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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 28 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Logement et lutte contre l’exclusion

Discussion générale (suite)

Mme Martine Billard

M. Philippe Folliot

Présidence de M. Marc Le Fur

M. Olivier Carré

M. François Pupponi

M. Serge Letchimy

M. Louis Cosyns

M. Philippe Goujon

M. Alain Cacheux

M. Gérard Gaudron

M. Damien Meslot

Mme Pascale Got

M. Patrice Calméjane

M. Bruno Le Roux

Mme Françoise de Panafieu

M. Jacques Valax

Mme Christine Boutin, ministre du logement

Motion de renvoi en commission

Mme Annick Lepetit

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. François Pupponi, M. Philippe Folliot, Mme Françoise de Panafieu

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Logement et lutte contre l’exclusion

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, adopté par le Sénat, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (nos 1207, 1357, 1316, 1402).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, madame la ministre du logement, mes chers collègues, il y a deux ans et demi, le Parlement votait la loi Engagement national pour le logement et, au mois de février de l’année dernière, la loi sur le droit au logement opposable.

Pourtant, la crise du logement est toujours aussi aiguë, et ce pour deux raisons : d’une part, le manque de construction de logements sociaux ; d’autre part, la spéculation sans limite du marché des logements privés, dont le prix à la location ne connaît guère la crise.

Qu’en est-il du droit au logement opposable, que la majorité UMP de la législature précédente avait subitement découvert en 2007, après le déploiement des tentes des sans-logis et mal-logés au canal Saint-Martin à la fin de l’année 2006 ?

Mme Laure de La Raudière et M. Olivier Carré. On ne peut pas dire cela !

Mme Martine Billard. En vertu des critères de la loi DALO, 6 000 ménages ont été déclarés prioritaires à Paris et jusqu’à 10 000 dans toute l’Île-de-France. Mais seuls 110 ménages à Paris et 350 en Île-de-France ont été relogés au titre de cette loi. C’est sans commune mesure avec les besoins !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Il n’y a pas que Paris, il y a le reste de la France !

Mme Martine Billard. Certes, madame la ministre, mais j’interviens comme je le souhaite. De plus, je ne suis pas la seule intervenante de mon groupe ; je peux donc m’attacher à ce point particulier.

L’effort public en faveur du logement social a de nouveau diminué dans le budget 2009. Quant au Livret A, qui finance la construction des HLM et bénéficie d’une exonération fiscale substantielle, vous venez de le privatiser en autorisant toutes les banques à en proposer à leurs clients ; une part importante des sommes ainsi collectées cessera d’être affectée au logement social.

Le Gouvernement prétend faire une loi sur le logement sans introduire de contraintes, ni pour les sociétés immobilières ni pour les pouvoirs publics. La philosophie de ce texte revient à opposer pauvres, classes populaires et classes moyennes, à mettre en concurrence les mal-logés et ceux qui sont logés dans le parc social.

Certes, le Sénat – dans sa grande sagesse – a supprimé à la quasi-unanimité l’article 17 du texte initial du Gouvernement, qui prévoyait de comptabiliser l’accession sociale à la propriété dans le quota de 20 % de logements sociaux par commune, en vertu de l’article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbain. Il s’agissait une fois de plus de remettre en question les obligations faites aux maires qui ne respectent pas la loi.

Madame la ministre, vous avez annoncé hier ne pas vouloir rétablir cette disposition, arguant que diverses mesures du plan de relance vont profiter à ceux qui ont les moyens d’accéder à la propriété.

Mais il aurait fallu être volontariste, et rendre effectif l’objectif de 20 % de logements sociaux. C’était le sens d’un des amendements que j’ai déposé – et qui a été rejeté au motif de l’article 40 de la Constitution – qui aurait permis d’imposer la construction d’au moins 50 % de logements sociaux dans tous les nouveaux programmes immobiliers dans les communes ne respectant pas la loi.

J’espère que vous ne céderez pas à la vague d’amendements en tous genres présentés par des députés de l’UMP après l’article 17, et qui visent eux aussi à gommer l’obligation de 20 % de logements sociaux, sous diverses formulations : comptabilisation dans les 20 % des hébergements d’urgence pour personnes défavorisées, des hébergements pour demandeurs d’asile, des logements de fonction – donc y compris pour des cadres supérieurs – des logements intermédiaires, des résidences pour personnes âgées, et cœtera. Je ne reprendrai pas la totalité de ce florilège d’inventivité anti-sociale de certains de nos collègues de l’UMP !

Quant à la réforme du 1 % logement, sous couvert du manque de transparence passé, elle revient à étatiser le dispositif en renvoyant l’application à un décret. Madame la ministre, vous annoncez comme aide de l’État au 1 % logement le financement d’un contingent spécifique de 10 000 logements de type PLS. Mais ceux-ci ne sont pas réellement des logements sociaux, contrairement aux catégories PLAI et PLUS qui sont celles dont les salariés – comme l’ensemble de nos concitoyens – ont le plus besoin. Par exemple, 70 % des demandeurs de logement social à Paris sont éligibles au PLAI.

Pour le 1 % logement, il conviendrait de rétablir les obligations de contributions des employeurs dès dix salariés, et non vingt salariés, comme cela existait avant les ordonnances Villepin du 2 août 2005.

Vous remettez en cause le droit au maintien en logement social de façon autoritaire, en opposant les classes moyennes aux plus démunis, qui sont sur liste d’attente. Certes, dans certaines situations, il est légitime de vouloir remédier à la sous-occupation de certains appartements – je pense aux cas typiques des foyers où les enfants ont quitté le domicile familial en atteignant l’âge adulte – mais, pour cela, il faut organiser les procédures d’échanges volontaires de façon plus efficace. Car en l’absence de régulation des prix dans le parc privé, voire du blocage temporaire de trois ans des loyers comme les députés Verts le proposent par amendement, vous faites un mauvais coup aux locataires du parc social en organisant leur expulsion. C’est aussi un coup porté à la mixité sociale des quartiers HLM.

Nous ne viendrons pas à bout de la crise du logement sans mesures politiques volontaristes. Je pense d’abord à l’arrêt des expulsions et des congés sans relogement – dont nous constatons l’augmentation : en 2007, 110 0000 jugements d’expulsion ont été prononcés.

Je pense ensuite à l’application de la loi de réquisition des logements vacants – vous avez dit, madame la ministre, ne pas y être nécessairement opposée, mais nous attendons toujours ! Je rappelle qu’à Paris, 20 000 personnes paient la taxe sur les logements vacants : cela constitue une réserve importante, non mobilisée, et qui pourrait être transformée en logements locatifs sociaux diffus.

Je pense enfin au gel temporaire des loyers, déjà évoqué.

Ce n’est pas en réprimant les mouvements de mal-logés – par exemple en condamnant l’association Droit au logement à 12 000 euros d’amende pour avoir mis des tentes sur les trottoirs de la rue de la Banque, dans le 2e arrondissement de Paris – que l’on résoudra la crise du logement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je n’y suis pour rien !

Mme Martine Billard. Casser le thermomètre n’a jamais fait baisser la fièvre !

Dans ces conditions, l’ensemble des députés du groupe GDR votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Tous les sondages et enquêtes d’opinion le disent : le logement est une préoccupation majeure de nos concitoyens. Nous, parlementaires, sommes plus que quiconque en première ligne pour connaître leurs grandes attentes en la matière.

Toutefois, nous voici réunis pour examiner une sixième loi sur le logement en l’espace de six ans. Madame la ministre, les députés du Nouveau Centre et apparentés souhaiteraient une plus grande stabilité afin d’éviter de semer de la confusion dans une législation déjà complexe et technique.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Eh oui, c’est vrai !

M. Philippe Folliot. Ils regrettent donc cette tendance à l’inflation législative.

Nous reconnaissons toutefois la nécessité d’intervenir rapidement et efficacement pour débloquer la chaîne du logement, et apporter des solutions pragmatiques aux drames quotidiens vécus par des millions d’hommes et de femmes en situation de mal-logement.

Les politiques du logement sont déterminantes pour l’avenir de notre société. Ce qui est entrepris aujourd’hui produira des effets pour les décennies à venir. Il est donc essentiel d’élaborer collectivement un projet de société autour d’ambitions partagées.

À ce titre, nous souscrivons à nombre des objectifs contenus dans votre projet de loi : construire plus de logements, favoriser l’accession sociale à la propriété, permettre l’accès au parc HLM à davantage de personnes, lutter contre l’habitat indigne, mais aussi et surtout maintenir l’objectif de mixité sociale tel qu’il existe aujourd’hui dans la loi.

Toute la difficulté de légiférer dans le domaine de la construction et de l’habitat, c’est de trouver des solutions qui s’appliquent malgré la diversité et la spécificité des situations locales.

Je peux en témoigner : la situation du marché immobilier – qu’il s’agisse de location ou d’accession à la propriété – à Murat-sur-Vèbre, au cœur d’une zone de revitalisation rurale dans la montagne tarnaise, à Castres, ville moyenne, à Toulouse, métropole d’équilibre, ou à Paris, recouvre des réalités bien différentes, voire contradictoires.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est sûr !

M. Philippe Folliot. Notre tradition jacobine ne permet pas toujours de faire preuve de la souplesse nécessaire pour que les acteurs sociaux choisissent eux-mêmes le dispositif législatif le plus adapté aux attentes de la population locale en matière de logement.

À ce titre, le groupe Nouveau Centre se félicite que votre projet de loi, dans son article 1er rende obligatoire la conclusion d’une « convention d’utilité sociale » à l’échelon local entre l’État et chaque organisme de logement. Elles devront constituer les instruments d’une véritable territorialisation de la politique du logement afin d’utiliser au mieux les outils de planification qui peuvent permettre de répondre au plus près des attentes spécifiques des populations concernées.

Ces conventions permettront de fixer des objectifs réalistes sur la vente de logements aux locataires, les parcours résidentiels, la fixation des foyers, mais surtout sur le niveau de construction nécessaire pour répondre aux besoins.

Car il est absolument primordial, en cette période de crise, d’intervenir fortement pour favoriser la construction massive et ciblée de logements. Depuis le mois de juin dernier, l’activité de construction s’est sensiblement ralentie en France : avec 370 000 mises en chantiers en 2008, nous sommes malheureusement loin de l’objectif de 500 000 logements que s’était fixé le Gouvernement, et cela représente 70 000 logements de moins que l’année dernière.

Il est donc essentiel, en cette période de tension extrême du marché, d’inciter les acteurs à investir, afin de désengorger l’ensemble de la chaîne du logement. Cet effort est également nécessaire pour atténuer les conséquences de la crise sur l’emploi dans le secteur du bâtiment, ainsi que sur les recettes fiscales. Vous l’avez justement rappelé, madame la ministre : la non-production de 10 000 logements représente 20 000 chômeurs de plus et 370 millions d’euros de recettes fiscales de moins.

Ces efforts de construction seront facilités par les moyens importants déployés dans le plan de relance que nous avons voté en début d'année et qui prévoit un programme de 100 000 logements supplémentaires en deux ans, dont 30 000 logements sociaux et très sociaux et 40 000 logements intermédiaires.

Ils seront également aidés par le prélèvement sur les moyens financiers devenus surabondants dégagés par les bailleurs sociaux qui ne construisent pas suffisamment, alors qu'ils devraient le faire quand ils sont dans les secteurs tendus. Ceux qui se situent dans les secteurs où il n'y a pas de tensions seront également mis à contribution, ce qui permettra de réorienter les fonds là où le besoin se fait réellement sentir.

Toutefois, il faudra veiller à ne pas instituer une sorte de taxe sur la bonne gestion, qui pénaliserait des organismes ayant simplement adopté une vision prudentielle de l'avenir et une certaine conception de l'aménagement du territoire.

Sous cette réserve, le groupe Nouveau Centre reconnaît le bien-fondé de ce mécanisme de péréquation qui institue une véritable solidarité financière entre les organismes.

Enfin, la plus grande souplesse introduite dans le texte pour permettre aux bailleurs sociaux de recourir à la vente en l'état futur d'achèvement, la VEFA, va également dans le sens d'une meilleure réponse aux nombreuses demandes de logement social.

Toutes ces dispositions opérationnelles devraient répondre à l'un des objectifs contenus dans le projet de loi, celui de soutenir durablement l'activité de construction et de renouer avec l'ambition d'atteindre 500 000 mises en chantier chaque année.

J'ouvre ici une parenthèse pour aborder une question qui me tient à cœur et sur laquelle j'ai alerté la représentation nationale à plusieurs reprises depuis de nombreuses années : il convient de procéder à un rééquilibrage entre les aides à la personne et les aides à la pierre. Privilégiées, les premières ne cessent d'augmenter, au détriment des secondes dont l'impact n'est sensible, pour l'essentiel, qu'à moyen et long termes. Il faut avoir le courage politique de rétablir les équilibres et redéfinir, par exemple, les conditions d'attribution des APL, notamment grâce à de nouveaux barèmes, pour les consacrer aux publics les plus fragiles.

M. Alain Cacheux. C’est déjà le cas !

M. Philippe Folliot. Concernant le 1 % logement, secteur que je connais bien et qui, vous le savez, madame la ministre, est cher à mon cœur, je tiens à exprimer mes réserves quant à l’ambition de modifier en profondeur son organisation, son fonctionnement et sa gouvernance en y renforçant trop la présence de l'État.

Je suis conscient que la gestion du 1 % est parfois épinglée dans certains rapports.

M. Alain Cacheux. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Philippe Folliot. Je suis convaincu, pour l’avoir vécu, que sa gouvernance est susceptible d'être améliorée.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. C’est ce que nous faisons !

M. Philippe Folliot. Est-ce pour autant une raison de jeter l'opprobre sur l'ensemble du système ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Non !

M. Michel Piron, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Personne ne fait cela !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Personne ne jette l’opprobre !

M. Philippe Folliot. Ce raisonnement est contestable : va-t-on décider de supprimer les communes sous prétexte que certaines d'entre elles sont mal gérées ?

Rappelons que le 1 % logement est né à Roubaix en 1943 et qu’il a été conforté à Mazamet en 1946, à l'initiative des partenaires sociaux qui, sur la base d'un versement au départ volontaire des entreprises, ont voulu créer un outil de solidarité professionnelle, avant que son financement ne soit rendu obligatoire en 1953. Il est géré de façon paritaire entre les partenaires sociaux, dans le cadre d'une solidarité professionnelle qui a d'ailleurs vu son champ d'intervention s'étendre, se moderniser et même parfois se dévoyer pour participer à l'effort de solidarité nationale pour le logement.

Je comprends que la crise et les difficultés financières nous enjoignent de mobiliser le maximum de ressources pour soutenir la construction et la réhabilitation des zones sensibles. À ce titre, les 4 milliards d'euros engagés dans la politique du logement par le 1 % font figure de poule aux œufs d'or inespérée pour l'État. Toutefois, tout comme j'avais solennellement alerté l'Assemblée nationale lors de l'examen du budget pour le logement en 2004, j'exprime ici le souhait que l'intention réelle du Gouvernement ne soit pas de mettre la main sur les ressources du 1 % pour compenser le désengagement budgétaire de l'État.

Cette volonté d'annexion traduirait une vision politique à court terme et risquerait de tuer un dispositif qui permet d'accompagner les salariés modestes tout au long de leur parcours résidentiel. Il y aurait quelque chose de choquant à priver les salariés et leurs entreprises de ce dispositif qui a fait la preuve de son efficacité.

Sur le terrain, les comités interprofessionnels du logement déplorent déjà de ne plus pouvoir assurer les interventions traditionnelles du 1 % logement au profit des entreprises et de leurs salariés. C'est notamment le cas des Pass-travaux, ce qui risque d'impacter lourdement le secteur du BTP et de développer le travail au noir.

De plus, les prélèvements sur les fonds du 1 % logement seront principalement reversés à l'ANRU et l'ANAH, au détriment des interventions dans les territoires ruraux qui connaissent également des difficultés mais qui ne sont quasiment plus concernés par les politiques publiques du logement. N'oublions pas que nos concitoyens des villes moyennes et du secteur rural connaissent, eux aussi, de réels problèmes de mal-logement. Et même s'ils ne sont pas jugés prioritaires, ils ne doivent pas avoir le terrible sentiment d'être abandonnés par nos politiques publiques ou par les mécanismes qui venaient en complément, voire en substitution de ces politiques publiques, par le biais du 1 % logement entre autres.

Qui plus est, cette disposition intervient dans une période où l'Union d’économie sociale pour le logement demande aux CIL de se regrouper.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Eh oui !

M. Philippe Folliot. Cela aurait pour effet de diviser par trois le nombre de ces organismes au détriment, là encore, d'une analyse approfondie des réalités du terrain. Pourtant, je sais, par expérience, que les plus petits des associés collecteurs ne sont pas forcément, loin de là, les plus mal gérés.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, je défendrai des amendements qui proposent que les partenaires sociaux ne soient pas déconnectés du processus de décision, notamment pour la détermination des catégories d'emploi des ressources issues de la participation des employeurs à l’effort de construction. Il en va de la pérennité du 1 %, seul outil de solidarité professionnelle qui assure un maillage territorial efficace.

J’attire par ailleurs votre attention sur le fait que, au regard des décisions et des orientations voulues par les partenaires sociaux ou tout au moins les représentants de ceux-ci, nous courons le risque important, avec l’objectif ciblé d’avoir une trentaine de collecteurs, d’avoir une vingtaine de collecteurs nationaux et quelques gros CIL régionaux mais également des régions sans collecteur régional. Un tel risque doit nous interpeller. Je déposerai un amendement sur ce point.

Les députés du Nouveau Centre se félicitent de la suppression intervenue au Sénat de l'article 17 du projet de loi initial.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous, nous la regrettons, parce qu’elle sacrifie l’accession sociale.

M. Philippe Folliot. Cet article remettait en cause l’article 55 – ô combien symbolique – de la loi SRU qui impose à certaines communes de disposer de 20 % de logements sociaux. Deux ans tout juste après la mort de l'abbé Pierre qui avait milité pour le maintien de cette exigence sociale, le vote d'une telle disposition aurait été un bien mauvais signal envoyé aux nombreuses communes qui ne font preuve d'aucune bonne volonté, souvent sans raisons valables.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. N’importe quoi !

M. Philippe Folliot. Nous le réaffirmons ici, le logement est l'affaire de tous et de toutes les communes, et nous demandons une application à la fois juste mais ferme de ces dispositions.

(M. Marc Le Fur remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. Philippe Folliot. L'abandon de cet article ne doit pas pour autant nous faire perdre de vue l'objectif d'encourager les démarches de nos compatriotes qui souhaitent devenir propriétaires de leur logement.

À ce titre, le projet de loi prévoit plusieurs dispositions intéressantes, comme l'extension du Pass-foncier aux logements collectifs. La commission saisie au fond, dont je salue le travail, monsieur Ollier, a également adopté des amendements importants, comme l'extension à toutes les opérations d'accession sociale à la propriété du taux réduit de TVA ou le doublement du prêt à taux zéro pour les acquisitions dans le neuf jusqu'au 31 décembre 2010.

Au cours de nos débats, je vous soumettrai à mon tour une réactualisation du dispositif de location accession, intelligent dispositif qui a rendu de grands services dans les années 60-70 et qui, finalement, n'est que le précurseur de la location avec option d'achat qui, aujourd'hui, est tellement entrée dans les mœurs qu'elle mériterait d'être également appliquée à l'accession sociale à la propriété. J'ajoute que ce dispositif pourrait aisément s'intégrer dans le cadre des conventions d'utilité sociale prévue à l'article 1er du projet de loi. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous apporterez votre soutien à cette proposition qui rejoint votre objectif d'accélérer l'accession sociale à la propriété.

Je tiens également à saluer la réactivité dont vous avez fait preuve pour corriger les effets pervers des dispositifs d'investissement locatifs « Borloo » et « Robien ».

Malgré un bilan globalement positif pour le développement du parc locatif privé, ces dispositifs ont conduit certains promoteurs à construire des logements dans des zones où les besoins ne se faisaient pas sentir. Cette situation a conduit à une surproduction de logements, dont une forte proportion reste aujourd'hui vacante, ce qui a amené certains propriétaires à vendre leurs biens à perte ou à ne pas les louer.

En recentrant ces dispositifs sur les zones tendues, l'article 15 du projet de loi rectifie ces effets pervers tout en conservant les effets bénéfiques du « Borloo » et du « Robien » sur la relance de la construction.

Concernant les dispositions visant à favoriser la mobilité dans le parc locatif social, en cas de sous-occupation ou de doublement des ressources du locataire par rapport aux plafonds d'attribution des logements locatifs sociaux, les députés centristes abordent cet aspect du texte avec prudence.

La volonté de fluidifier davantage les parcours HLM se situent à la confluence de deux exigences fondamentales, mais contradictoires : celle d'offrir rapidement un logement aux publics prioritaires qui attendent d'entrer dans le parc locatif social depuis plusieurs années, et celle de préserver le principe de mixité sociale dans le parc HLM.

Nous soutenons votre volonté d'accélérer le parcours résidentiel des locataires sociaux qui peuvent se loger sans difficulté dans le parc privé, à condition que ces dispositions ne s'appliquent que dans les zones où il existe un fort déséquilibre entre l'offre et la demande de logements locatifs sociaux.

À ce titre, nous tenons à saluer la solution d'équilibre qui a été adoptée au Sénat, qui limite la portée de ces dispositions en supprimant le droit de maintien des locataires sociaux dans les seules zones où le marché locatif est tendu.

Au cours des débats, nous vous demanderons la suppression des dispositions de l'article 21 qui prévoient de minorer de 10,3 % les plafonds de ressources d'accès au logement locatif social, à l'instar de ce qu'ont fait les sénateurs avant que l'article ne soit réintroduit par une seconde délibération en fin de discussion.

Nous considérons que les effets de cet article seront essentiellement d'affichage et statistiques et qu’ils donneront en fait un très mauvais signal politique, pouvant être assimilé à une remise en cause du principe de mixité sociale.

M. Michel Piron, rapporteur. Allons !

M. Jean-Pierre Brard. M. Folliot est un centriste gauchiste !

M. Philippe Folliot. Votre projet de loi couvre l'ensemble des problématiques liées au logement : la mobilisation du parc locatif social privé, que nous ne devons pas oublier, notamment à travers l'amélioration du fonctionnement des copropriétés ; l'accompagnement des maires pour les aider à construire davantage ; la création d'un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés qui complète l'action de l'ANRU, ou encore, les mesures prises en faveur des personnes les plus fragiles, à travers des solutions opérationnelles pour assurer l'hébergement d'urgence dans les communes et garantir une application efficace des dispositifs de la loi DALO.

Il est en effet absolument inacceptable qu’au XXIe siècle, dans un pays comme la France, tant de personnes sans domicile fixe vivent quotidiennement dans la rue, dans la quasi-indifférence générale.

Nous espérons que les dispositions de votre projet de loi relatives à l’hébergement d’urgence et à l’intermédiation locative seront à la hauteur de cet enjeu majeur, et comptons fermement sur la mobilisation de l’ensemble des énergies de notre pays – État, élus locaux, associations – pour mettre un terme à ces drames humains.

Pour conclure, je rappellerai que la politique du logement constitue l’une des principales réponses structurelles aux mécontentements sociaux qui couvent dans le pays. Elle est indispensable pour assurer le bien-être de nos concitoyens et garantir la cohésion sociale.

Susceptible d’améliorations substantielles, votre texte, madame la ministre, témoigne tout de même non seulement d’une prise de conscience de l’importance du logement comme préalable à l’insertion, comme condition de la cohésion sociale, mais également d’une prise de conscience du quotidien extrêmement difficile des 3,2 millions de nos concitoyens en situation de mal-logement.

Le groupe Nouveau Centre salue les progrès contenus dans ce texte et aborde les discussions futures dans un esprit pragmatique, avec l’ambition d’enrichir le projet de loi, à l’instar de ce qui a été fait au Sénat et en commission. Il arrêtera son vote en fonction du sort qui sera réservé à ses propositions constructives.

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parce que l’humain est au cœur de la politique du logement, nous avons tous entendu parler ici de la situation parfois dramatique de certaines familles, de personnes seules, souvent trop seules, dans la rue ou dans des logements indignes. J’ai bien écouté notre collègue Gosnat qui a souhaité citer dans cet hémicycle le nom de trois SDF morts dans l’indifférence. Une indifférence coupable, certes. Mais nous ne cessons, depuis des décennies, de chercher des solutions afin de ne laisser personne sur le bord de la route.

C’est d’ailleurs un paradoxe français que de connaître une éternelle crise du logement, comme l’a rappelé hier avec éloquence Marc-Philippe Daubresse, et d’avoir en même temps le nombre le plus élevé de résidences principales et de logements par habitant – 1,95 habitant par résidence principale. Il n’y a jamais eu autant de logements, sociaux notamment, dans notre pays et pourtant, les mal-logés sont encore nombreux et beaucoup restent sur des listes d’attente, même si près de 85 % de ces personnes demandent à changer de logement, ce qui signifie qu’elles en ont déjà un.

Les résultats sont là, cependant. En 2008, dans une conjoncture très difficile, le nombre de logements sociaux lancés a encore été en progression ! Il n’y en a jamais eu autant qu’à la fin de 2008.

On le voit, construire toujours davantage est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Après trois grandes lois qui ont profondément modifié à la fois les moyens, les objectifs et la gouvernance de la politique du logement, il était temps d’aborder la question du parcours résidentiel et de remettre certaines idées en place.

Cela a commencé avec le DALO auquel vous avez particulièrement participé, madame la ministre, pour faire du droit au logement un droit opposable. Aujourd’hui, c’est le bouclier logement que nous allons mettre en œuvre. En deux ans, deux piliers fondamentaux de l’accès au logement des plus fragiles ont été confortés par notre majorité : le droit opposable au logement et le bouclier logement, fixé à 25 % des revenus d’un ménage – nous l’étudierons dans l’article 1er . Ce sont deux avancées qui sécurisent considérablement les ménages modestes.

Alors je ne comprends pas pourquoi, par tracts, on cherche à faire peur en disant que des centaines de milliers de gens vont être expulsés, des gens qui, de bonne foi, s’inquiètent.

M. Alain Cacheux. Les surloyers, ça fait mal quand même !

M. Olivier Carré. Alors je le redis ici, comme je l’ai dit à la délégation de locataires qui manifestait près de l’Assemblée nationale et que j’ai reçue hier : les surloyers ont pour vocation non pas d’évincer des ménages qui ont toute leur place dans le logement conventionné, mais plutôt de remettre à une valeur de marché le loyer qu’ils devraient payer quand ils en ont les moyens.

M. Jean-Pierre Brard. C’est inadmissible !

M. Olivier Carré. Si ce n’est pas le cas, le bouclier logement…

M. Jean-Pierre Brard. Parlez-nous du bouclier fiscal !

M. Olivier Carré. ...entre en jeu et protège les locataires.

M. Jean-Pierre Brard. Il faut avoir un sacré culot pour dire ça !

M. Olivier Carré. Le culot, c’est de poser ces questions.

Il importe également de savoir comment les organismes HLM gèrent les possibilités qui leur sont offertes pour appliquer ce que l’on appelle leur « politique de peuplement ». Ils peuvent – et ils le pourront encore plus facilement dans le futur avec la convention d’utilité sociale – adapter leur politique de loyer et de surloyer à la politique de l’habitat que leur demandent les maires des communes où ils sont implantés.

Mme Laure de La Raudière. Eh oui !

M. Olivier Carré. Encore faut-il que chacun d’eux et leurs instances de gouvernance n’aient pas d’autre but que celui de répondre aux équilibres sociaux de leur territoire. Pour parler plus clairement, si le logement HLM doit être soutenu, et je suis un de ses défenseurs, il ne doit pas être instrumentalisé, au risque de le dévoyer de sa véritable mission d’intérêt général.

Pour moi, et notre majorité partage cette conviction, le logement social a prioritairement vocation à accueillir ceux qui, justement, ne peuvent pas trouver à se loger sur le marché.

M. Alain Cacheux. Eh oui ! C’est comme ça qu’on fait des ghettos !

M. Olivier Carré. On peut toujours trouver des exemples contraires. Mais la vérité, c’est qu’aujourd’hui certaines situations ne sont pas dans l’ordre des choses et doivent évoluer.

Mme Laure de La Raudière. C’est vrai !

M. Olivier Carré. Le logement social doit retrouver sa vocation, ce pourquoi il a été construit notamment avec de l’argent public. Il est assez curieux que ce soit à moi de le rappeler. C’est comme ce débat où l’on oppose locatif social et accession populaire. L’un est complémentaire de l’autre.

Mme Laure de La Raudière. Eh oui !

M. Olivier Carré. Je ne comprends pas pourquoi certains passent leur temps à les opposer.

J’ai entendu beaucoup de mises en garde contre les dangers qui ont conduit à la faillite des milliers de ménages aux États-Unis, en Grande Bretagne ou ailleurs. Vous avez parfaitement raison, mais ce n’est pas ce qui se passe en France. Très loin de là ! Des mécanismes comme le PSLA, le prêt cautionné ou le prêt à taux zéro marchent bien. Je peux vous dire qu’il y a eu, chez moi, un véritable engouement pour les PSLA que nous avons lancés. Dorénavant, tous les bailleurs en inscrivent à leurs programmes et ils ont une demande cinq, six ou sept fois supérieure à ce qu’ils peuvent faire. Je suis d’accord, il faut tout faire pour sécuriser les Français qui veulent suivre cette voie, mais il existe bien des solutions déjà en oeuvre.

L’accession sociale à la propriété nous concerne tous. Ce n’est pas un leurre, comme je l’ai entendu. Chaque année, près de 700 000 bénéficiaires l’ont bien compris, parce que la meilleure sécurité, au bout de quinze ans, c’est d’être véritablement chez soi, a fortiori quand votre situation n’est pas aisée. Combien de ménages payent un loyer qui pourrait équivaloir à une mensualité, avec au bout du compte un patrimoine bien à soi, à ses enfants ! Pourquoi toujours enfermer quelqu’un dans un statut sous prétexte qu’on déciderait pour lui qu’il serait dangereux qu’il en sorte ?

L’accession populaire à la propriété est une question, non seulement sociale, mais aussi d’urbanisme,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Olivier Carré. …car, à la clé, il s’agit de savoir ce que nous voulons faire de nos villes. Je n’accepte pas qu’en moins de trente ans, le nombre de propriétaires occupants dans les cinquante plus grandes villes de France ait diminué de moitié. Il faut réconcilier les Français avec la ville. Faire revenir des propriétaires occupants en ville est un projet qui doit nous interpeller.

M. Alain Cacheux. Ce sont les lois du marché !

M. Olivier Carré. Non ! Quand le prêt à taux zéro a été remis en œuvre et autorisé pour l’acquisition de bâtiments anciens avec travaux, son nombre a explosé…

M. Alain Cacheux. Dans les banlieues, pas dans les centres-villes !

M. Olivier Carré. …au bénéfice de jeunes ménages qui ont décidé de s’implanter dans nos villes, quelle que soit leur couleur, car toutes les villes de France ont accepté ce dispositif et ont été heureuses de le mettre en œuvre. Mais allons au-delà ! Dépassons des clivages qui sont d’un autre âge ! Voyons les points qui coincent ! Beaucoup de réponses sont dans ce texte et d’autres pourront s’inscrire dans l’avenir – nous en avons parlé en commission. Donc nous sommes sur le bon chemin.

Mes chers collègues, nous allons commencer l’examen d’un texte très attendu. C’est un texte opportun, utile et juste, enrichi par l’excellent travail de notre rapporteur, Michel Piron, dont je salue la compétence et la compréhension de la complexité de la politique du logement.

M. Michel Piron, rapporteur. Elle est complexe, en effet !

M. Olivier Carré. C’est un texte opportun, car il nous faut aborder la crise de l’immobilier de front, sans tabou et en mobilisant le maximum de moyens pour en limiter les effets.

C’est un texte utile, car il met en œuvre de nouveaux dispositifs comme le bouclier logement, le conventionnement social des organismes et la requalification des quartiers anciens dégradés,

C’est un texte juste, car il vise à permettre au plus grand nombre de sécuriser leur location, leur accession, et à donner des moyens nouveaux à la mise en œuvre concrète du DALO.

Madame la ministre, votre loi va redynamiser le parcours résidentiel des Français.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, cela m’étonnerait !

M. Olivier Carré. Moi, j’en suis convaincu ! C'est pour moi une des voies qui les réconciliera avec leur avenir. Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe vous apportera son plein et entier soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron, rapporteur. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Madame la ministre, je vais commencer par vous remercier, car grâce à l’examen de ce texte et au débat qui a commencé hier, j’ai enfin eu la confirmation de ce que je pensais depuis longtemps : vous ne pouvez pas régler la crise du logement qui touche notre pays parce que vous êtes prise dans une équation impossible. Pourtant, régler le problème du logement en France, c’est simple.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Ça alors !

M. Michel Piron, rapporteur. C’est un scoop !

M. Benoist Apparu. Y’a qu’à !

M. François Pupponi. On connaît le besoin : il faut 900 000 logements, dont la moitié de logements sociaux, dans les 4 000 communes de plus de 3 500 habitants. Mais il ne faut surtout pas augmenter le nombre de logements sociaux dans les quelque 750 communes extrêmement défavorisées qui en ont déjà beaucoup. Il faut donc mettre les 430 000 logements sociaux dont nous avons besoin dans les autres communes, qui sont environ 3 200.

M. Benoist Apparu. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait !

M. François Pupponi. Il faut, bien entendu, mettre les logements les plus sociaux, y compris les hébergements, dans les communes qui ne remplissent pas le critère de 20 % de logements sociaux, et placer le solde dans les autres. L’équation est simple. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu. La planification est de retour !

M. François Pupponi. Il suffit de définir les endroits où ces logements doivent être implantés, et il faut que l’Europe et le Gouvernement, au nom de l’intérêt général, reprennent la main en imposant leur décision aux maires qui ne veulent pas appliquer la loi.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est si simple que c’en est presque simpliste !

M. François Pupponi. Cette équation simple permettrait de régler le problème du logement dans notre pays.

M. Benoist Apparu. Nous devons être bêtes alors !

M. François Pupponi. Vous ne pouvez résoudre ce problème, madame la ministre, pour une simple raison : vous et votre majorité refusez de mettre dans les 750 communes où il n’y a pas 20 % de logements sociaux, les populations les plus fragilisées, les centres d’hébergement, les PLAI. Vous ne le voulez pas pour des raisons idéologiques, à moins que cela ne soit par faiblesse.

M. Michel Piron, rapporteur. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

M. François Pupponi. Je pense, en effet, que vous, vous seriez prête à le faire, mais vous savez bien que certains membres de la majorité s’y refusent, à commencer par des membres du Gouvernement, dont le maire de Toulon, qui n’a que 10 % de logements sociaux. Quant au Président de la République, ancien maire de Neuilly, il n’en avait que 2 % dans sa commune ! Ils préfèrent que les classes les plus aisées restent dans certaines villes ou certains quartiers et ne se mélangent pas aux plus défavorisés.

M. Jean-Pierre Brard. Des réserves à bourgeois !

M. François Pupponi. L’équation est alors impossible.

M. Benoist Apparu. C’est pathétique !

M. François Pupponi. Techniquement, vous ne pouvez pas, en effet, mettre l’ensemble des logements sociaux dont notre pays a besoin dans les 2 500 communes qui restent ! Vous ne voulez pas les mettre dans les villes les plus riches et nous ne pouvez le faire dans les villes les plus pauvres. Vous êtes donc pris dans une équation impossible. Quelle solution vous reste-t-il ?

Vous avez fait monter la demande prioritaire avec la loi DALO, qui est une bonne loi. Permettre aux populations les plus fragilisées d’avoir prioritairement accès au logement, c’est une bonne décision ! Vous avez donc fait monter la demande, mais comme vous ne faites pas monter l’offre puisque vous ne permettez pas la construction d’un nombre suffisant de logements sociaux, il ne vous reste plus qu’une solution pour respecter les conditions de la loi DALO : vider de leurs classes moyennes les villes intermédiaires qui ont entre 20 % et 50 % de logements sociaux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui ! C’est ça !

M. François Pupponi. C’est ce que vous faites avec les mesures concernant les surloyers, la sous-occupation.

J’ai entendu Olivier Carré parler du surloyer. Quant à moi, j’ai grandi à Sarcelles et je connais le phénomène. Sarcelles était le symbole de la mixité sociale, mais quand la filiale de la Caisse des dépôts a, de fait, imposé un surloyer, les classes moyennes sont parties.

M. Alain Cacheux. Évidemment !

M. François Pupponi. En effet, quitte à payer plus cher, elles ont préféré abandonner le logement social. Et c’est ainsi que cette ville, symbole de la mixité sociale, est devenue le symbole du ghetto social ! Les classes moyennes, qui sont parties en raison des surloyers ont été remplacées par les populations les plus fragilisées. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

S’agissant de la sous-occupation des logements, comment pouvez-vous envisager, madame la ministre, de dire, par exemple, à une femme, veuve ou divorcée, qui a élevé ses enfants et qui vit, seule, dans son appartement de quatre pièces qu’elle n’a plus le droit d’y rester ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Elle aura le droit d’y rester !

M. François Pupponi. J’en connais beaucoup, quant à moi, des personnes qui occupent le même logement depuis cinquante ans et qui, depuis cinquante ans, acquittent leur loyer.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous aussi !

M. François Pupponi. Ces logements recèlent des souvenirs accumulés pendant toute une vie et permettent à ces personnes d’accueillir leurs enfants et petits-enfants. À la fin du bail, allez-vous leur dire que l’appartement qu’elles occupent est trop grand pour elles et qu’elles doivent le quitter ? C’est inadmissible !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Il y a aussi des exemples de mères qui ont trois enfants et qui habitent dans une seule pièce.

M. François Pupponi. C’est intolérable et injuste socialement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !

M. François Pupponi. Il ne vous reste donc qu’une solution : chasser les classes moyennes de ces villes qui sont exemplaires. Ce sont, en effet, les communes, qui ont entre 20 et 50 % de logements sociaux, qui construisent et font des efforts dans ce domaine !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. François Pupponi. Mais ce sont elles que vous pénaliserez, madame la ministre, en aggravant le ghetto social, qui n’existe, pour l’instant, que dans quelques communes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ce qui vous importe, c’est la mise en œuvre votre projet politique d’une France à deux vitesses avec d’un côté, des quartiers privilégiés, sans logements sociaux, habités par des catégories sociales aisées, vivant entre soi, et envoyant leurs enfants dans de bonnes écoles, et, de l’autre, des quartiers sociaux défavorisés, relégués, souvent communautarisés. Voilà la France dont vous rêvez !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Absolument pas !

M. Michel Piron, rapporteur. Non, nous ne voulons pas d’une telle France ! Je proteste !

M. François Pupponi. Si vous ne rêvez pas d’une telle France, mon cher collègue, je vous prends au mot !

M. Michel Piron, rapporteur. Soit !

M. François Pupponi. Vous aurez l’occasion de le prouver au cours du débat, lors de l’examen des amendements qui concernent, notamment, le fameux article 55 de la loi SRU. Certains, dans la majorité, veulent assouplir les règles et exonérer davantage encore les communes qui ne respectent pas les 20 % de logements sociaux de l’obligation d’accueillir les populations les plus fragiles de notre pays.

M. Michel Piron, rapporteur. Nous avons pris position en la matière !

M. François Pupponi. Les amendements de l’opposition viseront à durcir les modalités de l’article 55 afin d’obliger les maires de ces communes à construire des logements sociaux, notamment par le biais des PLAI, et des structures d’hébergement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Les structures d’hébergement sont prévues dans le projet de loi !

M. François Pupponi. Nous verrons alors, madame la ministre, monsieur le rapporteur, si vous acceptez de durcir l’article 55 de la loi SRU, qui, je le rappelle, est la seule solution permettant de réaliser des logements sociaux dans notre pays.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui !

M. Benoist Apparu. Mais non !

M. François Pupponi. C’est également une condition d’égalité sociale. Si vous acceptez nos amendements, vous montrerez alors que vous voulez réellement une autre France, une France où la mixité sociale a toute sa place, où les personnes issues des classes sociales les plus défavorisées ont le droit d’habiter dans des logements de qualité, sur l’ensemble du territoire ! Si vous les refusez, ce sera la preuve que vous voulez continuer à « ghettoïser » notre pays. Et c’est le député-maire d’une commune qui est devenue un ghetto social, qui vous parle. Avec plus de 60 % de logements sociaux et des familles en grande difficulté, ces communes ont basculé depuis longtemps et ne savent plus ce que mixité sociale veut dire. Vous ne ferez plus revenir les classes moyennes à Sarcelles – 42 000 habitants, la plus grande zone urbaine sensible de France, construite par l’État et la Caisse des dépôts. Rendez-vous compte que, par endroits, le taux de logements sociaux atteint 100 % !

M. Alain Cacheux. Eh oui !

M. François Pupponi. Les classes moyennes ne reviendront plus !

M. Olivier Carré. Mais si !

M. François Pupponi. Cela étant, nous nous battons quotidiennement, madame la ministre, afin de proposer un avenir à ces populations.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous aussi !

M. François Pupponi. Et nous sommes fiers de nous occuper de ces populations les plus fragiles.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous aussi !

M. François Pupponi. Mes chers collègues, ce « nous » englobe tous les maires de banlieues, de droite comme de gauche. Je parle des maires de quartiers de relégation sociale, de ghettos sociaux.

M. Alain Cacheux. Absolument !

M. François Pupponi. Permettez-moi, madame la ministre, de vous mettre en garde. Si vous appliquez, à la lettre, le décret sur le surloyer, la loi DALO, vous contribuerez à construire les ghettos sociaux de demain...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est sûr !

M. François Pupponi. …qui seront à l’origine des explosions sociales d’après-demain. J’ai connu les émeutes de 2005 et celles de Villiers-le-Bel. Je ne veux plus qu’elles se reproduisent et je pense savoir comment faire pour les éviter, mais si les ghettos sociaux se multiplient, nous ne serons pas à l’abri d’autres explosions sociales ! Si nous opposons deux France – la France des nantis, qui vivent dans les beaux quartiers ou les villes protégées à la France des ghettos sociaux –, le pays explosera ! Ce n’est pas ce que nous voulons. Ce n’est pas la République que nous voulons. Or votre texte, madame la ministre, attaque frontalement notre pacte républicain.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si !

M. François Pupponi. Vous l’aurez compris, nous nous battrons pied à pied contre votre projet politique, afin de permettre à la France d’avoir un avenir, pour le bien de la République et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes face à deux enjeux : répondre à un droit universel, imprescriptible et inaliénable, celui de se loger et faire face à une crise majeure du logement.

Ces deux enjeux nous imposent, tant dans l’Hexagone que dans l’outre-mer, une rupture par rapport à la politique actuelle du logement et de l'habitat, des moyens exceptionnels et de bien cibler les priorités. Or, selon nous, la priorité consiste à répondre au drame des plus modestes, des plus démunis. Il s’agit, en effet, d’une crise du logement social et très social. Si nous partageons la volonté de la résoudre, je n'ai pas le sentiment que nous ayons la même conscience de son ampleur, particulièrement dans les départements d’outre-mer.

Je sais, madame la ministre, que vous nous direz que vous n'êtes pas responsable du logement en outre-mer.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Dommage !

M. Serge Letchimy. M. Piron ferait sans doute la même réponse. Le sort qu’il a réservé aux quelques amendements concernant cette région atteste, du reste, sa méconnaissance de l’outre-mer, même si je ne lui en tiens pas rigueur.

M. Michel Piron, rapporteur. Merci de votre indulgence !

M. Serge Letchimy. Permettez donc que j'utilise cette tribune pour m'exprimer sur cette question aussi importante. Si vous n'êtes pas coupable de la situation en outre-mer, vous n'en êtes pas moins comptable, au nom de l'État.

Comment expliquer et accepter les conséquences de la dichotomie de la politique du logement menée outre-mer ? Votre ministère détient la réglementation urbaine, sociale et administrative de la politique du logement et de l'habitat. Le ministère de l'outre-mer détient celui de la pierre au travers de la LBU.

M. Michel Piron, rapporteur. En effet, ce n’est pas simple !

M. Serge Letchimy. Il faudrait une réforme de fond !

Comment peut-on dissocier le social, du fiscal, l'économique de l'environnement, l'architecture de la culture, la politique de la ville de la politique du logement, les politiques nationales de solidarités de l'aide à la pierre ? Cette difficulté d'approche, inconcevable et inacceptable, trouve certainement son explication dans le passé colonial, dans une manière de concevoir la politique, mais aussi dans le culte de la « République une et indivisible ». Les populations comprennent cependant moins bien les conséquences, l'atonie qui en résulte, les incohérences et les retards qui ne font qu'exacerber des malaises cumulées. C’est particulièrement vrai en Guadeloupe.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Dans l'outre-mer, 26 % du parc immobiliser, soit 76 000 logements, sont considérés comme habitats précaires ou indignes contre 8 % dans l'Hexagone ; 15% de ce parc est insalubre, soit 65 000 logements. La demande cumulée non satisfaite est, pour les quatre départements et régions d’outre-mer, de 62 000 logements dont 70 à 80 % relèvent du logement social ou très social, M. Pupponi parlait de 50 % dans l’Hexagone. On n'y construit que 3 600 logements sociaux par an au lieu des 12 000 à 15 000 nécessaires. À ce rythme, il faudrait une vingtaine d’années pour rattraper le retard, sans compter les besoins liés au renouvellement urbain, aux relogements liés à l'insalubrité croissante, ainsi qu'aux risques majeurs, sismiques notamment. Entre 2000 et 2007, le nombre de logements autorisés a connu une baisse de 20 % ; ceux financés par l'État ont diminué d'autant.

Le pouvoir solvabilisateur de l'allocation logement s'est dégradé et le forfait charge est, véritable injustice, deux fois plus élevé que dans l'Hexagone. Cela s'explique par des difficultés et des contraintes non levées depuis trois décennies. Le problème du foncier en outre-mer est dû à l’exiguïté, aux coûts, à la densité et à la surcharge foncière.

Le coût de la construction et de la charge foncière a connu une augmentation de plus de 50 % entre 2002 et 2006. Les paramètres d'actualisation de financements ont au moins trois ans de retard. De nombreuses opérations sont aujourd'hui bloquées, et l’on fait des procès d’intention aux maires qui ne vont pas assez vite. Il faut signaler également la faiblesse des moyens des collectivités locales, notamment des communes. Les procédures de résorption de l’habitat insalubre sont complètement bloquées depuis quinze ans là où des familles ont pu trouver un espace social, dans des quartiers tels que Boissard en Guadeloupe, de Volga-plage ou Trenelle à Fort-de-France. La crise locale atteint les plus défavorisés et les plus modestes de nos concitoyens et fait de la loi DALO – très bonne loi au demeurant – un voeu pieux, une vue de l’esprit.

Quelques idées intéressantes figurent dans votre texte, mais je souhaite appeler votre attention sur la diminution de 10 % des plafonds de ressource, ce qui conduira à l'exclusion ceux qui ne trouvent pas de solution dans l'intermédiaire locatif ou dans l'accession. Vous avez refusé ma proposition d’amendement.

S’agissant du désengagement de l'État, on assiste à un recul des crédits de paiements avec une dette aux opérateurs qui atteint de 47 millions d'euros fin 2007.

Quant à la débudgétisation à tout va, savez-vous que le logement social en outre-mer sera désormais en partie financé par la défiscalisation et, donc, soumis aux fluctuations des marchés et des placements financiers ? C'est une tendance qui semble devenir la règle, subtilement instillée par des mesures qui ne sont pas aussi innocentes que cela.

La modification de la gouvernance du 1 % est un autre exemple des manoeuvres financières de l'État, avec pour conséquence la remise en cause du paritarisme.

Je veux également parler des dérégulations du code des marchés, de la déréglementation du code de l'urbanisme, de la libéralisation des droits à construire, avec des conséquences non négligeables pour les collectivités locales.

Je veux aussi parler de la mobilité dans le parc HLM, qui devient un dogme. Quant à la vente des HLM, je suis très réservé. Le seul moyen de loger une famille démunie, c'est dans le patrimoine ancien. Or mes amendements ont été balayés d’un revers de main. Ce parc HLM bon marché pourrait constituer des éléments de réponse au DALO ainsi qu’au relogement transitoire dans le cadre des RHI. Enfin, la réduction des délais d'expulsion se fera au détriment des plus faibles. Le patrimoine privé populaire ou classique en milieu urbain sert de soupape à ceux qui ne trouvent pas de logements sociaux.

Madame la ministre, à défaut d’ouvrir des perspectives, vous versez dans une sorte de recentralisation autoritaire. Après le préfet vert du Grenelle de l’environnement, vous nous présentez le préfet préempteur, doté d’une autorité démesurée en matière de mise en œuvre des programmes locaux d’habitat.

Pour éviter ce genre d’incohérence dans la politique du logement, je plaide pour une gouvernance locale de la politique du logement, assumée dans toute sa transversalité et sa globalité, en pleine responsabilité, sans remettre en cause la nécessaire conciliation entre droits inhérents à l’égalité et droit légitime à la différence.

Je voudrais conclure sur des mots qui nous imposent à tous l’humilité, voire le recueillement : l’habitat indigne. Vous avez eu le courage de vouloir vous attaquer à ce fléau, madame la ministre, et j’en prends acte. Face aux conditions de vie indignes, les considérations de race et de couleur n’ont pas de sens. Il n’y a de place que pour la solidarité. Rien n’est plus précieux pour la vie que la vie. Mais la déchéance humaine est la pire des dégradations car elle aboutit à l’impuissance. La crise du logement a assez duré en outre-mer ! Un plan de relance global s’impose. C’est par une telle initiative que vous redonnerez l’espérance à ceux qui vivent l’indignité résidentielle à laquelle vous voulez vous attaquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Louis Cosyns.

M. Louis Cosyns. La mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion sont deux axes prioritaires de la politique du Gouvernement. La situation d'un nombre malheureusement croissant de nos concitoyens l'exige. Vous en avez, madame la ministre, parfaitement pris la mesure avec ce texte qui, dans un contexte de crise internationale, vise à répondre de façon concertée et intelligente tant à la crise du logement qu'à celle de la construction, sous différents angles complémentaires : celui de l'urbanisme, celui de la politique de la ville, celui de la lutte contre l'exclusion, celui du logement et celui de l’hébergement.

Différentes dispositions me semblent particulièrement opportunes : celles qui visent à favoriser l'accession à la propriété, celles qui visent à améliorer le fonctionnement des copropriétés, celles qui visent à accroître la mobilité dans le logement social afin que les abus existant en ce domaine cessent.

M. Jean-Pierre Brard. « Mobilité », vous appelez ça ainsi : vous ne manquez pas d’air !

M. Michel Piron, rapporteur. L’être est dans le mouvement, disait Hegel !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Cosysns.

M. Louis Cosyns. Toutefois, ce texte n'aura malheureusement pas la même portée que la loi de 1948, qui était intervenue, elle aussi, dans une période de crise car certains domaines ne sont pas, à mon sens, suffisamment pris en compte.

Il s’agit tout d'abord du problème du logement des travailleurs à faibles revenus. Malgré un emploi souvent stable, mais avec une rémunération plancher, nombre de nos concitoyens, en particulier dans les grandes villes, ne peuvent trouver de logements adaptés à leurs besoins et surtout à leurs moyens. Alors que l’emploi devrait être un facteur d'inclusion, le facteur d'exclusion que constitue l'absence de logement l'emporte, créant de multiples difficultés.

Par ailleurs, les accidents de la vie sont parfois à l'origine de difficultés financières amenant à la sortie du logement social, alors même que les locataires auraient encore plus besoin d'y demeurer. Selon moi, nous devrions, madame la ministre, privilégier la prévention de l'exclusion, qui aurait de toute façon un coût tant financier que social bien inférieur à la lutte pour la réinsertion. Il m'apparaît qu'il faudrait envisager une réforme des aides au logement, pour faire en sorte que la part des dépenses consacrées à ce poste dans le budget des Français ne dépasse pas 25 %.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une bonne proposition !

M. Michel Piron, rapporteur. Qui figure dans le projet de loi !

M. Louis Cosyns. Enfin, s'agissant du parc privé, je regrette qu'on oppose sans arrêt propriétaires et locataires, les mesures en faveur des uns appelant des contreparties en faveur des autres. Madame la ministre, on ne peut comparer les deux situations. Sans propriétaire, il n'y a pas de locataire possible certes.

M. Jean-Pierre Brard. Comme ouvriers et patrons : voici les vieilles lunes du grand capital !

M. Louis Cosyns. Mais on oublie souvent, je le regrette, les agences immobilières, qui servent d’intermédiaires entre propriétaires et locataires. Une enquête nationale, réalisée entre le quatrième trimestre 2006 et février 2007 par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a montré que plus des trois quarts des l070 agences immobilières contrôlées étaient en infraction par rapport à la réglementation, de façon plus ou moins grave. Sur les 830 infractions constatées, 42 ont quand même été déférées au Parquet. Malheureusement, dans cette enquête, la DGCCRF ne s’est pas préoccupée de ce qui se passait après la signature du bail. Pourtant, les exemples d’infraction sont trop nombreux et trop graves pour que l'on ne s'y intéresse pas : cautions non rendues ou pour lesquelles les délais légaux ne sont pas respectés, non-respect de la loi en matière de régularisation des charges institué en principe de gestion, travaux tardant à être réalisés et j’en passe.

Vous conviendrez avec moi, madame la ministre, qu’une bonne relation entre propriétaire et locataire, quand elle n'est pas directe, exige des agences immobilières irréprochables, appliquant la loi que nous élaborons et que nous votons. Sinon à quoi servirions-nous ? Or c'est loin d'être le cas et j'appelle de mes vœux une enquête nationale diligentée par les services de la DGCCRF afin que nous puissions avoir une vision exacte de ce qui se passe après la signature du bail.

Le présent texte va dans le bon sens, et j'y apporterai mon soutien. Mais il nous faut aller plus loin, et pour cela il convient de disposer d’informations plus complètes et plus précises sur les différents points sur lesquels j'ai souhaité appeler votre attention : la prévention de l'exclusion, la nouvelle politique d'aide au logement et les pratiques des agences immobilières. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, particulièrement opportun, va contribuer à intensifier l'effort de l'État pour pallier le manque de logements sociaux dont souffre notre pays, à lutter efficacement contre l’exclusion, à faciliter la location sociale dans le parc immobilier privé et à favoriser l'accession à la propriété.

M. Jean-Pierre Brard. On sent le spécialiste des questions sociales !

M. Philippe Goujon. À Paris, comme dans de nombreuses autres villes, la situation des ménages modestes en quête d’un logement …

M. Jean-Pierre Brard. « Quête », c’est bien le mot !

M. Philippe Goujon. …est, vous le savez, extrêmement critique. C’est pourquoi je salue ce projet qui répond avant tout à une urgence humaine.

À travers ce texte, le Gouvernement a souhaité clarifier les règles d'attribution des logements sociaux. Mais la révision des plafonds de ressources, du fait de ses conséquences financières sur leurs occupants, pourrait avoir de graves conséquences sur le maintien des classes moyennes dans ces secteurs, risquant ainsi d’affaiblir à terme la mixité sociale, à laquelle nous sommes tous attachés, et de générer de nouveaux ghettos urbains.

À Paris, mais aussi dans de nombreuses autres villes, nous constatons chaque jour l'exode des classes moyennes, alors que les ménages dont les revenus sont inférieurs à 60% des plafonds de ressources selon les références des PLUS représentent déjà près de 80 % des attributaires de logements sociaux de la ville de Paris.

Le véritable problème est que le parc locatif social de Paris, et de bien d’autres communes d’ailleurs, ne compte pas un tiers de logements intermédiaires au minimum, les bailleurs n'ayant pas saisi l'opportunité qui leur était offerte par la loi d'exonérer leurs locataires dépassant les plafonds de ressources du paiement du supplément de loyer de solidarité, au moyen d'une convention globale de patrimoine. Indiquons à cet égard qu’à Paris, l’application par les bailleurs sociaux du maximum du SLS rapporte pas moins de 14 millions d’euros à la municipalité.

M. Alain Cacheux. C’est inexact !

M. Philippe Goujon. Ne parlons pas non plus des reconventionnements d'immeubles à la suite desquels des familles sont subitement considérées comme dépassant de 50 % les plafonds de ressources, voire de 100 % : du jour au lendemain, on leur annonce qu’elles sont devenues trop riches pour continuer à occuper leur logement !

Un amendement permettra, je l’espère, de répondre à ce problème, en augmentant le délai accordé aux familles pour quitter les lieux afin de leur donner du temps pour retrouver un logement dans de bonnes conditions et d’assurer la continuité du cursus scolaire des enfants. Je me réjouis à cet égard que le Gouvernement, notre rapporteur et notre majorité prennent en compte l’importance de l’indispensable maintien des classes moyennes dans certaines zones particulièrement tendues du parc locatif social. Cet amendement, que j’ai déposé avec le soutien de certains députés d’Ile-de-France et de grandes villes, de même que l’amendement de notre collègue Patrick Ollier visent à assurer la mixité sociale dans le parc locatif public, en faisant en sorte que la somme exigible d’un ménage soumis au versement d’un supplément de loyer de solidarité n’aboutisse pas à un loyer supérieur au prix moyen du marché pour un logement de même type. La raison, la justice et l’équité l’imposent si nous voulons éviter les ghettos urbains. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade de la discussion générale, après avoir écouté attentivement chacun des orateurs, comment ne pas être frappé par l'opposition frontale des analyses entre majorité et opposition, qui prend l’allure d’un véritable dialogue de sourds ? Tout se passe comme si nous ne faisions pas face aux mêmes réalités, que nous n'entendions pas les mêmes inquiétudes, au fond, que nous ne vivions pas dans la même France.

Certes, chacun s'accorde à reconnaître la gravité de la crise du logement et même son aggravation. Mais alors pourquoi opposer comme seul argument de défense le rythme de construction ces dernières années ? Serait-ce l’aveu que les logements construits ne sont pas adaptés aux moyens financiers de la grande majorité des demandeurs ?

La plupart des victimes de la crise du logement sont des gens modestes et très modestes qui n'ont d'autre solution que le logement locatif social. Or vous n'en faites pas une priorité absolue.

Les chiffres que vous annoncez mélangent habilement des logements vraiment sociaux et des logements intermédiaires, la mise en location et des décisions de financement qui n'auront d'effet que dans quelques années. Mais pendant ce temps-là, dans les organismes de HLM, la liste des demandeurs s'allonge inexorablement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui, inexorablement !

M. Alain Cacheux. Comment oser affirmer que tous les moyens financiers sont désormais réunis pour une grande politique du logement alors que le budget de la mission « Ville et logement » baisse de plus de 7 %, ce qui constitue un recul sans précédent ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Savez-vous faire des additions ?

M. Alain Cacheux. Les annonces du plan de relance ne sont venues compenser que très partiellement les diminutions précédentes.

En réalité, l'aide de l'État à la construction sociale neuve est passée de 8 % du coût de la construction il y a quelques années à moins de 3 % en moyenne en 2008. Vous y consacrez en moyenne 3 000 à 4 000 euros par logement alors que la TVA, même à taux réduit, vous rapporte davantage. Et, pour compenser ce désengagement de l'État, les collectivités locales et les organismes de HLM sont tenus d'y consacrer des sommes trois, quatre, parfois cinq fois plus importantes pour équilibrer leurs opérations. S'il doit y avoir, comme c’est votre souhait, mobilisation des acteurs, qu'ils ne comptent pas sur les finances de l'État.

De plus, bien loin de défendre l'ancienne gouvernance du 1 % logement, qui n'a de paritaire que le nom quoi qu'en disent les organisations syndicales, la ponction de 850 millions d'euros que vous effectuez sur le 1 % logement pour compenser la quasi-suppression des crédits d'État vers l'ANRU et l'ANAH hypothèque durablement son avenir. Qui peut, en effet, imaginer que dans trois ans, tenu compte de la rigueur budgétaire, l'État sera capable de rétablir ces crédits ? Il faudra donc continuer à ponctionner ou réduire massivement ces moyens. J'ajoute que cette ponction entraîne la quasi-disparition du Pass-travaux, argent qui se trouve donc soustrait des moyens consacrés au logement.

L'intitulé prometteur du projet de loi « mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion » laissait augurer des mesures fortes. En réalité, il n’en est rien. Six lois dites majeures en six ans sur le logement montrent bien votre désarroi et votre impuissance devant cette crise.

Sous prétexte de vous attaquer à l’ensemble de la chaîne du logement, vous proposez des mesures ponctuelles, disparates, à effet différé dont l’impact est limité. Certaines d'entre elles s'avèrent néfastes, voire dangereuses.

C'est le cas, en particulier, des articles qui concernent la mixité sociale et l'occupation des lieux. La ségrégation sociale, vous ne l’avez pas créée – François Pupponi disait qu’à Sarcelles elle a disparu depuis longtemps –, mais vous allez sensiblement l'aggraver.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Alain Cacheux. D'ores et déjà, le déséquilibre est sérieux dans l'occupation sociale de la grande majorité des résidences des organismes d'HLM. Générée par la crise et l'apparition des phénomènes de marginalisation de masse de beaucoup de nos concitoyens, l'occupation du parc HLM est désormais particulièrement sociale et vous allez la renforcer.

Cette disposition doit être couplée avec le décret du mois d'août 2008, qui augmente considérablement le montant des surloyers et incite donc au départ du parc HLM des familles dont les revenus sont simplement un peu moins modestes et qui contribuaient à ce minimum d'équilibre de peuplement. Tout ceci conduit à réserver le logement social aux pauvres, aux démunis et aux exclus, à charge pour le marché privé de régler toutes les autres demandes.

C'est dire que, si le logement social a longtemps été dans le passé un instrument de promotion sociale, les résidences HLM deviennent de plus en plus des lieux de relégation à l'origine des quartiers en difficulté que l'on prétendra ensuite traiter de manière coûteuse dans les dossiers ANRU.

J'ajoute que l'article qui ouvre une brèche au droit au maintien dans les lieux dans le parc public ne vise qu'à stigmatiser une fraction ultraminoritaire des occupants du parc HLM puisqu'il ne concerne que quelques milliers de locataires dans un parc de plus de 4 millions de logements.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Alain Cacheux. Monsieur le président, je m’achemine vers ma conclusion.

C’est également le cas des dispositions relatives à la lutte contre la sous-occupation et de celles qui prévoient la possibilité d’expérimenter une modulation des loyers en fonction des revenus des locataires.

En résumé, madame la ministre, bien loin de rendre au logement social le rôle de régulateur du marché du logement, ô combien ! nécessaire, dans ce secteur en crise, votre projet de loi aggrave des tendances lourdes à l'œuvre depuis des décennies et renforce sensiblement les déséquilibres au sein du parc HLM, au risque de rendre plus difficile encore son acceptabilité dans les communes concernées par l'article 55 de la loi SRU.

C'est la raison pour laquelle, nous nous opposerons à ce projet bien éloigné de vos ambitions initiales, au travers d'amendements qui traduisent la place importante que les socialistes donnent au logement social dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Voilà quelqu’un qui connaît son sujet !

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion dont nous discutons aujourd’hui est vital pour notre pays. Le titre même de ce texte se passe de commentaire. Dans nombre de villes, en particulier en Seine-Saint-Denis, le logement constitue un facteur d'exclusion et de ségrégation inacceptable.

Le Gouvernement a annoncé, en décembre dernier, le déblocage d'une enveloppe de 350 millions d'euros supplémentaires pour relancer des projets de construction car il était à craindre que de nombreux acteurs de la rénovation urbaine renoncent à des opérations prévues du fait de la crise. J'avais d'ailleurs interrogé ici même Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville sur ce point précis.

Des opérations de construction qui étaient bloquées faute de financement ou qui auraient dû attendre au plus tôt l'année 2010 pour démarrer le pourront dès 2009, grâce au volontarisme gouvernemental que personne ne peut contester.

Madame la ministre, votre projet de loi est un texte opérationnel dont l’objectif affiché est bien de permettre aux populations modestes d’accéder au logement, de lutter contre le mal-logement ou de devenir propriétaire de son logement.

La crise actuelle a des répercussions dans l'immobilier et, par ricochet, elle accentue pour les personnes les plus fragiles le décalage qui existe entre la demande et l'offre de logement. À ce titre, l'exclusion par rapport au besoin de logement peut être perçue comme remettant en cause notre pacte social.

Je rappelle que, depuis 2002, les efforts en matière de construction sont sans commune mesure avec ceux faits par les gouvernements précédents. Le nombre de logements est ainsi passé de 308 000 en 2002 à près de 435 000 en 2007, chiffre jamais atteint depuis près de trente ans,...

M. Michel Piron, rapporteur. Il fallait le rappeler !

M. Gérard Gaudron. ...même si l’année 2008 a quelque peu marqué le pas.

Le logement social dans notre pays constitue une urgence et seule une impulsion forte des pouvoirs publics est en mesure de remédier à la crise. C'est tout le sens du présent projet de loi.

Le plan de relance prévoit un programme ambitieux de financement de 100 000 logements sur la période 2009-2010, 30 000 logements sociaux supplémentaires, dont 15 000 logements PLUS et 15 000 logements PLAI qui seront financés sur ces deux années.

La question du logement repose avant tout sur une coopération de tous les acteurs concernés, y compris ceux du l % revu et corrigé, afin de proposer les solutions les plus adéquates à nos concitoyens, qui doivent, quels que soient leurs revenus, être logés décemment.

L’utilisation de la VEFA par exemple est aussi une excellente mesure pour permettre d’obtenir in fine de meilleurs loyers et dans des temps plus rapides.

Madame la ministre, il faut, comme vous le faites, agir avec réalisme et pragmatisme dans ce domaine éminemment sensible. Mais ce qui se passe en Seine-Saint-Denis est différent de ce qui se passe dans le Cantal, et il faudrait en tenir compte.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Tout à fait !

M. Gérard Gaudron. Vous souhaitez accentuer la mobilité au sein du parc HLM tout en conservant le principe de la mixité sociale. C’est un grand changement, qui, s’il n’est pas facile à mettre en place, est nécessaire.

L’accession à la propriété constitue un axe majeur de votre politique, car la moitié de nos compatriotes désire devenir propriétaire de son logement. L’extension du Pass-foncier permettant de faire bénéficier de la TVA à 5,5 % les logements collectifs va aussi dans le bon sens.

M. Michel Piron, rapporteur. Excellente mesure !

M. Gérard Gaudron. Elle permettra à de nombreux postulants de devenir propriétaires qui, sans cette mesure, ne l’auraient pas pu.

Le projet de loi rénove en profondeur la gouvernance du 1 % logement afin d'améliorer le pilotage et le suivi des actions qui seront mises en œuvre.

De plus, le lancement d'un programme pluriannuel de rénovation des quartiers anciens dégradés devrait être ressenti positivement, et complétera le programme national de rénovation urbaine.

L'habitat indigne sera désormais défini juridiquement et la lutte contre ceux que l'on appelle communément les marchands de sommeil va être rendue plus efficace.

Il y a quelques semaines, la mort de plusieurs SDF a relancé la question de l'hébergement d'urgence. Il convient avant tout de respecter la dignité humaine. Aujourd'hui, en partie grâce à l'action du Gouvernement, près de 100 000 places sont disponibles en France, avec une augmentation des places pérennes de 28 % en quatre ans.

L'humanisation des structures sera accélérée grâce à l'attribution, dès cette année, d'une enveloppe de 110 millions d'euros. Nous pouvons être satisfaits de ces orientations. Rassurons M. Chassaigne : en ce qui nous concerne, nous ne nous habituons pas au scandale.

Pour conclure, madame la ministre, je partage votre analyse lorsque vous déclarez que le logement ressemble à une chaîne de solidarité. Les acteurs locaux que nous sommes ont aussi vocation à rendre ce dossier moins complexe, plus humain et à le traiter au plus près de ceux que nous voyons chaque jour sur le terrain.

Pour réussir, il faut que chacun se sente concerné dans la mobilisation. C'est pourquoi, il convient de voter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Merci, monsieur Gaudron !

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot.

M. Damien Meslot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion dans un contexte conjoncturel de crise économique et financière majeure. Ce texte est important car il doit permettre à nos concitoyens d'obtenir un meilleur accès au logement, de devenir propriétaires plus facilement et de soutenir l'emploi dans le secteur du bâtiment qui souffre durement de la crise.

Le projet de loi répond, pour cela, à trois exigences essentielles.

D’abord, il permettra concrètement de soutenir l'activité de la construction grâce à l'aide financière supplémentaire apportée par le plan de relance. Il s'agit de sauvegarder l'emploi dans le secteur du bâtiment qui voit ses carnets de commandes s'effriter et les annulations de permis de construire fortement augmenter.

Après dix années d’euphorie, qui ont vu les prix doubler, le marché de l'immobilier, notamment de l'ancien, est aujourd'hui en fort recul. Plus grave, les ventes des promoteurs immobiliers ont baissé de 40 % en 2008 par rapport à 2007.

Ensuite, ce projet permettra aux classes moyennes d'accéder plus facilement à la propriété grâce à des mesures fiscales et des dispositifs avantageux.

Enfin, il favorisera la mobilité des locataires dans le parc HLM.

Madame la ministre, j'apporte tout mon soutien à ce projet de loi qui présente des mesures pertinentes et pragmatiques pour soutenir le pouvoir d'achat immobilier des Français, mais également un secteur en crise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mesdames, messieurs les députés du groupe SRC, nous vous avons écouté patiemment, même si parfois cela nous était pénible. Je vous demande donc d’avoir la correction de faire de même.

Ce projet répond à une difficulté essentielle, celle que nos concitoyens rencontrent pour accéder pour la première fois à la propriété, à cause de coûts de construction et d'achat de terrains trop élevés.

La mesure la plus symbolique de ce texte concerne notamment les logements à 15 euros par jours qui ont pour but d'aider les ménages à accéder pour la première fois à la propriété. Ce dispositif permettra de bénéficier d'une TVA à 5,5 % au lieu de 19,6 %.

Je note aussi, madame la ministre, que vous offrez la possibilité aux locataires d'un logement du parc HLM de se voir proposer un logement plus petit si le nombre d'occupants venait à diminuer, notamment après le départ des enfants du foyer.

Je me réjouis car la politique du logement que vous avez engagée apporte des aides concrètes et incitatives aux familles, et notamment aux jeunes ménages qui ont besoin de se loger et d'accéder plus facilement à la propriété.

Un autre volet de la politique du logement me tient particulièrement à cœur, celui de la sécurisation des habitations. Il y a quatre ans, j’ai déposé, avec mon collègue Pierre Morange, une proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs autonomes de fumée. Après deux débats à l'Assemblée nationale et un examen au Sénat, le texte est en attente d'une conclusion.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On attend la CMP !

M. Damien Meslot. Nous ne pouvions en rester là. Voilà pourquoi nous avons déposé, avec le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier,...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Damien Meslot. ...un amendement dont le contenu est similaire à notre proposition de loi afin de rendre obligatoire ce dispositif de sécurité incendie.

Actuellement il ne s'écoule pas une semaine, en France, sans qu'un fait divers dramatique nous rappelle les conséquences effroyables que peut provoquer un incendie dans une habitation. La fin de l'année 2008 a été particulièrement meurtrière avec des incendies de logements d'origine domestique particulièrement nombreux. Les causes en sont multiples. L’incendie d'un téléviseur, un sapin de Noël en feu, une casserole oubliée sur la gazinière et c'est la vie de toute une famille qui peut basculer dans l'horreur.

Chaque année, le même scénario se répète avec plus de 800 morts, victimes d'incendies domestiques dont un tiers sont des enfants.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Inutile de reprendre un débat que nous avons déjà eu !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, veuillez écouter M. Meslot !

M. Damien Meslot. Voilà pourquoi il faut profiter de l’examen de cet excellent texte pour rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les logements.

M. Patrice Calméjane. Très bien !

M. Damien Meslot. Grâce à ce dispositif préventif, nous éviterons bien des drames, des familles endeuillées, des enfants qui voient leur vie brisée. Seule la détection précoce de l’incendie grâce à des détecteurs de fumée pourra éviter ces drames.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Faites une CMP !

M. Damien Meslot. Dans tous les pays où ce dispositif a été mis en place, le nombre de victimes a été divisé par deux, monsieur Le Bouillonnec.

C’est l’esprit de cet amendement que je souhaite voir adopter, en pensant aux familles de victimes ainsi qu’à l’ensemble de nos concitoyens qui verront, grâce à ce projet de loi pour le logement, que la sécurité constitue une exigence majeure de la politique de l’habitat. C’est pourquoi, madame la ministre, je voterai ce texte qui constitue pour moi une avancée des plus importantes pour des millions de Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Madame la ministre, le nombre de lois sur le logement votées ces dernières années est impressionnant.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est bien vrai !

Mme Pascale Got. On pourrait s’en réjouir, si cela tendait à résoudre la grave crise du logement que nous connaissons. Malheureusement, cette accumulation de textes illustre l’échec manifeste des politiques mises en place.

Rappelez-vous : la crise du logement touchait les plus pauvres ; elle touche aujourd’hui les classes moyennes. Elle touchait les personnes privées d’emploi ; elle touche désormais de plus en plus la population active. Aussi, dans un tel contexte, étions-nous en droit, madame la ministre, d’attendre de ce nouveau texte un vrai souffle, une véritable volonté politique à la hauteur de la gravité des enjeux. Au lieu de cela, votre projet, malgré des avancées concernant certains aspects techniques,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ah, tout de même !

Mme Pascale Got. …est largement à côté de ses enjeux.

M. Michel Piron, rapporteur. Merci quand même !

Mme Pascale Got. Il s’agit en effet d’un texte de renonciation…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Ce n’est pas mon genre !

Mme Pascale Got. …qui se contente, au mieux, de gérer la pénurie de logements sociaux et, au pire, de stigmatiser les organismes d’HLM et certains locataires du parc social.

M. Alain Cacheux. C’est vrai !

Mme Pascale Got. Le texte dénature aussi la politique du logement et remet gravement en cause la mixité sociale.

Il existe deux façons d’aborder le manque de logements sociaux : la première – la bonne – consiste à dégager les moyens financiers suffisants pour construire massivement les logements nécessaires ; la seconde – la mauvaise – est de réduire de façon mathématique et autoritaire le nombre de familles pouvant y accéder et de renvoyer les classes moyennes se débrouiller avec les logements privés.

M. Bruno Le Roux. Très juste !

Mme Pascale Got. Madame la ministre, vous avez choisi la seconde solution – la pire –,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Malheureusement !

Mme Pascale Got. …celle qui remet en cause le droit au maintien des locataires dans les lieux, celle qui facilite les expulsions, celle qui réduit le nombre de bénéficiaires par l’abaissement des plafonds de ressources et l’augmentation des surloyers.

Vous avez choisi de désigner des boucs émissaires comme responsables de la pénurie de logements. Que des locataires, aux revenus supérieurs à deux fois le plafond de ressources quittent le parc social dans les zones tendues, cela peut s’entendre. Mais vous profitez en réalité de cette mise à l’index pour remettre en cause le principe du droit au maintien dans les lieux.

M. Alain Cacheux. Voilà !

Mme Pascale Got. Vous le savez, madame la ministre, ce n’est pas en expulsant 9 000 ménages qu’on réglera le problème des 1,2 million de personnes qui figurent sur les listes d’attente. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est vrai, je suis bien d’accord !

Mme Pascale Got. L’article 20 du texte prévoit également l’expulsion des locataires en situation de sous-occupation. Ce n’est pas, ici non plus, en chassant des locataires d’un logement devenu trop grand, soit parce que les enfants ont quitté le toit familial, soit à la suite d’une séparation, que vous réglerez le problème.

Vous oubliez une dimension essentielle du logement, qui ne se quantifie pas : ce qui relève de l’affectif, de l’humain.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mais non ! Vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Pascale Got. Vous oubliez que le logement est d’abord un lieu de vie, un lieu d’équilibre.

Vos mesures font disparaître l’humain au profit des quotas. Elles n’apportent aucune réponse réelle au déficit en logements sociaux – j’insiste : en logements sociaux. Elles auront surtout des effets négatifs qui frapperont en particulier les ménages proches de la retraite, les veufs, les veuves, les classes moyennes qui assurent encore un minimum de mixité sociale.

En baissant les plafonds de ressources d’accès au logement social, comme le prévoit l’article 21, vous écartez les classes moyennes à faibles revenus et vous augmentez mécaniquement le nombre de ménages qui devront payer un surloyer. Non contente de cela, vous augmentez, dans le même temps, le montant des surloyers eux-mêmes. Tout cela, vous le savez, alourdira considérablement les charges locatives dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat et d’insécurité pour l’emploi.

Que pourront faire ces ménages issus des classes moyennes, trop riches, selon vous, pour accéder au logement social, trop pauvres, à l’évidence, pour accéder au logement privé ? Non seulement, vous allez à rencontre de la nécessaire mixité sociale en les écartant du parc social, mais vous allez, de surcroît, fragiliser financièrement des milliers de ménages et en refouler d’autres, dans les pires conditions, dans le locatif privé dont les prix ont explosé.

En définitive, vous allez renforcer la ghettoïsation des logements sociaux, renforcer l’idée que ces logements ne sont destinés qu’aux plus pauvres et renforcer la ségrégation sociale de nos territoires.

M. Michel Piron, rapporteur. Nous vous donnerons des chiffres !

Mme Pascale Got. Madame la ministre, ce n’est pas d’exclusion que les Français ont besoin, mais de construction massive de logements adaptés à leurs besoins et à leurs moyens financiers. Ce n’est pas d’une énième loi sur le logement que la France à besoin, mais d’une volonté politique et de financements massifs et durables pour permettre aux Français de se loger décemment.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Encore une fois, nous sommes bien d’accord !

Mme Pascale Got. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter ce texte en l’état. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Calméjane.

M. Patrice Calméjane. Madame la ministre, le présent projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion s’inscrit dans un contexte défavorable pour le secteur du logement, confronté à un ralentissement brutal de l’activité aux conséquences multiples : baisse du nombre de programmes de construction, réduction des ventes dans le neuf et l’ancien, fléchissement des prix à l’exception de secteurs très tendus, difficultés financières des entreprises du bâtiment. À ce ralentissement de l’activité s’ajoutent désormais les conséquences de la grave crise financière qui frappe le monde.

Néanmoins, un nombre important des dispositions proposées dans ce projet s’inspire des conclusions de la révision générale des politiques publiques. C’est le cas de la rénovation du 1 % logement de la mobilisation des organismes d’HLM au moyen d’un conventionnement avec l’État, fixant des objectifs pluriannuels, comme des mesures visant à développer la mobilité au sein du parc HLM ou à recentrer les aides fiscales en faveur de l’investissement locatif.

Nul besoin de le rappeler, l’architecture du projet est structurée en cinq chapitres. Mon propos se limitera au chapitre III relatif aux « Mesures en faveur du développement d’une offre nouvelle de logement ».

Il est évident que ce texte comporte des mesures attendues et dont la mise en œuvre devrait effectivement favoriser une meilleure gestion des dispositifs existants du soutien au logement. J’en soulignerai trois : le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif privé, et le plan d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile.

Tout d’abord, le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés a fait l'objet d’une mission de préfiguration ambitieuse, confiée en février dernier à l’ANRU par Mme la ministre du logement et de la ville. Ce programme devait « conduire une action globale et intégrée de transformation durable visant à : traiter le bâti dégradé ; assurer le maintien sur place des habitants les plus modestes tout en attirant de nouvelles populations dans un objectif de diversité sociale ;…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Exactement !

M. Patrice Calméjane. …créer un cadre de vie par la requalification de l’organisation urbaine ; développer une politique sur la qualité, portant sur les aspects environnementaux, l’accessibilité, le développement du très haut débit ; développer les liens avec tous les autres quartiers de la ville ; enfin, permettre une redynamisation économique et commerciale ».

Le premier alinéa précise le périmètre d’intervention et les modalités de sélection des quartiers concernés. Il prévoit que la liste de ces quartiers sera établie par décret. Les critères d’éligibilité seront au nombre de deux : un pourcentage « élevé » d’habitat indigne et une situation économique et sociale des habitants « particulièrement » difficile. Il conviendra, madame la ministre, de préciser rapidement quelles communes sont concernées afin de permettre aux collectivités de travailler le plus tôt possible.

Parmi les modalités de mise en œuvre du programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés, l’ANRU, l’ANAH et le FISAC interviendront aux côtés des collectivités territoriales. D’ores et déjà, l’ANRU intervient sur une vingtaine de sites en quartiers anciens. Le choix de l’agence pour mener à bien la mission de préfiguration puis pour assurer le pilotage et la mise en œuvre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés peut donc se justifier compte tenu de son expérience. Cette attribution de compétence pose néanmoins la question, madame le ministre, de la capacité de l’ANRU de faire face, à moyens constants, à ces nouvelles responsabilités.

Ensuite le recentrage de dispositifs d’aide à l’investissement locatif privé propose une réorientation des aides fiscales dites Robien vers les zones où le marché immobilier est le plus tendu ainsi que la suppression de la déduction spécifique aux investissements dans les zones de revitalisation rurale.

Les dispositifs d’aide à l’investissement locatif dits Robien, en sus d’une version originale dite Robien classique, comprennent deux variantes principales issues d’aménagements visant, pour l’un – Robien recentré –, à renforcer son ciblage social et géographique – notons que la zone B a par ailleurs été scindée en deux – et, pour l’autre – Robien ZRR –, à augmenter ses avantages dans le cadre d’un périmètre d’application spécifique au monde rural.

Quant à l’adaptation de l’offre locative neuve aux secteurs les plus tendus, on constate globalement, à l’inverse de l’ensemble de la construction qui apparaît plutôt bien localisée là où les tensions sont fortes, que l’investissement locatif Robien s’est focalisé à l’excès dans les zones de tensions intermédiaires voire les zones où le marché locatif pouvait être considéré comme hors tension. La modulation des plafonds n’a pas été suffisamment incitative pour développer l’offre dans les zones les plus tendues, en raison essentiellement des contraintes liées à la rareté et au prix du foncier.

Un recentrage sur les zones les plus tendues est donc opportun, et constitue incontestablement un apport considérable de ce projet qu’il faut souligner.

Enfin, le plan d’accueil d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile, prévu par la loi du 5 mars 2007, impose aux communes des obligations en matière de mise à disposition de capacités d’hébergement. Ces obligations sont définies par son article 23 qui prévoit la capacité à atteindre en fonction du type de bassin de population.

La fusion du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées et du plan d’accueil d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile est un rapprochement attendu et bénéfique qui rationalise et rend plus performante, sur le fond et la forme, la politique départementale. Néanmoins, se pose la question de l’adaptation à la diversité territoriale des obligations imposées aux communes en matière d’hébergement depuis la loi instituant le droit au logement opposable.

C’est pourquoi, particulièrement dans la région Île-de-France, la fixation d’objectifs au niveau communal et la référence à la notion d’agglomération sont inadaptées à une situation très spécifique. Il est en effet impératif de rappeler la singularité de la situation de la région Île-de-France au regard de l’application du DALO. La répartition des dossiers des demandeurs fait ainsi apparaître une concentration extrême sur cette région qui recueille, en effet, près des deux tiers des recours.

La singularité de la situation dans la région francilienne n’a pas été prise en compte par le législateur de 2007, alors que le cadre départemental se révèle excessivement contraignant pour la gestion du DALO en Île-de-France.

M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue.

M. Patrice Calméjane. La volonté exprimée par cet article d’assouplir la gestion du DALO au-delà du strict cadre départemental est plus que souhaitable. Trois raisons militent en ce sens.

En premier lieu, cet élargissement est d’autant plus justifié que l’espace francilien, particulièrement la petite couronne parisienne, constitue un bassin de vie et d’habitat au sein duquel les limites départementales sont ressenties comme des frontières désuètes et inadaptées. Dans le cadre de la mise en œuvre du DALO, le découpage départemental est décalé, comme en témoigne le nombre important de dossiers multiples, déposés dans plusieurs départements limitrophes par les demandeurs.

Pratiquement, ensuite, compte tenu de l’écart entre le nombre des bénéficiaires déclarés prioritaires et celui des logements intégrés dans le contingent préfectoral, notamment à Paris, il est illusoire de penser que les départements qui reçoivent le plus de demandes ne pourront s’appuyer que sur leurs propres ressources en logements sociaux ou places d’hébergement.

M. le président. Concluez, mon cher collègue !

M. Patrice Calméjane. Mes collègues m’ont laissé un peu de temps, monsieur le président.

Enfin, seule une gestion interdépartementale permet d’appliquer une politique de mixité sociale dans les attributions effectuées au titre du DALO et sans remettre en cause de manière excessive les équilibres définis par les accords collectifs.

Il convient, pour finir,…

M. le président. Je vous remercie.

M. Patrice Calméjane. …d’ajouter à toutes ces mesures que je viens de citer, le plan de relance de 350 millions d’euros à destination de l’ANRU, visant à débloquer des dossiers déposés mais qui auraient été gelés par manque de financement. À ce titre, madame la ministre, puisque vous avez conservé cette compétence, je vous rappelle que la commune de Villemomble, dans ma circonscription (Sourires), attend une décision de l’ANRU pour démarrer un chantier de rénovation urbaine.

Agir pour la mobilité, les sans-domicile, le DALO, les quartiers anciens de centre ville, modifier les financements, c’est bien, mais il faut aussi, malgré et surtout à cause de la crise, que les programmes de l’ANRU soient poursuivis et amplifiés.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la problématique du logement est celle qui est, de loin, la plus souvent évoquée dans nos permanences parlementaires.

Jour après jour, permanence après permanence, ce sont des visages, des parcours de vie chaotiques qui illustrent concrètement le déficit considérable de l’offre de logement, la précarité qui y est liée, la hausse continue des loyers, des charges, et de la part de leurs revenus que les familles sont obligées de consacrer à leur logement.

Cette situation alarmante aurait mérité une politique ambitieuse, mettant en exergue la nécessaire solidarité territoriale et nationale.

Malheureusement, vous nous présentez, madame la ministre, un nouveau projet de loi marquant un désengagement de l’État et la paupérisation du parc social qui aura pour effet, s’il est adopté en l’état, d’accentuer encore davantage les difficultés que connaissent nos concitoyens pour se loger.

Quelques remarques, tout d’abord.

Renoncez, madame la ministre, à participer à ce concours de mauvaises idées, auquel les ministres de votre gouvernement ne participent que trop et depuis trop longtemps, et qui vise régulièrement à porter atteinte à l’article 55 de la loi SRU.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je n’y touche pas.

M. Bruno Le Roux. La crise majeure que connaît la France en termes de logement devrait au contraire vous inciter à rattraper le déficit de l’offre de logements en favorisant les constructions qui répondent à la demande sociale, et à faire respecter l’obligation pour les maires de construire ce petit minimum de 20 % de logements sociaux sur leur commune.

Désolidarisez-vous clairement, madame la ministre, de ces maires qui refusent la mixité sociale et ne respectent pas les conditions imposées par la loi.

Ces primes à l’égoïsme et ces positions idéologiques sont incohérentes, absurdes et dangereuses. Et aujourd’hui, à côté de cette absence de construction de logements sociaux dans un certain nombre de villes, vous voudriez, dans celles qui respectent ce minimum et vont même bien au-delà, pousser au recul de la mixité.

Le décret du 21 août 2008, pris en application de la loi portant engagement national pour le logement, a fixé de nouvelles règles régissant le supplément de loyer de solidarité, en vertu desquelles ce surloyer devrait s’appliquer de façon stricte à tous les locataires qui dépasseraient de plus de 20 % le plafond de ressources défini pour l’attribution des logements HLM. Et vous prévoyez, dans votre projet de loi, d’abaisser de 10,3 % les plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux.

Associée au renforcement du surloyer, cette mesure aurait des conséquences catastrophiques, dans nos villes, pour des milliers de locataires qui appartiennent à ce que l’on appelle les classes moyennes et qui sont parfois dans l’impossibilité de quitter leur logement, dans la difficulté s’ils doivent en chercher un, et dans la précarité s’ils sont mis dehors.

Vous voulez nous faire croire que le renforcement du surloyer est la solution miracle pour augmenter le turn over trop faible de l’habitat social, alors que le véritable problème réside dans la baisse dramatique du budget du logement et dans l’absence de constructionS en nombre qui devrait y être associée.

M. Gérard Hamel. Vous avez la mémoire courte !

M. Bruno Le Roux. Depuis plusieurs semaines, c’est à des dizaines de cas concrets que je suis confronté sur la question du surloyer.

Je prends l’exemple d’un couple de locataires qui m’a écrit, et je tiens sa lettre à votre disposition, madame la ministre. Du fait de l’augmentation continue du prix de l’immobilier, des difficultés rencontrées pour obtenir un prêt bancaire, et des accidents de la vie, il n’a pas eu la possibilité d’acheter un logement dans le parc privé. Suite à un licenciement, ils décident de créer une petite entreprise. Elle se développe, elle marche cahin-caha, et ils voient de ce fait leurs revenus augmenter. Ils sont donc assujettis à un supplément de loyer depuis 2006. Ils m’ont fait part de leurs vives inquiétudes concernant cette nouvelle réforme, qui pourrait augmenter de façon considérable leur loyer : de l’ordre de 1 000 euros de plus par mois, à Saint-Ouen, dans un logement social qu’ils occupent depuis plus de vingt ans. Mille euros par mois !

Ils se retrouvent par conséquent, à quelques mois de la retraite, dans l’incertitude la plus totale quant à leur avenir, et ne comprennent pas comment les pouvoirs publics peuvent accroître à ce point le coût d’un logement social de façon si brutale, sans même prévenir les locataires.

Le budget des ménages n’est pas extensible, en particulier dans le contexte de crise du pouvoir d’achat que nous connaissons. Vous vous apprêtez donc à bouleverser le quotidien de plusieurs milliers de familles, de façon brutale et parfaitement injuste.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mais non !

M. Bruno Le Roux. Avec cette politique, vous entendez inciter les classes moyennes à quitter le logement social pour le parc privé, alors même que leurs revenus demeurent insuffisants pour accéder à un logement équivalent dans le privé. À cet égard, vous n’avez pas répondu aux questions qui étaient posées hier par Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous aurons des dizaines, des centaines de cas concrets à traiter, s’agissant de ces personnes qui ne pourront pas avoir un parcours résidentiel cohérent.

J’ajoute que si vous allez jusqu’au bout de la logique du texte tel que vous nous le proposez, les villes qui respectent, et même depuis très longtemps, l’obligation de compter sur leur territoire le nombre de logements sociaux permettant d’accueillir les gens les plus en difficulté, sont précisément celles qui risquent d’être confrontées, dans les prochains mois, aux plus grands problèmes, à la dégradation de la mixité. C’est pourquoi nous vous proposerons des amendements visant à exonérer les communes de l’application du surloyer quand elles remplissent leurs obligations.

Madame la ministre, d’après son intitulé, votre projet de loi est censé lutter contre l’exclusion ? Mais nous ne voudrions pas qu’à l’exclusion que nous connaissons tous les jours, vous ajoutiez celle des classes moyennes, qui, expulsées d’un logement ou obligées d’en partir, seront confrontées à un choix qui sera pour elle impossible dans la région dont je suis l’élu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte de crise économique majeure que nous examinons ce projet de loi, ce qui ne facilite pas la tâche. Aujourd’hui, c’est toute la chaîne du logement qui est en crise.

Les mises en chantier ont baissé de 15 % en 2008 et devraient encore diminuer de 10 % en 2009. Les demandes de permis de construire ont baissé de 16,7 %, les ventes de logements neufs de 40 %, et, dans l’ancien, les transactions ont baissé de 15 %.

Alors, aujourd’hui, évidemment, la mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion sont plus que d’actualité. Nous sommes donc à vos côtés, madame la ministre, pour regarder comment faire face à cette situation.

Je concentrerai mon propos sur la situation à Paris, car on peut douter de l’efficacité de la politique qui y est menée. Je ne citerai qu’un seul chiffre : 114 000 dossiers de demandes de logements sociaux sont en attente au 1er janvier 2009, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2001. Je vous laisse calculer le nombre d’années qu’il faudrait pour résorber ce chiffre astronomique.

Le taux de rotation dans le logement HLM est au plus bas : 4 % seulement par an, quand il est de 9,4 % dans le reste de la France.

Cette politique est également injuste. En effet, 60 % des nouveaux logements sociaux de la Ville de Paris sont situés dans des immeubles qui ont été achetés occupés. En fin de bail, la Ville signifie aux locataires leurs congés. On chasse une population pour en installer une autre, mais on n’a rien à proposer à celle que l’on chasse, car il n’y a pas de logements intermédiaires. Au cours de l’examen des articles, nous vous proposerons donc, madame la ministre, des mesures visant à répondre aux besoins de ces personnes qui se trouvent ainsi déracinées.

À Paris, il n’existe pas non plus de politique d’accession sociale à la propriété. Les populations des classes moyennes sont donc doublement pénalisées : elles ne peuvent pas rester dans le logement social, mais elles ne peuvent pas non plus accéder au marché privé de la propriété. Je rappelle qu’à Paris, le prix moyen du mètre carré est de 6 350 euros.

Cette politique est difficile à accepter pour les Parisiens. Elle crée beaucoup d’angoisse et d’incertitude. À force de privilégier l’acquisition-rénovation de logements par rapport à la construction de logements neufs, on finit par pénaliser la population. En effet, la Ville de Paris ne construit que 45 % de logements neufs, contre 57 % en Île-de-France.

Aujourd’hui, la réalité, c’est qu’un jeune couple qui démarre, lui jeune infirmier à Bichat et elle jeune enseignante par exemple, ne peut pas rester à Paris. Ce couple n’est pas éligible au logement social et ne peut pas se loger dans le secteur privé. Ils sont bons pour partir en deuxième ou en troisième couronne, loin de leurs familles, loin de leur travail.

La réalité parisienne, ce sont aussi les problèmes considérables que rencontrent les étudiants pour se loger. Pourquoi ne pas imaginer des accords entre les bailleurs sociaux et les universités pour loger les étudiants, pour leur permettre de louer des appartements en colocation comme ils le font dans le secteur privé ? Il faut trouver des solutions pour que notre ville reste attractive pour les étudiants parisiens, français de manière générale, et étrangers.

Voilà, madame la ministre, les problèmes qui se posent à Paris.

Un plan de relance est en cours d’adoption, et votre projet de loi propose plusieurs outils pour promouvoir, par exemple, l’accession sociale à la propriété : le doublement du prêt à taux zéro pour l’achat de logements neufs ; le relèvement des plafonds des prêts d’accession sociale ; l’extension du pass foncier au collectif ; l’extension du prêt à taux zéro au prêt social de location-accession et une aide supplémentaire de l’État pour l’accession sociale à la propriété à travers le pass foncier.

Néanmoins, et malgré tous ces outils, la situation parisienne est difficile, la mairie de Paris refusant systématiquement toute politique d’accession sociale à la propriété. Les Parisiens des classes moyennes n’ont pas de solution.

Je soutiendrai, madame la ministre, l’amendement de notre collègue Patrick Ollier, qui propose de permettre la modulation du supplément de loyer de solidarité quand le bailleur social a signé avec l’État une convention d’utilité sociale.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Merci, ma chère collègue.

M. Gérard Hamel. C’est un excellent amendement !

Mme Françoise de Panafieu. Cette mesure va permettre au supplément de loyer de solidarité de s’appliquer en prenant en compte la spécificité du territoire. Cela est essentiel pour Paris.

Bien sûr, nous soutiendrons également l’amendement de Philippe Goujon, que j’ai cosigné, ainsi que les autres députés UMP de Paris, et qui vise à plafonner le niveau des surloyers afin que le total du loyer et du surloyer ne puisse dépasser le niveau des loyers pratiqués sur le marché locatif privé.

Par ailleurs, il me paraît essentiel que l’État demande à la Ville de Paris de faire des efforts pour développer une véritable politique d’accession sociale à la propriété. En 2010, la convention de délégation de compétence en matière d’aide à la pierre va être renégociée entre l’État et la Ville. Cette renégociation devrait en être l’occasion.

L’État devrait peut-être aussi proposer des terrains à la vente moins chers dans le cadre de projets d’accession sociale à la propriété.

Alors, tous les maillons de la chaîne seront en place et nous pourrons essayer de refluidifier le secteur du logement à Paris et en Île-de-France, car c’est bien à ce niveau qu’il faut traiter le sujet, Paris ne pouvant trouver tout seul la solution à ces problèmes.

Madame la ministre, nous comptons vraiment sur vous. Je voulais vous dire que nous avons beaucoup apprécié votre écoute et votre sensibilité sur les problèmes que nous avons exposés. En espérant être encore plus écoutés au cours de la discussion des articles, nous sommes à vos côtés, pour vous aider dans votre tâche difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Valax, dernier orateur inscrit.

M. Jacques Valax. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue Jean-Michel Villaumé m’ayant cédé son temps de parole, je vais donc vous faire part de mon sentiment.

Permettez-moi, madame la ministre, malgré le respect que je dois à votre fonction, de vous faire par de mon étonnement, voire de mon indignation, devant l’intitulé de votre texte. Il est question de « mobilisation pour le logement » et de « lutte contre l’exclusion ». S’agit-il, madame, d’une nouvelle provocation de vos services ? S’agit-il d’une vraie caricature de la démarche politique qui devrait être la vôtre ? S’agit-il, simplement, et plus sûrement, de l’expression d’une grande et vraie hypocrisie en la matière ? S’agit-il d’un simple effet d’annonce et de communication ? Je m’interroge.

Je ne peux pas, à ce stade de mon propos, ne pas citer Patrick Doutreligne, que vous connaissez,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je le connais très bien.

M. Jacques Valax. …et dont il est inutile de rappeler qu’il est le délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Il affirme en effet que « la loi demande des efforts à tout le monde – bailleurs, locataires, collectivités territoriales, professionnels –, sauf à l’État, qui ne joue pas son rôle de mobilisation en faveur du logement. »

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui ! C’est cela, chers collègues de la majorité, la vérité de ce projet de loi !

M. Jacques Valax. Je pourrais, madame la ministre, me satisfaire de cette affirmation en la considérant comme avérée. Mon propos serait quelque peu réducteu et vous seriez en droit de penser que je ne suis pas objectif.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais c’est bien ce que nous pensons !

M. Jacques Valax. Je vais donc, très rapidement, vous donner quelques exemples tirés de la réalité quotidienne, celle des Françaises et des Français.

Je rappelle d’abord que cet État, le vôtre, dont vous dites…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Le nôtre !

M. Jacques Valax. Oui, l’État, c’est le nôtre, je l’espère encore.

Ce gouvernement, donc, dont vous dites qu’il est mobilisé pour le logement social, cet État qui possède, de par la loi, la compétence de la programmation du logement, n’a jamais apporté que 2 % de subvention sur chaque programme réalisé, alors que 98 % sont apportés par les bailleurs sociaux dans le cadre de l’emprunt, lequel emprunt est garanti par les collectivités territoriales.

Il eût été facile de décréter que vous apporterez dorénavant, non pas 2 %, mais 8 à 10 % sur chaque opération.

M. Damien Meslot. Que ne l’avez-vous fait avant, quand vous étiez au pouvoir ?

M. Jacques Valax. Cette affirmation aurait permis de démontrer l’existence palpable d’une vraie volonté politique, qui eût été la vôtre. Vous ne l’avez pas fait, et je le regrette profondément.

Plus grave encore : les associations spécialisées dénoncent, avec raison, un désengagement de l’État, symbolisé par la baisse de 7 % des crédits du logement dans le budget 2009.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est faux !

M. Jacques Valax. Toujours aussi grave et révélateur de votre attitude méprisante à l’égard du logement social est le fait que l’aide à la pierre va diminuer de 30 % par rapport à 2008.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Jacques Valax. Enfin, terrible constat : le budget triennal 2009-2011 prévoit une baisse de 10,5 % des crédits de la mission « Ville et logement ».

Telle est, madame, l’analyse financière. Objectivement, il n’existe aujourd’hui aucune mobilisation de l’État.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. N’importe quoi !

M. Jacques Valax. Madame, vous allez m’interrompre pour me rappeler les dispositions de la loi ANRU. Parlons-en.

Je suis président d’un organisme bailleur et, à ce titre, j’ai lancé des opérations dans le cadre de cette loi ANRU. J’ai réalisé ces opérations, apporté et investi des fonds propres de l’Office public de Tarn Habitat, et j’ai livré des immeubles. Aujourd’hui, et malgré une lettre de relance que j’ai adressée le 28 novembre 2008 à M. le préfet du Tarn, il est dû à Tarn Habitat, que je représente ici, 970 000 euros au titre de la loi ANRU.

M. le préfet du Tarn, un homme compétent – il est le préfet de notre gouvernement – m’a répondu, le 22 janvier 2009 : « Malgré mes interventions personnelles auprès de la direction générale de l’agence, il ne m’a pas été possible d’obtenir l’ensemble des paiements sollicités en 2008.

« Je vous précise toutefois que les délais de paiement, liés notamment à l’utilisation du logiciel Agora, devraient être réduits, au cours du premier trimestre 2009.

« Je resterai, pour ma part, attentif au respect des engagements financiers de l’État. »

Madame la ministre, le dernier point de mon intervention concerne l’intitulé de votre texte, qui prétend lutter contre l’exclusion. C’est un comble ! La première mesure que vous souhaitez prendre pour lutter contre l’exclusion est d’exclure ceux qui dépassent le plafond des ressources !

C’est une mesure ridicule, parce que dérisoire. Elle n’apporte aucune réponse crédible à l’attente des milliers de demandeurs inscrits. Elle ne concerne que moins de 1 % de la population du parc HLM.

M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Valax. C’est une mesure ségrégationniste, qui jette l’opprobre sur les moins pauvres, lesquels risquent de devenir très pauvres s’ils perdent demain leur travail.

C’est une mesure qui rejette, qui exclut les classes moyennes du parc social, alors que celles-ci apportent, vous le savez, dans nos quartiers un élément de stabilité et de mixité sociale, contribuant encore un peu plus à la paix sociale.

Vous favorisez la fabrication de vrais ghettos…

M. le président. Nous vous avons bien compris !

M. Jacques Valax. … dans lesquels vous voulez entasser, confiner les plus pauvres des plus pauvres.

L’article 20 vise à instaurer une mesure inique qui frappera des personnes âgées, …

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Non !

M. Jacques Valax. …seules, retraitées, veufs ou veuves, auxquelles on devra imposer un déracinement social (Protestations sur les bancs du groupe UMP) , un isolement non mérité, un déménagement forcé, alors qu’elles étaient parfaitement intégrées dans un lieu qu’elles avaient aimé et qu’elles avaient investi depuis toujours.

Votre texte, madame, est un texte politique. Il ne résout en rien les problèmes humains que rencontrent celles et ceux qui vivent dans les HLM. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mesdames, messieurs les députés, tout d’abord, vous me permettrez de vous remercier pour la qualité de vos interventions, qui ont porté sur des questions essentielles relatives à ce texte. Au-delà de nos différences, chacun a pu s’expliquer, s’écouter, ce qui est, me semble-t-il, un témoignage de démocratie important.

Compte tenu du débat de qualité que nous venons d’avoir, je vous prie de me pardonner d’être un peu longue dans mes réponses. Je pense que c’est le moins que je puisse faire pour rendre hommage à la qualité des débats.

Chacun a ses options, chacun a ses choix, mais beaucoup ici me connaissent bien et je puis vous affirmer que ma préoccupation d’humanité ne peut pas être mise en cause.

M. Bruno Le Roux. La vôtre non, celle du Gouvernement oui !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Il est possible que nous ayons des réponses politiques différentes, mais je ne peux en aucune manière accepter que l’on puisse mettre en cause la volonté du Gouvernement par rapport à cette dimension d’humanité.

M. Bruno Le Roux. Nous mettons en cause la volonté du Gouvernement !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Un certain nombre d’entre vous ont formulé des remarques de même nature. Je vais répondre à chacun, mais je regrouperai les réponses en fonction de l’objet des questions.

MM. Chassaigne, Goldberg, Le Roux et Mme Billard ont évoqué la mise en cause de la loi SRU. Or il n’y a jamais eu de remise en cause de la loi SRU, je tiens à le dire très clairement. Intégrer l’accession sociale dans le décompte de la SRU n’avait qu’un seul objectif : promouvoir l’accession sociale à la propriété.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans le code, c’est le locatif aidé !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est la grande différence entre nous. Nous sommes ici pour changer la loi, monsieur Le Bouillonnec. Vous êtes le Parlement, et il s’agissait justement de faire cette proposition.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Donc, vous vouliez changer !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je ne souhaite pas allonger le débat et je dis de façon très claire que nous avons décidé de ne pas toucher à l’article 55, dans la mesure où, depuis le mois d’octobre, nous avons changé de période. Il y a eu un plan de relance. Un certain nombre de mesures ont été prises en faveur de l’accession sociale à la propriété qui ne justifient plus cette inscription à l’article 55.

On ne touchera pas à l’article 55 quelles que soient les propositions d’amendement émanant de quelque banc que ce soit de l’Assemblée nationale.

Monsieur Pupponi, je vous rappelle que je pratique la plus grande transparence quant à l’application de la loi SRU. Pour la première fois, en tant que ministre du logement, j’ai assuré la transparence en publiant la liste des communes qui respectaient le pourcentage de 20 % de logements sociaux et celles qui ne le respectaient pas. J’ai mis en place la commission nationale qui devait se réunir demain. Son président a reporté la date de cette réunion, d’une part, parce que les grèves entraînent des difficultés de circulation et, d’autre part, parce qu’un certain nombre de parlementaires, dont M. Le Bouillonnec, n’auraient pas pu y siéger compte tenu de nos débats dans l’hémicycle. Je publierai les conclusions des travaux de cette commission.

Il n’y a donc aucune difficulté d’application de la loi SRU.

M. Daubresse a démontré avec brio que la production de logements n’avait pas répondu aux besoins depuis trente ans faute d’une analyse exacte de la situation et qu’il s’agissait d’une responsabilité collective. J’appelle l’ensemble de la représentation nationale à avoir, face à ce déficit de logements, une attitude, non pas politicienne, mais responsable.

En 2003, une réaction vigoureuse est intervenue qui a permis d’atteindre en 2007 le niveau de 435 000 logements, ce qui ne s’était jamais produit, il faut le reconnaître.

M. Michel Piron, rapporteur. Tout à fait !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Lorsque l’on dit que l’État ne fait pas suffisamment, je constate simplement que ce niveau de 435 000 logements n’avait jamais été atteint. Comme l’a souligné M. Gaudron, il faut continuer sans faiblir, la crise risquant de casser cet élan.

Le plan de relance prévoit d’augmenter la production de 100 000 logements, ce qui permettra de garder un haut niveau de réalisation de logements.

Le plan de relance, qui privilégie notamment le logement social servira à amortir le choc de la crise, en atteignant une production de 160 000 logements sociaux en 2009. Le plan de relance, au total, permettra d’augmenter de 1,8 milliard, je le répète, les moyens budgétaires du logement.

Tout au long du débat, le manque de financement a été évoqué. Le budget négocié pour 2009 l’a été dans la première partie de l’année 2008, à une période où les contraintes budgétaires européennes marquaient ce budget. Or, contrairement à ce que j’ai pu entendre, je me suis battue pour ce budget et j’ai ainsi pu obtenir un budget primitif pour 2009 supérieur à celui de 2008.

M. Olivier Carré. Absolument !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’était avant le plan de relance.

Soyons pragmatiques : grâce à ce plan de relance, nous disposons maintenant des financements nécessaires pour répondre aux besoins de logements dans notre pays. La grande question qui se pose aujourd’hui est de savoir si nous allons consommer tous ces financements. J’en appelle à votre dynamisme, à votre capacité d’influence sur les territoires, pour que, quels que soient vos choix politiques, vous encouragiez les élus locaux à utiliser des facilités de financement que nous n’avions pas connues depuis longtemps.

Un certain nombre d’entre vous ont oublié de souligner ce fait nouveau. Même les manifestants qui se sont exprimés hier contre ce projet de loi l’ont fait par rapport à des critères de financement qui n’étaient plus d’actualité.

M. Olivier Carré. Absolument !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Nous avons les financements. Il faut maintenant se mettre en marche. C’est sous cet angle-là qu’il s’agit d’une loi de mobilisation.

Je partage l’analyse de M. de Rugy : la chaîne de logements est actuellement bloquée. Nous devons relever le défi et la débloquer. C’est pourquoi le projet de loi intervient sur tous les maillons. Cela peut paraître surprenant à un certain nombre d’entre vous, mais c’est justement parce qu’elle est bloquée qu’il faut agir à tous les niveaux.

Ce projet de loi intervient en effet à tous les niveaux depuis l’hébergement, grâce à l’interdépartementalisation du DALO pour la région Île-de-France, en passant par le social, en mobilisant les bailleurs sociaux, jusqu’à l’accession avec l’extension du pass foncier au collectif. On pourra redonner de la fluidité au parc HLM. J’aurai l’occasion d’y revenir.

M. Meslot et Mme Bourragué ont évoqué le pass foncier. Je vous remercie pour votre mobilisation sur ce produit, qui est très efficace – on s’en aperçoit aujourd’hui – pour la construction de logements.

Les élus, notamment les maires, sont la cheville ouvrière de ce dispositif. C’est grâce à votre volonté et aux subventions que vous versez que l’on débloquera cette aide puissante. Il existe une TVA à 5,5 % et une dissociation entre le foncier et le bâti. Cela permettra à plus de 30 000 ménages d’accéder à la propriété. Leur avenir est entre vos mains.

Vous proposez, monsieur Meslot, d’introduire dans le texte des dispositions concernant les accidents domestiques et les intoxications par le monoxyde carbone. J’y porterai un regard attentif.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En CMP !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je comprends, madame Maquet, que la réduction à un an du délai d’expulsion ait pu émouvoir un certain nombre d’entre vous. Il faut arrêter d’opposer les uns aux autres.

Le propriétaire a besoin d’un locataire, qui a lui-même besoin d’un propriétaire.

M. Olivier Carré. Eh oui !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Autant le reconnaître : ce texte envoie peu de signaux aux propriétaires. Quand il a été élaboré, nous étions en pleine discussion avec les partenaires sociaux pour travailler sur la garantie du risque locatif, et certains d’entre vous se souviendront que, lors du débat sur le DALO, j’ai souhaité, en tant que rapporteure, qu’elle devienne universelle.

M. Michel Piron, rapporteur. C’est important !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Cependant, en octobre, pendant l’examen du projet de loi au Sénat, les négociations n’avaient pas totalement abouti à ce sujet. De ce fait, il était nécessaire de montrer aux propriétaires qu’ils n’avaient pas été oubliés. C’est pourquoi le délai maximal de sursis à exécution des décisions judiciaires d’expulsion a été réduit à un mois. Mais, dès lors que la négociation sur la GRL a abouti, l’expulsion n’est plus d’actualité.

Pour l’heure et jusqu’au 15 mars, elle n’est pas possible, ce dont je me réjouis. À cette date, la loi aura été votée et la GRL sera mise en œuvre. Il ne sera donc plus nécessaire de procéder à des expulsions.

J’appelle votre attention sur un autre point.

L’expulsion est naturellement un échec non seulement pour ceux qui en font l’objet, mais aussi pour les propriétaires et pour l’État. L’an dernier, 11 000 expulsions seulement ont été exécutées, sur les 28 000 qu’ont prononcées les tribunaux. Cela signifie que 17 000 personnes sont restées dans des logements, plongeant ainsi parfois les propriétaires dans une situation dramatique.

M. Michel Piron, rapporteur. Le loyer, c’est souvent leur retraite !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Vous le savez pour en avoir rencontré dans vos permanences. Sur ces questions, il faut conserver une vision équilibrée. La position que je défends est motivée non par je ne sais quelle inhumanité, mais par la recherche de la justice et de l’équité.

Mme Got et M. Aly ont posé le problème de la mixité sociale. Loin de la remettre en cause, le projet de loi la favorise, au contraire. En effet, il prend en compte les personnes plutôt que les pierres, en facilitant tant la production de logements locatifs sociaux que l’accession sociale à la propriété. C’est une différence de philosophie entre nous. Certains pensent que le critère de réflexion doit être la pierre, d’autres que l’on doit avant tout tenir compte de la situation des personnes. Inutile de préciser que j’appartiens à la seconde catégorie.

Je remercie M. Balkany de ses propositions visant à libérer les logements sous-occupés. Elles seront examinées avec attention, mais, si je comprends certaines positions – nous sommes à l’Assemblée nationale, et il est important que nous puissions débattre –, il ne faut pas considérer la mobilité à l’intérieur du parc HLM sous un angle unique. Je comprends la situation d’une personne seule qui a vécu dans un appartement pendant trente ans. Il ne s’agit pas de l’obliger à quitter les lieux. Il faudra une négociation…

Mme Annick Lepetit. Est-ce l’office d‘HLM qui en sera chargé ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. …et de la bonne volonté. Ainsi, si une personne occupe depuis trente ans un logement de trois à quatre pièces dont le loyer est inférieur à celui d’un logement plus petit et plus neuf, il n’est pas question de la mettre en situation de difficulté économique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi susciter des peurs inutiles ?

Dans nos permanences, nous voyons aussi des mères de famille, seules ou non, qui élèvent plusieurs enfants dans deux pièces et qui attendent un logement plus grand. En fait nous cherchons à mettre en place un système souple et équilibré. Nous ne créons aucune obligation, et nous ne voulons déraciner ni désocialiser personne.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Où les mettrez-vous ces familles ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Nous voulons simplement adapter davantage les logements aux personnes.

M. Gérard a évoqué le cas de la famille Bobillier. Je serai fière que le projet de loi interdise désormais à des voisins de poursuivre des parents qui auraient adapté un garage pour le rendre accessible à leur fille handicapée. L’attitude de ces plaignants n’est pas à l’honneur de la France, mais je suis heureuse que le texte prenne en compte la réalité d’une manière humaine.

M. Dussopt a souligné la nécessité de proposer des logements dignes à un prix abordable. Tel est l’objectif du pass foncier. Grâce à l’engagement des communes, il solvabilisera les ménages. Des moyens financiers importants seront ainsi dégagés, qui permettront la réalisation de logements de qualité.

Monsieur Hamel, j’ai déjà évoqué le problème de la mobilité dans le parc HLM. Nous y reviendrons. Par ailleurs, je salue votre volonté d’aller avec détermination jusqu’au bout du programme national de rénovation urbaine. Vous pouvez compter sur mon soutien.

Monsieur Dumas, on s’accorde généralement, sans grande certitude, sur le chiffre de 100 000 sans-dominicile-fixe. Depuis que j’ai la responsabilité du ministère du logement, les capacités d’hébergement ont été considérablement augmentées, puisque 99 600 places sont aujourd’hui disponibles. Néanmoins je ne saurais me satisfaire d’un résultat arithmétique, quand il s’agit de personnes. D’ailleurs – pourquoi le cacher ? –, un certain nombre de ces places ne sont pas dignes et doivent être humanisées. Le plan de relance a permis de débloquer 170 millions d’euros qui seront utilisés à cette fin.

M. Mathis a posé la question du zonage, ce dont je le remercie. Plusieurs discussions se sont élevées à ce sujet, notamment sur les dispositifs Robien et Borloo. Nous avons engagé une réflexion. Aujourd’hui, j’entends s’exprimer des inquiétudes. Qu’on se rassure cependant. Les listes en circulation seront soumises à une concertation avec les professionnels, débattues avec les élus et adaptées en vue du recentrage des zones. Aucune d’entre elles n’a de valeur contraignante.

M. Valax, M. Cacheux et Mme Andrieux se sont penchés sur le budget du logement. Les moyens sont là. Le budget pour 2009 est comparable à celui qui avait été voté pour 2008, mais je rappelle qu’il a été abondé par le plan de relance.

Je remercie M. Goujon, M. Lamour et Mme de Panafieu de leur soutien. Ils ont aimablement reconnu la capacité d’écoute du ministère sur le problème particulier que pose la ville de Paris. Une des difficultés de la politique du logement tient en effet à la différence entre les territoires. Les villes qui connaissent une grande concentration sont confrontées à des difficultés propres. Paris en est l’archétype.

Ainsi, deux tiers des dossiers relatifs à l’application du droit au logement opposable ont été déposés en Île-de-France. Le Gouvernement sera attentif à l’amendement de M. Goujon, M. Lamour et Mme de Panafieu, ainsi qu’à celui de M. Ollier.

Mesdames et messieurs les députés, j’appelle votre attention sur un autre point : peut-être n’y a-t-il pas eu suffisamment de compréhension sur les conventions d’utilité sociale.

M. Olivier Carré. Absolument !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Compte tenu des disparités entre les territoires, j’ai tenu à ce que soient signées entre l’État et les offices d’HLM des conventions qui, au lieu de répondre à une norme nationale, prennent en compte les réalités territoriales de chaque organisme.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. En ce qui concerne les surloyers, je rappelle que chaque organisme aura la possibilité de s’affranchir du décret, qui s’appliquera seulement par défaut. Cessons donc de faire au Gouvernement un procès d’intention : si, compte tenu de la réalité locale, vous estimez que la mesure ne doit pas être appliquée, elle ne le sera pas.

Monsieur Goua, le 1 % logement ne fera l’objet d’aucune ponction, mais ses moyens seront redistribués, et certains emplois optimisés. Ainsi, le pass travaux sera remplacé par l’éco-prêt à taux zéro, plus avantageux. Quoi qu’il en soit, l’emploi du 1 % peut être négocié.

M. Remiller s’est demandé quel serait l’effet du plan de relance sur l’accès au logement pour tous. Je précise que le 1 % logement a accepté de réserver 25 % de son parc aux salariés pauvres, que Mme Got a eu raison d’évoquer. Certains travailleurs vivent en effet dans des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, où ils n’ont rien à faire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je regrette que l’amendement que nous avions déposé à ce sujet ait été refusé !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Leur place est dans des logements sociaux. C’est pourquoi, dans le cadre du paquet global qui a été négocié, le 1 % logement a réservé des logements aux salariés pauvres, que les commissions de médiation ont accepté de reconnaître comme prioritaires. Je salue cette mobilisation réelle en vue de lutter contre le mal-logement.

Madame Guégot, j’ai bien entendu votre préoccupation si humaine à l’égard des femmes qui subissent des violences conjugales. Je vous confirme que nous tiendrons compte de votre amendement. Respectueuse du travail des parlementaires, notamment des députés, je me réjouis d’ailleurs qu’un grand nombre de leurs amendements viennent enrichir ce texte en faveur du logement et de la lutte contre l’exclusion.

Monsieur Heinrich, s’agissant de la mobilité je vous ai répondu : la réalité territoriale sera prise en compte dans les conventions d’utilité sociale.

Monsieur Ménard, vous dites qu’il faudrait produire 120 000 logements sociaux. Mais regardez le chiffre de 2008, qui a été publié avant-hier…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Combien de PLS ? 17 000 !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. On n’en a jamais fait autant ! Jamais !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et des PLUS ? 43 000 !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. On n’a jamais fait autant de logements sociaux, mais vous n’êtes jamais contents.(Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On a construit 110 000 logements sociaux : au temps où la gauche était au pouvoir, elle n’a jamais atteint ce chiffre. C’était 42 000 en l’an 2000, si vous voulez une comparaison.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les PLAi ont été créés en 2000 !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Eh bien, tant mieux, et ils ont été utilisés.

Monsieur Folliot, les conventions d’utilité sociale que le projet de loi rend obligatoires répondront à votre préoccupation.

Je vous remercie, monsieur Carré, d’avoir fait preuve de tant de pédagogie pour expliquer tout ce que ces conventions impliquent.

Monsieur Letchimy, j’ai été très sensible à vos observations en ce qui concerne la mise en œuvre de la loi outre-mer. Vous l’avez dit, je ne suis pas en charge directement du logement outre-mer, aussi curieux que cela puisse paraître. Néanmoins je travaille avec M. Jego – nous en parlions encore ce matin en sortant du conseil des ministres – pour voir comment le ministère du logement va apporter un certain nombre de financements et, peut-être, anticiper sur d’autres perspectives.

Monsieur Cosyns, j’ai beaucoup apprécié votre intervention. Quelques agences immobilières ont certes des pratiques douteuses, mais ces canards boiteux ne doivent pas entraîner le discrédit pour toute la profession. La direction générale de la concurrence a déjà examiné ces pratiques et la FNAIM est en train d’élaborer une charte de qualité pour répondre aux questions que vous soulevez.

Monsieur Calméjane, vous avez raison, la mise en œuvre du DALO dans la région Ile-de-France est un vrai problème. La dynamique lancée va nous permettre de mobiliser différents contingents réservataires, le contingent préfectoral et celui des organismes du 1 % à hauteur de 25 %.

Monsieur Valax, votre propos était flamboyant, mais – je le dis pour tous les députés– dans vos calculs vous ne devez pas seulement tenir compte des crédits inscrits au budget. Il faut aussi prendre en considération d’autres aides, comme l’application du taux de TVA à 5,5 %...

M. Alain Cacheux. Le logement est un bien de première nécessité.

Mme Christine Boutin, ministre du logement… ou l’exonération de taxe foncière, car elles augmentent de façon sensible les capacités de financement de la politique du logement.

Je remercie vivement les orateurs de cette discussion générale pour la qualité du débat, qui préfigure, je l’espère, celui que nous aurons sur l’examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui a été voté par le Sénat, en procédure d'urgence, le 22 octobre dernier. Depuis cette date, vous avez démontré un curieux sens des priorités. Au lieu de le déposer rapidement devant l'Assemblée, procédure classique quand un texte est réellement prioritaire, vous avez préféré nous faire débattre de la possibilité pour un ministre de retrouver son siège de député en cas de départ du gouvernement, sorte de « parachute doré » politique ; du texte éminemment idéologique sur le travail dominical, qui, heureusement, n'a fait qu'un bref passage dans notre hémicycle ; de la mise sous tutelle présidentielle de l'audiovisuel public, et de la limitation du droit d'amendement, destiné à museler l'opposition. Maintenant que vous vous êtes arrogé de nouveaux pouvoirs, vous vous souciez des vrais problèmes que rencontrent nos concitoyens.

Malheureusement, je ne peux que constater l'insuffisance du texte que vous nous proposez, l'orientation dangereuse de la politique du logement qu'il traduit et les hypothèques sur l'avenir de nos concitoyens qu'il annonce. C'est pourquoi je demande son renvoi en commission.

Pouvoir se loger a une influence directe sur la qualité de vie, sur l'éducation, sur l'emploi, bref sur la socialisation de chacun. Combattre la crise du logement devrait être la vraie priorité du gouvernement. Ce texte vient nous confirmer, après un budget 2009 en nette diminution et un plan de relance insuffisant, que ce n'est pas encore le cas.

Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, plus de 3 300 000 personnes sont mal-logées. Aux 100 000 sans domicile fixe, environ, il faut ajouter des hommes, des femmes et des enfants qui vivent dans des conditions déplorables, dans des logements de fortune, des campings, des structures d'hébergement, des chambres d'hôtel ou entassés dans des logements trop petits. En outre, six millions de personnes se trouvent en situation de réelle fragilité. Ce sont toutes ces personnes qui, semaine après semaine, viennent nous demander de l'aide dans nos permanences. Et je sais, madame la Ministre, que vous ne l'avez pas déjà oublié.

Cette situation n'est pas due à la crise financière internationale : elle lui est bien antérieure. La crise est structurelle, pas conjoncturelle.

Depuis une vingtaine d'années, notre pays produit moins de logements qu'il n'en a besoin. L'accumulation de ces déficits de construction aboutit à ce qu’il manque aujourd'hui près d'un million de logements en France.

Les chiffres de la construction ces dernières années ne poussent pas à l'optimisme. Alors que l'objectif gouvernemental était de produire 500 000 logements par an, seulement 437 000 mises en chantier ont eu lieu en 2007,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. « Seulement » ! On n’en a jamais fait autant !

Mme Annick Lepetit… 368 000 l’ont été en 2008 et moins de 330 000 sont prévues pour 2009. Ce sont les chiffres que vous-même avez annoncés. C'est un bond en arrière qui nous ramène à la situation de 1993. Cette forte tendance à la baisse creuse le déficit de logements, aggrave la crise et prouve, malgré les incantations et les promesses, l'inefficacité de la politique mise en œuvre par votre majorité depuis 2002.

Le texte que vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, alors que vous vous étiez engagée à ne pas légiférer une nouvelle fois, est le sixième sur le logement en six ans. Pourtant cet empilement des lois n'a rien changé, bien au contraire. Le fait est que, par idéologie, la majorité n'a jamais cherché à répondre à ce qui constitue le cœur de cette crise : le manque criant de logements adaptés aux classes moyennes et aux classes populaires, ceux-là même qui figurent sur les listes de demandeurs.

A l'heure où je vous parle, ce sont plus de 1 300 000 demandes de logement social qui restent en attente. Parallèlement, seuls 50 000 logements réellement sociaux sont sortis de terre en 2007. A ce rythme, il faudrait vingt-six années pour ne répondre qu'aux demandes actuellement déposées !(Approbations sur les bancs du groupe SRC.)

Le pays a besoin non pas d'une nouvelle loi par an, mais de la décision politique d'investir massivement dans le logement, dont le logement social.

Depuis plus de six ans, votre politique a été d'user et d'abuser des aides fiscales sans contrepartie sociale. La création du dispositif de Robien en est à la fois le symbole et le parfait exemple d'un choix politique contreproductif.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. 45 000 logements !

Mme Annick Lepetit. Puisqu'il n'y avait pas de contrainte de localisation, de nombreux logements ont été construits dans des zones non prioritaires. La crise a beau être massive, elle n'est pas pour autant également répartie sur l'ensemble du territoire, vous l’avez dit.

Dans des départements du sud-ouest, par exemple, des logements restent vides : on en a construit par centaines dans les villes moyennes, sans avoir pris en compte la réalité des marchés locaux. Ils y ont fortement déséquilibré l'offre de logements privés en tirant les prix vers le haut, et pour de nombreux propriétaires, ils se sont révélés un investissement non rentable.

Ce dispositif a la fâcheuse tendance de fixer, pour longtemps, l'épargne des ménages dans des investissements qui n'apportent rien à la collectivité, alors qu'elle serait bien plus utile ailleurs. L'Etat joue ainsi au pompier pyromane et entretient la crise qu'il annonce pourtant vouloir combattre.

Ce dispositif se révèle également totalement inutile pour juguler les difficultés d'accès au logement, puisque les logements construits sont inaccessibles pour 75 % des Français. Les ajustements à la marge opérés par le dispositif Borloo et ceux proposés dans ce projet de loi sont loin d'être à la hauteur des enjeux. Mais ce qu'il y a d'encore plus scandaleux, c'est que l'argent public mobilisé n'est utile que pour les personnes déjà suffisamment aisées pour investir dans un logement qu'elles n'habiteront pas. On aboutit à cette situation choquante où les plus modestes sont mis à contribution pour aider les plus riches à se constituer un patrimoine immobilier.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est fini en 2009.

Mme Annick Lepetit. Le rôle de l'Etat est de servir l'intérêt général. Ici il ne sert, ou ne servait, qu'une clientèle.

En tout cas les sommes en jeu sont considérables. Vous consacrez plus de 350 millions d'euros en 2009 rien qu’au dispositif de Robien, chiffre en progression de 17 % par rapport à 2008. Ce sont plus de 17 000 logements sociaux de type PLUS que vous auriez pu subventionner avec une telle sommes rien que cette année, soit des logements qui, eux, sont accessibles à deux ménages sur trois, contrairement à ceux construits avec l'aide de vos cadeaux fiscaux.

L'accès aux logements construits ces dernières années est d'ailleurs un véritable problème. Comme le rappelait la Fondation Abbé Pierre dans son rapport sur le mal-logement, il n'y a jamais eu aussi peu de logements nouveaux destinés aux ménages modestes : 75 % des logements produits aujourd'hui ne sont destinés qu'aux 30 % des ménages les plus aisés. Ce véritable gouffre entre les besoins des trois-quarts de la population et la réalité de la construction de logements en France explique en partie pourquoi la crise continue de s'aggraver, malgré les promesses que vous nous faites tous les ans, à chaque fois que vous présentez une nouvelle loi.

Cette tendance est en fait le véritable résultat de la politique que vous menez sans discontinuez depuis plus de six ans. En 2007, madame la ministre, je vous avais demandé à qui étaient réellement destinés ces logements que les gouvernements de droite successifs se vantaient tant d’avoir construits. Au vu de la situation actuelle, visiblement pas à ceux qui en ont le plus besoin. Aujourd'hui, l'évidente inefficacité des lois précédentes vous pousse à déposer ce texte, mais, puisque vous refusez de changer le fond de votre politique, je ne vois pas pourquoi cette loi pourrait, plus que les précédentes, avoir un impact positif sur la crise du logement.

Il existe tout de même, au sein de la majorité, des parlementaires lucides sur la situation. Les lignes bougent et notre diagnostic est de plus en plus partagé. Tant mieux ! M. Daubresse, avec qui j’ai eu l’occasion de débattre la semaine dernière, reconnaît que l'article 55 de la loi SRU a eu « des effets bénéfiques pour les communes qui ont joué le jeu. »

Je pense aussi à notre collègue Étienne Pinte qui écrivait, il y a quelques mois, dans son rapport sur l'hébergement d'urgence : « Le budget consacré par l'État au logement est insuffisant, notamment pour les aides à la pierre. Les aides fiscales doivent être davantage conditionnées à une contrepartie sociale effective. »

M. Alain Cacheux. Cela aurait pu être écrit par un socialiste !

Mme Annick Lepetit. Il poursuivait : « On ne construit pas assez de logements adaptés aux populations les plus fragiles, il faut mettre en place une vraie politique de prévention des expulsions, il faut améliorer l'application de la loi SRU et ses obligations en matière de construction ».

M. Alain Cacheux. Nous n’en changerions pas une seule ligne !

Mme Annick Lepetit. En effet, voilà autant de thèses que nous défendons depuis plusieurs années. Nous avons d’ailleurs déposé, avec Jean-Yves Le Bouillonnec, une proposition de loi inspirée de ces mêmes idées, et je n’évoque pas les centaines d'amendements que nous avons présentés depuis 2003. Certes, vous les avez toujours rejetés, mais j'espère que, cette fois, mes chers collègues, vous parviendrez à faire prendre conscience au Gouvernement et aux autres députés de la majorité, de la justesse de ces propositions. Nous serions d'ailleurs ravis que, pour une fois, nos amendements soient adoptés.

M. François Pupponi. La ministre s’y est engagée !

Mme Annick Lepetit. À la mise en place de dispositifs inefficaces, vous ajoutez le désengagement financier de l'État. Lors de la discussion du budget pour 2008, qui était déjà en baisse par rapport à celui de 2007, vous nous aviez annoncé, madame la ministre, que votre « premier budget véritable » serait celui de 2009.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je m’en souviens !

Mme Annick Lepetit. Quand celui-ci est arrivé, nous n'avons pu qu'être désolés devant ce qui était censé représenter votre véritable conception de la politique du logement, car une fois passé le stade des promesses et des annonces médiatiques, il ne restait finalement plus grand-chose.

La forte baisse de 6 % de la mission « Ville et logement » démontrait que le Gouvernement abandonnait toute ambition en ce domaine, et le détail des coupes claires opérées confirmait que vous poursuiviez une politique de l'échec. La baisse se concentrait ainsi sur les aides à la pierre dont le montant est passé de 800 millions d’euros, en 2008, à 550 millions, en 2009. Ce sont notamment les programmes PLUS qui en ont le plus souffert. Quant aux aides à la personne, dont bénéficient plus de six millions de ménages modestes, elles ont été, elles aussi, orientées à la baisse. Vous vous étiez pourtant engagée à les revaloriser en suivant l'évolution des loyers, qui continuent néanmoins d'augmenter.

Parallèlement à ces baisses, vous n’hésitez pas à accorder encore plus de cadeaux fiscaux aux plus aisés. Les dispositifs de Robien et Borloo coûtent de plus en plus cher malgré leur inefficacité. Dans le même esprit, l’une des mesures emblématiques du paquet fiscal, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt pour l'acquisition d'une résidence principale, atteint le coût faramineux de 1,2 milliard d'euros et se révèle avoir un effet quasi nul sur l'économie.

Vous avez décidé, en pleine crise du logement, de réorienter l'argent public vers les individus qui se constituent un patrimoine, plutôt que vers les structures qui favorisent la solidarité nationale ; vers la minorité des personnes les plus aisées, pour lesquelles le logement est une source de revenus, plutôt que vers la grande majorité des Français pour qui il représente une dépense de plus en plus coûteuse.

À peine un mois après le vote du budget, et à la faveur d’un timide plan de relance, le Gouvernement opère, semble-t-il, un virage à 180 degrés. Il fait à nouveau du logement une priorité affichée. Les annonces se succèdent et les milliards semblent pleuvoir - il y en a un peu plus chaque jour - mais, comme souvent, la réalité n'est pas aussi belle qu'annoncée. Certes, finalement, en 2009, le Gouvernement consacrera au logement, plus de moyens que ce qu’il avait prévu dans la loi de finances, votée quelques semaines plus tôt. Certes, vous vous êtes rendus compte de l'erreur que vous commettiez en déléguant totalement le financement de la rénovation urbaine et de la lutte contre l'habitat indigne. Toutefois les diminutions étaient tellement fortes dans le budget initial que le plan de relance ne parvient même pas à les compenser. En conséquence, aujourd’hui encore, il est prévu que l'État dépense moins pour le logement en 2009 qu'en 2008 !

M. Michel Piron, rapporteur. Pas du tout ! Directement peut-être, mais pas indirectement !

Mme Annick Lepetit. Voilà bien une étrange conception de ce que vous nommez une « priorité gouvernementale ».

En revanche, rien ne change dans votre philosophie. L'accession à la propriété, quel qu'en soit le coût, est toujours préférée au logement social. Sur les 100 000 logements supplémentaires annoncés dans le plan de relance, 30 000 seulement sont des logements sociaux tandis que 30 000 autres seront achetés à des promoteurs, au prix fort, dans le cadre de VEFA.

Venons-en, maintenant, au projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

La philosophie qui l'anime est la même que celle qui guide votre action dans le domaine depuis plus de six ans. On peut donc s'attendre à ce qu'elle entraîne les mêmes résultats.

Deux idées principales s'en dégagent : la mise sous tutelle des moyens du 1 %, afin de pallier le désengagement financier de l'État, et la redéfinition du rôle du logement social qui serait désormais réservé aux plus pauvres. Sur ces deux orientations, nous ne pouvons qu'être qu'en profond désaccord avec vous.

Depuis 1953, le 1 % logement est un système original de financement du logement, fondé sur la participation des entreprises. Près de 1,5 milliard d'euros sont ainsi collectés chaque année pour améliorer les conditions de vie de leurs employés. En organisant la ponction de 850 millions d'euros par an sur les trois prochaines années afin de couvrir votre désengagement, vous obligez les gestionnaires du 1 % à supprimer certaines de leurs prestations, pourtant utiles et appréciées des Français. Dès le 26 novembre 2008, faute de financement, le conseil d'administration de l'Union d'économie sociale pour le logement, l’UESL, décidait ainsi de ne plus accorder de « pass travaux ». Cet instrument très important permettait aux propriétaires et aux locataires de financer la remise en état, l'entretien et l'amélioration de leur résidence principale.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Sans condition de ressources !

Mme Annick Lepetit. Ce dispositif obligeait les bénéficiaires à passer par des professionnels les 900 millions d'euros mobilisés étaient donc réinjectés directement dans l'économie. Les emplois générés par cette mesure avaient de plus l'avantage de ne pas être délocalisables. Dans la conjoncture actuelle, cette décision se révèle peu judicieuse et très douloureuse pour le secteur du bâtiment.

En affectant, pour une part, cette somme à l'ANRU, vous tournez le dos à l'engagement pris par l'État dans le cadre de la politique de la ville. Vous deviez en effet apporter un euro pour chaque euro investi par les partenaires du 1 %. Nous sommes aujourd'hui bien loin de cette clé de répartition. Vous mettez surtout en danger la survie financière du 1 %.

L'une des originalités de cet organisme, et cela lui a permis de se développer jusqu'à aujourd'hui, est de jouer entre les sommes qu'il verse sous forme de subventions et celles versées sous forme de prêt. En ponctionnant le 1 % comme vous le faites, vous asséchez ses ressources financières en réduisant ses possibilités de prêt et donc, à terme, de retour de prêt. Vous lui faites courir le risque de ne plus être en état de poursuivre sa mission d'ici à quelques années.

Jérôme Bédier, le président de l’UESL, que la commission des affaires économiques a auditionné, nous a d'ailleurs confirmé que « le caractère durable du fonctionnement du 1 % logement n'est pas garanti aujourd'hui ». Madame la ministre, en commission, vous ne nous avez pas apporté les assurances que nous attendons sur ce que compte faire l'État pour empêcher la disparition du 1 %. Les réponses que vous nous avez fournies sur ce point étaient loin d'être satisfaisantes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est le moins que l’on puisse dire !

Mme Annick Lepetit. Finalement, en équilibrant votre budget sur le dos du 1 %, alors que cet organisme agit déjà dans le domaine du logement, vous diminuez grandement les sommes consacrées par la collectivité nationale à ce secteur.

M. Alain Cacheux. C’est très clair !

Mme Annick Lepetit. La seconde idée, que l'on retrouve, comme un fil rouge, tout au long de votre projet de loi, est la mise en place de votre propre définition du logement, et en particulier du logement social, selon une conception, somme toute, très libérale. Le logement ne serait qu'un marché comme les autres.

M. Michel Piron, rapporteur. Mais non !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je n’ai pas dit cela !

Mme Annick Lepetit. Les évolutions de l'offre et de la demande permettraient aux prix de se fixer de manière harmonieuse. La propriété de son logement devient ainsi pour chacun à la fois la norme et le but à atteindre. Dans ce cadre, le logement social ne peut exister que comme la bouée de sauvetage ultime que l'on lance aux plus pauvres qui ne parviennent pas à s'adapter au système. C'est le mythe de la « France des propriétaires ».

Ce discours idéologique peut faire rêver, le temps d'une campagne électorale, tous ceux qui n'auront jamais les moyens d'acheter leur maison ou leur appartement, mais le mythe tourne à vide une fois confronté à la réalité. Vous nous expliquez qu’avec 57 % de propriétaires, la France accuse un retard sur ses voisins européens, et qu'elle se doit de le rattraper. On notera tout d'abord que, en fait, nous sommes juste dans la moyenne européenne. Surtout, il ne faut pas oublier que la proportion de propriétaires n'a jamais été un indicateur de développement économique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

Mme Annick Lepetit. Doit-on envier l'Albanie pour ses 97 % de propriétaires ? Doit-on vraiment s'inquiéter pour la Suisse qui n'en compte que 35 % ?

Nous n'avons ni la même conception du marché ni les mêmes ambitions pour le logement social Le logement n'est pas un bien comme les autres. Il est nécessaire que l'État agisse fortement pour permettre à chacun de vivre dans un logement décent et adapté à sa situation, surtout dans une période de pénurie comme aujourd'hui. Cela n'a pas beaucoup de sens de faire de la propriété, à la fois, le principal moyen de régler la crise et un objectif de société. Chacun arbitre entre la location et l'achat selon son âge, ses responsabilités familiales, son intégration dans la vie professionnelle, ses besoins de mobilité et, surtout, ses revenus.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est juste !

Mme Annick Lepetit. Faire de l'accès à la propriété une priorité aussi forte correspond de votre part à une vue idéologique dont la situation actuelle montre les limites.

M. Jean Grenet. C’est faux !

Mme Annick Lepetit. Toutefois, évitons les caricatures : les socialistes ne sont pas l'ennemi de l'accession sociale à la propriété.

M. Jean Grenet. Qu’est ce que cela serait !

Mme Annick Lepetit. Les premières formules locales d'aide à l'accession, complémentaires du prêt à taux zéro, sont nées dans les collectivités de gauche. On en trouve des exemples concrets et probants dans le département de l'Aisne, à Nantes et même à Paris, Mme de Panafieu en conviendra.

Mme Françoise de Panafieu. Certainement pas : à Paris, c’est l’accession à la propriété zéro !

Mme Annick Lepetit. Si ces mécanismes sont utiles pour une partie de la population, ils ne doivent cependant pas masquer le cœur du problème : la résolution de la crise ne peut passer que par la construction massive de logements locatifs sociaux adaptés aux classes moyennes et populaires.

Le recentrage vers les zones tendues des dispositifs de Robien et Borloo, que vous proposez à l'article 15, est une mesure trop timide face à la situation actuelle. Osez continuer dans ce sens en modifiant les plafonds et en ajoutant aux dispositifs des contreparties sociales.

Allons même au bout de cette logique ; avant d'être ministre, madame Boutin, vous avez souvent fait part de vos doutes sur l’efficacité de ces dispositifs coûteux : supprimez-les donc, et utilisez les moyens dégagés pour construire des logements vraiment abordables pour le plus grand nombre ! Vous auriez alors, madame la ministre, tout notre soutien.

Vous profitez aussi de ce texte pour étendre le dispositif du « pass foncier » au logement collectif. Ainsi, après la maison à 100 000 euros, voici la maison à 15 euros par jour et l'appartement à 15 euros par jour ! Qui dit mieux ?

L'échec des dispositifs précédents est bien connu. Cinq cents maisons à 100 000 euros ont été construites à ce jour : on est très loin des objectifs affichés en son temps par M. Borloo. La réticence des Français devant des mécanismes comme le « pass foncier » qui leur propose de devenir les locataires de leur banquier pour cinquante ans peut se comprendre. À confondre en permanence affichage et efficacité politique, vous faites miroiter aux Français des possibilités que votre action ne leur permet pas d’envisager.

Dans le même temps, le logement social est sacrifié et stigmatisé. L'action conjuguée de plusieurs articles de votre projet renforce la remise en cause de la mixité sociale. Pour masquer votre désengagement, vous utilisez à nouveau la logique du bouc émissaire, dont votre Gouvernement est familier.

M. Michel Piron, rapporteur. René Girard est le grand spécialiste de cette question philosophique !

Mme Annick Lepetit. Ainsi, le déficit de logements serait dû à un manque d'investissement des offices HLM et à certains de leurs locataires qui y seraient logés indûment. Cette logique simpliste a au moins l'avantage de faciliter la communication : en pointant du doigt les fautifs, on évite d'assumer ses propres responsabilités.

L'article 2 laisse sous-entendre que les organismes sociaux ne sont que des « dodus inactifs » qui ne jouent pas leur rôle. Ils sont plus de huit cents en France et logent plus de 10 millions de personnes. Insinuer qu'ils seraient tous assis sur des cagnottes, parce qu'ils n'investiraient pas assez,…

M. Olivier Carré. Mais c’est vous qui le dites, ce n’est pas le texte !

Mme Annick Lepetit. …et qu'ils seraient donc les seuls responsables de la pénurie de logements n'est pas très sérieux. En règle générale, leur trésorerie leur sert non seulement à construire et à mettre aux normes leur patrimoine immobilier, mais aussi à constituer des réserves pour les futurs travaux, à rembourser des emprunts ou à garantir les dépôts des locataires. En siphonnant leurs réserves, vous prenez le risque de priver l'ensemble des organismes de leur capacité futur d'investissement.

M. Olivier Carré. C’est faux !

Mme Annick Lepetit. Il apparaît surtout que cette manière de mobiliser des ressources, et de forcer les organismes à s'autofinancer, sert une fois de plus à compenser le retrait financier de l'État.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

Mme Annick Lepetit. Les locataires de logements HLM constituent l'autre cible destinée à détourner l'attention des vrais problèmes. Sous couvert de restaurer la mobilité, tout le chapitre IV du projet de loi sous-entend que le parc social est rempli de privilégiés qui usurpent la place de ceux qui mériteraient d'avoir accès au logement social.

M. Olivier Carré. C’est vous qui le dites, ce n’est pas le texte !

Mme Annick Lepetit. Soyons clairs : ils sont moins de 9 000 locataires à disposer de revenus plus de deux fois supérieurs aux plafonds. Parallèlement à cela, plus de 1,3 million de personnes attend un logement. Avez-vous réellement l'impression d'apporter des réponses à la hauteur des enjeux avec une mesure comme celle que vous proposez ?

Dans le même esprit, vous voulez réduire le délai d'expulsion de trois à un an. Cette disposition est particulièrement injuste. Vous le savez, madame la ministre, les juges n'accordent jamais de délai aux occupants de mauvaise foi. Ceux qui souffriront de votre mesure sont donc d’abord les victimes d'accidents de la vie, frappés par le chômage, la maladie ou encore une séparation. Le délai de trois ans leur permettait d’attendre la mise en place d'un plan d'apurement. À l'heure où l'économie de notre pays va si mal, et où les emplois sont détruits bien plus rapidement qu'ils ne sont créés, votre idée semble complètement déphasée par rapport à la réalité. Vous créez, vous-même, les conditions pour faire des locataires actuels les candidats au DALO de demain !

Votre projet de loi aura de lourdes conséquences financières pour les ménages modestes. Ainsi son article 21 prévoit une diminution de 10,3 % des plafonds de ressources pour l'attribution des logements locatifs sociaux. Une telle mesure aura pour première conséquence immédiate de fermer la porte du logement social à de nombreux ménages qui y ont leur place : 63 % de la population deviendra éligible, contre 70 % aujourd'hui. La situation économique des Français se serait-elle à ce point améliorée ces derniers mois ? Je ne le pense pas.

Le second effet de cette mesure concernera les locataires actuels. Vous allez en effet augmenter mécaniquement le nombre des ménages soumis au supplément de loyer de solidarité,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Non !

Mme Annick Lepetit. …alors que vous avez déjà très fortement augmenté ce surloyer par le décret du 21 août 2008.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est faux !

Mme Annick Lepetit. Vous cherchez tout simplement à pousser des centaines de milliers de ménages disposant de revenus modestes à se loger dans le secteur privé. Or les prix y sont bien trop élevés pour eux. Pour un gouvernement qui fait du pouvoir d'achat une priorité, c'est assez paradoxal !

Je ne parle pas ici de personnes bénéficiant du bouclier fiscal ou de l’un de ces cadeaux aux plus riches que vous n’avez cessé de multiplier depuis 2007. Je parle des classes moyennes, qui sont les premières à souffrir de la baisse du pouvoir d'achat et des hausses de loyers enregistrées ces dernières années. Ce sont souvent des retraités et des personnes en fin de carrière, pas des nantis ou des privilégiés.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Nous avons limité l’augmentation des loyers !

Mme Annick Lepetit. Tous ces articles, dont les effets se cumulent, révèlent bien le fond de votre pensée : vous voulez pousser les ménages aux revenus les plus élevés à quitter le parc social, afin d'y concentrer les personnes ayant les revenus les plus faibles.

M. Olivier Carré. Pas « concentrer », accueillir !

Mme Annick Lepetit. C'est cette vision réductrice du logement social que nous combattons.

En voulant concentrer les plus pauvres dans le logement social, vous mettez en place une dangereuse logique de ghettoïsation. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mais non !

Mme Annick Lepetit. Vous tournez définitivement le dos à l'espoir du mieux vivre ensemble.

Par ailleurs la mixité doit être également territoriale et, à ce propos, je ne peux passer sous silence votre perpétuelle volonté de remettre en cause l'article 55 de la loi SRU.

M. Bruno Le Roux. Eh oui ! Dans la majorité il semble y avoir un concours d’idées à ce sujet !

Mme Annick Lepetit. Cette disposition n'est pas seulement un symbole, comme le prétend M. Daubresse, elle traduit aussi une politique d'aménagement du territoire. Cette fois-ci, les sénateurs ont repoussé votre offensive à la quasi unanimité.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Il faut voir comment !

Mme Annick Lepetit. J'ai bien noté que vous n'essayerez pas de faire passer au Palais-Bourbon ce qui a été rejeté avec force au Palais du Luxembourg. Toutefois, les déclarations de M. Copé sur le sujet sont étonnantes. En effet, en annonçant hier que le groupe UMP de l'Assemblée ne désirait pas revenir sur la décision du Sénat, il a précisé qu'un « dispositif serait pris par voie réglementaire pour encourager l'accession sociale à la propriété ». (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP.) Apprendre par voie de presse, avant même le début de l'examen du texte, que l'un des sujets les plus sensibles du projet sera traité par voie réglementaire, sans aucun contrôle parlementaire, a quelque chose de choquant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Carré. En réalité, vous êtes contre l’accession sociale à la propriété !

Mme Annick Lepetit. Le Parlement est le lieu du débat. On ne peut pas accepter que vous essayiez de faire passer par voie réglementaire ce qui est du domaine de la loi,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement et M. Michel Piron, rapporteur. Mais non !

Mme Annick Lepetit. …sous prétexte que votre majorité risque de ne pas vous suivre. Je vous demande donc de nous donner plus d'informations sur ce sujet et de fournir à la représentation nationale le contenu précis de ce futur dispositif.

En tout cas, s’il est une modification que l'on pourrait utilement apporter à l'article 55 de la loi SRU, ce serait l’augmentation des pénalités infligées aux maires qui refusent de construire des logements sociaux. Comment supporter en effet que certaines communes concentrent tous les logements sociaux, alors que leurs voisines refusent d'appliquer une loi qui les incite à faire preuve de solidarité ?

Par ailleurs, votre texte souffre d'un certain nombre de lacunes. Rien, par exemple, n'est prévu pour lutter contre les marchands de sommeil et la mobilisation dont vous parlez ne concerne apparemment pas les propriétaires de logements vacants.

M. Michel Piron, rapporteur. Des textes existent déjà !

Mme Annick Lepetit. La prévention des expulsions, voire l'accompagnement social des ménages en difficulté, n’est pas abordée et rien n'est proposé pour limiter les hausses de loyer, notamment au moment de la relocation.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je ne pense pas que ce texte sera capable, en l'état, d'apporter plus de réponses que les précédents à la grave crise que nous connaissons. Pour éviter que ce ne soit, une fois de plus, une loi pour rien et pour vous épargner, madame la ministre, d’avoir à nous proposer l'année prochaine une septième loi en sept ans, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Madame Lepetit, j’ai écouté attentivement votre intervention. Or vous avez critiqué avec force et pugnacité une politique qui n’est pas celle que le Gouvernement met en œuvre. Je ne reviendrai pas sur certains amalgames ; je vous laisse face à vos responsabilités et Mme la ministre aura l’occasion de rétablir la vérité des chiffres.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ceux du budget, par exemple !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout de même, vous ne manquez pas d’audace. N’oublions pas que c’est l’accumulation des manquements, d’où qu’ils viennent d’ailleurs, qui a provoqué cette situation dont il est difficile de sortir. Je regrette donc que vous critiquiez avec autant de force et de pugnacité une politique courageuse et efficace – je rappelle que le plan de relance nous permet de consacrer 1,8 milliard d’euros supplémentaires au logement –, en oubliant totalement les causes du retard que nous avons à rattraper. En effet, sans vouloir revenir sur le passé, force est de constater que votre politique est grandement responsable de la situation actuelle. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, mais ce retard était tellement important qu’il ne pouvait être rattrapé en sept ans.

Par ailleurs, outre que votre exposé m’a paru très dogmatique – mais c’est votre droit –, je m’étonne que vous n’ayez absolument pas évoqué, dans cette motion de renvoi en commission, les travaux de la commission des affaires économiques.

Mme Annick Lepetit. Vous avez mal écouté !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pourtant, ces travaux, auxquels vous avez participé et qui ont duré onze heures, nous ont permis d’avoir des débats de fond et d’éclaircir un certain nombre de problèmes. J’ajoute que la sous-commission chargée du logement, que M. Piron préside avec beaucoup de talent, a, quant à elle, travaillé soixante-sept heures sur ce texte. À elles deux, la commission et la sous-commission ont auditionné cinquante personnes. Je le dis, car il est important que l’on sache, au moment où l’on s’apprête à se prononcer sur le renvoi du projet de loi en commission, le travail accompli par la commission des affaires économiques.

Outre l’audition de Mme la ministre, les tables rondes que j’ai organisées et auxquelles ont notamment participé M. Bédier, président de l’UESL, ainsi que les responsables des promoteurs constructeurs et ceux de l’Union sociale pour l’habitat, ont été l’occasion de débats très approfondis. Et je ne me souviens pas que votre attitude ait été alors aussi critique qu’aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Même lorsque nous avons reçu M. Bédier ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il est vrai que, lorsque M. Bédier a été auditionné...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et je peux vous en citer d’autres !

M. le président. Monsieur Le Bouillonec, seul M. Ollier a la parole !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Le Bouillonnec, vous êtes libre d’interpréter ce qui s’est passé comme vous l’entendez.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ne dites pas que nous n’avons pas posé de questions !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous ne m’avez pas écouté. Je vous ai dit, au contraire, que nos échanges ont été très constructifs et que vous n’avez pas été, lors de ces débats, aussi critiques que vous l’êtes maintenant.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons été tout aussi critiques !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En tout état de cause, je ne peux pas considérer, en tant que président de la commission des affaires économiques, que le renvoi du texte en commission est justifié. Je demande donc à la majorité de voter vigoureusement contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame Lepetit, chers collègues de l’opposition, tous les arguments que vous avez développés depuis hier pour critiquer le projet de loi m’ont convaincu qu’il fallait légiférer d’urgence.

Par ailleurs, je regrette d’avoir entendu, dans la bouche de plusieurs d’entre vous – et je sais que vous connaissez bien les problèmes dont nous parlons – trop d’inexactitudes. Néanmoins, au cours du débat, nous pourrons rétablir, les uns et les autres, un certain nombre de vérités.

Vous nous proposez de renvoyer le texte en commission, mais, en l’espèce, trois commissions se sont penchées sur ce projet de loi. Nous avons accompli tous ensemble un travail enrichissant, fructueux et approfondi. Que vous critiquiez le texte, c’est votre droit, mais que, dans le même temps, vous approuviez une grande partie des propositions que j’ai faites au Premier ministre dans le cadre de mon rapport, cela me paraît paradoxal. En effet, certaines de ces propositions ont déjà été reprises dans le projet de loi, approuvées par le Sénat et d’autres font l’objet d’amendements que, vous comme nous, avons déposés et qui viendront enrichir encore le projet de loi.

Vous ne pouvez pas dire qu’il n’est pas urgent de mettre en œuvre le droit de préemption des préfets lorsque les communes sont réticentes, les commissions de prévention des expulsions, dont on ne cesse de parler depuis hier, ou les procédures d’intermédiation destinées à sensibiliser le parc privé aux objectifs sociaux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas votre texte, monsieur Pinte !

M. Étienne Pinte, rapporteur pour avis. Il me paraît donc urgent que nous entrions dans le vif du sujet et que nous légiférions. C’est la raison pour laquelle je suis hostile à cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. François Pupponi, pour le groupe SRC.

M. François Pupponi. Je compléterai le propos de Mme Lepetit, qui a très bien exposé les raisons pour lesquelles le projet de loi doit être renvoyé en commission, en revenant sur la réponse qu’a faite Mme la ministre aux orateurs inscrits dans la discussion générale.

Nous avons un problème de chiffres. Il faudrait, tout d’abord, que l’on sache exactement combien de logements ont été financés et combien ont été construits, car ce n’est pas la même chose. Or ce qui compte, pour le locataire, c’est de recevoir la clé de son logement. Combien de locataires ont-ils reçu, cette année, la clé d’un logement social neuf ? Ces chiffres, nous devons les connaître, pour que l’on sache de quoi l’on parle.

Par ailleurs, on s’est aperçu que, dans le budget de l’État pour 2009, voté par la majorité, il manquait, pour ce qui est du logement, un milliard d’euros par rapport à 2008. L’équation est simple ; nous la connaissons. Le budget ne finance plus l’ANRU qu’à hauteur de 14 millions d’euros seulement : les 700 millions manquants sont ponctionnés sur le 1 % logement. Si l’on ajoute les mesures relatives à l’ANAH, on arrive à un milliard.

Certes, vous pouvez additionner ces crédits et les comparer avec ceux de l’année dernière, mais si vous ôtez le financement de l’ANRU et celui de l’ANAH, il manque, par rapport à 2008, un milliard d’euros dans le budget de la mission « Ville et logement ». C’est purement mathématique ! Notre désaccord sur ces chiffres est une raison supplémentaire de renvoyer le texte en commission.

Troisièmement, je n’ai pas bien compris les explications de Mme la ministre en ce qui concerne la délicate question de la sous-occupation. Il est indiqué, à l’article 20 du projet de lo,i que, en cas de sous-occupation du logement, « le bailleur propose au locataire un nouveau logement ». Le problème est que vous avez tenu un discours bien différent à la tribune, madame la ministre, affirmant que chaque situation ferait l’objet d’un examen attentif. En ce cas, l’article 20 devrait préciser que le bailleur « peut proposer » un nouveau logement. Il y a une différence essentielle entre le projet de loi tel qu’il est rédigé, qui laisse penser qu’une obligation est mise à la charge du bailleur, et les propos que vous avez tenus, qui suggèrent une simple possibilité.

Quatrièmement, chacun a pu s’apercevoir qu’il y avait pratiquement unanimité, sur les bancs de la majorité, pour considérer que le surloyer n’est pas une bonne chose (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron, rapporteur. Vous allez un peu vite en besogne ! (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Pupponi. J’ai bien entendu M. Goujon, M. Balkany, M. Lamour et un certain nombre d’autres députés de la majorité nous expliquer que le surloyer n’était pas une bonne solution, ce qui correspond à notre position.

M. Michel Piron, rapporteur. Attendez que le débat ait lieu !

M. François Pupponi. Il paraît évident qu’il y a de quoi travailler sur le sujet, sans qu’il soit forcément nécessaire de trop modifier le texte comme cela a été le cas au Sénat, ce qui pourrait vous mettre en difficulté.

Cinquièmement, enfin, dans la mesure où l’État rajoute 350 millions d’euros, je me permets de ressortir une proposition relative à l’utilisation de ces crédits, que j’avais faite dans le cadre du plan de relance, et que M. Devedjian avait alors repoussée en m’invitant à la reformuler lors de l’examen de ce projet de loi. Il faut flécher l’utilisation de ces crédits si l’on veut pouvoir déterminer qui va en bénéficier. On nous dit qu’ils sont destinés aux communes capables de les dépenser dès 2009.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Oui, les communes qui sont prêtes à les dépenser !

M. François Pupponi. Comme d’habitude, il s’agit des communes les plus importantes, celles qui disposent des plus gros moyens. Acceptez-vous de discuter de l’utilisation de ces 350 millions d’euros afin de faire en sorte qu’une partie soit dirigée vers les communes les plus défavorisées ?

Pour toutes ces raisons, nous voterons le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai écouté avec attention Mme Lepetit, qui m’a donné l’impression de considérer que la situation du logement justifiait de prendre d’urgence un certain nombre de mesures en faveur de nos concitoyens confrontés à des difficultés dans ce domaine.

Nous n’avons pas de raisons de mettre en doute la bonne foi et la qualité du travail du président de la commission des affaires économiques et de nos collègues membres de cette commission, qui ont passé de nombreuses heures à préparer ce texte. Puisque nous avons, d’une part, d’importants problèmes à résoudre en matière de logement, d’autre part, un texte de nature à répondre aux difficultés rencontrées, il me semble qu’il ne serait pas logique de refuser de passer à l’examen des articles de ce text, sur lesquels nous avons, pour notre part, des amendements constructifs à proposer, de nature à l’améliorer. Ne pas s’en tenir à cette attitude positive serait illogique et constituerait, selon moi, un manquement à nos devoirs. Nous rejetons par conséquent cette motion de renvoi en commission, considérant qu’il est urgent de passer à l’examen du texte.

M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu pour le groupe UMP.

Mme Françoise de Panafieu. On pouvait espérer que, compte tenu de la gravité du sujet, chacun s’abstienne de donner dans la polémique ou la caricature. Mme Lepetit n’a, malheureusement, pas pu s’empêcher d’y recourir en faisant mine de se demander, par exemple, si Mme la ministre ne cherche pas à créer des ghettos. Entendre de tels propos est bien attristant.

M. Bruno Le Roux. C’est sûr, sans opposition, ce serait mieux !

Mme Françoise de Panafieu. Personne ne prétend que le logement soit un bien comme les autres : chacun a conscience qu’il s’agit d’un élément essentiel pour pouvoir mener une vie personnelle et familiale de façon harmonieuse, pour élever ses enfants, trouver sa place dans la ville où l’on habite. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le logement peut être privé pour ceux qui en ont la possibilité, mais il peut également être social, intermédiaire, ou relever du régime de l’accession à la propriété. Les plus démunis doivent, eux aussi, être accueillis le mieux possible parmi nous, au sein des villes.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, madame la ministre, nous voulons éviter que nos villes ne deviennent progressivement des lieux réservés aux plus aisés et aux plus aidés. Une ville est comme une famille : chacun doit y trouver sa place, toutes les catégories, toutes les générations doivent s’y sentir bien. C’est l’objectif que nous poursuivons.

Mme Annick Lepetit. C’est le pays des Bisounours !

Mme Françoise de Panafieu. Les propos tenus par les socialistes sont très étonnants quand on se souvient qu’à l’époque où M. Jospin était Premier ministre…

Mme Annick Lepetit. Ah !

Mme Françoise de Panafieu. …on ne construisait que 40 000 logements sociaux par an, alors que nous en sommes à 110 000 en 2008 ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Annick Lepetit. Vous en avez construit combien à Paris ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’État n’apporte pas un seul centime à leur financement !

Mme Françoise de Panafieu. Je vous rappelle également l’augmentation d’un tiers du plan d’hébergement depuis que nous avons voté la loi de cohésion sociale ; je m’en souviens très bien, puisque j’étais rapporteure de cette loi. Je ne peux pas non plus passer sous silence les 40 000 logements intermédiaires.

Quand je me souviens de ce qui était fait du temps des socialistes et que je vois les efforts que vous consentez pour répondre aux besoins de nos concitoyens, madame la ministre, c’est sans état d’âme que je rejetterai, comme mes collègues, cette motion de renvoi du texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce matin, jeudi 29 janvier, à neuf heures trente.

Suite de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 29 janvier 2009, à zéro heure cinquante-cinq.)