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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 9 octobre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Grenelle de l’environnement

Discussion générale (suite)

M. Jean Grellier

Mme Françoise Branget

Mme Christiane Taubira

M. Bernard Reynès

Mme Chantal Robin-Rodrigo

M. Alain Gest

Mme Frédérique Massat

Présidence de M. Marc Laffineur

M. François Grosdidier

Mme Pascale Got

M. Jean Proriol

M. Bernard Lesterlin

Rappel au règlement

M. François Brottes

Reprise de la discussion

Mme Françoise Hostalier

M. Philippe Plisson

M. Bertrand Pancher

M. Guy Geoffroy

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie

Motion de renvoi en commission

M. Yves Cochet

M. Patrick Ollier, président de la commission, M. Serge Poignant, Mme Aurélie Filippetti, M. André Chassaigne, M. Jean Dionis du Séjour, M. Patrick Ollier, président de la commission

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Grenelle de l’environnement

Suite de la discussion
d’un projet de loi de programme

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (nos 955, 1133, 1125).

Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier.

M. Jean Grellier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, mes chers collègues, je limiterai volontairement mon propos à la problématique des déchets.

Celle-ci fait l’objet dans ce projet de loi d’un seul article, l’article 41. Pourtant, le concept de déchets peut se décliner comme une donnée transversale et récurrente des différents thèmes contenus dans ce texte. En effet, il intègre plusieurs problématiques, que ce soit en termes de logement, d’habitat ou de modes de production, de transformation et de commercialisation des produits. Il touche aussi aux domaines du transport et de l’énergie, et conditionne ainsi un certain nombre d’aspects des orientations économiques et industrielles de notre pays.

Il serait donc normal, à mon avis, de se donner une ambition beaucoup plus importante, allant au-delà des seules généralités de l’article 41 tel qu’il nous est soumis. Je rappelle d’ailleurs que, dans ses conclusions, le Conseil économique et social invitait à plus d’ambition en réclamant le dépôt d’un projet de loi spécifiquement consacré à la question des déchets.

Plusieurs objectifs doivent être poursuivis. Il convient de faire de la prévention des déchets une vraie priorité. Elle constitue le meilleur moyen d’éviter les impacts environnementaux tout en diminuant les coûts de gestion. Il convient également d’encourager la coresponsabilité entre acteurs grâce à une régulation publique, afin de renforcer la cohérence de la politique des déchets et d’en améliorer le traitement.

Le terme générique de « déchet » masque une réalité complexe et mal connue. Le code de l’environnement le définit comme « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit (...) abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ».

Le déchet, d’une manière générale, s’intègre donc dans le cycle de vie des différentes activités économiques. Il est ce qui reste d’un produit dont la consommation ne permet pas une complète utilisation. Mais il n’est pas forcément et tout de suite un déchet ultime, dont il faudrait assurer un traitement spécifique. Au contraire, il peut devenir un nouveau produit qui, dans le cadre d’un recyclage, peut s’intégrer dans un processus de fabrication, d’utilisation et de consommation et, à son tour, fournir un nouveau déchet.

Le déchet le plus facile à recycler et à valoriser est précisément celui qui n’a pas été produit. Pour cela, il faut créer les véritables conditions économiques permettant de réduire les déchets à la source et favoriser la valorisation des ressources déjà produites. Il faut mettre en place les conditions concrètes pour permettre la réutilisation des sous-produits de chaque processus de production ou de consommation, pour les réintégrer et éviter leur dégradation en déchets ultimes, en les considérant comme des ressources potentielles.

Ce concept englobe la réduction de déchets en amont par l’éco-conception des produits, le remplacement de la vente de produits par la vente de services ou la location –économie de fonctionnalité –, peu génératrices de déchets, le réemploi et, enfin, le recyclage. Cette organisation est fortement créatrice d’emplois, dont une partie n’est pas délocalisable.

Le rapport entre la mise en décharge et le tri et le recyclage d’un même tonnage est de un à dix en termes d’emplois.

En conséquence, dans l’aboutissement ou la phase terminale de ces différents cycles, il serait nécessaire de prendre en compte, dès le produit initial, la faculté d’utiliser économiquement mais aussi socialement, l’ensemble des activités générées par ces cycles, pour mesurer la capacité sociétale, économique et écologique de le tolérer. Il faut donc que ces cycles soient globalement vertueux.

C’est à ce stade qu’apparaît la nécessité d’une recherche fondamentale en amont de la production, afin de prendre en compte l’ensemble des problématiques qui, en aval du produit initial, sont attachées aux différents cycles qui vont se dérouler.

Dans ce domaine, il y a une action d’envergure à accomplir et à mettre en œuvre, qui concerne de nombreux acteurs des chaînes de production, de transformation, de commercialisation et de consommation, afin d’aboutir à une démarche optimale qui doit s’intégrer alors dans la notion de développement durable.

Mais, en même temps, il y a un fort enjeu économique en termes de valeur ajoutée à des ressources qui peuvent être locales et qui doivent trouver des solutions locales.

Ces démarches doivent être forcément diversifiées, afin de s’adapter aux différents types de déchets.

Les déchets ménagers demandent une implication citoyenne et collective.

Les déchets de l’agriculture, de la construction, du bâtiment et des travaux publics en appellent à la responsabilisation des producteurs, des promoteurs et des entreprises.

Les déchets industriels demandent que soit prise en compte la spécificité de chaque modèle industriel.

Les déchets nucléaires, qui ne sont nullement abordés dans ce projet de loi, représentent pourtant un enjeu important en termes de traitement et d’élimination, voire de réutilisation.

Il y a cependant une constante dans ces différentes catégories de déchets : la nécessité d’en maîtriser les volumes. Cela passe par un contrôle de toute la chaîne et de la durée de vie des déchets.

Cela permettra d’en maîtriser le coût résiduel, qui, actuellement, porte essentiellement sur l’usager, le consommateur et le contribuable, et qu’il faut plus justement répartir. Pour cela, la collectivité publique, à ses différents niveaux de responsabilité, doit mettre en place une réglementation cohérente intégrant les priorités écologiques et environnementales, en lui donnant un caractère incitatif, voire, si nécessaire, contraignant, afin de pouvoir obtenir très rapidement des résultats significatifs.

Après une période active dans les années 1992-2002, à la suite du rapport de la commission Bourrelier, qui avait recommandé une forte relance de la recherche sur les déchets pour accompagner les objectifs de la loi de 1992, la recherche s’est essoufflée.

En outre, la problématique des déchets devrait être intégrée à l’ensemble des programmes de recherche et développement des producteurs, afin de ne pas être cantonnée au seul traitement des produits en fin de vie.

Le cadre très général de ce projet de loi ne me paraît pas répondre à cette urgence. C’est donc un chantier qui reste ouvert et qui demandera une grande mobilisation, mais qui, contrairement aux idées reçues, peut être positif en termes d’enjeu et de développement économique territoriaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Branget.

Mme Françoise Branget. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le formidable engouement qu’a suscité le Grenelle de l’environnement.

Je ne reviendrai pas non plus sur tous les enjeux qui ont été mis en lumière depuis l’été 2007. Ce sont autant de défis qu’il nous faut relever sans plus tarder.

Je souhaite à mon tour m’exprimer sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, et sur lequel j’ai déjà eu l’occasion d’intervenir devant un grand nombre d’entre vous. Il s’agit du développement du transport de fret par la voie fluviale.

Le projet de loi que nous examinons vise à développer le transport combiné, afin d’associer le mode routier à d’autres modes de transport, comme le ferroviaire, le maritime et la navigation intérieure.

Il ne s’agit pas d’opposer les différents modes de transport. Il faut au contraire conjuguer leurs avantages, valoriser leur complémentarité en les coordonnant et en organisant l’intermodalité.

Le « tout routier » est en effet insatisfaisant au regard des enjeux environnementaux et de la sécurité routière. La voie d’eau constitue une alternative crédible, puisqu’un chaland peut transporter l’équivalent de 120 à 150 camions.

Pour favoriser l’intermodalité des transports, je ne mentionnerai que deux orientations prévues dans le texte : le développement des ports français et la réalisation du canal Seine-Nord.

Mme Françoise Hostalier. Très bien !

Mme Françoise Branget. Comme la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, le III de l’article 10 du projet de loi s’inscrit dans le plan de relance des ports français annoncé par le Gouvernement. Il s’agit de développer les ports afin de les rendre plus compétitifs et plus attractifs pour le transport de marchandises.

L’article 10 vise à augmenter les capacités portuaires et à créer « les conditions d’une desserte terrestre efficace des grands ports français par les modes de transport massifiés, ferroviaire et fluvial. »

Les grands ports maritimes sont des lieux naturels de massification des trafics de marchandises. Ils devront jouer un rôle central dans le déploiement de la politique de report intermodal.

En outre, la mise en relation du bassin de la Seine avec le réseau européen à grand gabarit permettra un accès unique en Europe à sept ports majeurs.

Non seulement la réalisation du canal Seine-Nord permettra un transport fluvial sûr, avec des coûts logistiques réduits, mais surtout, à l’horizon 2020, ce projet devrait diminuer les émissions de CO2 de 220 000 à 280 000 tonnes par an.

Si le projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement permet d’impulser l’intermodalité des transports, je regrette néanmoins que le transport fluvial ne soit pas plus présent dans ce texte.

De tout temps, la voie d’eau a été génératrice d’échanges commerciaux et de développement économique. Et pourtant, en France, elle reste la grande oubliée des transports.

Le transport fluvial ne représente qu’un peu plus de 3 % de l’ensemble du trafic terrestre, ce qui nous situe très loin derrière nos voisins. Aux Pays-Bas, c’est 42 % du trafic total de marchandises, et plus de 13 % en Allemagne.

Dans le monde, 75 % des échanges de marchandises se font par l’eau. Or, sur notre réseau fluvial de 8 500 km – un des plus importants d’Europe – seuls 2 000 km sont navigables. Notre réseau fluvial n’a été ni correctement entretenu ni modernisé. Les voies navigables à grand gabarit – qui représentent 25 % du réseau mais 85 % des tonnages transportés – ne sont pas connectées entre elles.

La voie d’eau a pourtant toutes les qualités requises pour s’affirmer comme un mode de transport d’avenir, performant, et moderne. Le transport fluvial connaît la meilleure efficacité énergétique, puisqu’il consomme cinq fois moins de carburant et émet quatre fois moins de gaz à effet de serre, tout en acheminant les marchandises avec sécurité et en desservant le cœur des villes sans nuisances sonores.

J’ai déposé plusieurs amendements tendant à valoriser le transport fluvial. Il s’agit souvent de mesures de bon sens. Pour qu’il soit performant, il faut remettre en état ses infrastructures et les moderniser. La continuité des sections à grand gabarit doit être poursuivie en amont, la connexion avec les ports maritimes assurée, et leur desserte fluviale optimisée.

Afin de garantir le futur passage de bateaux transportant deux ou trois conteneurs, vous conviendrez avec moi que les ponts à construire doivent être d’une hauteur suffisante. Il serait opportun de le prévoir dans ce texte.

L’aménagement des ports doit être renforcé pour correspondre aux attentes des professionnels de la voie d’eau. Par exemple, dans les ports maritimes, la manutention du fret fluvial est désorganisée. Les bateaux fluviaux subissent des délais d’attente beaucoup trop longs. Les systèmes de manutention sont souvent inadaptés et peu performants.

Au-delà de Seine-Nord, il nous faut mettre en place d'autres liaisons inter-bassins : Saône-Rhin, Saône-Moselle, Seine-Est.

M. le président. Ma chère collègue, je vous prie de conclure.

Mme Françoise Branget. La réalisation de ces liaisons doit cependant s'inscrire dans une perspective de développement durable et de cohérence européenne, en tenant compte de critères objectifs comme les volumes transportés, le report modal, la desserte des régions, l'aménagement durable des territoires et la constitution d'un grand axe fluvial européen pour aller de la mer du Nord à la mer Noire et de la mer Noire à la mer Méditerranée.

Je sais que toutes ces mesures ont un coût et qu'il est élevé. Des partenariats publics-privés pourraient être envisagés. Un financement européen à destination de projets transfrontaliers serait légitime.

Nous devons mobiliser toutes les énergies et engager sans faiblir les grands projets nécessaires à la maîtrise des flux de transport. Les politiques de grands travaux ont trouvé écho à différentes époques de l'histoire pour relancer l'économie et la croissance d'un pays. C'est donc d'un véritable « plan Marshall fluvial » que la France a besoin. À l’heure où l’on élargit le canal de Suez et celui de Panama, développer le transport fluvial serait la concrétisation d’une prospective à long terme et un investissement réalisé au bénéfice des générations actuelles et futures.

À ceux qui pensent que le transport fluvial appartient au passé, je réponds que, bien au contraire, c'est résolument la voie de l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, j’avais prévu de consacrer la moitié de mon intervention à des sujets d’ordre général, tels que les déchets nucléaires, déclarés hors la loi – en tout cas hors la vôtre –, leur neutralisation ; leur enfouissement ; le financement de la recherche par les bénéfices de la filière ; la performance verte de certains moyens de transports ; les fausses alternatives énergétiques – pourquoi se priver d’un peu d’ironie ? – ; les audaces impressionnantes que sont l’exemplarité de l’État et même le contenu environnemental des messages publicitaires.

Mais, après avoir entendu hier le ministre d’État répondre à Serge Letchimy et avoir écouté Alain Gest, je me suis dit qu’il valait mieux prendre le temps de lever les malentendus et de préciser que les outre-mer ne sont ni des vitrines, ni même des terres de grande sympathie. Ce sont en fait des territoires peuplés, avec des histoires et des identités. Dans les propos tenus hier par Serge Letchimy, il n’y avait pas de demande affective, il y avait une exigence politique.

De ce point de vue, comment ne pas s’étonner de voir reléguer à l’article 49 quelques dispositions spécifiques aux outre-mer et surtout de voir expulser, par principe, vers cet article 49 tout amendement relatif à l’outre-mer, alors que c’est principalement armée des atouts des outre-mer que la France se présente dans les rencontres internationales et, mieux, qu’elle y affirme à la fois le bien-fondé de ses points de vue et de ses exigences ?

Ce fut le cas à Rio en 1992, où la seule avance française a été la promesse de création d’un grand parc naturel en Guyane. Lors de la convention de Washington déjà, elle avait présenté à la protection de nombreuses espèces tropicales et équatoriales. Pour la convention de Ramsar sur les zones humides, la Guyane occupe une place de choix. À Kyoto, la France a déclaré 15,5 millions d’hectares de forêts pour son territoire hexagonal, auxquels elle a ajouté 8 millions d’hectares venant des outre-mer, dont 7,5 de la seule Guyane, ce qui propulse notre pays, grâce à cet apport amazonien, à la quatrième place en Europe, après la Suède, la Finlande et l’Espagne – des pays qui n’ont pas de bonus tropical.

À Kyoto toujours, conformément au paragraphe 1 de l’article 5, la France s’est engagée à présenter un inventaire annuel sur ses émissions de gaz à effet de serre. Cet inventaire a été élaboré par le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique. Il est calculé à partir de six secteurs émetteurs, dont sont soustraits les prairies et les forêts qui séquestrent du CO2. En 2006, sur les 404 millions de tonnes de gaz déclarées par la France, elle a déduit 73 millions de tonnes de carbone capturées par cette forêt, dont 15 millions de tonnes – soit un plus de 20 % – par la seule forêt guyanaise.

Dans le domaine maritime, c’est la même chose. La France est classée deuxième puissance mondiale, juste après les États-Unis, selon le critère de la superficie. Mais, sur ces 11 millions de kilomètres carrés, 97,28 % sont apportés par les outre-mer, dont la moitié par la seule Polynésie. C’est à ce titre, en tout cas, que la France a autorité pour participer aux conférences internationales sur le droit de la mer et aux protocoles et conventions concernant la mer territoriale et la zone contiguë, la haute mer, le plateau continental, la pêche et les ressources biologiques, mais aussi bien entendu les massifs coralliens, les travaux de reconnaissance du fond des mers comme patrimoine commun de l’humanité ou ceux concernant le régime juridique du patrimoine culturel subaquatique. Bien évidemment, lorsque les technologies permettront l’exploitation industrielle des nodules poly- métalliques, ces anomalies géologiques se trouvant dans les mers chaudes, la France sera fondée à faire valoir ses points de vue et ses intérêts.

Autrement dit, parler de trame verte et bleue, c’est-à-dire de biodiversité terrestre et marine, en refoulant les outre-mer à la toute fin du texte révèle quand même une méthode singulière.

M. François Grosdidier. Les 48 premiers articles vous concernent !

Mme Christiane Taubira. Vous semblez être dérangé par cette concentration à l’article 49.

M. François Grosdidier. C’est faux ! Tout le reste du texte concerne aussi l’outre-mer !

Mme Christiane Taubira. Mais parce que l’intervention, hier, du ministre d’État était à la fois sincère, émouvante et argumentée, je suis sûre qu’il peut convenir qu’en la matière les outre-mer auraient dû occuper une place centrale. C’est simplement une question de logique et de cohérence. En tout état de cause, peut-être mon intervention montre-t-elle là son efficacité.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. C’est de l’autosatisfaction !

Mme Christiane Taubira. Oh ! Je n’ai aucun mérite à ce qui se passe : c’est simplement la réalité de la géographie.

M. François Grosdidier. L’outre-mer fait partie de la République !

Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, j’espère que vous déduisez les interruptions de mon temps de parole.

M. le président. Nous n’écoutons que vous, madame Taubira !

Mme Christiane Taubira. Madame la secrétaire d’État, les résolutions de votre ministère ne seront efficaces que par rapport à l’action du Gouvernement.

Pour en revenir à la Guyane, n’en déplaise à mes chers collègues de l’UMP, lorsque la ministre de l’intérieur échoue – j’en suis désolée, c’est le cas – à assurer la sécurité des habitants dans le territoire du parc, à enrayer les trafics d’armes, d’alcools, de stupéfiants et de médicaments ; lorsque le ministre de la défense échoue – et c’est le cas – à pérenniser les résultats de quelques opérations efficaces contre l’orpaillage clandestin ; lorsque la ministre de la justice échoue – et c’est le cas – à dissuader les guarimperos de revenir sur les lieux de leurs crimes et se contente de constater que ceux qui détiennent les chantiers clandestins sont manifestement prévenus avant les opérations Anaconda et Harpie ; lorsque le ministre des affaires étrangères échoue – et c’est le cas – à convaincre le gouvernement fédéral brésilien de sa responsabilité sur ses ressortissants qui se livrent à des actes délinquants et criminels ; lorsque la ministre des finances échoue – et c’est le cas – à rétablir la traçabilité de l’or et la légalité des transactions internes et transfrontalières ; lorsque vous-même, dans ce ministère, vous ne parvenez pas à réduire la pression sur la faune exercée par ces milliers de personnes, à préserver les cours d’eau, à empêcher le biopiratage des ressources génétiques et des savoirs traditionnels, alors, évidemment, ces principes énoncés dans le texte peuvent apparaître dérisoires.

M. le président. Je vous remercie de conclure.

Mme Christiane Taubira. Je vais le faire, monsieur le président, mais permettez-moi auparavant de saluer et de remercier le président Ollier qui, par esprit d’ouverture et de dialogue sans doute, a permis que, dans l’ambiance studieuse et cordiale de la commission, soit projeté un documentaire présentant le parc amazonien de Guyane, dont l’enjeu est colossal. Il mesure 3,4 millions d’hectares. À l’échelle de l’Amazonie, le Brésil a un parc de 4 millions, le Venezuela de 3,5 millions. Je remercie également le rapporteur, M. Jacob, d’avoir donné son accord.

Dans les outre-mer plus qu’ailleurs, la géographie – inventée, il faut le rappeler, par les philosophes grecs, qui avaient autant le souci des hommes que de la nature – « peut servir autant aux besoins des peuples qu’aux intérêts des chefs ». C’était la formule de Strabon. On voit l’intérêt des chefs, soucieux d’être vertueux aux yeux du monde. On voit moins les réponses apportées aux besoins des peuples.

Je remercie également M. François Brottes pour l’accompagnement des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Reynès.

M. Bernard Reynès. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après des mois de discussions intenses et passionnées, 300 000 connexions et 14 000 contributions sur Internet, 15 000 participants aux réunions en région et le recensement de plus de 1 000 propositions, le processus du Grenelle de l’environnement arrive à maturité avec la discussion au Parlement.

Le Grenelle amorce une vraie révolution écologique pour la France, car tous les secteurs vont être concernés pour faire entrer la France et les Français dans le développement durable : transports, bâtiments, agriculture, énergies, biodiversité, santé. Nous serons tous touchés dans notre quotidien.

Aujourd'hui, conscients des enjeux écologiques, les agriculteurs entendent bien relever le nouveau défi que représente le Grenelle de l'environnement. Leurs efforts pour répondre à ce défi ne se sont jamais démentis. La modernisation de leurs outils de production pour accroître les rendements a permis, dans le passé, de répondre aux besoins alimentaires de notre population.

Depuis quelques années, les agriculteurs ont entamé une démarche éco-citoyenne pour protéger notre environnement et assurer la sécurité sanitaire de nos compatriotes. C'est l'agriculture raisonnée. Je vous rappelle que nos producteurs sont soumis à une réglementation en matière de traitements phytosanitaires beaucoup plus stricte que dans bien d'autres pays membres.

Le Grenelle de l'environnement, dans son article 28, entend éliminer les produits phytopharmaceutiques jugés dangereux « en fonction de leur substitution ». C'est une mesure ambitieuse et responsable, à condition que la France obtienne une harmonisation au sein de l'Europe.

Je suis très attaché au principe de substitution des produits phytopharmaceutiques avant leur élimination du marché, pour ne pas laisser les producteurs de fruits et légumes ainsi que les viticulteurs sans alternative efficace pour leurs cultures.

La France doit ainsi prouver que le développement des pratiques agricoles durables, dont l'agriculture biologique, peut se concilier avec « les impératifs de production quantitative, d'efficacité économique et de robustesse au changement climatique ».

Le Grenelle démontre que l'économique et l'écologique ne sont pas antinomiques, car le développement des énergies renouvelables représente une chance pour les filières agricoles consommatrices, à condition que les exploitants puissent y accéder dans des conditions adaptées : je pense particulièrement aux serristes.

Les objectifs avancés pour développer une agriculture biologique dans notre pays sont ambitieux, mais ne sont pas hors de portée : 6 % de la surface agricole utile en 2013 ; 20 % en 2020 ; 15 % de produits bio dans la restauration collective publique en 2010 et 20 % en 2012 ; part identique pour les produits saisonniers et ceux de proximité ; 50 % des exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale en 2012.

Le Grenelle, dans son article 7, vise également à protéger l'outil agricole par la lutte contre la régression des surfaces agricoles, limitant l'étalement urbain. Au travers de cette loi, les agriculteurs et les représentants des chambres d'agriculture sont confirmés dans leur rôle majeur en matière d'aménagement du territoire.

Le recul de la biodiversité dans de nombreuses zones agricoles est vérifié au travers de certains indicateurs. Aussi mettre fin à la réduction de la biodiversité et à la simplification des paysages constitue-t-il une priorité. Il paraît cohérent de se donner les moyens d'agir globalement sur la totalité d'un territoire, et non plus seulement sur le territoire d'un certain nombre d'exploitations. C'est la raison d'être de la mise en place d'une trame verte nationale.

Mais comment concevoir une trame verte sans un partenariat équilibré avec le monde agricole ? La trame verte nous permettra de préserver la biodiversité et en particulier la biodiversité ordinaire.

À nous maintenant de prolonger et de coordonner cet élan au niveau de nos territoires, car la véritable traduction se joue dans nos circonscriptions en associant l'ensemble des acteurs. C'est en ce sens que je vous soumets l'idée de créer un club des maires pour capitaliser nos expériences et faire émerger des projets fédérateurs. Ce club est directement inspiré de l'Agenda 21 du Grenelle. Il serait mis en place pour capitaliser et faire fructifier toutes les initiatives prises par les collectivités locales en la matière. Ainsi, il pourrait, par exemple, être en prise directe avec le monde agricole pour accorder nature et agriculture. Dans les zones rurales, l’agriculture peut représenter un vecteur commun pour mobiliser les maires et les élus locaux autour d’une démarche environnementale.

Accompagner la mutation agricole, c'est protéger notre patrimoine environnemental. C'est dans cet esprit que je participe et continuerai de participer activement aux prochains Grenelle.

Nous devons changer notre modèle de croissance en anticipant l'ère de la rareté des ressources naturelles et énergétiques, en anticipant la hausse des prix et en réduisant les besoins en eau, en matières premières, en énergie, en consommation d'espace, afin de rendre notre croissance plus durable. Nous mettrons alors en place une « croissance écologique », capable de tirer profit de toutes les opportunités nouvelles qu'offre le développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un an après le Grenelle de l'environnement, qui a eu le mérite de dégager un consensus entre les différents acteurs de la société sur les objectifs à atteindre pour faire face à la crise écologique, nous examinons le projet de loi censé traduire les engagements pris à l'automne dernier.

La loi Grenelle I devait être une loi de programmation associant des objectifs précis et des moyens financiers. Dans les faits, ce n'est qu'une loi d'orientation affichant de grands principes et quelques ambitions, sans jamais préciser les moyens réservés pour les réaliser.

M. Alain Gest. Toujours la même rengaine !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Mon sentiment actuel associe inquiétude et déception. Il est partagé par la majorité des ONG et des associations qui se sont impliquées il y a un an dans le Grenelle.

M. Alain Gest. Mais non !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ces inquiétudes résultent du manque de cohérence dans les décisions gouvernementales.

Je n'aurai pas la cruauté de rappeler la cacophonie gouvernementale, par exemple, sur la loi OGM ou l'annonce par le Président de la République, sans concertation, de la construction d'un nouvel EPR. Nous sommes ici encore en totale contradiction avec l'esprit du Grenelle, qui donnait la priorité aux économies d'énergie, aux énergies renouvelables et préconisait le débat public avant toute décision importante. Serait-ce que la construction d’un nouvel EPR n’est pas une décision d’importance pour l’ensemble de nos concitoyens ?

En fait, ma déception est due au manque d'ambition du Gouvernement, mais aussi au manque de moyens financiers.

Je centrerai mon intervention sur le logement et sur les mesures destinées, en ce domaine, à réduire la consommation d’énergie.

Le chantier est immense. Gros consommateur d’énergie – 42,5 % de la consommation totale –, important émetteur d'émissions de CO2 avec 123 millions de tonnes par an, le logement constitue un enjeu de taille si l'on veut respecter les objectifs fixés par le Grenelle, à savoir une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020. Cela concerne 30 millions de logements en France.

L'enjeu social est également très important. En 2006, la part relative des dépenses énergétiques des 20 % des ménages les plus pauvres est 2,5 fois plus élevée que celle des 20 % de ménages les plus riches. La part des dépenses énergétiques pour les revenus les plus pauvres a progressé de cinq points en cinq ans, passant de 10 à 15 %.

L'investissement nécessaire sera rentabilisé par la réduction de la facture énergétique. Il est donc indispensable de mettre en place un accompagnement fort et spécifique des organismes sociaux. Le chiffre avancé de 800 000 logements est, à cet égard, trop faible.

La possibilité offerte aux organismes HLM d’obtenir des subventions à hauteur de 20 % du coût des travaux est très insuffisante, sachant de surcroît que, depuis six ans, l’État se désengage de plus en plus du logement social et que les fonds propres de ces organismes sont déjà mis à rude épreuve.

Nos inquiétudes sont d'autant plus grandes quand on entend le Premier ministre déclarer, hier encore, vouloir ponctionner les réserves du Livret A – destiné, je le rappelle, à financer le logement social – pour venir au secours du secteur financier.

Inquiétude accrue à la lecture du budget 2009 consacré au logement : le nombre de logements sociaux programmés l’an prochain est en baisse : 78 000 PLUS au lieu de 100 000 ; les crédits du logement social passent de 800 à 550 millions d'euros ; quant aux crédits PALULOS, ils disparaissent.

En revanche, je dois le reconnaître, madame la secrétaire d’État, l'octroi de prêts bonifiés à 1, 9 % pour les travaux d'énergie constitue un geste non négligeable.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Tout de même !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. La rénovation du privé bâti ne bénéficie pas non plus d’un plan de soutien à la hauteur de l'enjeu. Il convient que les incitations financières par le biais de crédits d'impôt, de prêts à taux zéro et de déductions fiscales accompagnent clairement les objectifs inscrits dans la loi.

La construction de logements conformes à la norme « Bâtiment basse consommation » va induire des surcoûts importants pour les familles dont le budget est modeste : de l'ordre de 15 000 euros pour une maison à 200 000 euros. Comment, dans ces conditions, permettre aux particuliers de prendre en charge des travaux quand leur principale préoccupation est de boucler les fins de mois ?

Quid des dispositifs d'aide dont la mise en œuvre est indispensable, notamment pour les ménages les plus modestes ?

Quels soutiens apporte-t-on à la formation professionnelle des artisans du bâtiment, qui seront largement sollicités pour effectuer les travaux indispensables d'isolation des bâtiments ? La construction « basse consommation » est une mutation en profondeur de l'acte de construire. Elle doit être accompagnée en prenant en compte l'énergie positive, mais également la dimension qualité environnementale du bâti : végétalisation, acoustique, récupération des eaux pluviales, matériaux sains…

Tels sont les défis fondamentaux à relever dès aujourd'hui.

Je suis persuadée que le développement durable est la principale source de création d'emplois et de richesses de demain, que l'écologie représente une grande part de l'avenir de l'économie si malmenée par la crise financière. C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d’État, les députés radicaux de gauche attendent de votre part des réponses précises. Ils ont déposé des amendements. Leur vote final sera fonction de l’accueil qui sera réservé à ces propositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous y voilà enfin ! Avec ce premier débat parlementaire relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, nous engageons la « révolution écologique » souhaitée et impulsée par Nicolas Sarkozy.

Pour l’UMP, madame Taubira, il ne fait aucun doute que l’outre-mer appartient à la République et que les cinquante articles du projet de loi les concernent ! J’étais loin de penser qu’il fallait s’excuser de vous montrer l’attachement et l’affection que nous portons à ces départements.

Mme Christiane Taubira. Décidément, c’est une obsession ! Je ne vous demande pas de déclaration d’amour ! (Sourires.)

M. Alain Gest. Nous vous devons, à vous, madame la secrétaire d’État, et à M. le ministre d'État, d’avoir su inlassablement rechercher le compromis et concilier des points de vue longtemps inconciliables. Bien sûr, nous entendons déjà certains esprits chagrins, dans cet hémicycle, dire que le compte n'y est pas, ou certains commentateurs pointer ce qui, à leurs yeux, manque dans le texte plutôt que de noter l'importance, en quantité – 273 dispositions – et en qualité, des résolutions qui y figurent. Il n'en reste pas moins que c'est bien cette majorité, chers collègues de l’opposition, et pas une autre, qui sera à l'origine d'un progrès considérable dans le domaine du développement durable.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !

M. André Chassaigne. On verra !

M. Alain Gest. Et c’est encore cette majorité qui, par le passé, a créé le premier ministère de l'environnement, fait voter la première loi sur l'eau, fait inscrire la Charte de l'environnement dans la Constitution ou, plus récemment, imaginé le grand ministère dont Jean-Louis Borloo a la charge. Il y a quelques vérités qu'il est bon parfois de rappeler.

M. Philippe Tourtelier. Et les OGM ?

M. Alain Gest. C’est bien de proclamer « l’urgence écologique », monsieur Tourtelier ; c’est encore mieux de mettre en œuvre au plus vite les dispositions du Grenelle !

Je centrerai mon intervention sur le volet énergie de cette loi d'orientation. C'est bien sûr l'occasion de réduire encore notre dépendance par rapport au carbone et aux énergies fossiles. Voilà pourquoi il faut d'abord saluer les mesures incitatives prévues pour réduire les consommations d'énergie. Voilà pourquoi ce projet de loi ne remet pas en cause le choix majeur et déterminant fait, voilà quarante ans, par le général de Gaulle, puis par Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing, de lancer la France dans une grande politique nucléaire.

Ce constat est parfaitement compatible avec la volonté du Grenelle de diversifier les sources d'énergie et de porter à 23 % la part des énergies renouvelables. Le texte précise, à juste titre, que cela doit se faire « dans des conditions économiquement et écologiquement soutenables ». Cela suppose de planifier dans les meilleurs délais, dans chaque région, les objectifs que nous fixons et la façon de les atteindre. C’est le sens d'un amendement que Patrick Ollier, Catherine Vautrin, Serge Poignant et Louis Giscard d'Estaing ont bien voulu cosigner. Il vise à établir des schémas régionaux des énergies renouvelables pour tenir compte des potentiels locaux et éviter les travers que nous connaissons actuellement avec l’énergie renouvelable la plus développée à ce jour en dehors de l’hydraulique, à savoir l'éolien. Ayons le courage de le reconnaître : en dépit des réglementations existantes, de l'instauration des zones de développement éolien, les communes de certaines régions ont fait l’objet de sollicitations si alléchantes que ce qui devait être une énergie électrique s'est transformé en énergie financière.

M. Philippe Tourtelier. Et le pétrole ?

M. Alain Gest. Le résultat, on le connaît : il ne se passe plus une semaine sans qu'une manifestation nationale ou locale ne soit organisée, sans qu'une association ne se crée pour contester la pertinence de cette énergie renouvelable. Dans mon département, les projets existants conduiraient à ce qu'un quart de l'objectif national de 8 000 éoliennes en 2020 y soit réalisé, à raison, dans certains secteurs, d'une éolienne dans chaque commune.

M. Philippe Tourtelier. Il faut raser les clochers ?

M. Philippe Plisson. Et les châteaux d’eau ?

M. Alain Gest. Cette perspective générale met en danger le développement de l'éolien. Il est donc urgent de sauver l’éolien ; ses plus fidèles supporteurs en sont désormais convaincus et se déclarent prêts à mieux organiser son implantation.

S'agissant des objectifs de chacune des filières, je souhaite que nous nous montrions plus ambitieux concernant le photovoltaïque, qui reste certes coûteux mais dont les progrès technologiques sont particulièrement rapides et porteurs d'espérance.

J'ajouterai, comme le faisait très justement remarquer le Président de la République le 20 mai dernier à Orléans, que quand on développe les énergies renouvelables, on ne peut pas se moquer de savoir où elles seront fabriquées, et donc où seront localisés les emplois générés. Dans ce domaine, au vu des expériences antérieures, nous avons, et c'est un euphémisme, une bonne marge de progression.

Quelques mots, pour terminer, à propos des biocarburants. Ce sujet a suscité de vives controverses, sans doute excessives, quels que soient les points de vue. Le dernier avis de l’ADEME remet les choses à leur juste place. La production actuelle française ne met pas en danger la qualité des sols, et ne peut pas, sérieusement, être tenue pour responsable de la crise alimentaire. Il convient donc de respecter simplement les objectifs européens fixés pour l'adjonction de biocarburants. Mais pour ce faire, une condition reste incontournable : ne pas réduire de façon inconsidérée, dans le budget 2009, l'exonération fiscale qui a rendu possible les investissements réalisés, lesquels permettront d'attendre la deuxième génération dans huit à dix ans.

Ce débat intervient dans un contexte financier et économique particulièrement troublé. Il n'en est que plus important pour tous ceux qui, comme moi, pensent que cette loi est, certes, une nécessité écologique, mais également une opportunité économique, sociale et humaine. Voilà pourquoi je voterai avec fierté un texte qui fait sienne l'ambition immense de transformation de la société née du Grenelle de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de la discussion générale, nous avons pu noter que les intervenants de gauche étaient félicités lorsqu’ils applaudissaient pour rendre hommage à la méthode du Grenelle, mais vilipendés lorsqu’ils regrettaient le manque d'ambition dans le résultat législatif de sa mise en oeuvre. Au motif de l’appel à l’unanimité lancé par Nicolas Hulot et de la satisfaction exprimée par les associations qui ont participé au Grenelle, nous devrions nous interdire, nous parlementaires, d'avoir d'autres exigences, de vouloir aller plus loin, de prendre de la hauteur et d'envisager de traiter le mal à la racine.

M. Jean-Louis Borloo – absent ce matin – a déclaré que 88 % de la population approuvait la méthode du Grenelle et souhaitait qu’il aboutisse. En revanche, plus de 75 % des Français étaient contre le projet de loi sur les OGM et les mêmes associations et le même Nicolas Hulot se sont prononcés pour le rejet du texte.

On nous accuse de tenir des discours idéologiques et doctrinaires.

M. Alain Gest. Ce n’est pas faux !

Mme Frédérique Massat. Eh bien, permettez moi de citer ces déclarations sur le Grenelle, qui datent de quelques semaines : « En France comme ailleurs, il manque cette remise en cause du modèle de développement dans lequel nous sommes. Le travail de fond n’est pas fait. » Ou encore : « Nous sommes condamnés à ce que les États interviennent. C'en est fini du libéralisme. » Ces propos ne sont pas ceux d'affreux parlementaires gauchistes ! Non, ils sont de Nicolas Hulot, le fondateur du pacte écologiste, souvent pris pour référence sur ces bancs.

Il est vrai qu'aujourd'hui nous regrettons que la phase législative du Grenelle n'ait pas eu pour objet de revisiter l'ensemble du fonctionnement de notre société et de l'État, afin de dégager les voies de leur survie. Cela n'a pas été le cas pour une raison simple : la problématique du Grenelle recouvre en réalité des choix politiques – sur la régulation du marché, sur la place de l'État, sur la fiscalité, sur la redistribution – et il faut les mettre au centre des débats. On a pourtant tenté de faire croire que le Grenelle relevait de données apolitiques, reposant sur des responsabilités diffuses et non hiérarchisées.

Ainsi, le résultat du Grenelle peut se résumer à l’administration de soins palliatifs à notre société. Je ne le remets pas en cause, mais on ne peut que regretter qu’il n'ait pas été la base pour élaborer le protocole de guérison de la maladie dont souffre notre société et dont elle risque de mourir.

Le Grenelle, présenté comme une révolution culturelle, aurait dû dire haut et fort qu’il est impératif de changer nos modes de production et de consommation, et de définir un nouveau modèle de société. Au lieu de cela on a, en priorité, choisi de culpabiliser le citoyen dans son mode de vie, de transport, d'habitat, de consommation. Et on lui a donné les moyens de se racheter par une série de mesures comportementales individuelles qu'il n'a plus qu'à mettre en oeuvre, selon ses moyens.

Ainsi, à l'égard de l'automobiliste, vous maniez la carotte et le bâton ; la mesure phare qu’est le bonus-malus écologique, décidée par décret en début d'année, est une mesure soi-disant écologique, mais libérale. Elle ne prend pas en compte la justice sociale : cette éco-taxe touche de manière égale tous les consommateurs, quels que soient leurs revenus. Mais on ne réglera pas les problèmes écologiques majeurs en taxant les citoyens !

Outre le fait qu'il aurait été préférable d'avoir une politique ferme en direction des constructeurs et surtout des Français, cette mesure hâtivement mise en place aurait pu faire l'objet de débats qui auraient sans doute permis de l'orienter différemment pour en éviter les effets pervers. En effet, ce dispositif incite surtout à l’achat de véhicules diesel, dont on sait qu’ils émettent des oxydes d'azote et des particules polluantes, tous rejets dévastateurs pour la qualité de l'air et donc pour la santé publique.

Cet exemple du bonus-malus écologique est révélateur du manque d'approche systémique de l'écologie. Il faut sortir des approches linéaires ou sectorielles, et dépasser une vision trop étroite et conservatrice de l'environnement, pour ne plus aboutir à des positions exclusives et rigides de protection, au mépris de toute autre considération.

J’aurais aimé évoquer l’un des aspects du Grenelle oubliés par ce texte : l’Internet, mais je suis pressée par le temps.

Le défi environnemental auquel nous sommes confrontés nécessite le développement de la coopération, celui de l'intelligence collective et l’invention de nouveaux outils. Nous ne pourrons concilier l'urgence écologique avec un nouveau mode de développement sans nous attaquer à une refonte radicale de nos indicateurs nationaux et de nos procédures budgétaires, ainsi qu’à la mise en place d'une comptabilité environnementale. Dans cette phase législative, dans cette loi-cadre, il est regrettable que de nouvelles orientations en la matière soient totalement absentes car, s'il est vrai que changer de thermomètre ne fera pas tomber la fièvre de notre planète malade, persister à employer un thermomètre défectueux ne nous permettra jamais de la guérir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(M. Marc Laffineur succède à M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.

M. François Grosdidier. Le Grenelle de l'Environnement a été le grand rendez-vous réussi de toutes les parties prenantes, même de celles qui ne se parlaient jamais et qui s'affrontaient a priori. Il a été aussi une grande réussite conceptuelle. Il a allié l'écologie et le développement économique, donnant enfin un véritable contenu à la notion de développement durable. Il a tracé une feuille de route pour la société française.

La France a d'abord porté universellement les droits de l'homme et du citoyen. Puis elle a consacré les droits sociaux et présenté au monde un exemple d'économie sociale de marché. Enfin, elle a consacré, avec la Charte de l'environnement, les droits environnementaux, et elle peut mettre en œuvre chez elle, et proposer au monde, un modèle d'économie sociale et environnementale de marché.

Nous entamons aujourd'hui les travaux pratiques ; c'est toujours le plus difficile. Nous devons éviter deux écueils.

D’un côté, la gauche veut nous entraîner au-delà du Grenelle, dans une surenchère écologique qu'elle pratique quand elle est dans l'opposition, mais qu'elle oublie quand elle est au gouvernement. C’est sincère chez les Verts, peut-être un peu plus cynique dans le reste de la gauche,…

M. Philippe Tourtelier. N’importe quoi !

M. François Grosdidier. …mais irresponsable dans les deux cas ! Tant pis si la gauche loupe le rendez-vous du Grenelle…

M. Philippe Tourtelier. C’est vous qui le loupez !

M. François Grosdidier. …comme elle a manqué celui de la Charte de l'environnement. Mais dommage pour la cause écologique car, en brisant le consensus, elle affaiblirait l’élan du Grenelle.

M. Philippe Tourtelier. Compromis, pas consensus !

M. François Grosdidier. Le deuxième écueil est celui où pourraient nous entraîner certains d'entre nous, en deçà du Grenelle. Je prendrai deux exemples d'amendements dont l’adoption me paraîtrait mettre en péril l'équilibre du Grenelle : d’une part, l'exonération des objectifs d'isolation et d’économie d’énergie en faveur des logements chauffés à l'électricité ; d’autre part, la non-opposabilité des trames verte et bleue aux projets d'infrastructures.

M. Philippe Tourtelier. Très bien !

M. François Grosdidier. D'autres collègues ont parlé ou vont parler du réchauffement climatique, ou de l'impact de l'environnement sur la santé. Ce sont des sujets d'une gravité évidente.

Il y en a un autre qui apparaît à tort plus léger : la biodiversité. On entend beaucoup dire, ici et là, qu’il importe peu que des espèces végétales ou animales disparaissent, tant que l'homme n'est pas menacé lui-même.

Nous avons deux réponses à faire : l’une par intérêt, l'autre en conscience.

D'abord, c'est tout ignorer de la science qu'est l'écologie de croire que la disparition de certaines espèces est sans conséquence sur les autres – dont la nôtre. Les conséquences sont souvent incertaines, imprévisibles et parfois considérables.

Ensuite, il faut savoir que la biodiversité est la réponse à la diversité des situations et des difficultés, notamment en matière alimentaire.

Enfin, la biodiversité est le gisement de la pharmacopée. Il y a peut-être, dans la plante ou l'invertébré les plus insignifiants, les molécules qui permettront de soigner des maladies aujourd'hui incurables ou d’autres qui ne sont pas encore apparues.

L'autre réponse, c’est notre conscience qui l’apporte. Quel est notre premier devoir sur cette terre, où nous ne faisons que passer ? Transmettre à nos enfants ce que nous ont légué nos parents – plus si nous le pouvons, mais pas moins, sinon nous aurons failli. Saint-Exupéry disait : « Nous n'héritons pas de la terre de nos parents ; nous l’empruntons à nos enfants. » Imagine-t-on de laisser à nos enfants une planète sans lion, sans tigre, sans éléphant ? Bien sûr que non !

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. Tiens ! Il n’y a aucun éléphant dans l’hémicycle, ce matin ! (Sourires.)

M. François Grosdidier. Pourtant, nous sommes incapables, en France, de supporter quelques dizaines d'ours et de loups qui ne menacent aucun être humain. Comment alors demander aux Africains ou aux Asiatiques de préserver des fauves autrement plus dangereux ou des pachydermes qui piétinent leurs déjà insuffisantes cultures ? Nous devons, en France et dans les pays riches, nous montrer exemplaires.

Malgré ma fibre sociale, et dans mon bonheur à généraliser le RSA, je me suis laissé convaincre avant-hier qu'un bouclier fiscal n'était plus un bouclier s'il laissait passer certaines flèches. Il faut tenir le même raisonnement pour les trames verte et bleue : sans opposabilité aux projets d'infrastructures, elles n'auraient plus de raison d'être.

M. André Chassaigne. Il a raison !

M. François Grosdidier. Je terminerai en parlant d'éco-fiscalité. Le sujet est à peine esquissé dans ce projet, car il est du domaine de la loi de finances.

Il y a quinze jours, cette idée a été caricaturée pour la disqualifier. En économie de marché, il n'y a pourtant aucune autre possibilité de changer massivement les comportements. L'information, la sensibilisation, l'éducation – j’en fais beaucoup dans ma commune – sont utiles, mais insuffisantes. Elles ne modifient les comportements qu'à la marge. La contrainte est plus efficace, certes, mais l'incitation lui est toujours préférable. L'incitation économique est donc à la fois la méthode la plus douce et la plus efficace pour conduire à un changement massif des comportements.

En économie de marché, c'est le prix qui commande. Quand l'économie de marché s'étend à toute la planète – sauf la Corée du Nord et Cuba – la planète ne sera sauvée que si l'économie de marché sait s'adapter pour répondre aux enjeux vitaux de la santé et de l'environnement.

L'effet prix est le levier qui fonctionne. Le bonus-malus automobile l'a démontré, bien au-delà des prévisions de Bercy. J'ai entendu des critiques qui relèvent de l'aveuglement ou de la mauvaise foi : si le solde est positif pour l'État, on crie au scandale de l'augmentation des prélèvements ; s’il est négatif, on hurle à l'épouvante de la dégradation des comptes publics ; et si l'on veut ajuster le dispositif pour que le solde soit nul, on proteste contre le risque de déstabilisation du marché.

Ces critiques oublient, d'une part, que le marché n'est rien d'autre qu'un ajustement permanent et, d'autre part, que l'autorité publique est fondée…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Grosdidier.

M. François Grosdidier. Je revendique les mêmes droits que Mme Taubira, monsieur le président ! Mais je termine.

L'éco-fiscalité peut – et, pour l'élu UMP que je suis, doit – être neutre au regard du montant global des prélèvements. D'où le principe du bonus-malus, et son réajustement si nécessaire. L'éco-fiscalité, ce n'est pas plus d'impôt, mais mieux d’impôt.

C’est aussi une mesure sociale. Qui sont les premières victimes des préjudices environnementaux ? Nos concitoyens les plus modestes, qui seront donc les premiers bénéficiaires d'un changement des comportements.

Qui, en revanche, peut préserver sa santé par une alimentation plus saine, mais aujourd'hui plus chère ? Certainement pas nos concitoyens les plus modestes. Qui aujourd'hui peut acheter un congélateur plus cher de 300 euros mais économisant 30 euros d'électricité par an, soit 300 euros sur la durée de vie du produit ?

M. le président. Je ne sais pas ce qu’avait fait Mme Taubira, mais il vous faut absolument conclure !

Mme Christiane Taubira. Je vais demander des droits d’auteur ! (Sourires)

M. François Grosdidier. Ce ne sont pas non plus nos concitoyens les plus modestes : le bonus-malus pour l'électroménager serait donc écologiquement, économiquement et socialement utile.

C'est aussi par sens social que je ne pourrai pas accepter que le chauffage électrique exonère les constructeurs et les bailleurs de l'objectif de réduction de la consommation d'énergie des logements : cela signifierait des logements au rabais, moins bien isolés, avec des radiateurs électriques énergivores et budgétivores.

M. le président. Je vous remercie…

M. François Grosdidier. Je conclus d’une dernière phrase, monsieur le président : concrétisons le Grenelle ! Chers collègues de droite, tout le Grenelle ! Chers collègues de gauche, rien que le Grenelle ! Nous aurons fait un immense geste pour la planète, un geste décisif pour la France et exemplaire pour le monde.

M. le président. Le président a fait un grand geste pour vous !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faudra le faire aussi pour l’opposition ! C’est une question de justice.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Je salue, très sincèrement et sans équivoque, la démarche du Grenelle.

Mme Françoise Hostalier. Très bien !

Mme Pascale Got. Malheureusement, le texte qui en résulte n’est qu’écologiquement sympathique, à défaut d'être écologiquement crédible.

Mais je ne reprendrai pas les critiques déjà formulées. J’aborderai seulement, pour ma part, la question de la gouvernance.

Vouloir une vraie rupture en matière de développement durable implique d’abord de mettre en œuvre une véritable gouvernance environnementale. Cela signifie que les décisions publiques doivent être construites dans la transparence, fondées sur la concertation et la participation.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. C’est le texte !

Mme Pascale Got. Et il est vrai que le chantier n’avait pas mal commencé, puisque la gouvernance devait reposer sur trois grands principes.

D’abord, celui de la co-construction, avec cette fameuse gouvernance à cinq, qui devait faire naître une nouvelle façon de concevoir la réflexion et la décision publique, en y associant tous les acteurs de la société française.

Ensuite, celui de l'évaluation systématique des projets publics au regard de leur coût pour le climat et la biodiversité.

Enfin, celui de l'inversion de la charge de la preuve, qui consistait à n’accepter les projets ou décisions à fort impact environnemental qu’en ultime recours.

Ces trois grands principes devaient marquer fortement la nouvelle gouvernance ; malheureusement, ils se sont rapidement érodés et n’apparaissent plus qu’en filigrane dans votre projet de loi. Il a fallu que la commission, dans sa grande sagesse, revienne par voie d'amendement rappeler toute leur importance.

Madame la secrétaire d’État, tout au long de votre texte, vous persistez dans une gouvernance frileuse. Une véritable gouvernance environnementale suppose l'accès à l'information et à l'expertise pluraliste, mais elle impose aussi la compréhension du processus décisionnel.

Sur ce dernier point, votre texte reconnaît d’ailleurs, à juste titre, le rôle essentiel des collectivités territoriales. Je vous rejoins à cet égard, tant il est vrai qu’elles sont directement au cœur des politiques environnementales en matière d'urbanisme, d'habitat, d'aménagement ou de transports. Par contre, nous savons tous que l'enchevêtrement des compétences entre les collectivités territoriales et l'État rend infiniment complexe la mise en oeuvre de ces politiques et freine leur efficacité. C'est aussi une source d'opacité des décisions et une difficulté pour l'accès à l'information – alors que la transparence des mesures et la diffusion des données sont deux éléments indispensables.

Bien que ce constat soit partagé, rien dans ce texte ne traite de la nécessaire clarification des compétences entre collectivités locales et État. La seule concertation au sein d'une instance nationale consultative, prévue à l'article 44, est tout à fait insuffisante et ne règle absolument pas le problème sur le fond.

Autre insuffisance de ce texte et non des moindres : la faiblesse des références internationales et européennes.

Mises à part quelques dispositions à l'article 46, vous ne développez pas la nécessaire intégration de la gouvernance nationale dans la gouvernance internationale en matière de développement durable. La politique de développement durable doit absolument s'appliquer aux échanges internationaux de la France pour faire reconnaître le droit de tous les peuples aux biens publics fondamentaux tels que l'environnement, l’eau, la santé, la biodiversité.

Vous n'évoquez pas une organisation mondiale de l'environnement, non plus d’ailleurs qu’une organisation européenne. Alors que plus de 80 % du droit français de l'environnement est lié au droit communautaire, alors que l'élaboration des politiques nationales s'inscrit dans des processus et des agendas communautaires, curieusement la partie gouvernance de ce texte n'y fait pratiquement pas référence.

Il y aurait pourtant tout intérêt à ce que les acteurs français soient plus présents avec les groupes d'intérêts européens qui débattent en amont des réformes et à impliquer les collectivités locales très en amont du processus décisionnel, pour améliorer sensiblement la transposition des directives européennes.

Une gouvernance environnementale ne peut sérieusement se concevoir en dehors du dispositif mondial et européen.

M. le président. Madame Got, il faut conclure.

Mme Pascale Got. Mais pour être objective jusqu'au bout, je pense qu'il faudrait aussi insuffler un nouveau mode de gouvernance environnementale au sein même des institutions européennes, car elles sont beaucoup trop souvent accrochées au seul dogme de la concurrence.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, le Grenelle I, par ailleurs fort judicieusement médiatisé, est égal à la dilution des grands principes pouvant fonder un nouveau mode de gouvernance. La gouvernance que vous nous proposez manque d’ambition, d'assise et d’une certaine forme de crédibilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol. Madame la secrétaire d’État, mon discours s’articulera autour de deux thèmes, le chemin de fer et la relance de l’hydroélectricité.

La politique du Grenelle de l’environnement permet d’envisager le retour du chemin de fer de façon conséquente. Des actions fortes ont déjà été menées par les grandes villes avec la mise en œuvre d’une politique de trams intéressante, respectueuse de l’environnement, anticipant le Grenelle ; les véhicules sont confortables, modernes et plus silencieux qu’auparavant.

Le grand succès du TGV et son développement ont permis d’irriguer la France, mais de façon verticale : c’est toujours la centralisation parisienne. Lorsque la compétence des TER a été confiée aux régions, celles-ci y ont consacré des budgets substantiels – avant le transfert des personnels TOS, c’était le poste le plus important de dépenses –, anticipant elles aussi le Grenelle de l’environnement.

Où en sommes-nous maintenant ? Le Grenelle a permis l’émergence d’un grand nombre de propositions intéressantes concernant des lignes à grande vitesse. Nombre d’élus et beaucoup de nos concitoyens approuvent ce programme, même s’ils savent qu’il ne pourra être réalisé qu’à long terme. Je note avec intérêt que la région du grand centre, et plus particulièrement celle du Massif Central, fait l’objet de projets pertinents. Comment ne pas noter l’inscription de la ligne Paris-Clermont-Lyon ?

M. André Chassaigne. Mais il n’y a pas de calendrier !

M. Jean Proriol. Monsieur Chassaigne, on ne vous a guère entendu, hier, sur ce sujet !

Cette liaison – qui traverserait la région Centre, passant sans doute par Orléans, ce que M. Grouard ne pourra qu’approuver – aurait aussi l’avantage de soulager la ligne Paris-Lyon, qui commence à être saturée.

C’est donc une bonne chose que le Grenelle de l’environnement ait permis le retour du chemin de fer. À ce sujet, je citerai Louis Armand, grand serviteur de l’État, qui déclarait il y a quelque cinquante ans : « Le chemin de fer, s’il survit au XXe siècle, sera déterminant au XXIe. » Nous sommes dans cette phase, et le Grenelle y est pour quelque chose.

J’en viens maintenant à la relance de l’hydroélectricité, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet.

Yves Cochet avait émis l’idée, ici même, de produire une électricité de proximité avec des microcentrales.

M. Yves Cochet. Absolument !

M. Jean Proriol. Pour une fois que M. Cochet approuve une mesure du Gouvernement, je ne peux qu’y souscrire avec lui.

Nous devons réussir l’élargissement de notre diversification énergétique. Nous devrions passer de 15 % à 21 % d’énergies renouvelables, hors nucléaire, pourcentage fixé par l’Europe et auquel nous sommes attachés.

Il y a encore des gisements potentiels dans ce domaine, notamment sur le territoire métropolitain, mais aussi outre-mer. Il ne s’agit pas d’une politique de grands barrages, laquelle est largement derrière nous. Lors de la célébration de l’anniversaire du barrage de Génissiat, Jean-Louis Borloo a demandé la mise au point d’un programme conciliant la relance du plan hydraulique avec le respect des objectifs environnementaux.

M. le président. Monsieur Proriol, il faut conclure.

M. Jean Proriol. Sans doute, mais M. Chassaigne m’a perturbé ! (Sourires.)

Cette politique doit effectivement revêtir une dimension environnementale, certains ayant encore tendance à accuser l’hydroélectricité de tous les maux. On ne construira pas, au xxie siècle, les mêmes microcentrales qu’au xxe.

Dans le domaine énergétique, nous ne raisonnons pas à court terme. Ayons une vision à long terme. C’est d’ailleurs l’une des vertus du Grenelle de l’environnement, l’unité de compte en la matière étant plutôt cinquante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, concourir à la préservation de notre planète c’est d’abord protéger la biodiversité qui y vit, au premier rang de laquelle se trouve l’être humain. C’est donc légitimement que je m’interrogerai, en premier lieu, sur la dimension sociale du développement durable que traduit le projet de loi.

Sauver la planète pour les générations futures relève certes du comportement individuel de chacun, car l’homme est et doit rester libre, mais le fait qu’il vive en société induit une responsabilité collective qu’il revient à l’État d’assumer. Et cette responsabilité collective vaut bien au niveau international, continental et national. Je m’interrogerai donc, en second lieu, sur la prise en compte de la dimension internationale du texte.

La réalité dont nous parlons n’a pas de frontières. Il s’agit en effet du patrimoine, du capital écologique dont l’homme est à la fois l’héritier, le bénéficiaire et trop souvent le destructeur. Les menaces qui pèsent sur ce capital écologique n’ont pas plus de frontière que le nuage de Tchernobyl. Ce sont donc les dimensions sociale et internationale, dont le texte ne doit pas se départir, qui me conduisent à centrer mon propos sur la responsabilité de l’État.

Responsabilité de l’État, d’une part, dans les domaines où seule la mobilisation collective à grande échelle peut enrayer le grignotage de notre patrimoine écologique. Je fais allusion aux grandes infrastructures de transport qui ne peuvent apporter une juste réponse à l’enjeu climatique qu’à une échelle publique, nationale et internationale.

Responsabilité de l’État, d’autre part, dans sa propre exemplarité, car c’est à l’État qu’il revient de montrer la voie et de donner l’exemple. Du reste, madame la secrétaire d’État, vous en avez fait l’un des six titres de votre projet de loi, le titre IV, en un seul article, l’article 42, et treize alinéas. Mais on peut légitimement se demander si cet article est à la hauteur des objectifs que vous vous êtes assignés dans la fonction gouvernementale toute particulière de votre grand ministère d’État. La fonction gouvernementale de M. Borloo ne se distingue pas par le cumul des attributions dont il bénéficie mais, théoriquement, par leur transversalité.

S’agissant des grandes infrastructures de transport, nous sommes tous d’accord pour dire qu’elles ne peuvent relever de l’initiative de l’individu ni même des collectivités locales où réside ledit individu, mais bien de l’initiative publique de l’État et, pour ce qui concerne la France, inévitablement aussi de l’Europe, du fait de ses institutions et de sa position géographique puisque notre pays est situé au centre incontournable des vingt-sept pays qui constituent l’Union. L’Europe est bien absente de ce texte. Étant moi-même député du centre géographique de la France, j’emploie le terme « incontournable » en connaissance de cause.

Je vous invite, madame la secrétaire d’État – ou M. Borloo, ou encore M. Bussereau – à venir passer quelques instants dans l’Allier, que la route Centre-Europe-Atlantique traverse de part en part, et à observer depuis un pont qui enjambe cet axe l’immatriculation des semi-remorques qui l’empruntent entre l’Europe du Nord et de l’Est, vers la façade atlantique ou la péninsule ibérique. Mieux qu’une étude sophistiquée, cela vous convaincra de l’urgence qu’il y a à transférer de la route vers le rail les millions de tonnes de fret que vous verrez passer.

Oui, il faudra, à l’initiative du Gouvernement, ce qui n’exclut en rien la concertation avec les collectivités traversées, mobiliser des dizaines de milliards d’euros dans les années à venir pour régénérer, selon l’expression consacrée, notre réseau ferroviaire existant, mais trop souvent laissé dans un véritable état d’abandon par la SNCF puis RFF – je vous signale que deux lignes au départ de Montluçon viennent d’être fermées – et créer les nouvelles infrastructures dont vous dressez la liste à l’article 11.

Il est urgent de désenclaver le Massif Central par son flanc ouest – la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges – et par son flanc est, en combinant pour partie le doublement du TGV Paris-Lyon par le Berry et le Bourbonnais et en prolongeant cette ligne à grande vitesse vers Clermont-Ferrand depuis l’Allier. Ce sont autant de tronçons qui contribueront, après le Turin-Lyon, à réaliser pour une partie l’axe transversal mixte fret-TGV européen identifié par la Commission sous l’appellation Kiev-Lisbonne.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. En conclusion, monsieur le président, j’évoquerai le titre IV « État exemplaire ».

Le Président de la République nous avait habitués à une communication sur les vraies ruptures politiques, une quasi-révolution des mentalités. Or, là, nous tombons de haut.

Bien peu de ce qui est annoncé est finançable...

M. le président. Je vais devoir vous interrompre.

M. Bernard Lesterlin. Je vous remercierai, monsieur de le président, d’être équitable, et de me laisser autant parler que M. Grosdidier.

M. le président. Vous l’avez déjà dépassé. Je suis très attentif à l’égalité des temps de parole.

M. Bernard Lesterlin. Je terminerai par une seule phrase : comment votre Gouvernement peut-il être convaincant en matière d’indicateurs de développement durable…

M. le président. Je suis désolé, monsieur Lesterlin, de devoir vous retirer la parole.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes. Me fondant sur l’article 58-1 du règlement, j’attire votre attention sur le temps mis par les amendements à nous parvenir. Bien que nous les ayons déposés dans les délais, ils ne nous sont remis qu’au goutte à goutte, alors que le président de la commission des affaires économiques a convoqué notre commission à l’issue du vote sur la motion de procédure, ce dont nous le remercions. Je souhaite qu’au moment où la commission se réunira, nous disposions de la totalité des amendements.

M. le président. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse bien là d’un rappel au règlement.

M. François Brottes. Pourtant, s’il en est un …

M. le président. Quelque 1500 amendements ont été déposés, et il y a peu : un délai minimum est donc nécessaire pour les mettre en distribution. Cette situation témoigne de la nécessité de modifier notre règlement, et le Bureau y travaille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Reprise de la discussion

M. le président. Nous poursuivons la discussion générale.

La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c'est une véritable révolution que nous sommes invités à accompagner. Révolution dans les comportements et, nous l'espérons tous, révolution pour l'environnement.

La procédure de concertation qui a précédé le projet de loi nous a permis de prendre conscience de la situation et de l'urgence à prendre des mesures fortes, concertées, comprises et acceptées.

Désormais, l’on ne pourra plus dire que l’on ne savait pas.

Si le citoyen est de plus en plus sensibilisé au respect de l'environnement, encore faut-il que l'ensemble des institutions, à commencer par l'État, se mettent au diapason.

A quoi bon, ainsi, former les jeunes dans les écoles au développement durable si la commune ne pratique pas le tri sélectif ?

Les nouvelles obligations de l’État et des collectivités, notamment celles prévues aux titres IV et V du projet de loi, marquent l’entrée dans une ère nouvelle, celle du respect de l'environnement et de la responsabilité.

Vous proposez des mesures fortes pour garantir que toutes les décisions des collectivités et de l'État iront dans le sens de la protection de la nature et de l'environnement. Je ne peux que les approuver.

Prenons garde, cependant, à ne pas monter de nouvelles « usines à gaz » qui empêcheraient ensuite tout développement d'activité. L'enfer est pavé de bonnes intentions, comme en témoignent la loi sur l'eau, la loi sur l'archéologie préventive ou les diverses mesures de protection de la biodiversité qui ont créé des barrages administratifs infranchissables pour bon nombre de projets : je pourrais citer trois exemples dans ma seule circonscription.

Je serai par conséquent très attentive à la mise en place de la mesure prévue à l’alinéa 2 de l'article 45, qui vise à simplifier le dispositif des procédures d'enquête publique ainsi que toutes les mesures de transparence dans le cadre des contributions citoyennes au débat public.

Par l'article 46, vous encouragez les entreprises à adopter un comportement vertueux en matière de protection de l’environnement. Beaucoup, vous le savez, s’y sont déjà engagées, il faudra aussi en tenir compte.

Espérons par ailleurs que ces comportements seront exportés pour être généralisés sur le plan international, dans l’intérêt de la planète, mais aussi pour ne pas pénaliser nos entreprises vertueuses.

Nous avons travaillé en groupe pour essayer d'améliorer ce texte, notamment en ce qui concerne le traitement des déchets.

Non seulement nous produisons de manière irresponsable des objets ou des matières dont nous ne savons pas comment nous débarrasser, mais en plus nous ne savons pas gérer nos déchets qui pourraient pourtant constituer des gisements importants de nouvelles matières premières. Je vous proposerai plusieurs amendements à ce sujet au titre III, afin de définir les nouveaux métiers du recyclage, de qualifier les nouvelles matières premières qui en seraient issues, donner la priorité à la récupération plutôt qu'au « tout incinération ».

Nous devons cesser de produire des déchets que l'on ne sait pas réutiliser et organiser de vraies filières de récupération de ces nouvelles matières premières, créatrices de nouveaux métiers, donc d’emplois. Pour le moment, nous n'en sommes qu'aux balbutiements.

J'espère que ce projet de loi marquera le début d’une grande révolution des comportements en faveur de la protection de l'environnement, même s'il est déjà bien tard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. L’heure est grave !

Après plus de sept heures de discussion, mes collègues, en particulier M. Philippe Tourtelier, ont parfaitement exposé notre position sur ce texte.

M. François Grosdidier. Alors passons à l’orateur suivant !

M. Philippe Plisson. L’heure est grave ! Dernier orateur du groupe SRC, il m’incombe en effet de formaliser nos conditions quant à notre éventuel engagement en faveur de ce texte.

Nous sommes ici quelques-uns, militants convaincus et engagés de la cause de la planète, qui attendions avec impatience ce moment où nous passerions du discours aux actes, de l’incantation à l’action concrète en faveur de notre monde en danger. Nous n’imaginions pas qu’il coïnciderait si opportunément avec le cyclone économique qui dévaste la planète.

Nous voici réunis aujourd’hui à l’issue – je vous en rends acte, madame la secrétaire d’État – d’un débat passionnant et passionné aux ateliers de Grenelle, qui a dessillé les yeux et ouvert les consciences de nombre de nos concitoyens, jusque sur les bancs de la majorité où, hier encore, certains se gaussaient de nos mises en garde et caricaturaient notre action qu’ils disaient au service des « petites fleurs ».

J’ai donc découvert en commission, avec satisfaction et même délectation, le récent « coming out » de nombreux élus en faveur du développement durable,….

M. Bertrand Pancher. Elle est bonne !

M. Philippe Plisson. ….des élus en particulier UMP mais pas seulement, avec tous les excès des nouveaux convertis qui se croient obligés d’en rajouter au service de leur foi nouvelle, car ils ont à se faire pardonner leurs nombreux errements passés.

M. Jean Dionis du Séjour. Voilà de la bonne théologie !

M. Philippe Plisson. N’est-ce pas, messieurs Ollier et Gest, qui n’êtes pas à l’abri d’une rechute lobbyiste ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

A ceux-là, je suis tenté de dire : de grâce, encore un effort, camarades !

M. Serge Grouard. Vous pourriez être sérieux !

M. Philippe Plisson. L’urgence économique et l’urgence écologique, aujourd’hui à l’unisson, ont la même origine, le libéralisme, dont la marque distinctive est la religion de la croissance effrénée : produire pour consommer, consommer pour produire, promouvoir le superflu au détriment de l’essentiel, épuiser les ressources dans la course au gaspillage, multiplier les emballages et les déchets qui nous ensevelissent et accroître les pollutions qui nous empoisonnent, tout cela au profit exclusif d’une poignée de nantis dont l’immoralité est aujourd’hui responsable du krach économique mondial !

M. Philippe Tourtelier. Bien dit !

M. André Chassaigne. Bravo !

M. Philippe Plisson. Quel gâchis !

Mêmes causes, mêmes effets : tandis que sous les ravages dévastateurs du tsunami financier, des pans entiers de notre économie s’écroulent, les icebergs du pôle nord continuent de se déliter sous l’effet du réchauffement climatique. Leur libéralisme sauvage, celui du marché déifié, de l’argent adulé et de l’État honni, a franchi la ligne blanche. Il n’est plus aujourd’hui question, dans cette démarche du Grenelle, de se contenter de mettre quelques pansements sur les plaies mises à vif par ces dégâts. Il faut élever le débat à la hauteur des enjeux de ce monde bouleversé.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas avec vous que l’on y parviendra !

M. Philippe Plisson. Il ne s’agit plus de s’écharper autour de sujets dérisoires, comme celui de la taxe pique-nique, mais bien, ici et maintenant, à l’aune des événements dramatiques qui nous submergent, d’ouvrir une discussion de fond sur le monde tel que nous le voulons.

La plupart de ceux qui se sont succédé sur la gauche de ces bancs n’ont eu de cesse de dénoncer ce système capitaliste libéral pendant des décennies, et encore ici chaque semaine, sous les lazzis de la droite, de stigmatiser inlassablement les textes iniques proposés par le Gouvernement, comme cette loi TEPA, ces encouragements à la dérégulation économique, exclusivement basée sur la recherche du profit au service du luxe cynique, chronique d’un désastre annoncé pour l’équité sociale et l’équilibre de la planète.

M. le président. Il va falloir conclure. («Oh non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Plisson. Aujourd’hui, les faits prouvent la justesse de notre diagnostic et la légitimité de notre indignation. Il est temps pour les zélateurs de ce libéralisme malfaisant, sur ces bancs et au-dehors, de reconnaître leurs erreurs et de battre leur coulpe, à l’instar du Président Sarkozy à Toulon.

A cette unique condition, il sera possible d’en appeler à l’unité nationale pour reconstruire sur les ruines du capitalisme.

M. Jean Dionis du Séjour. Amen !

M. le président. Concluez maintenant !

M. Philippe Plisson. Le libéralisme devenu fou doit être refondu en profondeur. Il faut imposer à cette anarchie économique le retour de l’État…

M. le président. Je suis désolé, mais je dois vous interrompre.

M. Philippe Plisson. Je vous le demande solennellement. (« Très bien !» et applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Serge Grouard. Voilà un orateur sérieux !

M. Christian Jacob, rapporteur de la commission des affaires économiques. Enfin un peu de sérénité !

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une révolution tranquille est en marche. Pour la première fois dans l'histoire de nos institutions une loi s'inspirant directement du travail de tous les acteurs concernés de !a société civile va se traduire par un relevé précis d'objectifs à atteindre dans notre pays en matière environnementale.

Tous ces objectifs ambitieux ont été analysés et travaillés au cours de centaines de réunions regroupant toutes celles et ceux touchés de près ou de loin par les sujets abordés.

Ces objectifs ont été le fruit de compromis, parfois difficiles, entre des acteurs qui jusqu'à présent s'ignoraient, ne se comprenaient pas, parfois même se détestaient, et qui passaient la plupart de leur temps à défendre leurs positions légitimes en s'arc-boutant, en se repliant sur eux mêmes et en utilisant les armes d'une République centralisée à outrance et à bout de souffle : les lobbys, les groupes de pression, les communiqués de presse vengeurs, les manifestations.

Les chasseurs ont découvert que le ROC n'était pas dirigé par des illuminés voulant faire disparaître la chasse. Les militants environnementaux se sont rendu compte que les chasseurs n'étaient pas animés par le seul souci de tirer sur tout ce qui bougeait.

Les partisans d'une réglementation environnementale stricte ont échangé avec des entreprises soucieuses de rendre compatible le développement durable avec la réalité économique. Les dirigeants des grandes branches professionnelles ont compris que les ONG étaient dirigées par des animateurs d'une qualité exceptionnelle.

Nous avons mis en lumière une agriculture responsable ne demandant qu’à faire mieux pour l'environnement, nous avons échangé et trouvé des accords nombreux entre les entreprises et les organisations syndicales.

Dans tous les domaines liés à l'environnement, nous avons abouti à des objectifs partagés.

La loi Grenelle fera date dans l'histoire de notre démocratie. Elle illustre comment, demain, toutes nos décisions devraient être prises : en associant tous les acteurs concernés, en recherchant systématiquement les accords et les consensus.

M. le ministre d’État et Mme la secrétaire d’État nous ont préparé, grâce à l'intelligence du Président de la République, initiateur du Grenelle, et grâce à l'appui du Premier Ministre, une très belle loi.

Je veux rendre hommage aussi et surtout à l'implication de toutes les forces vives de notre pays – ces fédérations, ces fondations ou ce réseau de militants de France nature environnement –, ainsi que rappeler ces jours et ces nuits de travail et insister sur le doute qui animait à juste titre celles et ceux qui étaient conviés à cet exercice : encore de nouvelles concertations ? Un énième rapport à empiler sur des milliers d'autres ? Pourquoi accepter de se mettre à nu et ne pas se contenter de ses confortables oppositions ? Tous ont accepté de se dépasser, de se respecter, de s'engager et de se faire confiance. La société civile est aujourd'hui pleinement reconnue.

Ce beau gâteau que vous nous avez préparé durant de long mois, j'ai eu peur, je l'avoue, qu'il ne perde de sa saveur et de sa fraîcheur après l'exercice difficile de son passage en commission.

Or non seulement ce gâteau nous arrive presque intact – il reste peut-être quelques amendements que je ne partage pas –, mais il est maintenant, nous devons le reconnaître, décoré de jolies cerises.

M. André Chassaigne. Nous n’avons pas goûté le même morceau !

M. Bertrand Pancher. Je voulais remercier Christian Jacob, notre rapporteur : il a fait, je le pense, le même exercice que celui auquel certains d'entre nous se sont astreints, à savoir reprendre un à un les accords du Grenelle, vérifier qu'ils étaient bien inscrits dans cette loi et soutenir des amendements de bon sens qui apportaient les corrections nécessaires.

Il ne s'étonnera donc pas, j’en suis certain, dans la grande ligne du travail que nous avons effectué tous ensemble, qu'on tente encore de pousser l'avantage afin d'obtenir quelques friandises supplémentaires.

Cette nouvelle gouvernance environnementale, dont on a pu esquisser les contours à travers la réforme constitutionnelle, puis, aujourd'hui, cette première loi Grenelle, devra, sur le plan réglementaire, être articulée dans les prochains mois avec les décrets indispensables : je pense notamment à celui qui réformera la composition des CESR ou à celui qui créera le nouveau Conseil national du développement durable. La loi Grenelle II devrait, quant à elle, nous permettre d'entrer dans les détails en coordonnant le rôle des acteurs avec celui de la population, car il faudra renforcer les mécanismes de participation.

La nouvelle gouvernance environnementale, qui s'illustre parfaitement avec la loi Grenelle I est aussi une promesse d'avenir. Si nous en comprenons tous les mécanismes, nous pourrons demain les dupliquer pour toutes les autres décisions publiques. Demain, nous pourrons peut-être enfin réconcilier durablement les Françaises et les Français avec les décideurs que nous sommes, réformer profondément la démocratie comme nous l’aimons et créer les fondations d'une société apaisée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici engagés dans une nouvelle et très importante étape de la prise de conscience par les pouvoirs publics de notre pays de leurs responsabilités à l’égard de l’environnement et des générations futures. Après la création – je tiens à le rappeler –, il y a plus de trente ans, du premier ministère de l’environnement, qu’occupa Robert Poujade, puis l’adoption de cette très belle loi constitutionnelle, portant Charte de l’environnement, pour laquelle, madame la secrétaire d'État, nous nous sommes battus ensemble lors de la précédente législature, voici donc la première des grandes lois qui donneront corps et vie à l’esprit du Grenelle de l’environnement.

À la suite de tous mes collègues de la majorité, je tiens moi aussi à saluer la fidélité du projet de loi à l’ensemble des engagements du Grenelle de l’environnement,…

M. André Chassaigne. Pas tout à fait !

M. Guy Geoffroy. …fidélité à laquelle nous avons veillé.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Guy Geoffroy. Je reprendrai les propos de Bertrand Pancher pour souligner qu’un nombre important de nos amendements ne traduit pas, de notre part, la volonté de faire de la surenchère pour aller beaucoup plus loin, beaucoup trop loin, comme le craindraient certains, mais tout simplement, de façon très paisible, d’améliorer le texte afin qu’il colle, davantage encore que dans sa version initiale, aux engagements de toute la société française, dont toutes les composantes ont participé au finale du Grenelle de l’environnement.

Mes propos ne traduisent, contrairement à ce que pense ce matin Le Figaro, aucun scepticisme. Il n’y a pas dans la majorité de scepticisme, mais au contraire une très grande sérénité, une très grande volonté et un très grand engagement aux côtés du Gouvernement et du Président de la République pour que cette première loi plante le décor dans lequel s’inscriront les lois suivantes en vue de décliner l’ensemble des dispositions extrêmement novatrices et révolutionnaires que le pays attend.

Je me bornerai, après Françoise Hostalier, à évoquer les déchets, sujet dans lequel je suis, comme un grand nombre de mes collègues, impliqué sur les plans local et national.

L’article 41 du projet de loi est un des articles exemplaires de la fidélité du Gouvernement aux conclusions du Grenelle de l’environnement. D’une rédaction particulièrement limpide qui tranche avec sa complexité et permet ainsi de l’éclairer, il transmet à nos concitoyens une des notions les plus importantes : la vertu qu’il y a à prendre en charge nos déchets. Françoise Hostalier a souligné avec raison qu’il fallait que nous cessions de parler des déchets comme de choses dont nous souhaitons nous débarrasser quels qu’en soient le prix ou la méthode, car il s’agit là de véritables matières premières sans cesse renouvelables qu’il faut veiller à prendre en compte de la manière la plus pertinente possible.

Je tiens à saluer ce travail de subsidiarité auquel nous convie l’article 41, puisqu’il invite, d’une part, les citoyens à la fois à produire moins de déchets et à en faire le tri le plus pertinent possible,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est exact.

M. Guy Geoffroy. …et, d’autre part, les collectivités et les industriels à saisir, à chacune des étapes du traitement des déchets, l’occasion de produire de nouvelles sources d’énergie, comme le gaz, et des matières premières recyclables, ce qui permettra d’économiser encore plus de matières premières.

Le Gouvernement devra donner à l’application de l’article 41 toute sa portée afin de ne pas le réduire à une simple déclaration d’intention, si forte soit-elle. L’État aura probablement un rôle essentiel à jouer en la matière car c’est à lui qu’il appartiendra de veiller à ce que les plans départementaux et régionaux n’aient pas qu’un caractère incitatif mais soient des documents à caractère opposable, permettant de rendre complémentaires les différentes filières de traitement des déchets. Il s’agit en effet de mettre un terme au conflit quelque peu surréaliste qui existe aujourd'hui entre les filières, conflit consistant à dénoncer comme la pire des choses l’incinération et à porter à l’apogée de leur gloire toutes les autres formes de traitement. Il y a une place pour le recyclage, une autre pour la métallisation ; il y a une place pour le compostage, une autre pour l’incinération ; il y a une place, enfin, pour le déchet inerte placé en centre d’enfouissement technique. Grâce à l’article 41, la conciliation entre ces différentes formes de traitement devient possible. Cet article est l’exemple même de la qualité de cette loi que, comme tous les députés de la majorité, je voterai sans hésitation ni scepticisme, mais avec une grande confiance dans l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ma réponse sera un peu longue parce que la discussion générale a été très fournie. Je souhaite dégager le terrain avant de passer à l’examen des amendements.

Je tiens tout d’abord à vous remercier de la qualité de ces débats, assurément d’une grande complexité et d’une grande technicité, mais dont l’intérêt et l’importance ont été l’occasion d’un plaisir partagé. Jean-Louis Borloo, Dominique Bussereau et moi-même tenions à vous exprimer une nouvelle fois toute notre gratitude pour le travail effectué, cette gratitude allant en particulier à ceux, ils sont nombreux, comme Serge Poignant, Alain Gest, Jean Dionis du Séjour, Jérôme Bignon, Serge Grouard et François Grosdidier qui, en acceptant d’y consacrer beaucoup de temps, ont soutenu le processus du Grenelle depuis son commencement et comptent parmi les principaux artisans de sa mise en œuvre.

D’autres, comme Mme Geneviève Gaillard ou Mme Robin-Rodrigo, tout en saluant le processus lui-même, reprochent au projet de loi de programme d'être quelque peu… programmatique. Je passe aussi sur les critiques ayant pour thème « on aurait pu faire plus », « on aurait pu aller plus loin », qui sont classiques dans ce genre de débat et que Mme Frédérique Massat a reprises. J’y vois une forme d’hommage et de déclaration d’intérêt pour le travail effectué. On aurait évidemment pu aller plus loin – on le peut toujours – mais personne ne peut, sur vos bancs, contester qu'il y aura bien un avant et un après du Grenelle de l’environnement.

M. Alain Gest. Absolument !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je crois, monsieur Philippe Plisson, que nous n'avons rien à nous faire pardonner !

II est évidemment difficile d'être totalement exhaustif, compte tenu de la grande richesse de ces débats préliminaires.

Je tiens à commencer sinon par les sujets qui fâchent, du moins par ceux qui sont les plus sensibles, à savoir les aspects financiers. Cette question a été évoquée par beaucoup d'entre vous, à commencer par M. Christian Jacob, votre rapporteur et je voudrais collectivement vous rassurer : le Grenelle est entièrement financé…

M. André Chassaigne. C’est faux !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. …et son financement, Monsieur Tourtelier, est explicitement prévu dans le budget triennal qui a été déposé il y a quelques jours sur le bureau de votre assemblée. Je tiens également à dire à M. Paul que c'est au total 19 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 7,3 milliards de crédits de paiement que le Gouvernement mobilisera sur les trois années 2009-2011.

M. Philippe Tourtelier. S’il ne les gèle pas !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Ainsi, non seulement les financements existent, mais ils sont également sanctuarisés sur trois ans.

M. Jean-Jack Queyranne. Bercy m’a tué !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Non, monsieur Queyranne, le Grenelle n'a pas été victime de Bercy, bien au contraire. Je tiens du reste à souligner que ces financements sont construits dans le strict respect des équilibres des finances publiques et que le Grenelle n'augmente pas le niveau des prélèvements obligatoires.

M. Alain Gest. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le renforcement, d’un côté, de la fiscalité environnementale est totalement compensé, de l’autre, par des allégements fiscaux. On est donc bien dans l'incitation, dans l'orientation et dans le signal-prix, comme le souhaitait hier à cette tribune M. Quintreau du Conseil économique, social et environnemental, et en aucun cas dans le rendement. Ainsi, de grâce, pas de caricature ! Comme l’a souligné François Grosdidier, l'incitation est préférable à la contrainte. C'est tout l'esprit, Serge Grouard, du verdissement sans précédent du projet de loi de finances pour 2009, dont treize mesures sur vingt-quatre concernent directement le Grenelle : éco-prêt à taux zéro, extension du crédit d'impôt développement durable, avantages supplémentaires dans le cadre des dispositifs TEPA et PTZ.

J'ajoute, pour être tout à fait précise, monsieur Yannick Paternotte, que le bonus écologique a clairement vocation à s'équilibrer et ne permettra donc pas de dégager des recettes fiscales supplémentaires. Quant à l'instauration d'un éventuel malus sur les véhicules très polluants, c'est un sujet qui relève directement du PLF. C’est la raison pour laquelle je ne m’étendrai pas davantage sur la question ce matin.

Par ailleurs et c'est très important, tous les prélèvements sont directement affectés aux dépenses du Grenelle : il n'y a aucune fuite dans le système, contrairement à ce que certains ont prétendu. C'est ce que vous souhaitiez, monsieur le rapporteur, et c'est ce que nous avons fait dans le budget triennal. En outre, votre idée de créer un fonds de capitalisation va dans le sens de la recherche de financements innovants pour le Grenelle que nous avons systématiquement privilégiés. Cette piste pourrait être étudiée à moyen terme, sachant que nous n'avons pas besoin de cet instrument dans l'immédiat dans la mesure où le financement de l'AFITF est sécurisé pour les trois années qui viennent, ce qui devrait rassurer M. Maxime Bono.

Je tiens également à vous rappeler, monsieur le président Ollier, qui vous êtes inquiété de l'impact financier, notamment pour les collectivités locales, du développement du bio, que l'objectif de 20 % de bio dans les cantines scolaires ne s'applique qu'à l'État et que les collectivités locales sont donc, à ce stade, totalement libres. Il s'agit d'encourager le développement d'une agriculture biologique française : à l'heure actuelle, la demande explose et notre pays est obligé d'importer des produits biologiques, ce qui est dommage. Le bio peut être une chance pour notre agriculture, comme le soulignait M. Reynes, et ses perspectives de croissance sont considérables.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je suis d’accord.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Pour l’avoir testé dans ma mairie, je puis vous assurer qu’on peut atteindre un pourcentage de bio non négligeable pour un coût relativement peu élevé. Nous en reparlerons.

J’ajoute enfin qu’en cette période de turbulences financières le Grenelle marque un retour à la raison puisqu’il privilégie le long terme sur les stratégies de court terme, l’économie réelle sur l’irrationalité financière, et la recherche – M. Quintreau en a parlé hier – sur l’obsession de la rentabilité immédiate. Je ne peux donc pas laisser M. Chassaigne dire que « l’écologie est l’otage du capitalisme ». (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Jean Proriol. C’est une rengaine chez lui, il ne peut pas s’en passer !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Au contraire, et pour reprendre les mots de François Grosdidier, le Grenelle est une « réussite conceptuelle » permettant de réconcilier économie de marché et écologie.

M. Philippe Plisson. Ce n’est pas gagné !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Michel Piron l’évoquait hier, nous sommes à la recherche de la croissance de demain – la croissance verte –, conformément au souhait exprimé par Jean Dionis du Séjour qui s’est beaucoup investi dans le Grenelle, notamment au sein du groupe 4 sur la production et la consommation durables. Nous sommes aussi à la recherche de notre indépendance et de notre sécurité énergétiques, ainsi que l’a souligné Alain Gest. En matière d’énergie éolienne, nos objectifs sont assez simples : améliorer la planification, limiter au maximum le mitage et renforcer l’encadrement réglementaire.

M. Alain Gest. C’est parfait !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Contrairement à ce qu’affirme M. Tourtelier, les entreprises du bâtiment ont largement entamé ce virage.

M. Philippe Tourtelier. Pas suffisamment !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. C’est toujours ça !

Une concertation multipartite copilotée par les partenaires sociaux a été lancée cet été sur la formation, la qualification et le recrutement dans le secteur du bâtiment.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. C’est un bon début !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Ainsi que le soulignait Michel Piron, nous avons également besoin de développer notre ingénierie. J’aurais voulu dire à M. Quintreau, rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mon souci de viser constamment le plus haut degré de performance énergétique dans le bâtiment. Le CESE a réalisé d’excellents travaux sur le sujet. J’ajoute, pour être tout à fait complète, – je m’adresse à Mme Labrette-Ménager – que l’objectif est aussi d’améliorer la qualité de l’air intérieur, la qualité acoustique et la ventilation.

La volonté de lier lutte contre le changement climatique et lutte contre les impacts sanitaires dus à l’environnement est au cœur du second plan national de santé-environnement, en cours d’élaboration au sein d’un groupe de travail piloté par le professeur Gentilini, président de l’Académie de médecine, et qui fera l’objet d’une consultation aux alentours du 15 octobre prochain. J’ajoute à l’attention de ceux qui en ont regretté le défaut, que de nombreuses mesures sur les questions de santé environnementale ne relèvent pas du pouvoir législatif ; elles pourront néanmoins être consultées en même temps que l’Assemblée examinera le texte.

Au fond, ce n’est peut-être pas un hasard si, hier, vous avez débattu à la fois de la crise financière et des moyens d’éviter la crise écologique.

M. François Brottes. C’est la double faillite du modèle libéral !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Avec le Grenelle, nous avons jeté un pont, lancé une invitation à surmonter les crises du passé et à proposer les initiatives indispensables pour prévenir les crises de l’avenir. Nous nous situons bien sur ces deux échelles de temps.

Je rappelle d’ailleurs à MM. Tourtelier et Letchimy qu’un des objectifs du Grenelle est de réduire les factures énergétiques des ménages, à commencer par ceux qui habitent dans les 800 000 logements les plus dégradés, grâce, notamment, à des prêts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations, ce dont s’est réjouie d’ailleurs une députée de l’opposition.

M. Alain Gest. Il est bon de le rappeler !

M. Philippe Tourtelier. Parlez-nous aussi des prêts à taux zéro !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. La rénovation thermique sera donc accessible à tous, madame Robin-Rodrigo, et les radicaux de gauche ont donc toutes les raisons de voter ce texte puisque vous appeliez cette disposition de vos vœux.

M. Alain Gest. Vous allez voir qu’ils vont finir par le voter !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le projet de loi Grenelle I, monsieur Letchimy, prévoit une concertation entre bailleurs et locataires pour définir une répartition juste et équitable des coûts et des bénéfices tirés de la rénovation thermique ; nous y sommes très attachés.

Je dirai maintenant un mot à Éric Diard sur l’exemplarité de l’État : nous avons présenté, comme vous savez, une communication en Conseil des ministres sur le sujet avec, au fond, l’idée assez simple que l’État ne peut pas exiger des autres davantage que ce qu’il fait lui-même. Ainsi, l’État concentrera ses achats sur les véhicules émettant moins de 130 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre, sauf exception, comme le prévoit d’ailleurs l’amendement présenté par votre commission. J’attire l’attention de M. Letchimy sur le fait que le bonus écologique a permis, en neuf mois, de réduire de 9 grammes de dioxyde de carbone la moyenne d’émissions des véhicules ; nous avançons donc à un rythme dix fois plus rapide que précédemment.

J’en profite pour revenir sur les enquêtes publiques, point abordé par plusieurs d’entre vous. La réforme des enquêtes publiques et la simplification des procédures figurent dans le projet Grenelle II. Il s’agit de mettre fin aux trop nombreux types d’enquêtes pour les regrouper, à terme, en deux catégories : l’enquête à finalité principalement environnementale régie par le code de l’environnement, d’une part, et l’enquête publique classique régie par le code de l’expropriation, de l’autre. Il est également prévu d’aligner le champ des enquêtes publiques sur celui des études d’impact et sur celui de l’évaluation environnementale.

J’aborde maintenant la trame verte et bleue chère à Patrick Ollier qui a travaillé – notamment – sur ce sujet auquel il est très attaché.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Merci de le souligner !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Vous le savez, cette trame verte et bleue, fruit de la concertation des groupes de travail, s’est imposée comme une mesure phare du Grenelle. Un comité opérationnel piloté par le sénateur Raoult réunit tous les acteurs du territoire – organisations professionnelles, agriculteurs, élus, associations, État –, afin d’élaborer le cadre et les règles de la trame verte et bleue. Ses travaux vont se poursuivre jusqu’en 2009 mais ses principes de base seront débattus au Parlement dès l’examen du projet Grenelle II. C’est pour cette raison, monsieur Letchimy, que la trame verte et bleue ne peut pas être opposable aujourd’hui. Ce sont bien les élus qui choisiront, dans la concertation, les terrains concernés dans un cadre préalablement harmonisé.

Je souhaite rassurer M. Bernard Reynès : le but de la trame verte et bleue est bien de reconnaître la valeur et les qualités environnementales des activités économiques, notamment agricoles, et non pas de les remettre en cause. Il n’est pas question ici de l’espace protégé – il ne s’agit pas de créer des parcs nationaux partout –, mais seulement d’interconnexion entre des espaces standards aux activités multiples, et des espaces de qualité remarquable qui confèrent à l’ensemble une plus grande valeur environnementale et biologique.

M. Alain Gest. Très juste !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. En outre, on ne peut que souscrire au parallèle établi par le président Ollier entre partenaires sociaux et partenaires environnementaux, avec tout ce que cela implique en termes de droits et devoirs. En effet, la transparence financière et la représentativité sont les conditions, dans les deux cas, d’une association étroite à la gouvernance démocratique, sujet que connaît bien Bernard Pancher, que je tiens à remercier très chaleureusement pour son investissement personnel tout au long du processus et pour sa fidélité au Grenelle.

M. Alain Gest. C’est vrai, il a beaucoup travaillé !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. En effet.

Je souhaite rassurer le pilote du comité opérationnel 24 sur la représentativité des acteurs environnementaux : la loi organique sur la composition du Conseil économique, social et environnemental, comme d’ailleurs les décrets à venir sur la composition des conseils économiques et sociaux régionaux ou sur le futur Conseil national du développement durable, s’inspireront directement du rapport de M. Pancher.

Je veillerai ainsi à ce que les associations et ONG dédiées exclusivement à la protection de l’environnement trouvent leur place dans ces instances. À terme, cher Jean Dionis du Séjour, la gouvernance du Grenelle reste à inventer, même si le Parlement doit aussi pleinement jouer son rôle de suivi et de contrôle de l’action du Gouvernement. En effet, vous l’avez dit, il faut maintenir le cap sur la durée indépendamment des nombreux aléas de la vie politique et économique, en France et à l’étranger. Je crois néanmoins, madame Got, que le Grenelle a été tout sauf le début d’une « gouvernance frileuse ».

J’ajoute que la pérennité du Grenelle repose aussi sur les initiatives des acteurs de terrain, celles notamment des collectivités locales. Or je sens, cher Alfred Almont, cher Victorin Lurel, une formidable volonté dans nos DOM-TOM de saisir toutes les opportunités liées au développement durable. Nous sommes décidés à aider ces territoires et c’est pourquoi, cher Victorin Lurel, ce texte est tout sauf jacobin ! Enfin, comme le soulignait Alfred Marie-Jeanne, il s’agit aussi de combattre les mécanismes pervers qui empêchent les îles de s’acheminer vers davantage d’autosuffïsance.

Madame Labrette-Ménager, vous avez souligné avec raison que nous risquions de manquer d’installations de traitement des déchets. L’objectif du Grenelle est simple : réduire la quantité de déchets produits et les traiter à la source. La priorité, monsieur Jean Grellier, est donc bien la prévention puis le recyclage. Nous pourrons ainsi mettre en œuvre l’engagement du Grenelle de l’environnement qui vise à plafonner le dimensionnement des nouvelles installations de stockage et d’incinération.

De plus, comme vous le souhaitez, nous allons augmenter la taxe générale sur les activités polluantes sur ces deux activités pour financer la prévention et le recyclage. La palette de mesures envisagées est toutefois bien plus large : mise en place d’une tarification plus incitative, soutien aux plans locaux de prévention, lancement de nouvelles campagnes de communication, développement de la méthanisation...

Comment ne pas voir, chère Françoise Hostalier, que nos déchets deviendront, à terme, notre première ressource en matières premières dans un monde de rareté ? Comment ne pas voir que le recyclage fait partie de ces deux ou trois relais de croissance de demain, notamment en faveur de l’économie locale ? Au fond, et pour conclure sur ce point, je ne vois pas bien, monsieur Grellier, ce qui nous sépare dans la mesure où les objectifs du Grenelle reprennent point par point les priorités que vous avez déclinées.

Je reviens sur le tableau brossé par votre collègue Jean-Paul Chanteguet en matière de biodiversité. Il y a urgence et nous sommes tous concernés, François Grosdidier l’a souligné, en tant que membres à part entière de cette biodiversité. En sus des mesures que vous avez citées – trame verte et bleue, placement de 2 % du territoire sous protection forte –, je confirme l’effort financier sans précédent consenti par l’État en faveur de la biodiversité, qui fut longtemps le parent pauvre de la protection de l’environnement.

Dans un contexte budgétaire contraint, il n’a pas pu vous échapper que l’enveloppe du programme biodiversité a augmenté de 30 % en 2008, notamment en raison de la mise en place des parcs nationaux de la Réunion et de la Guyane, ainsi que de la mise en œuvre et de la contractualisation des sites Natura 2000. Cet effort de rattrapage se poursuivra sur la période 2009-2011 avec une hausse de 11 %, soit 132 millions d’euros en plus. En 2009, 22 millions d’euros supplémentaires sont programmés pour le financement des mesures du Grenelle de l’environnement relatives à la biodiversité – gestion de l’espace et des ressources, conservation des espèces, connaissances, trame verte et bleue.

La protection de la biodiversité, chère Annick Le Floch, c’est aussi la protection de la ressource et vous savez comme moi qu’il s’agit d’un sujet crucial pour la pêche. C’est pourquoi, quand le Grenelle parle d’aires marines protégées, il parle aussi de la pêche et de son avenir. Quand il évoque l’écolabellisation des produits de la pêche, c’est de la reconnaissance par les consommateurs de la pêche durable qu’il s’agit. Quand il préconise la réduction des pollutions, il prône dans le même temps la préservation de la qualité des eaux littorales. Nous parlons donc bien des mêmes choses.

Cet effort financier se double d’une volonté politique sans faille illustrée par la lutte que nous menons quotidiennement contre l’orpaillage illégal chez vous en Guyane, Christiane Taubira. La route est encore longue mais, d’après les informations recueillies sur place, l’opération Harpie a été un succès. Nous souhaitons donc poursuivre ce type d’opérations en étroite coopération avec Hervé Morin et Michèle Alliot-Marie. J’ai d’ailleurs trouvé votre jugement bien sévère sur ces opérations, madame Taubira.

M. Alain Gest. C’est vrai !

Mme Christiane Taubira. J’ai porté un jugement sévère sur leur non-pérénisation parce que, justement, leurs résultats…

M. le président. Madame Taubira, vous n’avez pas la parole !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je dis simplement qu’il faut soutenir ces opérations.

Dans le même temps, nous souhaitons donner un cadre à 1’exploitation aurifère minière légale impliquant un haut niveau d’exigence environnementale en évitant évidemment les espaces les plus sensibles ; c’était le sens de l’engagement personnel du Président de la République quand il a refusé que soit lancé le projet de mine d’or sur la montagne de Kaw. Nous achèverons cette année le schéma minier de la Guyane, chantier engagé à la suite du Grenelle de l’environnement et qui constituera un outil important pour atteindre cet objectif.

M. Quintreau mais aussi plusieurs députés, Alfred Marie-Jeanne, Jean-Yves Le Déaut, Geneviève Fioraso, ont souligné le rôle-clef joué par la recherche dans la bataille écologique. L’exemple de la Martinique, chef de file d’un programme européen sur la biodiversité, d’un programme sur les énergies renouvelables, en particulier marines, et d’un programme de technologies parasismiques, illustre le dynamisme de la recherche en matière de développement durable. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Grenelle prévoit d’allouer un milliard d’euros supplémentaires à la recherche dans ce domaine. On peut toujours trouver que cela n’est pas assez, mais admettez tout de même que ce milliard a au moins le mérite d’exister, d’autant que la recherche publique a aussi un effet d’entraînement sur la recherche privée. On doit donc convenir que ces moyens supplémentaires ne sont pas négligeables.

En ce qui concerne les transports, Dominique Bussereau sera mieux à même de vous répondre dans le détail par la suite. On peut d’ores et déjà rappeler que les transports sont au cœur du développement durable, comme l’ont souligné Christian Estrosi, Yannick Paternotte et Françoise Branget. La nécessité de changer nos comportements est évidente. La hausse brutale du prix de l’essence au premier semestre 2008 a servi de révélateur. En juin et en août 2008, la consommation de carburant a baissé de 10 %. On constate une forte hausse du trafic des transports en commun, et la multiplication de solutions individuelles comme le covoiturage.

Les collectivités locales sont en première ligne puisque ce sont elles qui organisent les transports. Elles sont pleinement engagées dans cette voie, comme M. Queyranne en a témoigné pour les régions, et M. Estrosi pour les aires urbaines. Elles doivent donc être à la pointe de l’innovation,…

M. André Chassaigne. Elles le sont !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. …y compris tarifaire. Avec le Grenelle de l’environnement, l’État reviendra aux côtés des agglomérations pour les aider à construire les tramways et les bus en site propre nécessaires. 2,5 milliards d’euros y sont consacrés hors Ile-de-France. Je ne veux pas ouvrir une bataille de chiffres avec M. Bono, mais je rappelle au passage que les périodes visées dans le Grenelle et dans le projet de loi ne sont pas les mêmes. En outre, le texte prévoit des aides sous la forme de prêts bonifiés, et un premier appel à projets sera très prochainement lancé.

Monsieur Albarello, s’agissant du RER A, le Président de la République a annoncé en mai dernier un plan d’urgence de remplacement de vingt-sept rames de RER à double niveau pour un montant de 600 millions d’euros. Les premières seront disponibles en 2010, et permettront d’augmenter les capacités de même que le confort. Pour le RER B, la continuité du service entre zones RATP et SNCF, expérimentée actuellement, deviendra pérenne. Le financement du projet indispensable dit « RER B + », est inscrit au contrat de projet pour 250 millions. L’État en a fait une priorité.

Monsieur Lesterlin, il est vrai que, dans le passé, nous avons trop négligé l’entretien de nos réseaux. Ce constat est maintenant partagé par les différents acteurs. Nous devons trouver un meilleur équilibre entre le développement du réseau et son entretien. Depuis l’audit réalisé en 2005 par l’École polytechnique de Lausanne, l’État a engagé un plan de rénovation du réseau qui a permis en deux ans de passer de 400 kilomètres à 600 kilomètres de voies régénérées par an. Nous consacrons aujourd’hui plus d’un milliard par an à cet effort. Il sera poursuivi et accru puisque L’État y consacrera progressivement 400 millions d’euros de plus.

Notre ambition en faveur des nouvelles lignes à grande vitesse ne sera pas affaiblie. La loi prévoit le lancement de 2000 kilomètres de lignes nouvelles d’ici à 2020, en concertation avec les collectivités territoriales, notamment les régions. C’est l’occasion de préparer l’avenir du réseau LGV au-delà des projets inscrits en 2003. Bien sûr, Monsieur Proriol, Monsieur Lesterlin, le projet Paris-Clermont en est un élément important.

De même, il est évident, monsieur Queyranne, que l’État n’élaborera pas seul le schéma national d’infrastructures. D’ailleurs, l’Association des régions de France a été pleinement partie prenante du comité opérationnel qui portait sur les lignes nouvelles et le réseau classique.

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. C’est dans ce cadre qu’ont été établis les trois objectifs assignés au schéma par le projet de loi qui vous est soumis.

J’en viens à la voie d’eau. Madame Branget, comme vous l’avez dit, la voie d’eau est restée longtemps la grande oubliée des transports. Le projet emblématique de cette politique est le projet de canal Seine-Nord Europe. Il s’agit d’établir une liaison fluviale à grand gabarit entre le bassin de la Seine et celui de l’Escaut. Ce nouveau canal, accessible aux unités fluviales de 4 400 tonnes, reliera en 2015 le Bassin parisien, le Nord-Pas-de-Calais et, au-delà, le Benelux et les 20 000 km du réseau fluvial européen. Entre 13,3 millions et 15 millions de tonnes de marchandises seront transportées sur le nouveau canal, ce qui équivaut à 500 000 poids lourds ainsi évités chaque année, notamment sur les autoroutes Al et A13. La déclaration d’utilité publique de ce projet a été signée. Le lancement d’appel public à concurrence permettant la désignation d’un partenaire privé pour la réalisation de ce projet d’envergure est imminent, je vous le confirme.

Mais le fluvial, ce n’est pas seulement le canal Seine-Nord Europe. Nous avons l’ambition de remettre la voie d’eau au cœur du dispositif – je l’évoquais tout à l’heure avec le rapporteur, qui est lui-même concerné dans sa circonscription. Nous devons donc également rénover et moderniser le réseau magistral. On retrouve la même problématique que dans le domaine ferroviaire : n’oublions pas la priorité que constitue le réseau existant.

Pour gagner le pari du report modal, nous allons mobiliser tous les outils à notre disposition : trafics massifïés, transport combiné, solutions innovantes – comme les opérateurs de proximité pour le trafic de wagons isolés –, autoroutes ferroviaires, fret à grande vitesse, avec le projet CAREX, qui vous est cher, monsieur Paternotte. J’ajoute, madame Branget, que la réforme des ports engagée par Dominique Bussereau nous permettra à terme, nous l’espérons, de rattraper notre retard sur les ports de l’Europe du Nord.

Ayant commencé par l’argent, je finirai par l’argent car, pour tout cela, il faut des moyens, notamment pour augmenter les ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France, l’AFITF. Aujourd’hui, celle-ci investit 2 milliards d’euros par an. Dans les cinq ans à venir, elle investira 13,8 milliards.

M. François Rochebloine. Et voilà !

M. André Chassaigne. Que des promesses !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je vous confirme à nouveau que la taxe poids lourds sera bien affectée à l’AFITF. Nous l’inscrirons dans la loi si vous le souhaitez, monsieur Bono. Et je suis d’accord avec vous, monsieur Queyranne, cette taxe doit être répercutée sur les bénéficiaires du transport de marchandises si nous souhaitons favoriser le report modal.

Bref, vous l’avez tous compris, ce projet de loi est empli de promesses. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pourquoi n’aimez-vous pas le mot « promesse » ?

M. François Rochebloine. Et il y a aussi des engagements !

M. André Chassaigne. Ah oui ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Les promesses, pour nous, sont des engagements (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

M. Jean-Jack Queyranne. Les promesses n’engagent que ceux qui les font, pas leurs successeurs !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. …car elles sont la manifestation d’un idéal partagé que nous poursuivons ensemble. Je crois vous avoir répondu à tous avec une grande précision, y compris sur les questions financières, questions sur lesquelles nous sommes tous très chatouilleux, ce qui est bien normal. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Yves Cochet, pour une durée qui ne peut excéder 30 minutes.

M. Alain Gest. Après tout ce que vient de dire Mme la secrétaire d’État, ce n’est pas utile !

M. Yves Cochet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’entends parler ici de « révolution ». Mme la secrétaire d’État a même évoqué une « révolution conceptuelle ».

M. André Chassaigne. C’est l’écologie cérébrale ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. Cela doit tous nous intéresser, et c’est sous cet angle que je vais défendre notre motion de renvoi en commission.

Tout le monde a salué ce que l’on a appelé, l’an dernier, « la démarche du Grenelle », qui réunissait cinq groupes d’acteurs de la société civile, en disant que c’était formidable parce que non seulement ils s’étaient rencontrés, mais qu’en plus ils avaient réussi à se parler, à négocier et à aboutir à des conclusions appelées maintenant des « engagements », censés être traduits plus ou moins fidèlement dans le projet de loi. Mais je pense qu’il a manqué un acteur. Un acteur qui, bien sûr, n’a pas la parole : c’est la nature elle-même, c’est-à-dire l’environnement, la biosphère. Certains vont me rétorquer : « Oui, mais, malgré tout, nous avons auditionné un certain nombre de scientifiques ». Certes, hier, on a cité M. Jean Jouzel, qui a été auditionné, à propos du climat, par le comité de suivi du Grenelle, et il y en a eu d’autres, auditionnés à propos de la biodiversité. En effet, on peut reprendre une idée de Bruno Latour : la nature elle-même étant un être fictif qui n’a pas la capacité de parler au sens humain du terme, il fallait qu’elle ait des porte-parole, tels les scientifiques. Ainsi, L’ONU considère que la société civile comporte plus que les cinq groupes du Grenelle : il y en a d’autres, notamment les scientifiques. Dans les grandes conférences internationales, que connaît bien Mme la secrétaire d’État ou d’autres parmi vous, on compte neuf grands acteurs, dont les scientifiques. Il aurait dû y avoir dans le processus, ou du moins dans l’esprit du Grenelle, les scientifiques en tant que tels comme sixième acteur majeur.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai ! Très juste !

M. Yves Cochet. Ils auraient pu clarifier certains des délires nés des engagements passés ou du projet de loi. En effet, comme n’étaient présents que les acteurs sociaux, ceux-ci ont négocié ensemble, entre acteurs humains, selon un certain type de rapports de force, non selon des rapports de type scientifique.

Je vais en donner un seul exemple. Le GIEC, considéré par tous comme une des instances scientifiques internationales les plus respectables, regroupe plus de 2000 scientifiques qui examinent l’évolution du climat pour nous prévenir de ses conséquences. Ils produisent même des documents intitulés « Résumé pour décideurs », destinés aux décideurs politiques du monde entier, y compris nous. Il a rendu, en 2001 un rapport à la suite duquel on a répété à satiété qu’en France il faudrait diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990 pour satisfaire les recommandations du GIEC. C’était vrai en 2001 mais, malheureusement, son nouveau rapport, extrêmement volumineux, publié en 2007, aboutit à des conclusions fort différentes. Dans le résumé pour décideurs, qui fait une trentaine de pages et qui devrait tous nous concerner, les chiffres ont été revus – car, bien entendu, les connaissances scientifiques sur le climat ou les océans évoluent.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Yves Cochet. Souvenez-vous des recommandations de M. Jouzel, qui a dit qu’il ne faudrait pas qu’en 2050, la hausse moyenne des températures dépasse deux degrés car, au-delà, le climat s’emballerait. Or, si vous regardez la première ligne du tableau n° 6 du résumé, vous constatez qu’en ce qui concerne la France, ce n’est pas, comme l’estimait M. Raffarin voilà cinq ans, une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre qu’il faudrait atteindre en 2050, mais une division par douze ! Dès lors, évidemment, tout change, y compris la nature de votre projet de loi, madame la secrétaire d’État. Pour suivre le rapport du GIEC de 2007 – lisez-le dans le détail –, l’objectif n’est plus une division par quatre, mais par douze pour la France, par vingt pour la Grande-Bretagne, par vingt-cinq pour les États-unis d’Amérique ! On peut donc s’interroger sur le sérieux de votre texte de loi. C’est ma première critique : même au point de vue scientifique, sur lequel en principe il s’appuie, il est déjà en retard par rapport à la dynamique du monde réel.

Deuxième critique – conceptuelle elle aussi, madame la secrétaire d’État – : il y a un oubli complet, un vrai manque. Dès le début du processus du Grenelle, le Président de la République et le Gouvernement nous ont dit : « On ne parle pas du nucléaire. » La première raison, c’est que l’on en est très fier en France. Les Français sont les champions du monde du nucléaire.

M. Alain Gest et M. Guy Geoffroy. Oui !

M. Yves Cochet. Certes, mes chers collègues, mais cette voie est une impasse ! Je vais vous expliquer pourquoi. Il y a évidemment beaucoup d’arguments pour être anti-nucléaire, je ne vais pas les passer tous en revue,…

M. Alain Gest. Merci !

M. Yves Cochet. …je vais vous en donner un seul : le Président de la République a déclaré qu’il faudrait construire un deuxième EPR – après celui qui est en construction à Flamanville –, et le ministre de l’industrie a même dit qu’il faudrait en bâtir encore plus, toute une génération, pour renouveler le parc électronucléaire, qui commence, en France, à vieillir – M. Poignant en sait quelque chose. Or un EPR, c’est prévu pour durer soixante ans. Si on compte le temps de sa construction et de son démantèlement, son existence s’étend sur un siècle. Je vous le dis très sincèrement et très clairement, mes chers collègues, notamment de la majorité, mais je m’adresse aussi à une partie de mes amis socialistes : quand on fait un pari sur le nucléaire pour un siècle, voire plus longtemps – j’entends parler quelquefois de quatrième génération –, il faut que la société dotée du nucléaire civile – a fortiori en cas de nucléaire militaire – soit d’un bon niveau technologique. Vous ne pourriez pas faire du nucléaire au Zimbabwe parce que ce pays n’a pas le niveau suffisant, qu’il manque d’écoles d’ingénieurs. Il faut, en outre, que la société soit démocratique. Il faut aussi que la société soit sûre, ou mieux, sécurisée, parce que le nucléaire suppose des matières fissiles assez dangereuses. Enfin, il faut que la société soit stable. Or qui, à part ceux animés de l’innocence virginale des nucléocrates…

M. Alain Gest. Joli !

M. Yves Cochet. …et de la plupart d’entre vous, peut croire que la France, l’Europe ou le monde seront à la fois technologiques, démocratiques, sécurisés et stables pendant encore un siècle ? Le croire serait ignorer totalement ce qui s’est passé dans l’histoire depuis probablement l’aube de l’humanité, et en tout cas depuis Alexandre le Grand ! Regardez ne serait-ce que le XXe siècle, y compris en Europe ; regardez ce qui s’est passé dans des grands pays parmi les plus civilisés du monde, tels que l’Italie, l’Allemagne et le Japon ! Parier sur le nucléaire revient, je le répète, à parier que les sociétés seront à la fois démocratiques, technologiques, stables et sécurisés pendant un siècle : c’est une folie anthropologique.

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Yves Cochet. L’impasse nucléaire est donc totale en France.

M. Jean Dionis du Séjour. Pas très solide tout ça, monsieur Cochet !

M. Yves Cochet. Mon cher Dionis du Séjour, supposons que quelque dictateur, dans les pays que j’ai cités, ait eu le nucléaire il y a soixante-dix ans ; je ne suis pas sûr que nous pourrions en discuter dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.

J’en viens à ma troisième critique, à un autre manque qui rend votre projet de loi quasiment hémiplégique, madame la secrétaire d’État. Vous parlez de la surface, c’est-à-dire de la biodiversité terrestre, marine, et de l’atmosphère, mais la moitié du monde, « la moitié du ciel » comme disaient, jadis, dans les années 60, les maoïstes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Quel aveu ! (Sourires.)

M. Christian Jacob, rapporteur. C’est un coming out !

M. Yves Cochet. Je ne l’ai jamais été. (Mêmes mouvements.)

En tout cas, la moitié de la terre est absente de votre projet de loi. Quand on fait de l’écologie, on regarde à la fois ce qui se passe à la surface de la terre, dans les océans et dans le ciel, mais aussi dans le sous-sol ! Car la véritable richesse, celle dont nous profitons évidemment sous un mode d’exubérance matérielle, technologique et énergétique extraordinaire, jamais atteint et qui ne reviendra plus jamais, la véritable richesse, disais-je, provient essentiellement du sous-sol.

Notre richesse matérielle est assise sur ce qui est enfoui sous nos pieds. Évidemment, il y a les matières premières agricoles, mais les grandes matières premières ce sont les matériaux ferreux et non ferreux, et surtout les énergies fossiles – en particulier le pétrole, de très loin la plus importante. Tout marche avec les énergies fossiles !

Une grande avancée conceptuelle a été réalisée par M. King Hubbert, il y a une cinquantaine d’années. Mais enfin, j’ai l’impression que les concepts vous importent peu, madame la secrétaire d’État ; ce qui compte, c’est la politique.

M. François Grosdidier. Oh non !

M. Yves Cochet. King Hubbert a révolutionné la géologie politique et votre texte ne dit pas un mot de ses travaux. Il a introduit deux concepts : celui de déplétion des matières premières, notamment des matières premières fossiles ; celui de pic de production et donc de consommation.

Votre projet de loi n’évoque aucun de ces concepts. Comment peut-on oublier ce qui est considéré comme la moitié de l’écologie politique de notre temps ? Pour combler ce grand manque et faire de ce texte quelque chose de plus achevé, il faudrait le renvoyer en commission.

Mon quatrième point porte également sur un manque, un oubli et une contradiction conceptuels. Je l’aborde en regardant mon excellent collègue et ami Philippe Tourtelier. Quel est le bon indicateur pour faire de la bonne écologie politique, ce qui est notre but commun ? Évidemment, ce n’est pas le PIB qui n’est pas même un bon indicateur économique, comme le montre la folie actuelle. Cependant, ce n’est pas non plus le développement durable, sorte de concept mou, sans substance intellectuelle vraiment fondée, qui essaie de concilier les inconciliables et qui ne choisit pas une certaine vision du monde.

M. Philippe Tourtelier. La dialectique existe !

M. Yves Cochet. Le vrai bon indicateur, je ne l’ai pas inventé, s’appelle l’empreinte écologique. Si vous le permettez, je vais en dire quelques mots et j’y reviendrai lors de la discussion des amendements. J’ai déposé peu d’amendements – pas besoin de faire de l’escalade –, mais ils peuvent être qualifiés de fondés, sound en anglais.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Pourquoi le dire en anglais ?

M. Yves Cochet. Parce que « fondé » est polysémique en français.

L’empreinte écologique est un concept territorial, sectoriel et, au risque d’être pédant, je dirai qu’il est fractal. Il peut s’appliquer à toutes les échelles, y compris à celle de l’Assemblée nationale. On peut mesurer l’empreinte écologique de l’Assemblée nationale...

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Yves Cochet. …comme on peut mesurer l’empreinte écologique de toute la sphère terrestre avec la totalité de l’humanité. On peut même calculer l’empreinte écologique de l’hémicycle par rapport à l’écosystème de l’Assemblée nationale. Ce concept est donc fractal. De nombreuse revues scientifiques ont publié des articles sur ce concept ; il est donc plus fondé scientifiquement, conceptuellement et intellectuellement que la notion de développement durable. Or ce concept fondamental, analysé depuis une quinzaine d’années, ne figure pas dans le projet de loi. Je vais essayer de l’introduire, via quelques amendements que j’espère pertinents.

Enfin, j’en viens à un sujet très bien présenté par M. Dionis du Séjour et M. Toutelier : le développement durable, la croissance ou la décroissance. Outre le fait que le développement durable est un oxymore, c'est-à-dire que cela n’a aucun sens,…

M. Philippe Tourtelier. Mais non !

M. Yves Cochet. Depuis soixante ans, monsieur Tourtelier…

M. Alain Gest. Ce n’est plus votre ami !

M. Yves Cochet. …on a assisté à une tentative de promotion du mot « développement ». Nous avons eu la formule «  pays en développement » pour désigner les pays du Sud. À un moment, ils ont été appelés pays sous-développés, par opposition à nos pays dits développés : dans ce genre de jeux Olympiques, nous étions en tête, l’élite du monde, et les autres devaient nous rattraper. Maintenant, par une euphémisation du langage tout à fait caractéristique de cette bouillie intellectuelle, on parle de pays émergents. La Chine, l’Inde, le Brésil sont des pays émergents, par exemple.

Bien entendu, nous sommes tous des idéalistes et des rêveurs, même si pour ma part j’essaie de ne pas l’être (Sourires sur les bancs du groupe UMP)…

M. Alain Gest. Ce n’est pas gagné !

M. Yves Cochet. Oui, vous êtes un idéaliste, monsieur Gest ! Pour des raisons matérielles pour ne pas dire matérialistes, je peux vous assurer que jamais l’Inde, la Chine, le Brésil, le Pakistan – soit des milliards d’habitants de la terre – ne vivront comme nous. Ils ne vivront pas comme nous ni en 2008, ni en 2020, ni en 2050. Ce n’est pas par manque de volonté : ils voudraient bien vivre comme nous. La télévision et Internet aidant, ils sont fascinés par les lumières de l’Occident. Ils voudraient donc plus de voitures, plus de ciment, plus d’immeubles, plus d’autoroutes, plus d’avions, etc.

Pourquoi est-ce que cela n’arrivera jamais ? Parce qu’il n’y aura pas assez de pétrole, de tungstène, de zinc, de manganèse, de lithium, de ciment. Il n’y en aura pas assez parce que le monde est fini ! C’est une donnée de base de l’écologie politique. La plupart des ressources ne sont pas renouvelables puisqu’elles sont extraites du sous-sol, et nous allons passer à une phase de décroissance, de déplétion géologique de ces ressources.

Les cinq acteurs du Grenelle sont des humains qui ont négocié, mais la nature ne négocie pas ! Quand il y en a moins, c’est pour toujours ! Vous ne pouvez réinventer du pétrole qui met cent millions d’années à se faire dans une cuisine biochimique que personne ne peut imiter. Il faut bien comprendre ces fondamentaux de l’écologie. C’est pourquoi cette loi est tout à fait hémiplégique. En regardant mon ami Tourtelier,…

M. Alain Gest. Ah, c’est encore votre ami !

M. Yves Cochet. … j’en reviens à cette histoire de croissance et de décroissance, d’empreinte écologique et de développement durable.

Le développement n’a pas du tout tenu ses promesses depuis soixante ans. À l’échelle mondiale, les inégalités entre les riches et les pauvres n’ont cessé de s’accroître. De la même manière, des centaines de millions de personnes de par le monde n’ont pas accès à la terre, à l’eau, aux soins élémentaires, et ce non pas par manque d’envie – ils en ont tous envie – mais pour des raisons matérialistes, camarades socialistes ! C’est dommage de l’avoir oublié.

M. Philippe Tourtelier. Le développement ce n’est pas la croissance ! Parlons français !

M. Yves Cochet. Bien entendu ! Intellectuellement, le développement n’est pas la croissance…

M. Philippe Tourtelier. Quand même !

M. Yves Cochet. …et théoriquement il existe une différence entre les deux.

M. Christian Jacob, rapporteur. Vous énervez le groupe socialiste !

M. Yves Cochet. Un philosophe disait – Mme Filippetti pourra peut-être nous préciser lequel – qu’il n’y a pas de différence entre la théorie et la pratique. Cela est vrai théoriquement, et faux pratiquement. Eh bien, c’est la même chose pour le développement et la croissance. En fait, il y a eu une tentative de développement et cela ne marche pas. Il faut donc passer à un autre modèle mental.

M. Philippe Tourtelier. C’est faux !

M. Yves Cochet. Écoutez, nous en discuterons en commission ou tout à l’heure lors de l’examen des amendements.

M. Philippe Tourtelier. D’accord, discutons-en en commission !

M. le président. S’il vous plaît, seul M. Cochet a la parole.

M. Yves Cochet. Pour terminer sur ce point, je m’adresserai à M. Dionis du Séjour. Cette histoire de croissance et de décroissance est mal comprise. Quand nous parlons de croissance, nous faisons tous référence à celle du PIB, très mauvais indicateur, mais fondé sur une croyance internationale. S’agissant de décroissance, il en est une première, tout à fait inéluctable, que vous le vouliez ou non, de gré ou de force : celle de l’extraction des matières premières, la déplétion, le pic de Hubbert. Cette décroissance-là, vous ne pourrez l’empêcher. Cela ne fait plus guère sourire les marchés parce qu’une nouvelle décroissance apparaît : celle du PIB.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il existe des cycles !

M. Yves Cochet. Je vois que M. le président Ollier, qui a une vieille pensée économique, croit qu’il existe des cycles, des Kondratiev : de temps en temps ça monte, puis ça redescend, comme les cours du pétrole, ça fait du yo-yo.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Comme les cycles de la nature !

M. Yves Cochet. Toutefois, monsieur Ollier, l’époque que nous vivons est tout à fait singulière.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Absolument d’accord !

M. Yves Cochet. Il faut notamment oublier le logiciel de pensée néolibéral, basé sur l’existence d’un individu rationnel, égoïste et calculateur, qui ferait des choix, en fonction de ses préférences, pour consommer. Cela n’a jamais fonctionné comme ça ! Il faut sortir de ce schéma et passer à un modèle écologique et matérialiste qui tienne compte de ce qui se produit dans la nature et sous la nature, c'est-à-dire des phénomènes géophysiques.

M. Christian Jacob, rapporteur. Sous la nature ?

M. Yves Cochet. Oui, sous la nature : dans le sous-sol ! La première décroissance touche donc les matières d’origine minérale et fossile. Elle est inéluctable, qu’on le veuille ou non. Si on ne s’habitue pas, si on n’anticipe pas, si on n’organise pas, si on n’a pas une bonne vision du monde, on se trompe. C’est précisément en quoi cette loi se trompe : elle n’évoque pas la déplétion ou le pic de Hubbert.

Deuxièmement : la décroissance du PIB. Le Gouvernement a parlé de croissance négative, contradiction totalement stupide due à cette continuelle euphémisation du langage : on n’ose pas dire la vérité. Il s’agit de la décroissance du PIB !

Observons la croissance du PIB telle que mesurée par l’INSEE, depuis soixante ans. Elle ne cesse de décroître : environ 5,6 % dans les années 1960-1970, environ 4 % dans les années 1970-1980, et 1,5 % dans les années 2000-2005.

M. Jean Dionis du Séjour. et M. Alain Gest. En France, mais ailleurs ?

M. Yves Cochet. Je ne dispose pas des chiffres suivants. Quel sera le chiffre en 2010-2020, période d’application de votre loi, madame la secrétaire d’État ? Ce sera une croissance négative, comme dit Mme Lagarde, c'est-à-dire une récession.

Il ne s’agit pas seulement des deux derniers trimestres, période où nous sommes entrés en récession. Il ne s’agit pas non plus d’une récession frappant successivement un pays ou un autre : l’Argentine une fois, la Thaïlande une autre fois, ou le Japon il y a une dizaine d’années. Il s’agit d’une récession mondiale explicable par des raisons objectives. Les golden parachutes ou la folie des marchés ne sont que l’écume ; la vague réelle est la déplétion des matières premières, le fait que le monde ne peut plus vivre avec l’exubérance matérielle et énergétique constatée depuis soixante ans. Nous ne pouvons plus vivre comme ça !

Cette décroissance du PIB, cette récession, va être longue et très difficile pour les plus défavorisés – je m’adresse à mes camarades de gauche. Bien entendu, personne ne veut la récession, mais il aurait fallu l’anticiper. Récemment, M. Hollande déclarait encore : il faut retrouver les chemins de la croissance. Quelle illusion ! Nous n’y arriverons pas pour des raisons objectives, je le répète ! Le volontarisme politique ne peut rien contre la géologie. Je m’arrête…

M. Alain Gest. Oh non !

M. Yves Cochet. Je m’arrête sur ce point, pour le moment. Pendant le reste de mon intervention, j’aimerais vous montrer que ce texte – dont j’ai souligné les manques, les contradictions, les oublis et finalement le peu de sérieux conceptuel et intellectuel – aura bien du mal à atteindre un objectif que nous approuvons tous. Hélas, les outils intellectuels dont il dispose et qu’il essaie de mettre en oeuvre appartiennent au passé. Son échec est donc prévisible, programmé. Il échouera car il est bâti sur une mauvaise architecture.

Il y a quatre ans et demi, nous avons adopté une loi d’orientation sur l’énergie dont vous étiez le rapporteur, monsieur Poignant. M. Ollier était président de la commission des affaires économiques. À l’époque, M. Sarkozy était à Bercy et M. Devedjan était ministre de l’industrie. Pendant des heures et des heures, j’ai expliqué ce qu’étaient la déplétion du pétrole et le pic de Hubbert. Ils lisaient autre chose et me répondaient : cela n’existe pas.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je n’ai jamais dit ça ! Je sais ce qu’est le pic de Hubbert !

M. Yves Cochet. À l’époque, le pétrole coûtait 28 dollars le baril, maintenant il évolue aux alentours de 100 dollars ! Vous allez me rétorquer que les cours ont baissé, mais cette baisse est conjoncturelle ; la hausse va reprendre en raison de la déplétion.

Désormais, on me prend davantage au sérieux. Malgré tout, cette loi traite de ce que l’on appelle l’aval du carbone : le changement climatique, le protocole de Kyoto, la pollution par le CO2. Là encore, ce n’est que la moitié du monde ! Il faut penser à l’amont du carbone, ce qu’on nomme le protocole de déplétion. Où le trouve-on dans ce projet de loi ? C’est aussi important que le protocole de Kyoto. Ce protocole de déplétion existe et pourtant on n’en entend pas parler, il ne fait pas l’objet de négociations, il est absent du texte.

Ce projet de loi souffre donc de manques factuels, scientifiques, conceptuels et intellectuels fondamentaux qui portent à croire que cette loi va échouer. Hélas ! Car je suis convaincu que nous sommes tous de bonne volonté : vous, madame la secrétaire d’État, M. Borloo et les autres membres du Gouvernement, ainsi que la majeure partie de mes collègues. Je suis convaincu que nous avons tous plus ou moins pris en compte les lanceurs d’alerte que furent les écolos. Je ne vous lirai pas le bouquin de René Dumont publié en 1974 où tout ceci était déjà écrit !

Voilà trente-quatre ans que l’on évoque le changement climatique lui-même : l’ouvrage L’Écologie ou la mort a été publié chez Jean-Jacques Pauvert. On ne le trouve plus guère en librairie mais, si vous le voulez, je vous en ferai des photocopies !

M. Christian Jacob, rapporteur. À l’encre végétale ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. Ce projet de loi de programme, mal conçu, ne répond pas aux risques considérables, sociaux ou économiques, que posent les problèmes écologiques. Nous ne devons pas, chers collègues de l’opposition, le considérer comme un « bijou » isolé de la sphère économique et sociale. C’est l’ensemble qui doit faire sens, et non tel ou tel article individuellement. Au reste, madame la secrétaire d’État, certaines dispositions sont plutôt bonnes et il est probable que, jouant à front renversé comme pendant le débat relatif aux OGM, nous soutiendrons votre texte contre les amendements raboteurs et scélérats de votre majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le cliché de l’arbre vert du Grenelle ne doit pas cacher la forêt d’un projet gouvernemental mauvais sur le plan social et économique : M. Tourtelier, je pense, en est d’accord. Le Grenelle ne mérite pas d’être noyé dans une politique néolibérale peu clairvoyante. Le texte est intellectuellement confus, il offre toutes les possibilités de rabotage, comme on l’a vu en commission : je pense notamment à l’amendement relatif au chauffage électrique, inspiré par le lobby pro-nucléaire de M. Ollier. Pour rendre l’ensemble plus pertinent, j’invite notre assemblée à accepter les quelque deux cents amendements – le chiffre est plutôt modeste – que j’ai déposés.

M. Christian Jacob, rapporteur. Vous ne siégiez pas en commission ! Nous étions pourtant prêts à accepter un grand nombre de vos amendements !

M. Yves Cochet. J’évoquerai, pour terminer, quelques points plus précis.

Je suis plutôt favorable au bonus-malus, dès lors que les appareils du secteur concerné conjuguent sobriété et efficacité. Ce n’est pas le cas, par exemple, de tout ce qui touche à la mobilité. Vous avez ainsi fait le choix de l’automobile, c’est-à-dire du moyen le plus gaspilleur d’énergie que les hommes aient inventé pour se déplacer : du point de vue thermodynamique, il l’est par exemple bien plus que la chaise à porteurs.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Sauf si les porteurs sont larges d’épaules ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. Je vous l’assure, madame la secrétaire d'État : l’entropie de la chaise à porteurs est inférieure à celle de la voiture !

M. Alain Gest. Restaurez donc la chaise à porteurs dans le XIVe arrondissement !

M. le président. Venez-en à votre conclusion, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet. J’y viens, monsieur le président, mais j’ai été interrompu.

Le bonus-malus, disais-je, est pertinent pour les réfrigérateurs ou les machines à laver, objets dédiés à des tâches spécifiques et qui conjuguent, pour le coup, sobriété et efficacité. Quitte à acheter un réfrigérateur, seul moyen de conserver des produits dans de bonnes conditions sanitaires, autant que celui-ci soit efficace. Il existe en revanche beaucoup de moyens de déplacement, pour les hommes comme pour les marchandises : le vélo, le tramway, le bus, le métro, le train, les voies d’eau ou le cabotage.

M. Jean-Yves Le Déaut. Et la brouette ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. Sans parler de l’hippomobile ! M. Le Déaut est un peu « technophile »… (Sourires.)

M. Jean Proriol. C’est un scientifique !

M. Yves Cochet. En effet, mais moi aussi.

M. le président. Reprenez le fil de votre propos, monsieur Cochet, et concluez.

M. Yves Cochet. Le bonus-malus, disais-je, est sans doute une bonne idée pour les objets dédiés, dont le consommateur est captif, lorsqu’ils juxtaposent sobriété et efficacité. Mais quand on a le choix, mieux vaut employer un autre moyen de déplacement que l’automobile.

Beaucoup de questions restent en suspens. Que souhaitez-vous pour le bâtiment ? Veut-on vraiment en finir, s’agissant des transports, avec le règne de la route ? Rien n’est moins sûr. Compte tenu de ces fondations intellectuelles un peu sableuses et des lacunes, voire des contradictions du texte, j’invite notre assemblée à voter pour son renvoi en commission.

M. Alain Gest. S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je ne reviendrai pas, monsieur Cochet, sur le fond de votre propos. Mais vous êtes un pessimiste chronique. Cela se soigne ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. Est-ce un fait personnel ? Vous prétendez que je suis psychopathe ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Non, j’ai dit : « pessimiste chronique ». Je ne suis pas médecin !

M. le président. Mes chers collègues, seul le président Ollier a la parole.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pour les faits personnels, c’est en fin de séance : nous nous retrouverons plus tard si vous le voulez.

Je vous ai écouté avec attention, monsieur Cochet, et comme toujours avec intérêt. Ce que vous dites est souvent légitime et fondé, et j’ai beaucoup de respect pour la façon dont vous envisagez les problèmes. Toutefois, il y a loin de la conception intellectuelle d’un projet à sa concrétisation sur le terrain. Si nous pouvons partager vos ambitions, nous sommes en complet désaccord quant aux modalités de leur mise en œuvre. Peut-être le pessimisme conduit-il à rêver d’un monde imaginaire et idéal, mais la commission des affaires économiques est restée pragmatique sur ce texte qui va tout à fait dans le sens que vous souhaitez.

Si vous étiez venu défendre vos amendements en commission, monsieur Cochet,…

M. Yves Cochet. J’y siège parfois, il ne faut pas exagérer !

M. Jean-Paul Chanteguet. Pas de reproches personnels !

M. Patrick Ollier, président de la commission. …nous aurions accepté plusieurs d’entre eux. C’est dommage, car vous auriez alors constaté que nous étions d’accord.

On peut certes manier l’ironie, mais je ne puis accepter que l’on fasse passer nos collègues de la majorité pour des imbéciles.

M. Yves Cochet. Je n’ai pas dit cela !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Le pic de Hubbert, nous savons ce que c’est : souvenez-vous à cet égard de la réunion, à laquelle vous assistiez, avec Jean-Marc Jancovici, spécialiste du climat.

M. Yves Cochet. Il dit la même chose que moi !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous étions tout à fait d’accord avec ses conclusions : je vois d’ailleurs que vous en convenez. Alors de grâce : pas de leçons faciles sur ces problèmes complexes.

Nous discuterons des détails lors de l’examen des articles, et j’en viens à la motion elle-même. La commission s’est réunie vingt-deux fois, depuis le mois de juillet, pour étudier le texte : ces tables rondes, autour du rapporteur Christian Jacob, ont permis de préparer la discussion d’aujourd’hui. Nous avons examiné 1 500 amendements, parmi lesquels, je le répète, nous aurions pu accepter certains des vôtres. En vous écoutant parler au nom du groupe GDR,…

M. Yves Cochet. Non, je m’exprimais en mon nom personnel.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pardonnez-moi, mais la motion a été déposée par votre groupe. Or je me demande bien ce que M. Chassaigne a pu penser de vos propos.

M. André Chassaigne. Je vais m’exprimer !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je l’espère, monsieur Chassaigne : il serait intéressant de connaître la position de votre groupe sur les propositions de M. Cochet, qui en est membre. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Gest. La question mérite en effet d’être posée !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Cependant, monsieur Cochet, je n’ai trouvé dans votre discours aucune raison de renvoyer le texte en commission, d’autant que sur les 297 amendements qu’elle a acceptés, plus d’une soixantaine viennent de l’opposition. Bref, des 262 amendements de l’UMP à ceux du Nouveau Centre, en passant par ceux de votre groupe et du groupe SRC, la commission a adopté des dispositions constructives, qui renforcent la portée du texte.

Enfin, je vous le dis amicalement : ne rejouez pas le coup du lobby semencier, car je ne l’accepterai pas en séance. Je m’en expliquerai lors de la discussion de l’article 4 : si quelqu’un agit ici sous l’emprise de lobbies, ce n’est certainement pas le rapporteur Christian Jacob, ni moi-même. Je demanderai très clairement qui parle au nom du lobby des entreprises d’isolation, et nous nous en expliquerons franchement. Lors du débat sur les OGM, j’ai en effet entendu, sur les bancs de droite comme de gauche, des accusations calomnieuses à mon encontre et à l’encontre de M. Jacob. Je les ai fort mal vécues et n’en accepterai pas de nouvelles. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Toujours est-il que le débat en commission a été constructif : j’invite donc notre assemblée à rejeter la présente motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe UMP.

M. Serge Poignant. Le président de la commission ayant dit l’essentiel, je serai bref.

Première remarque, puisqu’il est question de réformer le règlement de l’Assemblée : certains amendements arrivent bien trop tard pour être étudiés. Quant aux motions de procédure, elles donnent certes l’occasion de s’exprimer, mais le président Ollier a bien expliqué pourquoi le renvoi en commission n’était pas justifié en l’occurrence.

J’en viens au fond. Monsieur Cochet, pour le nucléaire, vous avez interpellé certains de vos collègues socialistes, qui ne sont d’ailleurs pas forcément sur votre longueur d’ondes, mais pas vos collègues communistes. Votre opposition au nucléaire est primaire : personne ne défend celui-ci et rien d’autre. Mais vous, que proposez-vous ? Vous ne croyez pas à l’hydrogène. Quant aux bougies ou aux chaises à porteurs, franchement… Ce que nous défendons, nous, c’est un bouquet énergétique. Le monde a besoin de se développer. Vous contestez la notion même de pays « émergents ». Mais ces pays désirent le progrès économique et social, lequel est aussi notre optique.

Pourquoi donc parler de décroissance ? Comment entendez-vous vendre à l’Europe et au monde votre « protocole de dépression » ? Pour ma part, j’aurais un peu honte de leur proposer un tel programme…

M. Yves Cochet. « Déplétion », pas « dépression » !

M. le président. Monsieur Cochet, seul M. Poignant a la parole.

M. Serge Poignant. Il faudra alors nous expliquer, monsieur Cochet.

C’est dans le bouquet énergétique que nous défendons le nucléaire, vers lequel se tournent de nombreux pays aujourd’hui. Puisque notre pays a un savoir-faire en la matière, soyons présents sur le sujet, y compris, puisque vous parlez des chercheurs, pour la recherche sur la quatrième génération.

Soyons réalistes : si le monde construit 300 ou 400 centrales dans les prochaines années, cela nous fera seulement passer de 10 à 20 % de la production totale d’énergie. Oui, on consomme encore des énergies fossiles, comme le charbon, encore disponible en Chine et ailleurs : portons donc nos efforts vers le charbon propre ou le stockage. J’en conviens : les énergies fossiles ont diminué et il nous faut les économiser. Mais faisons confiance aux évolutions technologiques les concernant, elles comme les énergies renouvelables, hydrogène compris. Les scientifiques ne disent pas autre chose, et nous les avons écoutés.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Poignant.

M. Serge Poignant. Je vais conclure, monsieur le président. On l’a dit, il y a eu un avant-Grenelle exceptionnel et il y aura un après-Grenelle. Soyons confiants, offensifs, et donnons au monde l’exemple, non pas de la décroissance, mais d’une croissance économique durable, conciliant progrès social et respect de l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe SRC votera la motion de renvoi en commission défendue par M. Yves Cochet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier, président de la commission. Coup de théâtre !

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas bien !

Mme Aurélie Filippetti. Je connais bien le pessimisme chronique – j’allais dire existentiel – de M. Cochet, avec qui j’ai longtemps travaillé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais ce pessimisme ne s’est pas toujours exprimé à mauvais escient. Il y a une quinzaine d’années, encore, ceux qui lançaient l’alerte sur le problème du réchauffement climatique et des gaz à effet de serre passaient pour de doux rêveurs,…

M. Jacques Myard. Auprès de Claude Allègre ?

Mme Aurélie Filippetti. …suscitaient l’ironie et les ricanements des « sachants ».

M. François Grosdidier. Les humanistes, conscience de l’histoire !

Mme Aurélie Filippetti. Pourquoi ne pas faire confiance à une forme de « catastrophisme éclairé », comme le dit Jean-Pierre Dupuy, pour lancer des signaux, des alertes ? Je tenais à le dire car, avec Yves Cochet, on est toujours dans la philosophie.

Comme l’a dit François Brottes, les amendements qui ont été déposés n’ont pas tous été examinés par la commission. Cette seule raison justifierait le renvoi en commission.

Mme la secrétaire d’État nous a présenté tout à l’heure une série de chiffres et d’engagements budgétaires. Nous sommes en train, avec Philippe Tourtelier, François Brottes et l’ensemble du groupe, de les vérifier. Nous ignorons dans quel document ils figurent, nous cherchons à savoir où sont ces engagements précis, et c’est pourquoi nous demandons un délai supplémentaire.

M. François Grosdidier. Si l’on ne va pas en commission, cela ne sert à rien d’y renvoyer !

Mme Aurélie Filippetti. Enfin, le Gouvernement avait pris l’engagement que les discussions sur le Grenelle I ne commenceraient pas sans que les députés soient informés de ce que contiendrait le Grenelle II. Il n’a pas été tenu et nous ne savons toujours pas ce qu’il y aura dans ce second texte.

Pour ces trois raisons de fond, nous voterons donc la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Permettez-moi de commencer par une observation. Monsieur Ollier, je trouve absolument inacceptable que l’on puisse se gausser de l’existence d’un groupe tel que le nôtre (Rires sur les bancs du groupe UMP), alors que c’est le règlement de l’Assemblée nationale qui ne permet pas aux dix-huit députés communistes et partenaires de constituer un groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Grosdidier. Tout ce qu’il vous manque, ce sont des électeurs !

M. André Chassaigne. Si nous nous sommes regroupés avec les Verts, c’est pour qu’ici, eux et nous, nous puissions exprimer notre point de vue dans notre diversité. C’est cela même que vous n’acceptez pas. Vos propos sont une remise en cause de la démocratie et de l’expression populaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. François Grosdidier. On a déjà abaissé le seuil de trente à vingt pour sauvegarder la biodiversité de l’Assemblée ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. Les Verts et les communistes ont la possibilité de s’exprimer dans l’hémicycle. Si nous n’avions pas constitué un groupe, nous n’aurions pas pu défendre de motions de procédure, nous n’aurions pas pu défendre des idées différentes.

M. Bernard Deflesselles. Vous avez un groupe, mais plus d’électeurs !

M. André Chassaigne. Nous ne cosignons pas tous les amendements de notre groupe, mais ils se rencontrent parfois. Je n’accepte pas qu’on nous fasse la leçon sur ce sujet. Si vous êtes capable de tenir ces propos, modifiez le règlement de l’Assemblée nationale et permettez aux différentes sensibilités de s’exprimer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Grosdidier. On l’a déjà modifié !

M. André Chassaigne. Les propos de mon collègue Yves Cochet ont été raccourcis de façon un peu facile. Je ne les partage pas forcément (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), mais je crois que les questions qu’ils soulèvent sont dignes qu’on s’y arrête, car elles révèlent les insuffisances du projet de loi.

Il dit, par exemple, que la nature est absente du texte. C’est, en effet, un problème fondamental, celui du lien entre la recherche scientifique et les choix politiques que nous devons faire. Si, en se fondant sur des exemples précis, il considère que, dans tel ou tel domaine, on n’a pas assez écouté les propos de certains scientifiques sur la nature, n’a-t-il pas raison de demander que l’on retourne en commission, pour procéder à des auditions complémentaires et prendre en compte ce qui a été oublié ? Il ne s’agit pas d’asséner des affirmations. Vous me faites penser à ce que Voltaire écrivait à Rousseau : « Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’était au siècle des Lumières : ces deux hommes pouvaient ne pas avoir la même vision des choses, mais ils discutaient ensemble de questions fondamentales. Les petits raccourcis consistent à dire qu’Yves Cochet est une espèce de conservateur qui n’a pas les pieds sur terre sont trop faciles.

Il est vrai que, sur le nucléaire, nous avons des approches complètement différentes. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Et alors ? Ça vous gêne ? (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il peut bien y avoir, dans ce pays, des sensibilités différentes ! Yves Cochet parle de technologie, de sécurisation, de stabilité : sans doute, je n’apporterais pas à ces questions les mêmes réponses que lui, mais, en matière de sécurisation, votre intention de privatiser le nucléaire pose bel et bien une question fondamentale, dont je souhaite pouvoir discuter. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Chassaigne, pouvez-vous conclure ?

M. André Chassaigne. De la même façon, Yves Cochet pose la question du sous-sol, en considérant que la terre est absente du projet de loi. Il a raison, car certains chiffres n’ont jamais été pris en compte. Ainsi, connaissez-vous le nombre d’années de réserve pour les douze métaux les plus exploités ? Ne parlons pas de l’or – dix-sept années de réserve –, cela vous ferait frémir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour le fer, au rythme de production actuel, il ne reste que soixante-dix-neuf années de réserve ; pour le nickel, quarante ; pour le cuivre, trente et une ; pour le plomb, vingt-deux ; pour le zinc, dix-sept ; pour l’étain, vingt.

M. le président. Monsieur Chassaigne, il va falloir vraiment conclure.

M. André Chassaigne. Pour le lithium, dont on parle beaucoup à propos des voitures électriques, les réserves sont extrêmement limitées. Ces problèmes de fond imposent le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Serge Poignant a raison : en fait, la question n’est pas de savoir si l’on doit renvoyer le texte en commission car, comme l’a dit le président Ollier, la commission a bien travaillé. Notre jeune collègue Mme Filippetti explique que nous n’avons pas examiné tous les amendements. Hélas, c’est assez souvent le cas.

M. François Brottes. Ce n’est pas une raison !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai, on peut toujours faire mieux, mais de là à renvoyer en commission, il y a un monde ! Nous ne voterons donc pas la motion.

Reste une question de fond. Je m’adresse ici à mes amis de la majorité : on a toujours intérêt à écouter M. Cochet et les écologistes. Mme Filippetti l’a bien dit : sur bien des sujets, ils ont eu raison avant les autres.

Yves Cochet a dit que les scientifiques étaient absents du Grenelle.

M. Alain Gest. C’est faux !

M. Jean Dionis du Séjour. Cette remarque est fort intéressante, même si elle n’est pas tout à fait juste. Je suis l’un des parlementaires qui ont participé au Grenelle. Dans le groupe 4, il y avait Marion Guillou, présidente de l’INRA, qui est une authentique scientifique. On ne peut donc pas dire qu’il n’y avait pas de scientifiques. Toutefois, cette remarque pose la question de la gouvernance du Grenelle dans la durée. Sans doute, monsieur Cochet, il manque une boussole scientifique. Nous allons interroger le Gouvernement sur cette question par le biais d’amendements. Je viens d’apprendre que certains ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 : là aussi, nous aurons à nous expliquer, cette affaire de l’article 40 commence à être lassante.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est la Constitution !

M. Jean Dionis du Séjour. Toutefois, je suis un peu désespéré, monsieur Cochet, par votre fixité sur le nucléaire.

M. Yves Cochet. Par la vôtre !

M. Jean Dionis du Séjour. Voilà trente ans que j’écoute les écologistes parler du nucléaire. Vous avez du mal à convaincre, car la réponse a été à la hauteur des enjeux, et l’on n’a toujours pas vu le premier mort de la filière nucléaire française. Aujourd’hui, vous demandez si, pendant cent ans, on peut être stable, socialement, politiquement, technologiquement. Vous demandez ce qui se serait passé si l’Allemagne nazie avait eu le nucléaire civil. Mais c’est un grossier amalgame. Hitler n’avait pas le nucléaire civil et cela ne l’a pas empêché, en 1942, de commencer la marche vers les armes secrètes. J’appelle le mouvement écologiste à faire, enfin, son aggiornamento sur le nucléaire : nous en avons besoin au niveau national. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Jean Dionis du Séjour. Permettez-moi, monsieur le président, d’évoquer encore d’un mot le grand débat sur la croissance. Là aussi, il faut écouter ce que disent les écologistes sur la déplétion des matières premières. C’est quand même fondamental, à court et moyen termes. Il me semble toutefois que, idéologiquement, vous nous refaites un peu du Malthus revisité au xxie siècle. Le président Ollier l’a dit, vous êtes fondamentalement pessimiste sur la capacité de l’humanité à dépasser ces difficultés. Mais le débat est important, et nous ne l’esquiverons pas.

J’aimerais terminer sur une note d’humour. Vous êtes quand même incorrigible. Le mouvement associatif appelle à voter le Grenelle avec énergie et il se trouve que vous avez eu raison avant les autres. À votre place, monsieur Cochet, je me dirais : le Grenelle est un beau bébé et j’en suis le papa. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vendrais la carte du parti des Verts à la sortie de l’Assemblée et je ne resterais pas scotché à 3 % à chaque élection. Vous ferez ce que vous voudrez, mais ce n’est pas en continuant comme ça que vous deviendrez un grand mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de cinq minutes. Pour faire droit à la demande tout à fait légitime de nos collègues de la commission des affaires économiques, j’ai convoqué ses membres au salon Delacroix pour étudier la dernière liasse d’amendements qui nous reviennent après le contrôle de recevabilité. Il est logique que la commission examine ces amendements avant qu’ils ne soient défendus en séance.

M. le président. Eu égard à l’heure, il vaut sans doute mieux lever la séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi sur la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente.)