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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 4 décembre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal

. Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision

Discussion des articles (suite)

Article 8 (suite)

M. Jean Dionis du Séjour

M. Christophe Caresche

Rappel au règlement

M. Michel Herbillon

Application de l’article 57 du règlement

Rappels au règlement

M. Didier Mathus

M. Noël Mamère

Présidence de M. Marc Laffineur

Amendements nos 177 à 183, 792

Rappels au règlement

M. Noël Mamère

M. Didier Mathus

Reprise de la discussion

Amendements nos 68, 793, 493, 494, 495, 496, 499, 69

M. Christophe Caresche

M. Noël Mamère

Rappel au règlement

M. Didier Mathus

Article 9

M. Patrice Martin-Lalande

M. Patrick Braouezec

M. Patrick Bloche

M. Michel Françaix

Application de l’article 57 du règlement

M. Didier Mathus

Rappel au règlement

M. Noël Mamère

M. Didier Mathus

Amendements nos 184 à 190, 794, 2, 70 rectifié, 795, 500 à 502, 506, 192, 193

M. Michel Françaix

Amendement no 72, 872 (sous-amendement)

M. Patrick Braouezec

M. François Loncle

M. Jean Dionis du Séjour

Article 10

M. Michel Herbillon

M. François Loncle

Rappel au règlement

M. Marcel Rogemont

Reprise de la discussion

Demande de vérification du quorum

M. Jean-François Copé

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Danièle Hoffman-Rispal,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Communication audiovisuelle
et nouveau service public de la télévision

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (nos 1209, 1267).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits à l’article 8.

Article 8 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Madame la présidente, je voudrais d’abord présenter mes excuses à la présidence, fonction que vous occupez maintenant, pour avoir manifesté un moment d’humeur envers Marc Laffineur qui vous a précédée ce matin. Je lui reprochais de ne m’avoir pas donné la parole alors que je l’avais demandée plusieurs fois sur les amendements. En fait, il y avait une explication. Sans doute un peu surchauffé par ce qui se passe en séance, il a décidé de limiter le nombre des prises de parole à deux : une pour, une contre.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est le règlement !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est peut-être le règlement, mais pour que les échanges restent décontractés, je voudrais que l’on en revienne à la règle habituelle qui permet à chaque groupe de s’exprimer. Le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai accumulé beaucoup de retard de temps de parole par rapport à certains groupes qui se sont largement exprimés, comme ils en ont le droit. Je voulais donc présenter mes excuses à la présidence et vous demander de revenir à la règle habituelle : une explication par groupe représenté.

Avec cet article 8, nous abordons l’un des points très importants du projet, et il suscite une forte réaction de nos collègues socialistes. Toutefois, les députés centristes considèrent qu’il n’arrive qu’en deuxième place dans l’ordre des priorités, après l’enjeu du financement. Je voudrais que ce soit pris en compte dans la conduite du débat, afin que nous puissions nous expliquer à fond sur le financement, le point central. Comme vous le savez, le groupe centriste a émis des réserves sur cet aspect, alors qu’il approuve la réforme de l’organisation de France Télévisions.

S’agissant de l’article 8, nous ne trouvons pas scandaleux que l’État – l’unique actionnaire – et son légitime représentant – le Président de la République – désignent les responsables des sociétés de l’audiovisuel public. On ne peut pas vouloir tout et son contraire. L’État est actionnaire et financeur unique de ces sociétés ; nous avons plaidé pour cela, notamment dans le cadre de l’article 4. Dans ce cas, on doit reconnaître son droit à diriger et à influencer ces sociétés.

Dans cette affaire, nous aurions intérêt à dépasser ce que nous pensons en bien ou en mal du Président de la République actuel. Nous légiférons dans le temps, et nous devons garder cette perspective de moyen terme, en nous souvenant d’une chose : le chef de l’État français est élu au suffrage universel – ce qui n’est pas forcément le cas chez nos voisins européens –, dans la seule élection qui rassemble tous les citoyens, et il en tire une légitimité démocratique extrêmement forte. Nous pourrons débattre du pluralisme, mais nous sommes tous des démocrates, et nous devons faire attention à ne pas aller trop loin dans la contestation de la légitimité démocratique du Président de la République.

Pour les présidents de sociétés de l’audiovisuel public, il nous est proposé le même mode de désignation que pour ceux des autres sociétés nationales. Nos collègues de gauche critiquent cette solution et font valoir que l’audiovisuel et plus globalement l’information doivent faire l’objet d’une approche spécifique. Je vais revenir sur cet argument qui peut être recevable, mais nous ne devons pas exagérer et dramatiser les conséquences d’une telle solution.

La gauche et la commission Copé avaient proposé d’autres solutions. Dans l’annexe 8 du rapport de cette commission, j’avais moi-même indiqué que nous ferions bien de nous inspirer du modèle de la Caisse des dépôts et consignations. Avec bonheur depuis 1816, la CDC est dirigée par un conseil de surveillance qui élit son président, et un directeur général nommé par décret en conseil des ministres. La séparation de ces deux fonctions aurait pu constituer une solution sur laquelle nous pourrons revenir au cours des débats.

Didier Mathus présente un autre chemin : l’amélioration du système de désignation par le CSA. Cette proposition est recevable, tout comme l’argument consistant à faire remarquer que la plupart des pays européens recourent à d’autres procédures de nomination. Toutefois, en général, ces pays ne peuvent s’appuyer sur une légitimité démocratique aussi forte…

M. Marcel Rogemont. Pourquoi ?

M. Jean Dionis du Séjour. … que celle du Président de la République française qui est élu directement au suffrage universel, dans la seule élection qui rassemble tout le peuple français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande. C’est un détail qui change tout : le Président de la République est élu et pas à 42 voix d’écart !

M. Jean Dionis du Séjour. À mon avis, il ne faut pas aller trop loin sur le terrain de la légitimité démocratique. Le groupe centriste va écouter les arguments de la droite et de la gauche avant de se situer dans ce débat important.

Nous ne voulons pas que l’impact de cet article soit surestimé. D’abord, ce serait faire injure aux professionnels de penser que les journalistes ne veilleront pas à exercer leur métier dans le respect d’une éthique. Ensuite, l’État et son chef seront de toute façon très influents via la négociation du contrat d’objectifs et de moyens et l’octroi des moyens financiers. Enfin, nous sommes entrés dans l’ère de l’Internet. L’opinion publique est davantage façonnée par l’Internet que par l’audiovisuel public. Souvenez-vous, en 2005, aucun média n’avait plaidé pour le « non » au référendum sur le traité européen ; résultat des courses : le traité a été rejeté par 54 % des votants. Regardez le rôle d’Internet dans l’élection d’Obama.

Ne délirons pas trop sur la mainmise de l’audiovisuel public sur l’opinion. Si la solution retenue dans le projet de loi n’est pas heureuse et marque un recul en matière de pluralisme – c’est le moins qu’on puisse dire –, nous devons reconnaître qu’elle n’est pas illégitime sur le plan démocratique et qu’elle peut présenter des avantages sur celui de l’efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je vais ajouter ma voix à toutes celles qui se sont exprimées ce matin pour mettre en relief le caractère à la fois régressif et inacceptable de cet article 8.

En réalité, avec cet article 8, le Gouvernement et le Président de la République nous ramènent à l’époque d’avant les luttes et les débats polémiques des années 1970-1980 qui ont abouti à couper, une fois pour toutes, le cordon ombilical entre les responsables des chaînes publiques et le pouvoir, et à rendre l’audiovisuel public indépendant.

Un consensus politique s’était créé autour de cette évolution. Il a fallu attendre l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République pour voir remis en cause un dispositif accepté par tous à droite comme à gauche, par Jacques Chirac lorsqu’il était Président de la République, par Édouard Balladur lorsqu’il était Premier ministre. Avec cet article, c’est aussi ce consensus politique patiemment élaboré que vous remettez en cause.

Enfin, n’en déplaise à Jean Dionis du Séjour, cet article porte aussi atteinte à des principes fondamentaux, même si vous avez modifié le dispositif pour vous mettre en conformité avec notre droit constitutionnel. La démocratie ne se limite pas à l’élection du président au suffrage universel. Elle passe aussi par l’État de droit, par des principes fondamentaux qui doivent être respectés. Comme certains l’ont rappelé ce matin, le Conseil Constitutionnel a clairement indiqué que la séparation entre le pouvoir politique et les responsables de l’audiovisuel public était conforme aux principes fondamentaux de notre droit. Or l’article 8 revient en partie sur ces principes.

Cette mesure marque une régression dangereuse et elle créera la suspicion sur la personne qui sera à la tête de l’audiovisuel public, quelle qu’elle soit. Pour toutes ces raisons, nous sommes fondamentalement contre cet article. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls. Je veux vous rappeler les propos de l’un des vôtres, un député estimé et estimable, François Baroin, concernant cet article 8 : « C’est une erreur politique. J’ai du mal à comprendre comment, en 2008, on peut présenter comme un progrès, un recul de vingt-cinq ans, quelque chose qui ne sert à rien. » Est-ce que les déclarations de M. Baroin ne vous interpellent pas ?

M. Patrice Martin-Lalande. On l’aime bien, mais il peut se tromper, M. Baroin !

M. Christophe Caresche. Est-ce que le fait que certains de vos collègues, au sein de la majorité, expriment les plus extrêmes réserves sur cette disposition, ne vous conduit pas à réagir et à vous y opposer ?

Frédéric Lefebvre s’est fendu d’un communiqué tout en nuances comme toujours – cela fait partie de son charme – dans lequel il reproche à Jean-Marc Ayrault d’avoir demandé la démission de Michel Boyon, ce matin. Loin de nous intimider, l’interpellation de M. Lefebvre nous incite à persévérer et à persister. Nous considérons que M. Boyon est sorti de son rôle…

M. Noël Mamère. Bien sûr !

M. Christophe Caresche. …qui consiste à garantir l’indépendance du Conseil supérieur de l’audiovisuel et non pas à se comporter comme un valet du pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis maintenant plusieurs semaines, M. Boyon est sorti de son rôle ; il se comporte comme un militant, ce qui est choquant eu égard aux fonctions qu’il exerce. Il devrait au moins rester neutre par rapport à ce projet de loi, et défendre l’indépendance du CSA au lieu d’accepter et même de demander le dessaisissement de cette instance en matière de nominations. Nous réclamons donc sa démission, et nous continuerons à le faire.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon, pour un rappel au règlement.

M. Michel Herbillon. Fondé, madame la présidente, sur l’article 58, alinéa 1.

Le projet de loi dont nous discutons propose une réforme ambitieuse de l’audiovisuel public. Nous sommes très attachés à ce que les Français disposent d’une télévision de qualité. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Pas nous ?

M. Michel Herbillon. Ambitieuse, cette réforme l’est sur le financement, la gouvernance, l’entreprise unique ou l’audiovisuel extérieur, alors que, depuis vingt ans, on se contente de discuter.

Nous souhaitons évidemment un vrai débat démocratique, fondé sur l’échange et la confrontation des arguments, afin d’écrire ensemble la meilleure loi pour l’audiovisuel public et ses personnels, les créateurs et nos concitoyens. Or, depuis le début de la discussion, nous assistons à une caricature de débat ; ou plutôt, pour l’appeler par son nom, à une obstruction régulière et constante, d’ailleurs théorisée par Patrick Bloche, qui en a décrit le modus operandi dans une interview.

Au nom du groupe UMP, je veux dire que les litanies, les mensonges, les caricatures, les invectives, les manipulations et la désinformation ne font pas un débat. Celui-ci ne réside pas davantage dans la mise en cause des personnes : le Président de la République, le président de la commission spéciale Jean-François Copé, le rapporteur, la ministre de la culture – scandaleusement attaquée par le président Ayrault la semaine dernière (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) –, le président du CSA ou les journalistes qui vous déplaisent. Les artifices de procédure, les rappels au règlement qui n’en sont pas, les multiples suspensions de séance (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)...

M. Patrick Braouezec. Et vous, qu’êtes-vous donc en train de faire ? Un rappel au règlement, peut-être ?

M. Marcel Rogemont. Certainement pas !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Attendez la conclusion !

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Herbillon a la parole.

M. Michel Herbillon. Je comprends que ce rappel au règlement gêne l’opposition, mais je souhaite m’exprimer sereinement et sans être interrompu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ces interruptions prouvent d’ailleurs à quel point mes propos font mouche.

M. Christophe Caresche. Sur quel article fondez-vous votre rappel au règlement ?

M. Jean-Claude Lenoir. Il l’a dit : le 58, alinéa 1 !

M. Michel Herbillon. Cette caricature de débat, disais-je, met en cause l’avenir du service public de l’audiovisuel. Tout cela renvoie une très mauvaise image de notre assemblée à nos compatriotes et ne permet pas de les éclairer. Le débat, oui ; l’obstruction, non.

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Michel Herbillon. Je termine, madame la présidente.

Quelques chiffres éloquents : depuis le début de nos travaux, nous avons subi vingt demandes de suspension de séance, cinquante-deux rappels au règlement et trois demandes de vérification du quorum.

M. Jean Leonetti. Scandaleux !

M. Michel Herbillon. Au total, tout cela a occupé six des trente-six heures de débats, au bout desquelles nous n’en sommes qu’à l’article 8.

Selon les statistiques – que l’on établit pour tous les textes – moins de sept amendements sont examinés par heure. Ce matin, pendant les deux heures trente de débats, on a assisté à quatre rappels au règlement et demandes de suspension de séance. Hier, pas moins de dix-huit orateurs s’étaient inscrits sur l’article 7, répétant inlassablement les arguments déjà entendus sur tous les articles précédents,…

M. Jean-Claude Lenoir. Quel manque d’imagination !

M. Michel Herbillon. …si bien que nous n’avons même pas pu, au bout de trois heures, examiner le moindre amendement.

Au surplus, on va jusqu’à présenter un par un huit amendements identiques avec les mêmes arguments. Vous ne pouviez d’ailleurs étouffer vos rires, chers collègues de l’opposition, tant vous jugiez vous-mêmes la manœuvre comique (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), ce qui n’est certes pas notre cas.

Nous sommes là pour parler, disait l’un d’entre vous. Eh bien non : nous sommes là pour débattre démocratiquement et écrire une loi essentielle pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Toutes les opinions sur l’article 8 s’étant exprimées, madame la présidente, il est temps de passer à la discussion des amendements. Je demande donc l’application de l’article 57 du règlement de notre assemblée, règlement auquel nous sommes tous attachés.

M. Jean Leonetti. Profondément attachés !

M. Michel Herbillon. Nos collègues de l’opposition le sont d’ailleurs tellement qu’ils brandissent volontiers le règlement pour nous faire la leçon.

Bref, appliquons notre règle commune pour débattre de l’article 8. Au reste, le hasard ne fait-il pas bien les choses ? Je m’exprime après M. Caresche, qui, en bon parlementaire qu’il est, a demandé l’application de ce point du règlement le 9 décembre 1997 : c’est la séquence vintage ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je vous demande donc, madame la présidente, de faire appliquer cet article afin de passer à l’examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Application de l’article 57 du règlement

Mme la présidente. La clôture vient d’être proposée en application de l’article 57 du règlement de l’Assemblée.

Je constate, en application de l’alinéa 1 de cet article, que deux orateurs d’avis contraire sont intervenus sur l’article 8 du projet de loi.

Conformément à l’article 57, alinéa 3, du règlement, l’Assemblée est appelée à se prononcer sans débat.

(La proposition de clôture, mise aux voix, est adoptée.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La proposition ayant été adoptée, la discussion sur l’article est close.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, pour un rappel au règlement.

M. Didier Mathus. Nos collègues de la majorité cherchent à faire taire l’opposition au moment même où nous débattons de la nomination des présidents de l’audiovisuel public par décret présidentiel.

M. Patrice Verchère. Changez de disque !

M. Didier Mathus. C’est une véritable honte pour la démocratie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) S’il y a une obstruction dans ce débat, c’est bien celle de la majorité (Mêmes mouvements), tant elle a honte des dispositions liberticides du texte, grâce auxquelles le Président de la République sera libre de nommer les dirigeants du secteur de l’audiovisuel et de l’information. C’est tout simplement intolérable ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Pierre Gorges. Vous l’avez déjà dit !

M. Didier Mathus. Que l’on veuille nous faire taire à ce moment précis est une véritable honte pour la représentation nationale. (Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance d’une demi-heure, et ce immédiatement.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. On a un sentiment de désolation face au comportement de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Jean-Claude Lenoir. Ce que vous dites est honteux !

M. Noël Mamère. …dont les huées sont à la mesure du forfait qu’elle vient de commettre.

M. Patrice Martin-Lalande. Faire appliquer le règlement de l’Assemblée, un forfait ?

M. Michel Herbillon. Certainement pas !

M. Noël Mamère. Vous voilà pris la main dans le sac. Vous acceptez le débat entre vous, mais quand l’opposition fait son travail pour éclairer l’opinion publique, vous sortez de votre boîte à outils la case « imagination » afin de censurer le débat, comme l’a fort bien expliqué, hier, M. Karoutchi, avec son ton patelin.

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Pas d’attaques personnelles !

M. Noël Mamère. Sans doute avez-vous lu ce que l’on vous a dicté, monsieur Herbillon (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) : tout cela a bien sûr été minutieusement concocté depuis que la majorité a pris conscience de sa position de faiblesse, et depuis que l’opinion et la presse ont compris que vous vouliez passer en force !

Mme la présidente. Je suspends la séance pour quelques minutes. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et quittent l’hémicycle.)

M. Noël Mamère. Je n’ai pas terminé, madame la présidente.

Mme la présidente. Concluez rapidement, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. « Audiovisuel : le Gouvernement menace de passer en force », titrait ce matin Les Échos, qui n’est pourtant pas un journal d’opposition.

Comme lors du Grenelle de l’environnement, nous assistons à une véritable arnaque politique. D’ailleurs, le pot aux roses a été révélé ce matin par Mme la ministre de la culture, qui a déclaré sur France Inter qu’il n’y avait pas besoin de loi pour supprimer la publicité, puisque cela pouvait être fait par décret.

Nous pouvons en conclure que le projet de loi ne poursuit qu’un seul but : permettre au Gouvernement et à M. Sarkozy de faire main basse sur la télévision publique afin d’en faire une télévision d’État,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Coupez-lui le micro !

M. Noël Mamère. …notamment grâce à la nomination en Conseil des ministres du président de France Télévisions. Ce que vous faites est honteux pour la démocratie ! Vous n’avez pas à en être fiers, et devrez rendre des comptes devant les Français.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

M. le président. Je suis saisi de huit amendements identiques, nos 177 à 183 et 792.

M. Mathus et M. Françaix ne sont pas là pour défendre leurs amendements nos 177 et 178.

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 179.

M. Marcel Rogemont. Je veux, pour commencer, répondre à Michel Herbillon, qui parlait d’une caricature de débat démocratique. Permettez-moi de penser que la caricature de débat démocratique, c’est chez vous qu’on la trouve.

Mme Isabelle Vasseur. Cela va de soi ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont. Il a suffi que, au sortir d’un déjeuner avec M. Minc, le Président de la République annonce la suppression de la publicité sur France Télévisions pour que l’urgence soit aussitôt déclarée. Le débat démocratique exigerait que nos lois ne soient pas sans cesse votées dans l’urgence. L’urgence permanente, c’est la mort du débat démocratique, c’est une façon de s’essuyer les pieds sur le Parlement !

Mme Isabelle Vasseur. Changez de métier, si ça ne vous plaît pas !

M. Marcel Rogemont. Et vous voudriez, en plus, nous interdire de parler ? C’est inadmissible !

En ce qui concerne les attaques contre le président du CSA, je voudrais rappeler le communiqué dans lequel M. Boyon explique qu’il est là pour dire ce qui est bon pour le service public, bon pour les téléspectateurs. À l’entendre, on pourrait croire qu’il sait, lui, ce qu’est « le bon choix pour la France ». Mais n’est pas Giscard d’Estaing qui veut ! M. Boyon n’est pas un homme politique, il n’a pas à s’exprimer ainsi.

M. Jean-Claude Lenoir. Démonstration implacable ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont. Nous demandons donc la suppression de l’article 8, car nous refusons que notre démocratie audiovisuelle soit marquée par un retour en arrière. Permettez-moi de citer Michèle Cotta : elle se dit consternée par un projet de loi qui constitue un « recul immense ». « C’est méconnaître tout ce qui a été fait depuis la création de la Haute Autorité », ajoute-t-elle. « Nous retournons à une pratique surannée, de type régalien, à des réflexes que l’on croyait à jamais disparus. » Jamais un pays démocratique n’a osé un tel retour en arrière.

Il est en effet inadmissible de découvrir une telle disposition dans un projet de loi. Je vois bien qu’on veut mettre au pas la télévision publique, après l’avoir fait pour la télévision privée, laquelle est au service du pouvoir – il suffit de voir les amitiés du club du Fouquet’s pour savoir qui fréquente le Président de la République, où sont ses amis.

La France n’est pas une société du CAC 40. Elle est dirigée par le Président de la République (« C’est bien ce que nous disons ! » sur les bancs du groupe UMP), qui ne doit pas se comporter comme s’il était le PDG de la société France.

M. Jean-Pierre Gorges. Vous êtes insultant !

M. Marcel Rogemont. Nous sommes opposés à une telle vision de la démocratie, contrairement à la majorité qui s’en fait la complice. Nous ne voulons pas que, dès que le Président de la République a une nouvelle idée, tout le monde se couche et approuve.

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont. Vous avez raison, monsieur le président. J’en reviens donc à cet amendement, qui supprime la possibilité que l’article 8 offre au Président de la République. Madame la ministre, vous qui, le 7 janvier, travailliez à l’introduction de publicité complémentaire sur France Télévisions – et non pas à la suppression de la publicité –, je vous demande de respecter les institutions républicaines et le mode de nomination actuel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre l’amendement n° 180.

M. Patrick Bloche. Je regrette que Michel Françaix, inscrit sur l’article 8, n’ait pas pu s’exprimer, en raison de la si importune intervention de notre collègue Herbillon, et qu’il n’ait pu non plus défendre son amendement de suppression de l’article 8, la séance ayant repris très rapidement. Je fais donc appel à la clémence bien connue de M. le président pour que M. Françaix et M. Mathus, qui viennent de nous rejoindre, puissent, malgré tout, soutenir leurs amendements.

Dans la continuité de nos interventions, nous proposons donc, avec ces amendements identiques, de revenir sur un coup d’éclat qui s’apparente à un coup d’État dans l’audiovisuel. Les orateurs qui se sont exprimés au nom du groupe SRC ont fort justement rappelé ce qu’est l’état de droit dans notre pays. Il ne s’est pas installé du jour au lendemain, la République n’est plus toute jeune et, depuis le xviiie siècle, s’est édifié un système équilibré de séparation des pouvoirs. Je ne vous apprendrai rien en rappelant que, pour les pères de la Révolution française, pour les philosophes des Lumières – à commencer par Montesquieu –, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire sont séparés. Il s’avère que, depuis quelque temps déjà et tout au long du xxe siècle, un quatrième pouvoir a émergé : celui des médias. Toute la construction législative que nous avons été amenés à élaborer dans l’hémicycle a consisté à mettre en place et à consolider au fil du temps ce principe de séparation des pouvoirs qui concerne tout autant le quatrième pouvoir médiatique que les trois autres pouvoirs traditionnels.

Christophe Caresche a expliqué, de manière fort pertinente, que, jusqu’à l’examen de ce projet de loi, le principe de séparation des pouvoirs faisait l’objet d’un consensus entre la droite et la gauche.

Depuis 1981, lorsque François Mitterrand et son ministre de la communication, Georges Fillioud…

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Avant Jack Lang, le grand Jack Lang !

M. Patrick Bloche. …ont si opportunément libéré les ondes et l’expression radiophonique avec elles, depuis qu’il existe ce qui fut d’abord une haute autorité mise en place, précisément, pour assurer l’indépendance des médias, aucun pouvoir exécutif, qu’il soit de droite ou de gauche, aucun président de la République – malgré les alternances qui ont eu lieu depuis 1981 – n’a remis en cause ce principe démocratique, cet acquis démocratique, devrais-je dire, qu’est le respect de la liberté d’information et du pluralisme des médias et in fine, de la séparation des pouvoirs. Or, le Président de la République, faisant fi, comme je l’ai rappelé lors de mon intervention sur l’article, des préconisations de la commission Copé à laquelle certains de nos collègues de la majorité ont pris part, a décidé, de son propre fait et parce que tel était son bon vouloir, qu’il nommerait désormais les présidents des sociétés de l’audiovisuel public.

Nous vivons un moment historique : on remet en cause le vieux principe républicain de séparation des pouvoirs. En rejetant cet article 8, nous éviterons cette dérive dans l’exercice du pouvoir. Oui, chers collègues de l’opposition,…

Plusieurs députés du groupe UMP. De la majorité !

M. Patrick Bloche. …avec cet article, nous régresserions à l’ère du bon vouloir du pouvoir, de la lettre de cachet, l’état de fait.

M. Noël Mamère. Je demande la parole pour un rappel au Règlement, monsieur le président.

Mme Laure de La Raudière. Laissez-moi deviner : au titre de l’article 58 alinéa 2 ?

M. le président. Je vous accorderai la parole lorsque tous les amendements auront été défendus.

M. Paul et Mmes Filippetti et Karamanli ne sont pas là pour soutenir leurs amendements nos 181, 182 et 183. La parole est donc à M. Patrick Braouezec pour défendre l’amendement n° 792.

M. Patrick Braouezec. L’intervention de M. Herbillon m’ayant empêché de participer au débat sur l’article 8, pourtant essentiel, je me permettrai de revenir sur ses propos avant d’aborder mon amendement.

À titre personnel, monsieur Herbillon, je ne me reconnais pas dans votre description de nos débats.

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Allons bon ! Vous n’êtes pas le seul !

M. Patrick Braouezec. Nous sommes nombreux à intervenir au fil du débat de manière courtoise et sereine, sans invectiver, sans jeter l’opprobre sur qui que ce soit. Je refuse que vous généralisiez votre reproche : c’est injustifié.

M. Michel Herbillon. La gauche plurielle est un combat, monsieur Braouezec !

M. Patrick Braouezec. D’autre part, j’aurais aimé reconnaître le projet ambitieux que votre intervention a dépeint. Où est l’ambition ?

Mme Isabelle Vasseur. Où est l’amendement ?

M. Patrick Braouezec. Parmi les arguments que vous nous avez exposés, je n’en retiendrai qu’un : celui de la société unique – encore qu’il eût fallu la construire en prenant le temps de la concertation avec l’ensemble des personnels. Dans ces conditions, elle aurait été une bonne idée.

Pour le reste, où est l’ambition dans la décision de supprimer la publicité à partir de 20 heures sur France Télévisions ? Nombre d’entre nous ont rappelé que cette décision est le fruit d’une fulgurance intempestive et destructrice que le Président de la République a eue le 8 janvier dernier. Continuerez-vous longtemps à légitimer toutes ces fulgurances, aussi intempestives et destructrices qu’elles soient ? Ces fulgurances, justement, au rythme d’une par semaine au moins, vous mettent pourtant en difficulté. Quid de la lettre de Guy Môquet ? Quid du parrainage des enfants de la Shoah ? Personne n’en parle plus : il ne s’agissait que d’actions de communication, dont le Président de la République a l’habitude, et qui nous nuisent à tous, ainsi qu’à la nation.

Où est l’ambition quand les moyens ne suivent pas, s’agissant du manque à gagner publicitaire que va provoquer votre projet ? Où est l’ambition alors que l’on assiste à un retour en arrière de 25 ans, comme l’a dit M. Baroin, avec la nomination du président de France Télévisions par le Président de la République ?

J’en viens donc à l’amendement : oui, nous souhaitons que l’article 8 soit supprimé. Nous souhaitons aussi que, dans votre sagesse, vous acceptiez de revenir à la proposition de la commission Copé telle qu’elle l’a formulée : « Le rôle du CSA est conforté. Son indépendance lui permet de définir la liste restreinte de trois à cinq candidats parmi lesquels sera désigné le président du groupe France Télévisions par son conseil d’administration. Ce choix ne doit pas être en contradiction avec la stratégie financière de l’État dont est garant le Parlement. C’est pourquoi celui-ci proposera au Gouvernement une liste de seize noms au plus, pour les huit personnalités qualifiées qui siègeront au conseil d’administration, auprès de deux représentants de l’État et de deux représentants du personnel, élus par les salariés ». La commission a également proposé ceci : « Le président directeur général sera désigné par le conseil d’administration de l’entreprise sur une liste de trois à cinq noms proposée par le CSA. Après cette désignation, le PDG deviendra le treizième membre du conseil d’administration ».

Serait-il illégitime de reprendre cette conclusion de la commission Copé ? Je ne le crois pas ; au contraire, ce serait honorable.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Braouezec.

M. Patrick Braouezec. J’y viens : si vous votez cet article, la France deviendra le seul pays européen, et sans doute le seul pays démocratique au monde où les présidents de l’audiovisuel public sont désignés directement par le Président de la République. Ce n’est ni beau ni bon pour la démocratie !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale.

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Je souhaite en effet prendre la parole sur cet article…

M. Noël Mamère. Il était temps !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. J’attendais votre retour, monsieur Mamère, puisque vous étiez absent au début du débat.

M. Noël Mamère. Vous, vous êtes intermittent !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Vous souhaitez toujours ma présence pendant vos interventions : j’ai jugé la réciprocité souhaitable.

M. Christophe Caresche. Souhaitez-vous aussi une suspension de séance ?

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Nul besoin, puisque M. Mamère est revenu parmi nous !

M. Christophe Caresche. Suspendons pour marquer le coup, alors !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Vous le marquez déjà tellement fort, les uns et les autres, que nous en sommes assourdis !

M. Noël Mamère. Peut-on en venir à l’essentiel ?

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. J’allais le faire, monsieur Mamère, avant que vous ne m’interrompiez. J’ai écouté votre propos, monsieur Braouezec, avec beaucoup d’attention, ainsi que ceux de vos collègues. Permettez-moi de vous dire l’esprit dans lequel j’aborde cette mesure.

J’aurais moi-même rappelé, si vous ne l’aviez fait avec raison, qu’il ne s’agit pas là de la proposition qu’a présentée la commission que j’ai animée avec de nombreux professionnels et certains de nos collègues de toutes sensibilités – au moins jusqu’à ce que la gauche nous quitte. Vous avez rappelé l’esprit de cette proposition.

Cela étant, à la remise de notre rapport, je me suis félicité que la totalité de nos propositions, à l’exception de celle-ci, aient été reprises par le Président de la République et la ministre de la culture. Quelle belle démonstration de ce à quoi nombre d’entre nous aspirent – coproduire les réformes ! À cet égard, l’essentiel de notre travail se retrouve dans ce débat. C’est un véritable motif de satisfaction, car nous avons là – je le dis à nos collègues de la majorité – un premier élément de jurisprudence pour nos travaux à venir qui, tirant les conséquences de la révision constitutionnelle, nous évitera d’avoir à nous prononcer par oui ou par non sur des projets tout ficelés.

M. Patrick Bloche. Est-ce aussi pour cela qu’il n’y aura pas de parlementaires de l’opposition au sein des conseils d’administration ?

M. Didier Mathus. Tout cela est ridicule !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Pourtant, à l’annonce du Président de la République, je n’ai pas tardé à craindre que l’opposition utilise cette disposition pour se livrer à la caricature. Je n’ai pas été déçu ! D’emblée, l’opposition s’est demandée sur quoi elle pourrait taper le plus fort, et elle s’est jetée sur cette disposition…

M. Christophe Caresche. Vous reconnaissez donc qu’elle est mauvaise !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Nul besoin de reconnaître quoi que ce soit : au vu et au su de tout le monde, vous nous avez soûlés pendant des mois sur ce seul point du texte, avec une virulence d’autant plus acharnée que vous manquiez d’arguments par ailleurs.

M. Noël Mamère. Pas du tout : le sous-financement en est un autre, par exemple !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Au fond, vous n’aviez aucune intention d’apporter la moindre proposition constructive pour la télévision. En concentrant toutes vos attaques sur ce point précis, vous masquiez tout le reste.

M. Noël Mamère. Et le sous-financement ?

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Venons-en au fond. Certes, le texte ne reprend pas notre proposition initiale, mais sortons un instant de la caricature pour examiner les faits : le projet de loi prévoit que le président de France Télévisions soit nommé en conseil des ministres, comme c’est le cas pour toutes les entreprises publiques.

M. Patrick Braouezec. France Télévisions n’est pas une entreprise publique comme les autres !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Il prévoit en outre deux dispositions supplémentaires, précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une entreprise comme les autres.

M. Noël Mamère. De l’art de se soumettre !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. La première, que l’on passe par pertes et profits, consiste à requérir l’avis conforme du CSA – j’ai bien dit l’avis conforme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. M. Sarkozy lui-même reconnaît que cela ne sert à rien !

M. Didier Mathus. Évidemment : le CSA est à sa botte !

M. Patrick Bloche. Vous valez mieux que cela, monsieur Copé : vous n’êtes pas un « VRP » !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Permettez-moi d’achever mon explication, monsieur Bloche, et vous hurlerez ensuite autant que vous le souhaitez.

En clair, si le CSA n’est pas favorable, la nomination ne peut avoir lieu. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Marcel Rogemont. Le Président lui-même sait que c’est inutile !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. À peine ai-je fini ma phrase que vous hurlez déjà, critiquant la crédibilité du CSA. Comment, monsieur Bloche, pouvez-vous défendre la nomination du président de France Télévisions par le CSA si, dans le même temps, vous prétendez que celui-ci n’est pas crédible ? Quelque chose ne colle pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Hélas, vos contradictions ne s’arrêtent pas là. Parce que France Télévisions, je le répète, n’est pas une entreprise publique comme les autres, nous proposons d’assortir la nomination de son président d’une deuxième condition : l’avis conforme des commissions parlementaires.

M. Marcel Rogemont. De toute la Ve République, il n’y a jamais eu de majorité aux trois cinquièmes en faveur de la gauche ! Ce n’est pas la démocratie !

M. Didier Mathus. Quelle plaisanterie !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. C’est extraordinaire : la même gauche qui hurle à l’autoritarisme à tous les étages refuse aujourd’hui non seulement l’avis conforme du CSA, mais aussi celui des parlementaires ! Voilà qui est problématique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. C’est le Président de la République qui décidera, pas les parlementaires !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. L’opposition a d’abord refusé de voter la révision de la Constitution qui renforçait les pouvoirs du Parlement. Aujourd’hui, elle refuse l’avis conforme du CSA, dont elle regrette par ailleurs qu’il n’ait plus la responsabilité de cette nomination, tout en estimant qu’exiger son avis conforme – c’est-à-dire la possibilité de bloquer la nomination – serait gênant.

M. Didier Mathus. Menteur ! Vous mentez ! Tout cela est faux !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Enfin, pour le même prix, elle refuse aussi que les parlementaires disposent de pouvoirs quant à la nomination des présidents de France Télévisions.

M. Didier Mathus. Mensonge !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Dans ce domaine comme dans tous les autres, la gauche, incapable de proposer des schémas alternatifs, continue avec allégresse de caricaturer et de désinformer. Félicitons-nous que ce soit pour une fois sur une question de fond, et non pour faire de l’obstruction pure et simple : au moins avons-nous un peu progressé à cet égard ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pour ma part, j’estime que cela ne saurait occulter la qualité de la réforme que nous élaborons ensemble.

M. Noël Mamère. Il vous a fallu trois rappels au Règlement pour vous décider à parler !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Je le répète, comme l’a fait Mme Albanel à plusieurs reprises : il s’agit là d’une réforme qui va enfin moderniser la télévision publique française.

M. Christophe Caresche. Vous êtes en service commandé !

M. Patrick Bloche. Vous valez mieux que cela, monsieur Copé !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. C’est ce projet qui mérite bien mieux que vos incessantes altercations et que cette obstruction permanente, qui n’a aucun sens alors que nous travaillons à l’avenir audiovisuel de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christophe Caresche. Ce n’est plus de la coproduction, c’est de la reproduction !

M. le président. J’en déduis que la commission a donc donné un avis défavorable à ces amendements identiques.

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. En effet.

M. le président. La parole est à Mme Albanel, ministre de la culture et de la communication, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. J’ai le sentiment que ce débat, qui suscite tant de polémique, répond à une question posée il y a plusieurs années déjà. Ses termes sont loin d’être absurdes. Souvenez-vous : lors de la mise en place de la présidence commune de France Télévisions en 1990, le journal Libération a publié un entretien avec Catherine Tasca, à qui la question suivante était posée : « En confiant au CSA plutôt qu’au Gouvernement la tâche de désigner le président de chaînes dont l’État est unique actionnaire, n’avez-vous pas mis en place un système hybride qui ne satisfait personne, et n’aurait-il pas été préférable que l’État assume ses responsabilités ? » L’intéressée écarte cette interprétation, reconnaissant cependant qu’elle a peut-être manqué de courage. Elle poursuit ainsi : « Maintenant, il faut bien reconnaître que puisqu’il y a secteur privé fort, l’État actionnaire pourrait tout à fait légitimement, en France comme partout ailleurs, revendiquer d’être responsable non seulement de la définition des moyens, mais également du choix des dirigeants, alors qu’actuellement, c’est mon sentiment profond, nous vivons une sorte de partage des rôles fallacieux ».

M. Bernard Debré. Et voilà !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Libération s’interroge, et elle répond : « Je dis « fallacieux », puisque c’est toujours au Gouvernement que l’on demande des comptes sur l’état des sociétés.

M. Christophe Caresche. Les ministres passent…

M. Didier Mathus. Et Clemenceau, qu’est-ce qu’il a dit ?

M. le président. Seule madame la ministre a la parole !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je poursuis : « J’ai longtemps cru que les discussions budgétaires et le pouvoir de réglementer suffisaient au Gouvernement pour assumer sa responsabilité et assurer l’harmonie du développement du secteur public. Depuis quelques mois, je m’interroge. Je mesure beaucoup plus clairement à quel point le choix des dirigeants est tout de même un moment clef. »

M. Patrick Bloche. Jamais un ministre de la République ne s’est permis de citer un ancien ministre de la culture ! C’est minable ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur Bloche, vous n’avez pas la parole !

M. Michel Herbillon. Ils sont gênés !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. « Le fait de transiter par une tierce personne, en l’occurrence le CSA, nous a fait entrer dans ce que j’appelle un jeu de rôles, un théâtre d’ombres, et ceci ne me paraît pas positif pour les entreprises. »

Pourquoi ai-je fait cette citation ? J’ai beaucoup de respect pour Catherine Tasca…

M. Patrick Bloche. Ah non ! Vous venez de démontrer le contraire ! C’est honteux !

M. le président. Monsieur Bloche, vous n’avez pas la parole ! Laissez parler Mme la ministre !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Monsieur Bloche, citer les propos d’une ancienne ministre, ce n’est pas lui manquer de respect ! Je voulais simplement montrer que le débat n’était pas nouveau.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. Patrick Bloche. Vous n’êtes pas à la hauteur de vos responsabilités !

M. Michel Herbillon. Cessez vos invectives !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. C’est un débat ancien. Il était donc tout à fait justifié d’en parler. Catherine Tasca, évoque l’existence d’« un secteur privé fort » : or nous avons un secteur privé fort et multiple. Dans deux ou trois ans, tout le monde aura dix-huit chaînes. Les pratiques ont complètement évolué, et je ne parle même pas du satellite ou du câble ! L’offre est multiple. Dans ce cadre, l’État choisit d’assumer ses responsabilités, et il le fait, comme l’a rappelé Jean-François Copé, avec des verrous : le verrou parlementaire, d’une part, et le verrou du Conseil supérieur de l’audiovisuel, d’autre part, dont je rappelle que c’est un collège, créé par vous-mêmes en 1989. C’est dire qu’il y a une double garantie !

J’estime qu’il y a un principe de responsabilité et un principe de liberté au sein d’un paysage audiovisuel à l’offre multiple et qui se justifie parfaitement.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable à ces amendements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je constate simplement que nos collègues de gauche ont insisté pour que la ministre s’exprime. Mais quand elle a voulu le faire, ils ne l’ont pas écoutée !

M. Michel Herbillon. Ils n’aiment pas qu’on leur rappelle leurs déclarations !

M. Didier Mathus. Les petits laquais, il suffit !

M. Patrice Martin-Lalande. S’agissant des amendements de suppression de l’article, j’indiquerai, après les interventions de Jean-François Copé et de Mme la ministre, que le dispositif qui va être mis en place est un système de codécision, qui associera le Président de la République, qui nommera par décret, le Parlement et le CSA, autorité indépendante, qui pourront tous deux émettre un avis pouvant bloquer la décision.

M. François Loncle. C’est une parodie !

M. Patrice Martin-Lalande. Il s’agit donc d’un système de codécision, comme il y en existe peu dans notre République, avec trois décideurs, l’un ne pouvant l’emporter seul sur les autres. Un tel système apporte des garanties comme nous avons peu d’occasions d’en voir dans notre République. En outre, derrière le mot d’« avis », il y a un véritable droit de veto du CSA et du Parlement, face à une décision proposée par l’exécutif.

Lorsqu’on regarde ce qui se passe dans les autres pays européens dans le domaine de l’audiovisuel public, soit le conseil d’administration a le pouvoir de nomination et, par rapport aux garanties offertes par le processus de décision qui nous est proposé, ceci est beaucoup moins représentatif de l’ensemble des autorités, exécutif, autorité indépendante et Parlement…

M. Marcel Rogemont. C’est faux ! Regardez comment cela se passe en Italie, avec Berlusconi !

M. Patrice Martin-Lalande.…soit il s’agit d’une seule autorité indépendante, qui nomme. Par rapport à ce que ce que vous avez dit sur le CSA depuis deux jours, il me semble qu’il vaut mieux avoir trois codécideurs : le président de la société de programmes qui sera nommé devra sa nomination à un système de codécision qui est le plus équilibré et que nous nous félicitons de voir instaurer.

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole à seize heures cinq. J’assiste à nos débats depuis ce matin, mais à chaque fois que j’ai voulu prendre la parole, certains argumentaires ont fait que je n’ai pas pu la prendre ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Et des suspensions…

M. Michel Françaix. M. Copé passe son temps à nous dire que le Parlement n’est pas à la hauteur, mais en l’occurrence, je tiens à dire que nous avons vécu un moment tout à fait exceptionnel !

Nous avons eu d’abord la fausse colère de M. Herbillon, qui connaît ces dossiers par cœur et qui sait que nous avons raison. Mais il a voulu chauffer les siens parce qu’on lui avait demandé de le faire !

Nous avons eu ensuite droit à la mauvaise foi et au cynisme de M. Copé qui, dans ce domaine, est imbattable. Il faut bien lui donner un premier prix de quelque chose !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Allez, lâchez-vous un peu !

M. Michel Françaix. Vous avez fait, monsieur le président de la commission, des amalgames absolument exceptionnels, mais je suis prêt à relever le gant à tout moment et à vous montrer à quel point la façon dont vous avez pratiqué est anormale.

Nous avons eu la timide réponse de Mme la ministre. Enfin, une réponse ! Mais ce n’était pas vraiment la sienne, puisqu’elle a répondu par ministre interposée, en citant les propos d’une ministre précédente dont, à gauche, nous sommes particulièrement fiers. Mme la ministre a le droit de s’interroger sur un certain nombre de points, mais elle ne l’a pas fait, et si elle avait voulu le faire, une majorité de députés de gauche ne lui aurait pas permis de le faire. Voilà la différence entre la gauche et la droite !

M. François Loncle. Très bien !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Je demande à voir !

M. Michel Herbillon. On se perd en conjectures !

M. Michel Françaix. Qu’est-ce que l’article 8 ? Quelques parlementaires se sont sans doute un peu assoupis ! Je vais leur expliquer ce qu’est l’article 8 et pourquoi il faut le supprimer.

Cet article dit ceci : le rôle du Président est de tout contrôler, de tout diriger, de tout manipuler, et les auditeurs, les téléspectateurs ne doivent pas bénéficier d’une diversité qui pourrait échapper à la pensée unique et au politiquement correct du Président de la République. Voilà ce que vous allez voter !

En outre, une petite chose est précisée : la nécessité de l’indépendance et du pluralisme n’est qu’une coquetterie de quelques élus de gauche égarés parce que ceux-ci sont pour les formes d’expression et de création. Il faut arriver à une situation de monopole.

J’ai entendu beaucoup de choses telles que : « Le CSA va intervenir ». Vous savez très bien que le CSA n’intervient sur rien, qu’il faut le réformer et que le Président de la République l’a définitivement émasculé ! Il faut dire que c’était assez facile, quand on connaît le président du CSA !

M. Jean-François Copé, président de la commission spéciale. Cessez ces attaques personnelles !

M. Michel Françaix. Il y a les naïfs, et il y a les gogos qui sont prêts à accepter tout et n’importe quoi.

Cette situation est insupportable. On ne peut tolérer, dans un pays démocratique, qu’un Président de la République puisse décider tout seul de tout. Si vous connaissez un tant soit peu le sens du mot « République », vous ne pourrez pas voter ce texte ! Et je le dis calmement, en toute sérénité. René Char disait qu’il faut développer son étrangeté légitime – encore que je ne voie pas beaucoup d’étrangeté chez vous ! Montaigne, quant à lui, disait, à propos de l’éducation, que l’enfant n’est pas un vase qu’on remplit, mais un feu qu’on allume. Nous avons bien compris que la position idéologique du Président de la République était d’imposer la prédominance d’une seule politique.

Pour toutes ces raisons, je ne m’étonne plus que nous en soyons arrivés là…

M. le président. il va falloir conclure, monsieur Françaix !

M. Michel Françaix. Pour conclure, je dirai que nous avons un excellent rapporteur, qui, dans le passé, était un spécialiste des catastrophes naturelles. Aujourd’hui, il doit assumer les catastrophes que génère la majorité sur le plan de la démocratie !

(Les amendements identiques nos 179, 180 et 792 ne sont pas adoptés.)

M. Noël Mamère. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je plains sincèrement le président de la commission spéciale et Mme la ministre. M. Copé, dans un grand mouvement d’hypocrisie et de mauvaise foi, vient de nous expliquer comment se soumettre aux diktats du Président de la République, en balayant purement et simplement les propositions faites par la commission qu’il présidait. Je pense que M. Copé aurait pu nous expliquer son renoncement bien plus tôt, au moment où nous avons abordé l’examen de l’article 8. Nous avons dû faire trois rappels au règlement pour demander sa présence, avant que M. le président daigne venir s’expliquer, en manifestant le mépris qu’on lui connaît bien à l’égard de l’opposition…

M. le président. Monsieur Mamère, il ne s’agit pas d’un rappel au règlement. C’est la cinquième fois depuis ce matin que vous demandez la parole pour un rappel au règlement, qui n’en est pas un !

M. Noël Mamère.…et un dédain qui ne l’honore, ni lui, ni la majorité qu’il représente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. Encore des invectives !

M. Noël Mamère. Quant à Mme la ministre de la culture, il faut être à court d’arguments pour aller chercher les réflexions d’une ancienne ministre de la culture qui, de toute façon, n’a pas été suivie par sa majorité, contrairement à votre majorité de godillots !

M. Patrice Martin-Lalande. Où est le rappel au règlement ?

M. Noël Mamère. On veut nous faire passer pour des adeptes de l’obstruction, qui ne veulent pas débattre au fond (« C’est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), alors que nous avons réclamé à trois reprises, par des rappels au règlement, la présence du président de la commission spéciale pour discuter du fond et pas simplement de la nomination du président par le Président de la République. Comme l’a dit Dionis du Séjour, nous voulons parler du sous-financement de l’audiovisuel public…

M. Patrice Martin-Lalande. Nous en parlerons plus tard.

M. Noël Mamère.…qui est, en fin de compte, le point essentiel, car c’est ce qui va faire crever purement et simplement le service public. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Madame la ministre, vous avez peu de mémoire : vous oubliez que ceux qui ont déséquilibré le paysage audiovisuel français, en faisant du privé un monopole, c’est M. Léotard en 1986 et le Gouvernement de Jacques Chirac ! (Même mouvement.)

M. le président. Monsieur Mamère, ce n’était pas un rappel au règlement !

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Mon rappel au règlement porte sur le déroulement de notre séance.

Il est inacceptable que la majorité essaie de faire taire l’opposition au moment où nous abordons l’examen des articles les plus importants de ce projet de loi, qui sont aussi les plus délicats pour vous et ceux dont vous êtes le moins fiers, puisque ce sont ceux que vous ne souhaitiez pas ! Le président Copé, à travers son extraordinaire numéro d’hypocrisie, a atteint tout à l’heure des sommets ! En effet, la commission Copé avait explicitement écarté la nomination du président par l’exécutif. Et M. de Carolis, qui n’a pas écrit une biographie de Rosa Luxemburg, mais de Bernadette Chirac (Sourires), avait lui-même insisté sur le fait qu’il était essentiel que le président de France Télévisions ait une indépendance garantie par rapport au pouvoir exécutif.

Il est choquant que la majorité essaie de nous faire taire maintenant…

M. Jean-Pierre Schosteck. Nous n’y réussissons guère !

M. Didier Mathus.…pour ne pas entendre les arguments que nous employons sur un sujet aussi sensible.

M. le président. Veuillez préciser l’objet de votre rappel au règlement !

M. Didier Mathus. Je m’interroge sur les propos de Mme la ministre, que nous avons lus dans plusieurs dépêches, et qui portent sur le déroulement de nos séances.

Mme la ministre a expliqué que les dispositions concernant la publicité pourraient être prises par décret, considérant que l’ardeur que nous mettons à défendre nos positions rendait l’approbation de ce projet de loi improbable dans les délais fixés. Elle a déclaré devant la presse qu’il était envisageable que les dispositions financières de ce projet soient prises par décret. Ce qui appelle de notre point de vue une remarque de fond : cela signifie que ce texte était inutile et que sa seule légitimité était de faire nommer les présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République et d’accumuler les cadeaux pour les opérateurs privés que sont M. Bouygues et M. Bolloré.

Donc, pour nous permettre de réfléchir au nouveau déroulement de nos travaux, je demande une suspension de séance.

M. le président. Je vous ferai remarquer, monsieur Mathus, que ce n’était pas non plus un rappel au règlement. (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous accorde néanmoins une suspension de séance de deux minutes. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 68.

La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision.

M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68…

M. Didier Mathus. Je demande la parole, monsieur le président !

(L’amendement n° 68 est adopté.)

M. Didier Mathus. Monsieur le président, je désirais m’exprimer contre cet amendement !

M. le président. Non, nous allons examiner l’amendement suivant.

M. Marcel Rogemont. Mais c’est un amendement rédactionnel, monsieur le président, il est important !

M. le président. Vous aurez la parole sur l’amendement suivant, puisque le vote a eu lieu.

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 793, 493, 494, 495, 496 et 499, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements, n°s 493, 494, 495, 496 et 499, sont identiques.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 793.

M. Noël Mamère. Je placerai cet amendement dans le contexte de notre discussion. Nous avons le sentiment qu’il y a un mépris du Parlement, alors que l’un des objectifs de la révision constitutionnelle, entérinée par l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en congrès à Versailles, était de donner davantage de pouvoirs à notre Parlement.

Nous avons écouté Mme la ministre de la culture qui s’est exprimée ce matin sur une radio. Elle a précisé que la suppression de la publicité sur France Télévisions, le soir, à partir du 5 janvier, « peut se faire par décret. » Elle a ajouté, je la cite : « Aucune décision n’est prise, mais cela peut se faire par décret. » Mme Albanel a de plus déclaré à des journalistes, lors d’une des nombreuses suspensions de séance : « On regarde comment faire pour que, de toute façon, la suppression de la publicité ait lieu le 5 janvier. »

Nous apprenons donc que toutes les discussions que nous avons aujourd’hui ne serviront finalement à rien puisque la ministre peut, par décret, décider de la suppression de la publicité. De plus, l’Assemblée examinera, mardi, le collectif budgétaire et vous vous apprêtez à en profiter pour abonder les 450 millions de manque à gagner de la publicité de France Télévisions.

Vous nous avez uniquement réunis pour que votre majorité vote l’article 8 qui consiste à installer par la loi la dépendance de France Télévisions – du service public de l’audiovisuel – envers le pouvoir politique.

Les amendements que nous proposons ont pour objet d’introduire quelque pluralisme.

Disons les choses clairement, madame la ministre : vous êtes complice d’une véritable arnaque politique qui consiste à faire croire que l’on s’engage dans la réforme du XXIe siècle. En effet, le Président de la République est un jour Président de l’Europe, le lendemain, il est le président du monde qui va réformer le capitalisme international ; bref, il est partout et il nous annonce la réforme de l’audiovisuel public du XXIe siècle. Je me rangerai, pour ma part, du côté de François Baroin qui, loin de parler du XXIe siècle, estime qu’il s’agit là d’un retour en arrière de vingt-cinq ans. Je considère, quant à moi, que l’on revient au XXe siècle, à la grande époque du gaullisme, où le ministre de l’information venait expliquer au journal de vingt heures ce qui allait changer dans le journal !

Nous avons du respect pour votre fonction, madame la ministre. Nous savons que vous avez pris un certain nombre de mesures, que vous êtes attachée à la diversité, à la culture, à la connaissance. Comment pouvez-vous cautionner une telle opération de hold-up sur le service public ? Comment pouvez-vous, sans rougir, venir nous expliquer que l’indépendance sera renforcée et que l’on aura un grand service public, alors même que vous savez que, quand le Président de la République, a pris une décision, tout le monde doit avoir la main sur la couture du pantalon ? Je citerai l’exemple récent de cette malheureuse garde des sceaux, qui s’est livrée à une mascarade, hier, en nous présentant un rapport visant à placer les enfants de douze ans en prison (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors que le Président avait déjà décidé de ce qui se passerait.

M. Jean-Pierre Schosteck. C’est de la déformation ! C’est scandaleux !

Mme Marie-Anne Montchamp. C’est indigne !

M. Noël Mamère. Ce Président demande des missions et des commissions…

M. Jean-Pierre Schosteck. C’est un mensonge et vous le savez !

M. Noël Mamère. …qui se multiplient pour exécuter ses annonces devant les médias ! Voilà ce dont vous êtes complice, madame la ministre ! Vous ne devriez pas en être fière, pas plus que le président de la commission spéciale et pas plus que vous, mesdames, messieurs de la majorité !

M. le président. Il va falloir conclure !

M. Noël Mamère. Ce que nous proposons dans cet amendement n’est rien d’autre que de reprendre la proposition de la commission Copé qui a été humiliée par le Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe UMP) lorsqu’il a dit que le CSA n’était rien et qu’il se foutait de la proposition de la commission Copé !

M. Bernard Carayon. Vous n’êtes pas applaudi, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Faites-le, puisque vous êtes de mon avis ! Mais vous n’osez pas le dire parce que vous êtes tenu en laisse !

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir l’amendement n° 493.

M. Didier Mathus. J’observe que Mme la ministre ne se réveille que pour calomnier ses prédécesseurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais elle ne nous répond pas lorsque nous lui demandons simplement si elle entend prendre, oui ou non, des dispositions concernant le financement de la suppression de la publicité par décret. Si tel était le cas, nous n’avons plus rien à faire ici.

M. Noël Mamère. Exactement ! Répondez-nous !

M. Didier Mathus. Vous nous avez expliqué pendant des mois que la grande et belle idée de ce projet de loi était la suppression de la publicité et que la nomination des présidents de l’audiovisuel public par décret présidentiel n’était qu’une mesure secondaire du projet de loi. Si vous pouvez prendre toutes ces décisions par décret, nous devons suspendre la discussion de ce projet de loi puisque l’intervention de la représentation nationale est manifestement inutile.

Notre amendement tend à revenir sur cette forfaiture que constitue la nomination des présidents de l’audiovisuel public par décret présidentiel. Je répondrai au président Copé que nous avons déjà avancé ces arguments ce matin, mais il n’était pas là, comme cela lui arrive parfois.

M. Noël Mamère. Souvent d’ailleurs !

M. Didier Mathus. Chacun a compris que l’avis conforme du CSA était une aimable plaisanterie, compte tenu de la servilité affichée et revendiquée de M. Boyon qui nous a amenés à demander sa démission. N’en déplaise au député suppléant d’Issy-les-Moulineaux, nous maintenant notre demande. Nous estimons, en effet, que M. Boyon a failli à sa mission et à ses fonctions. Lorsque, même M. Copé s’incline devant M. Sarkozy, imaginez donc M. Boyon ! Nous pouvons, d’ores et déjà, pronostiquer que l’avis du CSA sera conforme.

S’agissant de l’avis des commissions parlementaires, formidable invention, nous avons mené une petite étude rétrospective. Si un Président de la République de gauche avait proposé un président pour France Télévisions, jamais, dans les annales de la Ve République, il n’aurait pu réunir la majorité qualifiée des trois cinquièmes. Ce système est donc parfaitement décoratif. Il n’a aucun impact sur le réel. Il a été simplement mis en place pour consolider les mesures autoritaires de la droite, comme on pouvait déjà l’imaginer avant ce débat. Nous en avons désormais la preuve. Lorsque l’on parle du fait présidentiel, de cette « omniprésidence », de cette dérive narcissique dans un pouvoir quasi absolu, de ce putsch audiovisuel que tente aujourd’hui le Président de la République, on essaie de nous faire taire. Nous ne nous tairons pas et nous continuerons, dans ce débat, de défendre les valeurs de la démocratie aujourd’hui menacées par la dérive personnelle du Président de la République !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour soutenir l’amendement n° 494.

M. Michel Françaix. Vous constatez, monsieur le président, que tout revient normal, tout se calme : après ses petits coups bas, M. Copé n’est plus là. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il est sans doute parti ailleurs.

M. Christophe Caresche. Il est à l’Élysée ! Il a été convoqué !

M. Michel Françaix. Si je dis cela, c’est parce que j’ai été membre de la commission Copé. M. Copé a longtemps dit aux producteurs et aux scénaristes qu’ils pourraient compter sur lui, qu’il serait présent, vigilant pour aider la création et qu’il essaierait de défendre jour et nuit l’audiovisuel ! Si mes propos sont faux, qu’il vienne me le dire ! Je suis donc bien obligé de constater que sa présence est épisodique.

M. Patrice Martin-Lalande. La plupart du temps, il est là !

M. Michel Françaix. Je ne lui en veux pas, mais j’affirme que comme souvent, M. Copé est en contradiction avec ce qui a été dit lors des réunions de la commission ! Je n’y reviendrai plus, mais que ce soit clair ! Si je mens, il sera facile de le prouver, car on demandera aux producteurs ce qu’ils pensent !

Didier Mathus a, quant à lui, posé une question à Mme la ministre, s’agissant des décrets. Que va-t-il effectivement se passer dans le domaine de la publicité ? Mme la ministre, sans doute – tout est normal – attend de connaître la position du Président de la République pour s’exprimer sur cette question, puisque tout se décide dans un seul endroit.

Tout est normal puisque c’est le député suppléant d’Issy-les-Moulineaux, qui n’est pas encore venu une seule fois ici, qui explique ce qu’il y a de bon et de mauvais dans ce texte !

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’est pas suppléant, il est député !

M. Michel Françaix. Il considère que ce n’est pas au Parlement que les choses doivent se décider, mais à l’extérieur ! Nous n’avons pas – eh oui ! – la même vision de la démocratie ! Nous n’avons pas la même vision de la République !

Je vais essayer de vous faire plaisir.

En d’autres temps, fut créée la Haute autorité, parce qu’il fallait une instance de régulation. Le Président de la République que je défendais, François Mitterrand, était en effet comme les autres, tout pouvoir va jusqu’au bout de son pouvoir. Cette Haute autorité a eu une vraie présidente, qui s’appelait Mme Cotta. Elle a résisté au Président de la République, elle l’a écrit d’ailleurs, en lui expliquant que, quelle que soit sa volonté, c’est Drucker qui serait choisi. Cela n’a pas dû faire plaisir au Président de la République, qui avait sans doute une autre façon de voir les choses, mais cela s’est passé ainsi. Voilà la différence entre une politique de gauche et une politique de droite !

Tout pouvoir va jusqu’au bout de son pouvoir, tout le monde le sait, et il faut donc prévoir des instances de régulation pour réguler, comme cela se fait dans tous les pays d’Europe et dans tous les pays du monde.

Voilà pourquoi vous ne pouvez pas voter l’article 8. Le supprimer vous grandirait.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 495.

M. Marcel Rogemont. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole au moment où le co-producteur de la législation actuelle, le président Copé, arrive dans notre hémicycle, et je le remercie.

Si vous êtes co-producteur, monsieur le président, c’est avec le Président de la République. Votre tour ne viendra, si j’ai bien compris, qu’en 2017.

M. Jean-François Copé, président de la commission. Merci de l’avoir noté !

M. Marcel Rogemont. Telle était donc bien votre intention !

Le Président Sarkozy a commencé son discours sur la télévision publique en soulignant son sous-financement. Mme Albanel nous annonce que, par un décret éventuellement, elle va accorder 450 millions à France Télévisions, mais c’est pour remplacer la publicité, pas pour remédier au sous-financement.

Nous souhaitons que les présidents des sociétés de l’audiovisuel public soient nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour cinq ans. Ce n’est pas parce qu’il y a une faiblesse du président du CSA à un moment donné que l’institution qu’il préside doit nécessairement être jetée à la poubelle.

Michèle Cotta, dont a parlé Michel Françaix, ou Hervé Bourges, qui fut président du CSA, ont nommé des personnes qui ne faisaient pas plaisir au Président de la République. Cela veut dire que le dispositif fonctionne. S’il a pu, à certains moments, ne pas fonctionner, améliorons le système, ne le supprimons pas.

En Grande-Bretagne, quand il s’agit de la culture ou de la communication, la politique qui est menée, c’est at arm’s length, l’éloignement à longueur du bras, sur ces questions essentielles pour la société. Au lieu de mettre de la distance entre les questions de l’audiovisuel et le politique, vous êtes en train de mettre tout à l’Élysée, comme si c’était l’alpha et l’oméga de la politique en France.

Je ne mets pas en cause le fait que le Président de la République ait été élu par une majorité de Français – et non à l’unanimité –, mais nous représentons aussi une légitimité qui doit s’exprimer indépendamment du Président de la République. Les députés de la majorité devraient s’en souvenir et réagir dans leur for intérieur et non pas le doigt sur la couture du pantalon.

Lors d’un débat auquel nous participions avec deux internautes, le PDG de M6 expliquait qu’il n’était pas capable de nommer tous les présidents de France Télévisions tellement la valse des présidents était importante. Il faut garantir un peu plus de permanence au président, et ce ne sera pas possible s’il est nommé, et révoqué éventuellement, par le Président de la République. Il faut une distance entre le Président de la République et la démocratie audiovisuelle, c’est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre l’amendement n° 496.

M. Patrick Bloche. Certains de mes collègues de l’opposition ne s’en souviennent sans doute plus et je vais leur rafraîchir la mémoire avec grand plaisir, notamment Nicole Ameline, Christian Kert et Patrice Martin-Lalande. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous sommes la majorité !

M. Patrick Bloche. Ils étaient dans l’opposition lorsque, en juillet 2000, ils ont saisi le Conseil constitutionnel d’un recours contre la dernière grande loi sur l’audiovisuel que nous avons votée au sein de cet hémicycle, la loi Tasca, d’août 2000. Ce recours portait sur l’article 8, qui concernait justement les délibérations du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la nomination du président de France Télévisions. Nous avions souhaité que les auditions et débats soient publics. Le Conseil constitutionnel vous avait donné raison, et une partie de l’article 8 avait été déclarée non conforme à la Constitution.

Voici quelques éléments de sa décision du 27 juillet 2000, que vous devriez peut-être avoir à l’esprit :

« Considérant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel est une autorité administrative indépendante garante de l’exercice de la liberté de communication ; qu’afin d’assurer l’indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, les articles 47-1 et 47-3 de la loi du 30 septembre 1986 disposent que les présidents desdites sociétés sont nommés pour une durée de cinq ans, par cette autorité. »

Le Conseil constitutionnel faisait référence à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui stipule : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Prenez donc conscience que vous êtes en train de défendre, et vous le regretterez, une disposition qui a toute chance d’être déclarée non conforme à la Constitution parce que non conforme à l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle la commission Copé avait préconisé le maintien du système actuel, et pas un retour en arrière mettant en cause nos libertés collectives. C’est parce que nous revenons sur des acquis démocratiques majeurs que sont l’indépendance et le pluralisme des médias que cette loi peut être qualifiée sans réserve de scélérate.

Je souhaiterais dédier aux élus de la majorité d’aujourd’hui ces quelques vers d’Alfred de Musset à propos des lois sur la presse qu’avait déposées Thiers :

« Une loi sur la presse ! O peuple gobe-mouche ! »

« La loi, pas vrai ? quel mot ! comme il emplit la bouche !

………………….

« Une loi, notez bien, qui ne réprime pas,

« Qui supprime ! Une loi comme sainte nitouche,

« Une petite loi qui marche à petits pas ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 499.

Mme Sandrine Mazetier. Nous avons beaucoup parlé de Michel Boyon depuis le début de l’examen de cet article 8. Je l’avais rappelé dans la discussion générale, c’est un proche de M. Raffarin, qui s’était déclaré l’homme de l’Atlantique. C’est à l’ami et à l’homme de la Méditerranée, notre rapporteur, que je vais m’adresser pour citer une phrase que lui comprendra. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Merci pour les autres !

Mme Sandrine Mazetier. Jean Tiberi comprendra immédiatement lui aussi. Chi va piano va sano, chi va sano va lontano. Pour ceux d’entre vous qui ne maîtrisent pas l’une des belles langues de notre nation, le corse, cela veut dire : qui va lentement va bien, qui va bien va loin.

M. Jean-François Copé, président de la commission. Même nous qui sommes ignares, nous avions compris !

Mme Sandrine Mazetier. Je voulais attirer votre attention sur la portée du projet de loi que nous examinons et en particulier de son article 8. Par nos amendements, nous essayons de revenir sur cette disposition scélérate de la nomination du président de France Télévisions et des sociétés de programme par le Président de la République directement.

Caroline Fourest, dans Le Monde de cet après-midi, écrit dans sa tribune :

« La concentration des médias, souvent dénoncée, vit un tournant. Le fait que plusieurs grands médias appartiennent à des quasi "frères" du président renforce le potentiel aléatoire de la démocratie d’opinion. Ce lien incestueux n’est relativisé que par le fait qu’il existe encore quelques grands médias capables de véhiculer un message critique à l’égard de la parole officielle. Qu’en sera-t-il à l’issue de la réforme de l’audiovisuel public voulue par le président ? Au lieu de se montrer rassurant et de veiller à une meilleure séparation des pouvoirs politiques et médiatiques, il dit vouloir mettre fin à "l’hypocrisie" en nommant directement le président de France Télévisions. Son obligé sera-t-il au service du gouvernement ou de l’esprit public ? De deux choses l’une. Soit la réforme engagée permet en effet aux chaînes publiques de trouver un équilibre entre intérêt et qualité grâce à un financement ambitieux et pérenne. Soit la télévision publique du futur sera institutionnelle à en mourir d’ennui et perdra toute attractivité au profit des chaînes privées. Privée d’audience, son financement sera devenu difficilement justifiable […], et des politiques pourront alors envisager une privatisation totale du paysage audiovisuel français. Les téléspectateurs qui voudront fuir le divertissement tous azimuts iront grossir les rangs de ceux qui auront déjà fui le retour de l’ORTF, et tous se retrouveront sur le Web. Pour le meilleur et pour le pire. »

Du meilleur, il y en a sur le Web, mais du pire aussi !

Caroline Fourest, plus loin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Patrice Martin-Lalande. Distribuez Le Monde, ça ira plus vite !

Mme Sandrine Mazetier. …, nous prévient, et je vous invite à y réfléchir : « ce morcellement de l’audience a un coût, celui de rendre plus difficile un récit commun et donc des valeurs communes. »

Que tentons-nous de faire tous les jours ici et dans nos circonscriptions, sinon essayer de construire des valeurs communes pour notre pays et nos concitoyens ?

Je poursuis : « Sur le Web, chacun lit ce qu’il veut entendre. La démocratie s’en ressent. Moins la Toile est adossée à quelques grands médias indépendants et crédibles, capables de maintenir cet espace critique commun…

M. le président. Il va falloir conclure, madame Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. …, plus les internautes s’habituent à s’informer sur le mode de la rumeur et du complot. » Je suis sûre, mes chers collègues, que ce n’est pas ce que vous souhaitez, et nous vous invitons donc à rétablir la nomination du président de France Télévisions par le CSA.

Et nous nous excusons de tous les désagréments que nous vous causons en nous exprimant inlassablement dans cet hémicycle, par ces vers de René Char : « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience. » Nous pensons que nous sommes venus au monde pour troubler les choses.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Je veux d’abord vous remercier de ce double hommage à la latinité. Merci d’avoir rappelé le dicton « Qui va lentement va sûrement » – que les Méditerranéens parmi nous ne sont pas les seuls à avoir compris – et aussi d’avoir cité par deux fois le grand poète de l’Isle-sur-la-Sorgue, René Char, que je vous sais gré d’aimer comme Mme la ministre et moi-même l’aimons.

M. le président. Revenons au texte, s’il vous plaît. (Rires.)

M. Michel Françaix. Jusque-là, ça va ! (Sourires.) C’est après que cela peut se gâter !

M. Christian Kert, rapporteur. Accordez-moi juste un instant, monsieur le président, pour rappeler également à Michel Françaix que je ne suis pas un spécialiste des catastrophes, mais un spécialiste de la prévention des catastrophes. C’est peut-être ce qui a incité le président de notre commission spéciale à me confier la responsabilité de rapporteur.

M. Patrick Braouezec. Vous pourriez jouer de votre capacité d’expertise pour prévenir celle-là !

M. Michel Françaix. Parce que là, c’est véritablement une catastrophe naturelle ! (Sourires.)

M. Christophe Caresche. L’expert n’est pas infaillible, hélas !

M. Christian Kert, rapporteur. En ce qui concerne les amendements, la commission – cela ne vous étonnera pas – y a donné un avis défavorable, ces propositions n’allant pas dans le sens du texte.

Quant à vos craintes sur la constitutionnalité, chers collègues, permettez-moi de vous rappeler que le Conseil d’État a considéré que le projet de loi apportait des garanties légales suffisantes aux exigences à caractère constitutionnel. Voilà qui devrait être de nature à vous rassurer.

M. Christophe Caresche. Certainement pas !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable, pour les mêmes raisons.

Je souhaiterais simplement apporter une précision concernant l’interview que j’ai donnée ce matin. J’a indiqué que je souhaitais naturellement que les débats se poursuivent et que j’étais prête à être au banc nuit et jour pour cela.

Il m’a par ailleurs été demandé si la suppression partielle de la publicité pouvait se faire par décret. J’ai répondu que c’était possible – ce que M. Mathus a également dit hier –, mais que rien n’était décidé. Je rappelle d’ailleurs que la loi, en dehors de la suppression de la publicité, contient énormément d’autres choses : la compensation par les taxes, la création de la société de l’audiovisuel public, la réforme de France Télévisions, la transposition de la directive « Services de médias audiovisuels », l’adaptation du code du cinéma… C’est dire que nous avons du pain sur la planche !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, contre les amendements.

M. Jean-Claude Lenoir. Comme de nombreux collègues sur nos bancs, je ne peux accepter certains propos régulièrement tenus par nos collègues de l’opposition, qui nous invitent souvent à faire des retours en arrière et qui parent le CSA de force plumes et atours, en voulant nous faire croire que c’est là qu’est le socle de l’indépendance de l’information et de la télévision publiques.

M. Patrick Braouezec. Personne n’a dit cela !

M. Jean-Claude Lenoir. Ainsi peut-on lire dans un argumentaire qui circule actuellement : « La nomination et la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public seront soumises à l’arbitraire, au bon vouloir de l’exécutif, alors qu’actuellement, la décision doit être prise de façon collégiale par les membres du CSA. »

Nos collègues auraient-ils perdu la mémoire ? Un retour en arrière s’impose. En 1988, le Président de la République François Mitterrand est réélu et une majorité parlementaire de gauche s’installe dans l’hémicycle. Le Gouvernement propose alors une réforme de la Haute autorité et, par une loi, installe le CSA.

M. François Loncle. Non ! Le CSA a remplacé la CNCL.

M. Jean-Claude Lenoir. Le CSA une fois établi, il doit assez rapidement nommer le patron des chaînes publiques – à l’époque Antenne 2 et FR3.

M. Noël Mamère. Qu’avez-vous fait de TF1 ?

M. Jean-Claude Lenoir. Le candidat annoncé dans les allées du pouvoir était maître Kiejman, ami personnel du Président de la République. Or, stupeur ! la foudre tombe sur l’Élysée et la rue de Valois : le CSA ne désigne pas le candidat du pouvoir mais nomme Philippe Guilhaume. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. François Loncle. Caricature !

M. Jean-Claude Lenoir. Le malheureux est aussitôt averti : tout sera fait…

Mme Isabelle Vasseur. Pour le débarquer !

M. Jean-Claude Lenoir. …pour compromettre son mandat. De fait, des mesures d’intimidation sont prises tous azimuts, provenant parfois même de la ministre dont le nom a été cité tout à l’heure. Des moyens peu honorables sont mis en œuvre, consistant à lancer des officines (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) pour essayer de compromettre l’honneur et la crédibilité du nouveau président.

M. François Loncle. C’est de la pure invention !

M. Jean-Claude Lenoir. Les crédits publics annoncés sont diminués. Tout est fait pour contraindre le président, un an et quelques mois plus tard, à la démission, parce que ce n’était pas l’homme désigné par le pouvoir.

M. Marcel Rogemont. Il est resté président plus longtemps que d’autres !

M. Michel Françaix. A-t-il été révoqué ?

M. Jean-Claude Lenoir. Tout cela est raconté dans un ouvrage dont je vous recommande la lecture, qui a pour auteur Philippe Guilhaume et qui s’intitule Un président à abattre. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il donne un certain nombre d’exemples des méthodes employées pour abattre un homme désigné régulièrement, conformément aux lois que la majorité avait votées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Bernard Carayon. Forfaiture !

M. Michel Françaix et M. Marcel Rogemont. A-t-il été révoqué ? Non !

M. Jean-Claude Lenoir. Alors ne venez pas nous dire aujourd’hui que vous avez été soucieux du respect de l’indépendance du CSA…

M. Marcel Rogemont. Si ! Qui a mis en place le CSA ?

M. Michel Françaix. Le CSA avait fait son boulot !

M. Jean-Claude Lenoir. …ou des décisions prises ! À l’époque, je ne vous ai pas entendu dire que tout ce qui avait été fait pour abattre le président d’Antenne 2 et de FR3 était déshonorant. Aujourd’hui, nous le disons.

C’est la raison pour laquelle j’approuve ce qu’a dit le président Copé tout à l’heure, mais ce que dit aussi Catherine Tasca, d’ailleurs : que l’exécutif prenne ses responsabilités et nomme le président de la chaîne publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Noël Mamère. Philippe Guilhaume n’était pas président de FR3 mais d’Antenne 2 !

M. Jean-Claude Lenoir. Il était président des deux ! Vous ne connaissez même pas l’histoire de la télévision !

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Je remercie M. Lenoir de cette leçon d’histoire, certes un peu confuse et ancienne, et qui n’intéressera que modérément les jeunes générations… (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Schosteck. Ben voyons !

M. Didier Mathus. Nous pourrions aussi remonter à la IVe République, et pourquoi pas, aux guerres puniques ? Nous sommes en 2008, chers collègues.

M. Benoist Apparu. Trop facile ! Vous nous avez habitué à mieux, monsieur Mathus !

M. Didier Mathus. Les dispositions des articles 8 et 9 sont inconstitutionnelles et surtout en totale contradiction avec les engagements de campagne du Président de la République. Ce dernier, dans un numéro du Point de mars 2007, avait en effet proposé de réformer le CSA. Nous ne plaidons pas pour une nomination par le CSA tel qu’il existe aujourd’hui, mais pour un CSA réformé, qui soit l’incarnation du pluralisme de ce pays, et si possible avec un président un peu moins servile à l’égard du pouvoir. Le Président de la République, alors candidat, avait plaidé quasiment pour la même chose, à savoir pour une réforme du CSA qui rende enfin celui-ci pluraliste. Il n’avait en revanche jamais évoqué la nomination des patrons de chaînes publiques par décret présidentiel.

Qui plus est, en ce qui concerne la publicité, M. Sarkozy écrivait, le 15 février 2007 : « Je préfère qu’il y ait un peu plus de publicité sur les chaînes publiques, plutôt que ces chaînes n’aient pas assez de moyens pour financer des programmes de qualité. »

Une chose est sûre : ce qu’il y a dans ce texte n’est pas un engagement de campagne ; c’est même exactement le contraire de ce qu’avait dit M. Sarkozy. Aussi, lorsque vous accusez de faire de l’obstruction et d’empêcher le Parlement de prendre des décisions légitimes issues de la campagne électorale, je réponds que c’est vous qui avez tourné casaque entre-temps : il n’a jamais été question de nommer et de révoquer les présidents de l’audiovisuel public par décret présidentiel !

Nous pensons que cela est contraire aux libertés publiques, que c’est un inacceptable recul en arrière, et que le Conseil constitutionnel, garant de nos libertés, l’analysera comme tel, à l’appui des éléments présentés tout à l’heure par Patrick Bloche.

Je voudrais conclure en interrogeant de nouveau la ministre, car nous ne pouvons rester dans l’entre-deux. Alors que nous sommes réunis depuis plusieurs jours, elle nous rapporte avoir dit dans une interview qu’il y aurait peut-être un décret, ou peut-être pas… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas sérieux ! Soit elle nous dit qu’il n’y aura pas de décret, et nous en prenons acte, soit elle nous dit qu’il y en aura un, et nous devons dans ce cas suspendre immédiatement nos travaux. Pour lui permettre de préparer une réponse précise, je demande une suspension de séance de trente minutes.

M. le président. Je mets d’abord aux voix les amendements.

(L'amendement n° 793 n'est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 493 à 496 et 499 ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour une minute. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-six, est reprise à seize heures cinquante-huit.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 69 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet amendement est de nature à rassurer ceux qui s’inquiètent de la codécision parlementaire, puisqu’il précise que l’avis du Parlement sur la nomination des présidents de l’audiovisuel intervient bien après celui du CSA, c’est-à-dire en dernier ressort. Tout parlementaire ne peut qu’y être sensible.

M. Benoist Apparu. Excellent !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Ce dispositif a toutes les apparences de la démocratie, puisque les commissions du Parlement sont appelées à donner un avis sur les nominations : ainsi, la commission de l’Assemblée compétente pour la culture et la communication se réunira avec son homologue du Sénat, et si elles obtiennent une majorité des trois cinquièmes contre la décision du Président, le Parlement aura pu faire entendre sa voix. À un détail près : jamais la gauche ne pourra avoir la majorité des trois cinquièmes nécessaires pour l’exercice du droit de veto. Autrement dit, lorsqu’un Président de la République sera de gauche, la droite disposera éventuellement d’un droit de veto contre sa décision mais, en revanche, si c’est un Président de droite, jamais la gauche n’aura une telle possibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande. Vous n’avez qu’à être majoritaires !

M. Marcel Rogemont. Jamais la gauche n’a obtenu une majorité parlementaire des trois cinquièmes sous la VRépublique.

M. Benoist Apparu. Douteriez-vous de vos capacités ?

M. Patrice Verchère. Vous n’avez pas confiance en vous ?

M. Patrice Martin-Lalande. Quel défaitisme !

M. Marcel Rogemont. Dès lors, il ne peut s’agir que d’un simulacre de démocratie : on laisse entendre que le Parlement va pouvoir intervenir alors que le but est seulement de permettre à la droite, qu’elle soit au pouvoir ou dans l’opposition, de contrôler la gauche, et d’interdire à la gauche de pouvoir contrôler la droite.

M. Bernard Carayon. C’est ce qu’on appelle le parlementarisme rationalisé, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont. Sous des apparences trompeuses, c’est un déni de démocratie.

Mme Isabelle Vasseur. Et allons-y !

M. Marcel Rogemont. C’est la réalité, madame. C’est pourquoi nous nous étonnons qu’un tel dispositif soit proposé à la représentation nationale et que l’on fasse croire à un contrôle du Parlement, surtout après avoir débattu du pouvoir de contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel dont le Président de la République lui-même a dit qu’en matière de nomination, cet organisme ne servait à rien !

Voilà donc deux dispositions, en principe destinées à contrôler le pouvoir du Président de la République en matière de nominations dans l’audiovisuel public, alors qu’en réalité, le contrôle démocratique n’existe pas. C’est scandaleux, et ces dispositions marquent bien votre embarras alors que vous donnez au Président de la République un pouvoir monarchique et bonapartiste sur l’audiovisuel public. C’est là une conception de la démocratie contre laquelle nous ne pouvons que nous élever. Il est tout de même curieux que vous vous octroyez en permanence des pouvoirs pour contrôler la gauche, lui interdire de parler et de décider, y compris lorsque vous êtes dans l’opposition, tout en faisant en sorte qu’elle ne puisse jamais faire ce que seriez en capacité de réaliser si vous étiez à sa place.

Je veux souligner solennellement dans cet hémicycle combien cette affaire des commissions parlementaires est purement hypocrite et ne répond aucunement au besoin de contrôle. Si l’on voulait vraiment contrôler la décision du Président de la République, il conviendrait que les dispositions permettent à l’opposition de s’exprimer clairement et avec un réel pouvoir.

M. Benoist Apparu. Il faut gagner les élections !

M. Marcel Rogemont. Comme le disait tout à l’heure le président Copé, il faut une codécision. C’est le contraire d’une vassalisation !

M. le président. Sur le vote de l'article 8, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. J’espère que chacun mesure bien l’importance de son vote sur l’article 8. Je veux d’ores et déjà clarifier les choses pour ne pas donner l’impression qu’il y aurait, d’un côté celui de la majorité, ceux qui voudraient transformer, réformer, et, de l’autre, sur les bancs de l’opposition, des conservateurs qui ne souhaiteraient pas que l’audiovisuel puisse changer, se transformer et s’améliorer. Je rappelle que nous avons déposé des amendements qui prenaient acte de cette volonté de changement et de transformation. Nous voulions que le fonctionnement de l’audiovisuel, mais aussi le CSA garantissent mieux le pluralisme et la diversité. Nos amendements ont tous été rejetés.

Je ne suis pas d’accord avec mon collègue Jean Rogemont sur un point : je considère que, quelle que soit la majorité, même si elle était de gauche et parvenait à réunir les trois cinquièmes pour contrecarrer les propositions du Président de la République, cela ne suffirait pas. Je suis partisan d’un audiovisuel totalement libre afin de garantir la diversité et le pluralisme. Ce serait une garantie pour toutes les oppositions, de gauche comme de droite, que de faire en sorte que le président de France Télévisions et ceux des autres organismes de l’audiovisuel soient nommés non par le Président de la République, mais par un CSA réformé qui pourrait dès lors jouer pleinement son rôle, en toute liberté, en toute indépendance et dans le respect du pluralisme.

M. Benoist Apparu. C’est très répétitif !

(L'amendement n° 69 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Pour une rapide explication de vote. Nous venons d’avoir un débat utile qui aura contribué à éclairer les Français sur la véritable nature de ce projet de loi et particulièrement de cet article. Sans reprendre tous les arguments qui ont été exposés, je veux revenir sur les plus importants.

Pour commencer, du fait de l’adoption de l’amendement n° 69, vous allez instaurer un système de confusion des pouvoirs. Vous prévoyez que le président de France télévisions soit nommé par le Président de la République après avis conforme du CSA et un avis de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce faisant, vous mélangez des institutions qui ont des légitimités différentes, créant dans un dispositif des plus contestables au regard des principes édictés par le Conseil constitutionnel. Nous ne manquerons pas de déposer un recours sur l’article 8 ainsi amendé qui, loin de clarifier les relations entre les pouvoirs, les rend plus confuses encore.

En outre, il est clair que ce changement du mode de nomination n’est lié qu’au fait du prince. Le Président de la République, en contradiction avec ses déclarations durant le campagne présidentielle, entend s’arroger un pouvoir totalement exorbitant au regard tant du droit commun que de la pratique des autres démocraties européennes. Mon collègue Didier Mathus a parlé à raison d’un véritable coup d’État audiovisuel. Ajoutons que ce mode de désignation ne servira en rien le président de la future société, qui sera suspecté en permanence de connivence avec le pouvoir. C’est donc une véritable régression.

C’est pourquoi nous voterons évidemment contre l’article 8. Nous verrons que le pouvoir de révocation prévu à l’article suivant montre clairement que l’intention du Président de la République st bien d’avoir une télévision publique à sa botte.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. J’entends dénoncer à mon tour le coup de force à l’œuvre avec l’article 8, une des pièces maîtresse dans l’architecture du projet puisqu’il consacre dans la loi la dépendance politique des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l’audiovisuel extérieur. Les commentateurs ont parlé à plusieurs reprises de la naissance d’une télévision d’État. Mesdames, messieurs de la majorité, lorsque vous aurez voté, vous aurez institué une télévision à la botte, un audiovisuel public qui sera la risée de l’ensemble des grandes démocraties, et vous aurez signé une involution, une régression démocratique. Mais il faudra bien, un jour ou l’autre, que vous en rendiez compte devant les Français, qui sont aussi des téléspectateurs. Ils ont droit, à ce titre, à un audiovisuel public qui ne soit pas marchandisé et ne réponde pas seulement à des critères de concurrence avec un secteur privé auquel on multiplie les cadeaux. Ils ont droit à un audiovisuel qui remplisse ses missions d’instruction et d’information, de diffusion des connaissances et de la culture.

Or, loin de favoriser les missions du service public, vous êtes en train de les démanteler. Vous prenez une très grande responsabilité devant le pays. Certes, les Français sont en ce moment bien plus préoccupés par l’évolution de leur pouvoir d’achat, par le maintien des inégalités devant la répartition des richesses, par la question de l’emploi – nous avons franchi la barre symbolique des 2 millions de chômeurs –, par la récession à l’œuvre et qui frappe les plus vulnérables et les plus précaires, par le recul incessant des libertés : chaque jour qui passe, un nouvel incident vient nous prouver que nous sommes dorénavant dans une société de surveillance, où la justice se soumet à la police. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Une justice soumise à la police et, demain, un audiovisuel public soumis au bon plaisir du pouvoir ! En effet, le Président de la République, après avoir procédé à la nomination des présidents du service public de l’audiovisuel pourra même, aux termes de l’article 9, procéder à leur révocation. Vous pouvez utiliser tous les mots que vous voulez pour qualifier ce que vous avez institué : paravent, verrou, cadre ou rempart ; mais, qu’il s’agisse du CSA ou de la majorité des trois cinquièmes des commissions, ce ne sont que chrysanthèmes déposés sur la tombe du service public, que vous êtes en train d’enterrer ! C’est la raison pour laquelle nous voterons contre l’article 8.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 8 tel qu'il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(L'article 8, amendé, est adopté.)

M. Didier Mathus. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. Benoist Apparu. Cela faisait longtemps !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, je veux faire part de mon émotion, voire de ma stupéfaction, en constatant que sur un article aussi important, peut-être, avec l’article 9, le pivot du projet de loi, le président de la commission spéciale n’a même pas participé au vote. Nous sommes très intrigués par son absence. Cela signifie-t-il qu’il désapprouve cet article ? Ce serait tout à son honneur.

M. Benoist Apparu. Où avez-vous été chercher une chose pareille ?

Mme Valérie Rosso-Debord. Vous ne pouvez pas le savoir puisqu’il n’a pas voté !

M. Didier Mathus. Quoi qu’il en soit, cela mérite de sa part quelques explications. Pour lui donner le temps de nous rejoindre, je demande une suspension de séance.

M. le président. La demande de suspension de séance est refusée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Tout simplement parce que ce motif n’est pas prévu dans le règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 9

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, inscrit sur l’article 9.

M. Patrice Martin-Lalande. Pardonnez-moi de revenir un instant sur le débat à propos du rôle des commissions des affaires culturelles dans la désignation des présidents, pour rappeler que, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ces commissions sont formées à la proportionnelle.

C’est là une caractéristique que le public ne le connaît pas nécessairement : autrement dit, les commissions reflètent le choix des électeurs.

M. François Loncle. Reparlons du scrutin sénatorial !

M. Patrice Martin-Lalande. Quant à l’article 9, il vise à assurer le parallélisme des formes, dans le cadre de d’une procédure de codécision identique à celle que nous venons de voter à l’article 8 : on y retrouve les trois mêmes pouvoirs, des mêmes étapes, des mêmes garanties et de la même procédure de co-décision.

M. Christophe Caresche. C’est la procédure de co-révocation !

M. Patrice Martin-Lalande. Le décret du Président de la République doit être motivé, le CSA doit rendre un avis conforme – ce qui signifie un droit de veto ; de même, les commissions de l’Assemblée et du Sénat doivent donner leur accord – ce qui signifie également un droit de veto du Parlement. La décision doit donc résulter de l’accord de ces trois pouvoirs.

Je proposerai un amendement visant à préciser qu’un tel retrait de mandat ne pourrait intervenir que pour un manquement grave. C’est l’esprit général du texte, mais il me semblerait utile de le rendre plus explicite sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. La majorité vient de prendre une responsabilité importante : nous serons désormais le seul pays européen dans lequel le Président de la République désigne les présidents de l’audiovisuel. Il deviendra difficile de croire à leur indépendance !

L’article 9 nous fait pourtant franchir une étape supplémentaire. Non seulement les présidents de l’audiovisuel seront nommés par le Président de la République, mais celui-ci aura tout pouvoir pour les révoquer : en aucun cas il ne sera obligé de demander leur accord à d’autres instances. Les présidents des différents organismes audiovisuels dépendront donc directement du Président de la République, et – nous l’avons déjà signalé – ne seront pas même responsables devant leurs conseils d’administration. On peut dès lors se demander à quoi ceux-ci serviront…

Cet article est également lourd de conséquences pour les engagements pris, à plusieurs reprises, par Mme la ministre sur les moyens accordés à l’audiovisuel public, notamment sur la compensation de la perte des recettes publicitaires. Car chaque fois que le président d’un organisme audiovisuel sera révoqué – au bon plaisir du Président de la République – le contrat d’objectifs et de moyens sera révisé : que deviendront alors les promesses, les engagements sur les moyens ? Ceux-ci pourront en effet être revus – à la hausse, mais surtout, j’en ai peur, à la baisse.

Madame la ministre, je vous demande de répondre à ces questions précises. Votre responsabilité est importante : que deviennent les engagements de ce projet de loi, les ambitions revendiquées par M. Herbillon tout à l’heure ? Nous avons toutes raisons d’être très pessimistes sur l’avenir de l’audiovisuel public.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Après la « facilité » que s’offre l’actuel Président de la République de choisir par décret le président de France Télévisions, nous franchissons avec l’article 9 une étape nouvelle dans ce qui est fondamentalement une remise en cause de l’indépendance et de pluralisme des médias.

La séparation des pouvoirs a un sens, plusieurs orateurs l’ont déjà rappelé. Elle doit aujourd’hui, à l’évidence, s’appliquer au pouvoir des médias, ce quatrième pouvoir dont personne ne conteste plus l’importance.

Au nom d’un parallélisme des formes – qui peut nommer peut révoquer – l’article 9 signe un fantastique retour en arrière ; et ce, d’autant plus que si le CSA peut aujourd’hui, conformément à l’article 47-5 de la loi de 1986, retirer son mandat aux présidents des conseils d’administration de Radio France, de l’audiovisuel extérieur de la France ou de France Télévisions, il n’exerce pas pour autant une tutelle quotidienne sur ces présidents et sur la façon dont ils exercent leur mission.

L’ambiguïté qui naîtrait de cet article 9 – s’il était par malheur adopté – viendrait de ce que le président de France Télévisions négocie en permanence avec l’État, qu’il s’agisse du cahier des charges, du contrat d’objectifs et de moyens, de la mise en œuvre de ce contrat, du plan d’affaires dont la négociation doit s’achever à la mi-décembre – sur laquelle je m’acharne d’ailleurs à demander des informations à madame la ministre qui se refuse à en donner aucune à la représentation du peuple : cela en dit long de l’obscurité dans laquelle on conduit ce débat…

Si cette loi est votée, celles et ceux qui exerceront la tutelle sur le président de France Télévisions auront également tout pouvoir sur les moyens de l’audiovisuel public : le pouvoir de révocation exposera le président de France Télévisions à un chantage permanent. L’État actionnaire et le pouvoir politique pourront le révoquer s’il ne se plie pas à leurs injonctions, et notamment à leurs injonctions budgétaires.

La fragilisation du financement de l’audiovisuel public est en effet le principal motif de notre condamnation de ce funeste projet de loi : il sera nécessaire de compenser la disparition des ressources publicitaires, transférées vers l’audiovisuel privé. L’audiovisuel public sera donc non seulement fragilisé financièrement, mais aussi plus dépendant que jamais du pouvoir budgétaire de l’État. Et, dans le même mouvement, on accorde au pouvoir politique un droit de nomination et de révocation ! Autrement dit, non seulement le président de France Télévisions sera nommé par l’exécutif, en violation du principe de séparation des pouvoirs, en violation de l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1989, qui constitue pourtant un principe à valeur constitutionnelle, mais, révocable à tout moment, ilfera l’objet d’un chantage continuel ! Nous ne saurions l’accepter.

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Nous avons vécu un grand moment de retour en arrière… Chacun a compris à quel point le geste du Président de la République était anachronique, contraire au sens de l’histoire : rien de tel n’existait depuis l’éclatement de l’ORTF. Maintenant, on va encore plus loin : non content de nommer, voilà qu’il se fait donner le droit de révoquer !

Cela rappelle la lettre de cachet : le Président de la République décide, selon son bon vouloir, à quel moment l’homme ou la femme qu’il aura choisi ne correspond plus à sa volonté. M. Patrick Bloche l’a très bien expliqué : France Télévisions sera soumise aux humeurs du prince – et Dieu sait que notre prince a des humeurs ! Car je ne sache pas qu’il ait été élu pour imaginer les programmes ou pour choisir les journalistes. On peut déjà imaginer les pressions qui s’exerceront sur le président de France Télévisions ! « Il vaudrait mieux qu’un tel soit nommé… » « C’est quelqu’un de qualité… » Refuser de les entendre, une fois, passe encore ; deux fois, ce sera s’exposer à des problèmes majeurs.

Il y a plus grave encore : au-delà même de la personnalité des hommes et des femmes installés par le Président de la République, ce qui est en cause, c’est la capacité du président de France Télévisions à mener sa propre politique, à ouvrir des perspectives, à penser un avenir positif pour le service public. Là encore, on viendra lui expliquer que s’il veut un peu de financement, il vaudrait mieux que telle émission diffusée à tel moment traite de tel sujet, ou que les producteurs mettent l’accent sur tel ou tel point. C’est inimaginable, au point que même le CSA, dans un petit tremblement, a osé suggérer que la révocation soit réservée aux seuls cas de manquements graves !

Mais, dans l’esprit du Président de la République, qu’est-ce qu’est un manquement grave ? Est-ce un maquillage qui ne dure pas le temps nécessaire ? Est-ce lorsqu’un technicien du service public oublie de serrer la main au Président de la République ? Est-ce lorsqu’un gréviste brandit une banderole devant France Télévisions ?

Le Président de la République fera alors convoquer le président de France Télévisions, non pas même par madame la ministre de la culture – qui s’y refuserait sûrement – mais par un chargé de mission idoine, pour l’informer qu’il ne s’est pas conduit comme on l’aurait voulu : il ne faudrait pas, ajoutera-t-on, que cela se reproduise ; sinon, ce sera la révocation.

M. Patrice Martin-Lalande. Ces propos sont caricaturaux ! Il ne faut pas leur prêter attention.

M. Michel Françaix. Vous qui représentez la République, la démocratie et le pluralisme, vous devriez comprendre qu’un homme seul ne peut décider pour tous de la nomination du président de France Télévisions, ni surtout de sa révocation – au seul motif du caprice du prince !

Application de l’article 57 du règlement

M. le président. En application de l’article 57, je décide la clôture de la discussion sur l’article 9. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous en arrivons aux amendements.

La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir son amendement n°184.

M. Didier Mathus. Rappel au règlement ! Monsieur le président, vous auriez dû consulter l’Assemblée. Vous ne l’avez pas fait. Je demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe – j’ai mandat pour ce faire.

M. le président. Monsieur Mathus, le président n’a pas à soumettre sa décision de clore la discussion sur l’article au vote.

M. Didier Mathus. Vous devez consulter l’Assemblée ! Vous trahissez le règlement !

M. Noël Mamère. C’est de la censure !

M. Michel Françaix. Révoquez le Parlement, tant que vous y êtes !

M. le président. Vous avez demandé une suspension de séance pour réunir votre groupe, elle est de droit Je vous donne cinq minutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Noël Mamère. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, je pense que la manière dont nos débats se déroulent n’est pas conforme à l’esprit de notre assemblée.

M. Christophe Caresche. Parfaitement ! C’est inadmissible !

M. Noël Mamère. Les articles 8 et 9 sont particulièrement importants. Vous auriez pu proposer une interprétation plus extensive de notre règlement, en particulier de l’article 57. Vous aviez, jusqu’à maintenant, en tant que président de séance, respecté une grande neutralité et voilà que vous vous rendez complice d’un ministre chargé des relations avec le Parlement qui nous a expliqué qu’il allait faire preuve d’imagination pour en quelque sorte censurer le débat.

Que vous appliquiez l’article 57 de notre règlement à deux des articles qui sont parmi les plus importants de ce projet de loi, puisque l’article 8 concerne la nomination du président de France Télévisions par le Président de la République et l’article 9 sa révocation, constitue un acte de censure. Ces articles ne méritaient pas une telle interruption de la discussion.

M. Michel Herbillon. Le président aurait dû le faire plus tôt, voulez-vous dire ?

M. Christophe Caresche. Il n’aurait pas dû le faire sur ces articles-là !

M. Noël Mamère. Nous ne pouvons accepter ces méthodes, qui censurent, qui raccourcissent le débat parce que vous êtes pressés d’en finir, parce qu’il faut emballer tout cela et parce que vous avez des ordres de l’Élysée qui en a assez de cette opposition qui s’oppose – elle ne fait que son travail. Considérant que les conditions ne sont pas réunies pour un débat serein, nous demandons une suspension de séance pour réunir notre groupe.

M. Christophe Caresche. Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande. Un groupe monoplace !

M. le président. Manifestement, monsieur Mamère, votre demande de suspension est un abus de droit. Vous n’aurez donc pas de suspension de séance. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Noël Mamère. Pour quel motif ?

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Rappel au règlement…

M. le président. Non, il n’y a pas de rappel au règlement ! Votre précédente intervention n’était pas davantage un rappel au règlement !

M. Didier Mathus. Monsieur le président, je représente mon groupe. Nous considérons que vous n’appliquez pas le règlement comme celui-ci doit l’être. C’est à nos yeux une faute de la présidence. Je demande une suspension de séance suffisamment longue pour que nous ayons le temps de consulter le président de notre groupe et de l’informer sur ce qui se passe ici.

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’est pas là !

M. Didier Mathus. Je demande une suspension de séance de trente minutes.

M. le président. Je vous accorde trois minutes. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Didier Mathus. Non, monsieur le président !

M. Christophe Caresche. Ce qui se passe est très grave !

M. le président. Je pense avoir été extrêmement large depuis ce matin sur tous les temps de parole.

M. Noël Mamère. Visiblement, c’est fini !

M. le président. Vous êtes arrivés quelquefois en retard, j’avais déjà appelé vos amendements, mais je vous ai quand même donné la parole.

M. Didier Mathus. Ce n’est pas vrai !

M. Patrice Martin-Lalande. Si, c’est vrai !

M. le président. Il arrive un moment où il faut bien avancer. La présidence s’attache à respecter un équilibre. Je vous ferai remarquer que dans la discussion sur l’article 9, il y a eu trois intervenants de l’opposition et un intervenant de la majorité.

M. François Loncle. Et alors ? Les députés de la majorité n’ont qu’à intervenir !

M. le président. Je crois que l’équilibre a été respecté pour l’opposition. Mais on ne peut pas non plus accepter que les débats n’avancent pas du tout. En conséquence, je vous accorde une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 9.

Je suis saisi de huit amendements identiques, nos 184 à 190 et 794, tendant à supprimer l’article.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir l’amendement n° 184.

M. Didier Mathus. Monsieur le président, je ne peux que protester contre les conditions dans lesquelles nous discutons les articles 8 et 9 du projet de loi.

M. Noël Mamère. Oui, vous auriez pu éviter cela !

M. Didier Mathus. La désignation et la révocation par décret présidentiel des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ce n’est pas une mince affaire… On aurait pu imaginer que la majorité elle-même souhaite un vrai débat démocratique. En effet, sur un sujet aussi sensible, chacun devrait pouvoir s’exprimer.

M. Patrice Martin-Lalande. Mais chacun s’exprime !

M. Didier Mathus. Ne s’agit-il pas du mode de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, notre patrimoine commun ? Par une application du règlement de l’Assemblée la plus restrictive qui soit, vous prêtez main-forte à l’UMP, qui souhaite nous faire taire,…

M. Patrice Martin-Lalande. Absolument pas ! Nous souhaitons seulement avancer !

M. Didier Mathus. …au moment où nous approchons de ce qui constitue politiquement le cœur du texte.

Après la nomination par décret présidentiel instaurée par l’article 8, la révocation prévue par l’article 9 marque un pas de plus dans l’infamie. Et à qui réserve-t-on cette procédure sans équivalent dans le droit français ? Aux dirigeants de l’audiovisuel public, présidents de France Télévisions, de Radio France ou de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Sur une question aussi sensible que celle de l’information de nos concitoyens, ces responsables devront se demander tous les matins, en se levant, s’ils ne risquent pas de déplaire au Président de la République. L’esprit de cour dans lequel nos collègues de la majorité se sont englués, au détriment de l’idéal républicain, est en train de gagner toutes les sphères de notre pays.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous !

M. Didier Mathus. Révoquer les présidents de l’audiovisuel paraissait pourtant inimaginable.

M. Patrice Martin-Lalande. Peut-on confier des responsabilités à quelqu’un sans réfléchir à la manière d’y mettre fin ?

M. Didier Mathus. Lorsque nous avons découvert les avant-projets de ce texte, nous avons d’abord été incrédules : de telles dispositions ne pourraient être maintenues dans le projet de loi. Elles y sont pourtant restées… C’est dire où sont tombés le Gouvernement, mais également la majorité : car enfin, votre tâche, députés, élus au suffrage universel, est précisément d’empêcher l’exécutif de faire main basse sur la liberté d’informer nos concitoyens en toute indépendance.

À présent, on nous propose de corriger le texte par amendement recourant à la notion de faute grave. Mais, si le président de France Télévisions reprochait demain au Président de la République d’avoir tenu des propos injustes, faux et stupides, ne jugerait-on pas qu’il s’agit d’une faute grave ? C’est pourtant ainsi que M. de Carolis a qualifié la déclaration sur la télévision publique que le Président de la République a faite en juillet dernier. Dans le futur régime, il serait immédiatement révoqué, pour avoir déplu à l’exécutif.

Je ne suis pas sûr que la majorité mesure à quel point elle abaisse l’esprit public en adoptant une disposition de cette nature. Ce matin, j’ai rappelé les phrases cruelles que Victor Hugo consacrait à Napoléon-le-petit, le despote de 1952. Mais que dire de l’abaissement de l’esprit public, qui conduit la majorité à adopter une décision aussi inique et aussi despotique que la révocation d’un président de l’audiovisuel public par le Président de la République ?

Et qu’on ne nous parle pas des garde-fous que représenteraient le CSA – personne ne se fait d’illusions à son sujet – ou le vote des membres d’une commission parlementaire à une majorité des trois cinquièmes ! Il ne s’est jamais produit sous la Ve République. Le Président de la République peut dormir tranquille : il possédera désormais droit de vie et de mort sur les présidents de l’audiovisuel public. Pareil recul démocratique n’est pas à l’honneur de la majorité.

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour soutenir l’amendement n° 185.

M. Michel Françaix. Nous sommes tombés bien bas, monsieur le président, et je comprends que beaucoup de députés de la majorité préfèrent rester dans les couloirs. Ils ne peuvent pas être très fiers, en effet, de ce qui se passe dans notre hémicycle.

Quand nous proposons que le service public de l’audiovisuel soit dirigé de manière indépendante, ou que, pour les mêmes raisons, les personnalités qui siègeront aux conseils d’administration soient choisies, par exemple, parmi les parlementaires de tous horizons, on pourrait croire que toutes les mains vont se lever pour voter notre amendement. Mais non !

Quand nous suggérons que les gens qui choisiront le nom du président de France Télévisions devraient tout de même connaître quelque chose à la télévision ou être actifs dans ce secteur, on pourrait s’attendre à ce qu’une proposition aussi banale suscite un consensus général. Pas davantage !

Enfin, on en arrive au dernier coup bas : la révocation, la lettre de cachet. Selon que le Président de la République se sera levé du bon pied – ou non –, qu’il sera de bonne humeur – ou non –, qu’on aura dit niaisement du bien de lui, de sa famille ou de sa politique – ou non –, il rendra son arrêt.

Il faut vraiment ne pas aimer les journalistes, ne pas aimer le service public pour leur refuser ainsi toute hauteur de vue, ainsi que toute indépendance dans le traitement de l’information ou le choix des programmes. Savez-vous que création rime avec transgression, et ne s’accorde que fort mal avec Président de la République et exécutif fort ? À terme, ce sont tous les programmes qui seront affectés par une telle conception de la France.

Je vois bien l’air accablé de bon nombre de collègues de la majorité. Certains, pour ne pas écouter, rédigent leur courrier. Je les comprends : pour eux, cela vaut mieux. Cette nuit, quand ils rentreront chez eux – fort tard, puisque nous allons rester encore un bon moment ensemble –, j’espère que certains d’entre eux se demanderont s’ils ne viennent pas de porter un mauvais coup au service public et à la conception que nous nous faisons tous de la démocratie, à la République ou du pluralisme. Je leur souhaite de s’endormir sagement ; mais parmi les députés de la majorité qui s’intéressent à l’audiovisuel et qui partagent certaines valeurs avec nous, j’en connais qui ne doivent pas être très à l’aise dans leurs baskets… Il est encore temps pour eux de réviser leur vote.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 186.

M. Marcel Rogemont. L’amendement n°186 vise à supprimer une disposition qui est, à nos yeux, un comble : que le Président de la République nomme et révoque les dirigeants de l’audiovisuel – ce qu’il ne peut même pas faire pour celui d’une société nationale comme la SNCF ! Qui plus est, après avoir nommé et révoqué, il veut encore provoquer, car il veut aller jusqu’au bout de son pouvoir en ridiculisant, si possible, tous les autres.

Rappelez-vous ce qu’a dit M. Sarkozy, en rentrant d’Israël, du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Rappelez-vous la manière dont il a traité M. Copé, venu à l’Élysée expliquer qu’il désapprouvait la suppression de la publicité à la télévision publique… Il s’est retrouvé affublé d’une présidence de commission. Celle-ci a travaillé, j’en conviens, de manière intéressante (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), mais, avant même qu’elle ait rendu son rapport, le Président de la République, a annoncé ses décisions, foulant aux pieds le travail réalisé. Voilà ce qui se passe quand quelqu’un va au bout de son pouvoir sans que personne ne le retienne.

La possibilité de révoquer à tout moment le président de France Télécom paraît plus encore inadmissible lorsqu’un des porte-flingue du Président, le député suppléant d’Issy-les-Moulineaux Frédéric Lefebvre, se vante dans la presse d’avoir « eu Hondelatte », c’est-à-dire d’avoir réussi à faire tomber un animateur de télévision. Demain, non seulement le président de la République pourra révoquer le président de France Télévisions, mais, ici ou là, ses valets viendront saquer tel ou tel présentateur. Voilà ce que permettra l’article 9 !

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’est pas encore voté !

M. Marcel Rogemont. En outre, si le Président de la République demande la révocation du président de France Télévisions, il ferait beau voir que le CSA émette un avis contraire. Si tant est que cela soit le cas, du reste, comment le président incriminé pourrait-il continuer à diriger sa société, puisqu’il devrait craindre les sanctions d’ordre financier qui pourraient être prises contre elle ?

J’ajoute que, lorsque le président de France Télévisions est nommé, il signe un contrat d’objectifs et de moyens, dont le CSA est chargé de contrôler l’exécution. En conséquence, n’est-ce pas à lui de sanctionner, le cas échéant, le président de l’audiovisuel ? Il faut croire que ce contrat d’objectifs et de moyens n’aura plus aucune valeur désormais, puisqu’il suffira d’une tocade pour révoquer le président.

M. le président. Venez-en à votre conclusion, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. J’y arrive, monsieur le président, mais convenez que cet article est fondamental, ce qui justifie d’autant mon amendement de suppression.

La possibilité, pour le Président de la République, de nommer, de révoquer et de provoquer, pour ridiculiser tous les pouvoirs destinés à contrebalancer le sien, est contraire au respect minimum que méritent nos institutions. C’est pourquoi je demande à nos collègues de supprimer l’article 9.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 187.

M. Patrick Bloche. Plutôt que d’évoquer mon expérience personnelle de rapporteur de la proposition de loi relative au PACS, je vous rappellerai dans quelles conditions eut lieu, au début des années 1980, le débat sur la grande loi sur l’audiovisuel…

M. Franck Riester. Le passé, toujours le passé !

M. Patrick Bloche. Défendu par Georges Fillioud, alors ministre de la communication du président de la République, François Mitterrand, ce texte visait à instaurer durablement en France – en tout cas, jusqu’au vote du projet de loi que nous examinons – le pluralisme des médias, et l’indépendance de l’information.

Dans Mémoire des deux rives — Entre médias et pouvoirs, livre passionnant consacré à ses souvenirs, Georges Fillioud raconte comment cette loi fut votée. Vos prédécesseurs, mesdames, messieurs les députés de la majorité, étaient alors dans l’opposition.

« Ce fut le début d’une grande épopée parlementaire puisqu’il s’écoula presque un an entre l’approbation du projet en Conseil des ministres, en novembre 1983, et l’adoption définitive de la loi, en session extraordinaire du Parlement.

« Pas moins de sept lectures entre l’Assemblée nationale et le Sénat, plusieurs commissions mixtes paritaires des deux assemblées où l’opposition refusait de siéger, une motion de censure, d’innombrables renvois devant la commission des affaires culturelles qui aura siégé, en tout, sur ce seul texte, quelque cent quarante-cinq heures – autant qu’en une année moyenne de ses travaux.

« Parmi des milliers d’autres, l’opposition déposa des amendements de suppression sur chacun des articles, du premier jusqu’à l’article 45, obligeant le président de la commission, Claude Evin, à ouvrir la discussion sur chacun de ces amendements, et à recommencer à chaque fois le débat. Ainsi, une nuit, le député Alain Madelin, prit la parole à une heure du matin et la garda jusqu’à quatre heures, avant de la céder à un autre député de l’opposition qui reprit la même démonstration…

« En séance publique, l’examen du projet aura duré vingt jours, occupé cinquante et une séances,…

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’y a rien là d’enviable !

M. Patrick Bloche.… cent soixante-dix heures et trente minutes de débats, pour examiner 2 593 amendements, record absolu.

M. Jean-François Copé. Il faut changer tout cela !

M. Patrick Bloche. « Parmi ces amendements, l’un proposait de rebaptiser le texte : « loi de justice et d’amour » ; un autre prévoyait que la commission de la presse devrait s’informer par télépathie. »

M. Michel Herbillon. Ce n’est vraiment pas une référence. On n’a plus envie de voir ça !

M. Patrick Bloche. Chers collègues, je voulais seulement vous rafraîchir la mémoire.

M. Franck Riester. On rejette cela !

M. Jean-François Copé. On ne veut plus de tout cela. On va changer le règlement !

M. Patrick Bloche. Que faisons-nous depuis le mardi 25 novembre, depuis exactement neuf jours qu’a commencé l’examen de ce projet de loi ? Pour commencer, l’examen en commission a été expédié, parce qu’il a fallu plusieurs semaines pour que le Conseil des ministres adopte ce projet de loi. Ensuite, le Gouvernement a déclaré l’urgence, et il nous demande de bâcler un débat essentiel. Pourtant, c’est l’avenir de l’audiovisuel public de notre pays qui est en jeu, car, avec cette loi, le Gouvernement fera faire un grand bond en arrière aux libertés publiques en France.

Comprenez que notre rôle est, tout simplement, de nous opposer et d’informer l’opinion sur les conséquences qu’aura ce texte ! Or, sur l’article 8, comme sur l’article 9, nous n’avons pas obtenu le temps de parole que nous réclamions, et qui aurait dû nous être accordé.

La nomination et la révocation par le Président de la République, des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société chargée de l’audiovisuel extérieur de la France constituent une régression démocratique majeure, exemplaire de la conception de l’exercice du pouvoir du Président de la République. On sait ce que sont déjà ses méfaits, et combien de journalistes et de responsables de rédaction ont été virés à sa demande, pour répondre à son bon vouloir parce qu’une photo ou un article déplaisait.

M. Franck Riester. Vous parlez de Mitterrand !

M. Jean-Claude Lenoir. Et Guilhaume ?

M. Patrick Bloche. Voilà dans quel régime politique nous vivons ! Oui, nous nous opposons à ce pouvoir de révocation : c’est de l’arbitraire et ce n’est pas compatible avec la République !

M. Bernard Carayon. Mitterrand utilisait son pouvoir pour demander des écoutes téléphoniques, et vous l’avez blanchi !

M. le président. Monsieur Bloche, je vous fais remarquer que douze intervenants se sont exprimés sur l’article 8 : dix députés de l’opposition, deux députés de la majorité.

M. Didier Mathus. Seulement ?

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas énorme ! Il n’y a rien de scandaleux à ce que douze députés prennent la parole sur un tel article.

M. le président. Sur l’article 9, quatre orateurs se sont exprimés : trois appartenant à l’opposition, un à la majorité.

M. Michel Herbillon. Ils en veulent vingt-cinq, comme hier !

M. le président. Par ailleurs, de nombreux amendements de suppression de cet article ont été déposés. En conséquence, l’opposition a encore largement le temps de s’exprimer, ce qui est bien normal. Je vais d’ailleurs lui donner la parole avec beaucoup de plaisir.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier,..

M. François Loncle. Monsieur le président, je voudrais reprendre l’amendement n° 189.

M. le président. Ce n’est pas possible, vous n’êtes pas signataire de cet amendement, et comme aucun de ses auteurs n’est présent, je ne l’ai pas appelé.

M. François Loncle. Vous m’interdisez de prendre la parole !

M. Jean-Claude Lenoir. Il y a un règlement !

M. le président. Absolument pas, monsieur Loncle, mais on n’a pas le droit de reprendre un amendement que l’on n’a pas signé.

M. François Loncle. C’est la seconde fois que cela se produit ! Je suis interdit de parole !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 190.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, vous avez décidé de « révoquer », si je puis dire, la discussion générale sur l’article 9, précisément consacré à la révocation des présidents de l’audiovisuel public. Les dispositions de cet article sont pourtant pires que celles de l’article 8 relatif à la nomination des mêmes dirigeants.

S’il s’était agi de l’article 29 du projet de loi, consacré à la valorisation des dépenses d’audio-description dans la contribution des éditeurs de services de télévision diffusés en mode hertzien à la production, et à l’adaptation des obligations applicables aux services de communication audiovisuelle aux services de médias audiovisuels à la demande, nous aurions pu comprendre que vous écourtiez un peu la discussion générale. De même, sur l’article 31, qui a trait aux modalités d’attribution de la ressource radioélectrique pour la diffusion par satellite, nous aurions pu comprendre qu’après cinq ou six interventions, vous jugiez l’ensemble de nos collègues suffisamment éclairés. Mais dans le cas présent, nous parlons d’un article qui méritait d’alerter tous nos collègues, qui méritait une discussion au fond, qui méritait d’entendre une voix de la majorité, sinon plusieurs voix tenter de justifier l’injustifiable.

Ainsi, la révocation se ferait selon le bon plaisir d’un nouveau monarque républicain – qui n’est même plus éclairé.

M. Jean-Claude Lenoir. Et l’exécution programmée de Philippe Guilhaume ?

Mme Sandrine Mazetier. D’ailleurs, peut-on encore parler de révocation ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une répudiation ? (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Car maintenant que la majorité a adopté l’article 8 du projet de loi, qui acceptera, sinon un courtisan ou une courtisane, de présider les sociétés de l’audiovisuel public ? L’esprit de cour a contaminé jusqu’à nos bancs…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est la génération Mitterrand qui parle !

Mme Sandrine Mazetier. Notre collègue Lenoir est un habitué des entreprises publiques dont les dirigeants sont nommés par le Président de la République, puisqu’il a fait une partie de sa carrière chez EDF. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Isabelle Vasseur et M. Franck Riester. Et alors !

M. Marcel Rogemont. Elle n’a pas dit que c’était une tare !

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas une tare en effet. Pour notre part, nous aimons beaucoup les agents du service public et nous les défendons. (Mêmes mouvements.) Ai-je dit quelque chose d’inexact, monsieur Lenoir ?

M. Jean-Claude Lenoir. M. Lenoir est un homme de rayonnement !

M. Patrice Martin-Lalande. Vous avez dérapé, madame Mazetier. C’est très choquant !

M. le président. Seule Mme Mazetier a la parole.

Mme Sandrine Mazetier. Le problème, monsieur Lenoir, c’est que le service public de production et de distribution de l’énergie, ce n’est pas la même chose que le service public de l’audiovisuel. Vous en conviendrez, vous qui avez beaucoup travaillé au développement de ces entreprises. Le fait que l’on puisse ainsi nommer, et surtout révoquer un dirigeant de l’audiovisuel public devrait vous choquer.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous, vous préférez les exécutions programmées ! Le cas de Philippe Guilhaume est exemplaire.

Mme Sandrine Mazetier. Tout à l’heure, vous avez défendu le libre exercice de son mandat par un président de chaîne à une époque où France Télévisions n’existait pas. Vous devriez vous élever contre ce pouvoir de révocation…!

M. Jean-Claude Lenoir. Vous préférez édifier des monuments d’hypocrisie !

M. Marcel Rogemont. Tout de même, les autorités administratives indépendantes ne sont pas des « machins » !

Mme Sandrine Mazetier. …d’autant que vous le confiez à un homme qui précisément demande qu’on l’aide à réfréner ses pulsions ! Ne déclarait-il pas en 1995 : « Si je ne faisais pas attention, tous les jours je serais à la télévision, jusqu’à ce que les téléspectateurs en aient la nausée. »

Chers collègues de la majorité, accédez aux demandes implicites de celui que vous semblez soutenir. Empêchez-le d’user et d’abuser d’un droit qu’il n’a pas encore ! Ne lui donnez pas ce droit exorbitant, dernière marche dans la poutinisation de l’audiovisuel public en France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ne votez pas l’article 9 ; votez nos amendements de suppression de l’article !

Mme Isabelle Vasseur. Bien sûr !

M. Bernard Carayon. C’est de l’hystérie !

Mme Sandrine Mazetier. J’ai bien entendu ce que vous venez de dire, monsieur Carayon. Vous m’insultez !

Monsieur le président, je viens d’être insultée par un de mes collègues ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Michel Françaix et M. Didier Mathus. Des excuses ! Des excuses !

M. le président. Si c’est pour un fait personnel, madame Mazetier, je vous donnerai la parole en fin de séance. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est le règlement.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Des excuses ! Des excuses ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de vous calmer.

Madame Mazetier, je vous prie regagner votre place. (Mouvements divers.)

Demandez à Mme Mazetier de regagner sa place !

M. Marcel Rogemont. Je vais tenter de la retenir, monsieur le président !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 794.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, peut-être vais-je attendre que la sérénité règne à nouveau dans l’hémicycle…

M. Michel Herbillon. Vous voulez dire à gauche !

M. le président. Nous vous écoutons, monsieur Braouezec, vous avez la parole.

M. Patrick Braouezec. Il est assez désagréable, après une intervention tout à fait normale, d’entendre un tel commentaire, doublement misogyne,…

M. Noël Mamère. Absolument !

M. Patrick Braouezec.… qui rappellent un peu le Moyen Âge, époque à laquelle l’hystérie était considérée comme une maladie exclusivement féminine.

M. Jean-François Copé. Il n’y a pas que cela qui nous rappelle le Moyen Âge !

M. Patrick Braouezec. C’est vrai, monsieur Copé. Il y a bien d’autres choses, dans la majorité, qui nous rappellent le Moyen Âge.

M. François Loncle. À commencer par sa conception de la démocratie !

M. le président. Le médecin que je suis, monsieur Braouezec, peut vous assurer que l’hystérie n’est pas une maladie exclusivement féminine.

M. Patrick Braouezec. J’en suis convaincu, monsieur le président, surtout quand je vois certains de nos collègues de la majorité.

M. Noël Mamère. Nous pourrions peut-être organiser un débat sur l’hystérie, monsieur le président ?

M. le président. Poursuivez, monsieur Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je souhaite en tout cas que nos débats restent courtois.

J’en viens donc à mon amendement n° 794, qui tend à supprimer l’article 9. Je souhaiterais insister à mon tour sur le danger que représente cette disposition. En effet, chers collègues de la majorité, non seulement vous prenez la responsabilité de faire de la France le seul pays du monde démocratique dans lequel les présidents de l’audiovisuel public seront nommés par le Président de la République – qui en a lui-même décidé ainsi, puisque la commission Copé avait retenu une orientation différente –, mais vous franchissez une étape supplémentaire, en permettant au Président de la République de révoquer ces mêmes présidents, fût-ce par un décret motivé. Comme certains d’entre nous l’ont démontré, on soumet ainsi l’action de ces dirigeants au bon vouloir du Président de la République. Comment pourront-ils en effet exercer sereinement leurs fonctions, avec une telle épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête ?

À ce propos, vous me permettrez, madame la ministre, de reprendre à mon compte un article publié dans l’hebdomadaire Télérama, que chacun, ici, connaît et apprécie : « Il fallait réformer le CSA. Pas l’émasculer. En faire enfin une autorité vraiment indépendante, comme il en existe dans les grandes démocraties européennes. Suprême hypocrisie, on nous explique que ce processus de nomination – et de révocation, ajouterais-je – est encadré par la nécessité d’un avis conforme du CSA et des commissions culturelles du Parlement. Mais qui peut sérieusement croire une seconde qu’ils iront à l’encontre des choix du Président de la République ? Si Nicolas Sarkozy se représente en 2012 – hypothèse crédible –, la première chaîne privée sera dirigée par un de ses plus proches amis et les chaînes publiques par l’homme qu’il aura désigné. Belle image d’une démocratie moderne. » Le Moyen Âge est bien de votre côté ! « La télévision publique est le bien de tous et la propriété de personne. Nicolas Sarkozy serait bien inspiré de ne pas l’oublier. »

Je vous invite, chers collègues à ne pas l’oublier non plus et à voter cet amendement de suppression de l’article 9.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à ces amendements. S’agissant de la prétendue mise à mal de l’indépendance du président de France télévisions, on peut comprendre que l’opposition ait critiqué le mode de désignation de ce dernier, puisqu’il ne correspond pas à l’une des préconisations de la commission Copé…

M. Michel Françaix. Ah, vous le reconnaissez !

M. Christian Kert, rapporteur. En revanche, dès lors que ce mode de désignation a été approuvé, il paraît normal, en raison du parallélisme des formes, que les modalités de la révocation soient identiques.

M. Patrick Braouezec. Elle est très bonne, celle-là !

M. Christian Kert, rapporteur. En attendant, je ne vois pas quelle autre solution vous pourriez proposer.

Aujourd’hui, seul le CSA peut révoquer les présidents de l’audiovisuel public ; les conseils d’administration n’ont pas ce pouvoir. Il est donc normal que, demain, la révocation soit également décidée par celui qui a procédé à la nomination, c’est-à-dire le Président de la République.

M. Patrick Braouezec. Ajouter l’arbitraire à l’arbitraire, cela vous semble démocratique ?

M. Christian Kert, rapporteur. Dans leurs interventions, les orateurs de l’opposition sont passés rapidement sur les garanties qui entourent cette procédure : le décret doit être motivé et la révocation ne peut intervenir qu’après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Au reste, il est clair qu’en pratique, cette disposition ne sera utilisée qu’exceptionnellement : on voit mal un Président de la République rêver en permanence de révoquer celui qu’il a nommé...

Par ailleurs, l’article 13 de la Constitution tel qu’il a été modifié lors de la dernière révision constitutionnelle prévoit que le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Cet avis ne semble donc pas requis en cas de révocation. Par parallélisme des formes et pour améliorer le dispositif tout en renforçant les garanties légales qui entourent le respect du principe d’indépendance des sociétés, on peut se demander s’il ne faudrait pas que le Parlement rende un avis sur cette révocation. Je vous sais, madame la ministre, plus réservée que moi sur ce point.

M. Marcel Rogemont. Ah non ! Vous n’allez tout de même pas vous coucher !

M. Christian Kert, rapporteur. Quoi qu’il en soit, je défendrai dans un instant un amendement dans lequel je proposerai que le Parlement soit associé à cette procédure.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. Christian Kert, rapporteur. Pour le reste, je le répète, la commission a donné un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis défavorable. Toute disposition de nomination s’accompagne de dispositions de retrait. C’était le cas pour les précédentes modalités de nomination ; c’est également le cas pour celles-ci. Ajoutons, comme l’a souligné à juste titre Christian Kert, que le décret doit être motivé. Au demeurant, il n’est pas très sérieux d’imaginer qu’un beau matin, le Président puisse prendre une telle décision au motif qu’il aurait entendu un mot désagréable : on imagine l’émotion et les commentaires que ne manquerait pas de provoquer une telle décision. Compte tenu de l’émotion et de l’attention qu’une nomination suscite, on imagine quels pourraient être les commentaires dont ferait l’objet un éventuel retrait. De toute façon, l’avis motivé conforme du CSA, voté à bulletins secrets, est requis. Quant aux propositions du rapporteur, nous aurons également l’occasion d’en discuter ultérieurement.

M. le président. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Je soutiens évidemment les amendements de suppression de l’article 9.

La révocation, madame la ministre, est un mot terrible. Consultez le dictionnaire : vous verrez que, prononcée contre un fonctionnaire fautif, elle signifie son exclusion à vie de la fonction publique.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Le mot « révocation » ne figure pas dans le texte !

M. François Loncle. Certains évoquaient tout à l’heure le Moyen Âge. Sans remonter jusque-là, je peux, pour détendre l’atmosphère, vous raconter une anecdote qui date de l’époque où Alain Peyrefitte était ministre de l’information. Un animateur avait invité, dans son émission du soir, Henri Tisot, célèbre imitateur du général de Gaulle, qui avait commenté des tableaux érotiques en prenant la voix du général. Le lendemain matin, Alain Peyrefitte est intervenu, et le présentateur de cette émission fort agréable et bien faite a été révoqué…

C’est à cette période-là que vous voulez revenir. Cela a d’ailleurs déjà commencé : Grégoire Deniau, qui déplaisait au ministre des affaires étrangères, a été révoqué de France 24, de même que Bertrand Coq et Ulysse Gosset. Quant à M. Richard Labévière, il a été, pour les mêmes raisons, licencié de RFI… C’est un recul extraordinaire !

Quand bien même aurions-nous quelque indulgence – ce n’était pas notre cas ! – pour la procédure de nomination, comment pourrait-on accepter que, dans un domaine aussi important pour la liberté que celui de l’information et de la création, on puisse révoquer des personnes, c’est-à-dire s’en débarrasser sitôt qu’ils ne plaisent pas ? C’est tout à fait insupportable. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 9.

(Les amendements identiques nos 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190 et 794 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Mon amendement tend à ajouter aux garanties déjà prévues à l’article 9, c’est-à-dire l’obligation de motiver le décret présidentiel et la qualité des trois autorités participant à la co-décision – l’exécutif, le CSA, autorité indépendante et le Parlement –, la référence à un « manquement grave » des présidents dans l’exercice de leurs fonctions, de façon à ce que la décision de révocation ne puisse intervenir que dans le cas d’une faute lourde. Une telle référence permettrait de prendre en compte une préoccupation que nous partageons tous et de faire de la révocation une procédure exceptionnelle limitée au cas de difficultés rares.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Si la commission spéciale a rejeté l’amendement de M. Martin-Lalande, tout en en reconnaissant le bien-fondé, c’est parce que les cas prévus par notre collègue paraissent trop restrictifs. Son amendement ne couvre pas, par exemple, les cas de révocation qui peuvent intervenir suite à un empêchement ou à une longue maladie entraînant une immobilisation. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Loncle. Ou suite au fait du prince !

M. Christian Kert, rapporteur. Le régime de révocation prévu à l’article 9 est déjà particulièrement dérogatoire et protecteur, en raison de la place particulière qu’occupe l’audiovisuel public dans notre pays. En effet, s’agissant de dirigeants d’entreprises publiques, la règle est toujours la même : il est possible de mettre fin à leur mandat à tout moment, même s’il convient, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, de prévenir le dirigeant que l’on souhaite révoquer et de lui laisser un délai suffisant pour présenter ses observations.

Or la révocation des présidents de l’audiovisuel public interviendra après l’avis motivé du CSA et le décret devra également être motivé. Je vous proposerai par ailleurs, dans un amendement que défendra Michel Herbillon, d’ajouter une garantie supplémentaire, en incluant dans le circuit de décision, sur le modèle de la nomination, les commissions des affaires culturelles du Parlement.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bonne disposition !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Les députés de l’opposition sont évidemment contre cet amendement qui tente de faire passer, en le déguisant, un principe condamnable. Nous avons déjà dit ce que nous pensions de l’article 8 et de la nomination du président de France Télévisions par le Président de la République. L’amendement n° 2 est fondé sur le même principe, à savoir le bon plaisir du Président, si ce n’est qu’il s’applique ici à la révocation du président de France Télévisions.

Le président de la commission spéciale ne cesse de nous expliquer que le Parlement doit être fort et que, s’il peut parler librement, c’est qu’il est élu pour cinq ans. Même s’il n’est pas là, je veux lui poser cette question : se sentirait-il la parole aussi libre si, comme le futur président de France Télévisions, il pouvait être révoqué par le Président de la République de ses fonctions de président du groupe UMP ? M. Copé s’est couché tout à l’heure devant le Président de la République en acceptant que les propositions de sa commission soient bafouées, notamment en ce qui concerne la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l’audiovisuel extérieur français ; ce faisant, il nous a donné une image assez fidèle de la situation dans laquelle va se trouver le président de France Télévisions.

Cette possibilité de révocation selon le fait du prince confirme que nous nous trouvons dans une situation de très grave régression démocratique, sans égale dans l’Union européenne et dans les grandes démocraties du reste du monde. Nous avons un hyperprésident qui veut être non seulement le maître de sa majorité, mais aussi le maître de son gouvernement, le maître de la France, le maître de l’Union européenne – et même le maître du monde puisqu’il entend refonder le capitalisme international. Il voudrait être celui qui contrôle tout.

M. Patrick Braouezec. Le maître de l’univers et de ses environs !

M. Noël Mamère. C’est à la fois Monsieur Je-suis-partout et Monsieur Je-contrôle-tout. Nous ne pouvons pas accepter ce qui, à l’évidence, constitue un recul et nous plonge dans une situation qui fait penser à certains régimes autoritaires, des régimes où il n’y a pas d’opposition – ou une simple opposition de façade. On se croirait revenu en RDA avant la chute du mur de Berlin, lorsqu’il y avait le pays réel et le pays légal ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons en effet un Président de la République qui prétend détenir entre ses mains le destin du président de l’audiovisuel public : il étrangle d’une main de fer l’audiovisuel public tandis que, de l’autre main, il distribue des cadeaux à ses copains de l’audiovisuel privé, du Fouquet’s et d’ailleurs.

Je comprends que, face à cette situation gravissime, le président de la commission spéciale ait préféré ne pas être présent lors du scrutin public sur l’article 8. Je ne sais pas s’il viendra pour le vote sur l’article 9, mais force est de constater qu’il ne fait pas preuve d’un grand courage pour le moment ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande. Il est plus présent que M. Ayrault, en tout cas !

M. Noël Mamère. Sur une affaire d’une telle gravité, chacun doit prendre ses responsabilités. Vous aurez à vous expliquer devant le peuple français du mauvais coup consistant à étrangler le service public, à saper l’un des éléments essentiels de la chaîne démocratique de notre pays. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé suppression de l’article 9.

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. J’ai écouté les interventions des uns et des autres. Selon la gauche, mon amendement ne sert à rien ; selon la commission et le Gouvernement, il n’apporterait rien d’utile par rapport au dispositif existant. Par conséquent, je le retire.

M. Marcel Rogemont. Je le reprends !

M. le président. En ce cas, je vais le mettre aux voix.

M. Marcel Rogemont. Mais j’ai déposé un sous-amendement !

M. le président. Votre sous-amendement n’est pas recevable.

M. Marcel Rogemont. Pourquoi ? Je veux une explication !

M. Christian Vanneste. Ils sont contre un amendement et ils le reprennent ! C’est incroyable !

M. Michel Herbillon. Une nouvelle variation sur le thème de l’obstruction !

M. Christian Vanneste. Girouettes !

M. Marcel Rogemont. Mon sous-amendement est tout à fait recevable !

M. le président. Vous ne pouvez sous-amender ce qui est désormais votre propre amendement. Toutefois, à titre tout à fait exceptionnel, et afin que le débat se déroule dans la sérénité, je vous autorise à le rectifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Merci, monsieur le président.

M. le président. Le début de l’amendement est donc ainsi rédigé : « En cas de manquement grave constaté par le CSA dans l’exercice de leurs fonctions… »

M. Marcel Rogemont. Mon intention est d’abord de souligner la volonté de Patrice Martin-Lalande de limiter la possibilité de révocation à l’hypothèse d’un manquement grave. En la reprenant, je veux saluer cette proposition et l’inspiration où elle trouve sa source,…

M. Patrice Martin-Lalande. N’en faites pas trop, tout de même !

M. Marcel Rogemont. …à savoir le refus de confier au Président de la République un pouvoir de révocation des présidents de l’audiovisuel français sans motivation suffisamment sérieuse. Cependant, je crois utile d’ajouter une limite supplémentaire en précisant que le manquement grave doit être constaté par une instance tierce, à même de se prononcer sur le sérieux de la motivation de la décision.

Dès lors que l’un des présidents de l’audiovisuel public est nommé sur la base d’un contrat d’objectifs et de moyens dont l’exécution est surveillée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, il paraît normal que cette instance se voie également confier le contrôle d’un manquement grave, susceptible de perturber le fonctionnement de l’une ou l’autre des sociétés de l’audiovisuel public.

Je voulais donc à la fois saluer la timide initiative prise par notre collègue Martin-Lalande et aller un peu plus loin en faisant intervenir une instance, en l’occurrence le CSA, chargée de vérifier s’il y a effectivement eu un manquement grave. Si je suis en désaccord avec les dispositifs permettant la nomination ou la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public français, je souscris à la motivation de l’amendement n° 2, qui vise à encadrer la révocation des mandats. J’ose espérer que mon collègue Martin-Lalande votera pour l’amendement que j’ai repris et amélioré dans un sens qui me paraît utile. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 2, mis aux voix tel qu’il vient d’être rectifié, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n° 70 rectifié, de M. le rapporteur.

(L’amendement n° 70 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements, nos 795, 500 à 502, 506, 192 et 193, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 500 à 502 et 506 sont identiques entre eux, de même que les amendements nos 192 et 193.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 795.

M. Noël Mamère. Cet amendement vise à réaffirmer le principe que nous défendons depuis le début de ce débat, selon lequel il ne saurait y avoir d’aménagement au défaut principiel consistant à placer la nomination et la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public français sous la férule, du Président de la République. Cette situation de dépendance et de soumission permanente – c’est l’épée de Damoclès ! – est en effet de nature à mettre en péril l’audiovisuel public. À cette dépendance politique vient s’ajouter, en outre, une dépendance économique, liée au sous-financement de l’audiovisuel public. Nous y reviendrons dans les heures qui viennent.

Si nous attachons autant d’importance aux articles 8 et 9, c’est qu’ils sont symboliques d’un état d’esprit, d’une méthode politique, d’une idéologie. Nous avons le sentiment d’avoir en face de nous un Gouvernement et un Président de la République qui, sur bien des sujets, sont en pleine revanche idéologique. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Parce qu’il a la volonté de tout contrôler, de tout surveiller, de tout savoir, d’inventer chaque jour une « histoire » qui lui convienne afin d’enfumer l’opinion publique, il lui faut un audiovisuel public à son service et à sa dévotion. C’est précisément ce que nous refusons, car nous refusons le principe consistant à mettre sous menace permanente un président de l’audiovisuel public qui ne pourra pas avoir les moyens de sa fonction et de sa mission.

M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour défendre l’amendement n° 500.

M. Didier Mathus. Par cet amendement, nous tentons d’introduire un peu de régulation et de pluralisme dans un mécanisme de révocation qui relève d’une tradition monarchique plutôt que républicaine. On ne mesure pas à quel point, du reste, ce fait du prince va à l’encontre de tout le mouvement de régulation et de progrès démocratique qui a été accompli depuis des années, aussi bien en France que dans les autres pays européens, sous l’égide de l’Union européenne et d’une instance qu’on oublie trop souvent, le Conseil de l’Europe, auquel certains d’entre nous appartiennent.

En effet, le Conseil de l’Europe a déjà travaillé, et de façon très pertinente, sur la question des services publics de l’information. Il a ainsi rédigé la recommandation n° 1641, qui insiste sur la nécessité de garantir l’indépendance des médias publics aussi bien en matière de logique économique – la pression marchande – que de logique politique – la pression de l’exécutif. Il est pour le moins cavalier, de la part d’un pouvoir qui donne des leçons de convergence européenne sur tous les sujets, de s’abstraire de ces contraintes européennes, fondées sur une réflexion sur la bonne gouvernance des médias. Fabriquer de l’information, de l’imaginaire collectif et de la cohésion nationale n’est pas une mince ambition, et mérite un autre traitement que celui appliqué aux entreprises publiques gérant des aiguillages ou des pistes d’atterrissage.

S’agissant d’un domaine aussi sensible, le principe de nomination et révocation par décret présidentiel est profondément choquant. Je suis d’ailleurs surpris que la majorité puisse emboîter le pas aussi radicalement, et sans grand débat, à celui qui nous rappelle Napoléon le Petit de Victor Hugo, et à qui l’exercice solitaire du pouvoir a fait perdre toute mesure. Je n’ose imaginer ce qui se serait passé si un Président de la République de gauche avait proposé de nommer et de révoquer lui-même les présidents de l’audiovisuel public ! Nos collègues de l’actuelle majorité n’auraient pas hésité à se dresser debout sur leurs bancs pour protester contre une disposition aussi inique.

Il est donc tout à fait légitime d’essayer au moins d’encadrer ce processus, inconnu de notre droit commun, en introduisant le filtre du CSA. Certes, cette instance n’est pas parfaite, et elle l’est moins encore aujourd’hui, étant présidée par un homme dont on a pu récemment mesurer la servilité et la soumission. Reste qu’il vaut mieux lui confier le contrôle du droit de révocation, d’autant que plusieurs de nos amendements visent à le réformer pour lui permettre d’être à la hauteur de ses missions et de mieux refléter le pluralisme de la société française.

Même les membres de la majorité que nous aurions crus plus ardents dans la défense des principes démocratiques ont plié, gagnés par l’esprit de cour que j’ai dénoncé tout à l’heure.

M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure.

M. Didier Mathus. Par cet amendement, nous tentons donc de corriger ces effets pervers, en proposant que le droit de révocation soit confié au CSA. C’est le minimum.

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour soutenir l’amendement n 501.

M. Michel Françaix. J’espère que chacun a écouté avec attention tous les arguments développés par Didier Mathus, et que je vais essayer de compléter.

Nous ne sommes pas spécialement fiers de cet amendement de repli, qui ne vise qu’à limiter les dégâts. Mais, face à l’ardente volonté de nos collègues de la majorité de permettre au Président de la République de nommer et révoquer par décret les présidents de sociétés, au moins essayons-nous d’apporter quelques garanties minimales.

Tout à l’heure, Mme la ministre s’est récriée : comment pouvions-nous imaginer que le Président de la République – dont les nerfs, comme chacun sait, sont particulièrement solides – puisse avoir envie de procéder à une révocation ? C’est impossible, nous a-t-elle assuré, car la presse en parlerait tous les matins. Mais, madame la ministre, cela fait six mois que la presse en parle tous les matins ! Cela fait exactement six mois qu’on se demande si M. de Carolis va rester, ou non, à la tête de France Télévisions. Cela, parce que M. de Carolis, en homme libre, a dit ce qu’il pensait d’une des positions prises par le Président de la République. Et aussi parce qu’il a dit que, s’il n’avait pas les moyens nécessaires pour mener la politique qu’il souhaitait, il ne resterait peut-être pas à son poste. Il en a été question dans la presse tout au long du mois de septembre.

Imaginer qu’un président de société pourrait ne pas savoir, en se levant le matin, quel sort lui sera réservé n’a donc rien d’absurde : c’est la situation actuelle. Vous pourrez toujours prétendre que c’était le résultat d’un moment d’égarement et qu’il n’en sera pas toujours ainsi. Moi, j’ai le sentiment que le Président de la République a pris l’habitude de s’occuper de l’ensemble des problèmes de la presse. Il a commencé par le privé, il est passé ensuite à la presse écrite, et il ne souhaite pas en rester là.

M. Franck Riester. Eh oui, il prend les problèmes à bras-le-corps ! Il a été élu pour réformer !

M. Patrick Braouezec. Que faites-vous du Premier ministre et du Gouvernement, monsieur Riester ?

M. le président. Seul M. Françaix a la parole.

M. Michel Françaix. Qui a annoncé l’arrivée sur TF1 de Harry Roselmack, premier journaliste de couleur à présenter le 20-heures ? Nicolas Sarkozy, qui avait déjeuné peu avant avec Martin Bouygues !

M. Patrice Martin-Lalande. Vous l’avez déjà dit à dix-sept heures !

M. Michel Françaix. Qui a annoncé aux journalistes des Echos la nomination de Nicolas Beytout par Bernard Arnault à la tête du quotidien économique ?

M. Patrice Martin-Lalande. Vous l’avez déjà dit à dix-huit heures !

M. Michel Françaix. Qui a été consulté par Jean-Pierre Elkabbach avant le recrutement, pendant la campagne électorale présidentielle, de la rédactrice en chef du service politique d’Europe 1 ? Quand a-t-on décidé de nommer Etienne Mougeotte à la tête du Figaro Magazine ? Le fait qu’Alexande Bompard, dont on connaît les rapports avec M. Sarkozy, ait été nommé à la tête d’Europe n° 1, relève-t-il du hasard ? Et que dire de la nomination de Jean-Claude Dassier, qui a pris la direction de l’information de TF1 pour fusionner les rédactions de TF1 et de LCI ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.) Sans oublier Patrick Poivre d’Arvor, qu’on a fait partir un peu plus tôt que prévu parce qu’il fallait faire arriver Laurence Ferrari ! Ni le départ de Jacques Espérandieu du Journal du Dimanche ! NI celui d’Alain Genestar de Paris Match pour une couverture qui n’a pas plu…

Inutile de chercher à nier ou de prétendre que tout cela est le fruit de notre seule imagination. Telle est bel et bien la vérité ! Or, c’est ce mode de fonctionnement que le Président de la République veut mettre en place dans le service public. Nous nous efforçons de minimiser les dégâts en prévoyant que le CSA puisse contrôler le dispositif. Mais ce n’est évidemment pas ce que nous aurions souhaité, car cette instance de régulation n’est pas celle qui correspond à notre idéal. Je ne défends donc pas cet amendement avec enthousiasme. Il ne s’agit que d’éviter le pire.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est laborieux !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 502.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le président, chers collègues, vous auriez été surpris que je ne défende pas cet amendement, dans la mesure où j’ai soutenu tout à l’heure le souhait de Patrice Martin-Lalande de combattre l’attitude monarchique du Président de la République envers la télévision publique. Il faut encadrer le droit de révocation, prévoir une phase de réflexion et de débat avant de prendre la décision. Celle-ci doit être prise de façon démocratique et doit être opposable.

N’oublions jamais que les présidents et la présidente de France Télévisions, de Radio France ou d’AEF doivent négocier avec l’État un contrat d’objectifs et de moyens. Si ce contrat a un sens, et s’il débouche sur une obligation de résultat pour ces présidents et les conseils d’administration, on pourra vérifier ce qu’il en est. Seul celui qui est en charge du contrôle pourra dénoncer un éventuel manquement dans l’exercice de la mission.

Rappelez-vous nos débats lorsqu’il s’est agi de prévoir que le CSA nomme les présidents des chaînes publiques. On avait considéré que c’était normal puisque c’est à lui que devait revenir le contrôle. Il nomme, il contrôle et il peut prendre les dispositions qui s’imposent si, d’aventure, les présidents de société ne font pas correctement leur travail.

Mes chers collègues, vous n’avez pas été sensibles à nos argumentations sur la nomination.

M. Franck Riester. C’est sûr !

M. Marcel Rogemont. Au moins pourriez-vous l’être s’agissant de la révocation. Il nous semble essentiel que cette mission revienne au Conseil supérieur de l’audiovisuel, celui-ci fût-il féal du pouvoir à un moment donné. En tout état de cause, s’il s’avère que le CSA ne fait pas correctement son travail, nous pourrons modifier les règles de son fonctionnement dans un sens plus démocratique, afin que l’audiovisuel ne soit plus directement relié au pouvoir politique.

M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure.

M. Marcel Rogemont. Mon amendement tend donc, après le mot « retirés », à rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 : « par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le cas de manquement grave. » Il faudra que la décision soit motivée, opposable, et comprise des Françaises et des Français.

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour défendre l’amendement n° 506.

Mme Marietta Karamanli. Nous assistons à la mainmise du pouvoir politique sur la télévision publique. La réforme que nous examinons va en effet aboutir à la concentration dans les mains d’une seule personne, le Président de la République, de l’ensemble des pouvoirs.

Alors que, dans la plupart des pays européens, y compris ceux ayant accédé très récemment à la démocratie, la tendance est de confier le pouvoir de nomination et de révocation des responsables des sociétés de diffusion à des organes indépendants, la France fait un choix politique et partisan, qui exclut du processus de décision ces organes indépendants. Ce retour en arrière est préoccupant.

Rien n’est fait dans notre pays pour favoriser la culture de l’indépendance. Le choix de nommer et de révoquer par décret les futurs directeurs généraux de la télévision publique va à l’encontre du principe selon lequel les nominations des dirigeants et des membres du conseil d’administration des chaînes publiques doivent être faites en toute indépendance, de façon juste et transparente, par un organisme public indépendant.

Malgré notre opposition à la révocation des présidents des chaînes de l’audiovisuel public par le pouvoir exécutif, notre amendement tente d’encadrer ce droit de révocation en le confiant au CSA, autorité indépendante, afin d’éviter l’arbitraire dans la décision, qui doit être motivée et n’intervenir que dans le cas de manquements graves.

Nous pensons que vous serez sensibles et attentifs à ces arguments, qui tendent à préserver l’indépendance de l’audiovisuel public.

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour défendre l’amendement n° 192.

M. Michel Françaix. Le pouvoir de révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public ne peut être exercé que par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Les garanties d’indépendance qu’offre le CSA, dont nous n’approuvons ni le mode de nomination, ni les attributions ni le fonctionnement, sont certes minimes, mais il a au moins le mérite d’être cette instance de régulation que nous nous sommes efforcés de mettre en place depuis 1981, afin de couper définitivement le cordon ombilical entre le pouvoir exécutif et l’audiovisuel public et de protéger celui-ci des pressions politiques.

Reste à savoir si la majorité entend sauver cette instance de régulation ou si elle décidera qu’elle ne correspond plus à un besoin. Dans ce dernier cas, nous allons gagner du temps ; mais dans le cas contraire, il faut lui confier une mission plus large que celle qui consiste à délivrer aux radios locales l’autorisation d’émettre, ce qui est tout de un peu léger.

Et si vous dites moins de mal que nous de cette instance de régulation, c’est bien le signe que vous avez décidé qu’elle ne servait à rien, qu’il vous importe peu de juger son action et que seul vous intéresse le fait de la décharger de ses missions au profit de l’exécutif.

Je voudrais pourtant essayer une dernière fois de convaincre la majorité de préserver avec le CSA un semblant de contre-pouvoir car, pour employer une image qui risque de choquer, le président Sarkozy, tel un manifestant en 1968, a lancé un pavé sur l’écran du service public ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais je sens chez la ministre un peu de lassitude, et sans doute pourrons-nous, après le vote sur ces amendements, obtenir une interruption de séance.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour défendre l’amendement n° 193.

M. Marcel Rogemont. Je voudrais rappeler à mes collègues de la majorité l’importance des autorités indépendantes.

Depuis vingt ans, nous avons créé l’Autorité des marchés financiers, l’Agence française de lutte contre le dopage, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le Comité consultatif national d’éthique, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – qui a remplacé deux comités –, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, la Commission d’accès aux documents administratifs, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la Commission consultative du secret de la défense nationale, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, l’Autorité de sûreté nucléaire, la Commission centrale permanente, la Commission paritaire des publications et agences de presse,…

Mme Isabelle Vasseur. Cela n’a rien à voir avec le texte !

M. le président. Venez-en à votre amendement, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. J’y suis, monsieur le président. Je défends notre amendement sur le Conseil supérieur de l’audiovisuel, et je continue : le Conseil supérieur de l’agence France-Presse, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République, la Commission des sondages, la Commission des infractions fiscales, le Bureau central de tarification, le Médiateur du cinéma, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, la Commission des participations et transferts (Mouvements d’impatience sur les bancs du groupe UMP), le Conseil de la concurrence, la Commission de contrôle des assurances, la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, la Commission nationale de l’équipement commercial, le Conseil de discipline de la gestion financière, la Commission de régulation de l’énergie, la Commission centrale permanente compétente en matière de bénéfices agricoles, la Commission bancaire, et j’en passe…

M. Benoist Apparu. Moins vite ! Le compte rendu n’arrive pas à suivre !

M. Marcel Rogemont. Que cette énumération vous rappelle une chose simple : pendant les vingt dernières années, nous avons mis en place pas moins de trente-huit instances qui visaient à encadrer les décisions du pouvoir politique.

M. Michel Herbillon. Chauffe, Marcel !

M. Marcel Rogemont. C’est cet effort que vous foulez au pied aujourd’hui ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) L’une des coupoles de la bibliothèque de l’Assemblée nationale est ornée d’une fresque représentant « Attila et ses hordes barbares foulant au pied l’Italie et les arts » ; le dispositif que vous êtes en train de mettre en place pourrait s’intituler « Attila et ses hordes barbares foulant au pied la liberté de l’audiovisuel » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Quel talent !

M. Patrice Martin-Lalande. C’est quand, le prochain contrôle antidopage ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Christian Kert, rapporteur. Je remercie Marcel Rogemont pour son sens de la nuance et de la mesure…

Dans la logique du parallélisme des formes, la commission a donné un avis défavorable à ces amendements. Mes chers collègues, je note cependant que, lorsqu’il s’agit de faire du CSA une instance indépendante, vous le ressuscitez !

M. Michel Françaix. J’ai dit l’inverse !

M. Marcel Rogemont. L’instance est une chose ; la personne qui la représente en est une autre !

M. Christian Kert, rapporteur. Lorsque Mme Michèle Cotta critique ce projet de loi, elle devient extraordinaire à vos yeux ; en revanche, quand Michel Boyon en dit du bien, vous demandez sa démission !

Nous avons pris note de votre souhait de renforcer l’indépendance du CSA, mais nous considérons que l’obligation de motiver le décret comme l’avis du CSA est une garantie suffisante.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis défavorable, pour les raisons évoquées par le rapporteur.

La liste dont M. Rogemont nous a donné lecture est très impressionnante. Une telle profusion d’autorités indépendantes ne peut que nous inciter à réfléchir sur la nécessité pour l’État de prendre davantage ses responsabilités : c’est précisément ce que nous faisons avec la nomination des dirigeants de France Télévisions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Mancel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Monsieur le rapporteur, madame la ministre, j’ai pensé que vous alliez centrer votre argumentation sur la pléthore invraisemblable d’institutions, de commissions – de fromages ! –, qui existent aujourd’hui. Mais le rapporteur s’en est tenu au domaine, sensible s’il en est, de l’information, dont le pouvoir politique doit précisément respecter l’indépendance ; c’est tout l’objet de notre débat.

Monsieur le rapporteur, jamais nous n’avons confondu l’institution – le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dont nous avons voté la création et que nous voulons réformer en le dotant de prérogatives spécifiques – avec celui qui en est aujourd’hui – provisoirement – le président.

Enfin – et Mme Karamanli a eu raison d’y faire allusion –, quelle image donnons-nous avec ce projet de loi à nos partenaires européens ? Je ne pense pas seulement à nos voisins de l’Union européenne, mais également aux quarante-six pays du Conseil de l’Europe, à l’Assemblée parlementaire duquel j’ai l’honneur de siéger, ainsi que plusieurs de nos collègues. Nous passons notre temps à y défendre le droit à l’information et le statut des médias, tâchant de conseiller les nouveaux pays adhérents, ceux notamment issus de l’ancien bloc de l’Est, peu familiers des pratiques démocratiques et du respect des droits de l’homme. Avec ce contre-exemple, comment voulez-vous que nous puissions désormais leur dire qu’il ne faut pas confier les médias au pouvoir politique ? Il y a là un court-circuit catastrophique !

De l’autre côté de l’hémicycle, comme au banc du Gouvernement ou de la commission, il y a des démocrates… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Franck Riester. Nous sommes tous des démocrates !

M. François Loncle. Vous ne pouvez donc pas voter une telle disposition, car de telles pratiques ne doivent pas être entérinées.

(L’amendement 795 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 500 à 502 et 506 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 192 et 193 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance afin que notre groupe puisse se réunir.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 72 de la commission, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 872.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Kert, rapporteur. Je laisse à M. Herbillon le soin de défendre l’amendement n° 72, dont il est cosignataire.

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Cet amendement, présenté par notre rapporteur, mes collègues Jean-François Copé et Muriel Marland-Militello et moi-même, tend à préciser que le Parlement rend un avis, en cas de révocation d’un président de société de l’audiovisuel public, dans les mêmes conditions que pour une nomination. Il s’agit de parfaire le parallélisme des formes entre nomination et révocation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

L’avis des commissions parlementaires compétentes de l’Assemblée et du Sénat interviendra après celui du CSA. Le Président de la République ne pourra procéder à une révocation lorsque les trois cinquièmes des membres de chacune des deux commissions s’y seront opposés. À ce propos, nous avons été partagés entre la consternation et le sourire devant les propos tenus par notre collègue Rogemont sur cette majorité des trois cinquièmes : faut-il, mon cher collègue, que vous doutiez à ce point de vous-mêmes et des électeurs ?

M. Michel Françaix. Nous doutons surtout du Sénat !

M. Michel Herbillon. Cette même majorité est au demeurant déjà requise pour certains votes, et je trouve l’argument surprenant.

L’article 9 pose trois verrous : le décret en conseil des ministres doit être motivé ; l’avis du CSA doit être conforme ; les commissions parlementaires peuvent s’opposer à cette révocation par un avis négatif donné à la majorité des trois cinquièmes, ainsi que le propose cet amendement.

Puisque nous en arrivons au terme de la discussion des articles 8 et 9 qui traitent de la nomination et de la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, je me permets de donner deux conseils à nos collègues de l’opposition. Premièrement, qu’ils arrêtent de nous donner des leçons de morale !

Mme Isabelle Vasseur. Très bien !

M. Michel Herbillon. Pour reprendre un vers célèbre de Victor Huguo, vous n’êtes pas chers collègues de l’opposition, « vêtus de probité candide et de lin blanc. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler certaines pratiques qui étaient les vôtres quand vous étiez au pouvoir, sous le dernier Président de la République socialiste – mais il est vrai qu’il y a longtemps qu’il n’y a pas eu de Président de la République socialiste.

Mme Isabelle Vasseur. Et il n’y en aura pas de sitôt !

M. Michel Herbillon. En second lieu, arrêtez de vous faire peur et de crier à la fin des libertés ! Nous sommes, comme vous, attachés aux libertés publiques, au pluralisme et à la diversité. Vous êtes, en quelque sorte, atteints du syndrome « Levez-vous, orages désirés » – pour citer cette fois Chateaubriand –, tant vous voudriez que les choses se passent de la façon caricaturale que vous décrivez. Vous parlez de « bon plaisir », de « fait du prince », alors que vous savez très bien que ces nominations et révocations s’effectueront de manière transparente, publique, au vu et au su de tout le monde.

M. Michel Françaix. Je le note : tout sera transparent ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Herbillon. En réalité, nous mettons fin à une hypocrisie. Les nominations et révocations des présidents de sociétés de l’audiovisuel public ne se feront plus en catimini, dans l’opacité, au terme de pressions et de jeux d’influence, mais de façon publique, transparente. Elles seront encadrées par un système de verrous et par des garanties importantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur le vote de l’article 9, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour défendre le sous-amendement n° 872.

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, lorsque j’ai lu la liste des trente-huit autorités indépendantes créées au cours des vingt dernières années, vous avez fait un geste de la main. Puis, vous avez répliqué que ce fatras d’instances était dû au fait que l’État et le Gouvernement ne prenaient pas leurs responsabilités, et qu’il était temps qu’ils les prennent.

Madame la ministre, je trouve inquiétante votre façon de jeter le discrédit sur ces trente-huit instances indépendantes, mises en place par la loi ou par décret en Conseil d’État. Comprenez-le ! Si le Gouvernement propose, dans le contexte actuel de développement des fichages en tous genres, de jeter à la poubelle ces autorités indépendantes au motif que l’État doit « prendre ses responsabilités », qu’est-ce que cela signifie ? Allez donc jusqu’au bout, et proposez la suppression de ces trente-huit instances dont je tiens la liste à votre disposition pour que vous n’en oubliiez aucune !

Notre sous-amendement, bien entendu, est un sous-amendement de repli. Sur l’avis des commissions parlementaires, j’avais cru comprendre que le président en exercice de l’Assemblée avait entendu l’argumentaire développé par l’opposition. Mon collègue Herbillon ayant probablement mal écouté, je lui répète que nous ne craignons pas l’avenir et les questions de majorité. Je lui fais simplement observer que, depuis le début de la Cinquième République, jamais la gauche n’a été en mesure de remporter les trois cinquièmes des sièges.

M. Michel Herbillon. Parce que les électeurs ne l’ont pas voulu !

M. Marcel Rogemont. C’est plutôt parce qu’il y aurait beaucoup à dire sur le mode d’élection du Sénat ! la conséquence en est que la droite posséderait la faculté de sanctionner la gauche quand celle-ci est au pouvoir, mais que l’inverse n’est pas vrai.

M. Michel Herbillon. Ayez donc confiance en vous !

M. Marcel Rogemont. La simili-démocratisation que vous proposez en demandant l’avis des commissions compétentes du Parlement offre en vérité à la droite, et à la droite seulement, la possibilité de sanctionner le Président de la République.

Nous proposons que l’avis des commissions doive être conforme, ce qui permettrait d’ajouter un élément de motivation supplémentaire à de la prise de décision. Cela étant, je regrette de présenter ce sous-amendement, très éloigné de nos positions initiales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Si M. Rogemont regrette de présenter ce sous-amendement, je regrette pour ma part de lui dire que nous y sommes défavorables, et ce pour une simple question de parallélisme des formes. Les commissions compétentes donnent un avis simple sur la nomination ; il n’y a pas de raison d’exiger un avis conforme sur la révocation.

M. Marcel Rogemont. Une révocation est un acte plus grave qu’une nomination !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Je n’ai pas qualifié de « fatras » la longue liste des autorités indépendantes énumérées par M. Rogemont : j’observais seulement que celles-ci étaient en très grand nombre. Je suis d’ailleurs convaincue que la plupart d’entre elles sont remarquables.

M. Marcel Rogemont. Et ensuite, qu’avez-vous ajouté ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Que, compte tenu de ce nombre, l’État pouvait être amené à prendre ses responsabilités.

M. Marcel Rogemont. Bref, certaines autorités indépendantes sont indispensables et d’autres non : lesquelles ?

M. le président. Seule Mme la ministre a la parole.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. On ne va pas examiner cette liste maintenant, monsieur Rogemont.

S’agissant du sous-amendement, avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.

Quant à l’amendement lui-même, je comprends la préoccupation exprimée par Michel Herbillon et Christian Kert. Toutefois, l’article 13 de la Constitution prévoit de solliciter l’avis des commissions parlementaires pour les seules nominations, non pour les retraits de mandat. L’amendement présente donc un risque d’inconstitutionnalité. Néanmoins je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le rapporteur, il y a une différence essentielle entre, d’une part, une nomination pour cinq ans dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens et, de l’autre, une révocation pouvant intervenir à tout moment.

Même si vous ne souscrivez pas à mes arguments, convenez au moins qu’il y a une différence et que l’on ne peut donc invoquer le parallélisme des formes.

(Le sous-amendement n° 872 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 72 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour une explication de vote sur l’article 9.

M. Patrick Braouezec. Vous ne sauriez invoquer le parallélisme des formes pour justifier le présent article, monsieur le rapporteur.

Vous avez décidé que les présidents des sociétés de l’audiovisuel public seraient nommés par le Président de la République, moyennant les dispositions relatives aux avis conformes. C’est peu glorieux, mais soit.

Tout autre est la question de la révocation. Comme je l’ai déjà dit, la question qui se pose est de savoir devant qui le président du conseil d’administration est responsable, et à quoi sert ce dernier. Que se passe-t-il s’il met son président en minorité ? C’est lui qui, selon une décision prise à la majorité, devrait choisir de révoquer ou de maintenir son président. Il n’y a donc pas de parallélisme des formes entre la nomination et la révocation, sauf si vous considérez de manière claire et transparente – pour vous paraphraser – que le conseil d’administration ne sert à rien et que le président ne sera donc jamais responsable devant lui. De sorte que, même s’il y a un désaccord entre eux, le conseil d’administration pourra se voir imposer des choix qu’il désapprouve.

M. Marcel Rogemont. Tout à fait !

M. Patrick Braouezec. Comprenez-vous le risque auquel vous exposez les sociétés concernées ? Même si le conseil d’administration de France Télévisions est unanime contre son président, celui-ci pourra rester en place. C’est là un problème essentiel, sur lequel vous n’avez pas répondu.

En second lieu, vous ne nous avez pas indiqué plus clairement si la révocation entraînerait une révision du contrat d’objectifs et de moyens. En cas de révocation, les moyens prévus au titre du manque à gagner résultant de la suppression de la publicité seront-ils maintenus ? J’aimerais que l’on nous réponde sur ce point dans la suite du débat.

M. le président. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Mes collègues Rogemont et Braouezec ont raison de distinguer entre nomination et révocation. Celle-ci est un acte terrible qui, en droit, est synonyme d’exclusion – pour un fonctionnaire, par exemple. Le CSA s’en trouve donc court-circuité, émasculé, et le conseil d’administration réduit au silence.

Vous avez évoqué le passé, monsieur Herbillon. Le hasard fait que je suis, à cette heure, le seul dans notre hémicycle à avoir voté, en 1982, les lois Fillioud, qui étaient des lois de liberté. Comme on l’a rappelé, les débats avaient été longs et l’opposition avait eu tout le loisir de s’exprimer. Je n’en tire pas un motif de gloire, car ce sont les électeurs qui jugent les mandats politiques, mais une certaine fierté. Ces lois ont en effet ouvert la voie à la liberté de l’information, laquelle était auparavant tenue en bride de différentes façons.

M. Jean-François Copé. Mitterrand n’était pas interventionniste, peut-être ?

M. François Loncle. Aujourd’hui, nous assistons à une formidable régression qui nous couvre de honte aux yeux de l’Europe et du monde. C’est insupportable pour ceux qui avaient été sensibles au progrès des libertés après 1981. Voilà une raison supplémentaire de nous opposer au projet de loi dans son ensemble, et notamment à son article 9.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Après avoir soutenu la création de l’entreprise unique, le Nouveau Centre s’est montré discret sur les nominations : même si ce point marque un recul du pluralisme, nous respectons la légitimité démocratique du Président de la République, qui est la plus forte dans notre pays.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est clair !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous souhaitions en revanche, pour les présidents des sociétés de l’audiovisuel public, un mandat à durée fixe, durée sans laquelle aucune action ne peut être conduite de manière forte et sereine. Avec la révocation par décret, on a fait un autre choix.

Le CSA s’est montré particulièrement prudent sur cet article, observant seulement, dans un avis, que la révocation devait être liée à un manquement grave par rapport à la fonction. Cette unique réserve était relayée par un amendement de notre collègue Martin-Lalande. Un cas de force majeure m’a empêché de participer au débat, ce dont je prie que l’on m’excuse, mais je m’étonne – pour rester mesuré – que notre assemblée n’ait pas adopté une telle proposition. Par conséquent, je voterai contre l’article. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’article 9, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

(L’article 9, amendé, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’article 10. (Protestations sur divers bancs.)

Article 10

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Je serai bref, compte tenu de l’heure.

Nous sommes favorables à l’article 10. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. Quel talent !

M. Patrick Braouezec. C’est surréaliste !

M. le président. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Notre assemblée vient, hélas, de voter un article essentiel. Je note d’ailleurs, au regard du scrutin, qu’il y a eu quelques défections dans les rangs de la majorité : c’est tout à l’honneur de ceux qui ont refusé cette infamie.

Notre groupe doit à présent se réunir pour déterminer sa position sur les articles à venir. C’est pourquoi je vous demande une suspension de séance.

M. Jean-François Copé. Pourquoi donc ? La séance va être levée dans quelques minutes !

M. le président. Cette énième demande de suspension de séance, monsieur Loncle, est un abus de procédure. Je ne vous l’accorde donc pas. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Loncle. Monsieur le président, je demande la parole !

M. le président. Vous venez de l’avoir, monsieur Loncle. (Mêmes mouvements.)

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

M. François Loncle. Vous m’avez seulement donné la parole sur l’article, monsieur le président !

M. le président. Vous l’avez eue, monsieur Loncle, sans suggérer qu’il s’agissait d’autre chose que de l’article.

Madame Mazetier, vous avez la parole. (Nouvelles protestations redoublées sur les bancs du groupe SRC.)

Puisque c’est ainsi, je prononce, en application de l’article 57 du règlement, la clôture de la discussion sur l’article. (Protestations redoublées sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Copé. Et voilà !

M. François Loncle. L’opposition n’a pas eu la parole !

M. le président. Si, monsieur Loncle, vous l’avez eue.

M. François Loncle. Quelle assemblée croyez-vous donc présider ? Nous ne sommes pas au Gabon ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alain Marty. Ces propos sont racistes !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour un rappel au règlement.

M. Marcel Rogemont. L’intervention que vient de faire notre collègue Herbillon…

M. Jean-François Copé. Est très claire !

M. Marcel Rogemont. …ne peut être comptabilisée parmi celles des « deux orateurs d’avis contraire » prévues à l’article 57. Celui-ci ne peut donc s’appliquer en l’occurrence et nous conservons la possibilité de nous exprimer.

M. le président. M. Herbillon a pris la parole sur l’article. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Il n’a pas motivé son vote !

Reprise de la discussion

M. le président. M. Braouezec n’étant pas là pour défendre son amendement n° 796, je vais mettre aux voix l’article 10.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, je demande la parole !

Demande de vérification du quorum

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, je vous demande de bien vouloir procéder, en application de l’article 61 du Règlement, à la vérification du quorum.

M. le président. Je suis saisi par le président du groupe UMP d’une demande faite en application de l’article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur l’article 10.

Je constate que le quorum n’est pas atteint.

Compte tenu de l’heure, je renvoie le vote à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)