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SOMMAIRE
Présidence de M. Louis Giscard d’Estaing
. Nomination d’un député en mission temporaire
M. Philippe Goujon, rapporteur
Texte de la commission mixte paritaire
Amendement no 1
Amendement no 57
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
Amendement no 76
Amendements nos 77, 47 deuxième rectification, 25, 24
Amendements nos 58, 79, 80 rectifié, 78
Amendement no 60
Amendements nos 91, 27 rectifié, 87 deuxième rectification, 70, 71, 89, 63, 72, 66
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur
M. Michel Mercier, garde des sceaux
Articles 9 quinquies et 9 sexies
Amendement no 92
Amendement no 46 deuxième rectification
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
M. le président. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Roland Blum, député des Bouches-du-Rhône, d’une mission temporaire auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et du ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.
Discussion du texte de la commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’identité (n° 4143).
La parole est à M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, mes chers collègues, il faut déplorer que la commission mixte paritaire n’ait pu aboutir à l’adoption du texte de compromis issu des travaux de l’Assemblée nationale en deuxième lecture, dans la mesure où celui-ci répondait véritablement aux principales inquiétudes exprimées par le Sénat, ou encore aux recommandations de la CNIL et du Conseil d’État.
La CMP, à une courte majorité, a cru devoir adopter une version du texte qui, à l’évidence, ne peut être avalisée par notre assemblée. D’ailleurs la méthode d’adoption de ce texte en CMP, telle qu’elle a été mise en œuvre, peut être interprétée comme une sorte de dévoiement de la procédure prévue à l’article 45 de la Constitution,…
M. Serge Blisko. Oh !
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. …dont l’objectif est bien de proposer un texte de compromis, susceptible d’être accepté par les deux assemblées.
M. Serge Blisko. Il y en avait un !
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Or le Sénat savait pertinemment, compte tenu des débats déjà nombreux sur ce texte, que l’Assemblée nationale n’adopterait pas un texte revenant purement et simplement au lien faible, sans aucune autre proposition, ce qu’a d’ailleurs dénoncé le président Warsmann au cours de cette CMP.
En amendant aujourd’hui le texte issu de la CMP et en adoptant la semaine prochaine, en nouvelle lecture, notre version du texte, comme votre rapporteur vous y invite, nous démontrerons à la nouvelle majorité socialiste du Sénat que les artifices de procédure qu’elle utilise à tort ne peuvent pas avoir pour seul objectif d’entraver l’action de la majorité de l’Assemblée nationale, et ce conformément à l’esprit de nos institutions.
M. Jean-Pierre Schosteck. C’est pourtant ce qu’elle souhaite !
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Hélas !
M. Serge Blisko. Je ne vous savais pas si fin constitutionnaliste, monsieur Goujon !
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. L’article 5 avait pourtant été réécrit, comme vous le savez, pour tenir compte des recommandations de la CNIL et du Conseil d’État, comme des observations du Sénat.
Les garanties juridiques constitutionnelles et même conventionnelles de protection des libertés publiques ont rétabli un lien fort, mais extrêmement encadré, de nature à apaiser toutes les inquiétudes. Dois-je rappeler une nouvelle fois ces garanties ? Le nombre d’empreintes avait été limité à deux, la reconnaissance faciale explicitement exclue et l’accès à la base sur réquisition judiciaire restreint aux seules infractions liées à l’usurpation d’identité et à la recherche de corps de victimes de catastrophes collectives et naturelles.
Nous étions ainsi parvenus, me semble-t-il, à un texte d’équilibre, apte à garantir à la fois la protection de l’identité de nos concitoyens et les libertés publiques. Nonobstant cette ouverture et cet effort de conciliation, que plusieurs orateurs, de droite comme de gauche, ont d’ailleurs reconnu, la commission mixte paritaire a rétabli purement et simplement le lien faible, sacrifiant – je n’hésite pas à le dire – les victimes de fraude à l’identité.
Combien de fois faudra-t-il donc répéter que le lien faible n’offre aucune possibilité de retrouver l’identité d’un usurpateur qui se serait introduit dans la base, ni d’identifier un cadavre ? Cette perméabilité à la fraude, doublée de l’impunité dont est quasiment assuré le fraudeur – il faudrait une centaine d’enquêtes de police pour identifier un seul fraudeur, ce qui, rapporté au taux annuel de fraudes identitaires, qu’on peut estimer à une centaine de milliers, donne un total de 10 millions d’enquêtes de police annuelles – ne garantit pas non plus à 100 % la sécurité de l’identité de nos concitoyens.
À quoi servirait-il d’instaurer une base centrale des données si l’on ne peut l’utiliser, alors même que l’on assortit cette base de toutes les garanties utiles ? La justice se trouverait, de ce fait, tout simplement privée d’un moyen efficace de confondre les délinquants.
Chacun sait, en outre, que le lien faible n’a été adopté par aucun pays au monde, Israël y ayant renoncé à cause de son manque de fiabilité. Son inventeur lui-même le dénigre, le qualifiant de « système dégradé ». Le GIXEL, qui regroupe tous les fabricants français, considère pour sa part qu’il est impossible à mettre en œuvre car il n’a tout simplement aucun sens.
Voilà pourquoi le texte de la commission mixte paritaire est inacceptable. Il n’aurait jamais dû être adopté. Aussi, mes chers collègues, vous invité-je à voter l’amendement présenté par le Gouvernement, qui vise à rétablir, non pas bien sûr le texte initial du projet, mais celui résultant de nos travaux en deuxième lecture – le seul, nous en avons la conviction, qui soit de nature à rassembler aussi bien les défenseurs des libertés que ceux qui œuvrent pour une meilleure sécurité des Français, c’est-à-dire, j’ose l’espérer, nous tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.
M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les députés, le texte qui revient aujourd’hui devant vous a déjà fait l’objet de débats approfondis et constructifs. Votre assemblée était parvenue, à l’issue de la deuxième lecture, à un texte équilibré, à la fois efficace pour la lutte contre l’usurpation d’identité et pourvu de meilleures garanties au regard des libertés publiques.
La commission mixte paritaire qui s’est réunie mardi dernier a souhaité revenir sur votre travail en rétablissant le concept de lien faible plutôt que de conserver un lien univoque entre les données enregistrées dans le fichier des titres électroniques sécurisés, la base TES. Le Gouvernement continue de s’opposer fermement à la fausse solution que constitue le lien faible. C’est la raison pour laquelle je vous propose un amendement tendant à revenir au texte que votre assemblée avait arrêté en deuxième lecture, qui tenait compte largement des préoccupations exprimées par le Sénat.
C’est un retour stratégique pour la bonne mise en œuvre de la future carte nationale d’identité. Il conditionne en effet ni plus ni moins que la réalisation de l’objectif que nous nous sommes fixé et que nous ne devons jamais perdre de vue, à savoir la protection de nos concitoyens contre l’usurpation d’identité. Voir son identité usurpée est en effet une expérience particulièrement traumatisante, d’abord parce qu’elle touche moins ce que nous avons que ce que nous sommes : au préjudice matériel s’ajoute le préjudice moral de voir son honnêteté mise en doute, son nom sali, sa réputation traînée dans la boue. Ensuite, parce qu’elle s’inscrit dans la durée : la constatation de l’usurpation ne suffit pas à en faire cesser les effets. De longs mois sont souvent nécessaires aux forces de l’ordre pour démêler l’identité usurpée de celle de l’usurpateur. Pendant ce temps, la victime peut se retrouver privée de droits et parfois même de sa liberté.
Établir un lien fort entre les éléments d’état civil et les données biométriques au sein de la base TES constitue l’unique moyen d’atteindre notre objectif. Je voudrais attirer votre attention sur les grandes fragilités du lien faible. Fragilité technique, d’abord, puisque l’entreprise qui le propose doute elle-même de sa faisabilité.
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Bien sûr !
M. Claude Guéant, ministre. Elle indique que le lien faible n’est actuellement qu’un concept, qui n’est pas opérationnel, et qui demande du temps et des investissements pour le devenir. Dès lors, envisager de bâtir aujourd’hui sur ce concept un système sécurisé pour des millions de nos concitoyens n’est pas réaliste.
Fragilité conceptuelle, ensuite. Comme je l’ai rappelé à de nombreuses reprises et comme votre rapporteur vient de le dire excellemment, le lien faible permet simplement de constater l’usurpation d’identité, pas de résoudre le problème. Le lien fort, au contraire, permet de remonter, via ses empreintes, jusqu’à l’usurpateur. Il est donc absolument faux de prétendre que les deux dispositifs ont une égale efficacité. Le lien faible est une illusion ; seul le lien fort est une solution.
Dès lors, la seule raison que nous pourrions avoir d’écarter le lien fort serait de considérer qu’il porte atteinte aux libertés fondamentales reconnues à chacun de nos concitoyens. Or tel n’est pas le cas. Le texte que je vous propose de rétablir aujourd’hui, c’est-à-dire celui que vous avez voté en deuxième lecture, comporte en effet toutes les garanties nécessaires au respect des libertés.
Il y a d’abord les garanties imposées par la CNIL en matière d’utilisation des fichiers : restriction de l’accès à la base aux seuls agents de l’Agence nationale des titres sécurisés et traçabilité des accès, segmentation des données, sécurité des transmissions et sécurité contre les intrusions.
Il y a ensuite les garanties que nous avons souhaité inscrire dans la loi. Première garantie légale : le texte proposé rétablit l’interdiction de croiser la base TES avec les autres fichiers publics. Cela signifie, très concrètement, l’interdiction d’utiliser la base pour tout autre objectif que celui de la protection de l’identité. Deuxième garantie légale : le texte que nous vous proposons de rétablir dresse la liste limitative des trois cas où la remontée des empreintes à l’identité est autorisée. Premier cas, très logiquement : au moment de la délivrance ou d’un renouvellement du titre, afin d’en garantir la bonne fabrication et la remise à la bonne personne. Deuxième cas : sous contrôle du procureur de la République, dans le seul cadre des infractions pour usurpation d’identité, ce qui correspond à l’objectif initial de la proposition de loi. Troisième et dernier cas : toujours sous contrôle du procureur, pour permettre l’identification de victimes d’accidents collectifs ou de catastrophes naturelles. Ces garanties sont, j’y insiste, plus fortes que celles qui sont apportées par le lien faible.
À l’inverse du texte proposé par la commission mixte paritaire, la version à laquelle vous étiez parvenue à l’issue de la deuxième lecture inscrivait dans notre droit les moyens de protéger véritablement l’identité de nos concitoyens sans porter atteinte à aucune de nos libertés fondamentales. Au nom du Gouvernement, et dans l’intérêt de nos compatriotes, je vous demande donc de revenir à cette version. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, j’aimerais, à ce stade du débat, revenir sur les conditions dans lesquelles la commission mixte paritaire a abouti.
La CMP a jugé bon d’adopter le texte du Sénat, texte qui n’est en aucun cas conciliable avec la position délibérée par l’Assemblée nationale, telle que les débats l’ont montrée et que l’a relevée notre rapporteur en CMP. Ce n’est qu’au gré d’une majorité de circonstance que le texte du Sénat a tout de même été adopté.
Je dois vous dire, comme je l’ai souligné en commission mixte paritaire, qu’il s’agit, à mon sens, d’un dévoiement de la procédure de la CMP, dont l’objet est précisément d’aboutir, par des compromis des uns et des autres, à une version susceptible de rassembler une majorité dans chacune des deux assemblées.
À cet égard, je note que, sur le site Internet du Sénat, figure une présentation des règles qui régissent les commissions mixtes paritaires et de leur rôle. Je me permets de prendre quelques instants pour vous la lire :
« La vertu de la CMP est, précisément, de pouvoir faire se rencontrer, dans une enceinte réduite, quelques députés et quelques sénateurs dont la mission est de rechercher les compromis – et d’accepter les concessions – les mieux aptes à recueillir l’approbation des deux assemblées […]
« Lorsqu’un vote apparaît nécessaire, il convient de veiller rigoureusement au respect de l’équilibre des votants entre d’une part, les membres de chaque assemblée et d’autre part, la pondération majorité/opposition. Le respect de ces équilibres nécessite parfois la non-participation au vote de certains membres présents, car si tel n’était pas le cas, l’accord obtenu en CMP au gré d’une majorité de circonstance n’aurait aucune chance d’être ratifié en aval par l’une ou l’autre des deux assemblées dans la suite de la procédure. »
Mes chers collègues, nous nous trouvons dans cette situation. Je regrette très sincèrement le comportement de nos collègues sénateurs, qui méconnaît profondément le sens de l’article 45 de la Constitution. Je tenais à rappeler ces quelques principes simples.
Nous sommes en revanche extrêmement satisfaits que le Gouvernement ait choisi d’inscrire immédiatement, dès ce matin, ces conclusions de CMP à notre ordre du jour, et évidemment, comme le rapporteur l’a indiqué, nous apportons tout notre soutien à l’amendement qu’il a déposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Mon propos sera bref, il n’en sera pas moins véhément.
D’abord, je veux protester contre l’organisation de nos travaux. Ce n’est qu’hier à seize heures trente que nous avons appris que les conclusions de la CMP sur ce texte devaient être discutées ce matin alors que cette discussion était programmée pour le 19 janvier. Cette précipitation traduit, selon nous, la volonté de passage en force du Gouvernement et, contrairement à ce que viennent de dire le rapporteur et le président de la commission des lois, nous pensons qu’une telle précipitation témoigne d’un certain mépris pour la représentation nationale.
La CMP avait en effet trouvé un accord sur le dernier article restant en discussion dans ce texte, l’article 5. Elle avait décidé – contre l’avis du Gouvernement, il est vrai – de rétablir le lien faible entre données d’identité et données biométriques.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Le Gouvernement n’est pas représenté en CMP !
M. Marc Dolez. Ce lien, nous venons de l’entendre, est inacceptable pour le Gouvernement, qui s’obstine, coûte que coûte, à établir un lien fort afin d’identifier un individu, c’est-à-dire de retrouver son état civil à partir de ses données biométriques. Cela atteste, selon nous, des réelles intentions du Gouvernement, qui souhaite utiliser le fichier dans le cadre de missions de police judiciaire et non dans le cadre d’une simple gestion administrative des procédures de délivrance des titres.
Pour ce qui nous concerne, si nous sommes satisfaits que le texte de la CMP retienne le lien faible, nous contestons de manière radicale, je le répète, la création de ce type de fichier à vocation générale sous quelque forme que ce soit. Qu’il soit utilisé à des fins de gestion administrative ou à des fins de police judiciaire, nous estimons dangereux pour les libertés publiques de mettre en place un tel fichier généralisé de la population.
Nous voterons donc, une fois de plus, contre cette proposition de loi, même si le texte de la CMP peut être considéré comme un moindre mal.
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais, au nom du groupe UMP, m’associer aux propos de M. le président de la commission des lois pour dénoncer le véritable coup de force institutionnel qui s’est déroulé lors du vote en CMP, qui dévoie nos institutions et notamment son article 45.
M. Serge Blisko et M. Marc Dolez. Oh !
M. Éric Ciotti. Comme l’a excellemment rappelé le président de la commission des lois, nous sommes en présence d’une dérive qu’il convient de dénoncer parce qu’elle nous oriente sur un chemin dangereux pour nos institutions.
M. Serge Blisko. Cela s’appelle la démocratie !
M. Éric Ciotti. Je veux remercier et féliciter le Gouvernement d’avoir réinscrit immédiatement ce texte ici afin que nous puissions rétablir sa version initiale et poursuivre ainsi l’examen d’un projet important et attendu par nos concitoyens.
Tous, nous nous accordons pour souligner que la création de la base des titres électroniques sécurisés est aujourd’hui une nécessité.
Tous, nous reconnaissons que l’usurpation d’identité est un fléau qui paralyse, chaque année, la vie de plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens.
Tous, nous constatons que l’usurpation d’identité est un mode de délinquance en croissance, qu’elle est souvent la première étape avant la réalisation d’infractions très graves.
Outre le traumatisme pour la victime, dont la vie quotidienne se trouve naturellement bouleversée par le vol de son identité, c’est la société dans son ensemble qui en pâtit. L’usurpation d’identité donne le plus souvent lieu à l’escroquerie bancaire, à la fraude aux prestations sociales, à l’entrée et au séjour illégal sur le territoire français, au crime organisé, voire aux actes de terrorisme.
C’est la raison pour laquelle nous recherchons le bon équilibre de mise en œuvre d’une carte d’identité électronique sécurisée intégrant des données biométriques.
Il est ainsi apparu nécessaire de renforcer les moyens de détection des faux documents et d’apporter des garanties solides de sécurité à l’occasion de la délivrance des documents d’identité.
Ce texte entend donc passer à un niveau supérieur de sécurisation de l’identité à travers deux types de mesures : la généralisation de la mise en œuvre des technologies biométriques et la constitution d’un fichier central biométrique des cartes nationales d’identité et des passeports.
Au-delà de ce constat partagé, la question est de savoir quelle architecture retenir pour la base TES, afin de combiner efficacité dans la lutte contre l’usurpation d’identité et strict respect des libertés fondamentales. Il est utile de rappeler que le fichier des identités biométriques est un fichier administratif, et non un fichier de police !
Toutefois, pour répondre aux inquiétudes suscitées par la création de ce fichier administratif, nous avions précisé quatre points lors de l’adoption en deuxième lecture de la proposition de loi à l’Assemblée nationale.
Nous avions ainsi décidé de retenir, pour la carte d’identité électronique, cette même limitation à deux empreintes prélevées et enregistrées.
Deuxième précision, nous avions exclu du traitement la reconnaissance faciale.
Concernant l’accès à la base, nous avions voté que celle-ci ne pourrait désormais être consultée, comme l’a rappelé le ministre, que sous le contrôle d’un magistrat, uniquement dans le cadre d’enquêtes en flagrance, d’enquêtes préliminaires ou sur exécution de commissions rogatoires, liées à des infractions de fraude à l’identité, ou encore, exceptionnellement, de catastrophes naturelles.
Enfin, nous avions limité les interconnexions entre les fichiers. Nous avions ainsi souhaité que soit explicitement inscrite dans la loi l’interdiction de croiser la base TES avec les autres fichiers ou recueils de données nominatives. Concrètement, cela signifie que les données biométriques de la base n’auraient pas pu être utilisées dans un traitement associant un autre fichier. Cette limitation entrait pleinement, elle aussi, dans le champ des recommandations de la CNIL.
Voilà la position équilibrée à laquelle nous étions parvenus, qui prenait en compte les réticences et les réserves des uns et des autres.
C’est à ce stade que la majorité sénatoriale a choisi cette attitude que nous dénoncions à l’instant en commission mixte paritaire, une attitude qui a pour objectif de retarder l’adoption du texte.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Absolument !
M. Éric Ciotti. Il s’agit de tenter une manœuvre dilatoire en revenant à la technique dite du « lien faible », alors que les sénateurs socialistes savaient pertinemment que nous ne pourrions l’accepter en l’état. Loin de la recherche d’un compromis, c’était au contraire un moyen de provoquer la rupture.
On ne pourra protéger les victimes des usurpations d’identité qu’en identifiant les usurpateurs. Or, la technique du lien faible ne le permet pas. La base « à lien faible » présente une très faible fiabilité. Pour preuve, elle n’a été mise en place dans aucun pays au monde !
Cette technique rend tout simplement impossible l’établissement d’un lien ténu et unique entre l’identité civile d’une personne et ses empreintes digitales. Cette construction du fichier sépare en effet les différentes données relatives à la personne que sont les empreintes et l’identité. Au final, l’identification d’un usurpateur se trouve fortement contrainte, sauf à engager une enquête longue et coûteuse. Cette enquête sera-t-elle menée systématiquement ? Bien sûr que non !
Tel qu’issu de la CMP, le texte ne nous donne absolument pas les moyens de notre ambition. Le groupe UMP ne votera ce texte que si l’on revient à la version initiale, à la fois équilibrée et propre à garantir aux citoyens la pleine jouissance de leurs droits légitimes. Il soutiendra donc avec force l’amendement déposé par le Gouvernement pour faire en sorte que l’examen de ce texte se poursuive sur des bases objectives, raisonnées et qui nous permettent de répondre à ce véritable problème que constitue l’usurpation d’identité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
M. Serge Blisko. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord revenir sur ce que le président de la commission des lois a qualifié de « coup de force » de la commission mixte paritaire.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. De dévoiement !
M. Serge Blisko. M. le président de la commission nous a lu le règlement intérieur ou les informations figurant sur le site Internet du Sénat, je ne sais, mais il n’a pas été complet. Il a omis de préciser que ce travail était l’aboutissement de lectures diverses et successives tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Certes, et c’est la seule chose sur laquelle nous pouvons être d’accord, il y avait une incompatibilité, une difficulté très nette à propos des dispositions qui étaient encore en désaccord au moment où s’est réunie la commission mixte paritaire, mais M. Warsmann aurait dû indiquer qu’en deuxième lecture le Sénat avait adopté le texte à la quasi-unanimité, c’est-à-dire tous groupes confondus ; UMP, Union centriste, RDSE, socialiste, communiste et républicain. J’ai sous les yeux le résultat du vote de la deuxième lecture du Sénat : 340 voix contre 5 – excusez du peu. Ce vote exprimait la volonté sénatoriale d’arriver, à l’issue de la deuxième lecture, à un texte…
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Avec un mode de scrutin qui n’est pas conforme à la Constitution !
M. Serge Blisko. Monsieur le président Warsmann, vous êtes certainement un très grand président de notre commission des lois,…
M. Éric Ciotti. Ça, c’est vrai !
M. Serge Blisko. …mais vous n’êtes pas encore le garant de toute la constitutionnalité dans toutes les assemblées de ce pays.
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. C’est dommage ! (Sourires.)
M. Serge Blisko. Certains peuvent le déplorer, pas moi.
En tout cas, votre interprétation mériterait d’être corrigée par le simple exposé des faits objectifs, à savoir que le Sénat a voté à la quasi-unanimité pour la version qui nous a été présentée. Je sais que vous n’avez pas l’habitude que le Sénat soit majoritairement opposé au Gouvernement d’aujourd’hui, néanmoins ce vote représentait l’ensemble du Sénat. Une telle unanimité au Sénat est assez rare, elle contraste d’ailleurs avec la division très profonde de l’Assemblée nationale.
Un véritable problème se posait, puisque le Sénat, défenseur des libertés publiques, a cru devoir, à la quasi-unanimité – 340 voix contre 5, cela fait 99 % à peu près – dire que le texte de l’Assemblée nationale qui était proposé par le rapporteur, et que le Gouvernement soutient, n’était pas de nature à respecter les libertés publiques. Il ne s’agit ni d’un coup de force, ni d’une manœuvre subreptice. Je relève d’ailleurs, sans donner de noms, qu’en commission mixte paritaire un certain nombre de sénateurs UMP ont, par délégation ou directement, accordé leur confiance à la version du lien faible et rejeté la version que vous leur proposiez.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. C’est inexact !
M. Serge Blisko. Je voudrais donc rétablir les faits : dans cette affaire, qui touche aux libertés publiques, l’opposition n’est pas isolée face à la majorité.
Quant au petit coup de force que constitue la précipitation avec laquelle le Gouvernement nous a « proposé », hier à seize heures trente, d’examiner ce texte dès ce matin, je n’y reviens pas. Nous sommes peu nombreux mais, je l’espère, la qualité y est.
Je le rappelle, cette proposition de loi était destinée, à l’origine, à lutter contre une délinquance très perturbante pour les victimes, celle de l’usurpation de leur identité, qui peut causer des dégâts financiers mais aussi psychologiques.
Le problème, au regard des libertés publiques, c’est que vous avez choisi de mettre en place ce que le ministre appelle une « base », c’est-à-dire un fichier généralisé des données biométriques, ce qui, je persiste à le penser, contrevient au principe, posé par la CNIL, de proportionnalité entre l’étendue du fichage et l’objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire.
Vous prétendez vouloir surtout lutter contre l’usurpation d’identité et affirmez que la méthode du lien faible que nous préconisons n’est pas efficace en la matière. Mais regardons les articles auxquels vous vous référez pour l’utilisation de cette base de données biométriques et les infractions auxquelles ils renvoient.
Il s’agit d’abord de l’usurpation d’identité elle-même, visée à l’article 226-4-1 du code pénal, et de l’escroquerie par fausse identité, visée aux articles 313-1 et 313-2 du même code. Est également mentionnée l’atteinte aux services spécialisés de renseignement, ce qui suscite de ma part quelques questions, car il me semble que cela relève d’un autre cadre que l’usurpation d’identité.
Sur l’atteinte à l’état civil des personnes, nous sommes d’accord, mais que recouvre l’entrave à l’exercice de la justice, mentionnée à l’article 434-23 du code pénal ?
Sont encore concernés le faux et l’usage de faux, visés à l’article 441-1, le faux commis dans un document délivré par une administration publique, visé à l’article 441-2, la détention frauduleuse d’un tel document, visée à l’article 441-3, le faux en écriture publique, visé à l’article 441-4, le fait de se faire procurer frauduleusement – en conséquence de l’usurpation d’identité – un document délivré par une administration publique, visé à l’article 441-6, et l’établissement d’un faux certificat, visé à l’article 441-7.
J’accepte la fraude au permis de conduire, visée à l’article L. 225-8 du code de la route, et qui relève bien de l’usurpation d’identité, mais la fraude aux plaques d’immatriculation concerne plutôt, quant à elle, l’identité du véhicule, même si, j’en conviens, elle témoigne d’une intention délictueuse ou criminelle. Quant à la mention d’une fausse adresse ou identité aux agents assermentés des transports, bien qu’elle soit un délit, il ne s’agit plus vraiment d’usurpation d’identité.
Enfin la demande indue de délivrance d’un extrait du casier judiciaire d’un tiers, visée à l’article L. 781 du code de procédure pénale, clôt une liste pour l’heure limitative, mais malgré tout inquiétante, car elle déborde très largement le simple cas de l’usurpation d’identité.
Pour lutter contre toutes ces infractions, vous entendez donc constituer ce que le sénateur Pillet, rapporteur de la proposition de loi, appelle le « fichier des gens honnêtes », qui recensera toute la population française au-delà de quinze ans, au fur et à mesure qu’elle renouvellera sa carte d’identité. Il comptera à terme 45 millions d’entrées, soit le plus grand fichier de France ! Or quand je vois, monsieur le ministre, les difficultés que rencontrent vos services avec le STIC, fichier des infractions constatées qui recense plusieurs millions de personnes et qui, d’après les études de la CNIL, comporte 30 à 40 % de données erronées ou caduques, je ne crois pas à la sécurité juridique, mais redoute au contraire l’incertitude.
La seule façon de neutraliser ce fichier effrayant est de revenir à la disposition dite du lien faible, qui permettrait – j’emploie le conditionnel, car il s’agit de techniques nouvelles sur lesquelles nous manquons de recul – d’identifier 99,9 % des cas d’usurpation d’identité sans attenter à la vie privée.
Au contraire, le lien fort rend possible l’identification d’une personne à partir de ses seules empreintes digitales par la consultation du fichier centralisé. On voit ainsi l’usage qui pourrait en être fait, car les « gens honnêtes » laissent leurs empreintes digitales partout, et ni le ministère de l’intérieur ni les services de gendarmerie et de police n’ont pour mission de suivre à la trace les citoyens en empiétant ainsi gravement sur leur vie privée.
Ces démarches intrusives seront aggravées par l’existence d’une deuxième puce, dite commerciale, sur la future carte d’identité biométrique, accessible en lecture aux magasins, aux administrations, et indispensable pour les paiements à distance. Malgré toutes vos dénégations, rien n’empêchera un de ces hackers capables de s’introduire dans des bases aussi sécurisées que celles des ministères, ou même du Pentagone, de faire le lien entre ces deux puces, et nous risquons demain le dévoilement de nos déplacements privés avec la liste de nos achats. Toutes nos craintes seront alors vérifiées : aucun de nos déplacements, aucun de nos actes n’échappera plus à Big Brother !
Certes, les auditions fort complètes que nous avons menées nous ont permis de comprendre les importants enjeux industriels sous-jacents à cette affaire, et nous savons que quelques entreprises françaises – il faut les en féliciter – sont en pointe dans ce domaine, en particulier à l’export, pour monter un système fiable de documents d’identité dans des pays où l’état civil est incertain.
Pour autant, dans notre pays la question se pose différemment. Malgré quelques ratés que le système COMEDEC devrait permettre de corriger, l’usurpation d’identité peut être combattue par des méthodes biométriques plus respectueuses de la protection des libertés individuelles. D’autres grands pays européens n’ont pas fait le choix que vous voulez imposer au Parlement – cela mérite d’être rappelé sans se limiter à votre version un peu partisane de la CMP, monsieur le président de la commission des lois – et le système que vous voulez mettre en place serait unique en Europe par son étendue et ses capacités intrusives.
Vous avez parlé des garanties qu’offre la loi, mais il me revient en mémoire un exemple que nous avons souvent déploré, celui du suivi sociojudiciaire mis en place par la loi de 1998. Réservé à l’origine aux seuls délinquants sexuels, il a été, au fur et à mesure des lois nouvelles, étendu aux incendiaires, puis aux délinquants de droit commun dont la dangerosité est sans commune mesure avec celle des délinquants sexuels. Aujourd’hui, au bout du compte, son efficacité se dans la masse des personnes susceptibles d’y être soumises.
Certes la loi prévoit des limitations par rapport à vos intentions d’origine, mais rien ne nous dit, monsieur le rapporteur, qu’appelé demain à de hautes fonctions – ce que je ne souhaite pas pour l’avenir de notre pays, même si je forme le vœu que vous puissiez continuer à travailler en notre compagnie –,…
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Merci !
M. Serge Blisko. …vous n’ayez envie d’étendre votre système à d’autres infractions, pour en faire le Big Brother que je décrivais.
Nous vous demandons donc instamment, eu égard au danger pour les libertés individuelles et les libertés publiques, de revenir à la raison, c’est-à-dire à la version adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat en seconde lecture et votée par une large majorité de la CMP.
M. le président. La discussion générale est close.
M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur l’amendement dont je suis saisi.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l’amendement n° 1.
M. Claude Guéant, ministre. Pour toutes les raisons développées par le président de la commission des lois, votre rapporteur et M. Ciotti, le Gouvernement propose de rétablir la rédaction de l’article 5, adoptée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Il est évident, à l’issue de nos débats, que seule l’adoption de l’amendement du Gouvernement, qui rétablit le texte de compromis que nous avions voté en deuxième lecture, permettra d’assurer la double vocation de cette proposition de loi, qui est à la fois de sécuriser les titres d’identité et de permettre d’identifier les fraudeurs, ce que ne permet pas le texte issu de la commission mixte paritaire.
Je remercie Éric Ciotti qui a bien expliqué l’économie générale du texte, et rappelle à MM. Dolez et Blisko qu’on ne peut pas dire, comme ils le prétendent, que nos travaux soient improvisés : il y a déjà eu deux lectures, et nous aurons à travailler encore sur le sujet.
Enfin, je tiens à préciser, au rebours de l’interprétation quelque peu audacieuse de M. Blisko des travaux de la CMP, que les sénateurs UMP qui y participaient, et notamment l’auteur initial de la proposition de loi, M. Lecerf, qui s’est exprimé en faveur du texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ont rejeté le texte de la commission et celui du Sénat.
Le texte adopté par notre assemblée en seconde lecture procédait d’un véritable souci d’aboutir à un compromis que n’a pas compris la majorité socialiste du Sénat, laquelle n’a rien proposé d’autre que le retour au lien faible, qui ne permet pas réellement d’identifier les fraudeurs.
Il s’agit d’un texte particulièrement respectueux de l’avis de la CNIL, puisque cette dernière admet, dans son avis, que le traitement automatisé et centralisé de données biométriques peut être admis, à condition que des exigences en matière de sécurité ou d’ordre public le justifient. Quant aux réserves émises dans cet avis et qui concernent la proportionnalité du traitement, le dispositif que nous proposons ici leur apporte une réponse.
La CNIL réclamait un renforcement de la sécurité d’accès à la base : satisfaction lui est donnée, puisque l’accès à la base sur réquisition judiciaire a été limitée au cas par cas, sous le contrôle d’un magistrat et uniquement pour les enquêtes d’usurpation et d’identification de cadavre en cas de catastrophe.
La CNIL réclamait l’abaissement du nombre d’empreintes : elles sont passées de huit à deux. La CNIL réclamait une procédure de fiabilisation des documents d’état civil : le texte y apporte une réponse à l’article 4, qui n’est plus en discussion.
La CNIL souhaitait également que la loi prévoie l’interdiction de toute interconnexion avec le traitement de données à caractère personnel : nous excluons expressément toute interconnexion des données digitales et faciales.
La CNIL souhaitait de même que soit exclue la reconnaissance faciale : c’est ce que fait le dispositif.
Enfin, la CNIL souhaitait que soit bien rappelé le caractère facultatif de la puce « services », à laquelle vous avez fait allusion, monsieur Blisko, pour que chaque citoyen maîtrise les informations transmises au net service. Vous n’avez d’ailleurs pas été très exact sur ce point, puisqu’il n’est pas possible d’accéder à la base de la façon dont vous l’avez décrit.
Il y a d’autant moins lieu de faire obstacle à l’avancée que représente ce texte qu’il ne s’agit pas d’un fichier de police mais d’un fichier administratif. J’insiste sur ce point : c’est le fichier automatisé des empreintes digitales – FAED – qui sera utilisé dans le cadre d’une enquête de police, et non ce fichier-ci. Un décret en Conseil d’État organisera de surcroît le fonctionnement de cette base.
Pour toutes ces raisons, il est important d’adopter le texte voté par notre assemblée en deuxième lecture, seul à pouvoir garantir la protection des libertés individuelles tout en permettant de confondre les fraudeurs à l’identité qui posent un grave problème dans notre pays. Vous êtes en pleine contradiction, monsieur Blisko, car c’est ce que vous souhaitiez mais sans vous en donner les moyens.
(L’amendement n° 1 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour une explication de vote au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Dominique Raimbourg. Les propos de M. Blisko ont été convaincants, et le seul fait que l’immense majorité des sénateurs se soit prononcée contre ce texte prouve qu’il pose un vrai problème. Au lien fort prévu par le texte, il aurait fallu préférer un lien faible, plus protecteur des libertés individuelles.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement qui vient d’être adopté.
(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines (nos 4001, 4112).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures et vingt minutes pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, dont quinze amendements restent en discussion ; de neuf heures et dix minutes pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, dont onze amendements restent en discussion ; de trois heures et cinquante-six minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont trois amendements restent en discussion ; de quatre heures et cinquante-neuf minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont trois amendements restent en discussion ; de cinquante minutes pour les députés non inscrits.
Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 4.
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l’amendement n° 57.
M. Dominique Raimbourg. La protection judiciaire de la jeunesse et les services pénitentiaires d’insertion et de probation, qui étaient autrefois au premier rang en cas d’enquête pré-sentencielle, sont aujourd’hui relégués à un rang inférieur, ce qui explique que nous demandions la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable, car cet article très important vise à améliorer la prévention de la récidive en recentrant les services pénitentiaires d’insertion et de probation sur leur cœur de métier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Défavorable également, l’amendement visant à supprimer une disposition essentielle du texte.
(L’amendement n° 57 n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 76 de M. le rapporteur est de coordination.
(L’amendement n° 76, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 4, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 77.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Cet amendement, accepté par la commission, vise à améliorer le partage des informations entre l’autorité judiciaire et les médecins ou psychologues qui suivent les personnes poursuivies ou condamnées pour des crimes ou délits violents ou de nature sexuelle.
(L’amendement n° 77, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n° 47, deuxième rectification, du Gouvernement.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement est très important, car il vise à organiser le partage de l’information entre les juridictions et les autorités académiques en cas de poursuite ou de condamnation pour des crimes ou délits violents ou de nature sexuelle, afin de prévenir une éventuelle récidive dont les événements récents nous ont malheureusement démontré le risque.
Ces informations seraient ainsi partagées avec celui qui héberge, souvent après sa libération, la personne placée sous contrôle judiciaire ou condamnée. L’autorité académique et les responsables d’établissement scolaire seraient également avisés. Le juge pourra ainsi communiquer l’ordonnance de contrôle judiciaire ou la décision de condamnation à celui chez qui la personne mise en examen ou condamnée établira sa résidence. Lorsque l’intéressé sera scolarisé, cette communication sera systématiquement faite au responsable de l’établissement scolaire ou universitaire et à l’autorité académique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Très favorable car cet amendement vise à mettre en œuvre une mesure importante tout en prévoyant son encadrement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.
M. Dominique Raimbourg. Sur ces questions, nous partons de très loin, et le débat rejoint celui que nous avons eu hier soir à propos de l’information du maire.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Pas du tout !
M. Dominique Raimbourg. Il est évident que la question de la sortie ou du contrôle judiciaire de personnes faisant l’objet d’une enquête pénale se pose. Or, pour l’instant, nous n’en sommes qu’au partage de l’information. Nous ne pouvons pas y être opposés, mais il faudra étudier le problème du contrôle à la sortie. Celui à qui on donne l’information devra, à un moment donné, être associé au contrôle, sans quoi aucun chef d’établissement n’acceptera de recevoir des personnes ayant présenté des difficultés graves. Ils ne l’accepteront que s’ils sont associés au contrôle.
Se posera inévitablement, par conséquent, la question de la construction d’un contrôle social – aussi désagréable que ce terme puisse être, un contrôle social est toujours préférable à l’enfermement.
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Quelques mots seulement, pour soutenir cet amendement essentiel. L’actualité récente a mis tragiquement en évidence les conséquences d’une information mal partagée. Le Gouvernement, par cet amendement, fait avancer notre droit dans le sens d’une meilleure protection de notre société en renforçant les dispositifs d’information partagée.
Le débat est important, nous en avons beaucoup parlé cette nuit à propos de l’information des maires. Certaines réserves ont été émises et l’amendement n’a d’ailleurs pas été adopté, mais en l’espèce la situation est différente. L’information de la personne ou de l’établissement qui accueille une personne présentant un risque de récidive doit être complète, tout en étant encadrée, ce que le texte prévoit. Le dispositif proposé me paraît pertinent, équilibré et très protecteur.
(L’amendement n° 47, deuxième rectification, est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello pour soutenir l’amendement n° 25.
Mme Muriel Marland-Militello. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Même avis.
Mme Muriel Marland-Militello. Il est retiré.
(L’amendement n° 25 est retiré.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello pour soutenir l’amendement n° 24.
Mme Muriel Marland-Militello. Il est défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Même avis.
Mme Muriel Marland-Militello. Il est retiré ! (Rires.)
(L’amendement n° 24 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l’amendement n° 58.
M. Dominique Raimbourg. Il tend à supprimer l’article 5.
(L’amendement n° 58, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 79 de M. le rapporteur est de précision.
(L’amendement n° 79, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 80 rectifié.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui adopté après l’article 4.
(L’amendement n° 80 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 78 de M. le rapporteur est de coordination.
(L’amendement n° 78, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 5, amendé, est adopté.)
(L’article 6 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l’amendement n° 59.
(L’amendement n° 59, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 81 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement n° 81, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 90.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Depuis de nombreuses années, l’intervention des experts en matière d’exécution des peines est de plus en plus importante et de plus en plus nécessaire, ce qui implique que les autorités judiciaires disposent d’un plus grand nombre d’experts susceptibles d’être désignés pour effectuer les missions qui leur sont confiées.
Le présent amendement vise à compléter la loi de 1971 relative aux experts judiciaires en élargissant le champ des personnes susceptibles d’être inscrites sur les listes, afin de pouvoir bénéficier d’experts aux profils et aux expériences variées, ayant exercé en France ou dans un autre pays de l’Union européenne.
L’amendement permet en outre de mettre la réglementation française en conformité avec les exigences posées par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt rendu le 17 mars 2011 dans l’affaire dite Penarroja, et reprises dans l’arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 29 septembre 2011.
(L’amendement n° 90, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 7, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour présenter l’amendement n° 60.
M. Dominique Raimbourg. Il tend à supprimer l’article 8.
(L’amendement n° 60, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 8 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour présenter l’amendement n° 61.
M. Dominique Raimbourg. Il tend à supprimer l’article 9.
(L’amendement n° 61, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour présenter l’amendement n° 62.
M. Dominique Raimbourg. Il est défendu.
(L’amendement n° 62, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’article 9 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 91 et 27 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 91.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur le président, je laisserai M. Ciotti présenter l’un et l’autre.
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié.
M. Éric Ciotti. Mon amendement, qui est en effet identique à celui de la commission, tend simplement à renforcer la cohérence des dispositions applicables en matière de réhabilitation.
(Les amendements identiques nos 91 et 27 rectifié, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 87, deuxième rectification.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement transpose dans notre droit deux décisions-cadres, celle du 24 juillet 2008 relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne, et celle du 26 février 2009 concernant l’organisation et le contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres.
Il précise ainsi les règles de réhabilitation en cas de condamnations étrangères et permet l’inscription dans le casier judiciaire français des condamnations prononcées à l’étranger et leur restitution en cas de requête formulée par un autre État membre.
L’obligation de conserver au casier les condamnations étrangères tant que l’État de condamnation n’en demande pas l’effacement a conduit, pour éviter une inégalité entre justiciables selon le lieu de condamnation dans la mesure où certains États ne connaissent pas de règles de réhabilitation, à prévoir la possibilité pour la personne de demander l’effacement des mentions au casier dans certains délais de réhabilitation. Cet effacement n’aura toutefois d’effet que pour la délivrance en France des bulletins nos 1, 2 ou 3 du casier judiciaire.
(L’amendement n° 87, deuxième rectification, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l’amendement n° 70.
M. Dominique Raimbourg. Il s’agit, sinon de replacer le maire au centre des dispositifs de protection des victimes, du moins de lui y donner une place lorsque ces dernières font l’objet de pressions telles qu’elles n’osent pas déposer plainte. Il convient de lui permettre alors de se substituer à elles, sans cependant pouvoir demander de dommages et intérêts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je comprends l’idée, mais la rédaction de l’amendement, qui indique simplement que : « Le maire peut exercer les droits reconnus à la partie civile, dans l’intérêt des habitants de la commune », est quelque peu imprécise : on ne voit pas du tout de quelles infractions il peut s’agir.
Je m’oppose d’autant plus à cet amendement que d’autres autorités sont déjà habilitées à s’occuper des intérêts des victimes, à commencer par le procureur de la République, qui poursuit les auteurs d’infraction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Si l’on peut comprendre l’intérêt de cet amendement, son caractère est par trop général. Le maire ne peut porter l’action publique.
Plutôt que d’appeler l’Assemblée à voter contre, je préférerais que M. Raimbourg retire son amendement.
M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Raimbourg ?
M. Dominique Raimbourg. Les objections avancées m’apparaissant fondées, je le retire, monsieur le président.
(L’amendement n° 70 est retiré.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour défendre l’amendement n° 71.
M. Dominique Raimbourg. Il s’agit d’un amendement plus solide juridiquement, et politiquement plus assuré ! (Sourires.)
Bien que l’on entende de longs discours sur la défense des victimes, la loi a, contre notre avis, été récemment modifiée pour interdire à une victime de se constituer partie civile directement s’il n’y a pas eu dépôt de plainte simple au préalable – et à la condition, qui plus est, que cette plainte n’ait pas été suivie d’effet pendant un délai de trois mois.
Nous demandons que soit rétablie la possibilité pour une victime, lorsqu’elle l’estime nécessaire, de se constituer directement partie civile devant le doyen des juges d’instruction, sans qu’il soit obligatoire d’attendre l’expiration du délai fixé par la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Cet amendement, qui a été repoussé par la commission, vise, on l’aura compris, à supprimer le filtre du procureur de la République pour les plaintes avec constitution de partie civile déposée en matière délictuelle.
Si je ne partage pas l’avis qui vient d’être exposé par Dominique Raimbourg, c’est d’abord parce que l’amendement n’a pas un lien direct qui nous occupe s’agissant de l’exécution des peines.
À ce premier élément de réponse, certainement insuffisant, s’ajoute, sur le fond, le fait que le filtre du procureur de la République pour les plaintes avec constitution de partie civile, donc en matière délictuelle, est issu de la loi du 5 mars 2007 visant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale. Cette disposition, je le rappelle, a été mise en place après l’affaire d’Outreau pour limiter des constitutions de partie civile abusives ou dilatoires.
L’équilibre ainsi trouvé est parfaitement satisfaisant puisque la plainte de la victime est seulement – je le souligne – différée de trois mois dans l’attente de la réponse du procureur de la République. Si ce dernier ne prend pas de mesure, la victime a alors la possibilité de se constituer partie civile devant un juge d’instruction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Défavorable. Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, l’amendement est satisfait.
Mme Marietta Karamanli. Pas totalement !
(L’amendement n° 71 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n° 89.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Cet amendement, que j’estime important, tend à mettre en œuvre la recommandation n° 7 du rapport d’information sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information relative aux fichiers de police. Il a pour objet de prévoir qu’en cas de récidive l’obligation de présentation mensuelle s’applique de plein droit, sans qu’il soit nécessaire d’exiger que la juridiction de jugement l’indique expressément.
(L’amendement n° 89, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour présenter l’amendement n° 63.
M. Dominique Raimbourg. Il est défendu : il a trait au mécanisme du numerus clausus dont nous avons longuement parlé hier soir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Évidemment défavorable : je maintiens tout ce que j’ai dit hier soir sur ce sujet. Du point de vue de la logique, le système proposé n’est pas pertinent.
(L’amendement n° 63, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli pour défendre l’amendement n° 72.
Mme Marietta Karamanli. Cet amendement fait suite à ce que nous avons exprimé hier dans la discussion générale puis dans celle des articles. Nous proposons de donner au juge des enfants la possibilité de mettre en place, lorsque la situation le justifie, un contrôle renforcé de mineurs sous la forme d’une cellule de suivi composée du procureur de la République, des membres de la police ou de la gendarmerie, d’un représentant de l’éducation nationale, voire du maître d’apprentissage.
Nous demandons vraiment que la possibilité de mettre en place, par ordonnance motivée, une telle cellule soit offerte au juge des enfants afin de lutter efficacement contre la délinquance de certains mineurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je comprends bien l’idée défendue, mais ce qui est proposé fait partie du travail du juge des enfants : lorsque celui-ci se trouve devant un cas particulièrement difficile – et il en rencontre beaucoup –, il met en place tous les dispositifs qu’il juge utiles.
Plutôt que de rigidifier le système, il faut au contraire laisser une marge de manœuvre au juge des enfants ainsi qu’à tous ceux qui travaillent avec lui, et qui sont habitués à gérer ce type de difficulté. La mise en place d’une telle cellule de suivi pourrait même, à la limite, diluer les responsabilités, voire adresser un mauvais message.
Il convient donc de laisser les choses en l’état, et c’est pourquoi, bien que je comprenne l’intention de ses auteurs, j’émets un avis défavorable à cet amendement, à moins qu’il ne soit retiré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Qu’il me soit permis de faire remarquer aux auteurs de l’amendement que celui-ci me paraît inconstitutionnel. En effet, le principe de la création d’une commission ad hoc chargée du suivi et dotée de pouvoirs d’ordre juridictionnel conduirait à confier à des gens qui n’ont pas la qualité de magistrat certains pouvoirs de ce dernier.
Sans revenir sur d’autres éléments de l’amendement, le seul fait que celui-ci ne soit pas conforme à la constitution devrait conduire ses auteurs à le retirer.
M. le président. L’amendement est-il maintenu ?
M. Dominique Raimbourg. Oui, monsieur le président.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Bien qu’il soit inconstitutionnel ?
(L’amendement n° 72 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l’amendement n° 66.
M. Dominique Raimbourg. Il est défendu.
(L’amendement n° 66, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Sur l’article 9 bis, la parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je souhaite en effet rappeler en quelques mots qu’avec mon collègue Guy Geoffroy nous avions déposé en 2008 une proposition de loi visant à permettre la saisie et la confiscation des biens des délinquants.
Nous ne pouvons pas admettre qu’un certain nombre de délinquants disposent de revenus élevés, aient un train de vie ostentatoire et conduisent de belles voitures. Cela choque terriblement nos concitoyens. C’est pourquoi nous avons voté la loi du 9 juillet 2010 visant à favoriser la saisie et la confiscation en matière pénale. Il est désormais possible, dès le stade de la garde à vue, de bloquer les comptes bancaires d’une personne « ciblée » par les enquêteurs et de saisir ses biens mobiliers et immobiliers. L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués a été créée par la loi pour gérer ces biens. Le jour de la décision définitive du tribunal, si la personne mise en cause est reconnue coupable, la juridiction prononce la confiscation des biens saisis qui servent à indemniser les victimes,…
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. …à alimenter le fonds de concours de la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies, lorsque la condamnation concerne un trafic de stupéfiants – ou qui reviennent en dernier lieu au Trésor public.
Le 30 novembre dernier, la commission des lois a auditionné la directrice générale de l’Agence qui, en neuf mois, a été amenée à gérer la saisie de cent soixante-trois biens immobiliers, de centaines de voitures, de trois bateaux et de 56 millions d’euros. Les choses progressent ; la France dispose aujourd’hui de l’une des meilleures législations parmi celles des pays développés. Il reste toutefois encore du chemin à parcourir, et je souhaite que la montée en puissance de l’Agence se poursuive.
Les articles 9 bis à 9 sexies introduits dans le projet de loi par la commission proposent de faciliter l’exécution des peines complémentaires de confiscation.
L’article 9 bis vise à étendre le champ des confiscations en valeur. Il s’agit de permettre au tribunal de confisquer des biens dont la valeur correspond aux profits engrangés par un délinquant durant la période non prescrite de commission de l’infraction pour laquelle il est condamné. Aujourd’hui, ne peuvent être confisqués que les biens ayant un lien direct avec l’infraction. Si une personne est condamnée pour un trafic de voiture, il n’est possible de confisquer que les biens qu’elle a acquis depuis la prescription, soit depuis trois ans ; la magnifique villa sur la Côte d’Azur acquise il y a dix ans ne peut être saisie. La confiscation en valeur permet que la décision du tribunal soit opposable à l’ensemble des biens de la personne condamnée, y compris ceux qui n’ont pas de liens directs avec l’infraction et ceux qui pourraient être identifiés à une date ultérieure au jugement. Elle concerne donc l’ensemble des biens du condamné, à hauteur du montant fixé par la juridiction.
L’article 9 ter permet de lutter contre la pratique des prête-noms. Il arrive que les délinquants soient les propriétaires réels d’un bien et qu’ils en aient l’usage, mais que ce dernier soit au nom d’une tierce personne. Ce peut être une petite amie dont les revenus ne permettent d’ailleurs pas de justifier l’achat d’un tel bien, ou une structure sociale qui sert à camoufler l’origine des fonds engagés. Sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, nous proposons que le tribunal puisse confisquer les biens dont le véritable utilisateur est le délinquant.
L’article 9 quater précise le champ des confiscations dont l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués assure l’exécution.
L’article 9 quinquies vise à améliorer l’exécution en France des décisions de confiscation émanant de juridictions étrangères, hors Union européenne. La France doit progresser en matière de saisine des biens que les trafiquants condamnés dans notre pays ont mis à l’abri à l’étranger. Pour que les États étrangers nous aident, il faut que nous soyons en mesure d’assurer la réciproque. Afin que le Gouvernement puisse prendre les décrets nécessaires, nous proposons d’introduire en droit français la règle selon laquelle la moitié de la valeur des biens excédant 10 000 euros dont la confiscation a été ordonnée par une juridiction hors Union européenne reviendra à l’État étranger demandeur – en deçà de ce montant l’intégralité des sommes est conservée par le Trésor public français.
Par ailleurs, l’amendement n° 88 vise à mieux définir les actes interrompant la prescription. Cette interruption pourra ainsi résulter des actes et des décisions de l’Agence, dès lors qu’ils ont pour objectif de mettre à exécution des peines de confiscation relevant de sa compétence.
En résumé, mes chers collègues, je vous propose d’améliorer une législation dont l’évolution est attendue avec une extrême impatience par nos concitoyens.
M. Éric Ciotti. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. Je tiens à saluer le travail remarquable effectué par l’Agence, et j’appelle tous nos collègues à voter les améliorations qui nous sont proposées. Ces dispositifs sont redoutablement efficaces ; la commission y est donc très favorable.
M. Guy Geoffroy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.
M. Dominique Raimbourg. La loi du 9 juillet 2010 avait été adoptée à l’unanimité. Nous nous étions tous félicités de la création de l’Agence ; nous ne pouvons que faire de même aujourd’hui, quand s’améliorent les procédures et nos capacités à saisir des biens acquis avec de l’argent frauduleux.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur, et M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yves Vandewalle.
M. Yves Vandewalle. Je soutiens totalement l’évolution qui nous est proposée.
En tant que président d’un parc naturel régional, je souhaite toutefois savoir si les dispositions relatives aux prête-noms s’appliquent aux personnes morales au-delà des personnes physiques.
M. Jean-Paul Garraud, rapporteur. C’est le cas ; c’est d’ailleurs ce qui est le plus important.
M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je le confirme : l’article 9 ter vise également les personnes morales.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. L’Agence fonctionne très bien. J’ai assisté à la réunion de son conseil d’administration : tous ceux qui y siègent sont extrêmement motivés. Cette agence effectue un travail de fond… (Sourires.) Le jeu de mots, involontaire, n’est pas très bon ; disons plutôt un travail marquant. En effet, pour certaines personnes liées au grand banditisme, une condamnation reste une condamnation, ce qui importe pour elles, c’est de retrouver à l’issue de la peine une fortune mal acquise et le train de vie qui était le leur avant l’emprisonnement. En réponse, nous frappons « là où ça fait mal », et c’est tout l’intérêt de l’Agence. Je remercie M. Warsmann qui est à l’origine de sa création, et l’Assemblée nationale ainsi que le Sénat qui nous ont donné les moyens de la faire fonctionner.
Les dispositions que nous allons adopter permettront de parfaire le dispositif en place. Je connais au moins deux cas de sociétés qui servent de prête-noms comme propriétaires de grands bateaux de plaisance de luxe. Demain, lorsque cette loi aura été votée, ces bâtiments pourront être saisis. Nous nous dotons d’un outil véritablement efficace pour lutter contre le grand banditisme. Je remercie à nouveau M. Warsmann et l’Assemblée nationale de donner à l’État les moyens de mener ce combat.
(L’article 9 bis est adopté.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
(L’article 9 ter est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 82 de M. le rapporteur à l’article 9 quater est rédactionnel.
(L’amendement n° 82, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 88 de M. le rapporteur a déjà été défendu par M. le président de la commission.
(L’amendement n° 88, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 83 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement n° 83, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 9 quater, amendé, est adopté.)
(Les articles 9 quinquies et 9 sexies sont successivement adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 92 de M. le rapporteur à l’article 10 est de conséquence.
(L’amendement n° 92, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 10, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux pour soutenir l’amendement n° 46, deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 10.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement technique permet d’organiser le transfert de la compétence de la protection des bâtiments abritant les administrations centrales du ministère de la justice, du ministère de l’intérieur vers les services de l’administration pénitentiaire.
(L’amendement n° 46, deuxième rectification, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président. Nous avons terminé l’examen des articles du projet de loi. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote personnelle.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 17 janvier 2012, après les questions au Gouvernement.
M. le président. M. le Président a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l’informant que l’ordre du jour est ainsi modifié :
La proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à renforcer l’éthique du sport et des droits des sportifs est inscrite le mercredi 18 janvier en fin d’ordre du jour ;
La proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle est inscrite à la fin de l’ordre du jour du jeudi 19 janvier.
M. le président. Prochaine séance, mardi 17 janvier à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Élection d’un juge suppléant de la Cour de justice de la République ;
Vote solennel sur le projet de loi relatif à l’exécution des peines ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature ;
Discussion du projet de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale,
Nicolas Véron