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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mercredi 11 février 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Alain Néri

. Réforme de l’hôpital

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Reprise de la discussion

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé

Rappel au règlement

Mme Catherine Génisson

Motion de renvoi en commission

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, Mme Marie-Lou Marcel, M. Jean-Luc Préel, M. Rémi Delatte, M. Jean-Paul Lecoq

Rappels au règlement

M. Jean-Marie Le Guen

M. Christian Paul

M. Jacques Domergue

Avant l’article 1er

Amendements nos 1028, 1026, 1561 (sous-amendement) , 1038

Article 1er

M. Jean-Luc Préel

Mme Marisol Touraine

Mme Catherine Génisson

Mme Michèle Delaunay

Mme Valérie Fourneyron

M. Patrick Roy

M. Jean-Paul Lecoq

M. Jean Mallot

M. Gérard Bapt

M. Michel Vergnier

Mme Marylise Lebranchu

M. Dominique Tian

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Alain Néri,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Réforme de l’hôpital

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 1210 rectifié, 1441, 1435)

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, après une discussion générale qui a été extrêmement riche, je tiens à vous féliciter…

M. Jean-Luc Préel. Merci !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …pour la qualité de ce débat, qui a été à la hauteur des enjeux.

Tout d’abord, je note un consensus autour du diagnostic : de Marisol Touraine à Yves Bur, de Jean-Marie Le Guen à Jean-Marie Rolland, nous sommes tombés d’accord sur le fait que le statu quo n’était pas tenable. Ce n’était pas si évident il y a seulement quelques mois : on fait comme si l’on enfonçait des portes ouvertes, comme s’il s’agissait là d’un lieu commun alors que, il n’y a pas si longtemps, certains répétaient à l’envi que nous avions le meilleur système de santé du monde, et qu’il ne fallait surtout rien changer.

M. Yves Bur. Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Pour traiter un malade, il faut au moins que l’équipe soignante partage le diagnostic. C’est le cas désormais. Bien entendu, il ne s’agit pas de tomber dans le catastrophisme : nous possédons un patrimoine de solidarité, de qualité, qu’il faut préserver. Jean Leonetti, avec sa hauteur de vue habituelle, a rappelé la démarche éthique du soignant ; n’allons pas tomber dans l’excès inverse. Mais il y a des ruptures dans notre système de santé, et il faut s’en occuper.

Dans ce diagnostic partagé, j’insisterai sur deux points d’accord fondamentaux, dont la seule existence, sur un sujet aussi complexe, représente en elle-même un réel « patrimoine » démocratique.

Accord, en premier lieu, sur la nécessité d’un pilotage régional, territorialisé. Bien entendu, chacun en imagine les modalités en fonction de sa philosophie propre. Mais il y a bel et bien eu accord, de Jacques Domergue à Marcel Rogemont, Jean Bardet et Valérie Fourneyron.

Accord ensuite sur la nécessité de mener une politique attractive pour la médecine générale et la médecine de premier recours. J’ai été frappée de n’entendre aucune critique contre le paquet global proposé par le Gouvernement dans ce domaine – qu’il s’agisse du « SROS ambulatoire », de l’ARS comme guichet unique des aides aux médecins, de la politique du numerus clausus, de l’examen classant national, de la nécessité des maisons de santé, qu’a rappelée André Chassaigne, des délégations de compétence dont a parlé avec talent Bérengère Poletti, de la définition de la médecine de premier recours. Sur aucun banc je n’ai entendu de critique du paquet présenté par le Gouvernement.

Mme Pascale Got. Quel paquet ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est donc là un patrimoine de débat sur lequel nous pouvons capitaliser.

M. Christian Paul. C’est habile, mais cela ne suffira pas.

M. Dominique Tian. Mais si !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Sur cette base, se sont exprimées un certain nombre d’interrogations, et c’est bien normal.

Premièrement, comment ce texte va-t-il s’articuler avec les travaux de la commission Marescaux ? (Ah ! sur les bancs du groupe SRC.) Jean-Marie le Guen, Bernard Debré, Jean-Louis Touraine, Catherine Vautrin ont évoqué cette question.

M. Christian Paul. C’est ce qu’on appelle un vrai consensus !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. La commission Marescaux a été constituée, à l’initiative du Président de la République, pour faire des propositions afin que les CHU répondent mieux à leur mission d’enseignement et de recherche. Ils ne sont pas les seuls à jouer ce rôle, mais ils en sont en quelque sorte les pilotes. Bien sûr, les CHU sont avant tout des établissements de soins. Il est donc normal que la gouvernance de l’hôpital que nous proposons dans ce texte s’impose aux centres hospitaliers universitaires.

Sans anticiper sur les conclusions de la commission Marescaux, il est probable qu’elle fera des préconisations financières, d’autres d’ordre réglementaire et peut-être d’autres encore de nature législative. (Ah ! sur les bancs du groupe SRC.)

Les premières trouveront leur place dans une loi de financement.

M. Christian Paul. Pourquoi pas une loi de programmation, qui sait ?

*Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Les mesures d’ordre réglementaire, comme peut-être un remodelage des missions d’enseignement, de recherche et d’innovation, pourront être proposées éventuellement, si le délai n’est pas trop court, lors d’une prochaine campagne tarifaire. Enfin, aurons-nous des propositions d’ordre législatif, seront-elles abouties ou nécessiteront-elles d’autres travaux ? Dans ce dernier cas, on pourrait imaginer un véhicule législatif spécifique, voire nouveau.

M. Christian Paul. Qu’est-ce qu’un véhicule législatif ? Un amendement au Sénat ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Si les propositions étaient suffisamment abouties et que le Parlement souhaite s’en saisir au moment de la discussion, bien entendu, avec ma collègue Valérie Pécresse, nous viendrions devant la commission de l’Assemblée…

M. Christian Paul. C’est dans l’hémicycle qu’il faut venir !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …car il n’est pas question que des mesures soient élaborées sans que vous ayez eu à en connaître.

M. Colombier et M. Tian ont soulevé la question du maintien du secteur privé à but non lucratif. Beaucoup d’entre vous sont très attachés à ce secteur qui, malgré son importance, ne disposait pas de réelle garantie juridique : il n’était défini que par ses compétences tarifaires, ou du moins son parallélisme tarifaire par rapport au secteur public. Certes, des établissements privés peuvent exercer des missions de service public. Par exemple, s’ils pratiquent des techniques chirurgicales de pointe, i lpeut être intéressant pour des étudiants d’aller s’y former, auquel cas ces établissements privés exercent alors une mission de service public d’enseignement. La simple notion de mission de service public n’est donc pas suffisante pour distinguer ces établissements. J’ai donc voulu, avec le ferme soutien du rapporteur, leur donner une sécurité juridique en créant la catégorie d’établissement de santé d’intérêt collectif.

M. Richard Mallié. Très bien.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Christiane Taubira, ainsi que Huguette Bello et Patrick Lebreton, ont insisté sur la spécificité de l’outre-mer. Vous savez, chère Christiane Taubira, que je me suis rendue en Guyane ; les particularités de ce territoire me sont bien connues et il n’est pas question pour moi de ne pas en tenir compte. Le seul fait de créer un pilotage régional de santé, avec des missions de prévention majeures, est une façon de prendre en compte ces spécificités ultramarines. Il faudra aller au-delà, j’en suis bien d’accord. Mais vous avez vous-même rappelé les axes que j’ai définis et à partir desquels je proposerai des dispositions concrètes en allant sur place présenter le plan santé outre-mer ;

Jean Proriol m’a interrogée sur la psychiatrie et il a bien fait. Au terme de la mission que je lui avais confiée, M. Edouard Couty m’a remis un rapport très intéressant. Nous en faisons l’analyse en vue d’un projet sur la psychiatrie qui aura une certaine ampleur et comportera en particulier la réforme, attendue, de l’hospitalisation dite sous contrainte. Des mesures très concrètes en faveur de la psychiatrie ont déjà été prises dans le cadre du plan de relance.

J’enregistre donc que nous portons un diagnostic partagé, qui donne cependant lieu à certaines interrogations et à un vrai débat. Il y a bien eu accord sur le paquet de mesures incitatives proposé par le Gouvernement. Mais nous avons eu également une vraie discussion, largement transversale au demeurant, sur ce que, pour faire simple, j’appellerai les mesures coercitives.

Mme Catherine Génisson. Dites la régulation !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. On a donc entendu des avis très divers, et sur tous les bancs.

M. Christian Paul. C’est pourtant ce que veut le Président de la République. La presse le dit depuis trois semaines.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Face à Marc le Fur et Michel Vergnier, Jean-Pierre Door, Vincent Descoeur ou Jacques Domergue se sont exprimés avec beaucoup de talent contre de telles mesures. Certains, comme Jean-Claude Florry, ont émis l’idée de mesures coercitives, mais temporaires, pour résoudre un problème très ponctuel.

M. Richard Mallié. Très temporaires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je le dis clairement : je ne crois pas aux mesures coercitives. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) D’abord, elle sont injustes : j’observe que ceux qui les proposent ne le font que pour les jeunes. Or on ne peut envisager de mesures qui ne procèderaient pas d’une solidarité intergénérationnelle . Ensuite, elles sont inefficaces : en situation de ressource médicale particulièrement riche, peut-être le principe d’une carte d’installation pourrait-il intéresser les médecins ; mais, qu’on le critique ou qu’on le regretter, toujours est-il que, avec le numerus clausus en première année, nous en sommes à des générations de 3 500 médecins, et nous n’en retrouverons pas de suffisamment fournies au regard des besoins avant 2025. Dans ce contexte concurrentiel, si nous prenons des mesures coercitives, les jeunes médecins iront ailleurs. Injustes, ces mesures seront donc, de surcroît, inefficaces.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je suis donc très clairement contre.

Au cours du débat, d’autres inquiétudes, également légitimes, se sont exprimées. Daniel Spagnou se demande ainsi si les communautés hospitalières de territoire ne risquent pas de « démailler » le réseau hospitalier. Nous sommes très fiers, à juste titre, d’avoir le maillage hospitalier le plus dense du monde. Cela explique d’ailleurs que nous ayons les dépenses hospitalières les plus élevées du monde.

M. Jean-Marie Le Guen. Ne dites pas n’importe quoi !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je considère cela comme une chance, mais à condition de mutualiser un certain nombre de moyens, de mettre en place une gradation des soins, d’avoir des communautés hospitalières de territoire structurées autour d’un projet médical. La communauté hospitalière de territoire représente d’ailleurs une véritable sauvegarde pour l’hôpital de proximité. C’est lorsque la population qui devrait normalement le fréquenter présente ce que nous appelons un « taux de fuite » vers d’autres établissements qui peut atteindre 90 % que l’hôpital de proximité est menacé. La mutualisation, au contraire, sera le moyen de sauvegarder la qualité, et par le fait son existence. Je souhaite que cette démarche soit volontaire, car c’est dans ces conditions qu’elle réussira. Ce sera aux établissements de choisir entre une structure fédérative ou une démarche d’intégration, autrement dit une structure juridique unique.

Toutefois, si nous devions rencontrer une grosse difficulté, je ne m’ interdis pas de rendre les choses obligatoires. Cela resterait exceptionnel, mais la structure de la communauté hospitalière de territoire pourrait permettre de résoudre un problème lourd, qu’il soit d’ordre financier ou lié à la ressource médicale.

Fondée sur une démarche volontaire, la communauté hospitalière de territoire répond, en fait, à la volonté de sauvegarder l’hôpital de proximité et la qualité des soins.

Je souhaite rassurer, avec beaucoup de force, les orateurs qui ont fait part d’une autre inquiétude. En effet, je partage l’avis de ceux et de celles d’entre vous qui m’ont dit que l’hôpital n’était pas une entreprise. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC.) L’hôpital est bâti autour d’un projet médical, et nos dépenses hospitalières sont financées grâce à un système fondé sur un très haut niveau de solidarité, inégalé dans le monde. Notre assurance maladie prend en charge 92 % des dépenses hospitalière ; nulle part on ne retrouve un pareil taux.

Toutes nos propositions relatives à la nouvelle gouvernance s’articulent autour d’un projet médical…

Mme Catherine Génisson. C’est faux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …et du rôle prééminent des docteurs dans le milieu hospitalier. La place des médecins et, plus largement, celle du personnel soignant est consacrée par le projet de loi. Bien entendu, la réforme des pôles ne fait pas disparaître les services qui constituent toujours le niveau de la prise en charge. Ainsi, la mutualisation de certaines fonctions, par exemple pour la prise en charge des polypathologies, n’empêche pas le service de rester l’unité fonctionnelle de prise en charge du soin. Le pilotage des pôles est médical, sous l’autorité du chef de pôle. Quant au président de la commission médicale d’établissement, la CME, il devient vice-président d’un directoire majoritairement composé de médecins. Voilà le projet que je veux mettre en place pour l’hôpital : une bonne gestion au service d’un projet médical.

Pour répondre à l’interrogation, légitime, de Jean-Luc Préél et de Claude Leteurtre, il n’y a pas de risque de « technocratisation ». La « technocratisation », ce serait la primauté des procédures, la dilution des responsabilités et l’absence de décisions. Or la réforme que je vous propose repose précisément sur la liberté, l’autonomie de gestion, la responsabilité des acteurs – directeurs, président ou présidente de CME et chefs de pôles – autour d’un projet commun.

Malheureusement, au-delà des inquiétudes que je viens d’évoquer, des polémiques sont venues largement brouiller le débat, au risque, si nous n’y prenons garde, de nous entraîner sur de fausses pistes. Comme souvent, elles portent sur l’hôpital. Opposer la question de l’organisation et celle des moyens nous empêche de prendre nos responsabilités. En fait, il faut des moyens et de l’organisation.

Alors que nous vivons en période de crise, des ressources nouvelles ont bien été consacrées à l’hôpital. Ainsi, le taux de l’ONDAM hospitalier a été fixé à 3,1 %. Je souligne qu’il n’est pas anormal que les dépenses de villes augmentent plus rapidement que celles de l’hôpital,…

M. Gérard Bapt et M. Jean-Marie Le Guen. Ah bon !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …même si ces dernières ont considérablement progressé. Pourquoi ? Mais parce que, grâce à la médecine moderne, les prises en charge en médecine ambulatoire ne font que croître.

M. Jean-Marie Le Guen. Et pas les prises en charge hospitalières ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il s’agit d’un élément de progrès.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est décidément un réquisitoire permanent contre l’hôpital !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Il y a cinquante ans, la découverte des antibiotiques a vidé les sanatoriums et les hôpitaux qui soignaient la tuberculose.

M. Jean-Marie Le Guen. On est plus en 1950 !

M. Gérard Bapt. Ni chez le docteur Schweitzer à Lambaréné !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Aujourd’hui, la prise en charge du SIDA comme du cancer peuvent souvent se faire en ambulatoire.

Par ailleurs, le déficit n’est pas une fatalité. Comme le montre les comptes de la sécurité sociale – ces chiffres sont vérifiables –, 54 % des établissements publics hospitaliers sont en excédent,…

M. Gérard Bapt. Cela ne va pas durer !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …et 7 % d’entre eux concentrent 80 % des déficits, y compris dans les CHU.

M. Jean-Marie Le Guen. Ces chiffres sont biaisés, nous le démontrerons !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Certains établissements sont en excédent, ou connaissent un déficit très faible – ainsi l’hôpital de Toulouse –, alors que cinq CHU concentrent 60 % des déficits.

Bien sûr, dans le secteur hospitalier, l’emploi subit des ajustements car les hôpitaux évoluent,…

M. Jean-Marie Le Guen. Comme la tuberculose, la diphtérie ou le tétanos !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …mais globalement, l’emploi est sauvegardé. En fait, le niveau du personnel hospitalier ne cesse de croître. Ainsi, de 2000 à 2008, l’emploi hospitalier a cru de 11,4 % –chiffre parfaitement vérifiable. En 2008, le niveau global de l’emploi hospitalier a augmenté, et il progressera encore en 2009. Depuis deux ans, 5 200 emplois ont été créés dans les services d’urgence.

Je ne peux pas laisser dire que la tarification à l’activité restreint la ressource hospitalière ; elle la redistribue selon des critères de justice. Finalement, les établissements qui ont tiré un bénéfice de cette mesure sont plus nombreux que sont qui y ont perdu.

M. Dominique Tian. C’est juste !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je ne laisserai pas dire, non plus, que le progrès médical génère forcément des surcoûts. Certes, les plateaux techniques deviennent plus sophistiqués et plus coûteux. Cependant, il faut compter avec un autre phénomène global : si le soin – the cure, comme disent les Anglais – augmente, la prise en charge – the care – ne cesse de diminuer. Ainsi, la chirurgie du neurinome du nerf acoustique qui nécessitait une opération par trépanation, plusieurs mois d’hospitalisation, et une rééducation extrêmement longue, se limite désormais à une opération de six heures. Pour la pose de valves cardiaques, grâce à la technique de l’endoscopie, deux jours d’hospitalisation suffisent aujourd’hui quand il en fallait quinze auparavant.

M. Jean-Marie Le Guen. Et vous les remboursez à quelle hauteur, madame la ministre ? Parlons un peu de cela !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Des perspectives considérables sont ainsi ouvertes par les progrès de la médecine.

M. Gérard Bapt. Ce sont déjà des réalitéq !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. En conséquence, je refuse les fausses polémiques. Il faut donner des moyens supplémentaires à l’hôpital, nous le faisons…

M. Jean-Marie Le Guen. Mais, madame la ministre, tous vos arguments s’y opposent !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …il faut organiser l’hôpital, c’est ce à quoi nous nous attachons.

La nécessité de la prévention a été soulignée sur tous les bancs, et je pense aussi bien aux interventions de Valérie Boyer et de Paul Jeanneteau qu’à celles de Mme Billard ou de M. Le Guen.

Le Président de la République…

M. Michel Vergnier. Sommes-nous obligés de parler de lui ce soir !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …nous a fixé, dans ce domaine, des objectifs extrêmement ambitieux. Nous consacrons 7 % de nos dépenses de santé à la prévention ; ce n’est pas assez. Il nous a demandé d’augmenter de 50 % les moyens consacrés à cette politique.

M. Patrick Roy. Il papote beaucoup, le Président !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Certains ont regretté que le volet prévention du projet de loi ne soit pas plus important, mais je souligne, à l’attention du rapporteur pour avis, André Flajolet, que les agences régionales de santé sont, en elles-mêmes, un outil de prévention (Rires sur les bancs du groupe SRC).

Mme Michèle Delaunay. C’est sûr qu’avec ça, on va faire 7 %...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Elles permettront de faire coller nos politiques de santé publique aux réalités du terrain. En effet, je ne crois pas aux politiques de prévention qui tombent d’en haut, et les élus du Nord-Pas-de-Calais savent bien que les politiques de santé ne peuvent pas être menées sur leur territoire de la même manière qu’en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

J’ajouterai que ce projet de loi contient des mesures fortes en matière de prévention : l’éducation thérapeutique est consacrée dans le code de la santé publique, et des dispositions concernent l’alcool et le tabac. J’ai également indiqué à Valérie Boyer, dont l’intervention concernant l’obésité était très intéressante,…

Mme Catherine Génisson. C’est vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …que nous pourrions avancer sur le sujet lors de l’examen de ce texte grâce à des amendements. Nous tiendrons également compte des propos de Paul Jeanneteau sur les addictions immatérielles : autant de nouveaux défis, que nous devrons affronter avec lucidité.

Il faut que nous considérions la situation d’un point de vue global. Des mesures financières ont été prises dans la loi de financement de la sécurité sociale, et aujourd’hui nous examinons un projet de loi d’organisation qui sera suivi d’autres textes, probablement sur les CHU et sur la psychiatrie. Comment ne pas comprendre que les extraordinaires évolutions de la médecine nous amènerons à nous poser des questions sur les métiers, et en particulier ceux de l’hôpital ?

Je veux accompagner ces réformes profondes. Dans quelques semaines, aboutira celle du LMD, très attendue par les infirmiers et les infirmières et par toutes les professions médicales – comme les sages-femmes – et paramédicales. Il convient de mener à bien ces évolutions pour revaloriser ces métiers et pour leur donner la souplesse et la capacité d’adaptation qui permettront aux personnels d’avoir d’autres perspectives et d’être mieux adaptés à des besoins qui seront en considérable évolution.

Enfin, le travail de révision de la loi de santé publique, et de ses cent indicateurs, commencera dans quelques semaines, après l’examen de ce projet de loi, pour aboutir en 2010.

Pour conclure, je soulignerai que nous n’en sommes qu’au début de nos efforts. Chacun des sujets que nous avons abordé pose des problèmes éthiques considérables, comme nous le rappelait Jean Leonetti que je remercie d’avoir accepté d’animer des travaux sur la révision de la loi bioéthique. Les prises en charge vont changer, comme la relation du personnel soignant avec les malades : c’est tout l’enjeu de la réflexion qui vient de commencer sur la révision de loi de bioéthique, à laquelle je vous invite à participer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.

M. Jean Mallot. Ce bref rappel au règlement se fonde sur l’article 58 de notre règlement.

Je ne demanderai pas à Mme la ministre la définition juridique du « véhicule législatif », nous y reviendrons. En revanche, je m’interroge sur une question relative aux travaux qui nous ont réunis, il y a quelques semaines, au sujet du redécoupage des circonscriptions législatives.

M. Michel Vergnier. C’est intéressant !

M. Jean Mallot. J’aurais sans doute dû faire ce rappel au règlement en début de séance, mais je ne l’ai pas souhaité, par courtoisie envers Mme la ministre qui répondait aux orateurs inscrits dans la discussion générale.

Mes chers collègues, nous avons voté une loi qui autorise le Gouvernement à travailler au redécoupage.

M. Richard Mallié. Quel est le rapport avec le projet de loi ?

M. Jean Mallot. Une commission est chargée de cette tâche, des propositions de redécoupage ont été demandées aux préfets, le travail est en cours. Or, le secrétaire d’État Alain Marleix se comporte comme si les décisions étaient déjà prises. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Lefranc et Mme Bérengère Poletti. Cela n’a rien à voir avec le sujet !

M. Jean Mallot. Ce matin, en Auvergne, sur les ondes de France Bleu Pays d’Auvergne, M. Marleix a annoncé que l’Allier compterait une circonscription de moins, et que celle du député Jean Mallot disparaîtrait. Il a ajouté que le redécoupage des nouvelles circonscriptions se fera sur le périmètre des arrondissements. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Puisque le travail est terminé et que M. Marleix a déjà décidé de tout, je me demande bien à quoi a pu servir le projet de loi que nous avons voté, et à quoi va servir la commission en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Mallot, j’ai peur que nous ne soyons pas vraiment au cœur du sujet. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, nous sommes l’Assemblée nationale !

M. Patrick Roy. Et heureusement que Mallot est là !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, comme l’a souligné Jean-Marie Rolland, l’enjeu des ARS, au-delà des textes et des mécanismes, sur lesquelles je reviendrai, est bien de mettre fin au cloisonnement entre les différents acteurs qui contribuent à la santé de nos concitoyens, et d’assurer une véritable imprégnation réciproque des cultures sanitaire et médico-sociale.

Dans le même esprit, Mme Bérangère Poletti a souligné l’importance non seulement de préserver les acquis du secteur médico-social en termes d’approche personnalisée ou du rôle privilégié des usagers et des associations, mais aussi d’en faire également bénéficier le champ sanitaire. Le vieillissement de la population n’est pas seulement un défi pour le secteur médico-social, c’est aussi un défi pour l’hôpital.

Pour mettre enfin en œuvre cet objectif de décloisonnement, le principe de la création des ARS fait dorénavant consensus sur les bancs de votre assemblée, et je m’en réjouis. J’ai notamment entendu Mme Génisson et M. Rogemont en reconnaître la nécessité.

M. Domergue et M. Spagnou ont souligné tout l’intérêt que présente, pour répondre aux besoins de santé d’une population vieillissante, la réorientation de l’activité des hôpitaux de proximité vers le champ médico-social. Pour accompagner ce mouvement qu’impose la démographie, il faut rassembler, dans une main unique, l’ensemble des enveloppes et réaliser les transferts financiers nécessaires. C’est précisément ce que permettra la création des ARS.

Mme Ameline a bien montré combien la création de ces nouveaux établissements médico-sociaux, destinés à faire face à des besoins considérables, était également un facteur de dynamisme pour notre économie, dans la mesure où elle est porteuse de créations massives d’emplois, qui plus est harmonieusement répartis sur l’ensemble du territoire et par définition non délocalisables. Cette année, par exemple, le champ médico-social créera plus de 20 000 emplois, pour répondre à des besoins démographiques et augmenter les moyens en personnels, notamment dans les maisons de retraites.

À cet égard, le secteur médico-social n’est pas le petit Poucet des ARS : prise dans sa globalité, l’enveloppe médico-sociale sera l’enveloppe la plus importante directement gérée par les ARS. Ce secteur représente en effet 700 000 emplois et plus d’un million de places pour personnes âgées et handicapées.

M. Préel s’est interrogé sur l’opportunité de l’intégration du champ du handicap dans les ARS et il a exprimé certaines réserves sur ce point. Nos politiques publiques sont orientées vers la gestion décloisonnée des champs du handicap et de la dépendance des personnes âgées. Même si j’ai pu apprécier la logique de sa démonstration, il n’en demeure pas moins qu’il aurait été contre-productif de séparer les deux secteurs. De façon très concrète, c’est bien par l’intégration à l’ARS que pourra s’accélérer la démarche de prise en charge dans des structures médico-sociales adaptées des personnes atteintes de pathologies psychiques stabilisées, pour lesquelles l’hôpital psychiatrique n’est pas forcément la solution la plus adaptée.

M. Mothron a souligné tout l’intérêt que présente le remplacement de la procédure actuelle des CROSMS par les appels à projets. En effet, actuellement, les promoteurs des projets ne savent pas, au moment où ils les déposent, s’ils s’inscrivent ou non dans la réponse aux besoins des personnes âgées ou handicapées. Même lorsqu’ils obtiennent l’avis favorable du CROSMS, les projets ne sont pas assurés d’être retenus et financés par l’autorité publique compétente. La confusion actuelle du dispositif avec ces listes d’attentes sans fin et sans perspective, loin de favoriser l’expression de la capacité d’initiative, enferme et limite celle-ci dans un ensemble d’incertitudes et d’opacités peu satisfaisant.

L’appel à projets deviendra, au contraire, la procédure finale d’une démarche cohérente : les besoins seront d’abord évalués dans le cadre de la conférence régionale de santé, à laquelle seront associés tous les acteurs, puis la programmation pluriannuelle des moyens sera déterminée dans le cadre des programmes régionaux d’accompagnement pour les personnes âgées et handicapées.

La procédure d’appel à projets, qui interviendra sur la base des besoins déterminés collectivement et des moyens disponibles, permettra de sélectionner et de financer sans délai les projets présentant la meilleure réponse aux besoins, au meilleur coût pour les usagers et la collectivité. Le gain de temps sera considérable, alors que des milliers de projets attendent aujourd’hui des années avant d’être mis en œuvre. Les projets pourront être comparés entre eux sur la base d’un cahier des charges clair, qui permettra de sélectionner le mieux disant.

Certains craignent que l’innovation ne s’en trouve pénalisée. À mon sens, il n’en sera rien. En effet, dans le domaine de la recherche, de l’enseignement et de la culture, les appels à projets sont une procédure courante et ils n’ont jamais empêché l’émergence de l’innovation, bien au contraire. Aujourd’hui, il est souvent impossible de présenter un projet innovant, qui consisterait à créer, par exemple, une véritable plateforme de services associant des services de téléassistance, une unité d’hébergement Alzheimer, une structure d’accueil de nuit ou de jour et un service de soins infirmiers à domicile. Avec Roselyne Bachelot, nous voulons que, demain, cela soit possible, car ces structures globales sont celles des établissements du XXIe siècle. De même, pour ce qui est de l’autisme, les promoteurs doivent pouvoir explorer de nouvelles approches de prise en charge.

Je ne suis pas certaine qu’il soit opportun de réserver, dans la loi, une procédure spécifique aux appels à projets innovants, puisque le cahier des charges des appels à projets, qui sera défini par décret, fera l’objet d’une large concertation des acteurs – je m’y engage – et permettra, dans tous les cas, de proposer des offres innovantes. Mais je suis bien entendu ouverte à la discussion sur ce point sensible.

À propos de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, M. Colombier a souligné l’importance de la permanence des soins et du maillage du territoire par la médecine de ville, afin de permettre, le plus souvent possible, le maintien à domicile, qui est un objectif de premier rang de nos politiques publiques. Il a par ailleurs rappelé, à juste titre, combien il est important, pour la collectivité et pour les personnes âgées, que ce soit en termes sanitaires, humains ou financiers, d’éviter le passage aux urgences, souvent si traumatisant.

À cet égard, la création des ARS n’est certes pas une solution miracle qui résoudra tous les problèmes comme par magie, mais elle offre incontestablement l’opportunité de bénéficier enfin d’une vision cohérente de l’ensemble des dispositifs de prise en charge, aujourd’hui éclatés entre de multiples instances de décision. Ainsi, le développement de politiques de prise en charge par filière, pour la maladie d’Alzheimer par exemple, pourra faire l’objet d’une réflexion dans le cadre des agences.

De nombreux parlementaires ont fait des propositions pour doter l’ARS d’outils permettant d’orienter l’installation des professionnels de santé vers les zones les moins bien dotées, y compris en réduisant l’installation dans les zones définies comme « surdenses ». Ainsi que nombre d’entre vous l’ont souligné, enrayer le développement des déserts médicaux et paramédicaux dans les zones rurales et dans les zones urbaines sensibles est une véritable nécessité. Élue du Nord, je suis très sensibilisée à cette question, puisque, dans ma région, les effectifs de médecins spécialistes ou d’infirmiers sont souvent inférieurs de moitié à la moyenne nationale, de sorte qu’il n’est plus possible de faire face notamment aux phénomènes liés au vieillissement.

Enfin, et cela m’amène à sortir quelque peu du secteur médico-social, je souhaite remercier Nicole Ameline et Bérangère Poletti pour leurs interventions en faveur d’une meilleure prise en charge de la contraception. Permettez à la secrétaire d’État aux droits des femmes que je suis de se féliciter de la vigilance des parlementaires sur ce sujet, qui reste toujours d’une brûlante actualité et sur lequel je sais que ma collègue Roselyne Bachelot reste entièrement mobilisée.

En conclusion, le titre IV du projet de loi et les agences régionales de santé englobent l’ensemble de la politique médico-sociale, laquelle représente un million de places en établissement et dans les services, ce qui est considérable. Grâce à cet outil qui permettra de tenir compte de la réalité de chaque territoire, le maillage du territoire national sera le plus équitable et le plus adapté possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je sais que cette question a déjà été évoquée par ma collègue Marisol Touraine, mais je souhaite y revenir, car j’y vois un argument supplémentaire en faveur du renvoi du projet de loi en commission, que Mme Fraysse va défendre dans quelques instants. De surcroît, la réponse de Mme la ministre ne nous a pas du tout rassurés.

Il est en effet profondément choquant que le volet concernant les CHU ne figure pas dans ce projet de loi relatif à l’hôpital et à la santé publique. Le Gouvernement a d’ailleurs pris la fâcheuse habitude de désigner, au moment où il présente un texte au Parlement, une commission non parlementaire – en l’occurrence présidée par M. Marescaux – chargée de faire des propositions sur un sujet qui concerne ce texte au premier chef.

Madame la ministre, nous sommes d’autant plus préoccupés que le volet dont il s’agit est extrêmement important, puisqu’il concerne la recherche. Or, nous savons que la thèse selon laquelle la recherche devrait être détachée des CHU pour être réintégrée dans le droit commun du système universitaire français a les faveurs du Président de la République. En tout état de cause, nous ne pouvons pas continuer à débattre d’un projet de loi qui va décider de l’avenir de l’hôpital – l’hôpital public en général et les CHU en particulier, puisque vous nous avez indiqué que les dispositions relatives à la gouvernance et à l’organisation des hôpitaux s’appliqueraient également à ces derniers –, sans savoir quel sera l’avenir de la recherche, qui est une des missions fondamentales des CHU – lesquels doivent également, je le rappelle, soigner tous les patients, assurer les urgences ainsi que les soins de recours et former les futurs praticiens.

Vous nous avez répondu à plusieurs reprises que, le moment venu – autrement dit dans un certain temps –, vous vous appuieriez sur un « véhicule législatif adapté ». Pouvez-vous nous indiquer, une fois pour toutes ce que vous entendez par là : s’agit-il d’amendements au projet de loi que vous déposerez lors de son examen au Sénat ou d’un projet de loi à part entière, dont nous pourrions débattre ?

On nous parle d’une extension des droits du Parlement, mais, une fois de plus, nous examinons un projet de loi qui fait l’objet d’une déclaration d’urgence et qui est amputé d’un de ses volets, amené à suivre un cheminement particulièrement obscur. Il est encore temps de nous répondre, madame la ministre, puisque nous n’avons pas examiné la motion de renvoi en commission. Au reste, celle-ci sera peut-être adoptée, car, pour le coup, ce serait particulièrement justifié. Madame la ministre, j’attends votre réponse.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je pense avoir été particulièrement claire mais, si vous le souhaitez, je peux répéter ce que j’ai dit tout à l’heure, monsieur Ayrault.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il n’était pas là !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Dans ce cas, je le fais volontiers.

M. Jean-Marc Ayrault. Si, j’étais présent !

M. Jean Mallot. Il était là, mais il n’a pas compris : vous avez pas été capable de lui expliquer !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Tout d’abord, je rappelle que les CHU sont d’abord des établissements de soins. Il est donc normal que ce texte qui vise à améliorer l’organisation des hôpitaux s’applique également aux centres hospitaliers universitaires. Quant à leurs missions d’enseignement et de recherche, le Président de la République a souhaité qu’une commission puisse y réfléchir. Cette commission ayant entamé ses travaux il y a quelques jours, il est évidemment encore beaucoup trop pour savoir quelles seront ses préconisations. Quoi qu’il en soit, je le répète, les dispositions du texte s’appliquent parfaitement aux centres hospitaliers universitaires.

Quel type de mesures pourrait être préconisé ? Ce pourrait être des mesures d’ordre financier, qui n’auraient donc pas leur place dans un texte d’organisation.

M. Jean-Marie Le Guen. Si, madame !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Ce pourrait être également des mesures réglementaires, notamment un remodelage de ce que l’on appelle les MERI, les missions d’enseignement, de recherche et d’innovation,…

M. Jean-Marie Le Guen. Trois fois rien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …qui pourraient intervenir lors d’une prochaine campagne tarifaire. Il pourrait également y avoir des mesures législatives, plus ou moins abouties. Si le Parlement souhaitait se saisir d’un certain nombre de préconisations de la commission – on ne donne pas d’ordres au Parlement –…

M. Jean-Marie Le Guen. Non, mais le Président de la République en a donné, des ordres : la lettre de mission est très claire !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. …ces dispositions pourraient être examinées au Sénat et nous viendrions, avec Mme Pécresse, devant les commissions compétentes.

M. Jean-Marie Le Guen et Mme Marisol Touraine. C’est rassurant !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Qu’est-ce qu’un véhicule législatif adapté ? Si ce texte n’était pas suffisamment abouti – ce qui est possible, voire probable –, nous pourrions recourir soit à un véhicule législatif spécifique, c’est-à-dire à une loi consacrée à la recherche et aux CHU (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC)

Mme Marisol Touraine. Qui serait examinée par l’Assemblée nationale ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Évidemment.

M. Jean-Marie Le Guen. A la saint Glinglin !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Nous verrons bien où en sera la commission Marescaux et si elle émet des propositions de nature législative.

Mme Marisol Touraine. Vous êtes en train de nous empapaouter !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je vous en prie, madame Touraine, épargnez-nous les vulgarités !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous nous abusez !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Pas du tout. Nous pourrions, disais-je, recourir soit à un véhicule législatif spécifique, soit à un autre texte sanitaire pour porter ces mesures. Encore faut-il savoir à quel moment elles seront abouties.

Pour conclure, je précise aux députés qui m’ont posé beaucoup de questions, que je ne leur ai pas répondu de manière exhaustive, mais que je prendrai le soin, lors de la discussion des articles, de répondre personnellement à chacune et à chacun d’entre vous, en abordant l’ensemble de vos observations. Je veux en effet, comme j’en ai l’habitude, être le plus complète possible.

Mme Catherine Génisson. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58-1 de notre règlement. Votre réponse ne nous satisfait pas du tout, madame la ministre.

M. Patrick Roy. Oh que non !

Mme Catherine Génisson. J’ai été missionnée par mon groupe politique pour faire partie de la commission Marescaux – et, de fait, j’en suis membre.

M. Dominique Tian. Vous n’êtes pas la seule ! Notre collègue Bernard Debré en fait partie aussi !

Mme Catherine Génisson. Cette commission dont la création, à l’initiative du Président de la République, a fait l’objet d’une large publicité,…

Mme Jacqueline Fraysse. Comme d’habitude !

Mme Catherine Génisson. …a pour mission d’émettre des propositions relatives à l’avenir des centres hospitalo-universitaires sur les trois volets soins, formation et recherche.

M. Richard Mallié. On va voter sur la motion de renvoi en commission Marescaux ?

Mme Catherine Génisson. Je veux rappeler qu’en juillet dernier, une première version du projet de loi HPST comprenait tout un chapitre consacré aux centres hospitalo-universitaires – chapitre qui a, depuis, disparu de façon inexplicable.

Notre président de groupe s’est exprimé sur la forme. Sur le fond, il me paraît inimaginable de traiter de la réforme de l’hôpital sans aborder la question des centres hospitalo-universitaires, qui jouent un rôle tout à fait structurant dans l’organisation de notre système de santé.

Mme Marisol Touraine. Ils sont au cœur du système !

Mme Catherine Génisson. Il est évident que les centres hospitalo-universitaires ne sont pas en lévitation au-dessus du système de santé ! D’ailleurs, quand vous avez évoqué le sujet des communautés hospitalières de territoires, vous êtes allée de l’hôpital local au centre hospitalo-universitaire, ce qui montre bien que le sujet des CHU a vocation à être complètement intégré dans la discussion de ce projet de loi.

J’en veux pour preuve l’article 1er du projet de loi, portant réforme de l’article L. 6112-1 du code de la santé publique. Il y est notamment précisé que les établissements de santé peuvent être appelés à participer à l’enseignement universitaire et post-universitaire, ainsi qu’à la recherche en santé. Vous avez, en cet article 1er, disséqué de façon très intelligente les missions de service public, qui peuvent être confiées au secteur privé. Comment peut-on traiter de ces sujets avant d’avoir pris connaissance des résultats de la commission Marescaux ?

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme Catherine Génisson. Vous nous dites que l’on pourra prendre certaines dispositions, notamment financières, par voie réglementaire, à moins que ce ne soit par une loi. Tout cela, madame la ministre, nous donne vraiment l’impression que vous faites peu de cas de la qualité – pourtant présumée – des propositions de la commission Marescaux.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous parvenons au terme de la discussion générale sur ce texte – un texte qui, de toute évidence, n’est pas à la hauteur des attentes et, finalement, pose davantage de problèmes qu’il n’en résout.

Il fait partie des préoccupations exprimées par nos concitoyens lors de la grande journée de mobilisation du 29 janvier dernier. Vous avez dû voir que, parmi les présents ce jour-là, nombreux étaient celles et ceux qui réclamaient le retrait de ce projet de loi. Car si nul ne conteste la nécessité de revisiter notre système de prévention et de soins pour mieux l’adapter aux défis nouveaux, chacun voit bien le caractère dangereux de ce texte, inscrit dans une démarche comptable de réduction drastique des moyens publics. Niant les problèmes liés au manque de moyens, vous centrez tout votre discours sur les problèmes d’organisation.

Curieusement, les professionnels de santé, les directeurs d’hôpitaux et les équipes hospitalières auraient, selon vous, majoritairement glissé vers une désorganisation très préjudiciable, une sorte d’épidémie désorganisatrice qui frapperait soudain le milieu sanitaire et social et que votre texte aurait pour objet d’enrayer.

Permettez-moi de dire ici que les dysfonctionnements en question sont, pour l’essentiel, la conséquence de choix politiques délibérés, notamment le nombre insuffisant de personnel soignant formé, et singulièrement de médecins, avec un numerus clausus scandaleusement bas depuis des années ; l’empilement de réformes successives, parfois contradictoires, sans qu’aucune évaluation sérieuse ne soit menée, avec, en prime, l’autoritarisme des ARH conduisant à des fermetures massives de lits, de services, de maternités et d’hôpitaux – plus de 100 000 lits ont ainsi été supprimés en dix ans ; enfin, la mise en place de la T2A, généralisée à marche forcée et assortie de la fameuse convergence tarifaire – une convergence qui fait surtout converger les capitaux et les dividendes vers le privé, en attendant que ces messieurs dames décident d’investir ailleurs que dans la santé si le marché le commande – ce qui poserait d’ailleurs, le cas échéant, un sérieux problème.

La convergence tarifaire que vous appelez de vos vœux ne s’accompagne pas d’une convergence d’obligations, ce qui explique les 900 millions de déficit enregistrés en 2008 pour les hôpitaux publics, malgré les réductions drastiques de personnels qui leur sont imposées et les conduisent à travailler à flux tendu, à la limite du supportable pour les professionnels et du danger pour les usagers, ce dont l’actualité a malheureusement donné une douloureuse illustration pendant les congés de fin d’année.

Madame la ministre, vous reprochez à certains d’exploiter ces drames, mais je dois vous faire observer que ceux auxquels vous avez adressé ces reproches n’ont justement pas attendu les drames en question pour vous alerter, et je pense que vous auriez été bien inspirée de les écouter.

M. Patrick Roy. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous nous dites que ce nouveau texte, ajouté à tous les autres, va permettre de surmonter les difficultés actuelles. Nous ne partageons pas cette appréciation. En effet, quelles sont ces difficultés ? D’abord, une insuffisance criante en matière de prévention et d’éducation de santé, alors que nous assistons à la montée de nouveaux fléaux tels que l’obésité. Ensuite, un accès aux soins de plus en plus problématique, du fait des déremboursements, des dépassements d’honoraires et des franchises, mais également de la pénurie de soignants, renforcée dans certaines régions ou certaines villes par la fermeture des hôpitaux et maternités de proximité. Enfin, et ce constat est lié au précédent, une permanence des soins de moins en moins bien assurée, ce qui retentit notamment sur les urgences hospitalières, à la fois débordées et en difficulté pour prendre en charge correctement les urgences vitales.

Ces services d’urgence totalisent, chaque année, environ 14 millions de passages…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Non, 16 millions !

Mme Jacqueline Fraysse. Dont acte : 16 millions de passages, dont plus de la moitié – 80 % selon certains – pourraient être pris en charge dans le cadre d’une permanence des soins correctement organisée.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse. La carte géographique des déserts médicaux s’étend. Elle recoupe d’ailleurs celle des fermetures d’hôpitaux et autres services publics, tels que la poste ou l’éducation.

En effet, aucun médecin ne peut s’installer et travailler correctement dans de telles situations. Face à tout cela, que nous propose votre texte ? En ce qui concerne la santé publique et la prévention, objet du titre III, l’indigence des propositions le dispute à la provocation. Les mesures avancées en la matière se résument à l’interdiction des cigarettes-bonbons, assortie de quelques dispositions – au demeurant intéressantes – pour lutter contre l’alcoolisme, notamment chez les jeunes.

De ce point de vue, il est fort regrettable qu’au moment où vous nous demandez de nous prononcer sur ces propositions visant à lutter contre l’alcoolisme des jeunes, vous envisagiez, madame la ministre, d’autoriser la publicité pour les boissons alcoolisées sur Internet. De même, vous n’avez pas su tenir tête aux industriels de l’agroalimentaire. Où sont donc passées les mesures promises il y a tout juste un an pour limiter la publicité alimentaire à la télévision ? Pourquoi ne figurent-elles pas dans cette loi ?

Au-delà de tout ce qui, dans ce texte, nous heurte et dont nous allons parler, beaucoup de silences nous interpellent. Ainsi, sans même évoquer les conséquences des pollutions environnementales sur la santé, qui devraient être traitées lors du Grenelle II, quelle est cette grande politique de prévention qui ne traite ni de la santé au travail – alors que l’on compte, chaque année, près d’un million et demi d’accidents du travail – ni de la santé scolaire – alors qu’il n’y a qu’un médecin scolaire pour 8 400 élèves et que le nombre d’IVG ne diminue pas malgré les moyens contraceptifs modernes ?

À aucun moment, ce projet de loi ne traite de la promotion de la santé, des mesures à prendre contre les fléaux liés aux inégalités sociales, au logement insalubre ou à l’alimentation. Il n’y a rien non plus sur la santé mentale.

En ce qui concerne l’accès aux soins, le moins que l’on puisse dire est que le texte est extrêmement timide sur ce point. Certes, vous avancez quelques mesures un peu plus pénalisantes à l’égard des médecins qui osent refuser ostensiblement des soins, de préférence aux plus modestes, ce qui ne les honore pas. Mais vous laissez filer les dépassements d’honoraires dont nous connaissons tous les effets pervers pour les patients, bien sûr, mais aussi pour la profession et pour l’immense majorité des médecins qui placent l’éthique au cœur de leur pratique. Pourquoi ne pas décider de plafonner ces dépassements à un certain niveau par rapport au tarif remboursable ? Nous soumettrons au débat un amendement en ce sens.

Quant à la permanence des soins, dont tout le monde parle, mais pour laquelle aucune mesure courageuse n’est avancée, je veux dire ici clairement ce que nous en pensons. Je tiens d’abord à souligner les conséquences désastreuses de la suppression, en 2003, de l’obligation de participer à la permanence des soins. C’est un bel exemple – parmi d’autres – de la responsabilité que vous portez dans la désorganisation actuelle de notre système de santé. Pour un médecin, assurer la continuité des soins fait partie de son engagement professionnel, de l’éthique et des exigences liées à la profession qu’il a choisie en conscience.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette question ne devrait pas se poser, encore moins dans un pays où l’enseignement est pris en charge par l’État et la rémunération de tous les médecins étroitement liée à l’argent public de la sécurité sociale.

M. Patrick Roy. Elle a raison !

Mme Jacqueline Fraysse. D’ailleurs, n’oublions pas que 43 % des généralistes y participent déjà, sur la base du volontariat.

M. Patrick Roy. Il en manque 57 % !

Mme Jacqueline Fraysse. La seule vraie question qui se pose, et que vous ne traitez pas, est celle des conditions dans lesquelles les médecins, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, doivent et peuvent participer à la permanence des soins : à quel rythme – car personne ne peut travailler jour et nuit sans pause, ni tous les week-ends –, pour quelle rémunération – il va de soit que le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés doit bénéficier d’une indemnisation spécifique – et dans quelles conditions – car on ne peut assurer seul, sans être entouré par une structure, les diagnostics et les soins, en particulier la gestion des urgences.

C’est cela qui est au cœur du débat, mais d’un débat que vous n’abordez pas ! Il est pourtant de votre responsabilité, mais aussi de la nôtre, si nous voulons assurer la santé et la sécurité de tous. Le texte propose de doubler les pénalités en cas de refus de répondre aux réquisitions formulées par le préfet : pourquoi pas ? Mais ce n’est pas cette seule mesure, encore inscrite dans le registre répressif, qui réglera cette importante question.

Vous avez d’ailleurs, sans doute par crainte de contrarier certains, promis un amendement pour revenir sur cette disposition. Un petit pas en avant, puis un recul pour ne froisser personne. Sur un sujet aussi important, c’est dommage !

Nous sommes vraiment à des années-lumière de la prise en compte de l’intérêt général et du sens des responsabilités que requiert le traitement d’un sujet aussi grave que la permanence des soins.

Il n’y aura pas de réponse, pas de solution sérieuse à la permanence des soins en dehors de mesures concrètes, traitant toutes les questions posées et mises en œuvre dans le cadre d’un dialogue ferme et raisonnable avec tous les acteurs, pour que ça marche. Les mesures coercitives seules ne marcheront pas.

Il y a urgence, car la situation va encore s’aggraver dans les dix prochaines années en raison du manque de médecins. De ce point de vue, permettez-moi de regretter, alors qu’il y a un an nous avons voté à l’unanimité la création de la filière universitaire de médecine générale, qu’aujourd’hui il n’y ait toujours aucun enseignant hospitalo-universitaire titulaire pour cette discipline qui forme pourtant la moitié des étudiants en médecine.

Concernant l’organisation des soins et des structures de soins sur le territoire, nous aurions voulu pouvoir saluer sans réserve la mise en place des agences régionales de santé. Censées être un outil au service de la répartition et de la coopération rationnelle entre les différents établissements et les différents professionnels de santé, les ARS ne sont en réalité qu’un instrument de plus pour imposer autoritairement vos choix politiques, dont nous mesurons tous les jours les effets catastrophiques. Le contenu du texte sur ce point est une véritable caricature, d’un autoritarisme impressionnant. C’est sans un doute un atavisme chez vous. Partout, vous ne voulez voir qu’une seule tête, un seul chef. Tant pis pour la démocratie et pour la concertation !

Dans les régions, les directeurs des ARS vont concentrer tous les pouvoirs en matière de santé. Ainsi, c’est le directeur général de l’ARS qui, dans chaque région, nommera les directeurs d’hôpitaux, les évaluera, décidera du montant de leur prime et pourra mettre fin à leurs fonctions. C’est le directeur de l’ARS qui leur imposera un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, prévoyant notamment leur équilibre financier, et qui décidera des pénalités financières en cas de non-respect de ce contrat. C’est encore lui qui aura droit de veto sur l’état prévisionnel des recettes et des dépenses de l’établissement. Il ne manque plus qu’il décide de la couleur de leurs cravates… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Bel argument !

Mme Jacqueline Fraysse. On l’aura compris, ce n’est pas tant la régionalisation ni la coopération et la réconciliation entre la médecine de ville et l’hôpital que vont promouvoir les ARS, mais plutôt la stricte orthodoxie budgétaire des seuls hôpitaux publics et, à terme, la fermeture des plus déficitaires d’entre eux. D’ailleurs, quand ils sont déficitaires, pour leur remonter le moral, on leur inflige des sanctions financières !

Depuis dix ans, un tiers des hôpitaux publics a déjà fermé. Et cela ne concerne pas seulement les hôpitaux et les maternités de proximité, comme à Sainte-Affrique ou à Clamecy. À Juvisy, la maternité et la chirurgie sont menacées ; à Suresnes, dans ma circonscription, l’hôpital Foch a fermé son service d’orthopédie ; dernièrement, c’est le service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Joseph, à Paris, dont l’une des missions est d’accueillir une partie des malades franciliens atteints du VIH, qui a lui aussi été fermé, après son service de pédiatrie et une partie de la gériatrie.

M. Christian Paul. C’est bien de le rappeler ! La ministre ne connaît pas ces situations, car elle ne s’est pas rendue dans ces endroits-là !

Mme Jacqueline Fraysse. Dans ce dernier cas comme dans les autres, il ne s’agit nullement de s’adapter aux besoins mais, comme le dit très bien le directeur de Saint-Joseph, de « conduire l’hôpital vers un équilibre durable » en « améliorant la productivité » et en abandonnant « les spécialités fortement déficitaires ».

Voilà bien votre philosophie : Équilibre financier d’abord ; pour ce qui est de la réponse aux besoins, on verra plus tard…

M. Michel Vergnier. C’est plus simple comme ça !

Mme Jacqueline Fraysse. Concernant enfin l’hôpital, ce texte est un véritable coup de poignard dans le cœur des établissements public, y compris les centres hospitaliers universitaires, que ce projet de loi traite de façon assez peu sérieuse, compte tenu de leurs spécificités et alors que la mission Marescaux est invitée à formuler prochainement des propositions les concernant.

Avouez que c’est assez caricatural ; c’est en tout cas un bel exemple de l’empilement incohérent de textes tous azimuts. La moindre des choses serait d’ailleurs que la commission des affaires culturelles auditionne M. Marescaux.

M. Christian Paul. Excellente idée ! Nous allons le demander dès ce soir !

Mme Jacqueline Fraysse. Le malaise des hôpitaux publics est grand et va encore s’aggraver avec ce texte. Tiraillés entre des injonctions contradictoires, sommés de rétablir l’équilibre de leurs comptes, tout en continuant d’assurer leurs missions de service public, les hôpitaux fonctionnent à flux tendu et n’ont plus aucune réserve de sécurité pour faire face aux épidémies ou aux aléas. Pourtant, depuis la canicule de 2003, les mises en garde se sont multipliées, dernièrement encore avec la grève des urgentistes décidée dès le début du mois de décembre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Peu suivie !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous avez tenté de réduire les accidents récents à des problèmes d’organisation, pendant que Philippe Juvin, secrétaire national de l’UMP chargé de la santé…

M. Christian Paul. Le célèbre professeur Juvin, futur ministre !

Mme Jacqueline Fraysse. … et accessoirement maire de la Garenne-Colombes, vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine et chef du service des urgences à l’hôpital Beaujon à Paris…

M. Gérard Bapt. Il a le temps ?

Mme Jacqueline Fraysse. … où d’ailleurs ses collègues, soit dit en passant, se plaignent de ne le voir que trop peu souvent ; le professeur Juvin, disais-je, a donc mis en cause la responsabilité individuelle des personnels, en évoquant le chiffre de 10 000 décès accidentels par an dans les hôpitaux français. Il a été vigoureusement – et heureusement – remis en place par ses confrères, notamment par la CME tout entière de Beaujon.

Le but de cette offensive concertée est clair : il s’agit de faire porter la responsabilité des dysfonctionnements sur une organisation défaillante ou sur les seuls individus, ce qui permet de présenter ce projet de loi comme la solution à tous les problèmes.

M. Patrick Roy. Incroyable !

Mme Jacqueline Fraysse. Cela permet surtout de passer sous silence la question du financement et les conséquences désastreuses des différentes réformes de l’hôpital menées par les gouvernements de droite jusqu’à ce jour, réformes qui ont contribué à sa désorganisation et dans la lignée desquelles s’inscrit le texte que vous nous présentez aujourd’hui.

Tous les maux de l’hôpital viendraient donc d’un manque d’organisation, qui se résoudrait facilement en désignant un caporal à la tête de chaque établissement ; un simple caporal car, s’il a tous les pouvoirs au sein de son hôpital, le chef d’établissement, tel que le dessine ce texte, reste, nous l’avons vu, la marionnette du directeur général de l’ARS.

M. Patrick Roy. Ce qui manque, c’est des sous !

Mme Jacqueline Fraysse. Ainsi, loin de résoudre les problèmes posés aux hôpitaux, ce texte va les aggraver. Il va détruire l’implication de tous, celle du personnel soignant et non-soignant et celle des élus, puisque ni les uns ni les autres ne seront plus associés à la prise de décision.

Comment expliquer ces dispositions autoritaires et étatiques autrement que par la volonté d’imposer vos choix ? Les directeurs d’ARS exigeront des directeurs d’hôpitaux, comme c’est déjà le cas dans le cadre des ARH, réductions d’effectifs, fermetures de lits et de services, voire fermetures d’établissement, autant de restrictions que les personnels, les élus et la population auront du mal à accepter, compte tenu de ce que sont les besoins.

M. Patrick Roy. L’hôpital étranglé !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est pourquoi vous mettez en place, à tous les étages, un droit de veto de l’État. C’est l’objectif de votre texte, qui heurte profondément les professionnels, pour lesquels vous n’êtes pourtant pas avares de compliments concernant leurs compétences ou leur dévouement, mais qui, au moment des grands choix, sont soigneusement tenus à l’écart des décisions. Même sur le projet médical de l’établissement, la CME n’a qu’un avis consultatif !

Je ne doute pas, madame la ministre, que vous ayez noté le désaccord qu’ont avec vous sur ce point et sur quelques autres de nombreux députés de votre majorité. Parfois le bon sens prend le pas sur les calculs politiciens et c’est heureux. Allons-nous réussir à infléchir votre texte sur tous ces aspects ? Très sincèrement, j’en doute.

M. Michel Vergnier. Vous n’êtes pas la seule !

Mme Jacqueline Fraysse. Le déficit des hôpitaux publics est évalué à 900 000 euros pour 2008. Tout le monde sait que les dépenses de personnel, qui représentent près de 70 % de leur budget, constituent la variable d’ajustement pour équilibrer les comptes. Pour résorber le déficit actuel de nos hôpitaux publics, il faudrait supprimer 20 000 postes… J’ose espérer que ce n’est pas là votre projet ! Est-ce ainsi que vous envisagez la meilleure « organisation » des services hospitaliers ?

Vous parlez de rupture, c’en est une en effet, avec le maillage hospitalier public, véritable colonne vertébrale du système de soins dans notre pays ; avec également les CHU, mis en place par le professeur Robert Debré en 1958, pour permettre aux médecins les plus brillants de consacrer leurs compétences à temps plein aux soins, à la formation et à la recherche, au sein même du service public. C’est avec cette grande tradition que vous décidez de rompre, ce qui s’inscrit pour le coup, hélas, dans la continuité de l’action de vos prédécesseurs.

Cette stratégie destructrice s’applique texte après texte et conduit au fil du temps aux déstructurations et aux dangers dont nous sommes les témoins, accentués année après année pour aboutir aux drames que nous avons vécus et qui ne sont malheureusement pas le fruit du hasard.

Vous avez décidé de livrer la santé au marché, comme vous l’avez déjà fait pour tant d’autres secteurs d’activité. C’est l’objet de la mise en place de la tarification à l’activité et de la fameuse convergence tarifaire, qui visent à ne plus faire de différence entre le public et le privé.

Comme osez-vous mettre sur un pied d’égalité les cliniques privées, qui ne pratiquent quasiment que des actes chirurgicaux programmés, choisissent leurs activités, les pathologies rentables et les patients solvables…

M. Patrick Roy. Ça, ce n’est pas bien !

Mme Jacqueline Fraysse. …et les hôpitaux publics, obligés d’accueillir jour et nuit, 365 jours par an, toutes les pathologies, notamment les plus graves, et tous les patients sans exception, particulièrement les plus complexes, dont les cliniques ne veulent pas car ce sont les plus coûteux.

Certes, vous avez prévu une enveloppe spécifique pour financer les missions de service public qui incombent à l’hôpital et dont le privé se dispense. Mais, de l’avis de M. Larcher, comme de celui de l’ancien ministre de la santé, Jean-François Mattei – que je cite –, « cette enveloppe est sous-estimée ; de plus l’État l’a réduite car c’est la seule enveloppe sur laquelle il peut faire des économies ».

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Mais elle augmente de 4,5 % cette année !

Mme Jacqueline Fraysse. Pendant ce temps, les cliniques privées se portent bien. Merci pour elles !

M. Jacques Domergue. Combien d’entre elles ont fermé ? Posez-vous la question !

Mme Jacqueline Fraysse. Allégées des contraintes de service public, elles peuvent sélectionner les spécialités qu’elles exercent et les malades qu’elles accueillent, en multipliant les dépassements d’honoraires. Elles fleurissent comme jamais sur l’ensemble du territoire, du moins là où il y a des patients, pas dans les déserts.

Selon l’IGAS, en 2005, les praticiens exerçant en clinique ont facturé 470 millions d’euros de dépassements d’honoraires, dont 66 % ne sont pas remboursés par les assurances complémentaires. Ce qui permet à la Générale de Santé de distribuer de confortables dividendes : 420 millions d’euros ont été distribués à ses actionnaires au mois de décembre de 2007 !

M. Michel Vergnier. Ce qui représente la moitié du déficit des hôpitaux !

Mme Jacqueline Fraysse. Cela permet également aux cliniques privées de proposer aux praticiens des rémunérations deux à trois fois supérieures à ce qu’offre le secteur public.

M. Patrick Roy. Ce n’est pas bien non plus !

Mme Jacqueline Fraysse. Et si cela ne suffit pas, l’État met la main à la pâte : à Marseille, où 60 % des lits sont déjà détenus par le secteur privé, l’hôpital privé Euroméditerranée s’est vu généreusement attribuer 54 millions d’euros d’argent public. Quand on aime, on ne compte pas !

Pendant ce temps, le projet de pôle parents-enfants prévu de longue date à la Timone, a été mis aux oubliettes. Même Bruno Gilles, sénateur UMP de Marseille, s’en est ému dans une question écrite – nous attendons la réponse avec impatience...

En estompant encore un peu plus la spécificité des hôpitaux publics, ce projet de loi prévoit d’autres cadeaux pour les cliniques privées. Ainsi, elles pourront dorénavant se voir confier des missions de service public et bénéficier pour cela d’argent public – mais elles pourront choisir les missions qui les intéressent et qu’elles accepteront de remplir. Nul ne doute que ce choix sera moins guidé par un quelconque souci d’intérêt général et d’organisation sanitaire que par l’intérêt financier bien compris des cliniques concernées.

Elles pourront, par exemple, choisir d’accueillir des internes, ce qui ne va pas manquer d’accentuer la fuite des praticiens du secteur public vers le secteur privé.

Vous êtes consciente de ces difficultés, madame la ministre, et pour les pallier, votre texte prévoit que les hôpitaux publics pourront recruter sous contrat privé des praticiens exerçant en libéral.

À l’heure où sont – fort opportunément pour vous – publiées dans la presse les conclusions d’un rapport de l’IGAS sur les différences de rémunération au sein de l’hôpital public…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. La vérité vous gênerait-elle ?

Mme Jacqueline Fraysse. …nul doute que cette disposition accroîtra plus encore les écarts de rémunérations entre praticiens et l’opacité qui les entoure.

Plutôt que d’essayer de faire croire à nos concitoyens que le secteur privé, dont la raison d’être est de gagner de l’argent, pourrait remplir les missions de service public au même niveau que les établissements publics, vous seriez mieux inspirée de réaffirmer, au contraire, la spécificité de l’hôpital public et de lui donner les moyens de remplir ses missions.

Pour cela, il faut revaloriser les enveloppes MIGAC – les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation – de telle sorte qu’elles participent pour moitié au financement global des hôpitaux.

Au lieu de faire des ponts d’or aux praticiens libéraux pour qu’ils daignent venir passer quelques heures par semaine dans les hôpitaux publics, il serait judicieux de mettre en œuvre des mesures incitatives, et notamment salariales, pour que les praticiens hospitaliers en fin d’internat et de clinicat restent au sein de l’hôpital public. Actuellement, un praticien hospitalier au premier échelon, à l’issue de son clinicat, perçoit 3 200 euros par mois à l’hôpital public ; les cliniques privées lui proposent deux à trois fois plus…

Si vous ajoutez au différentiel de rémunération entre le public et le privé la permanence des soins – à laquelle ne sont pas soumis les praticiens du privé –, il ne reste plus beaucoup de raisons ou de motivations pour exercer dans le secteur public.

L’une de ces raisons était l’implication des praticiens hospitaliers dans le fonctionnement des équipes soignantes et des hôpitaux publics ; or votre loi envisage de la supprimer et de tout centraliser.

Comme vous le voyez, madame la ministre, non seulement le texte que vous nous proposez ne résout aucun des problèmes posés, mais, pour l’essentiel, il les aggrave.

Vos objectifs sont l’étatisation de notre système de santé et sa vente à la découpe au secteur privé : vous allez contre l’égal accès de tous à des soins de qualité.

Vous considérez les services publics comme une charge et le recours au secteur privé comme un moyen d’alléger cette charge : vous allez contre l’intérêt général.

M. Patrick Roy. Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous considérons au contraire que les services publics, protégés des fluctuations boursières, sont un investissement pour l’avenir – comme nous considérons que la démocratie sanitaire et la collégialité des décisions sont des atouts pour répondre précisément aux besoins et pour enclencher une dynamique de réussite.

Ce texte est décidément aux antipodes de ce qu’il faudrait mettre en place pour moderniser et rendre plus efficace notre système de santé.

Contrairement à ce que j’ai entendu lors de la discussion générale, nous ne prônons pas le statu quo. Mais les mesures que vous nous proposez sont pires que le mal. C’est pourquoi nous avons voté la motion d’irrecevabilité et la question préalable présentés par nos collègues socialistes, qui demandaient le retrait de ce texte ; c’est aussi la raison pour laquelle nous demandons son renvoi en commission : ce texte doit être au moins retravaillé. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Nous avons tous écouté avec attention notre collègue Fraysse. Il y aurait beaucoup à dire, et nous le dirons tout au long de ce débat ; vous ne vous étonnerez donc pas que je vous propose de rejeter cette mission de renvoi en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Je suis surpris, et déçu !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Si l’Assemblée peut parfois se plaindre de légiférer dans une certaine précipitation, chacun sait que nous disposons de ce texte depuis le mois d’octobre. Il a été préparé par de nombreux rapports et missions, parlementaires ou non, et nous avons effectué en commission un important travail de concertation : près de cent auditions – auxquelles de nombreux députés ont assisté – et de nombreuses tables rondes ont permis de consulter tous les acteurs concernés par ce texte ambitieux.

M. Guy Lefrand. C’est vrai, nous sommes témoins !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Nous avons entendu les ministres, nous avons pu débattre en commission dans de bonnes conditions, nous avons examiné pendant plus de treize heures – c’est un record, je me permets de vous le rappeler – plus de 1 100 amendements déposés en commission. Parmi eux, 370 ont été adoptés, dont 60 émanant de l’opposition.

M. Patrick Roy. C’est un texte TGV !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Vous voyez donc que la commission a fourni un travail approfondi. Je vous propose de le prolonger en abordant enfin ce texte en séance, dans un esprit de responsabilité – cette responsabilité que nous ont confié les Français –, et donc de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Yves Bur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. M. le rapporteur vient d’expliquer parfaitement la façon dont l’Assemblée nationale a été éclairée par des travaux répétés et fournis. Je me suis moi-même rendue à plusieurs reprises devant vous ; un travail approfondi a été mené avec les députés de tous bords.

L’argumentation du rapporteur m’a convaincue : la décision reste de votre responsabilité, mais pour ma part je ne préconise pas ce renvoi en commission. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Notre collègue Jacqueline Fraysse vient de pointer différents aspects de ce projet de loi qui le rendent effectivement, à nos yeux, dangereux et inefficace.

En effet, comme d’habitude, le Gouvernement a décidé d’obliger le Parlement à examiner en urgence le projet de loi de réforme de l’hôpital, rédigé une fois de plus à la hâte.

Ce projet de loi, qui sur un sujet d’une telle importance devrait être ambitieux et particulièrement pointu, s’avère être un véritable fourre-tout.

Voilà à quoi on arrive, à force de légiférer en urgence : à des projets bâclés qui ne correspondent ni aux besoins de nos concitoyens, ni à ce qui est nécessaire pour notre pays et surtout pour nos territoires.

Pour ce qui est de l’urgence, puisque la loi porte pour une bonne part sur l’hôpital, l’action du Gouvernement devrait plutôt tendre à éviter de faire des urgences hospitalières le premier recours en matière de soins pour une population de plus en plus précarisée.

Voilà donc un projet de loi qui prétend, entre autres choses, garantir un meilleur accès aux soins pour nos concitoyens en réformant la gouvernance des hôpitaux mais également en réorganisant l’offre de soins sur le territoire.

Pour la réforme de l’hôpital et de sa gestion, une fois de plus, on se dirige – sous couvert de modernisation et de rationalisation – vers la notion d’hôpital entreprise.

Vous le savez, Madame la Ministre, avec la mise en place de la tarification à l’activité, vous avez déjà mis à mal bon nombre de nos hôpitaux de proximité en ouvrant la voie à une médecine à deux vitesses : d’un côté, les activités lucratives seront phagocytées par le secteur privé ; d’un autre côté, les activités les moins rentables seront dévolues au secteur public – qui, lui, ne fait pas de sélection entre les patients.

Mais, madame la ministre, vous dites que ces hôpitaux de proximité sont des maillons essentiels. Or, quel sort leur réservez-vous ?

Dans mon département, comme dans de nombreux départements français, les hôpitaux situés en zones rurales ou semi-rurales en seront bientôt réduits à faire des soins de suite.

Car, à n’en pas douter, la création des communautés hospitalières de territoire va concentrer la restructuration des centres hospitaliers autour d’un seul plateau technique départemental. La proximité, qui aurait dû être l’élément d’analyse indispensable à ce projet de réforme, est tout simplement ignorée.

Vous allez créer, de fait, de véritables déserts hospitaliers. Une fois condamnés à la rentabilité, les centres hospitaliers de proximité n’auront plus qu’à être transformés en hôpitaux locaux ou en centres de soins de suite.

M. Jean Mallot. En annexes !

Mme Marie-Lou Marcel. Au moment où notre population vit de plus en plus longtemps, vous proposez une réorganisation des soins qui ne tient absolument pas compte des problèmes de mobilité des plus âgés et des plus précaires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est faux !

Mme Marie-Lou Marcel. L’Aveyron est vaste et il est extrêmement compliqué de s’y déplacer aisément et rapidement. Les grands CHU de Toulouse et Montpellier sont distants de plus de 150 kilomètres et notre population a besoin de structures hospitalières dignes de ce nom.

Les inégalités territoriales d’offre de soins trouvent leur fondement dans ce texte. C’est un véritable coup de couteau donné à l’aménagement territorial. Ce n’est tout simplement pas acceptable, car les hôpitaux de proximité sont des maillons indispensables pour l’aménagement des territoires.

L’État ne peut pas créer les conditions d’apparition, un peu partout sur le territoire, de déserts médicaux, pour contraindre ensuite les jeunes médecins à s’installer dans ces mêmes déserts, dans ces coques vides.

De plus, vous qui, hier après-midi, avez vanté les mérites d’une approche territorialisée, vous allez faire des agences régionales de santé des outils technocratiques tenant toujours plus à distance les élus, les représentants du personnel et les médecins.

Cela n’est guère étonnant puisqu’ils n’ont pas été associés à l’élaboration de ce texte.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est faux !

Mme Marie-Lou Marcel. Ils seront les victimes collatérales de cette centralisation de l’État. Ces ARS fonctionneront dans une absence totale de démocratie. Avec votre projet de loi, nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers un système anglo-saxon : vous prenez la responsabilité de rejoindre ces pays sur le terrain de la paupérisation de la santé publique et de l’augmentation des inégalités entre nos concitoyens les plus modestes et nos concitoyens les plus aisés. C’est un contresens historique total.

Pour toutes ces raisons, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, je vous invite, chers collègues, à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Patrick Roy. On va surfer sur l’écume des mers !

Mme Marisol Touraine. Vous pensez la même chose que nous, monsieur Préel. Alors un peu de courage !

M. Jean-Luc Préel. Nous le savons tous, notre système de santé connaît aujourd’hui de grandes difficultés, à la fois organisationnelles, morales et financières. Il est donc important de le réformer.

M. Patrick Roy. C’est un bon début !

M. Jean-Luc Préel. Certes, de nombreuses réformes ont été entreprises ces dernières années, mais qui n’ont pas abouti aux miracles que nous pouvions espérer.

Problèmes organisationnels d’abord, avec la séparation absurde entre la prévention, le soin, la ville, l’hôpital, le sanitaire et le médico-social. La création des ARS devrait mettre fin à cette séparation absurde que nous sommes nombreux à dénoncer depuis longtemps.

Problèmes moraux ensuite, puisque nos concitoyens s’inquiètent de savoir s’ils pourront, demain, trouver des médecins à proximité de chez eux et surtout à des tarifs opposables. Je m’étonne d’ailleurs que les orateurs aient si peu abordé dans la discussion générale ces problèmes majeurs que posent à nos concitoyens ces dépassements d’honoraires.

M. Jean-Paul Lecoq. Très juste !

M. Jean-Luc Préel. Les établissements de santé connaissent aujourd’hui de grandes difficultés. Nous bénéficions d’un double réseau d’établissements, publics et privés, qui devrait, grâce à l’émulation, offrir un meilleur accueil, notamment aux urgences, en termes de lits et de qualité. L’efficience est nécessaire, mais nous devons mieux répondre aux besoins, ce qui n’est pas toujours le cas. Nous avons des problèmes de démographie du personnel de santé, de répartition sur le territoire, de dépassements d’honoraires, donc d’accessibilité à des soins à tarifs opposables.

Le projet du Gouvernement propose une réforme profonde de notre système global. Il n’est pas parfait, et j’ai eu l’occasion hier de poser plusieurs questions auxquelles il ne m’a pas encore été totalement répondu. Le système est en réalité totalement centralisateur et jacobin, par conséquent totalement déresponsabilisant et sans vrai contrepouvoir, ce qui, à nos yeux, constitue un vrai problème.

Se pose également la question de la gouvernance nationale des ARS. Dans le texte, celle-ci n’est totalement satisfaisante. La non-fongibilité des enveloppes fait que les ARS ne pourront pas arbitrer entre la ville, l’hôpital, le sanitaire et le médico-social. La place des conférences régionales de santé et la démographie sanitaire méritent d’être renforcées. De même pour la gouvernance de l’hôpital : théoriquement, il y aura un vrai patron à l’hôpital mais il sera sous le contrôle strict de l’ARS, avec une finalité financière. Cette gouvernance prendra-t-elle en compte les besoins de la population ? La CME pourra-t-elle voter un projet médical de l’établissement qui réponde aux besoins de la population en termes de santé ?

Madame la ministre, vous n’avez toujours pas répondu à cette question que je vous posais hier et qui me paraît importante : l’AP-HP rentrera-t-elle enfin dans le droit commun ?

M. Jean-Paul Lecoq. Posez-lui la question en commission !

M. Jean-Luc Préel. Par ailleurs, les hôpitaux psychiatriques sont-ils concernés par ce texte ? Vous le savez, les hôpitaux psychiatriques fonctionnent selon une sectorisation, ils ont des structures externalisées. Comment celles-ci pourront-elles intégrer les communautés hospitalières de territoire ?

Enfin, la question de la répartition du personnel de santé sur le territoire sera-t-elle résolue ?

Toutes ces questions demeurent.

De nombreux amendements – plus de 1200, le rapporteur vient de le rappeler – ont été discutés en commission. Un peu plus de 300 ont été adoptés, certains permettront, je l’espère, d’améliorer le texte. L’ennui, c’est que, malgré la réforme de la Constitution, nous n’allons pas débattre à partir du texte de la commission mais encore à partir du projet du Gouvernement. J’espère au moins, madame la ministre, que vous accepterez les amendements adoptés en commission, plus quelques autres qui mériteraient d’être pris en compte pour finir d’améliorer le texte. Voilà pourquoi je pense qu’on peut commencer à débattre de ce texte.

M. Christian Paul. À genoux M. Préel !

M. Jean-Luc Préel. Voilà pourquoi le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Jean-Marie Le Guen. Avec regret !

M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer mon incompréhension totale vis-à-vis de cette motion de renvoi en commission. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Paul. Allez voir à Châtillon-sur-Seine, monsieur Delatte, vous comprendrez mieux !

M. Rémi Delatte. Comment peut-on demander un renvoi en commission alors que ce texte est attendu depuis si longtemps, tant par les professionnels de santé que par nos concitoyens ou les élus territoriaux ?

Mme Jacqueline Fraysse. Pas celui-là !

M. Gérard Bapt. Ils n’en veulent pas !

M. Rémi Delatte. Tous sont impatients, tous attendent de nous, plus que de grandes déclarations, une véritable adhésion à ce projet de loi de modernisation globale du système de santé.

M. Patrick Roy. Ils piaffent ! ils piaffent ! ils piaffent !

M. Rémi Delatte. Un projet qui, contrairement à ce que Mme Fraysse a affirmé, va dans le sens de l’intérêt public. Un projet qui a fait l’objet d’une vaste concertation par Mme la ministre et par Mme la secrétaire d’État et je tiens à saluer la méthode, l’écoute et le pragmatisme dont celles-ci ont su faire preuve.

Sans remettre en cause le principe de solidarité, contrairement à ce que Mme Fraysse a indiqué, ce texte apporte des réponses à de grands enjeux : l’accès de tous aux soins, avec la lutte contre les déserts médicaux, des garanties en matière de permanence des soins, un décloisonnement entre les soins hospitaliers et les soins ambulatoires, la prévention, dans toutes ses problématiques, le secteur médico-social, la complémentarité entre le public et le privé, une amélioration de la prise en charge, que ce soit pour les maladies chroniques ou la santé des jeunes, une coordination du système de santé. Dans ce domaine également, je crois que les ARS sont un gage de simplification et de cohérence puisque les forces de l’État et de l’assurance maladie seront regroupées – pas moins de sept organismes se trouveront ainsi réunis.

Vous le voyez, mes chers collègues, les questions de fond sont traitées, y compris d’ailleurs pour les CHU puisque les dispositions concernant la gouvernance de l’hôpital concernent naturellement, comme l’a dit Mme la ministre tout à l’heure, l’ensemble du dispositif, CHU compris.

J’avais cru lire ou entendre que cette loi était bavarde, mais en vous écoutant, madame Fraysse, j’ai cru comprendre, au contraire, qu’elle n’était pas assez bavarde et que vous la jugiez incomplète. Il est des moments où il faut savoir être sérieux.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous aussi, vous êtes bavard !

M. Rémi Delatte. Comment justifier un renvoi en commission alors que, comme vient de le dire Jean-Marie Rolland, ce texte a été discuté, étudié dans les deux commissions et que de nombreux amendements, y compris certains défendus par l’opposition, ont fait l’objet d’un accord unanime, grâce à la contribution, à l’expertise et à l’objectivité de M. Jean-Marie Rolland que je salue.

Pourquoi demander le renvoi en commission alors que votre collègue Jean-Marie Le Guen déclarait alors que nous abordions le travail en commission – je le cite, ce n’est pas si fréquent…

M. Jean-Marie Le Guen. C’est un bon début !

M. Rémi Delatte. « Trois semaines de débat sont prévues en séance. C’est cohérent au regard de l’intense activité générée par ce texte sur tous les bancs de cette assemblée. C’est pour cette raison que le groupe SRC ne défendra pas, sauf exception, les amendements en commission. Ils seront en effet longuement défendus en séance. »

Mme Marisol Touraine. Nous y voilà !

M. Rémi Delatte. Pourquoi dès lors une motion de renvoi en commission ?

M. Patrick Roy. Pour auditionner M. Marescaux !

M. Rémi Delatte. Il est des moments où il faut rester cohérent.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP rejettera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Ma collègue Jacqueline Fraysse a démontré…

M. Patrick Roy. Avec talent !

M. Jean-Paul Lecoq. …avec talent, la nécessité de renvoyer ce texte en commission.

Elle a montré les problématiques de gouvernance : ce texte défend la gouvernance étatisée alors que démonstration a été faite que nous devrions aller vers une démocratie sanitaire, ouverte, en écoutant les différents acteurs de l’hôpital.

Vous avez soutenu cet après-midi, madame la ministre, que les hôpitaux publics se portaient bien, et même cherché à démontrer qu’il n’y avait plus de déficit dans les hôpitaux publics. Énorme mensonge ! L’hôpital du Havre est en déficit depuis des décennies, tout comme le CHU de Rouen et la plupart des hôpitaux. Et ceux qui ne sont pas déficitaires sont ceux qui ont utilisé les suppressions d’emplois comme variables d’ajustements financiers.

La problématique de la démographie médicale n’est pas davantage réglée par ce texte. La situation du Havre, tout comme celle de la Picardie, de la Seine-Maritime, du Nord, du Pas-de-Calais, démontre que nous avons besoin dans ce domaine d’un texte plus ambitieux : on nous propose la casse du service public et, en face, la création de ce que le maire du Havre veut appeler l’« Hôpital privé de l’Estuaire ». L’hôpital privé, le mot est lâché ! On ne parle plus de clinique, on voudrait tellement que l’hôpital soit privé.

Jacqueline Fraysse a démontré également qu’il y avait urgence à procéder à des auditions complémentaires de sorte que les députés disposent de tous les arguments pour exécuter leur travail de législateurs.

Mon collègue Préel a fait une belle démonstration, nous étions d’accord avec la quasi-totalité de ses arguments et nous pensions qu’il allait, en conclusion, nous appeler à voter la motion de renvoi en commission. Mais cela n’a pas été le cas.

Nous avons également entendu hier qu’une autre commission se serait réunie et que des amendements non retenus en commission sembleraient déjà acquis entre le groupe UMP et le Gouvernement. Où cela s’est-il passé ? Quand ? Pourquoi ?

M. Jean Leonetti. Parce que nous sommes majoritaires.

M. Jean-Paul Lecoq. Pourquoi n’avons-nous pas eu connaissance de ce travail en commission ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il y a eu un débat.

M. Jean-Paul Lecoq. N’est-ce pas en commission que doit se dérouler le travail parlementaire ? N’est-ce pas le sens de l’évolution du règlement à laquelle vous nous appelez ?

Pour toutes ces raisons, et pour tous les arguments développés par Jacqueline Fraysse, je vous invite à voter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la ministre, nous ne pouvons engager cette discussion en partant de faux-semblants. Personne ne peut croire dans cet hémicycle que les CHU ne sont pas un élément central de la qualité des soins et de l’égalité des soins pour nos compatriotes, que leur réforme éventuelle n’est pas un enjeu majeur pour l’avenir de notre système hospitalier public.

Peut-être votre projet de loi était-il inspiré par le président du Sénat et s’adressait sans doute à l’hôpital de Fontainebleau ou de Rambouillet, je ne sais ; en tout état de cause, toutes les communautés hospitalières le pensent, quelle que soit leur sensibilité politique, le besoin de réforme du CHU n’est toujours pas abordé dans le chapitre hospitalier.

C’est si vrai que le Président de la République a pris l’initiative de s’exprimer publiquement et solennellement à Strasbourg pour installer une commission sous son autorité, avec une lettre de mission très précise sur la réforme hospitalo-universitaire touchant tant aux soins, à la recherche, à l’éducation, qu’au statut des personnels, aux éléments de financement ou aux circuits de fonctionnement de ces hôpitaux.

Cette commission, réunie sous l’autorité du Président de la République, s’est prononcée à l’unanimité – nos collègues qui siègent dans cette commission, aussi bien Bernard Debré que Catherine Génisson, peuvent en témoigner – pour que la problématique des CHU soit retirée de la loi HPST.

M. Jean Mallot. Absolument !

M. Jean-Marie Le Guen. Après cela, nous avons appris que le rythme de travail de cette commission pourrait être accéléré afin d’intégrer éventuellement ses conclusions lors d’une lecture au Sénat.

M. Patrick Roy. Incroyable !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous parlons de l’une des réformes les plus essentielles du système de santé français, la réforme Debré qui, voici cinquante ans, a fondé les CHU, rénovant ainsi la médecine française et l’hôpital public. Voilà de quoi nous parlons ! Il faut, tout en restant fidèles aux principes de cette réforme, la faire évoluer, et il existe pour ce faire un consensus assez large.

Or, de cela, on voudrait que l’Assemblée nationale n’ait rien à dire ! De façon subreptice et brutale, sans que nous ayons jamais pu en débattre, sans même que nous en soyons informés, on voudrait faire modifier par le Sénat des éléments fondamentaux du paysage hospitalo-universitaire français. L’urgence ayant été déclarée sur ce texte, la CMP se réunirait ensuite et nous n’aurions rien à dire !

Au demeurant, ce type de cavalier est parfaitement anti-constitutionnel. Vous pouvez compter sur notre vigilance pour le déférer au Conseil constitutionnel, qui ne manquera pas, selon nous, de le sanctionner.

Dans cette affaire, qui faut-il croire ? Ceux qui prétendent contourner la représentation nationale, ou ceux qui disent que, de toute façon, on enterrera les travaux de la commission Marescaux ? On annoncera alors une loi supplémentaire dont on sait bien, compte tenu du calendrier, qu’elle ne sera pas adoptée avant plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années, d’autant que le Gouvernement nous dit d’ores et déjà qu’il faut aussi une loi sur la santé mentale, une loi sur la santé publique, une loi sur la bioéthique – et maintenant une loi sur les CHU. Qui veut-on contourner ? Le Parlement ou la commission Marescaux ? En tout état de cause, ce sont les CHU qui seront victimes de cette politique et de ces faux-semblants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul, puis nous passerons à la discussion des articles.

M. Christian Paul. Vous avez raison, monsieur le président, nous allons devoir passer à l’examen des articles puisque le fait majoritaire s’impose à nous après les différentes motions de procédure qui ont été défendues, notamment ce soir par Mme Fraysse avec beaucoup de conviction – nous aurions pu reprendre et signer son argumentation. Mais si nous cédons au fait majoritaire, madame la ministre, je veux vous dire, au nom du groupe socialiste, que nous avons enregistré, en vous écoutant répondre à ces motions de procédure, quatre désaccords fondamentaux, qui ne nous permettront pas, en l’état du moins – nous verrons naturellement ce que nous réserve le débat –, d’adopter ce texte.

M. Yves Bur. Personne n’imaginait que vous pourriez l’adopter !

M. Richard Mallié. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Christian Paul. Ce n’était pas écrit à l’avance, monsieur Bur ! Il est d’autant plus paradoxal de vous voir vous énerver ce soir que nous allons voter certains de vos amendements, comme nous l’avons déjà fait en commission, car ils contiennent des propositions que nous sommes tout à fait prêts à entendre. Dans le texte du Gouvernement, en revanche, il n’y a rien sur un certain nombre de questions essentielles et c’est pour cela que nous ne pouvons le voter en l’état.

Quels sont ces désaccords fondamentaux ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Christian Paul. Nous récusons l’idée que l’on puisse, en 2009, se contenter d’une loi d’organisation pour aborder les questions de santé. Il fallait au moins une loi d’orientation, madame la ministre. Il y avait des choix stratégiques à faire sur des questions essentielles. Nous avons évoqué les rémunérations, le basculement de la médecine française du soin vers la prévention. Or, ces questions ne sont traitées qu’en termes d’organisation, sous l’angle de dysfonctionnements auxquels il faudrait remédier, et non en termes de capacité d’action de notre système de santé.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Christian Paul. Par idéologie, vous ne traitez pas le risque majeur d’étranglement de l’hôpital. On ne peut réduire la question de l’hôpital à de simples dysfonctionnements, même s’il y en a – et vous avez d’ailleurs mis du temps à les traiter, madame la ministre. Le problème essentiel, c’est la pénurie de moyens, et tant que vous ne voudrez pas le reconnaître, vous ne pourrez moderniser le système hospitalier dans des conditions satisfaisantes.

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Paul.

M. Christian Paul. S’agissant de la lutte contre la désertification médicale – à laquelle vous devez être sensible dans le Puy-de-Dôme, monsieur le président –, le projet est d’un vide sidéral. Un seul article y est consacré, et encore avez-vous fait, madame la ministre, un extraordinaire bond en arrière.

M. Richard Mallié. La discussion générale est terminée depuis un moment !

M. Christian Paul. Vous avez feint, pendant des semaines, de vouloir présenter des mesures de régulation pour permettre une implantation plus équilibrée des médecins, et depuis deux jours, ici, vous faites marche arrière. D’ailleurs, le plus corporatiste des syndicats de médecins a parlé de reculade et il a raison ! Vous avez cédé au plus corporatiste des syndicats médicaux.

Et puis, il y a ce déni de démocratie que Jean-Marie Le Guen, après bien d’autres, a évoqué tout à l’heure, que le professeur Debré avait justement évoqué en commission. Tels sont, madame la ministre, les désaccords irrémédiables que nous avons avec vous.

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. Monsieur Paul, nous avons bien travaillé en commission et nous sommes tous dans de bonnes dispositions pour entamer l’examen des articles. Je connais le professeur Marescaux et j’ai beaucoup d’estime pour lui, mais laissez sa commission travailler et attaquons-nous au texte, car, tout en étant complet, il laisse beaucoup de place au travail du Parlement. Chacun d’entre nous pourra l’amender, l’améliorer. Mettons-nous enfin au travail !

M. le président. Votre souhait va être exaucé, monsieur Domergue, puisque nous allons passer à la discussion des articles !

Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

Avant l’article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l’amendement n° 1028.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons tous noté qu’aucune clarification stratégique n’était apportée à la politique hospitalière du Gouvernement. Nous ne savons pas de quoi nous allons parler. Allons-nous parler des CHU, ou bien des hôpitaux, qui occupent une place éminente dans le cadre de notre politique hospitalière, mais qui n’ont certainement pas l’importance qu’ont aujourd’hui les CHU pour notre politique de santé publique ?

Notre amendement concerne le problème de la T2A et vise à instaurer une clarification des éléments de financement des établissements publics de santé. La réforme de la tarification a été adoptée en 2004, d’ailleurs avec l’appui de l’opposition, et nous avions demandé dès le départ qu’il y ait une véritable transparence et une véritable pédagogie.

Vous êtes nombreux à être persuadés que cette fameuse T2A est véritablement liée à l’activité, et qu’elle est le fruit, sinon des mécanismes du marché – ce n’est pas le cas puisque nous ne sommes pas, en l’espèce, dans une économie de marché –, du moins d’une construction économique. Et c’est effectivement, pour partie, une construction économique, mais, depuis qu’elle est mise en œuvre, la vérité est qu’il s’agit moins d’un tarif ou d’un prix que d’un indice découlant du calcul de l’ONDAM hospitalier. En d’autres termes, la T2A est essentiellement fonction de l’enveloppe qui est allouée au plan national. Nous sommes donc bien loin du paiement à l’acte en vigueur pour la médecine libérale, et dont le barème est fixé indépendamment de l’ONDAM de ville. Ce n’est pas neutre.

Vous ne cessez de dire, madame la ministre, que les hôpitaux publics sont mal gérés. C’est tout de même un comble ! C’est en effet la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins – la fameuse DHOS – qui gère les hôpitaux publics, sous la responsabilité – depuis huit ans – de votre gouvernement, de votre majorité. Lorsque l’on demande à un responsable de pôle ou à un directeur d’hôpital de bâtir une stratégie budgétaire pour les années à venir, il ne peut pas le faire, car plus il gagne en productivité dans une activité de soins, plus la T2A baisse – et ce d’autant plus que l’ONDAM est très largement contenu, comme n’ont cessé de le rappeler l’ensemble des organisations du monde hospitalier.

Nous proposons donc, par notre amendement, d’instaurer une transparence pluriannuelle afin que les campagnes tarifaires, c’est-à-dire l’établissement annuel des tarifs, soient construites sur une base pluriannuelle, de sorte qu’il y ait un pilotage stratégique du développement de l’hôpital public. Si ce type de mécanisme était adopté, on pourrait admettre qu’il faille être plus regardant sur la stratégie médicale mise en œuvre et il y aurait un effort de transparence.

Telle est, madame la ministre, notre première proposition. D’autres suivront, qui visent également à instaurer plus de transparence et d’efficacité dans la gestion de l’hôpital public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Elle considère en effet que la modification proposée, selon laquelle les tarifs de prestations ne pourraient être modifiés à la baisse pendant toute la durée d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, est contraire au dispositif de régulation associé à la T2A.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est le triomphe de la maîtrise comptable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le principe de l’annualité aboutit naturellement à ce que les tarifs soient fixés, pour chaque campagne tarifaire, en fonction de l’ONDAM voté chaque année par le Parlement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. L’adoption de cet amendement conduirait à des tarifs différents par établissement, ce qui serait à la fois contraire au principe d’égalité de traitement et contradictoire avec le choix qui a été fait au départ : instaurer une tarification nationale afin de réduire les inégalités de ressources entre les établissements. Cela empêcherait en outre de procéder en cours d’années à des régulations prix-volume afin de garantir le respect de l’ONDAM. Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je ne suis pas sûr que cet amendement ait sa place dans ce texte qui traite de questions d’organisation. Cela dit, M. Le Guen pose une question que nous nous posons tous.

Le budget global a été rejeté par tous voici des années, au motif qu’il ne prenait pas en compte l’activité des établissements. Mais souvenons-nous : quand la T2A a été instaurée, M. Mattei avait annoncé que chaque service, chaque établissement pourrait désormais bâtir son budget à partir de son activité. Tout le monde avait trouvé l’idée excellente, malgré le risque inflationniste inhérent à ce système. Pour le prévenir, il a été décidé que les tarifs baisseraient avec l’augmentation de l’activité, ce qui pose un problème réel aux établissements : si l’activité augmente, il serait logique de la financer afin de répondre aux besoins de santé de la population.

L’amendement est très intéressant. Il faudrait revoir le financement de la T2A, afin de prendre réellement en compte l’activité, au lieu de baisser les tarifs quand elle augmente.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Depuis plusieurs semaines que nous préparons ce texte, que n’avons-nous entendu sur l’hôpital public ! Il coûterait trop cher, son budget aurait augmenté de 50 % en dix ans, mais on oublie de rappeler que, pendant ce temps, le budget de la médecine de ville a augmenté de 70 %, et que la part de l’hôpital public dans le PIB, mesure plus exacte et plus proche de la réalité, a baissé de 20% si ce n’est de 30 %.

Mme Marylise Lebranchu. Absolument !

M. Jean-Marie Le Guen. On nous explique aussi que l’hôpital public est mal géré. Mais ceux qui blâment sa gouvernance sont les mêmes qui participent à la fois à la commission Marescaux sur le CHU et à la rédaction de la loi. C’est dire s’ils s’y connaissent en matière de gouvernance…

M. Christian Paul. Ce sont des experts !

M. Jean-Marie Le Guen. …puisqu’ils traitent à deux endroits différents de sujets qui se superposent ! Ils ont tout loisir de regretter qu’à l’hôpital, on ne prenne pas de décision – pour reprendre les termes du discours de Strasbourg –, alors qu’ils siègent eux-mêmes un peu partout en même temps !

Entre autres griefs, on invoque la mauvaise gestion de l’hôpital, que l’on compare avec la médecine de ville. Que n’avions-nous pas entendu pourtant, jadis, contre la maîtrise comptable ? Réveillez-vous, chers collègues de la majorité : ce fut votre cheval de bataille pendant des années, après que M. Juppé l’a introduite. Or, quand M. le rapporteur et Mme la ministre nous répondent que maintenir des tarifs au-delà d’une année ne permettrait pas la régulation prix-volume, quel argument invoquent-ils, sinon celui de la maîtrise comptable ? En un mot, ils appliquent à l’hôpital public ce principe qui paraissait si choquant pour notre système de santé. Au reste, l’hôpital public n’y est-il pas déjà soumis dans les faits ? S’il est un secteur qui n’a jamais dépassé l’ONDAM, c’est bien celui-ci.

Mon amendement ne vous propose pas même de sortir de la maîtrise comptable : il vous propose de lui donner au moins un minimum de perspectives et de rationalité. Si vous le refusez, c’est parce que vous préférez fixer l’ONDAM hospitalier en fonction de la météo politique. Comment osez-vous donner des leçons de gestion, alors que vous n’êtes pas capable de prévoir, au-delà de douze mois, les sommes que consacrerez à l’hôpital public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 1028 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1026, qui fait l’objet d’un sous-amendement, n° 1561, du Gouvernement.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l’amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Le budget des hôpitaux est composé, outre la T2A, d’une autre ressource forfaitaire : les dotations affectées au financement des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation – ou MIGAC. Il faut bien comprendre, en effet, que l’idée d’un coût de séjour moyen par patient est une fiction. Tous les éléments mesurables en matière d’économie de la santé montrent que les malades traités dans les hôpitaux publics, particulièrement dans les hôpitaux universitaires, sont plus précaires que les autres. Leurs maladies sont plus graves et leurs pathologies, souvent multiples, sont moins fréquentes que celles que l’on traite dans le privé. C’est pourquoi, dans le budget de l’hôpital, on rencontre ce qu’on appelle dans toutes les industries des effets de gamme.

Ainsi, un établissement privé traite, en moyenne, entre 50 et 80 groupes homogènes de malades, tandis qu’un centre hospitalier public d’une certaine importance en traite 150 à 250. Mais seuls les CHU traitent les quelque 620 GHM que l’on compte dans notre pays. Or, pour les maladies les moins fréquentes, la permanence des soins requiert une mobilisation du personnel, des savoirs et des compétences plus exigeante que celle consentie par les établissements privés qui se consacrent à quelques pathologies.

Mme Michèle Delaunay. Très juste !

M. Jean-Marie Le Guen. Le ministère de la santé a validé une étude sur la précarité, dont il ressort que celle-ci renchérit le coût des soins : le traitement des malades affiliés à la CMU ou sans domicile fixe est plus de 60 % plus cher que celui des autres. On comprend aisément pourquoi : il est plus aisé de faire sortir rapidement de l’hôpital quelqu’un qui possède un logement et qui est entouré d’une famille.

Depuis la mise en place de la T2A, certains responsables de services ont le sentiment de ne pas s’y retrouver. Ils ont conscience d’être efficients, mais de ne pas disposer des financements correspondant à leur pratique médicale. D’où une déchirure sur le plan éthique : doivent-ils renoncer à la médecine dont leurs patients ont besoin ou, se sachant déficitaires, demander des financements aux collègues de leur pôle ? Tout le problème vient du fait que notre système de tarification est calculé sur une base moyenne, qui ne tient pas compte de la réalité des malades et des situations.

M. Yves Bur. Faites plus court, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est un problème auquel vous devriez être sensible, monsieur Bur ! Pour une fois que l’on parle de la T2A ! En général, nul ne sait ce qui se cache derrière ce sigle de technocrates. Or, pendant que l’on paie insuffisamment la médecine tournée vers les malades précaires et la médecine de recours qui se pratiquent dans les hôpitaux universitaires, on surpaie les cliniques privées, qui traitent de manière intensive un nombre limité de pathologies. L’absence de transparence de la T2A induit ainsi un déséquilibre dans le financement de l’hôpital public et de la médecine privée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1026 ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Lors des débats en commission, nous n’avons retenu aucun des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

M. Patrick Roy. C’est regrettable !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est la démocratie.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. J’avais émis à leur sujet un avis défavorable, que la commission a suivi. Néanmoins, j’ai écouté M. Le Guen et d’autres membres de la commission, et j’ai bien noté leur souci de débattre de ce sujet particulièrement important. Chacun sait que la T2A a introduit une sorte de révolution culturelle, qui affecté les équilibres financiers, les restructurations et l’offre de soins.

C’est pourquoi, même si beaucoup d’études sont déjà réalisées sur la T2A – le Parlement reçoit un rapport sur la convergence tarifaire intersectorielle au moment du PLFSS, ainsi qu’un rapport sur les MIGAC, et un observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée a été créé par le PLFSS en 2007 –, je propose à Mme la ministre d’ouvrir le débat et de répondre favorablement à la proposition de M. Le Guen, qui demande qu’un rapport sur la tarification à l’activité des établissements de santé soit remis chaque année au Parlement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement et présenter son sous-amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je souhaite naturellement la plus grande transparence sur ces questions, que nous avons évoquées lors de l’examen du projet de loi de financmeent de la sécurité sociale.

M. Yves Bur. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je vous rappelle, monsieur Le Guen, que, pour la prochaine campagne tarifaire, j’ai avancé dans plusieurs directions, comme vous l’aviez souhaité. Ainsi, dès le 1er mars, la sévérité des cas sera évaluée, comme le demandent les connaisseurs de l’hôpital, sur une échelle de quatre niveaux, où la précarité sera prise en compte par le biais de l’AME et de la CMU.

Le rapporteur a cependant souligné à juste titre que nous ne manquions ni de structures ni de rapports : le Conseil de l’hospitalisation adresse chaque année des recommandations au Parlement. Il existe un questionnaire parlementaire à ce sujet. L’observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée rédige deux rapports semestriels qui sont tous deux transmis au Parlement.

Un rapport annuel sur la convergence tarifaire précise d’ailleurs que les tarifs de l’hospitalisation privée sont de 30 % inférieurs à ceux de l’hospitalisation publique, ce qui met bien en évidence qu’il n’y a pas égalité entre les deux systèmes, ce qui permet de tenir compte, comme vous le souhaitez, des spécificités. Je citerai également le rapport sur les MIGAC. Nous disposons, ainsi, d’un certain nombre d’outils à notre disposition.

De plus, les modalités de calcul des tarifs sont systématiquement présentées chaque année aux fédérations représentatives des établissements de santé.

Enfin, les modalités techniques de construction des tarifs sont, par définition, conformes à la loi de financement de la sécurité sociale votée par le Parlement, et notamment au taux d’évolution de l’ONDAM.

Dans un souci de transparence, je suis favorable à votre amendement, sous réserve d’un sous-amendement tendant à en supprimer la seconde partie, puisque les modalités d’association sont déjà prévues dans le texte. Nous éviterions ainsi de priver de leur raison d’être le conseil de l’hospitalisation et l’observatoire de l’hospitalisation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous remercie, madame la ministre, monsieur le rapporteur, de prendre en considération mon intervention.

Le problème est très simple et je pense que ceux d’entre vous qui connaissent l’hôpital public le comprennent. De nombreux praticiens et, au-delà, beaucoup de personnels de l’hôpital public considèrent que les effets de la T2A sont profondément injustes et inadaptés à la pratique médicale. C’est vrai pour partie, comme j’ai essayé de le démontrer, trop rapidement sans doute (Sourires), il y a quelques minutes.

Il s’agit d’un enjeu majeur. La tarification à l’activité est une réforme fondamentale, mais qui n’est toutefois pas encore menée jusqu’à son terme.

M. Yves Bur. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Marie Le Guen. Pour qu’elle le soit, deux conditions doivent être réunies. Il convient d’abord, comme je l’ai déjà dit, que la tarification soit plus juste. Il faut ensuite qu’elle soit mieux expliquée.

Or, je ne suis pas sûr que, depuis la mise en œuvre de la T2A, toutes les études médico-économiques aient été réalisées pour essayer de la nuancer. Vous en êtes aujourd’hui, madame la ministre, à la version 11. C’est très bien. Il y a des évolutions, c’est très bien aussi. J’ai, malgré tout, quelques doutes sur l’ampleur des résultats – mais j’espère être démenti sur ce point.

La vraie question reste celle de la pédagogie. Je le dis d’autant plus qu’il existe des risques de perversion de la T2A. En effet, certains praticiens à qui l’on demande de « faire de la T2A » pourraient être tentés non seulement de sélectionner les malades, mais de recourir à des pratiques telles que la surtarification. Une véritable pédagogie est donc indispensable. Un discours purement administratif ne suffit pas.

Je regrette donc, madame la ministre, que vous estimiez qu’il y a suffisamment de consultations et que la seconde partie de mon amendement ne vous satisfasse pas. Je pense, en effet, qu’il est bon de dialoguer y compris avec les fédérations hospitalières publiques ou privées. Il convient toutefois de mener une véritable pédagogie et de mettre en place un vrai dialogue, s’agissant de la fixation des tarifs. C’est une des conditions essentielles pour que cette réforme importante, douloureuse et difficile, qu’est la mise en œuvre de la T2A à l’hôpital, aboutisse.

(Le sous-amendement n° 1561, accepté par la commission, est adopté.)

(L’amendement n° 1026, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1038.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J’espère que cet amendement sera adopté à l’unanimité.

Le problème est simple. Une consultation génétique de deux heures rapporte 28 euros à l’hôpital public quand elle est donnée par un très grand chercheur, un très grand professeur, membre de la commission Marescaux – je ne citerai pas de nom. (Sourires.) Une consultation de diabétologie particulièrement complexe, d’une durée d’une heure à une heure et quart, est également tarifée 28 euros. Dans un pôle d’infectiologie, la consultation d’un patient atteint du VIH, effectuée par un praticien hospitalier ou universitaire dans le cadre d’un bilan global semestriel, est payée, de même, 28 euros. De plus, comme vous le savez, le recours accru à la médecine ambulatoire a permis de fermer de nombreux lits de malades du sida ; ce fut d’ailleurs été une décision assez courageuse de la part du secteur hospitalier.

Je propose, par cet amendement, de créer des tarifs spécifiques pour ces consultations, afin d’éviter qu’elles soient supprimées parce que déficitaires. Cette mesure serait naturellement assortie de nombreux garde-fous, puisqu’elle concernerait certaines pathologies seulement et nécessiterait un agrément de l’agence régionale de santé. Cette « médecine lente », qui nécessite un travail pluridisciplinaire associant médecins et personnels paramédicaux, est bonne à la fois sur le plan clinique et sur le plan économique. Si elle disparaît, s’il n’y a plus, de ce fait, de pédagogie, d’éducation thérapeutique suffisante, les malades – ceux qui souffrent du VIH ou d’autres affections – ne pourront rester en ambulatoire et devront être hospitalisés.

Mme Michèle Delaunay et Mme Marilyse Lebranchu. Très juste !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. Nous avons voté, voici quelques instants, un amendement sous-amendé qui nous permettra de disposer d’un rapport sur la tarification à l’activité.

Mme la ministre nous a déjà expliqué, lorsqu’elle a été auditionnée, que la T2A évoluait en permanence et que la prise en compte de tarifs spécifiques pour certains publics, en situation de précarité notamment, était en cours.

S’agissant des exemples que vient de citer Jean-Marie Le Guen, nous pouvons attendre les conclusions du rapport dont nous venons de voter la publication pour prendre alors les décisions qui s’imposent.

Il me semble donc logique de donner un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Je suis, à mon grand regret, défavorable à l’amendement. En effet, le nouveau modèle de la T2A pour 2009 fixe des tarifs d’hospitalisation en les modulant et en tenant compte des spécificités présentées par certains patients – l’obésité par exemple – ainsi que des surcoûts engendrés par la prise en charge des populations précaires.

À cela s’ajoutent certains mécanismes spécifiques. Les consultations du généticien dont parle M. Le Guen sont prises en charge dans le cadre des MERRI – missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation. Certaines consultations très spécialisées nécessitent d’être réalisées par des professionnels aux compétences très particulières ou par des équipes pluridisciplinaires. Elles sont financées dans le cadre des missions d’intérêt général, dans l’attente, le cas échéant, de travaux portant sur la classification commune des actes médicaux.

C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à l’amendement, même s’il soulève de vrais problèmes.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Notre collègue Le Guen vient d’évoquer un certain nombre de situations telles que la prise en charge de pathologies très particulières. Mais certaines pathologies plus communes nécessitent parfois aussi des consultations longues, au cours desquelles l’éducation thérapeutique revêt une grande importance, notamment pour prévenir l’aggravation des maladies chroniques.

Que se passe-t-il aujourd’hui ? Soit l’hôpital public abandonne ses consultations parce qu’elles ne sont pas reconnues à leur juste valeur, qu’elles ne sont pas « rentables » et qu’elles grèvent encore plus le déficit de l’établissement ; c’est ce qui se produit dans bon nombre d’hôpitaux. Soit on opte pour la solution bien plus onéreuse qu’est l’hospitalisation de jour : la personne est alors prise en charge à un taux beaucoup plus élevé que si l’on adoptait l’amendement de M. Le Guen. Il me paraît donc essentiel de le voter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Des problématiques intermédiaires existent toujours entre la consultation et l’hospitalisation à domicile. Si l’on ne rééquilibre pas économiquement ce type de pratiques, elles tendront à être arbitrées négativement à l’hôpital, avec toutes les conséquences sanitaires et économiques que cela peut avoir.

(L’amendement n° 1038 n’est pas adopté.)

M. le président. Je propose que nous entendions nos douze collègues inscrits sur l’article 1er, après quoi nous interromprons nos travaux jusqu’à demain matin. (Assentiment.)

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 1er a pour ambition de définir les missions des établissements de santé publics et privés, étant entendu que leur mission essentielle est d’accueillir tous les patients pour leur assurer des soins de qualité – diagnostic d’abord, puis traitement – selon des normes modernes et des référentiels évalués. Nous avons d’ailleurs de grands progrès à faire dans ce dernier domaine.

Nous avons dans notre pays, et c’est exceptionnel, un double réseau hospitalier, public et privé. Ce double réseau peut être une chance s’il conduit à l’émulation dans la recherche de la qualité des soins et de l’accueil pour répondre aux attentes des malades et de leurs familles.

Il ne faut pas oublier cependant que chacun des établissements, qu’il soit public ou privé, est financé par la collectivité et par le citoyen, notamment à travers la CSG. Notre devoir est donc de veiller à ce que chaque euro dépensé le soit à bon escient, à ce que chacun soit accueilli sans discrimination et reçoive des soins de qualité, à ce que les financements consacrés par la collectivité servent aux investissements, aux rémunérations des professionnels de santé, aux médicaments, plutôt qu’à rémunérer des fonds de pension soucieux d’abord de rentabilité financière.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Jean-Luc Préel. Il convient, dès lors, d’être vigilant lorsque l’on constate que les murs de certains établissements sont achetés par des investisseurs privés qui demandent de gros loyers aux sociétés de gestion – y compris ICADE, filiale de la Caisse des dépôts, qui trouve la rentabilité très attractive.

L’important, pour le public comme pour le privé, est que le projet d’établissement soit construit autour du projet médical, en prenant en compte les missions de service public. Le projet médical doit être, à l’hôpital comme en clinique, établi et validé par la commission médicale d’établissement, d’où la nécessité de renforcer le rôle de cette dernière dans les établissements privés.

Les contrats d’objectifs et de moyens doivent ensuite prendre en compte le projet médical, dont l’objet est de répondre aux besoins de santé de la population. Les missions de service public doivent être intégrées dans les contrats. Le non-respect de ces contrats doit être sanctionné, de manière non pas symbolique mais réelle. Le non-respect partiel doit également être sanctionné, ce qui n’est malheureusement pas prévu dans le texte.

Le projet ne mentionne pas les établissements participant au service public hospitalier, les PSPH, reconnus pourtant depuis longtemps, notamment par le rapport Couanau, comme un bon modèle de fonctionnement. Il convient de les intégrer clairement, en adoptant les amendements déposés à cet effet.

Notre souhait est que ce double réseau d’établissements soit une chance au service des patients, assurant grâce à l’émulation un meilleur accueil, un meilleur accès à des soins de qualité.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Si nous pouvons nous réjouir, madame la ministre, que vous ayez accepté que soit présenté chaque année un rapport au Parlement sur la tarification à l’activité, il faudrait aller au-delà, car le problème de la convergence de la tarification met quasiment en jeu la survie de l’hôpital public dans les années à venir.

Lorsque vous nous dites que va se mettre en place dans quelques mois la « V11 », c’est-à-dire, pour le profane, la onzième version de la tarification à l’activité applicable aux établissements hospitaliers, lorsque vous nous dites que vont enfin être pris en compte des phénomènes comme la précarité ou comme la gravité de certaines pathologies, nous sommes en droit de nous poser des questions. Nous en sommes en effet à la onzième version et l’on peut douter que, du jour au lendemain, soit remis en question le mécanisme même d’appréciation de la prise en charge des malades à l’hôpital public.

Au-delà même de la question de la précarité, qui impose des séjours plus longs pour des raisons évidentes, le secteur public assure plus des deux tiers de l’obstétrique et la totalité de la prise en charge des grossesses à risque et de la néonatalogie.

Plus de la moitié des personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans sont prises en charge à l’hôpital public lorsqu’il s’agit de chirurgie, et cette proportion s’élève à 80 % pour les personnes de plus de soixante-quinze ans prises en charge en médecine.

On pourrait faire les mêmes observations pour les jeunes de moins de quinze ans, qui sont très massivement pris en charge par le secteur public hospitalier.

Si l’on pousse jusqu’à son terme la logique qui consiste à appliquer des tarifs identiques à l’hôpital public et dans les établissements privés, on provoquera un effet d’éviction et une sélection des pathologies par les cliniques privées. Resteront à l’hôpital les pathologies les plus lourdes, les plus difficiles, les plus délicates, ce qui, inévitablement, provoquera également un transfert des personnels vers les cliniques privées.

Nous insistons donc, et nous y reviendrons dans la discussion des amendements, pour que les établissements privés ne puissent pas choisir, sélectionner à la carte les missions de service public qu’elles auront à appliquer, car le service public coûte cher lorsqu’il est appliqué dans son intégralité, et ce qui est imposé au secteur public doit l’être également au secteur privé.

Nous insistons donc pour que soit reconnu à l’occasion de cette loi un bloc de missions de service public qui ne puisse pas se partager, se discuter ou se négocier.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Lorsque Mme Touraine rappelle toutes les missions de service public que remplit l’hôpital, en particulier la prise en charge des pathologies lourdes, de la précarité ou des personnes âgées, et que Mme la ministre nous explique que la onzième version de la tarification à l’activité permettra de mieux prendre en charge toutes ces variables, on peut en conclure que ce n’était pas le cas jusqu’à maintenant, et c’est d’ailleurs ce qui explique en partie le déficit structurel de nos hôpitaux, que le Gouvernement ne veut pas reconnaître et auquel il ne veut pas apporter de remède budgétaire.

La question du socle de missions de service public est fondamentale. Dès lors que des établissements privés se porteront candidats pour remplir, dans le cadre d’un bassin de population et en fonction de l’analyse des besoins effectuée notamment par l’agence régionale de santé, des missions de service public, un socle indivisible doit être constitué, comprenant la permanence des soins, les actions d’éducation et de prévention pour la santé, la santé publique et la prise en charge de la précarité.

La permanence des soins implique la prise en charge totale du patient qui arrive aux urgences, depuis l’accueil à l’entrée de l’établissement jusqu’aux plateaux techniques. Je pense en particulier aux urgences chirurgicales. Très souvent, les interventions programmées sont traitées dans les hôpitaux privés, tandis que la chirurgie en urgence l’est à l’hôpital public parce que cela coûte cher de mobiliser plusieurs salles opératoires, du personnel, des plateaux techniques qui seront utilisés ou non en fonction du volume des urgences. C’est toute la différence entre l’hôpital public et l’hôpital privé. Dès lors que ce dernier est appelé à exécuter des missions de service public, tous les facteurs doivent être pris en compte.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Vous l’avez compris, madame la ministre, parler de l’hôpital et des missions de service public relève chez plusieurs d’entre nous d’un engagement de longue date. Tout à l’heure, M. Leonetti nous disait que c’était sa quarantième année de pratique hospitalière. Moi, je vous l’avoue, je suis en quarante-cinquième année de médecine…

J’ai vivement regretté que M. Door se permette de nous dire que l’hôpital était très au-dessous des exigences qu’un citoyen du XXIe siècle est en droit d’avoir envers son système de santé et, pire encore, qu’il n’était pour certains d’entre nous qu’un champ électoral.

Il est vrai que c’est presque un traumatisme, après cette longue pratique, de voir se dissoudre l’hôpital dans une sorte de bouquet de missions dont on peut discuter la nature, l’éparpillement – et le choix même de les éparpiller.

Quant aux missions elles-mêmes, j’ai été frappée du fait que, sur les treize qui ont été retenues, deux soient consacrées à la rétention et une à la détention. Serait-ce une sorte d’anticipation de la société à venir ?

Plus grave peut-être, j’ai été très frappée aussi que seule la lutte contre l’exclusion soit retenue. Pas un mot de l’indigence, de la précarité, de ces SDF dont Jean-Marie Le Guen nous rappelait combien ils augmentaient la charge hospitalière.

Je pourrais continuer sur tout ce qui manque, les soins de suite, l’accompagnement de la fin de vie, l’accompagnement des familles, mais je ne veux pas m’attarder.

Nous avons aussi beaucoup à dire sur le fait qu’une seule personne, dans son coin si j’ose dire, puisse décider de déléguer ces missions parce qu’il y a carence, et ce sans aucun critère, sans aucune hiérarchie entre les établissements qui vont se voir attribuer ces missions. Il n’est notamment fait aucune place aux établissements de santé à but non lucratif, qui devraient avoir une faveur particulière dans ce cas.

On nous parle de fluidité, et je ne peux qu’insister, comme mes collègues, sur la sélection naturelle qui va se pratiquer dans ces établissements désormais confondus entre un malade indigent, polypathologique, nécessitant de grands investissements humains et médicaux, et une fracture de la cheville qui demandera seulement une intervention et des soins de rééducation.

C’est la raison pour laquelle nous devons avoir des exigences tarifaires beaucoup plus grandes que celles qui sont mentionnées. Ce n’est pas seulement lorsque le malade est reçu en établissement privé qu’il doit être pris au tarif opposable. Dans son suivi, une part de l’activité de ces établissements privés doit être assurée au tarif opposable.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Fourneyron.

Mme Valérie Fourneyron. Nous entamons la discussion du titre Ier de la loi, intitulé « Modernisation des établissements de santé ».

À ce titre, permettez-moi, puisque ce texte est présenté comme une réforme fondamentale pour l’avenir de nos établissements hospitaliers, de me projeter dans l’avenir par le biais d’un conte, d’une qualité littéraire sans doute moyenne mais qui traduit les interrogations que nous portons sur l’orientation de ce texte, interrogations qui peuvent se résumer dans une question plus générale mais élémentaire : où voulons-nous emmener l’hôpital ?

La scène se déroule dans un hôpital de province. Nous sommes en 2045, cent ans après la création de la sécurité sociale, dont les jeunes générations se souviennent vaguement comme d’un système de solidarité généreux et déficitaire, progressivement abandonné au profit d’une logique de rentabilité rapidement investie par des groupes de santé détenus par des fonds d’investissement multinationaux.

La modernisation, la rationalisation de l’hôpital engagée à partir du début du XXIe siècle s’est accélérée. Les mécanismes importés du secteur marchand, les règles du new management public s’imposent naturellement à tous, dans un système devenu ouvertement concurrentiel entre établissements. L’objectif est d’accélérer au maximum les réponses, tout en réduisant les coûts. Les crédits du ministère de la santé et de feu la sécurité sociale ont été rattachés directement au ministère du budget, et leur répartition entre les hôpitaux – ceux qui ont survécu à la carte hospitalière des années 2010 – se fait explicitement à partir de l’analyse de leurs performances.

Le décor est planté. À présent, la scène. Un jeune médecin fraîchement nommé responsable du service de gériatrie d’un établissement hospitalier de province reçoit une femme de 82 ans qui présente un cas classique de fracture du col du fémur nécessitant une intervention : une prothèse de hanche. Une consultation rapide du logiciel de contrôle de gestion de l’hôpital lui indique les tarifs en vigueur de la T2A version 111 pour l’acte en question. Ennuyé, il se rend compte que tout dépend du nombre de jours d’hospitalisation. Si l’opération se déroule bien, la patiente sortira au bout de six jours, et l’hôpital sera gagnant, le seuil de rentabilité atteint. Mais si des complications surviennent, l’hospitalisation durera plus longtemps et l’hôpital perdra de l’argent. Le jeune médecin fronce les sourcils. Il a en effet conscience qu’une partie de sa rémunération est variable, calculée selon des indicateurs de performance très clairs : volume d’actes médicaux mensuels, marges réalisées sur les opérations, nombre de personnels du pôle, taux de couverture.

Le jeune médecin décide de consulter le directeur financier de l’hôpital, son référent direct lorsqu’il est confronté à un cas compliqué. Ce monsieur, recruté il y a huit mois, a consacré une partie de sa carrière professionnelle à optimiser les profits des assureurs bien cotés du CAC. Dès son arrivée, il est intervenu directement dans les choix de la communauté médicale, veillant à ce que tout le monde respecte le mot d’ordre général qui régit l’hôpital depuis des années : « retour sur investissement ».

Suzanne, en plus de sa fracture du col du fémur, est atteinte de maladie d’Alzheimer. Son dossier vient d’ailleurs d’être refusé par la clinique voisine, qui renvoie systématiquement les patients lourds, peu rentables, vers l’hôpital. Le jeune médecin soupire, bien décidé à rejoindre à la première occasion son maître en médecine, expert renommé de la valve cardiaque artificielle implantable par cathéter, passé dans le privé trois ans plus tôt parce que ses conditions d’exercice ne lui permettaient plus d’exercer sa spécialité, mal tarifée à la T2A.

L’histoire continue, mais je m’arrête là.

M. le président. Vous pouvez vous arrêter là, madame Fourneyron. Nous vous remercions de votre intervention très documentée et très pratique.

Mme Valérie Fourneyron. Madame la ministre, conclurai-je, nous regrettons cette évolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Cet article 1er vise à préciser les missions de l’hôpital public. Chaque Français doit pouvoir être soigné en toute sécurité et avoir un total accès aux soins. Ce projet de loi arrive dans un contexte de crise de l’hôpital public : 800 millions d’euros de déficits cumulés, car, même si j’ai bien entendu que les déficits n’étaient pas généralisés, l’addition des plus et des moins donne bien, au bout du compte, un déficit de 800 millions.

Outre les déficits financiers, le manque de personnel fait que des emplois ne sont pas pourvus et que les services sont surmenés. Je peux le vérifier régulièrement quand je me rends dans l’hôpital de ma ville. On parvient, pour l’instant, à assurer les soins grâce à l’exemplarité du personnel.

Le Gouvernement nous répond à chaque fois qu’il a des contraintes financières. Je n’hésite jamais à lui rappeler que, s’il y a des contraintes financières, c’est d’abord parce que, dès le début de la législature, le Gouvernement a fait le choix de laisser quelques privilégiés s’empiffrer, s’en mettre plein les poches avec le bouclier fiscal, les parachutes dorés, les stock-options, j’en passe et des meilleures. Madame la ministre, 5 % du bouclier fiscal suffirait à régler le problème financier des hôpitaux. J’aimerais donc que vous disiez à M. Woerth que le bouclier fiscal n’est pas une mesure de justice sociale, comme il l’a redit il y a quelques jours.

Par ailleurs, quelles que soient les allégations gouvernementales, les Français n’ont pas, aujourd’hui, un égal accès aux soins. Les contraintes financières et budgétaires pesant sur les ménages modestes font que de nombreux Français renoncent aux soins ou ne se font soigner qu’en dernier recours, quand les choses sont parfois devenues irréversibles. Tout cela à cause de dépassements d’honoraires de plus en plus fréquents et – nous ne le dirons jamais assez – des franchises médicales.

Parmi les problèmes à résoudre – cela a été évoqué avec talent par de nombreux orateurs, dont l’excellent Jean-Marie Le Guen, et le mot « excellent » est faible –, il y a également la T2A, qui handicape très sérieusement les hôpitaux des milieux de grande précarité. J’entends parler d’une énième réforme de la T2A, la onzième, semble-t-il. Elle sera certainement très utile, si elle est juste, pour ces hôpitaux précaires.

Je ne voudrais non plus pas que l’on aggrave encore les difficultés des hôpitaux publics par le choix souverain laissé aux cliniques privées.

Enfin, je rappelle que l’hôpital n’est pas une entreprise et que l’on ne peut y appliquer seulement des critères de gestion. Il faut aussi tenir compte de critères humains, pour que chaque Français puisse être soigné partout au meilleur coût, et qu’une véritable égalité existe dans ce domaine.

Madame la ministre, allez voir M. Woerth, essayez de le convaincre que le bouclier fiscal est une injustice sociale, que 5 % des sommes qui lui sont consacrées régleraient le problème financier des hôpitaux. Je suis sûr qu’avec votre charme et votre conviction vous arriverez à le convaincre, ce que je ne pense pas pouvoir faire moi-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, monsieur Roy. Vous avez été convaincant, je n’en doute pas. (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. En redéfinissant les établissements de santé et les missions de service public qu’ils peuvent remplir, cet article vise à permettre aux établissements privés de participer à certaines missions de service public, cinquante ans après les ordonnances Debré de 1958. Cette disposition rompt radicalement avec la notion de service public hospitalier à la française et vient parachever un processus engagé depuis une quinzaine d’années.

D’après un rapport récemment publié par la banque Dexia, entre 1995 et 2005, 62 % des hôpitaux publics français ont subi des recompositions diverses, et un tiers ont disparu. Ces recompositions hospitalières qui, selon ce rapport, ne répondent à aucune vision d’ensemble de l’aménagement du territoire au niveau national, ont avant tout bénéficié au secteur privé en lui permettant de réaliser aujourd’hui 66 % de l’activité chirurgicale. C’était l’inverse il y a encore vingt ans. Cela aboutit, dans certaines régions, à d’inquiétantes situations de monopole. À Carpentras ou à Châteaubriant, par exemple, toute la chirurgie est réalisée par le secteur commercial. À Nevers, les deux urologues qui exerçaient à l’hôpital sont partis dans le privé et toute la chirurgie urologique est maintenant réalisée par les cliniques.

Outre qu’elle porte atteinte au libre choix des patients et à l’accès aux soins, cette situation est dangereuse. En effet, les actionnaires italiens, britanniques ou américains de la Générale de santé, de Vitalia, de Médi-partenaires ou de Capio exigent des taux de rentabilité importants et pourraient être amenés à fermer des établissements qu’ils jugeraient insuffisamment rentables au regard des critères boursiers, lesquels n’ont pas grand-chose à voir avec la santé publique. Permettez-moi de m’interroger sur ces taux de rentabilité exigés et sur les bénéfices engrangés par certaines cliniques privées, bénéfices payés par la collectivité alors même que l’assurance maladie est déficitaire.

On aurait pu attendre du Gouvernement qu’il prenne les mesures nécessaires pour favoriser une reconquête du territoire par les hôpitaux publics, en arrêtant la fermeture des hôpitaux et des maternités de proximité et en prenant des mesures permettant de les rendre plus attractifs pour les médecins. Hélas, il n’en est rien. Le projet de loi non seulement prend acte de cette prépondérance des cliniques privées, sans tenter de la corriger, mais avance même des mesures qui aggraveront cette situation.

Ainsi en est-il de cette disposition permettant aux établissements privés de remplir des missions de service public, notamment lorsqu’il n’y a plus d’hôpitaux publics. C’est le comble : vous fermez partout les établissements de soins publics et vous confiez au privé, sous prétexte qu’il n’y a plus d’établissement public pour les remplir, des missions de service public complètement contraires à leur vocation.

Cette disposition est sous-tendue par l’idée que les cliniques seraient mieux gérées que les hôpitaux publics, idée fausse à plus d’un titre, comme cela a été démontré par plusieurs de mes collègues. Tout d’abord, les hôpitaux publics ne sont pas les gouffres financiers que certains décrivent ; depuis des années, ils font d’énormes efforts de gestion, à tel point que la part des dépenses d’assurance maladie qui leur est consacrée n’a fait que baisser depuis vingt ans. C’est en ville et dans les cliniques privées qu’a lieu la dérive des dépenses, comme le signale la Cour des comptes. Pourtant, les hôpitaux publics n’ont pas le même périmètre d’activité ni les mêmes coûts de revient, ils n’ont pas non plus les mêmes contraintes de qualification et de sécurité ni les mêmes obligations de service public.

Mais surtout, ils ne sont pas animés du même esprit, de la même conception que les établissements à but lucratif. C’est à cette conception que sont par-dessus tout attachés les praticiens hospitaliers que nous avons rencontrés. C’est cette conception de l’intérêt général que nous voulons préserver et développer. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons au contenu de cet article.

Mme Jacqueline Fraysse. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. À une heure où nombre de nos collègues suivent nos débats depuis leurs bureaux en attendant de profiter d’un repos bien mérité (Sourires), je voudrais m’exprimer sur ce très important article qui pose la thématique de ce projet de loi.

Nous avons exprimé le regret de commencer à discuter de cet article sans avoir abordé, comme cela aurait dû être fait, les grandes orientations d’une politique de santé publique.

M. Régis Juanico. Financée !

M. Jean Mallot. Rien n’est prévu dans ce texte pour réduire les inégalités sociales devant la santé, alors que ce devrait être un élément fondamental de toute politique de santé publique. C’est si vrai que, lorsque nous lisons le futur article L. 6111-1, qui définit les missions des établissements de santé, le mot « prévention » n’apparaît à aucun moment, ni comme mission directe ni comme mission indirecte de ces établissements. Il faut aller jusqu’à l’article L. 6112-1 pour le trouver.

Plus loin dans cet article, l’énumération des missions de service public soulèvera également des débats dans les jours qui viennent. Les établissements privés pourraient venir piocher parmi ces missions celles qui les intéressent, en prenant soin, bien entendu, d’éviter celles qui leur donneraient des charges supplémentaires. C’est tout le débat sur le socle des missions de service public. Nous pensons qu’il faut définir un tel socle.

Je ne saurais conclure mon intervention sur cet article sans évoquer un autre point qui fera débat entre nous, à savoir le futur article L. 6161-4 relatif aux contrats conclus entre un établissement de santé et des praticiens en exercice dans le cas où cet établissement se verrait confier des missions de service public. Le texte dispose que le refus par le praticien de réviser son contrat au moment où l’établissement se voit confier de telles missions constitue un motif de rupture du contrat.

M. le président. Nous verrons cela demain matin, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, vous en conviendrez : si cette disposition était appliquée sans limite, nous verrions se démanteler les établissements au moment même où ils se voient confier des missions que nous considérons comme fondamentales pour la santé publique dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet article 1er est fondamental. Il s’agit de préciser les missions imparties aux établissements de santé et de mieux définir leurs missions spécifiques, dites de service public, qui pourront désormais être assurées par n’importe quel établissement, quel que soit son statut, sous réserve d’assurer au patient qu’il accueille certaines garanties définies par la loi.

Madame la ministre, on a l’impression, en lisant l’article, que ces garanties sont multiples et rigoureuses, et que longue est la liste des missions de service public des établissements de santé, alors qu’elle est, en réalité, limitative et restrictive. Il y a là une révolution copernicienne, le début d’un glissement vers la situation que décrivait Mme Fourneyron et qui pourrait bien, sans même attendre 2045, caractériser d’ici quinze ans notre service de santé si on n’y mettait pas le holà.

Cet article inventorie très strictement les missions de service public, mais il renonce à prendre en compte l’ensemble des missions assumées par les établissements du service public : le service public hospitalier est mort, vivent les missions de service public des établissements de santé ! Cela me rappelle la façon dont on est passé, pour la poste ou les télécommunications, d’un service public, assuré par des établissements publics, à de simples missions d’intérêt général, désormais assurées par des opérateurs publics, mixtes ou privés – et dans les conditions d’entente que l’on sait dans le secteur de téléphonie mobile.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Monsieur le président, vous qui êtes un parfait connaisseur du milieu marin, savez-vous quel est l’animal le plus persévérant ?

M. Dominique Tian. Le socialiste ! (Sourires.)

M. Michel Vergnier. C’est la bernique. Et savez-vous pourquoi ?

M. le président. Je vous écoute avec beaucoup d’attention, monsieur Vergnier. (Sourires.)

M. Michel Vergnier. En voici la raison : c’est un animal qui n’a de cesse de défendre son territoire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) C’est pourquoi je m’inspirerai de la bernique pour exposer ce que je n’ai pas pu dire tout à l’heure.

M. Jean Mallot. C’est la bernique creusoise ! (Sourires.)

M. Michel Vergnier. Madame la ministre, évoquer la question des moyens, ce n’est pas demander l’aumône : c’est demander que chaque projet médical soit accompagné dans des conditions décentes, c’est demander non une politique de guichets, mais une politique de projets.

C’est pourquoi je suis favorable à la prise en compte des pathologies par territoire, pathologies souvent liées d’ailleurs à la situation sociale ou à l’âge. Ces deux critères ne sont pas médicaux, mais leur prise en compte est indispensable du fait de leurs conséquences – par exemple, comme l’a très bien expliqué Jean-Marie Le Guen, sur la durée d’hospitalisation. Il est agréable de vivre dans le département dont on dit qu’il est le plus âgé de France, voire d’Europe, car cela laisse quelques espoirs d’y vieillir, et d’y vieillir longtemps, mais cela confère aussi, dans le débat qui nous occupe, une responsabilité particulière : vous convaincre, madame la ministre, que tout le monde ne peut être mis dans le même cadre – dans le même moule, devrais-je dire. (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. C’est normal pour une bernique !

M. Michel Vergnier. L’autre point sur lequel je veux insister est celui des critères de population. Je vous en conjure : ne fixez surtout pas de critères démographiques, de seuils de population, sans quoi vous allez accentuer à coup sûr les disparités entre territoires.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Michel Vergnier. Il ne faut pas mésestimer ce qui se passe aujourd’hui de ce point de vue, et je vous remercie de le prendre en compte.

M. Christian Paul. Très bien !

M. le président. Monsieur Vergnier, comme vous êtes d’un département proche du mien, je soumets à votre réflexion ce qu’on dit chez moi : « Quand on a bernique, on n’a rien. » Prenez donc bien garde. (Sourires.)

La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. S’il y a, dans des départements comme la Creuse, une forme de démoralisation, dans des départements maritimes comme le mien, les gens ne parlent plus que de partir à la pêche – mais c’est encore une autre forme de démoralisation ! (Sourires.)

Madame la ministre, le sujet de notre débat d’aujourd’hui est une question de société, voire de civilisation. À cet égard, j’ai apprécié l’intervention de Valérie Fourneyron. On va vers le choix entre la carte bancaire et la carte Vitale. C’est déjà ce que vivent la plupart des gens qui nous écoutent ou qui nous regardent.

Je vais citer un exemple : une clinique privée, que j’ai beaucoup soutenue parce que j’ai longtemps cru au pluralisme des formes d’activités, a demandé un rapprochement avec un petit hôpital, et une négociation a eu lieu avec votre représentant. Le résultat est qu’on a demandé à cet hôpital public, qui souffrait déjà d’une absence flagrante de moyens, de construire un bloc opératoire et de le mettre à la disposition de la clinique ! Comprenez la démoralisation du personnel hospitalier : il a tout fait pour ce rapprochement et, tout à coup, il a l’impression de ne plus compter dans les missions de service public. Il voit bien qu’il existe un élément fondamental : c’est qu’il faudra rémunérer le capital de la clinique privée, car même lorsque ils exécutent des missions de service public, ces établissements rémunèrent leur capital. C’est la différence fondamentale entre un établissement privé et un établissement public.

Nos concitoyens n’attendent pas de nous que nous abaissions le coût public de la santé. Ils attendent qu’on les soigne et qu’on mette à leur disposition, partout où ils se trouvent, les progrès de la recherche et de la médecine, un accueil de qualité, un accompagnement psychologique et des moyens de lutte contre la précarité. Ils le demandent tous. Or, petit à petit, on leur explique que tout cela coûte trop cher et qu’ils doivent en prendre une partie à leur charge. C’est une analyse sociologiquement désastreuse, et porteuse d’une vision démoralisante de la société. Elle est erronée, qui plus est, en termes économiques, puisqu’elle aboutit à réduire la part du PIB consacrée à la santé. L’espèce d’idéologie qui prétend que le privé fait mieux, que la clinique est plus efficace, est totalement fausse ! Je ne crois pas que votre objectif relève de cette idéologie, mais je n’en dirai pas autant de la majorité UMP, qui a dû d’ailleurs partir à la pêche puisqu’elle n’est pas là ce soir.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. À la pêche aux berniques ! (Sourires.)

Mme Marylise Lebranchu. Je connais un petit hôpital qui a cru, avec les élus, le conseil d’administration, les médecins et les syndicats, pouvoir transférer un de ses services vers la grande ville parce que ses missions y seraient mieux exécutées. Mais, par la suite, la référence budgétaire a été déterminée par rapport à la période postérieure au choix du transfert.

M. Gérard Bapt. Et voilà !

Mme Marylise Lebranchu. Madame la ministre, nous avons beaucoup discuté ensemble, ainsi qu’avec d’autres, du cas de ces enfants de Brest qui doivent dorénavant, pour se faire greffer, s’éloigner de leur famille. Vous m’avez dit qu’il s’agissait d’une question de sécurité, mais la vérité est qu’il s’agit avant tout un problème de dépense. S’il faut dépenser plus chaque année pour que les enfants ne se retrouvent pas à quatre heures de route de leur domicile, faisons-le, madame la ministre ! On marche sur la tête si on continue à penser que la santé coûte trop cher, alors que, malgré la crise actuelle, nos pays sont de plus en plus riches.

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

Mme Marylise Lebranchu. Il est très grave de laisser croire à nos concitoyens que les hôpitaux sont en proie à la gabegie, que les médecins font n’importe quoi parce qu’ils n’ont aucune notion de gestion, et qu’il suffit simplement qu’un directeur vienne remettre un peu d’ordre pour que tout fonctionne bien.

M. Christian Paul. Quelle illusion !

M. Jean Mallot. C’est Sarkozy !

Mme Marylise Lebranchu. Cela ne marchera pas car il manque des moyens, un budget et un grand choix de société : celui d’augmenter la dépense et de travailler sur la recette, car la civilisation qui nous attend est une civilisation de l’équilibre. Or vous, vous nous proposez d’entériner la dégradation des missions de service public de l’hôpital. Certes, vous voulez les partager entre un plus grand nombre d’acteurs, mais dans de si mauvaises conditions que nous avons des raisons d’avoir peur, madame la ministre.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Lecoq. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, dernier orateur inscrit sur l’article.

M. Dominique Tian. L’article 1er traitant de la modernisation des établissements de santé, il est naturel que je revienne quelques instants sur un modèle d’établissement évoqué par Jean-Luc Préel, et dont la qualité a été saluée notamment par le rapport Couanau : il s’agit des établissements de santé privés gérés par des organismes sans but lucratif.

Dans un premier temps, ils n’avaient pas trouvé leur place dans le projet de loi, mais je sais qu’un amendement de notre excellent rapporteur, qui vise à créer les établissements de santé privés d’intérêt collectif – les ESPIC –, est de nature à les rassurer. L’oubli était quelque peu fâcheux, mais je tiens à insister sur l’importance de cette reconnaissance, car ces établissements sont souvent cités en exemple pour la qualité des soins comme pour leur gestion.

Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 12 février, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi sur la réforme de l’hôpital.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 12 février 2009, à zéro heure quarante.)