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Document E4207
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1927/2006 portant création du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.


E4207 déposé le 9 janvier 2009 distribué le 9 janvier 2009 (13ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2008) 0867 final du 16 décembre 2008, transmis au Conseil de l'Union européenne le 18 décembre 2008)

Ce texte a été présenté par M. Michel HERBILLON , rapporteur, au cours de la réunion de la Commission du 4 mars 2009.

***

Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) a été établi par le règlement (CE) n° 1927/2006 du 20 décembre 2006, qui en a fixé les modalités de mise en oeuvre.

Cette initiative communautaire a répondu à une demande de la France, ainsi que du Royaume-Uni alors marqué par la faillite du constructeur automobile Rover et dont le Premier ministre était M. Tony Blair.

Il vise à développer les mesures dites actives de la politique de l’emploi. Son objectif est de venir en aide, par des services personnalisés visant à leur réinsertion professionnelle, aux salariés licenciés en raison de la mondialisation. Celle-ci se traduit, en effet, par une évolution rapide de la répartition de la production entre les pays européens et les pays émergents et, ainsi, par des mutations du commerce international.

Le Fonds n’intervient toutefois que pour les restructurations d’une certaine ampleur. Un seuil de 1.000 licenciements est exigé. Il doit être atteint soit sur une période de 4 mois en cas de restructuration d’une seule entreprise, avec prise en compte des effets en aval et amont de la filière, soit sur une période de 9 mois pour un même secteur et dans un bassin d’emploi, lorsque ce sont uniquement des entreprises de moindre taille ou des PME qui sont touchées.

Après deux années de fonctionnement, sur les années 2007 et 2008, le Fonds a donné des résultats qui sont en deçà des espérances qui avaient présidé à sa création.

D’une part, le nombre des dossiers déposés a été faible : 10 en 2007 (dont 1 d’ailleurs retiré) ; 3 en 2008 ; 2, en l’état, pour 2009.

D’autre part, sa dotation de 500 millions d’euros par an, financée sur des crédits non consommés, n’a été que peu utilisée, et c’est un euphémisme. 22 millions d’euros ont été payés au titre d’une partie uniquement des dossiers 2007, trois dossiers étant encore en cours de traitement.

Les tableaux figurant en annexe, publiés par la Commission européenne, récapitulent ces éléments.

En résumé, alors que l’on partait du principe que le FEM prêterait chaque année assistance à un effectif allant de 35 000 à 50 000 salariés, à raison d’une somme allant de 10 000 à 20 000 euros pour les actions en faveur de chacun d’entre eux, les 18 premiers mois ont montré des résultats très inférieurs, pour les effectifs comme pour les financements : 12 dossiers, 15 000 travailleurs et 4 500 euros en moyenne par salarié.

Sur cette même période de 18 mois couvrant l’année 2007 et le premier semestre 2008, le European Restructuring Monitor a pourtant fait état de 104 restructurations d’entreprises touchant plus de 1 000 salariés et, par conséquent, susceptibles d’être éligibles.

Conformément aux conclusions du rapport d’évaluation publié le 2 juillet dernier, la Commission européenne a donc mené des consultations auprès des partenaires sociaux comme des Etats membres.

S’agissant de ces derniers, il est apparu que des dossiers susceptibles d’être éligibles n’avaient pas été présentés pour diverses raisons. La durée, plus longue que celle de 4 mois prévue par le règlement, d’échelonnement des licenciements a été mentionnée comme l’un de ces facteurs. De même, il s’est avéré que le délai de 12 mois pour mettre en œuvre un ensemble coordonné d’actions personnalisées d’adaptation professionnelle du salarié était trop juste. En outre, le lien entre les restructurations et l’évolution du commerce mondial est parfois délicat à étayer sur des données précises.

De plus, l’étude précitée du European Restructuring Monitor a également montré que le niveau du seuil des 1 000 licenciements collectifs pour que la restructuration concernée soit éligible au FEM est en cause. Il est apparu que 73 restructurations liées aux évolutions du commerce mondial avaient au cours de ces mêmes 18 mois affecté entre 500 et 1 000 salariés.

Néanmoins, au-delà de ces éléments, il a été clairement précisé au rapporteur que d’autres facteurs devaient être pris en compte.

D’une part, pour s’en tenir à la question du nombre de licenciements, les informations délivrées par la presse sont souvent trompeuses sur l’ampleur des restructurations économiques. Ce qui est annoncé comme des licenciements ne l’est pas nécessairement. Il faut compter non seulement avec les non renouvellements de CDD, les non remplacements de départs en retraite ou les départs volontaires, mais également avec les mutations internes au sein des entreprises entre différents sites. Il en résulte ainsi un écart entre la diminution du nombre des personnes employées et le nombre des licenciements effectifs, lequel qui conditionne l’intervention du FEM.

D’autre part, dans l’instruction des dossiers, la Commission européenne a fait preuve d’une doctrine assez rigide. Comme le FEM ne fait pas l’objet d’une ligne budgétaire spécifique, elle doit solliciter sur chaque dossier l’accord de l’autorité budgétaire, c’est-à-dire du Conseil comme du Parlement européen. Elle a ainsi eu, dès l’origine, dès les deux premiers dossiers, d’ailleurs présentés par la France, une approche très prudente, reposant sur un contrôle très strict, lequel a engendré dans les Etats membres une atmosphère générale de précaution dont on peut dire sans forcer le trait qu’elle confine à l’autocensure.

Ainsi, cette rigidité conduit certains à considérer que le Fonds a vocation à intervenir qu’en cas de liquidation d’entreprises, alors qu’une telle condition ne fait en aucun cas partie des critères prévus.

Enfin, comme les interventions du FEM ne se substituent pas aux obligations des différents acteurs nationaux et, notamment à celles des entreprises vis-à-vis de leurs salariés, elles n’ont pas pour les pays comme la France, où ces dernières sont importantes, la même portée que pour d’autres Etats membres. Pour faire court, le FEM apparaît pour la France comme une structure de cofinancement des actions qui sont engagées par l’Etat dans le cadre du Fonds national pour l’emploi (FNE).

Dans ce contexte, une évolution du FEM s’imposait pour donner à cet instrument toute l’ampleur qui lui revient.

Telle a été la position de notre pays, favorable à une révision de ses modalités de fonctionnement, même si cela ne figurait pas dans les priorités affichées au début de la Présidence française.

Dans sa proposition de règlement présentée le 9 janvier dernier, la Commission européenne ne s’est cependant pas limitée à une amélioration technique du FEM.

Comme l’y invitaient fermement les circonstances, elle a, en effet, tenu compte de l’ampleur des conséquences de la crise financières qui s’est déclenchée après la faillite de Lehman-Brothers, en septembre dernier. Elle a ainsi proposé de faire du FEM l’un des éléments du Plan européen pour la relance économique.

Même s’il modifie la nature du Fonds, ce choix d’une Europe qui vient en aide, de manière explicite et visible, aux salariés touchés par une crise économique d’une ampleur sans précédent depuis 1945 apparaît pertinent et ne saurait donc être mis en cause.

Sur le fond, les mesures proposées par la Commission européenne sont pour l’essentiel au nombre de quatre et visent :

– d’une part, comme on vient de le voir, à permettre au FEM de financer, également, les actions en faveur des salariés qui perdent leur emploi en raison de l’actuelle crise financière et économique mondiale. Cette mesure serait temporaire et concernerait les dossiers présentés jusqu’au 31 décembre 2010 ;

– d’autre part, à réduire de 1 000 à 500 licenciements le seuil d’éligibilité au FEM ;

– en outre, à porter le taux de cofinancement européen de 50 à 75 %, afin d’augmenter la part des actions en faveur des salariés prise en charge par le budget de l’Union ;

– enfin, à allonger de 12 à 24 mois la durée de la période durant laquelle les actions éligibles en faveur de la réadaptation des salariés peuvent être menées.

De plus un facteur de souplesse est prévu pour le délai précité de 4 mois de prise en compte de licenciements, en cas de défaillance d’une grande entreprise.

Du point de vue de la France, ces mesures de bon sens n’appellent aucune réserve de fond, ainsi que l’a indiqué lors de son audition par la Commission, le 21 janvier dernier, la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Mme Christine Lagarde.

Néanmoins, s’il procure plusieurs motifs de satisfaction, le texte de la Commission européenne peut être substantiellement amélioré sur deux points.

Le premier est d’ordre technique et concerne la notion de licenciement. Il s’agit de régler la difficulté de l’écart entre la diminution des emplois et le nombre des licenciements. Seraient pris en compte non plus le nombre des licenciements, mais, d’une manière plus large, le nombre des ruptures de contrat de travail, ce qui reviendrait à intégrer les départs volontaires. Selon les informations communiquées, les travaux préparatoires au Conseil se dérouleraient dans un sens assez favorable à une telle solution.

En revanche, il apparaît difficile d’aller au-delà et de prendre en compte les non renouvellements de contrats à durée déterminée, notamment parce qu’ils interviennent en général très tôt, bien avant que les suppressions d’emplois concernent les effectifs pérennes de l’entreprise.

Le deuxième point sur lequel le texte peut être substantiellement amélioré concerne la procédure. Comme on l’a vu, la mobilisation du Fonds exige en l’état une intervention au cas par cas de l’autorité budgétaire. Cette exigence d’une autorisation du Conseil et du Parlement européen sur chaque dossier provoque un allongement de l’ordre de 4 mois de son délai d’intervention et nuit à la réactivité de l’instrument. Il convient donc de procéder à une révision en profondeur du FEM, de manière à la supprimer.

Par ailleurs, ainsi qu’il l’a été précisé au rapporteur, il convient que la doctrine de mobilisation du Fonds s’assouplisse à la lumière de l’expérience, notamment pour éviter que celui-ci donne l’impression de n’intervenir que lorsqu’il y a liquidation de l’entreprise, alors que cet élément ne figure pas parmi les conditions de sa mobilisation.

Pour ce qui est, enfin, du calendrier, on prévoit, en l’état, une adoption de cette proposition de règlement avant l’interruption des travaux du Parlement européen. La rapporteure de la Commission Emploi et affaires sociales, saisie au fond, Mme Gabriele Stauner (PPE, Allemagne), a d’ailleurs commencé ses travaux, de même que le groupe des questions sociales, dans le cadre des débats préparatoires au Conseil.

Néanmoins, il ne faut pas méconnaître que plusieurs Etats membres, notamment l’Allemagne, mais aussi le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, souhaitent que le futur dispositif reste assez proche de l’actuelle épure et observent bien que la prise en compte des conséquences de l’actuelle crise économique n’est pas conforme à l’intention initiale qui a présidé à la création du Fonds.

Dans ces circonstances, il appartient par conséquent à notre Commission :

– d’une part, de manifester son soutien à la réforme proposée ;

– d’autre part, de clairement afficher qu’elle demande un texte plus ambitieux pour un FEM plus efficace, grâce à la prise en compte de l’ensemble des ruptures de contrats de travail et non des seuls licenciements, ainsi que plus réactif, en supprimant l’obligation d’une décision au cas par cas de l’autorité budgétaire ;

– enfin, en affirmant son souhait de voir la révision engagée aboutir à bref délai compte tenu de l’évolution actuelle du chômage, laquelle exige de toute évidence une mobilisation rapide de tous les instruments, européens ou nationaux, de la politique de l’emploi.

*

* *

Un court débat a suivi l’exposé de M. Michel HERBILLON , rapporteur.

« M. Jérôme LAMBERT . Je suis tout à fait d’accord avec cet exposé. En effet, au cours de nos débats relatifs à l’institution de ce fonds, j’avais, au nom de mon groupe, émis un certain nombre de critiques et souligné les imperfections qui ne manqueraient pas de se faire jour. Je ne peux donc que souscrire à ces améliorations que j’avais envisagées dès l’origine. S’agissant de la proposition de résolution, je vous propose de souligner dans son sixième paragraphe les graves répercussions sociales de la crise financière.

Le Président Pierre LEQUILLER . Pourriez-vous préciser ce que recouvre la prise en compte pour le seuil d’éligibilité de toutes les ruptures de contrat de travail et non pas des seuls licenciements ?

M. Michel HERBILLON . L’ensemble des ruptures de contrat de travail permet d’inclure les départs volontaires. Cette notion est juridiquement plus large que celle de licenciement.

M. Jérôme LAMBERT . Et qu’en sera-t-il des non-remplacements des départs à la retraite ? Seront-ils comptabilisés ?

M. Michel HERBILLON . Il est vrai qu’il s’agit là d’une question importante, au même titre que celle qui se pose pour les contrats à durée déterminée (CDD) non renouvelés. Il faut cependant être réaliste et une extension aux départs volontaires constitue déjà une avancée essentielle.

M. Jérôme LAMBERT . Néanmoins, le fait que le non-remplacement des départs en retraite peut représenter de nombreuses pertes d’emploi sur certains bassins d’emplois doit être souligné. »

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le règlement (CE) no1927/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, portant création du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant (CE) no1927/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, portant création du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (COM [2008] 867 final/noE 4207]),

Constatant que le Fonds n’a pas en l’état répondu aux attentes qui ont présidé à sa création et qu’une révision de ses modalités d’intervention est donc nécessaire ;

Constatant que l’actuelle crise financière et économique mondiale, d’une ampleur sans précédent depuis 1945, et ses graves répercussions sociales exigent des mesures exceptionnelles et justifient ainsi un changement d’orientation dans sa mise en œuvre ;

Considérant, en outre, que l’Europe doit manifester dans de telles circonstances, par des actions concrètes et visibles en faveur de ceux qui perdent leur emploi, la réalité de sa dimension sociale ;

1. Se félicite de ce que la proposition de règlement précitée vise :

a) à élargir le champ d’intervention du Fonds, de manière à aider les salariés victimes des restructurations que provoque cette crise ;

b) à réduire de 1.000 à 500 le seuil des licenciements conditionnant sa mobilisation ;

c) à élever, de 50 % à 75 % des dépenses éligibles, le taux de cofinancement du Fonds ;

d) à porter de 12 à 24 mois la période de mise en œuvre des actions éligibles ;

2. Estime néanmoins que son dispositif peut être amélioré pour le rendre plus efficace et plus réactif :

a) d’une part, en prenant en compte pour le seuil précité, toutes les ruptures de contrats de travail, et non pas les seuls licenciements ;

b) d’autre part, en supprimant l’obligation d’une décision au cas par cas de l’autorité budgétaire ;

3. Juge également indispensable que la révision engagée aboutisse dans les meilleurs délais de manière à permettre, comme l’y invitent les circonstances, la mobilisation rapide de cet instrument européen en faveur de l’emploi ».

ANNEXE : Bilan du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM)

Demandes 2007
Référence Etat membre Cas Montant en euros Etape
EGF/2007/001 France Fournisseurs de Peugeot 2 558 250 Paiement intégral
EGF/2007/002 France Fournisseurs de Renault 1 258 030 Paiement intégral
EGF/2007/003 Allemagne BenQ (***) 12 766 150 Paiement intégral
EGF/2007/004 Finlande Perlos (***) 2 028 538 Paiement intégral
EGF/2007/005 Italie Sardaigne (*) 10 971 000 Analyse par la Commission
EGF/2007/006 Italie Piemont (*) 7 798 750 Analyse par la Commission
EGF/2007/007 Italie Lombardie (*) 12 534 125 Analyse par la Commission
EGF/2007/008 Malte Malte (*) 681 207 Paiement intégral
EGF/2007/009 Espagne Delphi (**) Retirée
EGF/2007/010 Portugal Lisboa-Alentajo (**) 2 425 675 Paiement intégral

Source : Commission européenne.

Demandes 2008
Référence Etat membre Cas Montant en euros Etape EGF/2008/001 Italie Toscane (*) 4 159 200 Analyse par la Commission
EGF/2008/002 Espagne Delphi (**) 10 901 544 Procédure budgétaire
EGF/2008/003 Lithuanie Alytaus Tekstile (*) 298 994 Procédure budgétaire

Source : Commission européenne.

Demandes 2009
Référence Etat membre Cas Montant en euros Etape EGF/2009/001 Portugal Norte-Centro (**) 832 800 Analyse par la Commission
EGF/2009/002 Allemagne Nokia (***) 8 787 350 Analyse par la Commission

Source : Commission européenne.

(*) Secteur textile.

(**) Secteur automobile.

(***) Téléphonie.