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Commission chargée des affaires européennes

mardi 30 septembre 2008

15 heures

Compte rendu no 63

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Audition de Mme Claire Gibault, rapporteure du Parlement européen sur le statut des artistes en Europe (ouverte à la presse)

II. Communication de M. Didier Quentin sur le troisième « paquet de sécurité maritime » (documents E 3067, E 3074, E 3080, E 3081, E 3086, E 3091 et E 3092)

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

IV. Information relative à la Commission

I. Audition de Mme Claire Gibault, rapporteure du Parlement européen sur le statut des artistes en Europe (ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller : Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui. Votre rapport sur le statut social des artistes, publié en mai 2007, appelle à une amélioration de la situation contractuelle et sociale des artistes en Europe, ainsi qu’à des conditions de mobilité plus favorables. Il met aussi l’accent sur d’autres questions relevant de la politique culturelle, comme l’importance de l’éducation artistique et la nécessité de développer les pratiques artistiques amateurs. Il a permis l’adoption par le Parlement européen d’une résolution sur le statut social des artistes le 7 juin 2007.

Dans un domaine qui relève d’abord de la compétence des Etats, quelle forme pourrait prendre un statut de l’artiste européen et quelles devraient selon vous en être les grandes lignes ? Les Etats membres sont-ils prêts à s’engager sur cette question ? Comment les autres Etats membres jugent-ils le système français des intermittents du spectacle ? Quels sont actuellement les principaux obstacles à la mobilité des artistes et quels seraient les moyens de lever ces obstacles ? Enfin, dans le cadre du plan de travail 2008-2010 en faveur de la culture, le Conseil a mis en place récemment un groupe de travail sur la mobilité des artistes et des autres professionnels du secteur culturel, et la Commission européenne réalise une étude sur cette question. Ces initiatives vont-elles déboucher sur des propositions concrètes et à quelle échéance ?

Mme Claire Gibault, rapporteure du Parlement européen sur le statut des artistes en Europe : Je suis très heureuse de votre invitation et je vous en remercie. En préalable, je tiens à souligner que c’est grâce à ma double qualité de députée européenne et de musicienne et chef d’orchestre que j’ai obtenu ce rapport d’initiative. Dans ma carrière artistique, j’ai pu en effet avoir une vision concrète des difficultés des artistes pour obtenir des visas des pays tiers, ainsi que des problèmes rencontrés par les artistes indépendants en matière de chômage, de sécurité sociale et de retraite. Il arrive même que des directeurs d’opéras ou d’orchestres soient accusés à tort de favoriser le travail clandestin.

Je souhaite vous présenter les avancées de mon rapport sur le statut des artistes qui a été adopté en session plénière du Parlement européen le 7 juin 2007. L'année 2008 est l’« Année européenne du dialogue interculturel »dont l’un des enjeux est la promotion de la diversité culturelle. Une série de projets concrets sur ce thème sera mise en œuvre et financée. Mon rapport sur le statut des artistes, qui était très novateur et qui comportait des propositions très concrètes est donc arrivé à point nommé, car la Commission avait déjà travaillé sur plusieurs propositions de textes visant à encourager la coopération culturelle en Europe, notamment par des mesures favorisant la progression de la mobilité des artistes.

Il est maintenant définitivement acquis pour les Etats membres, que l’action communautaire en matière culturelle ne se substitue pas à l’action des Etats, mais qu’elle la complète.

Le rapport a reçu un écho très favorable de la part des institutions. J’ai ainsi pu rencontrer différents ministres européens de la culture, en Estonie, au Portugal, en Slovénie, en France et bientôt en Suède. J’ai aussi présenté mes conclusions au syndicat italien des artistes musiciens. Je suis particulièrement fière de cet accueil favorable car il s’agit d’un rapport d'initiative, qui n'a pas de véritable force contraignante.

Après le vote du rapport, j'ai engagé des discussions avec la Direction générale de la culture et de l’éducation de la Commission européenne et de nombreuses propositions vont être concrétisées. Mme Odile Quintin, directrice générale de l’éducation et de la culture, a fourni un grand appui à mes propositions.

Un groupe de travail sur la mobilité des artistes et des professionnels du secteur culturel a été constitué en 2007 dans le cadre de la méthode ouverte de coordination. Ce groupe de travail s’est réuni avant l'été et a abordé la question très importante des visas pour les artistes.

Différentes directions générales de la Commission européenne sont impliquées dans ces expertises, à l'issue desquelles une cartographie précise de la situation dans chaque Etat membre sera établie, avec l'idée de réfléchir sur l'établissement d'une « blue card », à l'image de la « green card » américaine, qui pourrait faciliter la mobilité des artistes.

La méthode ouverte de coordination va ainsi permettre la mise en réseau de structures culturelles existantes dans les Etats membres, de comparer les dispositifs mis en oeuvre et de déboucher sur la mise en place de "projets pilotes" qui auront tous pour objet la mobilité des artistes. Des appels à propositions ont été publiés en juillet dernier et la sélection de dossiers se fera entre novembre et décembre 2008. Les projets dureront deux ans et seront périodiquement évalués.

Par ailleurs, l'étude de faisabilité spécifiquement conçue pour faciliter l'échange d'informations sur la mobilité des artistes, leur accès aux visas de courte durée, aux prestations de sécurité sociale, ainsi que la reconstitution de leur carrière au moment de leur retraite, sera réalisée entre le mois d’octobre 2008 et le mois de janvier 2009. Cette étude devra permettre de présenter une proposition visant à améliorer la situation actuelle, à fixer des objectifs communs aux Etats membres et à établir un guide pratique à l'usage des artistes.

Parallèlement, en décembre dernier, la Commission a publié une communication sur « la mobilité, un instrument au service d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité » intitulée « le plan d’action européen pour la mobilité de l’emploi (2007/2010) ».

Au Parlement européen, c’est évidemment la commission de l’emploi et des affaires sociales qui est compétente au fond. La commission de la culture et de l’éducation est consultée et j’en suis le rapporteur fictif. Le vote en commission aura lieu la semaine prochaine.

Mon rapport invite la Commission européenne et les Etats membres à instituer un « registre professionnel européen » pour les artistes (« Europass »), après consultation du secteur artistique, dans lequel pourraient figurer leur statut, la nature et la durée successive de leurs contrats ainsi que les coordonnées de leurs employeurs ou des prestataires de service qui les engagent.

Nous poursuivons nos entretiens avec la Commission pour l’élaboration d’un tel document capable de faciliter les démarches administratives des artistes, surtout lors de la reconstitution des carrières professionnelles au moment de leur retraite.

Je souhaite aborder maintenant ma proposition d’ « Erasmus pour les artistes ». A l’origine, ce programme était seulement destiné aux étudiants de l'enseignement supérieur. Des dispositions sont déjà en train de prendre forme afin que les écoles d'art qui dépendent de l'enseignement supérieur puissent y avoir accès.

Il n'en reste pas moins vrai que les blocages liés à la reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres sont plus forts dans le secteur artistique et restent un frein à la mobilité. Nous touchons du doigt la difficulté de la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le secteur artistique européen, qui reste de la compétence des Etats membres.

Une concertation avec les Etats membres est nécessaire, afin qu'ils invitent, voire qu'ils exigent de certains établissements d'enseignement artistique de leur pays qu'ils reconnaissent et résolvent les difficultés qu'ils éprouvent à intégrer le programme "Erasmus" puis acceptent de modifier leur statut en s'alignant sur les règles d'éligibilité du dispositif. Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, m’a récemment fait part de sa détermination à parvenir à un espace européen élargi de mobilité dans l’enseignement supérieur, auquel participeraient les établissements d’enseignement artistique. Mme Pécresse souhaite proposer de nouvelles actions en ce sens lors du conseil « Education » du mois de novembre.

Les conclusions de l’étude sur l'éducation culturelle et artistique dans l'enseignement obligatoire européen ont été publiées la semaine dernière. A la suite de cette étude, la Commission européenne doit faire une proposition que le Parlement examinera avec une attention toute particulière. Reste toujours l'incertitude de savoir quand cette proposition sera soumise aux parlementaires car tout dépend de l'agenda que fixera la Commission européenne. Il s'agit avant tout d'une question de volonté politique.

Je connais bien les aléas de la flexibilité de nos métiers, c'est la raison pour laquelle mes préoccupations ne s'arrêtent pas à mon implication dans la commission de la culture. Je cherche toujours à trouver des réponses aux difficultés rencontrées par les artistes, qui ne sont pas uniquement d'ordre culturel.

S’agissant de la politique des visas, il est plus difficile de progresser. La direction générale « Justice, liberté et sécurité » réfléchit à l’instauration de visas pour les artistes sur le modèle des visas pour les saisonniers. J’ai par ailleurs déposé un amendement à la proposition de directive sanctionnant les employeurs de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière afin de faciliter l’exercice de leur métier par les artistes et d’éviter que leurs employeurs ne se trouvent systématiquement dans une situation d’illégalité. Les artistes font face à de grandes difficultés pour obtenir les visas lorsqu’ils disposent de contrats de travail à court terme. Une autorisation de séjour temporaire spécifique aux artistes pourrait leur permettre de répondre rapidement à des offres d’emploi sans avoir à s’inquiéter de l’obtention d’un visa et d’un permis de travail. Dans ce secteur, en effet, les déprogrammations et les suspensions de représentations liées aux difficultés d’obtention des visas sont fréquentes et préjudiciables à l’activité. Cet amendement sera soumis au vote de la commission LIBE du Parlement européen début octobre.

Par ailleurs, il est indispensable de faire prendre conscience de la nécessité de donner une impulsion à la culture en Europe. Le droit communautaire n’est d’ailleurs pas si indifférent à la culture, comme on l’entend souvent. A titre d’exemple peut être citée la politique menée en matière de propriété intellectuelle et de droits d’auteur. En premier lieu, il conviendrait de s’assurer que les Etats membres respectent leurs engagements internationaux en matière de culture. En second lieu, une réflexion pourrait être entamée sur la création d’un fonds européen pour les artistes, bien que ces compétences n’appartiennent pas à la Communauté européenne. Ce fonds pourrait être alimenté par un prélèvement sur les revenus de l’exploitation commerciale des œuvres dont les droits sont tombés dans le domaine public, à l’image de la politique menée en Italie. Ce fonds permettrait d’améliorer la sécurité sociale des artistes, de financer la solidarité et d’encourager la prise de risques. Bien entendu, les Etats conserveraient leur pleine souveraineté dans l’élaboration de ce prélèvement. Beaucoup reste à faire mais un tel fonds aurait le mérite d’affirmer une volonté commune de soutien aux artistes.

Enfin, en ce qui concerne l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 juin 2006 sur la présomption de salariat des artistes du spectacle, il a été jugé que la présomption de salariat qui s’applique en France aux artistes établis dans un autre Etat membre et fournissant des prestations en France de manière indépendante est contraire à la libre prestation de services. Les artistes européens ne peuvent se voir appliquer les mêmes obligations sociales que les salariés car le seul fait de payer des cotisations de sécurité sociale ou de devoir prouver que le cadre dans lequel on exerce sa prestation n’est pas un contrat de travail constitue une entrave à la libre prestation de services au sens de l’article 49 du traité CE. La Cour estime qu’il est possible de lutter contre le travail dissimulé par des contrôles a posteriori et des sanctions dissuasives. En outre, la constitution de droits à congés payés n’est pas adaptée à la situation des travailleurs indépendants. Il n’existe donc pas de raison impérieuse d’intérêt général pour présumer de la situation de salariat pour ces artistes. Les contrôles menés devront respecter la libre prestation de services car l’exercice de leur métier par les artistes ne peut être soumis à la discrétion de l’administration et à des contraintes telles qu’elles découragent la fourniture de services en France. Entendu de manière stricte, le droit français définissant l’artiste exerçant à titre indépendant le mettrait devant la nécessité de choisir son public, d’organiser librement son spectacle et de subir seul les charges et les risques de la prestation.

Je souhaite en dernier lieu souligner ma grande joie de pouvoir continuer ma vie de chef d’orchestre avec la direction d’un concert à Strasbourg à l’issue de la présidence française avec l’orchestre philharmonique de Bratislava.

Le Président Pierre Lequiller : la Commission a eu l’occasion de montrer son attachement au domaine culturel en de nombreuses occasions. Comme Edgar Morin l’observe dans « Penser l'Europe », l'Europe n’existe que parce qu’elle dispose d’une culture commune. La coopération gouvernementale est nécessaire puisque la culture ne fait pas partie des domaines communautaires. Un certain nombre de délibérations de la Commission ont cependant visé à la promotion d’Erasmus et il faudra, à l’avenir, insister sur les artistes et leur formation.

M. Didier Quentin : l’importance de la culture pour l'Europe a fait l’objet de nombreuses phrases historiques, comme celle de Jean Monnet : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture ». Parmi les propositions de la rapporteure du Parlement européen, quelles sont les plus emblématiques ? L’Europe est, en effet, compliquée et inintelligible pour le public, et a pour l’instant donné l’impression de s’attacher davantage à défendre le consommateur qu’à promouvoir l’artiste. Un prélèvement sur le patrimoine sera toujours difficile à mettre en œuvre. Quelle forme celui qui est prévu pourrait-il prendre ? En matière d’éducation artistique, enfin, comment gérer la contradiction entre la volonté de concentrer l’effort sur l’acquisition par les élèves des écoles d’un socle commun de connaissance et le souci de leur ouvrir l’esprit à d’autres domaines ?

Le Président Pierre Lequiller : Quelle est la mesure la plus importante ? Est-ce la création du registre professionnel européen ?

Mme Claire Gibault : l’éducation artistique doit intervenir pendant les heures scolaires, et non en extrascolaire. C’est la condition de l’égalité d’accès à la culture. En outre, la sensibilité artistique se développe par la pratique et non par l’apprentissage de l’histoire de l’art, dès la maternelle par exemple, comme c’est parfois suggéré.

Certains votes européens de bon sens sont cependant difficiles à obtenir : un exemple récent est celui où les eurodéputés ont, au nom de la liberté d’expression, protégé la liberté complète du contenu des blogs. Cela revient à ce que les auteurs des blogs peuvent faire courir n’importe quelle rumeur ou information infondée.

L’importance de la culture et de l’art comme lien entre les générations, les morts soutenant les vivants et réciproquement, a été suffisamment soulignée par Victor Hugo.

Pour ce qui concerne les mesures préconisées par le rapport, la création du registre professionnel européen pour les artistes leur donnerait plus aisément accès aux droits sociaux, permettant de reconstituer leur carrière. C’est un élément qui repose néanmoins sur une future coopération européenne. L’actuelle absence de coopération fait que les artistes acquittent des cotisations dans les différents pays où ils exercent, sans pour autant pouvoir bénéficier des droits correspondants puisque aucun versement entre les institutions concernées n’intervient pour l’instant. Il est aussi vrai que les obligations fiscales seraient plus rigoureusement suivies. De même, le registre permettrait de renforcer la lutte contre le travail clandestin.

M. Alfred Almont : La grande qualité du rapport donne l’opportunité de saisir que l'Union européenne doit viser un effort de solidarité à travers les statuts, la situation, la formation, la protection et les règles régissant la mobilité des artistes, pour faciliter la création et la production artistiques.

Mme Claire Gibault : La taxe sur le patrimoine culturel permettrait de financer un certain nombre d’actions comme, par exemple, le régime des intermittents du spectacle. Il y a actuellement une dissymétrie entre les spectacles donnant lieu à droit d’auteur, pour lesquels une partie du billet est dédiée à cette charge, et les spectacles d’auteurs anciens qui ne supportent aucun prélèvement de même ordre. Le dispositif envisagé pourrait cependant être souple, chaque pays organisant, par exemple, des exonérations pour les petites compagnies. Il est essentiel d’établir, en la matière, un large dispositif de solidarité interprofessionnelle et intergénérationnelle.

Le Président Pierre Lequiller : La Commission suivra avec attention l’évolution de ces questions et c’est avec grand plaisir que ses membres répondront à l’invitation pour le concert de clôture le 16 décembre prochain à Strasbourg.

II. Communication de M. Didier Quentin sur le troisième « paquet de sécurité maritime » (documents E 3067, E 3074, E 3080, E 3081, E 3086, E 3091 et E 3092)

M Didier Quentin a indiqué que la Commission européenne a présenté – en novembre 2005 – sept propositions, appelées « troisième paquet maritime », analysées de manière exhaustive dans le rapport d’information n3594 présenté par le rapporteur le 17 janvier 2007 avec M. Guy Lengagne. Il a été suivi d’une proposition de résolution de la Commission, adoptée sans modification par la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, et devenue définitive le 8 mars 2007.

Le rapporteur ne reviendra pas sur les aspects techniques de ces textes, pour exposer les raisons qui expliquent que, presque deux ans après ce rapport, le « paquet Erika III » n’ait toujours pas vu le jour, malgré les efforts du Gouvernement français et du Commissaire européen Jacques Barrot.

Le « troisième paquet » ne se borne pas à renforcer les dispositifs existants pour prévenir la pollution. Il ambitionne de doter l’Europe d’une véritable politique commune de sécurité maritime, attendue depuis longtemps par les opinions publiques, et de parvenir à la création d’un espace maritime communautaire. Il comporte, deux propositions phares – qui sont également les textes les plus sensibles – les projets de directive relative au respect des obligations de l’Etat du pavillon et celle relative à la responsabilité civile des propriétaires de navires. Ces deux propositions n’ont toujours pas été acceptées par le Conseil, qui a repoussé au 9 octobre leur examen. En outre, de nombreuses divergences subsistent entre le Conseil des ministres et le Parlement européen sur les cinq premières directives adoptées.

La réunion informelle des ministres des transports, qui s’est tenue à la Rochelle le 2 septembre dernier, a permis de réengager le débat sur ces deux directives. Mais un accord est loin d’être acquis à l’heure actuelle.

Il faut soutenir la présidence française dans ses efforts de compromis qui pourraient conduire à l’adoption de deux directives édulcorées, accompagnées d’un engagement des Etats à ratifier dans un délai rapide les conventions de l’Organisation maritime internationale.

Si ce compromis émerge au sein du Conseil, le Parlement européen devrait accepter un accord a minima, faute de quoi le « paquet Erika III » se trouverait bloqué, malgré deux ans de travail et les efforts considérables de la présidence française.

Les raisons de ce blocage sont liées au désir de la Commission européenne d’intégrer dans le droit interne la réglementation promulguée par l’Organisation maritime internationale.

Les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Danemark, la Grèce, Chypre et Malte, estiment que les propositions de directive relatives à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires, et celle concernant le respect des obligations des Etats du pavillon, doivent relever des accords internationaux souscrits dans le cadre des conventions de l’OMI et non de règles européennes.

Le Parlement européen considère, quant à lui, que le paquet Erika III constitue un tout cohérent et qu’il ne saurait être question de s’en remettre à la bonne volonté des Etats, sur des points aussi importants que l’obligation de souscrire une garantie financière, avant d’entrer dans un port européen, ou la nécessité pour l’Etat du pavillon de se soumettre à des audits réguliers de l’OMI.

Le rapporteur partage le sentiment du Parlement européen mais est en désaccord sur la procédure suivie. Le Parlement européen a intégré les deux directives rejetées par le Conseil sous forme d’amendements dans les cinq autres directives en discussion. Il craint que le mieux ne soit l’ennemi du bien, et que ce bras de fer entre le Conseil et le Parlement ne soit contreproductif, et dissuade les institutions européennes de poursuivre la mise en place de cette politique commune de sécurité maritime.

En outre, trois divergences entre le Conseil et le Parlement demeurent particulièrement épineuses : l'institution d'une autorité compétente et indépendante pour statuer sur l’accueil des navires ayant besoin d’assistance, l’obligation de dédommager les ports d’accueil des navires en difficulté et la garantie accordée par l’Etat aux sociétés de classification.

Le Parlement européen vient de rétablir l’obligation de recourir à une autorité administrative indépendante pour désigner le port de refuge, rejetée par le Conseil. Or, le projet de directive ne saurait s’appliquer aux installations militaires, pour lesquelles l’Union européenne n’a aucune compétence. Lorsqu’il était Secrétaire général à la mer, le rapporteur a pu mesurer la contribution essentielle à la sécurité des préfets maritimes, militaires, ne pouvant être placés sous l’autorité d’une autorité indépendante, et dont il serait regrettable de se priver du concours.

Mais surtout, cette proposition est contraire au principe de subsidiarité. La notion d’autorité indépendante est incompatible avec notre organisation constitutionnelle et administrative, dans laquelle les décisions à prendre en matière de sécurité maritime relèvent de l'exercice du pouvoir de police générale en mer, dont le titulaire reste subordonné à l’autorité gouvernementale.

Si le Conseil suivait le Parlement européen sur ce point, le rapporteur demanderait à ce que l’Assemblée nationale, conformément à l’article 88-6 de la Constitution, engage un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne pour violation du principe de subsidiarité (lorsque le traité de Lisbonne sera entré en vigueur).

Deux autres points de divergence doivent également être mentionnés : l’obligation de dédommager les ports d’accueil des navires en difficulté, qui pourrait conduire des ports français à devoir accueillir des épaves indéfiniment au frais du contribuable français ainsi que la garantie accordée par l’Etat aux sociétés de classification, qui peut être un facteur d’immunité pour ces dernières et se heurte, de ce fait aux réticences des gouvernements.

Sur l’ensemble de ces points, le rapporteur espère que la procédure de conciliation permettra d’aboutir à un compromis.

Les difficultés pour aboutir à un accord au sein du Conseil illustrent la difficulté qui peut exister pour mettre en œuvre une politique novatrice au sein de l’Union. Il ne faut pas attendre une nouvelle catastrophe maritime pour que ces projets voient le jour.

L’ensemble du paquet forme un tout, difficilement dissociable si nous voulons atteindre l’objectif de mise en place d’un espace européen de la sécurité maritime, qui doit se gérer à l’échelon communautaire. Or, s’agissant de la sécurité des citoyens de l’Union, un délai d’adoption de ces textes supérieur à deux ans n’est guère acceptable. Le naufrage de l’Erika date de décembre 1999.

En conclusion de ce point d’information sur ce dossier, M. Didier Quentin a déclaré avoir rédigé un communiqué de presse décrivant l’objet de cette communication.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Didier Quentin de ces informations en souhaitant que les remarques du rapporteur soient prises en compte par le Conseil.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point B

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de décision du Conseil concernant la signature et la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République populaire de Chine relatif aux précurseurs de drogues et aux substances utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes (document E 3913).

Ø PESC et relations extérieures

- proposition de décision du Conseil relative à la position de la Communauté au sein du comité mixte pour la mise en œuvre de l’article 66 de l’accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part (document E 3956) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République de Cuba (document E 3984) ;

- proposition de décision du Conseil sur une position de la Communauté au conseil de stabilisation et d'association CE-Croatie en ce qui concerne la participation de la Croatie en tant qu'observateur aux travaux de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les modalités respectives en matière de participation aux initiatives prises par l'Agence, de contributions financières et de personnel, dans le cadre établi par les articles 4 et 5 du règlement (CE) no 168/2007 du Conseil (document E 3989) ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d’un accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique relatif à la participation des Etats-Unis d’Amérique à la mission « Etat de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo, EULEX Kosovo (document E 3998).

Ces cinq documents ne présentant pas de difficulté, la Commission les a approuvés.

Par ailleurs, la Commission a pris acte du document suivant, complémentaire au projet de budget rectificatif no 6 pour l’année 2008, celui-ci ayant été examiné par la Commission le 15 juillet 2008 :

- projet de budget rectificatif no 6 pour l'exercice 2008 établi par le Conseil le 15 septembre 2008. Exposé des motifs (document E 3992-6).

IV. Information relative à la Commission

Le rapport sur les dix ans de l’euro pour lequel M. Daniel Garrigue a été nommé rapporteur le 22 juillet 2008 s’intitulera désormais « L’Europe face à la crise financière ».