s’agisse des fouilles générales ou individuelles. Or, la stricte nécessité signifie que l’on adapte les moyens mis en œuvre à l’importance de l’enjeu. Pour ma part, je serai claire : je souhaite que les moyens technologiques permettent au plus vite d’éviter les investigations internes, et je souhaite que l’on développe dans les établissements tous les moyens qui permettront d’y parvenir. Il est vrai qu’à ce jour, nous avons besoin d’investigations dans certains domaines tels que la lutte contre le terrorisme, par exemple, même si je n’ai pas encore eu l’occasion de le constater en prison. En effet, tous les matériaux n’apparaissent pas au détecteur : si le métal peut être repéré, d’autres produits destinés au suicide, par exemple, ne le sont pas. Dans ce domaine comme dans d’autres, je pense que les avancées technologiques nous permettront d’améliorer la protection de la dignité des individus. Aujourd’hui, néanmoins, nous constatons un certain nombre de limites dont la loi doit tenir compte.

Je note au passage que l’Europe, même quand elle condamne, ne remet pas en cause cette nécessité ; dans un cas particulier, elle estime simplement que nous sommes allés au-delà de la nécessité, ce qu’elle sanctionne à juste titre, car c’est ainsi que cela doit être fait.

Quoi qu’il en soit, je suis convaincue que le texte, tel qu’il est rédigé, répond à la situation et constitue un grand progrès.

La dernière circulaire, que vous avez citée, date du début de mars 1986 ; or, je vous rappelle que les élections législatives ont eu lieu à la fin de ce même mois. Vous savez donc très bien que cette circulaire a été préparée par quelqu’un dont je suis sûre que personne ne songe à contester le souci de respect de la dignité humaine.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Chacun sait que la rédaction d’une circulaire prend plusieurs mois. Dois-je rappeler que M. Robert Badinter était garde des sceaux à l’époque ? Quant à nous, nous allons améliorer ce qui fut fait alors.

Mme George Pau-Langevin. Cela fait vingt-trois ans !

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Vous avez raison, madame : il y a vingt-trois ans, nous ne disposions pas des moyens technologiques dont nous parlons, et la sensibilité était différente. C’est pourquoi, en conformité avec les règles européennes, nous avons là un texte qui nous permet de poser des principes indispensables, lesquels ouvriront la voie à des sanctions. Vous posiez la question : si ces principes ne sont pas respectés, les règles de droit commun prévoient des sanctions d’ordre général ou professionnel. Nous avons donc là un dispositif équilibré, à l’image de la loi que nous avons souhaitée : une loi permettant à la société de remplir ses missions, une loi dans laquelle nous gardons à l’esprit qu’il faut nous efforcer – tâche ô combien difficile ! – de sortir de prison des hommes et parfois des femmes dignes et capables de participer à la vie de la communauté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(L'amendement n° 531 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 360.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

(L'amendement n° 360, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de 2 amendements, nos 362 et 436 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune, et respectivement défendus par MM. Urvoas et Mamère.

(Les amendements n° 362 et 436 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Sur le vote de l'article 24, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Nous en venons à l’amendement n° 281.

La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Avec cet amendement, nous abordons une partie de l’article qui ne pose pas les mêmes problèmes que ceux qu’ont soulevés les amendements de nos collègues. Lors de ses débats, la commission des lois, suivant la proposition de son rapporteur, a estimé qu’il fallait encadrer par le recours au procureur la décision de fouille dans les cellules. Comme bon nombre de mes collègues, j’ai pensé que cette disposition était bonne, mais cette question des fouilles étant sensible pour chacun d’entre nous, je me suis de nouveau penché sur cet alinéa. À la réflexion, il est sans doute ennuyeux de prévoir un recours systématique au procureur pour obtenir l’autorisation de fouille des cellules. Les chefs d’établissements pénitentiaires sont tout à fait capables de mesurer le besoin éventuel qu’ils ont, dans le cadre des relations habituelles qu’ils entretiennent avec le Parquet, de demander s’il faut ou non se « couvrir » – permettez-moi l’expression – par le biais d’une autorisation émanant de l’autorité judiciaire.

C’est pourquoi je propose cet amendement de suppression du nouvel alinéa 2 – dont je ne doute pas qu’il ne devrait susciter aucune difficulté. En effet, à la lecture attentive de tous les amendements qui nous ont été proposés jusqu’ici sur cet article par nos collègues de tous les bancs, je constate qu’ils ne font à aucun moment référence – notamment lorsqu’ils proposent une réécriture de l’article – à un besoin de recourir à une autorisation du Parquet, du procureur de la République ou, plus largement, de l’autorité judiciaire pour ce qui est de la fouille d’une cellule. Je me permets donc de présenter cet amendement, non pas pour réduire les droits de la personne incarcérée, mais pour faciliter le respect de l’équilibre entre ces droits et la nécessité de garantir la sécurité, dont nous avons beaucoup parlé depuis le début de nos travaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud. Cet amendement a été rejeté par la commission mais, à titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage votre souci, monsieur le député, de s’assurer que les fouilles sont conduites avec mesure – nous l’avons répété tout au long du débat – et en coordination avec l’autorité judiciaire. C’est d’ailleurs la pratique en vigueur aujourd’hui : les fouilles générales sont portées à la connaissance des procureurs qui, très souvent, font procéder en parallèle à des contrôles d’identité aux abords des établissements. Cet équilibre est satisfaisant. Dans les circonstances que nous connaissons – je pense aux évasions…

M. Guy Geoffroy. J’y pensais aussi !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Dans ces circonstances, disais-je, il est préférable de ne pas créer des contraintes supplémentaires telles que les autorisations de fouille par le procureur.

En outre, comme vous l’avez bien compris, il ne faut pas confondre la fouille judiciaire, dont l’objet est de chercher des éléments de preuve dans une procédure d’enquête, et la fouille administrative, qui vise à trouver des objets dangereux.

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Nous avons longuement évoqué ce sujet tout à l’heure. Seul le chef d’établissement peut prendre la décision de la fouille, car il détient tous les éléments nécessaires pour en juger. Il s’agit bien d’une question d’équilibre ; cet amendement peut donc recueillir un avis favorable, comme semble nous le suggérer M. le rapporteur à titre personnel.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Monsieur le président, j’aimerais défendre l’amendement suivant, car si l’Assemblée adopte celui de M. Geoffroy, cet amendement n° 522, qui va dans le sens opposé,…

M. Guy Geoffroy. Pas sur ce sujet !

M. Dominique Raimbourg.…n’aura plus d’objet.

M. le président. Si l’amendement n° 281 est adopté, les amendements suivants, nos 522, 523 et 364 tomberont en effet.

À titre exceptionnel, considérant que vous ne défendez pas réellement votre amendement, mais que vous répondez au Gouvernement, je vous donne la parole, monsieur Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Je serai aussi bref que possible, monsieur le président.

Nous essayons de créer un texte fondateur en matière pénitentiaire. Nous voulons qu’il y ait des droits reconnus, qui soient compatibles avec les exigences de la détention, mais ce dans le respect des détenus.

Nous abordons ici un sujet bien moins dramatique que la question des fouilles corporelles. Néanmoins, si l’intimité est celle de la personne et de son corps, c’est aussi celle de son environnement. C’est en considération de cela que le code de procédure pénale régit avec beaucoup de rigueur les perquisitions. Ici, ce n’est pas le terme de « perquisition » qui est employé, et ce volontairement, de façon à ne pas faire une sorte de copié-collé des règles de la perquisition. C’est néanmoins de la même chose qu’il s’agit : de l’arrivée dans un local où vit quelqu’un, même si ce local n’est qu’une cellule.

Il est nécessaire de trouver un équilibre entre le respect de l’intimité, du lieu clos qu’est la cellule et les impératifs de sécurité. À cette fin, il faut que la « fouille-perquisition » – c’est le terme que je vous propose d’utiliser afin que chacun comprenne bien – ne soit mise en œuvre qu’en cas de présomption de délit, ce qui ne posera guère de difficultés compte tenu de l’existence de différents trafics, lesquels constituent des délits. Je vous propose d’inscrire dans le texte que cette fouille-perquisition ne peut être effectuée qu’après avis d’une autorité judiciaire – à la différence de votre projet où il s’agit du procureur de la République, ce sera, dans l’amendement que je vous soumettrai tout à l’heure si j’en ai la possibilité, le juge des libertés. Je vous propose enfin, pour le parallélisme des formes, de prévoir que cette fouille-perquisition soit faite en présence du détenu, de façon à éviter toute contestation.

Ce sont là des mesures qui paraissent équilibrées et de nature à garantir un minimum d’intimité dans un lieu où tout le monde se plaint d’en manquer.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. J’avoue ne pas très bien saisir la cohérence de la majorité. M. Bénisti a fait tout à l’heure une excellente démonstration. Je ne partage pas totalement son sentiment, mais au moins, il a fait preuve d’une certaine logique en démontrant que les quatre alinéas étaient complémentaires, qu’ils avaient leur logique interne. Si vous supprimez l’alinéa 2, comment pourra-t-on procéder aux fouilles générales puisque votre texte n’en traitera plus ? Je le dis pour vous rendre service : il n’y aura plus de cohérence, mais un vide juridique sur le sujet ! Par conséquent, mieux vaudrait ne pas supprimer cet alinéa.

(L'amendement n° 281 est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 522, 523 et 364 tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 363 rectifié.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.

(L'amendement n° 363 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 439.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

(L'amendement n° 439, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 365.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

(L'amendement n° 365, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 533.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est défendu.

(L'amendement n° 533, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 438.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

(L'amendement n° 438, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 24.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 54

Nombre de suffrages exprimés 54

Majorité absolue 28

(L'article 24, amendé, est adopté.)

M. le président. Après l’intéressante discussion de cet après-midi, je vous propose, pour la clarté de nos débats, de suspendre nos travaux et de les reprendre ce soir.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi pénitentiaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)