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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 25 octobre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au Gouvernement

Rentrée universitaire outre-mer

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Crise de l’euro et de la dette

M. Michel Hunault

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Situation économique et financière

M. Jean-Marc Ayrault

M. François Fillon, Premier ministre

Sommet de l’euro

Mme Arlette Grosskost

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Rémunération des dirigeants des grandes banques

M. Marcel Rogemont

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Restructuration politique et droits des femmes en Libye

Mme Nicole Ameline

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Régulation des marchés de matières premières

M. Yves Cochet

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Diminution des indemnités journalières

M. Jean Mallot

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

M. Dominique Tian

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Régime minier

M. William Dumas

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Sécurité en milieu rural

M. Charles de La Verpillière

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Avenir de la filière navale à Brest

Mme Patricia Adam

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Aide alimentaire aux plus démunis

M. Jean-Pierre Grand

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire

Avenir de la compagnie Seafrance

M. Frédéric Cuvillier

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Coupe du monde de rugby

M. Richard Mallié

M. David Douillet, ministre des sports

2. Projet de loi de finances pour 2012 Première partie (suite)

Explications de vote

M. Charles de Courson, M. Jérôme Chartier, M. Pierre-Alain Muet, M. François de Rugy

Vote sur l’ensemble

Présidence de Mme Catherine Vautrin

3. Projet de loi de finances rectificative pour 2011 (CMP)

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

Motion de rejet préalable

M. François de Rugy

M. Christian Eckert, M. Jean-Claude Sandrier, M. Charles de Courson, M. Michel Bouvard

Discussion générale

M. Jérôme Chartier

M. Christian Eckert

M. Jean-Claude Sandrier

M. Charles de Courson

M. Jean-Pierre Balligand

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances

M. François Baroin, ministre

Vote sur l’ensemble

4. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail

Mme Bérengère Poletti, rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Rentrée universitaire outre-mer

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, beaucoup d’étudiants de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique connaissent, au début de cette rentrée universitaire, de graves difficultés financières.

Les étudiants ne remplissant pas les conditions d’obtention de la bourse sur critères sociaux peuvent prétendre au Fonds national d’aide d’urgence, notamment ceux en situation de rupture familiale.

Ainsi, pour l’année universitaire 2010-2011, 54 étudiants ont pu bénéficier d’une aide annuelle d’un montant cumulé de 74 500 euros ; et 1 550 aides ponctuelles ont été versées à hauteur de 290 000 euros pour les étudiants de ces régions – je parle ici de ceux qui sont en rupture familiale.

Pour l’année 2011-2012, on constate pour l’instant une diminution drastique du fonds annuel, qui ne s’élève qu’à 23 000 euros. Le montant du fonds d’urgence reste, pour l’instant, totalement inconnu.

Monsieur le ministre, ces étudiants qui ont fait le choix de poursuivre leurs études contre vents et marées, malgré leur situation précaire, ne méritent-ils pas qu’on prenne mieux en compte de leurs besoins pour éviter qu’ils ne basculent dans une situation bien plus regrettable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Alfred Marie-Jeanne, je vous remercie de m’avoir posé cette question. J’étais, la semaine dernière, en déplacement en Guyane, pour faire le point sur le développement de l’enseignement supérieur et des universités d’outre-mer, qui concerne évidemment l’université d’Antilles-Guyane à laquelle vous êtes très attaché.

Dans le cadre de sa stratégie de développement de l’outre-mer, le Gouvernement avec Marie-Luce Penchard à la demande de M. le Premier ministre, investit résolument dans l’université et l’enseignement supérieur en outre-mer : 48 millions d’euros sur les équipements d’excellence ; l’augmentation du budget de l’université Antilles-Guyane, pour laquelle vous avez plaidé, se monte à près de 30 % ; et nous nous occupons bien sûr des conditions d’études pour les étudiants outre-mer.

Cela se traduit d’abord par les bourses : elles augmentent cette année pour près de 4 100 boursiers du pôle universitaire d’Antilles-Guyane ; ensuite par le passeport mobilité, qui est un élément très important, auquel les étudiants d’Antilles-Guyane sont très attachés ; enfin par le fonds national d’aide d’urgence. Je vous remercie d’en avoir rappelé le rôle, puisqu’il a été créé par ce Gouvernement. Il est destiné à venir en aide à des étudiants qui ne remplissent pas spécifiquement les critères permettant d’obtenir des bourses.

Ce fonds permet d’aider chaque année 180 000 étudiants. Parallèlement cette année, le CROUS d’Antilles-Guyane, notamment pour aider les étudiants haïtiens.

Ce fonds est traditionnellement réalimenté en fonction des besoins qui se font jour, soit au cours de l’année 2011, soit au cours de l’année 2012. Nous étudierons ceux-ci tels qu’ils nous sont rapportés par les CROUS.

Tels sont les éléments que je suis en mesure de vous apporter. Le but de ce Gouvernement est, en tout état de cause, d’aider nos étudiants en outre-mer, comme sur tout le territoire de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Crise de l’euro et de la dette

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Je pose ma question au nom du président de notre groupe parlementaire, Yvon Lachaud, et de l’ensemble du Nouveau Centre.

Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, à la veille du sommet européen, ô combien crucial, je souhaite vous interroger sur la position française.

Hier soir, à Matignon, le Premier ministre a invité l’ensemble des présidents des groupes parlementaires des deux assemblées. Nous nous félicitons, monsieur le Premier ministre, d’une telle démarche. Nous nous félicitons également de la volonté du Président de la République, de son énergie pour sauver l’euro et l’Europe.

À la veille du sommet européen, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre de l’économie, les initiatives qu’entend prendre le gouvernement français pour faire face à la crise majeure que connaît l’Europe, une crise due à la dette, la dette grecque notamment.

Quelles sont les initiatives que vous entendrez prendre par le biais du Fonds stratégique européen ? Comptez-vous, monsieur le ministre, mettre à contribution les banques, et faire en sorte que les décisions qui seront prises demain ne se traduisent pas par une récession, mais par une volonté de relancer la croissance, soutenir l’activité économique et l’emploi ?

Au groupe Nouveau Centre, nous avons conscience que ces heures sont cruciales pour l’avenir de l’euro et de l’Europe. Vous savez combien nous sommes attachés à l’idéal européen. Soyez convaincu que nous vous soutenons dans votre démarche et, à travers vous, le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. Jean-Paul Lecoq. Vous auriez respecté la volonté du peuple, on n’en serait pas là !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, les derniers jours de négociation ont permis d’aboutir à des avancées substantielles sur des points sur lesquels, précédemment, les discussions pouvaient entraîner non des blocages, mais des interrogations sur les positions des uns et des autres. C’est ainsi que les ministres des finances de la zone euro se sont entendus sur le décaissement de la dernière tranche du soutien à la Grèce dans le cadre du précédent programme. Après plusieurs semaines de discussion, nous sommes parvenus à un accord.

Deuxième accord. Nous nous sommes entendus sur la base des propositions de l’Autorité bancaire européenne concernant le niveau de ratio en fonds propres « en dur » et sur le calendrier que les banques devront respecter, c’est-à-dire fin juin de l’année prochaine, pour résister aux chocs les plus rudes, y compris les chocs intégrant des menaces sur les dettes souveraines.

Troisième élément d’accord, les modalités de maximisation du Fonds européen de stabilité financière. J’ai lu, ici ou là, que la solution française sur le rattachement à la Banque centrale européenne avait été abandonnée et que cela était interprété comme une victoire de tel ou tel contre notre pays.

Je voudrais m’élever contre cette interprétation. L’idée de rattacher le Fonds européen à la Banque centrale n’est pas la solution française. C’est une réponse partagée par beaucoup de pays de la zone euro. C’est d’ailleurs aussi une position soutenue par les États-unis, qui le font avec la Réserve fédérale, l’Angleterre avec la Banque d’Angleterre, et la Suisse avec la Banque suisse. Mais nous souhaitons un accord et c’est la raison pour laquelle les deux solutions techniques concernant le Fonds européen de stabilité financière font encore l’objet de discussions. Mais nous parviendrons à un effet de levier suffisamment puissant.

Restent des discussions avec les banques. Nous souhaitons que cela soit volontaire pour éviter tout événement de crédit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Situation économique et financière

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et .divers gauche

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, vous avez reçu, hier, les présidents des groupes parlementaires entre deux sommets européens qui se tiennent à trois jours d’intervalle. Preuve s’il en fallait une de la gravité de la crise que nous traversons. Nous ne nions pas votre volonté de maîtriser la crise de la dette (« Tout de même ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) et de préserver l’euro de la tourmente.

M. Jean-Marc Roubaud. Bravo !

M. Jean-Marc Ayrault. Mais nous sommes inquiets des moyens que vous entendez mettre en œuvre pour y parvenir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au lieu de lancer de véritables initiatives de croissance aux plans national et européen, vous dessinez une spirale infernale qui entraîne les peuples européens de plan d’austérité en plan d’austérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette logique crée un cercle vicieux : l’austérité casse la croissance.

M. Dominique Dord. DSK.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce qui conduit à une baisse de recettes fiscales avec pour conséquence l’aggravation des déficits. Vous improvisez alors de nouvelles coupes dans le budget sur une base purement comptable. Par exemple, vous réduisez de 12 % les crédits du budget de l’emploi alors même que le chômage n’a jamais été aussi massif.

M. Lucien Degauchy. On attend vos solutions !

M. Jean-Marc Ayrault. Cela conduit à une croissance si faible que votre loi de finances qui sera soumise au vote tout à l’heure est désormais caduque. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. C’est le programme socialiste qui est caduc !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous croyons, au contraire, nécessaire d’accompagner les mesures de sauvegarde financière d’une politique de croissance et de création d’emplois (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en orientant l’épargne vers les secteurs à haut potentiel. Nous pensons indispensable de faciliter l’accès au crédit des PME et des collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous voulons remettre les banques au service de l’économie plutôt que de laisser leurs dirigeants s’octroyer 44 % de hausse de revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Austérité, inégalité, inefficacité résument votre politique.

M. le président. Merci.

M. Jean-Marc Ayrault. Transparence, justice et croissance, voilà ce que nous voulons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, le cercle vicieux qui a conduit à la crise que nous connaissons et qui est à l’origine de la chute de la croissance dans le monde, c’est exactement le contraire de celui que vous venez d’évoquer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Pas du tout !

M. François Fillon, Premier ministre. C’est l’endettement excessif des États (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui a créé une situation où le monde entier s’interroge pour savoir si l’Union européenne est capable d’apporter une solution à la crise des dettes souveraines. Il n’y a aucune autre raison objective à la baisse de la croissance mondiale. Il n’y a pas problème de demande. Il n’y a pas de contraction des liquidités financières dans le monde

M. Henri Emmanuelli. Si.

M. François Fillon, Premier ministre. Il y a simplement une inquiétude, une crise de confiance sur la capacité de l’Union européenne à résoudre ces problèmes.

Il est donc inutile d’opposer une politique de soutien à la croissance et la solution des problèmes que rencontrent l’Union européenne et la zone euro. C’est la raison pour laquelle, pour le Gouvernement, pour le Président de la République, la priorité absolue est de réussir le rendez-vous de mercredi.

Nous avons, dimanche dernier, obtenu plusieurs accords.

M. Henri Emmanuelli. Non.

M. François Fillon, Premier ministre. Le premier sur un nouveau décaissement d’une tranche d’aide à la Grèce, ce qui permet au passage de montrer qu’après beaucoup d’hésitations, l’ensemble des pays européens a désormais intégré l’idée qu’il n’est pas possible de laisser tomber la Grèce, que nous devons faire preuve de solidarité avec ce pays pour sauver la zone euro ainsi que soixante ans de construction européenne.

M. Jean-Paul Lecoq. Il a fallu six mois !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons ensuite obtenu un accord sur la recapitalisation des banques, laquelle se fera de manière ordonnée sur l’ensemble des banques européennes qui en ont besoin. S’agissant de la France, cette recapitalisation devrait être de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros, c’est-à-dire inférieure au résultat de ces mêmes banques françaises, ce qui signifie que les banques françaises doivent pouvoir se recapitaliser sans avoir besoin de demander l’aide des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Restent trois points de discussion qui seront à l’ordre du jour de la réunion de mercredi. Le premier, et le plus important, est la question de savoir si nous sommes capables de mettre en place un Fonds européen de solidarité financière suffisamment puissant pour stopper toute tentative de spéculation sur d’autres, contre d’autres pays de la zone euro.

M. Roland Muzeau. Qui sont les spéculateurs ?

M. François Fillon, Premier ministre. Chacun sait que la France, comme vient de le dire François Baroin, appuyée par un grand nombre de pays a proposé de transformer le FESF en une banque adossée à la BCE. C’est une proposition française.

M. Patrick Lemasle. C’est l’Allemagne qui décide

M. François Fillon, Premier ministre. Je veux d’ailleurs faire remarquer que, depuis le début de cette crise, toutes les propositions originales ont émanées de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et toutes les initiatives, qui ont été prises, l’ont été par la France. (Mêmes mouvements.)

M. Patrick Lemasle. Mais non, par l’Allemagne !

M. François Fillon, Premier ministre. Je mets les membres de cette assemblée au défi de me citer un seul exemple d’une proposition originale pour faire face à cette crise qui ne soit pas venue du Gouvernement français, du Président de la République et de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Maintenant, il est vrai qu’il est compliqué de se mettre d’accord à vingt-sept, à dix-sept. Il faut obtenir des compromis avec nos voisins allemands ; rien d’anormal à cela. Obtenir un compromis avec nos voisins allemands, c’est une condition essentielle du succès. Mais je ne comprends pas cet acharnement d’un certain nombre de commentateurs et de responsables politiques à vouloir en permanence abaisser notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) en négligeant les initiatives qu’il prend et le rôle qui est le sien dans la lutte contre cette crise.

C’est la France qui, depuis plusieurs années, réclame la mise en place d’un gouvernement économique. L’Allemagne y était opposée, elle a finalement décidé de se ranger à cette solution.

C’est la France qui a proposé que l’on donne un effet de levier au Fonds européen de solidarité financière. C’est encore la France qui a pris l’initiative de hâter plusieurs rendez-vous européens pour faire en sorte que nous soyons capables de résoudre cette crise.

Enfin, un dernier sujet sera au cœur des discussions de mercredi, le niveau de restructuration de la dette grecque. Plus personne, et c’est un progrès qu’il faut mettre à notre actif, n’envisage plus désormais de laisser tomber la Grèce. Nous sommes donc tous d’accord pour dire qu’il faut une restructuration qui ne se traduise pas par ce que l’on appelle pudiquement un événement de crédit. C’est la raison pour laquelle se déroule depuis dimanche soir une négociation…

M. Henri Emmanuelli. Depuis le mois de juin !

M. François Fillon, Premier ministre. …entre les créanciers privés de la Grèce, un certain nombre d’institutions et le Gouvernement français pour fixer le niveau de cette restructuration. J’entends sur les bancs de la gauche tous ceux qui m’expliquent qu’on aurait pu faire plus vite…

Mme Marylise Lebranchu. Oui !

M. François Fillon, Premier ministre. …c’est très intéressant, la seule chose qu’ils oublient, c’est qu’il faut mettre dix-sept partenaires autour de la table.

M. Henri Emmanuelli. Non, pas dix-sept, deux !

M. François Fillon, Premier ministre. …et qu’il ne suffit pas d’une pétition de principe pour y parvenir.

Mesdames et messieurs les députés, si nous parvenons mercredi à un accord, alors le Président de la République pourra enclencher une séquence très importante pour la croissance mondiale avec la réunion du G20. Du fait de la situation internationale, cette réunion sera axée autour de deux grandes priorités ; une coordination des politiques économiques des grandes puissances d’une part, pour faire en sorte que celles qui ont accumulé beaucoup de réserves dépensent un peu plus sur leur marché intérieur, et d’autre part, que celles qui ont accumulé beaucoup de dettes, se désendettent.

M. Jacques Myard. Très bien.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Ayrault, la solution à la crise économique et financière que nous rencontrons ne peut en aucun cas être un surcroît de dépenses publiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cela impose au parti socialiste de réviser complètement son programme. (Mmes et MM les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)

Sommet de l’euro

M. le président. La parole est à Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Arlette Grosskost. Actualité oblige, ma question s’adresse également à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et rejoint celles des orateurs précédents.

À tout le moins, les sommets européens se multiplient et ne se ressemblent pas. Et pourtant, leur objet est toujours le même : la violence de la crise financière, ses conséquences potentielles pour la zone euro et la méthode pour la résoudre au mieux afin d’éviter la propagation du virus grec.

Je rappelle que lors du sommet du 21 juillet 2011 et à l’initiative, entre autres, de notre Président de la République, le Fonds européen de stabilité financière a vu ses pouvoirs renforcés et s’est vu doté de prérogatives nouvelles, et ce dans le seul but de contrer les mouvements de défiance des marchés.

Ce week-end, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont été une fois de plus activement à la manœuvre. Toutes les parties ont évoqué la nécessité impérieuse d’une solution urgente, commune et durable. Un accord entre les ministres des finances européens a d’ores et déjà été évoqué.

Aussi, dans un premier temps, monsieur le ministre, pourriez-vous une nouvelle fois nous préciser les contours de cet accord – la répétition est un outil pédagogique – et nous indiquer s’il existe des freins à son aboutissement ?

Dans un second temps, pourriez-vous nous rassurer quant aux conséquences possibles pour l’économie de notre pays que d’aucuns prédisent, volontairement ou non, sombres ?

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous en appelons tous à un rendez-vous de vérité, à la veille d’une journée essentielle pour notre avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Madame la députée, le discours de vérité est le discours que la France tient depuis le début de cette crise des dettes souveraines, comme le Premier ministre vient de l’exposer en évoquant les éléments de la négociation de ces quarante-huit dernières heures.

Le plan repose sur quelques idées simples.

Nous voulons une réponse globale qui porte sur la question grecque, sur le précédent plan et sur la soutenabilité de la dette grecque, ce qui renvoie à la problématique du futur programme.

M. Henri Emmanuelli. Et le Fonds de stabilité ?

M. François Baroin, ministre. Elle porte encore sur le Fonds de stabilité financière pour éviter la contagion, sur le niveau de recapitalisation de nos banques pour les protéger contre un risque puissant et sur les leçons à tirer de ces crises à répétition qui appellent une avancée accélérée dans l’intégration de la gouvernance de la zone euro, notamment en matière budgétaire.

A l’instar du Premier ministre, je veux dire à quel point les analyses développées depuis quarante-huit heures vont à l’opposé de l’évolution des négociations que nous avons menées avec l’ensemble de nos partenaires, des Vingt-sept en général, des Dix-sept de la zone euro en particulier, et avec nos amis et voisins allemands plus spécifiquement.

Puis-je simplement vous rappeler qu’une question essentielle soulevée par l’accord du 21 juillet était l’adaptation du fonds en vue d’une intervention sur les dettes secondaires, autrement dit les dettes d’occasion ? Les Allemands ne le voulaient pas ; au cours des négociations de la semaine dernière, ils ont définitivement accepté que le fonds puisse intervenir sur le marché secondaire.

Est-il besoin de rappeler qu’il existait un blocage à propos de l’évolution des modalités de soutien à la Grèce et qu’il y avait même une interrogation au sein de la coalition allemande sur le point de savoir s’il fallait ou non mettre la Grèce en faillite ? Nous avons les uns et les autres été modérés dans notre expression publique afin de permettre à la coalition de la Chancelière d’avancer vers la ratification de l’accord du 21 juillet au Bundestag.

Oui, nous pouvons être fiers de la manière dont la France a mené ces négociations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rémunération des dirigeants des grandes banques

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Chacun ici, comme partout ailleurs en France, sait les difficultés devant lesquelles nous sommes. Trop nombreux sont ceux qui souffrent terriblement des effets de la crise. La croissance n’est pas au rendez-vous. Et vous expliquez à qui veut bien vous croire que la seule issue est dans la réduction des dépenses (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP.) alors que dans le même temps vous vous refusez à toucher aux niches fiscales des plus riches. Ce faisant, vous augmentez les taxes et les impôts du plus grand nombre.

Malheureusement pour vous, le journal La Tribune vient de publier des informations sur les rémunérations des dirigeants de banque en 2010 : ils se seraient augmentés de 44,8 % au cours de cetteannée (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Tant mieux pour eux car pour ceux qui devaient toucher la prime de 1 000 euros, il n’en va pas de même : l’entreprise Securitas versera une prime de 3,50 euros à ses salariés. C’est déjà ça, me direz-vous, car la plupart des salariés ne toucheront absolument rien !

Une question s’impose : jusqu’où irez-vous dans le laxisme à l’égard des banques ? Si j’ai bien compris, conclusions des réunions du G7 et du G20 à l’appui, les banques sont malades et il faut les recapitaliser une seconde fois. Avec quel argent, si ce n’est en définitive celui de ceux qui ne bénéficieront ni d’augmentation de salaire ni de prime ?

Au début de la crise, le Président Sarkozy, tel Robin des bois, devait tout remettre en ordre. Qu’a-t-on vu en réalité ? Rien. Tout a recommencé comme avant, y compris pour ce qui est de la rémunération des banquiers. Vous donnez ainsi le signe que, quoi que les banques fassent, l’État sera là pour payer.

Quels enseignements avez-vous tirés de la crise des banques ? Aucun ! Enfin si, un seul : que tout aille comme avant comme si rien ne s’était passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, vous n’êtes pas sur une tribune de section du parti socialiste en pleines primaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On ne peut mentir de façon éhontée devant la représentation nationale comme vous venez de le faire. La France est probablement le pays occidental qui a pris le plus grand nombre de mesures pour tirer toutes les leçons de la crise de 2008. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. C’est faux : ce sont les Anglais !

M. Claude Bartolone. Les quelles ?

M. François Baroin, ministre. Nous avons fiscalisé le stock-options et les retraites chapeau, nous avons demandé un effort collectif de solidarité aux plus favorisés d’entre nous, au premier rang desquels les hauts dirigeants, qui constituent des patrimoines à travers leurs hauts salaires.

Est-il besoin de vous rappeler la création d’une tranche supplémentaire d’imposition sur le revenu pour financer la réforme sur les retraites, l’augmentation de 13,5 % des prélèvements sociaux, la hausse de la fiscalité sur les plus-values immobilières et enfin la mesure sur les hauts revenus votée par votre assemblée dont le point de départ a été précisément, au printemps, une réflexion menée par le Gouvernement avec sa majorité à partir de la hausse des rémunérations d’une partie des dirigeants des banques ?

Le mensonge qui consiste à laisser croire que le Gouvernement n’a rien fait sera combattu ici, devant la représentation nationale, et pendant les mois qui viennent sur l’ensemble des tréteaux des campagnes électorales.

Vous ne pouvez pas prendre l’opinion publique à témoin pour déverser des additions de contrevérités : elles ne feront jamais une vérité !

Pour le reste, je vous rappelle que la France est aux avant-postes d’une mobilisation des membres du G20 pour faire en sorte que la recapitalisation des établissements bancaires s’opère sur la base des résultats et non pas au détriment de l’accès au crédit pour les entreprises et pour les particuliers et qu’elle soit assortie d’une interdiction de distribuer des dividendes et des bonus. L’Autorité de contrôle prudentiel sera en charge de surveiller ce processus. Nous sommes parvenus à un accord le week-end dernier au sein de la zone euro et plus largement au sein de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Demain, toujours demain !

Restructuration politique
et droits des femmes en Libye

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, la communauté internationale a pris acte de la mort du colonel Kadhafi, qui met un terme au combat mené avec dignité et courage par le peuple libyen, et auquel la France a pris une part essentielle.

M. Roland Muzeau. Vous y croyez, vous ?

Mme Nicole Ameline. Nous voulons saluer ici une fois encore la détermination et l’esprit de responsabilité dont notre pays, grâce au Président de la République, a fait preuve en évitant, dans le respect du mandat de l’ONU, le massacre de populations entières.

La disparition de Mouammar Kadhafi marque aussi le début du processus de restructuration et de transition politique. À cet égard, monsieur le ministre d’État, l’affirmation du président du Conseil national de transition selon laquelle la charia deviendrait « référence constitutionnelle » a suscité un certain nombre d’inquiétudes.

Ce n’est pas l’islam qui peut constituer une menace pour les droits des femmes, mais les interprétations ultraconservatrices de la loi religieuse. La France est, par tradition, engagée partout dans le monde pour la défense des droits de l’homme et de l’égalité entre les hommes et les femmes, particulièrement dans les périodes qui suivent des crises ou des conflits.

Nous avons été en première ligne de ce combat en Libye. Nul ne comprendrait que les femmes, qui en ont été aussi les premières forces, en soient aujourd’hui les premières victimes.

M. Roland Muzeau. Vous avez bonne mine !

Mme Nicole Ameline. La confiance n’exclut pas la vigilance, et le combat pour la liberté ne saurait occulter celui de l’égalité.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre d’État, dans le cadre de nos politiques de développement, dans le cadre du soutien économique parfaitement légitime que nous apportons à ce pays, pour veiller au respect de ce droit qui ne relève pas de la politique intérieure, mais qui constitue bien un élément substantiel des droits fondamentaux universels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Roland Muzeau. Où est BHL ?

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Mesdames et messieurs les députés, le peuple libyen est enfin libre, après quarante-deux années d’une dictature terrible.

La France, vous l’avez dit, a pris toute sa part dans ce mouvement de libération, et ce doit être pour nous tous, je crois, sur de nombreux bancs de cette assemblée, un sujet de fierté.

J’entends dire que nous avons ouvert la boîte de Pandore. Mais fallait-il continuer à soutenir les dictatures ? Fallait-il continuer à soutenir Kadhafi, fallait-il continuer à soutenir Ben Ali, fallait-il continuer à soutenir Moubarak, faut-il continuer à soutenir aujourd’hui Bachar Al Assad ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Martin. Et la tente ?

M. Jean-Louis Bianco. Vous avez reçu Kadhafi en grande pompe à Paris !

M. Alain Juppé, ministre d’État. La diplomatie française, sous l’impulsion du Président de la République, a choisi une ligne claire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est curieux, cet enthousiasme pour les dictatures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Aujourd’hui, nous devons faire confiance… (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. François Loncle. Honte à vous !

M. le président. Je vous en prie !

M. Alain Juppé, ministre d’État. J’ai touché juste ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui, nous devons faire confiance au peuple libyen ; pour ma part, je ne me résigne pas à penser que les peuples arabes sont condamnés à choisir entre des dictatures ou des régimes islamistes radicaux. Il y a d’autres avenirs possibles, et je fais confiance à la vigilance du peuple libyen pour défendre ses droits fondamentaux. (Vives exclamations prolongées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Cela ne nous dispense pas d’être nous-mêmes vigilants et de tracer des lignes rouges, c’est-à-dire le respect des principes validés par les Nations unies : l’alternance démocratique, la liberté d’expression, le respect des minorités y compris des minorités religieuses, et l’égalité des droits de l’homme et de la femme. (Mêmes mouvements.) Je sais, madame la députée, quel est votre engagement en ce domaine, et comme vous je pense qu’il ne faut pas se crisper dans une attitude de peur, mais allier vigilance et confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. François Loncle. Imposteur !

M. Roland Muzeau. Honte à vous !

Régulation des marchés de matières premières

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Yves Cochet. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, tout le monde l’a dit, demain sera une journée cruciale pour l’avenir de l’euro, et plus généralement pour l’avenir de l’Europe.

Toutefois, quels que soient les résultats financiers de ce sommet européen, comme de celui du G20 la semaine prochaine, il serait, je crois, nécessaire de s’intéresser aussi à l’économie matérielle, dont on peut penser que la situation est encore plus inquiétante que celle de l’économie financière.

En effet, quand on regarde le marché des matières premières, on s’aperçoit que les cours sont erratiques, volatils, imprévisibles. Le cuivre et le blé plongent ; le pétrole grimpe à nouveau : on ne sait pas où placer les investissements matériels.

Monsieur le ministre, certes, il serait bon de réguler les marchés financiers et de résoudre le problème de la dette grecque et la crise de l’euro ; mais quelles seront les propositions de la France pour réguler les marchés des matières premières ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je ferai d’abord un petit rappel historique : lorsque le Président de la République Nicolas Sarkozy a soumis à ses partenaires, en début d’année, les éléments d’un ordre du jour pour la présidence française du G20, il leur a proposé de discuter des matières premières et du caractère spéculatif de ces marchés, dangereux pour l’économie réelle.

Plusieurs pays, à l’intérieur même du G20, ont fait montre d’un grand étonnement, voire d’un réel détachement. Aujourd’hui, plus personne ne conteste cet ordre du jour prioritaire et tout le monde accompagne les positions de la présidence française pour – vous avez raison, monsieur le député – encadrer, réguler, et lutter contre la spéculation.

Le marché dérivé des matières premières est le plus important au monde ; la spéculation qui y règne est, comme vous l’avez soulignée, extrêmement périlleuse pour l’équilibre de l’activité économique et pour la croissance mondiale.

Des tensions supplémentaires dues à la situation dans le monde arabe et notamment à la situation en Libye – quatrième pays exportateur mondial de pétrole – ont, de surcroît, aggravé l’instabilité des cours du pétrole. C’est encore un élément de ralentissement de l’ensemble de l’activité mondiale.

Nous nous sommes entendus, les 14 et 15 octobre derniers à Bercy, lors de la dernière réunion de la filière « Finances », sur le mode opératoire pour l’encadrement et la régulation ; nous nous sommes également entendus sur la création d’une base de données concernant le pétrole. Nous souhaitons aller plus loin et pouvoir proposer aux chefs d’État et de gouvernement, à Cannes, les 3 et 4 novembre prochains, des modalités d’action rapides, avec des objectifs, une méthode, un calendrier. Désormais, un accord à l’issue du sommet du G20 est à portée de main. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Diminution des indemnités journalières

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Mallot. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je vous rappellerai que, nous, nous ne déroulons pas le tapis rouge aux dictateurs pour les accueillir sous leur tente à Paris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, votre Gouvernement s’apprête à réduire le montant des indemnités perçues pour arrêt maladie. Désormais, l’assurance maladie verserait 60 % du salaire net et non plus 50 % du salaire brut. Il en résulterait une diminution de près de 6 % de l’indemnisation pour les millions de salariés dont l’état de santé nécessite un arrêt maladie, les plus concernés étant les salariés en arrêt pour longue maladie, notamment afin de soigner un cancer.

Le Gouvernement cherche, par ce biais, à économiser 220 millions d’euros. Nous pensons qu’il existe d’autres ressources possibles pour l’assurance maladie, par exemple l’augmentation du forfait social.

Non seulement votre mesure réduirait le pouvoir d’achat – 40 euros en moins par mois pour un smicard –, près du tiers des salariés ne disposant d’aucun complément pour compenser cette chute de revenu, mais il y a, derrière votre intention, cette idée insupportable que les personnes en arrêt maladie seraient des profiteurs, voire des fraudeurs que l’on voudrait punir.

Après les franchises médicales qui ont réduit l’accès aux médicaments des patients aux revenus les plus faibles…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

M. Jean Mallot. …après la fiscalisation des indemnités versées à la suite d’un accident du travail, après le doublement de la taxe sur les mutuelles qui se répercutera sur les cotisations, vous voulez maintenant réduire les indemnités journalières pour arrêt maladie. Décidément, il ne fait pas bon être malade dans la France de M. Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Une fois de plus, les principales victimes seront les malades pauvres.

Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous votre intention de réduire les indemnités journalières pour arrêt maladie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur Mallot, vous avez commencé votre question par des considérations qui n’avaient aucun rapport avec les indemnités journalières. Je vous répondrai que, nous, nous n’avons pas laissé les infirmières bulgares croupir dans les prisons libyennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) C’est grâce à l’action du Président Sarkozy qu’elles ont été libérées.

J’en viens à votre question. C’est vrai, vous êtes les champions pour rajouter des prélèvements. Mais quand il s’agit de faire baisser les déficits, de trouver le moyen de diminuer les dépenses en gérant le mieux possible, le parti socialiste a toujours été et sera toujours aux abonnés absents. Voilà la réalité !

Vous le savez pertinemment, le poste des indemnités journalières est celui qui a augmenté le plus ces dernières années. Désormais, nous prenons comme référence le salaire net. C’est vrai, l’effort sera consenti principalement par les entreprises qui ont couvert leurs salariés grâce à des contrats collectifs de prévoyance.

M. Patrick Lemasle. Et les autres ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez oublié de dire cela. Mais peut-être est-ce parce que vous n’en avez pas eu le temps. Toujours est-il que je tenais à rétablir la vérité.

Une chose est certaine : il fut un temps où vous proposiez des mesures, où vous faisiez des promesses qui ne valaient que pour deux ans.

M. Albert Facon. Vous, cela fait dix ans que vous êtes au pouvoir !

M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd’hui, les mêmes mesures et les mêmes promesses ne tiendraient pas huit jours. À l’époque, vous aviez dû mettre en place le forfait journalier hospitalier, parce que, avec toutes vos promesses, vous étiez incapables de gérer : vous ne vous en êtes pas vantés !

L’irresponsabilité, c’est votre affaire. Pour notre part, avec Valérie Pécresse, nous préférons diminuer les déficits et garantir le même système de protection sociale. Voilà la différence entre nous. Si vous aviez du courage, non seulement cela se saurait, mais on s’en souviendrait !

En 1997, vous étiez au pouvoir, alors que la croissance était au rendez-vous. Mais jamais vous n’avez entrepris la moindre réforme, parce qu’il aurait fallu du courage. Or courage et socialisme sont deux mots qui ne font pas bon ménage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, avec l’entier soutien du groupe UMP, dont je remercie l’excellent président, Christian Jacob, et de la commission des affaires sociales, dont je salue le président, Pierre Méhaignerie, le Gouvernement continue d’intensifier la lutte contre la fraude sociale.

Déjà, 500 millions d’euros ont été détectés et récupérés en 2011, comme Valérie Pécresse l’a indiqué ce matin à la radio, sans compter les mesures prises en urgence pour lutter contre la dérive de l’aide médicale d’État, l’AME, limitant désormais celle-ci aux soins d’urgence.

Des mesures courageuses et efficaces seront examinées tout à l’heure, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, dont beaucoup sont issues du travail de la MECSS. L’une d’entre elles concerne notamment une prestation largement détournée, le RSA majoré, ex-allocation parent isolé, pour lequel nous demandons de remplacer l’isolement relatif par la notion d’isolement économique. À quoi bon continuer à épuiser les inspecteurs des CAF dans des recherches tout à fait vaines ? Il s’agit d’une mesure de bon sens préconisée par la CNAF qui permettra d’économiser 200 millions d’euros environ dès l’année prochaine.

Nous proposons également l’arrêt immédiat du versement des prestations sociales en cas de suspicion de fraude.

Une autre disposition très forte pour lutter contre le travail dissimulé, véritable fléau qui représente 18 milliards d’euros, est la mise en place de la procédure de flagrance sociale qui permettra immédiatement de prendre des mesures contre les entreprises qui se sont fait une spécialité de sous-déclarer, voire de ne pas déclarer leurs salariés.

Monsieur le ministre, d’autres mesures seront proposées pendant ce débat par le Gouvernement et la commission, notamment le Répertoire national commun de la protection sociale – le RNCPS –, dont nos collègues Pierre Morange et Jean-Pierre Door on pris l’initiative. Vous allez renforcer encore cette mesure que vous avez mise en place. Comment parviendrez-vous à rendre ce système plus efficace et à réaffirmer la détermination du Gouvernement à lutter contre la fraude ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, nous partageons, avec Valérie Pécresse et l’ensemble du Gouvernement, votre volonté d’aller plus loin encore en matière de lutte contre la fraude. Le groupe UMP a déposé nombre d’amendements. Nous avons bien l’intention de donner un avis favorable à la plupart d’entre eux, voire de vous proposer d’en compléter un certain nombre.

M. Patrick Lemasle. Qu’avez-vous fait depuis dix ans ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Certains diront que l’on en fait trop en matière de lutte contre les fraudes. Je pense, au contraire, qu’on n’en fait pas encore assez.

Depuis 2004, nous avons engagé des actions, notamment en matière d’arrêts de travail, car nous nous sommes aperçus qu’un arrêt de travail contrôlé sur six était frauduleux. Dans un premier temps, cela nous a permis de réaliser au moins 400 millions d’euros d’économies.

M. Roland Muzeau. C’est plus facile que de s’occuper des paradis fiscaux !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cet argent-là, je préfère qu’on évite de le dépenser pour réduire les déficits et pour mieux rembourser et avoir plus de solidarité envers ceux qui le méritent vraiment. Les fraudeurs sont des voleurs, il n’y a pas d’autre nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cela ne repose en rien sur du système D : ils prennent tout simplement dans la poche des autres.

Nous avons besoin qu’il n’y ait plus de naïveté. Il fut un temps où les agents des caisses d’allocation familiale envoyaient un courrier aux bénéficiaires de l’allocation de parent isolé avant d’effectuer un contrôle à domicile : c’est une ministre déléguée à la famille qui leur en avait donné l’instruction ; elle s’appelait Ségolène Royal. Cela ne s’invente pas, c’est la réalité ! (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons changé cela.

Aujourd’hui, une chose est certaine : nous irons jusqu’au bout, notamment avec le fichier unique des allocataires sociaux, pour savoir clairement qui touche quoi. Cela nous permettra d’éviter les doublons, une personne ne pouvant pas toucher à la fois le minimum vieillesse et le RSA. Il sera donc beaucoup plus facile d’enclencher un nouveau plan d’action de lutte contre les fraudes.

Derrière ce sujet-là, il y a celui de la justice. S’en prendre aux fraudeurs, c’est s’en prendre aux fraudeurs quels que soient leur situation et leur statut : au faux chômeur mais aussi à l’entrepreneur qui ne fait travailler que des employés clandestins, à celui qui bénéficie d’un faux arrêt de travail comme à celui qui le signe. On s’en aperçoit tous les jours : si nous sommes justes, les Français sont vraiment favorables à la lutte contre les fraudes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Régime minier

M. le président. La parole est à M. William Dumas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. William Dumas. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé. J’y associe tous mes collègues députés des circonscriptions minières.

Je veux vous parler de cette France modeste qui n’est plus en mesure de se soigner, car les Français ne font plus de leur santé une priorité. En décrétant, cet été, l’arrêt de mort du régime minier, vous fragilisez davantage le régime général.

Voilà pourquoi les mineurs et le personnel du régime minier manifestent en ce moment devant notre assemblée. Ils souhaitent vous faire comprendre que, partout où cela est possible, le régime général de la sécurité sociale s’adosse sur leur régime, qui a ouvert son offre de soins à toute la population et qui prend aujourd’hui en charge les patients CMU que certains médecins libéraux refusent.

Avec son réseau de médecins, d’infirmières, d’aides soignantes et d’assistantes sociales, le régime minier, lui seul, est aujourd’hui en mesure d’organiser le maintien à domicile des personnes grabataires, qui exige au moins trois passages par jour.

Pour être davantage concret, je citerai l’exemple de la vallée de l’Auzonnet, dans les Cévennes, où l’Agence régionale de santé confie au régime minier quinze patients affiliés au régime général sur les quarante-six lits. Quoi que vous en disiez, les deux régimes sont devenus complémentaires et partenaires.

Par ailleurs, le 28 juin dernier, lorsque je vous ai interpellé, monsieur le ministre, vous m’avez répondu que vous alliez « garantir le régime et garantir le statut des personnels ». Pour ces derniers rien n’a été fait. Et je constate que l’article 42 du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne permet pas l’exonération des franchises médicales ni la garantie de la gratuité totale des soins pour les affiliés. Une fois de plus, les paroles n’ont pas été suivies d’actes. En fait, vous détruisez des réseaux expérimentés, organisés et humains, pour en faire des machines qui devront être rentables, comme vous l’avez fait pour l’ANPE et les ASSEDIC.

Monsieur le ministre, où iront les patients CMU et les autres lorsqu’il n’y aura plus de médecins pour eux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, ce n’est pas parce que vous parlez fort que vous parlez vrai. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il n’y a que des mensonges, dans ce que vous avez dit. Que des mensonges ! Rien n’est vrai ! (Mêmes mouvements.)

À l’article 42 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il est bien écrit, noir sur blanc, dans le marbre de la loi, que les anciens mineurs seront pris en charge à 100 %.

D’autre part – et vous avez oublié de le dire –, dans le régime minier, les franchises ne s’appliquent pas. Tout cela fait suite au rapport d’Yves Bur. Tout cela, nous l’avons discuté avec les partenaires sociaux. Tout cela est aujourd’hui inscrit dans la loi. Voilà la réalité.

Si nous n’avions pas fait cette réforme, les mineurs se seraient retrouvés dans un système totalement déséquilibré. Ils sont désormais intégrés dans le régime général de la sécurité sociale : voilà la garantie de leur protection sociale. Car nous avons à l’égard des mineurs un devoir de reconnaissance.

Quant aux personnels des CARMI – et cela aussi, vous avez oublié de le dire –, non seulement ils ont tous la garantie de l’emploi, mais aucune mesure de mobilité géographique ne leur sera imposée. Si vous affirmez le contraire, c’est que vos sources sont fausses. Vous feriez mieux de croire ce qui est écrit dans la loi, noir sur blanc. Voilà la réalité des choses !

Mais vous avez également oublié de dire que nous sommes allés plus loin encore. Nous avons mis en place la revalorisation des pensions de retraite des mineurs : elle sera effective à partir du 1er novembre et jusqu’en 2015, alors qu’elle avait été oubliée par le gouvernement Jospin, par Mme Guigou et par votre majorité. Nous, nous sommes au rendez-vous de la responsabilité et de la reconnaissance. Vous, vous avez oublié les mineurs. Il est vain de poser des questions et de faire des grands discours. Nous au moins, nous sommes au rendez-vous de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Sécurité en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Charles de La Verpillière. Ma question s’adresse à M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, vous êtes venu vendredi dernier dans le département de l’Ain pour rappeler que la sécurité est un droit pour tous, et un devoir de l’État partout sur notre territoire.

La baisse constante de la délinquance observée depuis 2002…

M. Daniel Goldberg. N’importe quoi !

M. Charles de La Verpillière. …est un vrai succès de notre majorité : en 2010, 500 000 victimes de moins qu’en 2002, c’est évidemment une très bonne nouvelle,…

M. Albert Facon. Tout va bien !

M. Charles de La Verpillière. …et la preuve qu’une politique volontariste porte ses fruits, même si ce constat gêne nos collègues de gauche – je l’entends au bruit qu’ils font.

Mais il y a toujours trop de victimes, et il est naturel que les Français restent exigeants vis-à-vis du Gouvernement et de sa majorité.

Je dois vous dire que votre déplacement dans l’Ain, monsieur le ministre, a été très apprécié par les forces de l’ordre et par la population. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

En effet, même si la délinquance est plus diffuse et moins médiatisée en zone rurale, elle existe. Je pense notamment aux atteintes portées aux biens des agriculteurs. Elle se nourrit de la proximité de grandes agglomérations, comme Lyon et Genève.

Monsieur le ministre, à Ambérieu-en-Bugey et à Lagnieu, vous vous êtes fait présenter les résultats, mais également les outils, de la gendarmerie et de la police. Des conventions ont été signées, respectivement avec l’association d’aide aux victimes et de médiation du département, la fédération du bâtiment et des travaux publics, et enfin la chambre de commerce et d’industrie.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous détailler ces dispositifs et les enseignements que vous en tirez pour améliorer toujours la sécurité de nos concitoyens en milieu rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Albert Facon. Allô ! Allô !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le député, je vous remercie d’avoir évoqué la très importante question de la sécurité en milieu rural. À la différence de certains groupes politiques qui ne mettent l’accent que sur la sécurité dans les quartiers sensibles, le Gouvernement développe une politique de sécurité au profit de tous les Français, où qu’ils habitent, dans des quartiers sensibles ou dans des quartiers moins sensibles, dans de petites villes ou dans de grandes villes (« À Neuilly ! » sur les bancs du groupe SRC), en milieu urbain ou en milieu rural. Tous les Français ont droit à la sécurité.

Ce que j’ai vu dans le département de l’Ain illustre une démarche tout à fait exemplaire en matière de sécurité en milieu rural : tous les acteurs joignent leurs efforts.

Ce que j’ai observé, c’est d’abord la détermination et la compétence considérables de la gendarmerie nationale. C’est la densification de sa présence sur la voie publique, conformément à la politique que je conduis sous l’autorité du Premier ministre, et qui vise à faire en sorte que la présence des policiers, en ville, et des gendarmes, en milieu rural, soit plus forte, plus perceptible, et qu’elle rassure nos concitoyens. Ce que j’ai vu, ce sont aussi des moyens techniques adaptés à l’évolution de la délinquance, et qui renforcent la capacité de travail de nos gendarmes. Je pense à tout ce qui est fait dans le domaine de la police technique et scientifique, ou encore à ce qui est fait en matière de vol de véhicules, par la lecture automatisée des plaques d’immatriculation.

Ce que j’ai noté, c’est aussi le développement de partenariats extrêmement actifs : avec la chambre de commerce et d’industrie, pour éviter les vols chez les commerçants ou l’utilisation de moyens de paiement frauduleux ; avec le secteur du bâtiment, pour éviter les vols de matériaux ; avec les associations de victimes.

Vous me permettrez, monsieur le député, de relever un autre ingrédient, qui est l’engagement des élus : le vôtre comme celui de votre collègue Xavier Breton dans la circonscription voisine, que j’ai visitée.

Les résultats sont là. Depuis huit ans, on a enregistré, dans l’Ain, une baisse de la délinquance de 17 %. Et le mouvement se poursuit : la délinquance de proximité a baissé de 20 % depuis le début de l’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avenir de la filière navale à Brest

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Patricia Adam. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, mais aussi, me semble-t-il, à M. le ministre de la défense.

L’industrie française de réparation navale civile va disparaître purement et simplement si l’État ne prend pas la responsabilité de la sauver. Le port de Brest est le premier port français de réparation navale civile. Il y a peu de temps, il était aussi celui de la construction neuve de grands bâtiments militaires – mais vous avez souhaité transférer cette activité.

Aujourd’hui, la société de réparation navale SOBRENA risque la liquidation : 250 emplois directs sont menacés, auxquels on peut ajouter les emplois indirects, soit au total environ 800 à 1 000 emplois.

L’abandon de la SOBRENA hypothèque gravement l’avenir de Brest, mais aussi celui de la Bretagne, plateforme de la politique maritime, sans oublier, bien sûr, tout simplement, la place de la France dans le monde. Notre industrie avait pourtant su se diversifier sur des marchés à haute valeur ajoutée pour faire face à ses concurrents internationaux.

L’État est encore présent dans le capital de deux grands groupes industriels français de cette filière : DCNS pour le secteur militaire et les chantiers STX pour le domaine civil.

Vous avez connaissance, depuis plusieurs mois, de la situation de la SOBRENA et de la question de la réparation civile. Votre responsabilité d’actionnaire comme celle de garant de l’aménagement du territoire est très nettement engagée.

Aussi ma question sera-t-elle très simple : quelle est votre stratégie et comment comptez-vous maintenir le secteur de la réparation navale civile comme militaire, deux activités indissociables pour le port de Brest, pour le Grand Ouest et pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Madame la députée, permettez-moi de vous répondre en m’adressant également à Mme Marguerite Lamour, très engagée aux côtés du Gouvernement, comme vous-même et comme l’ensemble des élus locaux, pour assurer la pérennité d’une entreprise dont vous avez raison de souligner qu’elle marque l’identité de votre département, de signaler l’importance en termes de nombre d’emplois et donc de familles concernées par les difficultés actuelles, et de rappeler le caractère vital dans le cadre du développement d’une filière industrielle à laquelle l’État et les pouvoirs publics en général sont depuis toujours profondément attachés.

Quelque 240 emplois sont ici concernés. Cette entreprise traverse une double crise, une première liée au développement de la concurrence portugaise, espagnole et même britannique, et une seconde liée au ralentissement de la conjoncture internationale qui implique des reports en matière de maintenance, de réparation navale et donc du plan de charge de la SOBRENA. Le montant des pertes, estimé à 6 millions d’euros, est menaçant pour l’avenir de l’entreprise.

Dans ce contexte, le Gouvernement a établi, pour la période 2009-2014, un plan de soutien aux infrastructures de réparation navale de plus de 31 millions d’euros en crédits budgétaires, malgré les tensions que connaissent les finances publiques.

Le préfet a réuni les élus, les syndicats et les acteurs professionnels de l’entreprise, et a décidé, pour faire face aux semaines qui viennent, de débloquer en urgence une enveloppe de 500 000 euros. En outre, l’ensemble des services de mon ministère sont en train de travailler avec les acteurs locaux pour envisager la meilleure manière de garantir une solution pérenne afin d’assurer la stabilité de cette entreprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Aide alimentaire aux plus démunis

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre de l’agriculture, le 21 juin dernier, la Commission européenne a annoncé une réduction de près de 80 % du programme européen d’aide aux plus démunis. Ce programme voit ainsi son enveloppe financière amputée de 387 millions d’euros pour 2012.

À l’heure où la crise frappe les plus faibles et les plus démunis, il s’agit là d’un coup dur pour les 18 millions de bénéficiaires européens de cette aide alimentaire. En France, 4 millions de personnes en bénéficient, parmi lesquelles des personnes âgées, des travailleurs pauvres, des sans-abri, des personnes en situation de handicap, des femmes seules avec de jeunes enfants et de plus en plus de jeunes.

Chaque jour, des milliers de bénévoles des banques alimentaires, des Restos du Cœur, de la Croix-Rouge, ou du Secours populaire en assurent la distribution. Adressons-leur nos remerciements et notre respect pour leur dévouement.

Dans mon département de l’Hérault, l’aide européenne représente le tiers des denrées distribuées par la Banque alimentaire. Or cette funeste mesure représenterait, rien que dans l’Hérault, un million de repas en moins !

Jeudi dernier, lors du Conseil des ministres européens de l’agriculture, vous avez exprimé votre indignation face au blocage de six États membres.

M. Alain Bocquet. Cela ne changera rien !

M. Jean-Pierre Grand. Nous connaissons tous votre mobilisation sur ce sujet et vous en remercions.

Aussi, pouvez-vous faire le point sur les négociations en cours ? Pouvez-vous également nous garantir que la France, en cas d’échec de ces négociations, sera au rendez-vous de la solidarité pour les plus pauvres ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. Monsieur le député, je regrette profondément que, après des mois de négociation et alors que nous nous trouvons en pleine crise économique et sociale partout en Europe, nous ne soyons pas encore parvenus à un accord entre les vingt-sept États membres…

M. Alain Bocquet. On se demande ce que vous faites !

M. Bruno Le Maire, ministre. …sur le maintien de l’aide alimentaire pour les plus démunis.

M. Daniel Paul. Demandez donc son aide au Président de la République !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je profite de votre question pour appeler chacun au sens des responsabilités. Je comprends parfaitement les arguments de ceux qui considèrent que l’Europe ne doit pas avoir de dimension sociale, de ceux qui ne veulent plus payer pour les pays les plus pauvres,…

M. Roland Muzeau. Bravo !

M. Bruno Le Maire, ministre. …de ceux qui ne souhaitent pas qu’une aide économique et financière soit distribuée aux plus démunis alors qu’elle était, à l’origine, matérielle.

M. Jacques Desallangre. Quel égoïsme !

M. Bruno Le Maire, ministre. En tout cas, tous ces arguments ne pèsent pas lourd face au risque de voir des millions de femmes, d’enfants, de familles ne pas avoir de quoi se nourrir cet hiver parce que l’Europe aurait décidé de suspendre l’aide aux plus démunis. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Nous allons par conséquent continuer à nous mobiliser, proposer de nouveaux compromis. J’en appelle à tous les députés européens qui, à 85 %, ont soutenu, toutes tendances confondues, le maintien de l’aide alimentaire aux plus démunis.

Je retournerai pour la troisième fois demain à Berlin pour entamer des discussions et poursuivre nos efforts de compromis avec les autorités allemandes afin qu’elles acceptent de sortir de la minorité de blocage et de se rallier à notre proposition.

M. Albert Facon et M. Alain Bocquet. Il faut envoyer Sarko !

M. Bruno Le Maire, ministre. En tout état de cause, nous ne laisserons pas tomber les associations, qu’il s’agisse des banques alimentaires, des Restos du Cœur ou du Secours catholique. Le Premier ministre l’a déjà indiqué : nous maintiendrons les crédits nécessaires.

Que feront l’Espagne, la Grèce, le Portugal, tous les pays qui n’auront pas de quoi payer pour leurs associations, pas de quoi financer l’aide aux plus démunis ? Nous refusons une Europe des égoïsmes nationaux et continuerons à défendre une Europe de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Roland Muzeau. Tu parles !

Avenir de la compagnie Seafrance

M. le président. La parole est à M. Frédéric Cuvillier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Frédéric Cuvillier. Ma question s’adresse à M. le ministre des transports, et j’y associe mes collègues Jack Lang, Gilles Cocquempot et l’ensemble des parlementaires du Pas-de-Calais.

Monsieur le ministre, au moment ou je m’adresse à vous, des centaines de salariés se trouvent devant le tribunal de commerce de Paris, dans l’inquiétude de voir disparaître leur entreprise et de leur emploi.

C’est une nouvelle catastrophe sociale qui s’annonce. Après une première vague de licenciements de près de 800 emplois, soit la moitié de ses effectifs en 2010, c’est désormais l’existence même de la compagnie Seafrance qui est en jeu dans les prochaines heures, et plus de 800 licenciements supplémentaires.

Seafrance est la seule compagnie transmanche française. Elle est filiale à 100 % de la SNCF, entreprise nationale publique. C’est une entreprise historique. Sur tout le littoral de la Côte d’Opale – Calais, Boulogne, Dunkerque –, région déjà trop durement frappée, ce sont des milliers de familles qui se trouvent dans le désarroi et la détresse.

Hier, la Commission européenne a estimé que les autorités françaises n’ont pas été en mesure de présenter un plan de restructuration assurant la viabilité de l’entreprise.

Or cette société est viable, elle l’a montré au-delà des éléments conjoncturels qu’elle rencontre actuellement, puisqu’elle était bénéficiaire il y a encore quelques années : de 8 millions d’euros en 2007 et 15 millions d’euros en 2009.

C’est donc de la stratégie économique et industrielle qu’il est question, ou plutôt de l’absence de stratégie économique et industrielle de l’actionnaire unique qu’est l’État.

Comment avoir pu laisser se réaliser ce naufrage industriel ? Comment ne pas avoir été en mesure, depuis ces dernières années, de préparer une solution alternative avec un tour de table d’investisseurs solides ? Comment ne pas voir, derrière ce drame, une nouvelle illustration de l’absence de véritable ambition maritime pour notre pays, et un nouvel abandon du monde de la mer par ce Gouvernement, comme le rappelait à l’instant Patricia Adam ?

Nous n’avons pas besoin de démagogie ou d’arrogance, monsieur Bertrand : nous avons besoin, pour les salariés, d’actes et de réponses. Assumez vos responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le député, vous avez raison, nous n’avons besoin ni d’arrogance, ni de polémiques inutiles, ni d’un procès en sorcellerie à l’égard d’un Gouvernement et d’un actionnaire, la SNCF, qui a fait son travail – vous l’avez vous-même rappelé.

La Commission a rejeté le plan de restructuration, et nous le regrettons. C’est si vrai que nous sommes en train d’examiner les modalités de recours possibles auprès des juridictions compétentes pour interjeter appel de la décision de la Commission, qui remet en cause une forme d’aide indirecte de l’État à l’égard d’une entreprise qui s’appuie sur des salariés compétents, qui est également très liée à l’identité de votre région, et qui bénéficie du soutien adapté, de notre point de vue, aux modalités d’application de la jurisprudence constante de la Commission concernant le soutien public à l’égard d’une entreprise privée.

Vous l’avez également dit, le tribunal de commerce de Paris est actuellement en train de discuter de la situation. Je peux vous dire que le Gouvernement et le ministère dont j’ai la charge cherchent évidemment une solution viable qui garantisse la pérennité de l’activité, la sécurité et la protection des emplois pour les familles concernées. Nous sommes très attentifs à la situation et je vous ferai part des suites données par l’État à la décision de la Commission, que nous contestons.

Coupe du monde de rugby

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Richard Mallié. Monsieur le ministre des sports, en accédant à la finale de la coupe du monde de rugby et en portant un niveau de jeu à la hauteur de ses adversaires, l’équipe de France est passée très près, tout près de l’emporter face à l’équipe néo-zélandaise.

Les Français ont su rester unis, déterminés et combatifs comme nous le laissait espérer leur attitude face au haka des guerriers du Pacifique.

Avant-hier, c’est toute la nation française qui a retenu son souffle, le match a d’ailleurs été regardé par plus de 15 millions de nos compatriotes. Notre pays s’est retrouvé dans l’un de ces rares moments de fraternité et d’unité que seuls les grands événements sportifs savent susciter : défilé sur les Champs-Élysées, drapeaux au vent, Marseillaise chantée.

Aux côtés de nos joueurs, dans ces moments décisifs, vous avez manifesté le soutien du Gouvernement français et de toute la nation à l’équipe de France, à l’encadrement et aux responsables fédéraux du XV de France.

Vous avez su, notamment à la veille du quart de finale contre l’Angleterre, trouver les mots justes pour leur rappeler qu’ils devaient se fixer comme objectif de vivre un moment historique : une finale de coupe du monde en Nouvelle-Zélande, face aux All Blacks eux-mêmes !

Monsieur le ministre, la France peut être fière du rugby français, de son équipe nationale et de son capitaine Thierry Dusautoir, élu meilleur joueur de l’année par l’International Rugby Board, ce qui n’était plus arrivé à un Français depuis dix ans.

Après le handball ou le basket, le rugby démontre que les sports collectifs français savent se hisser au plus haut niveau des compétitions internationales.

Vous suivez, monsieur le ministre, ces événements de près. Aussi, j’aimerais que vous fassiez part à la représentation nationale des enseignements que vous tirez de cette compétition et des principaux axes de votre politique afin de continuer à faire de la France l’un des grands pays du sport mondial.

M. le président. La parole est à M. le ministre des sports.

M. David Douillet, ministre des sports. Monsieur le président, monsieur le député,…

M. Roland Muzeau. Jusque-là, ça va !

M. David Douillet, ministre. …vous avez totalement raison, l’équipe de France a porté haut les couleurs de la France.

Tout au long de cette compétition, les joueurs de l’équipe de France ont su s’adapter, se remettre en question, retenir les enseignements des tours précédents.

M. Henri Emmanuelli. Jusque-là, ça va toujours !

M. David Douillet, ministre. Ils ont su, à force de travail, de solidarité, d’engagement et, surtout, de courage, avec une volonté extrême, notamment en finale, montrer ce dont ils étaient capables. Je les en félicite, car ils ont largement concouru au rayonnement de la France, même si c’était de l’autre côté de la planète.

J’aimerais que vous compreniez que ce type de résultats est un exemple pour notre jeunesse. Elle en a bien besoin, et j’espère qu’elle va accourir dans nos clubs pour renforcer les rangs de ceux qui pratiquent le sport. Les 16 millions de licenciés de ces clubs vont contribuer, demain, à produire ces équipes de France, vont concourir à la pratique du haut niveau et à la formation des athlètes de haut niveau.

C’est tout l’investissement du Gouvernement en matière de sports. Sachez que, grâce à la réforme de l’Institut national des sports et de l’éducation physique – l’INSEP – et de ses filières de haut niveau, nous avons réformé la tête de réseau du sport français.

Nous avons réalisé un effort considérable sur les grands équipements sportifs. Nous avons mené une action ciblée en direction des publics les plus éloignés de la pratique. Et nous corrigeons les inégalités territoriales en matière d’équipements pour l’accès au sport pour tous.

La France fait du haut niveau, nos athlètes nous ont soutenus au plus haut niveau, et il fait leur tirer un grand coup de chapeau !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de loi de finances pour 2012
Première partie (suite)

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2012 (nos 3775, 3805).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, s’il est une chose remarquable concernant ce budget, c’est bien la naissance, le commencement, un début de révolution culturelle. (Sourires.) En effet, nous allons voter pour la première fois un budget dont le déficit est inférieur de 1,45 milliard d’euros au montant prévu par le projet de loi de finances : il s’élèvera à 80,3 milliards d’euros, au lieu de 81,7 milliards d’euros. Cette amélioration sensible du solde budgétaire est la conséquence d’un début d’effort supplémentaire du Gouvernement et d’un véritable dialogue avec le Parlement pour qu’il aide à réduire le déficit. Il faut, mes chers collègues, s’en féliciter.

Pour autant, nous continuons, au groupe Nouveau Centre, à alerter le Gouvernement : ses efforts vont dans la bonne direction mais il ne va pas assez loin ni assez vite ! Cela fait déjà longtemps que nous avons attiré son attention sur le fait que ses hypothèses de croissance sont encore trop élevées et, malgré leur réévaluation à la baisse, elles sont déjà dépassées.

En effet, si nous perdons – dans le meilleur des cas – de l’ordre d’un point de croissance entre 2011 et 2012, cela représentera 9 milliards de recettes en moins pour le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. Une loi de finances rectificative et une loi de financement de la sécurité sociale rectificative, ou des amendements aux projets de lois de finances et de financement, sont indispensables si l’on veut éviter un dérapage par rapport aux étapes fixées pour réduire les déficits !

Mais, encore une fois, nous nous félicitons, nous centristes, de l’évolution favorable de la position du Gouvernement sur plusieurs points.

Tout d’abord, nous somme satisfaits du compromis trouvé avec lui à propos de la contribution sur les hauts revenus. Cette contribution exceptionnelle avait, dans sa proposition initiale, un seuil de déclenchement trop haut, un taux trop bas et une durée trop courte ; elle manquait très clairement de cohérence, que ce soit au regard de la situation de nos finances publiques ou au regard de la volonté affichée d’une plus grande convergence fiscale franco-allemande. Le compromis trouvé, avec une contribution au taux de 3 % pour les revenus entre 250 000 et 500 000 euros et au taux de 4 % pour les revenus supérieurs à 500 000 euros, maintenue jusqu’à ce que soit atteint l’équilibre des comptes publics, et le choix d’une référence pour son assiette, est plus que satisfaisant : c’est une réelle avancée.

Premièrement, ce compromis se rapproche plus des positions des partisans, dont nous sommes, d’une tranche d’impôt sur le revenu permanente, à l’allemande, à partir de 250 000 euros, au taux marginal de 45 %, que de celle des partisans d’une contribution purement exceptionnelle et, disons-le, symbolique. Deuxièmement, il s’apparente à un réel impôt de solidarité prélevé sur les foyers les plus aisés qui, bien qu’ils ne soient que 0,7 pour mille, doivent eux aussi partager l’effort de tous. Avec le vote de cette mesure, le Gouvernement a démontré qu’il écoutait la partie modérée de sa majorité. Il en est de même en matière de durcissement du plafonnement des niches fiscales, avec la réduction de 6 % à 4 % du revenu de la part variable du plafond, mesure que nous examinerons en deuxième partie.

Ensuite, nous nous félicitons qu’ait été votée une enveloppe de 210 millions, abondée par des prélèvements sur le fioul, les sodas et boissons avec édulcorants, qui permettra l’adoption en deuxième partie d’une mesure de réduction de 10 % des charges sociales pour les travailleurs agricoles en contrat indéterminé. Cela représente un euro par heure travaillée pour chacun des salariés de ce secteur. La concrétisation de ce projet, rendue possible grâce au travail effectué avec Bernard Reynès, Jean Dionis du Séjour, Serge Poignant et Jacques Remiller, est remarquable : elle permet de lutter contre la précarisation de l’emploi salarié dans l’agriculture et de réduire le coût du travail sans pour autant réduire le revenu net du salarié.

Cette mesure constitue une évolution sans précédent du mode de financement de la protection sociale, mes chers collègues, et, si ce dispositif s’avère efficace, il faudra réfléchir à son élargissement à d’autres secteurs de l’économie.

Si nous avons parcouru du chemin, au cours de cette discussion budgétaire, sur la voie d’une plus grande rigueur, il reste encore une longue marche à accomplir et il nous faudra faire de nouveaux efforts de réduction de la dépense budgétaire et fiscale.

Vous l’avez tous compris, mes chers collègues : si le Nouveau Centre se félicite des avancées intervenues au cours de cette discussion – c’est pour cela que nous voterons pour ce budget –, il réitère encore son appel à plus d’efforts, à plus de courage, à plus de réactivité face à une conjoncture très évolutive. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le président, mes chers collègues, Charles-Amédée de Courson concluait son propos en appelant à davantage de rigueur, et peut-être vais-je y contribuer.

Le contexte est très particulier, puisque nous sommes dans l’attente d’une décision du Conseil européen qui donne un véritable avenir à la zone euro et qui ouvre des perspectives nouvelles en cette période de difficultés extrêmes que nous connaissons, déclenchées par la crise de la dette publique cet été. Cela a poussé la zone euro à une réflexion profonde sur son avenir.

Au cœur de ce débat, se pose la question de savoir si ce budget est véritablement sincère.

M. Christian Hutin. Non !

M. Jérôme Chartier. La réponse est oui, et il a été établi avec la même conscience que l’on reconnaît chaque année à la ministre du budget comme au ministre de l’économie et des finances.

La réponse est oui car, à défaut de nouvelles prévisions qui soient incontestables, les prévisions de croissance sur lesquelles se fonde le projet de loi sont valables. Le Premier ministre l’a confirmé : si la croissance était réduite à 1,5 %, l’épure budgétaire serait toujours valable et l’objectif de réduction des déficits publics restait parfaitement tenable. Nous avons donc un budget solide, sérieux et responsable.

Deux ou trois compléments, liés à la conjoncture, seront – ce sera nécessaire – apportés dans les prochains jours au dispositif des lois de finances, tant en dépenses qu’en recettes. Là n’est cependant pas la question aujourd’hui.

Avec le Gouvernement, nous avons mené à bien un travail de coproduction législative extrêmement efficace, un travail qui fut, à bien des égards, tout à fait exemplaire. Nous avons tout à l’heure évoqué la taxe sur les sodas, qui offre un exemple de fiscalité comportementale, mais on peut aussi évoquer la taxe complémentaire, dite « taxe de rendement », pour reprendre les mots du rapporteur général, sur les boissons avec édulcorants. Ce travail contribuera utilement à une réduction du déficit budgétaire.

Bref, dans cette coproduction législative, nous, majorité, restons sérieux et fidèles à cette vision : garder le cap de la réduction des déficits publics à 5,7 % du PIB pour 2011 et à 4,5 % du PIB pour 2012, comme chacun le sait. Notre objectif pour 2013 est de réduire le déficit à 3 %, mais ce n’est qu’un objectif intermédiaire : à terme, notre objectif est bien de mettre fin aux déficits publics. Il sera atteint le moment venu ; espérons que ce soit le plus tôt possible.

La discussion de la première partie de cette loi de finances s’est également tenue sous l’empire de la décision de l’agence de notation Moody’s d’observer particulièrement la situation française. Moody’s a décidé non pas de placer la France sous surveillance négative mais d’observer de quelle façon la France, très sérieuse en matière de réduction des déficits publics, peut faire face à la dégradation notable de la conjoncture internationale, qui affectera donc les pays de la zone euro. S’il faut tenir compte de cette décision de Moody’s, elle ne remet cependant pas en cause les choix budgétaires et la trajectoire de réduction des déficits publics de la France.

Dernier point, je salue le travail accompli par Valérie Pécresse tout au long de la discussion budgétaire.

M. Patrick Lemasle. Quel fayot !

M. Jérôme Chartier. C’est – je le dis sous le contrôle du rapporteur général et de l’ensemble de mes collègues – un travail efficace, de compréhension et d’écoute, responsable et respectueux du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ancienne parlementaire, Valérie Pécresse le sait bien : chaque fois que les parlementaires se sentent écoutés et respectés, ils sont satisfaits. Qu’elle en soit donc remerciée.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera en faveur de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pierre-Alain Muet. Quelle sera la situation en 2012 ? Une croissance faible, malheureusement plus proche de 1 % que de 1,75 % ; une explosion du chômage ; une dette qui aura doublé en dix ans ; un déficit extérieur abyssal, alors que la France était en excédent il y a dix ans. Que propose le Gouvernement dans ce contexte ? Un catalogue de mesures dont n’émerge qu’une seule logique, celle d’une austérité aveugle et massive !

L’austérité est aveugle s’agissant des dépenses, avec des coupes dans tous les budgets, notamment une baisse de 12 % de celui de l’emploi qui aura un impact très négatif sur l’activité. D’ailleurs, aucun institut ne croit à cette prévision de 1,75 % de croissance du PIB, car aucun institut ne pense que la politique d’austérité que vous menez n’aura pas un effet fortement dépressif sur la croissance.

L’austérité est tout aussi aveugle s’agissant des recettes. Au lieu de supprimer des niches injustes et inefficaces, vous inventez de nouveaux prélèvements. La hausse de la CSG, la taxe sur les mutuelles, la taxe sur les produits sucrés sont autant de prélèvements qui vont peser sur les Français, notamment les plus modestes. En cinq ans, vous avez inventé trente nouveaux impôts : vous avez taxé les clés USB et les disques durs ; vous avez taxé le droit d’ester en justice et celui de faire appel. Vous auriez même taxé les poissons, les crustacés et les mollusques si la Commission européenne vous avait laissés faire, et, taxant les mutuelles, vous voulez réduire les déficits en empêchant les plus modestes de se soigner ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Quant à la mesurette relative aux hauts revenus, elle n’est là que pour faire oublier le cadeau fiscal de 1,8 milliard que vous avez fait au début de l’été aux plus fortunés de nos concitoyens avec la baisse de l’ISF. Le Gouvernement a rejeté tous les amendements du groupe socialiste, et même de sa propre majorité, qui tendaient à remplacer cette taxe transitoire par une progressivité plus forte de l’impôt sur le revenu, avec la création d’une tranche à 45 %, et qui avaient pour objet de supprimer le prélèvement forfaitaire libératoire afin que les revenus du capital soient soumis au barème de l’impôt sur le revenu.

Votre politique, qui dégrade l’emploi, le pouvoir d’achat et la croissance pour tenter de réduire le déficit, est une impasse. En cassant un peu plus la croissance de plan d’austérité en plan d’austérité, vous réduisez les recettes, vous courez derrière la réduction des déficits sans jamais y parvenir.

On ne réduit pas les déficits par une politique d’austérité, mais par une politique macroéconomique complète, qui s’attaque simultanément à tous les déficits : celui des finances publiques, bien sûr, mais aussi le déficit d’emploi et le déficit de compétitivité. Or, dans ce budget, il n’y a rien, rien pour l’emploi, rien pour la compétitivité. Comment pensez-vous maintenir la croissance dans ces conditions ?

Dans le débat budgétaire, nous avons décliné nos propositions autour de trois axes.

Pour l’emploi, nous avons proposé de mettre fin à cette arme de destruction massive de l’emploi qu’est la subvention aux heures supplémentaires, et de mettre en œuvre, à la place, une politique forte en faveur de l’emploi des jeunes.

Pour la justice fiscale, nous avons proposé une réforme d’ensemble de la fiscalité réduisant les déficits sans peser sur la croissance et supprimant les niches inefficaces et injustes.

Pour relancer durablement la croissance, nous avons proposé une fiscalité favorisant l’investissement plutôt que la distribution des dividendes, accompagnée d’une politique industrielle volontariste en relation avec les régions.

Vous prétendez, madame la ministre, construire un budget pour gagner la confiance des marchés. Il est vrai qu’il y a longtemps que nos concitoyens ne vous accordent plus la leur, mais, aujourd’hui, vous n’avez ni la confiance des marchés, ni la confiance des Français. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical et citoyen votera contre ce budget injuste et déjà caduc. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François de Rugy. Cette première partie du projet de loi de finances pour 2012 que nous devons voter aujourd’hui s’inscrit dans la lignée des précédents budgets. Il faut bien avouer qu’à défaut de cohérence le Gouvernement fait preuve, malheureusement, d’une certaine constance. Il s’agit, plus précisément, d’une double constance : constance dans l’irresponsabilité budgétaire et constance dans l’injustice fiscale et sociale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Irresponsabilité budgétaire, car jamais vos prévisions budgétaires ne se sont révélées justes. Cette année encore, l’irréalisme est à son comble : le budget est caduc avant même d’être voté ! La seule question que vous vous posez – et c’est un aveu du Premier ministre lui-même – est de savoir s’il faut présenter un nouveau budget, un nouveau plan de rigueur, avant ou après l’élection présidentielle. C’est un terrible aveu !

Véritables adeptes du « un pas en avant, deux pas en arrière », comme en témoigne la loi de finances rectificative pour 2011 dans laquelle vous avez fait semblant de supprimer le bouclier fiscal – puisqu’il reste en vigueur jusqu’en 2014 –, vous vous êtes empressés de diviser par deux l’impôt de solidarité sur la fortune, et ce dès cette année.

À chaque texte budgétaire – et Dieu sait s’il y en a eu ! –, le Gouvernement et les députés de la majorité ne peuvent s’empêcher de faire un nouveau cadeau fiscal aux plus riches et aux plus aisés. C’est plus fort qu’eux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

En voici un exemple concret. Dans le présent projet de loi, c’est le rapporteur général lui-même, que l’on avait connu plus raisonnable, qui a instauré par amendement une nouvelle niche fiscale qui coûtera plus de 150 millions : reconnaissez-le, en exonérant les plus-values sur la cession d’une résidence secondaire, c’est encore une toute petite catégorie de personnes, qui ne comptent pas parmi les plus modestes, que vous allez avantager.

En termes de mesures écologiques, rien de neuf. Nicolas Sarkozy l’avait dit : « L’écologie, ça commence à bien faire ! ». Sur ce point, vous lui êtes restés totalement fidèles. En témoigne d’ailleurs votre attitude envers nos amendements, qui auraient pourtant permis de supprimer des niches fiscales anti-écologiques.

Dans le même temps, alors que vous aggravez l’injustice fiscale, vous rabotez les services publics. Votre rabot sert et ressert sans relâche ! Cela n’a eu aucun effet sur la dette et le déficit, bien au contraire. Appauvrir les services publics, l’éducation, l’hôpital et même la police n’a pas enrichi l’État…

Votre politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est non seulement nuisible au bon fonctionnement du pays, à la préparation de son avenir, mais aussi inefficace. Que pèse une économie de moins de 500 millions par an, comparée aux incroyables ardoises fiscales que vous avez laissées ?

La suppression de la taxe professionnelle, soit plus de 5 milliards de coût annuel ; 3 milliards pour la baisse de la TVA dans la restauration ; 2 milliards d’euros, juste avant l’été, pour la suppression de la moitié de l’impôt de solidarité sur la fortune : autant d’exemples flagrants du « deux poids et deux mesures » que vous appliquez sans relâche, avec constance, depuis quatre ans et demi.

En cette fin de mandat, la triste réalité de votre politique budgétaire et fiscale devient incontournable. L’injustice fiscale que vous avez érigée en dogme nourrit le déficit et la dette. Par diverses mesures, comme la scandaleuse taxe sur les mutuelles, vous voulez faire payer la facture du sarkozysme aux classes moyennes.

Nous avons fait d’autres propositions de justice fiscale. Vous les avez constamment refusées. Nous les présenterons de nouveau aux Français dans le débat national qui s’ouvre pour les élections présidentielle et législatives de l’an prochain.

Par leur vote contre ce texte, les députés écologistes, communistes et du Parti de gauche condamnent votre politique inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2012.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 516

Nombre de suffrages exprimés 511

Majorité absolue 256

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Projet de loi de finances rectificative pour 2011
(CMP)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire. Nous avons eu, pour cette première commission mixte paritaire avec nos collègues du Sénat dans sa nouvelle majorité, un long débat.

Je suis heureux de vous annoncer qu’au terme de ce débat long et difficile la CMP a abouti à un texte qui prévoit une double garantie de l’État dans le cadre du plan de sauvetage de Dexia, et qui comporte en outre un accord sur le volet budgétaire – à propos duquel, monsieur le ministre de l’économie, vous aurez des précisions à nous apporter, puisque c’était l’une des conditions de l’accord intervenu en CMP.

J’évoquerai tout d’abord le sauvetage de Dexia. Nos collègues de la majorité sénatoriale ont accepté le double système de garantie.

La première garantie concerne le refinancement de Dexia. Elle est plafonnée à 32 milliards d’euros, étant entendu que l’État belge et le Luxembourg complètent cette garantie. Cette dernière permet à Dexia, en se refinançant, de se donner du temps pour la valorisation des actifs qu’il conviendra de céder, plutôt que d’être obligé de les vendre à l’encan. Ce faisant, nous protégeons les intérêts de l’État.

Avec cette garantie de refinancement, nous réactivons le dispositif mis en place, pour Dexia et pour d’autres banques, à l’automne 2008.

La seconde garantie est une sorte de contre-garantie, qui avait d’ailleurs occasionné beaucoup de discussions ici même. Elle porte sur un certain nombre d’actifs de Dexia qui seront transmis à un organisme, le DexMA, ou Dexia Municipal Agency, dont la Caisse des dépôts et consignations prend le contrôle, avec une participation à 65 %.

À juste titre – n’est-ce pas, monsieur Bouvard ? (M. Michel Bouvard acquiesce) –, le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts a demandé que l’État garantisse la part d’actifs susceptibles de poser problème, à savoir, pour l’essentiel, des prêts à des collectivités locales, évalués à une dizaine de milliards d’euros, qui pourraient, le cas échéant, faire l’objet de restructurations et impliquer ainsi des pertes pour le banquier qui les a consentis.

Cet accord étant constaté, le débat en commission mixte paritaire s’est focalisé sur les contreparties qu’il convient de demander aux établissements de crédit, dès lors qu’ils bénéficient d’une garantie directe ou indirecte de l’État.

Les sénateurs se sont inspirés du dispositif que nous avions instauré fin 2008, en demandant que tout soutien public qui pourrait advenir directement, par prise de participation ou par prêt, ou indirectement, par le biais de garanties de la part de l’État, soit assorti d’une triple interdiction.

Il serait ainsi interdit à l’établissement de crédit bénéficiant d’un tel soutien, d’une part de faire bénéficier les membres de ses organes de direction de stock-options ou de distributions d’actions gratuites – nous reprenons là le dispositif de 2008 – ; d’autre part de leur verser des bonus, des indemnités de départ ou des retraites chapeau ; enfin – innovation par rapport au dispositif de 2008 – de leur verser des dividendes.

Si nous souscrivions totalement aux deux premières interdictions, pour la dernière la rédaction du Sénat est apparue un peu trop générale. Nous avons donc limité l’interdiction de verser des dividendes aux versements en numéraire. Elle ne sera en outre effective que tant que la solvabilité ou la liquidité demeureront compromises, ce qui a justifié l’intervention de l’État. Enfin, le dispositif ne jouera qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi et non de façon rétroactive au 1er janvier 2011, comme le Sénat l’avait voté.

Nous avons par ailleurs accepté deux propositions de nos collègues sénateurs. La première porte sur la nécessité de saisir pour information et avis le Comité des finances locales dès lors que le plafond de la garantie au titre des prêts toxiques consentis à des collectivités locales devrait être modifié. Aux termes de la seconde, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport recensant les emprunts toxiques souscrits par des collectivités territoriales et par des organismes publics comme les bailleurs sociaux ou les hôpitaux.

L’accord étant intervenu sur ces points, le débat a ensuite porté sur le traitement budgétaire que ce collectif réserve à l’économie de 600 millions d’euros sur le fonds de compensation de la TVA.

Dans un souci de sincérité budgétaire qui honore le Gouvernement,…

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …vous avez souhaité mettre cette économie en évidence sans attendre le collectif de décembre. Mais, cette somme devant notamment être utilisée pour faire face à des dépassements au titre d’autres crédits, le Gouvernement avait proposé de la placer dans un compte d’attente intitulé « Provisions pour dépenses accidentelles ». Le problème, c’est que ce compte permet au Gouvernement de redistribuer les crédits sans consulter le Parlement. J’avais donc demandé ici-même, et M. Baroin avait donné son accord, qu’une éventuelle répartition se fasse soit par décret d’avance – donc avec avis obligatoire de la commission des finances – soit dans le cadre d’un collectif, pour lequel l’information est totale.

Nos collègues sénateurs ont jugé insuffisant l’engagement du Gouvernement et ont supprimé cette dotation en provisions, affectant ainsi l’économie de 600 millions à la baisse des déficits.

Mais, dans la mesure où l’on sait parfaitement qu’il faudra réutiliser cette somme, cela aurait entraîné un double mouvement, de baisse puis de hausse du déficit au prochain collectif. Aussi, nous sommes parvenus à convaincre nos collègues, mais à la condition que vous disiez le plus précisément possible, monsieur le ministre, ici-même dans un instant puis au Sénat, comment vont être répartis ces 600 millions d’euros.

Sous ces conditions, un accord général a été conclu et je me félicite de l’esprit constructif dans lequel a travaillé la commission mixte paritaire.

M. Jean Roatta. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si, en 2008, on pouvait comprendre l’abstention de nos collègues de l’opposition, j’avais cette fois regretté leur vote négatif à l’Assemblée. L’orientation du texte ayant été corrigée en commission mixte paritaire après les ajouts fort utiles du Sénat, nous sommes parvenus à un texte de qualité, équilibré, qui ne devrait pas faire l’objet d’amendements du Gouvernement et qui montre que le Parlement a le sens des responsabilités lorsqu’il est urgent de procéder au sauvetage de nos institutions financières. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le projet de loi de loi de finances rectificative que je vous présente aujourd’hui vise à autoriser le Gouvernement à accorder deux garanties à la banque Dexia. Il est issu, dans sa forme actuelle, du travail effectué en commission mixte paritaire, dont je salue l’efficacité et la bonne tenue. Comme vous, monsieur le rapporteur général, je me félicite de la qualité du débat qui s’est déroulé au Sénat. Même si je n’ai pas donné un avis favorable à tous les amendements, nous avons pris le temps nécessaire – jusqu’à deux heures et demi du matin – pour aller au bout des développements sur la logique, la méthode, les objectifs et le calendrier retenu.

La situation financière de Dexia – je n’y reviens pas – nécessitait de réagir très rapidement pour rassurer les marchés, les déposants et les clients des banques. L’intervention de l’État s’inscrit dans le cadre du plan de restructuration ordonnée de la banque, qui a fait une proposition globale de redressement lui permettant de revenir sur les marchés dans de bonnes conditions.

Je me félicite que nous soyons parvenus à cet accord dans un laps de temps réduit et je vous rends hommage pour la grande rapidité avec laquelle vous avez accepté d’examiner ce texte.

Au-delà du dispositif de garantie qui faisait l’objet du projet de loi et dont nous avons abondamment débattu la semaine dernière, le texte adopté en commission mixte paritaire comporte les mesures suivantes.

Il prévoit d’interdire, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, le versement de bonus, stock-options et autres avantages aux dirigeants d’établissements de crédit qui font l’objet d’un programme d’aide de l’État. Cela va dans la bonne direction et nous soutenons cette démarche.

Il interdit également le versement de dividendes en numéraire par ces mêmes établissements aidés, lorsque leur solvabilité ou leur liquidité est compromise ou susceptible de l’être. Cela va aussi dans la bonne direction.

Enfin, il demande au Gouvernement de produire un rapport complet sur la situation des emprunts structurés souscrits par les collectivités locales et impose que tout relèvement du plafond de la garantie sur le portefeuille de prêts structurés, qui ne peut intervenir que par la loi, fasse d’abord l’objet d’une consultation des élus locaux. Je suis tout à fait favorable à la totale transparence du dispositif comme de ce qu’il y a à l’intérieur de ces actifs. Je souhaite également que le Parlement soit pleinement associé, comme il l’a été depuis le début du processus, à la gestion en urgence par les gouvernements français, belge et luxembourgeois. Cette procédure d’association montre que tout est sur la table et que le dossier Dexia est désormais l’affaire de chacun.

Le Gouvernement est favorable à ce que l’on demande des contreparties aux banques qui font l’objet d’une aide de l’État. Il l’a d’ailleurs toujours été. Au Sénat, nous avons débattu du bon vecteur pour imposer de telles contreparties. Dexia, vous le savez, est une banque belge ; par conséquent, nous procéderons par la voie conventionnelle. En 2008, dans le cadre du plan bancaire, c’est par décret que nous avions imposé des contreparties aux banques aidées. Je souligne au passage que l’amendement initial devait être ajusté pour en préciser la portée juridique.

Au total, le Gouvernement accepte aujourd’hui les modifications qui ont été apportées au projet de loi et salue l’esprit de compromis qui a caractérisé, une fois encore, les travaux de la commission mixte paritaire. Il approuve donc le texte tel qu’il a été amendé en CMP.

Après l’adoption de la loi que nous examinons aujourd’hui, aucun dirigeant d’une banque aidée ne pourra disposer d’avantages excessifs en matière de rémunération et je m’en félicite, comme je viens à nouveau de le dire lors des questions d’actualité. Je me félicite également qu’aucun dividende ne puisse être versé par une banque aidée si ces versements font peser des risques sur la liquidité ou la solvabilité de l’établissement.

S’agissant des 596 millions qu’a évoqués le rapporteur général, je veux redire que le Gouvernement n’a aucunement l’intention de répartir ces crédits en usant de la procédure du décret pour dépenses accidentelles. Il ne s’agit donc pas d’un chèque en blanc. L’utilisation éventuelle de ces crédits sera présentée et soumise au Parlement lors d’un collectif budgétaire. Je puis vous dire qu’une partie sera affectée au financement des opérations extérieures et une autre à celui des aides au logement. Le complément vous sera naturellement indiqué avant la présentation du collectif budgétaire de fin d’année. Le Gouvernement demandera à nouveau au Parlement l’autorisation d’utiliser ces crédits dans le respect de la norme « zéro valeur ».

Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter. Je remercie le président de la commission des finances, le rapporteur général et les membres de la CMP pour la qualité de leur travail et pour la célérité avec laquelle ils sont parvenus à un accord satisfaisant pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. La perspective de la campagne présidentielle a conduit, dans cette enceinte, ces derniers jours, à des échanges excessifs, à des mises en cause peu glorieuses pour leurs auteurs, à la dénonciation, par la voix de membres du Gouvernement, de la prétendue « irresponsabilité » de l’opposition – nous l’avons encore entendu cet après-midi, de la bouche du Premier ministre.

C’est pourquoi je souhaite débuter mon propos en rappelant avec force que, depuis le déclenchement de la crise financière, l’opposition parlementaire a fait preuve du sens des responsabilités. Ainsi, lorsque nous avons été amenés à nous prononcer sur le plan de sauvetage des banques que vous nous avez soumis, il y a trois ans presque jour pour jour, le 14 octobre 2008, nous n’avons pas tenté de tirer un bénéfice politique de la légitime colère de l’opinion face aux pratiques prédatrices révélées par cette crise. C’était à l’époque le sens de notre abstention, qui visait à ne pas ajouter la crise à la crise tout en refusant de vous donner un chèque en blanc faute de réponses précises à un certain nombre de nos interrogations ou de nos exigences de moralisation et de régulation de la finance.

Pas plus que nous ne voulions alors faire preuve de démagogie, nous n’entendons aujourd’hui adopter la politique du pire.

Ces derniers temps, on cite souvent une célèbre formule que Vincent Auriol a prononcée dans cet hémicycle, en tant que ministre des finances, en 1936 : « Les banques, je les ferme ; les banquiers, je les enferme. » Nous ne céderons pas à cette démagogie. La colère de nos concitoyens – car c’est bien de colère qu’il s’agit – vis-à-vis des banques est pourtant forte et légitime. Le sauvetage de Dexia est un impératif pour les épargnants belges, qui lui ont confié la gestion de leurs économies ; il est indispensable pour sa filiale Dexia crédit local, qui assurait encore il y a peu l’activité de prêt aux collectivités locales françaises.

Nous ne nous opposerons donc pas à ce plan, mais j’entends bien que cette motion soit l’occasion de faire entendre dans cet hémicycle, une fois de plus et plus fortement que jamais, les interrogations et les exigences de nos concitoyens, dont il faut bien constater qu’elles n’ont toujours pas obtenu, en trois ans, de réponses efficaces du Gouvernement.

Ces questions seront d’ailleurs au cœur de la proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête que je déposerai, avec mes collègues écologistes, sur le bureau de notre assemblée dans les prochaines heures, car il est, au-delà des mesures d’urgence sur lesquelles nous nous prononçons aujourd’hui, des dysfonctionnements, des insuffisances, voire des délits que l’on ne peut passer sous silence tant ils minent la fameuse « confiance » dont on ne cesse de rechercher les effets – une confiance que l’on n’a aucune chance de retrouver tant que régneront l’opacité et les petits arrangements entre amis qui se font toujours, au bout du compte, sur le dos de l’État et des contribuables.

Il y a trois ans, notre assemblée a déjà eu à se prononcer sur le cas Dexia, à l’occasion d’un premier projet de loi de finances rectificative. En commission, Mme Lagarde, alors ministre de l’économie et des finances, s’était longuement expliquée sur les raisons de la situation dramatique de l’établissement, sur les causes de sa fragilité sur les marchés et sur le mécanisme mis en œuvre pour le sauver. Je l’entends encore nous expliquer que le cours d’achat – 9,90 euros à l’époque – était légitime, puisque basé sur la moyenne des trois derniers mois. Nous avions été plusieurs, y compris sur les bancs de la majorité, à nous étonner de ce niveau élevé de rachat, mais « circulez, il n’y a rien à voir », nous avait-on répondu alors...

Aujourd’hui, le cours de l’action de Dexia est de 82 centimes, et la perte, c’est l’État – à hauteur d’un milliard – et la Caisse des dépôts – à hauteur de 2 milliards – qui doivent l’assumer.

En, séance, monsieur le ministre, nous avions interrogé le Gouvernement : reprenez les comptes rendus des débats, ils sont d’une cruauté rare. De cette même tribune, voilà ce que je vous avais demandé : « Êtes-vous prêts à mettre un terme aux produits financiers aussi opaques qu’inutiles ? Êtes-vous prêts à mettre un terme aux rémunérations des dirigeants, qui dépassent l’entendement ? Comment justifier que les participations que l’État s’apprête à prendre dans certaines banques ne lui donnent aucun droit de regard sur la politique de ces banques ? La présence de l’État au conseil d’administration serait pourtant la meilleure des garanties. Pourquoi se l’interdire, si ce n’est parce que l’on continue à soutenir aveuglément un système qui est pourtant à l’origine de cette crise ? »

Ces interrogations, vous les avez balayées d’un revers de la main. J’entends encore l’un de nos collègues du groupe UMP me répondre : « Notre gouvernement n’est pas collectiviste ! ».

Et pourtant, qui pourrait nier que c’est l’absence de réponse à ces questions qui nous conduit aujourd’hui à devoir nous prononcer sur le démantèlement de Dexia et à en répartir la facture et le risque entre le contribuable, la Caisse des dépôts et même la Banque postale ?

Nous vous demandions une clarification sur les produits financiers opaques. C’est justement l’exposition de Dexia aux produits toxiques qui a provoqué la brusque chute de confiance des marchés qui nous contraint à réagir aujourd’hui dans la précipitation !

Nous vous demandions d’encadrer enfin la rémunération des dirigeants et de mettre fin aux bonus et autres rémunérations indécentes et contraires à l’intérêt même des établissements bancaires. Mais, à peine sauvée par les États français et belge, Dexia, tout en supprimant des centaines d’emplois, a distribué en 2009 huit millions d’euros de primes à ses cadres dirigeants français ! Son ancien administrateur délégué, démis après la première intervention de l’État, a perçu une indemnité de départ de 825 000 euros. Et c’est par la voix du secrétaire d’État fédéral belge au budget, M. Melchior Wathelet, que l’on apprend que M. Pierre Mariani, l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, que vous aviez imposé à la tête de l’établissement en 2008 – je cite le ministre belge – « M. Pierre Mariani, donc, s’est octroyé un bonus pour sa bonne gestion de 600 000 euros en avril dernier ».

M. Roland Muzeau. Quel scandale !

M. François de Rugy. Et le responsable gouvernemental belge de conclure : « Ça pose un vrai problème d’ordre éthique, d’ordre moral ». J’ai l’impression que votre collègue belge est plus clairvoyant que vous !

En 2008, ici même, nous vous demandions que l’intervention de la puissance publique soit accompagnée d’une prise de contrôle sur les décisions opérationnelles de la banque. Mais c’est précisément l’absence de transparence dans la gestion de Dexia, et l’absence d’information des États qui nous conduit à devoir démanteler la banque.

Nous vous mettions en garde contre l’excès de confiance dans les mécanismes prudentiels classiques qui venaient de démontrer leurs insuffisances dans le déclenchement de la crise financière de 2008. Mais qu’apprend-on aujourd’hui dans la presse, et non dans notre commission des finances, ce qui en dit long sur votre volonté d’informer la représentation nationale ? On apprend que, courant 2010, l’Autorité de contrôle prudentiel française, l’ACP, aurait émis des alertes répétées, et même envisagé de placer Dexia crédit local, la filiale française, sous surveillance spéciale, en raison de ses risques de liquidité. Le journal Libération a révélé, en fin de semaine dernière, l’existence d’un rapport du superviseur, daté de fin 2009, dans lequel étaient mis en lumière – je cite – des « inexactitudes de la communication financière de la banque sur son état de stress réel ». Toujours selon Libération, 50 milliards d’euros de nominal de titres toxiques auraient été sciemment passés sous silence.

M. Jean-François Mancel. Si c’est Libération qui le dit, nous voilà rassurés !

M. François de Rugy. Les fonds propres du groupe, surestimés en toute connaissance de cause par les responsables de la banque, ont permis à Dexia – je vous le rappelle, ce n’est pas anodin – de passer avec succès les stress tests européens de cet été, au point que les ratios annoncés en faisaient la banque française la plus sûre du marché. On croit rêver !

Ces informations capitales, détenues par les autorités prudentielles, qu’en a-t-on fait ? Rien ! Ces alertes, pourtant fort inquiétantes, ne semblent avoir donné lieu à aucune sanction. Ni transmission à l’Autorité des marchés financiers ni saisine de la justice. Et l’on est aujourd’hui obligé de se perdre en conjectures pour déterminer si les autorités publiques savaient ou non. Peu importe, au final, ce qu’en ont su les ministres : ce qui compte, c’est que rien n’a été fait, rien n’a été mis en œuvre pour assurer un véritable contrôle public de l’établissement. Et cela, c’est la conséquence directe de votre refus de voir l’État prendre toutes ses responsabilités en 2008 – comme nous le demandions – dès lors qu’il montait au capital de la banque.

Pour obtenir l’aval parlementaire à ce nouveau plan, qui n’est plus de sauvetage, mais de démantèlement, vous tentez de rassurer les Français. Il n’y aura pas, dites-vous, de prise de participation directe de l’État, juste une garantie. Garantie de 40 milliards d’euros tout de même, soit deux points de produit intérieur brut ! Quand on voit à quelles contorsions budgétaires nous en sommes réduits et quelle imagination débridée il vous faut mettre en pratique pour créer toutes sortes de taxes plus baroques les unes que les autres, dans le but de contenir d’une décimale le déficit public dans le cadre du projet de loi de finances, vous conviendrez qu’un engagement qui porte sur 2 % du PIB, ce n’est pas rien, et cela ne se prend pas à la légère.

Il n’y aura plus, nous dites-vous, de dérives dans les rémunérations et les bonus. C’est vrai. Mais vous n’y êtes pour rien : c’est le changement de majorité au Sénat qui a permis d’obtenir l’inscription dans la loi d’un principe – refusé par la majorité à l’Assemblée nationale – de responsabilité des dirigeants des banques, qui ne pourront percevoir aucun bonus ou rémunération variable lorsque leur entreprise sera aidée par l’État.

M. Michel Bouvard. Vous êtes gonflés ! IL n’y a qu’un groupe, le vôtre, qui ait voté contre les conclusions de la commission mixte paritaire !

M. François de Rugy. Non, c’est la réalité, mon cher collègue Bouvard ! Vous avez refusé ces mesures, ici même, à l’Assemblée nationale.

C’est le Sénat qui a imposé la consultation des élus locaux au cas où il serait nécessaire de faire varier le plafond de la garantie de l’État au titre des emprunts toxiques. C’est le Sénat, enfin, qui a prévu la rédaction et la remise au Parlement d’un rapport complet sur le volume et la nature des emprunts toxiques souscrits par les collectivités territoriales.

M. Patrick Lemasle. C’est vrai !

M. François de Rugy. Pour autant, des questions demeurent sans réponse. Sur les nouvelles structures créées à la suite du démantèlement de Dexia, d’abord. Je crois, mon cher collègue Bouvard, que cela vous concerne un peu, au regard de vos responsabilités auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Vous aurez du mal à me démentir sur ce sujet : en chargeant, dans tous les sens du terme, la Caisse des dépôts de la reprise d’une partie du portefeuille de Dexia, vous faites d’un organisme dont la finalité – nous serons au moins d’accord sur ce point – est de gérer l’épargne des Français et de financer des politiques d’intérêt général des collectivités territoriales, en particulier le logement social, une structure de consolidation de titres toxiques.

M. Michel Bouvard. Cela n’a rien à voir ! Les fonds d’épargne ne sont pas concernés !

M. François de Rugy. Une telle démarche peut se comprendre parce qu’il faut trouver des réponses rapides à la situation créée par la faillite annoncée de Dexia, mais elle doit être accompagnée d’une garantie forte de l’État. Vous savez très bien qu’en 2008, déjà, les responsables de la Caisse des dépôts ont mis le holà à certains engagements que le Président de la République voulait leur faire prendre. Je réitère ici l’interrogation de Jean-Vincent Placé au Sénat : on peut se demander à juste titre pourquoi le portefeuille risqué qui lui échoit n’est garanti que dix ans…

Quant à la Banque postale, qui est le premier collecteur de l’épargne des Français via le livret A – l’épargne populaire –, comment pourra-t-elle faire face à son nouveau rôle de financement des collectivités locales sans fonds propres nouveaux ? Et ces fonds, où ira-t-elle les lever ? Dans quelles conditions financières ? Sur un marché où régneront quelles règles ?

Monsieur le ministre, au-delà du texte qui nous est proposé aujourd’hui, il y a bien un problème politique, auquel il va falloir apporter des solutions. En travaillant sur le dossier Dexia, j’ai retrouvé une note que j’avais prise il y a trois ans, suite à une audition de M. Noyer, le gouverneur de la Banque de France, devant la commission des finances. Voilà ce que déclarait alors un responsable peu suspect de sympathies « collectivistes » – pour reprendre une épithète qui nous a été accolée. « Il conviendrait », disait M. Noyer le 7 octobre 2008, « de repenser sans tabou l’ensemble de notre réglementation financière : le système des agences de notation, la gestion des risques, l’organisation des marchés, la question des rémunérations, celles-ci ne devant plus inciter au "court-termisme" et à la prise de risques excessifs. On pourrait, par exemple, envisager un code de bonne conduite des banques, dont la violation serait sanctionnée par des exigences plus sévères en termes de fonds propres. »

Trois ans après – l’affaire qui nous occupe cet après-midi en est la triste illustration –, où en est-on de ces questions ?

Les agences de notation continuent de faire la pluie et le beau temps et donnent le la à votre politique budgétaire. Vous le reconnaissez vous-mêmes.

La gestion des risques n’a jamais été aussi aléatoire et les mécanismes prudentiels continuent de faire la preuve de leurs défaillances. Dexia en est la triste illustration !

L’organisation des marchés s’apparente toujours, pour beaucoup, à la loi de la jungle, car la taxation des transactions financières piétine.

Quant à la question des rémunérations, on s’est enfin résolu à l’aborder, mais en la limitant aux banques aidées, alors qu’elle devrait être prise à bras-le-corps, et des règles très strictes appliquées à tout organisme bancaire ou financier.

Enfin, pour ce qui est des exigences en matière de fonds propres, faute d’avoir régulé cette question des rémunérations et brisé cette logique prédatrice qui les sous-tend, nous y sommes, et les gouvernements européens s’apprêtent à relever leurs exigences sur la question, ce qui sera extrêmement difficile compte tenu de la réalité des marchés, et nécessitera sans doute, dans les prochaines semaines, de nouvelles garanties publiques, avec un corollaire inévitable : la dégradation de la parole financière de l’État et une nouvelle perte de confiance dans votre parole, monsieur le ministre, celle du Gouvernement.

Nous savons pertinemment que cette motion de rejet préalable ne sera pas adoptée. Mais en la défendant, et en demandant aux groupes de l’opposition de la voter, les écologistes que je représente veulent clairement signifier que l’indispensable intervention publique pour accompagner le démantèlement de Dexia est la conséquence de choix politiques qu’il vous faut, vous et votre majorité, assumer.

En nous abstenant tout à l’heure, lors du scrutin sur le texte proprement dit, nous démontrerons que cette exigence d’une politique nouvelle va de pair avec un esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Eckert. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous comprenons parfaitement les arguments développés par François de Rugy. J’aurai l’occasion de reprendre tout à l’heure certains des faits qu’il a cités à juste titre et qui nécessiteront les mesures que, nous aussi, nous proposerons.

Pour autant, le texte issu de la commission mixte paritaire présente des points positifs qui ne figuraient pas dans le texte initial. M. le rapporteur général a dit tout à l’heure que nos collègues sénateurs s’étaient inspirés de certaines dispositions proposées par le Gouvernement. Ne nous provoquez pas !

M. Patrick Lemasle. Oui, c’est gonflé !

M. Christian Eckert. Les sénateurs ont montré qu’ils avaient des exigences fortes. Ils les ont imposées en commission mixte paritaire et un accord a été trouvé.

Compte tenu de ces éléments que j’aurais l’occasion de développer tout à l’heure, le groupe SRC s’abstiendra sur cette motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le groupe GDR votera naturellement cette motion de rejet préalable, car on laisse passer une chance exceptionnelle de rompre avec certaines pratiques bancaires – qui nous ont conduits à une crise terrible – et de prendre une véritable garantie contre ce type de comportement.

Il s’agissait de créer – ce que vous ne faites qu’esquisser – une grande banque publique. C’est vrai pour la Caisse des dépôts, pour la Banque postale, mais aussi pour ce qui est de la nationalisation de banques qui ont eu et continuent d’avoir les comportements les plus risqués. La création d’une grande banque publique était nécessaire, car elle aurait eu la capacité, aujourd’hui, en pleine crise, d’accorder des crédits à la fois aux collectivités locales qui en ont besoin et aux PME, et ce en dehors de tout critère spéculatif. C’est une occasion manquée.

Il reste une double incertitude.

Incertitude, d’abord, en ce qui concerne les emprunts toxiques des collectivités, d’autant que les maires sont toujours, semble-t-il, accusés d’avoir fauté. Les collectivités, autrement dit les contribuables, risquent de payer les pots cassés, coupables et victimes risquant d’être mis sur le même plan.

Incertitude, ensuite, pour les investissements à venir, puisque les banques, aujourd’hui, ne prêtent plus.

L’urgence d’une solution à la hauteur de la gravité de la situation s’impose. C’est pourquoi nous voterons la motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, est-il raisonnable de voter une motion de rejet préalable ? La réponse est clairement non ! D’ailleurs, cher collègue de Rugy, vous n’avez aucune illusion sur l’issue de cette motion. Car vous le savez, nous sommes face à un credit crunch des collectivités territoriales. Tarder encore permettrait-il de résoudre le problème du groupe Dexia et celui du financement des collectivités territoriales ? Ce n’est pas raisonnable !

Sur le fond, monsieur de Rugy, vous soulevez, comme beaucoup d’entre nous, une série de questions tout à fait légitimes. Nous sommes mis d’accord, au sein de la commission mixte paritaire, sur une mesure visant à accorder des contreparties aux aides susceptibles d’être concédées à toutes les banques – mais pas à Dexia.

Cela n’a pas été assez souligné. Le dernier article s’applique, en effet, à toutes les banques qui bénéficient d’avantages. On n’en connaît d’ailleurs pas tout à fait le périmètre, mais c’est un autre débat. Nous avions déjà adopté ces mesures.

En conséquence, mes chers collègues, il convient d’urgence de rejeter la motion préalable.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est grâce à Mme Bricq et à la majorité de gauche du Sénat que la mesure a pu être adoptée ! Il ne faut pas raconter d’histoires !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Bouvard. Je donne acte à M. de Rugy de la constance de son groupe, seul à avoir voté contre les propositions de la CMP. J’ai assisté à cette commission et j’ai pu entendre le représentant du groupe auquel il appartient indiquer qu’il ne s’associait pas au vote exprimé.

Je le regrette d’autant plus qu’il s’agit, comme il a été rappelé, d’un texte qui répond à une urgence au regard d’un risque systémique et au regard du financement des collectivités territoriales. J’ai le sentiment que M. de Rugy confond la problématique du financement du logement social, qui n’est en rien concerné puisqu’il relève du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts, et celle de Dexia et du financement des collectivités territoriales, qui relève de sa section générale. Évitons de créer de la confusion dans un dossier déjà compliqué pour nos concitoyens et pour les acteurs locaux !

La commission de surveillance de la Caisse a pris, dans cette affaire, toutes ses responsabilités. Le comité d’investissement, qui avait, une première fois, considéré que les garanties n’étaient pas suffisantes pour que la Caisse puisse approuver le dossier, s’est réuni le 19 octobre et a unanimement approuvé l’intervention de cette dernière, nous permettant ainsi d’entamer une discussion exclusive pour le rachat du véhicule d’« origination » des prêts DexMA, rachat assorti d’un certain nombre de recommandations formulées à la direction générale, compte tenu des garanties apportées par l’État au travers de ce texte.

Certes, la garantie DexMA ne couvre pas dans sa totalité ni pour une durée illimitée le montant pour laquelle Caisse est susceptible d’être responsable. Le ministre s’est toutefois engagé en séance sur une clause de rendez-vous fixée à 2021, terme de la garantie accordée par la loi, afin de faire le point sur les risques qui pourraient encore être supportés par l’établissement public, auquel cas un nouveau texte serait présenté. Je donne acte au Gouvernement de cette avancée essentielle, qui permettra à la Caisse des dépôts de procéder à cette intervention en tant qu’investisseur avisé dans le respect de ses intérêts patrimoniaux, donc dans le respect de ce que nous avons inscrit dans la loi. De ce fait également, cette intervention ne sera pas considérée par Bruxelles comme une aide d’État.

Compte tenu de cette avancée, déposer une motion de procédure pour expliquer qu’il n’y a pas lieu de débattre ou que le texte n’est pas constitutionnel est particulièrement inopportun. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Nous arrivons au terme de la discussion d’un projet de loi de finances rectificative extrêmement important, puisque son objectif est, ni plus ni moins, d’assurer un avenir à la banque Dexia et au financement de nos collectivités territoriales, et ce dans un contexte de crise de la dette souveraine qui est à l’origine de la situation que connaît Dexia aujourd’hui.

En effet, contrairement à ce que certains ont pu laisser croire, l’équipe de direction de Dexia n’est en rien responsable de la situation dans laquelle se trouve la banque aujourd’hui. Chacun connaît l’histoire. En 2008, Dexia se trouve en grande difficulté, une série de risques ayant été pris par les précédentes équipes de direction, notamment sur le marché américain, à travers l’acquisition du rehausseur de crédit FSA, ce qui a conduit l’établissement à subir des pertes colossales lors de la crise des subprimes de septembre 2008. Une nouvelle direction a été nommée, sous la conduite de Pierre Mariani. Cette équipe a pris des décisions très importantes, qui ont permis de réduire de plus de 100 milliards d’euros en l’espace de deux ans les engagements à court terme de la banque. Celle-ci se trouvait donc, en juin 2011, dans une situation certes encore fragile, mais parfaitement honorable par rapport à l’ensemble des banques placées sous un contrôle d’État – Dexia étant sous celui des trois États français, belge et luxembourgeois. Elle sortait d’une situation très difficile, tout en assumant une responsabilité essentielle dans la mesure où elle finançait les investissements des collectivités territoriales françaises.

En juillet et août derniers, la situation s’est considérablement dégradée. En septembre, les marchés ont fait preuve de méfiance vis-à-vis des détenteurs de dettes souveraines. La banque Dexia, qui finance énormément d’investissements des collectivités publiques, se trouve ainsi particulièrement fragilisée.

Dans cette affaire, le gouvernement français a pris toutes ses responsabilités, et je tiens à saluer l’action de François Baroin, ministre de l’économie et des finances, qui a immédiatement agi, au nom du Gouvernement et du Président de la République, pour que Dexia puisse retrouver les conditions d’une bonne liquidité sur les marchés et soit, comme l’a excellemment souligné notre rapporteur général, méthodiquement réorganisée de façon que ses métiers puissent être consacrés : celui de banque de dépôts s’agissant de la branche belge, celui de financement des collectivités territoriales en France, à travers une nouvelle filiale commune à la Caisse des dépôts et à la Banque postale, à laquelle notre rapporteur général a suggéré de redonner le nom de Crédit local de France. Ce serait une sorte de retour à l’histoire, puisque le Crédit local de France, issu de la CAECL et filiale de la Caisse des dépôts, était la banque de financement des collectivités territoriales.

La discussion à l’Assemblée nationale a été très productive, mais s’est conclue par un échec, dû à la décision de l’opposition de ne pas voter avec la majorité, alors que chacun, de part et d’autre de l’hémicycle, aurait dû faire preuve de responsabilité pour que soit trouvée une solution rapide et efficace pour l’avenir de cette banque. Au Sénat, le groupe socialiste a, au contraire, fait montre de responsabilité en votant avec le groupe UMP en faveur du projet de loi, après l’avoir assorti de quelques amendements adoptés par la CMP ainsi que l’a rappelé le rapporteur général. C’est la preuve que l’on peut finalement travailler et communiquer, dans le respect des opinions de chacun, avec le groupe socialiste du Sénat, dans l’intérêt de la France et des Français.

Le groupe UMP votera naturellement le texte…

M. Roland Muzeau. Quelle surprise !

M. Jérôme Chartier. …et espère que l’opposition, après réflexion, suivra le point de vue de la majorité de l’Assemblée nationale pour apporter cette solution constructive et utile à Dexia et au financement des collectivités territoriales.

Nous regrettons cependant le temps perdu. Nous aurions pu aboutir bien plus rapidement et de façon bien plus unanime, sans laisser dans le doute sur les intentions des uns et des autres les observateurs que sont les investisseurs et les marchés financiers. La semaine dernière, chacun a pu entendre l’agence de notation Moody’s annoncer qu’elle plaçait la France sous observation pendant trois mois. Cela ne veut pas dire que notre pays fasse l’objet d’une surveillance négative ni qu’il risque de perdre son triple A, mais que cette agence va observer la France pendant trois mois afin de s’assurer qu’elle respecte son objectif de réduction de son déficit…

M. Roland Muzeau. Cela signifie que vous êtes à la botte des agences !

M. Jérôme Chartier. …et qu’elle tient tous ses engagements, dont l’avenir de Dexia fait partie.

M. Roland Muzeau. Par qui sont-ils élus, chez Moody’s ?

Mme la présidente. Seul M. Chartier a la parole, monsieur Muzeau !

M. Jérôme Chartier. Je vous remercie, madame la présidente, mais je suis ravi que M. Muzeau se manifeste, car c’est toujours un plaisir de l’entendre !

Mme la présidente. N’incitez pas aux échanges, monsieur Chartier. Je vous remercie de bien vouloir poursuivre !

M. Jérôme Chartier. Je suis toujours ravi de lui répondre, lorsqu’il me pose des questions, madame la présidente !

M. Roland Muzeau. Mais vous ne m’avez pas répondu ! Par qui sont-ils élus ?

M. Jérôme Chartier. Cher monsieur Muzeau, vous savez parfaitement que l’agence Moody’s est une agence de notation. Vous vous interrogez sur sa légitimité, dans la mesure où elle fait l’objet d’une élection. Il est vrai qu’elle n’a pas de légitimité démocratique.

M. Roland Muzeau. Dont acte !

M. Jérôme Chartier. Je vais vous donner une information, monsieur Muzeau qui ne m’écoutez pas, mais qui m’interrogez. Sa capacité d’influence sur les marchés est réelle et totale. Il en va de même de Standard and Poor’s et de Fitch Ratings, sans oublier l’agence chinoise Dagong. Ces agences de notation influencent aujourd’hui les investisseurs, s’agissant, en l’occurrence, de la dette française qui est, comme vous le savez, largement financiarisée.

M. Jean-Claude Sandrier. Vous êtes à leur botte !

M. Jérôme Chartier. Il n’est pas question, monsieur Sandrier, d’être à leur botte. Il est, en revanche, normal que le Gouvernement, notamment le ministre de l’économie et des finances, et la majorité soient attentifs aux décisions, en l’occurrence, de l’agence Moody’s – puisque c’est elle qui a décidé de porter sur la France un regard particulier pendant les trois prochains mois. Notre décision quant à Dexia pouvant avoir un impact sur ses réflexions, il est fondamental que l’opposition marque sa solidarité avec la majorité au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Ce fut le cas au Sénat, pas à l’Assemblée nationale. Cela restera notre regret. Nous avons en tout cas le sentiment, à l’issue de cette CMP, d’un travail accompli qui donnera un avenir à cette banque et au financement des collectivités territoriales, lequel deviendra plus national qu’auparavant.

Le groupe UMP votera, mes chers collègues, en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Ça suffit : l’urgence n’est pas un argument ! Vous nous le ressortez année après année ! Vous semblez à chaque fois découvrir l’urgence d’une situation qui nécessiterait la solidarité de l’ensemble des députés. Or il se trouve que vous avez sciemment ignoré l’un de ces phénomènes, et j’y reviendrai. Les socialistes feront toutefois preuve, face à ce texte, de fermeté, mais aussi de responsabilité. La commission mixte paritaire, dans une configuration certes inédite, est parvenue à un accord quasi unanime.

Nous nous montrerons donc responsables et nous adopterons ce texte, mais nous assortirons notre vote d’un certain nombre de réserves et de demandes précises pour la suite.

Il y a des points positifs et d’autres qui se sont améliorés au fil de la discussion, notamment sous la pression de nos collègues sénateurs, et je ne suis pas sûr que, si nous ne nous étions pas opposés au texte en première lecture, la commission mixte paritaire serait parvenue aussi facilement à un accord.

Parmi les points positifs, il y a d’abord la création d’une structure publique destinée à financer les collectivités territoriales, autour de la Caisse des dépôts et de la Banque postale. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette disposition. Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur deux points, monsieur le ministre.

D’abord, cette nouvelle structure ne doit pas être destinée uniquement à faire des profits au bénéfice de l’un des partenaires, comme on l’entend parfois dire. Notamment pour les taux et les conditions réservées aux collectivités territoriales, elle doit se comporter davantage comme la CAECL ou le Crédit local de France autrefois que comme une banque faisant des profits sécurisés en prêtant aux collectivités. Je le dis parce que le risque existe.

J’aimerais par ailleurs qu’elle dispose de personnels compétents, et recoure notamment au potentiel que laissera Dexia après son démantèlement. Si des fautes ont été commises au sein de cet établissement, celui-ci employait aussi des agents qui faisaient bien leur travail et qui, s’ils ont parfois commis des erreurs, l’ont fait sous la pression de leur hiérarchie. Quelque mille personnes seront touchées de près ou de loin par la restructuration du groupe ; il faut penser à elles.

La deuxième avancée principale est l’amendement que la majorité du Sénat a imposé. Interdire la distribution de stock-options, de bonus, de dividendes en numéraire à un organisme ayant bénéficié soit de l’acquisition de titres, soit de garanties de la part de l’État, nous paraît tout à fait normal, et va dans le bon sens.

Ici encore, je voudrais émettre quelques réserves sur la façon dont pourraient être interprétées ces dispositions. On s’est longuement demandé qui allait juger de la solvabilité ou de la liquidité des banques concernées – condition de la distribution de dividendes.

M. Roland Muzeau. Moody’s !

M. Christian Eckert. À mon avis, ce ne sera ni Thomas Piketty ni Moody’s. (Sourires.) C’est au Gouvernement de prendre, avec le Parlement, ses responsabilités.

Cet amendement et la création d’un pôle dont l’objectif est de faciliter les prêts aux collectivités locales justifient que nous émettions un vote positif.

Cela dit, ce qui s’est passé au sein de Dexia est proprement inadmissible, monsieur le ministre, tout comme le comportement du Gouvernement et des autorités bancaires françaises.

François de Rugy a fait état d’un rapport d’inspection de l’Autorité de contrôle prudentiel. Pour des raisons personnelles, je sais un peu comment les choses se passent. Lorsqu’il y a un rapport d’inspection, ce rapport est transmis à la hiérarchie de l’ACP et, selon le contenu, il y a ou non des suites. Si l’inspection a révélé des faits extrêmement graves, il est clair que les autorités dirigeant l’ACP n’ont pas fait leur travail.

L’article L. 612-33 du code monétaire et financier dispose que, lorsque la solvabilité ou la liquidité d’une personne soumise au contrôle de l’Autorité est compromise ou susceptible de l’être, l’Autorité peut, à ce titre, placer la personne sous surveillance spéciale – ce qui n’a pas été fait –, limiter ou interdire temporairement l’exercice de certaines opérations par cette personne, y compris l’acceptation de primes ou dépôts – ce qui n’a pas été fait non plus. Rien n’a été fait. Or le Gouvernement, en la personne de Mme Lagarde, ne pouvait ignorer le contenu de ces rapports, pas plus que le gouverneur de la Banque de France, de par sa position de dirigeant de l’ACP.

Monsieur le ministre, il y a eu là des fautes qui justifient amplement que notre groupe ait demandé lui aussi, en fin de matinée, la création d’une commission d’enquête sur les faits commis au sein de Dexia.

En 2008, la Caisse des dépôts y a mis 2 milliards, l’État français un milliard, et ces 3 milliards, vous me l’avez confirmé la semaine dernière, se sont purement et simplement envolés : il ne reste tout au plus que 200 ou 300 millions. Nous affirmer il y a une semaine, après avoir indiqué en 2008 qu’il fallait mettre 3 milliards, après avoir eu des représentants au conseil d’administration, après avoir été saisi d’un rapport des inspecteurs de l’ACP, que ce texte est urgent, et ce alors que M. de Courson nous annonce que les collectivités sont au bord du credit crunch, convenez que c’est un peu léger !

Je pourrais également parler des rémunérations des dirigeants. Vous nous avez dit à cette tribune que vous étiez en train d’examiner s’il y avait des faits justifiant que l’on engage des poursuites.

M. François Baroin, ministre. Non : nous cherchions à savoir s’il y avait encore des voies de recours.

M. Christian Eckert. Vous menez une expertise juridique, certes. L’expertise morale, en tout cas, est faite. Vous avez couvert des errements au sein du groupe Dexia, et c’est pour nous une faute lourde.

J’ajoute que le groupe Dexia, et vous le savez, a eu d’autres pratiques. Non content d’avoir « fourgué » des prêts toxiques aux collectivités et fait de fausses déclarations qui auraient justifié que l’ACP transmette, sinon au procureur de la République, du moins à l’AMF, les rapports qui lui ont été remis, il a prêté à certains de ses actionnaires 1,5 milliard d’euros pour leur permettre de racheter des titres du groupe. C’est une pratique totalement anormale, qui certes n’était pas interdite à l’époque, mais qui l’est aujourd’hui. Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas, à un moment donné, puni les fautifs ? C’est devenu sa faute. Ce n’est pas lui qui l’a commise, mais il s’en est rendu complice par son silence.

Vous nous avez dit tout à l’heure que tout était sur la table. Mais le rapport de l’ACP, nous ne l’avons pas.

M. François Baroin, ministre. Vous l’aurez !

M. Christian Eckert. En tout cas, nous ne l’avons pas encore. Les journalistes de Libération l’avaient la semaine dernière. Le président de la commission des finances et les membres de la commission des finances n’en disposent pas. C’est tout de même un peu curieux !

Par ailleurs, l’Autorité de contrôle prudentiel est chargée, peut-être pas jour par jour puisqu’elle n’en a pas décidé ainsi, mais en tout cas mois par mois, de connaître, d’analyser et de vérifier le contenu des portefeuilles de tous les organismes bancaires qui officient sur le territoire. M’avoir répondu, comme la semaine dernière, que vous ne vous sentiez pas concerné du fait qu’il s’agit d’une holding belge, est une nouvelle faute que je me dois de mettre à votre débit.

Tout n’est donc pas sur la table, vous le savez fort bien, et c’est la principale raison pour laquelle nous avons rejeté le texte en première lecture. Il y a quelque 10 milliards d’euros douteux, et certains estiment même que le coût n’est pas chiffrable actuellement. Ne me dites pas que l’Autorité de contrôle prudentiel, s’agissant d’une banque au sujet de laquelle elle avait déjà été alertée, n’est pas en mesure de nous décrire le contenu du portefeuille, de savoir ce qui est sain et ce qui est douteux, ni quelle est l’ampleur du risque potentiel.

Monsieur le ministre, j’ai commencé par vous dire que nous serions fermes – et nous demanderons effectivement une commission d’enquête –, mais aussi que nous serions responsables, au sens positif du terme. Nous ne partageons pas votre culpabilité. Néanmoins, comme nous sommes favorables, même si les conditions risquent d’être un peu lourdes pour la Caisse des dépôts, à la création d’une structure publique destinée à financer les collectivités locales, et compte tenu de l’amendement, imposé par les sénateurs socialistes, qui tend à moraliser la rémunération des dirigeants des banques – de toutes les banques, M. de Courson a raison au moins sur ce point –, nous voterons le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat et notre assemblée sont parvenus à un accord jeudi dernier sur un texte commun concernant la mise en place de la garantie publique apportée à la banque Dexia.

Disons-le tout net, ce texte ne nous satisfait pas.

M. Charles de Courson. Hélas !

M. Jean-Claude Sandrier. Certes, le changement de majorité au Sénat a permis d’obtenir des avancées, de mettre les dirigeants des banques face à leur responsabilité en les touchant là où cela leur fait généralement le plus mal, c’est-à-dire au portefeuille.

Aux termes du texte adopté en commission, les dirigeants des banques bénéficiant directement ou indirectement de l’aide de l’État, qu’ils exercent les fonctions de président de conseil d’administration, de directeur général, de directeur général délégué, de membre du conseil d’administration ou du directoire, de président du conseil de surveillance ou de gérant, ne pourront plus percevoir de bonus ni de rémunération variable. L’attribution d’indemnités et d’avantages indexés sur la performance ainsi que de rémunérations différées telles que les retraites chapeaux seront elles aussi prohibées. Enfin, aucun dividende ne sera versé en numéraire aux actionnaires lorsque la solvabilité ou la liquidité de l’établissement de crédit auquel l’État vient en aide sera compromise ou susceptible de l’être.

Nous ne saurions naturellement sous-estimer l’importance de telles dispositions à l’heure où un doute sérieux subsiste sur la capacité des banques françaises à renforcer leurs fonds propres par leurs propres moyens, compte tenu de leur exposition à la dette souveraine des États européens soumis à la pression des marchés. Si l’État devait s’engager financièrement à leur égard, ces nouvelles règles leur seraient applicables.

Ce ne serait pas une mauvaise chose, quand on sait combien les dirigeants des banques françaises usent et abusent des rémunérations variables. En dépit des timides admonestations adressées par l’Europe et le G20, qui ont demandé à plusieurs reprises que la part variable des salaires soit maintenue dans un rapport équilibré avec la part fixe, force est de constater que les dirigeants du secteur bancaire continuent de s’octroyer en toute impunité des rémunérations exorbitantes et proprement scandaleuses.

François Pérol, dirigeant du groupe Banque populaire-Caisses d’épargne, a empoché cette année 1,6 million d’euros, deux fois son salaire fixe ; Jean-Paul Chifflet du Crédit agricole, 1,7 million d’euros, soit 20 % de plus que son fixe ; Frédéric Oudéa, à la Société générale, 4,1 millions d’euros, soit cinq fois son salaire fixe. La palme revient à Baudoin Prot, directeur général de BNP-Paribas, qui s’est vu attribuer cette année un bonus de 5 millions d’euros, portant sa rémunération totale à 6,2 millions d’euros, près de quatre siècles de SMIC.

M. Charles de Courson. C’est modeste, pour un banquier ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Sandrier. Nous saluons donc l’initiative victorieuse de la gauche sénatoriale sur ce point. Nous nous félicitons également de l’adoption de l’amendement de principe visant à consulter les élus locaux, par le biais du Comité des finances locales, en cas de relèvement éventuel du plafond de la garantie de l’État au titre des emprunts dits toxiques.

Pour le reste, nous restons sur notre faim. D’une part, en effet, le texte ne tire aucun enseignement des raisons de la faillite de Dexia. D’autre part, il ne tient, aucun compte des besoins et des attentes des collectivités locales.

Comme je l’expliquais déjà en première lecture, vous êtes coutumiers du fait. Vous aviez décidé en 2008 de ne tirer aucune leçon de la crise, de laisser le système en l’état, car vous étiez persuadés que la crise n’était qu’une péripétie, que tout finirait par s’arranger, par la grâce de quelques « stabilisateurs automatiques ».

La suite nous a prouvé le contraire, mais vous restez aujourd’hui encore persuadés qu’il est possible de sauver un système à bout de souffle en en faisant payer la facture aux peuples plutôt que de prendre le pouvoir sur les marchés financiers. Cette tentative de sauvetage d’un capitalisme financier en déroute vous conduit à improviser et à enchaîner, à chaque panique des marchés, des mesures d’urgence.

La proposition que vous nous faites en est l’illustration. Elle présente un mécanisme à bien des égards analogue au très contestable plan d’aide au secteur bancaire intervenu en 2008 : vous apportez la garantie de l’État. Vous nous expliquerez sans doute que, de la même manière que les prêts à intérêt accordés par l’État en 2008 ont permis de dégager une plus-value, la garantie de l’État ne sera accordée que moyennant rémunération. À cet égard, il faut rappeler que le rapport publié en mai 2010 par la Cour des comptes sur les concours publics aux établissements de crédit avait souligné les risques de surcoût attachés à ce type d’opération.

Ce rapport indiquait que l’aide apportée aux banques en 2008 avait, je cite, « engendré des coûts permanents ». Il y a malheureusement fort à parier que l’opération que vous nous proposez aujourd’hui se soldera de la même manière par des pertes, qui vont de la déperdition de Dexia aux conséquences de la dépréciation des titres gérés, sans oublier les intérêts relatifs à la souscription du financement de la garantie, car c’est sur les marchés, donc en empruntant à intérêt, que l’État ira chercher des ressources.

La création en France d’une nouvelle banque pour les collectivités locales, adossée à la Caisse des dépôts et consignation et à la Banque postale, aurait pu représenter une avancée, mais vous n’avez pas choisi cette voie. Le terme de nationalisation est chez vous tabou. Vous voulez que la collectivité, donc les contribuables, assume les pertes, mais vous lui refusez toute perspective de gain à moyen ou long terme, ce que seule pourrait permettre la nationalisation ou la prise de participation majoritaire de l’État.

Votre projet de loi laisse perplexe. Ainsi, le fait de garantir les titres les plus toxiques de Dexia, hérités de ses opérations les plus spéculatives et cantonnés dans une structure de défaisance, pose problème. Nous savons que les représentants du Parlement à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations ont cherché à éviter de reprendre les créances risquées, c’est-à-dire les obligations d’État grecques et italiennes, et les crédits toxiques distribués par Dexia aux collectivités locales. La Caisse des dépôts a demandé et obtenu que le plafond de garantie concernant le portefeuille de titres de dette publique locale soit supérieur au risque de dépréciation connu. C’est dire que vous ne réglez rien de la situation des collectivités locales. Ni Dexia ni la Caisse des dépôts n’auront intérêt à accorder aux collectivités un abandon de créance, un moratoire de remboursement ou un rééchelonnement de leurs emprunts.

Nous sommes dans une logique de socialisation des pertes. Il n’est question pour vous, dans ce projet, que de sauver les meubles et de faire éventuellement supporter à nos concitoyens un transfert de charge du privé vers le public. Vous vous bornez à reconnaître à l’État actionnaire le rôle d’un gestionnaire de portefeuille, sans dégager de perspectives nouvelles, et sans permettre le redressement des collectivités, dans une période où l’investissement public pourrait pourtant être un levier essentiel de la croissance.

Nous militons depuis des années, comme vous le savez, pour la création d’un grand pôle financier public, d’un outil de financement performant dont la politique de crédit cesserait d’être mue par la seule rentabilité financière.

Nous avons aujourd’hui la possibilité, autour de la Caisse des dépôts et de la Banque postale, de créer non seulement une banque qui financerait les communes et les départements mais tout un pôle bancaire susceptible de mobiliser l’épargne populaire au profit du tissu économique, de proposer des prêts à taux réduits pour les entreprises qui favorisent la création de richesses réelles, l’investissement créateur d’emplois, et d’accompagner les entreprises dans leur transition écologique. Vous aviez l’occasion d’extraire du marché financier l’ensemble du financement des collectivités locales ; vous ne l’avez pas saisie.

Dans ces circonstances, et parce que vous n’avez tiré aucune leçon de la crise de 2008, aucune leçon de l’ouverture aux marchés financiers, alors qu’actuellement les banques ne prêtent pas aux collectivités ni aux PME, qu’aucune garantie pour 2012-2013 n’est apportée aux collectivités pour financer leurs investissements, que rien n’est arrêté pour les emprunts toxiques, que la nouvelle banque créée est sous-dimensionnée face à l’ampleur de la crise et que ses critères de fonctionnement ne sont pas en conformité avec l’objectif affiché, nous ne pourrons, parce que nous sommes un groupe responsable, que rejeter ce texte.

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, relatif essentiellement à Dexia, a débouché sur un accord, et nous ne pouvons que nous en réjouir, car l’affaire Dexia nous concerne tous.

En dehors du fait que cet accord démontre notre capacité à travailler ensemble dans l’intérêt général au-delà des clivages partisans, ce texte prévoit des solutions justes et équitables.

Nos homologues socialistes du Sénat ont été conscients de leur responsabilité, puisqu’ils ont voté pour le texte que nous avions adopté en première lecture, alors qu’à l’Assemblée nos collègues socialistes avaient voté contre. Ils ont voté pour en seconde lecture, et je les en félicite. Nous mettrons le contretemps sur le compte d’un défaut de coordination entre les deux groupes, ce qui peut parfois arriver.

M. Henri Emmanuelli. Nous n’avons pas besoin de vos leçons ! Occupez-vous de votre bol de soupe !

M. Charles de Courson. L’important, c’est que nous soyons parvenus à un accord. Il n’y a que les communistes qui n’aient pas voté ce texte au Sénat, et qui ne le voteront pas à l’Assemblée.

En premier lieu, le démantèlement de Dexia est une bonne chose, et la création que cela implique d’un nouveau Crédit local de France – on voit mal le nom de Dexia Municipal Agency conservé pour une banque française –constitue un signe encourageant donné à la fois aux collectivités territoriales et aux marchés.

La solution intermédiaire qui consiste, avant la mise en place réelle et effective du futur Crédit local de France, à mettre à la disposition, via la Caisse des dépôts et consignations, d’une enveloppe de 3 milliards d’euros, est une bonne solution, mais elle n’est pas suffisante, eu égard à son montant et à sa durée. Nous risquons fort, en effet, de mettre beaucoup plus de temps que nous ne le croyons à recréer un Crédit local de France. Il faudra donc peut-être, monsieur le ministre, doubler cette enveloppe et la prolonger jusqu’à la mi-2012, pour éviter un credit crunch, comme on dit.

Il ne faut pas faire croire que Dexia soit capable d’alimenter la totalité des besoins de financement des collectivités territoriales. Sa part était tombée à environ un tiers, les deux autres tiers étant assurés surtout par la BNP, les filiales du Crédit agricole, ses caisses locales en particulier, et la Société générale. Or ces établissements se sont beaucoup désengagés, essentiellement pour des raisons de solvabilité. Nous avons donc un vrai problème devant nous, et il est urgent de créer cette nouvelle caisse pour éviter une crise du financement local qui serait la conséquence du non-règlement de ce problème et constituerait une catastrophe pour les collectivités territoriales.

En second lieu, le choix de ne pas mettre en place une structure de défaisance va également dans la bonne direction ; je ne peux, monsieur le ministre, que vous en féliciter. Nous avons beaucoup souffert, depuis 1995, dans l’affaire de la défaisance du Crédit lyonnais, dont je rappelle qu’elle aura coûté au peuple français 15 milliards d’euros non actualisés.

M. Henri Emmanuelli. C’est un an de loi TEPA !

M. Charles de Courson. Toutefois, nous espérons que la garantie de 90 milliards d’euros, même si la France n’en assumera que 36,5 %, ne sera pas trop coûteuse pour les finances publiques, car, vous le savez tous, nous n’avons pas forcément les moyens de telles largesses ! C’est d’ailleurs pourquoi le groupe Nouveau Centre avait déposé des amendements allant dans le sens d’une dégressivité de cette garantie dans le temps, ce qui aurait permis à l’État de se garantir tout en préparant son désengagement. Dans le dispositif adopté, la garantie disparaît totalement en 2021 ; il aurait été préférable de prévoir, au moins à partir de la sixième ou septième année, un système de désengagement en biseau. Quoi qu’il en soit, cela appellera notre vigilance, et il est bon que soit prévue une information annuelle du Parlement concernant cette question.

Pour autant, le groupe Nouveau Centre a quelques inquiétudes concernant les 10 milliards d’euros de garantie pour les emprunts structurés.

M. Roland Muzeau. Sans blague !

M. Charles de Courson. Tout d’abord, ce dispositif comporte un risque non négligeable de voir la justice se retourner contre l’État, puisque, si des condamnations sont prononcées contre Dexia à la suite de contentieux pour défaut de conseil, c’est in fine l’État qui les supportera. Ne risque-t-on pas, dès lors, que la justice prenne le parti de condamner, en se disant que l’État payera l’essentiel de la facture ? Plus généralement, cette mesure risque, si son champ d’application n’est pas strictement défini et encadré, de déresponsabiliser tous les acteurs : les juges, dont je viens de parler, mais aussi les élus locaux et même les futurs gestionnaires du Crédit local de France, qui auront, pendant dix ans encore, le parapluie fort pratique de l’État pour les protéger de l’orage ?

Comme nous l’avons toujours affirmé au Nouveau Centre, la responsabilité est la contrepartie de la liberté et la liberté la contrepartie de la responsabilité.

M. Henri Emmanuelli. Que c’est beau !

M. Charles de Courson. L’État n’a donc pas à se substituer aux collectivités locales sous le prétexte parfois facile du défaut de conseil. Laissons la justice se prononcer.

Nous l’avons tous fait remarquer au cours de la discussion, on ne peut pas signer, sans en supporter les conséquences, des contrats de prêt surréalistes,…

M. Jean-Pierre Balligand. À qui la faute ?

M. Charles de Courson. …dont certains permettaient de toucher des primes la première année. Vous m’entendez bien, chers collègues : non seulement il n’y avait pas de charges financières à payer mais une recette était perçue. Des taux extrêmement faibles, de l’ordre de 1 %, étaient ensuite acquittés. Avec la réévaluation des devises, ces taux n’ont fait qu’augmenter. Ceux qui ont bénéficié pendant plusieurs années de ce dispositif n’ont bien sûr pas demandé à rembourser le différentiel quand les taux ont atteint 15 ou 16 %.

Ce n’est certainement pas à nous de permettre à des collectivités qui ont eu la chance de se financer à moindre coût pendant des années de ne pas assumer aujourd’hui les conséquences de leur choix. La libre administration des collectivités locales, à laquelle les centristes sont très attachés, implique une responsabilité qui n’a pas à être reportée sur l’État au moindre coup de vent. C’est pourquoi nous avions souhaité la suppression de cette garantie sur les prêts dits toxiques consentis, j’appuie bien sur le mot « consentis », par les collectivités territoriales.

D’ailleurs, cette garantie n’aura aucun contenu les dix premières années puisque l’autre garantie la couvre. Elle ne commencera à jouer qu’au-delà de 2021, et uniquement pour la partie des 10 milliards qui n’aurait pas été remboursée d’ici là, soit peut-être le tiers. Cette garantie est théorique et, certainement, elle n’ira pas très loin, à supposer qu’il y ait un certain nombre de contentieux gagnés par les collectivités territoriales.

Comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre a de réelles et fortes inquiétudes concernant ce texte, inquiétudes qui appelleront une surveillance attentive, mais le choix de recréer un Crédit local de France est une avancée significative que nous soutenons, et c’est dans cet esprit, conscients de notre responsabilité mais sûrs de notre vigilance, que nous voterons ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je me félicite tout d’abord de l’accord auquel est parvenue la CMP. Je le répète ici : cet accord ne consiste pas tant à régler les questions du passé qu’à ouvrir la voie à une transition et à mettre en place un joint venture entre la Caisse des dépôts, à hauteur de 35 %, et la Banque postale, à hauteur de 65 %, dans un nouvel établissement. Comme je l’ai dit dès le premier jour, la vertu de la crise, c’est qu’avec la faillite du système bancaire, en l’occurrence du prêt aux collectivités, on assiste au retour de la banque publique.

J’ai rappelé certaines dates funestes. En 1987, M. Balladur étant ministre de l’économie et des finances, c’est la fin de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales. En 1996, encore sous M. Balladur, cette fois Premier ministre, c’est la création du nouvel établissement. J’ai rappelé aussi que les responsabilités dans les dérives du système étaient collectives. Ce texte est une manière de revenir au système originel.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister, c’est que toutes nos inquiétudes ne sont pas dissipées après la CMP.

Pour ma part, je suis en désaccord avec Charles-Amédée de Courson sur la question de la deuxième garantie, pas celle sur les plus de 90 milliards, dont 35 % seront pris en charge, mais la garantie prévue au II de l’article 4, accordée pour un encours d’actifs de 10 milliards. Je rappelle qu’il s’agit de prêts réputés peu sûrs et que la contre-garantie de l’État est apportée jusqu’à 70 %, avec une franchise de 500 millions. Quand M. de Courson demande que les collectivités soient sanctionnées, il oublie que le système mis en place n’est pas, pour le moins, un appel à ne pas payer. En tant que représentant de l’Assemblée à la Caisse des dépôts avec Michel Bouvard et Arlette Grosskost, je suis bien placé pour souligner que nous devons être protecteurs de ses intérêts patrimoniaux.

M. Charles de Courson. Conflit d’intérêts ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Balligand. Étant donné le risque qui existe sur les 10 milliards, il est pratiquement sûr qu’on ira au-delà de la garantie décennale prévue dans le texte, à savoir au-delà de 2021. C’est pourquoi nous avons demandé à M. le ministre de s’assurer, et cela vaudra pour ses successeurs, qu’au plus tard en 2020, on regardera ce qu’il convient de faire pour ne pas mettre en péril cet établissement public. Je n’ai pas la mémoire courte, et je me souviens que M. Balladur et un grand nombre de libéraux ici encore représentés avaient voulu le privatiser.

M. Alain Claeys. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Balligand. Je rappelle que la Caisse des dépôts a des vertus ; elle l’a montré en 2008 quand l’État a fait des avances aux banques, avances qui ont été remboursées, et elle le montre à nouveau aujourd’hui. Le discours du tout libéralisme échevelé a un peu disparu parce que nous sommes passés à une autre époque.

Je voudrais finir, monsieur le ministre, mes chers collègues, en appelant votre attention sur deux points.

Premièrement, je le dis avec solennité parce que nous devrons faire attention à cela dans la période à venir : les banques ont prêté aux collectivités pendant longtemps à des taux beaucoup trop bas…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est bien fini !

M. Jean-Pierre Balligand. …parce qu’elles voulaient des parts de marché et les garder. J’ai prévenu Christian Eckert que je modérerai ce qu’il a dit à ce sujet, mais j’ai beau être président de l’institut de la décentralisation avec Michel Piron, je me dois de dire la vérité. Cette compétition interbancaire a d’ailleurs amené les banquiers à inventer de nouveaux produits assez dangereux parce qu’ils ne gagnaient pas d’argent les premières années. Quand vous prêtez à 0,75 %, à 1,25 % ou à 1,22 % aux collectivités pendant des années, vous ne pouvez pas gagner d’argent. Il faut faire attention à éviter un dispositif qui inciterait les banques à inventer des produits hyperdangereux, qui reviendraient aux intéressés en boomerang comme on s’en aperçoit aujourd’hui avec un certain nombre de produits structurés.

Deuxièmement, il faut faire très attention dans la période à venir au modèle économique bancaire que nous voulons, et cela vaut pour le gouvernement d’aujourd’hui comme pour un autre gouvernement demain. L’idée de Dexia d’aller se financer au jour le jour sur les marchés a été une erreur. Il faut revenir au principe de la banque domestique : récolter des dépôts et les transformer en prêts, certes en gagnant de l’argent parce qu’il faut en gagner quand on est banquier,…

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand. …mais de manière raisonnable et en prenant bien entendu en charge les risques par des provisions. C’est essentiel. Le dispositif en cause, issu d’un modèle ultralibéral, ne vient pas des Belges. On les accuse ; mais eux, avaient un adossement à une banque de dépôts qui s’appelaient le Crédit communal de Belgique. C’est en France que le dispositif consistait à se financer au jour le jour sur les marchés. Quand la conjoncture était bonne, on avait bien entendu l’argent pour presque rien ; mais quand elle s’est inversée, ce modèle économique est apparu terrifiant, et il a abouti à la catastrophe que nous sommes en train d’essayer de juguler. À cet effet, nous inventons un dispositif transitoire – payer les dettes du passé, et ce sera à la charge de l’ensemble de la collectivité nationale – et un nouveau véhicule liant la Banque postale et la Caisse des dépôts.

Voilà ce que nous devons garder en mémoire pour éclairer l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Très bien, monsieur Balligand !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je vous demande très officiellement de bien vouloir me communiquer le rapport de l’Autorité de contrôle prudentielle, selon bien entendu la procédure idoine. Ce rapport existe. Certaines de ses conclusions, dont j’ignore si elles sont avérées ou pas, ont été publiées dans la presse, et je crois normal que le Parlement, via la présidence de la commission des finances, soit informé de leur teneur en totalité.

M. Patrick Lemasle. On va apprendre des choses !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. En effet, s’il s’avérait exact que la recapitalisation de 2008, un milliard de la part de l’État et deux milliards de la part de la caisse des dépôts, soit trois milliards d’euros tout de même, était inutile…

M. Patrick Lemasle. Ce serait scandaleux !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. …et que les sommes ainsi mobilisées, à partir de fonds publics, n’avaient pas été utilisées par les dirigeants de l’époque pour recapitaliser mais pour octroyer des prêts aux actionnaires de Dexia crédit local, il faudrait nous interroger, mes chers collègues, sur les responsabilités des uns et des autres dans cette opération.

M. Jean-Pierre Balligand. Il faudrait en ce cas créer une commission d’enquête !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Elle a tout de même engagé des montants d’argent public conséquents.

Je complète mon propos en me réjouissant qu’en commission mixte paritaire, nous ayons abouti à un accord grâce à un amendement voté à l’initiative de la nouvelle majorité sénatoriale. Après avoir été modifié à la demande de Gilles Carrez, il a été accepté à l’unanimité par la commission mixte paritaire, ce dont je me réjouis également.

M. Jean-Pierre Balligand. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. J’indique à M. le président de la commission des finances que je lui transmettrai bien évidemment le rapport. Je lui rappelle que le document est également disponible auprès du gouverneur de la Banque de France. Son contenu est couvert par le secret professionnel,…

M. Roland Muzeau. Nous sommes des parlementaires !

M. Henri Emmanuelli. Non, il n’est pas couvert par le secret professionnel ! Ce n’est pas un document fiscal !

M. François Baroin, ministre. …mais en votre qualité de président de la commission des finances, vous aurez accès au rapport tout en étant, vous le savez, vous-même lié.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (nos 3790, 3869, 3865).

La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, cher Pierre Méhaignerie, mesdames et messieurs les rapporteurs, cher Yves Bur, monsieur le ministre, cher Xavier Bertrand, madame la ministre, chère Roselyne Bachelot, mesdames et messieurs les députés, la crise que nous traversons est une crise de confiance.

La seule manière d’y répondre, c’est de faire un choix collectif, celui du désendettement. C’est de dire une fois pour toutes que le déficit permanent appartient au passé.

M. Jean Mallot. C’est loupé !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Depuis 2010, avec le soutien de la majorité, le Gouvernement agit pour redresser nos finances publiques profondément marquées par la crise et par trente années de laxisme budgétaire.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale le prouve : avec deux ans d’avance sur nos objectifs de réduction des déficits sociaux, monsieur Mallot, c’est le budget du rétablissement en marche.

M. Michel Issindou. Vous ne manquez pas d’air !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il est des moments dans l’histoire d’une nation où chacun doit se hausser à la hauteur des circonstances.

M. Guy Lefrand. Certains vont avoir du mal !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous vivons l’un de ces moments.

Ne vous y trompez pas, mesdames et messieurs de l’opposition : en multipliant les promesses non financées, en vous obstinant à nier la nécessité des efforts, c’est la France que vous fragilisez.

Voilà plus de trente ans que notre sécurité sociale va de plan de sauvetage en plan de redressement. Depuis la fin des années 1970, des hommes et des femmes, de droite comme de gauche, se sont succédés à cette tribune pour nous dire : cela ne peut plus durer. Écoutez ces grandes voix, mesdames et messieurs de l’opposition. Ce sont celles de Simone Veil et de Jacques Delors…

M. Michel Issindou. Belles références !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …ce sont celles de Michel Rocard et d’Alain Juppé.

Avec la CSG, avec la création de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, ils ont chacun à leur tour planté des jalons sur le chemin qui conduit à l’équilibre. Chaque fois, il y eut des majorités, malheureusement, pour céder à la facilité et revenir en arrière.

M. Jean Mallot. Vous avez combattu la CSG et il a fallu recourir à l’article 49-3 pour l’adopter !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement, pour sa part, est déterminé à aller jusqu’au bout. Alors, dans l’intérêt de la France, rejoignez-nous sur le chemin de la réduction des déficits !

Vous avez manqué le rendez-vous des retraites, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Eh bien non, justement ! Vous verrez le 7 mai !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous avez manqué le rendez-vous de la règle d’or. Ne manquez pas le rendez-vous du rétablissement, il est crucial.

Le retour à l’équilibre n’est ni de droite ni de gauche, il est d’intérêt national, tout simplement. Le temps est venu de le comprendre. Mesdames et messieurs de l’opposition, chacun sait – et vous les premiers, j’en suis sûre – que votre programme est marqué du sceau d’une démagogie insoutenable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Multiplier les dépenses ou se payer le luxe de revenir sur la réforme des retraites, le tout sans aucune piste de financement, ce n’est pas à la hauteur des enjeux, des circonstances.

C’est pourquoi le Gouvernement, lui, tient le cap du retour à l’équilibre. Nos objectifs et notre calendrier sont très clairs. En 2012, nous ramènerons notre déficit public à 4,5 % de la richesse nationale, puis à 3 % en 2013 et à 2 % en 2014.

M. Michel Issindou. C’est vous qui le dites !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quelles que soient les évolutions de la conjoncture économique, nous tiendrons nos engagements.

Nous avons aujourd’hui une responsabilité historique. C’est pourquoi notre stratégie est intangible : réforme après réforme, nous maîtrisons nos dépenses publiques comme elles ne l’ont jamais été, afin de tirer un trait définitif sur la culture des déficits. L’heure n’est plus aux demi-mesures éphémères ou à la vertu sans lendemain. L’heure est au courage, à la constance et aux efforts d’intérêt national.

M. Michel Vergnier. Depuis combien de temps êtes-vous là ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour la troisième année consécutive, l’ONDAM, qui n’était jusqu’alors qu’un vœu pieux, sera scrupuleusement tenu en 2012. Cet objectif nous oblige ; une fois encore, nous le respecterons.

Depuis 1945, grâce au Général de Gaulle…

M. Michel Vergnier. Tout va y passer !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …– même François Hollande le cite, monsieur Vergnier ! – avec l’appui de toutes les forces politiques de ce pays, nous avons fait le choix de la solidarité. Pierre après pierre, nous avons construit notre sécurité sociale.

Ce choix n’est pas un blanc-seing pour toujours plus de dépenses. Rester fidèle à l’esprit de 1945, c’est préserver cet héritage, c’est maîtriser nos dépenses pour rompre avec le déficit permanent, c’est faire des économies pour protéger notre modèle social et le transmettre aux générations futures, tout simplement.

M. Michel Issindou. Cela fait dix ans que vous auriez dû le faire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous savons que la hausse incontrôlée des dépenses n’est pas une fatalité. C’est pourquoi nous avons conduit une à une les réformes qui nous permettent de faire des économies sans affaiblir nos filets de protection.

Je pense bien entendu à la réforme des retraites, qui se traduit dès 2012 par 5,5 milliards d’euros d’économies pour l’ensemble des régimes.

M. Jean-Marc Roubaud. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette réforme, l’opposition prétend aujourd’hui la remettre en cause.

M. Jean-Marc Roubaud. Ils ne le feront pas !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Croyez-vous vraiment que la France ait les moyens de supporter une telle charge ?

Si cette année encore nous respectons l’ONDAM, nous le devons à la réforme de l’assurance maladie. La modernisation de la gouvernance des hôpitaux, portée par Roselyne Bachelot puis par Xavier Bertrand, vous l’avez pourtant combattue, mesdames et messieurs de l’opposition, tout comme la coordination renforcée des soins avec les agences régionales de santé.

M. Jean Mallot. Quand on voit le résultat, on n’a pas de regrets ! La loi HPST pour économiser !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Toutes ces réformes nous permettent pourtant d’économiser plus de 2 milliards d’euros par an. Je vous le dis, mesdames et messieurs : vous ne reviendrez jamais en arrière !

Monsieur Mallot, nos hôpitaux réduisent actuellement leurs déficits et c’est une bonne nouvelle. Le déficit de l’hôpital public est passé de 475 millions d’euros en 2007 à 185 millions en 2010.

M. Jean Mallot. C’est le prix du gel budgétaire !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Un peu partout en France, à Brest, à Reims ou à Toulouse, des centres hospitalo-universitaires retrouvent l’équilibre. Allez-vous vraiment dire aux Français que votre projet est de les laisser dans le rouge ?

Vous ne pourriez pas vous le permettre car revenir en arrière ce serait aussi faire régresser la qualité des soins qui est au cœur des contrats que nous passons avec les hôpitaux ou avec les médecins généralistes. Un seul exemple : des centres hospitaliers mieux gérés, c’est aussi moins de temps d’attente aux urgences et moins d’opérations déprogrammées faute de lits disponibles.

Alors, ne comptez pas sur nous pour changer de direction.

M. Michel Vergnier. Ça !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En 2012, nous continuerons à agir sur les dépenses, avec un ONDAM fixé à 2,8 %. Pour atteindre cet objectif, nous ferons les 2,2 milliards d’euros d’économies nécessaires, en suivant une stratégie qui a été jugée crédible par le comité d’alerte.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nos efforts porteront en priorité sur les produits de santé et sur l’amélioration du fonctionnement de notre système de soins. L’action que nous menons sur les médicaments est essentielle et Xavier Bertrand y reviendra dans un instant.

Ces efforts passent aussi par l’harmonisation des modalités de calcul des indemnités journalières.

M. Jean Mallot. Tiens donc !

Mme Valérie Pécresse, ministre. D’une branche à l’autre, leur base varie. Nous vous proposons de retenir, une fois pour toutes, le salaire net qui est la référence naturelle de tous les salariés et qui est déjà la référence pour les indemnités journalières de maternité, sans que personne ne s’en soit jamais offusqué.

Nous aurons l’occasion d’en débattre mais je tenais d’ores et déjà à vous le préciser : les effets de cette mesure sont globalement neutres sur les indemnités journalières pour les accidents du travail.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. Très bien !

M. Michel Vergnier. Sauf que les indemnités sont taxées !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Les 220 millions d’euros d’économies entraînées par cette réforme s’imputent donc exclusivement sur les 6,6 milliards d’euros de dépenses d’arrêts maladie…

M. Jean Mallot. Moins 6 % pour les arrêts maladie !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …soit un effort de 3 %.

M. Jean Mallot. Pan sur les malades !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est un effort, en effet. Cependant, il pèsera à 70 % sur les entreprises, puisqu’il ne concernera ni les salariés bénéficiant d’un complément employeur, ni ceux couverts par un accord collectif de prévoyance ou par une convention collective.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, je sais que vous avez à cœur de protéger les salariés les plus fragiles, notamment ceux qui seraient victimes d’une longue maladie. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter ensemble.

M. Jean Mallot. Quand cela vient d’eux, c’est bien, mais pas quand cela vient de nous !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais parce que vous êtes caricaturaux, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Pas vous, bien sûr !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous ne dites pas que 77 % de l’effort réalisé sur les indemnités journalières est porté par les entreprises. Vous mentez aux Français sur cette mesure, sur le poids qui pèsera sur les entreprises. C’est pour cela que nous ne vous écoutons pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Il faudrait faire un contrôle antidopage à M. Mallot !

Mme la présidente. S’il vous plaît, seule Mme la ministre a la parole, merci de bien vouloir l’écouter.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nos économies sur les dépenses d’assurance maladie reposent à 90 %, sur l’industrie du médicament et sur le système de santé. Nous n’avons pas fait le choix d’augmenter le ticket modérateur ni celui de procéder à des déremboursements massifs.

Maîtriser les dépenses tout en renforçant la qualité des soins et les filets de protection sociale, c’est notre ligne et nous y resterons fidèles.

M. Michel Issindou. Tout va bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, je n’accepte pas l’utilisation qui est faite d’études plus ou moins fiables sur le renoncement aux soins. La réalité, c’est que les Français sont chaque année plus nombreux à être couverts par une complémentaire santé.

M. Jean Mallot. La réalité, c’est qu’ils renoncent à des soins !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le taux de couverture de la population était de 91,5 % en 2004 ; il est passé à 94 % en 2008. La réalité, c’est que le reste à charge est parmi les plus bas du monde et il continue à diminuer : il est passé de 9,7 % en 2008 à 9,4 % actuellement.

Alors, bien évidemment, cela ne saurait faire oublier que le renoncement aux soins existe bel et bien (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), mais il concerne des Français qui rencontrent des difficultés qui ne sont pas seulement celles qui sont liées au système de soins, des difficultés sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton. On vous le dit depuis des années !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces situations de fragilité et d’exclusion sociale méritent d’être traitées à part entière mais sans simplisme et sans manichéisme.

La France demeure bel et bien l’un des seuls pays au monde, si ce n’est le seul, où chaque personne, quels que soient ses moyens ou son origine, recevra les soins les plus avancés, aussi coûteux soient-ils. C’est cela le modèle de santé français.

Mme Catherine Lemorton. C’est celui de vos rêves !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Alors, mesdames et messieurs de l’opposition, cessez d’opposer maîtrise des dépenses et accès aux soins. C’est absurde et ce budget de la sécurité sociale le prouve une fois encore car nous allons réduire le déficit tout en renforçant l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, que nous avons créée en 2005 et que nous n’avons cessé d’étendre depuis lors. Nous vous proposerons de relever le plafond de ressources pour en bénéficier. Xavier Bertrand y reviendra.

Mme Catherine Lemorton. Vous reconnaissez donc qu’il y a un problème !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’irai plus loin : la menace qui pèse sur notre protection sociale porte un nom et un seul : le déficit permanent. Défendre notre modèle social c’est donc d’abord redresser nos comptes sociaux et, au-delà, nos finances publiques.

M. Jean Mallot. Vous êtes là depuis dix ans !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous le savez, la progression de nos dépenses de santé, c’est 80 % de l’augmentation de la dépense publique. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de relâcher nos efforts.

Et je salue, mesdames et messieurs les députés, l’esprit de coresponsabilité exemplaire qui a prévalu tout au long de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Il nous a permis de réduire de 500 millions d’euros le déficit de l’État par rapport à l’objectif, grâce à l’appui de votre commission des finances.

Je suis certaine que ce même esprit présidera à nos débats, avec le soutien du président de votre commission des affaires sociales Pierre Méhaignerie, et de son rapporteur, Yves Bur, et de tous les rapporteurs, dont les propositions nous permettront de poursuivre nos efforts d’économie – je pense notamment aux médicaments génériques.

D’abord la maîtrise des dépenses. ensuite seulement des recettes complémentaires ciblées : c’est notre stratégie depuis trois ans et c’est la condition sine qua non d’un redressement durable des comptes sociaux.

Les recettes annoncées par le Premier ministre, le 24 août, viennent donc s’ajouter, et non se substituer, à notre effort sur la dépense. Elles représentent 6 milliards d’euros supplémentaires pour la sécurité sociale. En septembre, vous avez déjà adopté la première moitié de cet effort. La seconde moitié figure dans les textes financiers qui vous sont à présent soumis. L’ensemble de ces mesures témoigne de notre constance dans nos choix. Nous sommes en effet restés fidèles à trois principes.

Premier principe : nous avons donné la priorité à la réduction des niches fiscales et sociales injustifiées, pour un total de 4 milliards d’euros environ. Nous l’avons fait en préservant les dispositifs qui soutiennent la croissance et l’emploi. Je le dis à l’opposition, qui prétend supprimer 50 milliards d’euros de niches : dans ce domaine comme dans les autres, l’heure est au sérieux. Chaque jour, vous l’annoncez à grand bruit : bientôt, très bientôt, vous allez publier la liste des avantages fiscaux et sociaux que vous voulez rayer d’un trait de plume. Il y en aurait pour des dizaines de milliards d’euros. Mais, pour l’instant, nous n’avons rien vu venir.

M. Michel Issindou. Le mieux, c’est d’équilibrer les comptes, quand on est aux responsabilités !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La vérité, c’est que vous ne financerez pas des dizaines de milliards d’euros de dépenses supplémentaires à coup de niches. Sauf si bien sûr vous remettez en cause celles qui coûtent le plus cher : les emplois à domicile, les abattements sur les retraites, ou bien encore les avantages fiscaux pour les adultes handicapés, les avantages sociaux des apprentis, la prime pour l’emploi.

M. Jean Mallot. J’aime beaucoup quand vous parlez de nous au futur !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce sont des avantages fiscaux et sociaux pour les Français les plus fragiles. Si c’est à ces niches que vous voulez vous attaquer, dites-le clairement et dites-le vite, que les Français le sachent ! Le prix pour eux serait socialement insupportable.

Mme Catherine Lemorton. La TVA sur la restauration !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement, pour sa part, continuera à réduire les avantages sociaux et fiscaux injustifiés.

M. Roland Muzeau. « Injustifiés » ! Il y en a ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Une à une, nous confortons les sources de financement de notre protection sociale. Je pense aux cotisations dans les industries gazières et électriques, à la C3S sur les banques, au forfait social et, bien sûr, aux exonérations de CSG.

Cette même CSG, je sais que vous voulez la fondre dans l’impôt sur le revenu…

M. Christian Paul. C’est vrai !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …pour en faire un monstre fiscal, un monstre qui s’accommoderait, semble-t-il mal du quotient familial. Un monstre qui, vous le dites vous-même, se traduirait par une hausse de la pression fiscale et de la progressivité. Un monstre fiscal qui s’attaquerait à la fois aux familles et aux classes moyennes.

Le Gouvernement, lui, défend une CSG autonome et entièrement destinée au financement de la protection sociale : parce que c’est un impôt moderne, un impôt universel qui offre à notre sécurité sociale une assise indépendante, solide et sûre. Et c’est pourquoi nous vous proposons d’élargir sa base, en revoyant le régime de l’abattement pour frais professionnels, qui sera à la fois recentré et concentré sur les revenus salariaux.

M. Jean Mallot. Voilà, vous l’augmentez !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce PLFSS prévoit également d’appliquer la CSG à tous les revenus de remplacement. Là encore, c’est une question de cohérence. Pourquoi les allocations chômage ou les indemnités journalières seraient-elles concernées et pas le complément de libre choix d’activité ? Je vous le dis, le complément libre choix d’activité est et restera exonéré de l’impôt sur le revenu. Vous le savez, je suis une ardente defenseure de la politique familiale, depuis l’origine, y compris ici même comme rapporteure de la mission d’information sur la famille. Et je me suis toujours battue en faveur du congé parental et du CLCA. Mais comme tous ceux qui aiment et qui défendent véritablement la politique familiale, je n’accepte pas de voir s’aggraver, année après année, les déséquilibres de la branche famille. Léguer à nos enfants une dette alimentée par la branche famille, c’est absurde. Cette contradiction, un jour ou l’autre, nous devrons y mettre un terme en toute responsabilité.

M. Michel Vergnier. Il y a dix ans que vous êtes là !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Notre deuxième principe, mesdames et messieurs les députés, c’est le recours à des prélèvements ciblés dans un esprit d’équité.

Depuis le début de la crise, nous demandons plus aux foyers les plus aisés, avec pas moins de vingt-cinq mesures concentrées sur les plus hauts revenus. Cette exigence de justice est également au cœur des décisions prises le 24 août par le Gouvernement, avec l’augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ou encore la refonte du régime des plus-values immobilières. Toutes ces mesures permettront également de rééquilibrer les contributions respectives des revenus du patrimoine et du travail au financement de notre protection sociale.

Notre conviction est simple : notre système social est fondé sur la solidarité et cette solidarité implique que tous les revenus, sans exception, contribuent à le financer équitablement.

Depuis 2007, nous avons eu, à de multiples reprises, l’occasion de joindre les actes à la parole : la création du forfait social en est un excellent exemple. Au total, rien qu’en 2011 et 2012, réforme de l’ISF comprise, ce sont 1,9 milliard d’euros d’efforts supplémentaires que nous demandons aux plus aisés.

Enfin, troisième principe, nous avançons sur un terrain un peu nouveau, celui de la fiscalité comportementale. Cela a suscité des réactions, de l’étonnement et parfois des caricatures. Je veux donc le dire ici très clairement : à mes yeux, la fiscalité comportementale est une avancée décisive dans un monde où nous voulons faire de la prévention en santé une vraie priorité. Prévenir, c’est modifier les comportements. C’est informer, sensibiliser, convaincre et, parfois, interdire. Et c’est aussi utiliser l’outil fiscal pour inciter ou dissuader. Les hausses régulières des prix du tabac l’ont prouvé, c’est une arme efficace. Nous devons continuer sur cette voie, pour lutter contre le tabagisme, l’alcoolisme et l’obésité, qui sont des facteurs de risque majeurs.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mesdames et messieurs les députés, marque également une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude engagée par le Gouvernement.

M. Guy Lefrand. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Plus que jamais, en cette période de crise, il n’est pas acceptable que l’on puisse tirer profit de la solidarité républicaine. Détourner des prestations sociales, au moment où tous les Français contribuent à l’effort de réduction des déficits, c’est tout simplement intolérable. Et le Gouvernement ne le tolérera pas. C’est pourquoi nous avons proposé de mieux armer encore nos services de contrôle, en leur permettant d’échanger et de mettre en commun toutes les informations qui leur permettront d’identifier les fraudeurs. Détecter et réprimer toutes les fraudes, qu’elles soient organisées par des réseaux ou par des individus, c’est notre objectif. Et nous l’atteindrons !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est pourquoi nous avons mis en place la Délégation nationale à la lutte contre les fraudes, qui pilote le réseau territorial des comités opérationnels anti-fraude. Et les résultats sont là : le nombre de fraudes détectées en matière sociale a augmenté de 40 % entre 2007 et aujourd’hui, passant de 329 millions à 458 millions d’euros. Je sais, mesdames, messieurs les députés de la majorité, que certains d’entre vous veulent aller plus loin, en prévoyant, par exemple, une suspension immédiate des prestations en cas d’utilisation de faux papiers ou de refus de contrôle. Le Gouvernement soutiendra vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Parce qu’il est temps d’en finir avec la culture de l’excuse. Le fraudeur n’est pas une victime. Il abuse du système. La fraude sociale et fiscale mine le pacte républicain. Elle fragilise notre protection sociale. Elle nourrit le ressentiment et les extrémismes. C’est pourquoi nous continuerons à la combattre sans relâche. C’est une question de principe.

Cette politique de maîtrise des dépenses, conjuguée à des recettes ciblées, produit tous ses résultats, avec un déficit du régime général divisé par deux entre 2010 et 2012.

La loi de programmation des finances publiques fixait un objectif de réduction du déficit du régime général à 16 milliards d’euros à l’horizon 2014. Eh bien ! cet objectif, nous serons en mesure de l’atteindre et de le dépasser dès 2012, avec un déficit du régime général ramené à 13,9 milliards d’euros,…

M. Jean Mallot. Et vous êtes contente avec ça ! On était à l’équilibre en 2001-2002 !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …soit une baisse de 40 %. Le déficit de l’assurance maladie, quant à lui, sera légèrement inférieur à 6 milliards d’euros alors qu’il était de près de 12 milliards d’euros en 2010. Il a été divisé par deux. La constance et le courage paient.

M. Jean Mallot. Les Français payent !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et c’est une excellente nouvelle ! Car, à vous entendre, mesdames et messieurs de l’opposition, pour protéger mieux, il faudrait dépenser plus. Ce n’est pas notre politique. Nous vous laissons, monsieur Mallot, la politique du « zéro réforme, zéro économie », parce que c’est elle qui abîmera notre modèle social. Trop longtemps, vous avez préféré faire du déficit plutôt que des réformes. Je pense aux retraites, ce sujet que vous avez toujours évité. Eh bien, ces réformes, nous avons eu le courage de les mener à bien. Le résultat, c’est que l’équilibre de l’assurance-maladie est aujourd’hui à portée de la main et atteignable en 2015. Mais pour cela, il faudra continuer à agir de la seule manière responsable qui soit, c’est-à-dire en maîtrisant les dépenses.

Mme Catherine Lemorton. Et empêcher les français de se soigner !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est la seule stratégie crédible pour redresser durablement nos comptes. L’heure est venue pour vous de le comprendre.

Ouvrez les yeux, mesdames et messieurs de l’opposition, regardez l’Espagne, où José Luis Zapatero est aujourd’hui contraint de fermer des blocs opératoires pendant des heures, de mettre des hôpitaux au chômage partiel ou de remettre en cause la politique familiale d’un pays pourtant vieillissant. Regardez l’Italie ou le Royaume-Uni, contraints à des coupes sombres. Ne voyez-vous pas qu’il est temps de s’unir pour agir ? Car, en France, nous ne diminuons ni les retraites ni les salaires des fonctionnaires, nous ne baissons aucune prestation sociale, je dis bien aucune. Parce que le Gouvernement a su prendre les bonnes décisions, celles-là même que vous critiquez, notamment la réforme des retraites. Ne voyez-vous pas qu’aujourd’hui, c’est notre politique qui protège les Français ?

M. Jean Mallot. Ça crève les yeux ! (Sourires.)

Mme Catherine Lemorton. Ils vous le rendent bien lors des élections !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Alors, je vous le dis, mesdames et messieurs de l’opposition, si vous faites l’impasse sur la réalité, la réalité vous rattrapera, elle se rappellera brutalement à vous. L’heure de vérité a sonné pour notre modèle social. Ou bien nous adoptons la seule attitude responsable, en maîtrisant les dépenses pour le préserver ; ou bien vous persistez dans ce déni, que vous qualifiez de rêve. Mais ce n’est pas du rêve, c’est la solidarité qui sera la première victime de votre inconséquence, comme elle l’est est dans tant de pays.

M. Christian Paul. Revenez donc à notre sujet.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames et messieurs les députés, aujourd’hui, nous avons tous un choix à faire. Dans ce PLFSS, nous devons choisir entre la lucidité ou l’aveuglement ; nous devons choisir entre le redressement ou le renoncement.

M. Jean Mallot. L’ombre et la lumière, le blanc et le noir !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement ne changera pas de cap. La bataille de la crédibilité, nous la livrerons jusqu’au bout. Car elle touche au socle de notre modèle social, de notre souveraineté. Alors, nos engagements, nous les tiendrons, quoi qu’il arrive et quelles que soient les évolutions de la situation économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 s’inscrit dans un contexte très contraint pour nos finances publiques, chacun le sait. Certains le reconnaissent, d’autres s’évertuent à le nier. Mais c’est bien la réalité.

Dans ce contexte, le PLFSS a un double objectif : la maîtrise responsable des dépenses, parce que c’est indispensable pour préserver la pérennité de notre système de protection sociale, mais, dans le même temps, un haut niveau de prise en charge, parce que c’est la solidarité qui est le fondement de notre système.

Responsabilité et solidarité : les mesures prévues pour les branches dont j’ai la charge nous permettent de mettre en œuvre, même si ce n’est pas facile, ces deux objectifs.

Cela concerne d’abord notre système de santé et l’assurance maladie. La maîtrise des dépenses est une des priorités du Gouvernement. Voilà pourquoi le respect de l’ONDAM est plus que jamais un impératif. Je le dis d’autant plus que certaines idées de réduction des dépenses circulent. Nous ne pouvons pas nous affranchir de ce principe de respect de l’ONDAM. La croissance de l’ONDAM a été fixée à 2,8 %, je sais que certains voudraient que ce soit davantage – je l’entends souvent. Mais je préfère être ministre de la santé d’un pays où l’on demande des efforts avec un ONDAM en progression de 2,8 %

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre …plutôt qu’être un jour ministre de la santé d’un pays, où ce ne sont plus des efforts, que l’on demanderait, mais des sacrifices avec un ONDAM en diminution. Cela, nous le voyons sur le même continent que nous : en Grèce, au Portugal, en Espagne. Nous n’en voulons pas dans notre pays.

La croissance de l’ONDAM fixée à 2,8 %, cela représente 4 milliards d’euros dépensés en plus dans le système de santé, mais, dans le même temps, aussi 2,2 milliards d’euros d’économies par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses.

La maîtrise des dépenses nécessite donc un effort de l’ensemble des acteurs du système de soins et en premier lieu – je l’assume – de l’industrie pharmaceutique. Je l’ai dit souvent, il y a trop de médicament en France, nous en consommons trop et nous les payons pour beaucoup d’entre eux trop cher. La contribution de l’industrie des produits de santé sera renforcée pour 2012 à hauteur de 960 millions d’euros. Outre le relèvement de certains prélèvements, nous allons accroître les baisses de prix à hauteur de 670 millions d’euros et favoriser la substitution des génériques pour 40 millions d’euros, même si je sais que l’on abordera encore la question des génériques dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Deuxième acteur, les établissements de santé : des efforts d’efficience permettront d’économiser 450 millions d’euros, notamment par la rationalisation des achats hospitaliers – dont le total représente 18 milliards d’euros – et pour 145 millions d’euros par des efforts de mutualisation et d’optimisation.

La convergence tarifaire ciblée se poursuivra pour la troisième année consécutive pour un montant de 100 millions d’euros. Certains diront que c’est trop, d’autres nous reprocheront de ne pas aller assez loin. Pour ma part, je pense que c’est un effort et une marge équilibrés.

Par ailleurs, le PLFSS pour 2012 instaure un mécanisme d’incitation à la performance dans les fameux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens sur la base de certains indicateurs de performance – et là, chacun s’y reconnaît – comme le taux d’occupation des salles d’intervention, des salles de scanners ou d’IRM et le taux de chirurgie ambulatoire.

Enfin, une mesure d’économie. Je sais que certains ne la souhaitent pas, mais augmenter les prélèvements est beaucoup plus facile que réduire les dépenses. Nous avons une mesure d’économie qui porte sur les indemnités journalières maladie. Elle est prévue dans la construction de l’ONDAM 2012.

M. Jean Mallot. On n’y est pas encore.

M. Xavier Bertrand, ministre. Le texte harmonise les méthodes de calcul des indemnités journalières – les IJ – de toutes les branches, en partant systématiquement du salaire net. Cela simplifiera le travail des caisses et des entreprises. Cela prépare aussi la déclaration sociale nominative – la DSN.

Vu la dynamique des dépenses des indemnités journalières maladie, en hausse de +3,8 % en valeur en 2010, nous demandons une économie d’environ 220 millions d’euros sur un montant total de 6,6 milliards d’euros. C’est une mesure d’économie, je l’assume.

En outre, depuis 1970, le rapport entre les indemnités journalières nettes et le salaire net a fortement augmenté, même si on aurait dû rééquilibrer au fur et à mesure. Le jour où on le fait, c’est difficile, j’en ai bien conscience. Mais si nous n’intervenons pas sur les dépenses, nous ne pouvons pas réaliser un ONDAM à 2,8 %.

Je veux le dire clairement : cette mesure sera neutre pour les indemnités journalières maternité et AT-MP, pour l’ensemble des salariés bénéficiant d’un complément employeur ou d’une convention collective ou d’un accord collectif de prévoyance.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Et les autres ?

M. Roland Muzeau. Oui, et les autres ?

M. Xavier Bertrand, ministre. J’entends bien les réticences de certains, Yves Bur et le président Méhaignerie notamment. La commission des affaires sociales a fait un travail que je tiens à saluer pour trouver d’autres sources d’économies, mais qui, de mon point de vue, ne sont pas de nature à garantir un ONDAM à 2,8 %. Je ne veux pas engager le débat dès maintenant, mais je suis prêt à le faire plus tard. Nous en discuterons, mais, je le répète, il est toujours plus facile d’augmenter les prélèvements que de réduire les dépenses. Or nous devons aussi réduire les dépenses.

M. Dominique Tian. Absolument.

M. Xavier Bertrand, ministre. L’ensemble de ces mesures permettra d’améliorer considérablement le solde de la branche maladie du régime général. Le déficit s’élèvera à 5,9 milliards d’euros fin 2012, contre 12 milliards d’euros en tendanciel, donc moitié moins. Quand on commence à revenir vers l’équilibre et que l’on franchit la barre symbolique des 6 milliards d’euros, c’est notre système de santé, de protection sociale, d’assurance maladie qui se porte mieux : c’est une bonne nouvelle pour tout le monde.

Ainsi, nous parvenons à maîtriser les dépenses de santé, et cela tout en maintenant un haut niveau de prise en charge. Le reste à charge des ménages a diminué en 2010 pour la troisième année consécutive et représente 9,4 % de la consommation de soins et de biens médicaux. Au sein des pays de l’OCDE, la France se trouve ainsi à la deuxième place derrière les Pays-Bas.

En outre, pour répondre structurellement à la question des dépassements d’honoraires, qui, j’en suis conscient, peuvent entraîner des retards dans les soins, voire des renoncements aux soins,…

M. Michel Issindou. Voilà qui est dit !

M. Xavier Bertrand, ministre. … j’ai dit que j’étais très favorable à la prise en charge, dans les meilleurs délais, de ces dépassements pour les trois spécialités de chirurgie, d’anesthésie-réanimation et de gynécologie obstétrique. Plus précisément, sur les bases d’un accord intervenu entre les différentes parties prenantes, au moins 30 % de l’activité devrait se faire à tarif opposable ; les dépassements supérieurs à 50 % du tarif remboursable ne seraient pas pris en compte ; et il s’agit d’avoir un nombre d’acte suffisant pour garantir la qualité des soins.

En l’absence d’un accord avec l’UNOCAM – je le déplore profondément, mais il n’est pas trop tard – le Gouvernement prendra ses responsabilités et proposera au Parlement de mettre en place cette prise en charge par la loi, avec une prise en charge obligatoire du secteur optionnel dans les contrats responsables, à hauteur de 150 %.

Je proposerai que ce secteur optionnel soit ouvert au secteur 2, afin de prendre en charge les dépassements et de ne pas ouvrir de nouvelles possibilités de dépassement.

Mme Catherine Lemorton. On charge la barque de la mutualité.

M. Xavier Bertrand, ministre. J’aurais préféré un accord, mais il n’est pas trop tard. Pour l’instant, nous nous en tenons à notre proposition. Si un accord intervient, tant mieux. Si tel n’est pas le cas, nous aurons renforcé l’accès aux soins et la prise en charge des dépassements pour nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Très bien.

Mme Catherine Lemorton. Avec une augmentation des cotisations.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cette mesure sera accompagnée d’autres mesures de lutte contre les dépassements. L’assurance maladie va, à notre demande, lancer de nouveaux contrôles sur les professionnels ne respectant pas le tact et la mesure, en ville comme à l’hôpital. Nous y reviendrons pendant la discussion.

Le Conseil national de l’ordre des médecins que j’ai vu vendredi est prêt à nous suivre dans cette voie. Par ailleurs, le Gouvernement s’est déjà engagé, dans la loi de financement de la sécurité sociale 2011, à élargir la couverture pour les plus modestes, en augmentant le plafond de ressources ouvrant droit à l’aide complémentaire santé – l’ACS – à 30 % du plafond CMU-C au 1er janvier 2012 : cela permettra ainsi de passer de 532 000 bénéficiaires à 760 000 bénéficiaires. C’est encore insuffisant.

Le président de votre commission, Pierre Méhaignerie, a proposé de relever à nouveau ce plafond, à 35 % du plafond CMU-C cette fois, ce qui devrait porter le nombre de bénéficiaires à quasiment un million. Je salue cette initiative et je la soutiendrai – un amendement sera déposé – parce qu’elle va permettre d’élargir la couverture des plus modestes. Ceux qui ne sont pas assez riches pour se payer une bonne mutuelle, mais trop riches pour être pris en charge par la CMU-C, auront droit à l’aide complémentaire santé que nous avons mise en place depuis 2004.

M. Roland Muzeau. On fabrique des pauvres.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ainsi, comme vous le voyez, nous progressons sur la maîtrise des dépenses de santé. Cette exigence de responsabilité vaut également pour la branche vieillesse, dans la continuité de la réforme de 2010 portée par Éric Woerth.

Le Gouvernement confirme l’objectif de retour à l’équilibre de l’ensemble des régimes de la branche vieillesse à l’horizon de 2018.

Le déficit prévisionnel spontané, hors réforme des retraites, aurait été de 12 milliards d’euros en 2012. Il sera de 5,8 milliards d’euros en 2012, soit moitié moins, grâce d’une part à la réforme des retraites, notamment à la montée en charge des mesures d’âge, qui procurera 5,4 milliards d’euros de recettes et d’économies sur les dépenses ; grâce d’autre part aux mesures du 24 août dernier affectées à la CNAVTS à partir des recettes suivantes : la hausse de prix du tabac ; une part du passage du prélèvement social de 2,2 % à 3,4 % ; une part des prélèvements sociaux sur les plus values immobilières. Ainsi, aujourd’hui le déficit est divisé par deux.

La réforme des retraites est une réforme structurelle pour garantir la pérennité de notre système de protection sociale. Nous sommes près d’un an après la promulgation de la loi et près de quatre mois après son entrée en vigueur effective, le 1er juillet dernier.

M. Jean Mallot. Vous avez rallongé la durée de cotisations.

M. Xavier Bertrand, ministre. Plus des trois quarts des textes d’application ont été publiés à ce jour. Tout comme les discours démagogiques, monsieur Mallot, qui proviennent à 100 % de ce côté-ci de l’hémicycle.

M. Jean Mallot. De la droite aussi.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous, nous préférons avancer. Certes les Français peuvent estimer que nous les amenons à travailler plus longtemps, mais en tout état de cause, nous pouvons les regarder dans les yeux et leur dire que leurs pensions de retraites seront payées. Cela ne serait pas le cas si nous n’avions pas réformé les retraites. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Le report progressif des âges de liquidation est en cours. La réforme des retraites sera, par ailleurs, prolongée par des mesures du PLFSS 2012. La principale concerne l’amélioration du solde du régime des exploitants agricoles. Pour réduire ce déficit, le Gouvernement propose une action en deux volets : une reprise de dette par la CADES, sans allonger son calendrier d’amortissement, et l’affectation de recettes.

Quant à la branche AT-MP, elle reste à l’équilibre. Comme vous le savez, la branche accidents du travail et maladies professionnelles doit être structurellement équilibrée. Voilà pourquoi nous avons relevé le taux de cotisation de 0,1 % à partir de 2011.

Cette branche assure le financement des dépenses des fonds spécialisés pour l’indemnisation des victimes de l’amiante. Leur montant est reconduit à leur niveau des années précédentes.

Par ailleurs, cette branche contribue à la branche maladie au titre de la sous déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles. Cette dernière contribution sera légèrement revalorisée pour tenir compte du dernier rapport de la commission présidée par Noël Diricq.

Notre priorité est de renforcer la prévention des risques professionnels et d’agir sur la pénibilité, grâce au « fonds Méhaignerie », qu’il a eu l’idée de mettre en place pour la réparation et la prévention de la pénibilité.

M. Jean Mallot. De l’incapacité.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est un volet essentiel de la réforme des retraites. Nos efforts pour améliorer la santé au travail portent leurs fruits, la campagne concernant les troubles musculo-squelettiques en est un exemple.

Enfin pérenniser notre système de protection sociale, c’est aussi lutter contre la fraude aux prestations sociales comme l’a dit Valérie Pécresse.

Mme Catherine Lemorton. Une fois, ça suffit !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le sujet devrait pourtant nous rassembler. Il me semble que des parlementaires de droite et de gauche ont une vision commune en la matière et s’accordent à dire qu’il faut lutter en permanence contre la fraude.

M. Jean Mallot. Seulement si l’on s’en tient au rapport de la MECSS.

M. Xavier Bertrand, ministre. Des amendements ont été proposés à la suite du rapport de la MECSS sur la lutte contre les fraudes. Je tiens à saluer l’important travail de la mission et de son rapporteur, Dominique Tian. Je suis naturellement ouvert aux propositions issues de ce rapport, notamment en ce qui concerne la lutte contre le travail dissimulé.

Il s’agit de mesures simples et efficaces qui renforceront le pouvoir de contrôle des Urssaf, par exemple sur des fraudes massives. Il est normal que la lutte contre les fraudes s’intensifie à l’heure où l’on demande un effort à tous.

M. Philippe Vitel. Bien sûr.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est une exigence de justice et nous contribuons ainsi à renforcer l’efficience de notre système de protection sociale.

Je l’ai dit au cours de la séance des questions au Gouvernement, nous réserverons un avis favorable à de nombreux amendements.

M. Roland Muzeau. Même aux nôtres ?

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance vieillesse. Pourquoi pas, s’ils sont bons ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui, si vous voulez lutter efficacement contre la fraude, monsieur Muzeau. Nous sommes prêts à accompagner toutes celles et ceux qui considèrent que les fraudeurs sont des voleurs et qu’il convient de mettre un terme à la fraude sous toutes ces formes, quels que soient la situation et le statut du fraudeur.

M. Thierry Benoit. Très bien.

M. Roland Muzeau. Et les 15 milliards des entreprises, que M. Tian souligne dans son rapport ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous le voyez, avec ce PLFSS, nous préservons le caractère solidaire de notre système de protection sociale, tout en tenant compte des conséquences de la crise sur l’équilibre financier de la sécurité sociale. L’équilibre financier de la protection sociale n’est pas une fin en soi, mais la garantie que nous pourrons, dans les années qui viennent, conserver un modèle social garantissant la solidarité et l’accès au progrès. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je vous retrouve pour la cinquième année consécutive.

M. Christian Paul. Cinq années de perdu.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous pourrons enrichir nos débats sur les grandes orientations de notre système de protection sociale.

J’ai déjà eu l’occasion de présenter devant vous les principales mesures que le Gouvernement vous propose en ce qui concerne la politique familiale, mais aussi pour la prise en charge de nos concitoyens les plus fragiles : je veux parler bien sûr des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

M. Christian Paul. Où en est la loi sur la dépendance ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Aussi, je voudrais concentrer mon intervention sur les nombreux amendements qui ont été déposés sur ce texte afin de mieux expliquer les intentions du Gouvernement.

Pour commencer, je veux évoquer la situation de la branche famille. Je me suis déjà exprimée sur ma volonté de poursuivre le rétablissement de la trajectoire des comptes de cette branche – Valérie Pécresse a également insisté sur ce point – dont le solde accusera, à la fin de cette année, un déficit de 2,7 milliards d’euros.

Je souhaite d’ailleurs saluer l’attitude responsable des membres de cette Assemblée car je constate qu’aucun amendement ne propose de mesure nouvelle qui se financerait, alors, à crédit.

Nous assumons au contraire collectivement de renforcer la soutenabilité de notre politique familiale : le solde de la branche va ainsi s’améliorer de façon très nette dès l’année prochaine. Avec un solde de moins 2,3 milliards d’euros fin 2012, cette amélioration sera de plus de 400 millions d’euros.

Nous aurons bien évidemment un débat en ce qui concerne une des mesures phare qui participe à ce redressement : je veux parler de l’article 13 de ce PLFSS, qui prévoit d’assujettir le congé de libre choix d’activité – CLCA – à la CSG.

À première vue, cette mesure concentre les mécontentements, Pierre Méhaignerie me le confirmera, puisque votre commission souhaite sa suppression à l’unanimité.

Nous aurons l’occasion d’en discuter sur le fond mais, à la suite de Valérie Pécresse, je veux rappeler les raisons qui nous ont conduits à vous proposer cette piste plutôt qu’une autre.

De quoi s’agit-il en effet ? En premier lieu, il s’agit de poursuivre votre effort, celui du Parlement, de réduire les niches sociales qui fragilisent la pérennité de notre système de protection sociale.

Mais, plus fondamentalement, et vous pourrez en convenir avec moi, il nous a semblé peu cohérent d’appliquer un régime social différent au CLCA, qui s’apparente à un revenu de remplacement, par rapport aux allocations chômage ou aux indemnités journalières qui sont déjà assujetties à la CSG.

Alors, d’autres choix sont possibles, notamment en ce qui concerne les prestations familiales, du moment qu’ils permettent d’assurer le même gain à la branche famille.

Mais ne nous y trompons pas : ces pistes alternatives seront moins faciles à accepter par nos concitoyens, car elles présentent l’inconvénient de pénaliser les familles.

Je pense ainsi à la diminution des plafonds de ressources de la PAJE ou à la suppression du CLCA dont bénéficient actuellement les familles non éligibles à l’allocation de base de la PAJE, comme le proposent pour le flux des nouveaux bénéficiaires votre rapporteure Martine Pinville et Marie-Françoise Clergeau.

Nos débats concernant la branche famille ne se résumeront certainement pas aux seules conditions du retour à l’équilibre de la branche.

Les demandes de rapports parlementaires de Martine Pinville et de Cécile Dumoulin sur l’extension du bénéfice de la prime à l’installation aux assistantes maternelles exerçant en maison d’assistante maternelle d’une part, et, d’autre part, sur la modulation du contrat enfance jeunesse, témoignent du souci de votre Assemblée d’être sans cesse mieux informée pour mieux contrôler.

Elles ne correspondent néanmoins pas aux priorités du Gouvernement en matière de politique familiale.

Nous aurons également, je l’espère, l’occasion d’évoquer les mesures que le Gouvernement vous propose en faveur des familles vulnérables.

La première, à l’article 57, prévoit la création d’un plafond spécifique de ressources augmenté de 40 % pour les parents isolés, ce qui permettra aux familles monoparentales concernées de bénéficier du montant maximal du complément de mode de garde.

La seconde mesure, proposée à l’article 58, vise, quant à elle, à améliorer l’aide versée par les caisses d’allocation familiales en cas de versement partiel d’une pension alimentaire.

Je constate que ces deux mesures font consensus. Seul un amendement rédactionnel a été déposé par votre rapporteure Martine Pinville, et j’y donnerai bien évidemment un avis favorable.

M. Jean Mallot. Bravo !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous aurons également l’occasion de revenir, comme les années précédentes, sur certaines évolutions concernant le versement de prestations familiales au service de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE.

M. Préel et M. Leteurtre ont déposé plusieurs amendements qui visent à verser certaines de ces prestations directement au conseil général lorsqu’un enfant lui est confié par le juge. Autant vous le dire d’emblée, la position du Gouvernement n’a pas changé sur ce point : lorsqu’un mineur est confié aux services de l’ASE, les parents conservent l’autorité parentale et nous devons préserver les conditions leur permettant de maintenir des liens affectifs avec leur enfant. D’ailleurs, quand l’ASE indique aux CAF que ces liens sont rompus, celles-ci suspendent le versement des prestations familiales aux familles, sans les verser pour autant aux départements, à l’exception des allocations familiales. C’est pourquoi je donnerai un avis défavorable à ces propositions.

Ce PLFSS pour 2012 sera également l’occasion de discuter de notre politique en faveur des personnes en situation de handicap. L’effort de solidarité va être poursuivi l’année prochaine, comme s’y est engagé le Président de la République. Tout d’abord, le taux de progression de l’objectif global de dépenses pour ce secteur sera de 2,1 % en 2012, ce qui permettra le financement de 4 200 places pour les enfants et les adultes.

Ensuite, nous allons notifier d’ici à quelques jours aux agences régionales de santé le versement de 363 millions d’euros, qui correspondent au financement pour 2011 et 2012 de 51 000 places restant à créer dans le cadre du plan Handicap.

Je ne reviendrai pas sur les engagements pris par le Président de la République lors de la deuxième conférence nationale du handicap le 8 juin dernier. Je signalerai seulement deux mesures proposées dans ce projet de loi de financement qui concernent le handicap. Tout d’abord, l’article 57 de ce PLFSS pour 2012, qui prévoit une majoration de 30 % du complément de mode de garde pour les couples ou parents isolés bénéficiaires de l’AAH et ayant un enfant âgé de moins de six ans. Cette mesure semble, là aussi, faire consensus, et je m’en réjouis pour les familles concernées.

J’évoquerai ensuite les très nombreux amendements émanant de la droite comme de la gauche de cet hémicycle – d’Isabelle Vasseur, au nom de la commission des finances, de Jean-Marie Rolland, de Valérie Boyer, de Dominique Tian, de Jean-Luc Préel, de Claude Leteurtre, de Jacqueline Fraysse ou de Marisol Touraine – tendant à autoriser la prise en charge à 100 % des frais de transports des enfants adolescents pris en charge en accueil de jour dans les centres médico-psycho-pédagogiques et les centres d’action médico-sociale précoce. Cette proposition recevra un avis favorable du Gouvernement, sous réserve d’un sous-amendement, car elle répond à une attente forte des familles.

Je voudrais terminer mon intervention en évoquant bien sûr la prise en charge des personnes âgées. Dans le contexte économique et financier que nous connaissons aujourd’hui, le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité en reportant les mesures financières les plus lourdes prévues dans la réforme de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Néanmoins, et conformément là aussi à l’engagement du Président de la République, nous proposons dès 2012 plusieurs mesures d’effet immédiat en faveur des personnes âgées.

La progression des moyens pour le secteur des personnes âgées sera ainsi de 6,3 % l’année prochaine, soit 400 millions d’euros de mesures nouvelles pour améliorer la qualité de la prise en charge.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis de la commission des finances. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais, au-delà de cet effort substantiel, ce projet de loi vous propose un certain nombre d’avancées pour mieux prévenir la perte d’autonomie et améliorer la qualité de la prise en charge.

L’article 36 propose ainsi l’instauration d’un fonds d’intervention régional à la main des agences régionales de santé. J’ai pris connaissance des nombreux amendements qui viennent clarifier les intentions du Gouvernement et améliorer le dispositif proposé. Je pense notamment aux amendements de Jean-Marie Rolland, d’Anny Poursinoff, de Jean-Luc Préel, de Claude Leteurtre, de Jacqueline Fraysse sans oublier bien sûr, celui de votre rapporteure pour le secteur médico-social, Bérengère Poletti. Ils viennent préciser que les services et les établissements médico-sociaux pourront bien bénéficier de ce fonds. Nous y serons évidemment favorables.

Je pense aussi à l’amendement de votre rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail, Jean-Pierre Door, qui élargit les missions du fonds d’intervention régional à la prévention des handicaps et de la perte d’autonomie. Nous y serons également favorables, tant les débats sur la dépendance ont montré à quel point nos efforts en matière de prévention gagnent à être renforcés.

Mais ce projet de loi vous propose également d’améliorer la qualité de prise en charge à domicile et en établissement. C’est l’objet de ses articles 37 et 38.

L’article 37 vise à expérimenter le principe d’une majoration – pour reprendre les termes des amendements déposés par Dominique Tian et Bérengère Poletti – de la dotation soins des EHPAD en fonction de la réalisation d’objectifs mesurés à l’aide d’indicateurs d’efficience et de performance.

Que peut-on attendre de telles expérimentations ? D’abord que de plus en plus d’établissements s’engagent dans une démarche de qualité et d’efficience, ce qui nous paraît indispensable à tous. Ensuite, que ces efforts consentis pour améliorer la qualité de la prise en charge se traduisent par des recours limités à l’hospitalisation.

Bien sûr, l’article 37, qui reprend certaines des conclusions des débats sur la dépendance, a suscité plusieurs amendements : certains d’entre vous ont souhaité le supprimer – je pense à Jean-Luc Préel et à Jacqueline Fraysse ; d’autres, comme Bérengère Poletti ou Dominique Tian, en préciser la portée.

Je souhaiterais apporter quelques précisions aux auteurs de ces amendements. Il ne s’agit pas de faire une croix sur une réforme de la tarification des EHPAD qui permet de garantir une reconnaissance plus juste du niveau de dépendance et des besoins en soins médico-techniques. La publication du décret sur la tarification des EHPAD, pris en application de l’article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a été repoussée en début d’année en raison du lancement du débat sur la dépendance. Le temps du débat a permis de mettre en évidence que l’allocation actuelle des ressources, même si elle aboutit à une dotation maximale, ne permet pas de prendre systématiquement en compte les efforts des établissements en faveur de la qualité de la prise en charge ou de la diminution des dépenses pour l’assurance maladie, par exemple en limitant le recours à l’hospitalisation.

En ce qui concerne les indicateurs, nous n’avons pas souhaité les définir a priori, ni restreindre la mesure de la qualité à la seule partie relative aux soins. C’est pourquoi, cher Yves Bur, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement : il pourrait s’avérer trop restrictif.

Ce ne sera qu’après une phase de travail sur les indicateurs pertinents pouvant servir de base à la modulation des dotations des établissements que ces expérimentations seront conduites, et uniquement dans des établissements volontaires. Bien sûr, l’amélioration de la qualité passe aussi par le renforcement des moyens.

Je tiens à rassurer cette assemblée : le Gouvernement va poursuivre la médicalisation des EHPAD. Dans les prochains jours, je vais ainsi notifier au titre de l’année 2012 au moins 140 millions d’euros de crédits de médicalisation. Cet effort substantiel du Gouvernement en période de très forte contrainte budgétaire n’est pas exclusif d’une politique de convergence tarifaire dans les EHPAD. Je rappelle que ce processus vise à mieux répartir les moyens de la collectivité sur l’ensemble du territoire afin d’améliorer l’efficience de la dépense.

J’ai toutefois pu constater à travers mes échanges constructifs avec les fédérations du secteur que des améliorations s’imposaient : c’est pourquoi je remercie Bérengère Poletti et Jacqueline Fraysse d’avoir déposé des amendements d’appel visant à la suppression de la convergence qui me permettent de vous indiquer que j’ai obtenu de supprimer l’application de la convergence tarifaire dans les EHPAD qui ne sont toujours pas médicalisés.

En ce qui concerne les amendements visant à moduler la tarification des EHPAD en fonction de critères géographiques ou de statuts – amendements déposés notamment par Dominique Tian, Valérie Boyer, Claude Leteurtre, Jean-Luc Préel, Jean-Marie Rolland –, je souhaite vous donner les précisions suivantes : il s’agit de préoccupations légitimes, et je donnerai donc un avis favorable à l’amendement de Bérengère Poletti prévoyant la rédaction d’un rapport sur les charges fiscales et sociales résultant des obligations législatives pour les EHPAD et les services de soins infirmiers à domicile.

Ensuite, je vous indique que Gouvernement va déposer, après l’article 38, un amendement sous forme d’article additionnel destiné à associer l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, l’ATIH, à l’élaboration des indicateurs d’efficience et de performance qui recevra à ce titre en 2012 une subvention de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

L’étude de coût de l’ATIH pour les EHPAD va permettre de révéler d’éventuelles inégalités géographiques et je veillerai à ce que le choix des établissements sélectionnés pour cette étude tienne compte des diversités statutaires et géographiques des établissements.

Enfin, pour terminer mon propos sur l’amélioration de la qualité et de l’efficience de la prise en charge, je vous indique que le Gouvernement déposera après l’article 37 un amendement, sous forme d’article additionnel, visant à lancer, dès 2012, des expérimentations correspondant aux recommandations du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le HCAAM. Ces expérimentations visent à prévenir l’hospitalisation et à promouvoir les coordinations entre les différents acteurs, médicaux, sociaux et médico-sociaux, du parcours de soins des personnes âgées.

Dans son rapport de mai 2011 sur l’assurance maladie et la perte d’autonomie, le HCAAM a en effet souligné les problèmes liés au cloisonnement du parcours de soin des personnes âgées en risque de perte d’autonomie.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général. C’est sûr, cela coûte cher !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Une mission va être confiée à l’IGAS pour examiner les conditions de mise en œuvre pratique de l’ensemble des autres recommandations du rapport du HCAAM. Je sais que l’idée de mettre en œuvre les expérimentations du HCAAM est soutenue par de nombreux parlementaires. Je pense notamment, là encore, à Bérengère Poletti (« Encore ! » sur les bancs du groupe SRC), à Valérie Boyer, à Dominique Tian, à Jean-Marie Rolland, qui ont proposé des amendements allant dans ce sens. Ces amendements rejoignent parfaitement l’esprit de celui déposé par le Gouvernement. J’ai cependant la faiblesse de penser que ce dernier va plus loin, puisqu’il prévoit d’ores et déjà les dérogations qui nous permettront de lancer rapidement les premiers projets pilotes. C’est la raison pour laquelle je souhaiterais que les parlementaires se rangent derrière l’amendement proposé par le Gouvernement.

Enfin, je rappellerai que, à la suite des débats que nous avons eus à la fois en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, mais surtout au cours du premier semestre de cette année, le Gouvernement vous propose, à l’article 38, de mettre en place un plan d’aide à l’investissement à hauteur de 50 millions d’euros pour l’année prochaine. Ce plan permettra de soutenir les travaux de rénovation des établissements et des services accueillant les personnes âgées et les personnes en situation de handicap.

Ces moyens seront également fléchés pour contribuer au développement des structures intermédiaires de prise en charge, qui sont mieux adaptées pour les personnes dont le degré de perte d’autonomie reste modéré et qui constituent un véritable soutien pour les aidants familiaux.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, les mesures financières que nous vous proposons dans ce projet de loi montrent que l’État poursuivra son effort en faveur de nos concitoyens les plus fragiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, dans un climat économiquement incertain lié à une crise de la gouvernance économique de la zone euro, ce seizième projet de loi de financement de la sécurité sociale marque malgré tout, mais très clairement, notre volonté de préserver des aléas de la crise la solidarité face à la maladie, face au vieillissement, et notre volonté d’accompagner les familles. Il ne s’agit pas là uniquement de belles paroles ou de vains slogans : cette volonté politique déterminée se traduit dans les actes en apportant plus de 6,5 milliards d’euros de recettes nouvelles à la sécurité sociale et plus particulièrement à l’assurance maladie.

M. Jean Mallot. C’est votre discours de l’année dernière !

M. Yves Bur, rapporteur. Cette volonté politique se traduit aussi par le renforcement de la place de l’efficience au cœur de notre système de soins, afin que chaque euro soit un euro bien dépensé, un euro mieux utilisé pour promouvoir la qualité au meilleur coût.

Cette volonté de préserver notre système de solidarité se traduit enfin par l’apport de moyens nouveaux au service des malades sans pour autant renoncer à mieux piloter nos dépenses de santé. En adoptant un ONDAM en progression de 2,8 %, nous prenons en compte les besoins de santé en injectant entre 4 et 5 milliards d’euros supplémentaires au service des malades.

Cette volonté de sauvegarder nos acquis dans ces temps difficiles est cependant indissociable de la responsabilité. Ce sens des responsabilités nous a conduits à porter avec lucidité et courage une réforme des retraites qui permettra de viser progressivement, à l’horizon 2018, l’équilibre financier pour garantir durablement les pensions de nos retraités.

M. Michel Issindou. Autant dire demain !

M. Yves Bur, rapporteur. C’est bien sûr rassurant, d’abord pour nos seniors, mais aussi pour les marchés qui observent les efforts de notre pays pour assainir nos finances publiques.

M. Jean Mallot. Ah, les marchés !

M. Yves Bur, rapporteur. Dès 2015, ce ne seront pas moins de 5,5 milliards d’euros qui seront économisés grâce aux efforts des Français, et qui contribueront au retour à l’équilibre de la branche vieillesse, équilibre qui a d’ores et déjà cessé de se dégrader.

Alors que, au début des années 2000, les ONDAM étaient très généreux, ils étaient malgré tout, en l’absence de courage politique, largement dépassés – parfois la progression réelle de l’ONDAM atteignait presque le double de celle prévue, soit près de 7 %. Une telle évolution aurait été insupportable à terme pour les finances sociales, et n’a d’ailleurs pas manqué de creuser les déficits lors du retournement de croissance que nous avons vécu à partir de l’an 2000.

Aujourd’hui, après des efforts persévérants, les dépenses de santé sont sous contrôle. Bien que votés en progression de moins en moins rapide, les ONDAM sont aussi de mieux en mieux respectés, ce qui rend caduque la technique du rebasage des dépenses qui n’était qu’une facilité instaurée par Mme Aubry pour contourner les efforts qu’il eût fallu s’imposer dès l’année 2000.

Des ONDAM mieux maîtrisés, des dépenses plus efficientes au service de la qualité : ce sont là aussi des engagements concrets au service d’une solidarité durable, qui ne se paye pas de slogans, mais qui repose sur des choix et des actes.

Ainsi en est-il de la politique du médicament : alors qu’en 2000 ce poste de dépenses augmentait de plus de 11 % en volume comme en valeur, nos choix ont permis de ramener la croissance des dépenses de médicaments à moins de 2,3 % en valeur en 2010 – sans pour autant que les Français, pourtant drogués aux prescriptions, soient privés des molécules les plus efficaces, même les plus coûteuses.

Nous savons aussi que, malgré ces efforts, des progrès sont encore possibles. Les prescriptions sont en effet en France plus nombreuses et plus coûteuses que chez nos voisins européens. Les génériques sont ainsi plus coûteux à l’unité de prescription : 15 centimes contre 12 en Allemagne, 5 aux Pays-Bas ou 7 au Royaume-Uni. C’est la raison pour laquelle la commission a adopté à mon initiative un nouveau levier, destiné à faire de l’assurance maladie le principal bénéficiaire des économies encore possibles – au moins 390 millions si nous obtenions les prix des génériques allemands. Ces économies, devant lesquelles j’ai parfois le sentiment que le Gouvernement fait la fine bouche, sont pourtant indispensables au moment où les doutes sur la croissance semblent se préciser et appelleront d’autres efforts ; dans le cas des génériques, elles sont à portée de main.

Mais, faute d’une politique volontariste et à force de trop prendre en compte les multiples intérêts et corporatismes, depuis plus de dix ans, l’État a fait jouer l’assurance maladie à « Qui veut perdre des milliards d’euros » !

M. Michel Issindou. C’est bien vrai !

M. Yves Bur, rapporteur. Notre commission a pris de bonnes décisions, qui traduisent à la fois sa sensibilité à la situation de nos concitoyens les plus défavorisés, son souhait de renforcer les politiques de santé publique et sa volonté de contribuer au respect de nos engagements en termes de comptes publics.

Sur le premier point, il faut en effet relever la volonté clairement exprimée que la mesure réglementaire modifiant les modalités de calcul des indemnités journalières soit rapportée – ou tout au moins adaptée en passant à un taux de 63,7 % au lieu de 60 % –, de même que l’article 13 du projet de loi, qui prévoyait l’assujettissement à la CSG de deux prestations familiales pourtant assimilables à des revenus de remplacement.

De même, l’une des dispositions de la loi dite « Fourcade » a été reprise, prévoyant le remboursement intégral des frais de transport des enfants accueillis en centre d’action médico-sociale précoce et en centre médico-psycho-pédagogique. Enfin, l’exonération bénéficiant à l’emploi des techniciennes de l’intervention sociale et familiale est rétablie.

Sur le deuxième point, les comportements d’addiction sont taxés au moyen de deux nouvelles contributions : l’une sur le produit brut des jeux, l’autre sur le chiffre d’affaires – et sur la progression de ce chiffre d’affaires d’une année sur l’autre – des fabricants de tabac. Ceux-ci sont les seuls à bénéficier d’une telle complaisance de l’État, empochant en deux ans et demi plus de 26 % d’augmentation de leurs prix, sans contribuer pour un seul euro à la prévention des ravages dont ils sont la cause. Cette industrie de la mort est en tout cas davantage choyée par le Gouvernement que l’industrie du médicament, sollicitée, notamment par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, et qui, elle, pourtant, contribue malgré tout à la santé de nos concitoyens !

Le troisième point, c’est que, à l’issue des travaux de notre commission, moyennant un prélèvement sur certains fonds hors ONDAM et compte tenu des mesures susmentionnées sur les génériques et sur les délégations de gestion aux organismes complémentaires d’assurance maladie, l’équilibre du projet de loi n’est pas modifié ; il est même légèrement amélioré. Si les dépenses supplémentaires ne sont pas tout à fait gagées à due concurrence par des économies, notamment au sein de l’ONDAM, en revanche, les recettes nouvelles, en particulier grâce à l’assujettissement des indemnités de ruptures à partir de deux plafonds et aux taxes liées à des comportements addictifs, sont supérieures aux recettes supprimées. Votre commission a ainsi prouvé son sens des responsabilités.

M. Guy Lefrand. Ce n’est pas faux !

M. Yves Bur, rapporteur. La balle est désormais dans le camp du Gouvernement, qui, durant ce débat, présentera peut-être d’autres propositions.

Nous devons être conscients de la gravité de la crise de confiance provoquée par un endettement qui, désormais, fait peur ; cela doit nous rappeler en permanence au sens de la responsabilité. J’ai récemment pu apprécier le sens de la mesure de Jean-Marie Le Guen – cela nous change un peu des habitudes que nous avions prises ici (Sourires.) : lors d’un débat récent à l’Université Dauphine, il a affirmé qu’un ONDAM en progression de 2,8 % pouvait être considéré comme raisonnable compte tenu du contexte. Je l’en remercie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Il a bien fait de venir ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous me distribuez des bons points, je vais commencer à me poser des questions !

M. Yves Bur, rapporteur. Je souhaite que nous prenions le chemin de la responsabilité et du bon sens emprunté par la Suède, qui lors des dernières décennies a su remettre de l’ordre dans ses finances publiques, en modernisant son modèle social sans remettre en cause la solidarité due aux plus fragiles.

Remettons de l’ordre – comme le souhaite depuis longtemps, avec moi, le président Pierre Méhaignerie – dans notre millefeuille social, devenu illisible et insuffisamment efficace.

M. Dominique Tian. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur. N’oublions jamais que la richesse de notre pays nous vient de nos entreprises : celles-ci doivent devenir notre priorité pour recouvrer la compétitivité perdue, au lieu d’être sans cesse chargées de nouvelles taxes et de contraintes coûteuses.

Mme Isabelle Vasseur, rapporteure pour avis. C’est tout à fait vrai !

M. Yves Bur, rapporteur. Ce sont là les conditions indispensables pour donner vraiment à notre solidarité des perspectives durables, qui contribueront au maintien et à la redynamisation de notre pacte social, incarné aussi par notre sécurité sociale.

M. Roland Muzeau. Mais c’est un testament !

M. Yves Bur, rapporteur. Pour terminer, monsieur le ministre de la santé, je voudrais vous interpeller : considérez-vous comme normal que la politique de lutte contre les ravages du tabac soit désormais de la compétence de Bercy, qui l’a transformée de fait, ces dernières années, en politique d’entretien de l’addiction ? La mission que vous m’avez confiée, et dont j’ai réuni les membres hier, trouve qu’il y a là un vrai problème à résoudre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme Catherine Lemorton. La fin était très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 concernant l’assurance maladie et les accidents du travail et maladies professionnelles, que j’ai l’honneur de rapporter, consacre des moyens importants au financement solidaire de notre système de santé. Dans un contexte économique de sortie de crise, l’ONDAM atteint 171,7 milliards d’euros, soit 2,8 % de progression. Ce ne sont pas moins de 4,6 milliards supplémentaires, équitablement répartis entre les soins de ville et l’hôpital, que nous accordons au financement de l’assurance maladie.

En cette période de restrictions budgétaires, et malgré les discours des Cassandre, nous pouvons être fiers de cet engagement en faveur de la santé des Français.

L’ONDAM sera respecté en 2011 pour la deuxième année consécutive depuis 1997. Notre politique de maîtrise des dépenses de santé, à laquelle les professionnels de santé ont pris toute leur part, porte donc ses fruits. Je tiens à saluer leurs efforts au service de l’excellence d’un système de santé dont nous n’avons pas à rougir.

M. Jean Mallot. Les élections approchent !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Cette année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale poursuit l’accompagnement de nos professionnels de santé dans la mutation de leurs pratiques. Nous prolongeons, à l’article 34, l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération dans les maisons, les pôles et les centres de santé pour lutter contre les déserts médicaux. Nous amorçons, à l’article 39, une réforme ambitieuse de la rémunération des pharmaciens, qui s’accompagnera d’une recomposition du réseau des officines. Je tiens d’ailleurs à saluer la signature de la nouvelle convention médicale par la majorité des syndicats, ce qui marque la reprise du dialogue, et je souhaite que ce dialogue se poursuive avec les autres professionnels de santé. Rien ne se fera sans eux.

Je souhaite enfin que cette année soit marquée par la mise en place du secteur optionnel, que vous avez évoquée tout à l’heure, monsieur le ministre.

Nous poursuivons aussi la réforme de la sécurité du médicament. Ainsi, la nouvelle mouture de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé bénéficiera en 2012, pour remplir ses nouvelles missions, d’une hausse de 30 % de son budget, soit un financement indépendant de près de 41 millions d’euros supplémentaires.

L’article 33 instaure par ailleurs une véritable évaluation médico-économique des produits de santé par la Haute Autorité de santé. Notre commission y a ajouté le relèvement des droits versés par les entreprises à la Haute Autorité de santé et une meilleure articulation entre les avis de la Commission de la transparence, adossée à la HAS, et le Comité économique des produits de santé. Nous avons aussi souhaité que soit assuré un suivi des dispositifs médicaux.

Enfin, le texte comporte des dispositions visant à maintenir un haut niveau de protection sociale de nos concitoyens. Pour cela, notre commission a adopté un amendement du Gouvernement visant à hausser le plafond de ressources pour l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. Monsieur le ministre, c’est là une excellente initiative qui évitera les effets de seuil pour ceux qui ne bénéficient pas de la CMU complémentaire.

Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur deux points. Nous devons d’abord mieux informer le public : je pense par exemple aux étudiants, qui pourraient bénéficier de ces aides et n’y accèdent pas aujourd’hui, alors que ce devrait être une priorité pour eux. Peut-être aurez-vous des propositions à nous faire. D’autre part, nous savons que les contrats proposés aux bénéficiaires de l’ACS – aide à l’acquisition d’une couverture maladie complémentaire – sont parfois moins protecteurs que les autres. J’estime que les organismes complémentaires doivent prendre leurs responsabilités pour protéger les plus modestes.

Par ailleurs, l’article 42 prévoit le maintien de la prise en charge intégrale des soins de santé des personnes relevant du régime minier et de leurs ayants droit. Je tiens ici à vous saluer, monsieur le ministre, car vous tenez ainsi un engagement formulé au mois de mai dernier auprès des fédérations syndicales minières. La promesse gouvernementale a été tenue !

S’agissant de l’hôpital, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 s’appuie sur les acquis des réformes structurelles déjà mises en œuvre par le Gouvernement, au premier rang desquelles se situe la loi du 21 juillet 2009 « Hôpital, patients, santé, territoires », qui a permis de réformer la gouvernance des hôpitaux et de créer les agences régionales de santé, qui améliorent la performance des soins en décloisonnant les activités de soins entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social.

Cela permet de poursuivre les réformes entreprises pour améliorer la performance des établissements de santé depuis la loi fondatrice du 18 décembre 2003, qui mettait en place la tarification à l’activité.

En renforçant la maîtrise médicalisée et les efforts d’efficience à l’hôpital, ce projet de loi vise à mieux réguler les dépenses de l’hôpital, à optimiser l’organisation générale du système, et à accompagner les établissements dans leurs efforts de modernisation et d’amélioration de leur situation financière dans la perspective du retour à l’équilibre financier en 2012, fixée par le Président de la République dans son discours relatif à la réforme de l’hôpital prononcé à Neufchâteau.

L’article 35 intègre ainsi dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, qui constituent un levier efficace d’action au service de la politique d’organisation des soins dans la région, des objectifs de performances dont le non-respect est susceptible d’entraîner l’application de pénalités financières.

D’autre part, le très important article 36 réunit dans un nouveau fonds, le fonds d’intervention régional, des crédits et dotations déjà existants au titre des actions des agences régionales de santé, afin de dégager des marges d’action régionale et d’inciter les ARS à optimiser la dépense.

La création de ce fonds d’intervention régional constitue une traduction financière bienvenue de la philosophie générale de la loi HPST, qui aspire à mettre davantage de transversalité dans l’organisation de la santé en France. En mutualisant des crédits qui étaient jusqu’ici consacrés soit aux soins de ville, soit aux établissements de santé, soit à la prévention, le FIR apparaît comme un nouvel outil stratégique aux mains des ARS pour optimiser l’offre de soins et devrait être de nature à permettre une meilleure adaptation de la politique de santé aux réalités locales.

Je pense, monsieur le ministre, que nous reviendrons dans les débats sur l’intérêt de l’avancée du FIR.

En ce qui concerne les établissements de santé, il faut également se féliciter que les travaux de notre commission aient apporté des améliorations significatives au texte. Ainsi, dans la pleine logique de leurs missions, la commission a fait adopter un amendement associant la HAS – la Haute Autorité de santé – et l’ANAP – l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux – à l’objectif de généralisation d’indicateurs de performance dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.

Par ailleurs, le dispositif de régulation des produits de santé financés en sus des prestations d’hospitalisation a été amélioré. La commission des affaires sociales de l’Assemblée a en effet adopté un amendement visant à dissocier le suivi des dépenses de médicaments et celles des dispositifs médicaux et à améliorer l’articulation du dispositif de régulation de la liste en sus avec celui du contrat de bon usage du médicament et des produits de santé.

De plus, l’information du Parlement sur la tarification à l’activité a été rationalisée, puisque notre commission a adopté un amendement prévoyant de fondre en un seul rapport annuel l’ensemble des thématiques traitées dans les trois rapports existants, respectivement sur la tarification à l’activité, la dotation MIGAC et le processus de convergence, ce qui devrait permettre d’avoir une vision cohérente des actions menées en termes de financement des établissements de santé.

La transparence des actions du nouveau Fonds d’intervention régional a également été accrue puisque notre commission a adopté un amendement visant à s’assurer qu’il soit rendu compte, sur la base d’un rapport annuel au Parlement, de l’utilisation des crédits du FIR afin de pouvoir apporter, le cas échéant, les modifications et améliorations nécessaires à son fonctionnement optimal.

Enfin, les fonds médicaux et hospitaliers voient leur financement assuré mais participent désormais aux efforts de respect de l’ONDAM. En effet, constatant que les dotations votées pour ces fonds, offices et établissements, sont régulièrement sous-consommées et leur ont permis de se constituer des réserves importantes, la commission des affaires sociales a adopté, à l’initiative des deux rapporteurs, un amendement permettant de réduire significativement la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie au financement du FMESPP – le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, de l’ONIAM – l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux – et de l’EPRUS – l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – pour un montant global supérieur à 110 millions d’euros.

S’agissant des accidents du travail et des maladies professionnelles, le projet de loi tient plus justement compte des phénomènes de sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, assure la pérennité du financement des fonds destinés aux victimes de l’amiante et finance les dépenses supplémentaires engendrées par les départs à la retraite en raison de la pénibilité.

En particulier, l’article 53 du projet de loi augmente la contribution de la branche AT-MP à la branche maladie à 790 millions d’euros, soit une augmentation de plus de 11 %, afin de tenir plus justement compte des phénomènes de sous-déclaration à la suite du rapport remis au Parlement par M. Noël Diricq.

Le projet de loi est à plus d’un titre un acte crédible et responsable. Il démontre une grande volonté d’agir dans la poursuite d’une politique raisonnée de maîtrise des dépenses de santé, dans le maintien de l’excellence de notre offre de soins, dans l’équilibre entre médecine de ville et hôpital dans la mesure où il fixe pour les deux secteurs un même niveau de progression des dépenses, enfin dans la contribution de tous les acteurs au financement d’un système menacé par la crise.

Pour l’ensemble de ces raisons, et sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle propose, la commission des affaires sociales invite donc l’Assemblée nationale à adopter votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti, rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas la peine qu’elle intervienne : tous ses amendements ont été adoptés en commission !

Mme Bérengère Poletti, rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, plus encore que les années précédentes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 traduit la priorité que constitue pour le Gouvernement la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées.

M. Jean Mallot. Cela saute aux yeux !

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. En effet, dans un contexte budgétaire très difficile, les dépenses en faveur du secteur médico-social augmentent encore de façon extrêmement importante, plus qu’aucun autre secteur. C’est grâce à un effort constant de redressement des comptes sociaux que l’on est en mesure de dégager des marges de manœuvre pour financer cette priorité.

Ainsi, le taux d’évolution de l’ONDAM médico-social sera de 4,2 % en 2012, contre 3,8 % en 2011. Pour 2012, plus de 500 millions d’euros de mesures nouvelles seront consacrés aux personnes âgées et aux personnes handicapées.

L’effort est encore plus manifeste pour les personnes âgées, le sous-objectif de l’ONDAM qui leur est consacré augmentant de 6,3 %. Les près de 400 millions d’euros de mesures nouvelles permettront d’améliorer la qualité de leur prise en charge, à domicile comme en établissement, en menant à leur terme les plans « Solidarité grand âge » et « Alzheimer ». Comme le disait Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, ils permettront aussi de donner un coup d’accélérateur à la médicalisation des établissements.

En ce qui concerne le plan « Solidarité grand âge », 87 % des 90 500 places prévues ont déjà été notifiées aux ARS, soit 777 millions d’euros, et 71 % des places ont déjà été autorisées par les ARS. Les objectifs sont dépassés en ce qui concerne les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes. En revanche, le rythme est plus lent pour les SSIAD – les services de soins infirmiers à domicile – pour plusieurs raisons : faible mobilisation des gestionnaires pour développer une offre au-delà de certains seuils d’activité, difficultés de recrutement, coût à la place jugé insuffisant sur certains territoires, attente de la mise en œuvre d’un nouveau mode d’allocation de ressources davantage corrélée aux besoins des patients. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à poser les jalons d’une réforme de la tarification des SSIAD.

Quant au plan « Alzheimer », il a permis d’avancer considérablement dans la connaissance et la prise en charge de cette maladie. Il concerne à la fois les champs sanitaire et médico-social, ainsi que la recherche. Pour ce qui est du secteur médico-social, il a permis le développement des formules de répit, de la formation des aidants, des MAIA – les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer. Ainsi, 140 MAIA supplémentaires sont financées, dont 40 en 2011 et 100 en 2012. Il permet aussi le développement des unités d’hébergement renforcé ainsi que des PASA – les pôles d’activités et de soins adaptés. À cet égard, je souhaiterais souligner que les représentants d’établissements que nous avons auditionnés ont des difficultés à remplir le cahier des charges pour l’ouverture d’un PASA. Sans remettre en cause le concept de ces lieux d’accueil, il me semble, madame la ministre, que l’on devrait permettre à ces PASA de faire aussi de l’accueil de jour, dans la limite des places disponibles évidemment. Il s’agit de mieux allouer les surfaces à disposition.

Enfin, les mesures nouvelles seront mobilisés pour accélérer le recrutement de personnels soignants dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes : 140 millions d’euros sont ainsi prévus au titre de la médicalisation de ces établissements, soit plus de 83 000 places nouvelles. Entre 2007 et 2012, 473 958 places auront été « pathossifiées », soit 83 % des places.

Pour les personnes handicapées, la progression des moyens dans le secteur médico-social permet de mobiliser plus de 186 millions d’euros de mesures nouvelles, notamment pour couvrir les engagements du plan « Handicap ».

La totalité des places programmées par le plan auront été notifiées à la fin 2012, c’est-à-dire que les autorisations d’engagements auront été déléguées aux ARS.

Néanmoins, madame la ministre, je m’interroge sur les crédits de paiement. La moitié des places ont été autorisées sur 2008-2010. Mais qu’en est-il de 2011 et 2012 ? Combien de places ont été financées en crédits de paiement en 2011 ? Combien de places vont l’être en 2012, sachant que le sous-objectif de l’ONDAM relatif aux personnes handicapées n’augmente que de 2,1 % ?

J’en viens aux deux articles de ce projet de loi qui concernent le secteur médico-social.

L’article 37 vise à expérimenter la prise en compte de la performance des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes dans la tarification du forfait relatif aux soins. L’expérimentation a pour objet de tester des indicateurs mesurant de façon pertinente la qualité de la prise en charge des personnes âgées, et de définir les conditions de modulation des ressources en fonction des résultats obtenus par les établissements.

Dans sa contribution au débat sur la dépendance, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie estime que 2 milliards d’euros pourraient être économisés sur les hospitalisations de personnes âgées si leur prise en charge était efficiente. Le Haut Conseil souligne ainsi l’importance du juste recours à l’hôpital pour les personnes âgées.

Je souhaite cependant que, dans le cadre de l’expérimentation, la modulation du forfait ne puisse se faire qu’à la hausse. En effet, tant que les établissements n’ont pas tous bénéficié de la médicalisation de seconde génération, et que la convergence tarifaire n’est pas achevée, il n’est pas possible d’envisager une diminution de la dotation. Madame la ministre, pourrez-vous me confirmer, lors de l’examen des amendements, que les modulations tarifaires ne seront que des majorations ?

Je souhaite également, dans cette période où plusieurs réformes de tarification sont en chantier – établissements d’accueil des personnes âgées, services de soins infirmiers à domicile, services d’aide et d’accompagnement à domicile – et où la « pathossification » de tous les établissements n’est pas terminée, que la convergence tarifaire des établissements soit suspendue. Bien évidemment, nous en discuterons lors de l’examen des amendements.

L’article 38 vise à prévoir un plan d’aide à l’investissement de 48 millions d’euros dans le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour 2012, à destination des établissements et services pour personnes âgées et handicapées.

Jusqu’en 2011, les plans d’aide à l’investissement de la CNSA étaient financés par les réserves de celle-ci, elles-mêmes constituées grâce à la sous-consommation récurrente de l’ONDAM médico-social. Ces sous-consommations ayant disparu, je me réjouis qu’un financement propre ait été trouvé. Le montant de 48 millions d’euros devrait générer des investissements bien plus importants avec la participation des autres financeurs – conseils généraux, assurance maladie ou assurance vieillesse –, grâce à un effet de levier estimé à un facteur 6 par la CNSA.

Enfin, je rappelle que les services d’aide et d’accompagnement à domicile, qui sont actuellement dans une situation financière très difficile, seront aidés par l’État. Je le souligne, madame la ministre, car, grâce à votre action, un fonds d’urgence de 50 millions d’euros devrait être créé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, au sein de la mission « Solidarité ». Les crédits seront délégués très rapidement aux ARS qui devront, avec les conseils généraux, accompagner les services dans leurs restructurations.

Dans un second temps, une refonte en profondeur du mode de régulation et de tarification de l’aide à domicile apparaît nécessaire. Je travaille à ce sujet, en partenariat avec les départements, dans le cadre d’un rapport que vous m’avez confié, madame la ministre, et que je vous remettrai au mois de décembre.

En définitive, si je regrette que la réforme de la dépendance soit reportée pour l’instant…

M. Michel Issindou. Nous aussi !

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. …même si j’en comprends les raisons, il n’en demeure pas moins que la prise en charge des personnes âgées dépendantes aura été une priorité constante de ce quinquennat. Ainsi, plus de 3 milliards d’euros supplémentaires leur auront été consacrés dans le cadre de l’ONDAM médico-social entre 2007 et 2012.

M. Yves Bur, rapporteur. Très bien !

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, je vous demande d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 traduit les résultats de la réforme des retraites accomplie l’an dernier, et dont notre majorité peut être fière.

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le redressement des comptes de la branche vieillesse, dont j’ai l’honneur d’être rapporteur, est tout à fait conforme aux projections financières réalisées au moment du vote de la loi du 9 novembre 2010 – voire meilleur.

Je vous rappelle que le déficit prévisionnel spontané de la branche vieillesse du régime général se serait élevé à 12 milliards d’euros en 2012 en l’absence de réforme. Or le solde de la branche vieillesse du régime général sera nettement amélioré par rapport au solde tendanciel.

D’une part, la réforme des retraites représente 5,4 milliards d’euros de recettes et d’économies sur les dépenses en 2012 ; d’autre part, les mesures de recettes présentées par le Gouvernement le 24 août dernier et affectées à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, représenteront 800 millions d’euros de recettes supplémentaires, ce qui portera, en définitive, le déficit de celle-ci à 5,8 milliards d’euros à la fin de 2012, soit une amélioration de 6,2 milliards d’euros par rapport au solde tendanciel.

Dans le contexte de la crise financière et budgétaire actuelle, qui fragilise la situation des finances publiques des États, il faut se féliciter d’avoir mené à bien cette réforme en 2010 plutôt que dans l’urgence quelques mois plus tard. En prenant nos responsabilités, nous avons sauvé notre système de retraite par répartition…

M. Michel Issindou. Provisoirement !

M. Denis Jacquat, rapporteur. …par une réforme efficace et juste.

M. Yves Bur, rapporteur. Tout à fait !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous sommes ainsi le seul pays à avoir mis en place un système de prise en compte de la pénibilité des carrières.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas vous qui avez écrit ce discours : vous n’en pensez pas un mot !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je vous rappelle aussi que nous avons pris un certain nombre de mesures en faveur des petites retraites, notamment dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Je présente un bilan de ces mesures dans mon rapport, qu’il s’agisse de la revalorisation du minimum vieillesse de 25 % en cinq ans,…

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

M. Denis Jacquat, rapporteur. …de la majoration pour les petites retraites agricoles, de la validation de trimestres supplémentaires au bénéfice des commerçants et artisans.

La crise économique et financière a aussi montré la solidité de notre système de retraites, qui garantit un même niveau de retraites aux pensionnés, quelles que soient les circonstances. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, les pensions de retraite du régime général augmentent aussi vite que l’inflation, et à aucun moment les retraités n’ont vu leur pension diminuer. Ce n’est pas le cas en Allemagne qui a planifié une baisse du taux de remplacement des retraites de base de 7 points jusqu’en 2030.

M. Jean Mallot. Plus forts que l’Allemagne !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Ainsi, la France est, parmi les grands pays de l’OCDE, celui dans lequel le rapport entre le revenu moyen des personnes de plus de soixante-cinq ans et le revenu moyen de la population est le plus élevé – de l’ordre de 90 %. De cela aussi, nous pouvons nous féliciter.

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est exact !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Présenté un an après l’examen par le Parlement de la réforme de 2010, le présent texte contient logiquement peu de nouvelles dispositions concernant la branche vieillesse. Il comprend toutefois des mesures qui s’inscrivent dans son prolongement en ce qui concerne le financement de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles. Ainsi, l’article 20 apporte une solution pérenne au déséquilibre structurel du régime de retraite des non-salariés agricoles – déséquilibre résultant du déséquilibre démographique. Il prévoit une reprise partielle de sa dette par la CADES et lui affecte de nouvelles recettes.

Par ailleurs, trois amendements visant à améliorer les petites retraites des non-salariés agricoles vous seront présentés : le premier facilite le cumul emploi-retraite pour les conjoints et les aides familiaux ; le deuxième ouvre le bénéfice de la majoration de la retraite de base aux personnes bénéficiant d’un départ anticipé pour pénibilité ; le troisième supprime la condition d’âge pour l’affiliation des non-salariés agricoles à l’assurance vieillesse volontaire. La commission des affaires sociales a émis un avis favorable à ces amendements du Gouvernement.

En outre, le présent projet de loi comporte deux mesures notables en matière de retraites. La première, aux termes de l’article 49, prévoit la prise en charge par l’État des cotisations de retraite des sportifs amateurs de haut niveau jusqu’à seize trimestres. Il s’agit des sportifs de haut niveau dont les revenus n’excèdent pas 75 % du plafond de la sécurité sociale. Je me félicite de cette mesure qui encouragera l’investissement personnel d’athlètes souvent contraints de différer leurs études et leur entrée dans la vie professionnelle. L’État prendra en charge les cotisations de ceux dont les revenus ne leur permettent pas de valider des années complètes. Je souhaiterais néanmoins que, au cas où ce dispositif coûte moins cher que ce que le budget des sports a prévu – 9 millions d’euros environ –, on envisage d’augmenter le nombre de trimestres validés – en restant, bien entendu, dans le cadre de l’enveloppe. En effet, les seize trimestres prévus par le dispositif couvrent une olympiade, alors que la carrière d’un sportif de haut niveau peut durer plus longtemps.

La seconde mesure, qui fait l’objet de l’article 51, introduit la possibilité de racheter des périodes de formation à la vie religieuse au sein du régime des cultes ; en effet, avant 2006, les cultes ne commençaient à cotiser pour leurs ministres qu’au moment de leur entrée en fonction.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh bien !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Les périodes de formation – par exemple le séminaire ou le noviciat – n’ont pas donné lieu à cotisations. Ce type de formation n’étant pas rattaché à l’enseignement supérieur, une disposition législative est nécessaire pour les faire entrer dans le dispositif du rachat d’années d’études.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les ministres,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais pas ministres des cultes !

M. Denis Jacquat, rapporteur. …mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, tels sont les éléments que je souhaitais porter à la connaissance de l’Assemblée à l’ouverture de ce débat.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande, au nom de la commission des affaires sociales, d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille.

Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, mes chers collègues, cette année encore, la branche famille est le parent pauvre du projet de loi de financement de la sécurité sociale… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot et M. Michel Issindou. Eh oui !

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Ça commence mal !

M. Guy Lefrand. Quelle objectivité pour une rapporteure de la commission des affaires sociales !

Mme Martine Pinville, rapporteure. …puisque seules sont envisagées deux mesures ciblées relatives à l’allocation de soutien familial et au complément de libre choix de mode de garde.

Ces mesures sont certes positives, notamment pour les familles monoparentales, mais on ne peut que constater le manque d’ambition de la politique familiale du Gouvernement, alors que de nombreuses promesses avaient été faites aux Français.

De plus, ce que le Gouvernement accorde à certaines familles, il le reprend à d’autres, en proposant l’assujettissement à la CSG du complément de libre choix d’activité et du complément optionnel de libre choix d’activité. Cette mesure, rejetée par la commission des affaires sociales, se traduirait par une diminution de ces prestations d’environ 30 euros par mois pour les familles bénéficiaires, ce qui est loin d’être négligeable pour de petits budgets et pour les familles.

D’une manière générale, depuis le début de cette législature, la situation des comptes de la branche famille n’a cessé de se dégrader.

M. Michel Issindou. C’est vrai !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Si, en 2007, la branche affichait un excédent de 200 millions d’euros, elle a basculé dans le déficit dès 2008 et, pour 2011 et 2012, sont annoncés de très préoccupants déficits, à hauteur de 2,6 et 2,3 milliards d’euros.

Il n’existe, en outre, aucune perspective proche de retour à l’équilibre. En effet, d’après les prévisions du Gouvernement la branche resterait fortement déficitaire jusqu’en 2015, à hauteur de 2 milliards d’euros.

Selon le Haut Conseil de la famille, la branche retrouverait l’équilibre au plus tôt vers 2017, alors que, en raison de sa structure et de la spécificité de sa mission, ses dépenses progressent tendanciellement moins vite que ses recettes.

Il faut cependant signaler que ce retour à l’équilibre courant en 2017 s’appuie sur l’hypothèse économique très optimiste d’une croissance de long terme de 1,5 % par an et d’un taux de chômage diminuant jusqu’à 4,5 %.

M. Michel Issindou. Or rien n’est moins sûr !

Mme Martine Pinville, rapporteure. De plus, en raison de la dette accumulée entre 2008 et 2016, la situation financière de la branche resterait négative jusqu’en 2023.

Il faut rappeler ici, par ailleurs, que la reprise de la dette de la branche par la CADES n’est prévue que jusqu’à la fin de cette année. À partir de 2012, la dette de la branche continuera donc d’augmenter sans qu’aucune solution n’ait été trouvée, ce qui semble très préoccupant étant donné que, d’après le Gouvernement, la branche ne bénéficiera pas d’excédents avant de nombreuses années.

Plus précisément, le financement de la branche famille a été fortement fragilisé par la crise économique et par plusieurs mesures votées ces dernières années. Je pense notamment au transfert de 0,28 point de CSG de la branche famille vers la CADES, compensé par trois recettes nouvelles, dont deux provisoires. Nous dénonçons vivement cette substitution de recettes stables par un montage financier non pérenne, car elle conduit à une fragilisation des comptes la branche famille qui, si ce genre d’opération venait à se reproduire à l’avenir, ferait courir un risque non négligeable à notre politique familiale.

D’importantes charges nouvelles ont également été attribuées à la branche famille ces dernières années, comme le financement intégral des dépenses de majorations de pension.

Depuis le 1er janvier dernier, la CNAF assure le financement intégral de la majoration de pension de 10 % servie aux assurés ayant eu ou élevé au moins trois enfants, ce qui devrait représenter une dépense de 4,4 milliards d’euros en 2011.

À côté des charges nouvelles imposées à la branche famille, le Gouvernement a pris des mesures d’économies, soit de caractère temporaire, comme l’unification des majorations pour âge des allocations familiales, soit non satisfaisantes, comme la suppression de la rétroactivité de l’effet des aides au logement, qui ne semble pas de nature à permettre le rééquilibrage des comptes de la branche.

Au-delà de la situation dégradée des comptes de la branche famille, je tiens à m’arrêter un instant sur la problématique de l’offre de garde d’enfants en France, qui revêt une importance cruciale en matière d’égalité entre les hommes et les femmes.

Je rappelle que le taux d’emploi des femmes demeure en France encore très inférieur à celui des hommes. En 2010, le taux d’emploi des femmes s’élevait à 59,9 %, contre 68,3 % pour les hommes. De plus, le taux d’emploi des femmes varie considérablement selon le nombre et l’âge de leurs enfants. Dans les familles comprenant au moins un enfant de moins de trois ans, le taux d’emploi des mères de un enfant s’élève à 68,9 %, celui des mères de deux enfants à 60 % et celui des mères de trois enfants ou plus à 37,4 %.

Le développement de l’offre de garde d’enfants constitue donc un enjeu central de résorption des inégalités de genre.

Or, à la fin 2009, moins de la moitié des enfants peuvent théoriquement être accueillis par un mode de garde formel, et l’on observe encore de fortes inégalités territoriales en la matière.

Pour donner une idée des ordres de grandeur des capacités d’accueil par mode de garde, à la fin 2009, il faut savoir que sur 100 enfants de moins de trois ans, 27 peuvent être accueillis par un assistant maternel, 14,7 par un établissement d’accueil de jeunes enfants, 5,1 par une école maternelle, et 1,9 par un salarié à domicile. Si, à la fin 2009, la capacité théorique d’accueil, à l’échelle nationale, s’élève à environ 48 places pour 100 enfants de moins de trois ans, elle varie de 26 à 76 places selon les départements.

Depuis 2007, les modes de garde ont connu des évolutions contrastées. En matière d’offre individuelle, des progrès ont été accomplis, le nombre de places de garde chez les assistants maternels ayant augmenté.

Mme Claude Greff, secrétaire d’État chargée de la famille. En effet !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Le développement des maisons d’assistants maternels n’apparaît cependant pas suffisant : en octobre 2010, selon le Gouvernement, ont été recensées 82 maisons en fonctionnement et 107 en cours d’ouverture.

En matière d’offre collective, les structures multi-accueil affichent une progression soutenue, mais les structures mono-accueil régressent, tout comme le nombre de places en services d’accueil familial.

Enfin, l’accueil des enfants de moins de trois ans en école maternelle a subi un véritable effondrement : le nombre de places y est passé de 178 300 à la fin 2006 à 123 200 à la fin 2009.

M. Guy Malherbe. C’est logique : le nombre d’enfants diminue !

Mme Martine Pinville, rapporteure. Ce recul de l’accueil en école maternelle annule, dans les faits, les progrès accomplis en matière de développement de l’offre de garde des jeunes enfants dans le cadre du plan de création de places supplémentaires de garde annoncé par le Président de la République.

De surcroît, d’importants chantiers restent à mener. Il semble ainsi nécessaire de poursuivre la valorisation des professions de la petite enfance, en accroissant l’offre de formation des professionnels, de renforcer le pilotage de l’offre de garde, aujourd’hui très insuffisant, notamment dans les territoires, enfin d’améliorer l’accueil des enfants handicapés.

Je tiens à revenir, enfin, sur une autre promesse faite par le Président de la République en 2009 : la réforme du congé parental d’éducation. Le régime actuel de ce dispositif se trouve en effet fortement critiqué. Il rencontre ainsi un succès variable, ne contribue pas à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes et pose des problèmes de retour à l’emploi pour ses bénéficiaires.

La réforme du congé parental a cependant sans cesse été reportée par le Gouvernement et n’aura, finalement, certainement pas lieu avant la fin de cette législature, malgré les nombreuses propositions d’évolution formulées par le Haut Conseil de la famille, l’inspection générale des affaires sociales et plusieurs parlementaires.

Décidément, la famille ne semble pas être une priorité politique du Gouvernement actuel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Lefrand. Quelle caricature, c’est décevant !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)