Version PDF

DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 190

Réunion du mercredi 22 novembre 2006 à 16 h 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen, au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité, de la proposition de directive sur l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté, par MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin

Le Président Pierre Lequiller a souhaité la bienvenue à M. Blagoj Zasov, Vice-Président de la commission des affaires européennes de l'ancienne République yougoslave de Macédoine, qui assistera à une partie des travaux de la Délégation.

M. Didier Quentin, rapporteur, a souhaité rappeler le cadre procédural de ce contrôle et présenter les grandes lignes de la proposition de la Commission européenne.

Il a d'abord précisé que ce contrôle de subsidiarité et de proportionnalité était une opération « test » découlant de décisions prises par la COSAC (Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires) lors de ses réunions de Londres, en octobre 2005, et de Vienne, en février 2006. Il s'agit d'ailleurs d'un second test, puisque la Délégation a déjà examiné, le 19 septembre dernier, la proposition de règlement sur la compétence et les règles relatives à la loi applicable en matière matrimoniale, et en particulier de divorce. Ce contrôle s'exerce en dehors du cadre de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution. Néanmoins, les deux procédures ne sont pas exclusives l'une de l'autre. La Délégation a d'ailleurs déjà été saisie de la proposition de directive postale au titre de l'article 88-4 et elle aura donc la possibilité de l'examiner au fond et de manière plus détaillée dans les prochains mois.

Conformément aux dispositions du Protocole sur le rôle des parlements nationaux annexé au traité d'Amsterdam, le contrôle de subsidiarité et de proportionnalité s'exerce dans le délai de six semaines à partir du moment où la proposition de la Commission est mise à la disposition du Parlement et du Conseil dans toutes les langues. Dans notre cas d'espèce, ce contrôle doit être achevé au plus tard le 11 décembre 2006.

S'agissant de la procédure propre à l'Assemblée nationale, elle a été définie à la suite d'un échange de courriers entre le Président de la Délégation et le Président de l'Assemblée nationale. Il a ainsi été décidé que la Délégation pour l'Union européenne préparerait des « projets d'avis » et les communiquerait à la présidence qui, comme elle le fait pour toutes les initiatives parlementaires, les renverrait à la commission compétente, cette dernière devant disposer d'un délai de trois semaines pour se prononcer. En cas de divergence entre la Délégation et la commission, c'est le point de vue de la commission qui prévaudrait. La position définitive de l'Assemblée, qu'elle résulte d'une décision de la commission ou de la Délégation, sera communiquée par la présidence à la Commission européenne et au Gouvernement.

La principale conséquence de la brièveté du délai est que la Délégation devrait assez peu tirer profit des échanges d'informations entre les parlements sur le site internet IPEX, car la plupart des assemblées parlementaires se prononceront après l'avis de la Délégation. S'agissant de la directive postale, dix chambres parlementaires ont fait part de l'état d'avancement de leurs travaux. Il en ressort que seules deux assemblées ont émis un avis avant notre Délégation : la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale hongroise, qui s'est prononcée le 15 novembre, et la commission des affaires économiques du Sénat néerlandais, qui s'est réunie le 21 novembre. Sur le plan national, il convient de signaler que la Délégation du Sénat ne devrait donner son opinion que le mardi 28 novembre, sur le rapport de M. Pierre Fauchon.

Le cadre communautaire pour les services postaux est actuellement constitué par la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997, modifiée par la directive 2002/39/CE du 10 juin 2002. La directive 97/67/CE modifiée établit un « service universel » qui comprend la levée, le tri, le transport et la distribution - au moins cinq jours par semaine - des envois postaux jusqu'à 2 kg et des colis postaux jusqu'à 10 kg (ou 20 kg, au choix des autorités nationales). La directive de 1997 dispose également que dans la mesure où cela est nécessaire pour assurer le maintien du service universel, les Etats membres peuvent continuer à réserver des services à un des prestataires du service universel. Depuis le 1er janvier 2006, ce « secteur réservé » concerne essentiellement les correspondances d'un poids inférieur à 50 grammes et dont le prix est égal ou inférieur à deux fois et demie le tarif de base, c'est-à-dire, en France, 1,325 euro.

La transposition de ces dispositions en droit français a été réalisée par la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales. Les autorités françaises ont fait usage des marges de manœuvre octroyées par la Communauté en prévoyant, par exemple, que les services de levée et de distribution relevant du service universel postal sont assurés tous les jours ouvrables sauf circonstances exceptionnelles, soit six jours par semaine et non pas cinq comme le rend possible la directive. La Poste est le prestataire du service universel postal. Au titre des prestations relevant de ce service, elle est soumise à des obligations en matière de qualité des services, d'accessibilité à ces services, de traitement des réclamations des utilisateurs et, pour des prestations déterminées, de dédommagement, en cas de perte, de vol, de détérioration ou de non-respect des engagements de qualité du service.

En outre, la loi de 2005 a institué un « Fonds de compensation du service universel postal », qui pourrait être activé sur demande de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), dans l'hypothèse où la disparition du secteur réservé ne permettrait plus de financer le service universel. Ce fonds serait financé par les contributions des prestataires postaux titulaires d'autorisations, au prorata du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre du service universel.

M. Didier Quentin a ensuite présenté les principaux éléments de la proposition de directive. Elle prévoit d'abord une libéralisation totale du marché postal en 2009, en s'appuyant sur les conclusions de trois rapports préalables, notamment une étude sur l'impact sur le service universel de la libéralisation totale du secteur postal. La Commission européenne considère que la confirmation de 2009 comme date d'achèvement du marché intérieur des services postaux permettra, grâce à une concurrence accrue, d'améliorer le service en terme de qualité, de prix et de choix disponible pour les consommateurs et de libérer le potentiel de croissance et de création d'emplois du secteur.

Ensuite, la proposition entend maintenir le service universel, eu égard à la nécessité de préserver la cohésion sociale et territoriale, et compte tenu du fait que les Etats membres peuvent adapter certaines caractéristiques de leur service à la demande locale. La directive de 1997 avait prévu la désignation des prestataires du service universel par les Etats membres, mais, avec le renforcement prévisible de la concurrence, la Commission juge que les Etats devraient jouir d'une plus grande liberté. Ils pourront retenir l'une ou plusieurs des options suivantes : laisser aux forces du marché le soin de fournir le service universel, charger une ou plusieurs entreprises d'en fournir tel ou tel volet ou de couvrir telle ou telle partie du territoire, ou passer des appels d'offres.

En troisième lieu, la proposition énumère plusieurs options pour le financement du service universel, à l'exception du maintien d'un secteur réservé. Ainsi, sont suggérés comme possibilités de financement, la compensation publique par des subventions directes de l'Etat ou, indirectement, au moyen de la passation de marchés publics, la création d'un fonds de compensation financé par une redevance des prestataires de services et/ou des utilisateurs. Cette liste n'est pas limitative car les Etats membres doivent avoir la liberté de décider de la méthode de financement la mieux adaptée à leur situation particulière, en veillant à éviter « toute distorsion disproportionnée » du fonctionnement du marché.

Il importe de souligner que la Commission autorise les Etats membres à s'écarter du principe selon lequel les tarifs du service universel doivent être orientés sur les coûts par l'application d'un tarif national unique. Dès lors, le tarif unique serait limité aux envois nationaux et à destination des pays de l'Union tarifés à l'unité, qui restent le service le plus fréquemment utilisé par les particuliers et les petites et moyennes entreprises. Les Etats membres pourront aussi continuer à appliquer des tarifs uniformes à d'autres types d'envois, lorsque des « intérêts publics légitimes » sont en jeu (accès à la culture, cohésion sociale et régionale par exemple).

Enfin, les principales autres mesures figurant dans la proposition de directive sont relatives aux conditions d'octroi des autorisations et licences délivrées aux nouveaux opérateurs, ainsi qu'aux modalités d'accès aux éléments de l'infrastructure postale (système de code postal, base de données des adresses, boîtes postales, boîtes aux lettres, informations sur les changements d'adresse, service du retour à l'expéditeur).

A partir de ces éléments, les rapporteurs ont procédé aux contrôles de subsidiarité et de proportionnalité. Dans le court délai qui leur était imparti, ils ont pu réaliser quatre auditions pour approfondir leur réflexion. Ont ainsi été entendus la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, représentée par deux collègues M. Alain Joyandet (Président) et M. Alain Gouriou (Vice-président) ; des représentants de la direction de La Poste et deux syndicats (CGT-PTT et FO communication).

M. Jérôme Lambert, rapporteur, a souligné qu'on abordait un sujet délicat sur le plan politique car la régulation des services publics, depuis quelques années, sensibilise particulièrement les citoyens français.

En vertu de l'article 5 du traité instituant la Communauté européenne, le contrôle de la subsidiarité conduit à vérifier que, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient « que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».

Dans l'exposé des motifs de sa proposition, la Commission européenne fait valoir que l'action envisagée poursuit trois objectifs : 1) achever le marché intérieur des services postaux par la suppression des droits spéciaux ou exclusifs ; 2) sauvegarder un niveau commun de service universel pour tous les utilisateurs dans tous les Etats membres ; 3) établir des principes harmonisés de régulation des services postaux dans un marché ouvert. Elle ajoute que ces objectifs ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les seuls Etats membres et que, du fait de la portée et des effets de l'action proposée, ils peuvent être mieux réalisés au niveau communautaire.

Sauf à considérer que l'intervention de la Communauté est par principe illégitime dans les domaines ressortant de la catégorie des services publics - argument qui, juridiquement, ne paraît guère soutenable au regard des dispositions du traité - il semble difficile d'affirmer que la Communauté n'est pas la plus apte à réaliser les trois objectifs précités, qui comportent tous une dimension transnationale. Dans son dernier rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la directive postale, la Commission souligne d'ailleurs que les services postaux sont un élément important du marché intérieur des services et font partie de la stratégie de Lisbonne. De plus, il faut rappeler que la proposition de la Commission vise à modifier une directive adoptée en 1997 et déjà modifiée en 2002. Invoquer le principe de subsidiarité à l'encontre de cette proposition pourrait laisser supposer que, depuis neuf ans, la réglementation communautaire régit un domaine relevant des droits nationaux, sans que cela n'ait suscité de réactions de la part des Etats membres.

Pour ces diverses raisons, les deux rapporteurs tendent à considérer finalement que la proposition de directive n'appelle pas d'observation au regard du principe de subsidiarité.

En revanche, la question de la proportionnalité soulève des interrogations. En la matière, l'article 5, paragraphe 3, du traité prévoit que « l'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité ».

Dans son exposé des motifs, la Commission justifie son intervention au regard du principe de proportionnalité en avançant deux types d'arguments. Tout d'abord, la proposition se contente de prévoir un cadre général d'éléments réglementaires plutôt qu'une série détaillée de règles visant à réguler le secteur. Ensuite, la proposition offre aux Etats membres plusieurs moyens possibles d'atteindre au mieux les objectifs recherchés. Plusieurs exemples sont d'ailleurs mentionnés.

La question de la nécessité et des conséquences de la suppression totale du secteur réservé comme mode de financement du service universel est néanmoins au cœur du débat et peut conduire à s'interroger sur le respect du principe de proportionnalité. Il s'agit de savoir si en préconisant la disparition du secteur réservé, c'est-à-dire, pour l'essentiel, du monopole de l'opérateur historique sur les correspondances d'un poids inférieur à 50 grammes, la proposition de la Commission européenne n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis.

Cette interrogation est aussi celle du gouvernement français et de La Poste. Avant même que la Commission ne publie sa proposition, La Poste avait d'ailleurs signé, avec neuf autres opérateurs postaux (Belgique, Chypre, Grèce, Italie, Hongrie, Luxembourg, Malte, Pologne et Espagne) une déclaration conjointe laissant apparaître un clivage entre l'Europe du Nord, d'une part, et l'Europe du Sud et de l'Est d'autre part. Aux termes de cette déclaration, les signataires se disent inquiets de constater que, malgré l'appel à la prudence qu'ils avaient émis en juillet dernier, aucune démonstration n'est apportée de l'efficacité des mesures envisagées par la Commission pour le financement du service universel postal. Elles n'ont fait l'objet d'aucun test économique ou opérationnel et n'apportent pas la sécurité juridique suffisante.

Selon les rapporteurs, il apparaît que quatre arguments sont susceptibles de mettre en cause le respect du principe de proportionnalité par la proposition de directive : 1) la Commission n'apporte pas la preuve que les mesures de financement alternatives au maintien du secteur réservé sont plus efficientes ; 2) la suppression du secteur réservé est susceptible de fragiliser les prestataires du service universel ; 3) les exemples de libéralisation anticipée du marché postal ne sont pas probants ; 4) la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes confirme la possibilité de maintenir des droits exclusifs en matière postale.

S'agissant des mesures de financement alternatives au maintien du secteur réservé, il est évident que l'attribution de subventions serait soumise au strict encadrement communautaire des aides d'Etat et dépendrait des aléas budgétaires nationaux et locaux. Surtout, on aboutirait à une situation paradoxale où la libéralisation totale du marché conduirait à remplacer un dispositif qui s'autofinance, comme c'est le cas aujourd'hui en France, par un mécanisme nécessitant l'apport de crédits publics.

La mise en place ou, pour le cas français, l'activation d'un fonds de compensation ne paraît pas non plus une solution appropriée. Le précédent des télécommunications a amplement démontré que les difficultés de chiffrage du coût exact du service universel amènent à l'instauration d'une « usine à gaz ». En tout état de cause, les modalités de financement du fonds de compensation, telles qu'elles sont prévues par la loi du 20 mai 2005, à savoir un financement au prorata du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre du service universel, reviendrait à faire de La Poste le principal contributeur du fonds. Cette option serait donc très pénalisante pour l'opérateur historique, de même que celle préconisant l'affectation des marges bénéficiaires provenant d'autres activités.

Quant à l'augmentation du tarif des timbres postaux, il s'agirait d'une solution peu populaire et ne contribuant pas à améliorer la perception que les citoyens peuvent avoir des avantages de la construction communautaire.

Aucune des options préconisées par la Commission ne paraît donc satisfaisante. On peut même souligner qu'une étude préalable à la proposition de directive, réalisée à la demande de la Commission par le cabinet Price WaterhouseCoopers (PWC), indique expressément que les subventions directes et les fonds de compensation devrait, « dans la mesure du possible », être évités.

La liste des options n'étant pas limitative, il est possible d'envisager d'autres modes de financement du service universel. Par exemple, La Poste défend un dispositif reposant sur le principe « pay or play », dans lequel les nouveaux entrants devraient prendre en charge une partie des obligations du service universel - proportionnée à leur capacité de financement et à leur taille - ou sinon contribuer à un fonds. A priori, un tel mécanisme semble envisageable d'un point de vue juridique, compte tenu des nouvelles conditions fixées par la proposition de directive pour l'octroi des autorisations et licences. D'un point de vue technique, en revanche, on perçoit mal comment les missions du service universel pourront être réparties et il est évident que si le nouvel entrant préfère contribuer à un fonds, la question complexe du chiffrage du coût du service universel se posera de nouveau.

La deuxième incertitude sur le respect du principe de proportionnalité consiste dans le fait que la suppression du secteur réservé serait susceptible de fragiliser les prestataires du service universel. L'intervention de la Communauté européenne ne devrait être justifiée que par l'apport d'une valeur ajoutée au regard de la situation existante. Or, en supprimant la possibilité de maintenir un secteur réservé, il est possible que les prestataires du service universel soient affaiblis, ce qui se traduirait négativement sur le niveau et la qualité du service universel. Pour bien comprendre cet argument, il faut rappeler que le secteur postal possède au moins trois spécificités le distinguant des autres économies de réseau, pour lesquelles la Commission poursuit également une politique d'ouverture du marché.

Tout d'abord, c'est un marché qui a tendance à stagner, subissant la concurrence du courrier électronique. Ensuite, c'est un marché dont les barrières d'entrée sont relativement peu technologiques et peu capitalistiques et les possibilités de « niches » sont importantes. De nombreuses entreprises pourraient donc venir concurrencer l'opérateur historique, ne laissant à ce dernier que les zones les moins rentables à distribuer. En France, 6 nouveaux opérateurs ont déjà été autorisés, mais en Allemagne, 1088 opérateurs étaient déclarés actifs sur les différents marchés autorisés en 2005. Enfin, dans chaque pays de la Communauté, le courrier industriel représente la majeure partie du trafic des envois de correspondance des opérateurs historiques. L'analyse d'impact réalisée par la Commission observe ainsi que les entreprises représentent 87,5 % des expéditeurs dans l'ensemble de l'Union européenne. Les nouveaux entrants cibleront évidemment ce créneau, ce qui ne serait pas sans conséquences pour un opérateur comme La Poste, dont 30 % du chiffre d'affaires de la branche courrier est assuré par 50 entreprises seulement. Faute de ressources suffisantes, le prestataire du service universel pourrait être tenté de réduire le niveau du service universel. Notons qu'une telle tentation existe déjà, puisque dans de nombreuses communes rurales françaises, les services de levée ne sont désormais réalisés que 5 jours par semaine au lieu de 6. Des inquiétudes peuvent aussi s'exprimer quant aux conséquences de cette réforme sur l'emploi et sur la péréquation tarifaire.

Le troisième argument relatif au non-respect du principe de proportionnalité s'appuie sur ce que les exemples de libéralisation anticipée du secteur postal ne sont pas probants. A ce jour, le secteur réservé a déjà été supprimé en Finlande, en Suède et au Royaume-Uni. L'Allemagne et les Pays-Bas ont l'intention de le faire dès 2008, anticipant ainsi la date butoir de 2009. La Commission met en avant ces différents exemples et considèrent qu'ils donnent une impulsion forte aux Etats membres appliquant toujours un secteur réservé pour s'engager rapidement dans la même direction. Ce point de vue est contesté pour au moins trois raisons. En premier lieu, les conditions géographiques et démographiques propres à chaque pays font que le coût du service universel peut varier sensiblement d'un Etat à l'autre. Si l'on compare un pays comme les Pays-Bas, plutôt petit, plat et très urbanisé, avec la France, il est évident qu'il existe des caractéristiques de coût très différentes. En deuxième lieu, on ne doit pas oublier que, conformément au principe de subsidiarité, la définition large du service universel contenue dans la directive postale de 1997 est diversement interprétée dans l'Union européenne. On a déjà mentionné le fait que certains pays peuvent se contenter d'une levée et d'une distribution cinq jours par semaine, alors que la législation française le prévoit six jours par semaine. On peut aussi signaler que la répartition des bureaux de poste varie fortement d'un Etat à l'autre : si, en 2002, la France comprenait environ 3 bureaux de poste par 10 000 habitants, ce ratio était quasiment inférieur de moitié, soit 1,5 bureau de poste par 10 000 habitants, en Allemagne et au Pays-Bas. De telles différences ne sont pas non plus sans conséquences sur le coût du service universel. En dernier lieu, il convient de noter que si la Commission européenne se félicite des ouvertures anticipées à la concurrence, d'autres interlocuteurs considèrent que les politiques menées en Suède et au Royaume-Uni ont conduit à des réductions d'effectifs chez les opérateurs historiques, à des créations d'emplois précaires chez les nouveaux entrants, ainsi qu'à des remises en cause de la péréquation tarifaire.

Enfin, M. Jérôme Lambert a noté que la jurisprudence de la Cour de justice confirmait la possibilité de maintenir des « droits exclusifs » en matière postale. Dans son arrêt « Corbeau » du 19 mai 1993, statuant sur des questions préjudicielles concernant le droit exclusif de collecter, de transporter et de distribuer le courrier confié par la loi belge à la Régie des postes, la CJCE a admis que l'article 90 du traité permet aux Etats membres de conférer à des entreprises, qu'ils chargent de la gestion de services d'intérêt économique général, des droits exclusifs qui peuvent faire obstacle à l'application des règles du traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence sont nécessaires pour assurer l'accomplissement de la mission particulière qui a été impartie aux entreprises titulaires des droits exclusifs. Cette jurisprudence viendrait donc conforter juridiquement la nécessité économique et sociale du maintien du secteur réservé comme option laissée aux Etats membres pour financer le service universel.

A l'issue de l'exposé des rapporteurs, M. Axel Poniatowski a estimé que le texte proposé pour le projet d'avis soumis à la Délégation était un peu sophistiqué et s'adressait surtout à la Commission européenne.

Le Président Pierre Lequiller a répondu que tel était le but de l'exercice : il s'agit de demander à la Commission d'apporter de manière plus convaincante la preuve que sa démarche est justifiée au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

M. Jérôme Lambert, rapporteur, a reconnu que le projet d'avis était en lui-même peu explicite, mais a rappelé qu'il appartiendra à la commission des affaires économiques de finaliser la rédaction de la position qui sera transmise, au nom de l'Assemblée nationale, à la Commission européenne.

M. Didier Quentin, rapporteur, a considéré qu'il serait souhaitable de préciser que le principe de subsidiarité était respecté dans la mesure, notamment, où chaque pays conserve la faculté d'organiser son propre service postal.

M. Axel Poniatowski a estimé qu'il conviendrait cependant de mentionner dans le projet d'avis l'argumentation, très convaincante, des deux rapporteurs concernant le financement du service universel par le monopole sur les correspondances d'un poids inférieur à 50 grammes.

Le Président Pierre Lequiller a souligné qu'il s'agissait pour la Délégation du premier exercice de ce type visant à exprimer des réserves au regard de la proportionnalité. Or il convient d'être conscient du contexte : les Parlements nationaux se sont vu attribuer le droit de recevoir directement de la Commission les propositions de textes et de se prononcer directement sur celles-ci, mais cette démarche suscite une grande méfiance, notamment au Parlement européen. Aussi faut-il prendre garde : la subsidiarité et la proportionnalité ne doivent pas être utilisés comme prétexte pour rejeter un texte sur le fond, mais uniquement amener les parlementaires à signaler leurs éventuelles réserves à cet égard.

M. Axel Poniatowski a tenu à souligner l'importance capitale du sujet traité par la proposition de directive, sujet qui préoccupe beaucoup les Français, très attachés à leurs bureaux de Poste. Il faut marquer la volonté des membres de la Délégation de maintenir le service postal actuel.

M. Jérôme Lambert, rapporteur, a indiqué que la Délégation examinera cette proposition de directive au fond, dans quelques mois, au titre de l'article 88-4 de la Constitution, du moins si ce texte n'est pas entre-temps retiré par la Commission et poursuit son cheminement dans le processus décisionnel.

M. Michel Delebarre a mis l'accent sur le caractère interne de la procédure d'examen des textes au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Cet examen permet aux parlements nationaux de faire valoir des observations pendant l'élaboration de la directive. Dans le dialogue avec les institutions communautaires, les parlementaires nationaux peuvent ainsi demander des explications complémentaires. Toutefois, il convient de souligner que les Français ont donné mandat aux parlementaires d'être plus vigilants dans le suivi de l'élaboration des directives. Il importe donc d'être compréhensible par l'opinion publique. Aussi serait-il utile d'ajouter au projet d'avis quelques lignes pour expliquer aux Français pourquoi les membres de la Délégation ont émis ces observations.

M. André Schneider a indiqué qu'il souscrivait aux propos de M. Michel Delebarre.

Le Président Pierre Lequiller a proposé de reformuler de manière plus précise le projet d'avis en indiquant que la Délégation demande à la Commission européenne d'apporter des réponses aux réserves exprimées au regard de la proportionnalité, tout en évitant d'inclure des observations sur le fond, pour s'en tenir au problème juridique.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté le projet d'avis suivant, qui sera transmis à la présidence de l'Assemblée nationale pour que celle-ci le renvoie à la commission permanente compétente :

« Projet d'avis

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (COM [2006] 594 final)

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,

- considère que la proposition de directive n'appelle pas d'observation au regard du principe de subsidiarité, dans la mesure, notamment, où chaque pays conserve la faculté d'organiser son propre service postal ;

- demande à la Commission européenne d'apporter des réponses aux réserves qu'elle exprime au regard de la proportionnalité. En particulier, il lui est demandé :

. de démontrer que la suppression du secteur réservé concernant les correspondances d'un poids inférieur à 50 grammes ne fragiliserait pas les opérateurs postaux assurant le service universel ;

. d'établir que les autres modes de financement mentionnés dans la proposition permettraient de maintenir un service de qualité et de proximité ;

. de justifier que les exemples de libéralisation anticipée du secteur postal sont probants, alors que les conditions géographiques et démographiques propres à chaque pays, ainsi que les interprétations différentes données de la définition du service universel font varier sensiblement le coût de ce service d'un Etat à l'autre ».

II. Communication de M. Christian Philip sur l'évolution de la République de Chypre depuis son adhésion à l'Union européenne

M. Christian Philip, rapporteur, a rappelé que sa mission à Chypre, du 24 au 27 octobre 2006, intervenait trois ans et demi après une première visite et deux ans et demi après l'adhésion de Chypre à l'Union européenne le 1er mai 2004.

L'adhésion est une réussite parce que Chypre a su trouver la sécurité qu'il en attendait et réaliser les réformes nécessaires.

Le secteur maritime est passé de la liste noire des pavillons de complaisance en 2004 à la liste blanche en 2006. Le secteur bancaire fait désormais l'objet d'un contrôle sérieux et la lutte contre le blanchiment a été reconnue efficace par les partenaires de Chypre. Elle entrera probablement le 1er janvier 2008 dans la zone euro. Le seul problème lié à l'adhésion réside dans l'impossibilité de l'entrée dans l'espace Schengen. Dans le contexte actuel, il serait en effet irresponsable d'autoriser l'entrée de la République de Chypre dans l'espace Schengen sans l'établissement d'un contrôle sur la ligne de démarcation, dite verte. Mais imposer à la République de Chypre un contrôle serait donner à la ligne verte un statut de frontière et reconnaître de facto la RTCN.

La difficulté est d'autant plus grande que la Turquie ne demande pas de visa pour l'entrée sur son territoire des ressortissants des Etats membres de l'Organisation de la conférence islamique. De plus, elle n'exige de tout ressortissant étranger sur son territoire que le paiement d'un droit de 10 dollars pour passer à Chypre-Nord. Une fois à Chypre-Nord, il est facile de passer la ligne verte, et d'entrer sans contrôle en République de Chypre et donc dans un Etat membre de l'Union européenne.

L'adhésion est un succès, sauf pour ce qui concerne la première préoccupation des Chypriotes : la réunification. Beaucoup de Chypriotes voyaient dans l'adhésion à l'Union le moyen de débloquer le processus de la réunification de l'île. Ils s'aperçoivent que l'Union européenne n'est pas suffisamment unie pour imposer un règlement à la Turquie. La population est déçue sur ce plan. Si le Parlement chypriote a ratifié sans difficulté le Traité constitutionnel avec le soutien de tous les partis, sauf le parti communiste qui participe cependant à la coalition de gouvernement, un référendum aurait probablement été négatif.

Les blocages portent actuellement sur trois dossiers.

Les négociations sur la réunification de Chypre n'ont pu reprendre malgré quelques tentatives, depuis qu'elles se sont interrompues après le rejet du plan Annan par les Chypriotes grecs lors du referendum du 24 avril 2004. Ce rejet peut se comprendre objectivement. Ce plan ne prévoyait pas le retour possible au nord de tous les Chypriotes grecs réfugiés ni leur liberté d'établissement, ne prévoyait pas de Banque centrale unique, pas de décision politique ni administrative sans l'accord des dirigeants des deux communautés, avec exercice des pouvoirs exécutif et législatif par une Cour suprême où les trois juges étrangers, dont un Britannique, auraient en fait pris les décisions, et il ne comportait pas de démilitarisation de l'île ni d'Etat souverain dégagé de la tutelle de la Grèce, de la Turquie et du Royaume-Uni.

La proposition de règlement sur le commerce direct entre l'Union européenne et la partie nord de Chypre a fait l'objet d'une opposition de la République de Chypre, craignant qu'elle n'aboutisse à une reconnaissance de la RTCN. Cependant, Chypre a fait une proposition pour une gestion commune du port de Famagouste par les deux communautés et la Commission européenne et pour la restitution de la ville de Varosha à ses anciens habitants. La proposition de la Présidence finlandaise sur le commerce direct UE-partie nord s'inspire largement de cette proposition chypriote.

Le protocole additionnel à l'accord d'Ankara étendant l'union douanière Union européenne-Turquie aux dix nouveaux Etats membres, dont Chypre, n'est toujours pas appliqué par la Turquie. Les navires ou avions chypriotes ou en provenance de Chypre n'ont toujours pas accès aux ports et aéroports turcs.

La Présidence finlandaise a proposé en septembre l'entrée en vigueur du commerce direct UE-partie nord pour une durée limitée au travers du port de Famagouste, sous contrôle de l'Union européenne. En échange, la Turquie ouvrirait ses ports et aéroports aux navires et avions chypriotes ou en provenance de Chypre, et la ville morte de Varosha, actuellement sous contrôle de l'armée turque, serait placée sous contrôle de la force des Nations unies, déployée à Chypre depuis 1964.

Chypre se contenterait d'une mise en œuvre effective du protocole d'Ankara sans demander une ratification pour éviter au gouvernement turc un vote au Parlement à quelques mois des élections présidentielles et législatives de 2007.

Ce dispositif serait provisoire, dans l'attente d'une institutionnalisation. Mais, la Turquie ne semble cependant pas prête à accepter la proposition finlandaise et préférera probablement réserver ses éventuelles concessions au Conseil européen de décembre. Comme à d'autres périodes des relations entre l'Union européenne et la Turquie, le Premier ministre turc, M. Erdogan, essaiera de faire pression sur le Conseil européen. A la dernière réunion de la COSAC, le Premier ministre finlandais a souhaité que le Conseil européen n'en discute pas, mais entérine des décisions qui seraient prises par le Conseil des ministres sur des propositions de la Commission, qu'elle présenterait début décembre. C'est faire preuve d'un bel optimisme.

Si la Turquie refuse d'appliquer le protocole d'Ankara, l'Union européenne sera probablement amenée à choisir une solution d'attente. Aucun Etat membre ne veut la rupture des négociations d'adhésion avec la Turquie, y compris Chypre.

Une suspension des négociations sur les chapitres liés à l'union douanière serait un faux-semblant puisqu'il est prévu d'ouvrir ces chapitres seulement dans trois ou quatre ans. Une période de réflexion de dix-huit mois pourrait être laissée à la Turquie, pendant laquelle les travaux continueraient en groupes de travail, mais s'interrompraient au Conseil, pour relancer ensuite la dynamique politique des négociations. En tout état de cause, la division des Etats membres de l'Union ainsi que les positions pro-turques du Royaume-Uni ou de l'Espagne permettent difficilement de croire à un scénario trop sévère à l'égard de la Turquie.

Il est urgent de résoudre la question chypriote car chacun s'installe dans une partition de fait. Côté chypriote turc, la majorité de la population devient turque avec l'installation des colons, ne parle plus la même langue et ne voit pas très bien ce qu'elle gagnerait à une réunification qui l'éloignerait de la Turquie dont elle est originaire. Côté chypriote grec, la réunification représente pour les jeunes générations une idée mais elle n'est plus un souvenir.

Or, le statu quo dans lequel les deux communautés semblent prêtes à s'installer pourrait être dangereux à terme. Le développement immobilier de l'île rendra la restitution des propriétés de plus en plus difficile. Surtout, la République de Chypre a accordé des droits aux Chypriotes turcs, mais les Chypriotes grecs commencent à éprouver un sentiment d'injustice de ne pas bénéficier des mêmes droits et de la réciprocité. Tel est le cas, en particulier, quand une minorité de Chypriotes turcs résidant au sud peut revendiquer la restitution de ses propriétés devant les tribunaux chypriotes et qu'eux-mêmes ne disposent pas du droit au retour au nord et à la restitution de leurs maisons.

Plus le temps passe, plus il est difficile d'imaginer une solution. Une dernière possibilité d'ouverture pourrait se situer après les élections turques et chypriotes, au deuxième semestre 2008 sous présidence française de l'Union européenne. Compte tenu des liens politiques très étroits de notre pays avec Chypre, la France pourrait préparer une initiative sur la réunification de l'île en aidant les parties à aller vers des solutions de compromis.

Si le Président Papadopoulos décidait de se représenter aux élections présidentielles du printemps 2008, il aurait l'autorité et la confiance de son peuple indispensables pour lui faire accepter un accord, à condition de trouver en face un gouvernement turc également prêt à conclure un accord. Le Président Papadopoulos serait l'homme de la réunification après avoir été l'homme du non au plan Annan.

Cette initiative exigerait la coopération du Royaume-Uni et de la Grèce, puisqu'elle entraînerait la fin des accords de Londres et une révision de la Constitution de 1960, avec la disparition des trois Etats garants et la banalisation du statut souverain des deux bases du Royaume-Uni.

Cette échéance de 2008 paraît être la dernière opportunité, car ensuite il n'existera plus, des deux côtés, de vraie volonté de réaliser la réunification et Chypre-Nord aura alors vocation à s'intégrer à la Turquie, avec un résultat amer pour toutes les parties.

Enfin, le rapporteur a évoqué les relations entre Chypre et la France, qui se sont encore renforcées lors de la crise libanaise, avec notre utilisation des bases chypriotes que ce pays nous a ouvertes et non des bases britanniques. Ce fait a été très fortement ressenti par Chypre et son Président francophile, qui accorde beaucoup d'importance à la relation politique confiante entre nos deux pays. Le Président Papadopoulos souhaite conclure un projet d'accord bilatéral de coopération militaire et il serait souhaitable de lui donner rapidement satisfaction. Ce pays a également la volonté de développer l'enseignement du français, mais il n'est pas encore sanctionné par un examen au baccalauréat. Chypre est par ailleurs devenu membre associé de l'Organisation internationale de la Francophonie en septembre 2006, pour des raisons essentiellement politiques puisque ce pays est de tradition britannique, notamment dans son système d'enseignement, et qu'il fait l'objet d'un tourisme de masse de la part des Britanniques et des Scandinaves. La France est considérée par Chypre comme son meilleur allié pour se faire entendre dans l'Union européenne.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Michel Delebarre a fait part de son scepticisme quant à un règlement prochain de la question chypriote, même à l'échéance de la présidence française au second semestre 2008. Chypre représente de toute évidence pour la Turquie un important élément de négociation, voire de « chantage », dans ses relations avec l'Union européenne. A-t-elle donc intérêt à l'abandonner si tôt, à un moment où les perspectives qui s'offrent à elle sont éloignées et où elle ne dispose d'aucune certitude, alors même que celui-ci peut lui être utile encore longtemps ? En outre, quelles mesures de rétorsion l'Union européenne pourrait-elle prendre en cas de refus de la Turquie d'évoluer sur Chypre ?

Indiquant qu'il partageait ce scepticisme, le rapporteur a estimé qu'une initiative pourrait néanmoins être tentée, si la Turquie « joue le jeu ». Il faut notamment qu'elle réalise que plus le temps passe, plus il sera difficile de trouver une solution et que, dans dix ou quinze ans, il sera trop tard pour faire un compromis sur Chypre au moment où elle pourrait peut-être entrer dans l'Union européenne, sans cet obstacle énorme à son adhésion. Il est vrai d'un autre côté que l'Union européenne est divisée sur ce sujet. Le Royaume-Uni, par exemple, se satisfait très bien de la partition de l'île. En tout état de cause, un « pourrissement » n'est pas souhaitable, tant il peut conduire à des situations incontrôlables.

M. Didier Quentin a rappelé qu'il avait pu constater lorsqu'il s'était rendu dans l'île dans le cadre de ses travaux sur la sécurité maritime, la réalité du blocage, puisque les navires ne peuvent se rendre directement d'un port chypriote à un port turc.

Le rapporteur a considéré que le problème était moins d'ordre économique, puisque le trafic maritime s'est organisé en conséquence, que de nature politique. S'agissant de la sécurité maritime, Chypre a fait d'importants efforts de mise aux normes, dans le cadre d'une politique très volontariste.

La Délégation a autorisé la publication de cette communication sous la forme d'un rapport d'information.

III. Communication de M. Christian Philip sur la XXXVIème COSAC

M. Christian Philip, rapporteur, a indiqué que la XXXVIème COSAC, qui s'est tenue à Helsinki les 20 et 21 novembre 2006, avait en premier lieu permis de faire un point sur le développement du contrôle de subsidiarité et de proportionnalité par les parlements nationaux. La procédure « test » engagée par la COSAC, à propos de la proposition de règlement relative aux conflits de loi en matière de divorce, a montré que la plupart des parlements estimaient que cette proposition était conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Seuls la Chambre des députés et le Sénat tchèques, ainsi que le parlement néerlandais, ont émis un avis négatif à cet égard.

Par ailleurs, toutes les délégations se sont félicitées de la transmission directe, par la Commission européenne, des documents communautaires, tout en estimant qu'il fallait un peu de temps pour juger de la portée de cette procédure nouvelle.

Le second point à l'ordre du jour de la COSAC était l'examen du déroulement de la présidence finlandaise, marqué par un exposé de M. Matti Vanhanen, Premier ministre, présentant un bilan d'étape de sa présidence.

La COSAC a aussi entendu M. Franco Frattini, Vice-Président de la Commission, qui a fait un point approfondi sur la mise en œuvre du programme de La Haye. Le commissaire a notamment soutenu la mise en œuvre de la « clause passerelle » de l'article 42 du Traité, en soulignant que si l'on n'arrivait pas à obtenir sur ce point l'unanimité nécessaire au Conseil, il n'était pas exclu de passer par des coopérations renforcées - comme l'a proposé le Président Hubert Haenel, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union.

Le dernier point à l'ordre du jour de la COSAC était la « dimension septentrionale » et les relations avec la Russie, qui ont été introduites par des exposés de M. Paavo Lipponen, Président du parlement finlandais, et de M. Andrej Klimov, Président de la sous-commission de la commission des affaires étrangères de la Douma russe.

M. Christian Philip a conclu sa communication en soulignant que la réunion de la COSAC avait confirmé que la France était minoritaire pour demander une réforme des institutions préalable à tout nouvel élargissement. La France n'est pas la mieux placée pour tenir cette position alors qu'elle est l'un des deux pays de l'Union à avoir rejeté le projet de Constitution. Une proportion importante des parlementaires constituant la COSAC proviennent à présent des nouveaux Etats membres et se montrent naturellement favorables à la poursuite de l'élargissement. La contribution adoptée par la COSAC traduit cet état d'esprit.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que l'usage en vigueur à la COSAC était d'adopter les contributions par consensus, ce qui n'a pas permis de faire passer l'amendement qu'il proposait pour demander que la réforme des institutions soit préalable à tout élargissement. Il a considéré que la présidence finlandaise s'était montrée très prudente lors des débats, manifestant sa volonté de ne pas compromettre le processus d'élargissement vis-à-vis de la Croatie et de la Turquie. Il a noté que, s'agissant des conditions de la poursuite de l'élargissement, la COSAC était, dans les faits, répartie en trois groupes : celui qui partage à cet égard les positions françaises, un groupe central plutôt neutre et un dernier groupe se caractérisant par un a priori positif quant à la poursuite de l'élargissement. Il a conclu, en notant que l'atmosphère générale des débats à la COSAC ne faisait que confirmer la crise grave dans laquelle se trouvait l'Europe, et les difficultés rencontrées pour faire passer des initiatives nouvelles.

M. Michel Delebarre a souligné la position proche de la Russie qui est traditionnellement celle de la Finlande. Il a, par ailleurs, considéré que les difficultés évoquées par le Président Pierre Lequiller et par M. Christian Philip pour demander qu'une réforme des institutions soit le préalable nécessaire à tout nouvel élargissement, confirmait la nécessité de créer un statut d'Etat associé qui soit considéré comme une alternative à l'adhésion. Il a estimé que si ce statut était mis en place - ce qui permettrait de conclure un accord avec certains pays candidats sans les faire entrer dans l'Union - certains Etats membres, favorables a priori à la poursuite du processus d'élargissement, pourraient revoir leur position. Il a jugé que la France avait intérêt à faire des propositions précises dans ce sens.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que la disposition proposée par M. Michel Delebarre figurait dans le projet de Traité constitutionnel et qu'un nombre significatif d'Etats membres étaient opposés à ce que l'on mette en vigueur certaines dispositions du Traité, choisies indépendamment d'une réforme d'ensemble.

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point B

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de décision-cadre relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les Etats membres de l'Union européenne à l'occasion d'une nouvelle procédure pénale (document E 2847).

M. Christian Philip, rapporteur, a indiqué que cette proposition de décision-cadre vise à reconnaître aux décisions de condamnation prononcées dans tout Etat membre des effets juridiques strictement équivalents à ceux des condamnations prononcées par les juridictions nationales, lorsqu'une nouvelle procédure pénale, reposant sur des faits distincts, est engagée à l'encontre d'un individu déjà condamné. Actuellement le droit français reconnaît des effets juridiques importants aux condamnations antérieures françaises, notamment pour la durée de la détention provisoire, la récidive légale, la libération conditionnelle, les permissions de sortie ou les réductions de peine. Toutefois, aucun effet juridique n'est reconnu aux condamnations antérieures étrangères, à l'exception de la récidive légale, pour laquelle les condamnations prononcées dans les autres Etats membres de l'Union européenne sont prises en compte depuis la loi du 12 décembre 2005. La proposition de décision-cadre vise à corriger cette anomalie. Elle n'harmonise pas les conséquences attachées à l'existence de condamnations antérieures par les différentes législations nationales, mais repose sur un principe d'assimilation obligeant à prendre en compte les condamnations prononcées dans d'autres Etats membres dans les mêmes conditions que celles prononcées par les juridictions nationales. Son champ est large et inclut l'ensemble de la procédure pénale, de la phase préparatoire au procès jusqu'à l'exécution de la peine, et ne limite donc pas à la récidive légale. Sur proposition du rapporteur, la Délégation a approuvé ce texte ;

- projet de décision-cadre du Conseil concernant l'ordonnance d'exécution européenne et le transfèrement des personnes condamnées entre les Etats membres de l'Union européenne (document E 2862).

M. Christian Philip, rapporteur, a précisé que ce projet de décision-cadre, déposé par trois Etats membres (l'Autriche, la Finlande et la Suède) a pour objet de permettre aux personnes condamnées dans un Etat membre de purger leur peine privative de liberté dans un autre Etat membre dont elles sont ressortissantes ou dans lequel elles résident, dans un objectif de réinsertion sociale. La convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 permet déjà d'effectuer des transfèrements de détenus, mais ces transfèrement ne peuvent être opérés que vers l'Etat dont la personne condamnée a la nationalité et sont subordonnés au triple consentement du détenu, de l'Etat de condamnation et de l'Etat d'exécution ainsi qu'à la règle de la double incrimination. La peine peut en outre être convertie par l'Etat d'exécution. Le consentement du détenu n'est pas requis, selon le protocole additionnel du 18 décembre 1997, uniquement en cas d'évasion, d'expulsion ou d'éloignement. La proposition initiale de la Commission prévoyait d'étendre le transfèrement aux ressortissants de l'Etat requis ainsi qu'à ses résidents et à toute personne y ayant « d'autres liens étroits », et de supprimer le consentement de la personne détenue et de l'Etat d'exécution dans la plupart des cas. Elle projetait aussi de supprimer le contrôle de la double incrimination pour une liste de 32 infractions, similaire à celle du mandat d'arrêt européen. Le Conseil a décidé, lors de l'examen du texte, d'autoriser les Etats à maintenir le contrôle de la double incrimination s'ils le souhaitent. Il a réintroduit le consentement du condamné, sauf lorsqu'il est renvoyé vers l'Etat dont il est ressortissant et où il réside ainsi que dans les deux hypothèses visées par le protocole de 1997. L'accord de l'Etat d'exécution a aussi été réintroduit, sauf pour les transfèrements vers l'Etat dont le détenu est ressortissant et où il réside ou vers l'Etat dont il est ressortissant et vers lequel il sera expulsé ou reconduit après avoir purgé sa peine. Le rapporteur a proposé d'approuver ce texte, compte tenu des modifications qui lui ont été apportées, et en particulier de la réintroduction du principe de double consentement de l'Etat requis et de la personne concernée sauf dans des hypothèses strictement délimitées et justifiées. La Délégation a approuvé ce texte.

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, elle a ensuite approuvé les cinq textes suivants :

¬ Propriété intellectuelle

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins (version codifiée) (document E 3157) ;

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (version codifiée) (document E 3158).

¬ Santé

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement xxx/06 relatif aux médicaments utilisés en pédiatrie, modifiant le règlement (CEE) nº 1768/92, la directive 2001/20/CE, la directive 2001/83/CE et le règlement (CE) nº 726/2004 (document E 3298).

¬ Sécurité alimentaire

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° .../... concernant l'adjonction de vitamines, de substances minérales et de certaines autres substances aux denrées alimentaires (document E 3279) ;

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) .../... concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires (document E 3280).