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SOMMAIRE
Présidence de M. Bernard Accoyer
Mme Martine Carrillon-Couvreur
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité
Primes dans la fonction publique
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique
M. Xavier Bertrand, ministre du travail
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation
Conséquences de la crise sur les populations fragiles
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté
Inondations dans le Sud-Est de la France
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État
90e anniversaire de l’armistice de 1918
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants
Associations d'éducation populaire
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports
2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009
Explications de vote et vote sur l’ensemble
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelle, familiales et sociales, M. Jean-Luc Préel, Mme Isabelle Vasseur, Mme Marisol Touraine, Mme Jacqueline Fraysse
3. Statut des témoins devant les commissions d’enquête parlementaires
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement
Présidence de M. Marc Laffineur
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État
4. Projet de loi de finances pour 2009 Seconde partie
Mission « Enseignement scolaire »
Amendements nos 108, 89, 92, 95, 100, 76, 79, 81, 82, 87, 123, 194
Administration générale et territoriale de l’État
M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ma question s’adresse au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
M. Patrick Roy. Et du chômage ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur les conditions de départ en retraite, qui subissent, depuis cet été, des reculs inacceptables.
En premier lieu, le dispositif qui permettait le départ en retraite avant soixante ans pour les salariés ayant débuté leur carrière professionnelle très tôt était une mesure de justice sociale. Or vous avez décidé d’en supprimer les conditions d’accès.
En second lieu, vous venez de faire adopter un amendement qui prévoit que les salariés pourront désormais travailler jusqu’à soixante-dix ans. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est un coup supplémentaire qui va ouvrir la porte à toutes les dérives. Sous prétexte de liberté offerte aux salariés, c’est une provocation qui amorce la remise en cause de la retraite à soixante ans. Qu’en est-il de la liberté que vous invoquez, alors qu’au même moment, les personnes de moins de soixante ans qui ont droit à la retraite sont désormais obligées de rester à leur poste ? Sous prétexte de liberté, ces mesures, qui ne sont d’ailleurs pas approuvées par tous qui siègent dans vos rangs, sont injustes socialement et incompréhensibles dans cette période de difficultés économiques majeures. Sous prétexte de liberté, c’est bien un report de l’âge de la retraite que vous préparez pour les Français. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Alors, monsieur le ministre, devant l’émotion que suscitent ces différentes mesures, nous vous demandons : premièrement, de prendre toutes les dispositions pour que les personnes ayant travaillé depuis l’âge de quatorze ans puissent prétendre à leurs droits à la retraite (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR) ; deuxièmement, de vous engager devant la représentation nationale à revenir sur l’amendement qui repousse l’âge de la retraite à soixante-dix ans. (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. (« Et du chômage ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Madame la députée, pouvez-vous vous engager à dire la vérité sur les retraites dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pouvez-vous vous engager à reconnaître que le dispositif « carrières longues », qui permet aux Français de partir à la retraite avant soixante ans quand ils ont commencé à travailler entre quatorze et seize ans, c’est la loi de François Fillon qui l’a instauré et cette majorité qui l’a voté ? Alors que vous, vous n’avez pas voté ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Pouvez-vous aussi vous engager à admettre que les membres du groupe socialiste présents en commission des affaires sociales n’ont rien dit sur l’amendement que vous évoquez lors de son examen en commission ?
M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Est-ce que vous pouvez le dire ? (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le compte rendu est à votre disposition. Il en a été de même dans l’hémicycle – où seul, parmi l’opposition, le groupe communiste s’est exprimé sur cette question.
Pouvez-vous également vous engager à reconnaître que l’âge de la retraite est toujours fixé à soixante ans ? Vous savez bien que nous voulons tout simplement laisser les Français travailler, laisser les Français choisir,…
M. Maxime Gremetz. Démago !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. …et qu’il faut pour cela permettre davantage de souplesse, dès lors que toutes les garanties sont apportées pour que nos concitoyens puissent continuer à partir en retraite à soixante ans.
Enfin, pouvez-vous vous engager à changer à un moment d’attitude ? Le parti socialiste, tantôt regarde en arrière, tantôt est dans le statu quo, mais jamais ne va de l’avant ! Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre du travail, nous sommes effectivement prêts à dire la vérité sur cette question. (« Ça change ! sur les bancs du groupe UMP.) En repoussant l’âge limite de départ à la retraite à soixante-dix ans, vous prétendez lever les obstacles à la poursuite de l’activité des salariés les plus âgés, mais vous n’avouez pas qu'il s'agit d'une première étape. Cette mesure donnera plus de liberté aux Français, dites-vous. Mais de quelle liberté parlez vous ? Celle de choisir entre percevoir une retraite de misère ou s'épuiser à la tâche ? Faut-il vous rappeler qu'à soixante ans l'espérance de vie d’un ouvrier est de sept ans inférieure à celle d'un cadre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.)
Non, monsieur le ministre, il n'y aura aucune liberté aussi longtemps que les pensions ne seront pas significativement revalorisées ! Votre rapporteur explique qu'il n'est plus acceptable qu'un salarié de soixante-cinq ans soit mis à la retraite ; il eût été mieux inspiré de dire qu'il n'est pas acceptable de retarder l'entrée sur le marché du travail des jeunes, dont le taux de chômage vient d'enregistrer une nouvelle hausse. (Mêmes mouvements.)
En réalité, vous multipliez les brèches dans l'édifice social issu de plus d'un siècle de conquêtes populaires, parce que votre projet de disposer de travailleurs taillables et corvéables à merci exige son effondrement. Voilà la vérité !
M. Thierry Mariani. C’est une question ?
M. Michel Vaxès. De tels sujets ne peuvent être sérieusement traités nuitamment, sans véritable consultation des partenaires sociaux, au détour d’amendements qui suscitent tant d'interrogations et de colère.
Monsieur le ministre, vous engagez-vous à intervenir pour obtenir du Sénat le retrait de ces amendements, et à organiser devant la représentation nationale un débat sur des propositions alternatives pour un financement des retraites mobilisant enfin les profits financiers ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
M. Patrick Roy et M. Jean Mallot. Et du chômage !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur Vaxès, la retraite est un sujet sérieux et c’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’augmenter le minimum vieillesse de 25 % pendant la durée de ce quinquennat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.) C’était attendu depuis longtemps et c’est maintenant une réalité.
Le Gouvernement a décidé aussi d’augmenter…
M. Noël Mamère. Les fonds des banques !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. …les pensions de réversion pour 600 000 veuves, d’effectuer les nécessaires revalorisations attendues, et de garantir une pension minimum : 85 % du SMIC. Voilà la vérité !
L’âge du départ à la retraite est maintenu à soixante ans et, comme pour les carrières longues, il sera possible de partir avant cette limite. Cependant, avec Laurent Wauquiez et Christine Lagarde, nous avons aussi engagé un plan ambitieux en faveur de l’emploi des seniors. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Maxime Gremetz. Comme chez Goodyear et Dunlop !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Nous l’avons présenté à l’ensemble des partenaires sociaux et à tous les présidents des groupes politiques ici représentés, le 28 avril dernier. J’attends toujours vos réponses et vos propositions !
À côté des grands discours, il y a les situations concrètes. En voici une. Le 30 septembre, une entreprise de la région parisienne envoie à l’un de ses salariés un courrier que je tiens à votre disposition : « Monsieur, à la date du 6 décembre 2008, vous aurez soixante-cinq ans. À cette date, vous pourrez prétendre à la liquidation de votre retraite à taux plein. Nous vous informons que nous avons donc décidé de vous mettre à la retraite, conformément aux dispositions de l’article L.122-14-13 du code du travail, en vous remerciant de la collaboration que vous avez apporté à notre entreprise pendant toutes ces années. »
M. Maxime Gremetz. Et alors ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Ce monsieur m’a saisi. Il m’explique : « J’ai rencontré mon PDG fin août pour lui faire part de mon souhait de prolonger mon activité quelques mois au cours de l’année 2009. À ma grande surprise, j’ai reçu le 1er octobre un courrier recommandé avec AR de la DRH, me signifiant ma mise à la retraite d’office. J’aurai en effet soixante-cinq ans en décembre. Mais je suis toujours tonique et réactif et, selon les gens que je rencontre, il paraît que je ne fais pas mon âge. »
Ce monsieur habite Lille ; il attend une réponse. Vous lui répondez : tant pis ! Nous lui permettons de continuer à travailler. C’est toute la différence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – « Réactionnaire ! Démago ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Maurice Leroy. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, mes collègues du Nouveau Centre et moi-même saluons votre intention de mettre en place une prime de fonctionnement et de résultats pour les agents de la fonction publique.
Il ne peut y avoir de révision générale des politiques publiques sans performance des fonctionnaires de l’État et de la fonction publique territoriale ou hospitalière. Votre initiative permettra de soutenir le pouvoir d’achat des fonctionnaires, mais aussi de pallier les déficits d’attractivité qui caractérisent actuellement les carrières administratives, en particulier dans la fonction publique territoriale.
Nous demandons que cette prime concerne la totalité des agents des trois fonctions publiques – j’y insiste – et pas seulement la haute fonction publique. Pouvez-vous nous préciser vos intentions quant aux modalités de sa mise en œuvre – et je pense tout particulièrement aux agents de la catégorie C ?
Quel est enfin l’état d’avancement de la mise en application des accords conclus avec les syndicats de la fonction publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Puisque vous m’interpellez sur la prime de fonctionnement et de résultats, monsieur le député, permettez-moi de la replacer dans son contexte.
En février dernier, Éric Woerth et moi-même avons signé avec certaines organisations syndicales un accord salarial qui est le premier depuis dix ans. Cet accord comportait deux axes principaux.
Premièrement, une garantie individuelle de pouvoir d’achat afin que, dorénavant, aucun fonctionnaire ne puisse perdre de pouvoir d’achat. C’est là une avancée majeure : nous ne connaissons aucune entreprise, ni aucune fonction publique, à l’étranger, qui ait mis en place un tel dispositif.
M. François Hollande. Bravo !...
M. André Santini, secrétaire d'État. Second axe : la prise en compte des résultats pour la rémunération, car nous sommes convaincus que cela permettra une amélioration de la qualité du service. On a parfois la mémoire courte : la prise en compte de la manière de servir et du mérite individuel est inscrite dans le statut de la fonction publique depuis 1946.
En quoi consiste la prime ? Comme vous l’avez dit, il s’agit, d’une part, d’une prime de fonction : liée à l’emploi du fonctionnaire, elle permettra de simplifier le maquis actuel des primes. C’est, d’autre part, une prime de résultats, qui permettra d’instaurer une rémunération liée, pour partie, au mérite. Nous allons enfin sortir du vocabulaire précédent, qui évoquait des « indemnités » là où nous souhaitons désormais parler de « primes ».
Cette mesure était un engagement de campagne du Président de la République et du Premier ministre ; aujourd’hui, Éric Woerth et moi-même le tenons. Vous souhaitez que l’on aille plus vite ; je le comprends. Cependant, pour qu’un tel système fonctionne, il faut s’assurer que l’évaluation des fonctionnaires marche, c’est-à-dire que les évaluateurs soient formés. C’est pourquoi les ministères déploient la prime progressivement, au fur et à mesure qu’ils se considèrent prêts à le faire.
Enfin, je rappelle que lesdits accords prévoient de mettre en place dès 2010 un mécanisme d’intéressement, c’est-à-dire de rémunération de la performance collective, évaluée au niveau d’un service, d’une équipe ou d’une direction. Nous allons bientôt lancer la concertation sur ce sujet, en y associant étroitement le Parlement.
Au final, notre ambition est claire : doter l’État d’une politique de rémunération juste, moderne et dynamique, au bénéfice de ses agents. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Denis Jacquat. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Plusieurs députés socialistes. Et du chômage !
M. Denis Jacquat. La semaine dernière, l'Assemblée nationale était au cœur du débat sur les retraites que vous avez engagé cette année. Sur proposition du Gouvernement, nous avons adopté d’importantes mesures en faveur de l’emploi des seniors. Répétons-le : nous ne pouvons plus tolérer que la France demeure en queue du peloton européen dans ce domaine !
M. Alain Néri. La retraite à 100 ans pour tous !
M. Denis Jacquat. La majorité a donc soutenu une série de mesures essentielles : la libéralisation intégrale du cumul emploi-retraite, la revalorisation de la surcote qui récompense ceux qui font l’effort de travailler, et l’obligation de mobilisation faite aux partenaires sociaux en faveur de l’emploi des seniors dans les entreprises et dans les branches professionnelles.
M. Maxime Gremetz. De grâce, arrêtez !
M. Denis Jacquat. Enfin, l’Assemblée a adopté une réforme cruciale : celle des mises à la retraite d’office. Les salariés qui le souhaitent pourront désormais continuer à travailler après l’âge de 65 ans.
M. Maxime Gremetz. Voilà donc votre recette pour s’enrichir !
M. Denis Jacquat. Cette mesure est une nouvelle illustration de notre volonté de redonner aux Français le libre choix en matière de retraite, auquel je vous sais particulièrement attaché, monsieur le ministre.
Certains tentent de faire accroire qu’il s’agit d’une manœuvre pour repousser l’âge de la retraite à 70 ans.
M. Patrick Roy. C’est le cas !
M. Denis Jacquat. Monsieur le ministre, pouvez-vous, une nouvelle fois, rétablir la vérité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le député, la vérité, c’est que les salariés jouissent désormais d’un droit nouveau : celui de continuer à travailler. Jusqu’au 1er janvier prochain, un employeur peut mettre dehors tout salarié ayant atteint l’âge de 65 ans, même si celui-ci a envie ou besoin de poursuivre son activité. Le principe de notre réforme est donc clair : laissons les Français choisir, et laissons-les travailler !
M. Maxime Gremetz. Pourquoi pas jusqu’à l’âge de 100 ans ?
M. François Grosdidier. Gremetz à la retraite d’office !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Telle est notre souhait : ne pas décider à la place des Français et leur laisser la liberté de le faire eux-mêmes.
M. Maxime Gremetz. Pendant ce temps, le chômage continue d’augmenter en Picardie !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. En outre, nous allons inciter les gens à prolonger leur activité. Dès le 1er janvier, chacun pourra cumuler librement son emploi et sa retraite.
M. Michel Lefait. La retraite à 100 ans ! La retraite à 100 ans !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail. L’Assemblée, soucieuse d’améliorer encore le dispositif, a décidé que toute année de travail supplémentaire ajouterait 5 % au montant de la retraite. Là encore, les Français auront le choix : certains souhaiteront partir en retraite à 60 ans, et c’est leur droit, tandis que d’autres souhaiteront prolonger leur activité, et c’est leur choix. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
Respectons donc le choix des Français. Une société où l’on vit de plus en plus vieux ne peut s’accommoder d’un système qui exclut du monde de l’entreprise les salariés ayant atteint un certain âge. Désormais, les choses seront claires : le droit à prolonger son activité, c’est-à-dire le droit au travail, sera garanti par la loi. L'Assemblée nationale l’a souhaité, et elle a eu raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Christian Bataille. Monsieur le Premier ministre, vous mettez, avec l’ensemble du Gouvernement, les services publics à rude épreuve : privatisation, perte d’efficacité et hausse des prix sont les résultats de votre action. Il en est ainsi pour La Poste, dont vous voulez ouvrir le capital, processus qui conduira inéluctablement, dans les années à venir, à la privatisation, comme cela a été le cas pour France Télécom et pour GDF.
M. Patrick Roy. C’est scandaleux !
M. Christian Bataille. Cette décision se traduira par une baisse de la qualité, une dégradation du service en direction des usagers et, il faut s'y attendre, par une augmentation des tarifs.
M. Yves Nicolin. Mensonges !
M. Christian Bataille. Les tournées seront diminuées et passeront à cinq par semaine seulement, la distribution personnalisée disparaîtra, bien des bureaux seront supprimés. Vous ne pouvez pas, comme vous le faites souvent, invoquer une directive européenne ou un traité, qui n'imposent nullement la privatisation des entreprises publiques.
De plus, en cette période de crise financière et de graves défaillances du système bancaire privé, les épargnants et tous les citoyens ont besoin, dans notre pays, d'outils bancaires et d'épargne qui restent adossés aux pouvoirs publics.
Nos concitoyens sont donc très inquiets de la remise en cause d'un service public ancien et symbolique du lien entre tous les Français. M. Henri Guaino, conseiller du Président de la République, a ressenti cette inquiétude, mais, hélas, ses déclarations contradictoires aboutissent à confirmer que le pire pour La Poste va bien arriver par votre volonté. Après cette cacophonie à droite sur la réforme de La Poste, vous ne pouvez pas vous contenter de dire, comme Mme Lagarde, que tout va très bien. Nous vous demandons de nous dire clairement si vous voulez aller vers un mieux préservant le service public de La Poste ou si, au contraire, vous confirmez votre intention de la privatiser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation. Monsieur Bataille, vous interrogez le Gouvernement sur l’avenir de La Poste et sur la préparation de l’échéance de l’ouverture à la concurrence de 2011. C’est un sujet que le parti socialiste connaît bien, puisque c’est le gouvernement de Lionel Jospin qui l’avait acté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. François Hollande. C’est faux !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Bataille, La Poste est une entreprise publique ; c’est donc le devoir de l’État actionnaire de préparer cette échéance et de donner à La Poste les meilleures armes pour cette ouverture à la concurrence. Lorsque nous avons reçu, avec Christine Lagarde, l’ensemble des représentants des personnels, ils nous ont dit, à l’unanimité, que le statu quo n’était pas possible et qu’il fallait préparer La Poste à l’échéance de l’ouverture à la concurrence de 2011.
Mme Pascale Crozon. Ce n’est pas possible !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle, monsieur Bataille, le Gouvernement ainsi que le Président de la République ont souhaité installer un débat public avec la commission Ailleret, présidée par l’ancien directeur général d’EDF, lequel préside, au Conseil économique et social, les relations sociales. Cette commission réunit à la fois les représentants des personnels de La Poste, mais aussi les représentants des élus, de toutes sensibilités – y compris le parti socialiste – ainsi que les représentants des clients de La Poste, qu’ils soient professionnels ou consommateurs. C’est cette commission qui permettra de répondre aux questions importantes pour l’avenir de La Poste : quels sont les métiers d’avenir de La Poste ? Comment La Poste pourra-t-elle se financer ? Avec quels processus ? Quel est le statut qui permettra de mieux préparer cette ouverture à la concurrence ? Tout cela sera traité par la commission Ailleret, qui poursuivra ses travaux jusqu’à la fin du mois de décembre, et c’est à ce moment-là seulement que le Gouvernement se prononcera sur ce sujet.
Monsieur Bataille, à ce stade, je voudrais simplement vous redire ce que le Gouvernement et le Premier ministre avaient tenu à affirmer. D’abord, il n’y aura pas de privatisation de La Poste. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Ensuite, contrairement à ce que vous affirmez, il n’y aura pas de remise en question des garanties de service public auxquelles les Français sont tant attachés.
Pour conclure, à ce stade, j’ai deux certitudes : d’abord, le Gouvernement ne bradera pas le service public de La Poste ; ensuite, il ne laissera pas caricaturer sa politique à l’égard de La Poste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Chantal Brunel. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. En ces temps difficiles, je suis très préoccupée, comme l’ensemble des Français et beaucoup de mes collègues, par les répercussions de la crise sur les ménages les plus modestes.
Un député du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Il faut augmenter les salaires !
Mme Chantal Brunel. Souvenons-nous qu’en 1991 déjà, la crise du marché hypothécaire américain avait été suivie d’une récession dans notre pays, avec pour conséquence l’explosion du nombre des bénéficiaires de minima sociaux. Or la crise que nous connaissons actuellement est sans précédent. Il est clair que, sans l’action européenne et nationale du Président de la République et du Gouvernement pour sauver le système bancaire, la situation serait hors de contrôle. Il est également évident que le plan du Gouvernement en faveur de l’économie, des PME, et de l’emploi permettra d’amortir le choc du ralentissement économique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais à l’heure où tous les experts sont au chevet des bourses et oublient le quotidien des Français, je suis sûre que le Gouvernement se mobilise en faveur de la bourse des plus démunis. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Quel est votre diagnostic, monsieur le haut-commissaire, sur l’impact social de la crise économique chez les populations les plus pauvres ; sur la capacité du RSA à atténuer la pauvreté sans que son coût financier n’explose, et sur les moyens mis en œuvre pour tenir l’objectif de réduire d’un tiers la pauvreté en cinq ans, objectif que s’était fixé le Président de la République à un moment qui ne connaissait pas la crise ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux solidarités actives.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Madame Chantal Brunel, vous avez raison de vous préoccuper de la situation des plus modestes et des plus fragiles dans ces moments de turbulence. La meilleure façon de le faire, c’est d’abord de regarder les choses en face. Nous avons trop connu de périodes où les acteurs de terrain se laissaient entendre dire que les statistiques viendraient plus tard et que ce que ce qu’ils voyaient ne correspondait pas à la vérité pour nous préoccuper des réalités les plus immédiates. J’ai donc expliqué hier, devant la commission des affaires culturelles et la commission des finances, les raisons pour lesquelles nous devions maintenant examiner mensuellement les chiffres du RMI, malheureusement en hausse pour le mois de septembre, dernier mois connu, après une baisse continue ces dix-huit derniers mois. De plus, nous réunissons, dans deux jours, les grands réseaux associatifs pour mettre en place avec eux les signaux d’alerte les plus rapides permettant de connaître l’évolution des situations. Nous devons enfin précisément cibler les populations les plus en difficulté. De ce point de vue, le risque pèse sur les travailleurs pauvres et sur celles et ceux qui peuvent être concernés par la diminution de l’activité. C’est sur eux qu’il faut concentrer les digues. Nous pouvons donc tous nous réjouir que, voici quelques heures, la commission mixte paritaire se soit mise d’accord sur le projet de loi généralisant et réformant les politiques d’insertion. Ce texte est fondamental, parce qu’il nous permettra d’intervenir en priorité auprès de celles et ceux qui voient leur travail augmenter un peu et d’atténuer leurs difficultés s’ils se fragilisent.
Faudra-t-il envisager d’autres actions ?
M. Roland Muzeau. Il faut interdire les licenciements !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. J’entendrai les propositions de l’ensemble des groupes parlementaires pour compléter éventuellement ces mesures par d’autres actions temporaires ou rapides, afin d’éviter que la pauvreté ne reparte. Un engagement de réduction de la pauvreté, qui n’a pas été pris sous certaines conditions, figure dans le projet RSA. Il doit être tenu lorsque la croissance ralentit et que les difficultés apparaissent. C’est avec vous que nous y parviendrons. Les plus pauvres ne seront pas les victimes de la crise ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
M. Pierre Gosnat. C’est ridicule !
M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Francis Saint-Léger. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie. Je souhaite y associer l’ensemble de mes collègues dont les territoires ont subi les fortes intempéries du week-end qui ont frappé plusieurs régions du Sud et du Centre-Est de la France et qui ont causé de grosses crues, des dégâts matériels et des coupures de courant massives.
Ces intempéries pluvieuses, qualifiées d’épisode cévenol, ont concerné une quinzaine de départements et environ 200 communes. Elles ont frappé plus particulièrement les départements de la Loire, de la Haute-Loire, de l’Ardèche et de la Lozère.
J’étais moi-même sur place et j’ai constaté l’ampleur inimaginable des dégâts dans le secteur lozérien, durement touché, de Langogne et de Villefort.
Je veux ici rendre hommage aux sapeurs-pompiers, aux gendarmes et à tous les secours, qui ont su réagir à temps, tout en soulignant l’action immédiate de l’État. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir envoyé les renforts nécessaires, c’est-à-dire l’ensemble des moyens humains et matériels, pour venir en aide aux sinistrés.
De nombreuses familles, entreprises et collectivités ont été touchées par ces inondations et ont subi de gros dégâts. À présent, elles attendent que des décisions soient prises. Elles souhaitent en particulier connaître l’état d’avancement de la reconnaissance de catastrophe naturelle, indispensable aux démarches qu’elles doivent effectuer auprès de leurs assurances.
Je souhaiterais que vous nous précisiez les modalités à venir ainsi que le calendrier qui s’y rattache. (Applaudissements sur divers bancs.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Effectivement, monsieur le député, ce sont des pluies particulièrement importantes qui se sont abattues sur toute la région que vous citiez et qui ont causé de nombreux dégâts, matériels mais également humains.
Toute l’Assemblée nationale, je pense, s’associera à moi pour exprimer notre soutien aux familles des quatre personnes qui ont péri lorsque leur avion s’est écrasé en raison de ces intempéries et qui ont été retrouvées ce matin. De la même façon, je pense qu’elle apporte son soutien au moins moral aux personnes touchées par les dégâts matériels.
Si l’on ne peut pas grand-chose au moment où l’événement intervient, nous avons essayé d’anticiper. Dès l’alerte météo, j’ai fait prépositionner des moyens au plus près des endroits prévisibles, notamment de gros moyens de sécurité civile. Les forces militaires de sapeurs-pompiers de Brignoles ont ainsi été extrêmement utiles. Nous avions également prépositionné des hélicoptères pour d’éventuels hélitreuillages et de gros moyens de pompage. Plus de 200 sapeurs-pompiers sont venus, en complément bien entendu de ceux qui étaient sur place.
Ce dispositif est d’ailleurs encore activé puisqu’il y a toujours un risque.
L’état de catastrophe naturelle sera naturellement déclaré. J’ai donné des instructions pour que cela puisse se faire le plus rapidement possible. Deux commissions ont la possibilité de se prononcer, l’une le 20 novembre et l’autre le 18 décembre.
Ce qui est important maintenant, c’est que les dossiers nous remontent le plus vite possible, parce que l’état de catastrophe naturelle ne peut être déclaré sur les communes que lorsque nous avons l’ensemble des dossiers.
Je profite donc de l’occasion qui m’est donnée pour appeler les maires à mobiliser le plus possible toutes les personnes qui ont subi des dommages. Nous avons aussi sensibilisé les assurances pour que l’indemnisation soit la plus rapide et la plus complète possible. (Applaudissements sur divers bancs.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Daniel Goldberg. Avant de poser ma question, je voudrais revenir sur les affirmations mensongères de M. Chatel, à l’instant. (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Jean-Marc Roubaud. Monsieur le président !
M. Daniel Goldberg. C’est bien Lionel Jospin qui a obtenu, il y a quelques années, le maintien sous monopole d’une part importante de la distribution du courrier pour garantir le service public ; et c’est votre gouvernement qui a cédé sur ce point ! (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J’en viens à ma question. Notre pays connaît une grave crise économique et financière. Il ne s’agit pas du manque d’éthique ou de la morale défaillante de quelques traders inconscients, comme on a pu l’entendre du côté de la majorité. C’est la crise d’un système dont l’un des plus grands apôtres était Nicolas Sarkozy (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC), qui révérait, il y a peu encore, l’Amérique de George Bush, au point de vouloir importer dans notre pays les crédits hypothécaires qui mettent, aux États-Unis, des milliers de familles à la rue.
Des centaines de milliards d’euros doivent être débloqués dans l’urgence ; sans grand contrôle, il s’agit de sauver nos organismes bancaires et de payer l’addition d’un système spéculatif de concurrence généralisée et sans régulation, qui est le vôtre.
En fait, dans cette période, vous ne faites que revenir à vos fondamentaux. Avec vous, il faut toujours privatiser les bénéfices au profit de quelques-uns et répartir les pertes sur le plus grand nombre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Car ce sont bien les habitants de notre pays, en premier lieu dans les catégories moyennes et populaires, qui vont subir de plein fouet la récession et la diminution de leur pouvoir d’achat.
Il y a quelques jours, l’annonce d’une baisse jugée probable du taux du Livret A a choqué de nombreux parlementaires, dans la majorité comme dans l’opposition. Des millions de nos concitoyens utilisent ce placement pour protéger leurs économies, bien souvent modestes. Comment, dès lors, pouvez-vous donner le sentiment de vous en remettre à un calcul qui conduirait mécaniquement à une baisse du taux du Livret A au début de l’année 2009, alors que vous vous êtes affranchis de toutes les règles pour voler au secours des banques ?
Monsieur le Premier ministre, ma question attend une réponse claire et ferme de votre part : allez-vous, oui ou non, vous engager devant les Français à leur garantir le maintien du taux du livret A à son niveau actuel ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Je voudrais confirmer devant la représentation nationale les propos de Luc Chatel : c’est bien votre gouvernement, mesdames et messieurs de l’opposition, qui a choisi de libéraliser le secteur postal. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il faut vous décider à assumer vos choix ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler que, depuis 2003, ce n’est plus le Gouvernement qui fixe le taux d’intérêt servi sur les livrets A,…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est faux.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …puisque cette fixation se fait désormais par le calcul automatique d’une formule publiée tous les six mois, qui est une moyenne du taux d’inflation et du taux d’intérêt.
Nous avons pris, c’est vrai, la décision de préserver les épargnants en imposant un plancher…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …qui correspond au taux de l’inflation plus 0,25 %. C’est une décision de protection des épargnants.
Quelle va être l’évolution prévisible de cette formule ? Il ne faut pas être grand clerc pour le savoir. Le taux d’inflation baisse ; c’est une très bonne nouvelle pour les consommateurs, et je crois que vous ne pouvez que vous en réjouir. Les taux d’intérêt baissent eux aussi ; c’est une très bonne nouvelle pour l’économie, dont tout le monde peut également se féliciter.
Je voudrais prendre un exemple concret. Pour le détenteur d’un Livret A de 5 000 euros qui aurait à supporter une diminution de 0,5 % du taux d’intérêt servi, cette baisse occasionnerait une perte de deux euros par mois sur son rendement. Je crois que, compte tenu de l’attractivité du Livret A, nous pouvons très bien envisager une telle hypothèse. Nous verrons au mois de février prochain. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean-Marc Ayrault. « On verra » : c’est votre seule réponse ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dupont, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Pierre Dupont. Monsieur le président, ma question, qui se veut consensuelle, s’adresse à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ; je pourrais y associer mes collègues membres de la mission d’information sur les questions mémorielles.
Le 11 novembre 1918, après quatre années de combats acharnés qui firent 8,5 millions de morts et 6 millions de mutilés, les alliés et l’Allemagne signaient à Rethondes, en forêt de Compiègne, l’armistice qui mettait fin à l’une des plus grandes tragédies du xxe siècle. Les survivants veulent alors croire que cette guerre qui s’achève sera la « der des der ».
1918-2008 : nous célébrerons, ce 11 novembre, le 90e anniversaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale. S’il est un thème sur lequel nous pouvons nous rejoindre dans la tourmente que nous traversons actuellement, c’est bien celui du devoir de mémoire, surtout lorsqu’il s’agit de célébrer la paix et le souvenir de tous ceux qui ont donné leur vie pour qu’on ne connaisse « plus jamais ça ».
Partout sur notre territoire, des célébrations se tiendront pour commémorer cet armistice. Cette année, elles revêtiront une dimension particulière, puisqu’elles s’inscrivent dans un contexte exceptionnel, et ce à deux titres.
D’abord parce que la France assure la présidence de l’Union européenne. De 1914 à 1918, notre pays a été le champ de bataille du monde ; en 2008, il est l’acteur d’une Europe réconciliée, unie et présente – elle l’a d’ailleurs formidablement prouvé ces dernières semaines.
Ensuite, parce que ce 90e anniversaire marque un tournant générationnel. Sur les trente millions de combattants de la Grande Guerre, il ne reste aujourd’hui dans le monde que six survivants, et la France a perdu son dernier poilu en mars 2008. Après le temps du souvenir et de la mémoire, nous entrons dans le temps de l’histoire.
Oui, commémorer la paix signée le 11 novembre 1918 fait désormais partie de l’histoire, mais la célébrer a encore un sens : c’est en tout cas l’avis de 75 % de nos concitoyens. Tant de morts, tant de souffrances ne peuvent pas avoir été vaines. En cette période de crise, leur commémoration doit être un facteur de cohésion et d’unité nationale.
Pour préparer ce 90e anniversaire et rendre un hommage solennel à tous ceux qui ont versé leur sang pour la liberté, l’historien Jean-Jacques Becker, sous l’impulsion du Président de la République, s’est vu confier la présidence d’une commission spéciale, chargée de réfléchir aux cérémonies anniversaires de 2008. Le principe retenu, dans le rapport rendu par cette commission, n’est pas de célébrer la victoire de 1918, mais la fin de la dernière guerre et l’union des peuples européens.
M. Maxime Gremetz. Ce n’était pas la dernière !
M. Jean-Pierre Dupont. Pouvez-vous donc, monsieur le secrétaire d’État, nous préciser la teneur des commémorations qui se tiendront le 11 novembre prochain et la manière dont la représentation nationale, nos concitoyens et nos amis européens y seront associés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur Jean-Pierre Dupont, nous entrons dans la période des commémorations du 90e anniversaire de l’armistice, symbolisé par ce bleuet de France que je porte à la boutonnière.
Ces commémorations sont importantes pour le partage de la mémoire ; elles sont aussi un facteur d’unité et de cohésion nationale. C’est la raison pour laquelle, en ce moment où nous basculons de la mémoire dans l’histoire, qui coïncide avec la présidence française de l’Union européenne, le Président de la République a souhaité qu’à Douaumont, le 11 novembre, ne se retrouvent pas seulement les alliés d’hier, mais l’ensemble des belligérants, dans une cérémonie qui permettra de rappeler que notre Europe de la paix était alors l’Europe de la guerre, d’une guerre terrible. La réconciliation, ce n’est pas l’oubli, car l’oubli serait la pire des choses.
Pour rendre hommage aux 1,4 million de morts que la guerre a faits rien qu’en France, le Premier ministre se rendra dans l’après-midi à Rethondes. Dans le même esprit, nous raviverons dans la soirée la flamme du soldat inconnu à l’Arc-de-Triomphe.
Ces commémorations veulent aussi sceller l’unité nationale. Nous étions hier en Champagne avec Rama Yade pour rappeler le sacrifice de la force noire – les tirailleurs sénégalais, pour ne citer qu’eux – car la réalité de cette guerre, c’était aussi ces soldats venus de toutes les contrées de l’empire, les colonies d’hier, qui ont partagé les combats et les souffrances des soldats de métropole. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.) Et c’est toute la jeunesse de France, dans sa diversité, qui porte aujourd’hui la fierté de ce qu’ils ont fait et de ce qu’ils ont souffert.
Ces commémorations sont organisées par l’État mais aussi par les collectivités locales, les associations et le monde de l’éducation. Tous les moyens sont bons pour donner voix à cette célébration, y compris Internet, où l’on peut trouver la liste de tous les morts pour la France ou encore les journaux de marche de la Grande Guerre.
Ces commémorations seront assurément, en France, dans l’Europe de la paix, un temps fort de mémoire partagée et d’unité nationale (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) .
M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Gabrielle Louis-Carabin. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, au mois d'octobre, vous annonciez le nouveau plan « Hôpital 2008-2012 », doté d'un budget substantiel et destiné à favoriser la performance des établissements de santé, dans l'intérêt des patients.
Parmi les 250 projets déjà validés, la Guadeloupe est la région ultramarine la mieux dotée et la seule éligible au titre du programme national, avec notamment le projet de reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre – ce dont je me félicite et je vous remercie.
Votre décision intervient au moment où la situation financière des établissements de santé est particulièrement tendue.
M. Jean-Paul Lecoq. Elle est catastrophique !
Mme Gabrielle Louis-Carabin. C'est dire dans quelle urgence doit être traitée la performance des établissements de santé de cet archipel, afin de leur permettre de s'adapter aux évolutions, de répondre de manière plus efficace aux exigences de nos concitoyens et donc de balayer le principe qui dit que le meilleur hôpital, c'est de partir en France hexagonale – en d’autres termes de prendre un billet Air France.
Cette aide importante augure bien du nouveau visage que devrait avoir l'offre de soins dans ma région, où il est nécessaire de faire monter en puissance les moyens humains et financiers, conformément à l'esprit du récent rapport de M. Gérard Larcher, aujourd’hui président du Sénat, sur les missions de l'hôpital.
Dans le prolongement et en complément de ce travail parlementaire d'envergure, vous annonciez en Guyane, au mois de mai dernier, la mise en œuvre d'un plan spécifique de santé outre-mer, adapté à nos réalités : organisation des soins, prévention, formation, gestion du personnel.
Aujourd'hui, ce plan existe ; aussi souhaiterais-je, madame la ministre, que vous nous en présentiez les grandes lignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC.)
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie éducative.
MM. Patrick Roy et Jean Mallot. Et des franchises médicales !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie éducative. Madame la députée, je vous remercie d’avoir rappelé que lors d’un déplacement à Cayenne, en Guyane, j’ai présenté le 1er mai dernier un plan « Santé outre-mer ». Afin d’améliorer la santé publique dans ces territoires, il se propose d’y renforcer l’offre de soins et d’y fidéliser les professionnels de santé.
Je l’ai préparé avec mon collègue Yves Jégo, chargé de l’outre-mer, mais aussi avec les élus, les professionnels de santé et les associations d’usagers.
Vous avez rappelé le très gros programme qui concerne le CHU de Pointe-à-Pitre : il faut d’abord, en effet, adapter le patrimoine immobilier hospitalier aux spécificités de l’outre-mer – je pense notamment au risque sismique dans votre belle région, la Guadeloupe. Nous voulons développer des programmes de recherche concernant les risques particuliers de l’outre-mer, comme la dingue ou le chikungunya. Nous voulons améliorer la continuité territoriale, mais aussi la coopération, tant au niveau régional qu’avec les pays étrangers environnants – les programmes qui concernent l’arc antillais sont particulièrement prometteurs. Nous voulons enfin adapter la formation des professionnels médicaux et paramédicaux. La loi « Hôpital, patients, santé et territoires » offrira d’ailleurs un certain nombre d’outils de coopération entre les professionnels de santé, qui seront ainsi mieux fidélisés outre-mer.
Le débat est revenu dans vos territoires avec les agences régionales de l’hospitalisation, qu’Yves Jégo et moi-même sommes en train d’adapter pour prendre en compte aux mieux les réalités du terrain. Ce plan sera achevé avant les vacances de fin d’année, et je vous le présenterai à ce moment-là (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Laurence Dumont. Avant de poser ma question, j’aimerais faire une petite mise au point sur le dossier de La Poste, une histoire à épisodes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je rappellerai simplement, puisque M. Novelli n’a pas l’air de s’en souvenir, que la libéralisation de tous les courriers de moins de cinquante grammes, c'est-à-dire les lettres ou les cartes postales de monsieur Tout-le-monde, c’est vous qui l’avez décidée, alors même qu’une dizaine de pays en Europe trouvaient que cela allait trop loin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, et j’y associe bien volontiers Catherine Coutelle, députée de la Vienne.
Monsieur le ministre, c’en est trop. Après vous être employé à démolir l’école publique (Protestations sur les bancs du groupe UMP), en supprimant des postes d’enseignants, en retirant des programmes scolaires les enseignements permettant l’accès de tous à la culture, à l’expérimentation, à la construction d’un esprit critique, en institutionnalisant l’école garderie avec un droit d’accueil inapplicable, en diminuant enfin l’accompagnement au sein des RASED des élèves les plus en difficulté, après cette démolition en règle de l’école publique, vous décidez aujourd’hui d’attaquer frontalement l’éducation populaire.
M. Patrick Roy. Scandaleux !
Mme Laurence Dumont. Celle-là même dont l’objectif est de construire, hors du travail et de l’école, des citoyens actifs capables de jugement par l’accès au savoir et à la culture pour tous.
M. Patrick Roy. C’est la pagaille !
Mme Laurence Dumont. Vous attaquez l’éducation populaire, alors même que le Président de la République annonçait haut et fort, le 24 juillet dernier, la nécessité de « soutenir l’éducation populaire dont le travail est remarquable ».
M. Patrick Roy. Scandaleux !
Mme Laurence Dumont. Pour 2009, le budget est catastrophique : moins 11 % pour la jeunesse et la vie associative. Et surtout, dès 2008, vous asphyxiez ces associations par le non-versement du montant de subventions prévu par les conventions pluriannuelles d’objectifs, signées par vous-même avec elles, et ce en recourant à des méthodes plus que contestables. J’en veux pour preuve les multiples courriers envoyés par vous-même depuis la manifestation du 19 octobre, qui visent à mettre sous pression des associations avant tout soucieuses de défendre des droits acquis contractuellement avec l’État. De plus, vous prévoyez de supprimer dès 2009 tous les postes mis à disposition par l’éducation nationale auprès de ces structures.
M. le président. Merci, madame, de poser votre question.
Mme Laurence Dumont. Monsieur le ministre, pourquoi ce désengagement de l’État ? Ne plus soutenir les associations d’éducation populaire, c’est les amener à ne plus pouvoir répondre aux demandes des collectivités et des territoires et laisser ainsi la place aux sociétés privées, guidées par la seule recherche du profit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
M. Noël Mamère. Très juste !
M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale.
M. Patrick Roy. C’est la pagaille !
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, je pensais que cette question, qui traitait de l’éducation populaire, pouvait concerner plus directement Mme Bachelot, mais puisque vous m’avez interpellé, je vais vous répondre.
Les subventions que mon ministère verse à l’ensemble des associations qui travaillent en partenariat avec l’éducation nationale sont très lourdes. Mais, contrairement à ce que vous venez d’affirmer, il n’est pas question de les diminuer, puisque le projet de budget que nous examinons aujourd’hui même, et vous le savez puisque vous étiez là ce matin, madame Dumont, prévoit 50 % d’augmentation pour l’ensemble des associations qui fonctionnent en partenariat (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.), la Ligue de l’enseignement, les Francs camarades, les Éclaireurs, etc.
Et non seulement nous augmentons les subventions, mais nous passons avec ces associations et ces structures des partenariats, en particulier pour l’accompagnement éducatif qu’elles organisent, comme vous le savez, dans le cadre de tous les collèges à partir de cette rentrée.
La différence entre ce que vous souhaitez et ce que nous faisons, c’est que nous, nous n’arrosons pas aveuglément des structures et des permanents d’associations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Nous, nous signons avec ces associations des partenariats très précis, sur des projets que nous négocions. Lorsque nous considérons que ces associations contribuent à l’action éducative, nous les finançons.
M. Bernard Roman. C’est scandaleux !
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. C’est ainsi que nous continuerons à faire, non pas en passant directement des contrats aveugles mais en fixant des projets éducatifs qui sont les nôtres et en nous faisant aider par ces associations pour les réaliser. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Bruno Le Roux. Fossoyeurs de l’éducation !
M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean Proriol. Monsieur le président, mes chers collègues, des incidents répétés se produisent sur le réseau SNCF. Leur origine est multiple :
Incidents techniques, notamment ruptures de caténaires qui se multiplient ces derniers temps, dysfonctionnements à des passages à niveau ;
Incidents climatiques, comme hier sur la ligne Lyon-Saint-Etienne-Le Puy où des TER ont été retardés, voire supprimés ;
Incidents dus à des actes de malveillance ou de sabotage, comme pour le TGV Atlantique ce week-end, avec des passagers bloqués et pris en otages, sans oublier les conséquences sur la sécurité.
Il y a, enfin, la loi des séries et des périodes où la malchance est au rendez-vous, là comme ailleurs. Tout cela provoque des retards insoutenables.
Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, ma question est double. Qu’ils roulent en TGV ou en TER, les passagers peuvent comprendre certaines causes. Ce qu’ils veulent, c’est être informés plus qu’ils ne le sont actuellement. Maintenant que les matériels sont rénovés, souvent avec l’argent des régions (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC) – c’était aussi le cas avant 2004 ! –, on peut passer des messages d’information en cas de perturbation. Une information en temps réel va-t-elle enfin être mise en place à la fois dans les trains et dans les gares ?
Par ailleurs, les voies ferrées sont pour partie anciennes et certaines nécessitent une maintenance préventive qui a fait défaut. Pour d’autres, une rénovation forte s’impose – je pense à certains tronçons de Clermont-Nîmes dans le Haut-Allier. Des conseils régionaux ont décidé d’y participer. D’autres, comme celui de l’Auvergne, traînent les pieds. Le Gouvernement annonce un contrat pluriannuel avec RFF doté de plusieurs dizaines de milliards d’euros. On rapporte, monsieur le secrétaire d’État, que vous auriez piqué une saine colère avec le pourtant très réactif M. Pépy. En fin de compte, l’investissement ferroviaire est-il la priorité des prochaines années pour répondre à l’attente des Français ? (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports. Monsieur Proriol, votre question est tout à fait judicieuse. En effet, nous avons encore eu, samedi 1er novembre, un incident de caténaire sur la partie commune de la ligne de TGV Atlantique qui relie le réseau Sud-Ouest à celui venant des pays de Loire et de Bretagne. Cet incident est différent des précédents puisqu’il semble dû à des causes criminelles, à savoir des tirs au fusil sur les installations ferroviaires. Nous attendons, Mme Alliot-Marie et moi-même, d’avoir les résultats complets de l’enquête. Il n’empêche que ces types de dysfonctionnement ont été beaucoup trop nombreux ces derniers mois. Nous en avons connu à Aubagne, en région parisienne et à Toulouse, notamment, et c’est inacceptable.
S’agissant des dysfonctionnements eux-mêmes, nous avons demandé à M. Pépy de faire une inspection globale du réseau des caténaires. Cette inspection est en cours. Il appartiendra ensuite à Réseau ferré de France et à la SNCF d’en tirer les conclusions et de faire les travaux nécessaires.
Quant à l’information, vous avez raison : elle ne fonctionne pas comme elle le devrait. Il est vrai que le système ferroviaire est complexe. Les cheminots font preuve de beaucoup de bonne volonté et le président de l’entreprise est réactif, mais les voyageurs ne sont pas informés, ou le sont trop tard ; ils sont perdus. Il faut donc améliorer encore l’information en temps de crise.
Enfin, avec Jean-Louis Borloo et Eric Woerth nous avons signé hier un contrat de régénération de notre réseau ferré. Nous allons donner, sur cinq ans, 13 milliards d’euros à RFF pour assurer, sous le contrôle de l’État, la régénération complète de notre réseau. Nous allons multiplier les travaux par 2,5. Cela signifie que nous aurons enfin un réseau secondaire de bonne qualité. Je pense, bien sûr, particulièrement à la région Auvergne où, vous l’avez souligné à juste titre, se trouvaient les installations les plus anciennes, mais ce programme concerne l’ensemble du pays. Le chemin de fer, qui est au cœur du Grenelle de l’environnement, est pris en compte par le Gouvernement dans ses investissements et nous attendons de la SNCF une excellente réactivité au besoin d’information de ses clients. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (nos 1157, 1211, 1212).
M. Patrick Roy. Ce projet de loi est une catastrophe !
M. le président. Avant que nous ne passions aux explications de vote, je donne la parole à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Roland Muzeau. Le ministre a refait ses comptes : il va nous annoncer que le plan de financement de la sécurité sociale est nul et non avenu !
M. Jean-Pierre Brard. C’est la pince-monseigneur du Gouvernement !
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous allez vous prononcer, dans quelques instants, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2009. Aussi, je voudrais, en mon nom et en celui de Roselyne Bachelot, de Xavier Bertrand, de Valérie Létard et de Nadine Morano, revenir sur ses principaux apports.
En votant pour ce texte, vous ferez le choix de la responsabilité, puisqu’il assainit les comptes et poursuit la réduction des déficits, sans peser, en cette période de crise, ni sur les ménages ni sur les entreprises. La question lancinante du déficit du FFIPSA est traitée, et la reprise des déficits du passé s’effectue sans augmenter les prélèvements obligatoires ni allonger la durée de vie de la CADES.
Le déficit du régime général devrait être de 8,9 milliards d’euros en 2008.
M. Roland Muzeau. Seulement ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. Sans mesure de redressement, et avec une masse salariale progressant de 3,5 %, il serait passé à 15 milliards d’euros en 2009. Dans ce contexte, les mesures de maîtrise des dépenses, la reprise de dette et les transferts de recettes que vous avez examinés réduiront le déficit à 8,6 milliards d’euros en 2009. Le déficit de l’assurance maladie serait ainsi à son meilleur niveau depuis 2001 : il s’établirait à 3,3 milliards d’euros, ce qui représente une légère amélioration par rapport au projet du Gouvernement, du fait de l’amendement relatif aux droits sur l’alcool, que vous avez voté.
Ce texte est également un texte de responsabilité, dans la mesure où il fixe un ONDAM réaliste à 3,3 %, en hausse de 5 milliards d’euros par rapport à cette année. Avec Roselyne Bachelot, j’attends de chaque acteur du système qu’il assume l’ensemble de ses responsabilités pour mettre en œuvre les mesures de gestion nécessaires au respect de cet objectif.
Responsable et réaliste, je l’ai été devant vous lorsque, à plusieurs reprises, vous m’avez interrogé – à juste titre – sur les prévisions macroéconomiques. Bien que nous ayons adopté des hypothèses extrêmement prudentes, on ne peut nier que, au cœur de la tourmente financière que nous vivons, ces hypothèses sont fragiles et sujettes à révision.
M. Jean-Pierre Brard. Quelle perspicacité !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous serons donc probablement amenés à les réviser dans les jours qui viennent, le Premier ministre l’a confirmé hier.
M. Roland Muzeau. Bref, nous avons travaillé pour rien !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Je vous rappelle d’ailleurs qu’une baisse de 0,1 point de masse salariale, ce sont 200 millions d’euros de recettes en moins pour le régime général. Mais cela n’invalide en rien la portée de nos travaux et de nos débats. Car, je l’ai indiqué très clairement, nous maintiendrons l’effort sur la dépense, sans chercher à compenser l’éventuelle dégradation de la conjoncture par plus de prélèvements ni par des économies brutales sur les dépenses.
M. Gérard Bapt. En effet ! Vous allez laisser filer les déficits !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous avons eu des débats nourris, des débats de qualité, qui nous ont permis de mieux expliquer le projet du Gouvernement, mais aussi de l’améliorer. À cet égard, je tiens à remercier le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Pierre Méhaignerie, les rapporteurs du projet de loi, Marie-Anne Montchamp, Yves Bur, Jean-Pierre Door, Denis Jacquat et Hervé Féron. Je remercie également l’ensemble des parlementaires qui ont participé à la discussion. Celle-ci a été parfois vive avec les députés de l’opposition,…
M. Patrick Roy. Ce n’est pas fini !
M. Éric Woerth, ministre du budget. …mais elle a toujours été constructive.
Avant que vous ne vous prononciez, mesdames et messieurs les députés, j’aimerais revenir sur les avancées que nous a permises l’examen du texte.
Grâce à cette loi de financement de la sécurité sociale et à la précédente, nous aurons sensiblement revu, en moins de deux ans, les règles d’assujettissement aux contributions sociales. Cette évolution majeure, bien préférable à une collection de petites mesures, consolide le financement solidaire de notre protection sociale.
L’année dernière, nous avons instauré, sur la proposition d’Yves Bur, une contribution patronale de 10 % sur les stock-options et les actions gratuites, ainsi qu’une cotisation salariale, soit 200 millions d’euros qui bénéficieront dès 2008 à l’assurance maladie.
M. Patrick Roy. Soit quatre fois moins que les franchises !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Cette année, nous créons un forfait social de 2 % sur l’intéressement, la participation, l’épargne salariale et la retraite supplémentaire. Ce seront 400 millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’assurance maladie. Enfin, grâce à l’amendement d’Yves Bur, les fameux « parachutes dorés », ces indemnités de rupture qui dépasseront 1 million d’euros, seront assujettis dès le premier euro à l’ensemble des cotisations sociales.
M. Jean-Pierre Brard. Et ceux qui ne dépassent pas le million ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. Vous avez trop souvent regretté l’écart grandissant entre une masse salariale soumise aux cotisations de plein droit et d’autres éléments de revenus totalement exonérés. Cet écart appartient désormais au passé.
Mme Martine Billard. Quatre-vingt-dix ans de SMIC !
M. Éric Woerth, ministre du budget. En matière d’assurance maladie, nous renforçons avec vous les outils de pilotage. Un amendement d’Yves Bur permettra au comité d’alerte de s’exprimer avant juin sur le risque de dépassement lié à l’année en cours. Vous avez aussi renforcé le suivi des propositions de l’UNCAM en demandant à ce que le bilan de la mise en œuvre de ses propositions s’accompagne d’un bilan de l’impact financier. N’oublions pas non plus que cette loi donne un poids nouveau aux assurances complémentaires dans la gestion du risque. Le pilotage de la dépense de santé doit être toujours plus précis, plus exigeant, avec un objectif constant de qualité des soins et d’équilibre financier. L’un ne va pas sans l’autre.
Le souci de dépenser mieux et plus efficacement nous a conduits à réformer la tarification des soins en maison de retraite. Les moyens seront attribués à partir de 2010 en fonction du service rendu et non plus des seuls coûts antérieurs. C’est d’autant plus nécessaire que l’enveloppe médico-sociale, qui progresse de 6,3 % en 2009, prend un poids croissant.
Dans le même dessein, le projet de loi pose le principe de l’intégration des médicaments dans les forfaits des établissements pour personnes âgées. Le texte du Gouvernement a été enrichi par l’adoption d’un amendement du rapporteur Jean-Pierre Door, qui rend possibles des expérimentations dès l’an prochain et met en place des garanties pour que cette intégration se traduise par une réelle amélioration de la qualité des soins et permette de lutter contre les risques iatrogéniques. C’est un bon équilibre qu’il faut maintenir.
En matière de retraite, le projet de loi prend des mesures fortes en faveur de l’emploi des seniors. Les débats parlementaires, en commission et en séance, ont permis d’avancer sur les mises à la retraite d’office, que, dans son texte initial, le Gouvernement prévoyait de supprimer en 2010. L’équilibre atteint a été mal interprété, voire caricaturé par certains.
Levons les ambiguïtés, comme Xavier Bertrand l'a fait à plusieurs reprises : il s'agit de donner plus de liberté aux salariés, de leur donner un droit nouveau de poursuivre leur activité au-delà de soixante-cinq ans. Ce texte ne comporte aucune obligation…
Mme Martine Billard. Pour l’instant !
M. Éric Woerth, ministre du budget…. il ne masque aucune obligation ; simplement, les salariés qui voudront continuer à travailler pourront le faire, sans être mis à la retraite d'office par leur employeur.
Parallèlement, dans la fonction publique, nous supprimons les couperets de cinquante-cinq ou soixante ans qui empêchaient ceux qui le voulaient de poursuivre leur activité.
M. Roland Muzeau. Et quand ceux qui le veulent pourront-ils travailler dès douze ans ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. Plus de liberté de choix, c'est aussi ce que nous offrons aux personnels navigants dans le secteur aérien : les amendements suscités par M. Myard permettront à ceux qui le souhaitent d'exercer leur métier au-delà des limites d'âge actuelles de soixante ans pour les pilotes et de cinquante-cinq ans pour les hôtesses et stewards.
Bien évidemment, vu l'importance des questions de santé et de sécurité dans l'aéronautique, cela se fera dans le cadre d'un suivi médical renforcé au niveau individuel et collectif.
M. Roland Muzeau. Vous n’avez pas respecté vos engagements !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Contrairement à ce qui a été dit ici ou là, ces mesures ne remettent pas en cause l'âge de la retraite ; il s'agit simplement de laisser travailler ceux qui le souhaitent au-delà des limites d'âge actuelles. C’est un principe de liberté que nous appliquons. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) C'est une possibilité offerte aux salariés, et tous ceux qui sont de bonne foi – vous l’êtes, j’en suis certain – en conviendront. Si c'est pour cette raison que le parti socialiste appelle à ne pas voter le PLFSS, c'est vraiment qu'il lui fallait trouver un prétexte ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Mallot. Nous avons bien des raisons de ne pas le voter !
M. Éric Woerth, ministre du budget. En matière de lutte contre les fraudes, vous avez adopté des mesures fortes pour renforcer l'efficacité des sanctions financières, mettre en place des pénalités plancher en cas de grande fraude, ou encore améliorer le recouvrement des indus, grâce aux amendements de Valérie Boyer et d'Yves Bur. Un euro de fraude, c'est un euro qui fait défaut à la solidarité, à ceux qui en ont besoin et qui respectent les règles.
M. Jean-Pierre Brard. Comme au Liechtenstein ?
M. Roland Muzeau. Ou au Luxembourg ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. Vous avez aussi amélioré les sanctions en cas de travail dissimulé, et je m'en félicite.
Ce projet conforte et diversifie le financement de la sécurité sociale. Il renforce les instruments de gestion pour que la dépense soit efficace, utile, juste, pour qu’elle soit toujours au service de la solidarité.
C'est parce qu’il repose sur la responsabilité et la solidarité, que je vous invite à voter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelle, familiales et sociales. Monsieur le président, madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, mes chers collègues, je me dois d’intervenir, en tant que président de la commission des affaires sociales, pour exprimer l’inquiétude, la surprise, la stupéfaction même de nombreux collègues devant la caricature (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) de notre position sur un sujet précis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), d’autant que ceux qui se sont exprimés largement dans la presse n’ont participé à aucun moment à la discussion de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Martine Billard. Menteur !
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Pour ma part, j’estime que laisser croire que l’âge de la retraite est abaissé à soixante-dix ans… (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Abaissé !
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. …laisser croire ce que vous avez dit au cours des dernières heures à la télévision, est indigne du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je crois à l’exigence de vérité. Nous avons offert une liberté de choix (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et j’ai vu un des candidats au poste de premier secrétaire du parti socialiste qui ignorait même qu’il existe aujourd’hui une possibilité de partir avec une retraite pleine à cinquante-six, cinquante-sept ou cinquante-huit ans ! Certes, ce n’est pas vous qui l’avez instituée, c’est notre majorité.
M. Michel Lefait. Quatre-vingts ans, c’est encore mieux !
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Mais vous ne voulez pas le reconnaître. Nous avons porté autant d’attention aux hommes et aux femmes qui veulent partir avant soixante ans qu’à ceux qui, pour des raisons diverses, ne veulent pas subir la retraite couperet à soixante-cinq ans.
Mme Martine Billard. Ce sont les femmes qui vont se faire avoir !
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Nous offrons une liberté de choix, vous n’en faites qu’une caricature. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons nous prononcer sur la loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit une somme considérable de 442 milliards d'euros pour financer les retraites du régime général, la politique familiale, les dépenses de santé remboursables.
Même s'il ne résout pas tous les problèmes, notamment dans le domaine de la santé, ce projet comporte de nombreux progrès.
Mais le contexte est particulièrement incertain et les bases retenues pour prévoir les recettes nous plongent dans une certaine perplexité. Nous souhaitons que la croissance soit effectivement de 1 % et que l'augmentation de la masse salariale dépasse les 3,5 %, car 1 % correspond à 2 milliards d'euros.
Notre première satisfaction est que vous ayez décidé de financer les dettes. Les réformes des retraites et de l'assurance maladie avaient prévu l'équilibre des comptes en 2007. Nous en sommes, hélas, loin.
Vous avez donc décidé que l'État reprendrait la dette de 7,5 milliards du FFIPSA et que ce fonds disparaîtrait, les dépenses de santé du régime agricole étant adossées à la CNAM. Comme le Nouveau Centre le demandait depuis deux ans avec insistance, la CADES reprend les déficits des régimes généraux et du FSV pour 26 milliards. La logique aurait voulu que vous augmentiez la CRDS de 0,2 %. Vous avez prévu un mécanisme de transfert de la CSG mettant le FSV en déficit, ce qui est regrettable.
De nouvelles recettes sont prévues. Une taxe sur les complémentaires santé doit rapporter 1 milliard. Elle sera pérennisée, conduisant sans doute à une augmentation des cotisations. Le forfait social de 2 % sur l'intéressement et la participation doit rapporter 400 millions. L'augmentation de 0,3 % des cotisations de retraite devrait correspondre à une diminution de la cotisation chômage, si les partenaires sociaux et l'emploi le permettent.
La loi prévoit un déficit de 9 milliards et, calculé sur des bases optimistes, il devrait se monter, d'ici à 2012, à 25 milliards. Il faudra certainement le transférer alors à la CADES et le financer par des recettes nouvelles.
L'article principal concerne l'ONDAM, c'est-à-dire les dépenses remboursables par le régime général. Il n'est toujours pas médicalisé, mais économique. Cette année, il augmente de 3,3 %, à 157 milliards, et de 3,1 % pour les soins de ville et les établissements. Sera-t-il tenu ? Espérons-le, grâce à une meilleure efficience. Nous devons en effet veiller à ce que chacun, sur tout le territoire, ait accès à des soins de qualité, financés par la solidarité nationale.
Ce projet ne traite pas des préoccupations les plus importantes de nos concitoyens que sont les problèmes de démographie des professionnels de santé, leur répartition sur le territoire, l'accès à des médecins de secteur 1, les dépassements d'honoraires. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors des débats sur la loi Bachelot, qui traitera également de l'organisation de notre système de santé, avec la création des ARS et de l'hôpital, pour mieux responsabiliser tous les acteurs.
Il prévoit, en principe, d’augmenter les retraites de 2,7 % et d’améliorer les petites retraites, notamment agricoles, et de favoriser l'employabilité des seniors en leur offrant la possibilité de cumuler un emploi et leur retraite. Il prévoit aussi d’améliorer les pensions de réversion les plus modestes, même si l'on peut regretter qu'elles deviennent de plus en plus une aide sociale, que la condition d'âge à soixante-cinq ans ait été rétablie et que le plafond de ressources n'ait pas été revu.
En attendant la création du cinquième risque, le projet prévoit la création de nombreux lits et places pour nos anciens. Il prévoit également une amélioration pour les gardes d'enfants.
Quinze amendements du Nouveau Centre avaient été acceptés en commission pour améliorer le texte du Gouvernement ; deux seulement, fort modestes, ont été votés en séance publique. Si la « coproduction législative » progresse entre le Gouvernement et l'UMP, la coproduction entre l'UMP et le Nouveau centre a encore des progrès à faire.
M. René Couanau. Eh oui !
M. Jean-Luc Préel. Malgré cela, malgré l'incertitude sur les données économiques, mais en raison des nombreux progrès contenus dans ce projet, le groupe Nouveau Centre le votera bien volontiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Vasseur, pour le groupe UMP.
Mme Isabelle Vasseur. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, tard dans la nuit de vendredi, nous avons achevé l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, après quatre jours de débats intenses, parfois constructifs, parfois vifs. Je tenais à dire combien nous avons parfois été choqués par la violence des termes qu'ont employés certains élus de l’opposition. Dire, à propos de cette réforme : « achever le mourant », « fragiliser le système », « mourir au travail », c'est particulièrement insultant à l’égard des professionnels de santé et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Roy. Provocation !
M. Jean-Pierre Brard. Vous verrez, quand votre tour viendra !
Mme Isabelle Vasseur. Ce grand projet de loi vise avant tout à garantir à nos concitoyens une meilleure protection sociale en matière d'accès aux soins, de revalorisation des retraites, notamment pour les personnes isolées, ou d'aides – importantes – aux familles.
Il va permettre de poursuivre l'objectif que le Gouvernement s'est fixé, du retour à l'équilibre des comptes sociaux, tout en fixant pour l’ONDAM une augmentation ambitieuse de 3,3 %, soit 4,8 milliards d’euros, dans un contexte de crise financière et, surtout, sans aucune contribution des assurés.
M. Roland Muzeau. On pique 1 milliard d’euros aux mutuelles ! À part ça…
Mme Isabelle Vasseur. Bien sûr, tout est perfectible. Mais il faut être d'une particulière mauvaise foi pour ne pas reconnaître les avancées importantes de ce projet du Gouvernement, enrichi par notre travail parlementaire.
Plutôt que de n’y voir que des demi-mesures ou des mauvaises mesures, l'opposition pourrait relever des avancées significatives, comme l’élargissement de la prime transport, dont je ne comprends toujours pas pourquoi elle l’a rejetée ;…
M. Roland Muzeau. C’est vous qui l’aviez supprimée ! C’est le monde à l’envers !
Mme Isabelle Vasseur. …l'effort important consacré à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ; la mise en œuvre d'une véritable campagne contre les fraudes et les infractions, d’autant plus inadmissibles quand elles touchent à la solidarité nationale ; la revalorisation des prestations familiales et la majoration de l'aide à la garde d'enfant, grandes oubliées des politiques socialistes.
Je salue le compromis trouvé à propos des mesures mises en place contre la iatrogénie. Il sera ainsi possible de mettre en oeuvre, dans certains EHPAD, sur la base du volontariat, une véritable expérimentation qui nous éclairera pour l'élaboration des PLFSS futurs. Grâce à cette mesure, on évitera, potentiellement, l’hospitalisation de 130 000 personnes âgées ou dépendantes qui consomment trop de médicaments, ce qui correspond à un coût de 320 millions d'euros. C’est un beau geste pour la promotion de la santé publique.
Ce texte répond aussi au désir d'égalité et de justice sociale de nos concitoyens.
Ainsi, nous avons voulu donner un espace de liberté supplémentaire aux salariés en leur permettant, sur la base du volontariat, de travailler après soixante-cinq ans. Rappelons l’exemple du professeur Montagnier qui a dû s’expatrier parce qu’en France, passé cet âge, il ne pouvait poursuivre son travail de chercheur. Je le dis sans hésiter, cette réforme est juste et généreuse, car elle n’institue pas une obligation, mais une permission. En effet, l'âge de la retraite reste fixé à soixante ans et celui où l’on peut la toucher à taux plein à soixante-cinq ans. Mais, désormais, ceux qui le souhaitent acquièrent la liberté de travailler au-delà.
M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
Mme Isabelle Vasseur. On ne remet ici en cause aucun des droits des salariés. Au contraire, on en ajoute un. D'ailleurs, la Suède, pays social-démocrate s'il en est, permet à ses salariés de partir à la retraite de soixante et un à soixante-dix ans.
Le Gouvernement a su également écouter la représentation nationale, comme en témoigne l’adoption de nombreux amendements d'origine parlementaire avec un avis favorable des ministres concernés.
Ce projet de budget est donc sincère, audacieux et juste. Il en appelle à la responsabilité de tous, Gouvernement, élus, professionnels de santé, employeurs. Le groupe UMP le votera sans hésiter, car il y va de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Marisol Touraine. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, les députés socialistes, radicaux et citoyens ne voteront pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Loin de faire le choix de la responsabilité, la majorité a fait celui de l’imprévoyance, de l’inefficacité et de l’injustice. En effet, ce budget n’est pas sincère et repose sur des hypothèses économiques chaque jour plus irréalistes. Mesdames et messieurs les ministres, vous tablez sur une croissance de 1 %, alors que la Commission européenne annonce déjà une quasi-récession, sans que vous ayez jugé utile, à ce stade, d’en tirer les conséquences. Vous prévoyez une hausse de la masse salariale de 3,5 %, alors que chaque jour nous apporte son lot de plans sociaux et de salariés au chômage.
Par ailleurs, tandis que les cotisations assises sur les revenus du travail diminuent, vous refusez obstinément d’augmenter la contribution sur les stock-options, sur les retraites-chapeaux ou les parachutes dorés, même si les dirigeants français semblent être parmi les plus privilégiés d'Europe.
Votre texte ne comporte aucune réforme de structure. Pourtant, elles seules pourraient garantir, dans la durée, une sécurité sociale solidaire. Vous vous contentez de faire des déremboursements l'alpha et l'oméga de votre politique. Les franchises sont prolongées, même si plus d'un Français sur trois déclare différer des soins ou y renoncer pour des raisons financières. Les dépassements d'honoraires ne sont pas encadrés. L'installation des médecins dans les zones délaissées reste un problème majeur auquel vous n'apportez aucune réponse. L'hôpital public est soumis à une cure de rigueur sans précédent, qui l'obligera, si vous maintenez ce cap, à supprimer des milliers de postes, au moment même où le Président de la République cherche à nous faire croire que l'emploi est de nouveau sa priorité.
La réduction des inégalités face à la santé devrait s’imposer comme un objectif prioritaire, mais vous choisissez plutôt d'imposer une taxe sur les organismes complémentaires, mutuelles ou assurances privées, que les Français paieront donc automatiquement plus cher. Après les déremboursements et les franchises médicales, injustes et inefficaces, vous pénalisez donc, une fois encore, les Français qui ont besoin de se faire soigner, en rendant plus onéreuse, et plus aléatoire, la prise en charge de l’assurance complémentaire.
Je le dis à mes collègues de la majorité : ce n'est pas votre politique en matière de retraite qui va nous faire voter ce texte. Les milliers de retraités qui, le 16 octobre dernier, ont manifesté dans la rue vous l'ont dit : le compte n'y est pas. Les pensions baissent, alors que l'inflation augmente. Vous annoncez une revalorisation du minimum vieillesse, mais vous oubliez de dire qu'il n'y a que les personnes seules qui en bénéficieront.
M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l’assurance vieillesse. Mais nous l’avons dit !
Mme Marisol Touraine. Vous affichez l'augmentation des pensions de réversion, mais vous ne précisez pas que seules les plus basses pensions en profiteront, et encore, seulement après que leurs bénéficiaires ont dépassé soixante-cinq ans.
M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Ça aussi, nous l’avons dit !
Mme Marisol Touraine. Quant aux retraites agricoles, nous sommes loin du compte !
Et que dire de votre volonté de repousser insidieusement l'âge de la retraite ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. C’est faux !
Mme Marisol Touraine. Vous parlez de liberté et de choix. Mais quelle est la liberté des chômeurs de cinquante-cinq ans à qui l’on refuse un emploi ? Quelle est la liberté du salarié de soixante ans poussé hors de l’entreprise, alors que seulement trois salariés sur dix occupent un emploi à cet âge ?
Quelle est la liberté de ceux qui ont commencé à travailler à quatorze ans,…
M. Yves Nicolin. Vous, vous n’aviez rien fait pour eux !
Mme Marisol Touraine. …à qui vous opposez des conditions toujours plus restrictives pour partir en retraite plus jeune ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. François Goulard. Mensonge !
Mme Marisol Touraine. Quelle est la liberté de ceux qui ont exercé des métiers difficiles, dont vous refusez de prendre en considération la pénibilité, alors que leur espérance de vie est de sept ans plus courte que celle des cadres supérieurs ? Quelle est la liberté de ceux qui ont des pensions si faibles qu'il leur faut continuer à travailler pour vivre décemment ? Nous sommes tous pour la liberté, c’est une belle idée ; mais il faut que ce soit une réalité partagée par tous !
En l’état actuel de ce texte, mesdames et messieurs les ministres, le groupe SRC ne votera pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la lignée de votre politique de pénurie. Sans aucune proposition de financement pérenne assis sur la production de richesse et le travail réel, notre protection sociale manque de moyens.
Ce sera donc le régime sec pour tout le monde : familles, salariés, professionnels de santé, retraités et patients, tous paieront les lacunes de ce PLFSS. Je n’insiste pas sur le prélèvement de 1 milliard d’euros sur les mutuelles qui pénalisera évidemment nos concitoyens ; quant à votre politique familiale, elle manque singulièrement d'audace, alors que l'argent est là pour revaloriser les prestations et créer les places tant attendues en crèches collectives.
Vous faites preuve de mépris à l'égard des accidentés du travail et des salariés atteints de maladies professionnelles, notamment les victimes de l'amiante.
Vous manquez de clairvoyance en refusant de donner à la filière universitaire de médecine générale les moyens de lutter contre la pénurie de médecins.
Vous manquez à votre parole en accordant une revalorisation des retraites et des pensions sans portée, puisque vous reprenez d'une main, en introduisant des limites d’âges, ce que vous avez donné de l'autre.
En matière de retraites, le pire a été atteint lorsque vous avez, en catimini, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, posé la première pierre du passage de l'âge de la retraite à soixante-dix ans – nous étions présents, Martine Billard, Roland Muzeau et moi-même. Comme si, sur un tel sujet, un grand débat public n’était pas nécessaire, et que nous pouvions nous contenter d'un amendement voté à la sauvette !
Cependant, certains s'en sortent mieux et échappent à ce régime sec, tels les laboratoires pharmaceutiques et les bénéficiaires de niches fiscales ou de stock-options – elles sont, certes, taxées, mais dans des proportions ridiculement modestes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous refusez de faire contribuer les revenus des placements financiers à la même hauteur que les revenus du travail : est-ce là votre façon de revaloriser le travail ?
Dans ce PLFSS, seules les exonérations de cotisations sociales patronales progressent, et dans des proportions remarquables, puisqu’elles devraient atteindre 42 milliards d'euros l'an prochain – soit une augmentation de plus de 30 % – dont une bonne partie, non compensée par l'État, viendra aggraver la situation financière de la sécurité sociale.
Pour faire oublier ces cadeaux, vous avez vos boucs émissaires, comme les hôpitaux publics : vous dénoncez pourtant leurs déséquilibres financiers tout en multipliant les handicaps auxquels ils se trouvent confrontés. Mais il faut surtout citer les plus modestes et les plus précaires, bénéficiaires de la CMU complémentaire, de l'aide médicale d'État ou du RSA, stigmatisés comme des fraudeurs, dès le premier courrier auquel ils ne répondent pas dans ce que vous appelez des « délais raisonnables ».
Vous avez raison de vouloir lutter contre la fraude, mais commencez par vous en prendre à la fraude fiscale dont le montant, selon les évaluations, se situe entre 20 et 25 milliards d’euros par an (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR) ; ou aux employeurs qui ne déclarent pas les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui, de fait, pèse sur l'assurance maladie.
Non seulement ce PLFSS ne répond pas aux attentes, mais il est irréaliste. Irréaliste en termes de recettes, avec des prévisions de croissance et d'emploi auxquelles aucun économiste sérieux ne peut croire. Irréaliste en terme d'ONDAM, avec des objectifs de dépenses d’assurance maladie qui ne permettront pas de répondre aux besoins. Toutes ces prévisions sont aussi crédibles que l'étaient, en 2004, les affirmations de M. Douste-Blazy promettant le retour à l'équilibre pour 2007.
M. Maxime Gremetz. Et Xavier Bertrand disait la même chose !
Mme Jacqueline Fraysse. Notre groupe s'est attaché à formuler des propositions responsables que la majorité n’a pas prises en compte. Elles méritent pourtant d'être examinées sérieusement, d'autant que la crise économique actuelle et la déliquescence du capitalisme financier les rendent encore plus pertinentes.
Toutefois, vous avez écarté d'office plus de la moitié de nos amendements et rejeté les autres. Face à la situation actuelle, nous aurions pu attendre que vous défendiez les valeurs de solidarité et d'équité, au moins en matière de protection sociale. Mais, prisonnier de vos carcans idéologiques, vous ne l'avez pas fait. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous voterons donc contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
(Le projet de loi est adopté.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Discussion, en deuxième lecture,d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au statut des témoins devant les commissions d’enquête parlementaires (nos 950, 1147).
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, nous voici donc à nouveau réunis pour examiner la proposition de loi relative au statut des témoins devant les commissions d’enquête parlementaires, dont l’initiative revient au président de votre assemblée, M. Bernard Accoyer.
Cette paternité et le caractère relativement exceptionnel d’une telle initiative suffisent à démontrer le bien-fondé de cette proposition, qu’illustre également le consensus qui s’est dégagé dans votre commission des lois autour de la rédaction du Sénat. Aussi, puisque l’heure est moins à la conviction qu’à l’adoption – l’absence d’amendements déposés en témoigne –, permettez-moi, mesdames et messieurs les députés, d’être des plus brefs.
Ce texte, vous le connaissez autant, sinon mieux que moi. Les commissions d’enquête relevant de la compétence du Parlement, vous en mesurez la nécessité. Par son initiative, le président de l’Assemblée a entendu soustraire les témoins appelés à témoigner devant les commissions d’enquête aux pressions judiciaires dont ils pouvaient être victimes et permettre ainsi aux commissions d’enquête de fonctionner dans la sérénité.
En ce sens, cette proposition de loi est conforme aux objectifs poursuivis par la révision constitutionnelle de juillet dernier, qui a consacré, à l’article 24 de la Constitution, la mission de contrôle du Parlement.
Je me bornerai à rappeler ici que l’équilibre souhaité par votre président dans la protection dont peuvent bénéficier les témoins appelés à s’exprimer devant une commission d’enquête n’a pas été modifié par vos collègues sénateurs. Le Sénat a simplement jugé qu’il était plus opportun d’inclure le dispositif dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, plutôt que dans la loi organique du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées.
Cette modification a, certes, son importance. Mais je suis certain que vous conviendrez avec moi qu’elle n’est pas de nature à remettre en cause la belle unanimité qu’a recueillie ce texte lors de son examen en première lecture, le 3 avril dernier. Sachez que le Gouvernement, suivant le vote de votre commission des lois, souhaite que cette proposition de loi puisse être adoptée en termes conformes afin de pouvoir entrer en application au plus vite. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la fonction de contrôle du Parlement ne cesse de se renforcer et l’importance prise par les commissions d’enquête parlementaires a conduit à une plus large publicité de leurs travaux. Si une plus grande transparence a permis de leur donner un écho plus significatif, elle a également eu pour conséquence de soumettre les personnes entendues par ces commissions à une plus forte pression et de les exposer à un risque que j’oserai qualifier de harcèlement judiciaire, sous le chef de diffamation.
Fort de ce constat et soucieux de préserver la qualité des témoignages apportés ainsi que le travail de contrôle du Parlement, le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, a déposé, le 24 octobre 2007, une proposition de loi garantissant une protection relative aux témoins appelés à déposer devant une commission d’enquête parlementaire.
Pour ce faire, il a choisi de modifier directement les dispositions régissant le fonctionnement des commissions d’enquête à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, en prévoyant que ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation, pour injure ou pour outrage, ni les propos tenus ou les écrits produits par la personne tenue de déposer devant une commission d’enquête, ni le compte rendu des séances publiques de ces commissions fait de bonne foi.
L’Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi lors de la première séance du 3 avril 2008, après avoir précisé, à l’initiative de sa commission des lois, que les propos et écrits considérés, pour bénéficier de la protection instaurée, ne devaient pas être étrangers à l’objet de l’enquête.
Le 10 juin dernier, sans modifier le fond, le Sénat a choisi, à l’initiative de sa commission des lois, de placer les dispositions en cause, non dans l’ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, mais dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, rapprochant ainsi la question des propos tenus et des écrits produits par les témoins devant ces commissions de celle des propos tenus et des écrits produits devant les tribunaux. Le troisième alinéa de l’article 41 de la loi de 1881 prévoit en effet que « ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. »
En conséquence, le Sénat, d’une part, a aligné la rédaction des dispositions introduites par la présente proposition de loi sur celle de cet alinéa, tout en conservant la possibilité de poursuivre un témoin pour des propos et des écrits étrangers à l’objet de l’enquête – c’est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi –, et, d’autre part, il a introduit dans l’article 6 de l’ordonnance de 1958 précitée un renvoi à l’article 41 de la loi de 1881 – c’est l’objet de l’article 2.
L’intérêt général, qui appelle une entrée en vigueur rapide de ces dispositions proposées par le président de l’Assemblée nationale, commande l’adoption conforme de la rédaction retenue.
Grâce à ces dispositions, les témoins appelés à s’exprimer devant une commission d’enquête parlementaire pourront, sans craindre d’être poursuivis hors de propos, livrer leur version des faits aux parlementaires sans que le principe de publicité des auditions, acquis depuis la loi du 20 juillet 1991, soit remis en cause. Dans les cas les plus délicats, ces dispositions trouveront à s’appliquer sans préjudice de la possibilité de décider du huis clos.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi sans y apporter de modification. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je commencerai – une fois n’est pas coutume – par vous adresser des remerciements, non seulement parce que vous avez pris l’initiative de cette proposition de loi, mais aussi parce que, bien qu’ayant d’autres obligations, vous avez tenu à présider vous-même, symboliquement, le début de cette séance.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « au-delà des nuances liées aux sensibilités politiques des uns et des autres, au-delà des subtilités de vocabulaire, c’est en fait toute une politique de prévention, d’information, d’aide aux victimes et à leurs familles, et de lutte contre toutes les formes de dérives sectaires qui a pris forme petit à petit à la lumière des expériences acquises, dans le plus large consensus politique qu’un sujet de société ait jamais pu réunir dans notre pays ». Ainsi s’exprime l’ancien président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires – la MIVILUDES –, M. Jean-Michel Roulet, en introduction du tout dernier rapport de cette mission, désormais présidée par notre ancien collègue, Georges Fenech.
Ces propos confirment le fait que le phénomène sectaire interpelle les pouvoirs publics au plus haut niveau de leurs responsabilités. C’est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui même, avec cette proposition, dont l’initiative revient au président de l’Assemblée lui-même.
L’activisme bien connu des sectes se traduit au plan procédurier. C’est particulièrement vrai pour certaines d’entre elles, parmi les plus importantes et les plus riches, telles que la scientologie ou les Témoins de Jéhovah. Ces organisations agissent en exploitant les failles de notre système juridique, en assaillant de procès les ex-adeptes qui osent témoigner publiquement, tout journaliste ou tout parlementaire susceptible de mettre au jour la dangerosité de leurs activités.
(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
M. Jean-Pierre Brard. Elles reçoivent parfois le soutien de faire-valoir, de porte-parole et de défenseurs hauts placés, bénéficiant de réseaux dans l’appareil d’État. Je pense notamment à Me de Guillenchmidt, avocat au barreau de Paris, défenseur acharné de l’organisation des Témoins de Jéhovah, cofondateur de Network for Advancement of Transfusion Alternatives et de sa filiale française, NATA France.
La révision constitutionnelle a donné aux parlementaires le pouvoir de s’opposer à certaines nominations ; il me semble que la prochaine révision devrait étendre ce pouvoir aux nominations au Conseil constitutionnel. Comment imaginer, en effet, que Mme de Guillenchmidt, membre influent du Conseil constitutionnel, ait été complètement étrangère aux convictions de son époux, Me de Guillenchmidt, lorsqu’elle fut rapporteure du dossier électoral de notre ancien collègue Georges Fenech, procédure qui a abouti à l’invalidation de son élection et à son inéligibilité, ce qui a provoqué sur les bancs de cet hémicycle une vive émotion, au-delà de tout clivage.
Cela pose un véritable problème, monsieur le secrétaire d’État, d’autant que la situation n’est pas inédite. En effet, un autre membre éminent du Conseil constitutionnel, M. Jacques Robert, juriste bien connu, cachetonnait – passez-moi l’expression – pour la scientologie. Si les futurs membres du Conseil constitutionnel étaient auditionnés par les parlementaires avant que leur nomination ne devienne définitive, nous pourrions mettre au jour des informations fort intéressantes.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il aurait fallu voter la révision constitutionnelle, monsieur Brard !
M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez dire que j’avais une raison supplémentaire de ne pas la voter, puisque la nomination des membres du Conseil constitutionnel n’est pas soumise au contrôle parlementaire.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Si, elle l’est !
M. Jean-Pierre Brard. Si vous soulignez une défaillance de ma mémoire, pourtant habituellement vigilante, je vous en donnerai acte bien volontiers, monsieur le rapporteur.
En tout état de cause, si j’avais été à la place de cette personne qui siège au Conseil constitutionnel, j’aurais, par éthique personnelle, refusé d’être le rapporteur de ce dossier et de prendre part au vote. Or la décision qui a frappé notre collègue Georges Fenech, figure emblématique de la lutte contre les sectes, a été acquise à une voix de majorité. Je suis heureux d’utiliser cette tribune pour révéler ces faits à l’opinion publique et à l’ensemble de nos collègues.
Mais je reviens à l’objet de notre débat. Coïncidence des calendriers parlementaire et judiciaire, c’est cet après-midi que s’est tenu, devant la 17e chambre correctionnelle – la chambre de la presse du tribunal de grande instance de Paris –, le procès intenté par Claude Vorilhon, alias Raël – qui n’est jamais présent au tribunal puisque, ayant lui-même quelques ennuis, il craint que, s’il remet le pied sur le territoire national, la République ne lui offre un séjour gratuit d’une durée indéterminée – c’est donc cet après-midi, disais-je, que se tenait le procès intenté par Claude Vorilhon à la présidente de l’association Innocence en danger, qui était venue verser son témoignage aux travaux de la commission d’enquête sur les mineurs victimes des sectes.
Que disait la présidente de cette association ? « Des mouvements comme les raëliens [...], ce sont des mouvements sectaires qui prônent la relation sexuelle entre adultes et enfants. » Nous savons bien, nous, ici, qui travaillons depuis des années sur le phénomène sectaire, que ces déclarations sont fondées sur des faits réels, sur des témoignages comme celui de Mme Dominique Saint-Hilaire, attaquée en justice par Raël à sa sortie de la secte, où elle était restée treize ans, et relaxée par la cour d’appel de Bordeaux en décembre 2005.
Ainsi, comme le constatent les associations de défense des victimes de sectes, les ex-adeptes et les associations de victimes font face à de longues et coûteuses procédures judiciaires.
Cette réalité n’est malheureusement pas nouvelle. Dès 1997, l’Observatoire interministériel sur les sectes constatait, dans son rapport annuel, l’utilisation des procédures administratives et judiciaires : « [...] les associations répertoriées comme ayant un caractère sectaire dans le dernier rapport parlementaire ont multiplié les actions judiciaires à l’encontre des personnes, élues ou spécialistes, et des associations engagées dans la lutte contre les dérives sectaires, sur le fondement de la diffamation, de l’injure raciale ou religieuse ou encore de la discrimination. »
« Sans pour autant renoncer à ce type de comportement, certaines de ces associations privilégient aujourd’hui la saisine des tribunaux administratifs, en vue de gagner une reconnaissance sociale et d’obtenir des avantages identiques à ceux consentis aux religions traditionnelles. [...] » Il en est ainsi des actions à répétition des Témoins de Jéhovah.
La criminalité des Témoins de Jéhovah est bien établie, qu’il s’agisse du viol de la loi fiscale et du droit pénal, de la non-dénonciation de crime de pédophilie ou de la soustraction de patients à la transfusion sanguine même lorsque le pronostic vital est engagé. Ces gens-là ont pourtant toujours pignon sur rue et ce n’est que lorsque la pression se fait trop forte qu’ils passent la frontière pour aller se réfugier en Allemagne, par exemple, où il existe même une clinique tenue par les Témoins de Jéhovah ; dans cet établissement, la mort est garantie pour les cas que je viens d’évoquer, sans que les coupables aient jamais à répondre de leurs actes.
Dans ce contexte, la proposition de loi qui nous est soumise est un excellent rempart contre l’acharnement procédurier, qui finit par s’apparenter à une forme de harcèlement et porte atteinte à la libre parole devant les commissions d’enquête.
Nous partageons le point de vue exprimé par le président de notre assemblée, selon lequel « les personnes entendues sous serment devant les commissions parlementaires doivent pouvoir s’exprimer sans crainte. Il n’est pas admissible que le simple fait de rapporter ce que l’on a vécu puisse exposer à des poursuites. Si ce dispositif n’était pas adopté, on peut craindre qu’à l’avenir plus personne n’accepte de témoigner ! »
Faire taire les témoins, ceux qui ont souffert, qui acceptent d’agir pour que d’autres ne connaissent pas leur calvaire et qui se battent sans relâche pour les libertés individuelles et collectives, voilà l’objet des procédures menées par les sectes sur le terrain judiciaire, grâce aux considérables moyens financiers dont elles disposent.
Pour ce qui nous concerne, ne nous laissons pas embrumer par ceux qui cherchent à se dissimuler derrière le principe de la liberté de conscience pour mieux asseoir leur emprise sur leurs adeptes. Il est très important que ce texte soit voté à l’unanimité et que tous les parlementaires, qu’ils soient de gauche ou de droite, puissent se retrouver pour manifester leurs convictions comme nous savons le faire dans notre pays lorsque l’on touche à l’essentiel. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Le Moal.
Mme Colette Le Moal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre a, en première lecture, soutenu l’initiative prise par le président de l’Assemblée nationale et qui était d’autant plus souhaitable que le rôle croissant occupé par les commissions d’enquête parlementaires contribue largement à la revalorisation du rôle du Parlement.
Ces commissions concourent également à la recherche de la vérité, en auditionnant des témoins que cette proposition entend protéger. Elle le fait en préservant un juste équilibre, puisqu’elle ne leur accorde pas le même degré d’immunité que celui dont bénéficient les parlementaires.
Il faut veiller à ne pas figer le déroulement des commissions d’enquête. En fonction du sujet, de l’actualité et des décisions de son président, la commission doit pouvoir décider de l’organisation de ses travaux. Il faut enquêter dans la transparence : pour cela, il a fallu se battre, – je pense tout particulièrement à l’action de mon collègue Michel Hunault – pour que La Chaîne parlementaire et les journalistes aient accès aux séances de la commission relative à l’affaire d’Outreau. Au contraire, dans certains cas, le huis clos est une façon de protéger les témoins – ce qui vaut également pour le compte rendu des travaux.
Le Nouveau Centre a voté cette proposition en première lecture. Dans la mesure où le Sénat n’a apporté que des modifications relatives à la forme du texte, le groupe Nouveau Centre confirme sa position en seconde lecture, en insistant pour que les travaux des commissions d’enquête ne soient pas trop encadrés. Ces commissions abordent souvent des sujets difficiles, et pour la protection des témoins comme pour la recherche de la vérité, nous devons faire preuve de cohésion et de solidarité. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gest.
M. Alain Gest. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture s’inscrit dans une démarche plus vaste de revalorisation du rôle du Parlement, qui passe par le renforcement de ses pouvoirs de contrôle. Ainsi, le comité de réflexion sur les institutions présidé par Édouard Balladur a examiné la possibilité d’étendre le champ d’application des commissions d’enquête, en leur accordant notamment des prérogatives élargies. Les commissions d’enquête occupent en effet une place essentielle parmi les instruments de contrôle dont dispose le Parlement. C’est justement parce que nous souhaitons conforter ce rôle que cette proposition de loi est venue en débat.
Les commissions d’enquête ont, en effet, produit des travaux significatifs sur un certain nombre de sujets qui ont suscité des débats importants dans notre pays. Cependant, il apparaît que les modalités de fonctionnement de cet instrument doivent être améliorées. Je ferai notamment référence aux commissions d’enquête sur les dérives sectaires, qui ont été révélatrices de certains problèmes. Ainsi, la commission d’enquête sur l’influence des sectes et leurs conséquences sur la santé physique et mentale des mineurs a mis en exergue les imperfections du dispositif. Il apparaît que, suite aux travaux de la commission, de nombreux témoins ont été attaqués en justice à cause de leurs déclarations.
J’avais, pour ma part, déjà observé ce phénomène en 1995, lorsque j’ai eu l’honneur de présider la première commission d’enquête sur le thème des sectes en France. Je vous ai vu, monsieur le ministre, donner il y a quelques instants les signes d’un certain étonnement à l’écoute de M. Brard. Je me vois malheureusement obligé de corroborer les propos de notre collègue et je me félicite d’avoir voté la réforme constitutionnelle qui permettra sans doute d’éviter, à l’avenir, de semblables dérives.
Les responsables des mouvements sectaires qui, bien souvent, disposent de moyens financiers considérables, ont fait de l’acharnement procédurier une arme de dissuasion et d’intimidation dont ils usent à l’encontre des personnes dont le témoignage peut être gênant pour eux. On constate ainsi que la position des témoins s’est trouvée fragilisée au travers des évolutions successives du dispositif.
C’est principalement la conjonction du caractère obligatoire du témoignage et de la publicité des débats qui a exposé les témoins à des répercussions judiciaires. Depuis la loi du 20 juillet 1991, la publicité est devenue la règle. Ainsi, au fil des années, on est passé des comptes rendus et des rapports à une diffusion la plus large possible sous les effets conjugués de la demande croissante de transparence exprimée par nos concitoyens et de l’évolution des moyens techniques. Par ailleurs, force est de constater que, sur les sujets que je viens d’évoquer, la demande d’information et l’intérêt médiatique vont croissant, ce qui justifie d’autant plus que nous adoptions un système répondant au mieux à la problématique rencontrée.
Dans un tel contexte, il apparaît nécessaire d’assurer la sécurité juridique des témoins au regard des obligations que l’on fait peser sur eux, notamment de les prémunir des actions en justice au titre de la diffamation, de l’injure et de l’outrage. C’est l’efficacité même de la commission d’enquête qui peut être remise en cause par un usage abusif des procédures de justice par ceux qui souhaitent faire taire certains témoins, comme l’a dit M. Brard.
Si la nécessité d’instaurer une protection s’impose de manière indiscutable, il convient cependant de définir une solution équilibrée qui respecte les droits des tiers. C’est ce à quoi s’est attachée la présente proposition de loi en première lecture. Je veux en remercier, au nom du groupe UMP, le président Bernard Accoyer. Ainsi le présent texte a-t-il fait le choix d’une solution médiane qui permet de faire coexister efficacité et publicité des débats, à savoir une immunité partielle de nature législative, similaire à celle octroyée aux témoins judiciaires.
Cette immunité est partielle dans la mesure où elle préserve les droits des tiers. D’une part, le champ d’application de l’immunité est restreint à la diffamation, l’injure ou l’outrage ; d’autre part, tout ne peut être dit devant une commission d’enquête, notamment les propos mensongers et subordonnés qui demeurent sanctionnables par la loi. De plus, cette immunité s’applique aux publications parlementaires et comptes rendus faits de bonne foi.
Enfin, un amendement adopté en première lecture a fixé un encadrement supplémentaire à cette immunité en excluant de son champ de protection les propos qui n’ont pas de lien avec l’objet de l’enquête et les faits examinés par la commission.
Nos collègues sénateurs ont introduit, le 10 juin dernier, quelques modifications au texte qui ne portent pas sur le fond de la proposition de loi, mais sur la forme. En effet, alors que l’Assemblée nationale avait prévu de placer ces dispositions dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les sénateurs ont choisi de les rattacher à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il leur est apparu opportun d’établir un parallèle entre la protection octroyée aux témoins devant une commission d’enquête parlementaire et la protection octroyée aux témoins devant un tribunal telle qu’elle figure à l’article 41 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
L’objectif de la proposition de loi – à savoir une protection des témoins équilibrée et respectueuse des droits des tiers – étant maintenue, le groupe UMP ne souhaite pas introduire de modifications au texte adopté par le Sénat. On aurait d’ailleurs pu espérer que ce texte fasse l’objet d’un vote conforme des sénateurs dès la première lecture en l’absence de modifications substantielles, dans la mesure où l’intérêt général appelle une entrée en vigueur rapide de ces dispositions. En effet, des témoins de la commission d’enquête sur les sectes font actuellement l’objet de poursuites judiciaires et l’adoption de ce texte peut permettre un effet rétroactif qui serait le bienvenu.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, ces observations étant faites, je veux simplement indiquer que le groupe UMP votera avec beaucoup d’intérêt ce texte de loi dans l’état où les sénateurs nous l’ont transmis. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.
M. Philippe Vuilque. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi modifiée par le Sénat sur le statut des témoins devant les commissions d’enquête parlementaires. Je voudrais, à mon tour, remercier le président de notre assemblée, Bernard Accoyer, d’avoir déposé cette proposition de loi et d’avoir accepté de l’inscrire à l’ordre du jour en dépit d’un calendrier législatif particulièrement chargé. Je remercie également le rapporteur de cette proposition, Jean-Luc Warsmann – une fois n’est pas coutume (Sourires) – qui a, lui aussi, fait preuve d’une grande efficacité pour faire inscrire cette proposition à l’ordre du jour. Il était en effet urgent de voter définitivement cette proposition qui, à n’en pas douter, va soulager bon nombre de personnes qui, après avoir témoigné devant une commission d’enquête parlementaire, notamment devant celle relative aux sectes et aux enfants, se retrouvent aujourd’hui devant les tribunaux pour diffamation.
Le problème de la protection des personnes venant témoigner devant une commission d’enquête parlementaire a pris, à cette occasion, une acuité particulière. Il était donc du devoir du législateur de protéger celles et ceux venant témoigner. En effet, les propos tenus par des témoins devant une commission d’enquête parlementaire, dont les réunions sont de plus en plus souvent rendues publiques, voire télévisées, valent à leurs auteurs de se voir attaqués devant les tribunaux, le plus souvent en diffamation, par ceux-là même dont ils veulent – le plus souvent à juste titre – dénoncer les pratiques, ce qui est assez paradoxal, voire inadmissible.
Il convenait donc de trouver à leur égard un équilibre entre contrainte – c’est-à-dire l’obligation de comparaître – et protection de nature à assurer la libre expression, afin d’éclairer les travaux des commissions d’enquête parlementaires. C’est cet équilibre que recherche la proposition de loi qui nous est soumise. Le régime actuel de protection des témoins est en effet précaire. Dans les faits, le défaut de protection a longtemps paru ne pas poser de problème, la règle du secret permettant d’écarter tout risque de poursuite en raison d’une diffamation, d’un outrage ou d’une injure. La publicité donnée aux travaux des commissions d’enquête fragilise aujourd’hui les témoins.
Ils risquent de plus en plus d’être pris à partie, comme l’ont été des personnes venues témoigner devant la commission d’enquête sur l’influence des sectes et leurs conséquences sur la santé physique et mentale des mineurs, dont j’ai été le rapporteur. Bon nombre de ces témoignages donnent lieu à des actions en diffamation. Il s’agit d’une forme d’acharnement procédurier qui pourrait porter atteinte à la libre parole devant les commissions d’enquête et, par voie de conséquence, à la crédibilité de cet instrument essentiel pour le pouvoir de contrôle du Parlement. Aussi, il était temps de mettre un terme à cette situation et de renforcer la protection des témoins par un dispositif susceptible à la fois de préserver la liberté d’expression et de garantir l’information des commissions d’enquête.
Le dispositif proposé est simple et efficace. Il est en effet proposé, non pas d’attribuer aux personnes entendues par la commission d’enquête une immunité identique à celle des parlementaires, ni de renoncer à la publicité, mais d’accorder à ces personnes une immunité partielle législative, à l’instar de celle qui protège, en vertu de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les témoins entendus par les tribunaux. Cette disposition confirme le rapprochement opéré depuis 1958 entre la situation des témoins judiciaires et celle des témoins dans les enquêtes parlementaires.
Mais une telle protection doit avoir un corollaire : la bonne foi de la personne entendue. Les critères d’objectivité, de prudence, d’absence d’animosité personnelle et de légitimité du but, tous définis par la jurisprudence, doivent être respectés afin de préserver le droit des tiers, ce qui est le cas avec ce texte.
L’adoption de cette proposition de loi, qui fait l’unanimité, impliquera, en contrepartie, que le président d’une commission d’enquête soit extrêmement vigilant quant aux propos qui seront tenus par les personnes auditionnées publiquement.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Vuilque. Techniquement, le présent texte propose utilement, dans son article 1er, de compléter l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, tandis que l’article 2 complète l’alinéa 3 du II de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires.
Le groupe socialiste votera bien évidemment ce dispositif, qui complète très utilement le statut des témoins. Il remercie encore une fois le président de notre assemblée et le président de la commission des lois d’avoir inscrit aussi rapidement à l’ordre du jour un texte très attendu par ceux qui sont attaqués en diffamation devant les tribunaux. Jean-Pierre Brard y faisait allusion : nous étions tous les deux cités comme témoins devant la 17e chambre correctionnelle.
Notre vote unanime montrera à nouveau notre détermination à lutter contre les dérives sectaires. Je compte sur votre diligence, monsieur le secrétaire d’État, pour que cette loi s’applique le plus rapidement possible.
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour rassurer notre collègue Jean-Pierre Brard et lui donner le remords d’avoir peut-être consacré trop d’énergie à combattre la révision constitutionnelle et pas assez à la lire, puisqu’il ne l’a pas votée, je lui précise que le nouvel article 56 de la Constitution prévoit bien que les membres du Conseil constitutionnel ne seront nommés qu’à l’issue de « la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 », c’est-à-dire après l’avis public des commissions compétentes. Vous êtes donc satisfait sur ce point.
M. Jean-Pierre Brard. Dont acte !
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je joins à ceux qui ont déjà été exprimés, mes remerciements à M. le secrétaire d’État, puisque c’est à l’ordre du jour prioritaire que nous devons d’avoir pu examiner cette proposition de loi cet après-midi.
M. Émile Blessig. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je remercie M. Warsmann d’avoir rappelé que c’est le Gouvernement qui a souhaité inscrire ce texte à l’ordre du jour prioritaire. Je sais gré à tous les orateurs de leurs interventions.
Monsieur Brard, je n’ai pas votre connaissance des Raëliens et des autres sectes, et vous m’avez appris un certain nombre de choses. Mais je ne partage pas votre avis extrêmement tranché sur le Conseil constitutionnel et sur le travail qu’il accomplit.
M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas mis en cause le travail du Conseil constitutionnel, monsieur le secrétaire d’État,…
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’était peut-être une mauvaise interprétation de ma part.
M. Jean-Pierre Brard. …mais certains de ses membres sont sujets à caution !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Voilà un texte important sur la protection des témoins. Qu’il vienne du Président de l’Assemblée, c’est parfait ; qu’il soit inscrit à l’ordre du jour par le Gouvernement, quel meilleur indice de coresponsabilité pouvions-nous espérer pour la suite ?
M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquelles les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
(L’ensemble de la proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2009 (nos 1127, 1198).
Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire.
M. le président. J’appelle maintenant les crédits de la mission « Enseignement scolaire », inscrits à l’état B.
M. le président. Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à Mme Martine Martinel, pour soutenir l’amendement n° 108.
Mme Martine Martinel. Défendu !
M. le président. La parole est à M. Yves Censi, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour donner l’avis de la commission.
M. Yves Censi, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Avis défavorable.
(L'amendement n° 108 n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 89, 92, 95 et 100.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, avant de présenter les amendements, je tiens à manifester le mécontentement des membres du groupe SRC qui, je crois, est partagé par tous ceux qui s’intéressent à l’éducation nationale, et qui regrettent que le débat sur un budget aussi considérable et déterminant pour notre pays et son avenir soit saucissonné de la sorte. Nous avons eu, ce matin, un débat de bonne tenue, au cours duquel l’ensemble des groupes ont montré leur motivation pour l’éducation ; et nous nous retrouvons, cet après-midi, après l’examen en deuxième lecture d’une proposition de loi qui aurait pu attendre, à défendre des amendements de manière déconnectée de nos discussions du matin, déconnectée même de l’examen du budget général.
Je vais présenter l’ensemble de nos amendements, ce qui permettra à mes collègues auteurs d’amendements identiques de les développer un par un.
Comme je vous le disais ce matin, ces amendements visent à montrer qu’il est possible, avec exactement les mêmes moyens, de s’y prendre autrement pour l’école, pour le collège, pour le lycée, pour le lycée professionnel, pour nos enfants. Il suffit de se pencher sur les montants prévus dans les différents programmes de la mission « Enseignement scolaire » pour y découvrir des gisements de moyens à donner à l’éducation. Ainsi, mon amendement n° 102 visait à affecter des moyens supplémentaires, non pas par saupoudrage, comme c’est l’esprit du PLF pour 2009 en ce qui concerne cette mission, mais de manière précise et différenciée, en fonction des besoins des territoires, des établissements et des élèves. Il s’agissait de dégager pas moins de 200 millions d’euros supplémentaires, pour les injecter dans les établissements publics du second degré situés en zone d’éducation prioritaire. Ces 200 millions sont destinés, pour le moment – mais il est toujours temps de se reprendre, monsieur le ministre ! –, à l’enseignement privé.
M. Frédéric Reiss, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ce n’est pas votre amendement !
Mme Sandrine Mazetier. Je présente mes trois amendements pour gagner du temps, mais je peux procéder autrement, monsieur le rapporteur.
On ne peut pas afficher un « plan Espoir banlieue » et ne pas accorder une attention accrue aux établissements publics situés dans les quartiers populaires, dans les zones d’éducation prioritaire. Nous vous donnons l’occasion de corriger cette petite contradiction entre les discours et les actes, car, je le répète, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. En matière budgétaire, l’amour passe par des postes et des moyens supplémentaires pour l’éducation prioritaire, en particulier dans le second degré.
Avec l’amendement n° 89, sur lequel mes collègues reviendront en détail, il s’agit de mettre en valeur des gisements de moyens qui permettraient, par exemple, d’augmenter le nombre d’auxiliaires de vie scolaire, thème que nous avons insuffisamment abordé ce matin. Tous les chefs d’établissement, toutes les familles et les AVS eux-mêmes nous expliquent à quel point ce métier est indispensable mais difficile à exercer en raison de la précarité du statut.
Les 150 millions d’euros inscrits au programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degré » pourraient ainsi permettre…
M. le président. Il va falloir conclure, madame Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Je défends trois amendements à la fois, monsieur le président.
M. le président. Vous avez défendu un amendement déjà rejeté.
Mme Sandrine Mazetier. Il n’a pas été défendu, j’ai le droit de…
M. le président. Non, vous ne pouvez pas le reprendre. Désolé, c’est moi qui fais la police de l’Assemblée. Cet amendement a été rejeté, vous ne pouvez pas le reprendre.
Mme Sandrine Mazetier. Il n’a pas été présenté, monsieur le président ! Je ne renonce jamais à convaincre mes collègues qui n’ont peut-être pas lu ces amendements. Me référant à la discussion générale de ce matin, je ne doute pas que mes collègues veuillent pérenniser les auxiliaires de vie scolaire et qu’ils souhaitent une meilleure intégration des enfants porteurs de handicap à l’école. Je leur signale au passage – d’autres y reviendront – ces 150 millions d’euros qui nous permettraient d’œuvrer utilement à la pérennisation des AVS et à l’amélioration de leur formation professionnelle.
Le troisième amendement porte sur les heures supplémentaires dont nous avons un peu débattu, et nous permet de revenir sur un autre sujet largement évoqué ce matin : les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté. Là encore, les heures supplémentaires prévues par le budget 2009 offrent des gisements de moyens qui pourraient être utilement consacrés à la préservation des missions et de l’exercice professionnel de ces maîtres spécialisés dans la détection, le diagnostic et le traitement de la difficulté scolaire.
Les membres des RASED, ces professeurs des écoles dotés d’une formation supplémentaire, ne s’occupent pas seulement de grandes difficultés scolaires. En classe de maternelle, ils peuvent aussi repérer et prendre en charge les enfants dont les comportements sont susceptibles d’engendrer de la difficulté scolaire, et qui ne doivent surtout pas être exclus de l’école. Enfin, ils assurent l’accompagnement global des équipes éducatives qui accueillent des enfants porteurs de handicap.
Ce matin, nous avons tous souhaité que cette belle politique, dont la France peut s’enorgueillir, se poursuive et s’amplifie. Les RASED et les 3 000 titulaires des postes que vous voulez réaffecter à d’autres missions ont pris une part importante à la réussite du travail déjà accompli. Il serait regrettable que nous nous privions de cet apport, de ce qui rend l’accueil des enfants porteurs de handicap plus fluide et plus facile à assumer par une école. Ne soyons pas contradictoires : dans le budget 2009, il existe des heures supplémentaires qui seraient mieux utilisées si elles étaient consacrées à la préservation des 3 000 postes de RASED que vous voulez affecter à d’autres missions. Il serait dommage de se priver d’une expertise prouvée et défendue, bien au-delà des membres des RASED, par l’ensemble de la communauté scolaire et par les parents dont les enfants sont passés par ces réseaux.
M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.
M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, sur l’éducation mais aussi sur quasiment l’ensemble des sujets, ce Gouvernement tient un double langage. Dans ce domaine, vous prétendez être près de chaque élève, puisque chacun mérite une pédagogie différenciée ; dans le même temps, votre politique contribue à supprimer les RASED – personne n’est dupe quand vous parlez de les réaffecter, il s’agit bien d’une suppression programmée.
Vous affirmez votre volonté de placer l’enfant au cœur du système scolaire, et vous ne trouvez rien de mieux que de ramener la semaine à quatre jours en supprimant le samedi, ce qui va être catastrophique pour les élèves en difficulté.
Quand vous dites qu’il faut aider les quartiers en difficulté, je mets ma casquette de maire. Les différents recteurs – sous tous les gouvernements – ont toujours estimé que, dans la région Nord-Pas-de-Calais, ma ville était celle qui rencontrait le plus de difficultés au niveau scolaire. C’est vrai aussi dans le domaine social et celui de la santé. Or cette ville échappe à tous vos nouveaux dispositifs. C’est incroyable ! Vous ne pouvez donc pas prétendre que ces quartiers en difficulté vous tiennent à cœur.
L’amendement n° 92, que vous pourriez voter car il ne coûte rien, permettrait aussi de mettre en application un objectif dont vous n’avez pas à rougir : l’intégration des élèves handicapés à l’école. Cependant, une fois encore, un océan sépare les beaux discours de la réalité : il manque encore beaucoup d’AVS dans nos écoles, car ces postes ne sont pas financés. L’amendement vise à retrouver financements et AVS. Surtout, il faudra que ces personnels indispensables à la réussite de l’intégration des élèves en situation de handicap soient dotés d’un vrai statut et sortent de la précarité dans laquelle vous les laissez. Étant donné le sujet, je ne comprendrais pas que vous soyez hostiles à cet amendement de bon sens et qui ne coûte rien.
M. le président. La parole est à Mme Martine Martinel.
Mme Martine Martinel. Monsieur le ministre, lors des débats de ce matin, vous vous êtes réjoui – à juste titre – de pouvoir intégrer dans les écoles les enfants en situation de lourd handicap. Pour ma part, je voudrais insister sur la confusion qui s’installe entre le système d’aide personnalisée instauré depuis la rentrée, et l’aide spécialisée pour les enfants en difficulté qui est dispensée par les RASED ou des groupes qui travaillent ensemble.
L’aide spécialisée est un travail spécifique qui ne peut être mené avec une classe entière : analyse des difficultés, recherche de leurs origines, concertation entre les enseignants spécialisés et la famille. Je voudrais aussi préciser qu’il existe des AVS-co – chargés de groupes d’environ dix élèves – à qui on n’offre souvent qu’un mi-temps et aucune formation, et dont les emplois sont menacés.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. Cet amendement propose d’affecter les 150 millions d’euros, inscrits au programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degré » – titre II des dépenses du personnel – pour financer des heures supplémentaires prévues par le budget 2009, à l’augmentation du nombre d’auxiliaires de vie scolaire dans les établissements publics du premier et second degré.
En effet, les auxiliaires de vie scolaire ont pour mission d’accompagner les élèves handicapés. Chaque élève est intégré dans le cadre d’un projet individualisé. Or de nombreux enfants handicapés ne sont toujours pas scolarisés en raison du nombre insuffisant d’AVS. En outre, à ce jour, le statut et le nombre d’heures des AVS ne satisfont ni les auxiliaires, ni les enfants, ni leurs familles.
Cet amendement permettrait d’augmenter le nombre d’auxiliaires de vie scolaire et le nombre de ceux qui pourront suivre une formation. Il propose de supprimer les crédits destinés aux heures supplémentaires prévus dans le cadre de la loi du 21 août 2007 pour l’enseignement privé, et de les réaffecter aux missions réalisées par les AVS : l’action n° 3, « Accompagnement des élèves handicapés », du programme « Vie de l’élève ». En effet, ces crédits sont trop importants eu égard aux missions et fonctionnement des établissements.
M. le président. La parole est à M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.
M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais donner un avis sur cette série de trois amendements et sur celle qui sera examinée ensuite.
Je ne suis pas persuadé qu’il soit utile de répéter tous les propos tenus ce matin. À mon avis, chers collègues, votre cohérence est plus politique que pragmatique. La commission n’ayant pas examiné ces amendements, je vous donnerai l’avis du rapporteur spécial.
Dans les deux cas et pour des raisons politiques, vous tentez de siphonner le budget destiné à financer les heures supplémentaires pour le redistribuer aux AVS et aux RASED. Or obtenir l’accompagnement par un AVS est un droit ouvert par la maison départementale du handicap. Les académies doivent respecter ce droit et mettre à disposition les crédits nécessaires. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion de demander que ce droit profite aussi à l’accompagnement des élèves handicapés dans le privé, qui connaît certaines difficultés.
Globalement, en 2008, 9 400 postes d’assistant d’éducation sont mobilisés sur des fonctions d’AVS. S’y ajoutent 13 100 personnes exerçant une mission d’AVS-i sur des contrats aidés. Ainsi, 32 300 élèves handicapés sont accompagnés à titre individuel, ce qui représente une évolution extrêmement positive, conformément à ce que nous avions demandé lors du dernier débat budgétaire.
Certes, il faut aller plus loin. Cependant, je ne peux évidemment pas être favorable à la réduction des crédits d’heures supplémentaires permettant l’accompagnement éducatif demandé par les élèves et les familles.
S’agissant de la deuxième série d’amendements, la réaffectation des maîtres spécialisés dans les classes concerne 3 000 postes, et 8 500 maîtres spécialisés continueront à intervenir de manière itinérante. Ce matin, de longs débats ont montré que les maîtres exerçant en RASED – particulièrement expérimentés, comme tout le monde le reconnaît et s’en réjouit – seront très utiles dans les classes situées dans les zones défavorisées sur le plan socio-économique. Contrairement à vos affirmations récurrentes, il n’est pas question d’une simple suppression : il s’agit d’une réorganisation des missions. Là encore, les heures supplémentaires contribuent au soutien des élèves en difficulté scolaire dans le secondaire et à la réussite de tous.
Pour moi, il est donc hors de question de diminuer le budget des heures supplémentaires. C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
M. le président. Je vous rappelle que nous discutons des amendements identiques nos 89 à 100.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Évidemment conforme à celui de la commission : défavorable.
Les amendements identiques nos 76 à 87 visent à récupérer, en faveur des RASED, les 56 millions d’euros prévus pour les heures supplémentaires dans l’enseignement secondaire. Est-ce à dire qu’il faudrait supprimer 1 million d’heures de cours dans les collèges et les lycées ? Un tel transfert est évidemment impossible, à moins de fermer des classes entières. Je doute d’ailleurs que les enseignants soient ravis que l’on supprime 56 millions de crédits pour leurs heures supplémentaires.
Je reviens aux amendements nos 89 à 100, qui proposent de reverser les sommes affectées à l’enseignement privé à l’accompagnement des élèves handicapés, dont je rappelle qu’il est déjà assuré. Le procès que l’on nous fait à cet égard ne laisse pas de m’étonner : 170 000 élèves handicapés sont aujourd’hui accueillis dans l’enseignement classique, soit plus du double, chers députés de l’opposition, de ceux qui l’étaient quand vous étiez aux affaires.
Mme Sandrine Mazetier. Nous n’y étions pas tous : parlons de cette année !
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Vous êtes il est vrai fort jeune, madame Mazetier, mais je pense tout de même qu’en 2002, vous étiez déjà concernée !
L’effort consenti en faveur des élèves handicapés est considérable, et il est donc inexact de dire que nous n’assurons pas leur accompagnement.
Quant à l’idée selon laquelle l’enseignement privé se verrait octroyer trop de moyens, elle est fausse : les 150 millions d’euros prévus correspondent aux 3 700 postes d’enseignants ; je ne serai pas le ministre qui dresse une forme d’enseignement contre une autre.
Plus surprenante encore est l’idée, proposée par l’amendement n° 108, de transférer les 200 millions d’euros prévus au titre du plan « Espoir banlieues », pour lequel nous avons établi un principe de parité entre le public et le privé : instauration de l’accompagnement éducatif dans tous les établissements d’éducation prioritaire et création de postes – 500 dans le public et 100 dans le privé – dans les lycées difficiles. L’amendement me semble donc motivé par le désir de remettre en cause cette parité.
Bref, le Gouvernement est défavorable à tous ces amendements qui reviennent à prendre ici ce que l’on veut mettre là, ce qui n’est d’ailleurs nullement justifié au regard des dotations prévues.
M. le président. Je rappelle, une fois encore, que la discussion ne porte que sur les amendements nos 89 à 100.
La parole est à M. Yvan Lachaud.
M. Yvan Lachaud. Je suis plus qu’étonné par les remarques que l’on a entendues au sujet de l’enseignement en banlieue.
Trouveriez-vous normal, chers collègues de l’opposition, que le Gouvernement dispense l’enseignement privé d’être présent dans les quartiers en difficulté, abandonnant cette mission au seul enseignement public ? Vous ne manqueriez pas, alors, de reprocher au privé de ne s’occuper que des riches ! Bref, votre argument est fallacieux.
M. Benoist Apparu. Très juste !
M. Yvan Lachaud. Vous êtes pris à votre propre piège idéologique.
M. André Schneider. Tout à fait !
M. Yvan Lachaud. Par ailleurs, comment pouvez-vous nous faire la leçon, vous qui n’avez pas tous voté la loi de 2005 relative à la scolarisation des enfants handicapés ? Au passage, cessons de parler d’« intégration » : ces enfants n’ont pas à être « intégrés » dans la société, car ils le sont déjà. Peu nombreux, disais-je, sont ceux qui, sur vos bancs, ont voté cette loi. Il est donc inadmissible, d’un point de vue seulement intellectuel, que vous nous fassiez la leçon aujourd’hui.
Certes, il reste des choses à faire quant à la formation des AVS mais, de grâce, reconnaissez au moins le travail déjà accompli et donnez acte à la loi de 2005 d’avoir permis de scolariser de nombreux enfants handicapés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.
M. Patrick Roy. Je souhaite répondre à M. le rapporteur et à M. le ministre.
Je ne suis jamais très tendre avec le Gouvernement ni avec la droite, mais admettez, monsieur le ministre, que j’ai reconnu le bien-fondé des mesures d’accueil des élèves handicapés.
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Très bien et je vous en remercie.
M. Patrick Roy. Je vous rassure : je vais bientôt retrouver mon naturel avec les amendements à venir. (Sourires.)
Nous ne vous reprochons pas de n’avoir rien fait. Toutefois, le rapporteur a rappelé que l’accueil des enfants handicapés dans les écoles était un droit, dont nous reconnaissons, je le répète, qu’il a permis des progrès : à l’entendre, chaque enfant handicapé doit donc bénéficier de ce droit. Or les faits nous montrent que ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui. Comment, monsieur le rapporteur, pouvez-vous donc refuser l’amendement au motif que vous préférez les heures supplémentaires, qui, elles, ne sont pas un droit ? J’ai du mal à comprendre ce double langage, qui reconnaît l’obligation d’accueil tout en privilégiant d’autres pistes ni indispensables ni obligatoires.
(Les amendements identiques nos 89, 92, 95 et 100 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 76, 79, 81, 82 et 87.
Puis-je considérer, madame Mazetier, que vous avez défendu l’amendement n° 76 ?
Mme Sandrine Mazetier. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.
M. Patrick Roy. Je vais être moins conciliant que tout à l’heure, monsieur le ministre.
L’amendement n° 79 vise à financer les RASED, dont vous amorcez la suppression. Nous sommes en effet très attachés à l’accompagnement des élèves en grande difficulté, dont chacun, comme tous les pédagogues le savent, est un cas particulier exigeant des solutions personnalisées. Les solutions que vous proposez paraissent séduisantes : comment pourrait-on être contre les stages de remise à niveau gratuits, destinés aux familles les plus défavorisées ? Sans compter les deux heures de soutien, récupérées grâce à la suppression des cours le samedi matin.
Mais, connaissant bien l’école – et c’est justement ce qui m’inquiète –, vous savez très bien, comme tous les pédagogues, que les élèves ne peuvent pas travailler six heures par jour. Je ne conteste pas la durée horaire annuelle, mais bien les journées scolaires, beaucoup trop longues dans notre pays. La solution est donc connue : davantage de journées, mais plus courtes. Or vous décidez seul, sans réflexion, la semaine de quatre jours, laquelle engendre d’ailleurs aussi des contraintes pour les municipalités. Dans ces conditions, je ne crois pas un seul instant à l’efficacité de ces deux heures de soutien qui auront lieu pendant les pauses du matin, le midi ou le soir après la classe. Pour les élèves déjà en difficulté auxquelles elles s’adressent, elles seront perdues. Quant aux vacances, le système ne sera guère plus intéressant.
Je vous avais pourtant soumis une piste, monsieur le ministre : conserver les postes supprimés au nom de la diminution du nombre d’élèves, et affecter le surplus d’enseignants dans des écoles où ils prendraient en charge, aux heures de classe, quand l’élève est réceptif, des groupes. Voilà ce que serait un soutien efficace. Aussi les RASED, qui fonctionnent plutôt bien, devraient-ils non seulement être maintenus mais développés, d’où le présent amendement, qui prévoit les financements pour ce faire.
Je le répète, s’agissant des rythmes scolaires, vous avez tout faux. Je ne comprends pas comment vous, qui connaissez l’école, pouvez défendre un système qui n’est en rien utile à l’enfant – ou plutôt j’en connais trop bien les raisons, purement idéologiques. Bref, c’est un véritable Munich de l’enseignement qui se prépare. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Mme Aurélie Filippetti. Je m’inquiète moi aussi de la suppression de 3 000 postes de RASED, fussent-ils redéployés ou sédentarisés, comme on nous l’a expliqué ce matin.
Les personnels des RASED ont été spécifiquement formés pour accompagner les enfants en grande difficulté scolaire. Ils offrent un suivi personnalisé et une pédagogie adaptée, que les élèves concernés ne trouvent pas dans l’enseignement classique. Par ces amendements identiques, nous proposons de réaffecter – opération à laquelle nous astreint la recevabilité financière – les crédits prévus pour les heures supplémentaires au rétablissement des postes de RASED.
Si vous voulez augmenter le temps de service des enseignants, monsieur le ministre, si vous considérez qu’ils doivent travailler plus pour gagner plus, dites-le clairement ! Mais ne leur proposez pas de faire trois heures supplémentaires par semaine.
Si vous considérez que le pouvoir d’achat des enseignants doit être amélioré, tirez-en les conséquences et augmentez leur salaire !
M. Patrick Roy. Et cela, pour le coup, ils apprécieront !
Mme Aurélie Filippetti. Depuis plusieurs années, les enseignants voient en effet leur pouvoir d’achat considérablement diminuer : augmenter leur salaire serait donc en effet aussi populaire que justifié.
Nous considérons que les heures supplémentaires ne sauraient devenir un moyen de gestion dans l’éducation nationale : l’enseignement doit être assuré grâce aux heures de service normales. C’est pourquoi nos amendements proposent un tel transfert budgétaire.
M. Patrick Roy. C’est tout simple !
M. le président. La parole est à Mme Martine Martinel.
Mme Martine Martinel. L’amendement n° 82 est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. L’amendement n° 87 est identique. Il tend à rétablir les 3 000 postes supprimés dans les RASED en leur affectant les crédits des heures supplémentaires. Ces réseaux, créés au début des années 1990, constituent un atout précieux pour les élèves, mais aussi pour les familles et les enseignants. Les élèves en grande difficulté peuvent y bénéficier d’une aide spécialisée dispensée par des enseignants formés à cette fin.
Lorsque notre collègue M. Le Roux vous a interpellé, la semaine dernière, sur la mort annoncée de ce dispositif, vous avez, monsieur le ministre, évoqué les difficultés qu’éprouvent certains élèves à maîtriser des notions fondamentales. À l’appui de votre propos, vous avez choisi l’exemple du passé composé, en déclarant que les élèves ne maîtrisant pas ce temps de l’indicatif pourraient désormais être vus individuellement par l’enseignant, une telle aide relevant des missions de soutien scolaire que vous souhaitez développer. Or, au-delà du simple fait que les enseignants ont toujours eu à cœur d’offrir une aide individuelle aux élèves en difficulté afin qu’ils progressent au même rythme que leurs camarades, vous savez pertinemment que la mission des RASED n’est pas d’enseigner le passé composé, mais d’enseigner à l’enseigner.
M. André Schneider. Les professeurs ne sont-ils pas déjà formés à cela ?
Mme Marie-Lou Marcel. La vie des enseignants serait des plus calmes s’ils n’avaient face à eux que des élèves qui, au pire, auraient peine à comprendre un enseignement quel qu’il soit. Hélas, certains élèves souffrent de tels blocages – au point parfois de rejeter tout enseignement – qu’ils se retrouvent en marge de l’institution scolaire. Les enseignants ne peuvent, seuls, affronter ces cas inextricables, dans lesquels l’aide des RASED est fort utile.
Vous entretenez l’amalgame entre le soutien scolaire et le travail de ces réseaux spécialisés, mais vous savez bien que ces deux métiers, s’ils sont complémentaires, ne sont pas interchangeables. Vous le savez d’autant mieux que deux syndicats d’inspecteurs de l’éducation nationale ont fait part de leur vive émotion à l’annonce de la disparition de ces réseaux si pertinents – ces mêmes inspecteurs qui n’avaient pas rechigné à vous assister lors de la mise ne place de l’aide personnalisée et qui, aujourd’hui, ne vous suivent plus sur les RASED, ne s’étant pas doutés que la création de l’une aboutirait à la suppression des autres. Or, comme eux, vous savez bien que ces réseaux uniques, composés d’un psychologue, d’un enseignant spécialiste de pédagogie et d’un rééducateur, accomplissent un travail que l’on ne peut comparer avec celui du seul orthophoniste ou du psychologue scolaire.
Si, demain, les élèves ne pouvant plus bénéficier de ce dispositif étaient réorientés vers des centres médico-psychologiques, ils pourraient être contraints d’attendre six mois, voire un an avant d’être reçus, tant ces institutions sont débordées.
Ayant, comme vous tous, mesuré l’efficacité de ce dispositif dans mon département, je demande à la représentation nationale de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Censi, rapporteur spécial. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai commencé à exposer à Mme Mazetier. Je souhaite que l’on cesse de faire accroire à nos concitoyens que le redéploiement de ces 3 000 postes revient à renoncer à une mesure de soutien aux élèves. Ce n’est pas le cas.
M. Patrick Roy. Mais si, justement !
M. Yves Censi, rapporteur spécial. Non : vous êtes prisonniers de votre cécité quant à l’objectif de ces redéploiements et refusez obstinément d’en débattre. Il ne s’agit pas de suppressions pures et simples, comme vous le prétendez.
Mme Marcel, après avoir évoqué un département que je connais bien, a salué le travail coordonné des RASED. Il va de soi que ces 3 000 personnels redéployés ne cesseront pas de travailler en réseau.
Aucun de vos arguments ne me paraît recevable. Vous avez choisi de prononcer un réquisitoire contre les heures supplémentaires, dont le succès n’est pourtant plus à démontrer ni auprès des enseignants, ni auprès des familles et des enfants.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Même avis, comme je l’ai déjà dit. Qui ne s’étonnerait pas que l’on supprime 56 millions d’euros affectés au temps d’enseignement, provoquant ainsi de nombreuses complications dans le second degré ?
M. Jérôme Lambert. La faute à un mauvais budget !
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Je répète que la réaffectation de 3 000 de nos enseignants spécialisés dans les classes ne s’assimile en rien à un renoncement à notre lutte contre la difficulté et l’échec scolaires. Vous m’opposez que la mise en place de deux heures de soutien enseignant ne revient pas au même, mais l’une des missions des enseignants n’est-elle pas de repérer les difficultés et d’accompagner les enfants qui en souffrent ? Si d’aventure un enseignant détectait, pendant ces deux heures, une difficulté telle qu’elle exige l’intervention spécialisée d’un psychologue scolaire ou d’un centre médico-psycho-pédagogique, il pourra très bien la signaler.
Hélas, vous persistez à vouloir faire accroire que la réaffectation de ces 3 000 postes en RASED est synonyme de renoncement à la lutte contre l’échec scolaire, alors même que nous créons deux heures de soutien scolaire ! Cette présentation des choses est excessive. Vous aurez beau le répéter à l’envi, y compris par le biais de campagnes de presse, vous ne nous convaincrez pas.
M. Roy nous a soumis un autre argument très étrange : aucun élève ne peut assister à six heures de cours par jour, nous dit-il. Je suis surpris de l’entendre parler ainsi, car c’est pourtant la situation qui prévaut depuis 1887 !
M. Patrick Roy. Eh bien, c’est une erreur !
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Pourquoi cela aurait-il soudain cessé d’être possible à partir du 1er janvier dernier ? Ce n’est pas une erreur : c’est la réalité des classes de tous niveaux depuis longtemps, et nul n’a pu démontrer que ce rythme, certes soutenu, n’est pas adapté.
M. Patrick Roy. Au contraire, tous les spécialistes le disent !
M. Philippe Cochet. Qu’avez-vous fait pour y remédier ?
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Peut-être M. Roy propose-t-il cinq heures quotidiennes ? Soyons raisonnables : le temps scolaire est ce qu’il a toujours été, avec ses plages d’intercours, de récréation et de vie scolaire que savent organiser les professeurs des écoles. La journée scolaire est tout à fait convenable telle quelle. C’est une autre question de savoir si le nombre annuel de semaines suffit. Peut-être M. Roy souhaite-t-il aussi ouvrir le débat pour déterminer s’il convient de rentrer le 15 août ou, au contraire, de supprimer une semaine de vacances à Noël ou à Pâques ? Cette proposition, à n’en pas douter, sera bien accueillie par l’opinion publique !
M. le président. La parole est à M. André Schneider.
M. André Schneider. M. le ministre a anticipé plusieurs de mes remarques, mais je tiens tout de même à rappeler à M. Roy que nous n’avons pas instauré la semaine des quatre jours.
M. Patrick Roy. Dans les faits, si !
M. André Schneider. Non : nous avons seulement supprimé le samedi – la nuance est de taille. J’ai été chef d’un établissement secondaire pendant dix-sept ans. Croyez-moi, dans leurs fiches de vœux, 80 % des enseignants demandent à ne pas travailler le samedi !
Mme Aurélie Filippetti. Les élèves ne sont donc plus au cœur de vos préoccupations ?
M. André Schneider. J’entends souvent dire, en effet, que l’on ne se préoccupe pas assez des élèves. En l’occurrence, nous avons avant tout travaillé dans l’intérêt des familles, avant de s’attacher à celui, légitime,…
Mme Aurélie Filippetti. Des élèves !
M. André Schneider. …de nos collègues enseignants.
M. Patrick Roy. On néglige les élèves, comme toujours !
M. André Schneider. Certaines contrevérités pourraient donc nous être épargnées.
La réussite scolaire pour tous les gamins qui nous sont confiés : voilà le dessein qui nous motive, et qui fait la force de l’action du ministre. Dès lors, n’est-il pas normal de réexaminer tout dispositif, aussi louable soit-il, dont les performances peuvent encore être améliorées ? La pédagogie est l’art de remettre chaque matin sur le métier un ouvrage susceptible de faire progresser chaque enfant à son rythme, pour qu’il aille le plus loin possible.
C’est pour cela que le ministre nous propose de réaffecter 3 000 fonctionnaires – sur un corps de 11 000 – dont il va de soi que nous reconnaissons tous la qualité. Je vous le disais ce matin : je suis fier d’avoir accompli les huit premières années de ma carrière en tant qu’instituteur spécialisé dans des classes d’adaptation. Croyez-moi, je sais de quoi je parle. Le chef d’établissement que je fus ensuite pendant dix-sept ans était toujours heureux d’avoir, dans la même maison, des collègues enseignants qui, en sus de leur propre discipline, possédaient toutes les compétences psychopédagogiques aujourd’hui nécessaires pour détecter au plus tôt les gamins exigeant un soutien adapté.
Mme Sandrine Mazetier. Vous allez donc voter notre amendement !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Schneider.
M. André Schneider. J’y viens, monsieur le président. C’est aussi à chaque enseignant qu’il revient de veiller à ce que les enfants évoluent au mieux dans leur groupe et qu’ils soient pris en charge en cas de difficulté,…
Mme Sandrine Mazetier. Par qui ? Les RASED, justement !
M. André Schneider. …d’abord par l’équipe pédagogique, et ensuite par les intervenants extérieurs qui demeurent – soit huit mille postes en RASED. Alors, de grâce, ne nous faites pas de procès d’intention : notre réussite n’est pas moins louable que vos échecs !
M. le président. La parole est à M. René Couanau.
M. René Couanau. Il va de soi que je ne voterai pas cet amendement, monsieur le ministre, mais je tiens tout de même à vous confier ma réserve quant aux redéploiements prévus. Je comprends et j’encourage votre politique, car il n’y a de bon soutien que celui qui est fourni par le professeur des écoles dans sa propre classe. Je sais aussi qu’avec des moyens limités, vous devez donner une impulsion à l’éducation nationale tout en tenant compte des succès et des échecs du passé.
Pour avoir prôné le développement de la psychologie scolaire et, pour y avoir participé aussi, je ne peux admettre que l’on renonce du jour au lendemain à un dispositif qui a fait ses preuves. La psychologie scolaire a été utile à l’éducation nationale, et elle l’est toujours. Autrefois, les spécialistes manquaient ; aujourd’hui, les personnels ont été formés et apportent tout leur concours aux enseignants.
Il me semble que l’une des dérives du système a consisté à créer des réseaux, et non plus à utiliser ce que l’on appelait jadis les groupes d’action pédagogique – ou GAP – concentrés sur des écoles en difficulté.
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Exactement !
M. René Couanau. Dès lors que l’on a éparpillé leur action via les réseaux des années 1990, leurs interventions, intermittentes et moins suivies, ont beaucoup perdu en efficacité.
En tant qu’ancien connaisseur de ces questions, permettez-moi, monsieur le ministre, de formuler un vœu. Puisque le mouvement est lancé, engageons une évaluation globale de l’action des RASED. Ainsi, les 8 000 fonctionnaires qui leur demeurent attachés pourront se concentrer sur les établissements en difficulté. Leur rôle ne se limite évidemment pas à enseigner le passé composé à ceux qui ne l’ont pas assimilé en classe de français ; ils fournissent en outre un accompagnement personnalisé dont je vous assure, monsieur le ministre, qu’il donne d’excellents résultats s’il est bien pratiqué.
Mme Sandrine Mazetier. Merci pour les RASED, monsieur Couanau !
M. René Couanau. Ce n’est pas parce que l’administration de l’éducation nationale a eu peine à maîtriser cet outil qu’il faut le supprimer du jour au lendemain ! Au contraire, c’est à elle d’assigner des missions précises et d’effectuer des évaluations détaillées, sans céder trop facilement à Bercy – qui, bien entendu, ne réclame qu’une seule chose : le retour des élèves dans les classes car, pour ce ministère, chaque professeur est chargé d’une classe de trente élèves. Point de pédagogie, point d’évaluation qualitative : le réflexe est bien connu, et, comme vous, nous l’avons combattu. De même, ne cédons pas à certains syndicats dominants de l’éducation nationale qui n’ont cessé, depuis des années, de réclamer le retour au bercail – c’est-à-dire dans les classes – des instituteurs spécialisés, de sorte qu’aucune tête ne dépasse et que plus aucune formation spécialisée ne soit offerte.
Pourrez-vous donc lancer une évaluation, monsieur le ministre, afin d’éviter, à l’avenir, d’avoir à chercher des possibilités de redéploiement parmi ces personnels spécialisés ?
(Les amendements identiques nos 76, 79, 81, 82 et 87 ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 123.
La parole est à Mme Colette Le Moal.
Mme Colette Le Moal. Je pense que M. le ministre va me demander de retirer cet amendement.
Monsieur le ministre, vous nous avez informés ce matin que la sédentarisation de 3 000 maîtres E et G faisait l’objet d’une expérimentation d’une année, au terme de laquelle il serait procédé à une évaluation. C’est pourquoi j’accepte de retirer mon amendement, en vous demandant toutefois de bien vouloir préciser à quel moment sera effectuée cette évaluation, l’objectif étant de démontrer que la nouvelle organisation du soutien scolaire maintient dans les écoles ordinaires les élèves actuellement bénéficiaires de l’aide des RASED, en évitant peut-être de faire les classes d’intégration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Censi, rapporteur spécial. Mme le Moal précise qu’il n’est pas question de procéder à la généralisation de la sédentarisation. Pour l’heure, nous avons seulement 3 000 postes. Il reste 8 500 RASED, ce qui permet de voir venir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Je remercie Mme Le Moal d’avoir bien voulu retirer son amendement.
Cela étant, les dispositifs que nous mettons en œuvre doivent faire l’objet d’une évaluation. C’est le cas pour la sédentarisation de 3 000 fonctionnaires, sur les 11 000 chargés de l’aide et du soutien, dans des classes ou des écoles dont nous aurons jugé qu’elles avaient peut-être plus de besoins que d’autres. Je prends l’engagement de procéder à cette évaluation au milieu de l’année scolaire.
J’en profite pour répondre à mon ami René Couanau, qui connaît très bien la maison, ayant été lui-même directeur des écoles. Je suis d’accord avec lui, je pourrais même signer son intervention : l’un des problèmes qui se pose à nous, naguère reconnu par l’ensemble des syndicats, ainsi que par les inspecteurs de l’éducation nationale, c’est que la dispersion du système des réseaux était sans doute excessive. Elle est utile en bien des endroits, là où il faut des interventions ponctuelles, des enseignants itinérants. Aussi n’est-il pas question de supprimer définitivement l’ensemble du dispositif.
Mais les endroits doivent être plus ciblés – comme autrefois les groupements d’action pédagogique – afin de repérer les élèves les plus en difficulté. Vous avez évoqué, monsieur Roy, certains quartiers de votre circonscription, où les élèves en difficulté sont en si grand nombre que les enseignants doivent rester à demeure. C’est aussi ce que nous voulons. Il ne faut pas faire dans la caricature et donner l’impression que nous supprimons ou faisons éclater un dispositif d’aide et de soutien.
D’une part, nous sédentarisons ce dispositif là où les besoins sont criants, d’autre part, nous revenons à l’esprit initial du dispositif, tel que M. René Couanau lui-même l’avait initié à l’époque, dans le cadre de ses fonctions, ce qui était réclamé il y a plusieurs années par l’ensemble des représentants des personnels.
Madame Moal, nous procéderons à une évaluation, afin de savoir si nous avons raison, ou non, d’agir de cette façon. Pour ma part, je suis convaincu que nous avons raison, parce que les deux heures de soutien dont les professeurs auront la charge leur permettront sans aucun doute de repérer plus facilement les élèves en difficulté et de les aider. Pour les élèves en très grande difficulté, ils les aideront pendant le temps imparti au soutien et pourront en outre faire appel aux psychologues scolaires et aux maîtres spécialisés.
Nous voulons rationaliser le dispositif, le rendre plus efficace, faire perdre moins de temps aux maîtres itinérants. S’il résulte de l’évaluation que tel n’est pas le cas, nous en tiendrons compte, car nous ne sommes pas obtus ! Tout ce que nous voulons, c’est l’intérêt des enfants.
(L'amendement n° 123 est retiré.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 194.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yves Censi, spécial. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit une réforme de l’indemnité temporaire de retraite – l’ITR –, qui est un dispositif de majoration de la pension des fonctionnaires de l’État établissant leur résidence à La Réunion et dans les collectivités d’outre-mer. Il me paraît important, s’agissant de la sincérité des comptes, d’inscrire ce dispositif dans le budget de l’éducation nationale, dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire ».
Pour ce qui est des fonctionnaires retraités de l’éducation nationale, l’économie liée à la mise en œuvre de cette réforme est estimée 10 millions d’euros – sur un budget de masse salariale d’environ 28,5 milliards d’euros. Je le répète : au regard de la sincérité des comptes, il ne nous est pas possible de ne pas l’inscrire dans ce budget. Il est proposé en conséquence de diminuer de ce montant les crédits inscrits au titre des dépenses en personnel – titre 2 – sur le programme « Enseignement public du second degré » et de les réaffecter au financement, indispensable, des dépenses pédagogiques du même programme. Je pense notamment à l’acquisition des nouveaux manuels scolaires accompagnant la réforme des programmes de la classe de sixième, et à l’achat de logiciels pédagogiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale. Je salue l’amendement de M. Censi. Le montant dont il parle est une goutte d’eau par rapport au budget – près de 26 milliards d’euros – des traitements de toute nature. Il s’agit en revanche d’une somme d’importante par rapport au budget consacré à l’achat des manuels scolaires au collège, et à l’équipement pédagogique. Cela représente une augmentation de 25 %.
Mais ce transfert est possible, indolore et utile, d’autant que de nouveaux programmes entrent en vigueur en sixième, à la rentrée 2009. Autant, dans le primaire, il est possible d’utiliser les mêmes manuels, et les professeurs savent le faire, autant, au collège, il faut des livres nouveaux lorsque les programmes changent. Nous aurons sans aucun doute des besoins en la matière.
Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement présenté par M. Censi.
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais reprendre l’amendement n° 123 de Mme Le Moal.
Je regrette, monsieur le président, que vous ne m’ayez pas donné la parole en temps et en heure, même si l’exposé de M. Censi était très intéressant.
Je reviens sur la discussion engagée par M. Couanau. J’essaie de comprendre la logique qui sous-tend ce que vous qualifiez de redéploiement. Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous souhaitez réaffecter ces professeurs des écoles à des classes en zone d’éducation prioritaire. Permettez-moi de le rappeler, les difficultés d’apprentissage ne sont pas conditionnées par l’environnement social. On constate des difficultés d’apprentissage, des blocages, des formes d’hyperactivité, d’inhibition ou d’hyperinhibition dans tous les milieux, urbains, ruraux, dans toutes les CSP. Ces difficultés ne sont pas résorbables dans le cadre du soutien scolaire que vous évoquez.
Nous souhaitons revenir sur ces redéploiements, parce qu’ils relèvent d’une vision schématique et étroite des difficultés scolaires et du rôle joué par les professeurs des écoles membres de ces réseaux. Il est réducteur de penser qu’ils ne traitent que de difficultés d’apprentissage ponctuelles ou de cas extrêmes. Ils ont une palette d’intervention plus large, qui ne se limite pas aux zones d’intervention prioritaire où vous voulez les réaffecter.
Pour faire suite à l’intervention de notre collègue Couanau, j’estime qu’il serait utile de reprendre l’amendement de Mme Le Moal et de le soumettre au vote de notre assemblée.
(L'amendement n° 194 est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire », modifiés par les amendements adoptés.
(Les crédits de la mission « Enseignement scolaire », ainsi modifiés, sont adoptés.)
M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’administration générale et territoriale de l’État.
La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, madame la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, il me revient de rapporter, au nom de la commission des finances, le budget de l’administration générale et territoriale de l’État. Ce budget connaît une baisse sensible et logique, puisque ce sont les orientations souhaitées, et que je partage. Les autorisations d’engagement diminuent de 5,3 % et la baisse des crédits de paiement – de 1,3 % – est donc moins marquée. Le budget total s’élève à environ 2,6 milliards d’euros.
Ces baisses s’expliquent par plusieurs facteurs. Le périmètre de la mission évolue d’une façon non négligeable, puisque l’on assiste – et ce sera l’un des points centraux de mon propos – à une débudgétisation de la fonction « titres ». Une moindre activité électorale est attendue en 2009, ce qui est bien compréhensible. Nous avons eu, cette année, deux élections et demie, car les élections sénatoriales sont nettement moins coûteuses que les élections municipales et cantonales. Enfin, la réduction des effectifs est plus sensible que dans le reste de la fonction publique, puisque nous comptons trois non-remplacements pour quatre départs. C’est conséquent, puisque cela représente une diminution des effectifs de 2 100 personnes sur trois ans.
Je comprends, madame la ministre, que cette évolution soit nécessaire et je ne rencontre aucun problème philosophique à cet égard. Il convient d’avoir un État plus maigre, plus efficace, plus présent, et de faire mieux avec des moyens certes plus limités. C’est une demande de nos concitoyens.
Je vous ferai malgré tout part de deux observations. J’aurais, tout d’abord, souhaité que cette baisse des effectifs soit plus équitablement répartie et qu’elle se traduise également pour les administrations centrales et pour les administrations déconcentrées. En effet, les administrations centrales – et c’est le travers de leurs arbitrages – sont plus protégées, ce que je regrette. S’agissant, ensuite, de l’évolution indemnitaire et indiciaire, nous notons un véritable retard du ministère de l’intérieur, retard que vous avez entrepris d’atténuer l’an dernier, ce dont je m’étais félicité à cette tribune. Je constate, avec regret, que ce nécessaire combat est aujourd’hui ralenti. L’effort plus conséquent fourni par les personnels, du fait de la baisse des effectifs, doit avoir pour contrepartie une reconnaissance financière, en termes indemnitaires ou indiciaires.
Un des chapitres importants de ce budget pour 2009 concerne, bien évidemment, l’évolution d’un certain nombre de titres avec, en particulier, le démarrage du système d’immatriculation à vie des véhicules automobiles. Cette mesure, essentielle et tout à fait conséquente, souhaitée par les usagers, leur simplifiera la vie, puisqu’ils n’auront plus à remplir de multiples formalités administratives, ce dont je me réjouis. Il y a eu l’épisode bien connu des numéros minéralogiques, ce qui ne me passionne pas, car la nostalgie peut, selon moi, se situer ailleurs. Vous êtes parvenue à un arbitrage satisfaisant. Le numéro devra figurer sur la plaque d’immatriculation, mais l’administré pourra choisir – et en changer, s’il le désire – le territoire, département et région correspondante, avec lequel il éprouve des affinités. Il pourra ainsi exprimer son attachement psychologique en faveur de tel ou tel département. Voilà des évolutions qu’il convient de prendre en compte.
La mise en place des passeports biométriques est une obligation internationale, car il est indispensable de combattre la fraude. J’ai noté avec satisfaction que, le 31 octobre dans l’Oise, vous avez délivré le premier passeport. Je m’inquiète toutefois de l’exigence quant aux délais qui nous sont impartis. Le 28 juin 2009, l’intégralité des passeports devra être délivrée selon la nouvelle formule. Nous devrons être prêts, ce qui n’est pas si évident. La carte des communes est en train de s’élaborer. Il y a certes un discours général, mais, dans les cas particuliers, les maires sont bien souvent volontaires, parce qu’ils constatent que c’est un avantage pour les usagers. J’espère donc que nous tiendrons les délais. Je regrette, madame la ministre, et nous nous en sommes souvent entretenus, que ne soit toujours pas inscrit à l’ordre du jour de nos travaux le projet de loi sur la protection de l’identité qui doit donner à la carte d’identité électronique une existence légale. La carte d’identité doit bénéficier, elle aussi, de cette évolution technologique nécessaire. L’évolution en matière de passeport est inutile si elle ne concerne pas la carte nationale d’identité, chacun en conviendra.
L’autre chapitre essentiel de ce budget intéresse la réorganisation de l’administration territoriale. La circulaire du 7 juillet est, en cela, extrêmement précise. Le premier arbitrage a consisté en la réaffirmation du rôle prédominant joué par le préfet de région. Désormais, il aura autorité, pour l’essentiel, sur le préfet de département. Il fallait en finir avec cette relative ambiguïté. Le second tend à simplifier l’organisation des services déconcentrés : les directions régionales passeront de trente à huit. La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, par exemple, remplacera la direction générale de l’équipement que nous connaissions. Ce sont des évolutions nécessaires qu’il conviendra d’expliquer.
En tant que rapporteur spécial, et je vous le dis solennellement, je souscris à l’essentiel des évolutions que vous avez portées, madame la ministre, mais je constate, hélas, qu’elles se sont faites sans consultation aucune de la représentation nationale. Nous sommes également concernés par les affaires d’État : il nous aurait donc semblé utile que les autorités ministérielles ou préfectorales nous associent à cette évolution au niveau national, régional et départemental. Peut-être y a-t-il des exceptions dans cet hémicycle, mais, pour ma part, et je pense que c’est le cas de la majorité de mes collègues, je n’ai été en rien associé. Nous aurions au moins pu être informés.
Il conviendrait aussi de mutualiser les moyens au niveau départemental. Notre État est encore trop dispersé. Il doit devenir possible de répondre à la simple question : « Quel est le numéro de téléphone de l’État dans le département ? » Ce numéro doit être celui de la préfecture centralisant, dans un seul standard, toutes les administrations étatiques. Il existe en effet encore aujourd’hui des standards téléphoniques dans les différentes directions, tout comme on compte toujours des locaux distincts. Quand tout cela sera-t-il rassemblé sous l’autorité normale, naturelle et désormais admise du préfet ? Ces évolutions sont en cours, mais des efforts doivent encore être consentis.
Le sujet des sous-préfectures a mobilisé nombre de nos collègues. Vous avez décidé que, dès 2009, une quinzaine de sous-préfectures seraient confiées à des conseillers d’administration. La liste est assez longue, puisqu’elle comporte 115 sous-préfectures. Je ne doute pas de la compétence de ces conseillers d’administration, qui sont capables d’assumer parfaitement ces tâches, mais je crains qu’ils ne soient, demain, placés dans une situation quelque peu délicate. Ils devront en effet expliquer en permanence qu’ils jouent le rôle du sous-préfet, qu’ils en ont l’autorité, sans pour autant disposer du véhicule et du logement. Ce ne sont que des apparences, mais elles jouent dans la vie publique. De plus, je constate, pour en avoir discuté avec un certain nombre de nos collègues, qu’un certain nombre de maires seront dans des situations difficiles. Peut-être est-ce quelque peu psychologique, mais certains y verront, malgré tout, une difficulté en termes de hiérarchie pour leurs villes, naguère sous-préfectures, qui le resteront sans le rester. Le coût politique de cette évolution est réel pour une économie de moyens très faible. C’est pourquoi d’autres solutions auraient sans doute pu être envisagées.
Je souhaiterais pour ma part que votre ministère soit porteur d’une véritable réflexion sur les services publics. Nos concitoyens et les élus ont parfaitement conscience que des évolutions sont nécessaires à la condition qu’elles ne soient pas décidées ministère par ministère, comme dans une logique de tuyaux d’orgue, aboutissant à des décisions négatives toujours pour les mêmes communes. Ces évolutions peuvent s’avérer redoutables et considérables, par exemple lorsqu’une ville moyenne perd un jour son tribunal et un autre son régiment. Une synthèse gouvernementale, donc à votre niveau, madame la ministre, est indispensable. Il faut prendre ce dossier à bras-le-corps. Cela ne relève pas directement de l’aménagement du territoire au sens ministériel du terme, mais il s’agit de l’aménagement de l’État dans le département. Le ministère de l’intérieur y a toute sa place.
Les sous-préfectures vont évoluer. Quelles seront leurs compétences demain ? Les titres, on l’a bien compris, seront de plus en plus organisés au niveau national. L’ANTS, située à Charleville-Mézières, sera destinée à les sécuriser. Il y aura des transferts d’informations électroniques. Que restera-t-il des sous-préfectures ? Elles ont un rôle très conséquent à jouer dans le domaine des relations avec les collectivités locales. Je prendrai un exemple d’actualité. Chacun a entendu parler des emprunts toxiques et chacun mesure les responsabilités prises par les maires qui ont engagé leurs communes dans de tels emprunts. Loin de moi l’idée de dédouaner ces élus, loin de moi également l’idée de dédouaner les banques qui ont offert de tels produits aux collectivités – et je pense en particulier à Dexia. Il n’en demeure pas moins que l’on peut s’interroger sur le rôle qu’auraient dû jouer les sous-préfets et les préfets dans ce domaine. L’administration préfectorale n’a certes pas les moyens juridiques de contrôler la validité des emprunts contractés par les collectivités territoriales, mais, sauf erreur de ma part, les préfets et sous-préfets, tout comme les comptables publics, auraient pu, malgré tout, informer et alerter. Je n’ai pas d’exemple concret d’informations et d’alertes dans ce domaine. Il y a là, quelque part, une petite défaillance de l’État. C’est d’ailleurs paradoxal, parce que, d’un côté le contrôle de légalité se montre extrêmement tatillon, lorsqu’il s’agit de l’évolution indiciaire touchant un personnel de catégorie C et, de l’autre, il ignore totalement des sujets majeurs comme les contrats touchant aux emprunts locaux. Voilà des éléments d’interrogation quant au contrôle de légalité sur lesquels je me permets de revenir.
Je m’interroge également sur les sous-préfectures et sur les préfectures quant à l’inégalité des personnels. Les taux d’encadrement, cela figure dans mon rapport, sont encore très inégaux entre départements. Il y a, à l’évidence, un tropisme méridional que l’on connaît bien dans les administrations, mais qui atteint là certains records. Je mets à part les départements ultramarins et insulaires où l’on peut comprendre qu’il y ait proportionnellement plus d’agents locaux. Je constate cependant qu’il y a un rapport de un à deux entre des départements de l’ouest très défavorisés en matière d’encadrement dans les préfectures et des départements comme la Marne, la Meuse ou la Corrèze, qui connaissent des taux d’encadrement très élevés. Il faut vraiment, d’autant plus quand on parle de baisse d’effectifs, progresser et introduire davantage de justice dans la répartition des personnels entre les différentes préfectures.
Un autre programme d’importance de ce rapport concerne la propagande électorale. Celle-ci coûte cher, vous le savez, madame la ministre. Le coût des documents eux-mêmes et de leur distribution est à peu près de l’ordre 50 millions d’euros pour une élection. Et quel gâchis de papier cela représente ! Nous nous réunissons parfois ici pour parler de développement durable et, à côté, on continue à organiser une propagande selon des moyens devenus aujourd’hui anachroniques. J’ai proposé dans une proposition de loi, que j’ai souvent évoquée avec vous, madame la ministre, de permettre à nos concitoyens de choisir. Certains sont « branchés » et informeront les administrations qu’ils n’ont plus besoin de cette documentation « papier », d’autres, en revanche, la conserveront. Il est vrai que c’est plus facile à dire qu’à faire parce que le système est compliqué. Il n’existe même pas, en effet, aujourd’hui, dans notre droit, de fichier national ou départemental des électeurs. Mais les électeurs nous ont désignés et mandatés pour résoudre des problèmes compliqués.
Voilà les quelques éléments que je voulais vous présenter. Ce budget est important, car il entraînera des évolutions très sensibles dans le quotidien de nos concitoyens en raison de l’évolution des titres d’identité. Il traduit aussi la volonté d’organisation de l’État. Il demeure quelques lacunes, quelques difficultés que je me suis permis de mettre en avant, mais cela n’empêche pas la commission des finances et votre rapporteur de manifester son adhésion à l’adoption des crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » connaîtront en 2009 une baisse de 5,94 % en autorisations d’engagement et de près de 2 % en crédits de paiement, alors que le budget de l’État et même celui des autres missions du ministère de l’intérieur sont en augmentation.
À l’horizon 2011, selon la programmation budgétaire, les crédits de cette mission seront en recul de près de 200 millions d'euros en autorisations d’engagement et de près de 80 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2008.
En conséquence, les emplois de la mission sont évidemment en forte baisse. En 2009, 733 des 1 042 départs à la retraite de la mission ne seront pas remplacés, ce qui est bien supérieur à l’objectif de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux. En 2010 et 2011, des suppressions d’emplois de grande envergure devraient intervenir. M. Le Fur vient de nous parler de 2 100 emplois.
On comprendra aisément, au rappel de ces quelques chiffres, que la situation de l’administration territoriale, dont les crédits représentent plus de 60 % du budget de la mission, puisse être jugée inquiétante.
L’allégement et la centralisation du contrôle de légalité en préfecture, la mutualisation des fonctions support, la modernisation des procédures de délivrance de titres et la réorganisation des sous-préfectures sont, madame la ministre, les axes principaux de la réforme que vous conduirez en 2009.
La réforme du contrôle de légalité est déjà engagée par la réduction des plafonds d'emplois affectés au contrôle de légalité, par l’introduction, dans la proposition de loi de simplification du droit adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 14 octobre 2008, d’une habilitation à modifier par voie d’ordonnance la liste des actes soumis à l’obligation de transmission aux préfets. Je déplore que le législateur soit écarté de ces adaptations.
La mutualisation des fonctions support doit trouver une incitation forte dans la régionalisation des budgets opérationnels de programme des préfectures et dans la nécessité de rechercher des économies résultant d’enveloppes budgétaires peu dynamiques, c’est peu de le dire.
Sur ce point, les mises en commun de services à l’échelon régional peuvent s’inscrire dans une rationalisation bienvenue, dès lors que l’on trouve des solutions permettant aux agents de s’adapter sans avoir obligatoirement à changer de lieu de travail ou de vie et, surtout, si ces adaptations ont vraiment fait l’objet d’une concertation et d’une expérimentation réaliste et validée, ce qui est loin d’être le cas.
La modernisation des procédures de délivrance des titres s’appuiera sur la montée en puissance de l’Agence nationale des titres sécurisés, opérateur de l’État, dont le budget ainsi que les moyens en personnels sont confortés par le projet de loi de finances.
Ce projet propose une indemnisation des 2 000 communes qui compteront des stations d’enregistrement des données biométriques, à hauteur de 3 200 euros par station et par an. Cette indemnisation repose sur deux hypothèses – 30 % de demandes extérieures à la commune où se trouve la station, une durée de quinze minutes pour le traitement de chaque demande – qui ne sont pas très robustes, et il sera donc indispensable de procéder à un réexamen rapide de l’indemnisation proposée.
Enfin, la réorganisation des sous-préfectures est déjà engagée, que ce soit par la possibilité de nommer dans certaines sous-préfectures des conseillers d’administration, ou encore par la centralisation du contrôle de légalité en préfecture.
Madame la ministre, lors de l’examen des crédits en commission des lois, vous m’avez indiqué que la possibilité offerte aux conseillers d'administration de devenir sous-préfets était une nouvelle opportunité de carrière, dans le prolongement de la possibilité qui leur était déjà offerte d’occuper le poste de directeur de cabinet du préfet. Toutefois, je me dois de signaler une différence et de faire part d’une interrogation.
La différence, c’est que le conseiller d’administration, en tant que directeur de cabinet, est astreint à la permanence du corps préfectoral et bénéficie en contrepartie des avantages de ce corps, ce qui ne sera pas le cas du conseiller d’administration nommé dans un poste de sous-préfet.
L’interrogation porte sur les conséquences du remplacement d’un sous-préfet par un conseiller d’administration. L’État va en effet avoir la tentation de rendre aux collectivités les locaux des sous-préfectures devenus inutiles. Le conseiller d’administration n’aura en effet pas besoin d’un logement de fonction. Par ailleurs, l’accueil du public est devenu souvent inexistant en raison des évolutions en matière de délivrance des titres. Une fois le changement immobilier effectué, le remplacement du sous-préfet par un conseiller d’administration ne sera-t-il pas irréversible ?
M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Lambert.
M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis. Une circulaire du Premier ministre de juillet 2008 a par ailleurs fixé les lignes directrices de la restructuration des services de l’État territorial, qui doit aboutir à une véritable simplification de l’échelon départemental, réorganisé en fonction des besoins des citoyens et modulable à partir d’un socle de base comprenant seulement deux directions : direction de la protection des populations ; direction des territoires. La circulaire du Premier ministre envisage la création d’une troisième direction, de la cohésion sociale, dans les départements pour lesquels cela serait justifié. Il demeure une interrogation sur les critères qui présideront à la création de cette direction de la cohésion sociale. Retiendra-t-on uniquement des critères budgétaires et de masse critique, ou prendra-t-on réellement en compte la spécificité locale ?
La réforme de l’État territorial, qui est un chantier transversal de la révision générale des politiques publiques, est donc engagée. Je forme le vœu qu’elle ne soit pas simplement une occasion de dégager des économies et de supprimer des emplois et des emprises immobilières, mais qu’elle permette d’associer l’ensemble du personnel de l’administration territoriale à une évolution positive au service de nos concitoyens et de nos élus. Au vu des réactions des organisations du personnel, cela me semble assez mal engagé.
Lors de votre audition devant la commission des lois, madame la ministre, nous avons eu le plaisir de vous entendre à propos du nouveau système d’immatriculation des véhicules automobiles. Vous nous avez indiqué, en réponse à une question que je vous avais posée, que le nouveau système intégrerait un numéro de département. La solution que vous nous avez présentée me convient, ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues qui vous avaient demandé de prendre en compte cette demande, et nous vous en remercions.
M. le président. Il faut vraiment conclure.
M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis. En conclusion, et même si la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », je vous invite en mon nom, mes chers collègues, à voter contre ce budget qui risque grandement d’affaiblir dès maintenant et à moyen terme la présence de l’État sur le territoire national.
M. le président. Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits dans la discussion.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. C’est un budget particulier que vous nous présentez, madame la ministre, dans une année particulière. Les deux précédents orateurs l’ont dit : une réforme quasiment sans précédent des services déconcentrés de l’État sera organisée en 2008, se poursuivant en 2009 puis en 2010, ce qui entraîne des interrogations et des inquiétudes, à la fois chez nos concitoyens et chez les élus.
Un grand nombre d’entre eux s’inquiètent de voir des services ainsi supprimés, d’autres s’inquiètent de la capacité des fonctionnaires, qui ne sont pas en cause, à réagir à un certain nombre d’événements.
L’inquiétude est donc grande. Comme l’a souligné M. Le Fur, il aurait peut-être fallu que cette grande réforme, que certains pensent indispensable, donne lieu à plus de concertation et que les préfets associent davantage les élus, mais également les usagers.
Au-delà de la réforme, il y a dans ce budget des mesures drastiques : suppressions ou diminutions de crédits, suppressions de postes, presque 800 emplois à temps plein cette année. Les services ne seront donc plus à même de rendre le même service en 2009 qu’en 2007 ou 2008. Cette évolution devant continuer en 2010, les services déconcentrés de l’État pourront de moins en moins répondre aux usagers mais également aux collectivités dans de bonnes conditions, ce qui est très inquiétant.
Il faut donc essayer de réagir et voir comment nous pourrions faire en sorte, dans la concertation, que cette réorganisation de l’État ne se fasse pas en contradiction avec les intérêts des usagers et également des collectivités locales qui, je le répète, sont extrêmement inquiètes.
Il n’y a pas de secret, en effet. Lorsque l’on supprime ou diminue les crédits, lorsque l’on supprime autant de postes, lorsque les services rendus à la population et aux collectivités se réduisent, la solution de facilité, pour maintenir ce qui doit l’être, c’est de transférer certains de ces services aux collectivités locales.
Nous avons cette année l’exemple des passeports et des cartes nationales d’identité, dont la délivrance sera transférée à de nombreuses communes, dans des conditions qui laissent à désirer, et je me fais le porte-parole des associations d’élus qui s’inquiètent d’avoir à organiser ce nouveau service.
Nous en parlions ce matin en commission : la mise en place du dispositif n’ira pas sans difficultés. On nous explique que c’est une simple machine, mais on peut bien imaginer qu’il lui faudra des locaux sécurisés. Vu les risques de fraude, on ne pourra pas installer une telle machine, avec les documents nécessaires, dans n’importe quel local, et des investissements seront donc nécessaires. Il faudra aussi former le personnel. Il faudra enfin accueillir une nouvelle population puisque les municipalités ne sont pas habilitées aujourd’hui à organiser ce service.
Tout cela inquiète les élus. On aurait pu imaginer que le transfert de charges se fasse à l’euro près. Les 3 200 euros annuels proposés pour les stations nous paraissent insuffisants. Vous nous avez indiqué ce matin qu’il faudrait faire un bilan dans un an pour voir si cette compensation correspondait ou non à la réalité et procéder éventuellement à une réévaluation.
En tout cas, l’inquiétude est grande parmi les élus et certains se posent même la question de savoir s’ils doivent ou non accepter un tel service car, pour l’instant, les réponses que vous apportez ne conviennent pas.
Il faut être très attentif, madame la ministre. Les transferts de charges, souvent critiqués, et à juste titre, ne font que s’accélérer ; nombre de collectivités tirent le signal d’alarme en nous demandant de rester prudents. Que l’État se réorganise, on peut l’entendre, que les crédits doivent être surveillés et limités, on peut l’entendre, mais cela ne doit pas être au détriment du service public dans nos territoires et, si le service public est attaqué, il ne faut pas demander en dernier recours au maire de l’assurer car c’est la solution de facilité. Le service doit être rendu, l’État décide de le réorganiser et on demande ensuite à la collectivité locale de base de bien vouloir assumer cette responsabilité. Les élus, les maires en particulier, le disent : ils sont inquiets, fatigués, ils en ont assez de la manière dont cela se passe. Les populations demandent toujours plus, l’État assure toujours moins, et c’est vers eux que nos concitoyens se retournent pour leur demander d’assurer la quasi-totalité des services publics de base.
Sur la réorganisation de l’administration territoriale, il y a également une inquiétude. La sous-préfecture est un élément symbolique fort. C’est d’ailleurs votre directeur de cabinet qui a géré le dossier de la création de la dernière sous-préfecture inaugurée en France, celle de Sarcelles. On voit combien, dans les territoires, y compris dans les territoires difficiles, c’est un symbole important pour la population. Y porter atteinte peut avoir des conséquences bien plus graves qu’on ne l’imagine.
Pour toutes ces raisons, bien entendu, nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une mission importante, puisqu’il s’agit de donner à l’État les moyens d’assurer sa continuité sur l’ensemble du territoire de la République et de permettre la mise en œuvre au niveau local des politiques publiques.
À l’heure où il s’agit de travailler au redressement des finances publiques, ce budget porte le sceau d’une ambition sincère : donner à l’État des moyens d’action plus efficaces par la restructuration de son administration territoriale.
Terrain d'application privilégié de la LOLF, cette mission supporte plus que d'autres l'effort général demandé à l'État par nos concitoyens : 733 des 1 042 agents de l'État territorial partant à la retraite ne seront pas remplacés, et alors que le budget de l'État augmente de 2 %, cette mission voit ses crédits diminuer, même si l'effort est plus net en ce qui concerne les autorisations d'engagement que les crédits de paiement.
Bien que modeste, avec 2,6 millions d'euros de crédits de paiement, ce budget est au cœur d'un mouvement transversal de réforme de l'État territorial. Alors qu'il est question de réfléchir à un éventuel big bang territorial, ou tout du moins à la nécessaire clarification des compétences autant que des moyens des différents échelons de la République décentralisée, le groupe Nouveau Centre insiste sur le fait qu'aucune réflexion ne saurait faire l'économie d'un questionnement sincère sur le périmètre aujourd'hui attendu d'un État moderne.
Il ne peut être question ni d'un abandon des territoires par l'État ni d'une remise en question de la continuité territoriale du service public ; il doit au contraire être question de performance, d'efficience et d'utilisation optimale des moyens financiers de l'État au service de tous nos concitoyens. C’est ce que nous appelons, au Nouveau Centre, un nouveau pacte territorial.
L'expérimentation du progiciel Chorus réalisée en Haute-Normandie et dans les Pays de la Loire est, à ce titre, une initiative qu'il convient de saluer. Elle permettra, outre la mise en œuvre de toutes les dispositions de la LOLF, une amélioration de la transparence autant que de la performance de la gestion publique ; nous ne pouvons que nous en réjouir.
Nous nous réjouissons également que ce budget fasse siennes certaines des préoccupations les plus concrètes de nos concitoyens. Je pense à l'effort – conforté en termes de crédits de paiement – en direction de la délivrance de titres. Qu'il soit question de passeports ou de cartes grises, nombre de nos concitoyens ont pu faire, dans ce domaine, l'expérience de la trop grande lourdeur caractérisant parfois les services de l'État. La création, à Charleville-Mézières, de l'Agence nationale des titres sécurisés procède, outre d'une mission régalienne consistant à assurer à nos concitoyens la délivrance de titres sécurisés, d'une volonté de l'État de se réformer et de se moderniser dans un domaine où nous avions, chacun le sait, beaucoup de retard.
Je pense également à l'allégement et à la centralisation en préfecture du contrôle de légalité. Dans un domaine où sont requis à la fois un haut degré d'expertise et une approche interministérielle, la centralisation en préfecture permettra le regroupement des compétences et débouchera sur une plus grande efficacité. Les réponses du contrôle de légalité seront homogènes sur le territoire, alors qu’aujourd’hui elles ne le sont parfois pas à l’intérieur d’un même département. Cette mesure était donc plus que nécessaire.
Je pense enfin à la réorganisation des services déconcentrés de l'État. Au niveau départemental, ces services seront non pas réorganisés en fonction des périmètres ministériels, mais recentrés autour des préoccupations prioritaires de nos concitoyens. Le niveau régional sera lui aussi réorganisé autour de directions moins nombreuses et plus cohérentes avec la mission de pilotage au niveau local des politiques publiques dévolue à cet échelon. Nous appelons votre attention, madame la ministre, sur la nécessité d’assurer une bonne articulation entre départements et régions, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
Je conclurai en rendant un hommage appuyé à toutes celles et tous ceux qui travaillent dans les préfectures et sous-préfectures – dans les territoires ruraux, nous sommes particulièrement attachés aux sous-préfectures – et qui assurent ce lien si indispensable non seulement entre l'État et les collectivités territoriales, mais également entre l'État et ses citoyens. À ce titre, je regrette une nouvelle fois le déficit d'attractivité que connaissent ces carrières.
Mes chers collègues, l'État territorial se trouve aujourd'hui confronté à une nécessaire réforme. Nous ne pouvons en rester à une organisation datant de plusieurs dizaines d’années. C'est en nous appuyant sur la culture de l'expérimentation – de grâce, n’appliquons pas sur tout le territoire la même organisation ! – et sur la culture de l'évaluation que nous pourrons aboutir à la clarification que nos concitoyens appellent de leurs vœux entre les fonctions régaliennes, qui doivent rester la prérogative de l'État, et les missions devant être assurées par les collectivités, qu’elles soient régionales, départementales ou communales.
L’audace, l’innovation, la concertation seront – nous en sommes convaincus – les piliers de la réforme. La mission « Administration générale et territoriale de l’État » en prenant la direction, nous voterons ses crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.
M. Bernard Gérard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi en premier lieu de féliciter Marc Le Fur pour la pertinence du travail qu’il a effectué, en sa qualité de rapporteur spécial, sur cette mission d’importance tant pour l’État que pour nos concitoyens.
La régalienne mission « Administration générale et territoriale de l'État » revêt une importance particulière dans la mesure où elle incarne la permanence de l'État. Si elle représente moins de 1 % de l'ensemble du budget de la nation – 2,6 milliards d’euros, 35 000 fonctionnaires, comme cela a été dit –, elle porte sur des aspects essentiels : la continuité et la modernisation de l'État, le fonctionnement de la démocratie ou encore l'identité des personnes.
L'action menée en la matière doit permettre à l'État d'exercer ses responsabilités tout en répondant aux exigences de concentration, de modernisation et d'efficacité. Les objectifs présentés par le rapporteur répondent à cette triple exigence puisque, à la suite des réformes engagées, la délivrance des titres sera améliorée, l'organisation des services déconcentrés simplifiée et la gestion du ministère optimisée.
Comme cela a été dit, si les crédits affectés à cette mission connaissent une baisse sensible en 2009, loin de s'en inquiéter, il faut se réjouir de voir l'État donner l'exemple aux collectivités territoriales en rationalisant l'appareil d'État par une démarche vertueuse de performance, d'optimisation et de tests, notamment avec le système Chorus.
M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Très bien !
M. Bernard Gérard. Certes, cette baisse trouve en partie sa source dans une année électorale moins chargée que 2007 et 2008, mais elle traduit également une réduction des effectifs, conformément aux efforts demandés, et même un peu plus. Elle traduit également une évolution des prérogatives de la mission, dans la mesure où les passeports et cartes grises, qui dépendaient jusqu'à présent des préfectures, seront désormais du ressort de l'Agence nationale des titres sécurisés, dotée de fonds propres.
Répondant à l'exigence de modernisation, deux réformes majeures sont mises en place, avec la délivrance des passeports biométriques, obligatoires à partir du 28 juin 2009, et l’introduction des nouvelles plaques minéralogiques, qui simplifieront et sécuriseront la procédure, par le système national d'immatriculation à vie des véhicules.
La procédure de délivrance des passeports biométriques permettra de raccourcir les délais tout en renforçant la sécurité des titres pour prévenir la fraude. Chacun ne peut que s’en réjouir. Nombreux sont les maires ou les citoyens offusqués par les longues files d'attente en préfecture et les délais d'obtention trop longs. Les rationalisations vont dans le bon sens, à condition que les moyens soient mis en œuvre pour que cela ne se traduise pas par des charges nouvelles pour les collectivités. La concertation doit donc être de mise.
À cet effet, je tiens à souligner un point relatif aux modalités de délivrance des nouveaux passeports fixées par la circulaire du 7 mai 2008. Au total, 2 000 communes sont susceptibles d'accueillir les demandes de nouveaux passeports ; elles auront à répondre aux demandes de leurs administrés, mais aussi à celles des usagers des communes voisines. C’est une démarche d’une grande nouveauté, qui sera bientôt étendue aux cartes nationales d'identité. Je souhaite insister sur la nécessité que le fonds de compensation prévu soit à la hauteur des charges assumées par les communes, car nombreux sont ceux qui s’inquiètent des conséquences que pourrait avoir cette réforme.
Parallèlement à ces deux entreprises de modernisation, le programme relatif à l'administration territoriale prévoit de réformer les services déconcentrés de l'État. Cette réforme répond à la revue générale des politiques publiques. L'autorité du préfet de région sur le préfet de département est réaffirmée, ainsi que le renforcement de l'échelon régional, niveau de pilotage de droit commun des politiques publiques de l'État sur le territoire.
La réforme de l'État s'accompagne d'une exigence de simplification et de clarification des services déconcentrés de l'État en région. Voulue également par la revue générale des politiques publiques, cette réorganisation doit se faire, madame la ministre, de manière concertée. L’État ne doit pas craindre de communiquer avec les élus, car une réforme réussie est une réforme totalement partagée. Je m'associe sur ce point aux observations de notre rapporteur, Marc Le Fur, mais je sais que nos concitoyens adhèrent totalement à ces démarches.
La simplification de l’organisation des services déconcentrés de l’État sera bénéfique pour les usagers, qui ont besoin de lisibilité afin de savoir où et à qui s’adresser. Cette clarification est essentielle, car elle est un outil au service de l’efficacité, tout en permettant à l’État de réaliser des économies substantielles. Comment ne pas se réjouir de voir le nombre des services déconcentrés passer de trente-cinq à huit ? Cela va dans le sens d’une meilleure administration de notre pays.
La mutualisation des moyens se caractérisera également par des implantations immobilières, qui doivent être encouragées pour garantir une plus grande productivité administrative, un meilleur accès des usagers aux services, ainsi que, tout simplement, une réduction de la dépense publique.
Permettez-moi cependant de souligner que certains départements sont sous-administrés.
M. Marc Le Fur, rapporteur. C’est vrai !
M. Bernard Gérard. Le département du Nord, par exemple, compte 3,37 agents pour 10 000 habitants. Si des économies et des optimisations sont possibles, essayons de voir dans quelles conditions nous pourrons mettre fin à ces inégalités et, sans aggraver la charge de l’État, rééquilibrer la situation au profit de certains départements, qui en ont besoin.
Je tiens en tout cas à saluer le travail extraordinaire des agents de l'administration générale, qui jouent un rôle clé au service des citoyens et se trouvent au cœur de la mise en œuvre des réformes.
Nous le voyons : les chantiers de réforme de l'administration territoriale sont nombreux. L'État est à la manœuvre pour exercer ses prérogatives de manière efficace, adaptée et rationalisée, en vue de développer une administration pleinement au contact des citoyens. C’est tout cela qui trouve sa traduction dans votre budget, et c’est pourquoi nous le soutiendrons avec conviction et enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, mesdames et messieurs les députés, à travers cette mission « Administration générale et territoriale de l’État », c’est la question de l’État que nous voulons qui se pose.
Je pense qu’un État moderne est d’abord un État qui protège. C’est un État capable de protéger ses citoyens face à des risques dont nous voyons bien qu’ils sont à la fois de plus en plus nombreux et complexes, voire imprévisibles.
Un État moderne, c’est aussi un État proche des citoyens, c’est-à-dire capable d’agir au plus près de leurs attentes et de leur vie quotidienne.
C’est, enfin, un État qui affirme son autorité et sa présence, sereinement, mais sur tous les territoires et dans tous les domaines. Il y a aujourd’hui une attente d’autorité de l’État ; nous sommes passés d’une période de contestation de cette autorité à une période de demande, parce que c’est elle qui rassure, dans un monde mouvant qui apparaît souvent comme menaçant.
Le projet de budget que j’ai l’honneur de vous soumettre aujourd’hui vise à satisfaire ces trois exigences qui sont celles d’un État moderne. monsieur Vigier, cela correspond effectivement à notre devoir.
Vous avez eu raison, monsieur Le Fur, de souligner que les crédits de cette mission sont en baisse. Une partie de cette baisse a un caractère automatique, certaines dépenses n’ayant pas vocation à être reconduites chaque année. Vous avez souligné la nécessité d’un moindre coût électoral. Je pense comme vous qu’une réflexion doit être menée sur le coût pour l’État des campagnes électorales. Nous fonctionnons avec des systèmes très anciens, très pesants, et je ne suis pas sûre qu’à l’heure de la télévision, ces modalités se justifient encore, au moins pour certaines élections nationales, voire européennes. C’est un sujet sur lequel nous devons travailler ensemble, car chacun d’entre vous est au contact des citoyens et des électeurs, et donc le mieux à même d’apprécier dans quelle mesure certaines transformations seront acceptées.
Si un effort financier particulier a été fait sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État », c’est parce que j’ai souhaité que, dans un ministère qui comporte de nombreuses missions, des priorités soient dégagées. Établir un budget, c’est faire un certain nombre d’arbitrages, que je revendique.
J’ai notamment obtenu que nous soyons privilégiés par rapport à d’autres ministères en matière de personnel. La règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne se traduit en effet, au ministère de l’intérieur, que par le non-remplacement de 40 % des effectifs partant en retraite. Encore ces 40 % ne sont-ils pas équitablement répartis entre toutes les catégories de personnel. Nous sommes en effet dans un environnement instable et menaçant, et il m’a semblé logique et nécessaire d’arbitrer en faveur des forces de sécurité, de sorte que l’effort demandé aux policiers et aux gendarmes est moindre : 32 % seulement de leurs effectifs ne seront pas remplacés, le gros des mesures étant supporté par l’administration générale et territoriale de l’État. C’est possible parce que, comme vous l’avez souligné, les missions de l’État se sont transformées et parfois allégées.
J’en reviens aux trois missions que j’attribue à un État moderne. Un État moderne, c’est d’abord un État capable de protéger, ce qui constitue la mission essentielle de ministère de l’intérieur, dont j’entends faire un grand ministère moderne de la sécurité. Cela passe par des capacités de prévention et d’anticipation des menaces, indispensables dans le monde actuel où tout évolue en permanence et où il faut être capable d’identifier les dangers potentiels.
Dès mon arrivée place Beauvau, j'ai donc voulu apporter au ministère des capacités d'anticipation, de prévention et de préparation des crises de toute nature. La création de la délégation générale à la prospective et à la stratégie, celle de la direction de la planification de sécurité nationale, la désignation de la secrétaire générale comme haut fonctionnaire de défense s'inscrivent dans cette perspective : ne pas être le nez sur le guidon mais prévoir et agir en conséquence.
De la même façon sera mis en place mi-2009 un centre de coordination interministériel de crise. Situé dans les locaux du ministère, il permettra de faire face à n’importe quelle crise, qu’elle soit d’origine naturelle, industrielle ou terroriste. Malheureusement, les dérèglements climatiques de ces derniers jours nous ont prouvé à quel point une telle structure était indispensable.
Depuis le 1er septembre 2008, enfin, la délégation générale à l'outre-mer regroupe les services de l'ancien ministère de l'outre-mer, ce qui renforce l'efficacité de notre action. Notre ambition est d’en faire une administration de mission, résolument tournée vers l’action.
Monsieur Pupponi, il ne s’agit pas d’affaiblir l’État mais de le muscler et de lui donner les moyens d’affronter l’avenir.
Monsieur Vigier, je plaide en effet pour un État qui assume ses vraies missions, quitte à renoncer pour cela à des modes de fonctionnement hérités du passé mais devenus inefficaces. Je plaide pour un État à la pointe du progrès, au bénéfice des citoyens, car la seconde caractéristique d’un État moderne est, à mes yeux, d’être proche des citoyens.
Je vous ai souvent proposé, monsieur Le Fur, d’engager ensemble une réflexion sur les services publics. En effet, ceux-ci fonctionnent encore très largement, sur le terrain, selon des modalités qui étaient celles du xixe siècle. Or nous avons aujourd’hui les moyens de rapprocher les services du citoyen.
C’est notamment l’objet du dispositif de pré-plainte en ligne, en cours d'expérimentation dans deux départements, les Yvelines et la Charente-Maritime. Il s’agit de permettre aux personnes qui subissent un dommage de préremplir sur Internet leur formulaire de plainte, avant d’obtenir un rendez-vous au commissariat, ce qui leur évitera de perdre du temps. J’espère que ce dispositif, expérimental pour six mois, pourra être étendu à l’ensemble du territoire, pour la plus grande satisfaction de nos concitoyens.
Dans le même esprit, j’ai délivré, vendredi dernier à Chantilly, le premier passeport biométrique. Le 1er juillet prochain, les passeports biométriques seront généralisés et nous aurons ainsi respecté nos engagements européens et internationaux. Dans le même temps, nous éviterons à nos concitoyens des déplacements coûteux et polluants ainsi que d’interminables files d’attente.
Les nouvelles cartes d'identité, délivrées demain dans des conditions de proximité identiques, offriront de vraies garanties de sécurité. Car un État moderne est un État qui sécurise. Or, aujourd’hui, des dizaines de milliers de faux papiers sont en circulation, et les captations d’identité représentent pour nos concitoyens qui en sont victimes une véritable catastrophe.
M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Tout à fait !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Certaines personnes se retrouvent ainsi dans l’impossibilité d’obtenir un permis de conduire ou doivent même subir des poursuites pénales pour des délits qu’elles n’ont pas commis. Sans parler des escroqueries sur Internet. Un État moderne doit donc sécuriser ses documents.
Je souhaite pour cela que les nouveaux titres sécurisés soient entièrement déployés en 2009, grâce à la montée en puissance de l’Agence nationale pour les titres sécurisés, implantée à Charleville-Mézières. Cela permettra entre autres de garantir les transactions sur Internet, où le développement des escroqueries prend une ampleur préoccupante.
Il faut, pour ces titres, et notamment pour les cartes d’identité, un environnement juridique approprié. Pour répondre aux préoccupations parfaitement légitimes qui se font jour sur l'utilisation de la biométrie, je souhaite déposer un projet de loi au premier trimestre 2009 à ce sujet ; nous aurons alors l’occasion d’en discuter ensemble, en toute liberté et guidés par le seul souci d’améliorer la vie de nos concitoyens.
M. Marc Le Fur, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. J’ai bien entendu que certains s’inquiètent du coût de ces titres pour les mairies, puisque, dans un souci de proximité, ce sont elles désormais qui assureront leur délivrance.
J'entends ici régler le vieux contentieux attaché à l’arrêt du Conseil d’État « Commune de Versailles ». Ce contentieux est né, je le rappelle, d’une erreur de forme et non de fond, puisque le Gouvernement, en 2001, avait parfaitement le droit de demander aux collectivités de délivrer des titres d’identité – ce qui fait partie de la mission du maire –, à ceci près qu’il aurait dû le faire par la loi et non, comme ce fut le cas, en usant du décret et de la voie réglementaire.
Pour solder ce contentieux, j'ai travaillé avec l'Association des maires de France et son président. Nous sommes parvenus à une solution que je crois équilibrée. Il est donc temps maintenant de la proposer au vote du Parlement, par exemple à l'occasion du prochain collectif.
S'agissant de l’avenir et de l'indemnisation relative à la délivrance des passeports, je rappelle qu'elle ne concerne par principe que le travail effectué pour les demandes de passeport émanant de citoyens ne résidant pas dans la commune, la délivrance des titres aux habitants étant, elle, une obligation légale au titre de l’état civil pour le maire, qui agit par délégation au nom de l’État et n’a droit pour cela à aucune indemnisation.
L’indemnisation ne concerne donc aujourd’hui que les 1 998 mairies qui se sont portées volontaires et ont été sélectionnées pour la délivrance de passeports biométriques. Nous avons, pour toutes ces communes, pris en charge la totalité de l’investissement nécessaire à la fabrication des documents : la table, le matériel photographique et le matériel de prise d’empreintes digitales.
Restent les personnels affectés à cette tâche, qui justifient, selon nos calculs, le versement d’une indemnité de 3 200 euros par station. Certains ont dit que cette indemnité, calculée sur la base d’une mobilisation de quinze minutes par passeport, n’était pas suffisante. Or, nous avons assisté, à l’occasion de la délivrance des deux premiers passeports à Chantilly, à l’accomplissement de ces formalités. Sur les deux requêtes, l’une a pris moins de huit minutes et l’autre neuf, suite à une erreur sur le nom de la personne, que l’agent a dû rectifier. Nous sommes donc loin des quinze minutes prises en compte dans nos calcul.
Mais, comme je l’ai dit devant la commission, je n’ai pas d’a priori en la matière. D’ici quelques mois, nous aurons le recul nécessaire pour évaluer au mieux le temps requis par l’opération, et nous ferons alors les ajustements nécessaires. Voilà, me semble-t-il, de quoi répondre aux préoccupations des maires.
Le troisième exemple que je voulais citer du rapprochement entre l’État et les citoyens, c’est le système d'immatriculation à vie des véhicules. Il s’agit, là encore, d’un système plus simple et plus sécurisant. L’usager n’aura plus besoin de se rendre à la préfecture ou à la sous-préfecture, mais il effectuera chez son concessionnaire les démarches pour l’immatriculation. Celle-ci lui sera attribuée pour toute la vie du véhicule, même en cas de déménagement, ce qui représente, au-delà de la simplification, une réelle économie de coûts.
Vous avez évoqué le débat qu’a suscité l’attachement de certains à la présence sur les plaques du numéro de département. C’est un des points auxquels, lorsque la réforme a été lancée en 2005, j’avais moi-même réagi, sans avoir d’ailleurs été réellement entendue, y compris sur les bancs de cette assemblée. Je suis d’autant plus favorable à des aménagements en la matière, que j’apprécie personnellement le fait que ma voiture soit immatriculée « 64 », y compris lorsque je suis à Paris, car cela suscite plutôt un sourire sympathique chez les agents de police.
C’est la raison pour laquelle j’ai décidé que figureraient obligatoirement sur les nouvelles plaques le numéro du département et le sigle de la région. Liberté sera cependant laissée à ceux qui aiment leur département d’origine de choisir son numéro, même s’ils résident et roulent à Paris.
M. Philippe Vigier. Excellent !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. La redevance et la taxe prévues au titre de ce nouveau système d’immatriculation doivent couvrir le coût de fabrication des titres par l’Agence nationale des titres sécurisés et celui de leur envoi aux usagers. N’oublions pas qu’en contrepartie, l’usager, qui n’a plus à se déplacer, économise du temps et de l’argent.
Je m’engage, bien entendu, à ce que l'ANTS fonctionne avec une obligation de performance, et donc à ce que la taxe soit maintenue à quatre euros par véhicule.
En troisième lieu, l’État moderne doit affirmer sa présence et son autorité sur tout le territoire.
Il est essentiel de recentrer l’administration de l’État sur ce qui forme le cœur de ses missions. Depuis vingt ans, les choses ont changé de façon extraordinaire. De nombreuses compétences sont passées aux collectivités territoriales ; plus personne ou presque ne travaille aujourd’hui comme il travaillait hier. La dématérialisation, notamment du contrôle de légalité, est déjà présente dans certaines préfectures, et se développe même considérablement. À l’évidence, si nous voulons un État plus musclé, mieux adapté à la modernité, il nous faut tenir compte de ces facteurs, à la fois dans l’attribution des compétences et dans les modalités de leur exercice.
Les préfectures doivent donc être recentrées sur leurs missions essentielles. Éviter les redondances, transformer les préfectures pour passer à un système par mission, donc à un meilleur service rendu au citoyen : nous le faisons déjà, monsieur Pupponi. C’est sur ces fondements que sont restructurées les préfectures ; dans les départements, l'administration départementale reposera sur la préfecture, la direction départementale de la population et de la cohésion sociale, la direction départementale des territoires, la direction départementale des finances publiques, les services chargés de la sécurité intérieure et enfin l’inspection d’académie.
Sécurité, finances publiques, population et cohésion sociale, aménagement du territoire : ce sont là les missions premières de l’État ; elles sont ainsi remplies et l’organisation de l’État est à même de répondre aux besoins de nos concitoyens. Je crois répondre ainsi aux préoccupations exprimées par M. Vigier.
J’entends bien les interrogations de M. Lambert, notamment, sur la direction départementale de la cohésion sociale. Celle-ci pourra être créée si l’importance démographique du département et les nécessités en matière de cohésion sociale ainsi que de politique de la ville le justifient : elle ne sera donc créée que si le besoin s’en fait sentir, en cas de problèmes particuliers, souvent d’ailleurs liés les uns aux autres. Précisons clairement que la décision ne sera pas prise par le ministère ; c’est le préfet qui fera la proposition, après analyse du terrain et concertation avec les élus locaux.
Nous avons peu parlé de l’outre-mer ce soir, mais je tiens à souligner qu’Yves Jégo et moi-même avons demandé que le même travail soit effectué pour l’outre-mer, en tenant compte des spécificités institutionnelles de ces territoires.
Je recevrai les propositions à partir du 28 novembre. Elles feront ensuite, au niveau interministériel, l'objet d'arbitrages de M. le Premier ministre.
Il a aussi été beaucoup question, ce soir, du problème des sous-préfectures. Je le répète, ma conception de la présence et de l’autorité de l’État m’amène à considérer qu’elles sont encore plus nécessaires dans les territoires les plus fragiles et les plus isolés. Il n’est donc pas question de supprimer de petites sous-préfectures dans des territoires où elles sont presque seules à représenter l’autorité de l’État.
M. Jacques Kossowski. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. S’il doit y avoir suppression, ce doit être là où il y a un réseau d’administration très dense, et où la circulation est facile. Ce sera donc, le cas échéant, dans les banlieues de grandes agglomérations, là où la sous-préfecture est proche de la préfecture et où les transports sont abondants. De facto, dans ces zones urbaines, les élus s’adressent d’emblée à la préfecture : ils ont tendance à ignorer la sous-préfecture. Bien entendu, ce peut être un peu différent pour les citoyens. Si cela se révèle utile, nous pourrons laisser un bureau sur place, qui sera chargé d’accueillir les citoyens dans tel ou tel domaine particulier, mais une sous-préfecture dans son ensemble n’est pas toujours nécessaire.
Tout en maintenant les sous-préfectures, il faudra tenir compte d’un certain nombre d’évolutions. De nombreuses missions qui leur étaient naguère dévolues ont été transférées aux collectivités territoriales. De nombreuses transformations technologiques allègent leur travail, notamment en matière de titres. Mais je tiens aux sous-préfectures, parce qu’en me rendant souvent sur le terrain – comme vous, qui êtes des élus de terrain – j’ai constaté qu’elles jouent un rôle essentiel, en particulier un rôle de conseil, notamment auprès des maires de petites communes. Ceux-ci ont besoin de conseils à la fois objectifs et rassurants, au milieu du fouillis législatif – je ne vise en rien les parlementaires (Sourires) – qui encombre un certain nombre de domaines, notamment celui des marchés publics. Aujourd’hui, de nombreuses communes ne peuvent bénéficier de l’expertise suffisante pour agir de façon certaine. Et le risque, y compris pénal, n’est pas nul. L’État a un rôle à jouer : il doit rassurer, grâce au représentant de l’État à la sous-préfecture.
Je voudrais aussi faire justice de rumeurs ou d’amalgames : l’État voudrait supprimer les sous-préfectures, et pour cela il permettrait à des conseillers d’administration d’occuper des postes de sous-préfet. Je suis surprise d’entendre parfois – mais pas ici, ce soir, et je m’en réjouis – que les conseillers d’administration seraient des sous-préfets au rabais. Honnêtement, essayez de demander aux élus, en ayant en tête le rôle de conseil que je viens de mentionner, s’ils préfèrent un jeune énarque de vingt-trois ans – je n’attaque pas les jeunes énarques – qui débarque frais émoulu dans une sous-préfecture rurale, ou un conseiller d’administration qui a derrière lui vingt ans de contact avec les élus et les problèmes quotidiens ? Vous verrez la réponse !
M. Philippe Vigier. Appelons-le sous-préfet, alors !
M. André Chassaigne. Il lui manque l’uniforme !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Je n’ai jamais dit qu’il n’y aurait pas d’uniforme ! Pour moi, l’autorité de l’État passe aussi par les symboles.
M. Philippe Vigier. À Thiers, on lui mettra un uniforme !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Bref, je n’aime pas cette forme de mépris pour les conseillers d’administration. Elle n’a aucune justification : un quart des directeurs de cabinet des préfets sont des conseillers d’administration ; personne ne trouve à redire au fait que ces fonctions soient occupées indifféremment par un conseiller d’administration ou un sous-préfet !
Je souligne aussi mon attachement à la promotion sociale – et j’ose espérer qu’il est partagé sur tous les bancs : pour un conseiller d’administration, occuper des fonctions de sous-préfet est une véritable promotion sociale. Il est nécessaire de motiver les personnels administratifs, et de telles perspectives de carrière permettent de le faire. Cette mesure sera donc mise en œuvre. J’ajoute, en réponse à M. Lambert, que les conseillers d’administration qui sont directeurs de cabinet d’un préfet sont astreints, par leurs fonctions mêmes, à la même permanence que le corps préfectoral.
Nous pourrons bien sûr continuer à échanger sur tous ces sujets : j’aime parler avec les élus, car c’est comme cela que l’on comprend les problèmes. Mais je voulais faire litière de fausses idées ou de rumeurs qui ont pu circuler.
Les fonctionnaires du ministère auront donc beaucoup à faire dans la mise en œuvre et la modernisation du nouvel État territorial – je remercie d’ailleurs tous ceux qui, ce soir, leur ont rendu hommage.
Nous allons supprimer un certain nombre de tâches, qui sont souvent mécaniques, répétitives, et demander plus de qualification : il faudra donc un personnel plus qualifié. Le projet de loi de finances permet d’ailleurs de requalifier 1 100 emplois supplémentaires dans les préfectures. Moins de personnels, mais des personnels plus qualifiés : voilà qui suppose aussi de mettre l’accent sur la formation, y compris la formation permanente. C’est l’une des priorités que j’ai fixées dans ce ministère : la promotion sociale implique la formation permanente. Il faudra aussi mieux gérer l’individualisation des parcours, mieux prendre en compte l’adéquation du profil au poste et valoriser au mieux toutes les compétences des agents, au service de nos concitoyens. C’est bien ce que j’ai l’intention de faire ; je le dis à l’intention de M. Lambert.
Il faut aussi savoir récompenser les agents qui le méritent. C’est pourquoi, en matière d’indemnités, un accent particulier sera mis sur la prise en compte des résultats individuels et collectifs. Monsieur Le Fur, nous avons fait un effort l’an dernier ; mais cet effort continue. La progression n’est pas similaire, mais il n’y a aucun renoncement de notre part, d’autant que le contexte de ce budget est très particulier.
Je ne voudrais pas non plus laisser sans réponse l’intervention de M. Pupponi. Je vous remercie d’avoir dit que l’accord trouvé sur la dotation de solidarité urbaine était bon : quand on regarde les choses objectivement, sans supposer d’arrière-pensées aux uns et aux autres, on arrive à trouver de bons accords. S’agissant de la dotation de développement urbain, je précise qu’elle doit servir à financer des projets d'investissement, sans qu'il soit pour autant exclu qu'elle puisse financer des actions qui se révéleraient utiles.
En réponse encore à M. Le Fur, à propos du contrôle de légalité et des produits financiers « structurés », je précise qu’une réunion avec Mme Lagarde, des élus et des représentants des banques s’est tenue. Il faut souligner que les problèmes ne touchent sans doute qu’un nombre très limité de communes, la plupart ayant choisi des emprunts à taux fixe. Et il existe de très nombreux produits structurés : certains représentent un véritable risque, d’autres aucun ; ils peuvent aussi s’apprécier sur la durée : des exemples de gains financiers importants les années précédentes ont été cités ce matin en commission. Les difficultés ne sont donc peut-être pas si importantes : tout dépend de la nature du produit.
Mme Lagarde a proposé une charte de bonnes pratiques, qui nous permettrait à l’avenir d’améliorer l’information des élus des collectivités territoriales eux-mêmes – peut-être à l’occasion du vote du budget ou lors d’un rapport spécial – et, plus largement, de produire une analyse globale de la situation. Il n’est évidemment question pour nous ni de porter atteinte à l’autonomie financière des collectivités territoriales, ni de nous substituer aux responsabilités des élus : il s’agit seulement d’éclairer leurs choix.
Ce projet de budget 2009 doit nous permettre d’aller de façon déterminée dans le sens de la modernisation de l’État, tout en restaurant le lien de confiance et de proximité entre l’administration et le citoyen, afin de préparer l’avenir ensemble. Je pense qu’il nous donne les moyens de mettre en œuvre cette approche à la fois pragmatique et ambitieuse de l’administration française. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2009 :
Administration générale et territoriale de l'État (suite) ;
Sécurité publique.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma