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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 2 décembre 2009

Première séance du mercredi 2 décembre 2009

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Déclaration du Gouvernement sur la conférence de Copenhague et débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la conférence de Copenhague et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, je vous remercie d’avoir organisé ce moment d’échanges et de débats à quelques jours d’un événement que je crois très important et même historique: la réunion de 192 pays du monde entier qui doivent s’organiser pour respecter la feuille de route de Bali décidée à l’unanimité il y a deux ans. Cet engagement peut se résumer de la façon suivante: nous devons inventer, développer et organiser un modèle de développement économique respectueux des ressources, sobre en carbone et réduisant les émissions de gaz à effet de serre, tout en parvenant à un accord juste, équitable, solidaire et qui permette de lutter contre la pauvreté de masse et contre l’injustice sociale qui se cumule à l’injustice climatique.

Mesdames, messieurs les députés, il faut bien voir quelle est la difficulté de la tâche: il s’agit de réussir à mettre d’accord de manière précise et contraignante 192 pays qui sont pour les uns dans une situation de richesse, pour les autres de pauvreté, situés sous des latitudes extrêmement diverses, aussi variées que leur degré de développement industriel. Le principal risque, le principal danger dans cette affaire, c’est l’approximation, l’incompréhension ou l’amalgame.

La France s’attelle à cette tâche depuis deux ans, c’est-à-dire depuis le Grenelle de l’environnement et le paquet « climat-énergie » adopté sous présidence française. Dans cette négociation qui dure depuis deux ans, nous sommes très attentifs à éviter les différents pièges: les amalgames, les approximations et les traditionnels raisonnements bloc contre bloc. À la demande du Chef de l’État, j’ai rencontré l’essentiel des dirigeants de ce monde. J’ai bien vu que tous ont une parfaite conscience de ce qu’est la conférence de Copenhague, mais que tous ont aussi de l’appréhension quant à la nature des engagements prévus.

Prenons les pays industrialisés: ils doivent globalement diviser par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 après les avoir réduits de 25 % à 40 % en 2020. Certains de ces pays sont signataires du protocole de Kyoto et l’ont ratifié, d’autres pas. La première difficulté, c’est de bien expliquer aux pays industrialisés ce que recouvre en réalité l’expression impropre « partage du fardeau. » C’est un mauvais concept que de faire croire qu’avoir une économie plus sobre serait un fardeau. Notre tâche a consisté à leur expliquer qu’en ayant des objectifs ambitieux, ils préparent la compétitivité de leur économie pour demain. Si je devais simplifier la problématique des pays industrialisés, je dirais que la question est de savoir si on met l’industrie automobile au service de technologies qui permettent d’aller à 300 kilomètres à l’heure ou de technologies qui permettent aux véhicules actuels de ne consommer qu’un litre ou un demi-litre, voire seulement le fruit d’activités décarbonées. Oui à la liberté de se mouvoir et de se déplacer, mais il faut savoir où se trouve le marché de demain et quelles doivent être les technologies appropriées. Cela peut avoir l’air simple, mais nous avons l’expérience de l’accord à vingt-sept sur le paquet « énergie-climat »: pendant des mois et des mois, il a fallu aller voir tous les États de l’Union pour comprendre leur point de blocage, qui en Pologne sur le charbon, qui en Italie sur la céramique, qui en Allemagne sur la sidérurgie et qui en Lituanie sur les centrales. Il a fallu faire un travail d’explications non seulement avec les vingt-sept, mais avec chaque pays industrialisé.

Nous n’avons plus avec ceux-ci que deux questions pendantes. La première concerne les États-Unis d’Amérique et le Canada. Ils ont signé l’accord de Bali et ont pris les mêmes engagements que nous depuis deux ans, mais ils éprouvent une difficulté en termes de calendrier ou d’ampleur d’engagement. On appelle cela une demande de flexibilité. On peut en discuter, mais à la condition que l’ensemble des obligations des pays industrialisés se situe bien, au final, dans la fourchette des 25 % à 40 %, certainement plus proche des 30 % à 40 % de réduction des gaz à effet de serre en 2020. La seconde concerne l’Australie: il y a quelques heures, nous avons reçu une mauvaise nouvelle, mais je ne doute pas que ce pays revienne à ses engagements et soutienne son Premier ministre.

Le deuxième grand enjeu, ce sont les pays émergents. Au cours de toutes ces discussions, ce qui m’a le plus frappé, c’est que chacun arrivait avec son angoisse et ses inquiétudes: celles des pays industrialisés portaient sur la compétitivité, celles des pays émergents sur leur croissance, et celles des pays très vulnérables sur leur manque de moyens devant une telle situation. Je pense que nous allons parvenir à faire respecter par les pays industrialisés leur niveau d’engagement, mais les pays en développement, eux, ne forment pas un bloc homogène. Il y a les grands émergents et les pays très vulnérables. Il est indéniable que Singapour n’est pas dans la même situation que Madagascar ou que la République centrafricaine, que Hong-Kong n’est pas dans la même situation que Kigali.

M. Jean Glavany. Quel talent! Ce que vous dites est formidable!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Il a donc fallu tenir compte de cette hétérogénéité, comprendre, par exemple, que parmi les 1,2 milliard d’Indiens, 450 millions sont dans une très grande pauvreté et n’émettent que 1,2 tonne de gaz à effet de serre par habitant et par an, c’est-à-dire moins que ce que l’on demande au reste du monde d’atteindre en 2050. Nos amis indiens ne peuvent donc pas donner le sentiment à cette partie de leur population qu’ils braderaient leur sortie de pauvreté contre une réduction d’émission de gaz à effet de serre opérée ailleurs. Mais ces pays émergents sont tellement impactés sur le plan climatique qu’ils ont mis en place des programmes – en Inde, c’est un programme en huit points – pour lutter contre le réchauffement climatique. Nos amis chinois, grands émergents, doivent comprendre et comprennent que nous ne leur demandons pas une réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre, car leur croissance est encore basée là-dessus, mais la réduction de l’intensité carbone d’un point de PIB. Nous saurons ainsi où se situe le pic d’émission et où se situe le plateau. Ce sera l’enjeu du débat avec eux. Il ne s’agit pas de créer une contrainte nouvelle, mais de les intégrer dans le mouvement du monde de réduction globale de l’intensité carbone des économies.

Et puis parmi les pays en développement, il y a les pays les plus vulnérables, les PMA – les pays les moins avancés: 1,2 milliard de personnes sur terre, en proie au chaos climatique sous forme d’inondations ou de sécheresse‚– que ce soit le lac Tchad, la déforestation en Guinée ou les digues qui explosent et les inondations qui ravagent l’agriculture des hauts plateaux éthiopiens. Le problème est d’autant plus grave que les pays les plus vulnérables n’ont pas bénéficié des avancées de Kyoto, car les grands financements liés au marché du carbone et aux mécanismes du développement propre n’ont pas été affectés à ces pays. Ils ont été destinés aux grands pays émergents industrialisés. L’Afrique, le Cambodge, le Laos et le Bangladesh n’ont pas profité des mécanismes de Kyoto. Je considère que la solidarité internationale est décisive et que l’on ne peut pas laisser ces pays dans une telle situation. De quoi ont-ils besoin? On annonce de grands chiffres – 100 milliards ou 150 milliards de dollars par an –, mais il faut un minimum de financement public automatique, garanti, simple d’utilisation et annualisé pour les pays les plus vulnérables, en plus de l’aide au développement et des autres mécanismes de Kyoto. Il faut un plan d’énergie renouvelable visant à l’accès à l’énergie pour100 % des Africains…

M. Daniel Paul. Et aussi pour100 % des Français, monsieur le ministre!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. …alors que, pour le moment, seuls 23 % y ont accès, et seulement 16 % si l’on retire du décompte les habitants situés sur la frange des cinq kilomètres le long des côtes méditerranéennes. Il nous faut un plan et un financement automatique « justice-climat » pour stopper l’érosion fluviale et côtière, pour la reforestation et la lutte contre la désertification! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Ce que j’appelle plan ou initiative « justice-climat », certains pays l’appellent Green Fund, peu importe, mais il ne faut pas que derrière de grands chiffres et des amalgames, dans les financements d’atténuation ou d’adaptation des pays en développement, y compris ceux qui disposent d’énormes stocks de devises, on passe à côté du soutien solidaire, indispensable et vital, des pays les plus vulnérables et les plus pauvres de la planète.

Autre sujet: les forêts. Elles constituent un élément de souveraineté nationale et ont la caractéristique d’être localisées tout en contribuant globalement à l’équilibre mondial de la biodiversité et en assurant évidemment une fonction de puits de carbone. La déforestation représente aujourd’hui le deuxième poste d’émission de gaz à effet de serre, soit près de 20 %. Tous les ans, c’est l’équivalent de la superficie de la Grèce qui disparaît. Nous proposons un programme de reforestation de 5 milliards à 7 milliards de dollars par an, axé sur des financements innovants ou sur le budget des États industrialisés.

Il faut prendre en compte le fait que nous entrons dans un nouveau monde car nous avons besoin que le suivi de la conférence de Copenhague soit assuré par une organisation mondiale de l’environnement, supérieure ou équivalente à l’OMC. C’est un nouveau monde, dans lequel il faut une organisation pour les mers et pour les océans.

Mesdames, messieurs les députés, la France, grâce à vous et au vote du Grenelle de l’environnement, grâce aux qualités d’expertise qu’elle a montrée dans le cadre de l’accord européen, est très présente dans le débat de Copenhague. Elle exerce une forme de leadership, mais avec beaucoup d’humilité. Nous souhaitons un accord le plus audacieux et le plus élevé possible entre les pays industrialisés, et des financements garantis automatiques pour les pays les plus vulnérables. Le Président de la République et le Gouvernement considèrent que nous entrons dans un nouveau monde, un monde de la mesure, un monde plus solidaire, un monde de développement durable, un monde beaucoup plus humain. Voilà l’enjeu de la conférence de Copenhague. Il ne s’agit pas d’une négociation les uns contre les autres, mais d’un projet partagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le mur de Berlin est tombé il y a vingt ans, le temps d’une génération.

À Copenhague, dans moins d’une semaine, c’est un autre mur qu’il nous faudra abattre pour les générations futures. Ce mur, c’est celui de l’égoïsme, du scepticisme et de l’inaction face aux défis du changement climatique…

(À ce moment, dans les tribunes du public, des personnes tentent de déployer des banderoles. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR; Très vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix-huit, est reprise à quinze heures vingt-deux.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur Demilly, poursuivez votre propos.

M. Stéphane Demilly. Je dédie la suite de mon discours aux gens intéressés par le débat qui ont dû quitter les tribunes à cause de la bêtise de certains. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. François Sauvadet. Rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, au nom du groupe Nouveau Centre, je voudrais dénoncer les pratiques de voyous qui viennent de se dérouler dans le cœur de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Au nom de mon groupe, je demande une réunion de la Conférence des présidents…

M. le président. Merci, monsieur Sauvadet.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous revenons au débat.

Reprenez votre propos, monsieur Demilly. (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Stéphane Demilly. Mes chers collègues, si vous voulez bien prêter attention quelques instants…

M. Céleste Lett , M. Jean Auclair et M. Lucien Degauchy. Sortez les voyous!

M. Stéphane Demilly. …au reste de mon discours que je dédie…

M. le président. Monsieur Degauchy, veuillez vous asseoir!

Mes chers collègues, regagnez vos places pour que M. Demilly puisse poursuivre son discours.

M. Stéphane Demilly. …aux gens intéressés par le débat et qui ont dû quitter la tribune à cause de la bêtise de certains.

J’allais en venir aux sceptiques et aux attentistes lymphatiques auxquels je voudrais rappeler deux données pédagogiques que vous avez esquissées, monsieur le ministre, et qui résument parfaitement bien la situation. (Plusieurs députés des groupes UMP et NC quittent l’hémicycle)

M. Pascal Clément. Nous partons!

M. Yves Fromion. Nous voulons une commission d’enquête!

M. Stéphane Demilly. Premièrement, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (Les protestations perdurent)

M. le président. Poursuivez votre discours, monsieur Demilly.

M. Stéphane Demilly. …ont augmenté de 70 % entre1970 et2004, dont 24 % depuis 1990, année de référence. Ces émissions pourraient doubler d'ici 2050.

Deuxième constat: la vitesse de réchauffement a doublé au cours des cinquante dernières années. D'ailleurs, onze des douze dernières années ont été parmi les plus chaudes jamais enregistrées depuis 1850.

Voilà un constat clair, difficile à évoquer pendant une telle séance, mais qui, à lui seul, démontre l'urgence d'agir.

Spontanément et en ayant une vision à court terme, la tendance serait de se dire que ce n'est pas le bon moment d’agir, en ces temps de crise. L'économiste Nicolas Stern a très bien contré cet argument en démontrant que plus l’on tarde à agir, plus le coût des actions à entreprendre est élevé.

Cela dit, ce ne serait pas la première fois que nous ferions preuve d'égoïsme ou – permettez ce néologisme – de « chronocentrisme », en pratiquant la procrastination et en prônant: « Après moi le déluge! »

Ceux qui ont inventé cette expression populaire n'imaginaient d'ailleurs pas la réalité de son fondement sémantique.

On va déjà laisser aux générations futures des déficits publics colossaux. Évitons de leur léguer en plus des déficits environnementaux irréversibles, une planète devenue irrespirable et climatiquement dangereuse.

Monsieur le ministre, 2009 ne doit pas rester uniquement dans l'histoire comme l'année de la grande crise financière mondiale; 2009 doit aussi rester dans les mémoires comme l'année où le monde s'est uni pour trouver une solution au problème climatique. Pour reprendre un sigle devenu familier dans cet hémicycle, le monde doit procéder à sa RGPP, c'est-à-dire à sa revue générale des pratiques polluantes.

Certes, ce sera difficile et douloureux. Pourtant, ce réalisme ne doit pas nous faire sombrer dans le pessimisme qui, trop souvent, règne autour de ce sommet.

Quand j'entends les éternelles Cassandre nous expliquer que ça ne marchera pas, que ce sera un remake de Kyoto, qu'on va accoucher d'une souris, cela me rappelle l'histoire que me racontaient mes étudiants burkinabés et qui va sûrement vous plaire, monsieur le ministre. C’est celle de deux pessimistes qui se rencontrent. L’un propose: « Et si on créait un club de pessimistes? » Et l'autre de répondre: « Non, laisse tomber, ça ne marchera pas. » Voilà pour les perpétuels pessimistes.

À ces indécrottables marchands de malheur, je voudrais dire deux choses. Tout d'abord, il n'y aurait pas Copenhague s' il n'y avait pas eu Kyoto, Rio, Berlin, ou plus récemment Montréal, Nairobi et bien sûr Bali.

Si Copenhague doit être le premier chapitre d'un monde nouveau, cela ne s'obtiendra pas en claquant des doigts. Copenhague est la résultante de tout un processus enclenché depuis vingt ans, et seulement depuis vingt ans.

Ensuite, il me paraît important de rappeler que, indépendamment des décisions individuelles des 192 pays de faire ou de ne pas faire, il y a une prise de conscience incroyable au niveau des populations. Un mouvement international s'opère de bas en haut des organisations humaines. Même si nous savons que c'est insuffisant, c'est nouveau et c'est déjà un premier succès.

Nous le vivons en tant qu'individus, en tant que pères et mères de famille, en tant que responsables de collectivités locales. S’il reste inégal sur le plan planétaire, un vent favorable souffle dans l'opinion sur ce sujet, et il est générateur de changements comportementaux.

De plus, depuis des mois, des délégations du monde entier se rencontrent, des experts débattent, les ONG se mobilisent. Cela aussi, c'est un premier succès!

Des pays longtemps très réticents, comme les États-Unis, la Chine ou encore la Russie ont fait ces derniers temps des pas en avant très significatifs, certes insuffisants mais déjà louables.

Aux États-Unis, le Texas – terre d'énergies fossiles s'il en est et berceau de l'ancien président George Bush, peu connu pour ses engagements écologiques – est en train de devenir le premier producteur national américain d'énergie éolienne.

La Chine, si rétive à la remise en cause de son modèle de développement, s'y met également par pragmatisme, pour contrer notamment les innombrables et dramatiques pollutions en tout genre, qui sont à l'origine des plus importantes révoltes sociales du pays.

D'autres parties du monde, jusqu'à présent éloignées des préoccupations du développement durable, commencent à s'impliquer.

Je voudrais maintenant vous parler de l'Afrique et souligner l'effort de certains pays de ce continent. Je pense en particulier aux projets éoliens de l'Éthiopie ou encore du Kenya, des pays pourtant très pauvres – vous y avez fait allusion – et peu responsables du réchauffement de la planète.

L’empreinte carbone personnelle d’un habitant du Burundi est en moyenne égale à celle d’un poste de télévision occidental en veille. Copenhague, monsieur le ministre d’État, ne sera pas un succès s’il se résume à un accord entre les enfants gâtés de la terre. Certes, ce sont eux qui ont cassé le jouet et c’est donc à eux, à nous, qu’il revient de le réparer. Mais Copenhague doit aussi et surtout être un grand moment historique pour l’Afrique, ce continent que nous avons lâchement abandonné à son tragique destin.

Aujourd’hui, mes chers collègues – en tout cas ceux qui veulent bien m’écouter –, 500 millions d’Africains, soit 60 % de la population du continent, n’ont pas accès à l’électricité, alors que l’Afrique dispose de ressources importantes en énergies renouvelables dans les domaines de l’hydraulique, de la géothermie et, bien entendu, du solaire. J’en profite, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d'État, pour dire qu’il est essentiel que la France dénonce avec force, devant les autorités de l’ONU, la nouvelle forme de colonisation dont sont victimes de nombreux pays africains comme le Gabon, l’Angola, la Zambie, le Mozambique, la République démocratique du Congo ou encore Madagascar. Ce qui se passe là-bas, cette mainmise de grands pays ou de grands groupes privés sur les terres arables, est le grand scandale malthusien du début du siècle.

La France, quant à elle, est à la pointe du combat: le groupe Nouveau Centre, qui s’en réjouit, tient à le souligner et à vous en féliciter, monsieur le ministre d’État, vous qui abordez ce sujet avec détermination, panache et beaucoup d’humanité. Notre pays est en pointe car il s’applique à lui-même ce qu’il demande aux autres: par cette véritable révolution culturelle que représente le Grenelle de l’environnement, il s’est en effet engagé à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Est-il d’ailleurs utile de rappeler que la France a réduit ses émissions, et qu’elle est l’un des rares pays à respecter les engagements qu’elle a pris à Kyoto?

M. Yves Cochet. C’est faux!

M. Stéphane Demilly. Elle est également en pointe en ce qu’elle déploie une véritable diplomatie écologique et mobilise chaque jour ses partenaires pour parvenir à un accord. À l’heure du débat sur l’identité nationale, le groupe Nouveau Centre considère que la France se montre fidèle à des valeurs fondatrices de son identité: l’humanisme et la foi en un message universel. Copenhague sera l’un des plus grands rendez-vous de l’humanité: tous les pays du monde y seront représentés, quelle que soit leur latitude,…

M. Jean-Pierre Brard. Et la longitude, qu’en faites-vous?

M. Stéphane Demilly. …leur précarité ou leur modèle économique et politique. Beaucoup d’entre eux pourront intégrer le fait que le réchauffement et les pollutions qui en découlent ne connaissent pas de frontières, et qu’il est de moins en moins possible de se comporter en passager clandestin de la planète en demandant aux autres ce que l’on refuse de faire soi-même.

Rester en deçà d’un réchauffement de 2 degrés, seuil fatidique selon les experts, et pour cette raison réduire de plus de la moitié les émissions mondiales de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990 d’ici à 2050: voilà l’objectif officiel de Copenhague. Mais derrière celui-ci, nous le sentons, l’enjeu est de définir un nouveau modèle de développement. Notre monde a besoin d’un New Deal écologique et, parce que les temps de crise sont aussi des temps d’opportunité, cette contrainte peut, en plus d’impliquer de nouveaux modes de vie, créer des emplois et générer de nouvelles activités.

Dans ces conditions, le groupe Nouveau Centre vous adresse plusieurs demandes, pour l’énoncé desquelles on m’accordera un minute supplémentaire, puisque j’ai été interrompu. En premier lieu, les participants au sommet ne doivent pas se quitter, monsieur le ministre d’État, sans des engagements chiffrés et juridiquement contraignants: il faut des mécanismes de contrôle et de sanction. L’Union européenne, qui est à la pointe des efforts en matière d’environnement, devra à cet égard présenter un front uni et ferme. Si certains pays refusent d’assumer leur part du fardeau et entendent se comporter en passagers clandestins, le Nouveau Centre souhaite que l’Europe en tire toutes les conséquences en instaurant à ses frontières une taxe carbone communautaire pour protéger notre industrie de la concurrence déloyale de ceux qui refuseraient de participer à l’effort global, ou de le faire au rabais.

Mme Valérie Rosso-Debord. Très bien!

M. Stéphane Demilly. Deuxième point: il faut un engagement global incluant non seulement les technologies mais aussi les modes de vie. Réussir Copenhague, c’est aussi intégrer les questions d’urbanisme – les vraies, non les fausses honteusement évoquées par certains au cours des derniers jours –; c’est aussi intégrer le développement local, car les aménagements d’aujourd’hui sont les déplacements, donc les pollutions de demain. C’est pourquoi le Nouveau Centre considère qu’aux côtés des États, les collectivités territoriales ont toute leur place dans le processus de Copenhague.

Troisième point: il faut instaurer une gouvernance mondiale dotée de réels pouvoirs, d’où l’Organisation mondiale de l’environnement.

Quatrième et dernier point: comme vous l’avez compris dans mes propos précédents, un effort de solidarité exceptionnel envers les pays pauvres est nécessaire.

M. Jean-Pierre Soisson. Il faut aussi respecter leur indépendance!

M. Stéphane Demilly. Les nations les plus touchées par le réchauffement climatique sont souvent celles qui en sont le moins responsables. Les émissions moyennes de 150 millions de Bangladeshis représentent un soixantième de celles de l’Américain moyen; mais cela ne protège pas le Bangladesh de la hausse du niveau de la mer, des cyclones et des typhons. Les pays riches, je le répète, doivent faire un effort de solidarité considérable envers leurs voisins moins favorisés.

Permettez-moi de terminer cette intervention très particulière en vous rappelant, monsieur le ministre d’État, cette très belle phrase de Martin Luther King, à laquelle, puisque je suis membre de la délégation française, je penserai à Copenhague: « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous périrons ensemble comme des imbéciles. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, afin de ramener un peu de calme… (M. Yves Cochet se lève pour se diriger vers la tribune. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas lui! Pas lui!

M. Claude Goasguen. Dehors!

M. le président. Monsieur Goasguen, je vous en prie.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Voyous! Dehors!

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande, disais-je, une seconde d’attention. Tout à l’heure, nous avons assisté à une manifestation qui n’a rien à voir avec notre mission de parlementaires et d’élus représentant le peuple, bien qu’elle ait malheureusement reçu l’assentiment de certains d’entre eux. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. De M. Cochet! C’est scandaleux!

M. le président. Les débats de notre assemblée doivent avoir lieu dans l’hémicycle; je vous demande donc de faire preuve de tolérance et d’accepter, en dépit de certaines attitudes, que chacun des élus qui siègent légitimement parmi nous puisse s’exprimer. (« Non! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Cochet, vous avez la parole. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC. – Très vives exclamations des députés du groupe UMP, qui se lèvent pour se diriger vers la sortie de l’hémicycle.)

M. Christian Jacob. Monsieur le président, rappel au règlement!

Rappels au règlement

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Jacob.

M. Lucien Degauchy. Voyous!

M. le président. Monsieur Degauchy, s’il vous plaît! (Les députés du groupe UMP continuent d’apostropher certains membres du groupe GDR.)

Mes chers collègues, je vous en prie; écoutons le rappel au règlement de M. Jacob.

M. Christian Jacob. Merci, monsieur le président. Par ce rappel au règlement fondé sur l’article 58, je veux exprimer mon indignation au sujet de l’attitude inacceptable de plusieurs de nos collègues, notamment M. Mamère et M. Cochet (« Oui! » sur les bancs du groupe UMP) , à l’égard de M. Sauvadet. Lorsque celui-ci est intervenu, M. Cochet lui a fait un bras d’honneur. (« M. Mamère! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) M. Mamère lui a fait un bras d’honneur: ce n’est pas acceptable. (« Voyous! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous ne pouvons tolérer une telle attitude, et nous n’écouterons pas M. Cochet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Peut-on s’écouter dans cet hémicycle? (« Non! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

M. Jean-Marc Ayrault. Je pose la question, y compris à nos collègues de l’UMP.

Un incident a eu lieu dans les tribunes du public. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’une telle atteinte au règlement de notre assemblée n’est pas admissible. (« En effet! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) L’enceinte de la représentation nationale est réservée aux seuls débats entre les députés, débats qui, en l’occurrence, portent sur un sujet essentiel avant le sommet de Copenhague. Je regrette donc, comme tous nos collègues, ces incidents (« Des excuses! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) , dont on peut cependant s’étonner, monsieur le président, que les services de sécurité de l’Assemblée ne les aient pas anticipés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au-delà, je m’étonne du comportement de nos collègues de l’UMP. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Après un tel incident, pour défendre la dignité de la représentation nationale dans toutes ses composantes, il faut accepter d’écouter les représentants de tous les groupes avec respect. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Tout en gardant nos convictions, montrons-nous à la hauteur du rendez-vous de Copenhague, ce grand rendez-vous dans l’histoire de l’humanité. L’attitude de nos collègues de l’UMP n’en est pas digne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Reprise de la discussion

M. le président. Je prends bonne note de votre intervention, monsieur Ayrault. Je vous rappelle néanmoins que, si des billets de séance ont été attribués, ils l’ont été par un certain nombre de nos collègues.

Monsieur Cochet, vous avez la parole. (Vives exclamations des députés du groupe de l’UMP, qui quittent l’hémicycle.)

M. Lucien Degauchy. C’est une honte!

M. le président. Mes chers collègues, monsieur Degauchy, je vous en prie.

Monsieur Cochet, vous avez la parole.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux faire une mise au point:…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Minables!

M. Yves Cochet. …les propos de M. Christian Jacob à notre égard sont mensongers;…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non!

M. Christophe Priou. Le bras d’honneur, nous l’avons vu!

M. Yves Cochet. …je le dis avec tous mes amis écologistes, ceux des ONG et les autres, qui, depuis plus de quarante ans, luttent contre le conservatisme de ceux qui refusent de voir la réalité.

M. Éric Diard. Vous seriez donc les seuls à la voir? Vous êtes intolérants!

M. Christophe Priou. Et le bras d’honneur de M. Mamère? Des excuses!

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Dictature! Fascistes!

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît. Monsieur Cochet, le temps s’égrène: veuillez poursuivre.

M. Éric Diard. Nous attendons des excuses de M. Mamère!

M. Yves Cochet. L’époque interglaciaire actuelle porte le nom géologique d’holocène, c’est-à-dire la période la plus récente. Toutefois, le prix Nobel de chimie de 1995, le Néerlandais Paul Crutzen, propose de nommer notre époque l’anthropocène compte tenu de la force tellurique des activités humaines et de leur influence sur la nature, notamment sur l’actuel dérèglement climatique.

Le sommet de Copenhague doit donc marquer la fin de l’anthropocène par la signature d’un accord global, juridique et contraignant. Un protocole de Copenhague doit inaugurer une nouvelle ère, celle de la sobriété énergétique et de la solidarité entre le Nord et le Sud.

Ce protocole doit contenir, premièrement, un objectif à court terme de décroissance…

M. Jean-Pierre Brard. Pour les riches!

M. Yves Cochet. …des émissions mondiales de gaz à effet de serre à partir de 2015; deuxièmement, un engagement de réduction de 40 % en 2020 pour les pays industrialisés; troisièmement, pour les pays non industrialisés, des actions nationales de réduction des émissions en 2020, conformément au plan d’action de Bali de 2007;…

M. Jean-Pierre Brard. Avec l’argent de qui?

M. Yves Cochet. …quatrièmement, un mécanisme permettant d’atteindre l’objectif de zéro déforestation en 2020, et non, monsieur le ministre d’État, une réduction de celle-ci de 50 % en trente ans; cinquièmement, monsieur Brard, un soutien financier des pays riches aux pays pauvres d’au moins 110 milliards d’euros par an d’ici à 2020, soutien qui doit bien sûr s’ajouter à l’aide publique au développement et, par conséquent, inclure de nouveaux financements innovants, que vous avez d’ailleurs, monsieur le ministre d’État, évoqués dans votre plan; sixièmement, un régime de respect des obligations assorti de sanctions en cas de défaillance et un prolongement du mécanisme d’observance du protocole de Kyoto; septièmement, l’exclusion du nucléaire des futurs mécanismes de Copenhague en faveur du Sud.

M. Jacques Desallangre. Mais non, voyons!

M. Yves Cochet. Ce dernier point, j’y insiste, est contraire à la volonté officieuse de la France d’intégrer le nucléaire dans les plans nationaux de réduction pour les pays du Sud; à notre avis, le nucléaire est l’option la plus dangereuse, la plus chère et la moins efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. (« Non! » sur quelques bancs du groupe GDR. – « C’est faux! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Quant aux mécanismes de flexibilité, mécanismes de marché que j’ai évoqués, ils sont devenus des échappatoires et des moyens de compensation qui évitent aux pays industrialisés de réaliser des efforts nationaux de réduction des émissions.

Dans l’Union européenne, par exemple, 60 % du volume de réduction provient de compensations cumulées jusqu’en 2020, ce qui est proprement scandaleux. Il est question, à Copenhague, de créer éventuellement un marché mondial des indulgences à l’avantage des pays riches – et nous nous y opposerons de toutes nos forces. Le marché actuel des quotas de carbone au niveau européen est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire. On connaît le prix dérisoire de la tonne de carbone, qui se négocie autour de 17 euros: il faudrait qu’elle soit au moins dix fois plus chère pour que les industriels soient réellement incités à changer leurs comportements. Malheureusement, sous la pression des différents lobbies des énergies fossiles et de certains savants fous, d’autres élaborent des échappatoires technologiques insensées, telles que les projets de captage et de séquestration du carbone, l’ensemencement des océans pour multiplier le phytoplancton, l’envoi de soufre dans la stratosphère et autres délires technologiques. Ces personnes, qui promeuvent une mythologie de la nature réparée par la géo-ingénierie, ont un comportement semblable à celui des staliniens qui, il y a une soixantaine d’années, voulaient dévier les fleuves afin de parfaire l’œuvre de la nature.

M. Jean-Pierre Brard. Ignorant!

M. Yves Cochet. Jadis, à l’époque du libéralisme ou du marxisme, aussi bien Adam Smith que Karl Marx voulaient refaire la société. Aujourd’hui, avec ce type de technologie, certains veulent refaire la nature. Il est évident que cela ne marchera pas.

M. Jean-Pierre Brard. Marx n’a jamais dit cela! « Ignorantus, ignoranta, ignorantum! »

M. Yves Cochet. J’en appelle donc maintenant aux associations, aux ONG, aux syndicats et, en fait, à tous les citoyens, pour qu’ils fassent pression sur leurs gouvernements, afin que Copenhague soit réussi au regard des sept conditions que j’ai énoncées, avec la décroissance massive et rapide de l’empreinte carbone des pays industrialisés, et le remplacement du modèle productiviste et croissantiste par une sobriété heureuse et solidaire. Pour paraphraser le poète René Char, je dirai qu’il n’y a pas une place pour la sobriété: toute la place est pour la sobriété.

M. Noël Mamère et M. François de Rugy. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP rentrent dans l’hémicycle et regagnent leurs bancs. – « Les revoilà! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. C’est un scandale: ils étaient cachés derrière le rideau! (Sourires.)

M. Jean-Paul Bacquet. On se croirait au Châtelet!

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie! Vous avez la parole, monsieur Poignant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Poignant. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, au préalable, de m’élever vivement contre des manifestations qui, dans ce haut lieu de la République et de la démocratie française, sont un outrage à toute la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Quelle image pour la France, à l’approche de Copenhague! (« Ce sont des voyous! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce type de manifestation disqualifie ses propres auteurs, mais porte aussi malheureusement atteinte à l’image des autres ONG, ce que je regrette vivement.

Monsieur Cochet, j’aurais aimé vous entendre condamner cette irruption, et non pas l’approuver par un geste inadmissible à l’adresse de notre collègue Sauvadet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, on me met en cause! Puis-je répondre! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Poignant. M. Cochet n’a présenté aucune excuse, car il était complice.

M. Yves Cochet. C’est du mensonge pur et simple!

M. Céleste Lett. C’est un comportement de voyou!

M. Serge Poignant. Cela vous donne tort, monsieur Ayrault, lorsque vous vous montrez indulgent, et cela invalide les critiques que vous avez formulées à l’égard de l’UMP.

Mes chers collègues, je voudrais, au nom du groupe UMP, me féliciter de la tenue de ce débat au sein de l’Assemblée nationale, même s’il a été gâché par ce que nous venons de vivre.

Les émissions de gaz à effet de serre, notamment de gaz carbonique, ont brusquement augmenté avec l’ère de l’industrialisation et l’utilisation massive des énergies carbonées, notamment ces dernières années. Les conséquences du réchauffement climatique sont déjà avérées, concrètes, avec la montée du niveau des océans, des sécheresses, des inondations, des cyclones, des menaces sur la biodiversité – 16000 espèces sont en voie de disparition, dont une espèce animale sur quatre –, sur l’alimentation, sur la santé.

Comme le dit Yann Arthus-Bertrand, un homme qui a la soixantaine aura vu la planète passer de 2 milliards d’habitants au moment de sa naissance, à 7 milliards aujourd’hui, et à 9 milliards lorsqu’il parviendra au terme de son espérance de vie. En moins d’un siècle, c’est une véritable explosion démographique!

Si tel devait être le cas, comment ces 9 milliards d’hommes et de femmes vivront-ils? Comment géreront-ils des déplacements de population par centaines de millions de personnes?

L’organisation météorologique mondiale a annoncé, la semaine passée, que la concentration moyenne de gaz carbonique mesurée à partir de 200 stations réparties dans une cinquantaine de pays atteignait en 2008 le chiffre de 385 ppm – parties par millions. Il était de 310 en 1960 et les climatologues estiment que le chiffre à ne pas dépasser se situe autour de 450 ppm. En conséquence, l’élévation de température serait de l’ordre de 2 degrés et l’élévation du niveau des océans de 20 à 30 centimètres, voire beaucoup plus si la fonte des glaces amplifiait le phénomène, ce qui semble malheureusement se produire dans l’Arctique.

Il y a donc urgence à agir, car, si notre planète devait se réchauffer de 5 à 6 degrés, le risque de montée des océans serait plutôt de l’ordre du mètre, si ce n’est beaucoup plus encore – et nous en sommes tous conscients, monsieur Cochet.

M. Richard Mallié. On ne l’a pas attendu!

M. Serge Poignant. Le monde a pris conscience de ce danger extrême à partir de la conférence de Rio en 1992 dans le cadre des Nations unies, où les 192 pays présents ont décidé de la tenue d’une conférence des parties – COP – annuelle sur le réchauffement climatique.

C’est la cinquième COP, en 1997, qui a instauré le protocole de Kyoto, les pays développés s’engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre avec des objectifs chiffrés à 2012 par rapport à 1990. Ce protocole est entré en vigueur en 2001, mais les États-Unis ont refusé de le ratifier.

En 2005, lors de la conférence de Montréal, la Chine, l’Inde et le Brésil ont pris l’engagement de discuter de l’après Kyoto. Fin 2007, la conférence de Bali – treizième COP –, moment d’une intensité exceptionnelle auquel j’ai eu le privilège de participer près de vous, monsieur le ministre d’État, s’est conclue par une reconnaissance, de la part des 192 pays, de la nécessité d’aboutir à un nouvel accord en 2009 et à l’établissement d’une feuille de route dont je veux rappeler ici les grandes lignes: efforts comparables et quantifiés des pays industrialisés, pour un processus de réduction des gaz à effet de serre après 2012; engagement des pays émergents à mettre en œuvre des actions qui soient mesurables, communicables et vérifiables; solidarité renforcée entre pays développés et pays en développement, en particulier les pays les moins avancés et les petits États insulaires; accord sur la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, responsables de 20 % des émissions de gaz à effet de serre.

Je veux souligner que la France a pesé de tout son poids et de toute son influence pour que la question des forêts soit prise en compte à Bali.

À la fin de 2008, à Poznań, lors de la quatorzième COP, à mi-chemin entre Bali et Copenhague, un calendrier a été défini et un premier accord substantiel de financement d’adaptation pour les pays les moins avancés a été décidé, là encore avec intervention ferme de la France. Je me souviens également que l’on attendait alors l’accord européen sur le paquet énergie-climat, qui se négociait les mêmes jours et allait conditionner la poursuite du processus mondial. Je veux de nouveau saluer votre action, monsieur le ministre d’État, et celle du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui, avec la présidence française de l’Europe, a fait bouger l’Union comme jamais et obtenu cet accord si crucial.

Les négociations mondiales se sont poursuivies tout au long de l’année 2009, à tous les niveaux, étatique, bien sûr, diplomatique, mais aussi parlementaire. J’ai personnellement participé à la conclusion d’accords de parlementaires de l’Union européenne et des pays du G8 + 5 pour appuyer leurs gouvernements respectifs à la préparation d’un accord à Copenhague dans quinze jours.

Comme vous, je souhaite que cet accord soit fondé sur des engagements précis et sur une véritable solidarité internationale. Je souhaite qu’il soit compatible avec l’objectif d’une augmentation de la température limitée à 2 degrés par rapport au niveau préindustriel, ce qui constitue une véritable ambition et implique la division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050 par rapport à 1990.

Oui, monsieur le ministre d’État, il faut que l’accord soit contraignant et que la décision soit transformée en instrument juridique avant la conférence de Mexico, fin 2010.

Oui, l’accord doit comporter un engagement de tous les pays industrialisés de réduire leurs émissions d’au moins 80 % à l’horizon 2050 par rapport à 1990, avec des étapes intermédiaires chiffrées en 2020, 2030, 2040. J’encourage l’Europe à mettre sur la table des négociations les 30 % envisagés du paquet énergie-climat pour 2020.

Oui, les pays en voie de développement doivent participer aux objectifs généraux de réduction, s’engager sur des actions concrètes, mesurables, communicables et vérifiables, et dissocier la croissance de leur PIB de la croissance de leurs émissions. Pour cela, il leur faudra combiner les financements potentiels que sont les ressources nationales, les marchés du carbone et la coopération financière internationale. La question des transferts de technologies devra également être clairement établie.

Oui, l’accord de Copenhague doit aussi comporter un volet de solidarité internationale – vous avez eu raison d’insister là-dessus, monsieur le ministre d’État – en faveur des pays les plus vulnérables et les moins avancés, qui seront les premiers touchés par le réchauffement climatique.

Oui, exception faite des pays les moins avancés, cela coûtera à l’ensemble des États et nous mesurons bien la difficulté à obtenir un consensus sur un chiffre global et sur la répartition des contributions financières. Faut-il parler de 20 ou de 100 milliards de dollars annuels? Je l’ignore, mais l’accord global passe par ces contributions qui me paraissent relever d’une réelle justice et d’un réel maintien de l’équilibre mondial, avec un premier déblocage de fonds au plus tôt.

N’oublions pas pour autant le volet forestier sur la réduction de la déforestation et la gestion durable des forêts, sachant que, là aussi, un financement international doit être mis en œuvre. Vous avez évoqué le chiffre de 5 à 7 milliards.

J’appuie enfin la volonté affichée du Président de la République de proposer la mise en place à terme d’une OME, Organisation mondiale de l’environnement et du développement durable, qui garantira la bonne application d’un accord.

Certains nous diront que les États-Unis ne s’engageront pas, et que, par conséquent, la Chine ne le fera pas non plus. Je veux être positif et considérer que, même si le Sénat américain n’a pas encore voté de loi, la Chambre des représentants s’est engagée sur un pourcentage de réduction des gaz à effet de serre. Il est peut-être insuffisant, se référant à 2005 plutôt qu’à 1990, mais aucune avancée concrète n’avait été faite auparavant.

J’observe que la Chine, l’Inde, le Japon, la Russie, la Corée du Sud se sont aussi engagés dans des mesures concrètes.

Enfin, je veux saluer l’engagement du Brésil et la relation bilatérale établie entre le Président brésilien et le Président français, source d’entraînement de nécessaires relations Nord-Sud.

Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, la France a su s’impliquer de façon déterminée à chaque grand rendez-vous sur les enjeux climatiques. Je sais qu’elle le fera de nouveau à Copenhague, forte de son engagement interne et européen, persuadée qu’un nouveau modèle de croissance économique, environnemental et social est possible en notre monde, sur notre planète, persuadée que, même si les négociations seront difficiles – et elles le seront –, l’homme doit être capable de dépasser ses intérêts à court terme, solidairement, pour stopper et inverser un processus qui pourrait être catastrophique pour les générations futures.

C’est tout le sens de l’engagement total du groupe UMP derrière vous, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, et derrière le Président de la République, et, je l’espère, malgré ce qui vient de se passer, de tout le Parlement français, pour que Copenhague soit un succès et une étape historique pour l’avenir du monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, à quelques jours du sommet de Copenhague sur le climat, il n’est pas inutile, selon moi, de rappeler que les socialistes ont toute légitimité pour parler de ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Gorges. Expliquez-nous pourquoi!

M. Jean-Paul Chanteguet. En effet, depuis 1992 et le sommet de la Terre à Rio qui se tint au cours du second mandat de François Mitterrand, nous avons, nous aussi, participé à cette prise de conscience mondiale sur les changements climatiques et la perte de biodiversité. François Mitterrand déclarait alors: « Notre devoir, qui est le même partout et pour tous, est de faire que la Terre nourricière soit à la fois notre maison et notre jardin, notre abri et notre aliment. » C’est aussi un gouvernement de gauche, conduit par Lionel Jospin, qui, en 1997, négocia l’accord de Kyoto pour la France et pour l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Déjà, nous pouvons dire que Copenhague aura permis de gagner la bataille de l’opinion publique mondiale. Sa préparation aura en effet constitué la plus grande et la plus efficace campagne planétaire de sensibilisation au risque climatique. Scientifiques, politiques, ONG, artistes, médias, mais aussi peuples: tous se sont mobilisés pour mettre en évidence le caractère global de l’enjeu et faire un nouveau pas décisif dans ce combat.

Le réchauffement climatique est en marche. Si rien n’est fait pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, qui en sont responsables, le niveau des océans s’élèvera de plus d’un mètre, mettant en danger près du quart de la population qui vit près des côtes, et la production alimentaire mondiale pourrait baisser de 40 %.

En ce qui nous concerne, nous n’accordons aucun crédit à la campagne des climato-sceptiques, qui attribue le réchauffement en cours à d’autres facteurs que l’activité humaine et qui est le fait de lobbies financés par les industries pétrolières et minières.

Plusieurs études le confirment, les pays pauvres seront les premières victimes du réchauffement climatique, alors qu’ils ne sont responsables que de 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Notre dette écologique à leur égard est immense.

Les recommandations du GIEC s’imposent à nous; si nous ne voulons pas aller au-delà des deux degrés Celsius supplémentaires, les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial doivent diminuer de 50 % au moins d’ici 2050, et de 80 % à 95 % par rapport à 1990 pour les pays développés.

Comme vous, nous défendons la signature à Copenhague d’un accord qui soit juridiquement contraignant, un accord qui soit le plus ambitieux possible en termes d’objectifs de réduction mais aussi un accord qui, compte tenu de l’état de pauvreté de certains pays, ne les oblige pas, comme vous l’indiquez, monsieur le ministre, à choisir entre réduction de l’émission de CO 2 et croissance, ce qui serait irréaliste. En effet, dans les pays du Sud, la moitié de la population vit aujourd’hui avec moins de deux dollars par jour et 1,6 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité.

L’un des enjeux majeurs de la négociation de Copenhague est d’aider financièrement les plus pauvres à se développer tout en limitant leur consommation d’énergie fossile grâce à des technologies à faible intensité de carbone et à la mise en œuvre de projets de développement propres.

Cet enjeu, monsieur le ministre, vous avez su vous l’approprier, au travers du plan justice-climat que vous proposez. Le groupe SRC forme, bien entendu, le vœu qu’il contribue au succès de Copenhague. Néanmoins, ne peut-on craindre que cette stratégie du mouvement qui se traduit par l’activation d’une diplomatie parallèle à celle de l’ONU et de l’Union européenne ne voue votre initiative à l’échec? N’aurait-il pas été plus opportun de faire approuver votre plan par Bruxelles afin de bénéficier d’un véritable mandat?

S’il est des progrès, il est aussi des inquiétudes. En effet, le soutien financier public des pays industrialisés aux pays en développement, constitue un enjeu majeur du sommet de Copenhague. Estimé à 110 milliards d’euros par an d’ici 2020, celui-ci ne devra pas être financé, pour partie, par un recyclage de l’aide publique au développement de 0,7 % du revenu national brut à laquelle les pays de l’OCDE se sont engagés en 2000 et qui, pour la France, en 2010, ne sera malheureusement que de 0,44 %. À ce jour, l’Union européenne a été incapable de se mettre d’accord sur le soutien financier qu’elle était prête à apporter et votre plan justice-climat, monsieur le ministre, ne mobiliserait que 16 milliards d’euros par an, soit sept fois moins que les besoins estimés.

Nous situant déjà dans l’après-Copenhague, nous devons dire comment nous atteindrons les objectifs de réduction qui auront été fixés. Tout d’abord, nous ne pensons pas que la science seule résoudra la situation, même si la capture et le stockage de carbone dans d’anciens champs pétroliers et gaziers peuvent constituer un jour une technologie adaptée. De même, nous ne pensons pas qu’il pourrait exister une main invisible climatique, actionnée par la création d’un vaste marché mondial du carbone, qui fonctionnerait au niveau planétaire et produirait des effets vertueux, même s’il n’est pas inutile d’espérer qu’il arrivera un jour à maturation et constituera un bon outil de régulation.

Sur le marché européen, le prix du carbone a connu des fluctuations considérables, atteignant des sommets pour, ensuite, s’effondrer du jour au lendemain. Depuis un an, il est passé de plus de 30 euros à 8 euros et se maintient désormais autour d’une quinzaine d’euros, des prix tellement faibles et imprévisibles qu’ils ne conduisent pas les industriels à raisonner en termes de décarbonisation.

Aujourd’hui, le marché des quotas de CO 2, qui a vu arriver les traders, porte en lui des risques de délocalisation et de spéculation.

Avec l’avènement de la société post-carbone, nous allons vivre de grands bouleversements sur le plan social et sociétal. C’est à la construction d’un nouveau projet de société, l’éco-société, qu’il convient de travailler. Portée par un projet politique, celle-ci permettra de passer d’une société du gaspillage à une société de la sobriété, parce que moins émettrice de carbone et plus économe en ressources.

Nous le savons, nous devrons changer notre manière de vivre, d’habiter, de nous déplacer et de consommer. La transition vers l’éco-société nécessitera la transformation des filières de production et appellera des mutations sociales d’envergure en matière d’emploi et de formation. Pour nous, socialistes, le défi climatique, tant au niveau de la France qu’au niveau du monde, peut rencontrer le défi social.

Pour les pays développés et donc pour la France, les efforts à accomplir pour atteindre le facteur 4 d’ici 2050 seront immenses, puisqu’il faudra diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre de chaque individu. Ainsi, en moyenne, un habitant ne devra plus émettre que de l’ordre de 2 tonnes par an d’équivalent de CO 2 , ce qui correspond à la quantité qu’émet une voiture récente en parcourant 15000 kilomètres.

Je le rappelle, en 2010, entre 50 et 150 millions d’Européens, entre 2 et 5 millions d’habitants de notre pays seraient touchés par la précarité énergétique.

Reliés aux crises alimentaires que connaissent certaines régions du monde, ces chiffres démontrent que le problème climatique ne peut être traité indépendamment de la crise sociale.

Les socialistes, dans les nombreuses collectivités territoriales qu’ils animent, ont pris des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre et sont souvent allés au-delà des objectifs européens qui s’imposent à nous depuis décembre 2007.

Ils ont montré que les modes de transport peuvent être plus partagés, plus collectifs, sans réduire la qualité de vie, bien au contraire. Ils ont réalisé des centaines de bâtiments à haute efficacité énergétique, montrant ainsi que le bilan économique de ces investissements est positif. Ils ont insufflé de nouveaux modes de production et de consommation, en invitant les industriels et les producteurs à éco-adapter, en lien avec les pouvoirs publics, leur production, de manière à trouver de nouveaux débouchés. Ils ont vérifié que, lorsque l’on émet des signaux prix utiles et compréhensibles pour la population, les comportements changent rapidement et se traduisent par des investissements utiles, des conditions de vie meilleures et un pouvoir d’achat renforcé.

Acteurs majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique, les collectivités territoriales doivent voir leur rôle renforcé et soutenu, notamment au travers de l’accord de Copenhague. La diversité des territoires et leur capacité d’innovation et d’expérimentation doivent être un accélérateur de la transition vers l’éco-société.

Cependant, les collectivités territoriales ne pourront pas assumer leurs ambitions si le Gouvernement poursuit sa politique de recentralisation et les prive de leur autonomie financière. Bien meilleures gestionnaires que l’État et tellement plus proches des populations, elles doivent avoir les moyens de leur action, afin de contribuer à la mise en œuvre des engagements internationaux de la France.

À l’occasion de ce débat, il est de la responsabilité du groupe socialiste d’exprimer des choix et des exigences pour le sommet de Copenhague.

Nous pensons tout d’abord qu’il faudrait revenir aux fondamentaux de Rio et arrêter l’étalement entre l’écologie, le social et l’économie imposés dans tous les traités internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous demandons ensuite que Copenhague garantisse que l’accord sur le climat sera pris en compte à l’OMC. Nous considérons aussi que les grandes puissances économiques devraient réaffirmer les engagements qu’elles ont pris en 2000, lors du sommet du millénaire, portant sur l’élimination de la pauvreté et le développement durable. Nous pensons enfin qu’il serait nécessaire que soit actée la création d’une organisation mondiale de l’environnement.

Pour sauver ce sommet et préserver l’après-Copenhague, il faut: que soit pris en compte l’enjeu fondamental que constitue le soutien aux économies les plus précaires; que ne soient pas sanctuarisés des domaines comme le transport maritime ou aérien, dont le développement dans des conditions protégées ont été à l’origine de délocalisations massives (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)  ; que soit intégrée la forêt, dont la destruction est actuellement responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre; que l’Europe, pour préserver son rôle de leader dans la lutte contre le réchauffement climatique, s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 %, au lieu des 20 % prévus dans le paquet climat énergie; que soit reconnu le rôle des pouvoirs publics locaux; enfin, que soit mis en place un financement pérenne de l’aide publique aux pays en développement, qui, pour nous, doit être constitué par une taxation des transactions financières internationales.

Forts de nos engagements en faveur de la justice sociale, de l’émancipation de l’individu au sein de la société et d’une économie au service de l’homme et de la planète, nous souhaitons montrer que, à Copenhague, il y a un chemin permettant à l’humanité de sortir du piège climatique et énergétique dans lequel elle s’est enfermée depuis la révolution industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, avant que les présidents de commission ne s’expriment et après que les orateurs de chacun des groupes se sont eux-mêmes exprimés à la tribune, je voudrais vous préciser, après les incidents particulièrement graves que nous avons connus au cours de cette séance et qui m’ont conduit, selon l’usage, à la suspendre immédiatement, que leurs auteurs sont actuellement interrogés.

Je voudrais ajouter que, compte tenu de la gravité de ces incidents, que nous condamnons sans réserve et qui sont particulièrement choquants en ces lieux, j’ai décidé, en particulier à la suite de la vive altercation qui a opposé dans cet hémicycle certains parlementaires, de réunir le Bureau, dès que les présidents de commission auront prononcé leurs interventions. Je demande donc aux membres du Bureau déjà présents de se préparer à cette réunion, qui se tiendra à la présidence, à l’issue de ce débat, et je demande aux groupes dont les présidents ne seraient pas personnellement disponibles de désigner un représentant.

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

M. Yves Cochet. Je demande la parole pour un rappel au règlement!

M. le président. Monsieur Cochet, vous m’avez demandé la parole pour un fait personnel. Je vous rappelle que les prises de parole sur les faits personnels ont lieu à la fin de la séance.

La parole est donc à M. Poniatowski.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question posée à Copenhague est non seulement celle de la préservation et de la protection de notre bien commun, la planète, mais aussi celle de la sécurité et de l’accès de toutes les populations de la planète aux ressources vitales que sont l’énergie, l’eau et les terres cultivables.

La relation de cause à effet entre, d’une part, nos modes de vie et notre modèle de développement de plus en plus voraces en ressources énergétiques et, d’autre part, la dégradation rapide de l’environnement et du climat due aux trop fortes émissions de CO 2 est désormais démontrée.

Derrière ce constat, on trouve cependant une situation qui révèle de grandes inégalités, puisque les principaux pays émetteurs de CO 2 ne sont pas nécessairement ceux qui ont le plus à souffrir des conséquences du changement climatique et de la raréfaction des ressources naturelles. Certes, les catastrophes climatiques frappent parfois les pays les plus riches – je pense bien sûr aux États-Unis et à La Nouvelle Orléans ravagée par le cyclone Katrina – mais les continents les plus gravement atteints restent l’Asie et l’Afrique. Celle-ci, confrontée à des problèmes de développement économique considérablement aggravés par les dérèglements climatiques, comme des vagues de sécheresse, des pluies diluviennes et l’avancée des déserts, connaît des tensions sociales et politiques, qui en font le continent de tous les conflits.

À titre d’illustration, un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement précise: « La tragédie du Darfour n’est pas seulement la tragédie d’un pays d’Afrique, c’est une fenêtre sur le reste du monde qui met en évidence la manière dont des problèmes tels que l’épuisement incontrôlé des ressources naturelles, conjugués à des impacts comme les changements climatiques, peuvent déstabiliser les communautés, voire même des nations entières. »

On le voit, la question environnementale est centrale, en raison de ses implications sur la vie de populations de plus en plus nombreuses.

À cet égard, je souhaite m'arrêter sur cette loi du nombre, car s'il existe une corrélation énergie-climat, il existe également un lien entre démographie et climat. Je souhaiterais insister sur cette relation, qui doit à mon sens venir compléter toute réflexion en faisant directement entrer dans le débat, la question de la croissance exponentielle des populations, et donc, de l'aide au développement.

La population mondiale s'élève aujourd'hui à environ 6,5 milliards d'habitants, la Chine et l'Inde comptant chacune plus d'un milliard d'entre eux. De façon plus générale, la terre gagne chaque semaine 1,5 million d'habitants et, selon les experts, la population mondiale devrait se stabiliser autour de 9 milliards d'individus à l'horizon 2050. Les projections réalisées par le Fonds des Nations unies pour la population montrent que cette augmentation concernera essentiellement l'Afrique, laquelle devra gérer une population urbaine qui aura triplé entre2000 et2030, et l'Inde, dont l’importance de la population dépassera celle de la Chine.

La croissance démographique produit d'ores et déjà ses effets sur le climat: elle crée une pression sur l'usage des sols, en transformant des forêts en terres agricoles, soit pour des cultures vivrières comme à Madagascar, ce qui est un moindre mal, soit pour de grandes cultures intensives d’exportation comme au Brésil, en Asie du Sud-Est ou dans certaines régions d'Afrique. Avec elles, ce sont les puits de carbone qui diminuent, alors qu'au contraire, nous aurions besoin qu'ils s'accroissent.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les pays en croissance démographique forte se trouvent dans des zones menacées de désertification, comme au Sahel, ou sujettes à la montée des eaux, comme au Bangladesh. Le phénomène des réfugiés climatiques risque de se généraliser à l'échelle de plusieurs millions de personnes.

Il devient de plus en plus difficile de satisfaire les besoins vitaux élémentaires de populations en explosion démographique, ce qui entraîne l'épuisement des terres, la raréfaction des ressources en eau, le déséquilibre de la biosphère et conduit à terme à l'instabilité climatique et forcément à l’instabilité politique. Comment sortir de cette spirale?

Les politiques de développement ont tout leur rôle à jouer dans ce combat. Nous connaissons le lien entre pauvreté et taux de natalité. Une soixantaine de pays affichent toujours un taux de fécondité de 5 %, alors que la moyenne mondiale est à 2,5 % et que la moyenne européenne est inférieure à 2 %. Or toute élévation du niveau de vie qui s'accompagne d'une amélioration des conditions sanitaires et de santé fait chuter systématiquement la natalité.

Comme vient de le souligner le récent rapport du Fonds des Nations unies pour la population, publié en novembre, la maîtrise du facteur démographique a un impact direct sur le niveau des émissions de C0 2 .

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre défi est immense: nous devons mettre en place un monde sobre en émissions de carbone, mais aussi contenir l'augmentation exagérée de la population sur notre planète. L'un des enjeux de Copenhague sera de fixer, en sus des objectifs de diminution chiffrée des émissions de gaz à effet de serre, également des objectifs de croissance raisonnable des populations dans les zones les plus exposées et, pour cela, augmenter notre aide en matière de développement économique, d'éducation et de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Nous connaissons, monsieur le ministre, l'engagement et la détermination qui sont les vôtres pour aboutir à un accord à Copenhague. Je veux vous féliciter pour l’engagement et le dévouement que vous mettez dans cette action. Soyez assuré de notre total soutien: nous sommes parfaitement conscients de votre action et de votre rôle au nom de la France dans ces négociations climatiques, et de la nécessité de donner une image constructive des sommets internationaux et de ce que l’on appelle maintenant la « diplomatie climatique ».

Comment imaginer en effet que nos concitoyens modifient profondément leur comportement en adhérant aux objectifs du Grenelle si cette modification ne s'intègre pas dans une démarche globale et mondialisée?

Je veux dans ce cadre insister sur quelques aspects qui me semblent fondamentaux. La question climatique doit être étroitement liée à celle de la sécurité alimentaire et du codéveloppement. Les questions de climat ne peuvent pas être traitées de manière séparée du reste de la politique de développement, car elles sont essentielles pour la durabilité de cette politique.

M. Alain Cousin. Oui, c’est important.

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Développement durable et changement climatique, c'est finalement le même agenda. Si nous continuons à distinguer climat et développement, nous risquons de passer à côté d'enjeux majeurs: en premier lieu, celui d'ignorer le rôle que l'agriculture peut jouer en tant qu'outil puissant d'adaptation au changement climatique; en second lieu, celui d’ignorer que la sécurité alimentaire sera impactée négativement par les conséquences du changement climatique à cause de la baisse des rendements agricoles, notamment dans l'hémisphère sud.

Il faut arrêter d'opposer agriculture et environnement.

M. Guy Geoffroy. Très bien!

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Cela passe, n'en déplaise à certains, par des pistes nouvelles comme le développement de la chimie verte. C'est une source de revenus potentiellement importante pour les pays en voie de développement, qui peut répondre aux besoins d'alimentation humaine et animale par ses produits dérivés et aux besoins énergétiques par la biomasse.

Elle peut permettre également de financer une agriculture plus intensive, plus productive, et donc, in fine de réduire la consommation d’espace et de lutter contre la déforestation. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre: il s’agit de 13 millions d'hectares par an, soit l’équivalent de la superficie de l'Angleterre ou encore d’un terrain de football qui disparaît à chaque seconde dans le monde.

L'enjeu décisif de Copenhague doit être d'aider financièrement le pays les plus pauvres à se développer, tout en limitant leur consommation d'énergie et, de ce fait, leurs émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs acteurs majeurs se sont engagés dans cette voie, et notamment la France, par votre voix, monsieur le ministre, qui avez appelé à la création du Fonds justice climat. D’autres pays comme le Japon, le Mexique, le Brésil, ont aussi fait des propositions dans ce sens.

Je pense à ce sujet que la finance climat, qui se discute en ce moment, devrait être considérée comme de l'aide au développement. Mettre en compétition les financements climat et ceux de l’aide au développement est selon moi une erreur, car les ressources budgétaires des pays du nord sont limitées, comme nous le savons tous. Dire que les financements climat seront additionnels à ceux de l'aide publique au développement est, de mon point de vue, un leurre.

L'histoire récente sur d'autres secteurs – dans le domaine de la santé ou dans le transport aérien, avec des taxes qui devaient être additionnelles, elles aussi, par rapport à l'aide au développement – montre que l'additionalité annoncée ne devient pas forcément réalité.

Si ces ressources financières entrent en compétition, l’environnement et le développement en ressortiront perdants. Considérer que le climat est partie intégrante du développement durable, c'est au contraire une manière de s'assurer que l'argent qui va sur le climat ne se désintéresse pas de sujets comme celui de la sécurité alimentaire.

Sur les dispositifs de financement en tant que tels, l’aide publique au développement doit financer des politiques sur le long terme en complément du marché carbone, lequel est axé uniquement sur le financement des projets via des mécanismes de développement propre. Or l’aide publique au développement peut accompagner de façon efficace les politiques nationales de climat dans les pays émergents. Je suis rentré du Vietnam la semaine dernière; l’AFD y monte en ce moment un prêt budgétaire climat avec les Japonais, pour financer une véritable stratégie nationale d'adaptation au changement climatique, décidée par les autorités vietnamiennes, à l'instar de ce qui a déjà été mis en place en Indonésie. Je crois qu'un autre prêt du même type est en préparation au Mexique.

Des politiques comme celles de l'aménagement urbain et de la densité urbaine sont également finançables par l'aide publique au développement et ce sont les premiers facteurs de réductions d'émissions.

Je pense que l'on pourrait également réfléchir, à l'échelle internationale, à une nouvelle campagne d'annulation de la dette, en échange de l'élaboration et de la mise en œuvre de programmes climat dans les pays en voie de développement.

Aucune solution miracle n'existe, toutes les solutions sont indispensables, à condition de les doser correctement. Le développement durable doit être à la fois désirable et désiré. Il faut qu'à la question « Est-ce que j'y ai un intérêt personnel? », les États puissent répondre « oui » sans hésiter. Sinon, les choses ne se feront pas,

L'essentiel est donc de créer les conditions qui inciteront les États à réduire leurs émissions par intérêt propre. Pour y parvenir, il faut mobiliser toutes les idées, toutes les approches et toutes les technologies: formation, éducation, réglementations coercitives et incitatives, mécanismes de marché, le tout à l'échelle globale, mais aussi locale. Les sujets compliqués ont rarement des solutions simples et générales. Cela étant, monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, la conférence de Copenhague doit définir l'accord qui succédera, après 2012, au protocole de Kyoto. Les enjeux sont immenses, nous le savons: si le réchauffement climatique dépasse deux degrés, il ne sera plus possible de s'adapter à ses multiples impacts sur l'environnement, l'agriculture, la santé et la sécurité. Une réduction très importante des émissions mondiales de gaz à effet de serre est indispensable, les efforts des dix prochaines années étant décisifs.

La commission des affaires européennes a examiné hier le rapport d'information de MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert sur la préparation de la conférence de Copenhague et adopté des conclusions soutenant l'objectif d'un accord contraignant, global et ambitieux.

Les négociations internationales ont avancé lentement, du fait de l'attentisme de certains pays, en particulier des États-Unis et de la Chine, responsables à eux deux de 40 % des émissions mondiales.

II est essentiel que la Conférence débouche au moins sur un accord politique comportant des engagements précis et chiffrés qui devront être repris dans le cadre d'un traité à conclure en 2010.

L'objectif de l'Union européenne, d'ici à 2020, est ambitieux: 20 % de réduction de ses émissions, voire 30 % si les autres États développés adoptent des objectifs comparables et si les pays en développement fournissent des efforts adaptés à leurs responsabilités et à leurs capacités. Les efforts de l'Union s'appuieront sur le paquet énergie-climat, adopté sous présidence française en décembre2008. Le Conseil européen des 29 et 30 octobre a délivré un mandat clair pour Copenhague. Cette position confère à l'Union européenne un rôle exemplaire et moteur dans les négociations.

Cependant, les objectifs annoncés par la plupart des pays développés sont sensiblement insuffisants par rapport à la nécessité de réduire, par rapport à 1990, de 25 à 40 % les émissions d'ici à 2020. Le fait que les États-Unis aient enfin communiqué un objectif chiffré est évidemment un signe positif. Mais cet objectif, qui correspond à moins 4 % par rapport à 1990, reste très faible. Comment peut-on envisager sur ce plan, monsieur le ministre, l'évolution des positions américaines dans l'avenir?

Par ailleurs, il est aussi essentiel que les pays émergents s'engagent à limiter la croissance de leurs émissions. La Chine est à présent le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. L'objectif intérieur qu'elle annonce est ambitieux, mais il faut qu'elle s'engage davantage en acceptant un véritable objectif contraignant.

Il faut tout faire pour favoriser un accord à Copenhague et, je le sais, c’est ce que fait le Président de la République, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, et l’ensemble du Gouvernement. Mais, si Copenhague se concluait par un échec, l'Union européenne devra soutenir la mise en œuvre d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, dont la possibilité est prévue par le paquet énergie-climat. Où en sont à cet égard les positions de nos principaux partenaires de l'Union?

L'accord de Copenhague devra comporter des engagements précis en matière de financement des actions d'atténuation et d'adaptation dans les pays en développement, par un renforcement substantiel des moyens – conformément à la demande de l'Union européenne qui estime les besoins à 100 milliards d'euros par an d'ici à 2020. La possibilité de recourir à des financements novateurs, tels qu'une taxe sur les transactions sur les valeurs mobilières, doit être explorée. L'aide financière internationale devrait être dirigée en priorité vers les pays les plus vulnérables au changement climatique, comme vous le proposez, monsieur le ministre, dans le plan « Justice Climat ».

Comment votre proposition, monsieur le ministre, est-elle reçue à ce stade, dans le cadre de la négociation en cours?

Le Conseil européen des 10 et 11 décembre permettra une concertation au plus haut niveau, pendant la conférence de Copenhague.

La lutte contre le changement climatique est un exemple extrêmement fort et parlant de l’efficacité que peut avoir l’Europe lorsque ses États acceptent d’agir ensemble. En effet, l’Europe aura, quoi qu’il arrive, sous l’impulsion de la France, été exemplaire dans ce dossier majeur pour l’avenir de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, avant de donner quelques éléments de réponse, je souhaiterais faire une observation sur l’ambiance. Cette assemblée a été absolument exemplaire en validant la démocratie à cinq, en votant une évolution du Conseil économique et social, en passant des nuits entières avant la négociation de l’accord européen. L’Assemblée a accepté, à quatre heures du matin, de voter très vite ou de renoncer à certains amendements pour que la France soit en position forte pour mener à bien ce paquet climat-énergie. Je regrette donc que de tels incidents se soient produits dans cette assemblée. Je le dis sans excès: à un moment où beaucoup de choses nous dépassent, nous ne bâtirons la société de demain que dans la compréhension, la tolérance et le respect de l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Souvenez-vous, mesdames, messieurs, de l’époque du paquet climat-énergie. Dans quelle situation se trouverait le monde si, aujourd’hui, il n’y avait pas une feuille de route européenne – entre 20 et 30 % – contrôlée sous Cour de justice? C’est le premier organisme au monde qui a pris des engagements contraignants. C’est peut-être maintenant, alors que l’on connaît la difficulté de Copenhague, que l’on mesure à quel point cela a été une performance tout à fait extraordinaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, si le Président français a souhaité que nous allions à la rencontre de chacun de ces pays, c’est parce que nous connaissions la difficulté du paquet européen. Le Président français s’est assigné pour premier objectif que ce ne soit pas les ministres qui représentent les pays dans une discussion aussi grave et importante, mais les chefs d’État et de Gouvernement. Cela a été ensuite le Président Lula. Je me suis, enfin, rendu en Chine, en Inde, au Bangladesh et partout en Afrique. La première condition d’une réussite ou d’un non-échec réside bien dans ce niveau de représentation. Je pense qu’au moins, sur ce point, l’objectif a été atteint.

J’ajouterai trois observations complémentaires.

Concernant la forêt, nous souhaitons, bien entendu, accélérer le processus. Nous avons évoqué des chiffres et des dates et surtout des financements en tenant compte de la réalité dans chacun des pays, mais nous sommes évidemment très volontaires sur ce point. Un autre aspect n’a pas été évoqué, je n’en ai moi-même pas parlé dans mon propos, il s’agit du «  fast start  ». Des dossiers, de l’ordre de 10 milliards de dollars, sont quelque peu bloqués à l’échelle de la communauté internationale. Le Président a souhaité que 20 % du financement international des trois prochaines années au profit des pays les plus vulnérables soient débloqués sur le budget public et consacrés à la lutte contre la déforestation.

Enfin, je répondrai plus globalement aux interrogations générales sur le mécanisme d’inclusion carbone et sur le président Obama.

Concernant le mécanisme d’inclusion carbone, nous étions les seuls, à l’époque, à croire vraiment que le paquet climat-énergie européen existerait. Le sujet se développe, bien évidemment. J’ai observé que nos amis Chinois, eux-mêmes, envisageaient de mettre en place un dispositif de ce type.

Enfin, Pierre Lequiller a posé la question que nous nous posons tous. Oui, il est vrai que les États-Unis ont changé, mais peut-être pas assez, et ce avec un risque d’effet de dominos.

Je suis convaincu que l’on va encore pouvoir évoluer, puisque c’est le bon Président, c’est le bon endroit. Il faut juste, maintenant, que ce soit la bonne date. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Le débat est clos.

M. Yves Cochet. Je demande la parole, monsieur le président!

M. le président. Monsieur Cochet, vous aurez la parole pour un fait personnel à la fin de la séance, c’est-à-dire en fin d’après-midi!

M. Yves Cochet. Ne jouez pas sur les mots, monsieur le président!

M. le président. Je ne joue pas sur les mots, c’est le règlement! Vous le connaissez! Je crois qu’il a été suffisamment malmené aujourd’hui pour que je l’applique avec rigueur! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous rappelle que j’ai convoqué le Bureau – avec un représentant de chacun des groupes – et que la réunion va se tenir maintenant à la présidence.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président . La séance est reprise.

Simplification et amélioration de la qualité du droit

Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à la simplification et à l’amélioration de la qualité du droit (n° s 1890, 2095, 2078).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 27 quinquies .

Article 27 quinquies

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°181, tendant à supprimer l’article 27 quinquies .

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. L’amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, remplaçant M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Jean-Pierre Schosteck. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Défavorable.

(L’amendement n°181 n’est pas adopté.) (L’article 27 quinquies est adopté.)

Article 27 sexies

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°182, tendant à supprimer l’article 27 sexies .

La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. La substitution d’une procédure de déclaration à la procédure classique d’agrément, qui figure dans la loi, n’est en rien justifiée par les dispositions de la directive « Services ». En l’occurrence, les agréments concernant la commercialisation respectivement des céréales et des oléagineux ne contreviennent en rien au respect des principes de non-discrimination et de proportionnalité mentionnés dans la directive. L’existence de ces agréments est par ailleurs nécessaire et tout à fait justifiée au regard d’exigences impérieuses d’intérêt général telles que la protection de la santé publique.

En outre, si cette procédure de simple déclaration venait à entrer en vigueur, se poserait la question des contrôles et de l’exigence de traçabilité, notamment pour les organismes génétiquement modifiés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Jean-Pierre Schosteck. Défavorable.

(L’amendement n°182, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 27 sexies est adopté.)

M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le président, je souhaite une brève suspension de séance pour permettre au rapporteur de nous rejoindre.

M. le président. Elle est de droit. Mes chers collègues, nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants, mais je vous prie de bien vouloir rester sur place.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est aussitôt reprise.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 27 septies

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l’amendement n°184.

M. Philippe Vuilque. Nous souhaitons que soit supprimé cet article qui traite de l’activité d’entrepreneur de spectacles. L’article 27 septies modifie les articles du code du travail sans consultation des commissions des affaires culturelles et des affaires sociales. Ces modifications risquent d’avoir des conséquences qui ne sont nullement précisées par l’auteur de la proposition de loi. Le principe de précaution impose d’en proposer la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République . Défavorable.

(L’amendement n°184, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 27 septies est adopté.)

Article 27 octies

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l’amendement n°183.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 6 à 10 de l’article. En effet, la directive « Services » n’impose pas un allègement des incompatibilités professionnelles tel qu’il est mentionné, dans la mesure où ces incompatibilités s’appliquent sans discrimination tant aux sociétés établies sur le territoire national que dans un autre État membre.

(L’amendement n°183, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n°247.

M. Étienne Blanc, rapporteur . Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n°247, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 27 octies, amendé, est adopté.)

Avant l’article 28

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 26.

M. Lionel Tardy. La section II ne comprenant qu’un article, qui a été supprimé en commission, il est proposé de la réutiliser pour abriter des dispositions de simplification dans le domaine de la protection des consommateurs.

(L’amendement n° 26, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 28.

M. Lionel Tardy. Cet amendement est destiné à combler une faille juridique qui permet aux banques de contourner l’insaisissabilité de certaines prestations sociales. Il suffit en effet aux banques, quand le compte est débiteur, d’affecter l’argent qui entre, quelle que soit sa nature, au comblement du découvert. Pas besoin de saisie ni de procédure: on ne peut leur opposer l’insaisissabilité de ces sommes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Étienne Blanc, rapporteur . Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Vous posez, monsieur Tardy, de vraies questions. L’exposé sommaire de votre amendement pose toutefois problème. Vous souhaitez que les banques ne puissent pas obtenir le remboursement des découverts bancaires dès lors que les personnes concernées bénéficient de revenus insaisissables. Le risque est que les titulaires de minima sociaux soient privés de toute possibilité de recours au découvert bancaire, car les banques ne pourront plus proposer cette modalité d’accès au crédit si elles ne peuvent recouvrer les sommes prêtées. Cette bonne intention peut donc produire l’effet inverse de celui souhaité.

Il faut savoir que 60 % des titulaires de minima sociaux bénéficient d’une autorisation de découvert, négociée avec la banque teneuse de compte. Cette autorisation est plafonnée à des montants faibles: dans 23 % des cas, elle est plafonnée à 150 euros et, pour environ la même proportion, entre 150 et 300 euros.

Bien sûr, cette autorisation n’est pas systématiquement utilisée, mais elle permet aux titulaires de comptes de bénéficier d’une faculté de trésorerie dont la suppression serait pour eux problématique.

Le Gouvernement souhaite rappeler que votre assemblée a décidé la mise en œuvre automatique du solde bancaire dit insaisissable dans le cadre de la précédente loi de simplification, notamment par des mesures concernant les personnes bénéficiaires du RSA.

Je pense que c’est un sujet sur lequel il faudrait encore travailler, et c’est pourquoi je me permets de solliciter le retrait de cet amendement.

M. le président. L’amendement est-il retiré, monsieur Tardy?

M. Lionel Tardy. Oui.

(L’amendement n° 28 est retiré.)

Avant l’article 29

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n os 201, 202 et212.

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement n°201.

M. Daniel Goldberg. Nous souhaitons, par le biais de ces amendements, revenir sur le sujet du délit de solidarité. La question, depuis que nous en avons débattu dans l’hémicycle au printemps, a évolué du fait de l’action du Gouvernement, puisque celui-ci a rendu publique il y a peu une circulaire visant à corriger certains aspects de la loi. C’est un premier aveu de la part du Gouvernement du fait que la loi méritait d’être précisée au moins dans son application.

Je rappelle que l’article L.622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30000 euros ». Lors de nos débats, le Gouvernement affirmait que ce délit de solidarité n’existait pas. Force est pourtant de constater, du fait de l’existence même de la circulaire, que la loi méritait d’être précisée. Nous avons donc souhaité utiliser le présent débat de simplification du droit pour modifier la loi, plutôt que de nous en remettre à une circulaire.

À l’époque, le ministre Éric Besson déclarait que le délit de solidarité n’avait jamais été appliqué, que personne n’était condamné à ce titre dans notre pays. Or je connais des exemples, que je tiens à la disposition du Gouvernement comme de l’ensemble de nos collègues, d’un certain nombre de décisions administratives, donc prises par le Gouvernement lui-même, sur la base de l’article L.622-1 tel qu’il est aujourd’hui rédigé.

Je vous lis la notification reçue par une citoyenne de ma circonscription: « Madame, vous avez formulé une demande en vue d’acquérir la nationalité française. Après examen de votre dossier de naturalisation, j’ai décidé d’ajourner votre demande d’un an. En effet, vous avez aidé au séjour irrégulier de votre conjoint de 2001 à 2007 et vous avez ainsi méconnu la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France. »

Il s’agit d’une décision administrative prise par les services de l’État sur la seule base de l’article L.622-1. Cette femme qui demande la nationalité française est en situation régulière depuis plusieurs années. Le seul fait qui lui est reproché est d’avoir hébergé son conjoint entre2001 et2007, le père de ses enfants, alors que celui-ci est aujourd’hui lui aussi en situation régulière.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour soutenir l’amendement n°202.

Mme Catherine Coutelle. J’ai participé au débat avec le Gouvernement, fin avril, sur le délit de solidarité. À l’époque, le ministre faisait valoir qu’il n’y avait pas de délit de solidarité en France, que cela n’existait pas et que le CESEDA était très clair.

Or, depuis le 16 octobre, il a reconnu qu’il existait un « flou législatif » qui ne permettait pas de savoir « où s’arrête exactement l’action humanitaire ». Et il a annoncé une circulaire. Mais une circulaire ne fait pas le droit et laisse place à l’arbi traire. Il faut donc sortir de cette situation. Puisque nous discutons d’un texte destiné à améliorer la qualité du droit, je crois que nous en avons ce soir la possibilité.

Il faut également se reporter à la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui vient de voter à l’unanimité, le 19 novembre, un rapport nous alertant sur le fait que la France, qui affirme défendre les droits de l’homme internationalement, est en contradiction avec sa législation sur le sujet. Non seulement nous sommes en contradiction avec les principes internationaux, mais nous ne sommes pas non plus en conformité avec la législation européenne ni même avec nos principes constitutionnels. La Commission considère donc que nous devrions modifier la loi. En particulier, lorsque le Parlement a transcrit une directive européenne de 2002, il l’a fait de manière restrictive, l’aide humanitaire ayant été exclue; c’est ainsi que des citoyens peuvent, dans ce domaine, être inquiétés.

D’ailleurs, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, car il me semble bien avoir lu dans les journaux qu’une famille a été inquiétée à Mulhouse.

Je vous demande donc, afin de rassurer les bénévoles, les associations qui travaillent sans rémunération dans le domaine de l’accompagnement des populations en situation illégale, d’inscrire dans la loi que leur action n’est pas un délit. Tel est l’objet de ces amendements, qui modifient les articles L.622-1 et L.622-4 du CESEDA. J’espère que nous allons enfin, ce soir, saisir l’occasion de légiférer sur ce sujet douloureux.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n°212.

M. Jean Mallot. Cet amendement a pour objet de supprimer le délit de solidarité. Nous souhaitons rouvrir le débat car, contrairement aux allégations de M. Besson à l’époque, ce délit de solidarité existe bien et est sanctionné, que ce soit par des juridictions ou des décisions administratives.

Je vous lis, à titre d’exemple, un courrier du directeur de cabinet du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, en réponse à l’un de nos collègues dont l’attention avait été appelée sur la situation d’une dame résidant à La Courneuve: « L’examen des éléments versés à son dossier ne permet pas de donner satisfaction à cette personne. En effet, cette dame a aidé au séjour irrégulier du père de ses enfants, nés en2003 et2007, devenu son conjoint en 2007, en infraction à la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France. Aussi une décision d’ajournement à un an lui sera-t-elle prochainement notifiée. À l’issue de cette période, et seulement à l’issue de cette période, cette dame pourra renouveler sa demande auprès de la préfecture de son département de résidence sans constituer un nouveau dossier, en signalant les modifications éventuellement intervenues dans sa situation familiale et professionnelle. » Si ce n’est pas la démonstration qu’il existe des sanctions à ce que l’on appelle le délit de solidarité, je ne sais pas lire!

Il faut que ces cas, incontestables, soient pris en considération, et qu’il soit porté remède à une situation que nous considérons injustifiée, injuste et inacceptable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Étienne Blanc, rapporteur . La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, qui reprennent en fait la proposition de loi n°1542 de M. Daniel Goldberg.

Tout d’abord, l’amendement prévoit, pour entrer en voie de sanction contre l’auteur des faits, une condition de rémunération. C’est affaiblir considérablement les dispositifs de lutte contre les filières clandestines puisque, la rémunération étant souvent intervenue dans un pays étranger, l’on aurait énormément de difficultés à en apporter la preuve.

Ensuite, cette modification serait justifiée par la nécessité de protéger les personnes qui viennent en aide de façon désintéressée aux étrangers en situation irrégulière. Je rappelle que cette notion vient d’être encadrée par une circulaire de politique pénale du 20 novembre 2009, qui précise toute une série de critères, notamment des critères humanitaires faisant référence à des dangers graves et imminents, à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique.

La circulaire indique que les critères doivent être interprétés « largement sans se limiter au seul péril immédiat stricto sensu encouru par l’étranger ». Nous pensons que cette disposition suffit.

Enfin, la commission a constaté que vous entendiez accorder à l’ensemble des salariés ou bénévoles des établissements sociaux et médico-sociaux une immunité générale. Autant dire que vous déshabillez tout le dispositif de lutte contre les filières clandestines. À ce titre, l’amendement pose d’ailleurs un problème constitutionnel, puisqu’une telle immunité ne peut se justifier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le rapporteur a rappelé à juste titre que le délit d’aide au séjour est le seul moyen que nous ayons pour lutter contre ces filières criminelles. Il n’est donc pas question de le remettre en cause.

Quant à la circulaire du 20 novembre, qui prévoit une immunité pour l’aide humanitaire, elle vise à encadrer des décisions qui restent placées sous le contrôle du juge.

M. Jean Mallot. Mais ce n’est qu’une circulaire!

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Vous le savez comme moi: dans le droit français, les circulaires, qui sont adressées aux procureurs, ont une réelle autorité.

M. Jean Mallot. Oui, mais elles ne font pas le droit!

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Et les cas, que vous avez cités, survenus l’un dans votre circonscription, l’autre dans ma ville, sont survenus avant sa diffusion, qui est très récente.

M. Daniel Goldberg. C’est exact.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Il faut un peu de temps pour qu’elle parvienne à ses destinataires et qu’elle soit prise en compte. Nous veillerons à ce que cette disposition, dont nous avons besoin, ne soit pas appliquée de manière abusive. Le texte, qui émane de la Garde des sceaux, précise qu’en application des dispositions existantes, les parquets ne doivent pas engager de poursuites pénales à l’encontre des membres des associations fournissant des prestations qui visent à assurer des conditions de vie dignes et décentes à des étrangers en situation irrégulière.

Nous considérons par conséquent qu’il n’est pas nécessaire de modifier la loi, tout en restant vigilants sur la manière dont elle est appliquée pour corriger d’éventuels dysfonctionnements. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas vous suivre: ce serait nous priver du moyen de lutter contre des filières qui exploitent certains êtres, parfois dans les pires conditions.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Il va de soi que les passeurs ou les filières qui prospèrent sur la détresse humaine doivent être poursuivis et lourdement sanctionnés. Mais c’est précisément parce que la loi doit permettre de différencier les passeurs et ceux qui agissent par solidarité que nous proposons de la modifier.

L’article L.622-1 du CESEDA dispose que toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour en France d’un étranger en situation irrégulière peut être poursuivie. Suivent, à l’article L.622-4, certaines exceptions qui ne vous ont pas semblé suffisantes, puisqu’il a fallu rédiger une circulaire qui prévoit encore d’autres cas.

Dans notre hémicycle, monsieur le secrétaire d’État, nos paroles font foi, et elles engagent des décisions juridiques et administratives. Je vous demande donc si, aux termes de la circulaire du 20 novembre, un étranger qui a fait une demande de naturalisation française pourra se la voir refuser au seul motif qu’il aura accueilli son conjoint en situation irrégulière. Cette précision, qui figurera au compte rendu de nos débats, permettra de lever une ambiguïté.

J’en viens à présent aux arguments du rapporteur. Celui-ci a parlé d’une aide « contre rémunération », mais l’expression utilisée dans notre amendement est plus large. Nous envisageons une aide « à titre onéreux », sa contrepartie pouvant intervenir, par exemple, sous forme de travail. Si les filières prospèrent sur la détresse humaine, c’est que s’opèrent des échanges qui peuvent être de toute nature.

M. le rapporteur a également prétendu que tous les cas étaient prévus dans la circulaire. C’est faux. Nous en avons cité qui n’y figurent pas.

Enfin, il nous a reproché de vouloir accorder une immunité totale à tous les travailleurs sociaux des établissements et services visés à l’article L.312-1 du code de l’action sociale et des familles, c’est-à-dire des établissements publics reconnus par l’État. Mais notre proposition ne vise à soustraire aux sanctions pénales que les salariés et bénévoles qui « agissent dans le cadre de ces établissements et services ». S’ils venaient à déroger à leurs règles, ils seraient susceptibles d’être poursuivis.

Ainsi, nous considérons que les arguments qui nous ont été opposés ne sont pas recevables. J’ajoute que le rejet de l’amendement maintiendrait le délit de solidarité dans notre droit, ce qui serait contraire aux dispositions de la directive européenne de 2002.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Étant vraisemblablement le seul député naturalisé de notre Assemblée, je tiens à m’expliquer sur l’amendement. À mon sens, en refusant la nationalité française à une femme étrangère vivant en situation régulière, qui avait abrité son conjoint, un préfet s’est rendu coupable d’un excès de pouvoir. Je regrette qu’aucun recours consécutif à sa décision n’ait été entrepris devant une juridiction administrative, car celle-ci l’aurait vraisemblablement annulée.

Par ailleurs, c’est seulement si le tribunal administratif s’était prononcé que l’on aurait pu parler de « délit de solidarité », mais, dès lors que les juridictions n’ont pas été saisies, il subsiste un doute sur la qualification éventuelle de l’infraction commise.

(Les amendements identiques n os 201, 202 et212 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, n os 145, 151, 147, 152 et 153.

La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement n°145.

M. Jean-Michel Clément. Si le but du texte est de simplifier et d’améliorer la qualité du droit, nous créons également le droit et revisitons certaines dispositions. À ce titre, nous proposons de supprimer l’article 26 de la loi du 29 juillet1881 sur la liberté de la presse. Cet article qui, alors qu’on l’avait pratiquement oublié, a récemment défrayé la chronique, caractérise le délit d’offense au chef de l’État. Celle-ci ne peut plus prendre aujourd’hui les formes qu’elle avait au XIX siècle. En outre, la sanction qui lui est attachée est démesurée. Enfin, loin de garantir au chef de l’État le respect des citoyens, ce délit crée au contraire une suspicion inutile. M. Vidalies a rappelé hier soir toutes les raisons qui le rendent inapproprié.

Pourtant, cette incrimination est aujourd’hui récurrente, et justifie qu’on poursuive des militants associatifs, politiques ou syndicaux, dont la liberté d’expression se trouve ainsi entravée. Mieux vaut donc nous aligner sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme du 25 juin 2002 relative aux chefs d’État étrangers. Serait-il acceptable que, dans notre pays, le droit ne soit pas le même pour le traitement du chef de l’État français et des chefs d’État étrangers? La suppression de l’article 26 de la loi du 29 juillet1881 ne ferait qu’honorer notre Assemblée. (« On ne voit pas en quoi! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l’amendement n°151.

M. Dominique Raimbourg. Le délit d’offense au chef de l’État doit se comprendre à la lumière de l’évolution constitutionnelle. Quand la loi de 1881 a été promulguée, le Président de la République était au-dessus du débat politique. (« Pourquoi? » sur les bancs du groupe UMP.) Dès l’instant qu’il n’existe plus de chef de l’État au sens que la III République donnait à ce terme, c’est-à-dire d’homme qui, comme le Président de la République allemand ou italien, incarne la continuité de l’État et la nation en s’abstenant d’entrer dans le débat politique, le délit d’offense empiète sur les libertés publiques.

L’évolution de la V République est telle qu’il n’existe plus de chef de l’État, mais deux chefs de Gouvernement, l’un à l’Élysée et l’autre à Matignon. Dans ces conditions, loin de se justifier, le délit d’offense au chef de l’État devient une atteinte potentielle à la liberté d’expression.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour soutenir l’amendement n°147.

M. Olivier Dussopt. Dès lors que le chef de l’État s’abstient d’entrer dans le débat politique, donc dans l’activité partisane, dès lors qu’il évite, par exemple, de lancer des campagnes électorales devant une formation politique, le délit d’offense est légitime. Mais aujourd’hui, du fait de la présidentialisation, voire de l’hyperprésidentialisation de la V République, le chef de l’État est aussi un chef de parti et même presque un chef de Gouvernement, dont l’autorité nuit à celle du chef de Gouvernement en titre.

Dès lors, le délit d’offense ne se justifie plus. Plus grave, il apporte une protection supplémentaire au chef de l’État quand il entre dans le débat politique, comme tout parlementaire, ministre ou président d’exécutif local. Cette protection introduisant une forme d’inégalité, nous proposons de la supprimer.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement 152.

M. Jean Mallot. Le délit d’offense au chef de l’État est une survivance du crime de lèse-majesté, qui porte en elle-même la raison de sa suppression. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il était tombé en désuétude sous la présidence de M. Giscard, de M. Mitterrand ou de M. Chirac. Ce n’est sans doute pas un hasard non plus s’il redevient d’actualité.

Pour mériter le respect qui rend ce délit caduc, le Président de la République doit agir en conséquence. Pardon de le répéter: il devrait être au-dessus de ce débat. Mais, dès lors qu’il traite un de nos concitoyens de « pauvre con », il s’expose à un retour de bâton.

Autre exemple: récemment le Président de la République, remettant la Légion d’honneur à l’acteur-réalisateur Dany Boon, tenait ces propos… étranges: « Vous êtes né fils d’un Kabyle marié à une catholique picarde, d’un boxeur devenu chauffeur routier. Ça commençait pas terrible, il faut bien reconnaître les choses. » Et encore: « Vous avez déjà choisi la fiction contre la réalité en préférant le nom de Dany Boon au très joli nom qui était le vrai, Daniel Hamidou. Bon, ça s’aggravait de plus en plus. Eh oui, Hamidou, va faire une carrière avec ça! » On peut comprendre que nos concitoyens picards, kabyles d’origine, ou routiers, se sentent insultés par ces écarts de langage. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il n’est pas digne qu’un Président de la République s’exprime en ces termes: il sape le respect de nos concitoyens à son égard. C’est regrettable et c’est pourquoi nous proposons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque pour défendre l’amendement n°153.

M. Philippe Vuilque. Au cours de la discussion générale, Alain Vidalies a démontré de façon remarquable l’inutilité, désormais, de l’article 26 de la loi du 29 juillet 1881. A l’époque, le Président de la République ne participait pas à la vie politique nationale comme le fait aujourd’hui le chef de l’État qui joue aussi le rôle de chef de gouvernement. Alors, il incarnait la nation, au-dessus des partis politiques, et c’est cette fonction que protégeait la loi de 1881. Mais désormais, dans toute manifestation – et elles se font rarement pour soutenir le Gouvernement – on lance des noms d’oiseau contre tous les responsables, y compris le Président de la République. Si, chaque fois que la presse les reprend, le Président de la République fait appliquer la loi du 29 juillet 1881, où allons-nous? Cela n’a plus rien à voir avec les pratiques de notre époque. L’article en question est obsolète et le supprimer, c’est très exactement simplifier le droit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Étienne Blanc, rapporteur . En entendant hier M. Vidalies, on pouvait trouver que l’argument qu’il développait s’imposait. Evidemment, on peut développer toute une série d’arguments contraires pour ne pas supprimer le délit d’offense au chef de l’État.

La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements. La question aurait mérité un vrai débat. L’article 26 de la loi du 29 juillet 1881 punit l’offense au Président de la République dans le but de protéger sa fonction de représentant de toute la nation. Il s’agit d’une infraction datant de 1819.

M. Alain Néri. Depuis, il est passé de l’eau sous les ponts.

M. Étienne Blanc, rapporteur . Ce n’est pas parce qu’une infraction est ancienne qu’elle est obsolète; notre code pénal en contient bien d’autres exemples. Prétexter l’évolution de nos institutions n’est pas un argument suffisant pour justifier la suppression pure et simple de ce délit.

M. Vidalies s’est appuyé sur une comparaison entre cet article 26 et l’article 36, désormais supprimé, de la loi de 1881, relatif à l’offense à un chef d’État étranger. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet considéré que les dispositions de cet article 36 étaient disproportionnées au regard de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme. Selon ce dernier, l'exercice de la liberté d’expression « comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, etc. » Il y a donc bien des dispositions dérogatoires. La Cour européenne des droits de l’homme a considéré que, pour les chefs d’État étrangers, les dispositions de l’article 29 de la loi de 1881 en matière de diffamation et d’injure étaient suffisantes. Seraient-elles suffisantes aussi pour le chef de l’État français? Le sujet mérite un vrai débat de fond. On peut en effet considérer que l’on est bien ici dans le cadre des exceptions énumérées par l’article 10 de la convention « qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre. » Il pourrait y avoir un débat en commission pour examiner si le délit qui figure aujourd’hui dans le code est proportionné aux dispositions de l’article 10 de la convention.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En complément des arguments développés par le rapporteur, je rappelle d’abord qu’il n’y a pas d’augmentation des poursuites de ce chef: depuis 1993, une seule condamnation a été prononcée sur ce fondement et la chancellerie n’a pas connaissance de poursuites en cours. Ensuite, cette incrimination n’est pas contraire à la jurisprudence européenne et il appartient aux juridictions françaises de se conformer aux exigences de la Cour de Strasbourg en étudiant, en cas de poursuite, si les conditions de la bonne foi ou de l’ exceptio veritatis sont réunies. Enfin et surtout, la démocratie exige le respect des personnes et des institutions et le délit d’offense au chef de l’État protège celui-ci de manière proportionnée contre tout propos injurieux et diffamatoire. J’observe d’ailleurs que la peine prévue est la même en cas de diffamation envers un parlementaire ou une personne investie de l’autorité publique.

Vous avez semblé, en la matière, un peu nostalgiques de ce qu’était le président sous la IV ème République et fait des comparaisons avec des chefs d’État étrangers qui n’exercent pas vraiment le pouvoir. Mais désormais, dans nos institutions, le chef de l’État – et ce n’est pas propre au président actuel – représente toute la nation et exerce aussi une vraie responsabilité, un vrai pouvoir. Et ce n’est pas parce qu’il ne manie pas la langue de bois qu’il ne doit pas être respecté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean Mallot. « Racaille », ce n’est pas de la langue de bois, c’est sûr.

M. le président. La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Le rapporteur et le secrétaire d’état ne m’ont pas convaincu. Monsieur le rapporteur, si vous souhaitiez vraiment un débat en commission, il fallait voter la motion de renvoi déposée par le groupe GDR. D’autre part, monsieur Bockel, nous ne sommes pas des nostalgiques, mais plutôt des progressistes, et vous le savez bien. A nos yeux, l’évolution du rôle du chef de l’État est naturelle, s’il respecte la Constitution. Et au passage, je vous signale que vous n’avez pas de chance d’avoir mis ce texte à l’ordre du jour aujourd’hui: nous sommes un 2 décembre, anniversaire d’un coup d’État qui a mis à bas la République.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Et alors?

M. Alain Néri. Eh bien, il y a eu un changement de comportement du chef de l’État depuis l’élection de Nicolas Sarkozy.

M. Michel Hunault. Oh!

M. Alain Néri. Je plains M. Fillon et un certain nombre de ministres: ils sont pratiquement réduits à exercer des emplois fictifs!

M. Sébastien Huyghe. Ce n’est pas le sujet.

M. Alain Néri. Le Président de la République a tous les pouvoirs, il décide, il parle et fait taire les autres. Il ne tient plus le rôle qui était celui du président Coty, ni même du président Pompidou, du président Mitterrand ou du président Chirac. Il est directement dans la mêlée. Et quand on est dans la mêlée, les sportifs le savent, on distribue des coups, mais on risque d’en recevoir. Si le Président de la République veut être respecté, il devrait commencer par s’abstenir d’injurier les citoyens! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Pour être respecté, il faut être respectable!

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Au nom du groupe Nouveau centre, je m’oppose à cette série d’amendements. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’opposition arguer que pour simplifier le droit, il fallait s’en tenir à l’essentiel. Et à quoi assiste-t-on? À la défense d’une série d’amendements visant la personne du chef de l’État. Vous faites tout pour critiquer et affaiblir la fonction du chef de l’État. On pourrait espérer mieux de l’opposition, de vraies propositions d’amélioration par exemple. Vous préférez revenir sur la notion d’offense au chef de l’État. Comme mes collègues du Nouveau centre, j’estime que la fonction mérite le respect. Vous déversez un tombereau d’injures sur le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Goldberg. Quelles injures?

M. Michel Hunault. Depuis deux ans et demi, vous ne cessez d’attaquer sa personne. C’est ridicule, et nous nous opposons à ces amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Je le dis à nos collègues de l’opposition: il n’est pas bon que ce débat mette en cause directement l’actuel Président de la République…

M. Jean Mallot. Pour les autres, ce n’était pas nécessaire.

M. Guénhaël Huet. Élevons le débat! C’est de la fonction de Président de la République qu’il faut parler, faute de quoi vous dévoyez l’esprit des institutions.

Et s’il s’agit de l’évolution des institutions, j’ai un sentiment inverse de celui qu’on vient d’exprimer. Depuis 1962, le Président de la République est l’élu, au suffrage universel, du peuple entier. L’offenser, c’est offenser le peuple.

M. Jean Mallot. Et quand le Président offense des citoyens?

M. Guénhaël Huet. Cela n’a rien à voir avec la situation sous la III ème et la IV ème  République.

Pour conclure, j’ajoute qu’il faut maintenir le délit d’offense au chef de l’État car, aujourd’hui, les moyens dont disposent ceux qui le commettent sont beaucoup plus importants qu’il y a seulement quelques années – cela est d’ailleurs vrai pour les offenses envers tous nos concitoyens.

Finalement, je trouve que ce débat, un peu surréaliste, est, du côté de nos collègues de l’opposition, empreint de beaucoup de démagogie.

(Les amendements identiques : 145, 151,147,152 et 153 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 37 deuxième rectification.

M. Sébastien Huyghe. En modifiant l’article 60 du code civil, cet amendement vise à réparer une bizarrerie. En effet, il est aujourd’hui permis à une personne de supprimer l’un de ses prénoms ou de changer ceux-ci, mais pas d’en modifier l’ordre. Avec cet amendement, cela sera désormais possible.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Étienne Blanc, rapporteur . Initialement, la commission a émis un avis défavorable.

Elle a rappelé que l’utilisation du prénom d’usage constitue une solution simple qui permet déjà d’obtenir le résultat que recherche notre collègue. Ainsi la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 4 avril 1991, que le prénom d’usage s’imposait au tiers comme aux autorités publiques. En clair, il suffit d’utiliser son deuxième prénom et cet usage s’impose à tous.

Cependant, une jurisprudence considère effectivement qu’il est difficile d’institutionnaliser cet état de fait et de le transcrire dans les actes d’état-civil. En conséquence, après avoir réétudié l’amendement dans le détail, nous pensons que le dispositif proposé peut être acceptable. À titre personnel, le président de la commission des lois et moi-même émettons donc finalement un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est d’autant plus favorable à cet amendement que je peux personnellement témoigner, pour avoir été confronté à ce type de situation, que le problème se pose parfois. Autant le résoudre!

(L'amendement n° 37 deuxième rectification est adopté.)

Article 29

M. le président. Mme Delphine Batho a demandé à s’exprimer sur l’article 29.

Mme Delphine Batho. Une section relative aux fichiers de police a été introduite dans la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Pour notre part, si nous pensons qu’il est absolument nécessaire de légiférer en la matière, nous estimons que ce sujet ne relève, en aucun cas, ni de la simplification ni de l’amélioration de la qualité du droit.

La proposition de loi adoptée à l’unanimité par la commission des lois au mois de juin dernier et repoussée, mardi dernier, par nos collègues de la majorité aurait, en revanche, constitué un véhicule législatif parfaitement adéquat, puisqu’elle proposait d’opérer une totale refonte du cadre juridique des fichiers de police.

Je constate d’autre part que la méthode employée pour légiférer a des conséquences sur le fond. En effet, certains des articles de cette proposition de loi – je pense en particulier à son article 29 bis – dénaturent totalement les propositions du rapport d’information sur les fichiers de police adopté par la commission des lois le 4 mars 2009, qui avaient pourtant été émises de façon consensuelle.

Nous regrettons profondément que la majorité ait décidé de s’opposer à la proposition de loi dont nous avons débattu la semaine dernière. Puisque ce sujet est traité dans celle qui est en cours d’examen, nous défendrons toutefois un certain nombre d’amendements.

Il reste qu’un trouble profond demeure après la décision prise par Brice Hortefeux de publier deux décrets dans le dos du Parlement, alors que les parlementaires voulaient légiférer. Une nouvelle pétition « Non à Edvige! » a déjà recueilli plus de cinq mille signatures en quarante-huit heures!

Malheureusement, notre débat n’épuisera pas le sujet, mais je trouve regrettable que bon nombre de nos collègues aient renié ce qui, sur cette question, constituait pourtant la volonté du Parlement.

En tout état de cause, compte tenu du nombre d’articles de ce texte qui portent sur les fichiers de police, nous demandons que l’on fasse venir dans l’hémicycle le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux. Alors qu’il est directement concerné, il tente d’esquiver pour la seconde fois le débat avec le Parlement; nous demandons qu’il soit présent.

M. le président. Madame Batho, pouvons-nous considérer que vous avez défendu l’amendement n°187?

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, tous les amendements sur les fichiers de police seront défendus un par un.

M. le président. Mais, ma chère collègue, vous avez la parole.

Mme Delphine Batho. L’amendement n°187 vise à revenir à la version initiale de l’article 29 de la proposition de loi.

Le rapporteur a fait adopter en commission un amendement qui récrit l’article 29 en s’inspirant de l’avis du Conseil d’État. Je signale d’ailleurs que nous ne disposons pas de la totalité de cet avis mais seulement d’un document partiel.

Ce matin, la commission des lois a procédé à l’audition du président de la CNIL. La modification introduite par notre rapporteur pose deux problèmes.

Tout d’abord, la procédure prévue serait extrêmement lourde puisqu’elle ne porterait pas sur les fichiers mis en œuvre pour le compte de l’État, mais sur l’ensemble des fichiers visés par le rapport annuel de la CNIL.

Ensuite, la procédure relativement souple que nous avions imaginée, avec Jacques-Alain Bénisti, dans notre rapport d’information sur les fichiers de police visait à mettre fin au dialogue de sourds auquel se livraient la CNIL et le ministère de l’intérieur. Il s’agissait en quelque sorte, grâce à la souplesse de cette procédure, de les forcer à dialoguer. L’actuel article 29 propose une procédure beaucoup plus formelle et statique, qui ne sera pas favorable à un tel dialogue.

L’amendement n°187 revient à l’esprit et à la lettre des propositions que nous avions formulées de façon consensuelle dans notre rapport d’information.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Étienne Blanc, rapporteur . Madame Batho, je ne peux pas vous laisser dire que l’avis du Conseil d’État sur la proposition de loi n’a pas été communiqué. À la page160 de mon rapport, vous trouvez l’intégralité de cet avis concernant les dispositions de l’article 29. Elles portent sur le caractère contradictoire du rapport public annuel de la CNIL, et sur la pluralité de la composition de cette institution. Les seuls avis qui n’ont pas été rendus publics sont ceux qui concernent des articles retirés de la proposition de loi par son rédacteur. C’est bien son droit de ne pas communiquer l’avis du Conseil d’État relatif à des articles qu’il a rédigé mais qu’il ne présente plus.

J’en viens maintenant à l’amendement n°187: la commission y est défavorable.

L’article 29 vise à renforcer le caractère contradictoire de la procédure car, selon le Conseil d’État, les formes du contradictoire n’étaient pas suffisamment respectées dans la version initiale de la proposition de loi.

En récrivant l’article, nous nous sommes très largement inspirés de ce qui est exigé en la matière pour les rapports de la Cour des comptes. Contrairement à ce que vous prétendez, la nouvelle rédaction constitue une amélioration par rapport à la version initiale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Avant de donner la position du Gouvernement, je veux préciser à Mme Batho que la Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, ainsi que la Chancellerie sont les garants de l’application de la loi relative à la CNIL, et de l’ensemble des dispositions concernant les fichiers, que nous examinons aujourd’hui. En tant que représentant de la Garde des sceaux, je suis donc bien la personne appropriée pour débattre de ce sujet.

Le Gouvernement, que vous avez critiqué dans son ensemble, est favorable à la démarche de la commission des lois. Les fichiers de police constituent des outils indispensables d’aide à l’enquête et d’organisation des unités qui en sont chargés; qui le contestera? Toute la chaîne de la sécurité est concernée par ces logiciels et ces bases de données, des services enquêteurs au fonctionnement des juridictions, jusqu’aux établissements pénitentiaires.

Il est vrai que, par nature, les traitements en question sont sensibles en termes de libertés publiques. Tout fichier est une forme d’atteinte à la liberté totale, mais pour une cause que nous pouvons tous comprendre et partager. C’est pourquoi la plus grande vigilance doit être apportée à la création de ces fichiers; c’est notre souci permanent.

La loi « Informatique et libertés » a constitué une grande avancée lorsqu’elle a été adoptée, il y a maintenant plus de trente ans. Depuis, de nombreux fichiers ont vu le jour, ce qui justifie d’ailleurs de modifier son article 26. Confier au législateur la charge de déterminer de manière exhaustive les finalités qui autorisent la création de fichiers de police me semble constituer une avancée en matière de protection des libertés individuelles plutôt qu’un recul.

Je rends hommage au rapporteur et au travail de la commission. C’est grâce au dialogue qui s’est instauré entre nous que le Gouvernement est aujourd’hui favorable à la démarche entreprise.

L’amendement n°187 aurait pour effet d’empêcher l’administration de s’opposer, lorsqu’un intérêt public majeur sera en jeu, à la publication dans le rapport annuel de la CNIL de ses réponses aux observations formulées par celle-ci.

Il existe des bases de données relatives à la lutte contre le terrorisme, véritable sujet dans la société contemporaine, pour lesquelles nous ne pouvons pas rendre nos observations publiques. Nous en faisons part à la CNIL et à la commission du renseignement, mais elles ne doivent pas être publiées. Concernant des fichiers relatifs à la sécurité publique, à la sûreté de l’État ou à la défense, cet amendement revient à mettre en cause une prérogative commandée, selon nous, par l’intérêt général. En conséquence l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Ma remarque portait sur l’ensemble de l’avis du Conseil d’État et pas seulement sur la partie relative à l’article 19 de la proposition de loi.

Peut-être ai-je mal compris ce qui se passait,…

M. Franck Gilard. On ne peut pas l’exclure! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Delphine Batho. …mais, lorsque je travaillais avec Jacques-Alain Bénisti, les réunions de travail et de coordination avec le Gouvernement sur le texte de notre proposition de loi ne se tenaient pas place Vendôme, mais place Beauvau! Par ailleurs, on sait le poids qu’a eu le ministre de l’intérieur, notamment pour dénaturer l’article 5 de notre proposition de loi. Enfin, même si c’est Michèle Alliot-Marie qui avait pris les premiers décrets Edvige, je ne crois pas que ce soit elle qui ait pris les décrets du 18 octobre dernier. C’est pourquoi, nonobstant la compétence de la Garde de sceaux pour ce qui relève de la loi « Informatique et libertés », nous pensons qu’il serait utile que le ministre de l’intérieur soit présent.

Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas compris votre remarque sur l’amendement n°187. En effet, les fichiers que vous évoquez, comme celui de la direction centrale du renseignement intérieur, sont couverts par le secret défense: on ne trouve donc pas mention de ces derniers dans le rapport annuel de la CNIL. Je ne vois donc pas du tout en quoi un tel argument pourrait nous être opposé.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je souhaite m’exprimer contre l’amendement n°187.

Mme Batho pose une vraie question, mais M. le secrétaire d’État, qui représente le Gouvernement dans cet hémicycle, vient de préciser les intentions de ce dernier, et de mettre en évidence l’enjeu de cet important débat dont les lignes de clivages sont loin d’être celles qui partagent traditionnellement l’hémicycle.

De quoi parlons-nous? D’un instrument mis au service de la sécurité du pays. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dit combien vous-même et Mme la ministre d’État étiez particulièrement vigilants en matière de préservation des libertés.

Nous sommes parvenus à un texte d’équilibre qui tend à concilier, d’une part, l’exigence de sécurité et de prévention des atteintes à la sûreté de l’État ainsi que des actes de terrorisme, et, d’autre part, la préservation des libertés essentielles auxquelles nous sommes tous attachés.

Il y a bien une obligation d’encadrer les fichiers en termes de contenu. Nous ne pouvons pas nous exonérer du débat qui s’est déroulé, grâce à l’opinion publique, mais aussi au débat engagé dans certains partis, dont le Nouveau centre, sur la nécessité d’en exclure des données à caractère personnel sans rapport avec des exigences de sécurité intérieure. Ce débat a également eu lieu au sein de certains partis politiques, dont le nôtre.

J’appelle à rejeter l’amendement de Mme Batho, me fondant sur les précisions que vient d’apporter M. le secrétaire d’État.

(L'amendement n°187 n'est pas adopté.) (L'article 29 est adopté.)

M. le président. Le Gouvernement demande la réserve sur tous les articles, jusqu’à l’article 82, inclus, afin que l’Assemblée puisse aborder, à vingt et une heures trente, l’examen du chapitre III de la proposition de loi, en présence du secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, M. Benoît Apparu.

La réserve est de droit.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance ce soir, à vingt et une heures trente:

Suite de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma