Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 10 mars 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Accord France-Grèce sur la sécurité intérieure

Article unique

2. Accord France-Venezuela relatif au statut des forces armées

Article unique

3. Accord France-Kazakhstan
sur la coopération en matière militaire

Article unique

4. Accord France-Inde de sécurité sociale

Article unique

5. Accord France-Irak sur la coopération en matière de défense

Article unique

6. Immigration, intégration et nationalité

Discussion des articles (suite)

Article 19

Article 20 bis

Article 21 ter

Article 21 quater

Article 21 quinquies

Article 23

Amendement no 257

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Amendements nos 265, 264, 266, 267, 217

Rappel au règlement

M. Noël Mamère

Mme la présidente

Mme Sandrine Mazetier

Article 23 (suite)

Amendement no 268

Article 24

Article 25

Mme Sandrine Mazetier

Amendements nos 269, 270, 44, 108, 271, 272, 18

Article 26

Amendements nos 109, 273

Mme la présidente

Amendement no 274

Article 29

Amendement no 111

Article 29 (suite)

Amendement no 275

Article 30

Mme Sandrine Mazetier

Amendements nos 142, 276, 278, 277, 283, 279

Article 33

Mme Sandrine Mazetier

Amendements nos 150, 281, 285, 284, 286, 282, 43, 280, 287

Article 34

Mme Sandrine Mazetier

Amendements nos 112, 141, 153, 154, 113, 116, 212, 114, 155, 117, 115 rectifié, 290, 119 rectifié, 118, 19 rectifié

Article 34 bis

Amendements nos 42, 120

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Accord France-Grèce
sur la sécurité intérieure

Vote d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (nos 2316, 3070).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement.

Le texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, en application de l’article 106 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du texte de la commission.

Article unique

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

2

Accord France-Venezuela
relatif au statut des forces armées

Vote d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela relatif au statut de leurs forces armées dans le cadre de la coopération militaire (nos 2710, 3069).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement.

Le texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, en application de l’article 106 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du texte de la commission.

Article unique

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

3

Accord France-Kazakhstan
sur la coopération en matière militaire

Vote d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière militaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan (nos 2985, 3135).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement.

Le texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, en application de l’article 106 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du texte de la commission.

Article unique

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

4

Accord France-Inde de sécurité sociale

Vote d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde (nos 3076, 3190).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement

Le texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, en application de l’article 106 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du texte de la commission.

Article unique

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

5

Accord France-Irak
sur la coopération en matière de défense

Vote d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense (nos 3077, 3191).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement.

Le texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, en application de l’article 106 du règlement, je mets directement aux voix l’article unique du texte de la commission.

Article unique

(L’article unique du projet de loi est adopté.)

6

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (nos 3161, 3180).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est d’une heure et douze minutes pour le groupe UMP dont trente amendements restent en discussion, deux heures et trente-six minutes pour le groupe SRC dont cent six amendements restent en discussion, une heure et vingt-cinq minutes pour le groupe GDR dont vingt-huit amendements restent en discussion, une heure et quatorze minutes pour le groupe Nouveau Centre dont un amendement reste en discussion et vingt-cinq minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 19.

Article 19

(L’article 19 est adopté.)

Article 20 bis

(L’article 20 bis est adopté.)

Article 21 ter

(L’article 21 ter est adopté.)

Article 21 quater

(L’article 21 quater est adopté.)

Article 21 quinquies

(L’article 21 quinquies est adopté.)

Article 23

Mme la présidente. Sur l’article 23, je suis saisie d’un amendement n° 257.

Mme Sandrine Mazetier. Défendu !

Mme la présidente. La parole est M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 257.

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Défavorable également.

(L’amendement n° 257 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 265.

Mme Sandrine Mazetier. Défendu !

(L’amendement n° 265, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 264.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. D’après son exposé des motifs, le présent projet de loi a notamment pour objet de transposer la directive « retour » que nous avons longuement évoquée hier.

Or si cette directive prévoit une possibilité d’interdiction de retour, elle l’a assortie d’une limite qui n’est absolument pas reprise dans ce projet de loi.

En effet, l’article 11, paragraphe 3, alinéa 2, de cette directive dispose que « les personnes victimes de la traite des êtres humains auxquelles un titre de séjour a été accordé conformément à la directive du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes ne font pas l’objet d’une interdiction d’entrée ».

Comme M. le ministre, lors des questions au Gouvernement, a paru sensible au sort des personnes victimes de traite, il me semblerait normal qu’il donne un avis favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable. Le droit en vigueur prévoit déjà ce cas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable pour les mêmes raisons.

(L’amendement n° 264 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 266.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement technique est extraordinairement important. Il prévoit que le signalement européen des étrangers frappés par une interdiction de retour dans le système d’information Schengen, le SIS, soit effacé dès lors que l’étranger n’est plus sous la contrainte d’une décision d’interdiction de retour.

Compte tenu du fait que le choix effectué par le Gouvernement en matière d’interdiction de retour se traduit par un bannissement décidé par l’administration et non par la justice, nous voulons avoir la garantie dans la loi qu’au terme de cette procédure, les données soient effacées, ce qui n’est pas toujours le cas. On sait combien une personne peut être stigmatisée par la présence de son nom dans un fichier des années après la fin du signalement dont elle avait fait l’objet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Nous avons déjà accepté la modification effectuée par le Sénat. Cet amendement est satisfait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable pour des raisons non de fond mais de forme.

Sur le fond, nous rejoignons Mme Mazetier : l’inscription d’une personne dans le système Schengen doit être effacée dès que l’interdiction de retour expire.

Toutefois, cette précision ne relève pas du domaine de la loi. Il est expressément mentionné que les modalités d’effacement seront fixées par voie réglementaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Il n’est pas impossible d’inscrire noir sur blanc cette disposition dans la loi. Ainsi, nous aurons davantage de certitudes quant à son effectivité. La mise en œuvre des dispositions réglementaires est souvent difficile, comme on le sait.

(L’amendement n° 266 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 267.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. La peine de bannissement…

M. Claude Goasguen, rapporteur. Ce n’est pas un bannissement !

Mme Sandrine Mazetier. … que vous instaurez à l’article 23 peut constituer une atteinte extrêmement grave au droit d’asile, pourtant garanti par la convention de Genève.

Cet amendement propose donc de prévoir a minima la suspension de l’interdiction de retour pour l’étranger souhaitant être admis au séjour en France au titre de l’asile afin que l’on puisse instruire sa demande d’asile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable.

L’existence de l’interdiction de retour ne fera pas obstacle à l’examen d’une demande d’asile, même si la procédure peut être rendue plus compliquée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Guéant, ministre, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. À ce point de nos débats, puisque nous parlons d’interdiction de retour et de bannissement hors de la France et de l’Union européenne, qu’il me soit permis d’évoquer l’accord qui était en voie de négociation, avec le plein soutien de la France, entre les autorités européennes et la Libye de M. Khadafi en vue de sous-traiter à cette dernière le recueil des demandes d’asile des migrants transitant par son territoire.

On voit bien le peu de cas que font les autorités européennes de la quête de protection de certaines personnes issues du continent africain, et le cynisme – car il n’y a pas d’autre mot – de ce type d’accord.

(L’amendement n° 267 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 217.

La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Cet amendement parle de lui-même : il propose de préciser que « l’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le dispositif d’aide au retour financé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, sauf s’il a été placé en rétention ou si, au vu de son dossier, il a déjà bénéficié de son aide ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission, mais, à titre personnel, j’y suis défavorable.

En effet, si je ne souhaite évidemment pas qu’un même étranger puisse percevoir deux fois une même aide, le fichier OSCAR permet déjà à l’administration d’éviter les doubles versements.

Pour ce qui est de la rétention, l’amendement est donc déjà satisfait par le texte : il est redondant.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. L’amendement est en effet déjà satisfait par la partie réglementaire du code des étrangers ; son auteur pourrait donc le retirer.

Cela étant, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n° 21 est adopté.)

(Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Tout le monde n’a pas voté. Avant de protester, regardez qui vote chez vous, monsieur Gille ! (Mêmes mouvements.) Je suis désolée, mais l’amendement est adopté !

M. Noël Mamère. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Madame la présidente, les conventions internationales qui étaient inscrites à l’ordre du jour de cette séance ont été examinées à une vitesse absolument incroyable. Nous n’avons donc pas pu nous organiser. Dès lors, je m’étonne que nos collègues n’aient pas demandé une suspension de séance.

Je vous demande par conséquent de suspendre la séance pendant cinq minutes, afin que nous puissions travailler dans des conditions décentes. Il n’est pas normal que nous soyons soumis à un tel rythme.

Mme la présidente. Monsieur Mamère, premièrement, les conventions internationales ont été présentées comme elles devaient l’être ; mais vous n’étiez pas là pour le voir.

Deuxièmement, vous ne pouvez demander une suspension de séance, car vous n’avez pas la délégation de votre groupe.

M. Noël Mamère. Qu’à cela ne tienne : Mme Mazetier, qui a la délégation de son groupe, va la demander !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je demande une suspension de séance, madame la présidente.

Mme la présidente. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures cinquante, est reprise à neuf heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 23 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 268.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement vise à transposer une disposition de l’article 11, paragraphe 3, de la directive « Retour ». Il précise que « l’autorité administrative peut s’abstenir d’imposer, peut lever ou peut suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires ».

Comme par hasard, cette mesure, expressément contenue dans la directive, n’est pas transposée. Répondez, monsieur le ministre : ça nous changera !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission.

Le préfet peut évidemment prendre une telle décision ; cela fait partie de ses compétences naturelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 268 n’est pas adopté.)

(L’article 23, amendé, est adopté.)

Article 24

(L’article 24 est adopté.)

Article 25

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, inscrite sur l’article 25.

Mme Sandrine Mazetier. Cet article est en totale contradiction avec le principe de libre circulation garanti par la directive européenne de 2004, et que l’Union, en particulier la Commission, a vivement rappelé à la France à l’issue de l’été désastreux au cours duquel vous avez édicté des circulaires illégales car discriminatoires, et procédé à des expulsions massives de ressortissants européens au mépris de leurs droits.

Vous faites état dans cet article de la notion d’abus de droit. Mais la définition sur laquelle vous vous fondez ne correspond absolument pas à celle de l’article 35 de la directive. En effet, celle-ci évoque uniquement l’idée de fraude, en particulier dans le cas des mariages blancs ou de toute autre forme d’unions contractées uniquement en vue de bénéficier de la liberté de circulation et de séjour.

Nous vous rappelons en outre que la liberté de mouvement des citoyens de l’Union européenne est un droit fondamental, garanti par l’article 21 du traité de libre circulation de l’Union européenne.

Enfin, la directive ne subordonne nullement le droit au court séjour à un recours restreint de l’étranger aux prestations sociales du pays d’accueil. Or c’est précisément ce que vous faites en introduisant la notion d’abus de droit dans l’article 25.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. Madame Mazetier, peut-on considérer que vous avez défendu l’amendement n° 269, amendement de suppression ?

Mme Sandrine Mazetier. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Merci.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Le Sénat, qui n’a pas fait preuve d’une tendresse excessive envers ce texte en première lecture, a adopté ce que nous avions décidé en commission à propos de l’abus de droit, se contentant de supprimer – mais cela tend à devenir un geste sacramentel – l’adverbe « notamment ».

Puisque nous sommes parvenus à un accord avec le Sénat sur ce sujet, il me semble qu’il faut repousser cet amendement.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Même avis.

L’explication fournie par Mme Mazetier est diamétralement opposée à ce que dit la directive. En effet, il n’existe pas de droit au séjour absolu : il existe une réserve d’ordre public, à laquelle s’ajoute la réserve dont nous avons abondamment parlé hier soir, en cas de charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale.

(L’amendement n° 269 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 270.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je laisserai à Mme Crozon le soin de défendre cet amendement, mais je souhaite pour ma part poser au ministre une question à laquelle son prédécesseur n’a pas répondu lorsque le président Warsmann la lui a posée en commission des lois, au cours de la discussion en première lecture.

En effet, au moment où cette disposition « anti-Roms » –puisque c’est ainsi qu’il faut la nommer – a été introduite dans le texte, le président Warsmann s’est interrogé sur les moyens de contrôler un tel abus de droit en l’absence de visa, et sur la contradiction éventuelle entre cet article et le principe communautaire de libre circulation.

Monsieur le ministre, qui êtes maintenant chargé de l’intérieur et de l’immigration, expliquez-nous donc comment vous allez établir et contrôler cet abus de droit.

Mme la présidente. Madame Mazetier, je vous ai laissée vous exprimer, puisque nous sommes en temps programmé ; mais je me permets de vous rappeler que notre règlement prévoit que l’on réponde après la présentation de l’amendement.

Mme Sandrine Mazetier. La courtoisie, c’est aussi d’attendre que l’opposition arrive en séance !

Mme la présidente. Je vous remercie pour la leçon de courtoisie, mais, en l’occurrence, je fais preuve d’une vraie courtoisie.

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Cet amendement vise à renforcer les droits de la défense lorsqu’un étranger se voit notifier une obligation de quitter le territoire français. Nous proposons d’insérer, après le mot « motivée », les mots : « indiquant les délais et voies de recours ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Avis défavorable. Appliquons le contentieux des décisions administratives : il n’est pas utile de prévoir des règles spécifiques. C’est une situation qui n’a rien d’extraordinaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Avis défavorable : le code de la justice administrative prévoit déjà la disposition suggérée.

Mme Pascale Crozon. Ça irait mieux en le disant.

(L'amendement n° 270 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 44 et 108.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour défendre l’amendement n° 44.

M. Étienne Pinte. Je ne suis pas, pour ma part, favorable à la suppression de l’intégralité de l’article 25 ; en revanche, je souhaite que l’on supprime son alinéa 4.

Cette disposition est en effet contraire à mes yeux au droit communautaire, qui prévoit un droit au séjour de moins de trois mois quasi-absolu – sauf bien entendu en cas de menace pour l’ordre public.

Le seul fait d’effectuer des allers et retours ne signifie pas nécessairement un abus de droit ; il faudrait au contraire apporter la preuve que le but essentiel des voyages est de bénéficier du système d’assistance sociale.

Rappelons que notre pays n’accorde d’aide sociale qu’au-delà d’un séjour supérieur à trois mois, à l’exception de l’hébergement d’urgence, qui est inconditionnel, comme l’a récemment rappelé M. le secrétaire d’État au logement Benoist Apparu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. La notion d’abus de droit, je l’ai dit tout à l’heure, a fait l’objet d’une longue discussion au Sénat, et les sénateurs ont jugé, comme les députés, que cet amendement n’était pas recevable.

Mme la présidente. Je vous demande pardon, j’ai omis de donner la parole à M. Noël Mamère, pour présenter l’amendement n° 108.

M. Noël Mamère. Cet amendement est identique à celui présenté par M. Pinte. La philosophie de cet article 25 tout entier est la même que celle qui a mené aux événements honteux de l’été 2010, avec ce que l’on a appelé « l’affaire des Roms ».

Cet article porte sur les allers et retours de ressortissants communautaires – de ressortissants, j’y insiste, de l’Union européenne. Or la Cour de justice des communautés européennes s’est déjà prononcée, dans une affaire qui n’est peut-être pas célèbre, mais qui pour les juristes est importante : l’affaire Koller.

La Cour a bien précisé que, contrairement à ce que dit le texte du Gouvernement, procéder à des allers et retours entre deux pays de l’Union européenne ne constituait pas un abus de droit.

Monsieur le ministre de l’intérieur a évoqué, il y a quelques instants, la charge que ces abus de droits pourraient représenter pour la France si ces amendements étaient acceptés. Je rappelle tout de même, comme Étienne Pinte, qu’un séjour inférieur à trois mois ne crée pour notre pays aucune obligation, par exemple en termes de couverture sociale – sauf en cas d’hébergement d’urgence naturellement.

Que les choses soient claires : ce Gouvernement et cette majorité ont la volonté – souvent manifeste, parfois cachée lorsque cela devient indécent – de stigmatiser les étrangers, de limiter leur droit à venir sur notre territoire, comme nous en avons longuement discuté hier soir, et à l’intérieur de l’Union européenne de pratiquer des formes de discrimination.

Monsieur le ministre, je vous rappelle que l’Assemblée nationale a récemment débattu d’une disposition honteuse – finalement censurée, et tant mieux – qui prévoyait le renvoi des enfants roumains dans leur pays. Le ministre chargé des questions européennes s’était livré à une interprétation des conventions internationales qui laissait pantois, interprétation très inquiétante sur la conception que ce Gouvernement a des droits de l’homme et de l’enfant.

Il est donc nécessaire d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Comme toujours, M. Mamère présente les choses de manière assez caricaturale. En réalité, la Commission européenne elle-même a des problèmes avec l’abus de droit ; c’est elle-même qui a demandé à chaque pays de bien vouloir préciser cette notion, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui par la voie législative.

Croire que l’abus de droit n’existe pas parce que nous sommes sur le territoire européen est une vision certainement très sympathique, mais, permettez-moi de le dire, un peu angélique. Il y a des abus de droit même dans le cadre des dispositions européennes.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Avis défavorable. La notion d’abus de droit est, je le confirme après M. Goasguen, prévue par la directive. Nous ne faisons donc qu’appliquer le droit européen.

Je voudrais préciser que ce n’est pas le renouvellement du court séjour qui est en cause : il doit être bien clair que c’est l’intention de détourner le droit existant qui est en cause. Cette intention doit, bien entendu, être prouvée par des faits.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Mon argument se fonde sur la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes. Ce n’est donc pas de l’angélisme, monsieur le recteur !

M. Claude Goasguen, rapporteur. Je parlais de votre présentation, mon cher collègue.

M. Noël Mamère. Je vais vous lire la définition donnée par la CJCE de l’abus de droit : « Abuse du droit celui qui en est le titulaire quand il l'exerce de manière déraisonnable pour obtenir, au préjudice d'autrui, des avantages illicites et manifestement étrangers à l'objectif poursuivi par le législateur lorsque celui-ci confère au particulier une position subjective donnée. »

J’ajoute un autre élément juridique, pour vous montrer que nous ne sommes pas dans l’angélisme mais que nous sommes au contraire des législateurs attachés au droit. Selon l'avocat général Trstenjak, dans cette même affaire, « la Cour considère que la constatation qu’il s’agit d’une pratique abusive nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives d’où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation communautaire, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint. Elle requiert, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation communautaire en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention ».

Ce n’est donc pas de l’angélisme ; il y a une jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes.

Monsieur le ministre de l’intérieur, il nous semble assez difficile de définir les intentions de celui qui veut frauder. Si on commence à juger des intentions, on aboutit à ce que vos collègues ont fait voter ici : la rétention de sûreté permet de mettre quelqu’un en prison parce qu’il est potentiellement dangereux – ce qui bouscule les principes de notre droit français !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Je souhaiterais que mes propos ne soient pas déformés : j’ai expressément indiqué que l’intention devait être prouvée par des faits. Il n’est donc pas question de juger les intentions en tant que telles.

Je remercie par ailleurs M. Mamère d’avoir démontré, par sa citation, que nous visons l’objectif fixé par la Cour.

Mme Sandrine Mazetier. Puisque vous avez la parole, profitez-en pour répondre à ma question – et à celle du président Warsmann !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Monsieur Mamère, la citation que vous venez de lire démontre explicitement la nécessité de faire œuvre législative. C’est d’ailleurs ce que la Commission européenne nous a demandé. Je pense que nous répondons parfaitement au problème soulevé par la CJCE.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le rapporteur, vous êtes juriste, et vous devriez donc savoir que les normes juridiques européennes s’imposent au droit français. Il n’y a donc pas besoin de les introduire dans la législation française.

Respectez la jurisprudence européenne, et cela suffira.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Ne nous trompons pas : la Commission, dans l’affaire que vous évoquez sous le nom d’affaire des Roms, avait demandé à la France de bien vouloir expliciter sa position – vous aviez vu les incidents qui s’étaient produits. C’est ce que nous faisons en introduisant dans cet article une mesure législative qui ne contrevient pas au droit européen, mais qui précise ce que nous entendons par « abus de droit ».

Il ne s’agit pas d’incriminer des intentions ou des appellations, quelles qu’elles soient, mais bien sur des faits précis. Nous sommes tout à fait dans la logique européenne et dans la logique de la Cour de justice des communautés européennes.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous n’allons pas passer la journée sur ce point, mais tout de même ! Vous essayez de vous sortir du bien mauvais pas dans lequel vous vous êtes mis au mois de juillet, après l’affaire des Roms.

Vous parlez de la Commission européenne : je vous rappelle ici la condamnation dont vous avez fait l’objet, après des négociations qui ont permis à la France de sauver la face ! La réalité, c’est que la Commission avait condamné la France pour sa stigmatisation des Roms.

(Les amendements identiques nos 44 et 108 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 271.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je partage les remarques faites par mes collègues Pinte et Mamère. Nous avons tous compris que cet alinéa porte en fait, de façon un peu honteuse, sur les ressortissants des pays de l’Est, et en particulier sur les Roms : pour vous, c’est une manière de donner un cadre juridique à la lutte que vous avez souhaité engager contre les Roms.

Je voudrais appeler l’attention de l’Assemblée sur la rédaction.

La rédaction que je propose ne nie pas la possibilité d’un abus de droit, contrairement à ce que semble dire le rapporteur. Mais nous sommes en désaccord avec la définition que vous donnez de cette notion, car elle nous paraît contraire à la directive européenne : la définition donnée par le projet de loi nous semble abusive, et fait un amalgame entre les séjours inférieurs et supérieurs à moins de trois mois.

M. le rapporteur nous dit que le Sénat, dans sa sagesse, n’a touché à rien, et nous demande de faire de même. On pourrait vous retourner l’argument : vous ne l’avez pas utilisé à chaque fois, et vous nous avez même souvent incités à revenir sur le texte adopté par le Sénat !

Mais le Sénat, dans un geste habituel que vous avez souligné avec ironie, a supprimé l’adverbe « notamment ». Or cela change complètement la portée du texte ! L’abus de droit est défini uniquement par rapport à cette question du court séjour et de l’abus du système de protection sociale. Or je remarque – paradoxalement – que vous oubliez tous les autres cas, pourtant cités par la directive européenne.

Obnubilés par la question des Roms, vous n’écrivez la loi qu’en pensant à eux : nous sommes en désaccord avec votre définition, mais d’un autre point de vue – j’ose le paradoxe – votre définition est tout à fait restrictive.

Il faut donc, je crois, conserver la notion d’abus de droit ; mais votre définition est tout à fait erronée, de quelque côté de cette assemblée que l’on se place.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Avis défavorable. Le discours de notre collègue, vous le reconnaîtrez, est pour le moins paradoxal.

M. Jean-Patrick Gille. Je l’ai dit moi-même !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. À cette occasion, je voudrais rappeler que le Sénat a aligné les sanctions contre le « mariage gris » sur celles du mariage blanc. Je regrette que vous ne vous ne vous en teniez pas à ce compromis, et que vous en reveniez à une rédaction qui stigmatise les couples mixtes.

Il faut, je le répète, se garder de la caricature selon laquelle l’étranger serait essentiellement motivé par l’obtention de papiers, alors que les Français et les résidents ne le seraient que par l’amour sincère.

On le sait, la différence de situation administrative au sein des couples mixtes peut engendrer ou aggraver un climat de violence par un chantage aux papiers qui interdit à l’étranger ou à l’étrangère de rompre la vie commune au cours des trois premières années. D’ailleurs, au mois de juillet dernier, nous avons voté à la quasi-unanimité la loi sur les violences faites aux femmes, qui avait identifié ce problème et y avait partiellement répondu en automatisant la délivrance de titre de séjour pendant la durée de l’ordonnance de protection.

La notion de mariage gris que vous avez introduite paraît fort contreproductive et risque d’aggraver les cas de chantage puisqu’il deviendra possible de menacer son conjoint de dénonciation aux autorités sans aucune limite de temps.

(L’amendement n° 271 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 272.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Au terme d’un été catastrophique, la France était sous la menace d’une procédure en infraction pour transposition insuffisante de dispositions prévues dans la directive relative à la liberté de circulation des familles, en particulier les garanties procédurales dues à nos concitoyens européens. C’est pourquoi nous proposons la transposition littérale de l’article 27, paragraphe 2, de la directive, ainsi rédigé : « Dans le cas de ressortissants de l’Union européenne ou de leurs familles, les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures. » Or nous avons assisté cet été à des expulsions massives de groupes fondées sur des motifs ethniques et prévues dans une circulaire discriminatoire.

Il nous semble indispensable de rappeler que l’Union européenne fonctionne selon certains principes, parmi lesquels la défense des droits de tous les ressortissants de l’Union, en particulier au regard des procédures qui leur sont appliquées. Ne pas retranscrire certaines dispositions de manière arbitraire comme vous le faites ne serait pas conforme au compromis trouvé par le législateur européen et à l’esprit de la directive. Nous tentons ainsi de vous aider.

Et puisque nous évoquons l’été terrible, honteux…

M. Dominique Dord. Vous êtes la seule à l’évoquer !

Mme Sandrine Mazetier. …et qu’il y a quelques jours, le Président de la République faisait allusion aux racines chrétiennes de la France en s’en félicitant…

M. Éric Diard. Cela vous choque ?

Mme Sandrine Mazetier. Non, je le constate. Mais je constate aussi que le comportement des autorités françaises à l’égard des Roms durant l’été, avec circulaires discriminatoires et expulsions de groupes au mépris du droit, de droits fondamentaux et de garanties procédurales, a été l’objet d’une réprobation planétaire et de la part d’autorités spirituelles et religieuses, singulièrement du pape. Puisque le Président de la République semble particulièrement sensible aux racines chrétiennes de la France, je lui rappellerai – ce qui changera de nos références habituelles – ce que le pape a déclaré le 22 août 2010 : « Les textes liturgiques de ce jour nous redisent que tous les hommes sont appelés au salut. C’est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines, à la suite de Jésus venu rassembler les hommes de toute nation et de toute langue. » Après l’été meurtrier que nous avons connu, ce rappel me semblait utile, pour lui comme pour ceux qui le soutiennent et qui sont tout aussi sensibles aux racines et à l’actualité chrétiennes de la France.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Avis défavorable. En vous remerciant, madame Mazetier, de la culture chrétienne qui semble être la vôtre,…

Mme Sandrine Mazetier. Je me contente de lire le journal.

M. Claude Goasguen, rapporteur. …à mon tour, je voudrais vous rappeler une phrase de l’Évangile : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » Vous interpréterez.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable pour la simple raison que la disposition suggérée figure précisément dans l’article du projet.

Mme Sandrine Mazetier. Absolument pas, monsieur le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. C’est le 3°.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. M. le ministre ne s’en étonnera pas, nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’il vient de dire. On va nous accuser de commettre des erreurs, d’être dans le flou, d’affirmer des contrevérités. Je pense que ces dernières sont plus souvent le fait du Gouvernement…

Mme Pascale Crozon. Absolument !

M. Noël Mamère. …que de nous-mêmes qui essayons ici, en minorité, de les expliquer.

Notre collègue Sandrine Mazetier a été interpellée par M. Diard lorsqu’elle a évoqué les propos tenus par le Président de la République depuis la basilique du Puy-en-Velay. Comment, d’ailleurs, était-il habillé – en soutane ou en laïc ? – puisqu’il semble effectuer un tour de France des lieux catholiques. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Diard. C’est notre patrimoine !

M. Noël Mamère. À l’évocation par Mme Mazetier des racines chrétiennes de la France louées par le Président de la République, M. Diard a demandé : « Cela vous choque ? » Oui, cela nous choque, quand bien même aurions-nous été éduqués par des prêtres, des bonnes sœurs, des jésuites. Nous vivons dans une société laïque et le Président de la République joue au pompier-pyromane et au provocateur en exaltant, depuis une basilique qui appartient effectivement au patrimoine et à l’histoire de notre pays, les racines chrétiennes de la France, alors qu’il s’apprête à relancer le débat sur l’islam dans quelques semaines et qu’il tire comme seule conclusion des révoltes démocratiques dans les pays du sud de la Méditerranée la menace de flux migratoires, le terrorisme et même, entre les lignes, la question de l’islam.

Il est de notre devoir de dire qu’il joue un jeu extrêmement dangereux. Après avoir prétendu, selon l’expression triviale, « siphonner » le Front national, il l’a remis au centre du débat. Je ne vais pas dresser un inventaire à la Prévert de la succession d’affaires et autres déclarations du Président comme de ses séides dans la majorité, qui n’ont fait que contribuer à stigmatiser un peu plus certaines populations – la référence aux Roms qu’a faite Mme Mazetier est tout à fait indicative sur ce point.

Pour remettre la pyramide républicaine sur ses pieds, comme c’est notre rôle, il faut éviter tout amalgame, provocation ou dérive, qui ne font que nourrir ceux qui proposent aux Français les plus vulnérables les délices empoisonnés du refus de l’autre.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Diard.

M. Éric Diard. La laïcité n’est pas la négation des religions, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Je n’ai pas dit cela !

M. Éric Diard. Quand à l’été meurtrier dont parlait Mme Mazetier, aucune expulsion n’a eu lieu sans l’accord préalable des juges.

M. André Schneider. Exactement !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Pour en revenir à l’article 25, les pays de l’Union européenne édictent des règles dans le cadre de la transposition de la directive pour justifier l’expulsion de ressortissants de pays tiers. Le projet de loi apporte un complément pour les ressortissants des pays de l’Union qui ne respectent pas un certain nombre de conditions.

On ne peut pas faire procès à un État de fixer des conditions de présence sur son territoire, en l’espèce la France. Les articles successifs du projet de loi n’ont rien de choquant. C’est le droit d’une nation de rappeler les obligations pour les ressortissants étrangers, y compris de l’Union, présents sur le territoire, conformément aux directives de l’Union européenne.

L’épisode des Roms est l’occasion pour l’opposition de mélanger tous les problèmes. Chacune des interventions d’un de ses orateurs met en cause le Président de la République, le Gouvernement et son action en matière de sécurité. Le dispositif que le Gouvernement nous propose répond à certaines exigences et apporte des garanties. Cet été, je n’ai pas été le dernier à m’exprimer pour demander que les expulsions se passent dans la dignité et le respect des règles de droit. Et le Gouvernement les a observées puisqu’il a retiré la circulaire prêtant à discussion.

Plutôt que de faire le procès du Gouvernement, mes collègues de l’opposition devraient regarder ce qui se passe au niveau européen. Le Président de la République et M. le ministre ont été à l’origine de la saisine du Conseil de l’Europe du problème extrêmement compliqué des Roms. Année après année, nous votons des recommandations ; maintenant, nous avons besoin de règles claires. Si nous ne devons pas nous départir d’une exigence de dignité, il est nécessaire d’organiser les flux migratoires. Chers collègues, les attaques dont est l’objet le Président de la République à chacun de vos amendements décrédibilisent la défense de votre point de vue. Vous avez le droit de penser différemment, mais je me devais de réagir à une telle mise en cause. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous n’avons aucune obsession à l’égard de la personne du Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. Cela nous avait échappé !

M. Noël Mamère. Que je sache, le Président de la République incarne la nation, la République. Les Français ont élu M. Sarkozy Président de la République, donc nous parlons de M. Sarkozy en tant que Président de la République et nous mettons en cause sa politique, que vous soutenez et dont vous êtes solidairement responsable.

Grâce à vous, avez-vous dit, cher collègue du Nouveau Centre, la circulaire sur les Roms aurait été revue. Non, ce n’est pas grâce à vous ni à la majorité ! La communauté européenne s’en étant indignée, il a bien fallu revenir sur cette circulaire inacceptable. Même les plus hautes sphères de l’État, à l’Élysée, s’étaient rendues compte de l’ignominie.

M. Diard est de Marseille ou de ses environs. Marseille est un exemple formidable de ce qu’est la culture française, creuset de civilisations et de religions qui se sont rencontrées. Voilà pourquoi je trouve indigne d’aller dire que les racines de la France sont chrétiennes. Non ! C’est al-Andalus, la culture juive, c’est aussi, il ne faut pas l’oublier, la période historique du XVIsiècle, des guerres de religion qui ont fait tant de victimes. Demandez aux protestants et aux juifs de France ce qu’ils en pensent ! Nous avons des hôpitaux qui portent le nom de grands philosophes arabes comme Avicenne et Averroès, de grandes personnalités de la culture juive ont marqué notre histoire. Nous sommes les héritiers de tout cela. Nous n’avons pas le droit de réduire l’héritage dont nous sommes aujourd’hui porteurs et que nous devons absolument conserver, notamment en favorisant les diversités culturelles au sein de notre pays.

Nous n’avons jamais dit que la laïcité empêcherait l’exercice des religions. La laïcité à la française, c’est la neutralité, c’est l’acceptation de la pratique des religions à condition qu’elles restent dans la sphère privée et qu’elles n’entament pas la sphère publique. Contentons-nous de dire cela. Et si la droite républicaine – ou encore républicaine – et la gauche le disaient avec un plus de force et de détermination, cela donnerait peut-être un peu moins d’espace à Mme Le Pen, qui procède à la triangulation d’un certain nombre de ces valeurs, et notamment de la laïcité, pour mieux stigmatiser l’islam.

Mme Pascale Crozon. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord. Madame Mazetier, à l’instant vous avez qualifié l’été dernier d’« été noir », en raison des menaces de sanctions de l’Union européenne et des déclarations du Pape. Mais je vous rappelle que cela a permis des avancées. D’abord, les menaces de sanctions n’ont pas été exécutées, ensuite les déclarations d’une certaine commissaire ont même donné lieu, sinon à des excuses, du moins à un retrait en rase campagne. Quant à la réaction du Pape, je partage l’avis éclairé, comme d’habitude, de Claude Goasguen. Finalement, cela nous a fait du bien que vous citiez ici l’Évangile et l’homélie du Pape. Cela dit, rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu : il est trop facile de mélanger, quand cela vous arrange, ce genre de citation.

Mme Sandrine Mazetier. Je cite le Président de la République !

M. Dominique Dord. Quand Éric Diard vous a demandé si les racines chrétiennes de la France vous choquaient, vous avez répondu par la négative, ce dont je suis très heureux. Hélas ! M. Mamère a repris la parole pour dire que la notion de racines chrétiennes de la France le choquait. Mais le fait que cela le choque me choque aussi. Et, comme il a très bien compris qu’il avait procédé, comme d’habitude, à un raccourci et à un amalgame puisqu’en essayant de préciser sa pensée il l’a détournée, il n’évoque plus les racines chrétiennes mais l’héritage de la France, ce qui est tout à fait différent. En effet, l’héritage de la France est plus divers, plus complet que les seules racines chrétiennes. Mais, monsieur Mamère, les racines chrétiennes de la France – je sais que vous êtes souvent dans le révisionnisme –,…

Mme Pascale Crozon. Oh !

M. Dominique Dord. …sont indéniables.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur Dord, c’est fort déplacé de traiter un collègue, et en particulier Noël Mamère, de révisionniste, surtout actuellement. Ne mélangez pas tout !

À mon tour, je tiens à dire à M. Diard que la laïcité prévoit l’absolue indifférence à toute confession et que notre Constitution prévoit le respect de toutes les croyances. Or, dans la tradition française de la République, un responsable politique de premier plan ne manifeste pas sa préférence confessionnelle ou sa propre foi. Il peut en faire état en privé, mais ne se signe pas dans une église.

Le général de Gaulle, qui allait pourtant à la messe tous les dimanches, ne se signait jamais.

M. Michel Hunault. Est-ce que cela figure dans le texte ?

Mme Sandrine Mazetier. Souffrez que l’on parle de ce que l’on veut, monsieur Hunault ! Notre temps de parole nous appartient. Si ce que nous disons vous ennuie, vous pouvez toujours quitter l’hémicycle !

Comme je le disais, le général de Gaulle ne se signait jamais. Ce n’est pas le choix qu’a fait le Président de la République.

L’hommage de la nation et de la République à Philippe Séguin, cet ancien président de l’Assemblée nationale, a été rendu, non dans la cour des Invalides, mais dans l’église des Invalides. Des préfets en grande tenue y ont même communié. Je considère que c’est une dérive dans ce qu’était la tradition française, républicaine, du rapport à la laïcité et du comportement des responsables politiques face au culte, à la confession qui est ou n’est pas la leur.

Je rends à César ce qui appartient à César, à la laïcité ce qui appartient à la laïcité et au général ce qui appartient au général.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. J’aurais pu, dans un jeu de rôle, m’étonner, me scandaliser, de la déclaration de M. Dord quand il m’a qualifié de révisionniste et demander la parole pour un fait personnel. Mais je ne lui ferai pas cet honneur car je trouve accablant qu’un député de la République, qui est d’ailleurs, je crois, trésorier de l’UMP, puisse tenir de tels propos.

Monsieur Diard, vous parlez de révisionnisme, alors qu’actuellement, dans le paysage politique français, l’héritière d’un parti qui a été l’un des plus grands défenseurs du révisionnisme – souvenez-vous de M. Faurisson – ne remet pas du tout en cause les propos qui ont été tenus par le père et les caciques du Front national. C’est lorsque la discussion avance qu’il est intéressant de voir comment se découvre la vérité des gens. Finalement, on s’aperçoit que ce qu’a dit Mme Brunel est une sorte de lapsus politique de l’ensemble ou d’une grande partie de l’UMP : elle a déclaré tout haut ce qu’un certain nombre de députés et de membres de la majorité pensent tout bas.

M. André Schneider. Arrêtez !

M. Noël Mamère. Il y a des responsables politiques qui vont devant les électeurs en se prétendant républicains alors qu’ils tiennent de tels propos.

M. Dominique Dord. C’est vous qui avez tenu des propos inacceptables !

M. Noël Mamère. Une fois, ils parlent de révisionnisme, une autre fois des immigrés que l’on va balancer sur des bateaux, ou encore des racines chrétiennes.

M. Dominique Dord. Parce que la France n’a pas de racines chrétiennes ?

M. Noël Mamère. Ne nous prenez pas pour des naïfs ou des imbéciles !

M. Dominique Dord. Nous non plus !

M. Noël Mamère. Je suis scandalisé par les déclarations du Président de la République qui limitent les racines de notre pays à des racines chrétiennes, alors qu’elles viennent de plusieurs civilisations et de différents apports, y compris des derniers, que nous sommes allés chercher dans nos anciennes colonies. Vous devriez dire cela au moment où plane une véritable menace sur notre pays et où beaucoup de Français se sentent stigmatisés, humiliés, montrés du doigt, parce qu’ils servent de boucs émissaires à des gens qui n’ont que des visées électorales, cyniques et dégueulasses !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Madame la présidente, je veux apporter trois précisions.

Premièrement, jamais le Président de la République n’a pris parti en faveur d’une religion, jamais il n’a été le militant d’une religion.

M. Noël Mamère. Ah bon ?

M. Claude Guéant, ministre. Il a, c’est vrai, rappelé que la France avait des racines chrétiennes.

M. Noël Mamère. Et le discours de Latran ?

Mme la présidente. Monsieur Mamère, seul le ministre a la parole !

M. Claude Guéant, ministre. Il a aussi rappelé, au mois de janvier dernier, tout le rôle des Juifs dans l’histoire de France.

M. Noël Mamère. Il était temps !

M. Claude Guéant, ministre. C’est une affirmation qui n’avait pas été faite auparavant.

S’agissant des racines chrétiennes de la France, outre que les historiens s’accordent en général à les reconnaître, je me permets de préciser que c’est tellement vrai qu’il y a quelques années, un ministre socialiste de l’éducation nationale avait eu la bonne idée de vouloir créer un enseignement sur les religions en ce sens qu’elles étaient des facteurs constitutifs de notre culture et de notre civilisation.

Deuxièmement, il y a quelque paradoxe à demander la suppression d’un article qui comporte précisément – c’est écrit noir sur blanc – les propositions que vous suggérez.

Troisièmement, j’en viens à ce que vous appelez « l’épisode des Roms », terme que je ne reprendrai pas pour ma part. Un certain nombre de ressortissants de l’Union européenne commettent, dans notre pays, des infractions, des abus de droit ou violent la loi. Il se trouve que certains de ces ressortissants sont roumains, d’autres bulgares, etc. Ce que nous combattons, c’est l’infraction au droit. Le Gouvernement n’a aucun scrupule à dire qu’il entend que la loi soit respectée dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, les déclarations du Président de la République sur la diversité de notre héritage sont venues bien tardivement. Malheureusement, le mal était déjà fait, et il le savait très bien. Du reste, cela correspond assez bien à l’interprétation qu’il avait faite de la révolution en Égypte et en Tunisie. En effet, alors qu’il a parlé pendant deux heures et demie avec un panel de Français devant 7,5 millions de téléspectateurs ; il n’a accordé que vingt-cinq secondes à la question sur l’Égypte – c’est vrai que son Premier ministre était allé en vacances chez celui qui a été chassé par le peuple –, et rien s’agissant de la Tunisie. C’est après qu’il s’est réveillé parce que cela faisait mauvais genre que le Président de la République et sa diplomatie continuent de soutenir les corrupteurs.

M. Claude Guéant, ministre. C’est ce que j’ai dit !

M. Noël Mamère. Je ne suis pas socialiste, mais je trouve que l’initiative de ce ministre socialiste consistant à enseigner les religions était très bonne, car vous savez très bien que le fait de ne pas enseigner les religions et leur apport dans nos sociétés, que ce soit la religion chrétienne, protestante, juive ou musulmane, prive d’un élément de culture les jeunes d’aujourd’hui et les empêche d’expliquer les événements par un contexte historique.

De ce point de vue, je répète ce que j’ai déjà dit hier. Monsieur le ministre, vous avez été et vous restez l’un des plus proches collaborateurs du Président de la République. N’êtes-vous pas choqué de l’entendre expliquer à la télévision que la religion musulmane est celle de ceux qui arrivent ? Comme si tous les musulmans de France étaient indésirables dans notre pays (Protestations sur les bancs du groupe UMP), alors qu’il y a une mosquée à Paris depuis 1923 et que 95 % des musulmans sont Français !

Si l’on avait, comme le souhaitait le Président de la République et son Gouvernement, supprimé l’enseignement de l’histoire dans certaines classes terminales, un certain nombre de nos compatriotes auraient pris pour argent comptant cette contrevérité qui n’a, je le répète, que des visées électoralistes.

(L’amendement n° 272 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 18.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Claude Goasguen. C’est un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 18 est adopté.)

(L’article 25, amendé, est adopté.)

Article 26

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 109 visant à supprimer l’article 26.

M. Noël Mamère. Nous souhaitons la suppression de cet article car nous estimons que les personnes dont la liste – déjà très restrictive – est énumérée à l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ne peuvent faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière. En outre, nous marquons notre opposition à la remise en cause du principe d’accessibilité effective pour l’octroi d’une carte de séjour pour des raisons de santé.

Je fais référence à l’article 17 ter dont nous sommes un certain nombre – y compris dans la majorité – à avoir réclamé la suppression, comme le Sénat l’avait fait lui-même. Il est question d’étrangers atteints de maladie grave – je pense en particulier au sida –, qui doivent bénéficier d’une carte de séjour provisoire en raison de leur état de santé. Vous avez, avec M. Mariani, devenu secrétaire d’État, joué sur les mots. Il est d’usage de dire que les mots n’ont pas de sens mais des usages, comme le montre l’expression d’« accessibilité ». Il est coupable, criminel, monsieur le ministre, de renvoyer ceux qui viennent en France pour se faire soigner, au motif qu’ils auraient « accès » dans leur pays à des soins qui, en général, vous le savez très bien, ne sont réservés qu’aux plus riches.

D’autre part, cette décision idéologique confine au ridicule et se révèle contre-productive dans la mesure où, si vous ne voulez pas soigner ces personnes, elles resteront dans la clandestinité, seront de plus en plus malades, coûteront de ce fait encore plus cher à la société. Or elles ne sont pas nombreuses et par conséquent ne grèvent pas le budget de l’État.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 26.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 109 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 273.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 3, lequel avait été supprimé par le Sénat en première lecture sur proposition des sénateurs socialistes. Cet alinéa prive de protection contre un éloignement du territoire un étranger « dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité ». C’est en cohérence avec les arguments que nous avons défendus hier soir à l’occasion de l’examen de l’article 17 ter que nous demandons la suppression de cet alinéa.

J’appelle votre attention, mes chers collègues, comme celle des visiteurs qui se trouvent dans les tribunes du public ou encore l’attention de ceux qui nous écoutent par le biais d’internet, pour souligner le peu de cas que vous faites des personnes extrêmement fragiles, et pour mettre en évidence la manière dont le Gouvernement et une partie de la majorité présentent des personnes malades comme une grave menace pour le pays.

Cependant que le même Gouvernement et la même majorité n’ont pas consacré trois minutes à l’examen d’accords entre la France et la Grèce sur la sécurité intérieure – il faut croire que ce n’est pas un sujet de préoccupation, qu’un tel accord n’a aucune importance, aucune conséquence sur la sécurité intérieure en France – ; ils n’ont pas non plus consacré trois minutes aux accords entre la France et l’Irak sur la coopération en matière de défense – il faut croire qu’ils n’ont aucune implication budgétaire, ni aucune implication sur la sécurité de nos concitoyens, qu’il n’y a aucune guerre en Irak ni aucune menace terroriste en Europe liée à ce qui se passe dans ce pays.

Deux poids, deux mesures : vous braquez le projecteur sur des étrangers malades, certes en situation irrégulière, mais, j’y insiste, malades et qui représenteraient soudain une très grave menace pour la France, tandis que vous vous montrez incapables de vous exprimer, de faire des choix sur des accords d’une tout autre importance que les personnes que vous persécutez.

Mme la présidente. Nous avons appliqué ce matin une décision de la conférence des présidents, madame Mazetier. Comme vous n’y siégez pas, je vous rappelle que ladite conférence a choisi cette procédure simplifiée, raison pour laquelle nous n’avons procédé qu’à un vote.

Mme Sandrine Mazetier. Ça ne m’empêche pas de m’exprimer sur le sujet !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 273 ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Je ne m’exprimerai pas sur le fond, car Mme Mazetier suit sa logique et nous la nôtre ; nous en avons déjà débattu hier soir. Ce n’est pas la peine d’interpeller les tribunes et les internautes, madame Mazetier, pour caricaturer le débat d’hier soir, difficile, certes, mais ouvert et correct. Cessez donc, j’y insiste, de caricaturer systématiquement ceux qui ne sont pas d’accord avec vous. Nous n’avons jamais prétendu que l’assistance donnée par la France avec vigueur, sans entrave, aux étrangers malades, devait être supprimée ni même diminuée ! Nous nous sommes simplement efforcés de revenir à un dispositif qui a bien fonctionné, sous le contrôle des tribunaux, et qui émane de la loi Chevènement de 1998.

M. André Schneider. Voilà !

M. Claude Goasguen, rapporteur. Évitez donc d’invoquer les tribunes du public ou les internautes pour caricaturer le débat : ce n’est vraiment pas digne du parlementarisme.

M. André Schneider. C’est même lamentable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 273 ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Vous avez rétabli l’article 17 ter supprimé par nos collègues sénateurs et que nous avions combattu à l’Assemblée en première lecture. J’ignore s’il s’agit, pour vous, d’en revenir à la loi Chevènement, contre laquelle je m’étais d’ailleurs prononcé.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Moi aussi !

M. Noël Mamère. Reste que vous renforcez la vulnérabilité de personnes déjà fragiles.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Mais non !

M. Noël Mamère. Vous revenez sur cette tradition française qui, sans grever le budget de l’État, permet à des personnes gravement malades de bénéficier d’une carte de séjour temporaire et de soins sans être renvoyées dans leur pays où elles risquent purement et simplement de mourir. Vous savez en effet très bien qu’elles n’auront pas les moyens d’y bénéficier d’un système médical coûteux réservé à une élite.

Vous persistez donc à stigmatiser, à mettre à l’écart en tout cas, à vouloir vous débarrasser de ce que Michel Rocard appelait la « misère du monde ».

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Monsieur Mamère, le système n’est pas supprimé, il s’agit seulement de le gérer d’une manière tout à fait traditionnelle. Hier soir, Mme Martinez, au cours d’une remarquable intervention, a montré à quel point la France était un donateur essentiel dans la lutte contre le SIDA. Nous n’avons pas à rougir de nos pratiques sanitaires.

Je vous mets au défi, l’an prochain, de m’indiquer si le nombre moyen de bénéficiaires de ce service essentiel aura diminué. Depuis 1998, les chiffres oscillent entre 5 000 et 6 000 personnes et il y a fort à parier que la décision que nous avons prise évitera probablement des abus que l’avis du Conseil d’État aurait permis. En toute hypothèse, nous accueillerons entre 6 000 et 7 000 personnes, comme ce fut le cas cette année.

Ne dramatisez pas. Vous savez très bien qu’il s’agit d’organiser ce service, et non de le remettre en cause. Nous avons le droit de gérer convenablement les intérêts du contribuable tout en respectant la tradition humanitaire de la République.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Si nous ne nous trouvions dans cet hémicycle, où nous nous devons à une certaine tenue, je me battrais les flancs d’entendre que vous voulez épargner les contribuables. Au vu de la politique économique et fiscale menée par le Gouvernement, je suis assez étonné de votre façon de considérer les contribuables. Et si j’en juge par deux articles parus dans des journaux qui ne se ressemblent pas, L’Humanité et Les Échos – vous pouvez qualifier l’un de révolutionnaire, communiste, mais l’autre n’est pas particulièrement gauchiste –, les actionnaires du CAC 40 ont vu leurs retours sur investissements augmenter, pendant la crise, de 13,5 % alors que des millions de Français se retrouvent dans la précarité et que les classes moyennes ont un sentiment profond de déclassement.

Vous avez oublié de nous parler, monsieur le rapporteur, de l’aide médicale d’État que vous voulez supprimer,…

M. Claude Goasguen, rapporteur. Non !

M. Noël Mamère. …mais aussi d’un ancien ministre – devenu l’un des opposants du Président de la République parce qu’il ne voulait pas, selon l’expression de celui-ci, être « pendu à un croc de boucher » – qui a ici même inventé la notion de « pays sûrs ». L’Algérie est-elle un « pays sûr » quand on est homosexuel ? Peut-on retourner dans ce pays sans risquer de disparaître, sans risquer d’être enfermé ?

Mme Martine Aurillac. Quel est le rapport avec le texte ?

M. Noël Mamère. Il s’agit d’un ensemble de dispositions, chère madame. En politique, on ne doit pas se contenter, tel un charcutier avec un saucisson, de couper la réalité en tranches. C’est l’ensemble de cette réalité qu’il faut appréhender. Or votre politique fragilise plusieurs catégories de la population, pas seulement les étrangers malades.

(L’amendement n° 273 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Crozon, pour soutenir l’amendement n° 274.

Mme Pascale Crozon. Il s’agit d’appliquer l’article L. 511-4 du CESEDA qui prévoit une protection contre les mesures de reconduite à la frontière prises à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération helvétique.

Le droit de vivre en famille doit être préservé. Il convient donc de prémunir ces personnes contre une obligation de quitter le territoire français.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable. Cet amendement ne sert à rien puisque les dispositions votées précisent que les étrangers ne peuvent plus être éloignés sur le fondement de cet article. Il n’est donc pas nécessaire de leur assurer une protection spécifique contre l’éloignement. Or l’amendement cherche à maintenir en vigueur, sous une forme légèrement différente, le dernier alinéa de l’article L. 511-4 du CESEDA.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’examen de l’article 26 prolonge celui de l’article 17. Aux termes de l’article L. 511-4 du CESEDA, un étranger gravement malade ne peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire que dans la mesure où il peut « effectivement » bénéficier d’un traitement approprié dans le pays de renvoi. Le texte prévoit la possibilité de renvoyer cet étranger gravement malade dès lors que le traitement approprié est disponible dans le pays d’origine.

Nous contestons l’interprétation que font le Gouvernement et le rapporteur du dispositif prévu par la loi de 1998, interprétation qui ne correspond pas à celle, constante, des circulaires ministérielles. Le prétexte d’un changement de jurisprudence du Conseil d’État est à nos yeux fallacieux. Le Conseil d’État n’a pas varié mais a en fait rappelé la nature des dispositifs en question.

L’amendement n° 274 rappelle que l’article L. 511-4 du CESEDA prévoit une protection contre les mesures de reconduite à la frontière prises à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers qui est membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération helvétique.

Le dispositif que vous mettez en place ne doit pas retirer leur applicabilité aux dispositions du CESEDA.

(L’amendement n° 274 n’est pas adopté.)

(L’article 26 est adopté.)

Article 29

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 111 tendant à la suppression de l’article 29.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’article 29 va beaucoup plus loin que la directive « retour ». Celle-ci justifie certaines mesures qu’elle préconise par le souci de prévenir le risque de fuite. L’article 29, lui, contient des exigences supplémentaires vis-à-vis des personnes étrangères présentes sur notre territoire. On entre dans un dispositif de contrôle et de surveillance des étrangers qui les met en très grande difficulté, un dispositif qui n’est pas nécessaire et qui n’est pas exigé par la directive « retour ». Une fois de plus, on voit apparaître, entre les lignes, la suspicion vis-à-vis de l’étranger, qui est, dans ce pays, la figure de l’indésirable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Monsieur Mamère, vous avez une fâcheuse tendance à tout généraliser. Cet article vise un étranger d’un type particulier, puisqu’il s’agit d’un étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé. Je ne vois pas ce qu’il y a de léonin dans le fait de demander à l’administration de vérifier si la personne concernée a bien l’intention de partir. On sait que, quelquefois, il y a des difficultés à faire appliquer ce type de mesures.

J’ajoute que cette disposition est d’ailleurs plutôt favorable à l’étranger, et ne traduit aucune hostilité à son endroit. Il s’agit d’une mesure administrative qui est conforme au droit. Ne prenez pas systématiquement toutes les mesures administratives pour des remises en cause des libertés fondamentales. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit d’une situation précise. Restez dans le cadre de cette situation précise visée par l’article 29.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Je voudrais dire à M. Mamère que cette mesure, contrairement à ce qu’il affirme, est expressément prévue par la directive, dans son article 7, alinéa 3. Je souligne par ailleurs que ce n’est pas une mesure qui limite la liberté de circulation. Ce n’est pas du tout une assignation à résidence. Il n’y a pas de sanction pénale. Et c’est un dispositif qui est favorable, puisqu’il facilite le retour volontaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cela n’étonnera ni M. le ministre ni M. le rapporteur que je ne sois pas convaincu par leurs arguments. Quand on regarde le contenu de cet article, il n’est pas besoin d’être grand clerc, ni grand juriste, ni spécialiste des directives européennes, pour savoir qu’il va plus loin que la directive « retour ». Le simple fait que l’on se présente devrait conduire à la conclusion que l’on n’a pas envie de fuir. Pas besoin d’en rajouter. C’est pourtant ce que vous faites.

J’ajoute, monsieur Goasguen, qu’il n’est pas question de dire qu’une mesure administrative est a priori entachée de soupçon. Mais je constate, dans cette loi comme dans d’autres dont nous avons été appelés à débattre dans cet hémicycle au cours de ces derniers mois, que ce gouvernement et cette majorité manifestent de plus en plus la volonté de laisser le plus possible le champ libre à l’administration. Cela ne me semble pas aller dans le sens de la protection des libertés que de favoriser l’arbitraire de l’administration. Nous l’avons vu, par exemple, sur la question du délai de rétention, où le juge des libertés et de la détention n’intervient que bien après l’autorité administrative, ce qui ne nous paraît pas favoriser la garantie des libertés.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Tout à l’heure, notre collègue Mamère m’a reproché de soutenir le Gouvernement. Je vais aggraver mon cas, et je le prie de bien vouloir m’en excuser.

Le rapporteur et le ministre ont fort bien répondu à M. Mamère : cet article 29 n’appelle pas de discussion. J’ajoute néanmoins que l’enjeu de cet article touche à la question de la crédibilité. Il tend à rendre efficace des mesures qui sont prévues. Si nos concitoyens doutent de l’autorité de l’État, c’est que nous votons un certain nombre de mesures qui ne sont pas appliquées. Je crois qu’il faut remettre cet article 29 dans cette perspective : il s’agit de rendre effectives un certain nombre de dispositions que nous prenons.

Vous l’avez fort bien dit, monsieur le ministre, ces textes se situent dans le respect des droits des personnes concernées. L’opposition aura beau essayer de faire dire au texte ce qu’il ne dit pas, cela ne changera rien à l’affaire. Ce texte est conforme aux textes européens et respecte les droits des individus. Et c’est une question de crédibilité que de s’assurer de l’application effective des dispositions que nous votons.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Je voudrais dire à M. Mamère que, paradoxalement, si nous supprimions cet article, cela signifierait en réalité qu’il n’y aurait pas d’autre choix que le centre de rétention. La mesure proposée est laissée à la discrétion du préfet, certes, mais elle est plus favorable pour l’exercice de la vie quotidienne de celui qui va partir que celle qui consisterait à le mettre obligatoirement en centre de rétention. Comme quoi, avec les meilleures intentions du monde, on en arrive, à travers des amendements de suppression, à aboutir à une situation qui est pire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est exact que l’article 7, alinéa 3, de la directive « retour » comporte un dispositif qui ouvre cette possibilité. Mais je voudrais rappeler, à l’attention de ceux qui liront le compte rendu de nos débats, que dans le dispositif que notre assemblée avait adopté en première lecture, l’objet de cette obligation de se présenter à l’autorité administrative avait été décrit par la formule : « notamment pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ ». Tout comme dans sa rédaction actuelle, issue du Sénat, l’article prévoyait qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de cette disposition. L’emploi de l’adverbe « notamment » indiquait que la présentation de la personne concernée devant l’autorité administrative ou les services de police ou de gendarmerie pouvait avoir d’autres objets que d’indiquer ses diligences dans la préparation de son départ.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Absolument. Et le « notamment » a été supprimé.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Désormais, avec la modification introduite par le Sénat – modification que le Gouvernement a manifestement acceptée –, le seul objet de cette astreinte de l’étranger à se présenter à l’autorité administrative ou aux services de police ou de gendarmerie sera d’ « indiquer ses diligences dans la préparation de son départ ». Je veux le dire, puisque c’est le texte littéral qui a été adopté par le Sénat, et que la commission des lois de notre assemblée a accepté. Ainsi, il ne sera pas possible de donner à cette astreinte un autre objet que celui qui consiste à s’assurer des diligences accomplies par la personne concernée dans la préparation de son départ. Je voulais le rappeler afin que, le moment venu, quand il s’agira d’appliquer la disposition proposée ici, cette précision puisse aider à corriger éventuellement des interprétations inexactes du sens de cet article.

(L’amendement n° 111 n’est pas adopté.)

M. Noël Mamère. Madame la présidente, nous voudrions vous demander une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 29 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 275. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Il est défendu.

(L’amendement n° 275, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 29 est adopté.)

Article 30

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’article 30 est présenté dans son exposé des motifs comme une simple reprise de l’existant et une coordination avec d’autres mesures nouvelles contenues dans le texte. En réalité, il n’est pas de cette nature.

À l’issue de son examen par l’Assemblée nationale, l’article 30 mentionnait la durée initiale, fixée à cinq jours, du placement en rétention avant la saisine du JLD. Nous combattions cette disposition. La commission des lois du Sénat a coordonné cet article avec la suppression du report de l’intervention du JLD de quarante-huit heures à cinq jours. En conséquence, l’article 30 tel qu’issu du Sénat précise : « pour une durée de quarante-huit heures. »

Par ailleurs, l’article 30 fixe six cas dans lesquels un étranger est placé en rétention, qui sont très éloignés de la directive « retour » que le Gouvernement prétend transposer dans ce projet de loi. La directive « retour » ne prévoit que deux cas justifiant le placement en rétention. L’article 15 de la directive dispose :

« À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque :
a) il existe un risque de fuite, ou
b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. »

Il apparaît bien que l’article 30 excède très largement les cas prévus par la directive, et pour cause : la privation de liberté est pour vous la règle, et non l’exception, comme je le rappelais hier. Or, notre Constitution prévoit que la privation de liberté doit être l’exception. Vous vous préoccupez peu de l’esprit et de la lettre de la directive « retour » : vous excédez ce qui est prévu et vous généralisez la privation de liberté.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques nos 142 et 276.

La parole est à M. Noël Mamère pour défendre l’amendement n° 142.

M. Noël Mamère. Cet amendement va exactement dans le sens de ce que vient de dire notre collègue Sandrine Mazetier.

Nous avons en effet le sentiment que la privation de liberté devient la règle, et les mesures alternatives, l’exception. Une nouvelle fois, nous sommes dans un cas de figure dans lequel vous prétendez transposer la directive « retour » dans le droit français, alors même que les dispositions que vous proposez vont au-delà de cette directive qui, je vous le rappelle, prévoit un certain nombre de dispositions alternatives à la rétention. Elles sont d’ailleurs explicitement spécifiées dans le texte de la directive, mais vous n’avez pas voulu les appliquer.

Il s’agit donc d’une opération qui consiste à faire croire que vous appliquez le droit européen, que vous vous conformez aux directives européennes, alors même qu’à travers un certain nombre d’articles et de dispositions, vous ne faites que les détourner pour mieux mettre en difficulté les étrangers qui sont sur notre territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour défendre l’amendement n° 276.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le dispositif que propose cet article 30 n’est pas dans les clous de la directive « retour », puisque, comme l’a très justement dit Sandrine Mazetier et comme vient de le rappeler Noël Mamère, seules deux conditions dans la directive « retour » pouvaient justifier ces mesures particulières : le risque du délit de fuite et le fait que le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Ce sont les deux conditions de la directive. Or, bien évidemment, vous ne les retenez pas. Par ailleurs, comme cela a été souligné, vous n’utilisez pas l’article 7 alinéa 3 de la directive, qui prévoit d’autres dispositifs. Mais la directive prévoit ces dispositifs en ouvrant le champ du non-placement comme un modèle systématique, puisqu’elle permet de laisser la personne libre, avec l’obligation de répondre à une demande de présentation devant l’autorité administrative. La directive « retour » ouvrait un champ de mesures beaucoup plus large que votre texte, avec notamment le dépôt de garanties financières adéquates, la remise de documents, ou la demeure en un lieu déterminé.

Votre démarche n’est donc pas celle de la directive « retour », et elle est l’expression de votre intention de systématiser le placement en rétention. Celui-ci doit pourtant être l’exception, puisque c’est une privation de liberté individuelle, et qui n’intervient pas dans le cadre d’une sanction pénale.

Vous faites cela, mais vous pouviez faire autrement, en restant dans les clous de la directive « retour ». Je ne salue pas cette directive, mais on peut au moins considérer qu’elle avait ouvert d’autres stratégies possibles. Vous pouviez y recourir avec toute l’efficacité que vous visez, s’agissant de s’assurer de la présence des gens, de faire en sorte qu’ils ne fuient pas et qu’ils préparent leur départ.

Votre stratégie allonge les obligations de la directive « retour », et n’utilise pas les éléments de la directive qui permettent d’éviter le placement en rétention. Enfin, je vous rappelle un dernier élément : le texte initial voté par l’Assemblée prévoyait un délai de cinq jours. Le Sénat a ramené ce délai à 48 heures, mais la commission, avec le Gouvernement, l’a de nouveau porté à cinq jours.

Je pense que le débat entre le Sénat et l’Assemblée sur ce sujet illustre bien la réalité des fondements de votre démarche, et des critiques que l’on peut lui adresser. Le Sénat a bien mis en relief sur ce point la notion de privation de liberté, et l’exigence de réduire au maximum la durée de cette privation de liberté puisqu’elle n’est pas une sanction pénale, mais simplement une mesure d’administration que l’État utilise pour assurer l’efficacité de la mesure qu’il a prise.

C’est pourquoi j’espère qu’il se passera quelque chose en commission mixte paritaire. Dans tous les cas, nous voyons bien qu’il n’y a pas les angéliques droits-de-l’hommistes d’un côté, et de l’autre côté ceux qui défendent les intérêts de l’État, de notre pays, et de la société. Nous touchons à une autre réalité. Dans un pays, c’est la prison qui montre le degré d’attachement à la liberté individuelle. C’est fondamental. La manière de jauger l’attachement d’un corps social à la liberté se mesure en allant dans les prisons. Car la privation de liberté n’est pas la seule sanction dans les prisons, il y en a beaucoup d’autres : l’appauvrissement moral, le risque de santé, la perte de liens avec sa famille, qui s’y ajoutent.

Ainsi la privation de liberté n’est pas un problème, c’est une faute. Une faute que nous assumons tous : tant qu’elle ne sera pas totalement surmontée, nous continuerons à avoir cette responsabilité. Le placement en rétention est une privation de liberté, et c’est là, en l’état actuel de notre droit, l’ultime sanction.

Quand elle n’est pas une sanction, mais une mesure destinée à faciliter administrativement une décision de l’État, elle doit être utilisée d’une manière encore plus précautionneuse. D’une certaine manière, vous êtes plus durs avec ceux qui, n’ayant commis aucun fait pénal, sont privés de liberté, qu’avec ceux qui sont en détention.

Chaque point de ce débat nous fait visiter des points fondamentaux de notre conception du corps social, et les modalités dans lesquelles on peut favoriser son développement, son épanouissement, dans l’intérêt des citoyens. Là est le fond du débat, et je suis désolé qu’on l’aborde comme le fait ce texte de loi, et qu’on le conclue de la façon dont ce texte sera finalement adopté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Comment ne pas réagir après les propos de M. Le Bouillonnec ? Nous parlons de la rétention : de quoi s’agit-il ? Nous sommes dans un état de droit, il y a un JLD, des procédures administratives. Nous sommes dans des situations que le législateur a encadrées. Vous assimilez le placement en rétention et la prison ! Comparaison n’est pas raison. Monsieur le Bouillonnec, depuis dix ans, nous avons travaillé ensemble dans de nombreuses commissions. Regardez ce qui a été fait pour les prisons : ce sont tout de même notre majorité et le Gouvernement qui ont essayé d’améliorer les choses. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je pense donc que vos propos sont assez regrettables.

De quoi s’agit-il ? Vous dites que l’on juge de la situation d’une société au regard des lieux privatifs de liberté. C’est bien parce qu’il y a eu une prise de conscience collective qu’une commission, présidée par le Président de l'Assemblée nationale, a été créée. Nous avons voté une loi de programmation : 10 000 places de plus ont été prévues. Nous avons voté une loi pénitentiaire, en application des textes du Conseil de l’Europe. Vous savez bien que l’enfermement est devenu l’exception. Pour toutes les condamnations de moins de deux ans ferme, il existe des peines alternatives. Il y aura bientôt 6 000 bracelets électroniques et de nombreuses mesures alternatives ont été promues.

Et vous venez de jeter à la figure du Gouvernement et de la majorité, qui soutient ce projet de loi, que les lieux de placement en rétention sont indignes. Mais il existe un état de droit, et des procédures. Vos propos m’ont profondément choqué. Au-delà du constat, la différence entre l’opposition et la majorité, c’est que, lorsqu’on est aux responsabilités, on essaye de voter des textes, des crédits et surtout de transférer en droit interne des dispositions qui, quand elles ont été discutées au niveau européen, n’ont pas donné lieu aux clivages auxquels nous assistons à l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Pardonnez-moi, monsieur Hunault, de vous dire qu’en la circonstance, vous ne manquez pas d’oxygène !

Doit-on rappeler, et nous le redirons au cours de la discussion, que la rétention est devenue pratiquement la norme ?

Dois-je vous rappeler que l’on est en train de construire le Mesnil-Amelot 2 et le Mesnil-Amelot 3 ? Je vous invite à vous joindre à nous, lorsque nous irons avec quelques députés visiter les centres de rétention. Même s’il ne s’agit pas de lieux privatifs de liberté, regardez ce qu’est la construction du Mesnil-Amelot et vous pourrez alors juger de la conception d’un centre de rétention qui ne ressemble pas à celle d’une prison…

Comment pouvez-vous dire que ce Gouvernement a favorisé les formules alternatives à l’emprisonnement, alors qu’il a fait voter par cette Assemblée les peines plancher, alors que l’on n’arrête pas de jeter en prison un certain nombre de gens qui n’ont rien à y faire, et que l’on oblige même les juges à ne plus respecter ce fondement du droit français qu’est l’individualisation des peines ?

Dois-je vous rappeler que l’État français vient d’être condamné pour les mauvaises conditions de détention de la maison d’arrêt de Rouen, sur plainte de vingt-cinq détenus ? Venez avec nous, à Fresnes, voir comment sont les cellules de détention pour les personnes handicapées, vous jugerez s’il est facile d’être détenu lorsque l’on est en situation de handicap dans les prisons et les maisons d’arrêt françaises.

Nous savons tous aujourd’hui que l’on enferme la misère, et qu’un certain nombre de lieux de privation de libertés, notamment les maisons d’arrêt, sont indignes. Je ne suis pas le seul à le dire, M. Badinter, ancien garde des sceaux, et beaucoup d’autres l’ont dit.

Nous aurions aimé que la commission sur les prisons, à laquelle nous avons été un certain nombre à participer, débouche sur une véritable loi de programmation. Or qu’est-ce que votre loi de programmation ? C’est construire encore plus de prisons, c’est affaiblir la protection judiciaire de la jeunesse, ce sont fort peu de juges d’application des peines obligés de suivre quantité de détenus, c’est l’affaiblissement des services pénitentiaires d’insertion et de probation – SPIP –, dont les membres sont obligés de suivre chacun plus de 1 000 détenus… Ils ont fait un certain nombre de déclarations et de conférences de presse pour alerter l’opinion sur l’état d’abandon de tous les outils d’insertion, de réinsertion et de suivi.

Dans le même temps, nous trouvons à la tête de l’État et du Gouvernement des spécialistes de la tyrannie de l’émotion, qui nous proposent une nouvelle loi chaque fois qu’un fait divers se produit. Ce n’est pas ainsi que l’on doit procéder, ce n’est pas ainsi que l’on parviendra à réinsérer des personnes jetées en prison.

Pardonnez-moi enfin de rappeler – car nous sommes, en ce moment, dans une atmosphère particulièrement délétère – combien la justice peut être clémente avec les puissants ou ceux qui l’ont été, qui peuvent se payer des avocats, lesquels, par des manœuvres, détournent la question prioritaire de constitutionnalité, qui a été un progrès du droit, pour éviter à des personnes qui ont organisé des emplois fictifs pour des millions d’euros – volés aux contribuables – afin d’arriver au plus haut sommet de l’État, de comparaître, tandis que pour ceux qui sont au bas de l’échelle, c’est la comparution immédiate, la justice à l’abattage et la tolérance zéro ! Et vous venez nous dire que votre gouvernement a facilité les choses et qu’il y a une justice pour tous ! Mensonges ! Contrevérités ! Scandales ! (« Et José Bové ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Moi aussi, j’ai arraché des OGM. Et j’ai payé – 100 000 euros !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la présidente, je n’ai pas cherché à humilier l’un d’entre nous. J’ai même dit que je me considérais moi aussi comme responsable, puisque je suis un élément de la représentation nationale, de l’impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de faire avancer les choses. Je n’ai porté aucun jugement de valeur, pas plus hier soir que ce matin.

J’essaie simplement de me placer dans la réalité, avec ce qu’elle induit à la fois sur la situation des gens et sur l’état de notre corps social.

Placer quelqu’un en rétention, c’est le priver de sa liberté d’aller et de venir. Ce n’est pas parce que la personne dispose d’un peu plus de confort qu’elle n’est pas privée de sa liberté lorsqu’elle est dans un lieu dont elle ne peut franchir la porte.

C’est pour cela que le Conseil constitutionnel a construit toute son analyse et cadré le dispositif législatif : c’est un lieu qui prive chaque personne de son droit fondamental d’aller et de venir. Si l’on ne se situe pas dans cette perspective, on peut prétendre que le placement en rétention n’est pas trop grave et n’a pas de conséquences.

Il me serait insupportable d’imaginer un jour être placé dans l’impossibilité de franchir la porte. C’est inconcevable, totalement inacceptable, même physiquement. Je pense que chaque individu peut se trouver soumis à cette situation. C’est une privation d’un droit fondamental, de la liberté, et le Conseil constitutionnel l’a encadrée.

Ce que nous vous reprochons, c’est de systématiser l’utilisation du placement en rétention, alors que vous pouviez faire autrement. La directive « retour » prévoyait deux cas où l’État peut placer les personnes dans un système de rétention. Vous en utilisez beaucoup plus.

D’autre part, si le sujet n’est pas placé en rétention et reste chez lui, la directive « retour » vous permet d’organiser des contrôles beaucoup plus importants pour protéger l’État dans l’exécution de ses décisions, mais vous ne le faites pas ! Vous prévoyez seulement que « l’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé […] peut, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l’autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ », alors que vous auriez pu introduire des éléments de contrôle financier, ou d’autres mesures encore, qui vous auraient, du même coup, évité d’utiliser la technique du placement en rétention.

Sans porter de jugement de valeur, nous pensons que le dispositif que vous mettez en place, qui n’utilise pas les possibilités de contrôle que la directive « retour » permet à chaque État, est fondé, en fait, sur l’utilisation systématique du placement en rétention.

C’est là du juridique, mais pas seulement. C’est aussi du politique, au sens fondamental du terme. Vous voulez que les gens soient placés en rétention, car c’est, à votre avis, le seul moyen de conduire à terme l’exécution de la décision de l’autorité d’État, alors que le Conseil constitutionnel, les juridictions des ordres judiciaire et administratif et même la directive « retour » vous offrent des possibilités différentes. C’est ce qui fait toute la différence, que je voulais relever au nom de mon groupe.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Madame la présidente, beaucoup d’inexactitudes ont été prononcées. Je voudrais donc éclairer le débat sur la lettre du texte proposé.

Le placement en rétention est évidemment une mesure de préparation à la reconduite.

Mais j’appelle l’attention sur le fait que l’assignation à résidence est également proposée.

J’appelle l’attention sur le fait qu’à l’article 29, précédemment examiné, est prévu le retour volontaire, dont vous contestiez les modalités.

J’appelle également l’attention sur le fait que, dans le CESEDA, il est d’ores et déjà prévu la remise du passeport.

(Les amendements identiques nos 142 et 176 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 278.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, vous venez de rappeler la lettre du texte. Nous allons, à notre tour, vous rappeler la lettre de la directive, qui conditionne le placement en rétention, donc la privation de libertés, à une perspective raisonnable d’éloignement. Or il y a, en France, de très nombreuses personnes retenues, dont chacun sait qu’elles ne sont pas « éloignables ».

C’est pour ces raisons que le taux d’exécution de vos décisions de reconduite à la frontière est si dégradé par rapport à ce que nous avions constaté précédemment.

Dans votre propos liminaire, vous avez fait état, monsieur le ministre, des 10 000 reconduites à la frontière effectuées sous des gouvernements de gauche. Mais elles n’étaient pas condamnées par la justice ! Et c’est pourquoi elles étaient mises en œuvre.

Vous, au contraire, vous contrôlez l’identité de centaines de milliers de personnes, vous privez de liberté des milliers de personnes, et votre taux d’exécution des décisions de reconduite à la frontière ou d’éloignement est très dégradé. Plus de 60 % de celles que l’administration sollicitait sous la gauche étaient exécutées, alors qu’actuellement moins de 20 % des décisions que vous sollicitez sont exécutées, car, dans plus de 80 % des cas, l’administration utilise des pratiques illégales, condamnées par la justice.

C’est tout l’objet de ce projet de loi et de la partie que nous allons examiner.

Nous proposons donc de transposer vraiment les mesures de la directive « retour » et de conditionner, comme elle le prévoit, le placement en rétention à l’existence de perspectives raisonnables d’éloignement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, simplement parce que c’est déjà prévu par le code.

(L’amendement n° 278 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 277.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’Assemblée avait prévu un délai de cinq jours et le Sénat l’avait heureusement ramené à quarante-huit heures. Nous vous proposons, par cet amendement, de revenir au dispositif introduit par le Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Avis défavorable.

Je voudrais expliquer nos motivations, qui trouveront, je l’espère, en CMP, un accord avec le Sénat. Je rappelle d’ailleurs que sa commission des lois n’était pas très éloignée de nos positions en ce domaine.

L’article 30, et nous y reviendrons à l’article 37, propose de mieux articuler les interventions du juge administratif et du juge judiciaire.

Cela a déjà été dit en première lecture : la jurisprudence constitutionnelle démontre qu’un délai d’intervention du juge judiciaire au bout de sept jours méconnaît l’article 66 de la Constitution, mais que l’exigence d’une intervention « dans le plus court délai possible » ne contraint pas le législateur à retenir un délai de vingt-quatre heures.

Par ailleurs, le délai de cinq jours retenu par le projet de loi doit être apprécié dans le contexte d’une réforme d’ensemble des procédures juridictionnelles d’éloignement.

Dans le schéma actuel, le JLD – et c’est ce qui a été la cause de ce « remaniement » de la procédure, de façon à avoir une justice qui s’applique dans les meilleures conditions – intervient au bout de quarante-huit heures pour autoriser la prolongation de la rétention. À cette occasion, il se prononce à la fois sur la nécessité de la mesure de rétention et sur la régularité de la procédure ayant conduit au placement en rétention de l’intéressé. En revanche, il ne peut pas se prononcer sur la légalité de l’arrêté de rétention ni de la décision d’éloignement à l’origine de ce placement en rétention. Ces mesures administratives sont jugées par le président du tribunal administratif ou son délégué, qui statue sur le recours éventuel de l’étranger dans les soixante-douze heures suivant ce recours, lequel peut être formé dans les quarante-huit heures qui suivent la notification du placement en rétention.

Le rapport de la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration – présidée par l’éminent juriste Pierre Mazeaud – a constaté qu’il y avait là un enchevêtrement de procédures.

L’inversion de l’ordre d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire répond donc manifestement à l’objectif de valeur constitutionnelle d’une bonne administration de la justice. Or le délai d’intervention du juge administratif peut difficilement être inférieur à cinq jours. Il serait en effet préjudiciable aux droits des étrangers de réduire le délai de recours qui est de quarante-huit heures suivant la notification de l’arrêté de rétention. Quant au délai de soixante-douze heures fixé au juge pour statuer, il est déjà considéré comme insuffisant par les magistrats des juridictions administratives. Comme je les ai reçus il y a quarante-huit heures, monsieur le ministre, ils m’ont d’ailleurs fait part des problèmes d’organisation matérielle qu’ils rencontraient et ils m’ont chargé de vous dire que l’organisation de la magistrature administrative avait à l’évidence besoin de moyens supplémentaires. Je leur ai promis de faire passer le message, voilà qui est fait. Il appartient désormais à l’État de prendre une décision.

En tout état de cause, vous ne pouvez pas dire qu’il y a une atteinte au droit. Au contraire, c’est l’occasion de régler un imbroglio juridique incroyable entre la juridiction administrative et le JLD. La solution que nous avons adoptée est une solution de bonne justice, ce qui est un devoir constitutionnel. Elle permettra peut-être de régler des situations d’autant plus pénibles que la procédure ne permettait pas jusqu’à présent d’y voir clair.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Nous aurons à nouveau ce débat à l’article 37.

À ce stade, permettez-moi de faire observer que notre rapporteur a une écoute très sélective, tant de l’excellent juriste qu’est M. Mazeaud que des juridictions administratives !

Vous ne pouvez pas, monsieur le rapporteur, vous appuyer sur les recommandations de M. Mazeaud concernant la bonne administration de la justice, et vous « asseoir » sur les propos qu’il a tenus dans le cadre de la mission d’information sur le droit de la nationalité dont vous êtes le rapporteur. En effet, M. Mazeaud nous a instamment demandé de ne pas toucher au droit de la nationalité, alors que vous avez déposé à ce sujet un amendement en totale contradiction avec ses recommandations.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Les juristes n’ont pas toujours raison ! (Sourires.)

Mme Sandrine Mazetier. En termes de bonne administration de la justice, les représentants des juridictions administratives ont à ce point tiré la sonnette d’alarme – et vous venez de nous faire passer leur message – sur les conséquences des dispositions prévues par ce texte sur les tribunaux administratifs qu’ils sont même allés jusqu’à faire grève. Or, le projet de loi de finances pour 2011 n’a prévu aucuns moyens supplémentaires pour la justice administrative afin de lui permettre d’assumer ces charges nouvelles. D’habitude, vous faites pourtant preuve de beaucoup d’imagination en loi de finances, monsieur le rapporteur…

M. Claude Goasguen, rapporteur. Merci !

Mme Sandrine Mazetier. Nous savons donc par avance que ces dispositions sont contraires au principe de bonne administration de la justice. Les tribunaux administratifs seront confrontés à de très nombreuses demandes avec des délais de réponse très brefs, en particulier dans le cadre des « référés-liberté » dont ils ne manqueront pas d’être saisis.

(L’amendement n° 277 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 283.

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Selon nous, l’étranger mineur ne peut, à quelque titre que ce soit, être placé en rétention. Il convient d’appliquer la directive européenne « retour » qui dispose que « les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible ».

Par conséquent, il convient de systématiser l’assignation à résidence pour les parents d’enfants qui se verraient notifier une mesure d’éloignement et placer en rétention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Avis défavorable.

Ne soyons pas systématiques. Bien sûr, il faut favoriser l’assignation à résidence, mais il faut laisser au juge administratif la possibilité de décider, cas par cas. C’est du reste ce que recommandent les tribunaux ainsi que la Commission européenne.

Mme Pascale Crozon. C’est une question d’humanité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Avis défavorable également. Je remercie Mme Crozon d’avoir souligné que cette possibilité était envisagée par la directive européenne. En outre, j’indique que le ministère de l’intérieur a créé des centres spécialement aménagés pour l’accueil de ces familles.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Une fois de plus, vous allez plus loin que les exigences de la directive « retour », Pascale Crozon vient de le rappeler.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Ce n’est pas une obligation.

M. Noël Mamère. Alors vous nous dites que vous avez équipé les centres de rétention et prévu des lieux d’accueil pour les enfants, avec des installations d’aires de jeux. Il n’en demeure pas moins que vous systématisez le placement en centres de rétention des familles avec des mineurs.

M. Claude Goasguen, rapporteur. On vient de dire le contraire !

M. Noël Mamère. J’invite les membres du Gouvernement à visiter ces centres. Vous devriez nous accompagner lorsque nous nous y rendons en tant que parlementaires, ce qui est possible grâce aux lois votées par la gauche et qui nous permettent de visiter les centres d’enfermement.

Si vous alliez plus souvent dans les centres de rétention, les prisons et les maisons d’arrêt,…

M. Jean-Pierre Gorges. J’y vais, moi !

M. Noël Mamère. …vous ne soutiendriez pas les politiques menées aujourd’hui par le Gouvernement !

L’amendement n° 283 va de soi et respecte la directive « retour ».

Il est pour le moins incroyable que cette directive, que nous avions qualifiée de « directive de la honte » lorsqu’elle fut votée, nous serve désormais de référence, parce que vous allez encore beaucoup plus loin dans la bassesse et l’ignominie…

M. Claude Goasguen, rapporteur. Mais non !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Guéant, ministre.

M. Claude Guéant, ministre. La directive « retour » est appliquée dans son acception la plus stricte. Le Gouvernement français ne propose pas d’aller plus loin.

Mme Sandrine Mazetier. Si !

M. Claude Guéant, ministre. La répétition faisant partie de l’art pédagogique, je rappelle à nouveau que d’autres formules sont prévues, comme l’assignation à résidence ou le retour volontaire.

Mme Pascale Crozon. L’assignation à résidence est la meilleure solution.

(L’amendement n° 283 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 279.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 279, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 30 est adopté.)

Article 33

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, inscrite sur l’article.

Mme Sandrine Mazetier. L’article 33 définit le nouveau régime de l’assignation à résidence, en introduisant un titre spécifique dans le CESEDA.

Nous privilégions toutes les alternatives à la rétention, et l’assignation à résidence en fait partie. Mais, à l’article 33, une assignation à résidence prononcée par l’autorité administrative vient s’ajouter au dispositif d’assignation à résidence judiciaire, qui était prévu dans le CESEDA. Or nous privilégions également – cela ne vous aura pas échappé – les décisions judiciaires sur les décisions administratives.

Au Sénat, en séance publique, plusieurs amendements ont été adoptés par coordination avec un article de la LOPPSI : si l’étranger présente une menace d’une particulière gravité, il est prévu de le faire reconduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu’au lieu d’assignation. Le JLD saisi par l’administration dans le cadre d’une demande de prolongation du maintien en rétention peut ordonner l’assignation à résidence d’un étranger pour une durée maximale de vingt jours.

Par conséquent, une mesure administrative particulièrement contraignante pour l’étranger et portant atteinte à sa liberté d’aller et de venir ne doit pas pouvoir excéder dans sa durée une décision prononcée par un magistrat. Cette durée est donc ramenée à vingt jours. Quant au régime d’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, il est désormais subordonné à l’accord de l’étranger, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il semble que vous souhaitiez revenir sur l’ensemble de ces dispositions, qui ont pourtant été introduites au Sénat.

L’assignation est très longue : six mois renouvelables plusieurs fois pour la même durée. Nous souhaitons également soulever la question de l’autorisation de travail pour les personnes assignées à résidence. Il serait paradoxal de développer des alternatives à la rétention et de ne pas permettre aux personnes assignées à résidence de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 150 et 281.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 150.

M. Noël Mamère. Dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, l’étranger ne dispose que de quarante-huit heures pour contester la mesure d’éloignement, alors que ce délai est de trente jours dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire.

Or, dans ce délai de quarante-huit heures, l’intéressé doit faire face à six décisions administratives. Comment fera-t-il ? C’est là une manière d’affaiblir sa situation. Il est clair qu’en raison de la complexité de la procédure et de la brièveté des délais de recours, la plupart des étrangers n’auront pas la possibilité de déposer leur recours dans les délais. Pour ceux qui y parviendraient, tout laisse à penser qu’ils ne pourront pas respecter les conditions de fond et de forme posées par l’article R.222-1 du code de justice administrative, ce qui impliquera un rejet de leur requête par ordonnance de tri, sans audience.

De plus, les critères permettant à l’administration de prononcer une obligation de quitter le territoire français sont extrêmement larges et flous, et dépassent de beaucoup les possibilités ouvertes par l’article 7, paragraphe 4 de la directive du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil.

Une fois de plus, il s’agit d’une interprétation restrictive des directives et de la jurisprudence du Parlement européen et du Conseil de décembre 2008, en plaçant l’étranger devant quitter le territoire français sans délai de départ volontaire dans l’incapacité d’obtenir gain de cause. Comment, en effet, contester six décisions administratives en moins de quarante-huit heures ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 281.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. À nos collègues qui nous suspectent d’être obsédés par le placement en rétention, j’indique que nous allons aborder des articles complexes, nombreux, et parfaitement argumentés sur l’assignation à résidence – mesure alternative –, l’assignation à résidence avec surveillance électronique – chapitre II. Nous examinerons ensuite les dispositions relatives au contentieux administratif, qui sont protectrices et en pleine conformité avec le droit. Puis, nous aborderons les dispositions relatives au contentieux judiciaire ainsi que diverses dispositions. Comment pourrait-on affirmer dans ces conditions que nous prenons le droit à la légère en ce qui concerne l’immigration ? La caricature est toujours la caricature. La procédure de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire est prévue par la directive. Il ne s’agit pas d’en faire une interprétation maximale ou a minima, elle est conforme à la directive européenne.

Monsieur Mamère, les dispositions que nous avons adoptées aujourd’hui sont très loin de la caricature que vous en faites. Vous le faites toujours à votre manière, très politique, très enflammée, très humaniste, et je ne suspecte pas votre bonne foi. Je vous rappelle néanmoins qu’il y a des juristes rigoureux, de droite et de gauche, qui en France, savent protéger la justice et la liberté.

(Les amendements identiques nos 150 et 281, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 285.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 285, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 284.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Nous demandons qu’une autorisation provisoire de travail puisse être accordée aux personnes assignées à résidence. J’aimerais avoir l’avis du Gouvernement sur cette question, car on ne voit pas très bien comment des personnes assignées à résidence pendant six mois peuvent assurer leur survie et celle de leurs familles si elles ne sont pas autorisées à travailler.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. C’est très simple. Si la personne est en situation irrégulière en France, elle n’a pas le droit de travailler, et cette affirmation est une tautologie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable. Il serait paradoxal que le fait d’être assigné à résidence pour être reconduit donne une autorisation de travail.

(L’amendement n° 284 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 286.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. C’est une disposition qui est contenue dans la directive « retour ». Compte tenu de ce que nous a dit Claude Goasguen, je ne comprendrais pas qu’on ne la transpose pas parfaitement.

Nous proposons donc d’écrire noir sur blanc dans la loi, après l’alinéa 16, que les prescriptions liées à l’assignation à résidence ne peuvent faire obstacle au droit d’accès des mineurs au système éducatif. Je ne vois pas ce qui pourrait poser problème.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Cela ne pose plus de problèmes si cela en a posé. C’est la tradition de la République et elle est respectée. L’amendement est donc inutile.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable. Le code de l’éducation prévoit expressément que l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. L’accès au système éducatif est donc déjà prévu par la loi.

M. André Schneider. Absolument !

(L’amendement n° 286 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 282.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 282, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 43 et 280.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 43.

M. Étienne Pinte. Je souhaite que l’on revienne au texte du Sénat et que la durée maximale de l’assignation soit de vingt jours au lieu de quarante-cinq.

Le juge des libertés et de la détention, saisi par l’administration dans le cadre d’une demande de prolongation du maintien en rétention, peut ordonner l’assignation à résidence d’un étranger pour une durée maximale de vingt jours, durée de prolongation du maintien en rétention prévue à l’article 41 du texte. La durée d’une mesure administrative particulièrement contraignante pour l’étranger et portant atteinte à sa liberté d’aller et venir ne doit pas pouvoir excéder celle d’une décision prononcée par un magistrat.

Je vous rappelle que la durée maximale de l’assignation est renouvelable une fois. Cela fait quarante jours, et le juge pourra en tout état de cause maintenir une personne en détention au-delà de vingt jours. Il me paraît donc raisonnable de revenir à la proposition du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l’amendement n° 280.

Mme Sandrine Mazetier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable.

Franchement, je crois que nos collègues du Sénat ont voté cet article dans des conditions très particulières et que nous aurons l’occasion de le rectifier en CMP. C’est un débat que nous avons eu longuement en première lecture, les délais de la France sont très courts par rapport à ceux de nos voisins européens et nous n’avons pas à rougir d’avoir augmenté la durée des délais en centres de rétention.

M. Nicolas Forissier. Exactement !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je soutiens les amendements défendus par M. Pinte et Mme Mazetier.

Il faut se méfier des comparaisons, monsieur le rapporteur. Nous avons pu vérifier hier après-midi combien c’était hasardeux, notamment avec l’Allemagne. C’est ce qu’avait fait M. Luca et les contrevérités qu’il a alignées à plusieurs reprises ont été relevées par M. Pinte.

Ce que je retiens dans cette affaire de délai, c’est encore une fois la primauté de l’administration sur le juge : vous donnez à l’autorité administrative la possibilité d’aller au-delà de ce que peut réclamer le juge des libertés et de la détention. C’est donc un recul, et je m’adresse à l’éminent juriste que vous êtes, monsieur le rapporteur. Vous devriez avec nous défendre les prérogatives du juge des libertés et de la détention, qui garantit nos libertés ; c’est un des principes fondamentaux du droit français. Non, encore une fois et sur un autre aspect de la loi, c’est encore à l’autorité administrative qu’on laisse la part la plus belle, ce qui peut toujours ouvrir la porte à l’arbitraire.

(Les amendements identiques nos 43 et 280 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 287.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’article 33 prévoit que l’assignation à résidence avec surveillance électronique peut être décidée par l’administration. Pour les mesures attentatoires à la liberté, nous l’avons répété, nous faisons confiance au juge judiciaire, nous demandons donc que ce soit le juge des libertés et de la détention et non l’autorité administrative qui prenne une telle décision, conformément d’ailleurs à la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005 concernant la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable. En réalité, il ne s’agit pas d’une mesure administrative sans contrôle du juge. Le placement du bracelet électronique est bien entendu soumis au contrôle du juge comme dans tous les cas. Je rappelle que, dans ce domaine, ce n’est pas une peine, pas une sanction, c’est une mesure alternative.

(L’amendement n° 287, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 33 est adopté.)

Article 34

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, inscrite sur l’article 34.

Mme Sandrine Mazetier. C’est un article qui opère une refonte totale du contentieux administratif, et il fait partie des mesures totalement autonomes de ce projet, sans lien avec la transposition d’une directive.

Claude Goasguen a expliqué tout à l’heure que le juge administratif interviendrait avant le juge des libertés et de la détention et que c’était une mesure de bonne administration de la justice. Les syndicats de magistrats administratifs craignent au contraire que l’intervention plus systématique du juge administratif, la multiplicité des décisions dont il aura à connaître et le délai très court auquel il sera soumis ne conduisent mécaniquement à un engorgement des tribunaux administratifs.

En outre, l’étranger qui risque d’être éloigné avant même que le juge des libertés et de la détention n’intervienne sera incité à engager une procédure de référé-liberté devant le juge administratif, alors que l’intervention précoce du juge des libertés et de la détention telle qu’elle est prévue aujourd’hui rend une telle procédure inutile.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 112, tendant à supprimer l’article 34.

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Aucun article de la directive « retour » ne porte sur le contentieux de l’éloignement. Nous souhaitons donc que l’article 34 soit supprimé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable. Je souligne d’ailleurs que, si cet amendement était adopté, il annulerait les possibilités de recourir.

(L’amendement n° 112 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 141.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 141, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 153 et 154.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l’amendement n° 153.

Mme Sandrine Mazetier. Nous souhaitons la suppression des alinéas 7 à 9 de l’article 34 parce qu’ils ne prévoient que quarante-huit heures pour contester pas moins de six décisions administratives et qu’un tel délai ne garantit en rien l’effectivité du recours.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 154.

M. Noël Mamère. Il faut aussi rappeler que, dans un centre de rétention, on n’a pas le droit à l’assistance d’un avocat. Il est donc extrêmement difficile de contester une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-huit heures, qui est extrêmement court. Comme l’a précisé Sandrine Mazetier, ce ne sont pas moins de six décisions administratives qu’il faut contester. Toutes les associations que nous avons consultées et auxquelles nous avons rendu visite dans les centres de rétention ont déjà bien des difficultés à aider les personnes menacées d’une telle obligation. Avec le délai de quarante-huit heures que vous imposez, il y aura une sorte d’embouteillage et il ne sera pas possible de défendre dans de bonnes conditions les personnes qui demandent à rester sur notre territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. La question a déjà été tranchée dans le débat précédent. La commission, par coordination, s’oppose à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. La possibilité pour un retenu d’exercer ses droits, nous l’avions déjà examinée en première lecture mais c’est une question qui se pose, et j’aimerais bien que le rapporteur ou le ministre puisse nous expliquer comment, en quarante-huit heures, un retenu peut contester six décisions administratives. Cela pose tout de même un problème. Que vous ne soyez pas favorables aux amendements, je veux bien, mais j’aimerais avoir une explication. Il a six possibilités de faire un recours. Je veux bien que le délai soit de quarante-huit heures. Simplement, j’aimerais savoir comment, en quarante-huit heures, l’intéressé peut se défendre et déposer des recours. M. Mamère a souligné que l’intéressé n’avait pas directement accès à un avocat. Heureusement, il y a les associations, qui accompagnent les personnes retenues et leur proposent des solutions pour qu’elles puissent défendre convenablement leurs droits. Je serais intéressé de savoir comment, en quarante-huit heures, la personne retenue peut défendre ses droits dans les six cas différents que j’ai évoqués, qui ont été vus en première lecture et que nous retrouvons aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Comme vous le savez, monsieur Pinte, des associations de conseil juridique sont présentes dans les centres de rétention administrative.

Mme Pascale Crozon. Heureusement !

M. Claude Guéant, ministre. L’État, d’ailleurs, les finance. Par conséquent, le conseil est garanti aux personnes retenues.

Par ailleurs, si l’amendement était adopté, il aurait pour conséquence paradoxale d’interdire la reconduite avant trente jours, ce qui accroîtrait la durée de la privation de liberté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Heureux moment où le ministre de l’intérieur salue le travail des associations ! Cela n’a pas toujours été le cas. Je rappelle en particulier, s’agissant de l’invraisemblable procédure d’appel d’offres, que les gouvernements précédents, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ont tout fait pour que le travail de ces associations soit plus conforme à une volonté de maintien des personnes retenues qu’à celle de faire qu’elles exercent leurs droits. Si le Gouvernement est revenu à de meilleurs sentiments envers les associations, je ne peux que m’en féliciter !

Je ne considère pas, pour autant, que l’absence d’avocat dans ces espaces soit légitime. Je suis au contraire de ceux qui pensent que les personnes dans cette situation de rétention, de privation de liberté, devraient avoir accès à l’intégralité des éléments considérés par la Déclaration universelle des droits de l’homme comme essentiels à l’exercice des droits fondamentaux, tels que d’être assistés et conseillés par des professionnels ayant par la loi protection et compétence.

Cela étant dit, je salue l’encouragement que cette loi, d’un seul coup, semble vouloir apporter, aux dires du ministre, aux associations. Elles en avaient besoin ; il y a très longtemps qu’elles attendaient ce satisfecit gouvernemental.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je n’irai pas jusqu’à dire, monsieur le ministre, que c’est l’hommage du vice à la vertu ! J’ai trop de respect pour les fonctions que vous exercez.

Après que les gouvernements successifs ont procédé, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, à des appels d’offres absolument « abracadabrantesques », pour employer une expression chère à un ancien Président de la République, il est intéressant de constater que le ministre de l’intérieur, afin de justifier des conditions de rétention de plus en plus invraisemblables, rend hommage aux associations telles que la CIMADE, qu’il convient de citer pour son travail exceptionnel.

Je partage l’avis de M. Le Bouillonnec : je ne vois pas au nom de quoi ces personnes retenues ne pourraient bénéficier de l’assistance et du conseil d’un avocat. Il me semble que cela fait partie des droits fondamentaux que l’on est en droit d’exiger, y compris pour ceux qui seraient entrés irrégulièrement sur notre territoire, et qui ont le droit de se défendre, de se justifier, d’apporter des éclaircissements sur leur situation.

S’agissant du délai de quarante-huit heures, l’argument que vous avancez, monsieur le ministre, consistant à dire que l’adoption de l’amendement aurait pour conséquence que les personnes retenues resteraient plus longtemps en rétention, relève de la pirouette. Il ne faut pas nous prendre pour plus naïfs que nous le sommes !

M. Claude Guéant, ministre. C’est pourtant la vérité !

M. Noël Mamère. En quarante-huit heures, vous ne leur donnez pas la possibilité de s’expliquer ni de s’y retrouver dans le dédale administratif que vous leur opposez : six décisions administratives en quarante-huit heures, même avec le soutien d’une association ! Vous savez très bien qu’il y aura embouteillage et que les associations sur place ne pourront pas remplir leur fonction de conseil. Vous préférez une fois encore l’abattage à la défense des droits.

(Les amendements identiques nos 153 et 154 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 113.

Mme Sandrine Mazetier. L’article 34 diffère l’intervention de l’avocat à l’arrivée de l’étranger au centre de rétention, sans pour autant reporter le délai de recours contentieux, alors que ce délai extrêmement bref commence à courir dès la notification de la mesure d’OQTF. Retarder l’intervention de l’avocat tout en maintenant la notification comme point de départ du délai de recours contentieux grève trop lourdement le droit à un recours effectif, consacré, je vous le rappelle, par la Convention européenne des droits de l’homme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable, pour une raison très simple : en droit français, les recours courent à partir de la notification.

(L’amendement n° 113, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 116.

Mme Sandrine Mazetier. Il est défendu.

(L’amendement n° 116, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 212.

Mme Sandrine Mazetier. Il est également défendu.

(L’amendement n° 212, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 114 et 155.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 114.

Mme Sandrine Mazetier. Cette proposition fait écho au malaise et au mouvement provoqué au sein des juridictions administratives par la perspective, entre autres, de l’adoption de ce projet de loi, sans aucuns moyens supplémentaires. Claude Goasguen a d’ailleurs fait passer le message, tout à l’heure.

Nous proposons de supprimer les deux dernières phrases de l’alinéa 11 qui prévoient le transport des tribunaux administratifs. Imposer aux magistrats administratifs, donc aussi aux agents de greffe, des déplacements souvent très longs entraînerait une désorganisation importante des tribunaux et une charge logistique lourde que les juridictions ne sont absolument pas en mesure d’assumer, alors que, par ailleurs, le projet de loi ne prévoit pas, je le répète, de moyens supplémentaires pour faire face à l’embolie prévisible des tribunaux qu’il provoquera.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 155.

M. Noël Mamère. Les phrases visées sont le type de dispositions qui auraient dû être soumises à l’article 40, car elles entraînent des dépenses de l’État.

La justice, administrative ou non, exige, pour son indépendance, une certaine sanctuarisation. La meilleure sanctuarisation, c’est que la justice soit rendue aux lieux consacrés, et non que le juge administratif soit obligé de se transporter dans les centres de rétention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Le Gouvernement peut difficilement s’opposer à lui-même l’article 40. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas de poser la question des moyens, que j’ai évoquée tout à l’heure.

Le texte prévoit que l’audience sur place ne peut avoir lieu que si une salle d’audience a été spécialement prévue, si cette salle permet de statuer publiquement et si elle est à proximité immédiate, ce qui répond en grande partie aux revendications des magistrats de l’ordre administratif. Ces derniers doivent savoir que leurs homologues de l’ordre judiciaire sont déjà soumis à ce type de nécessités.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Il est indiscutable que ce type d’audiences, dans des salles dédiées, témoigne d’une justice au rabais. Pour qui s’est rendu à Coquelles, au Mesnil-Amelot, pour qui a visité les salles prévues près des centres de rétention du Midi de la France, afin de voir dans quelles conditions la justice y est rendue, il est clair que ces conditions ne sont pas acceptables. Certes, la salle d’audience, comme on nous le fait remarquer, est propre, mais les magistrats statuant sur place dans ces conditions très particulières avec, tous les jours, les mêmes escortes, les mêmes gardiens, il s’établit une certaine connivence qui fait que la justice n’est pas rendue dans des conditions telles que la personne déférée puisse acquérir la conviction que le juge est totalement impartial. Cela donne au contraire le sentiment d’une justice spéciale. La justice doit être rendue dans des conditions équitables et qui donnent le sentiment qu’elle le sera.

(Les amendements identiques nos 114 et 155 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 117.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement tend à revenir sur un cavalier législatif introduit au Sénat lors de sa première lecture de la proposition de loi de simplification du droit, du président Jean-Luc Warsmann. Ce cavalier aborde un sujet nouveau qui n’avait pas été examiné en première lecture à l’Assemblée nationale.

L’article 146 ter de cette proposition de loi octroie la faculté au président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public d’exposer à l’audience ses conclusions sur une requête. Sachant quelle place vous accordez au juge administratif dans la réforme du contentieux de l’éloignement, il est incroyable que la lecture des conclusions du rapporteur public ne soit pas garantie à chaque audience.

Le contentieux des étrangers ne saurait se passer de l’expertise et du point de vue particulier apportés par le rapporteur public. Rien ne justifie un traitement des contentieux à deux vitesses : le contentieux des étrangers ne peut être réduit à des audiences expéditives. Tout justiciable doit pouvoir bénéficier de la lecture des conclusions du rapporteur. C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable. Je rappelle à Mme Mazetier que l’Assemblée nationale a examiné en deuxième lecture le « cavalier », comme elle l’appelle, et qui n’en est pas un. Cette proposition du Sénat a été examinée par les deux chambres. Vous voyez, chers collègues, qu’il arrive de temps en temps qu’elles soient d’accord.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les conditions d’application de l’article 146 ter de la proposition de loi de simplification du droit ne sont pas celles que vous reprenez. Dans cet article, le président de la formation de jugement dispense le rapporteur public, à la demande de celui-ci, d’exposer à l’audience ses conclusions. Or, dans le dispositif que vous mettez en place, vous systématisez l’absence de conclusions du rapporteur public. Vous aggravez donc cette dérive de la pratique de l’audience administrative, passant outre l’intérêt des parties, et du juge, d’ailleurs, à entendre les conclusions du rapporteur.

(L’amendement n° 117 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°115 rectifié.

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Il est important de garantir le droit pour l’étranger à un procès équitable. Par conséquent, il doit automatiquement, et non de manière facultative, recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l’article L. 511-1.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable parce que l’information de la personne concernée est déjà obligatoire et transmise. De plus, communiquer directement, c’est mieux que d’informer a posteriori sur la communication.

(L’amendement n° 115 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n°290, présenté à titre personnel par M. le rapporteur.

(L’amendement n° 290, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n°119 rectifié est-il défendu ?

Mme Sandrine Mazetier. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n° 119 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°118.

Mme Sandrine Mazetier. Défendu !

(L’amendement n° 118, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°19 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur. J’ai déposé cet amendement pour régler l’hypothèse dans laquelle deux jugements successifs du tribunal administratif relatifs à la situation d’un même étranger créeraient une difficulté quant au droit de séjour, même provisoire, de l’étranger sur le territoire national. C’est une situation assez rare, mais qui peut se présenter.

(L’amendement n° 19 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 34, amendé, est adopté.)

Article 34 bis

Mme la présidente. L’article 34 bis a été supprimé par la commission. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 42 et 120, tendant à le rétablir.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 42.

M. Étienne Pinte. Cet amendement est d’actualité puisqu’il porte sur un sujet qui a fait l’objet ces jours-ci d’une très large couverture dans les journaux, eu égard à l’application de Dublin II. En l’occurrence, le Sénat avait pris une bonne décision. C’est la raison pour laquelle je souhaite que l’on revienne à l’article 34 bis. Je rappelle que lorsqu’un étranger est admissible dans un autre État européen en application de la convention de Schengen ou de la procédure de Dublin, il fait l’objet d’un arrêté de réadmission. Contrairement aux OQTF et aux APRF, ces arrêtés ne peuvent faire l’objet d’un recours suspensif. Or l’intéressé peut avoir des craintes justifiées de mauvais traitements dans le pays européen concerné. La situation actuelle des demandeurs d’asile renvoyés en Grèce en est l’exemple le plus frappant – certains pays européens ont d’ailleurs déjà pris des mesures de suspension des renvois vers la Grèce.

Il s’agit donc d’anticiper le projet de refonte des règles dites de Dublin et les risques de condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme – risques avérés dans un passé récent. Le Sénat avait eu la sagesse d’introduire par anticipation un recours suspensif, qu’hélas la commission des lois de l’Assemblée a supprimé. Ce recours suspensif serait similaire au recours contre les refus d’entrée au titre de l’asile : délai de quarante-huit heures pour saisir le juge, qui a soixante-douze heures pour statuer. Je souhaite que l’on inscrive dans le droit positif les pratiques d’un grand nombre de pays européens depuis déjà quelques semaines ou quelques jours, à savoir ne pas renvoyer, en particulier en Grèce, des personnes qui, malheureusement, n’ont jusqu’à présent jamais pu obtenir le statut de réfugié politique et donc bénéficier du droit d’asile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’ amendement n° 120.

Mme Sandrine Mazetier. Je ne reviens pas sur ce qu’a exposé à l’instant Étienne Pinte, et qui est tout à fait juste, mais je demande au ministre son avis sur un courrier de son prédécesseur au sujet de la procédure à suivre en application du règlement Dublin II. Au passage, je note que cette lettre a été signée le 28 février 2011 alors que le remaniement avait été rendu public la veille… Saisi par l’association France Terre d’Asile sur les conséquences à tirer de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme relatif aux demandeurs d’asile, le ministre d’alors répondait : « Après une étude approfondie des termes de cette décision, je vous informe que les préfets ont reçu pour instruction de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, les transferts vers la Grèce et d’appliquer la clause de souveraineté prévue à l’article 3-2 du règlement. » J’aimerais savoir, monsieur le ministre, s’il y a eu depuis une nouvelle instruction ou si vous confirmez l’ordre donné alors aux préfets et pour quelle durée. En toute logique, conformément à cette instruction ministérielle, allez-vous donner un avis favorable à ces amendements qui reprennent une disposition que le sénat avait adoptée ?

M. Noël Mamère. Excellent !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Goasguen, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Même avis, mais je voudrais répondre à M. Pinte et à Mme Mazetier. Je tiens à dire que la France ne fait pas une application automatique du règlement communautaire « Dublin ». Elle traite au cas par cas, en fonction des risques, appréciés au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a suspendu l’application du règlement pour les réadmissions vers la Grèce. Je confirme que cette suspension durera tant que ce pays ne se sera pas mis en accord avec ce que nous attendons de lui au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.

Je rappelle par ailleurs qu’une question prioritaire de constitutionnalité est en cours d’examen au Conseil d’État. Nous sommes donc en droit d’attendre l’éclairage du Conseil constitutionnel sur ce sujet dans des délais raisonnables.

Mme la présidente. La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Il est évident aujourd’hui que le système de Dublin est arrivé à son terme, qu’il est à bout de course. Par conséquent, nous voyons bien que les pays européens où les gens touchent terre ne peuvent pas être les seuls à pouvoir régler définitivement le problème, surtout compte tenu des craintes exprimées par certains quant à l’arrivée importante de migrants du Sud de la Méditerranée. Au niveau européen, il doit donc y avoir un partage de la tâche, du « fardeau » disent certains, en tout cas un partage de l’accueil. Il est clair que renvoyer systématiquement dans le pays d’arrivée ne constitue plus une solution acceptable.

En attendant que le règlement ait été revu, notre proposition, qui est aussi celle de M. Pinte, consistant à prendre des mesures provisoires pour ne pas appliquer automatiquement le règlement « Dublin » me paraît donc souhaitable.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le ministre, il est vrai que l’on peut envisager que la Grèce évolue, mais je me permets de vous rappeler que la situation actuelle relève avant tout d’un traité européen : Dublin II.

M. Noël Mamère. Exact !

M. Étienne Pinte. Il faudra donc passer par une modification de ce traité. Cette modification, mise en chantier depuis plus de deux ans par la Commission européenne, n’a malheureusement pas abouti jusqu’à présent. Mais ce n’est pas une raison pour attendre de la Grèce qu’elle modifie sa législation. C’est à l’Union européenne de modifier les directives concernant la réadmission dans certains pays dont la Grèce.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Oui, j’ai conscience que nous allons vers une renégociation européenne de Dublin II, mais je souligne que l’article 34 bis est conforme à l’actuel système de Dublin I. Certes, celui-ci est en fin de course ; néanmoins, personne, en l’état actuel, n’est capable de dire ce que sera la nouvelle convention. Par conséquent, nous ne pouvons pas prendre le risque de suspendre l’application du règlement actuel, application dont nous avons besoin, vu les situations exceptionnelles en train de se concrétiser. Nous restons dans la norme de Dublin I. On verra, en fonction de la nouvelle convention, les modifications à apporter.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Alors que le Sénat avait anticipé en tenant compte de la condamnation de la Belgique, la France va donc continuer à s’exposer à des condamnations. J’ai bien compris que le ministre assumait la décision prise par son prédécesseur de ne plus renvoyer vers la Grèce ; mais quid de Malte ? On a tous vu des images de milliers de personnes fuyant les évènements tragiques, les bombardements libyens, cherchant protection, et l’on ne devrait rien faire, continuer comme s’il ne se passait rien, en s’exposant d’ailleurs à des condamnations quasi certaines de la part de la CEDH ? Je suis vraiment surprise que vous ne permettiez pas le recours suspensif alors que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, avait fait preuve d’anticipation et que l’ex-ministre Brice Hortefeux avait été très clair s’agissant des renvois vers la Grèce. J’avoue ma stupéfaction.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je partage la stupéfaction de ma collègue Mazetier, je soutiens son amendement ainsi que celui de notre collègue Pinte qui est frappé au coin de la sagesse, de la raison et de l’humanité. Monsieur le ministre, vous vous donnez bonne conscience en n’appliquant pas la convention de Dublin pour la Grèce, mais vous laissez les autres pays de l’Union européenne se débrouiller.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Mais la nouvelle convention n’existe pas encore, monsieur Mamère !

M. Noël Mamère. Ici encore, monsieur le ministre, nous découvrons quelle est votre attitude vis-à-vis des révolutions en cours au Sud de la Méditerranée. Vous reprenez à votre manière la pratique de Ponce Pilate. On applique la convention Schengen et les règles de Dublin, laissant les autres États se débrouiller, et quand les gens viennent chez nous, on les renvoie dans les pays dans lesquels ils sont arrivés en premiers. Ce n’est pas bien. Limiter la mesure dérogatoire à la Grèce n’est qu’une manière de paravent pour dissimuler une politique qui n’est pas une politique d’accueil et de solidarité européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Monsieur Mamère, vous ne pouvez pas réclamer une solidarité européenne sans l’Europe. Dublin II va en partie être modifiée pour des raisons dues à l’évolution de la situation internationale, et c’est pourquoi nous tenons à avoir une concertation préalable avec les autres pays européens. C’est au fond ce que vous souhaitez :…

M. Noël Mamère. Non, pas du tout !

M. Claude Goasguen, rapporteur. …une concertation ne prenant pas de risque. Je vous rappelle qu’une convention internationale a une force juridique supérieure à tout acte législatif.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Le problème, c’est que nous sommes vingt-sept au sein de l’Union européenne, et que si depuis deux ans nous ne sommes pas arrivés à nous mettre d’accord, je crains beaucoup que l’on puisse encore attendre très longtemps la modification de Dublin II. C’est la raison pour laquelle il serait raisonnable d’officialiser par voie législative, au niveau de la loi française, les mesures conservatoires nécessaires.

(Les amendements identiques nos 42 et 120 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

7

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)